Arnaud Louis. Néo-martyrs orthodoxes : Michel d'Athènes et Angelis d'Argos. In: Échos d'Orient, tome 16, n°102, 1913. pp.
396-408;
doi : https://doi.org/10.3406/rebyz.1913.4077
https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1913_num_16_102_4077
(1) J. Bousquet, l'Unité de l'Eglise et le schisme grec. Paris, igi3, p. 327. Cf. Echos
d'Orient, 1911, t. XIV, p. 288.
(2) De même le P. Pétridès écrivait : « II y a là toute une littérature très curieuse,
peu ou point étudiée jusqu'ici par les hagiographes catholiques. » Dans Echos d'Orient,
:go5, t. VIII, p. 35o.
NEO-MARTYRS ORTHODOXES 397
sonne d'un jeune enfant, lequel aima mieux perdre la vie que de faire
banqueroute à la religion chrétienne, pour laquelle il eut le courage de
souffrir dans sa propre maison une courageuse mort qui le mît au
rang des martyrs de la Grèce.
» Ce sont deux histoires qui mériteraient d'être racontées au long
avec toutes leurs circonstances et particularités, »(i)
Les Grecs, peureux et habitués par les Turcs barbares et sensuels à
ces sortes de violences, se sont désintéressés du sort de la jeune fille
recueillie par notre consul, qui était alors le protecteur officiel des
chrétiens dans Athènes. Mais ils ont dû conserver le nom du jeune héros,
et il est probable qu'il existe une relation plus circonstanciée de sa
mort. Le P. Babin connaissait « au long ces deux histoires ». Par
malheur, il ne nous donne ni nom ni date.
Le missionnaire Jésuite écrivait de Smyrne en octobre 1672. Or^
dans la liste chronologique, bien incomplète sans doute, dressée par
C. Doukakis, le compilateur du Μέγας συναξαριστής (de l'année 1650 à
l'année 1670 il est mentionné neuf néo-martyrs laïques), il ne se trouve
pas de jeune enfant qui soit mort à Athènes de supplices infligés par
les Turcs (2).
(1) Babin, Relation de l'Esiat présent de la ville d'Athènes, Lyon, 1674. C'est un
rapport du P. Babin, qui séjourna longtemps à Athènes, et qu'il a daté de Smyrne,
8 octobre 1672. Ce rapport est reproduit dans l'ouvrage du comte de Laborde,.
Athènes aux xv% xvi" et xvne siècles. Paris, 1854.
(2) Const. Doukakis, 'Ακολουθία άσματική πάντων των νεοφανών μαρτύρων. Athènes,
1897· Doukakis appelle également ce court résumé Νέον Μαρτυρολόγιον. Mais il ne faut
pas confondre avec le Νέον Μαρτυρολόγιον de Nicodème l'Hagiorite, publié à Venise
en 1796.
échos d'orient
(i) Doukakis, Μέγας Συναξαριστής au 22 mai: Μαρτύριον τοϋ Παύλου τοΰ Νέου, ρ·4θ5-4ΐθ.
NEO-MARTYRS ORTHODOXES 399
(1) Pour Michel, je renvoie seulement à un article de D. Gr. K., paru dans 'Εστία
•du 17 janvier igi3. Ό νεόμαρτυς κηπουρός.
4OO ÉCHOS D'ORIENT
(1) R. Bousquet, Philothée Béni^elou, dans Echos d'Orient, 1906, t. IX, p. 288.
(2) Dans cette étude, je cite toujours les Menées d'après l'édition approuvée par le
synode de l'Eglise de Grèce. C'est donc un livre officiel. Edition Paraskévopoulos^
Athènes, 1904, 12 volumes petit in-folio.
(3) Cf. DouKAKis, 'Ακολουθία άσματική , p. 35 (six lignes).
(4) La passio, Νέον Λειμωνάριον, p. 444, édition Roussopoulos, Athènes, 1K73, a été
écrite quelques mois peut-être après sa mort. C'est ce qui rend le récit nussi vivant.
Le style en a été modernisé légèrement et corrigé par Doukakis. Le Μέγας Συναξαριστής
de ce dernier, au 3 décembre, donne la vie, p. 89-100, mais non l'office, qui est au
Νέον λεψ.ωνάριον. ;
NEO-MARTYRS ' ORTHODOXES 40 1
convaincre des arguments plus forts que des paroles. Venons-en aux
actes. Prends telles armes que tu voudras. Moi, sans sabre, ni pistolet,
ni fusil, mais avec un simple bâton, je te tuerai grâce à la puissance de
ma foi. » Le Français, aussi échauffé que son adversaire, accepta.
Angelis, nouveau Pierre, mais plus ferme que l'apôtre, qui, lui,
avait douté de la puissance du Seigneur, exige un combat immédiat,
public, contrôlé, officiel pour ainsi dire. Il va donc avec son adversaire
devant le consul de France, εις τον χόνσοΧον τον ψραντζέζον, et lui expose
le cas (2). Le consul lui donne la permission de se battre, et, sur son
ordre, le chancelier du consulat dresse un acte dans lequel on
constatait que, « sains d'esprit et de leur plein gré, les deux adversaires
combattraient, l'un avec des armes, l'autre avec un simple bâton; que celui
des deux qui serait tué le serait loyalement, et que le vainqueur
n'aurait à craindre ni enquête, ni jugement, ni amende ». Ici le narrateur
fait une petite digression sur Goliath le Français et David le Grec.
