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Organisées par

8èmes UNIVERSITÉS D’ÉTÉ DU MANAGEMENT TERRITORIAL

La rencontre annuelle des cadres dirigeants territoriaux et des élus

Les 27 et 28 août 2010

« Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et


comparatifs européens »

Au siège de la Délégation Régionale Midi-Pyrénées du CNFPT


9, rue Alex Coutet à Toulouse

Le Cardenal – 31450 BELBÈZE DE LAURAGAIS


Tél. : 05 34 66 03 50 – Fax : 05 34 66 03 51 – e-mail : arempt-ue@orange.fr – Site : http:///arempt.org
Association Loi 1901 – Siret : 47891313000017 – Code APE : 913 E

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
En partenariat avec :

- L’Association des Dirigeants Territoriaux et des Anciens de l’INET

- L’Association des Administrateurs Territoriaux de France

- Le Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales

- L’Association des DG des communautés de France

- L’Association des DG et DGA des régions et départements

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
- Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale

- L’Institut National d’Études Territoriales

- La Lettre du Cadre Territorial

- La Gazette des Communes

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Avec le soutien de :

- Conseil Régional Midi-Pyrénées

- Mutuelle Nationale Territoriale

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
SOMMAIRE

INTRODUCTION.............................................................................................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE - ACTES DES 7ÈMES UNIVERSITÉS D’ÉTÉ ...............................................................10

DEUXIEME PARTIE - REFORME TERRITORIALE, ETAT DES LIEUX ET POINTS DE VUE ............76

TROISIEME PARTIE - L’ORGANISATION DECENTRALISEE EN EUROPE...........................................122

QUATRIEME PARTIE - REGIONS / DEPARTEMENTS : QUEL AVENIR ? ...........................................169

CINQUIEME PARTIE - INTERCOMMUNALITES, METROPOLES : QUELLES PERSPECTIVES ? ..181

SIXIEME PARTIE - DE LA REFONTE DE LA TP A LA PROBLEMATIQUE DES FINANCEMENTS DES


COLLECTIVITES TERRITORIALES ......................................................................................................................192

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
INTRODUCTION

Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de gestion
Maître de conférences associé à l’IAE de Lille
Président de l’Association pour la Recherche et
l’Expertise en Management Public Territorial

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Ces 8èmes Universités d’Été du Management Public Territorial sont à la fois en résonnance
avec les 1ères UE de 2003 et en continuité avec celles de l’an passé :
- En résonnance avec les 1ères UE où nous disions combien « la libre administration (de
l’Acte II) était la décentralisation constitutionnalisée », fruit d’une synthèse entre
départementalistes et régionalistes dans le droit fil de l’Acte I.
Mais nous montrions aussi combien plusieurs questions restaient en suspens :
∙ Dans le domaine de l’expérimentation reconnue ; où des interventions à
géométrie variable pourraient remettre en cause la cohérence de l’action
publique au service des usagers et des citoyens dès lors que des règles du
jeu ne seraient pas clairement énoncées dès le départ ;
∙ Sur le partage des compétences ; où au-delà de l’application du principe de
subsidiarité, l’absence de hiérarchie entre les niveaux de territoire malgré
le concept de chef de file pourrait empêcher une coordination efficace ;
∙ Sur le pouvoir local où l’espace normatif ouvert aux collectivités posait la
question de la confrontation des légitimités politique, professionnelle et
sociale ;
∙ Sur l’autonomie financière encore chichement accordée.

Notre questionnement est désormais d’interroger la(les) continuité(s) ou la(les) rupture(s) de


la réforme actuelle au regard des précédentes.

- En continuité avec les 7èmes UE où nous avons posé les très nombreuses controverses
issues des objectifs, du calendrier, de la démarche, du contenu… de la présente
réforme [voir Actes ci-après].

Notre questionnement est ainsi d’examiner dans quelle mesure les projets en partie délibérés
et votés apportent ou non cohérence, simplification, optimisation…

Mais la particularité de ces 8èmes UE est aussi et surtout de regarder la « réforme » en


contraste avec celle menée dans d’autres pays, les évolutions de celles-ci et leur processus de
mise en œuvre.
La décentralisation devient un fait « international » et les pays émergents comme les
démocraties naissantes s’attachent à concevoir des systèmes décentralisés.
La comparaison peut ainsi être intéressante avec des Pays de l’UE comme l’Italie qui travaille
à son évolution, ou l’Espagne comme modèle régional, ou l’Allemagne pays fédéral, ou même le
Royaume Uni particulier dans ses modes de relation Etat / Collectivités.

L’organisation territoriale doit s’adosser à une conception claire du rôle des acteurs publics.
La réforme propose une autre répartition des rôles entre les niveaux, alors que les élus
revendiquent le maintien de leurs prérogatives locales.
C’est donc une nouvelle gouvernance entre l’Etat et les différentes strates territoriales qui
est en jeu. Cette gouvernance requiert un référentiel commun et partagé qui pourraît être le

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
nouveau périmètre de l’action publique ; Il con,vient ensuite de définir qui fait quoi ce qui
appelle une nouvelle répartition des compétences et le choix entre l’exclusivité et la
coopération. Faut-il un chef de file et tout le monde peut intervenir ou bien faut-il un
responsable qui assume seul la compétence ?
Dès lors, plusieurs questions peuvent être traitées :
- Quel est le périmètre de l’action publique ?
- Quelle répartition entre le national et le local territorial ?
- Quelle répartition entre les différents niveaux territoriaux ?
- Quelles modalités de collaboration entre les collectivités, institutions et parties
prenantes (logiques de la subsidiarité descendante, ascendante et horizontale et
gouvernance territoriale) ?
- Quels financements et modalités de portage financiers des missions et compétences ?
- Etc...

Dans ce cadre, les ateliers ont pour objet d’analyser et de confronter la mise en œuvre de
certains aspects de la réforme toujours avec le regard comparatif au niveau européen, en
ayant toujours à l’esprit les questions à mettre en débat de façon transversale autant que
possible dans chacun d’eux :
- Le périmètre de l’action publique (pourquoi ?)
- La vocation des institutions concernées (pour quoi faire ?)
- Les modalités d’intervention et de gouvernance territoriale (comment en externe ?)
- Les modalités d’organisation / management et la gouvernance interne (comment en
interne ?).

Atelier 1 : « Métropoles / pôles métropolitains et territoires : quelle reconfiguration des


stratégies territoriales ? »
La loi sur la réforme territoriale s’intéresse au ‘’fait métropolitain‘’ puisqu’elle entend
consacrer 2 nouvelles formes : la métropole ; et les pôles métropolitains. Ces nouveaux outils
seront-ils de nature ou non à simplifier la gouvernance territoriale ? Quelle tension est
susceptible de naître entre des formes d’organisation intégrée privilégiant l’exclusivité, et
des gouvernances de type coopératif ?
Quelles relations, et quels bouleversements, la création des métropoles peut-elle induire pour
les régions, départements et communes ? S’achemine-t-on vers une normalisation européenne?

Atelier 2 : « Conseils Régionaux et Généraux ! Intercommunalités et communes : Quelles


articulations entre gouvernance politique et gouvernance administrative ? »
La réforme proposée est-elle de nature à consacrer les coopérations et les mutualisations
entre les niveaux ? Comment cette amplification sera-t-elle possible avec une diminution des
financements croisés ? La réforme marque-t-elle l’émergence du contrat comme mode
privilégié des relations entre les strates ? Quelle spécificité française au niveau européen ?
Comment l’unicité progressive de la gouvernance politique va-t-elle impacter les gouvernances
administratives ?

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Atelier 3 : « L’État entre européanisation et décentralisation / recentralisation :
Quelles transformations des services et des modes d’action publique ? »
La RGPP marque une reconcentration des services de l’État et une régionalisation des
responsabilités.
La réforme territoriale est-elle en cohérence avec ce schéma ou suit-elle une autre logique ?
Face à cette reconcentration, quel rôle nouveau pour les actions des collectivités
territoriales? Comment ces réorganisations peuvent-elles modifier le sens même de l’action
publique ?
Quelle particularité au niveau européen ?

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
PREMIÈRE PARTIE -
ACTES DES 7èmes UNIVERSITÉS D’ÉTÉ

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ACTES DES 7èmes UNIVERSITÉS D’ÉTÉ DU
MANAGEMENT PUBLIC TERRITORIAL :

« La réorganisation territoriale de la république : stratégies de


changements, perspectives managériales, nouvelles
gouvernances»

Toulouse, 28 et 29 août 2009

NUMÉRO SPÉCIAL CAHIERS DU MANAGEMENT TERRITORIAL n°35


Octobre, novembre, décembre 2009

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
En partenariat avec :

- L’Association des Dirigeants Territoriaux et des Anciens de l’INET

- L’Association des Administrateurs Territoriaux de France

- Le Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales

- L’Association des DG des communautés de France

- L’Association des DG et DGA des régions et départements

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
- Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale

- L’Institut National d’Études Territoriales

- La Lettre du Cadre Territorial

- La Gazette des Communes

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Avec le soutien de :

- Conseil Régional Midi-Pyrénées

- Conseil Général de Haute-Garonne

- Communauté d’Agglomération du Muretain

- Communauté Urbaine du Grand Toulouse

- Mutuelle Nationale Territoriale

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
SOMMAIRE

ÉDITORIAL ET INTRODUCTION ................................................................................................................. 16


CONTRIBUTION INTRODUCTIVE ............................................................................................................... 20
SYNTHESE DES DEBATS DE LA SEANCE PLENIERE DU 28 AOUT 2009............................................ 26
ATELIER 1 : LES STRATEGIES DE REFORME ......................................................................................... 30
ATELIER 2 : QUEL LIEN ENTRE LES STRATEGIES NATIONALES ET LES STRATEGIES LOCALES ?
............................................................................................................................................................................... 35
ATELIER 3 : LA REORGANISATION TERRITORIALE DE LA REPUBLIQUE : STRATEGIES DE
CHANGEMENTS, PERSPECTIVES MANAGERIALES, NOUVELLES GOUVERNANCES................. 42
CONCLUSION DES 3 ATELIERS ................................................................................................................... 49
SYNTHESE DES 7ÈMES UNIVERSITES D’ETE DU MANGEMENT TERRITORIAL.......................... 51
CONCLUSION .................................................................................................................................................... 73
DOCUMENTS ANNEXES ........................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ÉDITORIAL ET INTRODUCTION
Actualité et enjeux de la problématique des 7èmes Universités d’Eté du Management
territorial

Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de Gestion
Président de l’Association pour la Recherche et l’Expertise en Management Public
Territorial

Si nous nous en tenons à l’attractivité, deux chantiers sont ouverts et particulièrement


sujets à débat :
- Un chantier de réforme et de modernisation de l’Etat en accélération depuis 2002
avec la LOLF, les outils de modernisation et la création de la DGME, les projets
d’action stratégique de l’Etat, la révision générale des politiques publiques (374
décisions prises : une nouvelle organisation des services déconcentrés de l’Etat, la
refonte de toutes les administrations centrales, la présence au territoire
« repensée »…) ;
- Le chantier de décentralisation au milieu du gué avec l’Acte II consacrant
l’organisation de la République décentralisée, la production de multiples rapports
(Mauroy, Puech, Zeller, Balladur, Warsman, Belot…; les propositions de l’ARF, l’ADF,
l’ADCF, l’AMF…. ; l’Institut de la décentralisation…), ainsi bien sur que les projets de
loi en cours d’élaboration inspirés des propositions précédentes et du rapport de
l’UMP élaboré par Dominique Perben.

Les enjeux à traiter sont, entre autres, au nombre de cinq :


- Les territoires et la population
Nous avons assisté à de nombreux changements d’échelle dans le maillage du territoire,
vers le haut avec la construction européenne et vers le bas avec les subdivisions
territoriales des départements et des régions, la création de conseils de quartier dans
les grandes villes et de pôles de proximité dans les grandes agglomérations… Face à
cette multiplication des « territoires », les recompositions classiques sont de portée
limitée (fusion de communes, regroupement de départements ou de régions…), tandis
que le développement des formules d’intercommunalités a permis à ce jour de couvrir
91% des communes et plus de 87% de la population.
- Les élus
Environ 500 000 élus locaux consacrent leur temps et énergie au développement de
leur territoire. Face à un système où ils sont aujourd’hui désignés par des scrutins
séparés (sauf PLM) sur des circonscriptions électorales différentes et selon des
modes de suffrage différents ; plusieurs questions sont ouvertes :
o Faut-il coupler certains scrutins (communes et inter-communalités,
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 16
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
départements et régions) afin d’assurer une plus grande unité dans la
gouvernance des collectivités concernées ?
o Faut-il élire au suffrage universel les élus inter-communaux afin d’accroître la
légitimité démocratique des structures concernées ?
- Les compétences, missions et services rendus
A ce jour, se combinent compétences générales (avec le pouvoir d’agir sur toute
question d’intérêt public local, actuellement dévolu à toutes les collectivités de plein
exercice) ; compétences d’attribution issues des « blocs de compétences » posés par
les lois de 1983, mais aussi par d’innombrables textes de lois ; les compétences
exclusives (cas des EPCI) qui interdisent à toute autre collectivité que la collectivité
attributaire d’exercer la compétence en cause.
Dans la pratique, les « blocs de compétences » sont devenus un patchwork, la
contrainte budgétaire favorise la multiplication des co-financements, la forte pression
(lobbying, demande électorale, médiatisation des problèmes…) favorise la densification
des interventions.
La aussi, plusieurs questions restent ouvertes :
- Peut on opérer un retour en arrière en matière de clause générale des
compétences alors que :
. Il est difficile de dire à l’élu qu’il n’est pas compétent sur une matière
qui intéresse l’électeur. Il peut expliquer que son pouvoir est limité, mais
pas que son champ d’intervention est restreint.
. Il serait difficile de mettre en œuvre les conséquences financières de
ce retour en arrière
. Les interventions des départements constituent des éléments de
péréquation entre les communes qui ne sont pas à négliger.
- Peut-on imaginer :
. Combiner compétence générale pour certains niveaux (la commune par
exemple) et compétence exclusive pour d’autres dans certains domaines
. Assurer, dans d’autres domaines (action sociale, économie…) des
compétences d’attribution avec chef de file ayant « autorité » à travers
des schémas prescriptifs
- Les ressources et le pouvoir fiscal
Le principe d’autonomie financière des collectivités locales est retenu depuis 2003 à
travers la Constitution qui dispose que les ressources propres (recettes fiscales et
autres ressources propres) des collectivités locales doivent représenter une “part
déterminante” de l’ensemble de leurs ressources (“Part déterminante” = au moins le
niveau constaté en 2003, soit 60,8% pour les communes, 58,6% pour les départements,
41,7% pour les régions).
A travers cette règle, on a instauré un verrou qui rend difficile une modification
substantielle du mode de financement des collectivités ainsi qu’une réforme d’ensemble
de la fiscalité locale dont l’obsolescence et l’iniquité font pourtant, depuis longtemps,
consensus. Le même verrou constitutionnel fait dépendre les collectivités territoriales
de recettes qui peuvent être très variables, notamment en cas de retournement

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 17


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
conjoncturel, comme c’est le cas en matière immobilière pour les départements
Dans la pratique, cependant l’Etat s’est progressivement substitué à certaines
catégories de contribuables (via les dégrèvements et compensations), au point de
devenir le premier contribuable local : en 2008 l’Etat a assumé 23% de la fiscalité
directe locale (30% pour la taxe d’habitation, 35% pour la taxe professionnelle),
rompant le lien entre collectivités et contribuables locaux.
Il convient toutefois de ne pas confondre l’autonomie financière et l’autonomie fiscale.
La première est l’assurance donnée à la collectivité qu’elle disposera d’une recette,
quelle que soit sa nature, assez stable et assez dynamique pour assumer ses
compétences, à la différence de la seconde où le pouvoir public fiscal s’exerce
principalement à travers le vote des taux.
On peut alors imaginer un système de dotations « intelligentes » prenant en compte la
réalité des charges nouvelles qui pèsent sur les collectivités territoriales permettant
notamment d’assurer une péréquation bien plus efficace que celle d’aujourd’hui.
- Les moyens
D’un côté, un grand nombre de syndicats (16.000 structures) en marge des nouvelles
intercommunalités a perduré. Une multiplication des centres de décision a généré des
coûts de fonctionnement supplémentaires : entre 2001 et 2006, les intercommunalités
ont vu leurs effectifs augmenter de plus de 50% soit 77 000 personnes en plus, mais,
dans le même temps, les effectifs des communes se sont accrus de 30 000 personnes.
Dès lors, plusieurs questions semblent ouvertes :
- Une maîtrise des dépenses locales avec un taux directeur national ?
- Une mutualisation accrue entre collectivités, entre Etat / opérateurs /
collectivités… ?
- Des critères de performance sur la base d’un référentiel ?

En conséquence, il nous faut prendre la mesure des « constats » souvent contestables voire
contestés qui induisent parfois à des conclusions hâtives ou simplistes :
- Un trop grand nombre de niveaux de collectivités  Réduire ?
- Des enchevêtrements de compétences confus et coûteux  Spécialiser ?
- Des régions trop petites  Agrandir ?
- Une légitimité politique des intercommunalités peu assise  Elire
directement ?
- Une égalité de par la Loi et le rôle de l’Etat  Instaurer un modèle unique ?
Dès lors, on n’est pas en présence d’une administration décentralisée mais en face d’une
administration du territoire partagé à tous les niveaux. Ce n’est pas le nombre de niveaux qui
pose problème mais la faiblesse de leur coordination. On est passé du « moment des
compétences » pour s’affirmer, à celui de la « subsidiarité » pour concevoir les compétences
de façon dynamique, en passant par celui « des actions communes » pour partager les
responsabilités. L’autonomie locale empêche d’avoir une action forte de l’Etat sur la dépense ;
mais les ressources des collectivités sont contrôlées par des décisions d’Etat tant en termes
de définition de la fiscalité qu’en termes de dotations

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 18


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Enfin, les différentes propositions avancées pour rénover le pouvoir local à travers la réforme
des collectivités territoriale doit pouvoir répondre à trois sujets principaux :
- Pour le citoyen, la clarification des responsabilités et la simplification des
circuits de décision ;
- Pour l’usager, l’efficacité des administrations publiques sur les territoires ;
- Pour le contribuable, l’efficience accrue et l’optimisation des dépenses.
La performance attendue du futur système ne devrait certainement pas s’analyser seulement
au niveau des acteurs publics ou dans les collectivités mais au niveau des territoires où les
décideurs sauraient mieux mettre en réseau sur leur territoire les acteurs dans le cadre
d’une co-production et d’une gouvernance territoriales.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
CONTRIBUTION INTRODUCTIVE
Présentation de l’avant projet de loi et des éléments du débat

Jean-René MOREAU
Directeur Général du SAN Ouest Provence et Professeur Associé Université Paris XIII

I – LES ELEMENTS DE L’AVANT-PROJET DE LOI

L’avant projet de loi connu à ce jour est un vent de réforme qui devrait changer en
profondeur les niveaux du Territoire de la France, notamment par une nouvelle loi sur
l’organisation territoriale et sur les compétences de ces collectivités territoriales, ainsi
qu’une loi de finances qui devrait changer assez radicalement le financement des collectivités
territoriales.
Ce qui est connu à ce jour pose des vraies questions fondamentales sur :

1) L’EXERCICE DE LA DEMOCRATIE LOCALE

- Statut de l’élu
- Conseillers territoriaux
- Élection au suffrage universel direct des délégués Communautaires

2) L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE COLLECTIVITE TERRITORIALE

a) La Métropole
- son périmètre
- son rôle de substitution
- son financement des compétences
- son impact sur le Département

b) Les Communes Nouvelles


L’avant projet de loi vise à favoriser la fusion de communes par l’instauration de « communes
nouvelles » sur le périmètre d’un établissement de coopération intercommunale de moins de
500 000 habitants.
La commune nouvelle dispose donc de toutes les compétences de la commune, y compris la
clause de compétence générale.
La création de la commune nouvelle suppose l’accord de la majorité absolue des suffrages
exprimés représentant au moins le ¼ des inscrits.
Le conseil de la commune nouvelle est constitué selon un processus identique aux fusions de
communes.
Un « territoire » peut être créé à la demande de la moitié au moins des communes
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 20
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
représentant la moitié de la population.

c) Regroupement possible des Départements et des Régions

Le regroupement des Départements est initié :

- à la demande d’un ou plusieurs départements (soit par délibération, soit par


référendum local à caractère décisionnel)
- si l’initiative est prise par un seul Département, le ou les autres départements ont 6
mois pour se prononcer
Le Gouvernement conserve la faculté de donner ou non suite à l’initiative locall
Le regroupement des Régions : la procédure existante actuellement est modifiée et alignée
sur la procédure proposée pour les Départements

3) LES COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Le Département et la Région ne disposeraient plus de la compétence générale.


a) Leur répartition :
La suppression de la notion d’intérêt départemental ou d’intérêt régional se traduit
pour le Département et la Région par la suppression de la clause dite de compétence
générale.
Le principe de spécialisation des compétences serait ainsi généralisé à l’ensemble des
collectivités territoriales ;
Les collectivités régionales et départementales pourraient être contraintes de
déléguer certaines compétences aux métropoles, EPCI ou communes dans le cadre d’un
schéma à définir par elles-mêmes tout en conservant obligatoirement la fixation des
orientations (la stratégie), le contrôle et l’évaluation.

b) Les financements croisés :


Tout maître d’ouvrage devra assurer au minimum de 50% du financement d’un projet
tant en fonctionnement qu’en investissement.
Bien que régis par le principe de compétences exclusives, Région et Département
pourraient néanmoins subventionner des investissements dont la maîtrise d’ouvrage
serait assurée par les communes, EPCI ou Métropoles.

4) LE DEVELOPPEMENT DES INTERCOMMUNALITES

Un schéma départemental de coopération intercommunautaire devra être arrêté avant le 31


décembre 2011.
La consécration par la loi des schémas départementaux de la coopération intercommunale : les
SDCI seront élaborés par le Préfet dans le cadre d’une procédure de consultation et

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 21


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
d’adoption obligatoire aven le 31/12/2011 avec prise en compte des objectifs suivants :
- achèvement de la carte des EPCI à fiscalité propre (suppression des enclaves et
discontinuités) ;
- constitution « dans la mesure du possible » d’entités au moins 5 000 habitants ;
- amélioration de la cohérence spatiale au regard du périmètre des unités urbaines
INSSE et des SCOT ;
- réduction du nombre de syndicats mixtes et de syndicats de communes ;
- abrogation du dispositif des Pays.
Le Préfet dispose des mêmes prérogatives pour modifier le périmètre d’EPCI existants ou de
fusions d’EPCI existants.
Le Préfet dispose de pouvoirs étendus jusqu’au 31 décembre 2013 pour mettre en conformité
la carte intercommunale avec le schéma départemental de coopération intercommunale.

5) L’ABSENCE DE REFORME DE L’ASPECT GOUVERNANCE MANAGERIALE ET DE


PRATIQUE DES RESSOURCES HUMAINES

Comment agir sur la mise en place de compétence et d’organisation sans tenir compte de la
dimension humaine ?

6) QUELLES RESSOURCES FINANCIERES ET MODALITES DE COMPENSATION ?

La réforme de la T.P. du fait de la suppression de la « part investissement » serait


compensée semble-t-il sur un découplage entre le « foncier entreprise » et la contribution sur
la valeur ajoutée (CVA).
Néanmoins, pour les établissements industriels en termes de foncier « entreprises », les
bases seraient minorées de 15%.
En outre, l’aspect de répartition des recettes entre les différents niveaux de collectivités
n’est pas réglé

II – LES ELEMENTS DU DEBAT

1) QUELLE DEMOCRATIE LOCALE ?

Apparition des conseillers territoriaux


Les conseillers territoriaux remplaceraient les conseillers généraux et conseillers régionaux :
les conseillers territoriaux siègent au conseil général de leur département d’élection et au
conseil régional de la région à laquelle appartient leur département :
- Ils sont élus pour 6 ans et sont rééligibles
- Les assemblées du Conseil Régional et du Conseil Général sont renouvelées
intégralement tous les 6 ans pour les Conseils Généraux

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 22


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Nouveaux statuts de l’élu
La loi élargirait aux délégués des communes dans les communautés de communes, la possibilité
de percevoir un régime indemnitaire. Celui-ci serait calculé au sein de l’enveloppe destinée à
indemniser le Président et les vice-présidents.

COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Quid du rôle de l’élu
. potiche
. exécutant des décisions de l’ETAT
. acteurs de projets
- Quid du lien social de proximité
- Quid du pouvoir de l’élu de proximité
- Quid de l’autonomie des collectivités locales déni de démocratie ou évolution

2) L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE COLLECTIVITE : LA METROPOLE


La Métropole est une collectivité territoriale de plus de 500 000 habitants se substituant sur
son territoire au département dont elle reprend les conséquences auxquelles s’ajoutent les
compétences exercées par les communautés urbaines.
Les Métropoles devront définir, dans un délai de 2 ans, l’intérêt métropolitain pour les
compétences liées aux équipements culturels, socioculturels, socioéducatifs et sportifs et
dispositifs locaux de prévention de la délinquance.
La Métropole ne dispose pas de la clause générale de compétence.
Le conseil de la Métropole est élu au suffrage universel direct selon les dispositions à définir
par le code électoral.
La Métropole s’administre comme un conseil général (assemblée plénière, commission
permanente)
La Métropole peut demander à exercer tout ou partie des compétences dévolues au conseil
régional sous réserve de l’accord de ce dernier.
Le transfert de personnes communales et intercommunales par mise à disposition pour un
délai d’un an maximum, et par transfert ensuite.

COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Nouvelle superstructure ajoutée au mille feuille territorial ?
- Nouveau périmètre pertinent
- Espace d’aménagement ?
- Espace économique ?
- Superstructure hégémonique ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 23


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
3) COMPETENCES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
- Affirmation et confortation de bloc de compétences
La suppression de la notion d’intérêt départemental ou d’intérêt régional se traduit
pour le Département et la Région par la suppression de la clause dite de compétence
générale.
Le principe de spécialisation des compétences serait ainsi généralisé à l’ensemble des
collectivités territoriales.
Les collectivités régionales et départementales pourraient être contraintes de
déléguer certaines compétences aux métropoles, EPCI ou communes dans le cadre d’un
schéma à définir par elles-mêmes tout en conservant obligatoirement la fixation des
orientations (la stratégie), le contrôle et l’évaluation.

- Limitation de cofinancement
Tout maître d’ouvrage devra assurer un minimum de 50% du financement d’un projet.
Bien que régis par le principe de compétences exclusives, Région et Département
pourraient néanmoins subventionner des investissements dont la maîtrise d’ouvrage
serait assurée par les communes, EPCI ou Métropoles.

COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Comment gérer dans la réalité des projets de certains territoires par l’absence de
compétences générales ?
- Dans le cadre d’une raréfaction des ressources financières, comment répartir les
cofinancements ?

4) DEVELOPPEMENT DES INTERCOMMUNALITES


La consécration par la loi des schémas départementaux de la coopération intercommunale : les
SDCI seront élaborés par le Préfet dans le cadre d’une procédure de consultation et
d’adoption obligatoire aven le 31/12/2011 avec prise en compte des objectifs suivants :

- Achèvement de la carte des EPCI à fiscalité propre (suppression des enclaves et


discontinuités)
- Constitution « dans la mesure du possible » d’entités au moins 5 000 habitants
- Amélioration de la cohérence spatiale au regard du périmètre des unités urbaines
INSEE et des SCOT
- Réduction du nombre de syndicats mixtes et de syndicats de communes
- Abrogation du dispositif des Pays.

Le Préfet dispose des mêmes prérogatives pour modifier le périmètre d’EPCI existants ou de
fusions d’EPCI existants.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 24


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- N’y a-t-il pas une force contradictoire concernant des Intercommunalités dynamiques
et performantes d’être assimilées quand ils seront à proximité d’une Métropole ?
- De quels moyens financiers disposeront-elles du fait de la réforme de la T.P ?

5) L’ABSENCE DE REFORME DE L’ASPECT GOUVERNANCE


Il n’est fait aucune référence aux 1 600 000 fonctionnaires agents territoriaux comme
acteurs de ces réformes

COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :
- Quelle Fonction Publique ou autre type d’organisation pour la mise en place de nouvelles
structures ?
- Quid des personnels ? Il est juste indiqué mise à disposition !
- Quelle gouvernance et quel mode managérial pourrait s’appliquer ?

6) QUELLES RESSOURCES FINANCIERES ?

La réforme de la T.P dont nous avons déjà évoqué succinctement la mise en œuvre, s’avère
comme une perte de recettes espérées sous la législation actuelle.

COMMENTAIRES ET REFLEXIONS :

- Quel intérêt pour une collectivité, de financer les investissements d’aménagement et


d’accessibilité à une zone industrielle du fait que le coût de ces investissements est
supérieur au retour sur l’investissement du fait d’une forte diminution des recettes ?
- Pourra-t-on continuer à financer 75 % des investissements publics ?

Plusieurs questions interdépendantes méritent d’être éclairées à travers nos échanges :


- Quel mode de gouvernance territoriale les cadres de la FPT devront-ils mettre en
place ?
- Quelle méthodologie managériale peut s’appliquer dans la tourmente, l’incertitude et la
crise ?
- Quelle valeur ajoutée pour le citoyen, administré, contribuable usager, client ?
- Quelle éthique, quelle efficience, quelle efficacité pour mettre en œuvre de nouvelles
pratiques managériales afin d’atteindre de la performance et du service « public »
auprès de ceux qui sont en droit d’attendre des acteurs publics, (des fonctionnaires-
élus) une économie d’échelle ?
- Comment trouver sur son territoire, les potentialités diverses et dispersées pour
valoriser l’action Publique ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 25


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
SYNTHESE DES DEBATS DE LA SEANCE PLENIERE DU 28 AOUT 2009

Réalisée par Delphine LERAY et Jean-François BUCCO


Elèves Administrateurs INET de la Promotion Aimé CESAIRE
A partir des interventions de Max ROUSTAN (Député Maire d’Alès, Président de la
Communauté d’Agglomération du Grand Alès), Claude RAYNAL (Maire de Tournefeuille,
Président Délégué de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse) et Philippe LAURENT
(Maire de Sceaux, Président de la Commission Finances de l’Association des Maires de France)

1) Les grandes orientations de la réforme

L'avenir et le rôle de l'intercommunalité, un objectif consensuel ?

Pour Max Roustan, l'intercommunalité et la coopération entre communes sur un projet


commun semblent logiques. Mais il fait état d'un manque de maturité de certains élus en
rapport aux responsabilités qu'ils portent. Ainsi, certaines communautés de communes sont
constituées en lieu de résistance par rapport à la « grande ville » : une loi semble donc
nécessaire en vue de l'achèvement de la carte intercommunale. La réponse à la problématique
managériale est alors de nommer un seul DGS qui coordonne l'ensemble des structures
communale et intercommunale.

En effet, Claude Raynal estime que l'intercommunalité est sans doute le sujet le plus simple
et le plus consensuel de la réforme, même s'il exprime son inquiétude quant à l'atteinte d'un
objectif qu'on recherche depuis plus de deux siècles sans résultat.

Pour Philippe Laurent, des questions doivent néanmoins être soulevées. En effet, il estime que
la loi a deux objectifs : la réalisation d'économies et une reprise du pouvoir par
l'administration d'État dans un souci d'un intérêt général (qui ne pourrait donc être porté que
par l'État et non par les collectivités !).

Il ajoute que, même si l'intercommunalité est effectivement le domaine de la réforme le


moins dissensuel sur les objectifs, il reste dissensuel sur les modalités : délimitation du
pouvoir du préfet, le transfert automatique de la compétence d'élaboration des plans
d'urbanisme des communes aux intercommunalités, la sanction des communes qui ne
s'intégreraient pas dans des intercommunalités.

Création des métropoles : une concurrence véritable des métropoles européennes ?


Quelle place pour les départements dans les territoires concernés ? Quelle place pour les
territoires ruraux ?

Pour Claude Raynal, l'objectif de la réforme est multiple :


 un renforcement du contrôle de l'État sur la masse budgétaire dépensée par les

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 26


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
collectivités de la même façon que contrôle sur les comptes de la sécurité sociale, dans
un but ultime de recentralisation
 le renforcement de la France dans la compétition internationale des villes
 la disparition à terme des départements peut-être, les « petits » départements étant
de plus en plus en difficulté et les « gros » départements étant segmentés avec les
métropoles et pouvant ainsi disparaître plus facilement

Philippe Laurent précise, à cette occasion que l'organisation territoriale peut être différente
en fonction des territoires en France. Mais cette différenciation suppose que les élus
négocient entre eux afin d'élaborer un schéma cohérent. Il cite ainsi l'exemple de la
Communauté Urbaine de Strasbourg qui exerce d'ores et déjà certaines compétences sociales
qui sont habituellement exercées par les Départements.

Mais, il ajoute que, sauf dans le cas du choix d'un véritable fédéralisme, la France doit
conserver une administration territoriale forte avec le maintien des départements.

Il fait ensuite le lien entre la réforme territoriale et le projet du Grand Paris qui est en
réflexion depuis 2001 par la création de la conférence métropolitaine avec les maires, alors
que la capitale tente de combler un retard sur les autres communautés urbaines françaises
estimé à 35 ans environ. P. Laurent exprime un regret néanmoins, la faiblesse de l'implication
du Maire de Paris, alors qu'il est le seul qui peut devenir leader territorial.

Débat avec la salle

Alain Bartoli, DGS du Conseil Général du Vaucluse et Président de l'association des DGS des
Conseils Généraux et des Conseils Régionaux apporte quelques éléments complémentaires :
 la réforme peut poser la question du mode de scrutin des élus régionaux et des élus
départementaux, mais il précise que l'implantation locale des élus départementaux
n'est pas la même que celle des élus régionaux
 l'objectif de la réforme est, rappelle-t-il, « l'amélioration globale du fonctionnement
du dispositif de l'administration territoriale » selon le discours du Président de la
République en date du 5 mars 2009
 l'efficacité ne réside pas, pour lui, dans le niveau de collectivité exerçant la
compétence, mais dans les possibilités de coopération et de mise en réseau des
collectivités sur un territoire.

Joël Neyen, DGS du Conseil Régional de Midi-Pyrénées ajoute que :


 les financements croisés représentent 6 % du budget du Conseil Régional de Midi-
Pyrénées avec les collectivités, mais 25 % avec l'État
 dans le cadre d'une fusion entre départements et régions, une mutualisation entre la
direction économique de la région et la direction solidarités du département peut
poser question, car il n'agit ni des mêmes métiers ni des mêmes objectifs
 le souhait de réduire le nombre d'élus locaux pour faire des économies est un leurre,

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 27


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
les indemnités pour les élus régionaux représentant 3,5 % des budgets régionaux et
3,3 % pour les conseils généraux
 l'argument de la taille des régions n'est qu'un prétexte, ainsi, le pays basque, qui
compte 7 pôles de compétitivité, est très dynamique. Le problème n'est pas celui de la
taille, mais des compétences et des recettes
 le pouvoir demain sera les métropoles et les régions. Dans cette perspective, quelle
démocratie demain ?

Jean-Luc Bertoglio, DGS de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole précise


que, selon lui, il existe vraiment un problème de territoire. Mais, il aurait fallu revoir la
commission départementale de coopération intercommunale afin de faire travailler les élus
sur les composantes territoriales et leur redonner la responsabilité, et non la transférer au
Préfet qui devrait reste dans un rôle d'arbitre en dernier recours.

2 ) L'évolution des pratiques managériales

Comment fonder les politiques publiques dans un cadre territorial en mouvement ?

Pour Max Roustan, l'essentiel réside dans deux principes :


 définir clairement les cibles des politiques publiques
 éviter l'éparpillement favorisé par l'organisation pyramidale pour favoriser une
organisation par pôle de politiques publiques autonomes

Claude Raynal évoque plusieurs hypothèses :


 pour les communes et collectivités qui ont une gestion serrée depuis plusieurs années,
la question aujourd'hui est celle de la suppression de certains services et de la
limitation de l'action publique sur leurs territoires
 les collectivités plus riches doivent également reposer l'utilité et le coût de certaines
politiques
 d'autres collectivités vont avoir à faire face à un accroissement de population et
auront ainsi besoin de services supplémentaires : le système envisagé n'encourage plus
les territoires dynamiques à développer ces services, ne pouvant plus faire face à tous
les besoins nouveaux.

