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RAPPORT AU SAVOIR
LED 512
1.3 Conclusion
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I- Introduction
Dès les années 1960, la notion de rapport au savoir s'est répandue dans les milieux
francophones de l'éducation et de la formation à travers les théories de la Sociologie
critique et celles de la Psychanalyse, suivies très peu de temps après par celles des
Sciences de l'Éducation et celles de la Didactique des disciplines. Grâce à ces nouvelles
postures scientifiques, les praticiens ont eu un regard plus positif, sur les apprenants.
Par cette citation, le sociologue Bernard Charlot résume bien les difficultés de
l'enseignant et du formateur pour « mobiliser » un apprenant à entrer dans un processus
de rapport au savoir, non appuyé sur des croyances ancestrales, familiales, culturelles et
sociétales. D'où la question : comment opérationnaliser le concept de rapport au
savoir ? Longtemps les sociologues ont posé cette question. Désormais, elle est
récurrente chez les didacticiens qui s'intéressent à la construction des habitus
disciplinaires notamment dans les matières scientifiques.
Toutefois, il n'est pas aisé pour un apprenant de repérer l'interaction qui existe entre son
environnement, l'enseignant, le savoir et lui. Surtout, il paraît encore plus difficile pour
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celui-ci de maîtriser les interrelations entre les savoirs. Certes, tous les chercheurs
s'accordent sur le postulat que le savoir est complexe, que l'entrée dans de nouvelles
conceptions du monde imposée par l'École ou la Formation peut être considérée comme
une enculturation (processus de transmission de la culture du groupe à l’enfant)
inacceptable pour l'apprenant et provoquer des blocages. Pourtant, le savoir ne peut en
rester ni au stade de « l'accomplissement de la tâche » ni à celui de la
décontextualisation, il doit être « approprié ».
Par conséquent, le rapport au savoir ne se réduit pas à une avalisation pure et simple des
connaissances, il aboutit à une appropriation et à une transformation des connaissances.
Il se « construit par l'identification et la désidentification à l'autre » (Charlot, 2003).
La définition du rapport au savoir s'avère complexe, elle est liée aux interactions, aux
interrelations, aux méthodes pédagogiques, à l'enseignement, aux habitus disciplinaires
et à la place qu'occupent les différents acteurs dans le champ éducatif.
Entrer dans un rapport au savoir, ce n'est pas seulement aller vers le désir d'apprendre,
ce peut être aussi un objet d'assujettissement auquel les apprenants refusent de se plier
pour des raisons identitaires, cognitives, personnelles et sociales. Ces rejets et ces
obstacles ne peuvent être surmontés que si les chercheurs et les praticiens les repèrent.
Pour ce faire, certains d'entre eux, ancrés dans un rapport au savoir scientifique
institutionnel, ont rompu avec leurs propres postures épistémologiques pour aller de la
recherche traditionnelle vers une recherche collaborative, pour identifier, à travers des
situations pédagogiques, des histoires de vie ou des entretiens, les processus de l'acte
d'apprendre.
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II- Quelques définitions du rapport au savoir
Le rapport au savoir est la relation émotive et subjective qu‟un individu entretient avec
l‟apprentissage et qui traduit le sens – ou le non-sens – que prend l‟apprentissage pour
chacun (Beaucher, 2004). Il s‟agit, comme le soutient Jellab (2001), d‟un rapport
subjectif à des contenus objectifs et, plus largement, à des pratiques qui le mettent en
forme.
Ce qui permet à De Léonardis, Laterrasse et Hermet (2002, p. 42) d‟ajouter que :
“Le rapport au savoir apparaît donc comme un concept médiateur et intégrateur
indiquant la façon dont un sujet est affecté par le savoir qui lui est transmis et la façon
dont ce sujet le signifie et s‟y rapporte”.
Ainsi, bien qu‟il soit en voie de se tailler une place parmi les grands concepts en
éducation (Mosconi, 2000), les limites du rapport au savoir sont encore floues et son
champ d‟interprétation demeure vaste (De Léonardis et al. 2002).
Le rapport au savoir, s‟il est parfois difficile à cerner, a toutefois l‟avantage de son
inconvénient : il est souple, large et englobant. Il peut également être adapté à l‟étude
d‟objets très variés, alors qu‟il demeurerait étroitement lié au contexte et aux objectifs
de la recherche dont il fait l‟objet, et son opérationnalisation varierait selon que le
chercheur privilégie l‟aspect subjectif du rapport au savoir ou “son ancrage dans des
situations socioculturelles multiples renvoyant à des objets de savoir eux-mêmes
pluriels” (De Léonardis et al. 2002, p. 27).
Par conséquent, il apparaît pertinent de procéder à un certain resserrement de ses limites
pour le rendre plus opérationnalisable, mais sans tomber dans l‟excès inverse en
l‟enfermant dans un cadre trop étroit où il ne serait plus applicable que dans certaines
conditions précises. Dans cette optique, même si certains auteurs (De Léonardis et al.
2002 ; Beillerot, Blanchard-Laville et Mosconi, 1996) considèrent que le concept ne
peut pas être décomposé en items, lesquels deviendraient alors sources d‟autant
d‟analyses, les écrits d‟autres auteurs (Beaucher, 2010 ; Jellab, 2001 ; Laterrasse, 2002 ;
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Charlot, Bautier et Rochex, 1992 ; Rochex, 1995b ; Dubet, Cousin et Guillemet, 1991 ;
Landry, Bouchard et Pelletier, 2002 ; Charlot, 1997) permettent de croire qu‟il est
possible de dégager des dimensions propres au rapport au savoir.
C‟est davantage à partir du milieu des années quatre-vingt que se dessine une réelle
conceptualisation du rapport au savoir (Beillerot, 1986 ; Braun, Henry et Lamy, 1984 ;
Colardyn, 1984 ; Charlot, 1985, cités par Lacaze, 1990).
En parallèle, dans une position de psychanalyse clinique, Jacky Beillerot a jeté les bases
du concept avec l‟équipe Clinique du rapport au savoir.
Au cours des années quatre-vingt-dix, ces auteurs ont publié des ouvrages de référence
qui constituent les pierres angulaires sur lesquelles se sont développées ultérieurement
les recherches traitant du rapport au savoir (noté : RAS) (voir Beillerot, Bouillet,
Blanchard-Laville et Mosconi, 1989 ; Beillerot, Blanchard-Laville et Mosconi, 1999 ;
Mosconi, Beillerot et Blanchard-Laville, 2000 ; Charlot et al. 1992 ; Charlot, 1997 ;
Charlot, 1999).
L‟approche psychanalytique s‟intéresse prioritairement à la structuration individuelle du
RAS suivant une démarche clinique ; l‟approche sociologique cherche plutôt à identifier
des profils de structuration, pouvant illustrer des trajectoires sociales distinctes.
