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Fig. 899 – Animations diversifiées sur les sites du territoire par la Maison du Patrimoine (ill. P. Porte)
* Par Patrick Porte, archéologue, et Bernadette Prévost, Médiatrice du patrimoine, directrice de l’Action Culturelle du musée Maison du Patrimoine et
du site archéologique de Larina (1985-2000).
Fig. 864 – Vues générales des batiments I et II en fin de
fouilles et après restauration (ill. P. Porte).
D e nombreux travaux1 ont signalé l’importance
du lien social que peut susciter l’archéologie
au sein de l’ensemble du patrimoine. La néces-
doivent s’accompagner dans la mesure du possible
d’une ouverture au public des sites fouillés et d’acti-
vités de sensibilisation. La mise en place d’outils de
sité de divulguer les résultats des fouilles, outre la médiation peut même nécessiter des études et travaux
publication des études scientifiques, est ainsi large- complémentaires, alors financés par des moyens spé-
ment reconnue maintenant comme le montrent les cifiques, ayant par leurs apports des conséquences
nombreuses expositions, avec leurs catalogues, qui sur la conduite des recherches scientifiques dans un
accompagnent les fouilles, notamment après Grands juste retour des choses3.
Travaux2. Les recherches doivent être ainsi commu- Ainsi, dès l’origine, les chercheurs de Larina ont-
niquées au public par des moyens adaptés, utilisant ils souhaité développer la valorisation pédagogique
aussi bien comme supports les méthodes de recher- puis touristique de l’archéologie, grâce à la mise en
ches utilisées, les sites fouillés, le mobilier et les don- œuvre et à l’animation de multiples activités qui sont
nées mises au jour avec leur conservation, que les maintenant pour beaucoup dans la réputation du site.
résultats historiques obtenus. Au-delà du soutien, y compris financier, apporté par
Ce rendu médiatique est devenu d’autant plus ce biais aux recherches, c’est aussi la conservation
nécessaire que les collectivités territoriales, et les matérielle du site qui fut ainsi facilitée, permettant de
aménageurs, contribuent souvent activement aux montrer la place que peut tenir l’archéologie dans le
opérations de fouilles. Or, s’il appartient à l’État de développement local et l’aménagement culturel du
régir et financer dans l’absolu la recherche scientifi- territoire4. Un projet innovant, aux résultats impor-
que fondamentale, les Collectivités Locales s’inscri- tants sur le long terme, s’en est suivi5. (Fig. 864)
vent naturellement plus dans la connaissance et la
valorisation de leur territoire. Que ce soit pour contri- 3. Ainsi en fut-il, par exemple, à Larina. L’important programme de
buer à l’image de la Cité, à l’éducation citoyenne des restitution graphique en élévation des bâtiments du site, nécessaire
publics locaux, ou au développement du tourisme à la compréhension des vestiges, n’était pas finançable par les crédits
de fouilles. Il fut heureusement pris en charge par les crédits prépa-
culturel, l’aide et le cofinancement des collectivités ratoires à l’illustration des panneaux de visite du site, nécessaires en
médiation.
1. Dont parmi de nombreux colloques et rapports : « L’archéologie et 4. « Le patrimoine local : un outil de développement » (Rapport d’étude
son image » (viiie Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire A.N.D.L.P. 1987).
d’Antibes ; APDCA 1988), et « Le patrimoine culturel et sa pédagogie : 5. Le programme de valorisation du site archéologique puis du patri-
un facteur de tolérance, de civisme et d’intégration sociale » (Séminaire moine de l’Isle-Crémieu fut ainsi plusieurs fois primé par les Ministères
du Conseil de l’Europe ; Bruxelles 1995). de la Culture et du Tourisme, ou par des Fondations du développement
2. Goudineau Ch. et Guilaine J. « Archéologie de la France, 30 ans de dé- local (Caisse des Dépôts, EDF, Crédit Agricole, CELAVAR…) pour son
couvertes » (Edit. RMN 1989), mais aussi Aillagon J. J. (2008) « Rome action culturelle et touristique. Il reçut notamment en 1994 le premier
et les Barbares », et les nombreux catalogues d’expositions cités en Grand Prix du développement culturel territorial de l’Union Européenne
bibliographie de cet ouvrage (S. N. et date). (CRIDEL) donné à une initiative française.
et Consignations, qui avait aidé dès l’origine à sa et SEM départementales du Groupe) (Fig. 869), ou
naissance, lui donna une renommée nationale. De en direct suite à la participation d’ISARA à des appels
nombreuses études de tourisme culturel et d’aména- d’offres thématiques.
gements muséographiques lui furent alors confiées Mais l’ampleur des actions menées, le niveau de
dans toute la France10, ainsi que des actions plus développement national, le poids économique de la
traditionnelles des communes mais de sensibilité structure étaient devenus décalés par rapport à ceux
patrimoniale11. Ces activités extérieures au territoire des communes rurales actionnaires (et donc juridi-
originel furent souvent réalisées dans le cadre des quement responsables). Cette situation anachronique
réseaux territoriaux du Groupe Caisse des Dépôts amena des collectivités locales à souhaiter se sépa-
(filiales thématiques comme EXTEL ou Faits et Villes, rer rapidement des « activités économiques à risque »
en vue des élections municipales de 1995. Aussi, en
10. Schémas territoriaux de développement touristique, audits et pro- 1994, l’activité de la SEM fut-elle limitée à des études,
jets d’exploitation de sites patrimoniaux, réhabilitation et aménage- avant d’être transformée en SA « pure » grâce au rachat
ments de monuments, muséographie et scénographie de monuments et par l’association Maison du Patrimoine des actions de
sites naturels, études et réalisations d’équipements muséographiques, la SEM appartenant aux municipalités. La gestion du
actions de tourisme culturel…
11. Réalisation d’études de POS et ZPPAU, d’aménagements urbains de centre d’hébergement hôtelier et l’activité d’aména-
places et édifices publics, réhabilitation de logements anciens ruraux, gement du patrimoine (restauration de sites, muséo-
études environnementales… graphie…) furent transférées sur deux SARL filiales
Fig. 870 – Plan d’aménagement touristique de Larina et des projets de mise en valeur (ill. P. Porte).
La conservation
et la restauration des vestiges Fig. 871 – Techniques de restauration des vestiges de Larina
(ill. P. Porte).