Philippe Laurent ajoute que la capacité des collectivités territoriales à mener des politiques
nouvelles est maintenant considérablement réduite, notamment pour une question de
ressources. Leur capacité financière s'érode depuis 2005, avec une augmentation progressive
de l'endettement. Les collectivités vont ainsi peut-être être amenées à ralentir également
leurs investissements en infrastructures.

Il s'interroge ainsi sur le manque d'association des collectivités à la RGPP, alors que peu de
politiques sont menées sans le concours des collectivités.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 28


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Quelles attentes des élus face à leurs cadres territoriaux dans ce contexte ?

Max Roustan demande du cadre dirigeant territorial des compétences techniques permettant
de juger de la pertinence et de l'efficacité d'un mode de gestion d'un service public.

Claude Raynal prend l'exemple de la transformation récente et rapide (dans un délai de 6


mois) de la Communauté d'Agglomération de Toulouse en Communauté Urbaine, qui a nécessité
notamment un gros travail de mutualisation. Il attend ainsi de ses directeurs généraux :
 de la réactivité
 des propositions de réorganisation face à de nouveaux enjeux, tout en prenant en
compte la difficile dimension humaine.

Enfin, Alain Bensakoun, DGS de la Ville d'Alès, ajoute que le cadre supérieur territorial doit
accompagner les élus dans une co-construction des politiques publiques.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 29


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ATELIER 1 : LES STRATEGIES DE REFORME

Animé par :
- Association des Directeurs Généraux des Communautés de France et Association des
Dirigeants Territoriaux et Anciens de l’INET

Avec les interventions de :


- Jean-René MOREAU, Directeur Général des Services SAN Ouest Provence, Responsable
du Master 2 Management Public et Gestion des collectivités, Paris XII
- Frédéric PIN, Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération Porte
de l’Isère (CAPI)
- Bruno PAULMIER, Directeur Général des Services de la Ville de Niort

Assistés de :
- Delphine LERAY, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire
- Jean-François BUCCO, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire

Problématique de l’atelier

La réforme peut s’articuler autour de deux stratégies dominantes :


 Celle de la fusion ou du regroupement des niveaux actuels dans des combinaisons
variables (Région et département, EPCI et communes…)
 Celle du chef de file et de la subsidiarité qui avait été avancée dans l’Acte 2 de la
décentralisation. L’atelier s’interrogera sur chaque stratégie et proposera aussi une
combinaison de ces stratégies et de leurs incidences sur les dynamiques de
gouvernance territoriale.

Synthèse des travaux

Le débat de l’atelier n°1 aura essentiellement porté sur les stratégies à mettre en œuvre par
les collectivités territoriales et les manageurs territoriaux face à l'avant-projet de loi relatif
à la réforme des collectivités locales.

Les différentes alternatives possibles ont été abordées tant sous l'angle institutionnel que
sous l'angle de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique.

Le débat s’est structuré en deux temps :


 Un premier temps relatif aux stratégies d’évolution ayant porté essentiellement sur
l’avenir de la clause générale de compétence et sur l’évolution du couple communes /
EPCI.
 Un second temps consacré à discuter l’impact de ces évolutions à anticiper sur les
dirigeants territoriaux, l’évolution de leur rôle et de leurs missions, les nouvelles

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 30


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
compétences qu’ils devront mobiliser.

Un grand nombre de constats et questionnements ont présidé aux échanges. Ils constituent
autant d’éléments à prendre en considération dans le cadre d’une réforme de la gouvernance
des collectivités territoriales que de défis à relever pour les élus et les dirigeants
territoriaux.

Ont ainsi été évoqués :


- l’enchevêtrement des compétences qui rend peu lisible l’action publique locale et
interroge sur les priorités politiques ;
- la superposition des territoires et la juxtaposition des périmètres ;
- la complexité des projets menés, qui appellent du cofinancement, de la coordination et
sont ainsi chronophage voire plus coûteux ;
- l’usager / citoyen insuffisamment pris en considération tant en terme de
démocratique, par l’éloignement de la décision, qu’en tant que destinataire des
politiques publiques ;
- la raréfaction de la ressource, à la fois liée au contexte conjoncturel de crise
économique et à des choix politiques entrainant une nouvelle répartition de la richesse
au détriment du service public ;
- l’accentuation des déséquilibres territoriaux, entre les territoires (urbain / rural…)
mais également au sein d’un même territoire ;
- les changements de paradigme et d'échelle de l’action publique locale, qui doit
s’adapter à la prise en compte du développement durable et à une concurrence accrue
entre les territoires pour capter la dynamique économique et parfois survivre.

1 ) Quelle répartition des compétences ?

La question de la répartition des compétences a été abordée de front par la Commission


Balladur et posée comme donnée incontournable par le Président de la République.

La question centrale qu’ont débattue les participants à l’atelier est celle de l’articulation des
différents niveaux d’administrations locales. Deux visions ont émergé.

Pour un premier ensemble, la compétence générale entraine les collectivités sur des champs
d’intervention publique qui ne sont pas au cœur de leur action, souvent au détriment de leurs
compétences obligatoires, notamment en matière d’arbitrages budgétaires et d’affectation
des ressources.

Pour un second groupe, la clause générale de compétence est un outil précieux qui permet
d’agir à l’échelon le plus adapté, quelle que soit la politique mise en œuvre.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 31


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Les deux positions convergent en un point essentiel : elles évoquent toutes deux l’importance
du chef de file. Le concept de chef de file est resté insuffisamment explicité et usité en
matière de gouvernance territoriale. Il semble pourtant aux participants à l’atelier que le
« chef de filat » serait, dans le cadre d'un conventionnement, sur un territoire défini, la
réponse aujourd’hui la plus adaptée pour mener à bien des projets et des politiques publiques
efficaces, sinon efficientes.

Face à cette question de la répartition des compétences, le dirigeant territorial a une double
responsabilité.

Il doit faire preuve de force de conviction (et d’altruisme !) en direction des élus pour les
inciter à choisir le niveau d’administration et le territoire pertinents pour la mise en œuvre
d’une politique publique donnée.

Par ailleurs, dans une configuration politique et administrative en mouvement et un contexte


financier contraint, le dirigeant territorial doit être adaptable. Cette adaptabilité impose
rigueur et auto-formation. Elle devrait notamment être facilitée par des échanges entre
cadres.

2 ) Quelle gestion publique locale ?

Face aux nouveaux défis actuels, il semble aujourd'hui nécessaire que chaque collectivité
recentre son action publique sur son cœur de métier, même si cette dernière notion est
parfois difficile à définir : s'agit-il ainsi des seules compétences obligatoires ou des domaines
dans lesquels il s'avère pertinent que la collectivité intervienne.

Par ailleurs, même si une clarification et une priorisation du projet politique est effectuée, il
paraît difficile qu'une collectivité construise seule des projets : des cofinancements sont
ainsi demandés aux partenaires dans le cadre de synergies à construire ensemble.

Il ne semble ainsi pas pertinent de supprimer la clause générale de compétence,


particulièrement de la Région et du Département, mais plutôt d'amener chaque collectivité à
se positionner sur certains domaines d'action pertinents, où elle pourrait être chef de file
des projets.

Enfin, et non des moindres dans un contexte de raréfaction des ressources, de partenariats
et de cofinancements, il devient nécessaire d'utiliser des outils d'évaluation et de post-
évaluation, permettant de déterminer l'efficience et l'efficacité des projets et des actions
au regard des multiples attentes des habitants, qu'ils soient citoyens, usagers ou
contribuables.

Dans cette perspective, en terme de management, la cadre dirigeant territorial doit utiliser
de façon plus systématique encore qu'auparavant, les concepts et les méthodes du

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 32


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
management stratégique, du management par objectif et du management par projet, ce qui
doit lui permettre de mobiliser ses équipes sur les priorités politiques déterminées et de les
motiver sur des objectifs clairement définies tant en terme qualitatif qu'en terme
quantitatif.

Néanmoins, il apparaît également que le management d'équipe s'avère de plus en plus difficile
dans un contexte de raréfaction des ressources et de recherche constante d'optimisation
des moyens. Même s'il semble possible de mobiliser les services au service d'une démarche
d'économies, cela semble plus difficile sur une longue période ou de façon répétée.

Enfin, le cadre dirigeant doit également montrer son sens de l'adaptation et sa créativité afin
d'aboutir à une coopération accrue dans le cadre de projets de territoire partagés.

3 ) Quel équilibre entre territoires ?

Le choix premier d'une collectivité aujourd'hui se situe entre la recherche d'une plus grande
compétitivité de son territoire y compris au niveau européen et international et la solidarité
au sein d'un territoire pertinent, la priorité étant la recherche de l'intérêt général au service
des habitants.

Dans cette perspective, et au-delà des questions de clause générale de compétence, il semble
nécessaire de différencier l'organisation territoriale en fonction des enjeux et des
particularités locaux, en permettant notamment le regroupement ou la fusion de collectivités
qui le souhaitent entre elles, mais sur des périmètres qui peuvent varier d'un territoire à
l'autre.

C'est ainsi que deux réponses possibles à l'échec de la péréquation et de la solidarité


territoriales se dessinent :
- la fusion et le regroupement de collectivités permettant d'aboutir à un territoire
suffisamment grand pour financer des services et des projets bénéficiant à l'ensemble
des habitants
- la conclusion d'un partenariat négocié autour d'un partage équilibré des moyens entre
plusieurs collectivités sur un territoire de vie.

Dans ce cadre d'action complexe, les dirigeants territoriaux doivent développer leurs
compétences pédagogiques afin de faciliter l'acceptation de ces changements tant aux élus
qu'aux agents de leurs collectivités.

Par ailleurs, il serait également intéressant de créer des lieux d'échanges dédiés afin que ces
derniers puissent partager les compétences, les méthodes et les constats de ces
changements entre eux.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 33


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Conclusion

Ainsi, au-delà des préconisations du projet de loi tel qu'il est rédigé et connu à ce jour, trois
idées forces se dégagent des discussions de l'atelier, qui apparaissent comme les solutions les
mieux adaptées à la situation actuelle des collectivités dans une perspective de simplification
et de cohérence :
- le chef de filat
- la synergie entre collectivités
- la co-production.

Le contexte territorial connaît des évolutions constantes, qui devraient encore s'accélérer
dans un avenir proche par la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales. Les
élus locaux, et, parallèlement, les managers territoriaux, doivent faire face ensemble à cet
environnement mouvant.

Néanmoins, il faut appréhender le fait que les compétences nécessaires à cette adaptation,
notamment pédagogiques et stratégiques, existent d'ores et déjà dans la culture commune
des cadres dirigeants territoriaux, notamment du fait des multiples réformes qu'ont déjà
connu les collectivités territoriales depuis leur naissance et de la recherche constante
d'économies dans un contexte financier contraint.

Les cadres territoriaux doivent seulement exploiter leurs compétences de façon partagée
tant avec les élus qu'avec leurs équipes.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ATELIER 2 : QUEL LIEN ENTRE LES STRATÉGIES NATIONALES ET LES
STRATÉGIES LOCALES ?

Animé par :

- Sandrine DEMOULIN, Chargée de mission SGAR Languedoc Roussillon


- Didier BACQUEVILLE, Directeur Général des Services, Conseil Général du Gard

Avec les interventions de :

- Raymond WOESSNER, Maitre de conférences à l'Université de Strasbourg


- Philippe MAHE, Administrateur territorial, D.G.S. de la ville et de la Communauté Urbaine
de Toulouse
- Yannick CABARET, Élève administrateur Inet Promotion Galilée

Assistés de :

- Sophie SIMON, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire


- Sylvie MAKARENKO, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire

Problématique de l’atelier

Traditionnellement centralisé et dirigiste, notre pays s'est longtemps caractérisé par un


fort interventionnisme de l'Etat, y compris au niveau local. Dans la période contemporaine,
cela s'est traduit par une planification nationale, des politiques industrielles et un
«aménagisme » descendant.
Confronté à la mondialisation, à la montée des pouvoirs locaux en Europe et à d'autres
formes - notamment anglo-saxonnes - de l'action publique, ce modèle a d'abord vacillé avant
que l'Etat réinvente, sous couvert de coopération contractuelle, d'autres manières de peser
sur les politiques locales. Plus insidieusement, on assiste aujourd'hui au développement de ce
que certains appellent la « déconcentralisation », processus consistant à s'appuyer sur les
collectivités locales pour mettre en oeuvre des politiques entièrement maîtrisés par l'Etat,
tout en laissant à celles-ci la responsabilité politique et financière.

Conçue comme une réponse à la ça crise des finances publiques, la révision générale des
politiques publiques (R.G.P.P.), qui se traduit, au plan local, par un regroupement des services
déconcentrés et le renforcement de l'échelon régional, devrait, logiquement, s'accompagner
d'un nouveau pas en avant de la décentralisation ; l'Etat se concentrant sur ses fonctions
prioritaires et laissant aux collectivités, dans une logique de subsidiarité, la pleine
responsabilité des compétences de proximité.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 35


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Or, cette clarification était clairement exclue du champ de réflexion de la commission
Balladur.

Dans le même temps, la réforme de fiscalité locale engagée avec la suppression de la taxe
professionnelle s'oriente vers une nouvelle diminution de l'autonomie fiscale des collectivités
locales. L'objectif clairement affiché de l'une et de l'autre de ces démarches est, d'ailleurs,
d'obliger les collectivités à maîtriser leurs dépenses.

Au lieu d'un « acte III » de la décentralisation, n'est-ce donc pas le retour d'un Etat
« tutélaire» ? Telle sera la problématique majeure de l'atelier.

Principaux axes de questionnement :


- Le jacobinisme a-t-il cédé le pas à la relation contractuelle ?
- Comment se situe la France en Europe s'agissant des relations entre le « centre » et la «
périphérie » ?
- Assiste-t-on, depuis les lois « Defferre », à un mouvement continu de décentralisation ?
- Comment l'Etat est-il en train de se repositionner dans le cadre de la R.G.P.P. ?
- Peut-il y avoir une autonomie locale sans autonomie fiscale ?

Intervention de M. Raymond Woessner,


de l’université de Strasbourg
M. Woessner analyse le lien entre les stratégies nationales et les stratégies locales sous
l’angle de l’aménagement du territoire.
Pour ce faire, il rappelle les dates qui ont fait l’histoire d’un Etat aménageur : inauguration du
Canal du Midi en 1681, création du corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées en 1716, école
centrale en 1794 (polytechnique en 1795), Compagnie Nationale du Rhône en 1920, etc.
Il analyse la transformation du positionnement de l’Etat après la 1945. Cet âge d’or d’une
« technocratie éclairée » se concrétise avec la création de la DATAR, des parcs régionaux ou
encore du conservatoire du littoral.
Le rôle de l’Etat subit par la suite les contrecoups de l’Europe, du développement durable, du
libéralisme économique ou encore de la haute technologie.
Dès les années 1970, l’Union Européenne prend l’ascendant sur différents fronts. La naissance
du FERDER en 1975, la direction Oiseaux en 1979, les processus de Lisbonne et de Göteborg
en 2000-2001 ou encore la célébration de Lille capitale européenne de la culture en 2004 sont
autant d’illustrations de l’immixtion d’une stratégie européenne au niveau local, au détriment
d’une stratégie exclusivement nationale.
La prise en compte des enjeux internationaux de développement durable se greffe aussi sur

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 36


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
les rapports entre stratégie nationale et stratégie locale (rapport Brundtland en 1987 ;
conférence de Rio en 1992 ; protocole de Kyoto en 1997). Actuellement, la stratégie nationale
doit intégrer et répercuter ces nouvelles priorités, en témoigne le Grenelle de
l’environnement.
La mondialisation semble contraindre les acteurs locaux à s’insérer dans ce processus
économique, financier, industriel. En réalité, trois types de comportent émergent : suivisme,
innovation, ou repli. Le premier se caractérise par une volonté de se fondre dans le
mouvement, via des pratiques d’étalonnage et de parangonnage, ou encore par l’adoption des
meilleures pratiquées appliquées ailleurs. Le second correspond à une volonté de se démarquer
en développant des avantages locaux (avantage concurrentiel), d’où la création d’un territoire-
archétype. Enfin, le troisième consiste à ne pas s’insérer dans le processus, avec un
« territoire hostile » à la démarche en vogue.
Concernant la haute technologie, l’implantation de ITER sur le site de Cadarache est bien le
résultat de négociations locales et nationales certes, mais en premier lieu internationales.
Depuis le début des années 2000, un Etat co-contractant a cédé la place à un Etat de nouveau
plus interventionniste. Désormais, l’Etat lance des appels à projets afin de n’en sélectionner
qu’un certain nombre selon les critères qu’il institue. Au milieu du gué, la stratégie locale
consiste à fédérer les acteurs du territoire sur un type de projets, et non pas à réfléchir sur
tout type de projet ou sur les critères de sélection. Que ce soit sur les pôles de
compétitivité, les contrats métropolitains, les pôles d’excellence rurale, les collectivités n’ont
pas eu l’initiative sur les projets.
Le plan Campus pose même la question du « démaillage du territoire » : n’assiste-t-on pas à la
concentration ou la mise en valeur de certains territoires au détriment des autres ? Cette
question se pose également pour les pôles de compétitivité et leur pérennité, au regard d’un
éventuel souffle de concentration des moyens sur une partie d’entre eux, au nom du la
lisibilité de l’action publique et de la fin du « saupoudrage » des moyens.
Face à ces changements, la force du territoire apparaît de plus en plus dans sa capacité à se
mettre en projet et à créer des réseaux. Sa faculté propre à répondre à des phénomènes et
intervenants (mondialisation, construction européenne, l’Etat) va lui permettre de créer une
communauté de travail. A l’inverse, cet échec se traduit par une dispersion des acteurs, au
pire un vide relatif.

En cours des échanges qui ont suivi l’intervention, les faiblesses des acteurs locaux et
nationaux ont été décrites. La région, elle, s’est vue interrogée sur sa capacité à suivre les
projets de contractualisation. L’Etat, pour sa part, s’est à la fois vu reprochées son incapacité
à suivre la dynamique des projets et sa volonté de centralisation des projets, via la DIACT.
Le positionnement de l’ingénierie publique, de l’Etat et des collectivités territoriales, a
suscité de nombreux échanges. Le démantèlement des structures d’ingénierie publique de
l’Etat pose la question de la sélection des projets, plus précisément sa pertinence et sa
validité. Comment l’Etat peut-il juger de la qualité d’un projet s’il n’a plus de compétence

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technique ou opérationnelle ? De leur côté, les collectivités territoriales n’ont pas peut-être
pas assez investi dans ce secteur. Si des plates-formes techniques intercommunales ont vu le
jour, si les grandes collectivités ont aussi pris les dispositions nécessaires, la question reste
entière pour les territoires ruraux et les petites communes.
De façon plus générale, c’est bien la question du positionnement de l’Etat qui est posée car on
lui reproche tantôt sa prise de recul, tantôt sa volonté de centralisation. En outre, faut-il
critiquer son retrait alors que les collectivités territoriales souhaitaient approfondir la
décentralisation ?
Enfin, la notion de territoire reste sans doute à développer. Si les territoires qui réussissent
dans la mondialisation sont ceux qui ont réussi à cultiver leur différence tout en étant
intégrés dans la mondialisation, certains s’interrogent sur l’absence de prise en compte du
territoire dans les projets de réforme institutionnelle en cours. La culture institutionnelle
française nationale mais aussi locale doit sans doute encore être travaillée.

Intervention de M. Yannick Cabaret, élève administrateur territorial – promotion Galilée


M. Cabaret propose une analyse des convergences et divergences entre la révision générale
des politiques publiques (RGPP) et la réforme des collectivités territoriales.
Elles sont toutes deux issues du rapport Pébereau de 2005, sous forme de préconisations dans
une perspective budgétaire et de qualité de service rendu.
Énoncés en 2007, les objectifs de la RGPP sont les suivants : simplification du droit et des
procédures, développement de l'administration électronique, qualité des procédures de
gestion et des systèmes d'information, organisation de l'Etat à l'échelon local,
professionnalisation de la gestion des ressources humaines.
L'objectif de la RGPP est de «faire que demain, chaque euro public soit effectivement
dépensé au service des Français, sans gaspillage, pour que soit rendu à nos concitoyens un
service public plus efficace » (discours sur la Modernisation des politiques publiques du 12
décembre 2007).
La réforme des collectivités est également proposée par le rapport Pébereau (2 ème
préconisation: « Mieux associer à l’objectif de maîtrise des finances publiques les
collectivités territoriales »). Cependant, le rapport propose de responsabiliser les
collectivités en mettant en pratique l'autonomie financière et d'inciter financièrement à la
réduction du nombre de collectivités. A ce jour, on est passé d'un diagnostic classique
(relation financière complexe avec l'Etat, nombre élevé de collectivités, croissance des
dépenses et des effectifs) à un postulat essentiellement politique qui décrit :
- des politiques menées par les collectivités coûteuses et inefficaces en raison du nombre
d'échelons et de la superposition des compétences,
- la nécessité d’un encadrement de la gestion des collectivités et de la baisse les effectifs.
Si la RGPP et la réforme des collectivités territoriales s’appuient sur un même rapport, si elles
sont menées de façon parallèle, elles ne sont pas pour autant coordonnées. De nombreux points
d’achoppement sont relevés :
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- dans certains domaines, l'action des services de l'Etat se superpose à celle des
collectivités ;
- les collectivités n'ont pas été associées à la réorganisation des services de l 'Etat ;
- les champs de compétences décentralisés restent imparfaitement définis ;
- les dirigeants des collectivités (associations d'élus et fonctionnaires) ne sont associés
qu'à la marge à la réforme des collectivités ;
- la réforme des collectivités n'est pas accompagnée par la réforme fiscale et financière
d'envergure souhaitée par les collectivités et proposée dans tous les rapports depuis
2000.
Au regard de ces lacunes, il conviendrait de penser ces réformes en commun :
1. Systématiser la présence des collectivités (élus et fonctionnaires) dans les comités de
réflexion sur les réformes nationales et dans les lieux de réflexion gouvernementaux,
parlementaires et de la société civile (clubs de réflexion, ...)
2. Rassembler régulièrement les exécutifs aux niveaux national, régional et départemental
(rapport Belot) pour leur permettre de mieux peser dans l'action publique et de coordonner
leurs actions ;
3. Tenir compte des spécificités locales dans la déclinaison des réformes nationales et
objectiver les changements d'organisation ;
4. Miser sur l'incitation et l'expérimentation plus que sur la décision unilatérale et la
contrainte.
La mutualisation des services se veut gage de maîtrise, voire de réduction des coûts. Certes,
l'agrandissement du territoire de compétence peut favoriser les effets d'expérience et
d'échelle, entraîner une baisse des coûts d'achat par un effet de « pouvoir de négociation
accru ». Néanmoins, de telles expériences sont difficilement généralisables car des
« déséconomies d’échelle » sont aussi possibles et les situations locales ne sont pas toutes
identiques. En outre, le coût n’est pas l’unique étalon : l’efficience peut aussi entre en compte.
L’approfondissement de la décentralisation peut pour sa part être ouverte sur trois
chantiers :
- responsabiliser les collectivités territoriales tant sur le volet budgétaire et financier que
sur le volet juridique ;
- circonscrire les domaines d’intervention de l’Etat par rapport à ceux des collectivités ;
- poursuivre la décentralisation (gestion des fonds européens, transferts de compétences,
etc.).

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Intervention de M. Philippe Mahé, DGS de la ville de Toulouse
Philippe Mahé place son intervention sous l’angle d’une analyse de la position de l’Etat et des
répercussions sur les collectivités locales.
Les conclusions du changement du rôle de l’Etat doivent être tirées : l’Etat stratège et
aménageur n’existe plus. Son travail autour de la dimension prospective du territoire n’est
plus accompli. Les dernières négociations dans le cadre des contrats de projets Etat-Région
(CPER) ont été faites sur le plan budgétaire et financier mais sans stratégie sur les projets.
De plus, ce volet financier a été repris en main par Bercy.
Pour autant, est-ce un mal ? Les collectivités territoriales ont demandé la décentralisation et
peuvent difficilement se plaindre d’un retrait de l’Etat. Elles agissent pour l’aménagement de
leur propre territoire.
Par ailleurs, il serait erroné de croire en la disparition totale de l’Etat. Il est encore présent,
par l’intermédiaire par exemple de Délégation interministérielle à l’aménagement et à la
compétitivité des territoires (la DIACT, ex-DATAR).
L’appel à projet a permis à l’Etat de faire de la communication, de l’affichage. Ainsi, les
contrats métropolitains ont été très peu suivis et ont eu peu d’effet à long terme. Cependant,
ils ont permis aux territoires de créer des conditions de dialogue entre des acteurs qui
historiquement s’ignorer. Cette technique des appels à projets a fonctionné car les acteurs
veulent ne pas être mis à l’écart. L’enjeu est pluriel : financier, politique et électoral. Par la
suite, l’Etat a reconduit l’appel à projets avec l’ANRU, les pôles d’excellence rurale, les pôles
de compétitivité.
L’Etat est donc toujours présent, en témoignent l’exercice du contrôle de légalité et le retour
de la norme. Autre levier d’action de l’Etat, la régulation par la ressource. L’autonomie fiscale
va quasiment disparaître avec la chute des recettes fiscales (ex : droits de mutation) et
l’insuffisance des transferts financiers.
Du côté des collectivités territoriales, les projets de territoires sont nombreux mais peut-
être faut-il améliorer la répartition des compétences entre les différents niveaux. La
lisibilité de l’action publique locale reste encore un enjeu d’actualité. On souffre de l’absence
de mise en cohérence de ces politiques locales, même si des diagnostics et évaluations ont été
réalisés par endroits. La grande faiblesse des stratégies locales réside dans la volonté
perpétuelle d’équilibrer le territoire. Aujourd’hui, il manque un lieu de concertation sur les
problèmes tels ceux liés à l’urbanisme ou l’habitat.
Quant à la RGPP, il est aussi possible de la concevoir comme une question d’organisation
interne à l’Etat : les collectivités n’ont donc pas à y être associées. D’ailleurs, un projet de
nouvelle organisation interne d’une collectivité n’a pas à recevoir l’assentiment de l’Etat.
Les réformes nécessitent un temps pour la concertation et le dialogue entre l’Etat et les
collectivités. Actuellement, un sentiment de défiance est bien prégnant. De grands problèmes
d’ordre méthodologique sont à déplorer : manque d’expertise conjointe, absence d’analyses,

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annonces de réforme de la taxe professionnelle en plein été, un plan préfectoral de
redéveloppement et de modernisation des infrastructures incluant une part de financement
des collectivités mais lancé sans concertation préalable, des suivis du plan de relance par voie
de presse, etc.
Les différents échanges ont souligné la nécessité d’une réelle concertation entre les
différents niveaux au niveau local. Le contexte financier et institutionnel va sans doute
forcer les structures et les équipes à coopérer.
Les perspectives financières défavorables vont sans doute œuvrer pour la montée en
puissance du contrôle de gestion vers « son âge d’or ». La raréfaction de la ressource va
entraîner la sélection des projets et leur choix.

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ATELIER 3 : LA REORGANISATION TERRITORIALE DE LA REPUBLIQUE :
STRATEGIES DE CHANGEMENTS, PERSPECTIVES MANAGERIALES, NOUVELLES
GOUVERNANCES

Animé par :

- Alain BARTOLI, Président de l’Association Nationale des Directeurs Généraux et


Directeurs Généraux Adjoints des Régions et Départements ; Directeur Général des
Services du Conseil Général de Vaucluse
- Jean-Luc BERTOGLIO, Directeur Général des Services de la Communauté Urbaine de
Marseille Provence

Assistés de :

- Stéphanie QUERE, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire


- Pierrick RAUDE, Elève administrateur Inet Promotion Aimé Césaire

Problématique de l’atelier

Les projets de recomposition du paysage administratif, conjugués à l’accroissement des


contraintes financières, mettent en perspective une nouvelle logique de l’action publique
alliant flexibilité et performance des organisations. Des modifications de la gouvernance
interne semblent alors nécessaires, accompagnées notamment d’une définition d’objectifs de
performance individuelle et collective.
Cette nouvelle « culture » était interrogée au sein de cet atelier. De nombreuses expériences
ont été évoquées, montrant, qu’au-delà de la nécessité du changement et du principe
d’« adaptabilité » du service public non pas subi mais revendiqué par les acteurs, la diversité
des situations et des réponses possibles oppose, dans ce domaine là également, la perspective
d’un modèle unique imposé du haut (une « norme nationale de l’efficacité ») à un pragmatisme
local capable de faire sur « sur-mesure ».

La première question qui se pose est celle du lien entre mode d’organisation et efficacité.
Existe-t-il réellement ? Alain Bartoli, en ouverture de cette discussion, mettait en garde ceux
qui ne verraient que cet aspect là de la question : « certains pensent qu’ils vont trouver la
pierre philosophale à travers une bonne organisation » ; or il faut être conscient qu’il existe
des phénomènes de mode, en matière d’organisation, dans le public comme dans le privé, et
que d’autres variables conditionnent la recherche et l’atteinte d’une plus grande efficacité,

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dont certainement le management.
L’efficacité est communément admise comme une nécessité dans un contexte de raréfaction
des ressources. La remise en cause régulière de l’utilité même des acteurs du service public
(élus comme fonctionnaires) est un signal d’alarme et doit amener à se (re)poser, au-delà de la
question de l’efficacité, celle des choix et des priorités, « revenir à l’intérêt général ».
Patrick Rémy, DGS de Cornebarrieu, a ainsi interpelé la démarche d’évaluation : « si on ne
démontre pas qu’on gaspille ; est-ce pour autant qu’il ne faut pas renoncer à certaines
actions ? ». Le politique doit prendre ses responsabilités, annoncer ses priorités et ses
objectifs. Alain Bensakoun, DGS d’Alès, précise que la relation élu-fonctionnaire c’est
précisément, et avant tout, se mettre d’accord sur la définition de l’efficacité (au-delà de la
première efficacité pour l’élu, qui est d’être réélu) ; dès que ce préalable existe, le cadre
territorial peut agir (et éventuellement choisir de partir si ça ne lui convient pas).

Aujourd’hui, la réforme envisagée entend encadrer strictement l’organisation des collectivités


sur la base du postulat d’une efficacité globale. Si la norme permet de comparer les
structures entre elles (parallèle a été fait avec les hôpitaux), elle « emprisonne ». Or, la
diversité des modes d’organisation permet de s’adapter au mieux aux spécificités locales et
de répondre ainsi aux exigences d’efficacité exprimées par les élus. La perspective d’une
organisation rationnelle et uniforme peut donc être interrogée. Peut-elle garantir à elle seule
l’efficacité du service public? Est-elle réaliste quand on connait la nécessaire adaptation
permanente des organisations aux mutations (politiques, économiques et sociales) ? N’est-elle
pas avant tout une tentation de l’Etat de remettre en cause la liberté des collectivités locales
et de reprendre du pouvoir dans les matières qu’il a pourtant décentralisées ?

Synthèse de l’atelier

1 ) Les fondements et modalités de la gouvernance interne

 Le processus décisionnel et ses fondements

Il est parfois facile de réfléchir en termes d’organisation (quel organigramme, procédures,…)


sans s’interroger au préalable sur les valeurs partagées. Aujourd’hui par exemple Quelles
valeurs sous tend la réforme ? Ça vaut peut-être la peine de se poser la question pour
comprendre la stratégie des acteurs, avant de se focaliser sur l’une ou l’autre des
propositions.
Le partage de ces valeurs est le commencement d’une bonne gouvernance. De ces valeurs
découlent les priorités du projet politique et les modes d’organisation et de fonctionnement
de la collectivité.
Quelques exemples d’outils mis en place dans les collectivités permettent ainsi d’assoir une
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organisation sur des valeurs partagées : charte de management (Bordeaux et Marseille),
définition des valeurs du service public, des relations entre élus et administration, contrats
de mandat… La formalisation de la culture commune comme celle des circuits de prise de
décision, voire des modalités de l’évaluation ou du contrôle de gestion, est une base saine pour
un fonctionnement qui veut gagner en efficacité.
Les contrats de co-développement (à Toulouse) formalisent objectifs et ressources pour les
pôles territorialisés (qui n’ont pas, contrairement à d’autres endroits, été calqués sur le
découpage communal). Ce type de formalisation est la condition du suivi et de l’évaluation des
politiques publiques (moyens et résultats plus que d’impact). Il permet également une plus
grande responsabilisation des acteurs.
Enfin, la création d’une inspection générale à Marseille (certains Départements et certaines
Régions l’ont également fait) témoigne de la volonté de renforcer le contrôle interne des
actions, mais aussi des satellites dans un contexte de raréfaction des ressources.

 La question particulière de la territorialisation

Pour plusieurs collectivités, la proximité est facteur d’efficacité. Cet objectif politique
s’illustre par la création de pôles de proximité au sein des agglomérations, la déconcentration
des politiques ou des services pour les Départements (les exemples de l’Ille-et-Vilaine ou de
la Meurthe-et-Moselle ont notamment été cités).
On peut s’interroger sur la pertinence de la réforme des collectivités alors que les élus
expriment le souhait de davantage de proximité. Les projets de Métropoles (notamment celui
de la capitale) ont pu faire craindre à certains une perte de cette proximité nécessaire.
Comment la réforme va-t-elle impacter les organisations qui ont mis en place une
territorialisation, dont certaines sont très récentes ? Comment les organisations vont-elles
s’adapter à la réforme (les antennes territorialisées de la Région et du Département
pourraient fusionner ?) ?
L’invention d’un nouveau mode de gouvernance en interne pour les agglomérations pourrait
préfigurer des relations entre Région et Département en cas de fusion des deux institutions,
même si la Région ne sera pas une « interdépartementalité » et que les relations risquent
d’être encore plus complexes : il est toujours plus simple de créer un nouvel échelon que de
toucher à l’existant.
Par ailleurs, il a été souligné que sur un territoire « compliqué », la gouvernance partagée ne
pouvait se faire que sur des objectifs très limités : cela risque d’être la même chose dans les
nouvelles coopérations prévues par la réforme.

A travers les différents exemples étudiés, il apparaît que les modèles d’organisation sont
beaucoup plus un outil de l’efficacité qu’une condition capable à elle seule de créer de
l’efficacité. Autrement dit, une condition sans doute nécessaire mais pas suffisante.

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2 ) Le management au cœur de l’efficacité

Au-delà, et au cœur, des organisations, il y a les hommes, et les relations complexes qu’ils
tissent entre eux. C’est de la capacité à mettre ces acteurs en mouvement et en cohérence
dont dépend très souvent la réussite d’un projet. De bons acteurs peuvent réussir malgré un
mauvais système. L’inverse est bien plus rarement le cas.
S’interroger sur l’efficacité de l’action publique, sur la gouvernance et donc sur l’organisation
du pouvoir, amène à s’interroger sur le management. Dans le système complexe du monde
territorial, ce management concerne l’interne, mais également les « satellites », les
partenaires et les citoyens.