Il est primordial de souligner l‟intérêt qu'a soulevé l‟ouvrage de Charlot (1997), Du
rapport au savoir - Éléments pour une théorie, véritable tournant de la
conceptualisation du rapport au savoir. Charlot (1992, 1997, 1999) utilise ce concept de
rapport au savoir pour étudier la problématique de l‟échec scolaire en milieu populaire.
En considérant que l‟échec scolaire en tant qu‟objet analysable n‟existe pas, il se donne
pour objectif de mettre au jour l‟ensemble de phénomènes particuliers, d‟états et de
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situations recouverts par cette appellation. Ce sont ces éléments qui peuvent être
analysés. Mais cette analyse se heurte à une difficulté particulière : la notion d‟échec
scolaire renvoie à des phénomènes qui sont désignés par de l‟absence, du refus, de la
transgression – absence de résultats, de savoirs, de compétences, refus de travailler,
transgression des règles… L‟échec scolaire, c‟est “ne pas avoir”, “ne pas être”.
Comment penser ce qui n‟est pas ? Pour Charlot, on ne peut pas le faire directement, car
il est impossible de penser le non-être. En ce sens, l'auteur propose une voie indirecte,
soit celle d'étudier le rapport au savoir plutôt que l‟étude de l‟échec scolaire lui-même.
À partir de ce constat sur l‟inexistence de l‟échec scolaire comme objet, Charlot (1997)
identifie deux façons de le penser indirectement.
Ainsi, Charlot a voulu découvrir quel sens cela a pour un enfant d‟aller à l‟école, de
travailler – ou pas – à l‟école, d‟apprendre et de comprendre des choses. C‟est donc
dans la perspective d‟aborder l‟échec scolaire – et la réussite par ricochet – que Charlot
s‟intéresse au rapport au savoir ; il définit alors le rapport au savoir comme :
« L‟ensemble (organisé) de relations qu‟un sujet humain (donc singulier et social)
entretient avec tout ce qui relève de "l‟apprendre" et du savoir : objet, "contenu de
pensée", activité, relation interpersonnelle, lieu, personne, situation, occasion,
obligation, etc., liés en quelque façon à l‟apprendre et au savoir » (1997, p. 3).
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“ considérer le sens de l‟expérience scolaire en partant de la manière dont les élèves,
posés comme sujets, vivent leur scolarité et s‟y confrontent avec des savoirs”.
En particulier, Jellab (2001) indique que ses entretiens avec des lycéens professionnels
étaient expressément orientés vers le sens accordé au vécu scolaire et que son objet
d‟étude a spécifiquement trait au rapport aux savoirs scolaires et professionnels.
Cela contraste avec Charlot qui traite plutôt du rapport au savoir dans une optique liée
aux apprentissages de la vie au sens plus large. Ainsi, cet auteur s‟interroge : “sur le
rapport aux savoirs, à leur investissement et aux raisons qui amènent les apprenants à se
mobiliser sur leur contenu.”
Cette vision du rapport au savoir, même si elle s‟appuie sur la perspective de Charlot,
jette donc une lumière originale et contribue de façon significative à une meilleure
compréhension de cet objet d‟étude complexe.
Ainsi, les travaux sur le rapport au savoir sont fondés sur la volonté d‟appréhender
“autrement” l‟échec scolaire. Or, cet “autrement” est une tentative de détachement des
théories sociologiques françaises qui, à la suite de la démocratisation de l‟éducation,
proposaient des explications de l‟échec scolaire par l‟origine sociale (la théorie de la
reproduction sociale, la théorie de l‟habitus de Bourdieu).
La société d‟une manière générale ne repose pas sur un système aussi hiérarchique et
figé de classes sociales qu‟en France et où le poids des traditions familiales y est moins
visible. La réussite ou l‟échec scolaire sont plus largement attribués à la volonté et au
travail individuel qu‟à l‟origine économique, culturelle et sociale. Il ne s‟agit pas de nier
l'influence des facteurs relatifs à l‟origine sociale, démontrée par ailleurs dans plusieurs
recherches, mais plutôt de reconnaître qu'ils ne peuvent être transposés tels quels du
contexte français vers un autre contexte.
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Quatre éléments de définition permettent de baliser le concept de rapport au
savoir.
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selon des relations internes, il n‟y a de savoir que produit dans une confrontation
interpersonnelle” (Ibid. p. 70).
Comme toute relation, celle impliquée par le rapport au savoir est clairement subjective
et, par conséquent, orientée dans un sens ou un autre, par l‟histoire de ce sujet, son
environnement, ses expériences. À cet égard, Rochex (2004, p.100) précise que : « Le
rapport au savoir doit alors être pensé et étudié, dans une approche relationnelle, comme
le produit d‟une histoire et de la confrontation entre modes de socialisation et univers de
pratiques de nature nécessairement différente. »
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objets ou quels sujets vont réussir à atteindre l‟individu et entraîner un changement dans
le rapport au savoir ?
Le registre épistémique prend vraiment tout son sens lorsque le sujet, de façon plus ou
moins consciente, s‟interroge sur ce qu‟est apprendre. Bien entendu, les deux registres
sont intimement liés, le découpage étant largement artificiel et voué à faciliter la vie du
chercheur qui souhaite rendre opérationnel un concept qui l‟est fort peu. En fait, on
remarque rapidement que les questions du registre épistémique renvoient au registre
identitaire passant du « qu‟est-ce qu‟apprendre ? » à « qui suis-je comme apprenant ? »
jusqu‟à « pour quoi apprendre ? » et « quel sens attribué-je à l‟apprentissage ? ». Dans
ce qui se perçoit alors facilement comme une interrelation circulaire, viennent se greffer
les autres dimensions du concept, contribuant à étoffer, modifier le rapport au savoir
d‟un individu.
Cette approche identifie l‟élève comme acteur et partant, accorde une attention soutenue
aux relations qu‟il entretient avec les autres. Jellab souligne en effet le lien étroit entre
l‟apprentissage et la socialisation : à la manière d‟une spirale, l‟apprentissage et la
socialisation se précèdent et se suivent, l‟un et l‟autre s‟influençant mutuellement. Le
rapport aux savoirs de Jellab ne se limite donc pas à un contexte scolaire, puisqu‟il est
impossible d‟ériger une barrière entre socialisation et apprentissage ni entre l‟école et la
vie. Il implique de tenir compte d‟un ensemble de dimensions d‟où émanent également
des bribes d‟informations permettant de mieux appréhender le sens de l‟expérience
scolaire pour les élèves. Il apparaît ainsi qu‟il s‟agit d‟un processus évolutif en
perpétuelle mutation qui s‟établit par la création de liens entre diverses sphères de la vie
des individus, famille et école en particulier.
