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L’homme

et ses
aliments
INITIATION À LA SCIENCE DES ALIMENTS
L’homme
et ses
aliments
INITIATION À LA SCIENCE DES ALIMENTS

Gérard-B. Martin
avec la collaboration de
Armand Boudreau, Marcel Boulet,
Jacques Goulet, Richard Martel,
Yves Pouliot et Ronald-E. Simard

Les Presses de l’Université Laval


Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année de la Société de développement des
entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme de
publication.
Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de
publication.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise de son
Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition pour nos activités d’édition.

Mise en pages : Mariette Montambault

Couverture : Chantal Santerre

© LES PRESSES DE L’UNIVERSITÉ LAVAL, 2001


Tous droits réservés. Imprimé au Canada
Dépôt légal, 3e trimestre 2001
ISBN 2-7637-7815-1

4e tirage 2011

www.pulaval.com
Table des matières

REMERCIEMENTS 9

INTRODUCTION GÉNÉRALE 11

CHAPITRE 1. RELATIONS ENTRE L’HOMME ET SES ALIMENTS 13

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DES ALIMENTS 31

CHAPITRE 3. CONSERVATION DES ALIMENTS 91

CHAPITRE 4. TRANSFORMATION DES ALIMENTS 143

CHAPITRE 5. LES PRODUITS D’ORIGINE ANIMALE 173

CHAPITRE 6. LES PRODUITS CÉRÉALIERS 209

CHAPITRE 7. LES FERMENTATIONS INDUSTRIELLES ALIMENTAIRES 239

CHAPITRE 8. LES FRUITS ET LÉGUMES 267

CHAPITRE 9. LES PRODUITS LAITIERS 299

CHAPITRE 10. INSPECTION ET CONTRÔLE DE LA QUALITÉ 327

CHAPITRE 11. PERSPECTIVES D’AVENIR ET CONCLUSION 345

ADRESSES INTERNET À UTILISER 357

SOLUTIONS DES EXERCICES 359


Remerciements

Je tiens d’abord à remercier tous ceux qui ont contribué, à titre


d’auteurs, de co-auteurs ou de conseillers scientifiques, à la rédaction
de ce manuel. Il faut signaler en particulier le travail du professeur
Jacques Goulet qui a rédigé les chapitres 7 et 9, de Marcel Boulet, profes-
seur émérite de l’Université Laval, pour la rédaction du chapitre 8, de
même que des professeurs Armand Boudreau et Ronald E. Simard pour
leur importante contribution à la rédaction respective des sixième et
dixième chapitres. Les professeurs Richard Martel et Yves Pouliot méri-
tent toute ma reconnaissance pour les nombreuses précisions qu’ils ont
apportées au texte original.
Je tiens à exprimer ma gratitude aux professeurs Paul Angers, Jean-
Pierre Émond, Ismaïl Fliss, Joseph Makhlouf et Gaston Picard pour les
précisions à caractère technique et scientifique apportées dans la rédac-
tion de cette deuxième édition.
Des remerciements vont également à plusieurs autres professeurs
de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation pour les
précieux renseignements fournis soit mesdames Thérèse Desrosiers,
Isabelle Galibois, Hélène Jacques, Huguette Turgeon O’bien et messieurs
François Belzile, François Castaigne, Denis Désilets, Ghislain Gendron
et François Pothier.
Finalement, merci au personnel de secrétariat du Département de
sciences des aliments et de nutrition et en particulier à madame Ginette
Gagnon qui a dactylographié la première version de ce manuel sans
oublier la tâche considérable accomplie par madame Nathalie Bossé pour
effectuer les ajouts et les nombreuses corrections apportées à l’édition
finale.
Gérard-B. Martin
Introduction générale

Le XXe siècle a vu des changements extrêmement rapides dans la


plupart des activités humaines et le domaine alimentaire n’a pas échappé
à cette évolution. Il s’ensuivit une multiplication des produits, une
complexification des procédés de conservation et de transformation,
pendant que se produisaient des modifications importantes chez les
consommateurs devenus, suite aux nouvelles connaissances en méde-
cine et nutrition, de plus en plus soucieux de l’effet de l’alimentation
sur la santé.
Devant cette évolution de la science et de la technologie alimen-
taire, il nous est apparu important de concevoir un manuel visant à cla-
rifier un certain nombre de principes généraux et à montrer comment
les aliments que nous consommons sont le fruit d’une technologie com-
portant de multiples facettes.
Ce manuel touche peu aux questions de nutrition et de diététique
de même qu’aux aspects socio-économiques. Il n’en demeure pas moins
que les personnes intéressées par ces disciplines tireront profit de la lec-
ture du présent travail.
Les relations qui existent entre l’homme et ses aliments font l’objet
du premier chapitre. On y montre que les caractéristiques de l’homme
sont déterminantes dans le développement des technologies utilisées
pour choisir, conserver et transformer les aliments.
Un deuxième chapitre est consacré à une étude sommaire de la com-
position des aliments. On y retrouve d’abord une description des nutri-
ments, soit l’eau, les protéines, les sucres, les lipides, les minéraux et les
vitamines. Une section de ce chapitre est consacrée aux constituants se-
condaires tels les pigments, les flaveurs et les toxines naturelles. Les
contaminants et les additifs alimentaires, en raison de leur présence en-
core inévitable dans les aliments, font l’objet des deux dernières sec-
tions de ce chapitre.
12 L’homme et ses aliments

Le troisième chapitre est consacré à la conservation des aliments.


Les principaux agents de dégradation sont d’abord décrits, après quoi
nous discutons sommairement des modes de conservation faisant ap-
pel au froid, à la chaleur, à l’irradiation, aux agents chimiques et, finale-
ment, aux matériaux d’emballage.
Le chapitre suivant traite des procédés de transformation, en fai-
sant une distinction entre les procédés physiques et les procédés chimi-
ques. On y décrit par exemple des procédés tels que l’ultrafiltration,
l’homogénéisation, l’hydrogénation, l’estérification, etc. Cette descrip-
tion des procédés est suivie d’une réflexion sur certains aspects de l’in-
dustrie de transformation, soit par exemple les questions de qualité des
produits en particulier sous l’effet du chauffage, la gestion des matières
premières, la qualité de l’environnement et le développement de nou-
veaux produits.
Viennent ensuite cinq chapitres qui traitent des produits d’origine
animale, des produits céréaliers, des fermentations industrielles alimen-
taires, des fruits et légumes et des produits laitiers.
Un dixième chapitre est consacré au contrôle de la qualité des ali-
ments. En ce qui concerne l’inspection, on y fait état des objectifs pour-
suivis, après quoi on y trouve quelques exemples de services nationaux
ou internationaux responsables de l’inspection et du contrôle de qualité
des aliments.
Le dernier chapitre consacre d’abord quelques pages à un bref som-
maire du manuel et soulève ensuite quelques questions qui devraient
normalement inviter les étudiants, de même que tout autre lecteur éven-
tuel, à explorer davantage les multiples facettes de ce vaste domaine de
la science des aliments.
En vue de faciliter l’apprentissage de ceux qui utiliseront ce volume
comme manuel, nous avons inclus une liste de lectures suggérées à la
fin de chaque chapitre, de même qu’un certain nombre d’exercices dont
les solutions se retrouvent à la fin du volume. Également pour des rai-
sons pédagogiques, on a indiqué au début de chaque chapitre les prin-
cipaux objectifs à atteindre. On trouvera à la toute fin du volume les
adresses Internet de quelques organismes publics du domaine ali-
mentaire.
CHAPITRE 1