 Management interne

Le management interne dans une collectivité est complexe car il comprend en réalité plusieurs
sous-systèmes, avec des stratégies d’acteurs différentes. Les deux les plus évidents sont les
sous-systèmes politique et administratif, qui ont chacun leur propre gouvernance et doivent
en imaginer une entre eux.
Le sous-système politique compte des acteurs différents : chef de l’exécutif, adjoint, élu de
base, élu d’opposition… avec une originalité des collectivités dans ce domaine : il n’y a pas de
séparation entre l’exécutif et le délibératif.
Le sous-système administratif pose également la question du rôle de chacun : le directeur
général, les DGA, les directeurs, les cadres A, B, C… avec là aussi des jeux d’acteurs
complexes qui dépendent de la « culture maison » et de stratégies individuelles ou collectives.
La gouvernance des collectivités n’était déjà pas simple avec ces deux sous systèmes qui
interagissent à plusieurs niveaux (lien du DGS avec le chef de l’exécutif, mais également avec
les adjoints, relations directes entre les adjoints et les directeurs et chefs de service, rôle
du cabinet (du chef de l’exécutif ou de l’exécutif dans son ensemble, avec des chargés de
mission thématiques amenés à avoir des liens directs avec les directeurs…)). Ce lien entre
politique et administratif est dans chaque cas subtil et en renégociation régulière. Il se
complexifie encore avec l’entrée en scène d’un troisième acteur : le citoyen, qui là également
n’est pas « unique » et constitue un autre sous-système (le citoyen est lui-même « situé » :
parent d’élève, membre d’une association, habitant d’un quartier…).
Les modes d’organisation naissent de l’évolution des équilibres entre ces acteurs. Alain
Bensakoun a pu comparer au mythe de Sisyphe le mouvement perpétuel pour tenter de
trouver un équilibre, avec, selon lui, une seule certitude « les hommes sont assoiffés de
pouvoir et de puissance ».
Cet équilibre à construire tous les jours interpelle un projet de réforme qui entend imposer
un modèle unique.
Par ailleurs, l’organisation de ce management intervient dans un environnement lui-même
complexe. La collectivité ne fonctionne pas en vase clos.
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 Le management inter institutionnel

La question de la gestion des satellites :


Quand on parle de gouvernance, on parle d’organisation du pouvoir, de partage des
responsabilités, de contrôle des décisions prises… la question des satellites, et plus largement
des structures très largement subventionnées, a été longuement abordée. Quel doit être le
contrôle sur des organismes qui dépendent financièrement d’une collectivité ? Est-ce normal
qu’un satellite ait une trésorerie très excédentaire alors que la collectivité est en déficit ?
Quel regard sur leur politique RH ? Quelle évaluation de l’action ?
La conclusion des participants est que cette problématique doit relever de la gouvernance
interne. La création d’un satellite est au départ synonyme de souplesse et de gain d’efficacité.
Or, une fois créé, il est difficile de supprimer une structure, de faire en sorte qu’il n’existe
pas de doublons, et il s’avère qu’il est souvent plus facile de contrôler un prestataire qu’un
satellite.
Les collectivités doivent s’emparer de cette question et faire preuve de responsabilité. Les
contrats passés avec ces satellites doivent être clairs et les élus et les dirigeants
territoriaux doivent avoir des exigences vis-à-vis de ces structures similaires à celles
demandées à un service interne.

La gestion des relations partenariales :


Au-delà de l’interne qui n’est déjà pas simple, la coordination des acteurs sur un certain
nombre de projets et de politique est loin d’être évidente et cette difficulté peut aller
jusqu’à l’inefficacité complète. Martine Conin, Directrice du Service PA/PH du Conseil général
du Val de Marne, a ainsi pu décrire le « maquis » institutionnel dans lequel il fallait évoluer
pour tenter de monter un projet d’insertion/formation (en l’occurrence le développement de
services aux personnes âgées) dans lequel devaient être associés Pôle emploi, l’Etat, la Région,
le Département, sans compter les opérateurs privés. Dans ce cas précis, mais qui correspond à
d’autres exemples évoqués (politique de la ville notamment), ont été soulignés, au-delà de la
bonne volonté de tous, les problèmes du pilotage, de l’accord sur les priorités et les objectifs,
de la capacité à prendre des décisions des participants aux réunions (quels mandats ont les
acteurs)… la gouvernance sur ce type de projet peine à s’améliorer.

La réforme peut-elle résoudre ce problème?


Face à cet exemple flagrant de l’inefficacité d’un dispositif où trop d’acteurs sont présents
sans que l’un d’entre eux soit pilote, se pose alors la question de la réforme : pourra-t-elle
régler ce type de situation. Selon les acteurs, rien n’est moins sûr. D’une part, même avec une
définition stricte des compétences et la fin de la clause générale, beaucoup de projet seront
toujours au carrefour de plusieurs politiques, en l’occurrence ici : l’emploi, l’économie,
l’insertion, l’action sociale… D’autre part, même si le nombre d’acteurs diminue, on risque de
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retrouver cette même difficulté en interne : coordination délicate, logiques d’acteurs
différentes, cultures professionnelles opposées… Comment créer et animer une communauté
d’intérêts ? La question reste posée.

Le cas de l’intercommunalité
L’intercommunalité est l’invention d’une nouvelle gouvernance locale, une nouvelle répartition
et une nouvelle organisation de la concertation et de la décision. S’organise alors de nouvelles
relations entre communes et EPCI : une relation entre élus communaux et élus de l’EPCI (avec
le changement de casquette permanent et parfois acrobatique de l’élu local (« je suis pour en
tant que conseiller communautaire mais contre en tant que maire ») et une relation entre
dirigeants territoriaux, pour tacher de travailler dans une logique de complémentarité et donc
d’efficacité.
Dans les expériences qui ont pu être évoquées, quelques facteurs clés de succès ont été
avancés dont la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle façon de travailler ensemble
basée sur un contrat large (valeurs, priorités et pas uniquement finances), l’invention d’une
nouvelle gouvernance, basée sur l’échange et la confiance; plutôt que sur la défiance entre
collectivités. La logique de subsidiarité et de pragmatisme étant privilégiée : « qu’est-ce que
je fais mieux à mon niveau, qu’est-ce qui serait mieux fait à un autre ? ».

Conclusion
Les échanges de ces universités d’été ont eu lieu dans un climat parfois pessimiste eu égard
au contexte politique et financier. Cependant, malgré les réserves émises sur la réforme, qui
semble ignorer la réalité et la diversité des modes d’organisation des collectivités, deux
points positifs peuvent être soulignés :
- Quand on rebat les cartes, on se pose à nouveau la question de qui fait quoi, comment
et pourquoi… et il est toujours utile de ce (re)poser la question pour ne pas être
cantonné à la gestion de dispositifs mis en œuvre dans un autre contexte et jamais
réinterrogés depuis ;

- En même temps qu’elle entend réorganiser le « millefeuille » dans une logique plus
« rationnelle », la réforme en préparation met en avant la négociation entre collectivités.
Peut-être est-ce là l’opportunité de placer la créativité au cœur de la gouvernance des
collectivités (interne et externe), rendant aux élus comme aux territoriaux de la liberté
pour inventer de nouvelles manières de mener l’action publique.
L’extraordinaire richesse en termes d’organisation de structures a été démontrée : il y a
presqu’autant de modèles de gouvernance que de collectivités. Patrick Rémy l’a souligné : « on
vit depuis 20 ans, deux réalités très différentes ; d’un côté, un Etat qui produit des textes,
voudrait organiser un cadre strict pour des collectivités « à son service », de l’autre des

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collectivités qui s’emparent de ces textes et inventent des choses, et vont finalement au-delà
de ce qui était voulu. Les textes sont rigides, mais heureusement les collectivités ont toujours
su s’emparer des réformes et expérimenter des choses originales. » Chiche !

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CONCLUSION DES 3 ATELIERS
Réalisée par Jean-François BUCCO, Delphine LERAY, Sylvie MAKARENKO, Pierrick
RAUDE, Stéphanie QUERE et Sophie SIMON
Elèves Administrateurs INET de la Promotion Aimé CESAIRE

En conclusion, trois problématiques transversales ont été abordées dans ces ateliers.
La première question concerne la logique d’émergence de l’innovation, qui peut être soit
ascendante, soit descendante. Dans une stratégie ascendante (bottom-up), l’initiative émerge
des citoyens ou des agents publics avant d’être reprise et défendue par la direction. A
contrario, dans une logique descendante (top-down), l’innovation est impulsée par les instances
dirigeantes ou la loi et en quelque sorte imposée aux acteurs opérationnels.
La deuxième interrogation porte sur les causes de l’innovation. Les organisations publiques
innovent-elles par choix ou par contrainte ? Face au contexte budgétaire plus tendu, aux
enjeux environnementaux, c’est bien la notion de contrainte qui semble l’emporter. Pourtant, il
serait réducteur de considérer que l’innovation n’émergerait que dans l’adversité. Bien au
contraire, de multiples initiatives montrent que l’innovation permet parfois d’anticiper les
évolutions futures, de manière précisément à éviter une situation contrainte.
Enfin, le caractère même du processus d’innovation questionne les acteurs locaux. L’innovation
apporte-t-elle une nouveauté fondamentale ou s’intègre-t-elle à un cycle d’évolution continue ?
En d’autres termes, l’innovation s’inscrit-elle dans la rupture ou dans une logique
incrémentale ?

Pour répondre à ces problématiques et favoriser l’innovation, trois leviers d’action communs
ont été identifiés. Que l’innovation nécessite un contexte favorable semble assez consensuel ;
l’enjeu est donc de cibler les éléments propices à l’innovation.
Premièrement, que ce soit au niveau des politiques publiques, des modes d’organisation et du
management, la créativité apparaît comme le moteur essentiel de l’innovation. Par conséquent,
il convient de favoriser cette créativité, alors même qu’elle peut remettre en cause les modes
traditionnels d’organisation dans les administrations publiques. En effet, la créativité
bouleverse hiérarchies, protocoles et habitudes.
C’est pourquoi la souplesse apparaît également comme un élément propice à l’innovation. Une
organisation souple donne non seulement aux acteurs la liberté de prendre des initiatives mais
permet également d’intégrer un « droit à l’échec ». Ainsi, historiquement, seules les
innovations réussies ont été considérées comme des innovations, alors que l’échec est en
général pénalisé et dévalorisé. Or, les innovations, même inabouties, peuvent constituer un
terreau fertile pour le changement des organisations.
Enfin, la coopération entre les acteurs est indispensable, en particulier dans le contexte
actuel d’interdépendance accrue et face à des enjeux de plus en plus complexes. Cette
coopération implique notamment de mettre en place des mécanismes formels comme informels
de diffusion et de partage des innovations, afin de mutualiser les expériences et d’en retirer
une plus forte valeur ajoutée.

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Les réflexions menées à travers les différents ateliers affichent de réels points de
convergence, encore faut-il que les acteurs publics attachent une importance suffisante à la
communication de leur dynamique innovatrice.

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SYNTHESE DES 7èmes UNIVERSITES D’ETE DU MANGEMENT TERRITORIAL

Retours sur la gouvernance métropolitaine : De la « métropolisation » subie à la


fabrication d’une métropole durable

David ALCAUD
Professeur de Sciences Politiques - Chercheur
Institut d’Etudes Politiques de Paris

Nombreuses sont les inquiétudes suscitées par le contexte territorial actuel : face à la
multiplication des rapports de « modernisation », des avant-projets de lois sur les
collectivités locales et le « grand Paris » ou encore les perspectives de refonte de la taxe
professionnelle, les questions politiques, institutionnelles et économiques sont de fait sur
l’agenda des décideurs publics. L’ensemble du système territorial est sans aucun doute
destiné à connaître une reconfiguration majeure, soulevant autant des questions
fonctionnelles que des interrogations plus stratégiques, qui font plus que jamais de la
« gouvernance » un mot-valise qui permet de désigner, même par défaut, le besoin de
réinventer un management à la mesure des enjeux renouvelés et des dynamiques de
négociations qui s’instaurent.
Pour autant, si l’on retrouve ici les controverses et les clivages alimentés continûment
par un processus de décentralisation posant paradoxalement la question d’une recentralisation
qui ne dit pas son nom, la focalisation croissante autour de l’institution nécessaire de
« métropoles » mérite sans doute une attention particulière. D’une manière générale, à l’instar
des questions de fond posées par le « Grand Paris », la métropolisation bouleverse les
conceptions mêmes du territoire, et partant, sont un défi à la fois cognitif, managérial et
politique pour tous les acteurs des territoires.

Plusieurs points méritent à cet égard d’être soulignés.

Tout d’abord, si la métropolisation est un phénomène économique majeur, la métropole


est, d’abord, un enjeu culturel et politique. Elle oblige à une mise en question fondamentale de
nos représentations coutumières de la ville, de « notre civilisation urbaine », de nos capacités
à nous intégrer dans un espace où la territorialité ne va plus de soi. La métropole correspond
dans ce contexte à un projet, volontariste, construit, porté, et le cas échéant mis en œuvre
dans un cadre évidemment partenarial tant sont nombreuses les parties-prenantes, de fait
sinon de droit.

Ensuite, la métropole pose aussi de manière inédite, en France notamment, la


« question sociale » dans une « République des proximités » où la citoyenneté idéale-type
postulée n’est plus qu’une abstraction théorique tombée en désuétude avec son
corollaire l’intégration républicaine. Les cadres habituels de la pensée et de l’action publiques
en matière de compréhension et de régulation des sociétés humaines doivent en être
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renouvelés. En suivant Michel Lussault (2009), nous sommes passés de la « lutte des classes »
à la « lutte des places » et « l’épreuve spatiale » est devenue le cœur de toute réflexion sur
l’organisation sociale et la gouvernance des sociétés, le préalable indispensable à toute
élaboration d’une conception commune de l’espace habité. Dans les faits, à l’échelle de la
planète, la question de l’impact de la métropolisation sur les sociétés met en débat le spectre
de la « bidonvilisation » généralisée (Damon, 2009) et l’évolution fondamentale de la
« condition urbaine » (Mongin, 2007), dès lors que l’espace métropolitain accentue la
disparition de l’« urbs », i.e. de l’urbanité, conduisant à faire son deuil de la ville (Choay,
2006), et d’une certaine capacité à « faire société » (Donzelot, 2003, 2006).

La métropole représente ainsi un défi pour tous les acteurs sociaux : pour les gens qui
y vivent ou qui en dépendent et qui sont contraints de modifier leurs comportements et leurs
calculs d’intérêt sans parvenir à faire leur une logique d’ensemble ; pour tous les
professionnels agissant sur les territoires dont les missions et les modalités d’intervention
sont héritées de cadres théoriques et de pratiques conçues pour des territoires d’une toute
autre nature ; pour les décideurs publics qui doivent orienter et arbitrer des projets d’une
complexité inédite combinant des variables et des échelles jusqu’alors considérées le plus
souvent indépendamment.

Enfin, l’urgence n’est d’ailleurs pas seulement organisationnelle ou posée en termes de


« bonne gouvernance », elle est aussi idéelle et intellectuelle : pour gérer la complexité des
dynamiques métropolitaines et être en capacité de réaliser les « compromis urbains »
judicieux (Ascher, 2008), il convient d’être en mesure de saisir toutes les singularités du
phénomène métropolitain ; il convient également de mettre en discussion dans l’espace public
les idées disponibles afin de donner un cadre d’expression pluraliste et objectivé à la pensée
de l’espace urbain.

Les effets de système de la métropole


De l’agglomération à la métropole, on fait face à « un changement d’état », pour
reprendre les mots de Christian de Portzamparc: la métropole n’existe pas seule, per se,
spatialement horizontale, par son inscription dans un territoire circonscrit ; elle existe avant
tout par son insertion dans un réseau mondial, quand les fonctions économiques et de
communication dépassent les besoins et les moyens du territoire métropolitain. Alors que la
ville industrielle était monocentrée et radioconcentrique, caractérisée par une continuité
urbaine, la révolution des transports et des technologies, notamment les télécommunications,
a rendu possible un changement d'échelle et de forme des villes, parallèlement à l’émergence
d’un nouvel usage de l’espace urbain par l’individu ne vivant plus à l'échelle du quartier ni
même de la ville.

La métropole correspond somme toute à une révolution territoriale en soi : dans cet
espace, l’existence d’un système spatial corrélé à l’espace physique réel, ne s’impose plus
d’évidence. Le territoire n’est plus nécessairement le paramètre premier déterminant
l’organisation et l’économie de l’espace, et le principe de hiérarchie des priorités est libéré
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des contraintes locales.
François Ascher, Grand Prix de l’Urbanisme 2009, a appelé « metapolis » cette vaste
conurbation métropolitaine polycentrique et discontinue, constituée par « l'ensemble des
espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont
intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d'une métropole. » (Ascher, 1995)
La métropole est ainsi avant tout un espace urbain hétérogène, réunissant en un même
système cinq sous-systèmes urbains très différents : la ville centre, très dense, riche en
transports publics et en équipements, où vivent les populations les plus privilégiées ; la
banlieue périurbaine, où l'on trouve essentiellement des petits bâtiments collectifs et des
classes moyennes attachées au lien avec la centralité principale ; l'aire suburbaine, où se
trouvent les zones pavillonnaires, qui a très peu de liens avec la ville centre et repose sur les
déplacements automobiles ; la ville des exclus et des assignés à résidence, celle des grands
ensembles, enclavés et mal desservis ; enfin, les zones de campagne, refuge des « rurbains ».

Dès lors que la métropole n’est pas seulement un espace mais aussi un système
fonctionnel composé de différents sous-systèmes, force est d’admettre que les systèmes ne
s’emboîtent pas nécessairement de manière harmonieuse.
Il existe ainsi un écart très signifiant entre ce qui est appelé la « région métropolitaine » et
la réalité fonctionnelle de la métropole : elle peut inclure des territoires ruraux secondaires
(parce que régionaux) et écarte des territoires agglomérés (parce qu’ils sont hors du
périmètre régional), pourtant en étroite dépendance économique et morphologique avec
l’agglomération. C’est pourquoi coexistent les notions de région urbaine ou d’aire
métropolisée1, et se développent des besoins d’outils statistiques spécifiques. Les travaux
menés par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France (IAU-IDF) et le
laboratoire Géographie-cités, à propos du « Bassin parisien » (2009) l’illustrent parfaitement.
Les régions périphériques de l’Ile-de-France, comme la Picardie, sont aujourd’hui dans une
logique de captation des ressources de la métropole francilienne. Les périmètres
administratifs ne correspondent pas aux dynamiques de flux (l’échelle du Bassin parisien est
bien plus pertinente) et les réponses politiques s’inventent selon d’autres modalités (Cf. le
« Cadre de référence stratégique », IAU 2009), préparées donc par des acteurs
scientifiques aux côtés des acteurs politiques légitimes traditionnels. En réponse à la
compétition interrégionale, les coopérations sont donc à construire, selon de nouveaux calculs
d’intérêts qui obligent à reposer en termes renouvelés la question de savoir quel territoire est
une ressource pour l’autre, et quels sous-systèmes métropolitains se développent dans la
métropolisation. Dans la même veine, le projet d’Antoine Grumbach de la métropole Paris-
Rouen-Le Havre a obligé l’agglomération de Caen à repenser toute sa stratégie métropolitaine
développée au cours de ces dernières années et suscite des mobilisations et des
recompositions stratégiques par delà les cadres politiques et administratifs territoriaux
habituels.

1
Attention d’ailleurs aux faux-amis : « urban region » désigne la région métropolitaine…
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
La métropole ne se décrète pas

Ces points soulignent qu’on ne décrète pas fonctionnellement une métropole, ce qui ne
va pas sans poser questions au regard de la configuration politico-administrative actuelle et
de la méthode suivie pour réaliser la « métropolisation à la française ». Certes, la question
métropolitaine s’est imposée sur l’agenda des décideurs publics – nationaux mais aussi
infra/inter/transnationaux –, dans la mesure où tous les territoires ont été soumis à une
véritable révolution dans la manière dont le temps et l’espace ont « impacté » leurs équilibres
économiques et sociaux. Ainsi, les caractéristiques et les ressources des territoires, garantes
d’un certain ordre local, apparaissent aujourd’hui fondamentalement volatiles, fragiles,
indéterminées. Il suffit d’évoquer la désindustrialisation, les délocalisations et la nécessité
d’être compétitif et attractif pour mesurer les défis auxquels sont confrontés tous les
territoires, dans une nouvelle économie de la « mondialisation », qui les rend interdépendants,
selon une nouvelle division internationale du travail. Les espaces métropolitains sont avant
tout « la traduction spatiale et infranationale de l’avènement d’une économie globale »
(Ghorra-Gobin, 2008) et, partant, la reconnaissance de l’urgence stratégique d’organiser des
systèmes métropolitains s’est imposée à tous.
Si les registres des stratégies élaborées en réponse se sont progressivement étoffés
en cherchant à combiner des projets de court-terme (revitalisation des bassins d’emploi) avec
des enjeux de long terme (création d’un environnement favorable pour favoriser des
implantations durables), la logique économique demeure donc première.
Et si la notion de métropole fait florès dans ce contexte, notamment en France dans
les rapports « politiques » nationaux (parmi lesquels les récents rapports Attali, Perben,
Balladur et Saint-Etienne), et régionaux (Rapport Planchou pour la région Ile-de-France), ainsi
que dans les textes de loi récents relatifs aux Collectivités locales, la métropole semble
surtout demeurer un objet particulièrement labile et très commode pour désigner, même par
défaut, les questions posées par les changements d’échelle des territoires considérés comme
pertinents pour élaborer une action publique efficiente. La métropole rejoint ainsi la liste
déjà longue des nouveaux territoires politiques à construire et à rendre cohérents et
légitimes, à côté des intercommunalités et des régions ; mais aussi a contrario par opposition
dans certains projets à la dispersion communale et aux « vieux » départements.
La prise de conscience des risques communs (dérèglement climatique, épuisement des
ressources naturelles disponibles, pollutions, crises sanitaires, mais aussi « évènements »
dans les banlieues) a mobilisé les pouvoirs publics et a contribué à modifier la manière dont
les périmètres et les déséquilibres territoriaux étaient considérés. Mais pour ne prendre que
quelques exemples récents, les polémiques relatives à la réforme de la taxe professionnelle, à
la taxe carbone ou aux avant-projets de loi sur les collectivités territoriales et sur le « grand
Paris » ont rappelé l’importance de construire collectivement un débat pluraliste, objectivé,
pédagogique et constructif, qui puisse permettre d’aboutir à une solution politique – par
opposition à politicienne – utile et globalement satisfaisante.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 54


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Une responsabilité partagée

Tout cela concourt à donner à tous les acteurs de l’aménagement des territoires et de
l’urbanisme une responsabilité accrue en termes de contribution aux débats sur l’organisation
de la vie en société, notamment pour mieux faire partager les singularités engendrées par
l’émergence des échelles et des sociétés métropolitaines.
D’une part, la « gestion métropolitaine » des enjeux économiques, sociaux et
environnementaux suppose donc, à la fois plus intensément et plus fondamentalement que par
le passé, un management multi-scalaire (qui combine les différentes échelles territoriales, du
global aux périmètres du local), et intégré (pour pouvoir combiner simultanément les
différentes variables pertinentes et ainsi pouvoir traiter de manière transversale les
questions effectivement corrélées par delà les catégories existantes), alors que tous les
espaces sont à la fois concurrents et solidaires dans la mesure où les phénomènes se
manifestent désormais à l’échelle des « grands territoires ». Le diagnostic est désormais
partagé sur le fait que les espaces urbanisés (qui regroupe une majorité continûment
croissante des habitants et des emplois, en France comme dans le monde) d’autres formes de
gouvernance pour faire face aux défis cumulés et anticiper les crises : en termes d’économie
mondialisée et d’attractivité, car le développement dépend pour une bonne part des conditions
qualitatives offertes par les territoires ; en matière sociale, tant les différenciations
spatiales impactent les inégalités sociales et les solidarités territoriales ; en matière
environnementale puisque l’organisation des espaces urbains constitue et détermine l’avenir
des écosystèmes.

Mais, d’autre part, les projets les plus ambitieux, tels ceux développés lors de la
consultation internationale sur le « grand Pari » de la métropole parisienne, montrent bien
qu’il n’existe pas de pensée stabilisée, complète et convergente de la métropole, permettant
de penser ensemble tous les enjeux de systèmes caractéristiques du phénomène. Il est vrai
que la complexité du sujet est réelle : il ne s’agit plus seulement d’être interdisciplinaire et
international pour saisir le sujet dans une plus juste perspective, mais aussi d’être en capacité
de saisir des phénomènes corrélés simultanés. Le nouvel impératif catégorique est de «
penser l’inter », qu’il s’agisse de l’ « interspatialité » (Lussault, 2007) ou de l’
« interterritorialité » (Vanier, 2008, 2009).

En d’autres termes, agir sur le fait métropolitain exige de décaler le regard, d’élargir
le champ des expertises et des principes d’action. Se doter d’une nouvelle grille d’analyse
globale qui s’affinerait continûment en fonction des dynamiques locales apparaît dès lors un
ingrédient clé du management stratégique d’une telle ambition. Cette nouvelle posture
concerne tout le monde, citoyens, experts et décideurs, à l’instar du processus qui a abouti à
l’élaboration collective du Schéma régional d’Aménagement de la Région Ile-de-France
(SDRIF) par exemple, qui fait figure d’expérience singulière à capitaliser pour l’avenir.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 55


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Elaborer une nouvelle grille de lecture des dynamiques métropolitaines

Face aux impacts économiques, sociaux et environnementaux cristallisés par la


métropolisation, et de fait mis en politique par les projets de constitution de métropoles,
l’enjeu majeur est bien d’être à même de promouvoir un modèle « robuste », capable de ne
pas rompre et, tout au contraire, de préparer un avenir désirable dans la société
métropolitaine.
En d’autres termes, il semble bien exister un besoin de contribution de fond à la fabrication
de la métropole durable la plus conforme à l’idée d’un développement humain acceptable
qualitativement à long terme, dans la perspective des principes du développement durable et
de ses trois piliers (économique, social, environnemental).
Cela suppose à la fois l’affirmation de véritables projets pour les territoires
métropolitains et une méthode permettant d’articuler de manière convergente ces pans
complémentaires de l’action métropolitaine.

Il s’agit ainsi d’alimenter empiriquement l’ensemble de la communauté des acteurs


concernés en idées susceptibles de rendre les projets plus innovants et les plus complets
possibles en vue de contribuer significativement à la « fabrique » de territoires plus
conformes aux théories du développement urbain durable. Il s’agit aussi d’attirer l’attention
sur les enjeux sociaux et politiques propres à la société métropolitaine, paradoxalement
souvent peu questionnés.
Cela souligne le besoin de constituer un lieu favorisant la tenue d’un véritable débat
collectif, qui ne s’est pas encore réellement engagé (même durant la consultation évoquée),
afin que se préparent les éléments clés d’une métropole durable du XXIème siècle, issus du
partage de manières de voir et de faire des projets à cette échelle. Cela invite également à
promouvoir les conditions d’un débat clair, compréhensible par le plus grand nombre, habitants
et citoyens tout comme décideurs publics et privés, afin que les conditions d’une pédagogie de
la vie en commun en métropole soient garanties.
Il convient dès lors d’identifier et d’inventer de nouvelles idées conformes aux
besoins ; de les mettre en débat public en s’assurant que les lignes bougent et que les cadres
cognitifs hérités soient actualisés si besoin en était ; d’être en capacité d’anticipation pour
proposer des grilles d’analyse et des pistes pour l’action adaptées non seulement aux
dynamiques d’évolution actuelles, mais aussi aux perspectives de développement souhaitable
des sociétés métropolitaines de demain.
L’urgence est donc aussi politique, au sens le plus classique et le plus noble du terme,
désignant la nécessité de dialogue entre les membres d’une société, « Metropolis » et non plus
seulement « Polis », afin d’inventer ensemble des finalités, des projets, des méthodes et des
règles pour les réaliser.

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Quatre chantiers de questionnements

Dans cette optique, quatre grands chantiers de questionnements complémentaires


méritent d’être développés pour servir l’émergence d’une pensée plus maîtrisée et mieux
partagée de la « fabrique métropolitaine ».

1. Le chantier de l’économie et du développement territorial équilibré

L’attraction des métropoles, c’est entendu, provient de leur concentration des richesses, de
leur pouvoir d’influence économique et politique en fonction de leur statut institutionnel
(capitale régionale ou nationale, implantation de sièges d’institutions publiques
internationales). Le PIB par habitant et les taux d’emploi sont souvent plus importants que la
moyenne nationale. Les activités de services représentant un quart du PIB à Paris, un tiers à
Londres et Tokyo, elles constituent à l’échelle mondiale ce que l’on appelle une « société
d’archipel. » Saskia Sassen a défini la grande métropole mondiale par le développement de
fonctions de commandement économique et de centre de décision de rang mondial. La
présence de sièges sociaux de compagnies multinationales, la concentration des activités
financières ou la fonction de pôle majeur de communication et d’information à l’échelle
mondiale débouche ainsi sur une hiérarchisation entre métropoles. Dans son classement, elle
distingue par ordre décroissant : Londres, Paris- Ile de France, New-York, Tokyo-Yokohama,
et Francfort ; mais les « métropoles internationales » leur sont de plus en plus proches et
reliées par leur rôle dans les réseaux d’échanges et de décision, grâce notamment aux TIC. Le
fait est que ce type de palmarès et ce paradigme ont suscité un vaste mouvement de
réflexion sur les stratégies de métropolisation.
Pour autant, il semble indispensable d’interroger la pertinence des paradigmes
économiques dominants, comme les thèses dominantes en géographie économique et en
développement local par exemple, qui encouragent la diffusion de « modèles » de
développement urbain aboutissant surtout à des « villes franchisées » (Mangin, 2005) aux
rendements décroissants et la création d’espaces urbains standardisés (Zukin, 1993). Des
projets comme les Waterfronts de Baltimore par exemple ont été exportés dans le monde
entier, des Docks de Londres jusqu’à Tokyo, devenant des modèles ; la ville de Vancouver fait
ainsi office de modèle de « ville stratégique » (Buchoud, 2008). L’urbanisme en vient donc à
se mettre avant tout au service de la stratégie d’attractivité des villes et la responsabilité
des urbanistes est engagée en la matière : comme l’a montré François Ascher (2001), il leur
est le plus souvent demandé d’élaborer un projet consensuel susceptible de tranquilliser les
investisseurs sur la pérennité de certains choix. La nécessaire mise en valeur des choix
détermine souvent les projets urbains qui sont adoptés, comme l’a souligné Patrizia Ingallina
(2001): « la lutte des villes pour s’affirmer (notamment sur le plan de l’implantation des
entreprises) conduit à devoir afficher de manière “éclatante” que l’on a une claire stratégie
de développement dont le projet est garant.»
De plus, les théories de l’attractivité, les recettes visant à développer l’innovation sur les
territoires, présentent des résultats mitigés et apparaissent incomplètes, fragmentées,

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souvent contre-productives à terme en proposant des systèmes coûteux en investissements
et en ressources, et au final ségrégatifs et monofonctionnels. Elles déterminent des modèles
de spécialisation territoriale controversés et polémiques, comme l’évolution du « quartier » de
la Défense ou les projets d’aménagement du plateau de Saclay l’attestent.
Par ailleurs, les potentialités de la « croissance verte », dans la continuité du Grenelle de
l’environnement, en termes d’emplois et de formation, concernent autant l’agriculture, les
activités industrielles (que l’on songe à la révolution des transports), les « cleantechs », que
les activités de service. Loin d’être un effet d’annonce, les rapports d’activités et les études
(Cf. par exemple les perspectives proposées par le récent Rapport à Jean-Louis Borloo du
Boston Consulting Group sur le Grenelle de l’environnement) préfigurent des mutations
profondes de l’économie qui exigent d’être fortement accompagnées pour que l’augmentation
des besoins ne soit pas compensée par des importations et des crises d’adaptation, à l’image
de la filière agricole et du développement du « bio » par exemple.

On mesure par contraste combien dans ces stratégies sont sous-évalués les déséquilibres
et les disparités qui caractérisent les processus de métropolisation. Les travaux de l’IAU-IDF
montrent par exemple combien la métropole francilienne est parcourue de clivages, avec des
écarts croissants entre, d’une part, les « élites mondialisées » et les personnes hautement
qualifiées des secteurs tertiaires supérieures, et, d’autre part, les personnels peu qualifiés
nécessaires au bon fonctionnement de l’économie métropolitaine. Les débats alimentés par
exemple par les travaux de Laurent Davezies (2008) contribuent à mettre à mal les
certitudes sur cette question.

2. Le chantier de l’innovation sociale

L’impératif d’innover s’inscrit en continuité de la compétitivité et de l’attractivité. A


cet égard, il faut souligner qu’il est désormais de plus en plus admis que la notion d’innovation,
traditionnellement associée aux technologies et inscrite dans une logique individuelle et
entrepreneuriale, s’inscrit en réalité dans un processus plus large. Le processus d’innovation
est de fait enchâssé dans un espace social qui détermine les conditions d’émergence des idées
innovantes, leur diffusion et leurs éventuels usages. Il en résulte qu’il faut constamment
questionner la valeur implicitement positive de l’« innovation ». Comme la notion plus générale
de « changement », l’innovation se traduit par des réaménagements sociaux où l’on trouvera le
plus souvent des perdants à côté des gagnants. L’évolution des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, avec le reclassement à grande échelle du capital social
et culturel qu’elles impliquent, est exemplaire de la relation complexe qu’entretiennent la
transformation des produits et des procédés, d’une part, la recomposition des rapports
sociaux, de l’autre. En ce sens, le processus d’innovation peut être compris comme un élément
majeur du développement territorial et un moyen de réguler les interactions sociales et les
dynamiques de flux. Considérée comme un « processus collectif ambigu » (Alter, 2002),
l’innovation, ou plutôt le processus innovant, recouvre plusieurs dimensions qui doivent être
mieux comprises afin de permettre aux acteurs sociaux de maîtriser les conditions de son
apparition, ses usages et ses effets sur les espaces sociaux et les territoires. De fait, il

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
convient de ne pas négliger le fait, notamment bien montré par Michel Callon (1989), que
l’innovation technique est une information qui se fabrique au gré des négociations menées
entre des acteurs qui sont eux-mêmes rattachés à des réseaux au sein de véritables
systèmes hiérarchisés d’innovation. En France, les responsables territoriaux sont ainsi
confrontés à de nouvelles responsabilités en étant requis non seulement de mieux maîtriser
les conditions d’apparition des activités innovantes, mais aussi leurs usages et leurs effets sur
les espaces sociaux et naturels. La maîtrise sociale et environnementale de l’innovation
technologique est devenue un thème récurrent pour les acteurs du développement régional.
Cela concerne d’ailleurs aussi bien les acteurs politiques que les acteurs économiques eux-
mêmes, à travers des notions telles que la responsabilité sociale ou environnementale des
entreprises.
L’enjeu de l’innovation sociale s’inscrit dans cette continuité. Il désigne communément
la volonté de lier les aspects technologiques, économiques et sociaux afin de dépasser la seule
logique d’attractivité et de prospérité économique du territoire, pour se tourner vers une
forme d’harmonisation du rapport des usagers à la création de richesse, mais surtout de bien-
être. Les débats alimentés par les travaux et le récent Rapport de la commission Stiglitz
(2009) en témoignent. Parler d’innovation sociale, c’est également parler de construire une
dynamique durable favorable à l’innovation en permettant aux acteurs de s’approprier l’espace
social. Julie Cloutier (2003) a ainsi distingué trois approches de l’innovation sociale :
l’innovation sociale centrée sur l’individu ; l’innovation sociale orientée vers le milieu ;
l’innovation sociale tournée vers l’entreprise. L’innovation sociale centrée sur l’individu place
les populations au centre de leur démarche, favorisant notamment l’inclusion des populations
exclues dans des pratiques participatives. Destinée à résoudre des problèmes sociaux, cette
approche fait intervenir un grand nombre d’acteurs dans une optique multidisciplinaire et met
en avant l’appropriation du pouvoir par les populations (« empowerment »). L’approche intégrée
est au cœur de cette approche de l’innovation : elle est doublement innovante dans la mesure
où elle vise à la fois les usagers, qui doivent se saisir des problèmes sociaux à résoudre, et les
institutions, qui doivent apprendre à ne plus entretenir l’usager dans une relation de
dépendance. L’innovation sociale orientée vers le milieu a, elle aussi, pour objectif de résoudre
des problèmes sociaux ou de répondre à des aspirations sociales, mais sur un espace donné. Il
s’agit par exemple d’améliorer la qualité de vie, le mieux-être des habitants. Enfin, les
innovations sociales au sein des entreprises correspondent à une vision organisationnelle de
l’innovation : il s’agit d’améliorer le mieux-être des salariés dans le but d’augmenter leur
productivité. Ces trois dimensions de l’innovation se rejoignent sur les processus à mettre en
œuvre pour susciter l’innovation : l’innovation sociale est alors celle qui résulte de la
coopération entre une diversité d’acteurs.

