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Thomas Bernhard
CONTRIBUTEURS : Noémi Lefebvre TEXTES DE
Haggaï Linik THOMAS BERNHARD :
Susanna Löffler
Bernhard
H.C. Artmann
Herta Luise Ott Jeunes têtes. Thomas Bernhard
Klaus Amann
Krystian Lupa Ma propre solitude
Fernando Arrabal
Bernhard Minetti Pour quelques friandises acidulées
Ingeborg Bachmann
Manfred Mittermayer Suicide à l’hôpital psychiatrique
Karin Bergmann
Sarah Neelsen régional
Nicolas Bouchaud
Petra Paterno Tant aimée, jamais payée
Hélène Cixous
Claus Peymann Représentation au tribunal pénal
Sarah Clément
Denis Podalydès régional
Michel Cournot
Sylvain Prudhomme Ernestine contre Lucie
Jürgen Doll
Rudolf Rach Paris — poème
Peter Fabjan
Jacques le Rider Délire de persécution — poème
Raimund Fellinger
Lydie Salvayre Une lettre tirée d’un drame
Georges Felten
Wendelin Schmidt-Dengler Un printemps
Antonio Fian
Erika Schmied Un imposteur à la campagne
Alain Fleischer
Martine Sforzin En tant qu’administrateur de l’asile
Krista Fleischmann
Gerald Stieg La femme de la fonderie et
Bernard Freyd
Mireille Tabah l’homme au sac à dos
Hervé Guibert
Erika Tunner À Rome
Hilde Haider Pregler
Mathias Verger Déclaration
Peter Handke
Karl Wagner Unseld
Kerstin Hausbei
Ignaz Hennetmair Walter Wagner
Ute Weinmann LETTRES À :
Hans Höller
Alexander Honold Juliane Werner
Jean-Marie Winkler Annemarie Hammerstein-Siller
Elfriede Jelinek
Josef Winkler Claus Peymann
Joël Jouanneau
CORRESPONDANCE AVEC :
Siegfried Unseld
L’Herne
33 € – www.lherne.com
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L’Herne
14 photographies biographiques
117 ARCHIVES :
Phrase d’ouverture et ébauche tardive d’un roman : Neufundland
Thomas Bernhard
Récits :
118 Une lettre tirée d’un drame
121 Un printemps
122 Un imposteur à la campagne
125 En tant qu’administrateur de l’asile
126 La femme de la fonderie et l'homme avec le sac à dos
136 ARCHIVES :
Wie ich Burgtheaterdirektor werden sollte / Comment j’aurais dû devenir Directeur du Burgtheater
142 ARCHIVES :
Tapuscrit : Meine Preise / Mes prix
IX – Témoignages
297 Karl Ignaz Hennetmair
Une année avec Thomas Bernhard
300 Peter Handke
Sur Thomas Bernhard
301 Hélène Cixous
« Je suis d’abord une lisante… » – Extrait
301 Karin Bergmann
L'effet qu'il faisait aux femmes était flagrant
302 Krista Fleischmann
Il était un cannibale
302 H.C. Artmann
En pensant à Thomas Bernhard
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étranger pour Maîtres anciens en 1988, est égalé et amour sans réserve et terriblement déçu que les Fran-
surpassé par le dramaturge. Metteurs en scène et çais vouaient à ce pays ou l’expression d’une peur
comédiens de renom travaillent désormais ses pièces ; ressentie vis-à-vis d’une Allemagne unifiée et forte et
le festival d’Automne 1988 présente trois mises en un besoin de prendre l’Autriche comme bouc émis-
scènes. saire ? Ou encore un refus de faire face à sa propre
Pourquoi ce rayonnement exceptionnel en histoire et à sa propre culpabilité ainsi projetées vers
France ? Depuis la mise en scène du Faiseur du théâtre un ailleurs ?
par Jean-Pierre Vincent, la France serait devenue « Dans sa façon de transgresser la bienséance et
la succursale d’élection de Thomas Bernhard ». Son les tabous, il est certain que Thomas Bernhard n’a
œuvre, les textes dramatiques, les adaptations de la pas d’équivalent en France. Ses invectives s’adressent
prose, et aussi les interviews, vivent désormais princi- de prime abord à un public germanophone et autri-
palement au théâtre. chien. Le public français peut s’y soustraire et s’en
Au début de cette rencontre avec le public, réjouir à distance sans se sentir vraiment concerné.
c’est l’écriture novatrice de Thomas Bernhard qui De nos jours cependant, les invectives bernhardiennes
fascine. Avec l’essoufflement des idéologies et un sont – à juste titre – comprises comme métaphore
certain épuisement du nouveau roman, les lecteurs d’un monde hypocrite, et interprétées à un niveau
se tournent vers la littérature étrangère, notamment plus universel, transposées soit à l’État français, soit
germanophone et en particulier vers celle venue à l’humanité en général. Et enfin, on prend aussi la
d’Autriche. Les textes de Thomas Bernhard et de mesure de l’humour et de l’ironie de Bernhard qui
Peter Handke, perçus comme écrivains-philosophes préservent l’œuvre et le personnage malgré une vision
parce qu’ils interrogent le fonctionnement de la radicalement négative de l’existence de tomber dans
langue et abordent des thèmes existentiels, répondent le pathos.