Relations
entre l’homme
et ses aliments

SOMMAIRE

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE 14

INTRODUCTION 14

1- QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DE L’HOMME 14

2- QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DES ALIMENTS 20

3- ÉVOLUTION DE LA TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE 25

CONCLUSION 27

LECTURES SUGGÉRÉES 27

NOTES EXPLICATIVES 28

EXERCICES D’AUTO-APPRENTISSAGE 28

TABLEAU ET FIGURE
TABLEAU 1.1 - QUELQUES EXEMPLES ILLUSTRANT LES BESOINS
NUTRITIONNELS EN ÉNERGIE (MJ/KG POIDS), EN PROTÉINES (G/KG)
ET FER (MG/KG) 15
FIGURE 1.1 - LES QUATRE PRINCIPAUX CONSTITUANTS DES ALIMENTS 21
14 L’homme et ses aliments

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
L’objectif général de ce chapitre est de permettre à l’étudiant de com-
prendre en quoi les caractéristiques de l’homme et celles des aliments
sont déterminantes dans l’évolution de la technologie alimentaire.
D’une façon plus spécifique, à la fin de ce chapitre, l’étudiant sera
capable :
1. de déterminer en quoi l’homme se distingue de l’animal dans
son comportement vis-à-vis des aliments ;
2. de montrer en quoi certaines caractéristiques de l’homme ont
une influence directe sur l’industrie alimentaire ;
3. d’évaluer l’importance de certaines caractéristiques des ali-
ments ;
4. de décrire les principales étapes de l’évolution de l’homme dans
la recherche de sa nourriture.

INTRODUCTION
L’aliment fait partie intégrante du quotidien de l’homme. Bien sûr,
il est essentiel au maintien de la vie, mais les aliments et le mode d’ali-
mentation que l’on connaît aujourd’hui ne sont pas le résultat du ha-
sard. En effet, ce sont les traits caractéristiques de l’homme et ceux des
aliments qu’il faut examiner avec soin pour mieux comprendre l’évolu-
tion de la technologie alimentaire. En d’autres termes, la relation entre
l’homme et ses aliments est beaucoup plus complexe qu’on le pense
généralement.
L’homme n’est pas qu’un simple tube digestif. Par sa complexité
qui lui est inhérente, il se différencie très nettement des autres êtres vi-
vants : pour se nourrir il fait appel à des systèmes de plus en plus com-
plexes.
Ce premier chapitre veut montrer comment certaines caractéristi-
ques de l’homme ont exercé une influence marquée sur l’évolution de la
technologie alimentaire pour en arriver au système relativement com-
plexe que nous connaissons aujourd’hui.

1. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DE L’HOMME


1.1 L’homme, être biologique
L’homme, à l’égal des autres animaux, est d’abord et avant tout un
être biologique. À cet égard, il présente plusieurs caractéristiques qui
Relations entre l’homme et ses aliments 15

ne sont pas sans affecter la quantité et la qualité des nutriments qu’il


doit consommer. Comme être vivant, l’homme doit franchir les diffé-
rentes étapes de la vie, soit la naissance, la croissance, l’âge adulte et le
vieillissement et il est bien établi aujourd’hui que son alimentation doit
être réglée en fonction de ces étapes. Ainsi, la dose journalière de fer (et
d’autres nutriments) à absorber est plus importante durant la période
de croissance maximale que durant l’âge adulte. Cet effet de l’âge sur
les besoins alimentaires est illustré par le tableau 1.1.

TABLEAU 1.1
Quelques exemples illustrant les besoins nutritionnels en énergie
(MJ/kg poids), en protéines (g/kg) et fer (mg/kg)

Age Sexe Poids Énergie Protéines Fer


(kg) (MJ/kg) (g/kg) (mg/kg)
2-3 ans M/F 14 0,39 1,57 0,43
7-9 ans M 25 0,37 1,20 0,32
F 25 0,32 1,20 0,32
13-15 ans M 50 0,23 1,00 0,20
F 42 0,22 1,00 0,31
19-24 ans M 71 0,18 0,82 0,13
F 58 0,15 0,74 0,22
50-74 ans M 73 0,13 0,82 0,12
F 47 0,16 1,00 0,17
75 ans + M 69 0,12 0,83 0,13
F 64 0,11 0,73 0,13
Tiré et adapté de : Santé & Bien-Être social Canada, Recommandations sur la nutrition, 1990.

Comme être vivant, le corps humain est en perpétuel renouvelle-


ment ; il construit (anabolisme1) et détruit (catabolisme) ses propres tissus
continuellement. Chez l’adulte, la vitesse des réactions catabolisantes
est égale à celle des réactions anabolisantes ; c’est ce que l’on appelle
l’équilibre dynamique. Les produits du catabolisme qui ne peuvent
pas être utilisés pour l’action anabolisante sont éliminés à l’extérieur au
moyen de la respiration, de l’urine et des excréments. Pour remplacer
ces pertes et maintenir l’équilibre, il faut un apport régulier de nutri-
ments venant de l’extérieur.
L’homme, plus que tous les autres animaux, montre un haut degré
d’individualité. Il n’y a pas deux personnes montrant la même consti-
tution biologique, même si les différences ne sont pas toujours très ap-
parentes. Du point de vue scientifique, l’homme moyen, sur lequel sont

1
À noter que chaque mot ou expression en italique dans le texte fait l’objet
d’une note explicative à la fin de chaque chapitre.
16 L’homme et ses aliments

basées beaucoup de recommandations d’ordre nutritionnel, n’existe pas.