On mesure ainsi à quel point le champ de l’innovation sociale fait sens pour compléter le
paradigme économique dominant : il recouvre la revalorisation des formes de la vie sociale, la
redécouverte des enjeux de la qualité de vie dans les espaces métropolitains, les enjeux de
cultures et d’identités, le développement des services sur le territoire, y compris donc des
services publics, il interroge les rythmes et les temps des villes et de l’espace métropolitain.
Il pose frontalement les questions de pédagogie et de capacité d’appropriation, la diversité

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des compétences et des ressentis.
Il permet aussi somme toute de renouveler la question fondamentale des méthodes
suivies et de la rationalité affirmée des politiques publiques mies en plus juste perspective
par les études de sociologie et de science politique. Dans cette optique, les limites du
« gouvernement par les instruments » (Lascoumes, Le Galès, 2004, Lorrain, 2006) contribuent
aussi à encourager l’adoption de nouvelles postures collectives permettant de renouveler les
modes d’élaboration et de mise en œuvre d’actions publiques. La posture d’humilité qu’elle
impose aux prescripteurs et la revalorisation des conditions de production individuelle et
collective de savoirs sociaux et de pratiques sociétales sont essentielles à la redéfinition d’un
modèle de vie collective sur d’autres bases, et selon d’autres modalités.
Ces aspects sont loin d’être anodins dans la mesure où ils désignent en d’autres termes
les questions bien connues auxquelles sont confrontés les décideurs publics : dans les
processus décisionnels, quelles relations doivent entretenir les fonctionnaires publics, et a
fortiori les dirigeants, avec leurs élus ? ; Faut-il recourir à l’expertise de cabinets d’études
spécialisés pour prendre de bonnes décisions, et de manière générale externaliser
l’expertise ? ; A quelles conditions recruter pour bénéficier de nouvelles expériences alors
même que le premier ministre vient publiquement de dénoncer le nombre de recrutement de
fonctionnaires dans les collectivités territoriales ? ; Comment organiser un système de
pilotage en amont pour élaborer collectivement avec pertinence les modalités de réponse ? ;
Comment organiser des partenariats adaptés aux modes de gouvernance démocratiques et
flexibles utiles pour accompagner la mise en œuvre des réponses proposées et des projets
soumis à évaluation continue ?

3. Le chantier de la refondation du rapport aux territoires dans la société


métropolitaine

Le troisième chantier concerne le renouvellement de la pensée des territoires, dans la


complémentarité des autres chantiers évoqués : repenser les transports et, peut-être
surtout, les mobilités, la mixité urbaine et fonctionnelle, la lutte contre les exclusions et les
pauvretés, les politiques de zonage et l’idéologie de la politique de la ville, la densité, la
régulation de la périurbanisation, l’intensité urbaine, la naturalisation de la métropole. En
d’autres termes, c’est l’idéologie (politique) des « catégories d’intervention »
(administratives) sur les territoires qui est très fondamentalement remise en question selon
des modalités nouvelles.
Deux types de politiques, notamment, peuvent ainsi être distingués : les politiques
territorialisées et les politiques territoriales (Morel, 2009). Les premières prennent le
territoire pour objet, le territoire n’existant que comme espace d’application des politiques
publiques ; dans les secondes, le territoire est non seulement objet de politiques publiques,
mais surtout il devient le vecteur des mobilisations sociales et politiques nécessaires à la
conception et à la mise en œuvre des politiques. Il en résulte que la notion de territoire doit
être davantage comprise en termes de projets qu’en termes de limites. En effet, d’autres
territoires existent ou se créent à partir d’autres critères et représentations, en dehors
même des structures institutionnelles (coexistence de groupes ethniques ou sociaux variés,

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
émergence de territoires distincts etc.) Le territoire étant une relation, ce sont donc les
problèmes d’accessibilité qui deviennent essentiels, n’étant pas résolus uniquement en termes
géométriques ni purement techniques. La difficulté d’accès peut être morale, symbolique et
culturelle et rendre difficile la compréhension du territoire par les habitants et tous les
acteurs locaux et amenuiser l’appropriation voire l’attachement à l’égard du territoire
environnant. Les territoires mériteraient donc de ne pas être définis a priori et uniquement
par une décision de caractère administratif : les territoires vont souvent être ressentis par
ceux qui y vivent, les traversent et/ou y travaillent et « catégorisés » ensuite par les acteurs
politiques. Et la cohérence globale des territoires est reconstruite soit en termes de
valorisation, soit de dévalorisation, soit de revalorisation. C’est dans cet esprit que la notion
d’espace géographique et social s’est substituée à l’idée classique d’espace neutre.
Le territoire est ainsi toujours « le territoire de quelqu’un », pour paraphraser Marcel
Roncayolo (« La ville est toujours la ville de quelqu’un », 2003). A un côté matériel (il est
quelque chose de concret, qui commence et se termine et que l’on peut dessiner ou
cartographier) ou objectif, le territoire associe une dimension subjective liée aux sentiments
d’appartenance, mais aussi aux pratiques et aux perceptions qu’on a de lui (qui ne sont ni
strictement individuelles ni entièrement collectives). Le territoire est un support et une
relation à la fois. Expression des institutions il est aussi modelé par le vécu et perçu
différemment par les uns et par les autres. Il existe aussi une multi-territorialité, un
territoire des réseaux, à géométrie variable, un territoire des mobilités dont le périmètre est
difficile à cerner. Autant de territoires, autant de formes de représentation et de
projections. En tant que tel il est lieu et source de projet. Il pose alors la question du
maintien de l’héritage du passé (mémoire) tout en stimulant les changements et l’innovation
par le projet (anticipation). Ainsi, passé et anticipation sont continûment associés dans les
lectures et interprétations d’un territoire, autant dans ses aspects matériels (patrimoine
urbain, monuments, site à forte dimension symbolique) que dans ses composantes
immatérielles (traditions, production locale, etc.)
Dans cette optique, il reste alors à inventer l’espace cohérent de la métropole, à
réussir l’écriture d’une représentation qui transfère la cohérence et l’imaginaire de l’Urbs à la
métropole fabriquée. Ce transfert est d’autant plus difficile qu’il est saturé par la force de
nos représentations héritées : le comportement des habitants, des travailleurs et des
investisseurs (y compris venant de très loin) est largement dépendant des représentations
dominantes. Pour ne prendre que l’exemple du Grand Paris, les notions ambivalentes de centre-
périphérie, de Paris-banlieue, qui saturent nos représentations, sont à la fois décalées par
rapport aux dynamiques réelles, mais aussi par rapport aux faits sociaux.
Tout cela concourt à un dépassement nécessaire des modes de représentation du
territoire, à considérer à la fois les circuits courts et les grandes échelles, à repenser la
question de la sécurité à l’heure où une police d’agglomération est instituée dans le « Grand
Paris ». Travailler sur les éléments de « ville ordinaire », franchir les barrières physiques de
la ville (par exemple le périphérique et les voies rapides, les lignes de chemin de fer, les
friches, souder ensemble les fragments de ville divisés, créer de nouveaux passages et de
nouveaux usages sont des pistes d’action prioritaire. Penser la perméabilité permet en
corrigeant les ruptures d’affaiblir les divisions sociales et politiques. Il faut ainsi penser à

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refaire de la ville dans la ville, à réoccuper les espaces sous-occupés, et œuvrer à créer de
nouveaux espaces sociaux. Comme à l’époque où les frontières déterminaient les identités
territoriales, il faut repenser l’ouverture et la fermeture, déterminantes identitairement et
socialement.

4. Le chantier politique : vers une gouvernance réellement démocratique des sociétés


métropolitaines

Le quatrième chantier qui découle logiquement de ce qui précède est d’ordre politique :
il s’agit d’approfondir les nouvelles formes de coopération et de coproduction de la métropole,
de prise en compte des aspirations et des limites des modes traditionnels de socialisation
politique et de participation. Il s’agit aussi de prendre au sérieux les réponses apportées à la
question posée par Foucault de la « gouvernabilité », non seulement d’un point de vue
théorique mais aussi en capitalisant les réponses apportées par les travaux de recherche et
les évaluations des formes politiques existantes.
Plus encore que l’espace de la ville, l’espace métropolitain est un défi à la citoyenneté,
rendant plus que jamais nécessaire de reconnaître les « formes intermittentes de la
démocratie » (Carrel et al., 2009), qui posent la question de la citoyenneté moins comme un
statut que « comme une fabrique sociale et politique des individus et des collectifs ». Carrel,
p 9). La politique est de fait souvent aux marges, voire éloignée des pouvoirs publics (Neveu,
2004,2005). La relation des citoyens avec le politique s’est incontestablement fortement
transformée. Quatre raisons principales peuvent être avancées, comme l’ont bien montré les
travaux de Jacques Ion :
1) les individus sont davantage désaffiliés, au double sens du terme : ils agissent moins
en termes de « fils/fille de ») et ne se reconnaissent pas forcément dans les clivages qui ont
longtemps structuré l’espace militant, conformément au processus d’individuation bien connu ;
2) la socialisation politique, favorisée par exemple par les activités associatives et
militantes inscrivant l’individu à la fois dans une pratique collective et dans une appropriation
de la démocratie représentative, ici mimétisée, a disparu ;
3) la politisation actuelle se situe « aux frontières du politique » : sans nécessairement
passer par des structures associatives classiques, il existe d’autres modes plus discrets de
participation et d’implication dans la politique, notamment dans les territoires. De nouvelles
formes de « collectif » émergent jouent des rôles de médiation très efficaces notamment là
où « l’ordre social est dégradé » (Borzeix et al.). Pierre Bouvier (Bouvier, 2005) y voit des
formes de lien social « alternatives, fragiles mais volontaires », qui sont peut-être davantage
des formes de contre-pouvoir que de contestation, mais aussi des palliatifs à l’absence de
réponse adaptée des pouvoirs publics sur les questions délicates de troubles de voisinage, de
squats, de délinquance, de défaut d’entretien du bâti, « vigilance » des habitants, etc. On
mesure combien on touche ici à des formes collectives qui suscitent une méfiance instinctive
dans la culture politique française. La question posée est de fait de savoir si cela nourrit du
sens commun, des aspirations voire des propositions plus collectives, susceptibles de
déboucher sur une forme d’expression citoyenne, considérée donc ici comme suffisamment
stables et devant être fabriquées ;

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4) Le quatrième point et non le moindre est lié aux enjeux de la citoyenneté culturelle
(Ion, 1997), par opposition à la tradition politique française d’une citoyenneté présentée
comme ontologiquement acculturée. Force est de constater que la citoyenneté est
« informée », c’est-à-dire structurée par la culture, qui influencent des revendications, des
perceptions, des usages.
Tout ceci contribue à réinterroger les catégories habituelles proposées par les
dispositifs existants qui catégorisent en « habitants », « usagers », « riverains », « jeunes »,
qui révèlent peut-être davantage les attentes institutionnelles qu’elles ne servent
l’appropriation des individus concernés. Loïc Blondiaux a bien montré l’ambiguïté de la plupart
des dispositifs participatifs, dont la finalité semble autant être l’expression que la
canalisation de la parole citoyenne et du conflit. Les travaux d’Amar Lakel et de David Alcaud
(2003, 2004) ont souligné combien les dispositifs électroniques étaient également très
limités, et la pensée politique très réticente en la matière (Cf. aussi Wojcik, 2006). En fait,
on a assisté à une nouvelle ingénierie de la participation assumée par des professionnels qui
s’affirment seuls en capacité d’alimenter les « procédures » requises comme il se doit (Cf.
Nonjon, 2006), tandis que les craintes d’une forte instrumentalisation existent (Dagnino,
2007). Il n’en reste pas moins que les travaux montrent comment les acteurs publics ne
maîtrisent pas totalement le processus et que les dispositifs sont contestés par les
participants qui s’affirment en capacité de jouer un rôle de garde-fou. Les groupes les plus
absents sont les jeunes, les catégories populaires, les personnes d’origine étrangère, celles qui
s’estiment les moins compétentes (Alcaud, 2008). La conclusion de Loïc Blondiaux est claire :
« les dispositifs participatifs et délibératifs contemporains constituent autant des lieux de
polarisation et de conflit que d’apaisement et de consensus. S’y exprime toujours, comme dans
les théories de la délibération, une tension entre des forces politiques adverses », (Blondiaux,
2009)
Tout ceci participe de ce que Pierre Rosanvallon appelle, dans la continuité de ses
thèses sur la « contre-démocratie » (2006) un « vaste mouvement de « décentrement des
démocraties » (2008), qui rend la démocratie représentative plus compliquée. L’enjeu n’est
plus l’identification entre gouvernés et gouvernants. Les citoyens étaient devenus des
gouvernés, et il fallait donner une meilleure forme démocratique à une distance reconnue dans
sa nécessité fonctionnelle, mais il reste à construire, soutient-il, une « démocratie
d’identification » de manière à ce que ces derniers soient en mesure de corriger, de
compenser d’organiser la séparation entre gouvernants et gouvernés, autrement que par la
transmission d’un mandat « en donnant la définition la plus développée de la démocratie, celle
qui inclut toutes ses dimensions et toutes ses formes. Rapportée à une telle définition élargie,
la démocratie dessine l’horizon d’une organisation de la vie sociale en chantier» (Rosanvallon,
2008, p. 359).

Ces éléments alimentent un débat sur la gouvernance démocratique de la métropole à


plusieurs niveaux. Ils sont tout d’abord un défi à « l’ordre local métropolitain ». L’ordre
n’intervient plus comme un cadre extérieur mais comme un processus interne. La nature de la
mise en ordre dépend des accords entre des acteurs en négociation ; plus d’un pouvoir
puissant extérieur imposant un ordre surplombant les activités urbaines. En somme, ce qui

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était déjà de moins en moins vrai pour la ville ne l’est plus du tout dans la métropole. L’individu
a besoin d’ordre et le construit de manière différenciée en fonction de ses ressources.
Comme le dit Alain Bourdin (2005) : « Avec la métropole, l’on passe de l’offre sur fond d’ordre
à l’ordre sur fond d’offre ».
D’autre part, par delà la diversité des approches et des diagnostics, la métropole
apparaît poser de manière plus singulière encore la question de la responsabilité de la société
politique dans l’organisation de la société des individus et le soutien de la civilisation urbaine.
Les analyses de Jacques Donzelot s’inscrivent dans cette logique en prônant une action contre
la « logique de séparation » et de l’entre-soi à laquelle a abouti l’évolution qu’il perçoit des
territoires urbains. « Faire société » ne s’impose plus comme un fait social et les événements
ou les représentations des territoires urbains en sont un parfait exemple. La centralité de la
ville se défait à travers un processus de péri-urbanisation qui laisse le centre aux bureaux
des grandes entreprises et contourne les cités d’habitat social, qui se retrouvent enclavées ou
excentrées par rapport aux axes de son développement. La politique de la ville n’est pas
parvenue à corriger la fuite de la majorité aisée (alors qu’autrefois la minorité envahissait le
centre), confortant la disparition des interdépendances qui ont constitué et caractérisé le
développement de la ville.
Il ressort de ses analyses l’importance de travailler avec les gens plus qu’avec les lieux,
de manière à faciliter le franchissement des barrières sociales et raciales plutôt que
l’homogénéisation des territoires urbains.

Bilan provisoire : un questionnement multi-niveaux

La circulation des idées et la mise en débat apparaissent donc à plus d’un titre
essentielles pour approfondir des questions à la fois corrélées et de nature diverses.
Paradoxalement, peut-être, la « simplification » administrative inhérente aux projets de
réforme dans la continuité de la «modernisation générale » a abouti à une complexification à
plusieurs niveaux, politique, administrative, mais aussi sociologique : force est d’observer que
la question métropolitaine est abordée avec forte suspicion et pâtit d’un déficit très
important de légitimité, comme si la métropole cristallisait les difficultés à penser l’action
publique selon un nouveau paradigme systémique et à adopter de nouvelles postures d’acteurs,
hors des catégories battues. Il est vrai que la question métropolitaine est un défi cognitif à
nos représentations culturelles des territoires, à nos manières d’en user, aux modes d’action
des institutions françaises, aux clivages bien établis dans notre culture politique (rural /
urbain ; communes / intercommunalités ; départements / régions ; collectivités territoriales /
Etat ; jacobins / girondins ; public / privé ; société civile / acteurs publics). Les débats
entourant les projets de métropole concourent pour autant à mettre en lumière l’importance
de se saisir aujourd’hui sérieusement de la question pour élaborer à bon droit et
collectivement des projets qualitativement utiles pour l’avenir.

L’un des enjeux majeurs à cet égard est sans doute d’accompagner la
« territorialisation de la région urbaine » (Ghorra-Gobin, 2008), c’est-à-dire la capacité à
inventer un raisonnement global autonome, légitime et crédible pour garantir un véritable

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pluralisme et se donner les moyens d’interroger de manière objectivée des principes d’action
et des solutions qui ont montré leur limite dans la passé. Il s’agit aussi de promouvoir une
action responsable et pertinente dans un contexte où le positionnement stratégique de l’Etat
est globalement lui aussi mis en question.

Des questions transversales découlent des chantiers évoqués précédemment, questions


sans doute prioritaires pour l’action territoriale :
- Comment pallier le déficit d’imaginaire, de désir et d’urbanité des espaces
métropolitains ?
- Comment redonner toute leur place aux individus dans un espace collectif où l’ordre
ne s’impose plus et n’est pas non plus assumé par un seul acteur institutionnel qui
serait doté de pouvoirs forts et exclusifs en la matière ?
- Comment créer les conditions favorables à l’émergence d’un système métropolitain
apaisé, solidaire, dans lequel la relation entre les différents sous-systèmes est
concertée et adoptée ?
- Comment faire partager une nouvelle compréhension des dynamiques et des
solidarités territoriales entre des espaces locaux de plus en plus interdépendants
et appelés à devoir réinventer aujourd’hui des modes de développement innovants
complémentaires ?
- Qui pourrait être à même de proposer une démarche de réforme apparaissant
comme légitime pour faire évoluer le système de gouvernance actuel des territoires
qui apparaît à bout de souffle ?

Contrairement à une idée apparemment répandue, ce n’est pas nécessairement en


instituant à marche forcée une autorité métropolitaine ou en faisant de l’Etat le maître du jeu
que le résultat optimal peut être obtenu. Comme le souligne Lamia Kamal-Chaoui (2008), les
formules les plus courantes à l’échelle du monde sont des associations ou des réseaux de
municipalités, caractérisés par le volontariat, par une coopération intercommunale souple,
progressive, concertée. Le syndicat Paris Métropole s’inscrit par exemple dans cette
perspective. Mais il est vrai que dans certains cas, les problèmes semblent être si
considérables que, souligne-t-elle, « des solutions appropriées passent nécessairement par
une structure de gouvernance dont le statut institutionnel présente un caractère plus
durable. »
Il semble qu’une bonne partie de ces réponses renvoient à des enjeux posés notamment
en termes de « compétence métropolitaine ». C’est notamment ce que propose Alain Bourdin
(2005), qui estime que c’est là que se joue l’avenir de la « civilisation métropolitaine » :
« comment faciliter les apprentissages collectifs, non seulement pour ceux qui vivent depuis
longtemps dans le contexte métropolitain – et ne s’y retrouvent pas toujours - mais
également pour ceux qui y arrivent sans cesse ? »

Il reste donc à mettre sur l’agenda de travail commun la question de la méthode


permettant d’apprendre à gouverner des espaces métropolitains avec les principes du
développement durable, sans doute souhaitables pour les générations futures, et de surcroît

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stratégiquement précieux pour la compétitivité, l’attractivité et la qualité de vie. Cela
soulève non seulement des questions de fond mais aussi des questions de forme qui font
particulièrement sens dans le contexte actuel de réformes. Les sciences humaines et sociales
ont montré l’impératif catégorique de réfuter la fausse universalité des solutions : le principe
« penser global/agir local » reste pertinent et doit être organisé de manière à développer
une pensée stratégique partagée permettant de dépasser les représentations concurrentes et
les conflits d’intérêts. L’intérêt et le volontarisme des managers publics peut être essentiel,
à bien des égards, à la réussite de cette révolte créative : elle requiert en effet une
pédagogie innovante pour faire évoluer les représentations collectives des territoires comme
les modalités coutumières de décision et d’action. Qu’on le veuille ou non, il y a urgence à
inventer et à mettre en œuvre des projets adaptés aux enjeux contemporains et aux
territoires espérés pour demain. La question nouvelle de la « fabrication » de métropoles
durables peut à cet égard être aujourd’hui un programme réellement fédérateur, sans
exclusive, ni préjugés. A contrario donc de la manière dont le projet de « Grand Paris » est
actuellement mené.
http://davidalcaud.net

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
CONCLUSION

Jérôme DUPUIS
Docteur en Sciences de Gestion
Président de l’Association pour la Recherche et l’Expertise en Management Public
Territorial

La réforme des collectivités territoriales : une opportunité.


Les élus doivent dépasser leurs querelles de clocher pour moderniser et renforcer la
démocratie locale

Pour clarifier les rôles des collectivités locales, la suppression de la clause de compétence
générale est envisageable même si elle permet souvent une vraie solidarité entre les
territoires.
Certes, les collectivités locales assurent 75% des investissements publics, mais est-ce une
raison pour exclure toute interrogation sur leur pertinence quand la subvention espérée suffit
parfois à déclencher l'investissement même s'il n'est pas nécessaire, ou que l'investissement
déclenche la subvention même si elle n'est pas justifiée ?
Alors pour limiter l'enchevêtrement des financements croisés, il faut à l'évidence réactiver
les deux notions complémentaires de blocs de compétences et de chef de file. Faut-il aller
jusqu'à limiter le financement d'un même projet à deux collectivités, plafonner les taux de
subvention ou encore réserver la possibilité de subventionner un projet aux seules
collectivités de niveau supérieur? Attention à ne pas entraver à l'excès des collectivités
locales déjà contraintes par un étranglement financier qui s'aggrave.
Prenons garde à ce que la réforme indispensable des collectivités territoriales ne conduise
pas à brider leur créativité : n'oublions pas en effet que c'est du dialogue et de la
coopération entre partenaires locaux que naît le développement de nos territoires. Ce que l'on
appelle le « millefeuille » a sans doute des inconvénients, mais il oblige les élus d'un même
territoire à un exercice d'intelligence collective.
A trop vouloir spécialiser les collectivités, on risque d'oublier que les problèmes traiter
s'inscrivent souvent dans une réalité plus vaste que leur territoire. Une approche trop
cloisonnée de leurs compétences pourrait aboutir au mieux à ce que le rôle des élus soit
redondant avec celui des agents territoriaux, et au pire à leur impuissance face aux
problématiques complexes qu'ils ont à résoudre. D'autant que 90 % des actions engagées par
les régions et les départements relèvent déjà de leurs compétences propres.

La réforme nous invite à passer d’une approche fondée sur les institutions et les procédures à
une approche fondée sur les acteurs et stratégies.

Pour l'action sociale en milieu rural, il n'y a pas mieux que le département. Pour l'action
économique, cela n'a pas de sens de faire autrement qu'au niveau de la région, sauf pour
quelques départements. A ce titre les conseils généraux pour les départements ruraux

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
pourraient avoir une clause générale de développement économique, car les villes y sont
souvent tellement petites que seul le département peut faire bouger les choses.
D’où la nécessité de clarifier les compétences : sans tomber dans la caricature, on pourrait
dire que les départements devraient être en charge de l'aménagement et la solidarité et les
régions de la compétitivité. Si l’on confie aux régions la responsabilité de la mise en cohérence
des SCOT (avec un pouvoir d’agrément comme le propose le rapport de Christian Saint-
Etienne), ce serait pour mettre en cohérence et lutter contre le mitage des territoires, et
donc pour assurer leur compétitivité.
Dès lors, ces deux niveaux deviendraient co-producteurs et co-responsables des cohésions
sociale et territoriale.

La réforme des collectivités territoriales : un risque.

Alors qu'il aurait pu être fondamental pour la réaffirmation de la démocratie locale, le projet
de réforme des collectivités territoriales s'apparente désormais à un piège politique
redoutable dont l’aspect emblématique est, à ce jour l'élection des conseillers territoriaux. La
création du conseiller territorial était déjà une idée contestable puisqu'elle réduit
considérablement le nombre des élus locaux qui sont pourtant les interlocuteurs quotidiens de
nos concitoyens et constituent le maillage apprécié d'une véritable démocratie de proximité,
mais au risque d’assister aussi à un charcutage annoncé des cantons et un tripatouillage du
mode de scrutin. Pour le mode de scrutin, la suppression du deuxième tour, distinctif de la
démocratie française depuis des décennies constitue une perspective bien particulière. Ainsi,
un candidat pourrait être élu conseiller territorial avec moins de 20% des suffrages dès lors
qu'il serait placé en tête au tour unique. Or la France n'a jamais été une démocratie
bipartisane comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne et le scrutin majoritaire uninominal à
un tour n'y est donc absolument pas transposable.

La réforme des collectivités territoriales : un recul et une recentralisation.

Pour justifier le dessein de la reprise en main des collectivités par l’Etat, tous les moyens
sont bons, y compris ceux qui relèvent d'une démagogie éculée, voulant faire croire à une
gestion des territoires dispendieuse, alors même que l'Etat n'a cessé de leur transférer des
compétences.
Ce dernier aspect a été particulièrement éclairé par le récent rapport de la Cour des Comptes
«relatif à la conduite par l'État de la décentralisation ». A sa lecture, on se prend à douter de
l’efficacité de la nouvelle réforme. En 1982 et en 2004 aussi, l'État affichait deux objectifs:
une clarification des compétences conduisant naturellement à une meilleure gestion des
deniers publics. Or, ce rapport conclut que les réformes passées n'ont pas clarifié
l'enchevêtrement des compétences, mais ont même réussi l'exploit de l'aggraver.
Exemple parmi d'autres, les transports publics éclatés entre la région pour les trains
régionaux, les départements pour les transports sur routes en zones rurales, les communes et
les intercommunalités pour les transports urbains.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Philippe Séguin rappelait dans sa communication des conclusions de la Cour aussi l'« incapacité
de l'État à se désengager des compétences transférées alors que la décentralisation aurait
dû se traduire par un allégement des effectifs de l'État », souligne la Cour des comptes. Il
n'en a rien été, la fonction publique d'État passant de 2,1 millions de fonctionnaires en 1980
avant l'acte I à 2,5 en 2006, après l'acte II ! Quatre cent mille fonctionnaires en plus, cela
représente un tiers du déficit structurel du budget de l'État.
De leur côté, les collectivités territoriales n'ont pas été en reste, faisant passer leurs
effectifs de 1,1 million à 1,6 million d'agents dans la même période. Or curieusement, les plus
fortes hausses d'effectifs n'ont pas été observées dans les départements – la collectivité qui
a reçu le plus de nouvelles compétences –, mais dans les communes (+ 47 %) et les
intercommunalités (+ 147 %).

Ensuite, les avis des élus concordent, quel que soit le sujet abordé. Hôpital, gestion des
ressources humaines, fiscalité locale, réforme territoriale..., l'Etat serait dans une phase de
recentralisation. Du discours aux actes, certaine faits leur donnent raison. Ainsi, au moment
où l'on célèbre le 25e anniversaire de la création du statut de la fonction publique
territoriale, le président de la République et son Premier ministre tancent les collectivités en
jugeant leur politique de recrutement excessive et dispendieuse. L'Etat, lui, montrerait
l'exemple en comprimant l'embauche de fonctionnaires. Une attitude pour le moins directive à
l'endroit des employeurs publics, au regard du principe de libre administration des
collectivités.
L'inquiétude prévaut aussi chez les élus concernant leurs ressources. La suppression de la
taxe professionnelle, en 2010 pour les entreprises, se traduira l'an prochain par une mise sous
tutelle des recettes fiscales des collectivités: l'Etat leur versera une compensation, certes à
l'euro près, mais sous la forme d'une dotation dont il maîtrisera seul le montant et qu’il pourra
quant il le jugera nécessaire intégrer dans l’enveloppe normée des dotations aux collectivités.
Ce qui n'est pas le moindre paradoxe, au regard cette fois du principe constitutionnel
d'autonomie financière des collectivités.
Nous sommes tous soumis à l'exigence d'une bonne gestion. Or le projet gouvernemental
entend brider les collectivités en supprimant la clause générale de compétence,
consubstantielle pourtant à toute idée de décentralisation parce qu'elle marque la différence
entre une collectivité libre de gérer ses propres affaires et un établissement public contraint
dans des compétences spécialisées.
En l'état, cette réforme marquerait une régression considérable : elle met à bas les
fondements de notre République décentralisée et pervertit l'essence de notre démocratie
locale.
Ainsi, un grand nombre d’élus locaux, à l'instar de l'Association des petites villes de France,
évoquent «une régression de la décentralisation».

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
DEUXIEME PARTIE -
REFORME TERRITORIALE, ETAT DES LIEUX ET POINTS DE VUE

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Etat des lieux – Juillet-Août 2010

 Le vote de l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 8 juin dernier, par 276 voix contre
240, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, les députés UMP votant seuls
en faveur du texte. Profondément modifié par la commission des lois de l'Assemblée
nationale, le texte a de nouveau évolué lors des débats, les députés préférant revenir à
certaines dispositions votées par le Sénat, notamment sur les communes nouvelles ou le
maintien des règles actuelles de majorité pour les transferts de compétence et la définition
de l'intérêt communautaire. Une victoire pour l'UMP et son président, Jacques Pélissard,
député du Jura, venu défendre une vingtaine d'amendements.

L’AMF entendue sur les communes nouvelles


Les communes nouvelles auraient pu aussi sortir transformées de leur passage devant
l'Assemblée nationale, la commission des lois ayant décidé de faciliter leur création en
rétablissant l'incitation financière supprimée par le Sénat et en limitant les cas de
consultation de la population.
C'était sans compter sur la mobilisation de l'AMF et de son président, Jacques Pélissard,
venu «défendre avec détermination les principes fondamentaux devant présider au
renforcement de l’intercommunalité dans le respect des communes ». A la demande du
président de l'AMF, les députés ont ainsi accepté qu'une commune nouvelle ne puisse être
créée qu'avec l'accord unanime des communes concernées, quel que soit son périmètre.
L'Assemblée nationale a aussi accédé au vœu de l'AMF de voir supprimer la prime de 5 %
de DGF prélevée sur l'enveloppe des dotations des communautés et des communes. Par
ailleurs, le régime de versement du FCTVA des communes nouvelles sera aligné sur celui
des communautés de communes. Enfin, les députés ont repris la proposition de l'AMF
visant à permettre le cumul des fonctions de maires délégués et de maires de la commune
nouvelle, à titre transitoire jusqu'aux élections municipales suivantes.

Néanmoins, le scénario de la réforme territoriale est modifié. Si les députés ont acte, à leur
tour, la création des conseillers territoriaux, conseillers communs aux conseils généraux et
régionaux, ils ont aussi fixé leur mode d'élection : un scrutin uninominal majoritaire à deux
tours. Et fixé également à 3 471 le total de ces futurs conseillers territoriaux, les députés
adoptant le tableau préparé par le gouvernement répartissant le nombre de ces nouveaux élus
par région et par département. Un choix remis en question quelques jours plus tard par la
commission des lois du Sénat.
Les députés ont aussi amputé l'article 35 de toute référence à une loi ultérieure sur les
compétences. Suivant le souhait du gouvernement et du rapporteur du texte. Dominique
Perben, de donner immédiatement « un caractère normatif » au partage de compétences

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 77


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
entre collectivités, ils ont voté le principe de la spécialisation des compétences des
départements et des régions ainsi que celui du caractère exclusif de l'exercice de ces
compétences attribuées par la loi. En revanche, le tourisme, la culture et le sport resteront
des compétences partagées entre régions, départements et communes.
En matière de financements croisés, la version de l'Assemblée nationale réintroduit la notion
de participation minimale du maitre d'ouvrage au financement d'une opération
d'investissement (20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et les communautés
de moins de 50 000 habitants, et 30 % pour les autres) et interdit le cumul des subventions
départementales et régionales sur un projet communal ou inter-communal exception faite de
ceux portés par des communes de moins de 3 500 habitants ou des intercommunalités de
moins de 50 000 habitants.
Les métropoles sortent renforcées de leur premier passage à l'Assemblée nationale.
Contrairement aux sénateurs qui avaient rétabli l'autonomie fiscale et financière des
communes membres d'une métropole, les députés se sont rapprochés du texte initial qui
organisait une plus grande intégration de ces communes. Ainsi, les métropoles devraient
bénéficier de l'unification de plein droit de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la
DGP territorialisée, décidée à la majorité qualifiée. La définition de l'intérêt métropolitain a
également évolué, les députés optant pour un vote à la majorité simple alors que les sénateurs
avaient conservé un vote à la majorité des deux tiers.
En plus des compétences des communautés urbaines, les métropoles exerceront de droit, sur
leur périmètre, les compétences du département en matière de transports scolaires et de
routes départementales. Elles deviennent également responsables des zones d'activités
départementales et de la promotion du territoire, une dernière compétence dont elles
héritent également des régions. En revanche, les députés n'ont pas modifié le seuil de
création de ces métropoles, toujours fixé à 450 000 habitants. Ils ont néanmoins ajouté, à la
demande du gouvernement, un dispositif transitoire d'un an pour permettre la création d'une
métropole même en cas de discontinuité territoriale.
Autre changement, l'avancement de six mois de la date d'achèvement de la carte
intercommunale, fixée désormais au 1er juillet 2013. Les députés ont par ailleurs approuvé
l'ensemble des dispositions fixant l'élaboration des schémas départementaux de coopération
intercommunale. Ces derniers devront être arrêtés au plus tard le 31 décembre 2011 et
prévoir l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale. Et pour permettre
cette rationalisation les communautés devront regrouper au moins 5 000 habitants, contre
3000 comme l'avaient prévu les sénateurs. Un seuil de population qui ne sera toutefois pas
applicable dans les zones de montagne, à la suite de la mobilisation de l’Association nationale
des élus de montagne ou encore lorsque les préfets le jugeront peu adapté à la géographie
locale.
L'Assemblée nationale a aussi décidé que les commissions départementales de coopération
inter-communale (CDCI), recomposées pour faire plus de place à l’intercommunalité, devront
être installées dans les trois mois suivant le vote de la loi.
L'Assemblée nationale n'a cependant pas totalement réécrit la totalité du texte issu du
Sénat et a adopté plusieurs dispositions sans les modifier ou ne le faisant qu'à la marge. Les
députés ont ainsi confirmé l'élection au suffrage universel direct des délégués

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 78


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
communautaires dans le cadre de l'élection municipale pour les communes dont le conseil est
élu au scrutin de liste L'abaissement du seuil du scrutin de liste aux communes de 500
habitants et plus figure dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux
et au renforcement de la démocratie locale, l'un des quatre textes composant le « paquet
réforme territoriale », déposé devant le Parlement en octobre 2009.
L'Assemblée nationale n'a également modifié qu'à la marge la répartition des sièges au sein
des conseils communautaires, donnant, comme le Sénat, la préférence aux accords locaux. Les
députés ont cependant fixé une limite, le nombre de sièges dans les conseils communautaires
des communautés de communes et d'agglomération ne pouvant dépasser de plus de 10 % celui
prévu pour les métropoles et les communautés urbaines, À défaut d'accord local, la
répartition s'établit selon le système en vigueur pour les communautés urbaines et les
métropoles, Enfin, la règle limitant le nombre de vice-présidents à 20 % de l'effectif total du
conseil communautaire, dans la limite de 15, a été réintroduite.
Les députés ont enfin voté en faveur de la création de pôles métropolitains, avec la possibilité
de créer de tels regroupements en zones frontalières.