Si la recherche scientifique se suffit des publica-
tions, l’ouverture au public du site nécessita la res-
tauration des vestiges. Une fois remblayés les terrains par-dessous le mur sans faire bouger son élévation
environnants, les vestiges fouillés se présentaient supérieure. Au terme de l’opération, le mur repose
comme des murets de une à trois assises de galets donc sur un socle bétonné qui assure sa stabilité et le
pour les édifices de l’Antiquité tardive, et comme des maintient hors d’eau. En complément, l’assise supé-
murs conservés sur deux à une quinzaine d’assises rieure du mur conservé fut démontée : cela permit
de moellons pour les bâtiments mérovingiens. Cela de creuser délicatement le remplissage du mur pour
représentait des élévations conservées sur 0,20 à en extraire la partie possible du blocage interne, et
1,00 m de haut au maximum, la plupart des murs ce sans ébranler les parements latéraux. Du béton
ne dépassant en fait pas 0,40 m de haut : leur visibi- liquide teinté couleur terre remplit ensuite l’espace
lité dans un paysage naturel ouvert n’était donc pas libéré afin de créer en se solidifiant une solide arma-
grandiose ! Ces architectures de pierres locales sont ture verticale interne au mur. Un lit de béton relia
également jointes à l’argile du plateau, et non pas ensuite entre eux les parements sur toute la largeur
en pierres sèches, le liant assurant seul le maintien du mur pour empêcher la pénétration verticale des
en élévation des murs. Ceux-ci sont ainsi facilement eaux. L’assise supérieure du mur fut enfin remontée à
soumis aux attaques de l’eau de pluie et du gel qui l’identique pour dissimiler la consolidation intérieure
déchaussent les pierres conservées en place, et de du mur. Ainsi, au terme de l’opération, le mur ancien
la végétation qui les envahit rapidement. Le passage est-il consolidé par-dessous, dessus, et verticalement
des visiteurs sur les murs finit ensuite de les écrouler. en interne. Ses parements sont restés en place, avec
La conservation des vestiges nécessita donc d’agir à leur liant d’argile pour témoigner toujours de son his-
la fois rapidement sur les murs et leur espace envi- toire (Fig. 872).
ronnant. Autour des murs, les déblais de terre fouillés furent
La restauration des murs chercha à les consolider remplacés dans les creux par des déchets grossiers
en touchant au minimum aux appareils de pierres de carrières, puis par des galets de plus en plus fins,
existant, afin de conserver les gestes des construc- jusqu’à constituer un sol stabilisé drainant bien l’eau
teurs et l’histoire des murs, avec leurs modifications, en sous-sol. Une dernière couche de graviers fins
bouchages, reconstructions… au fil de l’occupation et colorés naturellement constitua sur un filtre bitu-
des édifices (Fig. 871). Dans un premier temps, mineux le sol des édifices restaurés : la couleur des
après photographie et dessin pierre à pierre au 1/20e graviers (de blanc à rouge brique en passant par des
de chaque mur sur tous ses côtés, le creusement jaunes et marrons clair ou foncé) varie selon un code
dans les remblais de tranchées parallèles aux murs défini par le programme de médiation pour chaque
reposant sur de la terre permit de remplacer progres- bâtiment (espaces couverts/à ciel ouvert, étapes de
sivement l’argile en place sous la construction par constructions, spécificités techniques) (Fig. 873)…
une fondation de béton. Ce travail délicat s’est fait À l’extérieur, chaque édifice fut entouré du même
sous-sol recouvert cette fois-ci d’une épaisse couche de couleurs différentes… La conception des travaux
de galets ronds gris/blancs. Cette couche, très sonore l’avait néanmoins prévu et la restauration tient bon.
et désagréable à la marche, protège l’édifice du visi- On n’avait par contre pas envisagé que des cavaliers
teur en l’amenant à se déplacer avec prudence dans utiliseraient les murs mérovingiens comme barrières
l’espace archéologique. Elle retient mal également de saut d’obstacle, ni que des moto-cross aimeraient
les pollens et empêche ainsi la végétation de trop déraper entre et contre les murs… Un passage régu-
se développer. Un passage régulier de désherbants lier des agents municipaux est donc nécessaire pour
suffit alors ensuite à l’entretien des vestiges. Les seize remédier à quelques dégradations récurrentes, et
édifices fouillés, ainsi que la chapelle du Mollard, et maintenir le site en bon état, tant pour l’intérêt de sa
les deux nécropoles furent restaurés ainsi. Depuis, conservation que pour le plaisir des visiteurs.
le suivi de la fréquentation a montré que cette Parallèlement, les terrains environnants durent
méthode était globalement satisfaisante (Fig. 874). aussi être remaniés : les déblais des fouilles s’ajou-
La majorité des visiteurs respecte les vestiges mais taient en effet à ceux déposés depuis des décennies
il est difficile d’empêcher les enfants de sauter de par les carrières pour défigurer le site. Une étude
mur en mur, ou de s’amuser à mélanger les graviers précise des courbes topographiques et de photogra-
le musée et le site6. Un livret d’interprétation a là été de quatre tables7. À partir uniquement des éléments
privilégié pour sa légèreté, par rapport à la pose de visibles ou perceptibles par le visiteur, elles présen-
panneaux moins opportuns en pleine nature. Il per- tent successivement : la tourbière (en contrebas du
met de comprendre les stations, numérotées par des plateau) et son énergie fossile thermique, les barra-
bornes en pierre locale, sur des thèmes visibles tout ges sur le haut-Rhône et l’hydroélectricité, la Centrale
au long du parcours : l’étagement de la végétation, du Bugey et le thermique nucléaire, avant d’évoquer
l’érosion glaciaire, la faune sauvage, les oiseaux, telle par le vent et le soleil les énergies renouvelables.
espèce d’arbres, les cultures rencontrées… – Le deuxième parcours fait, lui, le « Tour des ves-
À l’arrivée sur le plateau, ce sentier rejoint le tiges archéologiques » du centre du plateau, soit les
circuit archéologique dans lequel et autour duquel seize édifices tardoantiques et mérovingiens, ainsi
d’autres panneaux écologiques ont été mis en place que la nécropole de la Motte. Il peut être complété
sur : la géomorphologie du plateau, le relief karsti- par le troisième circuit, dit de « Découverte de la for-
que, le modelé glaciaire, l’exploitation des carrières, teresse », qui emmène le visiteur sur la colline du Mol-
les fossiles… Enfin, autour de la Madone même, le lard voir les vestiges de la chapelle et du mausolée
point de vue a donné lieu à une importante table avec leur nécropole, avant de sinuer ensuite vers la
d’orientation et d’explication sur les paysages domi- Fontaine de la Vie, puis les bories, et enfin de suivre
nés : le village-rue de Hières, l’openfield et le bocage la courtine du rempart tout au long jusqu’à la falaise.
dans la plaine, l’architecture traditionnelle visible… À Le visiteur rejoint alors l’habitat fouillé en longeant
côté, afin de pallier au « désagrément » de la présence la falaise, après être passé par le Trou/grotte de la
de la centrale nucléaire du Bugey, bien visible dans Chuire.
le paysage de la plaine, un sous-thème d’interpréta- Sur le plan fonctionnel, les visiteurs arrivant par
tion développe « l’histoire de l’énergie » par une série la route rencontrent d’abord à la sortie des par-
kings, ou au débouché des sentiers d’arrivée pour
les autres, des panneaux les amenant à respecter un
6. Soyons complet : pour les élus municipaux de Hières-sur-Amby,
principaux financeurs locaux de l’aménagement touristique, qui ont
beaucoup souhaité ce sentier, cet aménagement au départ et au re-
tour de leur commune sans passer par les villages du plateau permet 7. Le choix de cette thématique a permis aussi d’obtenir le mécénat
explicitement de privilégier les commerçants locaux pour répondre aux d’EDF qui a assuré le financement des tables concernées et de la grande
besoins des visiteurs… (et coûteuse) table d’orientation.
