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international
Flory Maurice. Négociation ou dégagement en Algérie. In: Annuaire français de droit international, volume 7, 1961. pp. 836-
855;
doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1961.1125
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1961_num_7_1_1125
Maurice FLORY
(2) Lors de la XVe session, l'affaire algérienne a été discutée en commission avant
l'adoption de la déclaration sur l'octroi de l'indépendance, ce qui explique qu'il n'y soit pas
fait mention. A partir de la date de son adoption, cette déclaration va jouer le rôle de
référence de base dans tous les débats touchant aux problèmes coloniaux.
838 NÉGOCIATIONS
Tenant compte des objectifs et des principes énoncés dans ladite déclaration,
Rappelant en particulier le § 5 de la déclaration, aux termes duquel « des mesures
immédiates seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes
et tous autres territoires qui n'ont pas encore accédé à l'indépendance pour transférer
tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve,
conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés, sans aucune distinction
de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d'une indépendance
et d'une liberté complètes »,
Constatant avec regret qu'à quelques exceptions près il n'a pas été donné suite
aux dispositions contenues dans ledit paragraphe de la déclaration,
Prenant note du fait que, contrairement aux dispositions du § 4 de la déclaration,
des actions armées et des mesures de répression continuent à être employées dans
certaines régions d'une façon de plus en plus impitoyable, contre des populations
dépendantes, les privant de leurs prérogatives d'exercer pacifiquement et librement
leur droit à l'indépendance complète,
Constatant avec inquiétude que, contrairement aux dispositions du § 6 de la
déclaration, des actes visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale
et l'intégrité territoriale sont encore perpétrés dans certains pays en voie de
décolonisation,
Convaincue que tout nouveau retard dans l'application de la déclaration est une
source continue de conflit et de discorde sur le plan international, entrave
sérieusement la coopération internationale et crée, dans de nombreuses régions du monde, une
situation de plus en plus dangereuse qui peut constituer une menace à la paix et à la
sécurité internationales,
1. Réitère et affirme solennellement les objectifs et principes énoncés par la
déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, contenue
dans sa résolution 1514 (XV) ;
2. Demande aux Etats intéressés d'agir sans plus tarder afin d'assurer
scrupuleusement l'application et la mise en œuvre de la déclaration;
3. Décide de créer un Comité spécial de 17 membres qui seront désignés par le
Président de l'Assemblée générale au cours de la présente session;
4. Prie le Comité spécial d'étudier l'application de la déclaration, de formuler
des suggestions et des recommandations quant aux progrès réalisés et à la mesure
dans laquelle la déclaration est mise en œuvre, et de faire rapport à l'Assemblée
générale lors de sa XVH1" session;
5. Charge le Comité spécial d'accomplir sa tâche en se servant de tous les moyens
dont il disposera dans le cadre des procédures et des modalités qu'il adoptera pour
bien s'acquitter de ses fonctions;
G. Autorise le Comité spécial à se réunir en tout autre lieu que le siège de
l'O.N.U., lorsque cela pourra être nécessaire pour lui permettre de s'acquitter
efficacement de ses fonctions, en consultation avec les autorités compétentes;
7. Invite les autorités intéressées à assurer au Comité spécial leur coopération la
plus complète dans l'accomplissement de ses tâches;
8. Prie le Conseil de Tutelle, le Comité des renseignements relatifs aux territoires
non autonomes et les institutions spécialisées intéressées d'apporter leur aide au Comité
spécial pour ses travaux, dans leurs domaines d'activité respectifs;
9. Prie le Secrétaire général de fournir au Comité spécial tous les services et le
personnel qui lui seront nécessaires pour la mise en œuvre de la présente résolution.
