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LA CONSTRUCTION DE L'ESTHÉTIQUE.
~Vousa.
Le divin et la beauté.
La technique qui, dans plusieurs de ses variétés, est en rapports
très étroits avec les mathématiques et qui alors se procure ses
instruments sur une base purement métrique, contient d'autres
sous-variétés dans lesquelles elle se sépare de plus en plus de
l'f/)!s~ë/7!e, et bien qu'elle soit encore nommée par quelques-uns
technique (Phil. 5o E) en réalité elle semble presque tourner vers
le contraire. Au lieu du canon et de l'équerre une certaine expé-
rience, un frottement (tribè) et un viser comme au javelot, au lieu
de i'e/)!'s/ëme la doxa. Le concept le plus important à cet égard, et
trop peu remarqué jusqu'à présent, est le terme de s~ocAa~'A-é. Il
comprend la faculté d'atteindre le but par un javelot sans aucun
calcul mais par une sûreté qui ne s'explique point. Platon a utilisé
cette faculté pour commenter la mousikè (Phil. 3S E); même le
guitariste qui prend « à la chasse a le ton juste sur son instrument
par le raccourcissement de la corde, ne l'obtient que par la sto-
chastikè. Cette stochastikè, Platon la déclare « divine~ », et quoi-
qu'elle ne possède pas la moindre valeur de connaissance, elle est
1. pMtt-q; S'j'<x[t!< Phil. 55 E.
Lois 950 B; 63a A xo~a~ep jiet'~t; p.o[ Boxe!; eT-o'Gfo9et[.
exaltée de la sorte au faîte des valeurs. Le divin contient et unit
toutes les idées auxquelles appartient, en vertu de leur être réel,
la valeur de l'éternité le bon, le beau, le vrai, le mesurable, lee
pareil, le semblable, le convenable et tout ce qui y appartient.
Lorsque la mousikè est liée au divin par la stochastikè elle lui
était déjà liée par la Muse et par Éros on se demande quelle
partie du divin est spécialement consacrée à la Muse. La question
est assez importante, car parmi beaucoup de malentendus surgis
dans l'interprétation des fragments esthétiques, la soi-disant
kalokagathia est un des plus graves. Dans la partie positive de cet
essai il sera seulement mentionné que ce concept, construction
non platonicienne de ses interprètes, ne se trouve point chez
Platon. Le divin auquel participe l'art, c'est la beauté. Nous
lisons dans la « République » (403 C) « Le logos de l'art doit
avoir pour nous une fin et un but. Où il doit se terminer, là il se
termine. La fin et le.but de l'art doivent être l'amour du beau.
Comme il s'agit dans la « République » de l'éducation gymnas-
tique et artistique de la jeunesse, Platon parle de l'amour de la
beauté auquel il faut, par l'éducation, préparer la jeunesse. Mais
évidemment ce passage contient cette thèse importante la tâche
de l'art est la beauté. En cet endroit, Platon à formulé sans
contradiction possible ce que d'autre part ou bien il suppose
comme déjà connu, ou bien il exprime moins nettement, ou bien
il indique symboliquement car c'est la beauté personnifiée
comme Kallonè (Banquet 206 D) qui assiste comme sage-femme à
la naissance de l'œuvre d'art. Et c'est toujours la beauté qui
accompagne l'œuvre d'art depuis le moment où elle se manifeste
à l'intérieur le plus profond de l'âme artistique, jusqu'au point où
l'amateur jouira de la joie de regarder (Gorg. 474 D). Chez Platon
la beauté se dit de plusieurs choses. Elle peut être jointe à tout et
se présenter comme accompagnementde tout ce qui appartient à
l'être réel. éternel et invariable: sciences, justice et vertu; à côté
de celles-ci, c'est la beauté qui marche, semblable à la hedonè qui
se trouve en sa plus grande pureté dans une combinaison
fréquente avec la beauté. Quand dans la grande échelle du beau
Platon énumère toutes ces beautés épr~uvables (Banquet211 AU),
quand pareillement dans le « Philèbe H, la hedonè s'entrelace
1. Phil. 60 D, 62 D.
multiplement aux sciences et à la vertu. on constate alors la
connexité méthodologiquede toutes les sous-variétés appartenant
au divin. En même temps il existe trois points de vue sous lesquels
la beauté peut devenir l'objet d'une discussion la science du
beau comme partie de la philosophie~: l'objet de cette science
comme beauté éternelle, réellement existante et une, uniforme et
invariable et enfin les multiples beaux objets de la nature, de
l'art et des sciences.
