Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Nicolas Beudon
Cette
création
est
mise
à
disposition
selon
le
Contrat
:
Paternité-Pas
d'Utilisation
Commerciale-Pas
de
Modification
2.0
France
disponible
en
ligne
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/
ou
par
courrierpostal
à
Creative
Commons,
171
Second
Street,
Suite
300,
San
Francisco,
California
94105,
USA.
2
Table des matières
II.
L'offre
des
bibliothèques
en
matière
d'information
et
d'actualité ...............17
LES
DOCUMENTS
PROPOSES,
LES
FONDS
SPECIALISES .................................................. 17
LA
PLUS
VALUE
DOCUMENTAIRE,
LA
BIBLIOTHEQUE
COMME
MEDIA ..................... 20
L'ENJEU
DE
LA
COOPERATION ................................................................................................ 23
Bibliographie........................................................................................................................41
LA
PLACE
DE
L’INFORMATION
DANS
LE
MODELE
ANGLO-SAXON .............................. 41
L’INFORMATION
ET
L’ACTUALITE
A
LA
BPI ....................................................................... 41
LES
BIBLIOTHEQUES
ET
LE
MONDE
DE
LA
DOCUMENTATION,
LES
ENJEUX
DE
L’ACCES
A
L’INFORMATION ...................................................................................................... 42
L’ACTUALITE
ET
L’INFORMATION
EN
BIBLIOTHEQUE ................................................... 42
TRAVAUX
D'ETUDIANTS
(DISPONIBLES
A
LA
BIBLIOTHEQUE
DE
L’ENSSIB) ......... 44
3
Introduction : Actualité et information en
bibliothèque, une présence paradoxale ?
5
documentation » à partir du moment où « les bibliothécaires ont commencé à se
préoccuper de l'actualité, à constituer des collections de périodiques et à surveiller la
pertinence de leurs fonds.1»
L'une des formes les plus visibles de ce phénomène sont les forums, les salles
d'actualité qui se développent au tournant des années 70 et 80 : à Lyon dès 1972, puis à
la BPI en 1977, et dans des dizaines d'autres villes ensuite, jusqu'au récent espace Vie
du citoyen de la bibliothèques des Champs Libres à Rennes... Qu'est-ce qu'une salle
d'actualité ? La terminologie en la matière est quelque peu flottante : les notions de salle
d'actualité ou de référence, de forum, d'espace infodoc, de kiosque ou d’infothèque,
parfois se recoupent, parfois s'opposent ou se complètent. Bien souvent, comme à
Reims, la salle d’actualité est une salle des périodiques dont la fonction se limite à la
consultation de la presse et des magazines, éventuellement d’un fonds d’usuels. Dans
d’autres cas, il s’agit d’un véritable centre de documentation au sein de l’établissement,
réunissant des fonds en prise sur l'actualité au sens le plus large du terme, et des services
répondant à un besoin d'information spécifique. Lorsqu'une salle d'actualité n'existe pas
en tant que telle, ses composantes peuvent être éclatées et réparties dans plusieurs
espaces, comme à Amiens ou à Marseille. Parfois la bibliothèque dispose bien d’une
offre spécifique mais sans qu’une salle ou un espace en particulier lui soit consacré.
C’est le cas à Clermont-Ferrand, où l’on trouve à la fois des dossiers de presse
régionaux et un service de documentation sur l'emploi, les métiers, la vie pratique. Pour
cerner le phénomène, il vaut mieux donc parler, de façon générale, de services
d'actualité et d'information, plutôt que de salles d’actualité.
A la fin des années 80, alors que l'idée d'une société de l'information se
popularisait, ces services à géométrie variable semblaient préfigurer la « bibliothèque
du futur », que Bernard Stiegler imaginait alors comme le « lieu où actualité en temps
réel et archives en temps différé se réfléchiront par et pour le lecteur.2» Pourtant, avec
le développement fulgurant des réseaux, des technologies de l'information et de la
communication, et la généralisation de l'informatique, cette idée est paradoxalement
1
Cité
par
ACCART,
Jean-Philippe,
«
Bibliothécaire,
documentaliste
:
même
métier
?
»,
Bulletin
des
l’actualité
à
la
mémoire
de
l’actualité
»,
Les
25
ans
de
la
BPI,
encyclopédisme,
actualité,
libre
accès,
BPI/Centre
Pompidou,
2003,
,
p.
58
6
entrée en crise : des portails internet aux journaux gratuits, l'actualité semble
omniprésente, continuellement accessible, et à peu de frais. A première vue,
l'information n'est plus un bien rare, et il semble qu'on n'ait guère besoin de la
bibliothèque pour se documenter, s'informer, ou pour suivre l'actualité. Pour preuve, la
salle d'actualité de la BPI a été supprimée en 1997, et la bibliothèque d'actualité qui
faisait partie des premiers projets de la BNF n'a jamais vu le jour...
7
I. L'introduction de l'information et de
l’actualité dans les bibliothèques françaises
De façon constante dans l'histoire du XXe siècle, les vagues d'innovation dans le
monde des bibliothèques se sont appuyées sur la figure rhétorique du « retard français ».
Dès la fin du XIXe siècle, il est de bon ton d'opposer aux bibliothèques françaises tel ou
tel modèle étranger, en particulier celui de la « public library » anglo-saxonne. Les
services d'actualité ne font pas exception : le modèle que revendiquent leurs promoteurs
d'hier et d'aujourd'hui c'est celui de la bibliothèque de référence anglo-saxonne. La
Bibliothèque Publique d’Information, qui ouvre ses portes en 1977, constitue sans doute
la première tentative de créer une bibliothèque de référence à la française. Dans une
large mesure, les services d’actualité et d’information contemporains tirent leur
inspiration de l’exemple fournit par la BPI il y a déjà trente ans.