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Ainsi, selon Jellab, trois axes relationnels importants structurent le rapport aux savoirs
des élèves : 1) l‟axe enseignant / élève ; 2) l‟axe élève / groupe de pairs ; 3) l‟axe élève /
famille : « Ces axes contribuent, chacun à leur manière, au travail de "signification" (au
sens de "rendre significatifs") des savoirs enseignés où apprendre met à chaque fois à
l‟épreuve l‟apprenant comme sujet et comme rapport à un (ou à des) autrui : apprendre
suppose l‟existence de mobiles tenant à des projets familiaux, aux rapports à des
enseignants et à des copains. » (2001, p.5)
On constate donc que la définition de Jellab pose plus de limites au concept initialement
proposé par Charlot, tout en explicitant ces « autres » avec qui le sujet est en relation. Il
rapproche les dimensions du contexte scolaire, mais sans faire abstraction du contexte
extra-scolaire et de ses autres savoirs, sans lesquels on ne pourrait vraiment appréhender
le rapport au savoir des jeunes.
D‟autre part, Develay (2000) met en avant une approche culturaliste du rapport aux
savoirs, radicalement différente de celle des élèves étudiés par Barrère. Pour lui : « Les
savoirs scolaires n‟existent pas seulement pour faire passer les élèves dans la classe
suivante, pour leur permettre d‟avoir de bonnes notes. Fondamentalement, ils ont la
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visée de les aider à comprendre le monde, les autres hommes, de les aider à se
comprendre. Le savoir n‟a pas seulement la fonction sociale de sélectionner, il a comme
fonction sociale de permettre le vivre ensemble, parce qu‟il conduit à partager les
éléments d‟une culture commune.” (Develay, 2000, p. 32)
Develay explique également qu‟il importe de s‟attarder sur la question du transfert des
savoirs scolaires à des situations d‟autres contextes de la vie. Le sens de l‟apprentissage
est ainsi dépendant d‟une capacité à se dégager d‟un contexte scolaire précis et à aller
au-delà de la simple rétention momentanée à seule fin de répondre à des questions
d‟examens.
Ceci est fort loin alors de la réflexion des lycéens de l‟étude de Barrère, centrés sur
l‟immédiat, avec l‟objectif premier d‟obtenir une note convenable. En outre,
contrairement à ces lycéens qui laissaient à des sources extérieures la responsabilité de
fournir un sens à leur travail scolaire, Develay souligne que ce sont les jeunes eux-
mêmes qui doivent « trouver » le sens, ajoutant que : « Le sens ne réside pas dans les
choses. Le sens réside dans le rapport que l‟on vit avec les choses. Le sens ne gît pas
dans les savoirs, il est dans le rapport qu’un élève entretient avec le savoir. »
(Develay, 2000, p.32)
Entre ces deux modalités, le discours de la recherche tend à démontrer une
prédominance d‟une approche instrumentale chez les élèves, alors que le « métier
d‟élève » impliquerait d‟abord de savoir « tirer son épingle du jeu » (Perrenoud, 1993).
On peut se demander si, face à une recherche de sens transcendant les savoirs supposés
leur apporter une motivation de l‟extérieur, les élèves ne sont pas condamnés à
progresser dans leur scolarité suivant une approche instrumentaliste, en s‟accrochant
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aux notes comme à la seule source tangible de motivation ? Est-ce pour cette raison que,
comme l‟affirment Barrère (1998) ou Rochex (1995a), seuls les très bons élèves
réussissent à donner un certain sens à des apprentissages qui paraissent aux autres
dépourvus de tout intérêt, puisqu‟ils n‟attendent pas qu‟une source extérieure attribue un
sens à leur travail scolaire ?
Une idée de même nature apparaît nommément chez Charlot (1997, p.96) : « Le sujet a
des représentations du savoir, il est son rapport au savoir. »
Cette activité dialectique est celle du rapport sujet-objet se nouant à travers la pratique :
en agissant sur les objets, le sujet construit sa réalité et, par le fait même, il se construit
lui-même. Deux processus sont donc à l‟œuvre à travers cette activité dialectique. D‟une
part, un processus de subjectivation, concourant à la « construction d‟un sujet
individuel» par l‟exercice d‟un contrôle de son activité par soi-même à travers la
maîtrise graduelle de ces objets ; d‟autre part, un processus corrélatif d‟objectivation,
c‟est-à-dire de construction de la réalité en fonction de ces objets (Charlot, 1997 ;
Beillerot, 2000b ; Mosconi, 2000). Cette propriété est articulée dans la documentation à
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la lumière de trois sous-propriétés, à savoir la pratique, la rationalité et la
personnalisation.
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Cette idée se retrouve également chez Mosconi (2000), exprimant le caractère
instrumental de l‟activité visant à atteindre des buts, en utilisant les objets comme
instruments.
- La personnalisation, troisième concept, exprime la modulation individuelle de
l‟activité dialectique à travers la pratique. Charlot (1997) dépeint cette
« singularisation» du sujet comme un rapport entre des mobiles et des buts ; Beillerot
(2000) fait plutôt référence à celui entre un projet et une croyance. Dans l‟un comme
dans l‟autre, qu‟il s‟agisse de mobiles ou d‟un projet personnel, ce qui compte est
l‟initiation de l‟activité en fonction d‟une intentionnalité propre à un sujet, considérant
que tout phénomène psychique est intentionnel par nature (Brentano, 2008). Pour
Beillerot (2000b), le projet suscité fait du sujet un « auteur » singulier et relève de la
«projection », de « l‟avenir », à travers la mise en acte des croyances ; pour Charlot
(1997), sollicitant à cet effet la théorie de l‟activité de Léontiev, le mobile renvoie au
désir d‟un résultat attendu à l‟égard de l‟objet d‟une action devant le générer. La
pratique et l‟effort de mobilisation et de rationalisation qu‟elle implique ne sauraient
toutefois s‟effectuer de manière mécanique et désintéressée. Au contraire, ces derniers
requièrent une force affective pour s‟enclencher, qui est celle du désir.
Une deuxième propriété du RAS est le désir. C‟est lui qui sous-tend l‟activité
dialectique initiée par le sujet. Comme le souligne Charlot (1997) en exprimant son
accord avec l‟approche psychanalytique promue par Beillerot, le désir est « l‟aspiration
première » : « Il n‟y a de rapport au savoir que d‟un sujet, et le sujet est désir : je suis
tout à fait d‟accord sur ce point. » (p.53). Cette propriété repose sur deux sous-
propriétés qui la déploient dans l‟activité, à savoir l‟altérité et le conflit.
