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DEMONS ET

MERVEILLES DE

L’INTERNET

UNIVERSITÉ BAYARD 1 ER FÉVRIER 2011.

YANN LEROUX, PSYCHOLOGUE ET PSYCHANALYSTE.

Le 20ième siècle nous a légué un réseau qui ne fait que


s’étendre et se développer.
L’histoire de ce réseau commence avec les bip-bip de
Spoutnik. Les américains prennent alors conscience de leur
retard technologique. A New-York, ou le satellite artificiel est
visible pendant la journée, des scènes de panique sont
rapportées. Les journaux s’inquiètent des motivations de
l’ours Russe et imaginent qu’ils se prépare à lancer une
bombe atomique sur la lune comme preuve de sa supériorité.
Le président Eisenhower met en place une nouvelle agence
de recherche de projets avancée. L’ARPA a pour objectif de
produire de la recherche dans les domaines les plus pointus.
Les hasards de la vie, le talent de quelques hommes, et les
énormes budgets de recherche alloués, font que quelques
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visionnaires se verront donnés les moyens de réaliser ce qui


n’était alors que des rêves utopiques. Les énormes broyeurs
de chiffres de l’époque vont être transformés en outils de
communication et en compagnons de travail. Et surtout, ils
vont être mis en réseau.
En 1969, le premier réseau informatique est opérationnel.
L’histoire raconte qu’il a crashé au bout de quelques secondes
mais au terme d’une aventure technique et humaine
extraordinaire, des hommes réussissaient à parler avec
d’autres hommes. L’ARPANET reliait quatre grand réseaux
universitaires et surtout mettaient en contact des étudiants,
des chercheurs, des idéologies et des imaginaires. Dans le
chaudron des années 1970, avec son communautarisme, son
anti-militarisme, son goût pour les drogues, sa confiance en la
technique, sa méfiance de toute autorité, des utilisateurs
bâtissent une culture dans et par le numérique. L’ordinateur
devient quelque chose d’aimable, et l’ensemble des
ordinateurs interconnectés, le réseau, un lieu où rencontrer
d’autres personnes. En 1979, quatre étudiants américains
inventent un système de discussion qu’ils appellent USENET.
USENET est pendant 10 ans le centre vibrant du cyberespace.
Il est remplacé par une invention qui vient du CERN de
Genève. Tim Berners Lee y écrit un nouveau langage, le HTML,
et le propose sur USENET en 1989. Le web est né. Ils se
répand comme une trainée de poudre et mute 10 années plus
tard. Il prend alors le nom de Web 2.0.
Le développement du réseau a été extraordinaire par la
vitesse avec laquelle il s’est produit. Le premier email a été
envoyé en 1971 et le premier site web mis en place en 1991.
Ces changements se sont faits à une vitesse inconnue
jusqu'alors. L’écriture a été inventée en Mésopotamie il y a
300 générations. L’imprimerie de Gutenberg a été développée
il y a 35 générations. Puis, à partir de l’invention du

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télégraphe en 1910, les choses s’accélèrent. Pratiquement à


chaque génération, un nouveau média apparait : le téléphone
en 1925, la radio en 1940, la télévision en 1955, le fax en
1970, l’ordinateur individuel en 1980 puis le Web, le Web 2.0,
et la connexion perpétuelle. Jamais, nous n’avons eu autant de
changements technologiques et jamais nous n’avons si peu
de temps pour les penser et évaluer leurs effets sur les
individus, les familles, les groupes, voire même les nations.
L’Internet est extraordinaire par les changements qu’il a
produit. Le réseau nous permet d’avoir facilement accès à des
informations, des biens ou des services. Il nous aide à
rencontrer d’autres personnes. Il modifie ce que nous avions
l’habitude d’appeler « vie privée ». Il est un véritable
catalyseur social.

Cela ne manque pas de susciter quelques inquiétudes.

LES DEMONS : LA CYBERADDICTION, LA PEDOPHILIE, LE


HARCELEMENT.

Lorsque l’on parcourt en pensée les paysages numériques,


trois démons viennent immédiatement à l’esprit. Ce sont la
cyberaddiction, la pédophilie et le harcèlement en ligne.