Trente-cinq tables didactiques sont donc réparties Fig. 884 – Plaquettes de présentation et de médiation du site
parmi les vestiges pour les expliciter. Une plaquette/ (ill. P. Porte).
dépliant prend également le relais à partir du Mollard
pour décrire les vestiges conservés dans la nature. riences d’interprétation d’un site archéologique mise
Une plaquette/jeux adaptée aux enfants (8/12 ans) en œuvre en France dans les années 19908.
facilite également leur visite (Fig. 884). Une autre Les tables et panneaux d’interprétation accompa-
plaquette plus didactique évoque, par des reconstitu- gnant les parcours ont également tous été réalisés de
tions et photos d’objets, la vie des habitants aux épo- la même façon. Leur rédaction a pris en compte le
ques concernées. Ces publications complètent ainsi résultat d’études d’évaluation, menées régulièrement
les panneaux surtout orientés sur la compréhension avec des étudiants de tourisme culturel de l’Univer-
même et la restitution en 3D des vestiges que les visi- sité Lumière Lyon 2, sur les différentes générations
teurs ont sous les yeux. Elles introduisent aussi à la de « panneaux provisoires » mis en place pendant
visite du musée/centre d’interprétation à laquelle les les quinze ans de fouilles, ainsi que les réponses
visiteurs sont renvoyés. Enfin, au début du parcours, aux questions principales posées par les visiteurs
des tables proposent un jeu de l’oie géant, permanent, aux fouilleurs pendant les visites guidées9. Le dis-
qui permet à une famille (ou à un groupe), de jouer à
découvrir des éléments de la vie autrefois sur le site, 8. À ce titre, des vues du site restauré illustrèrent longtemps les pla-
avec des réponses à trouver sur les différentes tables quettes de présentation de la Direction du Patrimoine au Ministère de
didactiques réparties dans les vestiges (Fig. 885). Tous la Culture et ses politiques coordonnées de recherche, conservation et
valorisation des vestiges archéologiques en France.
les outils d’interprétation ont été conçus en même 9. Ma collègue et amie, Isabelle Lefort, professeur de géographie et de
temps, à partir des mêmes bases de données et d’il- médiation culturelle, et alors aussi directrice du département de Tou-
lustrations par les archéologues du site. Ils sont donc risme Culturel de cette université, doit être chaleureusement remerciée
liés, bien complémentaires. Ils constituent ainsi, avec pour l’aide et le soutien apportés à cette aventure pendant toutes ces
années. Beaucoup de recherches appliquées et l’évaluation, la théori-
les autres outils de médiation réalisés (jeux divers, sation, de ces expériences n’auraient pu avoir lieu sans les stages et
produits dérivés…) une des plus importantes expé- recherches des étudiants de ce département.
– un grand dessin occupant plus de la moitié du l’amener à réfléchir. Ce « jeu » amène d’ailleurs souvent
panneau, en trois couleurs, dessiné dans le sens de un dialogue entre parents et enfants !
vision du visiteur, avec le plan des vestiges regardés Le titre et le premier paragraphe sont par ailleurs
et, chaque fois que nécessaire, leur reconstitution en systématiquement traduits en anglais et mis dans une
élévation. autre couleur. Un numéro de panneau renvoie aussi
– un ou deux paragraphes, d’une dizaine de à un audio-guide complémentaire, non réalisé fina-
lement.
lignes au maximum, écrits en plus petits caractères,
L’aménagement touristique du site proprement dit
développant dans un coin des détails bien visibles
s’est achevé avec la mise en place des réalisations
sur les vestiges, sous forme de légendes de petits
précédemment décrites. Les études de fréquentation
croquis ou photographies ; ont pourtant montré qu’une deuxième phase de
– une mascotte (un gamin en tenue d’aventurier travaux était nécessaire pour répondre aux atten-
archéologue) pose enfin dans un coin du panneau tes des visiteurs. Les études de faisabilité ont donc
une question, de façon à interpeller le visiteur sur une été menées et les financements recherchés mais les
problématique, visible ou déductible facilement, du changements dans la gestion du site n’ont pas permis
vestige ou du site (Fig. 891). La réponse est indiquée à leur mise en œuvre. En effet, l’accueil des visiteurs
l’envers sur le panneau, le but n’étant pas de « coincer » d’abord laisse à désirer. Ceux-ci doivent pouvoir
le visiteur sur une connaissance qu’il n’a pas, mais de trouver sur place des informations, des souvenirs et
tion scolaire » déjà bien présent à Larina, mais ainsi menées avec l’Unité d’Ecodéveloppement de l’INRA
stabilisé et assuré, une action d’animation perma- ont ainsi montré qu’il fallait envisager de confier à
nente compléterait par ce biais la visite des vestiges un troupeau d’ovicapridés de race rustique l’entretien
du site, en en faisant ainsi un site culturel et touristi- du plateau si on veut garder son aspect actuel. En
que très vivant, correspondant aux attentes actuelles fait, il conviendrait de restaurer l’élevage extensif qui
des publics… fit la richesse de l’oppidum protohistorique puis du
Enfin, l’entretien des espaces naturels s’est révélé castrum mérovingien pour assurer le maintien de l’oc-
problématique. Le plateau devrait être mis en pâtu- cupation humaine à Larina. La leçon est probante !
rage régulièrement, comme autrefois, si on veut L’aménagement touristique du site de Larina,
enrayer l’enforestation inéluctable du site. Des études appuyé à la fois sur les recherches scientifiques réa-
lisées et les animations didactiques proposées avec attentes de tous. Ce bâtiment de caractère datant du
succès pendant près de vingt ans, s’est voulu ainsi xviiie siècle,
couvert de lauzes, et déjà désaffecté, fut
une réponse aux attentes du public sur la valorisation restauré de façon à recevoir dans ses combles les ate-
et la médiation de l’archéologie. Mais l’importance liers techniques et réserves du Dépôt de Fouilles. Le
de la place de « l’objet » dans la démarche archéologi- rez-de-chaussée et l’étage furent affectés en complé-
que a demandé des aménagements complémentaires ment à une exposition permanente et à un centre de
pour être complet. documentation sur l’histoire de Larina. Cette solution
transitoire facilita le développement des recherches
et donna une légitimité accrue aux activités de valo-
risation du site.