 Le vote du Sénat

La plupart des changements apportés, à son initiative, par l'Assemblée nationale, sont
expurgés. Le texte, amaigri, finit, dans la nuit du 7 au 8 juillet, par être adopté à une courte
majorité (165 voix pour, 159 voix contre).
En séance, le Sénat suit finalement les premières préconisations de sa commission des lois en
date du 16 juin : il décide de ne pas choisir de mode de scrutin pour les conseillers
territoriaux appelés à siéger en 2014 dans les assemblées départementales et régionales. Les
membres du groupe Union centriste, partisans d'une dose de proportionnelle, rejettent, dans
leur majorité, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, arrêté en première lecture par
les députés. Dans la nuit du 6 au 7 juillet; ils font basculer les suffrages au détriment de
l'exécutif.
A l’origine, le mode de scrutin du conseiller territorial devait faire l’objet d'un projet de loi
séparé. L'exécutif, désireux d'en finir avant la fin de la session extraordinaire, le 13 juillet,
avait intégré ce volet au texte-cadre, lors de son passage à l'Assemblée nationale. Il avait
aussi fixé le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département et chaque région.
Ce tableau, supprimé par la commission des lois retrouve in extremis sa place.
C'est par un Score « soviétique » — 335 voix contre, 5 voix pour —que, le 6 juillet, le Sénat
repousse l'article 35 sur la répartition des compétences établie par l'Assemblée nationale.
Enterrés, les principes normatifs qui restreignaient la liberté d'intervention des
départements et des régions; retour à la version sénatoriale du projet présenté en première
lecture. Une loi sur les compétences doit, de nouveau, intervenir dans les douze mois après la
promulgation du texte-cadre.
Seul motif de consolation pour le noyau dur de l’UMP : à l'occasion de la dernière séance de
débat, l'amendement communiste voté le 30 juin érigeant «la compétence générale» au rang
de «principe fondateur de la libre administration des collectivités» disparait du projet de loi.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Les métropoles ressortent moins amoindries en seconde lecture qu'en première. Les
sénateurs, dans le droit fil de la mission « Belot, Gourault, Krattinger2 », élèvent la barre de
qualification à 500 000 habitants. Le seuil de 450 000, fixé par le gouvernement dans son
avant-projet de loi de juillet 2009, n'avait jusqu'ici subi aucune modification. Par ailleurs, la
date butoir d'achèvement et de rationalisation de l'inter-communalité est avancée du 1er
juillet 2013 au 1er mars 2013, soit environ un an avant le scrutin municipal de 2014, source de
blocages selon les communes et leurs inter-communalités.

Rapport d’information n° 471 sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, par Claude Belot,
2

Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, Juin 2009


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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 7 comptes et légendes sur la décentralisation
La Lettre du Cadre Territorial - Bruno Rémond, Professeur à Sciences Po Paris
1er décembre 2009

Idées reçues, raisonnements tronqués, comparaisons abusives émaillent et polluent


constamment, en vagues désordonnées à la surface d'une profonde méconnaissance des
réalités institutionnelles et territoriales, un débat essentiel sur un thème majeur. À l'orée du
XXIe siècle, après 25 ans de décentralisation hésitante et parfois crispée, succédant à une
très longue tradition, autant sinon plus culturelle que politique, de centralisation exacerbée,
quelle doit être l'architecture des pouvoirs publics en France au sein d'une Europe dont
presque tous les État se sont fortement régionalisés ?
Quels pouvoirs publics, aux niveaux national et territorial ? Quels mandats et quelles missions
confier aux élus du suffrage universel direct, de la commune à l'État ? Quelles institutions
conserver, moderniser, supprimer ? Où, comment et pour quoi faire ?

Jugements hâtifs, positions partisanes, splendide isolement hexagonal abondent. Certes, les
solutions ne sont pas évidentes. Mais leur élaboration implique au minimum de ne pas les
ancrer dans des analyses erronées conduisant à des propositions de réforme inadéquates ou
inefficaces
Pour élever le débat, levons 7 erreurs majeures trop souvent assénées et martelées.

La France souffre du mille-feuille territorial


«Nous ne pouvons pas continuer avec un mille-feuille de collectivités dont le rapport
coût/efficacité, surtout en période de crise, n'est pas acceptable. » Frédéric Lefebvre

Cette formule rend gourmands les journalistes peu compétents et les politiques trop jacobins.
Faisons la monnaie de cette expression afin de distinguer les vraies difficultés des fausses
réalités.

Certes, il eut été préférable de créer les 47 grands départements conçus par Michel Debré
en 1949 ou de retenir l'idée des 10 régions, avancée par François Perroux, de fusionner les
communes en 1971 par application de la loi Marcellin, de choisir entre le département et la
région ainsi que le préconisait Valéry Giscard d'Estaing en 1975, puis de concrétiser les
propositions du rapport « Vivre ensemble » de 1976-1977. Mais, évacuées ou avortées, ces
réformes n'ont pas eu lieu et le nouveau dessein politique impulsé par la décentralisation en
1982 a dû s'inscrire dans le dessin institutionnel et géographique d'une France locale conçue
et structurée pour servir au mieux l'omniprésence de l'État. De ce passé, faire table rase est
impossible.

Impossible et inutile, car les problèmes fondamentaux qui affectent structurellement


l'administration territoriale française depuis plus de 20 ans n'ont pour origine ni l'empilement
des niveaux de collectivités, ni la taille des départements ou celle des régions.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 81


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
L'empilement ? Tous les pays qui nous environnent ont trois niveaux de collectivités. Mais
certaines sont spécialisées, et les régions ou collectivités assimilées exercent en général en
lieu et place de l'État la tutelle et le contrôle des autres collectivités locales. Par ailleurs le
tissu commun a été depuis longtemps restructuré, les EPCI ne foisonnent pas à l'excès et
l'État central n'y est pas l'alpha et l'oméga de toute orientation, de toute décision et de
toute réalisation.

Des régions trop petites ? Peut-être parfois, mais ce n'est pas essentiel : le territoire des
régions belges n'est pas immense, certains Länder allemands sont moins vastes et moins
riches que nombre de nos régions, toutes les régions d'Autriche sont plus petites. L'État du
Maine aux États-Unis a moins d'habitants que le Val-de-Marne et 40 États américains ont
moins d'habitants que l'Ile-de-France. Enfin, l'Écosse n'a que 5,4 millions d'habitants. Et le
même raisonnement vaut pour les départements, des plus riches comme celui des Hauts-de-
Seine aux plus dépeuplés, comme l'est la Creuse...

Alors que faire ? Succinctement, en s'en tenant aux grandes lignes directrices :
- restructurer le tissu communal, non en multipliant les structures fonctionnelles et
techniques, mais en réorganisant l'échelon démocratique qu'est le conseil municipal
élu au suffrage universel direct (cf. le point sur l'intercommunalité) ;
- caler les cartes départementale et régionale sur les réalités économiques et
sociales en abandonnant la solution typiquement française d'un découpage
territorial uniformément et faussement égalitaire. Les petites régions pourraient
ne pas comporter de départements, les grandes agglomérations pourraient
absorber les responsabilités actuellement dévolues aux départements ;
- créer de véritables blocs de compétences confiant de véritables responsabilités de
définition et de réalisation de politiques publiques à chaque niveau, en appliquant
enfin le principe de subsidiarité ;
- mettre fin aux doublons et aux doubles emplois qui existent principalement entre
l'État et les collectivités locales et non entre celles-ci ;
- conférer aux régions une capacité normative de niveau réglementaire permettant
une application adaptée aux réalités des textes législatifs.

Il faut plus d'intercommunalité


« En matière d'intercommunalité […], le gouvernement se fixe trois objectifs : la couverture
intercommunale intégrale du territoire […], la rationalisation des périmètres des structures
intercommunales […], l'approfondissement de l'intercommunalité […] ». Brice Hortefeux

Fausse solution adoptée depuis janvier 1959 pour résoudre les problèmes posés par
l'émiettement de la carte communale française, le développement de l’intercommunalité
présente de gros inconvénients, aggravés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet
1999, dite « loi Chevènement » :

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 82


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
- aux 36 793 communes se sont ajoutés 15 688 syndicats et 2 601 communautés
d'agglomération ou de communes à fiscalité propre. La France est dotée du réseau
le plus « encombré » de structures (55 802), uniquement investies de la mission de
gérer les actions publiques de proximité au service des habitants :
arithmétiquement, en moyenne statistique, une structure communale ou assimilée
pour 1 154 habitants ! Chiffre absurde, mais pas plus que la réalité ;
- les effectifs des EPCI sont passés, entre 1980 et 2006, de 170 501 agents à 420
868 (+ 250 000) sans pour autant que diminuent à due concurrence les effectifs
des communes (+ 323 000 agents au cours de la même période) ;
- cette superposition des structures crée souvent des phénomènes de polysynodie,
des dysfonctionnements et, en règle générale, des doublons générateurs de
surcoûts ;
enfin le dédoublement institutionnel ainsi créé (la commune comme entité politique, l'EPCI
comme organe fonctionnel) accroît tout à la fois l'irresponsabilité des élus et l'illisibilité
démocratique des responsabilités locales pour les citoyens.

Il aurait mieux valu refondre la carte communale en transposant la loi PLM à l'échelle de la
France : un conseil municipal, des conseils d'arrondissements pour les petites communes
agrégées en une nouvelle entité unique. Au lieu de cela, le projet de réforme des collectivités
locales prévoit de généraliser à l'ensemble des communes la formule des EPCI, d'une part, et,
d'autre part, de créer deux nouveaux niveaux intercommunaux, les métropoles et les pôles
métropolitains.

Les collectivités ne savent pas réduire leurs effectifs


« Les collectivités territoriales ne peuvent plus continuer à créer plus d’emplois que l'État
n'en réduit. ». Nicolas Sarkozy

On impute faussement à la décentralisation la croissance de l'emploi public enregistré au


cours des deux dernières décennies. Et on en déduit un jugement fort critique sur la gestion
des élus départementaux et régionaux affectataires des compétences transférées par l'État.
Or, si le constat brut est exact (+ 1 275 571 agents publics entre 1980 et 2006), l'analyse est
fortement erronée. N'ayant rien à voir avec la décentralisation, les effectifs de la fonction
hospitalière ont augmenté de 42 % (+ 282 789) et ceux de l'État, alors même, qu'il
transférait compétences et agents aux régions et aux départements, de 16,16 % (+ 351 271).

Quant à la fonction publique territoriale, responsable de la moitié de la croissance des


effectifs publics depuis 25 ans (+ 651 501 agents, soit + 62,8 %), là encore la décentralisation
n'est pas à incriminer :
+ 19 000 agents au niveau régional et
+ 45 000 dans les départements contre
+325 000 dans les communes et surtout + 250 000 dans les EPCI !

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 83


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Aussi l'augmentation des effectifs territoriaux due à la décentralisation n'aura été, depuis
1981, que de 10 % des effectifs territoriaux, ce qui correspond à peu près aux effectifs
nécessaires pour définir et gérer les politiques publiques transférées (éducation initiale, aide
sociale, équipements routiers, formation professionnelle). Quant à la croissance des effectifs
au niveau communal, sa cause principale est la mutation des demandes des citoyens : aides
sociales, développement des crèches et des cantines scolaires, accroissement des
équipements sportifs ou culturels, embellissement et fleurissement des villes...

In fine, la palme de la mauvaise gestion revient à l'État, dont les effectifs ont globalement
été fort peu sensibles à la décentralisation, distinction qu'il partage avec l'ensemble « EPCI »
dont la structure en personnel a été bien souvent désordonnée et coûteuse.

Les collectivités dépensent toujours plus


« IL faut modérer la dépense locale, c'est indispensable. ». Éric Woerth

Certes, les budgets des collectivités locales ont singulièrement augmenté depuis le lancement
de la décentralisation en 1982. À cela, quatre raisons, fondamentalement différentes, qu'il ne
faut surtout pas amalgamer au risque de déboucher sur une critique sans fondement :
- les transferts de compétences de l'État vers les collectivités, soit n'ont pas été
intégralement compensés financièrement (effectifs des personnels ATOS
transférés par l'État insuffisants pour permettre un bon fonctionnement des
collèges et des lycées), soit ont connu une croissance automatique de leur coût,
compte tenu de la nature de la politique publique ou des modifications législatives
décidées par l'État (RMI puis RSA, accueil des handicapés, personnes âgées,
nouvelles normes...) ;
- la volonté des élus de rendre un meilleur service aux citoyens ou aux usagers,
volonté légitime rencontrant les souhaits de la population (TER, réseau routier,
formation professionnelle, investissements universitaires...) ;
- le développement de nouvelles politiques correspond à la mutation des données
économiques, sociales et psychologiques ayant affecté la société au cours du
précédent quart de siècle : environnement, innovation, recherche, nouvelles
technologies, aides aux chômeurs, orientation des jeunes en difficultés... ;
- la prise en charge du financement de près des trois quarts des investissements
publics civils annuels en lieu et place de l'État (35 Md d'euros en 2008 contre
seulement 13 Md d'euros pour l'État – le rapport était inverse en 1980) dont la
réalisation, malgré certaines dérives coûteuses mais peu nombreuses, permet
conjointement de développer ou d'améliorer les équipements publics et de soutenir
l'activité des entreprises.

Qui peut imaginer se passer des services et des équipements de toute nature à la charge des
collectivités locales et au profit des citoyens ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 84


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
L'État donne déjà beaucoup aux collectivités
« La vérité, c'est que l'État s'endette pour apporter les financements aux collectivités ».
François Fillon

Cette affirmation laisse rêveur car nul n'ignore les motivations politiques et techniques ayant
entraîné, depuis le milieu des années 1980 une importante augmentation des dotations de
l'État aux collectivités locales, près de 70 Md d'euros en 2009.

Elles sont toutes mécaniquement le produit de décisions dont aucune ne relève d'une
démarche caritative puisque toutes répondent à la nécessité de dédommager les collectivités
des conséquences financières ou fiscales des décisions prises par l'État à son profit politique
ou budgétaire :
- la dotation globale de fonctionnement est le résultat de la suppression de la taxe
locale (encaissée par les communes) du fait de la généralisation de la TVA
(encaissée par l'État), après diverses péripéties et en tenant compte de nombreux
ajustements ;
- les différentes dotations générales de décentralisation sont censées compenser les
charges supplémentaires des collectivités entraînées par les transferts de
compétences intervenus depuis 1983 ;
- le Fonds de compensation de la TVA rembourse logiquement aux collectivités
l'impôt illogiquement réglé à l'État sur les investissements qu'elles ont financés, et
encore ce dispositif ne s'applique-t-il qu'aux investissements et qu'aux sous-
investissements dont elles ont la maîtrise d'ouvrage ; les compensations
d'exonération fiscales ou de dégrèvements sont la stricte résultante des décisions
législatives de l'État dans le domaine fiscal lorsqu'elles affectent négativement les
ressources des collectivités locales sans modifier leurs obligations et leurs
charges.

Nous n'en sommes plus, en effet, aux temps heureux des années Pompidou ou Chaban-Delmas,
où les collectivités bénéficiaient des largesses d'un État riche, sous forme de subventions
d'équipement et de prêts bonifiés.

Pour l'avenir, plutôt que de développer des arguties où l'État serait tout à la fois vertueux et
généreux, à son détriment et au profit des collectivités, il serait préférable de refondre
l'ensemble de la fiscalité française, nationale comme locale. Il s'agit de permettre à chacun
des niveaux de responsabilités dirigés par des élus du suffrage universel direct (État,
régions, départements, communes) de disposer des ressources d'origine fiscale nécessaires à
l'exercice de ses missions. Telle n'est pas la situation actuellement : à l'État, les ressources
des grands impôts nationaux productifs ; aux collectivités locales, le produit peu dynamique
des « quatre vieilles » dont ce même État s'est progressivement dessaisi au fur et à mesure
de la création de modalités fiscales plus productives (impôt sur le revenu, impôt sur les
sociétés, TVA).

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 85


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Il faut supprimer la taxe professionnelle
« La taxe professionnelle est un impôt imbécile. » François Mitterrand, Jacques Chirac,
Nicolas Sarkozy et bien d'autres.

Est-il logique et démocratique de vouloir exonérer les entreprises du financement des


services et des investissements locaux dont elles bénéficient, qu'il s'agisse de leur cadre de
vie ou de celui de leurs salariés ? Et cela, au prétexte que la taxe professionnelle
handicaperait leur dynamisme et leur compétitivité, alors que ce dynamisme et cette
compétitivité ne souffrent pas de l'existence d'un impôt local payé par les entreprises dans
tous, les pays qui nous entourent ! Tel est pourtant l'objectif du projet de loi relatif à la
suppression de la taxe professionnelle. En effet, alors que cet impôt constitue une ressource
essentielle pour les collectivités locales (43,9 % du produit des 4 taxes locales) et la seule de
nature dynamique car liée à l'évolution économique, alors que l'État, en conséquence des
nombreuses réformes depuis 1989, en règle déjà 24 % du produit attendu (plus de 7 Md
d'euros sur 29,6 Md d'euros) à la place des entreprises, ce projet de loi propose la création
de deux nouveaux impôts locaux dont le produit total atteindrait seulement 12,8 Md d'euros
en 2010, laissant à la charge de l'État le soin de pallier la diminution de l'impôt payé par les
entreprises, soit 16,8 Md d'euros.

Si ce texte est adopté, les citoyens supporteront à l'avenir, par l'intermédiaire des
compensations aux collectivités locales versées par l'État, 57 % de l'impôt local dû par... les
entreprises ! Soit 81 % des impôts locaux directs. Belle traduction du principe d'égalité
républicaine devant l'impôt ! Impôt logique et démocratique, dans son principe, la TP ne
devrait pas être supprimée, même si sa réforme (égalisation géographique des taux comme
des produits, modification des bases et des assiettes pour répartir son poids de manière plus
uniforme sur l'ensemble des secteurs économiques) s'impose depuis longtemps, ce dont tout
un chacun convient.

Taxer l'activité économique n'est pas imbécile, pas plus qu'assujettir à l'impôt les ménages.
Est imbécile en revanche la suppression de cette taxation dont il est possible de corriger, par
une réforme adéquate, les. Défauts ou les excès.

Les collectivités alourdissent la dette publique


« Nombre de collectivités, croulent sous le poids de la dette. » Le Point, 29 octobre 2009

Déformation de la réalité et perversion du jugement marquent la question de l'endettement


des collectivités locales, fondamentalement différent de celui de l'État qui handicape, lui,
lourdement l'avenir de la France. Globalement, 1 200 Md d'euros pour l'État (plus de quatre
fois son budget annuel) et moins de 120 Md d'euros pour les collectivités locales (67 % du
budget annuel de l'ensemble des collectivités locales : dix fois moins !). Chaque année, l'État
rembourse 114 Md d'euros de capital emprunté contre seulement 13,8 Md d'euros pour les
collectivités locales. Financièrement le recours à l'emprunt s'est élevé à 165 Md d'euros pour

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
l'État en 2008, les collectivités locales n'accroissant l'encours de leur dette que de 8 Md
d'euros. Budgétairement, l'État connaît un déficit structurel (52 Md d'euros en 2008 et plus
de 120 Md d'euros en 2009) alors que les collectivités sont législativement tenues à
l'équilibre budgétaire.
Quant aux intérêts de la dette, qui s'élèvent en 2009 à 54 Md d'euros pour l'État (presque
autant que le produit de l'impôt sur le revenu), leur créance impose à l'État d'emprunter pour
les rembourser, processus de « cavalerie » budgétaire interdit aux collectivités locales.

Économiquement, surtout, la dette de l'État et son recours à l'emprunt permettent seulement


de régler des dépenses de fonctionnement du passé alors que le recours à l'emprunt des
collectivités locales est une modalité de financement d'investissement soutenant le
développement économique du présent et organisant l'avenir. Ainsi, contrairement aux idées
reçues, la « dette » des collectivités contribue au développement économique, sous-tendant
fortement l'activité des entreprises, et à l'aménagement harmonieux du territoire.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Les rendez-vous manqués de la réforme
Revue Territoires, Mars 2010

Généraliser les conseils de développement

L'une des critiques majeures du projet de loi est l'absence de toute référence à la société
civile et à la participation des citoyens. Quelles que soient les insuffisances et les dérives
dans le fonctionnement des conseils de développement, nous pensons qu'ils constituent le
meilleur interlocuteur institutionnalisé des élus communautaires pour mener une concertation
relative aux projets locaux de développement. Ils symbolisent « la nouvelle gouvernante »
dont on parle tant c'est-a-dire l'idée que l'on ne peut plus construire, gérer et évaluer
aujourd'hui des politiques publiques sans la participation organisée des citoyens au processus
de la décision publique.

 Collaborations variables avec les élus


Il est évident que dans l'esprit du Gouvernement, le coup d'arrêt porté aux Pays, par l'article
25 du projet de loi, signifie aussi la minimisation, voire l'ignorance des rôles joués par les
conseils de développement des Pays. Devant le silence du texte, nous nous interrogeons pour
savoir si les conseils de développement des agglomérations sont, eux aussi, concernés. Comme
pour les Pays, nous sommes conscients des positions diverses des élus à l'égard de cette
institution. Certains l'ont appréciée et ont mené avec elle des collaborations fructueuses
durables. D'autres se sont empressés de la mettre en sommeil et de l'oublier aussitôt qu'elle
eut rempli son obligation légale de participation à l'élaboration d'un projet de territoire. Nous
ne devons donc pas nous attendre à un soutien général des élus à l'égard des conseils de
développement, La première lecture sénatoriale a d'ailleurs parfaitement illustré cette
indifférence, parfois cette hostilité.

 Favoriser la création des conseils de développement et élargir leurs objectifs


Cela ne doit pas nous empêcher de nous battre pour leur maintien là où ils existent, et mente
pour leur extension la où ils n'existent pas encore. Nous prônons donc la création de conseils
de développement auprès des communautés de communes, surtout si celles-ci doivent élargir
leur périmètre et étoffer leurs compétences. Nous prônons la création de conseils de
développement, auprès des conseils de métropole, si ces dernières devaient être créées
(article 5 du projet). Nous prônons même la création de conseils de développement auprès des
parcs naturels régionaux, certains Parcs ayant d'ailleurs déjà réfléchi à cette opportunité, ou
carrément franchi le pas, comme le PNR du Verdon.
Nous estimons aussi que la loi qui a créé les conseils de développement leur a assigné un
objectif officiel et obligatoire trop limité, dans la nature et dans le temps l'élaboration d'un
projet de territoire. C'est cette limitation qui a ensuite permis de mettre des conseils de
développement en sourdine, voire en léthargie. Nous pensons, au contraire, que la loi doit
assigner aux conseils de développement des objectifs plus larges et pérennes. Ils doivent
être associés à l'ensemble des processus de construction des politiques publiques
territoriales, ainsi qu'à leur mise en œuvre et à leur évaluation. Cet objectif conduit aussi à

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
revoir les règles de composition et de fonctionnement des futurs conseils de développement
Enfin, nous tenons à bien faire une distinction entre les conseils de développement et les
conseils économiques, sociaux et environnementaux locaux qui existent aussi ici et là. Les
premiers rassemblent des représentants de la société civile, les seconds des experts. Leurs
fonctions ne doivent donc pas être confondues.

Approfondir la réflexion relative à la métropolisation, repenser les rapports de l'urbain


et du rural

Dans l'argumentaire gouvernemental, la création des métropoles ne correspond pas à une


vision claire de l'aménagement du territoire, mais elle est justifiée par la compétition
capitaliste européenne et mondiale. La volonté de créer les métropoles ne s'embarrasse pas
d'une réflexion relative aux profondes déstabilisations qu'elles vont provoquer pour les
communes, les départements et les régions.

 Périmètre trop incertain


La formidable puissance du pouvoir métropolitain, telle qu'elle est esquissée dans le projet de
loi, risque de constituer une grave menace sur l'existence même des communes membres. La
métropole peut aussi annoncer la disparition d'un certain nombre de départements, comme le
rapport Balladur le suggérait. En leur attribuant obligatoirement des compétences de nature
stratégique, on leur donne une dimension qui les met aussi en compétition avec les régions. Il
faut poser, plus nettement que dans le projet de loi, le problème de l'équilibre souhaitable
entre les différentes structures. Le Sénat s'est surtout attaché à préserver le maximum de
pouvoir communal face au pouvoir métropolitain.
L’une des faiblesses du projet de loi est de ne donner aucune précision sur le périmètre des
futures métropoles. Les définitions géographiques et statistiques des agglomérations, des
aires urbaines, des régions urbaines sont différentes. Elles nous font craindre que l'aire des
métropoles s'étende très loin sur le périurbain, voire sur le rural, devenant « naturellement »
l'espace d'une extension future.

 Pour une métropolisation soutenable


Si nous pouvons accepter l'idée d'un renforcement du pouvoir des métropoles, par la création
ou non d'un nouveau statut (nouvel établissement public de coopération intercommunale,
nouvelle collectivité locale, ou extension des compétences des communautés urbaines
existantes ?), il faut d'abord mettre les problèmes de l'urbanisation et de la métropolisation
en rapport avec les impératifs du développement durable. Nous refusons la poursuite, voire
l'accentuation de l'étalement des villes en tache d'huile, déstructurant les sociétés et les
communes de périphéries de plus en plus lointaines, faisant disparaître des espaces
maraîchers, agricoles et naturels, rendant même inapplicables les prescriptions
environnementales des chartes des Parcs naturels régionaux ayant une partie de leur
territoire en zone périurbaine.
Nous sommes partisans d'une ville dense et compacte qui se construit sur elle-même et qui
cesse de s'étendre indéfiniment à ses périphéries. Cela ne signifie pas une ville de tours

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
serrées, privée d'espaces verts, d'espaces publics et de respirations, mais l'utilisation
intelligente de tous les espaces disponibles ou réutilisables. Autrement dit, si métropoles il y
a, elles doivent être contenues dans l'espace.
C'est pour les mêmes raisons que nous sommes attentifs aux évolutions du Grand Paris.
L'organisation territoriale actuelle (communes, intercommunalités généralement balbutiantes
et départements) a été incapable de freiner les dérives du développement périurbain. On peut
donc admettre qu'il est nécessaire de la réformer, mais il faut se demander à quelles
conditions une autorité métropolitaine forte et auto-construite pourrait faire mieux.
Beaucoup d'intercommunalités se sont constituées aux frontières des métropoles, souvent
pour contrer leur extension hégémonique. Le développement périphérique des grandes villes
correspond également au règne souverain de la voiture et à une accentuation fantastique des
mouvements pendulaires quotidiens. Le renchérissement du pétrole, les impératifs climatiques
annoncent la fin de ce système, conduisent au resserrement spatial, que la création des
métropoles ne doit pas contredire.

 Indispensable péréquation
Nous refusons aussi la compétitivité ultra-libérale qui enrichit les personnes et les territoires
riches et qui laisse tomber les hommes et les territoires pauvres ou en cours de
paupérisation. Une politique nationale du « tout urbain », transformant de plus en plus le rural
en espace résiduel ne saurait constituer une politique d'aménagement du territoire. Une fois
de plus, le problème majeur de la péréquation se pose aussi bien à l'intérieur des métropoles
qu'entre les métropoles et le reste du territoire. Il faut poser fortement la question des
structures et des moyens qui permettraient, à tous les territoires, et pas seulement aux
métropoles, de maîtriser le problème foncier, de répondre aux prescriptions impératives du
développement durable, en particulier à celles du développement des transports en commun et
des circulations douces et à celles des politiques de rapprochement du domicile et du travail.
De nouveaux rapports interactifs entre l'urbain et le rural doivent être repenses, dans une
nouvelle perspective d'aménagement du territoire.

 Privilégier la piste des pôles métropolitains


Nous attachons beaucoup d'importance à la question de la gouvernance des métropoles. Nous
refusons un mode d'organisation entièrement imposé d'en haut et nous privilégions toutes les
dispositions qui favoriseraient la coopération interne, c'est-à-dire des contrats de
développement liant les différentes unités qui composent la métropole. L'association de la
société civile à la définition des métropoles et à leur gouvernance est totalement tenue sous
silence, et nous le regrettons. Il faudrait démontrer, enfin, en quoi la législation actuelle des
communautés urbaines est insuffisante pour répondre à la gouvernance des grandes
agglomérations et, par conséquent, mieux justifier la création d'une nouvelle législation
métropolitaine. Il est nécessaire d'approfondir notre réflexion sur « le péri-urbain » et son
statut et de s'interroger sur les agglomérations polycentristes, qui ne se résument pas à une
seule ville centre et à des couronnes de banlieue polarisées. Beaucoup d'agglomérations
possèdent des pôles secondaires qu'il faut renforcer pour réduire les déplacements. Le cas du
Grand Paris est exemplaire de ce point de vue. Cette option ouvre la perspective de plusieurs

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
intercommunalités pour une même agglomération ou pour une même métropole. De ce point de
vue, la piste des pôles métropolitains nous semble plus productive ; plusieurs communautés
passent librement entre elles des accords de coopération. On évite ainsi qu'une seule entité
absorbe tout ce qui l'entoure.

Encourager les conventions de collaboration entre collectivités, pouvant aller jusqu'à leur
fusion

Nous sommes partisans de toutes les formes ascendantes de collaborations négociées entre
les acteurs locaux. Nous sommes, par contre, opposés à toutes les formes descendantes qui
seraient imposées par l'État central. Nous avons toujours défendu les fusions de communes,
voire de départements ou de régions, à condition qu'elles soient volontaires, initiées par les
élus et acceptées majoritairement par les populations.

 Clarifier les relations de pouvoir, de compétences et de moyens entre les communes


nouvelles et les communes déléguées

Sur ces questions, le projet de loi est ambigu. Il contient des aspects positifs, comme le
nécessité de laisser l'initiative aux élus et celle d'organiser un référendum auprès de la
population. Mais il contient aussi des aspects négatifs, essentiellement dans les pouvoirs
d'initiative ou de blocage laissés aux préfets. Comme nous l'avons dit, le préfet ne doit
pouvoir intervenir que si, à une date butoir prévue par la loi, les élus locaux n'ont pas réussi à
s'auto-organiser.
Les communes nouvelles ne sont pas scandaleuses en soi si elles permettent aux acteurs
locaux de réfléchir à. l'optimalisation de la gouvernance locale. Mais il est absolument
nécessaire de clarifier les relations de pouvoir, de compétences et de moyens entre les
communes nouvelles et les communes déléguées Ce qui se passe, avec la loi PML3, entre les
mairies centrales et les mairies d'arrondissement ou de secteurs ne peut pas servir de
modèle et nous satisfaire à l'heure où les élus d'arrondissements et de secteurs revendiquent
d'être autre chose que des figurants donneurs d'avis ou des gestionnaires de domaines très
mineurs. De nombreuses propositions de réforme de la loi PML montrent qu'on ne peut pas la
considérer comme un modèle satisfaisant et qu'elle-même doit être réformée.

 Tirer les départements vers les territoires plutôt que les en éloigner en direction de
la région
Le projet de loi est fondé sur le rapprochement du département et de la région, par le biais
des conseillers territoriaux. Nous pensons que cette voie est erronée dans son principe et
dans ses modalités électorales. Il faut plutôt chercher dans la direction du rapprochement

3
Loi n° 82-1159 du 31 décembre 1982, dite loi Paris Marseille Lyon, relative à l'organisation administrative de
Paris, Marseille, Lyon, et des établissements publics de coopération intercommunale, qui transforme les anciennes
mairies d'arrondissement en structures élues à l'échelon local qui n'en deviennent pas pour autant des mairies de
plein exercice.
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des départements et des grandes intercommunalités redécoupées, c'est-à-dire tirer les
départements vers les territoires plutôt que les en éloigner en direction de la région. Cette
dernière doit être centrée sur ses taches stratégiques de prospective, en liaison avec l'État
et l'Europe, et non sur des taches gestionnaires quotidiennes. C'est dans cette perspective
que l'on peut imaginer des rapprochements négociés et contractualisés entre les
départements et les intercommunalités, principalement dans le domaine de l'aide sociale qui a
intérêt à être gérée au plus près du terrain.

Sauver l'acquis des Pays

Les quatre éléments ci-dessous de l'argumentaire pour « sauver » les Pays sont issus des
travaux des États généraux des Pays et du Manifeste des Pays qui s'en est suivi, en décembre
2008 (Unadel - ADCF - APFP), ainsi que des analyses de Ronan Le Délézir, maître de
conférence en aménagement du territoire, à l'Université de Bretagne-Sud.
. Les Pays sont des territoires de projets, c'est-à-dire des espaces de réflexion qui rendent
des services aux communautés de communes et aux acteurs d'un territoire, afin de
déterminer et de traiter les priorités du développement et de l'aménagement qua dépassent
l'échelle d'une seule communauté ;
. Les Pays correspondent pour la plupart aux bassins de vie ; ils facilitent l'articulation urbain
/ rural, c'est-à-dire de la ville et de son arrière-pays ; ils répondent à de nombreux enjeux
d'aménagement du territoire et du développement durable comme la péri-urbanisation,
l'urbanisation ou la solidarité entre des territoires différents, mais complémentaires : c'est
la raison pour laquelle on constate que de nombreux Pays portent avec succès des schémas de
cohérence territoriale (Scot) ;
. Les Pays constituent de bons cadres pour la contractualisation des politiques territoriales,
comme les volets territoriaux des régions, les pôles d'excellence, ou des programmes
européens comme Leader+ ; ils ont aussi prouvé leurs capacités d'innovation et
d'Expérimentation en développant des partenariats public / privé ;
. Les Pays, par le biais de leur conseil de développement ; favorisent le dialogue territorial,
c'est-à-dire l'émergence d'une nouvelle forme de gouvernance locale, dans l'esprit du
développement durable.

 Dangers d'effacement progressif de soutien aux Pays


Les Pays ont vécu pendant trente ans sans aucune existence légale : de 1965, où le Pays du
Mené entame son développement sous ce label, à 1995 date à laquelle la loi Pasqua, suivie de la
loi Voynet, leur donne une existence nationale légale. L'article 25 du projet de loi ne signifie
donc pas automatiquement la fin des Pays. Après une période d'ambiguïté, le gouvernement a
fini par admettre, devant le Sénat, que cet article ne signifiait pas la disparition des pays
existants, mais l'interdiction de créer de nouveaux Pays. C'est revenir à la position du rapport
Balladur. Elle présente des dangers d'effacement progressif de soutien aux Pays qu'il ne faut
pas minimiser. Le gouvernement a insisté sur le fait que les Pays existants pourraient
continuer à gérer les contrats en cours. La « Sûreté juridique » de la contractualisation a
semblé plus importante que l'existence même des Pays. Mais il n'est pas absolument certain

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
que les Pays seront habilités à négocier de nouveaux contrats.

 En finir avec les préjugées sur les Pays


Dans ce domaine aussi, l'offensive communaliste des sénateurs a été importante, Ceux-ci
pensent que les contrats portés par les Pays pourraient titre aussi bien portés par les
communes, à la rigueur par les intercommunalités. Ils affirment qu'il serait intolérable que les
départements et les régions soient obligés de passer par les Pays pour contractualiser avec
les communes (ce qui est pourtant pratiqué par plusieurs régions pour assurer la cohérence de
leurs interventions à des échelles territoriales pertinentes et pour éviter le saupoudrage). Ce
serait admettre que les Pays exercent une tutelle sur les communes et sur les
intercommunalités ! Il faudra revenir sur toutes ces questions pour dénoncer les
contrevérités, les préjugés à l'égard des Pays, et mieux illustrer l'intérêt des pratiques de
solidarité, de mise en cohérence, d'innovation et d'expérimentation qu'ils portent.

 Mauvaise cote
Les Pays n'ont pas toujours bonne cote auprès des élus, qui les ont assez souvent acceptés
par opportunisme, sous la pression de certains préfets ou pour la carotte des financements
des contrats de Pays. Dans un nombre important de territoires, les Pays se sont aussi imposés
avec l'appui de la mobilisation de mouvements de développement local. Il existe, certes, de
nombreux élus persuadés de la pertinence de cette structure et convaincus des valeurs de la
démarche de développement local, mais il existe au moins autant d'adversaires déclarés,
feutrés ou d'indifférents. Ne nous faisons pas d'illusions, beaucoup d'élus verront les pays
disparaître sans verser une larme : trop de place donnée à la société civile et aux agents de
développement, trop de contestation des politiques des notables, trop de bouillonnement
d'idées novatrices et dérangeantes, trop d'indiscipline par rapport à leur autorité... Nous
combattons l'idée selon laquelle l'effacement des pays serait liée à la « simplification du
mille-feuille ». Le gouvernement avance une contre-vérité, dans l'argumentaire qui
accompagne le projet de loi, lorsqu'il dit que les Pays ont tendance à devenir un échelon
administratif supplémentaire. Nous n'avons jamais constaté cette tendance sur le terrain. Les
Pays ne sont que des territoires de projet au service des intercommunalités.