L A C Y B E R A D D I C T I O N

La cyberaddiction serait le fait de dépendre


psychologiquement des matières numériques. Cette
cyberaddiction pourrait concerner les jeux vidéo, mais aussi
des usages de l’Internet tels que les bavardoirs, les forums, ou

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encore les réseaux sociaux. Elle serait responsable de


décrochages scolaires, professionnels, ou même conjugaux.
La cyberaddiction est à la psychologie ce que le Monstre du
Loch-Ness est à la zoologie : un mirage, une invention, une
plaisanterie.. Elle a été inventé par un psychiatre américain,
Yvan Goldberg, en 1995. C’était alors une bonne blague par
laquelle Yvan Goldberg voulait marquer les limites du
Diagnostic Standard Manual.1
La plaisanterie a été reprise par Kimberly Young la même
année mais sur un mode autrement plus sérieux et alarmiste.
L’Internet et les jeux vidéo étaient alors pointés du doigt
comme cause d’une « nouvelle maladie ». Les jeux vidéo
devenaient des objets dangereux à l’origine de décrochages
scolaires, professionnels ou familiaux.
Des affaires dramatiques largement répercutées par les
médias contribueront à créer et a alimenter des paniques
morales autour des jeux vidéo et de l’Internet. Une panique
morale est une réaction d’inquiétude disproportionnée face à
certains groupes ou pratiques culturelles considérées comme
déviantes. Les jeux vidéo prennent ici la suite des jeux de rôle
ou de la bande-dessinées2 et « l’addiction aux jeux vidéo »
devient une formule incantatoire et expiatoire qui explique
des problématiques aussi diverses que l’échec scolaire, la
dépression ou les conflits conjugaux. Elle fonctionne comme
une boite noire qui réduit la complexité des conduites
humaines en une formule simple.
Nous avons aujourd’hui une dizaine d’années de recul et
une centaine d’études faites sur « l’addiction à l’Internet ou
aux jeux vidéo ». Une métasynthèse publiée en 2009 donne
une conclusion des plus sévères : définition inconsistante de la

1
Goldberg, I. (sans date). Internet Addiction Disorder. Retrouvé Mars 27, 2010, de
http://web.urz.uni-heidelberg.de/Netzdienste/anleitung/wwwtips/8/addict.html
2
Voir par exemple Wertham, F. (1954). Seduction of the Innocent. Amereon Ltd.

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cyberaddiction, sérieux biais dans les méthodes de


recrutement, erreurs les techniques d’analyses etc3.
Du point de vue scientifique, la question est donc close : il
n’y a pas de cyberaddiction.
Ce qui est en jeu, ce n’est pas l’addiction à un objet, mais le
type de relation qu’une personne noue avec cet objet. Un jeu
vidéo ou l’Internet sont des objets hyper-complexes, et ils
peuvent être utilisés à des fins très différentes. Il peuvent être
mis au service de la croissance psychique de la personne. Ils
peuvent aussi être au service de processus morbides. Dans un
cas, ils sont sources de connaissance, dans l’autre, ils sont
comme des tombeaux.
Devant une personne dont le temps d’utilisation des écrans
est excessif, il convient d’examiner la relation qu’il entretien
avec le média et cette relation est toujours complexe
puisqu’elle met en jeu à la fois les caractéristiques du média
et les caractéristiques psychologiques de la personne.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur, la complexité augmente d’un
gradient car il faut aussi prendre ne compte les interaction
parents-enfant c'est-à-dire les représentations qu’ont les
parents sur leur enfant, sur leur enfant jouant au jeu vidéo, et
les actions qui sont prises à son sujet dans la réalité.

L A P É D O P H I L I E .

Le second fléau de l’Internet est la pédophilie. Une récente


émission de France Télévision, « Les infiltrés », a dépeint
l’internet comme un nouveau terrain de chasse pour les
pédophiles. Les lieux qu’affectionnent les enfants – les

3
Sookeun Byun, Celestino Ruffini, Juline E. Mills, Alecia C. Douglas, Mamadou
Niang, Svetlana Stepchenkova, Seul Ki Lee, Jihad Loutfi, Jung-Kook Lee, Mikhail
Atallah, Marina Blanton. CyberPsychology & Behavior. April 2009, 12(2): 203-207.
doi:10.1089/cpb.2008.0102.