- L‟altérité, d‟abord, corrélative du rapport aux autres et au monde sous tendant le RAS,
rappelle que « le désir est désir du désir de l‟autre » (Charlot, 1997, p.52), lequel désir
correspond à ce « partenaire perpétuel du Moi dans la vie psychique » (Wallon, 1946
dans Charlot, 1997, p.51). En d‟autres termes, les objets de savoir n‟existeraient pas en
dehors d‟une forte dimension anthropogène, en fonction de laquelle ils se
matérialiseraient. Comme le spécifie Charlot (1997), encore en accord avec la pensée de
Beillerot, le désir est celui de « ce qui » dans l‟autre est également objet de désir : « le
désir ne porte que sur un autre désir, il vise ce qui dans l‟autre désigne un autre désir. »
(p.53) Cette dimension a été étudiée auprès d‟élèves en formation professionnelle par
Jellab (2001b, 2001c), à travers les variables intersubjectives du RAS représentées par
les parents, les pairs et les enseignants.
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Toutefois, le rapport à autrui ne suffit pas, en soi, à l‟effectuation de l‟activité
dialectique. Il faut le conflit ; ce n‟est qu‟à cette condition que le RAS concourt au
développement du sujet.
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V- La médiation par le langage
La troisième propriété du RAS reconnaît la médiation des objets de savoir par le
langage, en tant que pratique, définissant un savoir de sens commun. À cet égard, les
tenants de toutes les approches théoriques s‟accordent, à notre connaissance, pour
reconnaître la fonction médiatrice du langage, sous-jacente au processus d‟hominisation
(Charlot, 1997 ; Mosconi, 2000).
Charlot (1997) le fait plus prudemment, et nommément en référence à Wittgenstein,
mais semble arborer le même principe à l‟endroit de la pratique qui est « outillée » par
le langage, et dont l‟activité définit un « jeu ». Pour Mosconi (2000), cette médiation
des objets par le langage est fondamentale à l‟endroit de la rationalité instrumentale et
de la coopération avec autrui.
À cet effet, elle assurerait trois fonctions, à savoir une fonction référentielle permettant
de désigner les objets de la réalité, une fonction communicationnelle autorisant la
coopération dans l‟action, et une fonction imaginaire générant un monde d‟illusions,
nécessaire au fonctionnement de la pensée.
Ce sont peut-être les tenants de l‟approche psychanalytique qui ont le plus poursuivi une
réflexion sur cette médiation des objets par le langage. Pour Mosconi (2000), comme
pour Beillerot (2000a), c‟est sous la forme du mythe, désignant un savoir de sens
commun en conformité aux normes et aux attentes sociales, que le langage assure la
médiation immédiate de l‟activité.
« Les savoirs sont par définition des réponses, c‟est-à-dire des acquis, admis, légitimés,
partagés, etc. ont donc la force d‟être là, d‟exister » (Beillerot, 2000b, p.45).
Leur qualité essentielle et leur finalité demeurent leur « efficacité » dans l‟action, « si
l‟on veut bien admettre que celle-ci est aussi d‟ordre symbolique : un mythe est un
savoir efficace autant qu‟une recette de cuisine puisqu‟ils donnent l‟un et l‟autre accès à
une part de maîtrise et de transformation du monde mental et naturel. » (Beillerot,
2000a, p.17)
Sur le plan de l‟activité, cette maîtrise de la réalité serait attribuable à « la matrice des
croyances et des illusions [définie par le mythe] sans lesquelles nous ne pouvons
penser.» (Beillerot, 2000b, p.47).
En résumé
Sans doute d‟autres propriétés du RAS auraient pu être retenues. Néanmoins, celles-ci,
concernant le caractère dialectique de l‟activité, le désir et la médiation, paraissent
suffisantes pour servir de point d‟articulation avec une structure théorique leur conférant
une signification systémique au sein d‟une structure théorique (Hempel, 1996). Au fait,
à quel(s) courant(s) théorique(s) fait-on référence lorsqu‟il est question de RAS?
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Les tenants de l‟approche psychanalytique se réclament évidemment de la théorie
psychanalytique, laquelle n‟est toutefois pas exclusive à leurs travaux alors que Rochex
(2004) sollicite nommément des travaux de psychanalyse. Curieusement, face à ce
phénomène s‟apparentant à de l‟éclectisme théorique, il n‟est pas interdit de s‟interroger
sur la pertinence de solliciter cette théorie pour délimiter le territoire respectif de
chacune de deux principales approches. En définitive, nous pouvons avancer que l‟une
et l‟autre s‟accordent pour reconnaître l‟intervention d‟une composante inconsciente
dans l‟effectuation de l‟activité dialectique, en lien avec la dynamique du désir. Ce n‟est
pas impertinent considérant l‟attrait de la théorie psychanalytique et de sa démarche
clinique, mais jusqu‟à quel point l‟inconscient peut-il rendre compte de la pratique, de
l‟effort de rationalisation, de l‟altérité, de la médiation symbolique par le langage ?
Inversement, les tenants de l‟approche sociologique rappellent périodiquement leur
attachement aux travaux de Wallon, Vygotski et Léontiev, indiquant par le fait même
une orientation théorique en faveur d‟une approche anthropologico-culturelle. Fondant
l‟école soviétique de psychologie, cette approche appréhende le RAS à travers le
rapport dialectique entre les buts et des mobiles :
« L‟activité est un ensemble d‟actions portées par un mobile et qui visent un but. »
(Charlot, 1997, p.62)
À notre connaissance, les travaux d‟inspiration psychanalytique ne se réclament pas
explicitement de l‟école soviétique. Néanmoins, quelques indications théoriques,
notamment chez Mosconi (2000) en ce qui concerne ces trois « universels empiriques »
que sont la rationalité instrumentale, la coopération structurale et le langage, laissent
présager une certaine conformité à ce principe fondateur de l‟école soviétique.
Les études réalisées dans le domaine des SVT ont privilégié deux directions différentes.
Une première série de travaux réalisée en Tunisie (et en partie en France) a permis de
montrer l‟importance du contexte culturel sur les rapports aux savoirs relatifs à la
théorie de l‟évolution, la génétique, (Chabchoub, 2000 ; Hrairi & Coquidé, 2002 ;
khattech & Orange 2006). Ces rapports conduisent en Tunisie à des comportements très
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différents de ceux observés dans des classes françaises, par exemple le rejet des savoirs,
ou le déchirement entre vision religieuse et vision scientifique. Un second ensemble
d‟études concerne les relations entre apprentissage et rapport au savoir : l‟évolution
conceptuelle lors d‟enseignements relatifs au volcanisme (Chartrain, 2003), à la
production végétale par photosynthèse ou à la relation structure-fonction du stomate
(Catel et al. 2002) n‟est pas la même selon la nature du rapport au savoir des élèves
concernés.