Quant à la science du beau, c'est l'objet même de cet essai,
sous cette réserve qu'il s'y agit surtout de la science de l'art. H
est d'une suprême importance que dans le « Banquet a (211 C)
Platon reconnaisse expressément cette science comme telle et
nous avons déjà mentionné qu'il était décidé à laisser composer
par autrui tout ce qui concerne l'art formateur dans une œuvre
uniforme et à laisser dénommerl'ouvrage d'une façon convenable.
Que la beauté escorte la science, qu'elle éclaire de ses rayons la
vertu et la justice, son ressort d'application le plus propre est
réservé à l'aisthesis. La vue, l'ouïe et le toucher, ce sont les
instruments de l'a/s~Aes!'s employés par l'âme quand il s'agit de la
production et du plaisir du beau. En cela la vue a évidemment
une position privilégiée. Pendant l'envol de l'âme dans le lieu
supra-céleste la beauté se voyait brillamment (Phèdre 2SOB); de
même en d'autres endroits la vue est nommée au premier rang
quand il est question des différentes espèces de l'aisthesis et on lit
dans le « TImée » (47 A) que la vue est née comme cause de notre
plus grand profit. Ainsi se ferme le cercle le but de l'art est la
beauté, la beauté une espèce du divin, la jonction de la beauté
pure et non pas seulement adhérente avec l'a/s/AesM, et il en
résulte cette suite de concepts divin, beau, mousikè, sentir". Le
rapport selon la méthode entre les quatre parties de cette suite
se fait par l'anamnèse. Celui qui jadis, pendant l'envol au lieu
supra-céleste, a vu la beauté, et qui est en état de se souvenir,
celui-là est le mousikos. Cette Interprétation s'impose. Avant toute
expérience possible, l'âme humaine possède la faculté de sentir
la beauté. Ni le beau multiple qui se trouve au monde du devenir
Le plaisir (Aedo/!e).
Ainsi, par la subsomption des sentiments à l'idée de la beauté,
le jugement esthétique commence à être établi. Mais encore s'y
introduit-it quelque chose dont la conscience garantit la justesse
du jugement la hedonè (le plaisir). Platon sépare du plaisir l'epi-
thymia (Phil. 34 D) pour en faire d'abord un plaisir exempt de
désir. Puis il discerne entre plaisir vrai et non vrai, pur et impur
(Phil. 52 Ë); enfin dans les « Lois 667 DE il fait l'analyse
du concept avec une subtilité extraordinaire « En vertu de la
hedonè, on ne peut que juger ce qui n'offre dans l'objet aucun
profit, aucune vérité, aucune ressemblance, mais non plus aucun
t. Phédon 76 D jt'/K~epe~ em rb xxXo~ TOC ex T&v Ktc~TeMv.
dommage, mais ce qui ne se produit qu'à cause d'une seule chose
qui accompagne toutes les autres, à cause de la Charis, qui est
nommée hedonè au plus juste titre quand elle n'est suivie par
aucune des susdites. » Ici Platon a dématérialisé le plaisir sans
reste possible, il l'a détaché du profit, du dommage, de la vérité
et de la ressemblance en le séparant trois fois de la rectitude', et
c'est ainsi qu'il a établi le concept du « plaisir sans-intérêt~ ».
Vis-à-vis de l'objet à juger, il y a deux points de vue. On peut
fort bien examiner et juger l'objet d'après le principe de la
critique de connaissance. Il faudra alors considérer tous les
facteurs qui se rapportent au profit, à la santé, à la vérité, à
l'égalité et à la ressemblance. Le même objet peut être envisagé
seulement en tant qu'à sa perception est lié un plaisir. Dans cette
sorte de jugement identique à une considération du point de vue
du beau tous les points de vue qui résultent du logos vont
s'effacer en faveur du plaisir. L'application de cette théorie du
plaisir à la mousikè est faite par Platon lui-même dans les « Lois
a
668 A!3 « Si quelqu'un prétend juger la mousikè d'après le
plaisir, le logos ne peut servir en aucun cas d'argument, aussi la
mousikè ne doit pas être examinée comme une occupation
sérieuse, mais seulement en tant qu'elle montre une ressemblance
avec quelque chose par l'imitation du beau. » Deux choses sont
unies dans l'œuvre d'art l'objet saisissable de la nature, produit
par le technicien, un eido-lon de seconde qualité appréciable du
point de vue de la rectitude à l'aide de la doxa, puis le contenu
artistique réalisable par le seul homme démonique, contenu
absolument alogique. jugé et estimé d'après le plaisir conçu par
le sentiment et dont l'âme prend connaissance à l'aide de la
phronesis (Phil. 60 D).