 Les Pays jouent leur avenir sous d'autres formes


Demain, le maintien du dynamisme des Pays dépendra essentiellement des choix politiques qui
seront effectués par les conseils régionaux et, à moindre degré, par les conseils généraux.
Nous avons déjà noté qu'une des formes pourrait être l'élargissement des périmètres, par
fusion de communautés, pour atteindre la dimension d'un Pays, comme c'est déjà le cas dans
quelques territoires. Mais, on peut aussi concevoir des Pays, prenant le plus souvent la forme
associative, et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'empêcherait les conseils
régionaux et les conseils généraux de reconnaître et de soutenir, comme ils le font déjà pour
bien d'autres associations et réseaux. Certaines régions, qui ont déjà nié un rôle majeur dans
le développement des Pays et dans des programmes régionaux territorialisés, sectoriels et
globaux, pourraient continuer dans cette direction, même si l'Etat abandonne les Pays. Elles
peuvent difficilement se résigner à faire disparaître un réseau pour la constitution duquel

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
elles ont déjà déployé beaucoup d'énergie. Le Conseil économique social et environnemental
national suggère de retarder l'abandon légal des Pays jusqu'à ce que les intercommunalités
aient été, complètement restructurées et aient atteint partout une taille pertinente. C'est
une suggestion à étudier.

 Valoriser les acquis des Pays


Ce ne sont pas tellement les structures que nous défendons, mais les richesses qu'elles ont
apporté à la France, au travers de quarante-cinq ans d'histoire, en matière d'aménagement du
territoire, de développement territorial et de démocratie participative. Autrement dit, il
nous faut reconstruire un nouvel argumentaire pour défendre les acquis du mouvement du
développement local et des Pays, inventaire qui peut servir aussi bien à leur pérennisation
qu'au transfert de leurs démarches à d'autres structures. Les pistes de valorisation de
l'acquis des Pays ne manquent pas animation et mobilisation sociales, démocratie participative,
symbolisée dans la dernière période par le fonctionnement des conseils de développement,
mais aussi par bien d'autres initiatives, passage de projets sectoriels portés par différentes
catégories d'acteurs à des projets territoriaux globaux (contrats, chartes, programmes
européens), incarnation sur le territoire des politiques conçues par l'Europe, par l'État, par
les régions ou les départements, marketing territorial et liens nouveaux avec des entreprises
créatrices d'emplois locaux, prise en compte et expérimentations sociales multiples à propos
des politiques nouvelles comme celles du développement durable et de l'économie sociale et
solidaire. Tout cela ne peut se perdre et la liste est loin d'être exhaustive.
Deux acquis majeurs dominent : la possibilité pour les citoyens de participer à la définition
d'un projet territorialisé collectif (c'est l'apport des conseils de développement) ; la
possibilité de coordonner l'action publique dans un périmètre pertinent et d'apporter une
ingénierie au service d'un territoire. Ces deux aspects ne figurent pas dans le projet de loi et
il serait bien utile de les y introduire, qu'ils soient attachés aux Pays maintenus, ou qu'ils
soient attachés à une autre structure qui reprendrait les mêmes fonctions. Nous croyons, la
survie des Pays, de leur esprit et de leurs démarches.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 La crise, la réforme… Et après ?
Par David Alcaud, Enseignant-chercheur en science politique, consultant et formateur
auprès des collectivités territoriales, du CNFPT et de l’INET
La Lettre du Cadre Territorial, 15 mai 2010, n° 401

La territoriale est inquiète. Multiplication des rapports de « modernisation », réforme


des collectivités, activité autour du « Grand Paris », sans oublier le chantier de la TP, il
faut dire que tout, dans le contexte actuel, pousse à cette inquiétude.

Avec un agenda chargé sur les questions politiques, institutionnelles et économiques, c'est
l'ensemble du système territorial qui paraît subir - plutôt que conduire -, une reconfiguration
majeure. Cela soulève autant des questions fonctionnelles que plus stratégiques : une fois la
vague de réformes passée, dans un processus perçu par beaucoup comme une recentralisation
qui ne dit pas son nom, quelle sera la place de la gouvernance des territoires ? Que restera-t-
il de l'autonomie des collectivités ?

LA CRISE: UNE QUESTION DE CHOIX


Lors des Entretiens territoriaux de Strasbourg 2009, invité par l'ADT-INET et l'ADGCP à
répondre à la question « La crise est-elle facteur d'une nouvelle gouvernance territoriale ? »,
nous avions rappelé la singularité de la « crise » dont il est question. En grec, « Kploiç », la
crise, désigne la faculté de distinguer une décision entre deux choix possibles. À la crise sont
ainsi associés les mots de « décision » et de « jugement », car la crise suppose une prise de
décision, une action correspondant à la recherche d'une solution. Parce qu'elles doivent
proposer des réponses concrètes aux effets de la crise économique et sociale, les
collectivités connaissent bien cette posture.

Mais la crise met les collectivités dans une situation inédite, caractérisée par une instabilité
accrue par les réformes en cours ou annoncées et leurs processus politiques ambigus. Sans
polémiquer, on peut en effet souligner les incertitudes qui grèvent les capacités d'action des
collectivités : l'équilibre de la décentralisation est affaibli et la légitimité des acteurs
territoriaux à préparer l'avenir est mise en question. Cette crise-là n'est peut-être ni
cyclique, ni spéculative, et mérite une réponse circonstanciée.

QUELLE RÉGULATION NOUVELLE DES TERRITOIRES?


Toutes les questions qui se posent aux collectivités se résument à une seule : quelle capacité
de régulation leur reste-t-il? On ne peut en effet plus dissocier les questions économiques et
financières des problématiques politiques et administratives. C'est l'autonomie politique et
économique des collectivités qui est en jeu, dans un partenariat inédit avec l'État central et

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
déconcentré. Pour tous, il s'agit de facto d'inventer ce que sera la régulation des territoires.

Les controverses qui accompagnent l'augmentation du nombre de fonctionnaires territoriaux


ou la réforme de la TP reflètent bien le fait que le pilotage stratégique des collectivités est
mis en cause, aussi bien en termes de modèles (quelles stratégies renouvelées de
développement local ?), que de fonctionnement (quelles recettes et quelles ressources
disponibles pour l'action à l'avenir ?). Il ne s'agit pas simplement de questions de ressources
budgétaires : toute la gouvernance du système territorial est fondamentalement mise en
question par l'ensemble du processus de modernisation en cours, dans la continuité de la loi de
modernisation de l'économie, de la RGPP et de la réforme des collectivités

Certes, l'avenir incertain du financement de l'action publique est une question majeure. La
RGPP prévoit des économies de l'ordre de 7,7 milliards d'euros pour des dépenses publiques
représentant environ 1 000 milliards d'euros par an. Ces économies, sans doute
indispensables, ne sont pourtant pas à la hauteur d'un déficit récurrent: 140 milliards en
2009, en période de crise économique, mais déjà 50 milliards de déficit moyen des années
précédentes. Tous les acteurs publics, les administrations publiques centrales locales, de la
sécurité sociale sont donc sollicités.

Mais trois enjeux, pourtant étroitement liés, ne sont pas nettement corrélés dans les
réformes en cours4 :
 la définition de modalités pérennes de financement de l'action publique ;
 l'organisation d'une gouvernance du territoire plus efficace économiquement et plus juste;
 l'émergence de réseaux de collectivités territoriales autonomes responsables
solidairement de projets dans un environnement multiscalaire.

Au moment où la question de la gouvernance des territoires est à nouveau au cœur de l'agenda


politique, on aurait pu profiter du débat institutionnel (compétences, financement, etc.) pour
dégager des principes de modernisation de l'espace territorial et de ses administrations.
Hélas, les réformes ne sont ni élaborées, ni menées ainsi.

DERRIÈRE LA MODERNISATION, QUELLE STRATÉGIE D'ÉTAT?


Depuis 30 ans, l'État s'est engagé dans de vastes chantiers de réformes administratives.
Même si elles sont techniques, ces réformes ont des enjeux politiques majeurs : la
compétition entre les États et les territoires pour imposer un leadership fondé sur «
l'efficience » ; la construction de rôles sociaux légitimes pour les « modernisateurs » ; la
proximité et la démocratisation des échanges politiques.

Moderniser l'État, c'est donc alimenter la redistribution et la reconfiguration des pouvoirs :


la modernisation n'est pas qu'une adaptation mécanique aux transformations économiques et
sociales du monde. La variable politique et les stratégies d'acteurs sont déterminantes pour

Cette affirmation s'inscrit notamment dans la continuité de travaux menés avec Vincent Trémolet.
4

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
l'élaboration de la « recette » comme pour sa mise en oeuvre. Le repositionnement de « l'État
stratège » est fonction des opportunités et de ses stratégies d'adaptation. Ainsi, les
polémiques sur la conduite par l'État de la décentralisation – à son profit disent ses
détracteurs –, montrent que l'administration de l'État ne fait pas que subir passivement les
situations nouvelles.

La stratégie de l'État depuis 20 ans mérite des clarifications


Alain Bartoli
DGS du conseil général du Gard
On assiste à la multiplication de documents à moyen terme par politique publique.
Cette « stratégie des schémas » est dans le rôle de l'État, elle associe ou confie aux
collectivités l'élaboration des contenus. Elle permet dialogue, souplesse, ses apports pour une
meilleure maîtrise des choix sont incontestables. Mais on assiste d'autre part au maintien,
voire à l'accroissement d'une stratégie (est-ce une stratégie?) du tout écrit ». Les textes de
lois précisent de façon de plus en plus détaillée les cas de mise en oeuvre. Les décrets
s'alourdissent. Certains textes non maîtrisés dans leurs conséquences ou encore des normes
toujours plus contraignantes ont des surcoûts importants.
L'équilibre institutionnel, on le voit bien au niveau européen, peut être atteint par de
multiples solutions de partage des compétences. Mais dans tous les cas la cohérence est
nécessaire.
Si l'organisation décentralisée est de l'essence même de la République (article 1 de la
Constitution), il faut remettre à plat les textes dont l'application est dévolue aux
collectivités sur la base d'un acte de confiance, dans le respect d'une vision lato sensu de
l'article 72 2e (principe dit de subsidiarité ») et 3e alinéa (pouvoir réglementaire des
collectivités). On parviendrait ainsi à ce que la stratégie des schémas » s'accompagne d'une
stratégie de la confiance » ou d'une « stratégie de la délégation » de l'État envers les
collectivités dans la mise en oeuvre.

LES VOIES DE LA MODERNISATION


Les réformes ont souvent des justifications commodes : elles sont menées au nom des
citoyens alors qu'ils n'ont souvent été ni consultés, ni associés, et pas davantage satisfaits du
processus ni des résultats. Mais au-delà, elles n'ont pas modifié la nature des élites au
pouvoir, car le processus a en général été animé par les membres de ces élites, soucieux de
restaurer leur légitimité et de participer à la reconfiguration du pouvoir. L'idéologie labellisée
commodément « Nouvelle Gestion publique » a imposé la primauté du budget sur les
problématiques politiques : il s'agit d'être efficient dans la mise en oeuvre de ces missions.

Les acteurs qui peuvent intervenir légitimement ont changé de profil sociologique : le discours
sur les « bonnes pratiques » débouche sur des marchés de « consultants » professionnels qui
transfèrent des solutions déjà expérimentées ailleurs. Dans la même veine, les partenariats
avec les acteurs privés et la contractualisation avec d'autres acteurs publics, ont modifié la
manière de « faire » de l'action publique. Pendant ce temps, les fonctionnaires ont été
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 97
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
directement concernés par un grand nombre de réformes : réduction du nombre des
fonctionnaires, statut, formes d'évaluation et de rétribution du travail. Enfin, les réformes
de structure (privatisations ; création de sociétés commerciales où le capital est
majoritairement détenu par l'État ou des investisseurs publics ; libertés de manoeuvre
accrues pour les dirigeants des entreprises publiques, qui rompent avec les politiques
nationales de contrôle public sur des secteurs clés) remettent en cause la conception
traditionnelle du « secteur public » au régime juridique et financier dérogatoire aux règles du
marché.

LA CONSTRUCTION DE SOI DE L'ÉTAT Bref, on a l'impression que plus l'État se


réforme, plus il se fragmente. Et s'il ne sort pas nécessairement perdant, restant plus ou
moins ouvertement le partenaire principal, « régulateur » ou « animateur » (Jacques
Donzelot), le stratège maîtrisant peut-être les règles du jeu décisionnel, il est clair que les
décisions sont prises avec d'autres et que les groupes d'intérêt sont admis comme des
partenaires à part entière.

Il en ressort un brouillage encore accru du modèle d'État recherché par les stratégies de
modernisation : faute d'évaluation et d'évolution tangibles, la réforme de l'État est devenue
un leitmotiv. En France, la modernisation n'a pas abouti à des transformations en profondeur
des carrières, et la transformation des fonctionnaires en « managers » n'a été que partielle
et, surtout, ne les a pas tous concernés. Si cela démotive certaines catégories d'acteurs, cela
en rassure d'autres qui ne se sentent pas prêts à cette évolution. En somme, les réformes
alimentent le sentiment qu'il existe des différences croissantes entre les acteurs publics qui
mesurent de plus en plus les différences entre eux (de statuts, d'opportunités à court et
moyen terme), dans leurs capacités à s'adapter aux évolutions qui concernent aussi leurs
relations avec le secteur privé.

Comme l'a montré P. Bezes, la réforme de l'État devient progressivement une politique à part
entière, disposant d'un véritable cadre doctrinal et de capacités de contraintes et de
financement. La réorganisation de l'État territorial s'inscrit dans ce cadre. Quant à la RGPP,
si le volume des réformes est conséquent, elle ne comporte pas de nouveautés radicales,
notamment en raison de l'absence de participation du Parlement et des collectivités
territoriales. Une nouvelle phase s'est ouverte en juillet 2009, avec la réforme de
l'organisation du territoire pour rationaliser l'action des collectivités.

On mesure mieux comment s'inscrivent les cinq chantiers de questionnement souvent désignés
par les cadres territoriaux5 comme prioritaires pour restaurer, face aux offensives de l'État,
une intelligence territoriale et des marges de manoeuvre idéelles et stratégiques : la
rationalité de l'action publique ; la métropolisation ; la proximité; la gestion de la complexité;
la gouvernance.

5
Pour capitaliser le travail de préparation de l'Atelier des ETS réalisé avec Pascal Fourtoul, Jacques Marsaud et
Bruno Romoli.
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 98
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Pascal Fortoul
Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais et
Président de l’Association des Directeurs Généraux des Communautés de France (ADGCF)
Proximité, vous avez dit proximité ?

Personne ne peut nier que la « crise » a fait entrer l'État et les collectivités dans une logique
de raréfaction de la ressource disponible. Moindre croissance, mutation du tissu économique,
endettement record...
Cette situation nous oblige collectivement. Elle nous oblige à réinterroger nos politiques
publiques et à hiérarchiser nos priorités, donnant ainsi du sens au choix politique. Mais elle
nous oblige aussi à revisiter notre organisation territoriale et ses missions, qui peinent à
s'adapter face au renforcement de l'urbanité et aux nouveaux comportements de nos
concitoyens dans l'utilisation, au quotidien, du territoire.
Cette réalité qu'est le bassin de vie interroge le sens même du terme proximité. Proximité
est le terme le plus couramment utilisé par les tenants de l'immobilisme institutionnel.
Pourquoi ? Le plus souvent le terme proximité est compris comme une proximité physique.
Pourtant, on peut être sourd ou mal comprendre les attentes de nos concitoyens en étant à
leurs côtés.
La proximité doit désormais prendre une dimension supplémentaire, celle de la convénience.
Dans cette dimension, il est possible de s'affranchir de la dimension physique et de
construire ainsi une relation permanente avec nos concitoyens dans la perspective d'une
action publique coconstruite et répondant à la fois aux attentes profondes des habitants et
aux choix politiques validés démocratiquement.
Oui, la crise peut être un facteur d'une nouvelle gouvernance territoriale pour peu que l'on
accepte et comprenne la réalité actuelle et que l'on dépasse certains positionnements
idéologiques par ailleurs fort compréhensibles et respectables.

Jacques Marsaud
Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération de Plaine Commune

L'efficacité de l'action publique est dans l'intelligence des territoires


Au nom du postulat qu'est venue « la crise », la « réforme » est devenue, comme le dit David
Alcaud, une politique à part entière. La finalité première de l'action publique n'est plus
l'efficacité sociale, mais la réduction de la dépense publique. Ce faisant, l'État n'a plus les
moyens de jouer son rôle de régulation, de solidarité et de cohésion sociale. Les collectivités
territoriales, à qui revient le soin de répondre à l'urgence sociale, se voient invitées, puis
contraintes à se « rationaliser », réduisant ainsi leurs moyens d'action. Ainsi, la boucle est
bouclée: le « postulat crise » crée la crise dans le cadre d'un système économique et financier
absurde.
Dans ce contexte, la prétendue complexité de nos institutions décentralisées est un atout
pour gérer la complexité qui est celle aujourd'hui de notre environnement. L'efficacité de
l'action publique est de plus en plus dans l'intelligence des territoires, dans la gestion

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 99


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
partenariale de proximité. Présentée comme un progrès, la suppression de 3 000 élus est plus
qu'une absurdité, c'est une ignominie populiste, une régression démocratique. Il faut arrêter
de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Le Territoire : réponse à la mondialisation
Source : La Lettre du Cadre Territorial, n° 403, 15 juin 2010
Hervé Sérieyx – hserieyx@libertysurf.fr

Face à la mondialisation, « l'agir local » est encore une valeur sûre. Il y a là le moyen de
construire des territoires où le vivre ensemble et la performance feront bon ménage.

« Valeur ajoutée territoriale », « performance territoriale », »compétitivité territoriale », «


Bonheur territorial brut »: la fréquence accrue de ces expressions dans les ouvrages ou les
discours économiques ne traduit-elle pas une prise de conscience neuve des citoyens ? Celle
d'une réalité nouvelle où une concurrence mondialisée dans laquelle l'Amérique et l'Asie
semblent mieux parties que l'Europe, où la dictature du court terme engendrée par une
économie financière sans morale et la multiplicité des occurrences brutales qui peuvent
chambouler du tout au tout le destin des entreprises créent une conjonction d'incertitudes
contre lesquelles un État de plus en plus impécunieux n'a plus guère les moyens de nous
défendre.

Une circonscription de l’espoir


Le territoire dans lequel on peut éprouver concrètement, pragmatiquement, charnellement une
communauté de destin (bassin de vie, « pays », région) est ressenti dès lors comme une
circonscription dans laquelle il est encore possible de mobiliser une volonté collective,
d'imaginer un avenir commun, de mailler ensemble toutes les énergies, tous les talents, toutes
les compétences locales pour les mettre au service d'un projet partagé et tenter ainsi de
s'affranchir, pour une part, des risques subis que nous fait courir dorénavant un monde devenu à
ce point imprévisible.
Encore faut-il que les acteurs d'un même territoire veuillent et sachent construire et piloter
ensemble une telle aventure, ce qui suppose une mutation des comportements (remise en cause
de l'attitude Clochemerle - « ma ville passe avant la tienne » -, du syndrome d'Astérix - « ne
mélangeons pas les acteurs publics et les acteurs privés » -, d'une conception hémiplégique de
la politique - « je suis de droite, tu es de gauche, nous ne sommes pas du même monde » -,
acceptation des différences, ouverture aux points de vue déviants etc.) et la maîtrise de
méthodes rigoureuses qui ne font pas toujours partie du bagage des responsables politiques,
administratifs et économiques du terrain (réflexion stratégique territoriale, conduite de
projets, schéma directeur numérique, animation de réseaux, démarches d'innovation, GPEC
territoriale...).

Le territoire a le vent en poupe


En tout cas, le territoire a le vent en poupe. Dans cette mondialisation, où « l'effet papillon »
semble mener la danse et où des chaînes d'événements inattendus produisent de plus en plus
des situations imprévisibles, l'endroit où nous vivons et les personnes avec lesquelles nous
partageons le privilège d'y vivre composent un niveau d'action sur lequel il nous est encore
possible d'agir librement et volontairement pour attirer investissements, emplois,
chercheurs, centres d'excellence scientifique, technologique ou culturelle et pour « tricoter »

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 101


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ensemble toutes les ressources locales avec de bonnes chances d'obtenir des résultats
heureux.
Dans l'amorçage et le pilotage de cette réflexion et de cette action collectives de tout un
territoire prenant en main la définition et la maîtrise de son destin, les cadres territoriaux ont,
bien sûr, un rôle éminent à jouer; ce qui ne rend que plus urgents l'acquisition et
l'approfondissement des outils méthodologiques indispensables pour exercer cette haute et
nécessaire responsabilité.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Interterritorialilté : vers de nouvelles régulations ?
La Gazette, 15 février 2010
Martin Vanier, Philippe Estèbe, Daniel Béhar, consultants à Acadie, coopérative
conseil

Clarification, simplification, spécialisation, fusion, intégration : tel est donc le credo du projet
de loi de réforme des collectivités territoriales. Le monde des collectivités territoriales
s'apprête ainsi à en finir— croit-il — avec ce qui le caractérise de plus en plus : la complexité.
Huit rapports officiels6 ont montré, depuis février 2006, à quel point les élus et les grands
commis d'Etat n'aiment pas la complexité contemporaine de l'architecture territoriale
française, réputée illisible, coûteuse et antidémocratique. L'ironie éditoriale veut que tout
récemment, un grand spécialiste des neurosciences et des sciences du vivant, Alain Berthoz,
professeur au collège de France, nous invite, avec son livre «La simplexité »7, à nous dégager
de la frénésie de la simplification qui produit une complexité accrue, à ne plus confondre
modernité et simplicité, et consacrer nos efforts à la complexité déchiffrable.
La bataille parlementaire a pris une autre voie. Il reste à savoir qui du département (simple
agence technique ?) ou de la région (syndicat interdépartemental ?) en fera les frais, mais
pour le reste on connaît la recette : retour au graal de la fusion communale par les «communes
nouvelles » ; réaffirmation de la spécialisation des compétences par niveau ; intégration plus
poussée pour les communautés urbaines pourtant toujours coincées dans leur périmètre
obsolète ; chasse aux syndicats, porteurs d'une honteuse flexibilité territoriale. Certes, la loi
qui se prépare apportera aussi des avancées (sur le mandat fléché du bloc commune /
communauté, sur le syndicat mixte métropolitain, sur les rapprochements intercommunaux),
mais on est très loin d'un quelconque «big bang» en la matière, et un goût amer d'occasion
manquée en sera sans doute la trace essentielle.
Pourquoi l'acte III de la décentralisation n'aura finalement pas eu lieu ? Parce que les
acteurs du système territorial français tardent à se rendre à l'évidence : il s'agit bien d'un
système, dont toute l'efficacité tient désormais dans les efforts, les règles et les politiques
de coordination et de coopération, et non plus dans une énième répartition exclusive des
positions de pouvoir entre ses différentes composantes, au nom bien sûr de la clarification,
de la simplification et de l'efficience de l'action territoriale. L'avenir des territoires est
dans leur capacité à construire cette coordination systématique, cette politique des
articulations qu'on pourrait appeler l'interterritorialité. Quelques voix se sont fait entendre
en ce sens dans le grand débat de la réforme, au sein de l'ADCF, de l'ADF, et parmi les
parlementaires (confère le conseil trimestriel régional et départemental des exécutifs des
propositions « Belot»). Mais c'est peu dire qu'une politique de l'inter-territorialité reste à
inventer.
En 2009, un collectif d'une vingtaine d'acteurs de cinq territoires (région urbaine de Lyon,
métropole de Nantes-Saint-Nazaire, Paris métropole, Paca et Dunkerque métropole Côte
d'Opale) en ont exploré les chemins, à l'occasion d'un atelier itinérant impulsé par la région

6
« Piron », « Richard », « Lambert », « Attali », « Perben », « Warsman », « Balladur », « Belot-Krattinger »
7
« La simplexité », A. Berthoz, Edition Odile Jacob, 2009
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Nord-Pas-de-Calais et sa direction du développement durable, de la prospective et de
l'évaluation. Parmi les douze recommandations finales de cet atelier, on en retiendra quatre.
- Transférer «la compétence de la compétence», de l'Etat vers les groupements de territoires
qui, dans le cadre d'un protocole de coordination, affichent leur volonté et leur capacité
d'assumer collectivement leur organisation propre du«gui fait quoi ».
- Passer du principe de spécialisation et d'exclusivité des compétences, cher à l'acte I de la
décentralisation, au principe de partage et de coordination des compétences croisées,
condition de son acte III.
- Constituer des administrations interterritoriales de mission, rattachées aux conférences des
exécutifs locaux, et agissant prioritairement dans le cadre de projets interterritoriaux.
- Construire les nouvelles politiques publiques de la durabilité en tant que politiques
interterritoriales par excellence, et rendre explicite l'économie des compensations entre
territoires qui en est la condition.
La république des territoires ne devrait pas s'effrayer de la complexité contemporaine : elle est
à la fois son horizon et son énergie pour les solutions « simplexes » des nouvelles régulations
territoriales. Laissons, dès lors, le dernier mot à Alain Berthoz: « La simplexité est une façon de
vivre avec son monde. Elle est élégance plutôt que sobriété, intelligence plutôt que logique
froide, subtilité plutôt que rigueur, diplomatie plutôt qu'autorité.» [op. cit., p. 224) Les
sciences du vivant ont décidément encore beaucoup à apprendre à celles du territoire !

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Faciliter la gouvernance territoriale
Source : La lettre du cadre territorial, n°403, 15 juin 2010
Par Alain Bartoli

La réforme territoriale et la fin de l'âge d'or financier pour les collectivités nous obligent à
inventer. Certaines mesures, comme la création d'un observatoire national unique des Régions
et des Départements, ou la création des
« groupes-collectivité » seraient simples à mettre en œuvre, mais permettraient d'avancer à
grands pas dans l'amélioration de notre gouvernance.

La réforme en cours, la situation des finances publiques, le discours de maîtrise et même de


réduction des dépenses qui sont bien reçu par nombre de citoyens, placent les collectivités
territoriales dans une situation nouvelle à laquelle elles doivent s'adapter.

Ceci devra se faire en sauvegardant la subsidiarité. Ce principe de bon sens se trouve déjà
chez Montesquieu, Tocqueville, Proudhon ou Stuart Mill. Il est accepté par l'ensemble de ceux
qui votèrent à l'unanimité les lois de décentralisation, gauche et droite réunies. Il doit être
réaffirmé car il constitue forcément une pierre angulaire d'un mode moderne
d'administration. On ne doit pas faire de plus loin si l'on peut faire de près, car la décision
sera mieux adaptée à la diversité des réalités des territoires et plus capable de cerner
exactement le degré et la modalité pertinente de l'action.

Une segmentation stratégique


Ceci présuppose une clarification et une hiérarchisation par les collectivités elles-mêmes de
leurs politiques. C'est l'utilité des travaux de segmentation stratégique qu'elles mènent et qui
est en place ou est en voie de l'être dans la plupart des régions et départements. Il s'agit
d'opérer un découpage en politiques publiques des compétences d'une collectivité : routes,
collèges, personnes âgées, etc. pour un département, ou formation, transports, lycées, etc.
pour une région. Ces politiques publiques sont découpées en segments d'activité, eux-mêmes
découpés en actions aux coûts chiffrés, y compris les coûts des moyens humains et logistiques
affectables à chaque action et donc, ajoutons-le, l'emploi le plus efficient du denier public.
La segmentation est un préalable à l'évaluation et à la rectification des actions menées et
dote de sens la mise en place de tableaux de bord et d'indicateurs qu'ils construisent pour
disposer de leur système de pilotage stratégique et de suivi des politiques.

Malheureusement, l'actuelle quasi-impossibilité de comparer les environnements, les


situations propres et les performances de chaque collectivité aux autres constitue un
handicap qui empêche la pleine opérabilité de ces démarches.

Chaque fois que des comparaisons sont possibles – les onze ratios financiers par exemple –
elles sont un élément de prise de décision, dans le sens d'une économie des deniers publics.
De tels ratios homogènes sont peu nombreux et ne couvrent pas toutes les politiques
publiques, ni toutes les politiques fonctionnelles.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 105


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Rien ou presque n'existe au plan national au regard des besoins de benchmark. Certes, de
multiples initiatives se développent et permettent d'avancer. Mais ces initiatives sont
partielles, les méthodes et les données sont très hétérogènes. L'évolution sera lente.

On gagnerait plusieurs années – cinq ans ? dix ans ? – si l'on créait un véritable « observatoire
national unique de la gestion locale », alimenté par une obligation faite aux grandes
collectivités, au départ toutes les régions et tous les départements, de fournir les
informations pour alimenter tableaux de bord, indicateurs et ratios. Ces informations, une
fois traitées de façon à assurer à chaque collectivité la confidentialité sur les données qu'elle
met en commun, seraient en libre accès pour tous les contributeurs. Chaque collectivité
territoriale cotiserait à proportion de son budget pour le fonctionnement de cet
observatoire, créé par exemple sous le statut d'un établissement public national.

Si les associations nationales des régions et des départements ne le créaient pas, ou pas
assez rapidement, ou de façon partielle, l'État serait légitime à initier les textes créant un
tel observatoire, moyen concret de réunir les conditions d'une gestion plus transparente et
plus affinée des collectivités. Même dans cette dernière hypothèse, qui n'est pas la plus
souhaitable, celles-ci toutefois devraient rester les gestionnaires de cet observatoire
qu'elles financeraient.

Un contrôle accru sur les satellites


Par ailleurs, on compare souvent une collectivité régionale ou départementale à une planète
entourée de satellites. Dans la réalité, si satellites il y a, ils sont animés de mouvements et
d'une volonté propre.
Les ratios financiers de ces structures, établissements publics, associations, syndicats
mixtes, sont souvent mutatis mutandis plus favorables que ceux des collectivités-mères, ce
qui est anormal, et contraire à l'intérêt à long terme de l'ensemble, puisque ces organismes
réunis absorbent des parts importantes du budget de chaque région ou de chaque
département.

Le dimensionnement de leurs services d'administration générale et de leurs services


opérationnels mérite vérification, puis action. Les politiques de certains ont parfois même des
contenus propres, d'où un risque de décalage avec les priorités des collectivités de référence.
L'efficience gagnerait à de fortes mutualisations, voire à l'intégration dans certains cas au
sein des administrations des collectivités de référence, mais de tels objectifs peuvent être
difficiles à concrétiser. Il semble plus pragmatique d'avancer une proposition qui facilite le
contrôle.

Créer des « groupes collectivités »


Il s'agirait de réhomogénéiser la gouvernance de chaque région ou département et de ses
satellites en créant un « groupe-collectivité »

Par la voie de dispositions législatives et réglementaires nouvelles, serait créé un contrôle

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 106


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
unique, celui de la collectivité démocratiquement élue, sur tous les organismes dont elle est le
principal financeur, avec consolidation obligatoire des budgets et des comptes et obligation
d'accord préalable de la collectivité pour les actes les plus importants.
À l'intérieur du « groupe-collectivité » serait aménagé un droit d'accès de la collectivité à
toutes les pièces des organismes membres du groupe et la possibilité d'effectuer des
contrôles sur place. Une telle remise en ordre de la gouvernance des collectivités et de leurs
satellites donnerait aux élus des collectivités, selon le principe « qui paie commande », et sous
leur autorité à leurs managers directeurs généraux et directeurs généraux adjoints, des
moyens réels de réduire les dépenses du « groupe » et d'en améliorer la performance.

Ce qui importe dans la période actuelle est d'améliorer l'efficacité globale du dispositif,
force sera de penser global pour agir mieux local, et il faudra renouveler largement les façons
de poser et de résoudre les problèmes de la période.

Créer l'observatoire national unique de la gestion locale, créer le « groupe-collectivité » ne


sont, parmi d'autres, que deux exemples d'une approche nouvelle.
On pourrait aisément, pour définir l'approche nouvelle aujourd'hui indispensable, s'inspirer
d'un mot célèbre : « il faut que tout change » dans la vision de ce qui construit l'efficience
des gestions locales, pour qu'avec la maîtrise des dépenses, « rien ne change »
défavorablement dans le niveau des services utiles aux populations.

Des think tanks territoriaux


La réflexion pourrait être enrichie et d'autres propositions construites, mais qui réunira dans
des groupes de praticiens, les élus, des exécutifs locaux, les managers territoriaux, des
experts externes susceptibles de renouveler les logiques et d'imaginer les réformes
originales, qui seront les « points d'appui de la nouvelle gestion locale? L'ARF, l'ADF, les deux
ensemble parfois, seraient entièrement légitimes à créer de véritables think tanks.

Les hauts fonctionnaires territoriaux, pour ce qui les concerne, seraient sûrement nombreux
à vouloir y apporter leurs compétences dans les limites du rôle qui leur serait attribué.

Si ce qui importe dans la période actuelle est d'améliorer l'efficacité globale du dispositif,
force sera de penser global pour agir mieux local et il faudra bien renouveler largement les
façons de poser et de résoudre les problèmes de la période.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 107


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Nicolas Bouzou : « Cette réforme va contre le sens de l’histoire »
Le Monde, 5 juin 2010

N. Bouzou, économiste, directeur d'Asterès, une société d'analyse et de prévisions


économiques, est l'auteur d'une note sur le rôle économique des régions publiée en février par
la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), un « think tank » proche de FUNIP.

En choisissant de regrouper les départements et les régions dans un même pôle, géré par
des conseillers territoriaux siégeant dans les deux assemblées, tout en renonçant à
doter chacune de ces entités de compétences exclusives, le gouvernement a-t-il
emprunté la bonne voie?
Non, cela complexifie l'architecture territoriale au lieu de la simplifier. Le courage aurait été
de dire : les régions font ceci et les départements font cela. Ou alors de supprimer un
échelon. Finalement, on va vers quelque chose d'hybride et vers plus de complexité.

Qui, du département et de la région, en sort renforcé?


Ni l'un ni l'autre. Pour les départements, ce qui se passe est terriblement frustrant. Ils sont
aujourd'hui devenus les prestataires de l'Etat en matière de distribution d'aides sociales. Les
départements n'ont quasiment aucune autonomie : ils subissent les transferts de compétences
de l'Etat et ils ont de moins en moins de ressources fiscales. Je comprends le découragement
de certains conseils généraux.

La réforme, de ce point de vue, ne change absolument rien.


Quant à la région, au lieu de lui confier la compétence exclusive pour le développement
économique, on lui met de nouvelles entraves. Je pense que cette réforme va contre le sens de
l'histoire et que l'on reviendra inévitablement dessus. On ne fait que perdre du temps, c'est
dommage. Il y a sans doute une réforme des collectivités territoriales à faire mais, là, on est
à côté de la plaque.

La création de pôles métropolitains n'obéit-elle pas à des besoins réels des métropoles?
On est encore en train d'ajouter un échelon administratif. Qui plus est, la création de ce
nouvel échelon repose sur une erreur intellectuelle. La métropole, ce n'est pas un phénomène
administratif, c'est un phénomène économique. On ne crée pas des métropoles par le haut. Ce
n'est pas parce que l'Etat le décide qu'elles vont se mettre en place. C'est un processus long
d'agrégation d'entreprises, de centres de recherche, d'universités, d'activités résidentielles.

En quoi la région constitue-t-elle l'échelon le plus pertinent pour la compétitivité


économique?
La performance économique est de plus en plus hétérogène en fonction des territoires. Pour
une croissance, en France, qui va tourner autour de 1%, des régions vont être à zéro, voire
légèrement négatives, d'autres vont être à + 2 ou + 2,5. Or l'Etat n'arrive pas à jouer un rôle
de péréquation au niveau économique, il ne sait pas faire. On l'a vu avec le plan de relance, qui
est allé essentiellement aux régions qui en avaient le moins besoin. On l'a vu avec les pôles de

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 108


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
compétitivité qui, en réalité, ont accentué les différentiels de compétitivité entre les régions.
Il faut territorialiser davantage ces questions, sans aller pour autant vers une balkanisation
de la politique structurelle en matière de compétitivité. Cela nécessite une taille critique, des
moyens et une vision un peu globale.

Quelles sont les conditions pour que les régions puissent jouer ce rôle?
Il y en a deux. La première, je l'ai dit, c'est qu'elles disposent d'une compétence exclusive en
matière de développement des entreprises. Deuxièmement, il faut qu'elles aient des budgets
plus importants. Le problème des régions n'est pas une question de taille, c'est celle des
budgets et de l'autonomie fiscale, de la capacité à gérer leurs ressources.

La réforme de la taxe professionnelle répond-elle à cet objectif?


