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PANAFRICANISME
Africultures | « Africultures »
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L’histoire
contemporaine
de l’Afrique c’est
le panafricanisme
Entretien de Anne Bocandé
avec Amzat Boukari-Yabara
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Dépoussiérer le panafricanisme.
C’est ce que propose le chercheur Amzat Boukari
dans son ouvrage paru chez La Découverte,
Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme.
Africultures l’a rencontré.
© La Découverte
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américaine, à l’industrialisation, etc. L’histoire contemporaine de l’Afrique,
c’est le panafricanisme. C’est exactement la même profondeur historique.
Donc, par conséquent, si on veut écrire l’histoire de l’Afrique, il faut partir
du panafricanisme.
Vous précisez que c’est une histoire liée à un continent, à un espace, mais
pas nécessairement à une couleur de peau. C’est à dire ?
Par ailleurs, les difficultés internes à Haïti après son indépendance arrachée
en 1804, ou encore l’échec de la colonie afro-américaine du Libéria, créée en
1847, vont montrer qu’il ne suffit pas de partager une même couleur de peau
pour construire une société harmonieuse ou un projet politique commun.
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libération et de l’unification du continent que certains groupes noirs cooptés
par les forces colonialistes ou néocolonialistes. Dans la mesure où la division
du monde en continent est elle-même très problématique et discutable, c’est
donc la conscience historique qui détermine le rapport à l’espace qui reste lui-
même porteur jusqu’à aujourd’hui de cette « ligne de couleur «.
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les éditeurs de La Découverte ont reçu le manuscrit, ils ont voulu quelque
chose de plus conséquent qui puisse faire référence en la matière et combler
justement cette lacune historiographique. Pendant mes recherches doctorales,
j’ai travaillé sur des figures du panafricanisme. J’ai principalement travaillé
avec des sources anglophones, j’ai rencontré les militants engagés dans l’unité
africaine, et j’ai eu l’occasion de me rendre à l’Union africaine à Addis-Abeda.
J’ai pu alors confronter la logique institutionnelle et la logique militante,
quelles étaient les contradictions mineures et majeures. Et je me suis engagé
personnellement dans un mouvement, la Ligue panafricaine - Umoja (LP-U)
[mouvement politique panafricaniste créé en France en 2012, NDLR].
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Il y a aussi des références contemporaines dans le milieu francophone : Thomas
Sankara suscite toujours un engouement extraordinaire auprès de la jeunesse.
En Afrique de l’Ouest, c’est très clivant. Là où les historiens et militants
politiques Cheikh Anta Diop et Joseph Ki-Zerbo appuient le projet fédéral
de Nkrumah, d’autres s’y opposent. Ainsi, Senghor s’inscrit avec Houphouët-
Boigny dans le maintien de relations privilégiées avec la France, par opposition
à la volonté de rupture défendue par des dirigeants et militants disparus très
tôt, entre 1958 et 1961, comme Um Nyobe, Boganda, Lumumba ou Fanon.
Dès 1919, lors du Congrès panafricain organisé à Paris par le député français du
Sénégal Blaise Diagne à la demande du militant noir américain DuBois, il y a eu
une rupture entre francophones et anglophones. Depuis, les francophones ont
toujours été absents des congrès panafricains. Et au moment des indépendances,
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ce caractère subversif qui a manqué dans les situations africaines et afro-
françaises, également une répression qui a éliminé un certain nombre de
figures, de mouvements comme la FEANF [Fédérations des étudiants
africains en France, NDLR] à la fin des années 50 qui auraient pu porter
cette dynamique. Soulignons également une logique de prédation au niveau
de la pensée, qui fait que beaucoup d’intellectuels africains francophones sont
contraints à s’exiler ou à céder d’un point de vue idéologique pour survivre.
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peut faire penser à celle des « évolués «, des Africains jugés plus « civilisés «
par le pouvoir colonial, selon les critères du pouvoir colonial. Le risque est
donc de parler d’afropolitanisme sans étudier les analyses de DuBois sur la
théorie de la « double conscience « ou de Fanon sur le facteur cosmétique
de l’identité et de l’aliénation dans Peaux noires, masques blancs. Toujours
dans l’analyse de DuBois, les Afropolitains sont-ils ces 10% d’Africains
dont on pense qu’en atteignant un très bon statut économique et social, ils
joueront un rôle d’ascenseur pour les autres ? Je ne pense pas, ce n’est pas
le cas. Le panafricanisme, malgré les critiques cherchant à le faire passer
comme un projet utopique ou exclusif, contient cette idée de regroupement
et de solidarité qui me paraît nécessaire pour affronter l’individualisme d’un
monde en occidentalisation croissante.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’opposer, mais de faire en sorte que les identités
évoquant une réconciliation ou une hybridité comme « afropéen « ne soient
pas tout simplement de nouvelles formes d’assimilation, de déculturation et
de domination dans un monde où nous savons que la culture dominante reste
bien souvent celle de l’économie ou du système idéologique dominant.
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