Pendant que se débattait le problème général de la fin du colonialisme,
l'Assemblée n'hésite pas à s'interrompre pour se saisir d'un aspect particulier
du problème algérien, celui de la grève de la faim des détenus algériens
déclenchée par Ben Bella. A la demande du délégué du Pakistan, M. Zafrul-
lah Khan, l'Assemblée abandonne provisoirement le point 88 de son ordre du
jour qu'elle était en train d'examiner et se saisit d'urgence d'une résolution
présentée par 34 pays afro-asiatiques. Le représentant de la France fait
remarquer que la question ainsi soulevée est totalement étrangère au point
de l'ordre du jour en discussion et qu'une telle initiative n'est justifiée ni
par le règlement intérieur, ni par la pratique de l'Assemblée générale. Le
débat sur le statut des prisonniers algériens ne s'en poursuit pas moins
OU DÉGAGEMENT EN ALGÉRIE 839
(3) Votent pour : Yemen, Yougoslavie, Afghanistan, Albanie, Autriche, Bolivie, Bulgarie,
Birmanie, Biélorussie, Cambodge, Cameroun, Ceylan, Tchad, Congo (Brazza.), Congo (Leo.),
Cuba, Chypre, Tchécoslovaquie, Dahomey, Ethiopie, Malaisie, Finlande, Gabon, Ghana, Guinée,
Hongrie, Islande, Inde, Indonésie, Iran, Irak, Jordanie, Laos, Liban, Libéria, Libye, Madagascar,
Mali, Mongolie, Maroc, Nepal, Nigeria, Norvège, Pakistan, Philippines, Pologne, Roumanie,
Arabie Séoudite, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Suède, Syrie, Thaïlande, Togo,
Tunisie, Turquie, Ukraine, U.R.S.S., R.A.U., Haute- Volta.
(4) Cf. notamment le discours de M. Shukairy le 15 déc. à la lre commission : « ... Tandis
que je parle ici, les ministres du Gouvernement algérien qui sont présents m'entendent. Nous
sommes heureux de leur présence bien qu'ils soient relégués aux derniers sièges de la salle... »
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(5) Votent pour : Pologne, Roumanie, Arabie séoudite, Sénégal, Sierra Leone, Somalie,
Soudan, Suède, Syrie, Tanganyika, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie Ukraine, U.R.S.S., R.A.U.,
Haute-Volta, Venezuela, Yemen, Yougoslavie, Afghanistan, Albanie, Autriche, Bolivie,
Bulgarie, Birmanie, Biélorussie, Cambodge, Ceylan, Congo (Leo.), Cuba, Chypre, Tchécoslovaquie,
Danemark, Ethiopie, Malaisie, Finlande, Ghana, Guinée, Hongrie, Islande, Inde, Indonésie,
Iran, Irak, Irlande, Japon, Jordanie, Laos, Liban, Libéria, Libye, Mali, Mauritanie, Mongolie,
Maroc, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Pakistan.
OU DÉGAGEMENT EN ALGERIE 841
IL — LA GUERRE D'ALGERIE
nir 500 000 hommes en Algérie. Après 7 années de lutte, on en arrive à cette
sorte d'équilibre sinistre qui semble avoir enlevé aux parties en présence
toute illusion sur le plan militaire. L'A.L.N. a renoncé à son Dien Bien Phu,
l'armée française ne croit plus au dernier quart d'heure.
L'A.L.N. paraît renoncer à se développer en Algérie; elle sait qu'elle
n'obtiendra rien de vastes opérations militaires d'ailleurs fort risquées. Même
son action de propagande dans ce domaine paraît se relâcher; il n'est plus
question d'une aviation F.L.N., ni du recrutement de volontaires étrangers
dans les pays frères. L'armée française de son côté cesse les opérations de
grande envergure, regroupe des forces en supprimant près d'un millier de
petits postes et annonce la diminution progressive de ses effectifs; 2 grandes
unités ont déjà regagné la Métropole, réduisant ainsi de 7,5 % l'armée
française d'Algérie. Pour que l'Algérie algérienne puisse se réaliser, le Général
de Gaulle se déclare décidé à organiser « dès à présent une force publique
purement algérienne dont disposera le pouvoir provisoire quand il assumer .
la responsabilité de conduire le pays à la décision » (10) .