LE MODELE ANGLO-SAXON
3
TOCQUEVILLE,
Alexis
De,
De
la
démocratie
en
Amérique,
Tome
II,
première
partie.
En
ligne
:
http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_2/democratie_tome2.html
8
fournir des informations plus que des corpus, des connaissances plus que des savoirs,
des faits plus que des pensées.4» Aujourd’hui encore, parmi les « douze raisons pour
lesquelles les bibliothèques sont utiles à la nation 5» dénombrées par l’American
Library Association, l’information des citoyens figure à la première place, et la
préservation du passé à la dernière.
Du point de vue français, c’est sans doute le trait le plus saillant du modèle
anglo-saxon : le primat de la demande sur l’offre. Les bibliothèques anglo-saxonnes
sont, comme le souligne Déborah Shorley, « créées en vue des besoins bien définis de
l'utilisateur final, plutôt qu'en fonction de quelque notion abstraite de ce qui pourrait
être utile.7 » Ces « besoins » doivent être entendus au sens le plus large possible, en
incluant des types de documents que l’on ne s’attendrait guère à trouver dans la plupart
des bibliothèques française. Il est par exemple courant de voir proposé dans les
établissements anglo-saxons des services de documentation économique, qui seraient
plutôt chez nous du ressort des chambres de commerce et d’industrie, ou des offres
d’emploi. Le service business insight de la bibliothèque de Birmingham met ainsi à
disposition de ses usagers des données économiques, des brevets et des formules
4
POULAIN,
Martine,
«
Retourner
à
Tocqueville
:
pour
comprendre
l’histoire
comparée
des
bibliothèques
américaines
et
françaises
au
XIXe
siècle
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
2002,
n°
5,
p.
66-73
5
«
12
Ways
Libraries
Are
Good
for
the
Country,
A
2000
revision
of
the
list
that
originally
appeared
in
bibliothécaires,
1996
7
SHORLEY,
Deborah,
«
Les
services
de
référence
dans
les
bibliothèques
publiques
en
Grande-Bretagne
9
chimiques, des biographies de parlementaires en vue de lobbying, il fournit une aide à la
recherche d’emploi, des conseils personnalisés sur le droit d’auteur, etc.
Cette primauté accordée à la demande sur l'offre a souvent été critiquée. Ses
détracteurs croient reconnaître dans le modèle anglo-saxon un glissement de la
bibliothèque vers la « librairie publique » au sens propre. C’est oublier la définition
anglo-saxonne de la bibliothèque comme « community service », un service «
communautaire » ou social. Dans ce cadre, observe Andrew Green, être à l’écoute de la
demande de la population correspond à « une volonté d’aider les gens à se réaliser
pleinement ». L’idée d’une réponse ciblée à un besoin documentaire précis, est loin de «
réduire la bibliothèque à des outils fonctionnels » ou de « réduire le service public à
une meilleure réponse à la demande individuelle » comme s’en inquiète Martiner
Blanc- Montmayeur8, la public library a au contraire un rôle éminemment politique,
social et citoyen, elle sert l’intérêt général, qu’enveloppe la notion de « communauté » :
Les community services fournissent souvent une aide pour certaines démarches
administratives, hébergent des associations, communiquent les professions de foi des
partis politiques en période électorale, les annonces de ventes de charité. Ils diffusent
une large gamme de documents pratiques : Jean-Philippe Lamy remarque qu’à Glasgow
la bibliothèque fournit « une information immédiatement exploitable sous forme
d'adresses, de programmes, et de listes d'associations, d'organismes administratifs ou
privés dans les domaines sociaux, culturels, professionnels, sportifs, [...] des cassettes
audio (pour les aveugles) ou vidéo (langage des signes), le contenu portant toujours sur
les aspects socio-éducatifs (sécurité dans la rue, au foyer, etc.).10 » Souvent, les
8
Cité
par
LE
SAUX,
Annie,
«
À
votre
service
!
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
1997,
n°
3,
p.
79-
80
9
GREEN,
Andrew,
«
La
bibliothèque
au
service
de
la
communauté
en
Grande-Bretagne
»,
Bibliothèques
10
community services s’organisent, au sein de la bibliothèque, en véritables centres
d’information spécialisés, comme le Disability Advice and Information de Saint Helens
(un service d’accueil, d’orientation et de conseil pour les handicapés) ou le Community
ressource centre de Hartlepool (un service d’information sur le droit, les prestations
sociales, le logement et l’emploi...). Il n’est pas rare non plus qu’ils s’insèrent dans de
vastes réseaux documentaires, comme HATRICS, « un grand réseau coopératif de
bibliothèques et de centres d'information du Sud de l'Angleterre qui a pour but le
soutien économique de la région à travers une infrastructure locale de renseignements
commerciaux et industriels.11 »
11
FOX,
Nick,
«
Un
réseau
documentaire
anglais
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
1993,
n°
2,
p.
44-49
11
machine à vapeur ou des livres, c’est à la bibliothèques qu’on doit aller se
renseigner.12»
librairie
dans
les
deux
mondes,
Mercure
de
France,
1908,
tome
II,
p
413
13
SEGUIN,
Jean-Pierre,
Comment
est
née
la
BPI
:
invention
de
la
médiathèque,
Bibliothèque
publique
12
recherche documentaire16 » à destination du grand public. Cette orientation vers
l’information est à l'origine de choix cruciaux dans la définition de l'identité de la
bibliothèque : l’absence de magasins, le libre accès généralisé, le rejet du prêt, et donc,
l’assimilation de l’ensemble de l’établissement à une véritable bibliothèque de référence
« à la française ».