Deux personnes, présentant tous les signes d’une parfaite santé, peu-
vent montrer des estomacs sensiblement différents quant à la dimen-
sion et la forme. Des observations similaires ont été faites au sujet des
systèmes enzymatiques responsables de la digestion des aliments et de
leur utilisation par les cellules.
Des observations récentes nous ont appris qu’il existe des groupes
bien définis de personnes quant aux types de matières grasses qu’elles
accumulent dans le sang. Cela n’est pas sans affecter le genre d’aliments
qu’elles doivent consommer, du moins selon les théories qui prévalent
présentement dans le monde médical.
L’évolution récente de la biologie et de la médecine a également mis
en lumière le phénomène des maladies métaboliques. Contrairement
aux maladies infectieuses, les maladies métaboliques sont généralement
d’origine héréditaire. Il s’agit de l’incapacité, chez beaucoup d’indivi-
dus, d’utiliser adéquatement certains nutriments, ou encore de produire
les hormones spécifiques à certaines fonctions métaboliques essentiel-
les. Le diabète constitue l’exemple le plus connu de ce genre de maladie,
mais il en existe beaucoup d’autres que nous connaissons moins, dont
la phénylcétonurie, causée par une intolérance innée à l’un des acides
aminés présents dans la plupart des protéines alimentaires, soit la phé-
nylalanine. Pour répondre aux exigences des personnes aux prises avec
cette déficience métabolique, certaines industries ont dû mettre au point
des techniques permettant de préparer des aliments contenant le moins
possible de phénylalanine, sans toutefois l’éliminer puisqu’il s’agit d’un
acide aminé essentiel. L’incapacité d’utiliser adéquatement d’autres aci-
des aminés est également la cause de diverses maladies héréditaires sé-
rieuses, quoique relativement rares.
Ajoutons les maladies héréditaires liées au métabolisme des lipi-
des, des glucides, des vitamines et des minéraux. Il y a là tout un do-
maine de la médecine et de la diététique ayant fait l’objet de nombreux
travaux de recherche durant les dernières décennies.
Il faut signaler ici le cas particulier de l’intolérance au lactose, phé-
nomène rencontré chez plusieurs populations. Un manque de l’enzyme
lactase au niveau intestinal expliquerait cette maladie. C’est pour cette
raison que la vente de lait non délactosé dans certains pays peut causer
plus de mal que de bien.
On pourrait sans doute énumérer de multiples autres formes d’in-
dividualité physiologique. En d’autres termes, il faut retenir que
l’homme, même l’homme moderne, présente beaucoup moins d’unifor-
mité qu’on le croit. À ces différences héréditaires, il faut ajouter les dif-
férences provenant des habitudes alimentaires du jeune âge qui causent
certaines modifications dans les aptitudes à digérer ou à ne pas digérer
tel ou tel aliment. C’est ainsi que l’intolérance au lactose trouverait peut-
Relations entre l’homme et ses aliments 17

être sa source autant dans les habitudes alimentaires du jeune âge, en-
traînant une perte de synthèse de lactase, que dans l’hérédité.
Ce besoin de satisfaire les particularités individuelles a maintenant
son écho dans la technologie alimentaire. En effet, celle-ci est en voie de
devenir plus « sophistiquée », en ce sens qu’elle est de plus en plus ca-
pable de répondre à ces besoins particuliers individuels.

1.2 L’homme, être travailleur


L’être humain est un travailleur et, compte tenu de son individua-
lité, il exige des énergies spécifiques additionnelles dont l’animal n’a
pas toujours besoin, celui-ci travaillant exclusivement pour se nourrir,
se défendre et se reproduire.
Le travail de l’homme est extrêmement diversifié et c’est à cet égard
qu’il exige une nourriture appropriée. Le garçon d’ascenceur a besoin
de moins de calories que le débardeur. La même remarque vaut pour
l’intellectuel qui conçoit des plans pour l’économie mondiale et le tech-
nicien forestier qui passe la moitié de son temps à parcourir les forêts
montagneuses du nord du Québec.
Les conditions de travail peuvent également faire appel à des exi-
gences nutritionnelles particulières. Ainsi, par exemple, les pilotes
d’avion de chasse de la guerre mondiale 1939-1945 recevaient de fortes
doses de vitamines A pour leur assurer une bonne acuité visuelle du-
rant les combats de nuit.
Il n’est pas inutile de rappeler les nombreuses recherches menées
depuis quelques années pour mieux connaître les besoins nutritionnels
particuliers des athlètes et des compétiteurs sportifs.
Il est probable que l’on développera toute une science de la nutri-
tion pour les voyageurs de l’espace. En effet, les astronautes évoluent en
apesanteur, ce qui provoque certaines perturbations physiologiques,
comme par exemple un désordre dans le métabolisme du calcium con-
duisant à une décalcification des os. Ils sont aussi appelés à vivre dans
un espace extrêmement restreint et à exécuter des tâches tout à fait iné-
dites ; de plus, leur métabolisme peut être changé d’une façon significa-
tive.

1.3 L’homme, être social


L’homme est un être social et grégaire. À mesure qu’il avance dans
son développement, il s’entasse dans les villes. Ces concentrations d’hu-
mains dans un milieu totalement à l’écart du milieu de production pri-
maire exigent, pour des raisons économiques, une technologie fondée
sur l’uniformité. Heureusement, cette même technologie a permis une
grande diversité dans les produits offerts. C’est ainsi que la distribution
des œufs dans une grande ville exige une classification en fonction de la
grosseur, pour faciliter l’emballage et le transport. Par ailleurs, la qualité
18 L’homme et ses aliments

des œufs doit respecter des normes sanitaires sans quoi on risque de
provoquer de graves épidémies. Dans une ferme familiale, on ne court
pas les mêmes risques si l’on produit ses propres œufs. Une intoxication
peut s’y produire mais elle ne dégénère pas en épidémie. Les mêmes
remarques valent pour les produits laitiers et carnés.
Non seulement l’homme vit en ville pour profiter des commodités
qu’elle offre mais, en raison de son caractère social, il recherche les grands
rassemblements. En effet, les foules de 50 000 personnes et plus ne sont
pas rares et ces personnes, souvent venues de très loin, prennent leurs
repas collectivement. Comment nourrir 50 000 personnes en moins d’une
heure, sinon en faisant appel à des produits préparés, précuits ? Des
empoisonnements collectifs risquent toujours de se produire dans ces
circonstances ; voilà pourquoi on doit prendre tant de précautions, que
ce soit au sujet de la qualité intrinsèque du produit, de sa manutention
ou des conditions de son entreposage.
Dans les sociétés industrielles urbanisées, de plus en plus de repas
sont pris à l’extérieur du foyer. Les restaurants, hôtels et cafétérias de-
viennent donc des lieux d’alimentation collective presque aussi impor-
tants que la table familiale, ce qui suppose encore là une technologie
relativement complexe et bien adaptée aux besoins. Ajoutons que l’ali-
mentation des personnes à bord des avions effectuant des vols de lon-
gue durée exige des produits de qualité supérieure à tous égards.
Rappelons également la grande diversité qui existe dans le tissu
social familial d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre. À travers
toutes ces différences et malgré les changements survenus depuis quel-
ques décennies, en particulier en Occident, la femme joue presque tou-
jours un rôle prépondérant dans le choix et la préparation des aliments.
Cela n’est pas sans influencer la façon dont les aliments doivent être mis
sur le marché.