Le combat est fixé par le consul au lendemain. Angelis va trouver
son père spirituel, ο πνευματικός του, se confesse, raconte l'histoire et
lui demande ses prières. Le brave homme, étonné, tâche de le
dissuader et de le ramener au calme, mais en vain. De retour à sa maison,
Angelis passe la nuit à réciter des psaumes; le matin il communie, et
ainsi armé, il part à la rencontre de son adversaire. Nouvelle tirade
amusante du bon Niképhoros.
Arrivé à ce point de mon récit, je vous vois, très pieux auditeurs, avec
les yeux de l'âme, partagés entre deux sentiments contraires : d'un côté,
le désir de voir l'athée occis pour la plus grande gloire de notre foi ; de
l'autre, la crainte que cette merveille attendue ne glorifie pas le Seigneur.
Hommes de peu de foi, vous ne connaissez pas les voies de la
Providence! Écoutez.
de(1)Samos,
Kousantasi
sur la est
côtelad'Asie.
Nouvelle-Ephèse
C'est une ville
des de
Grecs,
3 000Scalanova,
ou 4000 habitants.
située en face de l'île
(2) Le Μέγας Συναξαριστής croit corriger en écrivant είς τον πρόξενον. On remarquera
qu'on est en 1810 environ, dans une petite ville turque. Le consul a peut-être voulu
•se divertir aux dépens des deux champions, le consul ou mieux l'agent consulaire,
un Levantin sans doute.
Échos d'Orient, t. XVI. 26
ECHOS D ORIEBT
(1) II doit y avoir ici une confusion. C'est sans doute Macaire le Jeune, martyrisé
à Brousse en i5go. Angelis allait prier devant son icône.
(2) Ce sont trois néo-martyrs. Dans la deuxième partie de cette étude, je parlerai de
Démétrius le Péloponésien.
404 ÉCHOS D ORIENT
Angelis avait vécu ainsi à Chio dans cette folie feinte, πεπλασμένην
ρ.ωρ{αν, durant six mois, quand arriva le jour qu'il appelait de ses
vœux, το θέλημα του Κυρίου. Pendant trois jours il se retira du
commerce de la foule, marchant seul, recueilli et silencieux. Puis il se
confessa avec de grands sentiments de pénitence et d'humilité, et,
nouveau Pierre, pleura amèrement son apostasie. Voici la manière
dont il s'y prit pour être martyr.
11 alla secrètement chez un chrétien et se rasa la barbe. Puis de là il
se rendit à la douane, sur le quai. Des Turcs, le voyant ainsi transformé,
l'interrogèrent: « Te voilà glabre! Qu'est-ce? Où est ta barbe? Pourquoi
t'es-tu rasé? » Angelis, souriant, répondit: « Quand j'étais Turc, j'avais
de la barbe, parce que les Turcs se font un honneur de la porter; mais
puisque aujourd'hui je suis chrétien comme autrefois, je l'ai coupée
comme inutile, car dans ce pays les xhrétiens ne la portent pas. » De
juste, on essaya de le faire changer d'idée. Inutile; Angelis répondit par
de nouvelles affirmations. Sur un ordre de l'aga, on le conduisit dans
la prison du Castro. Mais auparavant, comme c'était l'heure de la prière,
NÉO-MARTYRS ORTHODOXES 405
theca hagiographiça grœ-ca. Une vie très longue, composée par l'évêque
Nilos, métropolite de Rhodes, a été publiée en 189 1. Son acolouthia est
au Néon Leimonarion (1). La passio d'Isidore, martyrisé à Chio durant
la persécution de Dèce, le met en rapport avec la martyre Myropie.
On chercherait en vain des détails précis sur Marcella, dont l'époque
et la vie réelle ne sont pas plus connues que celles de saint Phanou-
rios de Rhodes, dont les icônes se multiplient depuis quelques années
dans les églises d'Athènes. Comme Phanourios aux Rhodiens, Mar-
cella fut révélée aux Chiotes vers le xvie siècle. Elle est mentionnée sans
plus aux Menées du 22 juillet, mais le Néon Leimonarion en sait très
long sur elle (2). Théophile est probablement le Théophile de Zanthe
qui mourut à Chio en 1635; et Marc est Marc le Jeune, un néo-martyr
également Chiote de l'année 1801 (3).
Ainsi un court tropaire de YHespérinos nous révèle excellemment,
mieux que de longues pages de polémique, la piété et les goûts
liturgiques d'un des nombreux caloyers chiotes des premières décades du
xixe siècle. Piété en somme étroite et ramassée, et de peu de scrupule,
qui ne connaît guère que les saints de son île, et qui s'adresse aussi
bien aux martyrs des grandes persécutions en vénération dans tout le
monde chrétien qu'à ses contemporains, comme Marc le Jeune, qu'il
place lui-même sur les autels. On sait que l'Eglise orthodoxe grecque
n'a pas de Congrégation des Rites.
Un autre tropaire, aux Laudes, είς τους αίνους, rapproche, comme
dans la passio, Angelis de Meirax l'Egyptien et Jacques le Perse qui
apostasièrent, et, s'étant repentis, eurent, après d'indicibles tortures,
la tête tranchée. Niképhoros ne semble pas se douter que ce qui fait
hésiter notre jugement, ce n'est pas tant l'apostasie que le caractère
même de son héros.
Aucune autre allusion directe, cela va de soi., à l'apostasie, hormis
le tropaire de Laudes. Dans le même tropaire, le néo-martyr est
également [comparé à l'apôtre Pierre, Συν τω θείφ Πέτρω, άοίδ\υ.ε, τφ
κορυοαίω σε εν ώδαΐςγεραίρορ,εν. Angelis, même dans ses crises de demi-
folie mystique, n'avait certes pas tant demandé.
Louis Arnaud.
Athènes.