S'il y a un incontestable ralentissement des activités militaires, en
revanche le terrorisme ne cesse pas. Le terrorisme F.L.N. a indiqué la marche
à suivre à une population européenne que personne n'a su appaiser. Au lieu
de s'internationaliser comme le souhaitait le F.L.N., la guerre d'Algérie
entre dans la plus sombre des clandestinités, celle de deux organisations
secrètes qui comptent les coups.
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A. — EVIAN ET LUGRIN.
Après les entretiens de Melun, une autre année s'écoule avant que ne
puissent être renoués les fils de la négociation. La chronologie de la reprise
du dialogue s'étale sur près de six mois. Le 16 janvier 1961, dans une
déclaration publiée à Tunis, le G.P.R.A. se déclare prêt à engager les négociations
sans condition préalable. Le 1er février, le Général de Gaulle adresse à
M. Bourguiba une invitation à se rendre en France. Quelques jours plus tard,
l'hebdomadaire tunisien Afrique -Action annonce que des contacts secrets
sont pris en Suisse entre MM. Pompidou et Bruno de Leusse d'une part et
MM. Boumendjel, Dalhab et Boulharouf de l'autre (19-22 février) . Le voyage
du Président Bourguiba en France et sa rencontre avec le Général de Gaulle
(27 février) est sans que le mot soit officiellement employé une mission de
bons offices; le chef de l'Etat tunisien en donne lui même la définition : « Elle
(la Tunisie) seule est en mesure de rapprocher les belligérants, de faire
comprendre les positions des uns et des autres » (18) . A l'issue des entretiens un
communiqué commun est publié : «... La question algérienne a été évoquée
largement à la lumière des récents développements et dans la perspective de
l'avenir de l'Afrique du Nord. Le Général de Gaulle et le Président Bour-
guiba ont été d'accord pour constater les possibilités et l'espoir qui existent
désormais d'une évolution positive et rapide... Le Général de Gaulle et le
Président Bourguiba ont constaté à quel point leurs conceptions étaient
proches ». Les 15 et 18 mars des communiqués du Gouvernement français et
du G.P.R.A. annoncent, chacun de leur côté, la confirmation officielle de
l'ouverture des négociations. La date du 7 avril est fixée.
De nombreux obstacles et incidents s'interposent encore : l'indisposition
du principal négociateur algérien, M. Belkacem Krim, l'assassinat du Maire
d'Evian par l'O.A.S. le 31 mars, la Conférence de presse de M. Joxe à Oran
qui provoque un brusque retrait du G.P.R.A., le putsch des Généraux à Alger
(22-26 avril). C'est finalement le 20 mai seulement que s'ouvre la conférence
d'Evian; elle est interrompue le 13 juin, reprend à Lugrin le 20 juillet jusqu'à
la suspension sine die intervenue le 28 juillet. En tout, une vingtaine de
séances de travail en deux mois pour aboutir, comme à Melun, à un échec.
A Melun, on pressentait déjà, à travers les conflits de préséance et de
procédure, l'incompatibilité des doctrines en présence. A Evian et à Lugrin, les
questions de forme ayant été préalablement résolues, le désaccord au fond est
apparu en pleine lumière.
Officiellement, le G.P.R.A. avait invoqué des raisons de procédure pour
justifier son départ de Melun. En réalité, derrière ces considérations de forme
se dissimulaient intactes les doctrines du Gouvernement français et du F.L.N.;
mais la procédure avait constitué un isolant suffisamment hermétique pour
que les thèses en présence n'aient pu s'affronter au fond. C'est précisément
ce que de part et d'autre on a cherché à éviter pour la seconde rencontre.
L'ambiance des débats apparaît d'emblée très différente.