Pas du tout. Ce qui est fait est dramatique. On retire peu à peu l'autonomie fiscale des
collectivités territoriales, en se basant sur un postulat intellectuel faux qui consiste à dire :
les régions, et les collectivités locales en général, dépensent trop. Puisqu'elles dépensent
trop, on va diminuer leur autonomie et on va diminuer les dotations de l'Etat. Or, des trois
blocs de la dépense publique – Etat, Sécurité sociale et collectivités –, ce sont ces dernières
qui ont le plus petit déficit.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 109


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 110
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Fixer un véritable cap pour la réforme territoriale !
Par Christian Boucherie, conseiller auprès du Président de la Communauté du Pays d'Aix
La Gazette, 7 septembre 2009

La réflexion qui s'est engagée autour du rapport « Balladur » et l'avant-projet de loi élaboré
par le gouvernement embrasse la totalité des échelons d'administration locale, communes et
intercommunalités comprises. Mais il évite la question centrale de la répartition des rôles
entre l'Etat et le niveau local, à un moment où l'administration de l'Etat a entrepris une
réforme profonde et où l'évolution des pratiques locales pourrait autoriser des avancées.

On comprend bien qu'il est difficile de proposer au Parlement de traiter dans une seule loi
l'ensemble de l'administration publique en France. Pour autant, ne peut-on imaginer que les
débats relatifs au projet de loi de réforme territoriale soient l'occasion pour les
parlementaires d'afficher une direction qui permette de donner des indications à quelques
questions : Quelles doivent être les grandes missions de l'Etat et du monde local ? N'était-il
pas opportun de donner des pouvoirs et des moyens nouveaux au secteur local allant dans le
sens d'une plus grande liberté ? Quelle ambition réelle affiche-t-on pour le couple région-
département ? Quel avenir pour le bloc communal : perfectionnement de la coopération
intercommunale ou promotion de la supracommunalité ? N'était-il pas nécessaire aujourd'hui
de privilégier la définition des projets de territoire et la coordination des politiques locales ?

L'absence de véritable dessein concernant l'administration publique de notre pays engendre


flou, confusion, craintes et, il faut bien le dire, une extraordinaire complexité.

La loi « Chevènement » de juillet 1999 a eu le remarquable mérite de créer ou moderniser les


institutions intercommunales. Le succès est considérable même s'il faut aujourd'hui
parachever le travail accompli et améliorer la performance du système.

Mais les projets nombreux et intéressants élaborés par les intercommunalités, n'ont pas
toujours pu trouver les articulations avec les autres acteurs publics en raison principalement
de la faiblesse des procédures d'élaboration des coproductions de l'action publique locale. Or,
l'important pour un territoire, n'est-ce pas le « projet », résultat de la conjugaison des
politiques publiques des différentes collectivités concernées ? Il faut donc trouver de
véritables modalités de coproduction de l'action publique au plan local. Les réflexions
récentes du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales semblent
aller dans ce sens lorsqu'il constate la faiblesse et le morcellement des instances de
concertation et propose une meilleure coordination des politiques territoriales, avec la mise
en place d'un conseil régional des exécutifs et d'une conférence départementale des
exécutifs.

Il est certes normal de garantir à chaque collectivité locale les modalités de l'exercice de sa
libre administration, mais il est aujourd'hui indispensable d'unir les efforts de chaque acteur

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 111


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
territorial dans une même ambition partagée. Les débats sur le maintien de la clause générale
de compétence sont passionnants, mais doivent laisser la place à une réflexion opérationnelle
sur des modes opératoires efficaces de collaboration entre les collectivités territoriales.

La question est importante à un moment où l'on s'apprête, si la loi est votée, à créer un nouvel
outil avec les métropoles. Dans certains cas, une énergie phénoménale sera consacrée à la
construction d'une institution ou pour l'empêcher, alors qu'il serait plus efficace d'organiser
plus finement les coopérations avec les acteurs en place, dans le cadre de procédures
déterminées par la loi et inspirées, par exemple, des réseaux de villes. Sachons trouver le bon
dosage entre construction institutionnelle et mise en œuvre concertée des politiques
publiques.

L'amélioration de la pertinence du projet de territoire passe aussi par le développement des


modalités d'association des représentants de la « société civile ». De la même manière qu'il
devient urgent de définir les modalités de la coproduction de l'action publique entre les
acteurs institutionnels, il est tout aussi opportun de formaliser les relations entre la sphère
publique et les autres acteurs, dans le respect des responsabilités des élus locaux.

Tous les éléments pour une bonne réforme sont disponibles : le rapport « Balladur » a réalisé
une excellente synthèse des informations et a risqué des propositions qui ont généré un
débat; le Parlement, les associations d'élus, les universitaires, les professionnels du monde
local ont produit une réflexion d'une extraordinaire richesse. L'expérience de plus de 25 ans
de décentralisation autorise notre pays à se positionner clairement sur le mode
d'administration qu'il souhaite.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 112


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Le constat de près de 30 ans de processus de décentralisation par la Cour des
Comptes
Synthèse réalisée par Joseph CARLES

 Un paradoxe qui persiste


- Un Etat centralisé face à une décentralisation comme mode d’organisation de la
République
- Objectifs du rapport
∙ Apprécier les conditions de la mutation organisationnelle
∙ Estimer le coût du processus

 L’acte 1 un goût d’inachevé


- Les grandes avancées des lois de 82
∙ La fin du contrôle à priori
∙ Le transfert du pouvoir aux exécutifs locaux
∙ La région érigée en collectivité territoriale de plein exercice
- Une répartition des compétences ambigüe
∙ Le maintien de la clause de compétence générale
∙ Des compétences partagées plus que transférées
∙ Enseignement, transport, développement économique
∙ Une imbrication des compétences entre l’Etat et les Collectivités territoriales
enseignement supérieur
- Une accélération de la contractualisation
∙ Les contrats de plans Etat / Région
- Une évaluation parcellaire de l’impact financier

 Un mouvement continu de transfert de charges


- Des transferts non financés
∙ Des décisions prises par l’Etat mais financées par les collectivités territoriales
- Le transfert des SDIS aus départements en 1996
∙ L’Etat commande et les CT payent
- L’APA aux départements
∙ Doublement de l’effort par rapport à la PSD non financé (un dispositif estimé à
2,4 Md€ qui s’établit en réalité à 3,2Md€ en 2003 pour atteindre 4,5 Md€ en
2007)

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 113


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
L’Acte II : Une démarche visant à l’origine à corriger les insuffisances de l’Acte I

 Des principes ambitieux


- Un geste fort : une loi CONSTITUTIONNELLE
- « L’organisation de la République est décentralisée »
∙ Le principe de libre administration est intégré dans le texte constitutionnel
- Le renforcement de la clause générale de compétence
∙ « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour
l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur
échelon »
- Explicitation de l’absence de tutelle d’un CT sur une autre.
- Le principe de l’autonomie financière
∙ Attribution d’une part déterminante de ressources propres
∙ La compensation financière intégrale des compétences transférées
- Le principe de l’expérimentation
- Le principe de la péréquation
∙ Principe non explicité

De l’application des principes – Le cœur des critiques de la Cour des Comptes

 L’autonomie financière ou « La grande illusion »


- Des dépenses en forte croissance (Mds €)

Année Total Etat et APUL Organismes


Administratio Administratio de Sécurité
n Pub ns centrales sociale
1981 242,3 134,5 41 66,8
2001 772,1 292,7 140,3 339,1
2008 1027,1 351,2 214,6 461,3

 Des règles d’autonomie


- Ressources propres
∙ Ratio d’autonomie
∙ La part de ressources propres ne peut être inférieur à son niveau de
2003

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 114


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
∙ 60,8% pour les communes
∙ 58,6% pour les départements
∙ 41,7% pour les régions
∙ La nature des ressources propres
∙ L’impôt partagé est assimilé à une ressource propre
∙ La TIPP et la TSCA (contrats d’assurance)
∙ Aujourd’hui la contribution complémentaire des entreprises
- La loi organique a rendu caduc le principe d’autonomie financière
∙ Le seul fait que les collectivités reçoivent le produit de la croissance ou de la
diminution d’un impôt, même si elles n’en votent pas le taux constitue une
ressource propre.
∙ Une définition qui prépare la possibilité de transformer l’impôt local en un impôt
national réparti créant la catégorie de « l’impôt local à taux national » déjà
engagé lors du transfert d’une partie des droits de mutation.

 Des compensations insuffisantes


- Une compensation non mesurée
∙ Des compétences aux charges évolutives compensées sur la base de la dépense
d’origine
∙ Les incertitudes de la Commission Consultative sur l’évaluation des charges
∙ Des réévaluations tardives et contestées
∙ Le cas de la Région Midi Pyrénées

 Des dotations d’Etat incertaines


- Un reclassement permanent des dotations spécifiques par intégration dans la dotation
globale
∙ Création d’opacité
∙ Le transfert des personnels d’entretien des collèges et lycées et la DGD
collège et lycées
- Les Concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales : une variable
d’ajustement du budget de l’Etat

 Un faible effet péréquateur


- L’intercommunalité améliore l’effet péréquateur ainsi que la DSU
∙ Effet péréquateur de la DGF
∙ 22% pour les communes
∙ 11% pour les départements
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 115
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
∙ 2,8% pour les régions
- Un accroissement des déséquilibres territoriaux
∙ Les départements et régions ont bénéficié des plus gros transferts de
compétences et de charges

 La question des financements croisés


- Un marqueur de la confusion des compétences
∙ Problème de lisibilité
- Une position contestable des appréciations du rapport
∙ L’Etat est le premier bénéficiaire des financements croisés
∙ Les financements croisés constituent un mode de péréquation horizontal qui
atténue l’insuffisance de péréquation verticale
∙ Les financements croisés sont « responsabilisateurs ».

 Des modes de financements contestés


- Le financement du RMI
∙ Une charge qui passe de 4,7 Mds€ (estimés) à 5,36 Mds en 2004. L’ajustement
partiel n’est versé qu’en 2005
∙ L’absence de lien entre l’impôt transféré et la charge à financer
∙ TIPP et RMI
∙ Le cas du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion ( doté de 100
M€ en 2OO6 il est porté à 1,5 Md€ en 2008) mais le déficit de financement est
estimé par les départements entre 1 et 1,4 Md€)
- Le financement de l’APA
∙ Entre 2002 et 2007 l’effort des conseils généraux est multiplié par 3, alors que
le financement par l’Etat ne progresse que de 90 %.
- Une péréquation non assurée mettant certains départements en situation très délicate
- Des incertitudes sur l’avenir de ce dispositif
- La prise en charge du handicap
∙ Un phénomène inversé : Une ressource supplémentaire pour les CG, l’estimation
supérieure aux dépenses effectives.
∙ 523 M€ versés pour 79 M€ consommés en 2006
∙ 530 M€ versés pour 278 M€ consommés en 2007
∙ Une stabilisation en 2008
- Une péréquation non assurée mettant certains départements en situation très délicate
- Des incertitudes sur l’avenir de ce dispositif

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 116


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Une dépense publique toujours pas rationalisée
- La décentralisation de nouvelles compétences entérine les partages antérieurs sans
remodeler ni spécialiser les attributions
∙ Transferts des (TOS)
- Des responsabilités qui restent éclatées
∙ Le traitement des déchets
∙ Etat (autorisation des équipements, départements plans
départementaux, communes et EPCI gestion opérationnelle)
∙ Le logement social
∙ Etat (financements aidés répartis au niveau régional dans un cadre
départemental) on peur ajouter le Pass foncier
∙ Cela favorise le mitage territorial

 Le maintien de l’Etat dans les dispositifs décentralisés


- La formation des travailleurs sociaux
∙ Les besoins recensés par les régions, agrément des établissements mais le
cadre et les diplômes délivrés par l’Etat
- La formation professionnelle et l’apprentissage
∙ Une compétence totalement régionale mais l’Etat conserve ses attributions en
matière d’enseignement professionnel.
∙ Pas de stratégie partagée entre les différents acteurs

 L’amélioration de la gestion publique non évaluée


- Pas d’évaluation des dispositifs mis en place
- Des compensations financières aux impacts non mesurés
- Une gestion approximative des transferts de personnel
∙ les motivations des transferts
∙ La proximité gage d’efficience

 Des arbitrages insuffisants


- Dans le domaine des transports
∙ SNCF et Région
∙ Les modes d’interconnexion (Pas d’autorité organisatrice unique au niveau
régional)
∙ La limite des syndicats mixtes
- La décentralisation aéroportuaire
∙ Un nouveau mode de gestion des aéroports
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 117
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
∙ 19 plates-formes régionales
∙ 29 départementales
∙ 61 EPCI
∙ 41 communes
- Le tourisme
∙ Une confusion liée à l’absence de bloc de compétences

 Un échec de la répartition des compétences


- La persistance des responsabilités partagées
∙ Education nationale
∙ Action sociale et solidarité
∙ Le maquis des aides et des dispositifs
∙ Le maintien de l’Action Sociale Communale
∙ L’Etat conserve les publics particuliers

 Une opportunité non saisie


- La notion de chef de file
∙ Une incapacité à le mettre en œuvre
∙ Une version moderne de la répartition
∙ Une recherche du maintien des acquis
∙ Un refus du partage et de la coopération
- Pourtant une démarche moderne
∙ Une vision systémique en substitution de la vision analytique
∙ Une réalité de terrain
- Des incohérences
∙ Le développement économique
∙ Inefficacité et obsolescence
∙ La Région un chef de ville non reconnu par l’Etat
∙ L’aménagement du territoire
∙ Pas de vison stratégique de l’Etat
∙ Une réticence de la volonté de décentraliser
∙ La culture

 Les expérimentations rendez-vous manqué


- La nouvelle étape n’a pas encouragé les initiatives d’expérimentation
∙ Des financements mal adaptés
∙ Un frein de l’Etat
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 118
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
∙ Un cadre trop contraignant
∙ Entretien et restauration des bâtiments classés
∙ seul le département du Lot
∙ PJJ
∙ 3 départements concernés seulement

 Des transferts de personnel sans réduction d’ensemble


- Evolution des effectifs
Année Fonction Fonction Fonction TOTAL
publique publique publique
d’Etat territoriale hospitalière
1980 2 173 169 1 021 000 670 791 3 864 960
2006 2 524 440 1 662 501 953590 5 140 531
VARIATIONS 351 271 641 501 282 799 1 275 571
16,16% 62,8% 42% 33%

- Evolution des effectifs des Collectivités


Année communes EPCI Départemen régions TOTAL
ts
1986 749 210 194 557 174 254 3 362 1 121 383
2006 1 005 733 420 868 213 600 22 300 1 662 501

 Les effectifs des agents de l’Etat


- Les réticences de l’Etat à l’origine de doublons
- L’acte 1 sans influence
- L’acte 2
∙ 93000 (TOS) + 35000 (équipement agriculture) soit 128000 agents transférés.
∙ Un renforcement des compétences par les collectivités territoriales
∙ Des modalités de transfert génératrices de surcoûts
- La clause de sauvegarde
∙ Garantie d’effectifs de l’année précédente
∙ Une application contestée
- Des estimations de compensations contestées
∙ Prise en compte de l’ensemble des paramètres (rémunération, congés, épargne
temps…) et y compris des dépenses liées à l’accueil des agents

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 119


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Des transferts en débat dans les 3 domaines de décentralisation
- L’éducation nationale
∙ Des désaccords persistants sur les conditions de compensation
∙ Des recours devant le Conseil d’Etat
∙ Recours pour excès de pouvoir
∙ Une sous évaluation de l’impact budgétaire
∙ Des ajustements à postériori
- Les routes
∙ Problème du transfert du parc d’équipement (2010)
- Affaires Sociales
∙ Un rattrapage des retards qui crée des croissances d’effectifs

 Les retards de la réforme de l’Etat


- Un engagement tardif dans la démarche d’adaptation de l’Etat (RGPP 2007 / 2008)
∙ Des hésitations persistantes
∙ Une orientation vers la régionalisation des services déconcentrés
∙ Approche départementale floue
- La région niveau prééminent d’organisation de l’Etat déconcentré
∙ L’autorité hiérarchique du Préfet de Région
- La chambre salue l’effort tardif mais louable d’une réelle réforme par la RGPP

 Une faiblesse continue de l’information et de l’évaluation


- Pas de suivi des politiques transférées
- Manque d’informations sur les politiques sociales
- Défaillances d’information opérationnelles
- Carence de l’évaluation

 Quelles conclusions
- L’acte 1 marque la réelle reconnaissance d’une politique de décentralisation
- Mais
∙ L’Etat ne s’est pas organisé pour répondre à cette nouvelle organisation
∙ La 2° vague n’a pu prendre en copte les effets de la première car ils n’ont pas
été évalués
∙ La carte des compétences n’a pas été clairement hiérarchisée
∙ L’autonomie financière apparait comme un arrangement
∙ Ou une illusion

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
- Des mécanismes financiers rigides dont la pérennité est questionnée
- Un transfert de personnel qui n’entraîne pas de baisse des effectifs de l’Etat
- Des transferts partiels d’un état frileux et hésitant
- La question de la gouvernance budgétaire des compétences transférées
∙ Notamment les politiques sociales

 RECOMMANDATIONS
- Rechercher un système de financement simplifié et stabilisé
∙ Partage de l’impôt national
∙ Améliorer la gestion des dispositifs existants
∙ Résoudre les contestations et purger les contentieux
∙ Intégrer les modalités d’une réelle péréquation
- Une vision prospective
∙ Faire réellement fonctionner une gouvernance Etat / Collectivités territoriales
∙ Mettre en adéquation les missions et les moyens
∙ Encourager les innovations et les expérimentations
∙ Evaluer de façon commune et partagée

 Un rapport au milieu du gué


- Des critiques fondées
∙ Dont l’effet sera amplifié par le projet de réforme
∙ Pourquoi ?
∙ Transparence financière et équité
∙ Pas de chef de filat
∙ Accroissement des distorsions territoriales
∙ Abandon de projets à effets multiples
∙ Un retour de l’administration centrale au détriment des niveaux
territoriaux
- Une Recentralisation
∙ Financière d’abord
∙ Technique ensuite (RGPP et rôle du Préfet)
∙ politique
∙ La réduction du poids et du nombre des élus

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
TROISIEME PARTIE -
L’ORGANISATION DECENTRALISEE EN EUROPE

Note de synthèse réalisée par :


Delphine LERAY, Sylvie MAKARENKO, Jean-Michel LECOQ et Ariel JANIN, Elèves
Administrateurs Territoriaux - INET de la Promotion Aimé Césaire.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 122


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Les collectivités territoriales européennes diffèrent dans leur organisation, leurs
compétences, leurs ressources, leurs ressources financières et leur fonctionnement.
Néanmoins, on constate, en Europe, ces dernières années un mouvement généralisé de
renforcement de l'autonomie locale se traduisant le plus souvent dans des réformes
constitutionnelles.

La distinction traditionnelle entre États fédéraux et États unitaires doit être complétée du
fait de la diversification institutionnelle croissante comme le montre l'émergence d'États
régionalisés, comme l'Italie ou l'Espagne.

Les États fédéraux que sont l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique, se caractérisent par
l'importance, au niveau local, des États fédérés, qui ont notamment compétence pour
déterminer l'organisation interne, assurer un contrôle administratif et budgétaire et
participer au financement des collectivités territoriales.

Le modèle de l'État unitaire qui fut, pendant longtemps, la France, est basé sur l'absence de
pouvoir législatif et réglementaire propre et autonome dévolu aux collectivités territoriales.
Néanmoins, ces États unitaires, tels que le Danemark, la Finlande, la Grèce, le Luxembourg, les
Pays-Bas, le Portugal ont permis une décentralisation à différents degrés.
Les États régionalisés, quant à eux, tels que l'Espagne et l'Italie, sont allés plus loin en
accordant à leurs régions des compétences étendues, un pouvoir législatif et une autonomie
financière, qui tendent à rapprocher ces régions d'États fédérés.

Les 74.000 collectivités territoriales que compte l'Union Européenne (dont 73.000 communes)
sont structurées sur plusieurs niveaux, la plupart du temps deux ou trois, de façon
harmonisée ou diversifiée sur le territoire national.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 123


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
I – LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DU ROYAUME-UNI
Le Royaume-Uni peut se définir comme un mélange d'État unitaire et de fédération.

La doctrine de la souveraineté du Parlement s'appuie sur la primauté du niveau central sur le


niveau local. Par ailleurs, entre les années 1930 et les années 1990, le Royaume-Uni s'est
caractérisé par une emprise croissante des autorités nationales sur les niveaux territoriaux
qui s'est notamment traduite par les nationalisations successives du service de santé, de la
fourniture de gaz et d'électricité, des services de distribution de l'eau potable et de
l'assainissement.

Par ailleurs, les collectivités territoriales britanniques bénéficiaient de faibles garanties


juridiques :
 l'absence de garantie constitutionnelle en faveur des collectivités, le Parlement
pouvant ainsi effectuer tous les changements qu'il souhaite dans l'organisation
décentralisée du royaume
 l'inexistence d'une cours constitutionnelle ou administrative ayant compétence pour
traiter des conflits entre décisions centrales et décisions décentralisées.

Néanmoins, le Royaume-Uni peut être perçue comme une fédération du fait de l'intégration
successive au sein d'une Union de quatre nations différentes : à l'Angleterre, se sont, en
effet, ajoutés le Pays de Galle en 1536, l'Écosse en 1707 et l'Irlande en 1800 (suivie de la
partition de l'Irlande en 1921). Des régimes d'exception régional ont ainsi été institués sans
remettre en cause le principe de souveraineté parlementaire.

Mais cette conception unitaro-fédérale a évolué, ces dernières années, dans le sens d'un
approfondissement de la décentralisation, comme cela a été le cas de nombreux pays
européens.

A – LE PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION AU ROYAUME-UNI :


ENTRE DÉVOLUTION ET RÉGIONALISATION

Le Royaume-Uni a opté, dans la mise en œuvre de sa décentralisation administrative, pour la


dévolution, processus de transfert d'autorités législatives et/ou de régulation en direction
d'assemblées élues au suffrage direct, mais de façon asymétrique sur son territoire. Il
existe, en effet, une dévolution totale du pouvoir législatif en Écosse, un pouvoir exécutif
partagé en Irlande du Nord, une dévolution de l'exécutif ou du législatif secondaire au Pays
de Galles, mais aucune dévolution au profit d'une institution régionale élus en Angleterre
même.

Cette dévolution s'est imposée de manière graduelle et irrégulière sous la pression des

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 124


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
politiques et des partis. La dévolution a été et est encore un processus toujours en marche.
Les deux régions que sont l'Écosse et le Pays de Galles, ont été des bastions du parti
travailliste dont le centralisme initial a été ébranlé par l'apparition, à la fin des années 60, de
partis régionalistes, le Scottish National Party et le Plaid Cymru gallois. Rejetée par un
premier référendum en 1979, la dévolution revient à l'ordre du jour dans les années 1980 en
réaction à la politique centralisatrice du parti conservateur. C'est ainsi qu'un 1988 s'est
créée la Convention pour une constitution de l'Écosse en 1988, forum ouvert à tous les partis
et à tous les acteurs favorables à la création d'un parlement écossais. C'est ainsi que, dés son
arrivée au pouvoir en 1997, Tony Blair a organisé des référendums en Écosse et au Pays de
Galle, auxquels il a été répondu par l'affirmative.

L'autre processus de dévolution est celui existant en faveur de l'Irlande du Nord qui
bénéficie de la plus longue expérience d'institutions déléguées avec le Parlement de Stormont
de 1921 à 1972. Par ailleurs, l'Irlande du Nord a également toujours disposé de sa propre
fonction publique. Cette dévolution se caractérise par un partage du pouvoir de l'exécutif et
l'existence d'autorités déléguées.

Finalement, la situation de l'Angleterre elle-même est celle qui tranche le plus avec le reste
du Royaume-Uni. Alors qu'au cours de sa campagne en 1997, le parti travailliste avait évoqué
la possibilité de créer des assemblées régionales en Angleterre, seules des agences régionales
de développement ont pu être créées en 1998, le référendum de 2004 sur la création d'une
véritable assemblée régionale dans le Nord Est de l'Angleterre ayant subi un échec.

Cette dévolution a facilité l'émergence de laboratoires de politiques publiques qui a permis de


réduire le coût d'élaboration de certaines nouvelles politiques et d'intensifier la recherche
de solutions et projets innovants à l'échelle régionale et nationale.

B – L'ORGANISATION TERRITORIALE DU ROYAUME-UNI

L'organisation territoriale britannique a longtemps reposé sur la paroisse et le comté. Mais


les 10.000 paroisses existantes ont été dépossédées de l'essentiel de leurs compétences au
profit des districts, dont la création a permis un important mouvement de regroupement de
communes. Deux réformes de 1985 et 1996 ont créé, en substitution des districts et des
comtés, les « metropolitan districts » en milieu urbain et les « unitary authorities » en milieu
rural. Enfin, cette réforme territoriale s'est achevée momentanément par le création d'une
nouvelle catégorie de collectivités, les arrondissements de Londres dans le cadre de la
création du Grand Londres.

Ainsi, l'organisation décentralisée du Royaume-Uni présente une forte hétérogénéité :


certaines parties de l'Angleterre n'ont qu'un seul niveau de collectivités : les unitary
authorities dans les zones rurales et les districts dans les zones urbaines. Le reste du
territoire en compte deux : les unitary authorities et la région en Écosse et au Pays de Galles;
les districts et les régions en Irlande du Nord, les districts et les comtés dans les autres

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 125


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
parties de l'Angleterre.

Cette hétérogénéité est d'autant plus forte qu'en 1998, l'organisation décentralisée a été
profondément modifiée par l'importante autonomie accordée par le gouvernement travailliste,
au travers de la loi sur les dévolutions, à trois des quatre nations du Royaume-Uni : l'Irlande
du Nord, le Pays de Galle et l'Écosse.

1 – L'écosse

Mise en place suite au référendum du 11 septembre 1997 et consacré par le Government of


Scotland Act de 1998, la dévolution a institué deux organes régionaux :
 un Parlement écossais, monocaméral, élu pour quatre ans, composé de 129 membres,
dont 73 élus au scrutin majoritaire à un tour dans le cadre des circonscriptions
nationales et 56 élus à la proportionnelle dans le cadre des circonscriptions régionales
: il détient un pouvoir législatif primaire et secondaire et dispose d'une fiscalité
propre
 un Gouvernement écossais (Scottish Executive) composé d'un premier ministre (First
Minister) désigné par l'assemblée et de ministres : le premier ministre peut
représenter l'Écosse auprès du Conseil des Ministres de l'Union Européen.

2 – Le Pays de Galles

Le Pays de Galles bénéficie d'une régionalisation plus administrative instituée par le


Government of Wales Act de 1998. Cette loi a créé une Assemblée régionale élue pour quatre
ans et d'une Commission exécutive.
 L'Assemblée nationale galloise est composée de 60 membres, dont 20 élus au scrutin
majoritaire à un tour dans le cadre des circonscriptions nationales et 40 élus à la
proportionnelle dans le cadre des circonscriptions régionales : elle ne peut prendre que
des lois d'application et des règlements dans ses domaines de compétences propres
 La Commission exécutive joue le rôle de l'exécutif et est composée d'un Secrétaire
général (First Secretary) élu par l'assemblée et de Secrétaires d'assemblée désignés
par le Secrétaire général.

3 – L'Irlande du Nord

Dans le cadre du processus de réforme visant la stabilisation de la région, le Good Friday


Agreement du 10 avril 1998 a été suivie du Government of Northern Ireland Act qui a permis
la mise en place d'une Assemblée régionale semi-autonome disposant d'un pouvoir législatif
propre.
Cette Assemblée est composée de 108 membres et constitue à la fois une autorité législative
et exécutive. Elle élit, en son sein, un Comité exécutif mixte composé d'un premier ministre
(First Minister) et d'un député premier ministre (Deputy Minister) placés à la tête de 11
départements ministériels.
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Tableau récapitulatif des niveaux de collectivités décentralisées au Royaume-Uni

Niveau intermédiaire 2ème niveau 3ème niveau


1 Parlement régional (Écosse) 34 Conseils de comtés 36 Conseils de districts
(scottish parliament) (Angleterre) métropolitains (Angleterre)
(county councils) (metropolitan district councils)
2 Assemblées régionales (Pays 1 Autorité du Grand Londres 238 Conseils de districts ruraux
de Galle et Irlande du Nord) (greater London authority) (Angleterre)
(regional assembly) (rural district councils)
33 Arrondissements de Londres
(boroughs)
26 Conseils de district (Irlande
du Nord)
(district councils)
100 Conseils d'autorités uniques
(unitary authorities councils)

- 46 pour l'Angleterre
- 32 pour l'Écosse
- 22 pour le Pays de Galles

Il faut également rappeler, pour un portrait complet de l'organisation décentralisée du


Royaume-Uni, suite à la création dés 1999 d'agences de développement régional dans les
régions anglaises, l'échec du référendum de 2004 qui souhaitait étendre le processus de
dévolution en créant une nouvelle région au Nord-Est de l'Angleterre. En effet, même si cet
échec est plutôt dû à un mouvement national et peu lié, en réalité, à un désaccord sur une
décentralisation, il a stoppé le processus qui avait été lancé.

C - LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DU


ROYAUME-UNI
Les collectivités peuvent, selon les pays, exercer trois types de compétences :
 des compétences propres pour la gestion des affaires d'intérêt local
 des compétences pour le compte de l'État (état-civil, élections...)
 des compétences dont la gestion leur a été déléguée par d'autres collectivités
territoriales, par l'État ou par les États fédérés.

Certaines compétences peuvent, par ailleurs, être gérées conjointement par plusieurs niveaux
de collectivités, ainsi que par l'État. Les collectivités territoriales exercent ces compétences
de façon directe ou par délégation à une autre collectivité, à une entreprise privée ou à une
société publique locale.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 127


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Les collectivités territoriales de premier niveau ont, le plus souvent, la responsabilité de la
gestion des services de proximité, tels que l'eau et l'assainissement, les déchets, la propreté
et la voirie, l'urbanisme, les établissements scolaires... Les collectivités de deuxième niveau
exercent, dans la plupart des pays européens, des compétences en matière de transports,
d'environnement, d'enseignement, voire de développement local et d'aménagement du
territoire.
Globalement, on constate, de façon générale dans tous les pays européens, un mouvement
durable d'extension des compétences des collectivités territoriales qui se traduit notamment
dans l'inscription, au sein des textes constitutionnels, de l'autonomie locale et la
reconnaissance croissante des collectivités au niveau des institutions communautaires et
européennes.

Le Royaume-Uni fut, jusqu’à une époque récente, l’un des pays les plus centralisés d’Europe.
Jusqu’à un passé récent, les collectivités locales n’avaient pas de compétence générale et ne
pouvaient exercer que les compétences qui leur étaient expressément conférées par la loi ou
la coutume. Le système a évolué dans le sens d’un accroissement de l’autonomie et de la
démocratie locales. En effet, depuis le Local Government Act de 2000, les collectivités
locales britanniques peuvent désormais conduire toutes les actions qu’elles estiment de nature
à améliorer le bien-être de leurs administrés et disposent donc, outre les compétences
définies par la loi, d’une véritable clause générale de compétence en matière d’affaires
locales.

Les compétences locales définies par la loi diffèrent selon les catégories de collectivités
locales.

1 - Les compétences des collectivités locales infra-régionales

Les compétences des Districts ruraux anglais :


 état civil
 logement
 culture et loisirs
 collecte des déchets ménagers
 aménagement urbain et planification locale
 collecte des impôts locaux.

La compétence des Comtés anglais :


 planification économique
 éducation (construction et entretien des bâtiments, rémunération des enseignants)
 transports et voirie (routes d’importance nationale)
 services sociaux aux personnes
 aménagement urbain
 culture

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 128


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 environnement (parcs, traitements des déchets).

Les Comtés peuvent déléguer la gestion de certaines de leurs compétences aux Districts
situés sur leur territoire (sauf l’éducation et les services sociaux)

En Irlande du Nord, les compétences dévolues aux Districts sont plus limitées que sur le
reste du territoire britannique : les services locaux les plus importants, comme l’éducation, la
santé, ou le logement, sont du ressort d’organismes non élus.

Les Districts métropolitains anglais et les Autorités Unitaires (Unitary authorities) anglaises,
galloises et écossaises exercent à la fois les compétences des Comtés et celles des Districts.

A Londres, l’exercice des compétences est partagé entre d’une part, l’Autorité du Grand
Londres et le Maire et d’autre part, entre les Boroughs, qui ont conservé leurs compétences
antérieures (état civil, déchets, logement, éducation, eau, culture, voirie…).

Les compétences de l’Autorité du Grand Londres sont relatives à :


 la sécurité civile et la police
 le développement économique
 l’urbanisme
 l’environnement
 la culture
 les transports (transports en commun et grands axes de circulation)
 environnement (parcs, traitements des déchets).

2 – Les compétences des collectivités régionales

S’agissant des régions, les compétences sont différenciées. Les instances galloises ne
disposent que d’un pouvoir réglementaire. En revanche, le Parlement écossais et le Parlement
irlandais ont un pouvoir législatif. Des limites sont cependant assignées à cette compétence
législative : certaines matières sont interdites aux Parlements régionaux, certaines lois du
Royaume-Uni ne peuvent être modifiées, chaque Parlement régional doit respecter le droit
européen et notamment la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que les
décisions de justice.

La législation sur la dévolution distingue, par ailleurs, deux catégories de compétences, ce qui
confère au Royaume-Uni une caractéristique fédérale : celles réservées au parlement de
Westminster et celles exercées par les instances décentralisées. La liste des compétences
réservées regroupe des domaines qui concernent le Royaume-Uni dans sa totalité :
 la Constitution
 les affaires étrangères (y compris européennes)
 la défense et la sécurité intérieure
 les politiques économique, fiscale et monétaire nationales

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 129


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 l’industrie
 les transports nationaux
 la sécurité sociale
 l’éthique médicale (avortement, embryologie…)
 les médias
 la fonction publique
 l’égalité.

D’autres compétences sont transférées aux instances écossaises et galloises : la santé, l’éducation
et la formation, le gouvernement local, l’assistance sociale, le logement, l’aménagement du
territoire, le tourisme, le développement économique, les aspects régionaux des transports, la
police, le patrimoine, les affaires rurales, mais il existe des différences entre les régions.
Le Parlement écossais est doté d’un pouvoir législatif propre dans le cadre des compétences
qui lui sont dévolues. Le Government of Scotland Act lui a accordé une compétence générale
sur les affaires écossaises dans tous les secteurs qui ne lui sont pas expressément refusées
(reserved powers), tels que la monnaie, les affaires étrangères, la défense, la sécurité
sociale, la politique de l’emploi…
Les compétences du Parlement écossais sont :
 la santé
 l’éducation de la maternelle ou supérieur
 le logement
 l’urbanisme
 le développement économique et le commerce
 les transports (routes, transports en commun, ports)
 le tourisme
 les tribunaux judiciaires
 la police et les services d’incendie et de secours
 l’environnement
 l’agriculture et la pêche
 le sport et la culture.

Le Parlement écossais peut, en outre, modifier l’organisation des collectivités locales situées
sur son territoire, ainsi que le système fiscal local. Un système de régulation a également été
créé afin d'éviter les conflits de compétence législative entre le Parlement national et le
Parlement écossais. Ainsi, à l'initiative du Parlement écossais, les lois écossaises peuvent être
transmises pour avis, avant promulgation, à une commission judiciaire, composée
essentiellement de procureurs, qui peut également se prononcer sur la validité d'une loi
écossaise dans le cadre d'un recours de légalité.

L’Assemblée galloise est compétente pour la législation déléguée par le Parlement national de
Westminster. Elle peut simplement prendre des lois d’application et des règlements dans les
domaines de compétences qui lui ont été dévolues, à savoir :
 la santé et les services sociaux

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 130


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 l’éducation et les transports
 l’environnement.

A la différence du Parlement écossais, elle ne peut pas modifier l’organisation des


collectivités locales situées sur son territoire et n’exerce pas de responsabilités dans les
domaines de la justice et de la sécurité civile.

L’Assemblée semi-autonome d’Irlande du Nord, dispose d’un pouvoir législatif propre en


matière de santé, d’éducation, d’emploi, de commerce et d’environnement. Il convient
néanmoins de rappeler ici, que le processus de dévolution a fait l’objet de plusieurs
suspensions, la dernière datant du 14 octobre 2002. Depuis cette date, Londres a réouvert le
Northern Ireland Office alors que les institutions locales, sans être dissoutes, ont vu leurs
activités suspendues.