1.4 L’homme, être économique


L’homme est également un être économique. En ce qui concerne son
alimentation, cette caractéristique se fait sentir par des choix qu’il doit
poser continuellement. Sur une base individuelle, on peut citer le fait
qu’une personne à faible revenu consommera davantage d’aliments de
basse valeur commerciale, tandis que ce sera souvent l’inverse pour les
personnes à haut revenu. Une industrie alimentaire désireuse de main-
tenir ses marchés devra tenir compte de ce comportement. Sur une base
collective, il faut rappeler la situation qui prévaut dans de multiples
régions du monde où le pouvoir d’achat est particulièrement bas. Four-
nir des aliments à ces populations exige une bonne connaissance des
conditions économiques et sociales de la région concernée.
Il existe sans doute de nombreux autres exemples où les facteurs
économiques exercent une influence déterminante sur les orientations
Relations entre l’homme et ses aliments 19

de l’industrie alimentaire. On peut mentionner à cet égard l’exemple de


l’industrie laitière au Québec. Dans ce cas, la marge de manœuvre entre
le prix demandé par les producteurs pour le lait qu’ils ont à offrir aux
transformateurs et la capacité de payer du consommateur est relative-
ment étroite. Ainsi, les transformateurs doivent tout mettre en œuvre
pour simplifier ou automatiser leurs procédés industriels tout en res-
pectant les normes de qualité exigées par la population. En d’autres ter-
mes, la situation économique des producteurs agricoles d’une part et
celles des consommateurs d’autre part peuvent imposer des conditions
de production particulièrement sévères, d’où intervention de l’État, con-
trôle des importations, barrières tarifaires, ou encore régie des produc-
tions comme celle du lait, ou même consolidation des fermes pour réduire
les coûts de production.
Sans doute en bonne partie pour des raisons économiques, le monde
occidental a vu la structure familiale se transformer radicalement du-
rant les dernières décennies. Ainsi, au Québec, où la natalité est tombée
à l’un des plus bas niveau au monde, on retrouve depuis les années
1960 des familles de 3 ou 4 personnes alors que les familles de 8 à 10
personnes étaient chose courante jusqu’à la fin des années 1950. Beau-
coup d’industriels ont dû tenir compte de ce changement rapide et met-
tre en place l’équipement nécessaire pour offrir les aliments dans des
emballages de dimensions plus restreintes.
Parmi les facteurs économiques exerçant une influence sur la tech-
nologie alimentaire, mentionnons l’arrivée des femmes sur le marché
du travail, le déplacement massif des travailleurs dans des régions éloi-
gnées, etc.

1.5 L’homme, être politique


L’homme est aussi un être politique. Si le public ignore les effets des
décisions politiques en matière de distribution d’aliments, il n’en reste
pas moins vrai que la technologie alimentaire doit souvent, bon gré mal
gré, se plier à ces décisions. Le commerce international, comme on le
constate à l’aube du XXIe siècle, en réponse à des impératifs économi-
ques et politiques, demande une connaissance approfondie des habitu-
des alimentaires des divers pays concernés par ces échanges. Ces
échanges internationaux entraînent souvent des changements impor-
tants dans les technologies utilisées, les types d’emballage de même que
les normes de classification et d’inspection. Ces normes sont forcément
uniformisées dans les pays qui ont opté pour le libre-échange, tels les
pays européens et les pays de l’Amérique du Nord.

1.6 L’homme, être intellectuel


Nonobstant ce qui vient d’être dit sur la nécessité d’uniformiser notre
alimentation, l’homme, parce qu’il est doué d’une intelligence, laquelle
20 L’homme et ses aliments

ajoute à son individualité, manifeste une soif de nouvelles sensations


souvent très différentes d’un individu à l’autre. D’une façon plus ou
moins consciente, on associe certaines saveurs et odeurs à des souvenirs
de voyages, de rencontres ou de situations particulières.
On peut se moquer des « fantaisies » des dégustateurs de vins ou
fromages rares, il n’en reste pas moins qu’en voulant satisfaire leur cu-
riosité ils ne font que manifester une propriété intellectuelle propre à la
personne humaine. De plus, l’homme se laissera souvent distraire par
l’apparence d’un produit, ce qui ne va pas toujours de pair avec sa va-
leur nutritive...
C’est sans contredit par son caractère intellectuel que l’homme se
différencie le plus des autres êtres vivants.

1.7 L’homme, être sensible


L’homme est un être sensible. Cette sensibilité envers les aliments
se manifeste surtout par la vue, l’odorat et le goût, mais également par
le toucher.
L’étude de la physiologie nous apprend que le comportement du
tube digestif est influencé par la vue d’un aliment. Une belle pomme
rouge fait sécréter la salive chez l’homme tout comme un morceau de
viande fraîche stimule la production de pepsine par l’estomac du chien.
À moins d’être en état de dénutrition avancé, l’homme n’ira pas vers un
aliment qui a perdu sa couleur naturelle.
Pour l’être humain, l’odorat joue également un grand rôle, sans doute
plus important que dans le cas de la vue, probablement parce que les
odeurs sont fortement impliquées dans le processus du goût, comme on
le verra au chapitre traitant des flaveurs. Il existe des odeurs agréables,
comme celle du pain frais ou encore des odeurs désagréables comme
celle qui émane d’une boucherie mal entretenue. Il existe donc une né-
cessité de préserver les bonnes odeurs tout en veillant à ce que les mau-
vaises odeurs ne se développent pas, les deux précautions n’étant pas
parfaitement indépendantes l’une de l’autre.
Le toucher, que ce soit par les doigts, la langue ou les dents, permet
d’évaluer la texture des aliments, ce qui dans bien des cas est détermi-
nant dans le plaisir de déguster.

2. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DES ALIMENTS


2.1 Diversité des aliments
Les aliments de l’homme tirent leur origine surtout des êtres vivants.
Ceux-ci montrant une grande diversité, il s’ensuit que les aliments se
caractérisent eux-mêmes par cette même diversité. Que l’on songe aux
quelques milliers d’espèces de poissons comestibles parmi les 30 000 ou
40 000 espèces vivantes, aux dizaines d’espèces d’animaux dont la chair
Relations entre l’homme et ses aliments 21

est comestible, aux centaines d’espèces ou variétés de céréales, aux cen-


taines d’espèces de fruits et de légumes, etc.
À l’intérieur des espèces, on note souvent une multitude de variétés
ou de cultivars que les caractéristiques rendent souvent fort éloignées
les unes des autres. Ainsi, certaines variétés de blé conviennent pour le
pain tandis qu’il faut absolument compter sur d’autres variétés pour les
pâtes alimentaires. De la même manière, on note des capacités de con-
servation très différentes d’une variété de pommes à l’autre.
Le climat n’est pas étranger aux grandes variations dans l’apparence,
le goût et la valeur nutritive des aliments. Ainsi, les raisins auront des
propriétés de vinification très variables d’une année à l’autre en fonc-
tion du degré d’ensoleillement ou de température. Le sol joue égale-
ment un rôle très important.