Un musée puis des centres Mais les collections issues des fouilles de l’Anti-
d’interprétation complémentaires quité et du haut Moyen Âge conservées à Hières-sur-
Amby furent complétées rapidement par l’arrivée du
Très vite, la population demanda, en parallèle mobilier d’autres fouilles et découvertes. Les fouilles
aux conférences annuelles de présentation du résul- protohistoriques du Trou/Grotte de la Chuire rejoi-
tat des fouilles, à voir le mobilier mis au jour. Des gnirent d’abord le Dépôt. Cela fut aussi le cas des
expositions temporaires furent alors chaque année mobiliers provenant d’anciennes découvertes de l’Isle-
organisées dans la salle des fêtes communale. Mais Crémieu qui furent déposées par des associations, des
cela amena rapidement la question du devenir de municipalités, des particuliers parfois. Ainsi en fut-il
ces objets, à laquelle la proposition d’un dépôt des objets protohistoriques des Grottes de La Balme,
dans un grand musée régional par la Direction des du mobilier gallo-romain des fouilles anciennes de
Musées de France ne fut pas considérée par les élus Saint-Romain-de-Jalionas, des découvertes gauloises
locaux comme une réponse satisfaisante… Le déve- des environs de Crémieu au début du xxe siècle…
loppement pluriannuel des recherches, et le besoin alors que la découverte d’objets exceptionnels sur
de disposer pour les mener d’une base logistique le site renforçait la volonté de présentations locales
permanente, amena la DRAC (Service Régional de permanentes. La reprise des recherches sur les rites
l’Archéologie) à proposer alors l’implantation d’un funéraires protohistoriques, à partir de découvertes
Dépôt de Fouilles départemental sur la commune de locales du xixe siècle, amena la Maison du Patrimoine
Hières-sur-Amby. Une convention entre l’État et les à récupérer, d’abord en vente aux enchères à l’Hôtel
collectivités territoriales mit à disposition de l’opéra- Drouot à Paris, puis par des dons de particuliers et
tion l’ancien presbytère du village, et assura sa trans- de nouvelles fouilles, un important et riche mobilier
formation en Maison du Patrimoine répondant aux de tombes aristocratiques qui nourrit un spectacle
multimédia attractif (Fig. 892). Les collections ainsi laisser l’exposition permanente se déployer sur les
réunies, comme les activités de recherche et d’anima- trois niveaux de la Maison du Patrimoine.
tion menées en parallèle, facilitèrent le changement Les données recueillies par les programmes de
de statut de l’organisme qui devint naturellement recherches et fouilles étaient devenues assez nom-
dans les années 1990 un « musée municipal contrôlé » breuses pour mettre en scène un véritable discours
puis un « Musée de France » aux riches collections. La d’interprétation sur l’histoire du peuplement de l’Isle-
restructuration des locaux qui suivit amena le redé- Crémieu, de la préhistoire à nos jours. La difficulté
ploiement des activités dans un immeuble voisin de de présentation de certains concepts écologiques, et
l’ancien presbytère. Bureaux, centre de documenta- la volonté affichée dès l’origine de s’adresser princi-
tion et Médiathèque municipale, ateliers et réserves palement aux enfants, et au-delà d’eux aux familles,
du musée, salles d’animation… s’y installèrent, pour légitimèrent la réalisation de nombreux outils inte-
Fig. 900 – Vue générale aérienne des falaises et du site archéologique devenu un parc touristique (ill. P. Porte).
tent pour la plupart Larina entre 14 h 30 et 15 h 30 et Deux types de clientèles « habitués à consommer
finissent leur demi-journée de visite par la visite de du culturel » sont définis par les enquêtes universitai-
la Maison du Patrimoine vers 17 h. Cela confirme le res réalisées à Larina. D’une part, les « visiteurs grand
lien touristique qui existe entre les fouilles archéo- public », qui sont désireux de connaître des sites cultu-
logiques et l’exposition du musée. Une part impor- rels, sans pour autant avoir de préférence quant aux
tante (36 %) de la clientèle du musée, n’a visité aucun sites eux-mêmes : « Ils sont intéressés à enrichir leur
site auparavant dans la journée ce qui signifie que culture générale » et en outre, « Ils souhaitent des ani-
la clientèle n’est venue que pour Hières-sur-Amby. mations pédagogiques qui les aideraient à compren-
Les deux autres sites liés au musée sont les grottes dre le site et fassent durer la visite ». À l’opposé, les
de La-Balme et Crémieu, respectivement visités dans « visiteurs connaisseurs », « plus spécialistes », visitent
la même journée par 9 % et 7 % des clientèles de la les sites par intérêt intellectuel pour le patrimoine. Ils
Maison du Patrimoine. sont exigeants. « Ils apprécient le peu de fréquentation
du site et ils ne souhaitent pas une exploitation touris-
La durée de fréquentation du site par les clientèles tique. » Pour mieux répondre aux besoins de publics
est ainsi assez courte, d’une heure environ pour les si différenciés, il a fallu réaliser des enquêtes plus
visiteurs de passage à une demi-journée au maximum spécialisées mettant d’abord en relief les pratiques
pour ceux suivant une animation proposée par la des visiteurs sur le site. (Fig. 902)
Maison du Patrimoine. Le site n’étant pas fermé, il est
fréquenté par le public du lever au coucher du soleil.
Le « camping sauvage » est peu fréquent, mais la pra-
tique de pique-nique avec feu tend à se développer Des publics différenciés
malgré les interdictions. Compte tenu de la promotion pour des pratiques complémentaires
effectuée, Lyonnais et régionaux sont majoritaires les
week-ends du printemps et de l’automne, alors que Pourquoi vient-on visiter un site archéologique et
les vacanciers et les étrangers sont plus présents l’été. comment s’y promène-t-on ? Avant de définir un nou-
Ainsi le public est-il nombreux de début mars à fin veau projet d’aménagement culturel et touristique sur
novembre, mais décembre et janvier/février voient Larina, il a paru intéressant d’utiliser l’aménagement
aussi des visiteurs se promener sur le site. Au musée, mis en place progressivement depuis le début des
la visite de l’exposition dure entre 1 heure (36 % des fouilles pour analyser les attentes et les fonctionne-
visiteurs) et 1 h 30 (23 % des visiteurs), rarement plus ments des visiteurs actuels du site2.
