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G. Potel*
Laboratoire d’antibiologie expérimentale et clinique, UPRES EA 1156, faculté de médecine,
1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France
infectieuses » [1]. Les auteurs énumèrent cinq rai- avec l’oxacilline ou la cloxacilline : le traitement par
sons théoriques plaidant en faveur de l’utilisation des ces antibiotiques d’une infection à Staphylococcus
antibiotiques en association : aureus méti-S ne fait pas apparaître de souches
– prévenir l’émergence de résistances ; méti-R. Au contraire, les antibiotiques à haut risque
– être actif dans une infection polymicrobienne ; sont la rifampicine, l’acide fusidique, la fosfomycine
– élargir le spectre initial d’une antibiothérapie pro- et les fluoroquinolones. Ils ne doivent pas être utili-
babiliste ; sés en monothérapie. Il faudrait ajouter à cette liste
– diminuer la toxicité ; les aminosides, bien qu’ils ne soient pas cités par les
– mettre à profit une synergie bactéricide in vivo. experts. Citons encore le rapport : « Bien que l’effı-
On pourrait en ajouter une sixième, qui serait le cacité des associations d’antibiotiques pour préve-
souci d’atteindre les foyers infectieux profonds (au nir l’émergence de bactéries résistantes dans ces
sens pharmacocinétique du terme). situations soit mal documentée, des arguments tirés
Nous n’envisagerons pas ici le problème des infec- d’études in vitro et de modèles animaux rendent légi-
tions polymicrobiennes, qui justifient de toute évi- time le recours à des associations dans de telles situa-
dence des associations d’antibiotiques. Il en va de tions, au moins pendant les premiers jours du trai-
même du traitement initial probabiliste d’une infec- tement. »
tion grave, avant l’identification de l’agent causal. Qu’en est-il du couple vancomycine-staphy-
L’argument selon lequel les associations d’antibio- locoque doré méti-R ? Le risque n’est pas entière-
tiques seraient un moyen de limiter la toxicité des ment nul, mais il est infime. Les quelques cas d’émer-
molécules est théorique et probablement inutilisable gence de mutants résistants rapportés dans la littéra-
en pratique. Les associations pourraient même se ture sont des observations très particulières par la
révéler plus toxiques, en raison de la potentialisation durée exceptionnelle du traitement par la vancomy-
possible des effets indésirables ou des interactions
cine et l’importance de l’inoculum bactérien. Plu-
médicamenteuses.
sieurs observations se distinguent notamment par
l’absence de drainage d’une collection purulente ou
PRÉVENIR L’ÉMERGENCE d’ablation d’un matériel étranger infecté.
DE MUTANTS RÉSISTANTS
Tableau I. Effets de la vancomycine dans l’endocardite du lapin à S. aureus. Deux souches méti-S (SAMS 1 et 2) (CMI = 0,5 mg·L–1) et deux
souches méti-R (SAMR 3 et 4) (CMI = 1 mg·L–1) ont été utilisées. Les résultats sont exprimés en log du nombre d’UFC·g–1 de végétation ± DS.
D’après Asseray et al. [3].
Traitement par VPC simulant 30 mg·kg–1·j–1/3 j. *p < 0,05 par rapport aux témoins.
Pour l’association d’antibiotiques dans les infections à staphylocoque doré 409
Tableau II. Résultats du traitement de l’endocardite expérimentale du lapin selon la nature de la souche de S. aureus : S-SA : souche sensi-
ble ; K-SA : souche résistante à la kanamycine seule ; KT-SA : souche résistante à la kanamycine et à la tobramycine. Les résultats sont
exprimés en log du nombre d’UFC·g–1 de végétation ± DS. D’après Asseray et al. [4].
nution de plus de 3 log du nombre de CFU par g de – atteindre à coup sûr les cibles bactériennes, notam-
végétation, ce qui est loin d’être négligeable. Il faut ment dans les infections profondes (os, cerveau,
rappeler ici que l’amikacine est totalement inefficace endocarde, méninges) ;
sur les deux dernières souches. – limiter les risques d’émergence de mutants résis-
La vancomycine s’est révélée d’une efficacité satis- tants (particulièrement élevés avec certains antibio-
faisante sur les deux premières souches mais très tiques) ;
médiocre sur la troisième (diminution moyenne du – mettre à profit la grande vitesse de bactéricidie des
compte bactérien de 1,4 log seulement). aminosides sans encourir les risques de leur utilisa-
L’association de vancomycine et de gentamicine tion en monothérapie.
n’a pas donné de résultats supérieurs à ceux de la
gentamicine seule, du moins après 48 heures de trai-
tement. On ne peut bien entendu exclure la possibi- RÉFÉRENCES
lité d’une synergie plus tardive.
Ces résultats renforcent le choix de la gentamicine 1 Moellering RC. Principles of anti-infective therapy. In : Man-
comme partenaire privilégié de la vancomycine dans dell, Bennett and Dolin, Eds. Principles and practice of infec-
tious diseases. 5th ed. New York : Churchill-Livingstone ; 2000.
l’infection à staphylocoque doré. p. 223-35.
2 Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé.
CONCLUSION Recommandations pour la pratique clinique. Le bon usage des
antibiotiques à l’hôpital : recommandations pour maîtriser le
Des arguments nombreux et solides plaident en développement de la résistance bactérienne. Août 1997. www.a-
naes.fr.
faveur de l’utilisation des antibiotiques en associa-
3 Asseray N, Caillon J, Miegeville MF, Bugnon D, Kergueris MF,
tion dans les infections sévères documentées à sta- Potel G. Variability of in vivo antibacterial activity of vancomy-
phylocoque doré, au moins à la phase initiale du trai- cin (V) against 4 strains of S. aureus (SA), using a rabbit endo-
tement. carditis model (REM) [abstract]. ICAAC 1999 ; 2030 : 49.
Les bénéfices attendus de l’association d’antibio- 4 Asseray N, Caillon J, Roux N, Jacqueline C, Bismuth R, Ker-
gueris MF, et al. In vivo impact of different aminoglycoside-
tiques, et notamment à la gentamicine, sont les sui- resistant phenotypes in a rabbit Staphylococcus aureus endocar-
vants : ditis infection model. Antimicrob Agents Chemother mai 2002.