Ainsi Platon a séparé le jugement logique du jugement esthé-
tique d'une part il peut du point de vue du savoir reprocher à la
peinture qu'elle ne soit qu'un second eidolon, d'autre part il peut
lui accorder la qualité du divin, de la vérité divine et de l'infail-
lible", comme valeur du jugement (Phédon 100 D). La fixation
ï. 6p6o'u'r~.
2. Cf. Kant (Vortânder, Leipzig 1902). H Kritik der Urteifskraft § 2, p. 42.
3. ï, ix -<~ob 9sx (Soph. 236 B).
Hep. 597 B, 598 B.
3. ~T~K~SOTC(TO~.
plus précise du contenu du plaisir résulte en tant qu'il s'agit d'art
,et de beauté, d'un concept développé particulièrement par le
plaisir la pureté. Si la couleur blanche, en bref le blanc, est
purifiée tant qu'il ne reste que le blanc le plus blanc, celui-là sera
le plus beau blanc (Phil. 53 AB). Pureté, beauté, plaisir, ce sont
-dans les fragments esthétiques des concepts correspondants et
s'impliquant l'un l'autre. Comment se fait la purification du
plaisir, la description~e la dématérialisation l'a déjà montré. La
pureté comme condilio sine qua non de la beauté est réclamée
également au discours de Diotime dans le « Banquet M (211 E) et au
« Phédon » (79 D 100 B).
La pureté signifie le résultat de la sépa-
ration de tous les éléments n'appartenant pas forcément à un
concept et elle est, en tout cas, le but de la méthode dialectique
en tant qu'il s'agit d'une de ses parties, le discernement'. Et
l'exemple le plus beau peut-être est le détachement et la sépa-
ration du plaisir de tous les ingrédients impurs jusqu'à ce qu'il ne
reste que le plaisir pur. Ce plaisir purifié (Phil. 32 E.) est presque
identique à la Charis et peut s'y rapporter comme la mousikè à la
Muse donc la Charis peut être considérée comme la hedonè per-
sonnifiée et devient ainsi un moyen propre à déterminer la
hedonè. La Charis dans les « Lois » 667 DE le plaisir le plus
pur est tellement près du chairein de par l'étymologie que
d'ores et déjà par une stricte continuation de la série des pensées
tout peut être nommé beau dont la contemplationfait se réjouir
le contemplateur 2. Pour mieux illustrer la pureté de l'art, celle-ci
est revêtue d'une nuance nouvelle par le concept du paignion en
opposition de principe à l'occupation sérieuse, aux sciences et à
la technique (Pol. 288 C) « Les œuvres d'art ne sont créées que
pour le plaisir et il faut les comprendre toutes sous un seul nom
paignion. )' La connexité linguistique avec la paidia donne le
moyen de bien expliquer le mot, explication qui du reste est
confirmée par le passage même, et ensuite par Rép. 602 B et
« Lois )) 667
E. Le paizein (Rép. 858 B) enfantin est libre de Qua-
lité scientifique ou utilitaire quelconque et ne sert qu'à la pure
joie; c'est ainsi que Platon trouve l'indice commun de l'art entier
dans la paidia ou dans le paignion en lui opposant strictement
1 StKxp~t.Cf. Soph. 226 D. 231 B.
2. ~o::pE~ Kotsr (Gorg. 474. D).
l'occupation sérieuse. La pureté du jeu de l'enfant devient. par
comparalson un postulat de l'art. Le plaisir et la joie de l'âme
humaine, contemplant un objet, entrent dans la conscience par la
/ones:s et prouvent la beauté de l'objet. Donc est beau un
objet dont la contemplation fait se réjouir. Existe-t-il une règle
pour le plaisir et par conséquent pour la beauté? Dans le « Phi-
lèbe .) 26 B, Platon nous dit qu'un Dieu aurait établi la loi et
l'ordre du plaisir. Cela montre de nouveau la connexité de l'art
avec le divin, la Muse, Eros et le Démon. La pureté du plaisir a
été réclamée, rien de plus n'est possible. Le plaisir, la beauté et
l'art ne suivent aucune autre règle que la légalité intérieure que
l'artiste porte dans son âme et qui se transfère à l'amateur en
vertu de l'aimant. Deux questions se posent l'artiste produit-il
d après une règle? L'amateur jouit-il d'après une règle?