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réseaux sociaux, les forums, les bavardoirs – seraient utilisés


par des pédophiles qui y trouveraient des informations sur
leurs futures victimes. Les pédophiles utiliseraient ces
informations pour trop tromper les enfants sur leurs véritables
intentions, les appâter et finalement le violer.
Ce tableau ne correspond pas à l’expérience des
professionnels de la petite enfance ni aux données des études
récentes faites sur le sujet. L’étude la plus précise dont nous
disposons à ce jour a été faite par David Finkelhor a partir des
plaintes pour violence sur mineurs4.
Cette étude dresse un portrait assez éloigné des idées que
l’on peut se faire. D’abord, la question concerne très peu
d’enfants. Ce sont les adolescents qui sont parmi les victimes
les plus nombreuses. Ensuite, les crimes en question
impliquent très peu de violence. La raison en est simple : les
adolescents ont été séduits au cours de discussions en ligne
qui ont pu durer des mois. Les adultes ont ainsi gagné peu à
peu la confiance des adolescents en leur donnant des choses
très simples : du temps, de l’attention, de l’écoute. L’adulte
réussit ainsi à s’attacher profondément l’adolescent, à tel
point que certains ont pu refuser de coopérer avec les forces
de police.
L’étude de David Finkelhor met l’accent sur un point très
important : le plus grand risque pour l’adolescent ne vient pas
du fait d’avoir une présence en ligne, ni même d’échanger
avec de parfaits inconnus sur le réseau. Le plus grand risque
pour les adolescents est de souhaiter trouver des informations
sur la sexualité, et de ne pas pouvoir discuter avec les
personnes de son entourage.
L’adolescence est précisément une période où la question
de la sexualité émerge avec une force dont les adultes ne se

4
Wolak, J., Finkelhor, D., Mitchell, K., Ybarra, M. (2008). Online “Predators” and
their Victims: Myths, Realities and Implications for Prevention and Treatment.
American Psychologist, 63(2), 111-128 (CV163)

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souviennent pas toujours. Les transformations du corps, les


désirs, l’orientation sexuelle, la possibilité nouvelle de pouvoir
égaler ses propres parents par la force mais aussi en devenant
soi-même parents, le tout baigné dans un océan d’hormones
fait de l’adolescence une période chaotique pleine de
questions demandant- exigeant – de trouver des réponses.
Si des réponses ne sont pas données hors- ligne, alors
l’adolescent les cherchera en ligne.
La meilleure façon de protéger les enfants et les
adolescents est d’avoir une vision précise des dangers
auxquels ils peuvent être exposés et non de tenter de les
protéger de dangers imaginaires.
C’est pourtant ce que nous faisons lorsque nous les
prévenons du danger d’un pédophile se faisant passer pour un
enfant. Dans la plupart des cas d’abus sexuel, l’adulte n’a pas
masqué ses intentions sexuelles
C’est aussi ce que nous faisons en laissant de coté le fait
que la grande majorité des abus pédophiles sont le fait d’un
proche de l’enfant voire même d’un membre de sa famille.
C’est encore ce que nous faisons en laissant de coté que les
enfants qui sont victimes des pédophiles sont le plus souvent
des enfants qui sont esseulés ou qui vivent dans des familles
pathologiques ou dysfonctionnelles. Les enfants trouvent alors
(ou croient trouver) en ligne des espaces dans lesquels ils se
pensent en sécurité. D’autres sont confrontés à des exigences
éducatives ou scolaires bien trop grandes. Ce sont des enfants
qui excellent à l’école mais qui ont l’impression de ne jamais
satisfaire leurs parents. La course à l’excellence peut alors se
payer de troubles psychopathologiques ou de conduites à
risques… comme se confronter à la sexualité adulte. Dans les
deux cas, ce sont des enfants qui ne trouvent pas auprès de
leurs parents ou de leurs proches les espaces de discussion
dont ils ont besoin pour grandir.