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VII- Etude d’un cas pratique
Le bilan de savoir est un instrument inventé par l‟équipe ESCOL de Paris VIII, lors de
la recherche sur les collèges. Les élèves écrivent un texte à partir de la consigne
suivante :’’depuis que je suis né j’ai appris plein de choses, chez moi, dans la cité, à
l’école et ailleurs…Quoi ? Avec qui ? Qu’est-ce est important pour moi dans tout ça ?
Et maintenant, qu’est-ce que j’attends ?‟‟(Charlot. B 1999).
Nous avons repris l‟idée du „„bilan du savoir‟‟ de l‟équipe ESCOL, (Charlot. B, Bautier.
E, Rochex. J-Y, 1999) et l‟avons adapté à notre problématique. Nos questions sont
centrées sur l‟apprentissage des Sciences Naturelles pour les élèves de la 4è année
secondaire, et sur la génétique pour les étudiants de la 2è année SVT. Dans ce qui suit
nous présentons ces deux bilans.
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2- Qu‟est-ce qui vous paraît le plus important dans ce que vous avez appris en sciences
naturelles au lycée ?
3- Qu‟est ce que vous avez appris en génétique, depuis que vous êtes au lycée?
Comparaison des effectifs des apprenants répondant aux deux questionnaires de notre
étude
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Les trois groupes de lycéens sont inscrits dans la 4è année secondaire (baccalauréat),
section sciences expérimentales. Leurs âges varient entre 19 et 21 ans.
Tous les étudiants sont inscrits en 2è année du premier cycle universitaire section
sciences de la vie et de la terre. Leurs âges varient entre 21 et 23 ans.
Les bilans recueillis ont été dépouillés, nous présentons les résultats et l‟interprétation
dans ce qui suit.
1. Parmi toutes les disciplines qu’est ce qui leur parait important ?
Nous rappelons la question 1 :
Au lycée (à l’université) vous avez appris plusieurs disciplines différentes. Qu’est-ce qui
vous paraît le plus important dans tout ce que vous avez appris ?
La consigne donnée aux élèves et aux étudiants était de faire le bilan des disciplines qui
leur paraissaient importantes dans tout ce qu‟ils ont appris au lycée (lycéens) et à
l‟université (étudiants). Les réponses étaient de deux types : il y a ceux qui énumèrent
des disciplines sous forme d‟une liste, et d‟autres qui construisent des phrases, plus ou
moins longues à travers lesquelles ils expliquent les disciplines qu‟ils jugent
importantes.
Nous avons catégorisé les apprentissages évoqués dans les différentes réponses ; notre
objectif est de repérer des phénomènes et des processus significatifs pour chaque groupe
de lycéens et d‟étudiants. Il n‟était pas possible aux élèves de dresser un inventaire de
tout ce qu‟ils ont appris durant sept années d‟études, ni d‟ailleurs aux étudiants ; ils se
sont trouvés obligés de faire un choix ; on peu penser alors qu‟ils vont évoquer les
apprentissages qui font le plus de sens pour eux, ce qui nous oriente vers le type de
relations qu‟ils entretiennent avec le savoir. C‟est ce que nous essayons de présenter
maintenant.
23
1.1. Les types de réponses repérés
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c‟est la capacité de compréhension de certains phénomènes scientifiques auparavant
énigmatiques. Comme par exemple cet étudiante : „„Je suis arrivée à expliquer
pourquoi mon petit frère a les yeux bleus.’’ FST 22. „„J’arrive à comprendre la maladie
de mon père, il a le diabète.’’ FSS 69.
La catégorie 4 : Aspects relationnels
C‟est l‟ensemble de réponses qui traitent de la vie en groupe au sein du lycée ou à
l‟université. Les élèves et les étudiants parlent de relations d‟amitié et de complicité
avec les amis et les professeurs. Certaines réponses évoquent l‟apprentissage de la
facilité d‟intégration au sein du groupe. Exemple de réponses : „„L’important dans tout
ce que j’ai appris, c’est d’avoir une bonne relation avec les camarades de classe, une
vraie amitié.‟‟ LT 12. „„ Le plus important quand on se retrouve à la buvette avec tout
le groupe, on s’amuse.’’ FST111.
Le tableau suivant récapitule la mise en catégorie des différentes réponses. Pour une
meilleure présentation du tableau nous adoptons les abréviations suivantes :
- Sciences Naturelles : SN
- Génétique : Gén.
- Elèves : El.
- Etudiants : Et.
25
Lycée Lycée Lycée Faculté Faculté Faculté
de Tunis de Bizerte de Sfax de Tunis de Bizerte de Sfax
(24) (15) (21) (34) (18) (20)
Catégorie↓ N % N % N % N % N % N %
Catégorie 1
Apprentissages de 13 55% 9 60% 10 47% 22 65% 13 72% 11 55%
différentes disciplines
Sous catégorie 1
Sous catégorie 2
Catégorie 2
Apprentissages de la 4 17% 1 7% 4 19% 3 9% 1 6% 5 25%
conformité
Catégorie 3
Apprentissages 6 25% 2 13% 0 0% 3 9% 0 0% 2 10%
intellectuels
Catégorie 4
7 29% 7 47% 7 33% 6 18% 4 22% 3 15%
Aspects relationnels
Non réponse 0 0% 1 7% 0 0% 0 0% 0 0% 0 0%
Total 43 29 31 56 31 32
Comme nous l‟avons dit précédemment ces réponses sont peut être dues à l‟effet du
premier questionnaire qui a porté sur la génétique. Les élèves du lycée de Bizerte
semblent accorder plus d‟importance aux sciences naturelles, ceci peut être du à un effet
26
du questionnaire, vu qui a eu lieu juste après une séance de travaux pratiques en
sciences naturelles.
Par ailleurs, nous constatons le poids important de la catégorie des apprentissages de
différentes disciplines, chez les lycéens et les étudiants. Dans cette catégorie domine
l‟énumération simple des différentes disciplines ; rares sont les réponses contenant un
commentaire, (mathématiques, informatique, sciences physiques…) chez les lycéens ;
pour les étudiants on retrouve la même chose sauf que les disciplines sont différentes,
(biologie animale, immunologie, génétique…). Il y a par contre une distinction qui
semble intéressante à signaler : toutes les réponses sont sous forme de matières scolaires
nommées l‟une après l‟autre, sauf quelques unes dont voici des exemples : „„La
géodynamique car c’est une matière très importante et le professeur crée une ambiance,
il est très intelligent.’’ LB 7 „„J’adore, la biologie animale, la botanique, la
microbiologie ; nous sommes dans les salles de TP elles sont grandes, il n’y a pas
beaucoup d’étudiants.‟‟ FSB 6 „„Informatique, math, techniques, nous sommes toujours
entassés dans les salles de TD, nous n’arrivons pas à travailler je jure que c’est
difficile.‟‟ FSS 17. Ces étudiants mentionnent les disciplines qu‟ils trouvent
importantes, tout en mentionnant d‟un autre côté les conditions dans lesquelles ils
apprennent : les uns sont à l‟aise, les autres se trouvant dans des conditions qui les
empêchent de travailler à cause de la surcharge de la salle, et pour d‟autres pour
apprendre, c‟est le climat d‟entente dans la classe qui facilite leurs apprentissages. Donc
nous remarquons que les apprentissages nommés sont liés aux conditions extérieures ;
ils ne se focalisent pas sur le savoir en tant que contenu. Les disciplines nommées sont
beaucoup plus institutionnelles que médiatrices d‟un contenu de savoir qu‟il faudrait
maîtriser.