longtemps. Pour un certain nombre (24 %) la visite
s’effectue même en moins d’1 heure ! 2. Schultz T. etc. (1997)
– Les pèlerins
Les pèlerins sont en retraite à Larina. Ce sont des
fidèles du lieu et ils sont légions. Ils sont là pour ren-
dre hommage à un lieu qu’ils connaissent bien, pour
y avoir déjà vécu des expériences heureuses. Mais
ce n’est pas tant une pieuse adoration de la Madone
qui les amène. Les pèlerins de Larina vénèrent par- Fig. 903 – La nécropole du Mollard restaurée : un lieu de ques-
dessus tout l’évolution du site. Ainsi, ils reviennent tionnements pour les visiteurs (ill. P. Porte).
régulièrement à Larina pour le plaisir de se laisser
surprendre par les changements, notamment ceux À Larina, les pèlerins se recueillent sur leur pro-
ayant trait à la configuration des lieux ou au paysage pre histoire, tantôt en la partageant avec leurs com-
de la plaine. Mais que l’on ne s’y méprenne pas, les pagnons de voyage, tantôt au travers d’une réflexion
pèlerins s’inquiètent de l’évolution lorsqu’elle devient plus globale sur l’évolution récente de leur civilisa-
synonyme d’innovation. Ainsi, dans le plus grand res- tion. On peut les rencontrer assis sur un mur, en
pect des lieux, ils se font davantage les observateurs train de se conter leurs aventures ou de commenter
de l’histoire locale, du paysage, des constructions… le paysage connu qu’ils ont sous les yeux. Larina
Ils connaissaient le site avant même que les vestiges s’ouvre à leurs pas comme un jardin domestique, lieu
archéologiques n’aient été découverts. Parfois, ils ont collectif mais sans horaires ni guichet et suffisam-
eu cette grande chance de pouvoir participer aux ment familier pour être considéré comme un chez-
chantiers de fouilles, ou plus généralement de dis-
soi. Espace de jeu, de promenade et de découverte,
cuter des découvertes avec les fouilleurs. S’ils revien-
le jardin propose mille et une merveilles que les
nent aujourd’hui, c’est pour retrouver leurs traces,
pèlerins apprécient : si les pèlerins s’intéressent aux
leurs propres histoires, qui sont liées à l’endroit où
vestiges archéologiques, ce n’est pas pour acquérir
ils avaient rencontré des découvreurs, où ils se sont
un savoir historique. Incapables de « lire les pierres »,
fait prendre en photo l’année précédente…
ils sont attirés par les ruines uniquement par la forme
Les pèlerins se déplacent généralement en grou-
des habitations qu’elles dessinent. Ils évoquent « les
pes, parfois importants. Ils se désignent un guide, fin
conditions de vie de l’époque » qu’ils comparent à
connaisseur des lieux. En fait, la sortie à Larina est
celles d’aujourd’hui (Fig. 903). C’est par le biais du
avant tout une occasion de sociabilité. Larina se visite
entre amis ou entre familles. Si les guides se chargent rapport qu’ils entretiennent à l’identité locale qu’ils
de la visite de leurs compagnons, c’est qu’ils souhai- s’intéressent à l’archéologie capable à leurs yeux
tent faire découvrir leur pays d’adoption et les haut- de démystifier leur propre histoire et l’origine de
lieux qu’il recèle. Car, la sortie à Larina se confond l’homme. Les pèlerins apprécient la beauté du pays.
avec une sortie identitaire. Les pèlerins y affirment Ils se dirigent vers la Madone d’où ils contemplent
leur droit et leur devoir d’appartenir à une société la vallée qu’ils viennent de parcourir en voiture. Ils
ou à un pays. Aller à Larina revient à visiter un lieu localisent leur village, celui du frère ou des amis,
familial, où chacun garde un souvenir, où chacun à l’aide de jumelles si nécessaire. S’ils adressent de
se reconnaît dans la fidélité à partager une même vifs reproches à la centrale nucléaire qui s’impose
culture. Les guides déplacent à Larina leurs parents devant eux, c’est qu’elle incarne un élément agressif
et leurs enfants, avec le souhait de transmettre leur de la civilisation industrielle et urbaine qu’ils cher-
propre identité. On y accompagne les enfants, on y chent à fuir. Ils aspirent à la nature et au calme de la
enseigne et apprend l’histoire locale, on y joue et campagne qui leur procure un sentiment de sérénité
organise le pique-nique du dimanche. Avec des amis, et de liberté. Ils apprécient tout particulièrement le
des collègues ou d’autres invités extérieurs, on s’at- site de Larina parce que, selon eux, il s’oppose aux
tache à découvrir de façon méthodique sa région. contrées touristiques classiques qu’ils ont pu fréquen-
Si quelques groupes, partis du parking de Hières, ter. L’autonomie du lieu, tant désirée des pèlerins, ne
accèdent au site par les sentiers, les pèlerins arrivent doit quand même pas exclure quelques barrières de
généralement à Larina en voiture. On vient y « pren- sécurité pour que les enfants puissent circuler plus
dre l’air », découvrir et faire découvrir la région, mais librement près de la falaise. En tout cas, pour eux,
surtout passer un « moment agréable » entre amis. Le Larina est un site unique. Il ne se compare pas à
pèlerinage est véritablement soumis au rythme col- d’autres : c’est un lieu clairement identifié, propice à
lectif. Se déplacer seul n’aurait pas plus de sens que la réflexion et à l’épanchement qu’il fait bon retrou-
de vouloir enseigner sans élèves. ver régulièrement.
- Les prospecteurs
Les prospecteurs sont-ils des pèlerins spécialisés ?
Comme les pèlerins, ils connaissent Larina pour y être
« déjà » venus. Toutefois, leurs motivations ne sont pas
les mêmes. Les prospecteurs sont-ils alors des savants
d’une espèce particulière ? Comme eux, ils ciblent
leur usage de Larina. Mais à cette différence que les
Fig. 905 – Un aménagement didactique très présent prospecteurs ne sont pas à Larina pour se cultiver
qui caractérise la visite du site archéologique (ill. P. Porte). l’esprit mais pour se remplir le ventre. Autrement dit,
ils sont guidés par la nécessité d’une activité aux limi-
ment d’appartenance à un monde cultivé. Il les place tes de la besogne et du plaisir. Certains prospecteurs,
aussi devant certaines obligations, particulièrement cueilleurs à l’occasion, se déclarent exclusivement
celles de transmettre leur savoir libéré des dogmes et attirés par les mûres qu’ils sont venus choisir dans
leurs manières critiques. On attendra donc des plus les buissons épineux. D’autres, enseignants, photo-
passionnés qu’ils enseignent leur savoir, ou, car cela graphes, cinéastes ou journalistes se montrent plus
semble parfois difficile, qu’ils tiennent compte des intéressés par la possibilité qu’offre le point de vue
aspirations de loisirs de leurs compagnons. de Larina pour exercer leurs « métiers ». Les prospec-
Les savants, sont aisément repérables : on les teurs tentent d’exploiter les ressources du site. Ils ont
rencontre dos courbé, observant de près les vestiges une compétence de professionnels et ils expriment
archéologiques. De plus, venus spécialement à Larina clairement une préférence pour ceci ou cela.