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L E H A R C È L E M E N T E N L I G N E .

L’Internet peut être utilisé comme une colle sociale mais il


peut aussi servir de moyen pour « coller » à une personne
dans le but de l’indisposer ou de lui nuire..
Le harcèlement n’est pas une chose nouvelle. Une histoire
comme La guerre des boutons en donne quelques exemples,
et peut être trouverez vous dans vos souvenirs des situations
ou un enfant a été harcelé par quelques autres. Mais l’Internet
donne à ces querelles des reliefs nouveaux
D’abord, la colère d’un adolescent vis-à-vis d’un autre peut
trouver une publicité qu’elle n’avait pas auparavant. Elle peut
se répandre de proche en proche, d’amis en amis dans le
groupe de connaissances. Elle progresse par des effets de
contagion, et peut contaminer tous les membres d’un réseau
social. De SMS en « notifications » sur Facebook, tout le
groupe se mobilise. Des enfants dans des classes différentes
sont ainsi alertés du conflit et suivent sa progression. Des
individus, des groupes ou des bandes poursuivent dans le
cyberespace des conflits qui avaient commencé dans la cour
de récréation, ou prolongent dans la cours de récréation une
dispute qui avait démarré dans le cyberespace.
Par identification, les membres du groupe peuvent produire
les même actes que l’agresseur : insultes, menaces, images
choquantes sont alors adressées en masse à la victime dans
des buts d’agression. Certains adolescents sont ainsi touchés
par des campagnes haineuses qui peuvent être relayées par
de parfaits inconnus.
La seconde nouveauté est que la protection peut être
beaucoup plus difficile dans les mondes numériques. En effet,
il est possible d’atteindre une personne sur son numéro de
téléphone, son adresse email, son compte Facebook, sur son

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compte Messenger et sur tous les autres comptes sociaux que


peuvent posséder la personne (Youtube, Deezer etc.).
Ensuite, le relatif anonymat de l’Internet conjugué à des
effets de groupe ou de foule peuvent donner lieu à des
phénomènes de harcèlement en ligne d’autant dommageables
pour la victime qu’elle se vit comme vulnérable dans zones
qu’elle vivait comme personnelles ou intimes.
Enfin, ce que Internet amène de nouveau, c’est que le
harcèlement ne se fait plus derrière les classes ou en dehors
de l’école. L’Internet rend visible le harcèlement d’une part
parce que en ligne toutes les interactions laissent une trace,
et d’autre part parce qu’ils se produisent dans une
environnement qui est aussi fréquenté par les adultes.

Beaucoup d’adolescents ne perçoivent pas la gravité du


harcèlement : ce ne sont que quelques messages envoyés, ou
un commentaire désobligeant mis sur un blogue ou posté sur
Facebook. L’anonymat relatif du réseau, l’absence de face-à-
face, l’idée que ce qui s’y produit est « virtuel », l’impression
de fluidité des échanges produisent une désinhibition qui
favorise ou accentue les mouvements agressifs.
Si l’Internet connait quelques Démons dans le sens ou il
peut faciliter ou révéler des conduites préoccupantes,
pathologiques ou perverses il connait aussi des Merveilles

LES MERVEILLES. LES MATIERES NUMERIQUES

Les parents ont souvent deux types de réaction au sujet des


enfants et des écrans. La première est l’admiration. Ils
admirent alors l’aisance des enfants devant les écrans. Ils
considèrent qu’ils sont face à une génération de digital natives