La deuxième catégorie qui semble dominer est celle qui représente les aspects
relationnels : les lycéens attachent autant d‟importance à la vie en groupe au lycée qu‟à
l‟apprentissage des différentes disciplines. A la faculté les apprentissages d‟aspect
relationnels perdent de leur importance au profit des apprentissages de différentes
disciplines, comme le montre le tableau suivant :
Apprentissages des
35% 52,7%
différentes disciplines
Comparaison entre les apprentissages relationnels et les apprentissages des disciplines des
élèves et des étudiants
27
La catégorie apprentissages de la conformité, qui renferme les réponses faisant
référence à la bonne conduite en classe et le respect des autres, est faiblement
représentée chez les étudiants à l‟exception de la faculté de Sfax où elle atteint un taux
de 25%. Les lycéens de Tunis et de Sfax semblent plus attachés aux normes de bonne
conduite que ceux du lycée de Bizerte.
1.3 Conclusion
A travers cette question notre but était de connaître non pas ce que les lycéens et les
étudiants ont appris comme discipline, ce serait impossible, mais ce qui pour eux
présente suffisamment d‟importance et de sens. Le fait que le questionnaire est distribué
après le cours de Sciences Naturelles pour le lycée de Tunis et en fin des travaux
pratiques des Sciences Naturelles pour le lycée de Bizerte, ne peut pas être sans effet sur
les réponses, car nous notons que 17% et 27% des élèves de Tunis et de Bizerte
nomment les Sciences Naturelles comme la discipline plus importante étudiée au lycée.
28
très peu évoqué ; ces dernières sont nommées sans aucun commentaire, ni
développement.
La question demande aux lycéens : « Qu’est-ce qui vous paraît le plus important dans
ce que vous avez appris en sciences naturelles au lycée ? » Et aux étudiants : « Qu’est-
ce qui vous paraît le plus important dans ce que vous avez appris en Sciences de la vie à
l’université ? »
Le but à travers cette question est de voir l‟importance que représente la génétique
parmi le reste du programme des Sciences Naturelles pour les lycéens et les autres
matières étudiées pour les étudiants.
Les thèmes cités par les lycéens sont les suivants : la génétique, la transmission des
caractères, la reproduction humaine, la division cellulaire, le cœur, l‟immunité, le
muscle, le système nerveux, la digestion, l‟évolution, les roches et la cause des séismes.
Quant aux étudiants ils mentionnent les matières qui suivent : la génétique, la génétique
moléculaire, le génie génétique, la biochimie, la microbiologie, la biologie cellulaire, la
physiologie animale, la physiologie végétale, l‟écologie, les travaux pratiques et
l‟informatique.
Les catégories de réponses sont construites à partir de ces thèmes. Toutes les catégories
ne sont pas exclusives pour les élèves et les étudiants (variables binaires).
Comme dans le présent travail on s‟intéresse à deux niveaux d‟étude différents, les
élèves du lycée de la 4è année secondaire, section Sciences expérimentales (niveau
baccalauréat) et des étudiants de la 2è année section Science de la vie, pour faciliter la
lecture et l‟interprétation des résultats, nous avons essayé de convertir les thèmes cités
par les lycéens selon le programme étudié à la faculté. Ainsi, par exemple, une réponse
qui cite comme apprentissages importants, l‟immunité, le muscle et la digestion sera
considérée comme une réponse d‟un étudiant citant la physiologie Animale 1. Le
tableau suivant récapitule la correspondance entre les thèmes étudiés au lycée et les
modules à la faculté. Pour le réaliser nous avons consulté les programmes officiels de la
4è année secondaire et de la 2è année SVT.
29
Module du programme de la 2ème année SVT Réponses des lycéens
Nous présentons dans ce qui suit les tableaux récapitulant les réponses des lycéens et
des étudiants à la consigne « Qu’est-ce qui vous paraît le plus important dans ce que
vous avez appris en Sciences Naturelles (en Sciences de la vie) au lycée (à
l’université)? »
Lycée de
Lycée de Tunis Lycée de Sfax Total
Bizerte Classement
(24) (21) (60)
(15) par nombre
de citation
N % N % N % N %
La physiologie
22 91% 4 27% 16 76% 42 69% 1er
Animale 1
La physiologie
10 41% 7 47% 11 52% 28 47% 3èmes
Animale 2
La biologie
2 8% 2 13% 1 5% 5 8% 5èmes
Animale 2
Total 50 29 35 114
30
2.2. Interprétation des résultats
Les apprentissages évoqués par les lycées sur deux points de vue. Dans un premier
temps nous analyserons la part de la génétique dans l‟ensemble des apprentissages
évoqués. En second, la position qu‟occupe la génétique dans le texte des élèves.
Par ailleurs, le bilan de savoir fait apparaître une relation entre les thèmes jugés
importants par les élèves et l‟utilité de ces apprentissages. Ainsi, pour la physiologie
Animale 1 (Immunité- le cœur-le muscle-la digestion), parmi les 42/60 élèves qui la
citent comme importante, 12/60 associent son importance dans les apprentissages et son
importance dans la vie médicale et ce qu‟elle peut apporter pour sauver la vie humaine.
Un exemple permet de mieux de comprendre ce qu‟on vient de dire ; l‟élève LT 13
répond comme suit : « l’important, c’est le cours sur le cœur j’ai appris comment il bat
et pourquoi c’est l’organe vital, tout le sang passe par lui. C’est le symbole de la vie. »
Nous pouvons remarquer que la conception qu‟à cet élève est du type vitaliste, pour lui
le cœur est l‟organe qui dote le corps de la vie. On trouve dans la réponse de LS 19 une
autre vision de l‟apprentissage important, cet élève dit : « C’est l’immunité qui me
semble importante, parce qu’elle protège l’homme de toutes les maladies, même le
cancer si l’immunité est forte on peut guérir. » Il semble que, pour ces 12 élèves, il
existe une relation forte entre le privilège qu‟ils accordent à la matière comme savoir et
son utilité pour la vie de l‟homme.