L’un des apports originaux de la BPI par rapport au modèle anglo-saxon, sous
l’influence probable des pays nordiques (où le modèle de la public library fut importé
au début du XXe siècle) réside dans l’accent mis sur la notion d’« actualité », non
seulement en tant que qualité essentielle d’une documentation et d’une information à
jour, mais également au sens que les médias donnent à ce terme : idées et débats actuels,
évènements et phénomènes de société contemporains. La salle d’actualité de la BPI (qui
16
Décret
n°76-82
du
27
janvier
1976
portant
création
de
la
bibliothèque
publique
d’information
(BPI),
liée
par
convention
à
l’établissement
public
du
centre
national
d’art
et
de
culture
Georges
Pompidou
17
MARINET,
Anne,
«
Le
téléphone
public
d'information
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
1984,
13
a disparu en 1999) avait moins vocation à constituer un centre de documentation au sein
de la bibliothèque (comme public-info) qu’à reconstituer dans la bibliothèque une sorte
de « librairie sans stock19» : basé sur un partenariat original avec l’édition, la « salle
d’ac’ » proposait, aux côtés de quelques ouvrages de référence, une sélection de livres
et de disques issus des services de presse, et conservés un an en rayon. C’était un lieu de
feuilletage et de découverte plutôt que de lecture et de recherche, et un haut lieu
d’animation culturelle, où s’organisaient des débats d’actualité hebdomadaires, inspirés
des « débats de la Fnac et de ceux d’Apostrophes, la célèbre émission d’Antenne 2.20»
La BPI, en introduisant en France l’idée de bibliothèque de référence, ne se contentait
donc pas de reproduire ou d’importer le modèle anglo-saxon, elle proposait un approche
nouvelle, infléchissant l’idée de la bibliothèque comme lieu d’information dans une
direction d’avantage culturelle, reflétée par la notion ambivalente d’« actualité ».
19
BARBIER-BOUVET,
Jean-François,
POULAIN,
Martine,
Publics
à
l'œuvre
:
Pratiques
culturelles
à
la
Bibliothèque
publique
d'information
du
Centre
Pompidou,
La
documentation
française,
1986
20
BENVENISTE,
Annie,
ROMAN,
Joël,
L’université
cachée,
dix
ans
de
débats
au
centre
Georges
14
l'exception.23» En 2000, une enquête menée par l’IUT Michel de Montaigne avance le
chiffre de 70 à 80 espaces d’actualité sur les quelques 2800 bibliothèques municipales
françaises.
Par delà cette diversité, on observe une récurrence thématique très forte dans les
missions de ces services : si les établissements les plus modestes ont certes tendance à
définir leurs services d’actualité et d’information de façon relativement
unidimensionnelle, le trait caractéristique de la plupart d’entre eux consiste au contraire
à croiser la documentation spécialisée et l’actualité générale d’une part ; une dimension
citoyenne et réflexive et une dimension purement utilitaire et instrumentale d’autre part.
C’est ainsi qu’à Montpellier, le forum de l’actualité est à la fois « une zone
d’information rapide » et « une bibliothèque du citoyen24 ». A Bordeaux, le service
Information et actualité se propose de constituer un « service de première intervention »
en matière d’information « tenant compte de l'ensemble des besoins de la population
dans les domaines les plus divers : administratif, civique, économique, familial, social,
23
GUDIN
DE
VALLERIN,
Gilles,
«
D’une
salle
de
presse
à
un
forum
de
l’actualité
»,
Actualité,
informations,
services
de
référence
en
bibliothèques,
Bordeaux,
Presses
universitaires
de
Bordeaux,
2000,
p.
81
24
GUDIN
DE
VALLERIN,
Gilles,
«
De
l’équilibre
des
publics
et
des
collections
:
La
nouvelle
bibliothèque
centrale de Montpellier », Bulletin des Bibliothèques de France, 2000, n° 3, p. 56-64
15
vie pratique, loisir et bricolage compris.25 » mais aussi de donner « des clés pour
comprendre le monde contemporain, analyser et mettre en perspective la somme
d’informations diffusée chaque jour.26 », et d’« aider le citoyen à se repérer, se situer,
progresser dans sa vie sociale. » A Rennes, le pôle Vie du Citoyen, a vocation à «
mettre à disposition des lecteurs des documents d’analyse et de compréhension des
grands débats d’actualité », à fournir aux différents publics des éléments de réponse à
leurs « interrogations pratiques (santé, loisirs et vie culturelle, vie pratique, emploi) »,
mais aussi à leurs « interrogations civiques» en diffusant l’« actualité sur la vie de
l’agglomération, les institutions, la politique, la vie sociale, les droits de l’homme.27»
25
«
Programme
d’établissement
définitif,
bibliothèque
de
Bordeaux
Mériadeck
».
Document
interne.
26
Site
Internet
de
la
ville
de
Bordeaux,
Présentation
des
bibliothèques.
www.bordeaux.fr/ebx/portals/ebx.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pgPresStand7&classofcontent=pre
sentationStandard&id=516
27
Pôle
documentaire
«
Vie
du
citoyen
»
-
politique
documentaire.
Document
interne.
16
Il ne suffit pas de mettre des périodiques en rayon pour permettre aux lecteurs
d’accéder à une information exploitable, l’accès à leur contenu nécessite la fourniture
28
GUDIN
DE
VALLERIN,
Gilles,
«
D’une
salle
de
presse
à
un
forum
de
l’actualité
»,
Actualité,
informations,
services
de
référence
en
bibliothèques,
Bordeaux,
Presses
universitaires
de
Bordeaux,
2000
17
d’index ou de répertoires, souvent issus autrefois d’un dépouillement manuel laborieux
et qui prennent de plus en plus la forme de bases de données informatiques, comme CD-
RAP, un répertoire de périodiques dépouillés collectivement et édité par la BM de
Lyon, Indexpresse, une base de dépouillement de la presse périodique française, ou
Europresse, une base de données en texte intégral. Dans un domaine voisin, celui de
l’accessibilité, de nombreux établissements, comme Rennes, Toulouse ou Montpellier,
proposent les services de « Vocale Presse », un logiciel de synthèse vocale permettant
aux déficients visuels de consulter, dès le jour de leur parution, des magazines et des
quotidiens nationaux ou régionaux.