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aussi a l’aise dans les environnements numériques que les


poissons dans l’eau
L’idée selon laquelle il y aurait des digital natives et des
digital migrants a été apporté par Marc Prensky. Pour ce
pédagogue américain, les autochtones du numériques
requièrent de nouvelles approches pédagogiques. Les
matières numériques et les opérations qu’elles permettent
leur sont naturelles. Ils utilisent les outils collaboratifs du web
2.0, délaissent la télévision pour l’ordinateur qui leur est à la
fois un espace de travail et de jeux. Ils accèdent aux
ressources en ligne par l’ordinateur mais aussi par la
téléphonie mobile dont ils font une grande consommation. Ils
utilisent massivement Internet : 63% se connectent plusieurs
fois par semaine et 60% utilisent régulièrement MSN5. La
figure du « digital native » a été si investie que lorsque
Matthew Robson, 17 ans et 7 mois explique « Comment-les-
adolescents-consomment-les-média » la banque d’affaire
Morgan Stanley présente son avis comme s’il s’agissait de
celui d’un analyste financier senior.
Pourtant, il y a quelques biais.
Le digital native est avant tout une métaphore. Le digital
natives est un bon sauvage disposant des abondantes
ressources que lui dispense la généreuse nature numérique. Il
est dans un rapport naturel et pur aux choses numériques qui
n’ont pas de secret pour lui.
Si les enfants utilisent si facilement les outils numériques,
c’est parce que leur ergonomie s’est considérablement
améliorée. Tout utilisateur d’un ordinateur des années 1990
devait passer par la maitrise des arcanes du config.sys et de
l’autoexec.bat s’il voulait voir simplement son ordinateur
démarrer. Aujourd’hui, les interfaces et les machines sont
beaucoup plus faciles à utiliser. Les designers privilégient la
5
Etude Consojunior réalisée par le Pôle Media Consommation de TNS media
intelligence. 2008

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facilité d’utilisation en rendant les machines « amicales » avec


les utilisateurs. Mais cette facilité ne doit pas faire oublier
l’essentiel : pour bien utiliser un outil, il faut comprendre son
fonctionnement. Il faut donc que les enfants apprennent à
interpréter les résultats d’une requête sur un moteur de
recherche, qu’ils sachent faire le travail d’analyse qui leur
permette d’identifier la fiabilité d’une information, qu’ils
sachent comment fonctionne Wikipédia et les blogues, qu’ils
connaissent le fonctionnement des sites de réseaux sociaux
comme Facebook.
Faire de toute une génération des digital natives, c’est leur
méconnaitre le travail nécessaire qu’ils doivent effectuer pour
s’approprier les outils de la culture. C’est ne pas les
accompagner dans les apprentissages qui leur permettront
d’avoir une litteracie suffisante des mondes numériques. C’est
finalement se refuser, comme adultes, a effectuer le travail de
transmission qui est le notre.
La seconde réaction des parents devant les écrans est de
s’inquiéter de l’impact des matières numériques sur les
enfants. D’évidence, les enfants aiment les écrans, et ils les
aiment d’autant plus que leur prise en main est apparemment
facile. Mais l’intense plaisir qu’ils prennent à jouer avec des
jeux, le temps passé avec les jeux vidéo6, l’immersion
profonde qu’ils suscitent ou encore les rencontres qu’ils
peuvent faire en ligne inquiètent les parents Les écrans
devient une cause de dispute avec les enfants parce qu’ils
rechignent à arrêter de jouer ou parce qu’ils sont encore plus
énervés lorsqu’ils ont joué avec un jeu vidéo. Beaucoup de
parents concluent alors que les écrans ont un effet négatif.
Il est tentant de penser qu’il existe de « bons » et de
« mauvais » jeux vidéo. Les premiers soutiendraient les
apprentissages des enfants tandis que les seconds seraient
6
Il est estimé qu’arrivé en terminale, un enfant aura joué avec les jeux vidéo
autant d’heures qu’il aura reçu de cours.

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inutilement excitants, porteurs d’images violentes et