Les élèves en citant les apprentissages qui leur paraissent importants ajoutent que ces
apprentissages leur ont facilité d‟autres apprentissages : par exemple, l‟étude de la
fécondation leur a permis de comprendre la méiose. D‟autres disent que ce qu‟ils ont
appris en Sciences naturelles et en Sciences de la vie leur a permis de comprendre le
fonctionnement du corps humain, par exemple l‟interprétation des analyses médicales
en cas de diabète (glycémie) et de certaines maladies cardiaques et musculaires.
31
Charlot, B (1999), dit : « Ecrire un texte, même très simple, c’est retenir certaines
choses et en passer d’autres sous silence, évoquer les unes avant les autres, laisser la
plume courir au fil des mots qui viennent ou au contraire organiser le texte selon un
principe d’ordre, etc. ; bref, c’est mettre le monde en ordre et adopter soi-même une
posture face au monde. » Il ajoute un peu plus loin « Ils (l‟auteur désigne les bilans de
savoir) ont une logique mais celle du sens et non celle d’une mise en ordre savante. »
(Charlot, B ; 1999, pp 65-68).
Ce qui nous a permis en quelque sorte de dire, que l‟ordre des apprentissages évoqués,
par les élèves s‟organise autour d’une question de sens et d’implication.
Ce qui nous a emmenés à chercher l‟ordre de citation de chaque thème évoqué comme
apprentissage important. Ainsi nous obtenons les tableaux suivants :
Physiologie Animale 1 4 9 4 2 3 1 9 5 2
La génétique 8 3 1 7 2 2 3 2 1 1
Physiologie Animale 2 5 2 1 1 1 4 2 1 6 2 2 1
Géologie 1 2 2 2 1
Biologie Animale 2 1 1 1 1 1
Biologie cellulaire 1 1
Nous remarquons que la génétique occupe une place privilégiée chez les élèves du lycée
de Tunis et de Bizerte ; elle détient le premier rang parmi toutes les autres disciplines
évoquées. Par contre pour les élèves du lycée de Sfax la génétique ne vient qu‟en 3ième
rang des domaines classés en premier, après la physiologie animale 1 et 2. Il important
aussi de noter le classement de la biologie cellulaire : en 3èmes rang, elle est citée
uniquement par un élève du lycée de Tunis et un autre du lycée de Bizerte.
32
2.3. Les apprentissages évoqués par les étudiants
Nous rappelons la consigne donnée dans le bilan de savoir : Qu‟est-ce qui vous paraît le
plus important dans ce que vous avez appris en Sciences de la vie à l‟université ?
La physiologie
10 29% 10 55% 9 45% 29 40% 1er
animale 1
La physiologie
7 20% 3 17% 2 10% 12 17% 3èmes
végétale
La biologie
5 15% 1 5% 2 10% 8 11% 7èmes
cellulaire
Les travaux
3 9% 1 5% 0 0% 4 5% 8èmes
pratiques
La génétique
2 6% 1 5% 0 0% 3 4% 9èmes
moléculaire
L’informatique 1 3% 0 0% 0 0% 1 1% 10èmes
Le génie
1 3% 0 0% 0 0% 1 1% 11èmes
génétique
Total 58 25 24 107
33
Le tableau précédent est obtenu en regroupant en catégories les apprentissages cités par
les étudiants dans leurs réponses ; ces apprentissages sont mentionnés sous forme de
nom de modules étudiés.
Nous remarquons que la génétique occupe le deuxième rang dans les apprentissages
jugés importants par les étudiants, après la physiologie animale 1.
Les étudiants semblent émerveillés par les résultats du génie génétique sur le plan de la
recherche, et sur les promesses des groupes de chercheurs véhiculées par les médias et
non par le savoir comme objet intellectuel. Exemple de réponse : « La génétique est très
importante on parle souvent des progrès des recherches dans le monde. » FST 87.
Le savoir a un sens lorsqu‟il appartient aux autres ; les étudiants donnent de
l‟importance à ce savoir à travers ses bienfaits dans l‟avenir.
Nous pensons que les étudiants, en faisant un choix, attribuent un sens spécifique à
certains modules par rapport à d‟autres ; ces modules ont une valeur bien particulière
chez ces étudiants vu qu‟ils se les rappellent et les évoquent comme apprentissage
important.
Ce qui permet de dire, comme pour les élèves, que l‟ordre des apprentissages évoqués,
par les étudiants s‟organise autour d‟une question de sens et d‟implication. Chose qui
nous amène à chercher, l‟ordre de citation de chaque thème évoqué comme
apprentissage important. Nous obtenons les tableaux suivants :
Nous examinons dans le tableau suivant, les rangs des disciplines citées par les
étudiants.
34
Les rangs de citation R.1 R.2 R.3 R.4 R.5 R.1 R.2 R.3 R.1 R.2 R.3
Thèmes ↓
La physiologie
8 1 1 7 2 1 8 1
animale
La génétique 8 1 3 1 3 1
La microbiologie 1 2 2 1 3 2 1
La physiologie
2 5 3 1 1
végétale
La biochimie 5 4 1 1 - - -
L‟écologie 2 3 1 2 1
La biologie cellulaire 2 1 2 1 2
La génétique
1 1 1
moléculaire
L‟informatique 1 - - - - - -
Le génie génétique 1 - - - - - -
Ce que l‟on constate à travers l‟analyse de cette question conduit à dire que la génétique
figure en deuxième position parmi les apprentissages jugés importants aussi bien pour
les élèves que pour les étudiants, mais les argumentations que la plupart d‟entre eux
construisent ne sont pas centrées sur le contenu scientifique de la génétique, mais sur
des facteurs extérieurs, ils évoquent par exemple que « la génétique est une matière
qui apportera des réponses à toutes les interrogations des scientifiques ». De ce fait
35
nous pouvons dire, que l‟intérêt que portent les élèves et les étudiants à la génétique ne
s‟accompagne pas d‟une mobilisation cognitive, mais plutôt d‟une attention aux progrès
de la génétique, comme n‟importe quel autre domaine scientifique ou social.
Nous avons demandé aux lycéens : Qu’est ce que vous avez appris en génétique, depuis
que vous êtes au lycée ? A l‟université nous avons posé la question suivante : Depuis
que vous avez quitté le lycée, qu’est-ce que vous avez appris en génétique ?
Les différentes réponses des lycéens et des étudiants ont été analysées de la façon
suivante.
Après la lecture des productions des élèves et des étudiants à cette question nous
relevons les catégories suivantes :
La catégorie 1 : Simple énumération des titres de chapitres
Cette catégorie de réponses est constituée par des nominations simples en séries des
têtes de chapitres sans développement. Exemple de réponses : „„-génétique humaine, -
génétique des haploïdes et des diploïdes, -transmission des caractères héréditaires.’’