Outre les périodiques, l’offre d’information passe par les usuels, les ouvrages de
référence et la littérature grise : manuels, guides pratiques, brochures, plaquettes, argus,
plans et cartes, etc. Ce type de documentation se situe à deux extrémités : parfois
spécialisée et onéreuse (comme les « PFM », les publications à feuillets mobiles dans le
domaine juridique, qui comptent parmi les « best-sellers » de la consultation dans les
établissements comme la BPI29), elle est d’autres fois complètement gratuite mais
dévoreuse de temps et de personnel compétent, puisqu’on la trouve en dépouillant
certaines revues ou en prospectant auprès d’institutions et d’associations.
29
ARNAUD,
Cécile,
«
Les
renseignements
juridiques
en
bibliothèque
publique
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
1996,
n°
4,
p.
83-84
18
d’informations diverses, rapides ou laborieuses – adresses, listes d’associations,
données sur une entreprise ou un secteur d’activité économique, pistes pour une
recherche d’emploi, réponses à un questionnaire scolaire, statistiques, images pour
illustrer un film ou retrouver un décor urbain disparu, informations sur une
personnalité, portraits, plans, itinéraires de randonnée, etc. » 30
Outre les fonds régionaux, les collections les plus répandues portent sur l’emploi
et la santé. La Cité des métiers et la Cité de la Santé constituent le paradigme de ce type
d’offre. A la bibliothèque de Saint-Quentin-en-Yvelines, un espace de ressources
spécifiques sur le handicap vient d’être constitué, tandis qu’à Blois, le service
Information et Actualité a développé un espace santé. Les fonds d’information sur
l’emploi, la vie économique, l’orientation professionnelle, comme « Infocime » à Issy-
les-Moulineaux ou la « formathèque » de Montpellier font l’objet d’une très forte
demande de la part des usagers. Ils sont structurés autour des collections de l’Onisep,
des guides édités par l’Etudiant, des nomenclatures des métiers de l’ANPE, des
plaquettes des organismes de formation locaux, d’ouvrages d’entrainement et de
préparation aux concours, de logiciels de rédaction de CV, de documents sur la création
d’entreprise, etc. A Saint-Quentin, l’emploi et la formation ne devaient pas prendre
initialement l’ampleur qu’ils occupent aujourd’hui au sein de l’espace Infodoc (près de
50% du fonds), la forte présence de ces thèmes est la conséquence d’une très forte
demande des lecteurs dans ce domaine.
30
WEBER,
Yvette,
«
Les
collections
régionales
à
la
bibliothèque
municipale
de
Lyon
»,
Bulletin
des
19
remplir en temps limité, n’ont pu l’assumer qu’avec un délai de réponse trop long.31 »
Le dispositif adopté par la ville de Paris pour gérer ce type de situation, un circuit
d’acquisition parallèle plus rapide dédié à l’actualité, apparaît finalement peu adapté car
il n’est pas conçu dans la perspective d’un véritable service de référence : un document
lié à l’actualité, s’il peut être rapidement acquis et mis en rayon grâce à ce système, sera
exclu de l’offre de la bibliothèque dès qu’il aura été emprunté par un lecteur...
ville
de
Paris
(Mémoire
d’étude,
diplôme
de
conservateur
des
bibliothèques,
2006)
32
LE
POTTIER,
Nicole,
«
Les
recherches
documentaires
»,
MOUREN,
Raphaëlle,
PEIGNET,
Dominique,
Le
métier
de
bibliothécaire,
Cercle
de
la
librairie,
2003,
p.
265
33
ACCART,
Jean-Philippe,
«
Bibliothécaire,
documentaliste
:
Même
métier
?
»,
Bulletin
des
20
de la vie régionales, etc. Les services de référence se virtualisent eux aussi : les
Guichets du savoir animés par la bibliothèque de Lyon, le réseau Biblioses@me
réunissant une douzaine d’établissements autour de la BPI, se proposent, dans la droite
ligne du téléphone public d’information, de répondre aux demandes d’information les
plus variées de leurs usagers, comme le souhaitait autrefois Morel. David Soret
remarque que « le passage au service de référence virtuel accompagne souvent la mise
en place d’un service de référence tout court.34» Il y a un paradoxe français en la
matière : ces services de réponse à distance fleurissent actuellement bien que la fonction
de référence elle-même ait toujours été mal connue, peu étudiée et peu mise en œuvre
en France, à l’inverse du monde anglo-saxon où elle fait l’objet d’un haut degré de
formalisation et dispose même d’une revue dédiée depuis près de trente ans (The
Reference Librarian).
34
SORET,
David,
L’évolution
des
services
de
référence.
L’exemple
du
Renseignement
documentaire
à
21
parfois assourdissants : le travail des bibliothécaires dans de domaine, pour peu qu’il
découle d’une réflexion approfondie et d’une démarche consciente inscrite dans une
politique documentaire, représente un réel intérêt face à certains services en ligne
comme Google Actualité, qui se contentent de sélectionner et de traiter l’actualité à
travers une série d’algorithmes plutôt qu’à travers un véritable filtre intellectuel...
