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— GUILLAUME TELL
Author(s): Henri Blaze de Bury
Source: Revue des Deux Mondes (1829-1971) , 1er JUIN 1854, SECONDE SÉRIE DE LA
NOUVELLE PÉRIODE, Vol. 6, No. 5 (1er JUIN 1854), pp. 894-924
Published by: Revue des Deux Mondes
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(1829-1971)
Vie de Rossini , par M. Beyle. - Joachim Rossini , von Maria Ottinguer, Leipzig ł852.
ni.
(1) Prenez la Muette , Guillaume Tell, Bober tle Diable, la Juive , toutes
écrites dans le système français moderne : n'est-il pas évident qu'ici la pe
chanteur tient moins de place? David et Rubini étaient sans doute de plus
teurs que Nourrit, et cependant quelle figure ces artistes d'un si haut Ta
faite dans son répertoire? C'est que le virtuose est un être simple qui s'ent
ner un auditoire par la seule magie de la voix et de l'art qu'il possède d
tandis qu'avec le système en question le talent du chanteur doit se com
foule d'autres accessoires. Tous les journaux ne s'accordaient -ils pas derniè
le style que Mlle Cruvelli apporte dans la combinaison de ses costumes!
songé à féliciter la Malibran ďun pareil avantage? Là se trouve la différence des deux
principes : dans l'un, tout est subordonné au virtuose, qui dans l'autre devient un simple
rouage de la machine, et comme tel subit l'action des mille autres ressorts qui la com-
posent.
* (1) Cette tendance particulière à la musique moderne devait du reste s'étendre aussi
aux autres arts : je l'ai retrouvée en Allemagne, principalement dans les peintures de
Kaulbach, qui sont l'histoire en action, non plus d'un individu, d'un héros , mais de tout
un peuple.
(1) On s'est toujours mépris, selon moi, sur les conditions musicales de ce sujet de
Faust , traité vingt fois et maltraité par des compositeurs chez lesquels le sens du fan-
tastique prédomine. Un Voltaire musicien, Rossini dans ses meilleurs jours, tel je me
représente le maître capable de rendre ce poème par son côté le plus original : l'esprit.
(1) L'Espagne, qui compte vingt peintres du premier ordre, n'a pas un musicien qu'on
puisse citer. D'autre part, que vaut en peinture l'école napolitaine? Et c'est Naples qui
a donné au monde Cimarosa et Pergolèse. Double argument en faveur du système des
compensations !
(1) En terminant la partition de Ludovic , dont le chantre du Pré aux Clercs n'avait
laissé que des fragmens.
(1) Dans YAchilléide. Voir notre traduction des poésies de Goethe, p. 256 de l'édition
Charpentier.
(1) Le même qui adorait Cimarosa, dont il fit faire le buste par Canova :
A Domenico Cimarosa,
Ercole cardinale Consalvi.
lions barbares qui, pour être selon les règles, ne nous en écorcb
le tympan par leurs soubresauts et leurs contrecoups, déclam
mentée que traversent de rapides éclairs, mais qu'on ne saur
opéra! »
nos yeux tous les défauts du temps. Rossini voulait réussir et con-
naissait trop bien son public pour se priver ďune si intéressante
ressource. 11 y a en effet dans tous les âges une somme courante de
vulgarités dont il faut savoir trafiquer dès qu'on tient à passionner
de son vivant les multitudes. Grâce à Dieu, tous les hommes de génie
ne meurent pas à l'hôpital, il y en a même dans le nombre, et beau-
coup, qui mènent grand train et ne respirent que les roses de l'exis-
tence. La grande affaire est de s'y prendre habilement et de respec-
ter ce qui nous amuse. C'est presque toujours sous le firman de la
routine que les beautés d'un ordre nouveau gagnent du terrain et
finissent par s'introniser. Le génie, aussi bien que la médiocrité, se
sert de ces recettes dont je parle, de cette menue monnaie que cha-
cun trouve sous sa main. Seulement, tandis que celle-ci en fait naïve-
ment le fond de ses ouvrages, celui-là ne les emploie qu'à la surface
et comme on agite un miroir au soleil pour attirer les alouettes. Mal-
heur aux esprits hautains et tracassiers qui ne veulent rien concéder
de leurs droits! Il se pourra qu'un jour, après leur mort, la postérité
les dédommage. En attendant, la société n'aura pour eux ni fêtes,
ni triomphes, ni dotations princières. Or c'était à ces mondaines
jouissances qu'aspirait Rossini. Et comment ne les aurait-il pas sou-
haitées, lui qui s'entendait si merveilleusement à les peindre, lui le
chantre enjoué, voluptueux, facile, bienveillant de la jeunesse et de
la vie, lui à qui une seule corde a manqué, celle des larmes, et qui
de l'amour semble n'avoir connu que les sensations physiques, igno-
rant sa rêverie et ses langueurs divines! Une lumière fortunée, l'a-
zur limpide et transparent du ciel méridional, forme le fond de ses
tableaux, où le réel figure plutôt que l'idéal. D'autres ont choisi pour
horizon l'obscurité morne et les ténèbres, d'où se détache comme
dans les intérieurs de Rembrandt le rayon glorieux; chez Rossini
au contraire, c'est le nuage flottant, c'est l'ombre qui se détache du
soleil et fait épisodiquement ressortir l'incandescent foyer mélodieux
où tout s'absorbe.
La gloire de Rossini se rattache aux plus beaux souvenirs de la
restauration. Cette musique heureuse et splendide, parée de tout
l'éclat de l'opulence, ornée de toutes les grâces de la jeunesse et de
la vie, devait accompagner la renaissance des lettres et des arts. On
respire dans ces rhythmes enchanteurs je ne sais quel air de fête qui
seyait à merveille à la pompe des cours, à ce premier élan vers les
plaisirs qui s'empara de l'Europe échappée aux préoccupations d'un
passé plein de terreur. Comme tous les génies d'un ordre supérieur,
Rossini fut l'homme de son temps et de son pays. Par lui, une der-
nière fois l'Italie régna sur le monde, domination irrésistible que
l'altière Allemagne, en dépit de la mauvaise humeur qu'elle en res-