pour satisfaire leur passion, ils prennent leur temps Les prospecteurs sont de la région et s’ils prati-
pour s’imprégner des lieux et faire jaillir en eux les quent le site de Larina, c’est parce qu’ils profitent
questions essentielles qui finiront par faire avancer de l’occasion d’un déplacement à proximité. Larina
leur savoir. Leur visite est longue, méticuleuse aussi, n’est donc pas un objectif de sortie en soi, comme
ce qui conduit parfois à diviser leur groupe en deux. cela pouvait être le cas pour les savants. Les pho-
Tandis que les uns considèrent l’ensemble du site, les tographes spécialistes des cheminées, par exemple,
autres visitent Larina de manière sélective en accor- seront conduits à Larina pour les tours de la centrale
dant peu d’importance à ce qui pourrait les distraire nucléaire !
de leur passion. Les savants s’expriment peu sur l’as- Les prospecteurs ne s’intéressent pas au site tou-
pect naturel du site ou la qualité du point de vue, sur ristique, ni même au parc archéologique de Larina.
les types d’aménagements touristiques ou encore sur Coupant court à tous les aménagements imaginables
les panneaux pédagogiques qu’ils ignorent ou qu’ils du site, ils ne s’orientent que vers leur cible. La visite
approchent seulement en fin de visite (Fig. 905). doit être efficace. Les prospecteurs n’aiment pas s’en-
À l’inverse des collectionneurs, les savants atten- combrer de lourdeurs qui nuiraient à leurs objectifs :
dent de Larina des révélations historiques particu- point de balade, point de rêverie… sans d’abord
lières et de qualité. Or, ils jugent les vestiges petits, se préoccuper de la bonne fin de leurs travaux. De
dépouillés des objets qui y ont été découverts, ce qui, Larina, ils ne sont ni satisfaits ni vraiment enthou-
selon eux, ne confère pas un grand intérêt historique siastes. C’est l’accomplissement de leur objectif qui
au site. Ils ne manquent ainsi pas de jeter le doute prime : que les mûres soient belles, que les champi-
sur la richesse archéologique de Larina, par ailleurs gnons abondent, pour le photographe que la lumière
vantée dans des articles grandioses… et trompeurs. soit propice, ou pour l’enseignant que la possibilité
Le déroulement de leur visite, ciblée en premier lieu d’une visite de sa classe se confirme. (Fig. 906)
Annexes • 247
gne ; capté dans de larges canaux, il distribue partout Le castrum de Chastel-Marlhac (Auvergne)
son eau enfermée dans des dérivations profondes. au vie siècle :
Du côté du soleil couchant, derrière les greniers « Les troupes s’emparent de la forteresse de Vol-
obscurs, s’élève la maison d’hiver des maîtres : là lore et tuent misérablement devant l’autel de l’église
pétille un bon feu qui dévore les bûches qu’on lui le prêtre Procule, qui jadis avait offensé Saint Quin-
apporte ; les vagues d’air chaud sortant de la masse tien… Les assiégés du château de Marlhac sont alors
ardente se perdent dans les tuyaux de la cheminée délivrés après avoir donné une rançon pour ne pas
où elles circulent et, leur violence une fois brisée, être emmenés en captivité ; c’est leur lâcheté qui en
répandent dans tout l’édifice une chaleur modérée. fût la cause, parce que le château était bien fortifié
Contigu à ce bâtiment, on pourra voir un atelier de naturellement. Il était entouré d’un rocher de cent
tissage que le fondateur a osé concevoir dans le style pieds ou même plus, taillé à pic, sans qu’on ait eu
du temple de Pallas. C’est dans ce sanctuaire, dira à construire des murs ; au milieu est un grand étang
un jour la Renommée, que l’épouse irréprochable dont l’eau claire est très agréable ; dans une autre
du noble Léontius, qui plus que toute autre femme partie il y a des sources très abondantes en sorte
entrée dans la familia Pontia se réjouit de partager le qu’un ruisseau d’eau vive s’écoule par une porte.
sort de son illustre mari, dégarnissait de leur laine les En outre, cette forteresse s’étend sur un si grand
quenouilles syriennes, tordait les fils de soie sur les espace que les habitants cultivent de la terre dans
roseaux légers ou filait le métal assoupli, gonflant le l’enceinte des murs et récoltent des fruits en abon-
fuseau de fils d’or. Derrière cette construction, sur un dance. Confiants dans la protection qu’offrait cette
ensemble de panneaux, s’étale une brillante compo- forteresse, des assiégés qui étaient sortis pour pren-
sition qui rappelle les origines des Juifs circoncis. La dre quelque butin et de nouveau se renfermaient à
peinture resplendit pour l’éternité ; le temps n’a pas l’intérieur de l’enceinte du château, furent capturés
détérioré ses couleurs ni enlaidi le dessin. par les ennemis. Ils étaient cinquante hommes… Les
assiégés consentirent, pour que ces hommes ne fus-
La salle à manger, la tour de guet sent pas tués à donner chacun un triens pour leur
rançon. »
Tu tournes à gauche : un vaste portique te reçoit ;
il est voûté et ses galeries sont droites ; suspendue
à l’extrême bord de l’abrupt, une forêt de pierre s’y La villa de Mediolanus (Moselle)
dresse, faite de colonnes serrées. Ici s’ouvre une appartenant à Nicétius au viie siècle :
haute salle à manger avec ses portes à deux battants. « La montagne se soulève en une masse vertigi-
À côté, une conduite de métal fondu ; l’eau tombe neuse suspendue entre ciel et terre et la rive rocheuse
d’en haut, dans un bassin situé devant la porte, et les dresse sa tête altière. Sur ce soubassement de pierres,
poissons qui ont suivi ce canal trouvent en nageant elle porte haut ses sommets aux frondaisons vierges
une salle à manger… mais agitée par les vagues. À et dressées au-dessus de l’abîme, la cime règne en
portée de la main se dresse la première, ou, si tu sûreté. Les plaines se retirent de la vallée au profit du
préfères, la dernière des tours. C’est là que les maî- mont ; partout la terre diminue et celui-ci s’installe.
tres de maison auront coutume de placer leur lit de La Moselle qui gonfle et le petit Rodanus l’en-
table en hiver. Souvent assis à son sommet visible de tourent et rivalisent pour alimenter l’endroit en
loin, je regarderai la montagne chère à nos Muses en poisson. Ailleurs, les fleuves divagants saccagent les
même temps qu’aux chèvres ; je me promènerai dans riches moissons ; ceux d’ici produisent pour toi des
ces frondaisons de laurier et là je croirai que la trem- festins, Mediolanus. Que les eaux montent et voilà le
poisson plus proche ; ce qui produit d’habitude des
blante Daphné veut bien croire en moi. S’il t’arrive
ravages fournit ici la nourriture.
alors de tourner tes pas vers les deux Ourses, pour
Le laboureur charmé regarde ses sillons fructifier,
aller au temple du dieu qui est le plus grand de tous,
faisant des vœux pour une production riche et abon-
tu sentiras au passage les parfums de la cave et du
dante. Les cultivateurs se repaissent les yeux de la
garde-manger, qui associent leurs délices ; tu y seras, moisson à venir, ils la récoltent du regard avant que
mon frère, abondamment représenté. le temps soit venu de la couper. La campagne douce
et riante est couverte d’un tapis de verdure, de gras-
Double patronage divin pour le Burgus ses prairies charment les regards errants.