2.2 L’aliment, être vivant


Si l’on part de l’hypothèse que les aliments sont d’origine vivante, il
faut de suite faire une première constatation, à savoir que les aliments
sont essentiellement constitués de substances chimiques. Ces composés
chimiques sont d’une très grande diversité dans la forme, la dimension
et les fonctions. De plus, l’étude de la cellule vivante nous montre que
ces multiples composés sont organisés selon une architecture complexe
et spécifique.
Si les aliments proviennent de cellules vivantes, il faut, pour en com-
prendre la complexité, les aborder d’une façon analytique et catégoriser
les différents groupes de composés qui les constituent. Ces composés
sont inhérents, soit à la matière vivante elle-même, soit aux conditions
de production des plantes et des animaux fournissant les aliments
(figure 1.1).
FIGURE 1.1
Les quatre principaux constituants des aliments
22 L’homme et ses aliments

Le premier groupe de composés qui nous vient à l’esprit est celui


des nutriments proprement dits, soit les protéines, les glucides, les lipi-
des, les minéraux et les vitamines. L’eau constitue l’environnement nor-
mal et essentiel de ces composés et peut donc être classée dans ce premier
groupe.
À cette première catégorie, il faut ajouter le groupe des composés
secondaires, tels les pigments, les flaveurs, ou encore certains compo-
sés indésirables comme les toxines naturelles.
Notons que la plupart des nutriments de base peuvent contribuer,
soit directement, soit indirectement par leurs produits de dégradation,
à la formation de pigments ou de flaveurs.
Les aliments, surtout depuis la venue de l’industrialisation, sont
accusés de contenir un grand nombre de contaminants. Accusation peut-
être justifiée dans certains cas, mais exagérée dans d’autres. Quoi qu’il
en soit, le milieu est contaminé d’une façon mesurable et sans doute
significative. Les aliments, engendrés par ce milieu plus ou moins con-
taminé, reflètent évidemment le même type de contamination. Force est
donc de constater que les contaminants constituent un troisième groupe
de composés dont la science de l’alimentation doit absolument tenir
compte.
La présence des additifs dans les aliments est devenue une réalité à
laquelle les consommateurs doivent faire face. Ces additifs servent à de
multiples fins comme nous le verrons plus loin. Jusqu’à ce que les scien-
tifiques aient trouvé des solutions de rechange, nous devons considérer
que ces substances sont, à regret, indissociables des aliments et, à ce
titre, nous pouvons en faire un quatrième groupe de constituants.
En plus de ces quatre groupes que nous étudierons plus en détail
dans les chapitres suivants, il faut rappeler que la technologie alimen-
taire doit composer continuellement avec les microorganismes. En effet,
leur omniprésence en fait des constituants presque fondamentaux des
aliments, leur rôle étant particulièrement important lors de l’altération
« post mortem » des organismes vivants. De plus, ils jouent le rôle
d’agents de fermentation dans la production de plusieurs denrées ali-
mentaires.
Par l’entremise des lipides, des glucides et des protéines, les aliments
sont également source d’énergie. Cette énergie, dont l’unité de mesure
fondamentale est la calorie, est à la base même de l’activité métabolique
de tout être vivant2.

2.3 Valeur nutritive des aliments


La valeur nutritive est très variable d’un aliment à l’autre. Quelques
aliments seulement contiennent à peu près tous les nutriments essen-
2
Les termes kilojoules et mégajoules sont de plus en plus utilisés par les nutri-
tionnistes comme unités de mesure de la valeur énergétique des aliments.
Relations entre l’homme et ses aliments 23

tiels. C’est le cas des œufs ou des sardines (consommées en entier).


D’autres aliments n’offrent par ailleurs presque exclusivement que des
calories, comme par exemple le sucre raffiné. On trouve évidemment
toute la gamme des compositions entre ces deux extrêmes.
Il n’est pas inutile de rappeler ici la controverse soulevée par les
adeptes du végétarisme. Il s’agit de cette conviction que les aliments
d’origine végétale sont les plus aptes à répondre aux besoins de l’ali-
mentation humaine.
Certains sont également convaincus qu’il est grandement préféra-
ble de manger les aliments crus plutôt que cuits. Cette façon de faire est
en partie justifiée par le fait que la cuisson contribue à dégrader une
partie des vitamines. Par ailleurs, la cuisson permet souvent de rendre
un aliment plus digestible, sans compter qu’elle détruit plusieurs toxi-
nes naturelles et qu’elle tue les parasites toujours susceptibles de se re-
trouver dans les viandes et les poissons. La cuisson est également un
excellent moyen d’éliminer les microorganismes pathogènes que peu-
vent transporter les aliments. Quoi qu’il en soit de ces habitudes ali-
mentaires, il reste que les aliments montrent entre eux beaucoup de
complémentarité du point de vue nutritionnel et qu’il est généralement
avantageux de consommer des aliments d’origine animale et végétale.
Il y a longtemps que les Asiatiques l’ont compris ; ils mangent le riz
pour les calories et les légumineuses pour les protéines, de sorte que
leur diète, généralement pauvre en viandes, est beaucoup mieux équili-
brée que s’ils ne mangeaient que du riz. Dans une diète raisonnable-
ment variée, on peut affirmer que tous les éléments nutritifs sont présents.
Comme l’a écrit un nutritionniste américain, « une diète comprenant un
peu de tout assure un bon apport en vitamines ».

2.4 Fragilité des aliments


La fragilité des aliments, sur laquelle nous reviendrons dans les
autres chapitres, est liée à plusieurs facteurs et varie beaucoup d’un ali-
ment à l’autre.
Cette fragilité vient en grande partie du fait que les nutriments qui
les composent sortent de leur milieu naturel, c’est-à-dire la cellule, ou
bien voient leur environnement grandement modifié à l’intérieur même
de la cellule à cause d’un manque d’approvisionnement en oxygène.
C’est à ce moment qu’ils sont attaqués par les trois agents de dégrada-
tion que sont les enzymes, les microorganismes et l’oxygène de l’air
comme on le verra au chapitre 3.
La fragilité d’un aliment face aux agents de dégradation est d’abord
liée à sa structure. C’est ainsi que l’écale de noix protège l’amande d’une
façon pratiquement parfaite. De la même façon l’amande du grain de
blé est protégée par les enveloppes relativement dures qui l’entourent.
24 L’homme et ses aliments

La plupart des fruits sont recouverts d’une mince couche de cire qui
les protège contre les microorganismes. La fragilité varie néanmoins
beaucoup d’un fruit à l’autre, cette fragilité étant liée à la capacité de
résister au froid ou aux diverses conditions de l’environnement, comme
il en sera question au chapitre 8.
Un autre exemple de fragilité peut être tiré des muscles des pois-
sons dont les structures de soutien sont plus faibles que dans les vian-
des rouges, ce qui les rend beaucoup plus aptes à subir des meurtrissures
durant les diverses manipulations qu’ils doivent subir.