à cette attente. Ce Cahier souhaite d’abord enrichir et appro-
fondir notre connaissance de l’œuvre, notamment
La « bernhardite aiguë » de la fin des années grâce à de nombreux inédits. Un choix des chroniques
1980 jusqu’au milieu des années 1990 s’explique judiciaires que le jeune journaliste au quotidien de
entre autres par le contexte socio-politique et culturel Salzbourg a rédigé en suivant les procès et les faits
en France, car elle coïncide avec l’engouement des divers souvent dérisoires permet de voir le matériau
Français pour la culture de la Vienne fin-de-siècle et dans lequel l’écrivain a puisé son œuvre ultérieure.
le retournement de l’image de l’Autriche. La grande Deux poèmes figurent dans ce Cahier. Le premier,
exposition au Centre Pompidou en 1985-1986, datant du début des années 60, intitulé « Paris » et
Vienne 1880-1938. Naissance d’un siècle permet à un manifestement inspiré d'Apollinaire, nous donne
vaste public de découvrir ce berceau de la moder- une idée de ses tâtonnements de poète. Le second,
nité. Les élections présidentielles (mai-juin 1986) écrit vingt ans plus tard, est aussi l'ultime et nous
en Autriche révèlent cependant une autre facette de permet de mesurer le chemin parcouru. Un certain
ce pays. Les deux événements conjugués favorisent nombre de très beaux récits de jeunesse nous permet
l’extraordinaire popularité du personnage de Thomas de voir de près, comment cette écriture a progressive-
Bernhard, tout en limitant la portée de son œuvre au ment pris forme. Des fac-similés de brouillons et de
seul topos autrichien. Désormais les imprécations de tapuscrits, avec leurs ratures et corrections, nous font
Bernhard contre un État autrichien amnésique aux entrer très concrètement dans la fabrique du texte.
relents antisémites et xénophobes sont prises au pied Mais il s’agit aussi de révéler les multiples
de la lettre et considérées parfois même comme trop facettes de la personnalité complexe de l’homme.
mesurées à l’égard de l’Autriche. Une relation particulière, affectueuse, tourmentée
L’adhésion enthousiaste de l’opinion française et parfois cruelle avait lié Thomas Bernhard à son
aux attaques de Thomas Bernhard contre l’Autriche éditeur allemand, Siegfried Unseld. Leur correspon-
demande à être interrogée : est-ce une réaction à un dance, comprenant plus de 500 lettres, a été publiée
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en Allemagne, et représente un document littéraire des « destins berhardiens ». Pour finir, nous tenons à
de première importance. Nous en publions des rendre hommage à quelques-uns d’entre eux. Gemma
extraits particulièrement significatifs. Des témoi- Salem, écrivaine de langue française, dramaturge,
gnages d’amis proches nous montrent un Bernhard d’origine libanaise, qui a tout quitté pour partir vivre
au quotidien, tantôt drôle, exubérant, clownesque, à Vienne, près des lieux de Thomas Bernhard auquel
improvisateur de génie et déclenchant fou rire après elle vouait un véritable culte. Elle lui a consacré quatre
fou rire, tantôt distant, glacial, voire cruel, barricadé ouvrages, enquêté sur ses proches et son père biolo-
dans sa solitude. gique et repose désormais dans le même cimetière
Les meilleurs spécialistes de Thomas Bern- viennois. Louis Huguet, germaniste à Perpignan se
hard ont fourni des analyses originales et ouvrent lance, pendant de longues années, dans une recherche
des perspectives nouvelles sur l’œuvre, les gens de généalogique minutieuse et dévorante qui aboutira à
théâtre témoignent de leur pratique, comme Krys- une chronologie fouillée et précise, sur les ancêtres
tian Lupa dans un entretien exclusif ou Denis Poda- de Thomas Bernhard sur plusieurs générations. La
lydès dans un beau texte sur sa passion Bernhard qui contribution de Hans Höller dans ce Cahier lui
remonte à ses années de conservatoire. Et enfin ses rend hommage. Claude Porcell, germaniste, traduc-
pairs, écrivains français et autrichiens, ont contribué teur de pratiquement toute l’œuvre dramatique de
à enrichir ce Cahier par des textes inspirés de leur Thomas Bernhard fut, par ses recherches comme par
rencontre déterminante avec l’écrivain autrichien. son enseignement universitaire, un grand médiateur
La grande photographe Erika Schmied, amie de de l’œuvre en France. Raimund Fellinger, éminent
toujours de Bernhard a publié plusieurs ouvrages sur éditeur chez Suhrkamp non seulement de Thomas
lui, ses maisons et les lieux de ses fictions. C’est elle Bernhard, mais aussi de Peter Handke, a codirigé
qui a composé pour ce Cahier un portfolio original, l’édition des Œuvres de Thomas Bernhard et présidé
puisant dans ses riches archives. la Fondation internationale Thomas Bernhard avec
La force de l’œuvre bernhardienne est telle une énergie inlassable. Il est décédé pendant l’élabo-
qu’elle peut faire dévier des trajectoires de vie et créer ration de ce Cahier.
L’édition complète des œuvres de Thomas Bernhard - Thomas Bernhard: Werke éditée par Martin Huber et
Wendelin Schmidt-Dengler, parue en 22 tomes entre 2003 et 2015 chez Suhrkamp, et citée dans plusieurs contribu-
tions, apparaît sous la référence TBW.
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Avec sa grand-mère Anna Bernhard, Vienne, 1933. Avec son grand-père, Johannes Freumbichler, Seekirchen, 1937.