Quant à l'origine de l'oeuvre d'art, il a déjà été dit qu'une manie
divine dans un homme démonique en serait la cause, que sa
naissance serait comparable à une source, qu'il s'agirait dans
l'œuvre d'art de l'imitation du beau, que comme jeu enfantin il
serait fort différent des sciences et de la technique. Quoique la
méthodologie de la mousikè interdise soit le travail de l'artiste,
soit le jugement de l'amateur conformes à une règle, Platon a
discuté en détail ce problème. Le « Politique n, le « Phèdre », la
République », les « Lois M et le « Phédon donnent à ce propos
des renseignements subtils.
L'Art et la Loi (règle).
Si dorénavant les relations entre l'art et la loi doivent être
discutées, le matériel documentaire sera fourni en partie par la
«
République a et par les « Lois ». Mais pour le moment, il ne
s'agit point de l'éducation gymnastique et artistique de la
jeunesse, ni de son éloignement de la philosophie du beau quant
aux lois utopistes, mais de cette seule question le vrai artiste
produit-il d'après n'importe quelle loi ou d'après une règle? En
répondant à cette question il faut rappeler d'abord les deux points
de vue sous lesquels l'œuvre d'art.peut être jugée le point de
vue logique et le point de vue esthétique. Pour celui-ci il n'y a
que la légalité divine (Phil. 26 B), laquelle se manifeste à l'artiste
en vertu de l'anamnèse (Phèdre 275 A). Nous lisons dans la
« Rép. » Les peintres ont le paradigme dans l'âme et ils
484 C «
sont en état de voir la plus haute vérité, de comparer toujours
tout à elle 1, de veiller à ce que tout se produise de la manière la
plus précise et de constater ainsi la légalité intérieure du beau.
Cet exemple est un exemple divine Donc l'exemple divin mis
dans l'âme du peintre par Dieu, est la légalité intérieure. S'il ne
fait attention qu'à cet intérieur 3 et s'il ne voit que cet être restant
toujours le même et inaltérable, en travaillant ainsi il fera sortir
de soi l'idée et la force de l'être et de cette manière il réussira
nécessairement à produire quelque chose de beau (Timée 28 A).
Si, au contraire, il emploie un exemple appartenant au devenir'.
il ne produira rien de beau. Ce problème est traité en détail dans
le Phèdre ». La seule source à laquelle il soit permis de puiser
«
est l'anamnèse. Dans la prophétie d'Ammon le « Phèdre » contient
des thèses relatives à la belle et noble apparence de la rhéto-
rique (274 B) qui, avec la plus grande précision imaginable,
expliquent la différence entre la spontanéité et l'application de
règles et concernent également la peinture. « Toi, père de l'écri-
ture, tu disais le contraire de ce dont l'écriture est capable. Par
la négligence de la mémoire (mnem~) elle a pour effet l'oubli dans
l'âme, parce que les élèves se confiant à l'écriture s'attachent à
des modèles hétérogènes et provenant du dehors au lieu de se
rappeler du dedans et le plus intérieurement possible. » La
République H, le « Timée M et le « Phèdre a, s'accordent tous
sur ce point qu'il n'est permis à l'artiste travaillant que d'employer
le seul exemple intérieur et divin contenant la légalité la plus
véritable du beau. Le « Phèdre » compare à la règle écrite la
peinture exécutée ( 275 D) « Aussi les oeuvres de la peinture sont
debout comme des vivants, mais, si on leur pose des questions,
elles se taisent très vénérablement. » Par conséquent, il n'est pas
permis non plus au peintre de prendre comme modèle un chef-
d'œuvre' parce qu'il ferait tort à la méthode de l'anamnèse.
A part que l'oeuvre d'art a Dieu pour cause, et à part la question
3.
2. Pot. 293 E
4. 'EfXUTY)!
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SpYO'< «TtSpYN~ETCtt ». Rép. 603 A.-
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