apporteraient des modèles négatifs de comportements.
Cependant, plutôt que de faire un tableau opposant les
« bons » et les « mauvais » effets des jeux vidéo, il est bien
plus utile de reconnaitre ce que nous savions lorsque nous
étions enfants : les enfants aiment la violence en faire
semblant, que celle-ci se présente sous la forme de jeux de
bagarre, de mythes, de contes, de dessins animé ou des jeux
vidéo.
De plus, l’agitation après le jeu n’est pas nécessairement un
signe négatif.
L’enfant qui attrape ses pistolets immédiatement après
avoir joué à un jeu vidéo et qui prend pour cible ses parents,
ou l’adolescent qui parle abondement de Facebook alors qu’il
vient juste de quitter le site de réseau social fait quelque
chose d’important. Le premier traduit dans des gestes et des
mouvements ce qu’il a éprouvé dans l’immobilité forcée du
jeu tandis que le second traduit son expérience en ligne en
mots. Ce mouvement est a accompagner plutôt qu’à réprimer.
Quelques commentateurs font des jeux vidéo quelque chose
de particulier. Parce qu’ils embarquent des images, les jeux
vidéo seraient une sorte de prêt-à-porter de l’imaginaire. Ils
produiraient des effets de formatage des imaginaires et des
personnalités. C’est oublier que le monde médiéval s’est
formé dans des livres qui mélangeaient les lettres et les
images C’est oublier que les enfants retrouvaient dans les
livres de contes les illustrations de Gustave Doré. C’est aussi
oublier que le monde d’aujourd’hui est un monde d’images et
que une partie du travail des adultes est d’aider les enfants à
s’orienter dans ces images.

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Francoise Dolto appelait « l’allant-devenant » le travail


auquel est confronté chaque enfant. Les enfants sont en effet
entraînes par la maturation biologique. Ils ne peuvent pas
l’empêcher ni la modifier. Ils doivent donc faire quelque chose
de ce qu’ils sont en train de devenir. Ce travail de construction
de soi passe par la symbolisation des expériences vécues.
Cette symbolisation se fait de trois façons différentes. La
première est la plus prisée des psychologues. Il s’agit de la
mise en paroles de ce qui a été vécu. Mais cette symbolisation
est assez tardive, et elle est précédée par deux autres types
de symbolisations. Les symbolisations émotionnelles et
sensori-motrices transforment les éprouvés bruts en gestes et
en émotions c'est-à-dire en éléments de communication avec
soi-même et avec les autres.
Il n’y a pas de symbolisation qui soit meilleure que d’autre.
S’il fallait donner un critère de bonne santé psychique, ce
serait le fait de pouvoir passer d’un registre à l’autre. Certains
sont capables de parler très calmement de choses difficiles,
mais sont incapables de jouer ou encore de vivre les émotions
qui sont associées aux événements qu’ils racontent. De la
même manière, il n’est pas possible de dire qu’un type de
média soit meilleur qu’un autre : les combats de Dragon Ball
ou de Naruto sont aussi important que la mise à mort du loup
dans les Trois Petits Cochons ou les combats de rue de Call of
Duty.
Comme les contes de fées, un film au cinéma ou une partie
de cache-cache, les jeux vidéo donnent à l’enfant des
occasion de penser. Ils sont des offres de symbolisation.

1) Les jeux vidéo sont des offres de symbolisation parce


qu’ils donnent, comme les contes de fées, des images sur

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lesquelles s’appuyer. Bon nombre de jeux sont des quêtes


initiatiques au cours desquelles le héros traverse des épreuves
dont la réussite est sanctionnée par des pouvoirs accrus. Ces
personnages fournissent des appuis identificatoire à l’enfant
qui peut s’imaginer comme venant à bout de difficultés
extraordinaire ; elles donnent également des modèles de
comportement : comment se conduit-on en homme ou en
femme valeureux. Ensuite, les jeux vidéos sont riches en
images de transformation, qu’il s’agisse de celles de
bâtiments dans un jeu de stratégie ou de l’équipement d’un
soldat dans un jeu de tir. Pour l’enfant, ces transformations
anticipent les transformations corporelles et psychiques qu’il
aura lui aussi à traverser pendant l’adolescence.
2) Les jeux vidéo aident à la symbolisation car ils mettent
au contact de la complexité. On se plaint – et souvent avec
raison – de l’indigence des scénarii des jeux vidéo. Mais leur
complexité est ailleurs. Elle est dans la gestion fine et
simultanée qu’il faut avoir de toute une série de facteurs. Cela
est particulièrement évident dans les jeux de gestion car il
faut s’occuper du développement parallèle de plusieurs unités.
3) Les jeux vidéos peuvent également être des aides à
penser du fait de leur interactivité. Ils aident à construire des
raisonnements en s’appuyant sur des procédures par essai-
erreur et en pensant d’une façon globale, synthétique,
intuitive. Ils permettent de découvrir et d’explorer un autre
type de pensée que celui qui est jusqu’à présent soutenu par
les apprentissages scolaires. Il est probable qu’ils deviennent
de plus en plus utiles du fait du développement des matières
numériques qui implique de gérer des multitudes
d’informations, de données, de services, de personnes.
4) Enfin, mais peut être est-ce là leur fonction la plus
importante, les jeux vidéo sont des aides à la symbolisation
parce qu’ils sont des jeux. Ils permettent de se situer dans un