Si la bibliothèque peut, dans certains cas, être considérée comme un média à part
entière, elle revendique aussi, avec insistance, une forme de spécificité. Pour Claire
Stra, le rôle de la BPI est ainsi de diffuser l’information, de répercuter l’actualité, mais
aussi de la mettre en forme « pour qu’elle soit plus lisible » : la bibliothèque a un rôle à
jouer dans « l’enseignement par rapport aux médias » :
On
a
un
rôle
social,
celui
de
donner
une
vision
pluraliste
de
l’information.
[...]
Les
gens
sont
très
sensibles
à
la
propagande
et
à
la
manipulation
;
c’est
un
rôle
à
jouer
pour
un
service
public
que
de
garantir
une
certaine
neutralité
et
la
pluralité.
Il
existe
malheureusement
une
grosse
carence
de
formation,
un
problème
dans
l’enseignement
par
rapport
aux
médias,
il
y
a
des
notions
de
35
COUSIN,
Marthe,
MULLER,
Joëlle,
«
La
collaboration
entre
journalistes
et
médiathécaires,
l’exemple
de
l’espace
sciences
actualités
de
la
Cité
des
Sciences
»
Actualité,
informations,
services
de
référence
en
bibliothèques,
Presses
universitaire
de
Bordeaux,
1999
22
base
à
faire
passer
pour
que
les
enfants,
les
adolescents
deviennent
des
citoyens.36
Cette façon de tendre vers l’actualité, tout en revendiquant une position de recul,
de nature réflexive ou citoyenne est, nous l’avons déjà vu, le propre des services
d’actualité en bibliothèques. Cette posture se concrétise parfois dans des initiatives
concrètes comme les « Regards sur l’info », un rendez-vous annuel organisé par la
médiathèque de Lorient en partenariat avec le CLEMI, le Centre de liaison de
l’enseignement aux moyens d’information, un organisme issu de l’Education nationale
ayant pour objectif «la promotion d’un accès pluraliste des médias dans l’Education
pour favoriser une meilleure compréhension du monde et développer le sens critique
des élèves.37»
L'ENJEU DE LA COOPERATION
La bibliothèque, à partir du moment où on la considère comme un point d'accès
à l'information, appartient, qu’elle y soit intégrée ou pas, à un réseau documentaire : un
ensemble d’institutions proposant une offre voisine, complémentaire ou éventuellement
rivale de la sienne. Il est évident que la bibliothèque ne peut pas tout posséder dans ses
collections, et qu’elle n’a pas intérêt non plus à élaborer une offre redondante par
rapport à ce qui existe déjà ailleurs. Travailler en partenariat avec d’autres institutions
(médias, associations, administrations, centres de documentation et d’information...) est
donc un enjeu majeur.
23
substituer ni à un avocat, ni à un médecin, ni à une assistante sociale, ni à un technicien
agricole, ni à un conseiller d'orientation [...] Le service d'information ne donne pas de
conseils et il n'est pas non plus intégré dans un organisme qui apporte une solution aux
problèmes.38» Pourtant, ce simple rôle d’intermédiaire, de référent, en principe neutre et
bienveillant, lorsqu’il est mis en œuvre dans le cadre d’un service public, remplit une
fonction éminemment sociale. C’est ce que souligne Nadine Massias :
38
LE
POTTIER,
Nicole,
«
Informez,
il
en
restera
toujours
quelque
chose...
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
24
documentation de la ville de Rennes, le CRDP et le CDDP, la fédération des œuvres
laïques, l’office du tourisme de Rennes, etc.
25
comme l’illustre si bien le monde anglo-saxon.41 » Certaines expériences locales
s’efforcent de surmonter ces difficultés en construisant de véritables réseaux
documentaires, c’est le cas par exemple de la COBB, l’agence de coopération des
bibliothèques et centres de documentation en Bretagne. Créée en 1985, il s’agit d’une
association à vocation régionale réunissant élus, bibliothécaires, archivistes,
documentalistes et qui vise à mettre en réseau l’ensemble des services publics afin de
faciliter l’accès aux ressources documentaires bretonnes.
41
MASSIAS,
Nadine,
art
.
cit.,
p.
121
26
III. Une bibliothèque dans la bibliothèque
UN PUBLIC SPECIFIQUE
42
1)
la
lecture
thématique,
2)
la
lecture
problématique,
3)
la
lecture
éclectique,
4)
la
lecture
romanesque
par
genre,
5)
la
lecture
romanesque
par
auteur,
6)
la
lecture
du
"frais"
(VERON,
Eliseo,
Espaces
du
livre
:
perception
et
usages
de
la
classification
et
du
classement
en
bibliothèque,
Bibliothèque
publique
d'information/centre
Georges
Pompidou,
1990)
43
Ibid.,
p.
66
27
d’une manière isolée, il n’est pas pensé par rapport à un domaine thématique ou
disciplinaire plus large.44 »
44
Ibid.,
p.
47
45
TIEVANT,
Sophie,
La
Cité
des
métiers,
évaluée
par
la
pratique
de
ses
usagers
,
étude
ethnographique,
28
long, et centré sur la consultation plutôt que sur l’emprunt. Dans sa singularité, ce
rapport au document recoupe les évolutions générales des usages observés récemment
par le CREDOC : l’usager des bibliothèques, quel qu’il soit, est de moins en moins un
« emprunteur » qui s’inscrit à la bibliothèque pour lire chez lui : « au-delà de leur
fonction initiale de prêt, les bibliothèques sont aujourd’hui, de plus en plus, des lieux de
lecture sur place pour les livres (50% des usagers en lisent sur place) et la presse
(36%).47»
B. Lahire constate que la lecture pragmatique est d’abord celle des milieux
populaires et des faibles lecteurs. Quel est le profil sociologique des usagers intéressés
par l’actualité et l’information ? On dispose de très peu de données à ce sujet, toutefois,
un certain nombre d’observations semblent converger : si l’usager moyen des
bibliothèques est plutôt féminin, jeune, et diplômé, les lecteurs qui nous intéressent en
sont l’exact opposé. A la BPI, les multiples enquêtes conduites dans les années 80 et 90,
définissent le public de la salle d’actualité comme « très différent de celui de la
bibliothèque48 » : il compte beaucoup moins d’étudiant, plus de chômeurs et de
personne peu diplômées, une majorité d’homme, souvent d’origine étrangère et plus
âgés que la moyenne. Gilles Gudin de Vallerin constate de la même manière que le
public du forum de l’actualité à Montpellier est « majoritairement masculin» et que «
22% des lecteurs sont à la recherche d'un emploi.49»
47
CREDOC,
«
La
fréquentation
des
bibliothèques
publiques
a
doublé
depuis
1989
»,
Consommation
et
mode
de
vie,
n°
193,
mai
2006.