Pour écarter dès l'origine toute susceptibilité, deux communiqués
similaires sont publiés simultanément à Paris et à Tunis le 30 mars 1961. Le
Gouvernement français d'un côté, le G.P.R.A. de l'autre, font savoir que « les
pourparlers relatifs aux conditions de l'autodétermination et aux problèmes
qui s'y rattachent s'ouvriront à Evian le 7 avril ». Une seule différence peut
être relevée dans la suite des deux communiqués : Les Algériens se désignent
comme Gouvernement provisoire de la République algérienne, tandis que la
France déclare que les pourparlers s'ouvriront avec « les représentants du
F.L.N. ». Cette nuance, plus importante qu'elle ne paraît, n'a pas été relevée.
Mais, dès le lendemain, le F.L.N. affirmait son caractère représentatif et sa
qualité de gouvernement provisoire en refusant la rencontre convenue tant
que le Gouvernement français ne renoncerait pas à entrer en rapport dans
les mêmes conditions avec le M.N.A. En effet, dans une conférence de presse,
tenue à Oran le 30 mars, M. Joxe, répondant à une question d'un journaliste,
avait déclaré : « Je rencontrerai le M.N.A. comme je rencontrerai le F.L.N. »,
ce qui a entraîné le lendemain cette réplique inattendue : « Après la
publication des deux communiqués officiels, la déclaration faite à Oran par le
Ministre d'Etat français, M. Louis Joxe, et concernant une négociation avec
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des valets du colonialisme, remet en cause celle qui doit s'ouvrir le 7 avril à
Evian... ». Le G.P.R.A. accepte d'être appelé F.L.N. dans le communiqué
français, mais entend en fait être considéré comme le seul représentant du
peuple algérien. Passant sur un détail de forme, il se révèle d'emblée
intraitable sur le fond. Près de deux mois furent nécessaires pour rétablir la
situation. Le 20 mai, la première réunion se déroule enfin dans une ambiance
nouvelle.
à la commission que lorsque tous les points de cette rubrique auraient été
examinés en séance plénière et qu'un accord global serait intervenu. C'était
une fois de plus se refuser à toute concession. Partant sur ce malentendu,
M. Louis Joxe accepte qu'un débat préliminaire ait lieu sur le premier point
de l'ordre du jour avant que les commissaires puissent s'en saisir. La
discussion butte sur l'obstacle du Sahara, dès la première séance, le 27 juillet;
la délégation française exprime alors le vœu qu'on laisse provisoirement de
côté ce sujet et qu'on aborde les autres questions. Le F.L.N., comprenant
que la France se refuse dans l'état actuel des pourparlers à céder sur le
problème saharien, ne veut pas aborder un autre point et préfère rompre.
Malgré tous les efforts de la délégation française, le Sahara est ainsi
devenu un « Préalable impératif ■» qu'il n'a pas été possible de dépasser. M. Joxe a
résumé cette situation ainsi : « Sur tous ces sujets (ceux de l'ordre du jour
proposé) les représentants du F.L.N. s'étaient déclarés prêts à discuter, à
rechercher les formules d'entente, à essayer de réduire les difficultés. Or,
dès la première séance de travail, ils se sont arrêtés au mot « Sahara », ils
ont refusé d'aller plus loin avant que satisfaction leur soit donnée, c'est-à-dire
que leur soit reconnue immédiatement la souveraineté sur le Sahara » (24) .
Cette attitude est conforme à la rigidité que le G.P.R.A. manifeste depuis son
existence dans la défense de ses thèses. Elle est aussi conforme à la technique
du préalable qui jusqu'à présent lui a parfaitement réussi (25).
C. — Le dégagement.
toute solution négociée avec les Algériens passe de toute façon par le G.P.
R.A. et que celui-ci porte dès lors une lourde responsabilité sur la façon de
mener cette ultime opération.
LA FRANCE ET LE G.P.R.A.
Jean CHARPENTIER