2.5 Propriétés organoleptiques


Il s’agit des propriétés que possèdent les aliments de faire impres-
sion sur les organes des sens (vue, goût, odorat, ouïe).
En industrie alimentaire, ces propriétés font l’objet d’une évalua-
tion systématique, que ce soit par des tests de dégustation ou encore par
certains appareils capables de mesurer la couleur ou les constituants
aromatiques d’un aliment.
Les tests d’évaluation sensorielle, que ce soit au moment du déve-
loppement d’un nouveau produit ou pour des raisons de contrôle de
qualité, sont basés sur une appréciation subjective des qualités senso-
rielles de l’aliment. Ils font généralement appel au jugement de plusieurs
personnes choisies de manière à représenter l’ensemble des consomma-
teurs.
C’est dans le but de rendre ces tests d’évaluation moins subjectifs et
plus reproductibles que des appareils ont été mis au point pour rempla-
cer le jugement des dégustations. La couleur est relativement facile à
mesurer en laboratoire ; l’opération est toutefois plus hasardeuse lors-
qu’il s’agit de mesurer les arômes d’un aliment, puisque ces derniers
sont souvent constitués d’un grand nombre de substances différentes.
On verra au chapitre 2 une description des principales substances
responsables des couleurs, des odeurs et des saveurs. Par ailleurs, le
contrôle de la qualité, comme on le verra au chapitre 10, exige de porter
une attention particulière aux qualités organoleptiques des aliments
avant de les mettre sur le marché.

2.6 Propriétés rhéologiques


Une propriété rhéologique se définit comme la réaction à toute force
physique appliquée à une substance. Ainsi, la résistance à l’étirement, à
l’écrasement, au cisaillement peut se définir comme une propriété
rhéologique.
Les propriétés rhéologiques sont souvent prises en considération
pour évaluer les caractéristiques texturales d’un aliment (dureté, visco-
sité, élasticité, etc.) d’une façon objective. La mesure des propriétés
rhéologiques des aliments ne remplace pas l’appréciation d’un dégusta-
Relations entre l’homme et ses aliments 25

teur, mais elle permet, au niveau industriel, d’établir et de respecter les


standards inhérents à toute production de masse.

2.7 Propriétés fonctionnelles


Il s’agit des propriétés des constituants alimentaires qui confèrent
aux aliments, selon les conditions physicochimiques qui prévalent, des
comportements ou fonctions caractéristiques comme par exemple la
solubilité, la capacité moussante, liante, émulsifiante, etc.
Parmi les constituants alimentaires, ce sont les protéines qui sont le
plus souvent impliquées dans les propriétés fonctionnelles. C’est ainsi,
par exemple, qu’elles favorisent la formation des mousses (blanc d’œuf)
de structures viscoélastiques (gluten du blé) ou d’émulsion (jaune d’œuf).
Dans ce dernier cas, les phospholipides jouent un rôle sans doute aussi
important que les protéines. Ajoutons que plusieurs autres constituants
alimentaires présentent d’importantes propriétés fonctionnelles. C’est
le cas de l’amidon en raison de son pouvoir liant et gélifiant.

3. ÉVOLUTION DE LA TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE


Face à l’homme et à ses multiples caractéristiques dont quelques-
unes viennent d’être évoquées, les aliments présentent aussi une grande
complexité. Cette complexité s’est accentuée à travers les âges de sorte
que, pour comprendre notre système actuel d’alimentation, il n’est peut-
être pas inutile de faire appel à l’histoire et de rappeler les principales
étapes de cette complexification.
On pourrait qualifier la première étape de biologique ; c’est cette
époque où l’homme primitif ne faisait que cueillir ses aliments sur place,
sans leur faire subir les moindres transformations.
L’homme s’est toutefois rapidement distingué de l’animal en ap-
prenant à cuire, conserver, transformer et distribuer ses aliments. On
peut qualifier cette deuxième étape de purement humaine.
Graduellement, au cours des âges, et d’une façon plus accélérée
depuis un peu plus d’un siècle, l’homme a entrepris de fabriquer des
aliments en procédant à des combinaisons de nutriments obtenus de
plusieurs produits biologiques. La margarine et les plats préparés sont
des exemples de cette industrialisation de l’homme. On peut qualifier
cette époque d’industrielle.
Si l’homme a imaginé depuis très longtemps de transformer les pro-
duits d’origine végétale ou animale pour en faire des aliments répon-
dant mieux à ses exigences gustatives, il a cherché plus récemment,
surtout pour des raisons économiques, à modifier les produits vivants
eux-mêmes. Dans le domaine végétal en particulier, l’homme a réussi à
créer de nouvelles espèces. C’est ainsi que le croisement du seigle et du
blé a donné une nouvelle espèce, le triticale. Cette nouvelle céréale intègre
26 L’homme et ses aliments

en bonne partie la résistance du seigle au stress et les qualités alimen-


taires du blé.
Durant les dernières années du XXe siècle, on a poussé encore plus
loin l’intervention de l’homme vis-à-vis des êtres vivants. On a réussi, et
ceci pour plusieurs espèces végétales et animales, à prélever un gène
d’une espèce pour le transférer à une autre espèce. Ceci a même été
réalisé entre les animaux et les végétaux. Ces nouvelles espèces transgé-
niques sont maintenant connues sous le sigle OGM (organismes
génétiquement modifiés).
Pendant ce temps les biochimistes ont réussi à extraire et à purifier
plusieurs constituants cellulaires. Au besoin, ils leur ont fait subir d’im-
portantes modifications pour en faire des produits répondant mieux aux
exigences du domaine alimentaire ou pharmaceutique. C’est ainsi que
la présure, enzyme utilisée en fromagerie, et qui depuis longtemps était
extraite de l’estomac du veau, est maintenant produite par une levure,
ce qui en réduit grandement le coût tout en assurant un approvisionne-
ment plus régulier.
Pour diverses raisons, on produit maintenant un sirop de maïs à
haute teneur en fructose à l’aide d’une enzyme qui transforme le glu-
cose en fructose. Ce sirop à haute teneur en fructose présente plusieurs
avantages : il est plus sucré, il cristallise plus difficilement et il favorise
un indice glycémique plus faible, ce qui présente un avantage pour ceux
qui doivent surveiller leur glycémie, comme par exemple les personnes
souffrant de diabète.
L’ensemble de ces interventions de l’homme vis-à-vis des gènes et
des constituants de la cellule est maintenant connu sous le nom de bio-
technologie. On peut donc parler d’une quatrième filière qualifiée de
biotechnologique.
Certains pensent que l’audace des chercheurs, en particulier en chi-
mie, nous permet d’entrevoir pour l’avenir, sans doute assez lointain,
une ultime étape que l’on pourrait qualifier de filière synthétique. Il
s’agit de la possibilité de synthétiser les constituants alimentaires en la-
boratoire à partir des éléments chimiques de base, soit l’oxygène, l’hy-
drogène, le carbone, l’azote, le soufre, le phosphore et plusieurs autres
minéraux.
Les avis sont partagés sur l’éventualité de nourrir une personne
humaine avec des aliments entièrement synthétisés. Quoi qu’il en soit
des controverses à ce sujet, on peut affirmer que l’alimentation
s’artificialisera de plus en plus. Beaucoup d’erreurs seront commises en
cours de route, ce qui nécessitera de nombreuses corrections de trajec-
toire, comme ce fut d’ailleurs le cas depuis le début de l’histoire de
l’homme.
Relations entre l’homme et ses aliments 27