En
ligne
:
http://www.credoc.fr/pdf/4p/193.pdf
48
BARBIER-BOUVET,
Jean-François,
POULAIN,
Martine,
op.cit.,
p.
156
49
GUDIN
DE
VALLERIN,
Gilles,
«
D’une
salle
de
presse
à
un
forum
de
l’actualité
»,
Actualité,
29
classes populaires sont généralement très minoritaires par rapport aux classes
moyennes.50 »). Une enquête récente de la bibliothèque de Lyon a mis en évidence de la
même manière que les Guichets du savoir ne se substituent pas à la bibliothèque mais
« conquièrent un public nouveau.51 » La proportion des usagers de ce service âgés de
plus de 30 ans s’élève à 67% (contre 49% à la bibliothèque). Les jeunes, les personnes
scolarisées, sont beaucoup moins nombreuses, tandis que les retraités, et surtout les
personnes en activité représentent une part beaucoup plus importante (63%) que dans la
bibliothèque (25%).
Le fait que nous ayons affaire à la BPI et à Lyon à des services en ligne joue
probablement un rôle important dans ces chiffres, sans doute même essentiel (les
personnes actives peuvent plus difficilement se déplacer à la bibliothèque, l’anonymat
lève certaines inhibitions...). Toujours est-il que, de façon générale, les services
d'information, dans la mesure où ils constituent une offre alternative à celle de la
bibliothèque, en proposant une autre approche de la lecture, et un autre rapport au
document, apparaissent comme un facteur de diversification des publics, et un moyen
de capter certaines personnes éloignées de la lecture publique ou mal à l’aise vis-à-vis
de ses institutions, et qui en ont sans doute bien plus besoin qu’elles ne l’imaginent.
50
MARINET,
Anne,
«
Le
téléphone
public
d'information
»,
Bulletin
des
bibliothèques
de
France,
1984,
30
salle d'actualité.53 » La force d'attraction qu'exercent ces espaces implique qu'ils doivent
être ambitieux pour être efficaces, et avoir la capacité, au moins matérielle, d'accueillir
un public conséquent. A Montpellier, la taille initiale du forum de l'actualité a retardé
son succès. Afin de répondre à la demande des usagers ce dernier a connu une
croissance exponentielle en dix ans : passant de 100m2 en 1981, à 150m2 en 1998 et
594m2 en l'an 2000. De nombreux établissements, lorsqu’ils en ont les moyens, ont opté
pour un espace aux dimensions similaires, compris entre 450m2 et 600m2 : Aix-en-
Provence (460m2), Rennes (528m2), Chambéry (550m2), Limoges (582m2), Bordeaux
(611m2)...
31
les multipliant le long des axes de circulation, comme à la BPI. Dans tous les cas, il
s’agit de « marquer symboliquement que demander des informations aux
bibliothécaires n'est pas l'apanage de ceux qui ne maîtriseraient pas parfaitement
l'usage de la bibliothèque, mais, bien au contraire, une démarche qui doit devenir de
plus en plus fréquente pour faire face à l'afflux des nouvelles donnes de
l'information.54»
La classification adoptée est une autre façon de prendre en compte les besoins et
les attentes spécifiques du public dans l'aménagement physique des collections. C'est
ainsi qu'à la BPI, le choix initial (sans doute fort contestable) de la CDU a été effectué
parce qu'elle semblait « le meilleur système possible » pour « servir à une exploitation
des fonds de la bibliothèque à des fins de recherche documentaires.55» De façon plus
judicieuse, les espaces d'actualité adoptent souvent un mode de classement par centres
d'intérêt, qui semble particulièrement bien adapté à la lecture thématique ou
documentaire et à celle de la presse, c'est la cas à Blois, à Saint Quentin en Yvelines, à
Bordeaux...
32
l’adolescence, et autorise les lecteurs peu expérimentés à consulter des ouvrages
documentaires plus faciles d'accès, et souvent d’une grande qualité, sans avoir à en
rougir.
Les
bibliothécaires,
plus
proches
souvent
d'un
univers
qui
relève
de
la
sphère
de
la
culture
-
et
dans
certains
cas
de
la
culture
lettrée
-
que
de
la
sphère
de
l'information
au
sens
large,
sont
susceptibles
de
se
trouver
en
décalage
avec
56
LAMY,
Jean-Philippe,
art.cit.
57
MASSIAS,
Nadine,
art.cit.,
33
les
usagers
avec
lesquels
ils
sont
en
relation.
C'est
le
cas
par
exemple,
si
pour
eux
l'information
sur
l'emploi
ne
relève
pas
des
compétences
et
des
missions
de
la
bibliothèque.