Et maintenant partage avec moi cette résidence : Parcourant ces lieux, Nicetius, héritier des apôtres,
tu me céderas ma fontaine, qui coule de la montagne y établit en pasteur le bercail qu’il souhaitait pour son
et qui est ombragée par l’arc d’une large voûte percé troupeau. Il ceignit complètement la hauteur de trois
de nombreux trous. Elle n’a pas besoin de raffine- fois dix tours, il fit surgir des constructions à la place
ments, la nature lui a donné sa parure… Cette fon- occupée naguère par la forêt. Du plus haut sommet,
taine nous suffit en guise d’onde de Castalie. Le reste, le mur étend ses bras jusqu’aux limites formées par
tu peux t’en enrichir ; que les collines redoutent ta les eaux de la Moselle.
loi ; délivre ici tes captifs et que leurs liens relâchés À la cime du roc, se dresse un palais qui connut
deviennent de riches vignobles sur les coteaux du la splendeur et cette seconde montagne posée sur la
Burgus. » première sera sa demeure. On a jugé bon d’enclore
248 • Annexes
par le mur la plaine cultivée et cet édifice à lui seul L’eau d’irrigation est conduite par des canaux
constitue presque un château fort. Les colonnes de sinueux et elle fait tourner une meule qui fournit sa
marbre supportent le fier palais du haut duquel on nourriture à la population. Sur les collines stériles,
voit les barques estivales glisser sur la rivière. (Nicetius) a planté des ceps généreux et les vigno-
Il se développe sur un triple rang en un ensemble bles verdoient là où il n’y avait que broussailles. Des
étendu si bien que d’en haut, on prendrait les toits vergers croissent ça et là et emplissent l’air du parfum
pour des champs. La tour qui se trouve en face, sur la varié de leurs fleurs. C’est à toi que revient le mérite
pente opposée, est la demeure des saints et contient de tout ce que nous louons, toi qui distribues tant de
les armes destinées aux défenseurs. Il y a là aussi une biens, pasteur magnifique de ton troupeau. »
baliste dont les deux boulets laissent derrière eux la
mort et fuit plus loin.
250 • Annexes
Tableau de répartition par couches des monnaies de Larina
254 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 255
256 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 257
258 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 259
260 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 261
262 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 263
264 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 265
266 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 267
268 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 269
270 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 271
272 • Annexes
Catalogue des monnaies antiques de Larina • 273
Bibliographie
La bibliographie qui suit ne comprend pas tous les livres consultés, loin de là ! Nous avons en effet éliminé la
plus grande partie des ouvrages généraux de base concernant les périodes étudiées, l’histoire d’une époque ou de la
région, que nous pensons bien connus par ailleurs.
Les ouvrages consultés sont classés par ordre alphabétique des auteurs en deux grandes catégories. Les manus-
crits proviennent pour la plupart du Fonds de Recherche Dauphinois de la Bibliothèque municipale de Grenoble, et
des Archives départementales de l’Isère ou du Rhône.
Les imprimés regroupent ensuite par ordre alphabétique les livres concernant le camp de Larina proprement dit
et son proche terroir, avec ceux le citant précisément dans une problématique, de façon à avoir accès facilement aux
documents de base. S’y ajoutent les nombreux ouvrages sur les sites comparatifs, les livres consultés pour l’identi-
fication du matériel de la fouille, et les synthèses, études, sur les points historiques particuliers que nous avons dû
considérer.
Abréviations utilisées :
s. d. = sans date
s. n = sans nom d’auteur, ou auteurs collectifs nombreux
bull. = bulletin
ms = manuscrit conservé aux Archives départementale de l’Isère à Grenoble
suppl. = supplément
A.D.I. = Archives Départementales de l’Isère (Grenoble)
A.D.R. = Archives Départementales du Rhône (Lyon)
A.F.A.M. = Association Française d’Archéologie Mérovingienne, M.A.N, St-Germain-en-Laye
A.F.A.N. = Association Française d’Archéologie Nationale (I.N.R.A.P.), Paris
B.A P. = Bulletin Archéologique de Provence, Aix-en-Provence
B.A.R. = British Archaelogical Reports, Londres
B.M.G. = Bibliothèque Municipale de Grenoble
B.A.C. = Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Scientifiques et Historiques – section d’archéologie -
C.R.A. = Centre de Recherches Archéologiques du C.N.R.S., Sophia-Antipolis-Valbonne
C.R.A.I = Comptes-rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris
C.T.H.S. = Actes du Comité National des Travaux Historiques et Scientifiques, Congrès National des Sociétés Savantes,
sections-Archéologie et Histoire de l’Art- ou -Histoire-
D.A.F. = Documents d’Archéologie Française
R.A.C. = Revue Archéologique du Centre de la France, Orléans
R.A.E. = Revue Archéologique de l’Est et du Centre-Est, Dijon
R.A.N. = Revue Archéologique de Narbonnaise, Montpellier
R.A.O. = Revue Archéologique de l’Ouest, Rennes
Settimane… = Settimane di studio del centro italiano di Studi sull’Alto Medioevo di Spoleto
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296 • Larina
Index des principaux lieux locaux cités
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Fig. 720 – P
lan schématique du « refuge du bas Empire » du bitation et d’exploitation diversifiés, entourée d’une
Mont-Musiège (ill. D. Paunier, 1978). enceinte quadrangulaire. (fouilles et ill. S. Jesset,
Fig. 721 – P
lan d’ensemble des sites de hauteur de Saint-Satur- INRAP).
nin et Château-Porcher (ill. B. Ode, 1997). Fig. 747 – L arina : vue générale aérienne des vestiges restaurés
Fig. 722 – R
éoccupation au haut Moyen Âge de l’oppidum de (ill. P. Porte).
Constantine. Le rempart figuré est celui de l’Âge de Fig. 748 – V
ue aérienne de l’établissement tardoantique au
fer (ill. d’après J.-C. Liger). pied de La Motte (ill. P. Porte).