CONCLUSION
Cette brève réflexion sur quelques-uns des nombreux aspects des
relations entre l’homme et ses aliments met en relief la complexité des
sciences de l’alimentation.
Nous tenterons dans les prochains chapitres d’explorer un peu plus
avant quelques-unes des multiples facettes de ce que sont les aliments
en tant qu’êtres vivants, après quoi nous jetterons un coup d’œil sur les
principales techniques inventées par l’homme pour permettre à la tech-
nologie alimentaire de se développer au rythme des innovations tech-
nologiques et des changements de la société.

LECTURES SUGGÉRÉES
Barrau, J. 1983. Les hommes et leurs aliments. Esquisse d’une histoire écologique et
ethnologique de l’alimentation humaine. Temps Actuels/ Éditions Messidor.
378 p.
Boakes, R.A., D.A. Popplewell & M.J. Burton, ed. 1987. Eating habits ; food,
physiology and learned behaviour. John Wiley & Sons, N.Y. 225 p.
Counihan, C.M. 1999. The Anthropology of Food and Body. Gender, Meaning and
Power. Routledge, New York. 256 p.
Fenton, A. & E. Kisban. ed. 1986. Food in change ; eating habits from the middle ages
to the present day, John Donald Pub. & National Museums of Scotland. 166 p.
Fieldhouse, P. 1986. Food and nutrition : customs and culture. Croom Helm. Dover,
N.H. U.S.A. 233 p.
Logue, A.W. 1986. The psychology of eating and drinking. W.H. Freeman & Co. N.Y.
298 p.
Lyman, B. 1989. A psychology of food ; more than a matter of taste. Van Nostrand
Reinhold Company. New York. 189 p.
Moyal, M.F., ed. 1988. Alimentation et sociétés, nouvelles technologies. Proceedings
of the Xth International Congress of Dietetics. John Libey, Eurotext. Paris.
526 p.
Peltre, J. & C. Thouvenot, ed. 1987. Alimentation & Régions. Presses universitai-
res de Nancy. 25, rue Baron Louis, 54000 Nancy, France. 523 p.
Pinard, J. 1988. Les industries alimentaires dans le monde. Masson, Collection Géo-
graphie, Paris. 216 p.
Scriban, R. 1988. Les industries agricoles & alimentaires. Techniques & Documenta-
tion - Lavoisier. Paris. 382 p.
Trémolières, J. 1975. Diététique et art de vivre. Seghers. Paris. 324 p.
28 L’homme et ses aliments

NOTES EXPLICATIVES
Anabolisme : il s’agit de l’ensemble des réactions biochimiques condui-
sant à la synthèse de grosses molécules à partir de petites molé-
cules.
Catabolisme : c’est l’inverse de l’anabolisme. Les molécules relativement
grosses sont brisées en molécules plus petites.
Phénylcétonurie : maladie qui se manifeste par un certain type d’idiotie,
due à un retard dans le développement du cerveau. Du point de
vue physiologique, cette maladie se caractérise par l’excrétion uri-
naire d’acide phénylpyruvique et de phénylalanine en quantités
excessives.
Pepsine : enzyme sécrétée par la muqueuse stomacale de la plupart des
vertébrés. Cette enzyme, active à un pH très bas, catalyse l’hydro-
lyse partielle des protéines ingérées, les produits de cette hydrolyse
pénétrant ensuite dans la partie intestinale du tube digestif.
Cultivars : les améliorateurs de plantes utilisent de plus en plus le terme
« cultivar » au lieu de « variété ».
Calorie : quantité d’énergie nécessaire pour augmenter la température
d’un c.c. d’eau de un degré Celcius.
kilocalorie : 1000 calories
1 kilojoule = 0,239 calorie ; 1 calorie = 4,184 kilojoules
Mégajoule : 1000 kilojoules
Végétarisme : consommation d’aliments d’origine végétale et aucune
d’origine animale si ce n’est des produits laitiers et des œufs.
Végétalisme : consommation d’aliments d’origine exclusivement végé-
tale.

EXERCICES D’AUTO-APPRENTISSAGE
Vérifier vous-même ce que vous avez retenu du chapitre 1, en ré-
pondant aux questions suivantes :
1. En quoi l’homme est-il assimilable à l’animal en ce qui concerne son
alimentation ?
2. Que signifie le terme « équilibre dynamique » en parlant de la nu-
trition ?
3. Donnez un exemple de ce qu’une maladie métabolique peut exiger
de la technologie alimentaire.
4. Donnez deux exemples de situations où le genre de travail exige
une alimentation particulière.
5. Donnez deux exemples illustrant la nécessité pour la technologie
alimentaire de s’adapter au caractère social et grégaire de l’homme.
6. Nommez deux attributs de l’homme qui le différencient nettement
des animaux.
Relations entre l’homme et ses aliments 29

7. Énumérez les noms des six nutriments de base des aliments.


8. Donnez un exemple de complémentarité alimentaire.
9. Donnez deux exemples de structures des aliments qui en atténuent
leur fragilité.
10. En combien d’étapes peut-on diviser l’histoire de l’homme quant à
sa façon d’obtenir sa nourriture et quelles sont-elles ?
11. Pourriez-vous définir ce qu’est le triticale ?
12. Pourriez-vous définir brièvement ce que sont les OGM ?
13. Pouvez-vous nommer deux façons d’obtenir de la présure, enzyme
utilisée dans la fabrication du fromage ?
CHAPITRE 2

Description
des aliments

SOMMAIRE

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE 33

INTRODUCTION 33

1- LES NUTRIMENTS DE BASE 34

2- LES COMPOSÉS SECONDAIRES 66

3- LES CONTAMINANTS 72

4- LES ADDITIFS ALIMENTAIRES 78

CONCLUSION 81

LECTURES SUGGÉRÉES 81

NOTES EXPLICATIVES 82

EXERCICES D’AUTO-APPRENTISSAGE 82

ANNEXE A - LA RÉGLEMENTATION DES PESTICIDES AU CANADA 85

TABLEAUX ET FIGURES
Tableau 2.1 - Contenu en eau de quelques aliments (%) 34
Tableau 2.2 - Teneur en protéines de quelques aliments et boissons 37
Tableau 2.3 - Principaux acides aminés rencontrés dans les protéines
alimentaires 38
32 L’homme et ses aliments