Ils
peuvent
également
se
trouver
en
décalage
avec
l'établissement
dans
lequel
ils
exercent
leur
profession
si
celui-ci
s'est
justement
fixé
pour
objectif
de
développer
ce
type
de
nouvelles
réponses.58
Il faut relativiser ces risques. Les espaces d’information et d’actualité sont plus
souvent des facteurs de synergie que de division dans un équipement. La variété de leur
public, le caractère multidisciplinaire et multithématique de leurs collections fournissent
l'occasion rêvée de développer une dynamique bénéfique à l'ensemble de la
bibliothèque. Dans la plupart des établissements, les salles d’actualité ne fonctionnent
pas en autarcie, mais entretiennent des relations étroites avec le reste de la bibliothèque
(par exemple en présentant les nouvelles acquisitions des autres pôles, en orientant et en
accueillant les lecteurs, en concevant des bibliographies permettant l’exploitation de
l’ensemble des fonds...), et sont conçues comme un nœud de circulation, de renvoi d'un
lieu de la bibliothèque à l'autre. Olivier Las Vergnas constate ainsi qu’« un usager de la
cité des métiers sur trois utilise aussi la médiathèque59 », Nadine Massias souligne
quant à elle le « rôle d'orientation et de lien structurant au sein de l'établissement60» de
l’espace d’actualité de Bordeaux.
limites
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
2002,
n°
3,
p.
42-48
60
MASSIAS,
Nadine,
art.cit.,
34
des services particulièrement originaux dans une bibliothèque : leurs collections, leur
public et leur espace, et aussi, parfois, leur mode de gestion.
35
Conclusion : Un service public de l’information ?
La plupart des textes normatifs, des manifestes et des chartes des bibliothèques
leur attribuent un rôle essentiel dans la diffusion de l’information : le manifeste de
l’Unesco sur la bibliothèque publique définit cette dernière comme « par excellence, le
centre d’information locale, où l’utilisateur peut trouver toutes sortes de connaissances
et d’informations.61 » Le manifeste Ifla pour Internet confie aux bibliothèques le rôle « à
l’échelon mondial, [d’]interfaces vivantes entre les gens, [et] les ressources
d’information.62 » La charte des bibliothèques du CSB affirme quant à elle que « l’accès
du public à l’information [...]est d’abord assuré dans le cadre du réseau des
bibliothèques de lecture publique », elle ajoute que les collections des bibliothèques se
doivent d’être en prise sur l’actualité, « régulièrement renouvelées et actualisées.63» Les
services d’information, les salles d’actualité, s’intègrent pleinement dans cette
perspective, elles contribuent à faire des bibliothèques françaises, dans la lignée des
Community Services anglo-saxons, de véritables services publics de l’information.
Les
services
de
référence
en
ligne,
qui
se
voulaient
une
réponse
au
défi
lancé
par
internet
et
les
moteurs
de
recherche,
ne
suffisent
pas
à
enrayer
la
diminution
vertigineuse
des
demandes
enregistrées
aux
reference
desks
depuis
leur
apogée
au
milieu
des
années
1990.
Les
statistiques
de
l’ARL
(Association
of
Research
Libraries),
qui
regroupe
plus
d’une
centaine
de
bibliothèques
universitaires
nord-américaines,
font
apparaître
que,
depuis
1996,
le
nombre
de
reference
transactions
ne
cesse
de
décroître
d’année
en
année.
Entre
1996
et
2004,
il
a
ainsi
été
presque
divisé
par
deux.64
61
«Manifeste
de
l’Unesco
sur
la
bibliothèque
publique»,
MOUREN,
Raphaele,
PEIGNET,
Dominique,
Le
36
Dans une large mesure, ces observations faites en bibliothèque universitaire sont
également valables pour les bibliothèques de lecture publique. La cause de cette
désaffection relative des lecteurs est évidente : avec l’accès aisé et généralisé à internet,
ces derniers ont à leur disposition, souvent à domicile, une somme presque inépuisable
d’informations de tous ordres, une bibliothèque virtuelle plus vaste (et peut-être plus
désordonnée) que n’importe quel établissement concevable. Quelle est donc, à l’heure
actuelle, la pertinence de cette idée d’un service public de l’information ?
37
trouver.65» Si les questions posées aux bureaux de référence anglo-saxons sont de moins
en moins nombreuses, elles sont, en même temps, de plus en plus complexes. Cet état
de fait ne disqualifie en fait en rien l’idée d’un service public de l’information : il est au
contraire révélateur du besoin, plus fort que jamais de le part du grand public, d’experts
de l’information et de médiateurs capable de filtrer, de clarifier et d’analyser l’actualité
à partir d’un certain degré de complexité. Le point de vue de Jacques Attali sur la
question semble à cet égard parfaitement fondé :
Les
métiers
de
l'information
qui
sont
les
vôtres
ne
consisteront
plus
à
mettre
de
l'information
à
disposition,
mais
à
la
hiérarchiser
et
à
lui
donner
du
sens.
Produire
du
sens
est
certainement
l'avenir
de
votre
métier.66
Le rôle des bibliothèques dans ce contexte inédit pourrait être de militer pour ce
qu’Yves Alix qualifie d’« offre non marchande dans le marché de l’information67 » et
de promouvoir, comme le propose le président de l’Ifla, l’idée de « l’information
mondiale comme un bien commun.68» En effet, notre société de l’information ne se
caractérise pas seulement par la profusion et la prolifération des discours, des mots
d’ordres, des images et des évènements : nous assistons également à un vaste
mouvement de privatisation du savoir en réaction à sa dématérialisation et à l’apparition
de « riches » et de « pauvres en information » séparés des ressources dont ils ont besoin
non seulement par la célèbre « fracture numérique » mais aussi par un fossé culturel.