Fig. 723 – L e peuplement tardoantique autour de Ugium/Saint- Fig. 749 – L es vestiges constituant l’établissement de « cabanes »
Blaise et de l’Étang de Berre (ill. F. Trément, 1993). (ill. P. Porte).
Fig. 724 – P
lan général de Ugium/Saint-Blaise (ill. A. Carrié Fig. 750 – R
estitution d’une des premières « cabanes » de Larina
dans G. Demians d’Archimbaud, 1994). (ill. Ph. Allart).
Fig. 725 – P
lan de l’habitat perché de Sainte-Candie (ill. Ber- Fig. 751 – L es vestiges constituant l’établissement « sur fonda-
toncello F. et Codou Y. 2005). tion de galets ».
Fig. 726 – É
difice rectangulaire en pierres sèches de Sainte- Fig. 752 – R
estitution d’une maison familiale de « colons » et
Candie (ill. Bertoncello F. et Codou Y. 2005). entrepôt collectif.
Fig. 727 – P
lan de l’oppidum de Lombren (État en 1970) (ill. Fig. 753 – F
ers d’esclaves ou de prisonniers provenant du bâti-
J. Charmasson 1970). ment X.
Fig. 728 – P
lan général du Roc de Pampelune en 2002 (ill. Fig. 754 – S cène d’agriculture polyvalente dans une villa anti-
L. Schneider et G. Marchand). que (mosaïque des Laberii à Oudna au Musée du
Fig. 729 – O
ppidum de Notre-Dame-de-Consolation à Jou- Bardo) (ill. P. Porte).
ques : bâtiments sur la terrasse haute (ill. Michel Fig. 755 – S cène de chasse aux ours, sangliers et porcs sau-
d’Annoville C. 2005). vages au ive siècle (mosaïque du Musée du Bardo)
Fig. 730 – L ’habitat du Camp des Armes au haut Moyen Âge (ill. P. Porte).
(ill. Bourdartchouk J.-L. 2000). Fig. 756 – B
œuf et chèvre rustique de l’Antiquité tardive sur
Fig. 731 – P
iégu : plan général de l’enceinte et du « fortin » (ill. des mosaïques du musée archéologique d’Amman
G. Demians d’Archimbaud, 1980). ( Jordanie) (ill. P. Porte).
Fig. 732 – P
lan général du Castelviel d’Aiguèze (ill. Goury et Fig. 757 – P
ressoir traditionnel de l’Isle-Crémieu (ferme de
Gely, 1977). Moras) proche du type du grand pressoir à vis ver-
ticale (ill. P. Porte).
Fig. 733 – L a Malène : plan général du castrum des vie-viie siè-
cles (ill. L. Schneider et G. Marchand). Fig. 758 – C
oupe en verre gravé du site.
Fig. 734 – Les deux enceintes du castrum Clausuras/Les Cluses Fig. 759 – P
lan et restitution de l’élévation du fanum de Larina
(ill. Grau, 1979). au ve siècle.
Fig. 735 – Le site et les bâtiments du castrum d’Ultréra (ill. Fig. 760 – P
lan du sanctuaire tardoantique de Matagne-la-
Constant, 2001). Grande (ill. P. Cattelain et N. Paridaens, 2009).
Fig. 736 – Plan général de la forteresse de Cabrières (ill. Fig. 761 – É
volution du secteur du fanum du ive au vie siècle
302 • Larina
Fig. 820 – Sépultures de bébé et d’enfant en bas-âge sur La Fig. 842 – F
antassin franc casqué, armé d’une épée, d’une
Motte (ill. P. Porte). lance et d’un bouclier (ill. Psautier de Corbie, fol.
123 v.).
Fig. 821 – Plan des sépultures liées à la salle à abside de la
villa de Saint-Romain-de-Jalionas (ill. N. Bernigaud Fig. 843 – R
estitution de la villa mérovingienne I à son apogée,
d’après R. Royet). avec sa galerie-façade.
Fig. 822 – T
ypologie des sépultures de la nécropole des Fig. 844 – L es habitants caractéristiques des deux établisse-
Grands-Peupliers. ments mérovingiens successifs : un agriculteur
(enluminure du haut Moyen Âge), et un noble guer-
Fig. 823 – Le royaume burgonde au vie siècle. rier (sculpture du Musée germanique de Mayence).
Fig. 824 – Carte de répartition d’objets de culture burgonde Fig. 845 – L e bâtiment I lors de son abandon : des construc-
caractéristiques, dont les crânes déformés. tions enchevêtrées bordées d’enclos pour le bétail.
Fig. 825 – Casque mérovingien dit de Clodomir trouvé à Véze- (ill. Ph. Allart).
ronce (ill. Musée Dauphinois, Grenoble). Fig. 846 – R
econstitution de la tenue de deux guerriers d’après
les fouilles de nécropoles septentrionales.
Fig. 826 – Vue aérienne des falaises et du site de Larina (ill.
P. Porte). Fig. 847 – R
estitution d’un cavalier franc, ou scariti, membre de
groupes armés, ou scarae, du type des guerriers de
Fig. 827 – Entre les collines de Lyon et le plateau de Larina, les
Larina, avec son équipement (ill. Ph. Allart).
plaines du Rhône et de l’Ain (ill. P. Porte).
Fig. 848 – B
ague de la princesse : un bijou de type et qualité
Fig. 828 – Guerrier mérovingien défendant une ville sur une exceptionnel (ill. P. Porte).
enluminure (ill. P. Porte).
Fig. 849 – S épulture de la « princesse » de Larina, liée à la haute
Fig. 829 – Évolution territoriale du royaume franc : des conquê- aristocratie franque par sa bague (ill. P. Porte).
tes successives.
Fig. 850 – R
estitution graphique du castrum de Larina avec son
Fig. 830 – À gauche, tombes des chefs francs de Saint-Dizier enceinte (ill. Ph. Allart).
(Haute-Marne) : restitution par L. Juhel d’une cham-
Fig. 851 – R
aid de cavaliers francs depuis une forteresse de
bre funéraire masculine avec son mobilier funéraire
hauteur… vu par la bd (ill. Dufossé, « Les Sanguinai-
(fouilles M.C. Truc, INRAP). À droite, nécropole
res », Glénat, 1997).
d’Hegenheim (Haut-Rhin) : inhumation d’une jeune
femme de statut élevé avec son riche mobilier funé- Fig. 852 – É
volution synthétique de la hiérarchie sociale à
raire (fouilles D. Biloun, INRAP). Larina du ive au viiie siècle (ill. P. Porte).
304 • Larina
Achevé d’imprimer
sur les presses de la SAI
18, allée Marie-Politzer – 64200 Biarritz
Le ?? juin 2011