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registre de fonctionnement particulier dans lequel la question


de la réalité ne se pose plus. Ce n’est pas que la réalité
n’existe plus : jouer n’est pas délirer ou halluciner – c’est que
la différence entre la réalité externe et la réalité interne est
pour un temps suspendue.
Là, dans ce temps et dans cet espace particulier, des
choses peuvent être expérimentées et vécues profondément
sans risque pour soi ou pour l’autre. Il est possible de s’y
montrer agressif voire cruel, mais il est également possible de
prendre soin de quelqu’un d’autre de façon extrêmement
dévouée. Par exemple, dans des jeux comme les Sims, il n’est
pas rare de voir un enfant abandonner un Sim dans une
situation problématique (sans nourriture, entouré de dangers
etc.). Cela ne signifie nullement que l’enfant est un sadique en
puissance, mais tout simplement qu’il joue avec des
représentations angoissantes qui sont communes à tous les
être humains. Nous avons tous craints d’être abandonnés, de
nous retrouver face à des parents affamant etc. Le jeu permet
de rejouer ces angoisses et de s’en rendre maitre. Il permet
également d’explorer l’autre position en passant de la position
passive (par exemple l’enfant abandonné) à la positon active
(l’enfant abandonnant ou le parent abandonnant).

L E S P R A T I Q U E S D E S E N F A N T S E T D E S A D O L E S C E N T S E N

L I G N E .

Les résultats les plus complets sur les conduites des enfants
en ligne viennent sans doute d’une recherche conduite par
Mizuko Ito et son équipe en 2008.
La plupart des adolescents utilisent le réseau Internet pour
rester connectés avec leurs connaissances. Ils utilisent les
différents médias (SMS, réseau social, MSN) pour poursuivre
des discussions qui peuvent être publiques ou privées. Une

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discussion commencée sur un média peut se continuer sur un


autre. Les adolescents sont ainsi toujours connectés à leurs
connaissances, et leurs préoccupations du moment. Il se
produit alors ce que Leisa Reichelt a appelé une « intimité
ambiante » c'est-à-dire « le fait d’être capable d’être en lien
avec des personnes a une régularité et une intimité qui ne
serait pas normalement possible, parce que l’espace et le
temps conspirent pour le rendre impossible »
L’internet est aussi utilisé comme source d’information. Il
peut s’agit d’éléments utilisés dans le cadre de leur travail
scolaire, mais aussi d’intérêt plus personnels. Les forums de
discussion se sont spécialisés la collecte ou la production de
savoirs très spécifiques qu’il s’agisse de la manière de jouer
dans un MMO comme World of Warcraft, le montage vidéo ou
la programmation. Dans ces groupes, il est aussi possible de
faire connaitre son travail et d’obtenir des formes de
réputation.
Ils acquièrent ainsi des savoir-faire : comment modifier une
page My Space, écrire en miroir sur Facebook ou réaliser un
rush zergling. Les savoirs sont partagé à la fois au sein de
groupes d’amis mais aussi au sein de communautés en ligne.
C’est un savoir qui peut être lacunaire. Il est constitué par
bricolages et tâtonnements. Certains se spécialisent dans une
activité, et peuvent alors acquérir une expertise équivalente à
celle des adultes.
Le temps perdu en ligne est du temps gagné en
socialisation. En effet, la participation à la vie en ligne fait
maintenant partie de la socialisation des plus jeunes. On s’y
informe des derniers potins et l’on reste en contact avec son
groupe d’amis. Les espaces numériques sont devenus les
nouveaux terrains vagues où les adolescents aiment à trainer.
Ils y ont leurs habitudes, et leurs lieux préférés. Il y ont
également leurs débordements. Les charivari des cours de