L’illustration la plus triviale en est donnée par ces nombreux sites payants, très bien
référencés dans les moteurs de recherche, qui fournissent des modèles de curriculum
vitae, des lettres types, ou des informations administratives, qui sont disponibles par
ailleurs facilement et gratuitement dans les bibliothèques publiques ou même sur le site
des institutions adéquates. Il y a là un enjeu social et politique évident : dans une
démocratie où chacun dispose formellement de droits équivalents, l’inégalité a souvent
pour cause un pur et simple défaut d’information. Comme l’observe Mary Lee Bundy,
65
GAUDET,
Françoise
;
LIÉBER,
Claudine,
«
L’Amérique
à
votre
porte
:
Nouveaux
usages,
nouveaux
l’information
»,
Bulletin
des
Bibliothèques
de
France,
2002,
n°
1,
p.
23-29
68
BYRNE,
Alex,
«
Promouvoir
l'information
mondiale
comme
un
bien
commun.
Déclaration
de
l'IFLA
à
38
les ghettos américains se caractérisent au moins autant par une discrimination de fait
que par un déficit d’accès à l’information :
69
BUNDY,
Mary-Lee,
«
Urban
information
and
public
libraries
»,
GERARD,
David
(ed.),
Libraries
in
39
Il
est
en
effet
très
difficile
de
séparer
la
politique
de
l’information
économique
et
sociale.71
Malgré tout, certains établissements, ceux que nous avons eu l’occasion de citer
dans ces pages notamment, ont pris la ferme résolution d’assumer leur responsabilité
politique et sociale de pourvoyeurs d’informations : quel que soit leur degré d’ambition
et leur moyens, la devise des services d’informations et d’actualité de ces bibliothèques
pourrait bien être cette phrase que l’on attribue tantôt à Alfred Sauvy, tantôt à Hubert
Beuve-Mery, et qui pourrait aussi bien nous servir de conclusion : « Un homme bien
informé est un citoyen, un homme mal informé est un sujet. »
71
Ibid.
40
Bibliographie
41
SEGUIN, Jean-Pierre, Comment est née la BPI : invention de la médiathèque,
Bibliothèque publique d'information/Centre Georges Pompidou, 1987
MARINET, Anne, « Le téléphone public d'information », Bulletin des Bibliothèques de
France, 1984, n° 3, p. 208-219
42
FERDENZI Claire, CORBIER-LABASSE Alban, « Le service INFODOC de la
médiathèque de Saint-Quentin-en-Yvelines », Bulletin d’information de l’Association
des Bibliothécaires Français, n°161, 1993
GAUTHERON Isabelle. « Infothèque, de l’aide au chercheur d’emploi au service des
entreprises », Archimag, n° 105, juin 1997
GUDIN DE VALLERIN, Gilles, « D’un service de presse à un forum de l’actualité,
l’exemple de la médiathèque de Montpellier », Actualité, informations, services de
référence en bibliothèques, Presses universitaire de Bordeaux, 1999
GUDIN DE VALLERIN, Gilles, « De l’équilibre des publics et des collections : La
nouvelle bibliothèque centrale de Montpellier », Bulletin des Bibliothèques de France,
2000, n° 3, p. 56-64
LAMY, Jean-Philippe, « Les espaces d’information : Éléments de programmation »,
Bulletin des Bibliothèques de France, 2000, n° 3
LAS VERGNAS, Olivier, « Les supports documentaires à la cité des métiers de La
Villette : Fonctions et limites », Bulletin des Bibliothèques de France, 2002, n° 3, p. 42-
48
MASSIAS, Nadine, « Un exemple de la particularité française : le service d’information
et d’actualité de la bibliothèque de Bordeaux Mériadeck », Actualité, informations,
services de référence en bibliothèques, Presses universitaire de Bordeaux, 1999
LE POTTIER, Nicole, « Les recherches documentaires », MOUREN, Raphaele,
PEIGNET, Dominique, Le métier de bibliothécaire, Cercle de la librairie, 2003
LE POTTIER, Nicole, BETHERY Annie, CURT Anne, ROUHET Michèle, « Informez,
il en restera toujours quelque chose... », Bulletin des Bibliothèques de France, 1984, n°
3, p. 198-206
SORET, David, « Les services de référence dans un environnement concurrentiel »,
Bulletin des Bibliothèques de France, 2007, n° 6, p. 20-24
VERRY-JOLIVET, Corinne, Créer et gérer un service de référence, Institut de
formation des bibliothécaires, 1996
WEBER, Yvette, « Les collections régionales à la bibliothèques municipale de Lyon »,
Bulletin des bibliothèques de France, 1997, n° 2, p. 54-59
43
TRAVAUX D'ETUDIANTS (DISPONIBLES A LA BIBLIOTHEQUE
DE L’ENSSIB)
BRIOT, Marie-Rose, la salle d'actualité : un nouveau service dans les médiathèques
des années 90
DESGRANGES, Frédéric, FOUVRY, Emilie, PEYRE, Françoise, ROUX, Catherine,
ROUZIES, Etienne, SANTINI, Marie, Création d’une salle d’actualité ouverte au
public d’un quartier urbain pour la bibliothèque départementale de prêt des Bouches-
du-Rhône (Conduite de projet, diplôme de conservateur des bibliothèques, 2004)
THUILLARD, Guilaine, La place de l’actualité par le livre dans les bibliothèques
municipales de la ville de Paris (Mémoire d’étude, diplôme de conservateur des
bibliothèques, 2006)
VERNET, Sylvie, L'avenir de la salle d'actualité, la fonction d'accueil, création d'un
espace d'information du public
GAPIHAN, Boris, La Bibliothèque, une alternative aux pratiques culturelles
dominantes (Mémoire d’étude, diplôme de conservateur des bibliothèques, 2005)
BEGUEC, Annelise, COSTE Hélène, DUPUICH Lucile, PICHARD Eric, RENOSI
Catherine, Qu’est-ce que l’actualité ? (Mémoire de recherche, diplôme de conservateur
des bibliothèques, 2005)
44