LS 12. Nous constatons que le poids de cette catégorie est très important. La majorité
des réponses des lycéens et des étudiants sont sous forme de liste.
36
abordent les contenus. La génétique n‟est plus une discipline institutionnelle qui figure
parmi les autres disciplines et qu‟ils sont obligés d‟étudier, mais un contenu de savoir
qu‟ils essayent d‟expliquer.
37
Le tableau suivant récapitule les différentes réponses :
Lycée Lycée Lycée Faculté Faculté Faculté
de de de de de de
Tunis Bizerte Sfax Tunis Bizerte Sfax
Catégorie (24) (15) (21) (34) (18) (20)
Sous catégorie ↓
↓ N % N % N % N % N % N %
Evocation
d‟applications
médicales et 4 17% 4 27% 1 5% 2 6% 0 0% 1 5%
sociales de la
Des
Génétique
contenus de
savoir
Non évocation
génétique
d‟applications
médicales et 2 8% 1 7% 1 5% 3 9% 0 0% 0 0%
sociales de la
Génétique
Absence de nouveaux
0 0% 0 0% 0 0% 2 6% 1 6% 1 5%
apprentissages
Total 24 15 21 34 19 21
Nous constatons que les catégories ne sont pas exclusives (variables binaires).
D‟après le tableau précédent on peut dégager les points suivants :
La catégorie « simple énumération des titres de chapitres » rassemble la plus
grande part des élèves et des étudiants. Ce sont les apprenants qui ne parlent pas du
contenu du savoir génétique enseigné, mais évoquent des titres en série ; on constate
ainsi une difficulté de la part des apprenants de mettre en relation les différents
apprentissages entre eux. Le savoir génétique a plus un statut institutionnel que
celui de savoir scientifique.
38
Les réponses sans précisions et globalisantes constituent aussi une bonne partie
des réponses.
La catégorie des contenus du savoir génétique comporte des argumentations des
choix des apprenants ; on remarque qu‟ils se centrent dans leurs explications sur ce
qu‟ils ont appris en génétique, ils évoquent un contenu de savoir, « la mutation des
gènes provoque parfois des maladies » LB 8, ils expliquent que l‟apprentissage de la
génétique leur a permis la compréhension de certains phénomènes scientifiques.
Chez les élèves, l’évocation d’applications médicales et sociales tient une place
plus importante que chez les étudiants.
Certains étudiants, (5%) des différentes facultés pensent n‟avoir rien appris de
nouveau en génétique depuis qu‟ils ont quitté le lycée.
3.3. Conclusion
Nous pouvons dire que les étudiants semblent plus détachés de l‟apprentissage de la
génétique, ils parlent moins du rôle médical et de ses conséquences sur le plan social
que les lycéens, ils s‟intéressent plutôt plus aux progrès techniques de la génétique sur
le plan de la recherche, ils citent les méthodes pour amplifier des séquences d‟ADN.
53/72 étudiants sont sur la citation des titres de chapitres étudiés, quand ils parlent de ce
qu‟ils ont appris en génétique.
Nous allons maintenant préciser de quels apprentissages en génétique les élèves et les
étudiants parlent (dans les deux catégories, énumération des titres de chapitres et des
contenus de savoir).
Après analyse des réponses nous obtenons les tableaux suivants :
39
Lycée de Lycée de Lycée de Classement
Total
Ce qu’ils avaient appris Tunis Bizerte Sfax par
en génétique au Lycée (60)
(24) (15) (21) nombre de
↓
N % N % N % N % citation
Transmission des
6 25% 5 33% 7 33% 18 30% 3èmes
caractères
Expression de l’information
9 37% 1 7% 2 9% 12 20% 4èmes
Génétique
Interprétation de l’arbre
2 8% 0 0% 0 0% 2 3% 9èmes
généalogique
Dans leurs réponses, les élèves opèrent une catégorisation spontanée de thèmes qui met
dans les trois premiers rangs, la génétique humaine, le génie génétique, et la
transmission des caractères. Ceci appuie les différentes explications qu‟ils donnent pour
expliquer l‟importance de l‟apprentissage et leur attachement aux aspects médicaux et
sociaux. Exemple de réponse de lycéens : « Le plus important de ce que j’ai appris c’est
la génétique, elle nous explique comment éviter les mariages entre les cousins pour
éviter les maladies. » LB 2
40
Classement
Ce qu’ils avaient Faculté de Faculté de Faculté
Total par
appris en génétique à Tunis Bizerte de Sfax
(72)
la Faculté (34) (18) (20) nombre de
↓ N % N % N % N % citation
Expression de
13 39% 4 22% 7 35% 24 33% 1er
l’information génétique
Transmission des
6 18% 3 17% 1 5% 10 14% 4èmes
caractères héréditaires
La résistance aux
1 3% 0 0% 0 0% 1 1% 12èmes
antibiotiques
Les étudiants opèrent la catégorisation suivante quand ils évoquent les thèmes jugés
importants en génétique. En premier rang ils mettent l‟expression de l‟information
génétique, en deuxième rang l‟ADN et la localisation des gènes, et enfin ils classent le
génie génétique en troisième rang. Ces étudiants, quand ils parlent de ce qu‟ils ont
appris, citent souvent les apports de cette discipline sur le plan social et les nouvelles
techniques acquises sur le plan de la recherche scientifique et médicale. On note les
réponses du type suivant : « La génétique devient très intéressante vu les nouvelles
techniques. » FST 8. La génétique est jugée importante à travers ce qu‟elle permet de
réaliser, soit pour le bien-être social à travers les nouvelles découvertes soit à travers les
techniques utilisées dans la recherche qui séduisent les étudiants. Cette analyse permet
41
de comprendre à quel point l‟idée que le savoir doit être utile pour qu’il soit jugé
important.
Conclusion
Nous avons cherché à identifier des indices nous aidant à comprendre le rapport
qu‟entretiennent les élèves et les étudiants avec le savoir génétique. Après l‟analyse des
deux bilans de savoir, il s‟est avéré que, d‟une part, les productions des élèves
concernant l‟apprentissage de la génétique ne se différencient pas de celles des
étudiants. D‟autre part, les lycéens ont un rapport utilitaire à la génétique. Ils ne parlent
pas dans leurs bilans de contenu de savoir mais plutôt de l‟intérêt de cette discipline en
dehors de l‟institution scolaire. On dirait que l‟apprentissage de la génétique ne fait sens
que lorsqu‟il apparaît lié à la vie sociale d‟une façon ou d‟une autre. Les étudiants
portent plus d‟intérêt aux savoirs génétiques à travers les thèmes étudiés, ces derniers ne
sont pas nommés, en un long inventaire avec des explications mais sous forme
d‟étiquette, d‟objets institutionnels.
42
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44