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récréation ou le harcèlement systématique d’un enfant peut


se prolonger en ligne
L’Internet est un lieu où les enjeux autour de l’identité sont
retravaillés. En effet, être sur le réseau nécessite en se créer
une identité en ligne, qu’il s’agisse d’une adresse email, d’un
compte MSN, d’un blogue, d’un personnage dans un MMO ou
dans un compte Facebook. L’identité que chacun crée en ligne
est toujours en lien avec des éléments personnels conscients
et inconscients. De plus, le pseudonyme de l’Internet permet
de mettre en tension différents aspects du Self : sur les
blogues, la tristesse d’un deuil peut se dire, alors qu’elle sera
tue partout ailleurs.
Enfin, l’Internet, par ses caractéristiques, offre un cadre de
travail qui intéresse particulièrement les adolescents.
Sur Internet, l’adolescent peut s’y reposer du travail d’avoir
un corps, en jouant sur les changements d’identité ou de
formes que les avatars permettent. Les adolescents peuvent
alors se sentir plus à l’aise dans un espace comme l’Internet
dans lequel le corps à corps n’est pas engagé.
L’internet peut servir de débarras ou de grenier où déposer
des éléments trop chargés affectivement pour être intégrés
immédiatement. Les blogues jouent ainsi être le lieu ou les
fantaisies les plus bizarres peuvent être affichées ou de façon
plus banale ou certains aspects du Self peuvent être explorés.
Le clair-obscur de l’Internet permet à l’adolescent à la fois de
reconnaître ses pensées étranges comme étant les siennes et
de recueillir les commentaires d’autres adolescents. En ce
sens, le blogue joue un rôle dans le travail de subjectivation.
Enfin, l’Internet offre un cadre temporel. Les conversations
en ligne se font au rythme que souhaite l’adolescent. Il peut
choisir de laisser une conversation en suspens pendant
quelques heures, pendant quelques jours, ou même de
l’abandonner.

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Démons et merveilles de l’Internet. Yann Leroux. http://www.psyetgeek.com

En permettant de mettre en jeu le corps, le Self et le temps


d’une toute autre manière que dans l’espace hors-ligne,
l’Internet peut aider au travail de subjectivation de
l’adolescent. Ce travail passe par un travail d’écriture de soi
sur les blogues ou les sites de réseaux sociaux comme
Fabook.

CONCLUSION

L’Internet est plus qu’un média. C’est un environnement


numérique qui est devenu pour beaucoup d’entre nous
pervasif. Les Démons et les Merveilles qu’on y trouve sont
souvent ceux qu’on y apporte. L’Internet fonctionne alors
comme un miroir. Il nous montre ce que nous pouvons faire de
meilleur en terme de coopération et d’inventivité. Mais il nous
montre aussi ce que nous pouvons faire de pire. Dans le
cyberespace comme dans l’espace tangible, la première et
plus importante cause de souffrance psychique est l’autre.
De la même façon que nous avons appris à vivre au
voisinage des livres, nous devons apprendre a vivre au
voisinage des matières numériques. Nous devons apprendre
de nouvelles littératies. Nous devons leur apprendre à vivre
avec, dans et par l’Internet.

Un dernier mot. Internet a été bâtit sur un idéal de partage


et de coopération. Le réseau tel que nous le connaissons ne
ressemble en rien à ce qui avait été prévu au départ et il est
probable qu’il se développe encore dans des directions
surprenantes. Mais il a su préserver, jusqu’à présent, ces
valeurs de partage, de coopération, de liberté. S’il y a

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Démons et merveilles de l’Internet. Yann Leroux. http://www.psyetgeek.com

vraiment une Merveille, elle est là : c’est la neutralité de


l’Internet. C’est aussi la plus fragile. La détruire
transformerait, assurément, le réseau en repaires de Démons.

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