Tableau 2.4 - Principaux groupes de protéines 43


Tableau 2.5 - Pouvoir sucrant de divers sucres et d’agents
édulcorants, le point de comparaison étant de 100 pour le sucrose 50
Tableau 2.6 - Nomenclature des vitamines 60
Tableau 2.7 - Stabilité des vitamines sous différentes conditions 63
Tableau 2.8 - Teneurs relatives en vitamines des laits maternel
et de vache 64
Tableau 2.9 - LD50 de quelques insecticides (mg/100 kg) 73
Tableau 2.10 - Effet de la teneur en protéines d’une diète sur
l’augmentation du niveau de toxicité de quelques pesticides
chez des rats 74
Tableau 2.11 - Adaptation aux pesticides chez des crevettes
« entraînées » et « non entraînées » 74
Tableau 2.12 - Concentration des pesticides organochlorés
par la chaîne alimentaire 75

Figure 2.1 - Structure de base des acides aminés, du tryptophane


et de la glycine 37
Figure 2.2 - Schéma montrant le caractère amphotérique des acides
aminés 39
Figure 2.3 - Schéma montrant la formation d’un dipeptide à partir
de deux acides aminés 40
Figure 2.4 - Schéma simplifié montrant la forme tridimensionnelle
d’une protéine en même temps que les 4 types de structures
qui la caractérisent 41
Figure 2.5a - Représentation tridimensionnelle du b-D-glucose
et de a-D-glucose selon la formule de Haworth 44
Figure 2.5b - Représentation du L-glucose et du D-glucose selon
la formule de Fisher 45
Figure 2.5c - Représentation tridimensionnelle du D-mannose 45
Figure 2.6 - Structure du sucrose (saccharose) 46
Figure 2.7 - Structure du maltose 46
Figure 2.8 - Structure de la cellobiose 47
Figure 2.9 - Structure du lactose 47
Figure 2.10 - Représentation schématique simplifiée du glycogène 48
Figure 2.11 - Schéma représentant la formation d’un triglycéride
(triacylglycérol) à partir du glycérol et de trois acides gras 52
Figure 2.12 - Structure d’un acide gras 53
Figure 2.13 - Figure montrant la différence structurale entre
un acide gras insaturé et un acide gras saturé 53
Figure 2.14 - Schéma montrant la différence structurale entre
un acide gras « trans » et un acide gras « cis » 54
Figure 2.15 - Structure des acides W-3 et W-6 55
Figure 2.16 - Schéma simplifié montrant la transformation
de la b-carotène (provitamine A) en vitamine A et du
déshydrocholestérol (provitamine D) en vitamine D 61
Figure 2.17 - Formule chimique de quelques-uns des principaux
pigments présents dans les aliments 67
Description des aliments 33

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE
L’objectif général de ce chapitre est de présenter l’aliment comme
une entité complexe formée d’une multitude de constituants que l’on
peut regrouper en 4 catégories.
D’une façon plus spécifique, à la fin de ce module l’étudiant doit
être capable :
1- d’énumérer et de définir les nutriments de base que l’on retrouve
dans les aliments et d’identifier leurs principales caractéristiques ;
2- d’identifier les principaux groupes de composés secondaires ;
3- de définir ce que sont les contaminants alimentaires ;
4- de reconnaître les 3 catégories d’additifs alimentaires en fonction
du rôle qu’ils jouent dans les aliments.

INTRODUCTION
Dû au fait qu’ils sont essentiellement d’origine vivante, les aliments
montrent une grande complexité. Cette complexité s’exprime par le nom-
bre de composés différents qu’on y trouve, mais également par les mul-
tiples interrelations que ces composés ont entre eux. Même s’ils forment
généralement un véritable système unifié, il convient d’en aborder l’étude
d’une façon analytique. En effet, l’étude des divers constituants alimen-
taires est un préalable essentiel à la compréhension des phénomènes
d’altération post-mortem des aliments, de même que de leurs procédés
de transformation.
Tel qu’indiqué au premier chapitre, on peut regrouper les consti-
tuants en quatre catégories, soit les nutriments de base, les composés
secondaires, les contaminants et les additifs.
La première catégorie comprend une bonne partie de ce que l’on
retrouve obligatoirement dans une cellule vivante, soit de l’eau, des pro-
téines, des glucides, des lipides, des minéraux, des vitamines et même,
dans un certain sens, des calories. Ces composés feront l’objet de la pre-
mière section de ce chapitre.
Pour ce qui est des composés secondaires décrits dans la deuxième
section, il s’agit de ceux dont la majorité n’ont aucune valeur nutritive,
qui ne sont pas obligatoirement présents dans chaque aliment, ou qui
dans certains cas peuvent présenter une forte toxicité. On inclut dans ce
groupe les pigments, les flaveurs et les toxines naturelles.
34 L’homme et ses aliments

Les contaminants, traités à la section 3, sont omniprésents dans la


nature et, par voie de conséquence, dans les aliments. La technologie
alimentaire doit donc tenir compte de ces contaminants et tenter de les
éliminer le plus possible, ou au moins de les évaluer avec précision.
Enfin, les additifs, pour leur part, comprennent tous ces composés
que l’industrie alimentaire doit ajouter aux aliments dans le but d’en
faciliter la conservation, la transformation ou la mise en marché : c’est
l’objet de la quatrième section.

1. LES NUTRIMENTS DE BASE


1.1 L’eau
L’eau est le composé que l’on retrouve dans tous les aliments sans
exception, mais à des teneurs très variables d’un aliment à l’autre. Le
tableau 2.1 donne le contenu en eau de quelques-uns des aliments les
plus communs.

TABLEAU 2.1
Contenu en eau de quelques aliments (%)

Produits animaux Filet de morue 82 %


Steak haché (cuit) 53 %
Jaune d’œuf 49 %
Blanc d’œuf 88 %
Produit laitiers Lait entier (3,3 % m.g.) 88 %
Fromage cheddar 59 %
Fromage « cottage » 79 %
Lait écrémé en poudre 3,5 %
Fruits et légumes Laitue 94 %
Tomates 94 %
Bananes 74 %
Pommes 84 %
Produits céréaliers Farine tout usage 12 %
Germe de blé 12 %
Pâtisseries Tarte aux pommes 48 %
Gâteau aux fruits 18 %
Gâteau éponge 32 %
(N.B.) Ces chiffres sont tirés de : Santé & Bien-Être social Canada, 1988. Valeur nutritive de
quelques aliments usuels).

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