Tableau récapitulatif de la répartition des compétences


entre les collectivités territoriales britanniques
Secteurs / Collectivités de niveau infra- Collectivités de niveau régional
Décideurs régional
Comtés Districts GLA Écosse Pays de Irlande du
Galles Nord
État civil X
Maintien de X X
l’ordre public
Foncier- X X X X
Urbanisme
Eau –
Assainissement
Déchets X X
Ménagers
Distribution
d’énergie
Transports X X X X
Urbains
Voirie X X
Espaces Verts X X X X X
Logement X X
Santé X X X
Services X X
Sociaux
Éducation X X X X
Culture X X X X
Sports et X X
Loisirs
Développement X X X X
Économique

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 131


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Secteurs / Collectivités de niveau infra- Collectivités de niveau régional
Décideurs régional
Comtés Districts GLA Écosse Pays de Irlande du
Galles Nord
Activités
Marchandes
Autres

D – LES MOYENS DES COLLECTIVITÉS BRITANNIQUES

Les moyens financiers des collectivités territoriales au Royaume-Uni sont les suivants :

1. Les impôts : seul le « council tax », équivalent à l'impôt foncier français, est prélevé au
bénéfice des collectivités territoriales qui en décident le taux, même si un plafond est
fixé par l'État. Pendant longtemps, ce plafond était très bas, ce qui laissait peu de
marge de manœuvre aux collectivités britanniques. Néanmoins, depuis 1998, le plafond
n'est pas fixé à l'avance, les collectivités sont libres dans sa fixation, l'État se
réservant le droit d'intervenir en cas d'augmentation qu'il jugerait excessive. La
« business tax » est, quant à elle, collectée par les collectivités, mais pour le compte
de l'État qui fixe son taux national et en redistribue le produit aux collectivités.
L'autonomie financière des collectivités britanniques est jugée insuffisante et le
dynamisme du système peu adapté aux besoins des collectivités.

2. Les dotations : Les dotations globales, ayant vocation à financer les compétences
transférées par l'État, représentent 84 % des dotations, même si les dotations
spécifiques, utilisées par l'État pour orienter les investissements des collectivités
dans des domaines prioritaires, marquent une tendance récente à augmenter. Ce
système de dotation est jugé complexe, mais globalement juste, si ce n'est que les
dotations spécifiques sont le plus souvent perçues comme une source de justification
de l'action des collectivités territoriales devant l'État.

3. Les emprunts : Jusqu'en 2002 soumis à l'autorisation d'une instance étatique de


contrôle qui jugeait de la qualité, du bien fondé et du financement du projet, le
recours à l'emprunt est, depuis 2002, libre pour les collectivités auprès
d'établissements bancaires nationaux ou étrangers.

E – LES COOPÉRATIONS ENTRE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La coopération entre collectivités au Royaume-Uni repose sur la liberté des collectivités


territoriales de proximité qui souhaitent s'associer. Des structures déjà existantes sont
utilisées pour structurer la coopération, principalement des associations, mais aussi des

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 132


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unions de communes, des entreprises. Le partenariat privé est privilégié. L'objectif est
prioritairement de répondre à la fragmentation communale, en conférant aux structures de
coopération des compétences et des moyens financiers limités. Cette forme souple est basée
sur le volontariat des communes, mais l'intégration structurelle et fonctionnelle est limitée.

1 – Les coopérations horizontales entre collectivités de même niveau

Compte tenu de la taille très importante des collectivités et des regroupements de communes
déjà effectués dans le passé, les structures de coopérations horizontales sont très peu
répandues au Royaume-Uni. Seules des autorités associées (« joint authorities ») assurent la
gestion de certains services pour le compte de plusieurs collectivités, par exemple, dans les
zones urbaines, pour la gestion des transports de voyageurs, des services d'incendie et de
secours ou encore pour la collecte et le traitement des ordures ménagères.

L'article 101 de la loi des collectivités locales de 1972 permet à une ou plusieurs collectivités
locales de se décharger conjointement de certaines fonctions si les arrangements en vigueur
le permettent. Les collectivités ont aussi le pouvoir de coopérer entre elles pour améliorer le
bien-être économique, social et environnemental dans leurs secteurs.

Il existe, par ailleurs, des associations nationales pour améliorer la coopération entre
collectivités territoriales : Local Governments Association, Association of London Councils,
National Association of Local Councils.

2 – Les coopérations verticales entre collectivités de niveaux


différents

Le territoire de Londres et les anciennes comtés métropolitains sont administrés aujourd'hui


par une autorité unique. Ils sont ainsi tenus de coopérer dans l'exercice de certaines
compétences telles que la police, la lutte contre l'incendie, les transports. Ils coopèrent
parfois également volontairement, par exemple pour le ramassage des ordures ménagères.

Dans le reste du territoire britannique, les comtés et les districts disposent d'un statut
égalitaire, sans relation hiérarchique entre eux. Leurs coopérations se limitent ainsi à la
nécessaire coordination dans l'exercice de leurs compétences partagées. Ainsi, dans le
domaine de la planification, les comtés sont compétents pour définir les orientations
stratégiques de développement, alors que les districts prennent en charge l'élaboration des
plans locaux et le contrôle du développement sur leurs territoires.

3 – Les liens avec l'État

Le contrôle des actes des collectivités britanniques s'exercent principalement a posteriori et


constitue plus un contrôle d'opportunité qu'un contrôle de légalité. Cette tendance s'est

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 133


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
accentuée depuis les années 1980 notamment avec la création, en 1982, de l'Audit Commission
for Local Authorities. Cette commission dispose de moyens étendus : contrôle sur pièces et
sur place, demande de contrôle judiciaire sur toute décision ou absence de décision d'une
municipalité. Ces moyens sont utilisés, non pas pour vérifier la légalité des actes locaux, mais
pour s'assurer que les autorités locales fournissent les meilleurs services au moindre coût.

Ce contrôle des autorités locales n'est pas assuré par une administration centrale unique. Le
rôle prépondérant revient depuis 2001 à l'Office of the Deputy Prime Minister, placé sous
l'autorité directe du Premier Ministre. Cette agence est chargée de superviser
l'administration locale et de coordonner l'action de la dizaine de ministères qui interviennent
au niveau local.

Le contrôle d'opportunité exercé par l'autorité centrale est exercé en amont et en aval afin
de mesurer l'efficacité, l'efficience et l'économie des mesures prises par les autorités
locales. Cette organisation britannique du contrôle de légalité constitue une exception à la
tendance européenne actuelle où le contrôle d'opportunité reste une exception au profit d'un
contrôle a posteriori de légalité dont le champ se réduit progressivement. Cette forme de
contrôle s'accompagne de nombreux échanges d'information et d'un rôle de conseil de la
tutelle sur les autorités locales.

F – LES MODES LOCAUX DE GOUVERNANCE

1 - La gouvernance externe

Le management public territorial se caractérise aujourd'hui pas trois grandes tendances


présentes au niveau des collectivités territoriales du Royaume-Uni :

2. La territorialisation qui se développe au travers de la mise en place du fonctionnement


par projet, nécessitant le montage de partenariats négociés avec les multiples acteurs
des politiques publiques locales. C'est ainsi que naissent des territoires de projet qui
se caractérisent par la transversalité d'une action publique partenariale et multi-
centrée. Prenant la forme de réseaux et de contrats, ces partenariats tendent à
optimiser l'utilisation des fonds publics et de construire une dynamique commune entre
acteurs.

3. La démocratie participative souhaite remettre au cœur des préoccupations des


décideurs publics locaux les attentes et besoins des citoyens, qui sont également
usagers et contribuables.

4. La mise en concurrence obligatoire de certains services publics tels que la construction


et l'entretien des immeubles, la collecte des ordures ménagères et le nettoyage des
rues, la restauration scolaire, l'entretien de la voirie et des espaces verts, le
fonctionnement des centres de loisirs, les transports... Ce principe d'appel d'offres

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
obligatoire (« compulsory competitive tendering ») a été élargi, dans les années 90,
aux services juridiques, financiers, techniques et de communication. Cette démarche a
été remplacée en 2000 par la procédure dite de « best value » dont l'objectif est de
rechercher une amélioration continue de l'efficacité et de l'impact de ces fonctions.
5. Le partenariat public-privé est désormais devenu un moyen courant de mise en œuvre
des politiques que ce soit au niveau de l'État ou au niveau des collectivités
territoriales. Ainsi, les gouvernements britanniques ont incité fortement les
collectivités à passer des accords de financement de projets d'équipements avec des
entreprises privées. Ces projets « Private-Public Partnership » (PPP) et « Private
Financial Initiate » (PFI) permettent des projets d'investissements communs, voire
des opérations de mécénat.

L'objectif général de l'ensemble de ces nouvelles méthodes de management externe est


mieux satisfaire les exigences croissantes du citoyen-usager-contribuable. Ainsi, en 1999, le
livre blanc « Modernisation de l'administration publique » a affiché la nécessité d'améliorer
les services publics à court, mais également à long terme à travers les objectifs suivants :
3. la modernisation des services publics adaptés aux besoins des usagers
4. la garantie de services publics de qualité
5. la réhabilitation du service public
6. l'utilisation des technologies de l'information et de la communication.
Depuis 1992, une charte accompagne ces nouvelles démarches, la charte du citoyen, ou
« Citizen's charter ». Celle-ci a pour objectif de placer le citoyen au centre des
préoccupations de l'administration. L'administré doit avoir accès à une information simple et
intelligible, le service public rendu doit prendre en compte la possibilité d'exprimer un choix.
La courtoisie et l'obligeance sont de règle, des excuses, des explications et un règlement de
la situation devant être organisés en cas de plainte justifiée.

Dans ce même ordre d'idée, comme la plupart des pays européens, le Royaume-Uni a mis au
point des systèmes de suivi de la qualité et de la performance des services publics,
notamment locaux. Basé sur un principe de compétitivité ou « Compulsory Competitive
Tendering », les collectivités britanniques sont ainsi conduites à mettre systématiquement
leurs services en concurrence avec le secteur privé. Le système de « Best Values » permet,
quant à lui, de noter les performances des collectivités et de les mettre en concurrence les
unes par rapport aux autres.

2 – La gouvernance interne

Les collectivités territoriales sont, en général, administrées par une assemblée délibérante
entourée de commissions, consultatives ou obligatoires, et par un exécutif local qui prend des
formes différentes selon les pays.

Sur ce point, le Royaume-Uni était caractérisé par une forte particularité : les collectivités
n'ont, pendant longtemps, pas disposé d'organe exécutif spécifique. Ainsi, la plupart des

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 135


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
collectivités locales britanniques élisent tous les quatre ans au suffrage universel direct, au
scrutin majoritaire à un tour, des conseils qui ont vocation à se prononcer sur les grandes
orientations de la politique locale. Ces conseils élisent annuellement en leur sein un président
dont la fonction est néanmoins uniquement honorifique pour la présidence des réunions du
conseil.

Les membres des conseils délèguent la préparation des décisions et la gestion de la


collectivité à des commissions exécutives spécialisées, composées pour deux tiers de
représentants des conseils et pour un tiers de personnalités extérieures cooptées pour leurs
compétences ou leurs expériences. Par ailleurs, l'administration locale est dirigée par un
« chief officer », fonctionnaire local, responsable de la mise en œuvre des décisions de
l'assemblée et du fonctionnement quotidien de la collectivité.

Mais, le local government Act de 2000 a organisé la mise en place progressive de structures
exécutives au sein des collectivités anglaises et galloises selon plusieurs formes possibles :
– un maire élu directement au suffrage universel direct entouré d'un cabinet de 2 à 9
conseillers dont les membres sont désignés par l'assemblée en son sein
– un maire choisi par l'assemblée entouré d'un cabinet de 2 à 9 conseillers dont les
membres sont nommés soit par lui soit par l'assemblée
– un maire élu directement au suffrage universel, assisté par un responsable de
l'administration désigné par l'assemblée.

Par ailleurs, Londres bénéficie, depuis 1999, d'une organisation spécifique, l'Autorité du
Grand Londres, articulée autour de plusieurs entités :
 le maire
 une assemblée
 4 autorités déconcentrées : l'administration londonienne pour les transports et
l'agence pour le développement économique, relevant toutes deux de l'autorité directe
du maire et l'autorité de police métropolitaine et l'autorité responsable des services
d'incendie relevant quant à elles du gouvernement central.

Le maire et l'assemblée sont élus au suffrage universel direct, séparément mais le même jour,
tous les quatre ans. Les 25 membres de l'assemblée sont élus selon un mode de scrutin mixte
: 14 sont élus au scrutin majoritaire à un tour, 11 au scrutin de liste.

S'agissant des agents des collectivités territoriales, ils relèvent du Local Government Service
qui diffère fondamentalement du Civil Service national, seul système correspondant à une
fonction publique statutaire. Ainsi, les agents des collectivités territoriales n'ont pas de
statut d'emploi spécifique. Ils sont recrutés par contrats individuels de droit privé, la
législation nationale du droit du travail leur étant intégralement applicable au même titre que
les salariés du secteur privé.

La seule restriction à l'autonomie des collectivités territoriales dans la gestion de leurs

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 136


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
personnel est l'obligation de pourvoir à certains emplois (police, lutte contre l'incendie,
enseignements...) en lien avec l'exécution de certaines prestations obligatoires. Le nombre et
l'organisation des emplois locaux varient donc sensiblement d'une collectivité britannique à
une autre. Les collectivités doivent également respecter les conventions collectives négociées
au niveau national dans le cadre du National Joint Council for Local Government Services.

Les agents publics locaux peuvent être répartis en quatre groupes professionnels dont
l’homogénéité est toute relative :
 Les chiefs officers ou directeurs de service (environ 1% des effectifs locaux) parmi
lesquels on compte notamment les chief executive qui coordonnent et dirigent l’action et
les travaux des différents services. Ils sont ainsi amenés à jouer un rôle politique dans la
mesure où ils ont en charge la mise en œuvre du programme politique du Conseil. Le chief
executive est le principal conseiller technique du Conseil. Ce rôle tend à évoluer depuis le
Local Government Act qui impose désormais à chaque collectivité locale infra-régionale,
l’institution d’une autorité exécutive.

 Les white collar staff ou cols blancs (environ 39% des effectifs locaux), parfois appelés
officers, sont constitués des cadres administratifs (administrators), des cadres
techniques (professionals), des techniciens (technicians) et des employés de bureau
(clerical workers). Ils assistent les conseillers élus dans leurs tâches de gestion des
services.

 Les manuels workers ou cols bleus (environ 30% des effectifs locaux), regroupent les
travailleurs manuels et les personnels de service.

 Les autres catégories d’agents territoriaux (environ 30% des effectifs locaux)
appartiennent à des services spécialisés. Au sein de ce quatrième groupe sont réunis
notamment les enseignants de l’enseignement primaire et secondaire, les pompiers et les
travailleurs sociaux.

II – LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN ITALIE

A – L'ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE DE L'ITALIE


La Constitution italienne précise que l'Italie est une « République une et indivisible » et est
constituée des communes (communionionionion), des provinces (province), des villes
métopolitaines (città metropolitane), des régions (regioni) et de l'État. Ainsi chaque niveau
d'administration dispose d'une égalité dignité Constitutionnelle dans ses relations avec les
autres niveaux, État compris. Chaque niveau de collectivité dispose d'une garantie statutaire
d'autonomie.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 137


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Sur le modèle français, les provinces et les communes constituent également des
circonscriptions de l'État, ainsi que de la région. Ce principe est fixé par la Constitution. Le
montant des dépenses locales représente 32,5 % des dépenses publiques et 15,8 % du PIB,
l’une des proportions les plus élevées de l’Union européenne à 25. Cette particularité résulte
de l'important champ de compétences des collectivités locales, notamment celui des régions
en matière de santé.

1 – Les régions
Les régions représentent le premier niveau d'administration territoriale en dessous de l'État.
Les régions disposent d'une autonomie normative (compétences législative et réglementaire)
et d'organisation ainsi qu'une certaine autonomie financière.

L'autonomie financière est Constitutionnellement reconnue, tant en dépenses qu'en recettes


mais demeure encadrée par des lois nationales.

a – Les institutions
La Constitution prévoit l'institution de trois organes dans chaque région à statut ordinaire : le
conseil régional (consiglio regionale), l'exécutif (giunta regionale) et le président.
Sous réserve de respecter ces prescriptions, les régions sont libres de fixer leur organisation
institutionnelle. Cette compétence est exercée par le Conseil Régional, sous le contrôle de la
Cour Constitutionnelle Italienne. Ainsi l'organisation des services et le statut du personnel
sont fixés pas des dispositions régionales, dans le cadre fixé par une convention collective
nationale qualifiée « de droit privé ».
 Le président
Le président est le représentant de la région. Il est notamment chargé de la direction de la
politique régionale. Il est élu au suffrage universel direct, sauf si les statuts particuliers en
décident autrement. Il nomme et peu révoquer les membres du gouvernement régional, la
« giunta ». Le Président promulgue les lois régionales et les règlements. Il a la charge des
fonctions administratives qui sont déléguées par l'État aux régions. Dans ce domaine, comme
un maire français, il doit se conformer aux directives du Gouvernement.
 La « giunta » régionale
C'est l'organe exécutif de la région. Ses membres sont nommés par le Président. Elle dispose
de compétences administratives générales. Elle prépare et exécute le budget régional et met
en œuvre les décisions du Conseil régional. Elle dispose du pouvoir de proposition en matière
législative et réglementaire à vocation purement régionale.
 Le Conseil Régional
Il est composé de 30 et 80 conseillers, parmi lesquels est élu le Président de l'assemblée. Le
Conseil régional exerce le pouvoir législatif dont sont investies les régions et assume les
fonctions administratives qui lui sont attribuées par la loi. Le Conseil régional a également la
faculté d'adresser des propositions de loi à la Chambre des députés.

Sauf dans certaines régions à statut spécial (Frioul-Vénétie-Julienne, Sicile ou Trentin-


Haut-Aige) où il est confié à la « giunta », le Conseil Régional dispose également du pouvoir

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 138


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
réglementaire. Le Conseil Régional peut adopter, à la majorité absolue de ses membres, une
motion de défiance sur proposition d'au moins un cinquième d'entre eux. Si la défiance est
votée, elle entraîne la démission de la « giunta » et la dissolution du Conseil régional.

b – Le territoire
Vingt régions sont listées dans la Constitution, dont l'une, le Trentin-Haut-Adige est divisée
en deux provinces autonomes de statut assimilé à celui d'une région. Elles sont définies par
l'agrégation du territoire de plusieurs provinces. La Constitution fixe les règles applicables à
la fusion de régions existantes ou à la création de nouvelles régions.

c – Les compétences
La Constitution confie l'exercice du pouvoir législatif à l'État et à la Région. Il limite
également le pouvoir réglementaire de l'État aux domaines pour lesquels il a compétence
législative exclusive. Les régions disposent donc du pouvoir réglementaire pour l'ensemble des
autres secteurs. Il est également précisé que la loi nationale s'applique lorsque aucune loi
régionale n'est en vigueur.

La liste des compétences de la région se déduit, « en creux », de la liste des compétences


exclusives de l'État qui sont les suivantes :
1. politique étrangère ;
2. défense nationale ;
3. système fiscal et monétaire ;
4. épargne ;
5. sécurité nationale ;
6. immigration ;
7. normes générales sur l'instruction, la sécurité sociale, les lois électorales, etc.

De fait, les compétences régionales s'exercent surtout dans les domaines des transports, des
travaux publics, de l'organisation hospitalière, de la culture, du tourisme, de l'urbanisme et
de la police locale. Elles sont également chargées d'organiser les fonctions administratives au
niveau territorial.

Certaines compétences, dites concurrentes, sont partagées avec l'État :


1. enseignement ;
6. sécurité du travail ;
7. tutelle de la santé ;
8. relations internationales ;
9. commerce extérieur, etc.
Dans ces domaines le pouvoir législatif est exercé par la région dans le respect des principes
fondamentaux édictés par l'État.

Les régions peuvent procéder à l'application des accords internationaux et des actes de
l'Union européenne qui empiètent sur leurs domaines de compétence. Elle peuvent également

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 139


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
conclure des accords avec des pays ou des collectivités territoriales étrangères.

d – Les finances
À partir de 1999 une réforme fiscale a modifié les modes de financement des collectivités et
simplifié les dispositifs existants. Les régions ont été autorisées à recevoir le produit de
nouveaux impôts, notamment l'impôt régional sur les activités productives et la taxe
additionnelle à l'impôt sur le revenu des personnes physiques

À partir de 2001 les transferts automatiques de l'État ont été supprimés. Ils ont été
compensés par le versement aux régions d'une quote-part des recettes de TVA et de la taxe
sur les carburants. Ces mesures ont été complétées par un nouvel accord-cadre sur la santé
passé pour la période de 2002 à 2012, entre l'État et les régions, chacune des parties
s'engageant à supprimer les déficits accumulés dans ce secteur. Les régions ne peuvent pas
recourir à l'emprunt pour financer le déficit des dépenses de santé.

Par ailleurs les régions perçoivent en outre des financements européens destinés à la
réalisation de projets de cohésion à caractère économique et social. Les régions à statut
spécifique ont la capacité de conserver la plupart des impôts d'État prélevés sur leur
territoire et peuvent imposer leurs propres taxes. Les autres régions peuvent créer des
taxes et participent au partage des impôts nationaux. Elles sont chargées de la collecte des
impôts mais elles peuvent déléguer cette tâche à l'État.
L'accroissement de la part fiscale des ressources des collectivités conduit à une diminution
des capacités d'influence de l'État sur les échelons décentralisés, à la différence des anciens
modes de financement (dotations) dont l'affectation pouvait être contrôlée.

Budget des régions en 2005


(en millions d'euro)
Dépenses Recettes
Impôts propres et contributions
Activités institutionnelles 27501,2 16,30 % 60,2 %
additionnelles
Développement économique 17513 10,50 % Dotations (État, UE, etc.) 9,5 %
Tutelle et développement
21188 12,80 % Recettes autres que fiscales 1,2 %
territorial
Services à la personne 86360 52,10 % Aliénation de biens 5,8 %
Prêts et autres opérations
Autres charges 13729 8,30 % 9,5 %
financières
Autres 13,9 %
Total 165802
Source: Office statistique italien, Istituo nazionale di statistica

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 140


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
2 – Les provinces

L'autonomie des collectivités est protégée, l'État ne dispos pas d'une compétence générale, il ne
peut légiférer qu'en matière d'élection des organes de gestion et de compétences fondamentales.
Les provinces sont au nombre de 110.

a – Les institutions
Dans la mesure où elles respectent des prescriptions légales nationales en matière d'organes de
gestion (exécutif - giunta - et président) et de modes de désignation (élection directe du
président de province), les provinces disposent de la compétence de fixation de leur propre
statut. Ces collectivités sont également tenues de respecter les lois organisant le statut des
administrateurs locaux.
Les organes de la province sont :
 le Conseil provincial (« Consiglio provinciale »), assemblée délibérante ;
 le Président (« Presidente »), qui préside la province et le Conseil. Il dirige les services
administratifs de la province ;
 la « Giunta », l'exécutif, composée du Président et des assesseurs (« assessori »)
nommés par lui.
Les membres du Conseil provincial et le Président de la province sont élus au suffrage universel
direct.

b – Le territoire
Le territoire des provinces est délimité par une loi nationale, sur l'initiative des communes. Des
dispositions ont toutefois été introduites pour encadrer cette initiative, de façon à limiter le
nombre de provinces (huit ont été cependant créées dès l'entrée en vigueur de la loi de 1990).

c – Les compétences
Les provinces sont compétentes en matière d'aménagement du territoire, de défense de
l'environnement, de transport et de viabilité. Elles exercent notamment les compétences de :
 planification locale et de zonage du territoire ;
 police locale et d'organisation des services de lutte contre les incendies ;
 réglementation des transports (enregistrement des véhicules à moteur) et de
maintenance des routes secondaires ;
 police locale (Polizia Provinciale).

d – Les finances
Environ 60 % des recettes courantes des communes sont des recettes fiscales et 30 % sont
des recettes fiscales propres. Les ressources de la Commune sont complétées par l'État, dans
le cadre de fonds de péréquation, et par la Région au titre des compétences déléguées.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 141


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Budget des provinces en 2004 (en millions d'euro)
Recettes Dépenses
Recettes courantes 9 108 Dépenses courantes: 7 949

dont recettes fiscales 4 446 dont dépenses de personnels: 2 059


transferts 4 160 acquisition de biens et services: 3 330
transferts: 1 821
intérêts et charges financières diverses: 376
Recettes sur le compte en capital 3 751 Dépenses sur le compte de capital : 6 401
Prêts contractés 2 263 Dont investissements: 4430
remboursement des prêts: 1 007
Total 14756 Total 14350
Source: Office statistique italien, Istituo nazionale di statistica

3 – Les communes
Les communes sont au nombre de 8 100 environ. Comme les provinces, leur autonomie des
collectivités est protégée, l'État ne peut légiférer qu'en matière d'élection des organes de
gestion et de compétences fondamentales.

a – Les institutions
De même, dans la mesure ou elles respectent des prescriptions légales nationales en matière
d'organes de gestion (conseil (consiglio) et maire) et de modes de désignation (système
majoritaire dans les communes de moins de 15 000 habitants et élection directe du maire dans les
autres), les communes disposent de la compétence de fixation de leur propre statut. Elles sont
également tenues de respecter les lois organisant le statut des administrateurs locaux.
Les organes de la commune sont :
 le Conseil communal (Consiglio Comunale) de 12 à 60 membres (suivant le nombre de la
population), est l’organe délibérant de la commune ;
 la « Giunta Comunale » est l’organe exécutif de la commune. Elle est présidée et
dirigée par le maire et comprend les adjoints (« Assessori ») que celui-ci s’est choisi au
sein du Conseil municipal ;
 le Maire (Sindaco).

b – Le territoire
Le territoire des communes est délimité par une loi régionale, selon des procédures fixées par la
région elle-même. Une disposition nationale limite cependant la fragmentation communale en fixant
à 10 000 habitants le seuil de création de nouvelles communes. Cette procédure est considérée
comme rigide ; de fait la carte communale a peu évolué. Il est généralement estimé que les
communes de moins de 3 500 habitants ne sont pas en mesure d'assurer la prestation des services
publics qui leur sont confiées.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 142


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
c – Les compétences
Les communes exercent les fonctions de service direct aux populations (assistance, santé,
etc.) et disposent de larges compétences d'aménagement, d'urbanisme et de gestion du
territoire (foires et marchés par exemple).

Les communes sont chargées des jardins d’enfants et des écoles primaires, de l’action sociale,
de la propreté des voies publiques et de la collecte des ordures. De nombreuses communes se
sont dotées d’une police municipale (Polizia Municipale) qui est surtout chargée de missions de
proximité (contrôle de la circulation, contrôle des magasins et établissements commerciaux
surtout en ce qui concerne les autorisations d’ouverture et le respect des horaires
d’ouverture et de fermeture).

d – Les finances
Environ 60 % des recettes courantes des communes sont des recettes fiscales et 29 % sont
des recettes fiscales propres. Les ressources de la Commune sont complétées par l'État, dans
le cadre de fonds de péréquation, et par la Région au titre des compétences déléguées.

Budget des communes en 2004 (en millions d'euro)


Recettes Dépenses
Recettes courantes 49531 Dépenses courantes: 45566
Dont recettes fiscales 24673 dont dépenses de personnels: 14987
transferts 13306 Acquisition de biens et services: 21536
Transferts: 4787
Intérêts et charges financières diverses: 2556
Recettes sur le compte en capital 23146 Dépenses sur le compte de capital 35909
Prêts contractés: 10663 dont investissements: 23413
Remboursement des prêts 6985
Total 83009 Total 81475
Source: Office statistique italien, Instituo nazionale di statistica

3 – Villes métropolitaines et communautés de montagne

a – Les villes métropolitaines


Les villes métropolitaines constituent un statut particulier élaboré au profit des grandes
agglomérations. Cette collectivité est prévue pour se substituer aux provinces dans les plus
grandes agglomérations et peuvent rassembler une ville centre et éventuellement les
communes environnantes.

Outre les compétences de la province peuvent leur être accordées des compétences d’intérêt

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 143


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
supracommunal par transfert des compétences normalement dévolues aux communes. Sont
concernées par ce statut les agglomérations de Bari, Bologne, Florence, Gênes, Milan, Naples,
Reggio-de-Calabre, Rome, Turin et Venise ; ainsi que les aires métropolitaines reconnues par
les régions à statut spécial : Cagliari, Catane, Messine, Palerme et Trieste. À ce jour aucune
cité métropolitaine n'a été instituée sur le territoire italien.

b - Les communautés de montagne


Créées en 1971, les communautés de montagne (« comunità montana ») sont des collectivités
territoriales de plein exercice depuis 1990. Il s'agit de structures associatives regroupant
plusieurs communes qui disposent de compétences propres en matière de développement des zones
de montagneuses et peuvent recevoir délégation de compétences des communes. Elles peuvent
préfigurer de nouvelles communes créées par fusion des communes associées.

B - L'HISTOIRE DE L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE LOCALE


1 – Une réforme d'ampleur en 2001
L'organisation des collectivités territoriales en Italie a été profondément modifiée par la
réforme Constitutionnelle du 18 octobre 2001 qui a été conçue dans une approche fortement
décentralisatrice. Cette réforme, dont la mise en œuvre a été ralentie par l'alternance
gouvernementale, contrarie le mouvement de centralisation mis en œuvre depuis la création
de l'État unitaire en 1861. En effet la centralisation a été conçue comme un moyen de lutter
contre la fragmentation héritée des différents États existant auparavant sur la péninsule.

L'objectif de la réforme de 2001 était de faire évoluer le système d'organisation centré


autour de l'État, régions, provinces et communes se positionnant vis vis de celui-ci.

2 – Une démarche lancée aux lendemains de la deuxième guerre mondiale


La démarche décentralisatrice n'est toutefois pas nouvelle en Italie : dès 1946 la région est
identifiée comme le niveau d'administration autour duquel un grand projet de décentralisation
pourrait être construit. Afin de la différencier des communes et des provinces, celle-ci reçoit
donc compétence législative, à la place de l'État, et sur un champ de compétence précisément
bordé. Cette dévolution s'accompagne de la création d'une procédure « d'administration
indirecte » qui prévoit la délégation « nécessaire » de la région aux autres collectivités
territoriales (provinces et communes) des fonctions administratives opérationnelles. En
revanche la région ne dispose d'aucun pouvoir vis à vis des autres niveaux de collectivités.

L'organisation des collectivités territoriales a ensuite suivi un processus d'aménagement de


longue durée entre 1945 et 2001 :
1. entre 1945 et 1953 cinq régions à statut spécial sont créées : Frioul–Vénétie-
julienne, Sardaigne, Sicile, Trentin–Haut-Adige, val-d'Aoste ;
2. en 1970 quinze régions à statut ordinaire sont créées, des compétences étatiques
leur sont transférées en 1972 et 1977. En effet, bien que prévues par la
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 144
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Constitution de 1948, les régions à statut ordinaire n'ont effectivement été mises
en place qu'au début des années 1970 ;
3. entre 1977 et 1990 est élaboré un système administratif adapté aux nouvelles
compétences exercées par les régions, la loi n° 142 de 1990 permettra de
remplacer le « Recueil des lois sur les communes et les provinces » de 1934 ;
4. entre 1990 et 2001 un ensemble de réformes, législatives et Constitutionnelles,
met en place un système de « fédéralisme administratif » inspiré du modèle
allemand. La quasi totalité des fonctions administratives de type opérationnel sont
confiées aux régions et aux autres collectivités territoriales.

En revanche il n'existe pas de dispositif institué de « collaboration intergouvernementale »


entre le gouvernement central et les autorités locales, sur le modèle du Bundesrat allemand.
Le gouvernement a envisagé la création une « Chambre régionale et des autonomies locales »,
qui se serait substituée au Sénat pour venir assurer un lien parlementaire entre l'État et les
collectivités territoriales. Ce projet de loi, soumis à référendum en 2006, a été rejeté par
plus de 60 % des électeurs.

3 - La difficile cartographie des compétences

a – Une répartition flexible des compétences entre les différents niveaux


d'administration
L'article 118 du titre V de la Constitution italienne précise que « Les fonctions
administratives sont attribuées aux Municipalités, à l'exception de celles attribuées aux
Provinces, Villes métropolitaines et Régions ou à l'État, en application des principes de
subsidiarité, différenciation et proportionnalité afin d'assurer leur mise en œuvre
uniforme. »

Ce principe a une double signification :


 celle d'une compétence générale élargie des communes, les plus aptes à répondre aux
besoins et aux intérêts des citoyens dont elles sont les plus proches ;
 celle de l'exercice de certaines compétences par les autres niveaux d'administration
locale en raison de leur aptitude à les exercer, compte tenu notamment de
l'importance des intérêts qu'elles ont à défendre.

Par conséquent au delà du primat accordé à l'administration communale, le modèle est


extrêmement flexible et adaptable, en fonction des décisions du législateur. En effet la
dévolution des compétences aux différents niveaux d'administration relève de la compétence
du législateur, national ou provincial, en fonction de leurs compétences respectives. Les
régions ayant reçu un champ de compétence élargie, ce sont elles qui, pour l'essentiel,
déterminent les compétences exercées par les autres échelons d'administration locale.

Ainsi la répartition des compétences entre les différents niveaux d'administration dépend de
l'importance des enjeux pris en charge par chacun d'entre eux, et de leur capacité à exercer

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 145


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
cette compétence. Par conséquent, en raison de l'hétérogénéité des territoires, des
ressources et des populations des collectivités de même niveau, celles-ci peuvent exercer des
compétences différentes les unes des autres.

b – Une autonomie des collectivités garantie par la Constitution


L'état conserve, sous le contrôle de la Cour Constitutionnelle saisie par les régions, la
possibilité d'intervenir dans la répartition des compétences entre les différents niveaux
d'administration locale, dans le champ de compétence des régions si cette intervention est
motivée par l'intérêt général et est proportionné, raisonnable et agréé par les régions
concernées.

Cependant le renforcement de l'autonomie des différents niveaux de collectivités locales fait


obstacle à ce que l'État exerce un contrôle d'opportunité sur les décisions prises par les
différents niveaux de collectivités. En revanche sa capacité d'audit et d'expertise ex-post
est maintenue. Le rôle de la Cour d'Audit de l'État, équivalent de la Cour des Comptes, est
important, d'autant que son indépendance est garantie par la Constitution. Elle joue un rôle
important d'analyse de l'efficacité du service rendu, de son efficience et de son effectivité.

c – Une dévolution des compétences inachevée


S'il semble résulter en théorie assez clairement des dispositions Constitutionnelles que les
compétences qui ne sont pas expressément exercées par l'État et les autres collectivités
relèvent de la compétence municipale, la mise en place des transferts de compétences n'est
pas encore terminée. Au surplus le caractère diversifié de la répartition des compétences ne
facilite pas la mise en place aisée du nouveau système d'administration locale. De plus aucun
système de régulation de cette répartition n'a été mis en place, les pouvoirs publics ne
paraissant pas très concernés par ces enjeux administratifs. Cette difficulté se retrouve
dans la fixation du champ des transferts de moyens et de personnels.

La pratique de l'État régional va se révéler assez décevante, alternance politique et


difficultés juridiques. Le système des listes énumératives de compétences ne règle pas tous
les problèmes. En raison du chevauchement potentiel des compétences énumérées, voire
d'erreurs. En raison également au recours à des notions floues comme celui de « principes
fondamentaux ». Ces imprécisions ont conduit la Cour Constitutionnelle à se prononcer plus de
500 fois sur la question de la répartition des compétences. Elle a cherché à trouver un
équilibre « constructif » entre autonomies régionales et unité de l'État, notamment lorsque
l'interprétation trop littérale des listes de compétences inscrites dans la Constitution aurait
pu conduire à sacrifier exagérément la compétence législative de l'État italien. Par
conséquent la mise en place de la réforme Constitutionnelle se fait graduellement et
sectoriellement, par étapes successives.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 146


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
3 – Le contrôle de légalité

a – Le contrôle de légalité appliqué à la Région


Les actes des régions ne font l'objet d'aucun contrôle d'opportunité ou préalable de l'État.
Le gouvernement national peut soumettre à la Cour Constitutionnelle toute loi régionale qui lui
paraît contraire à la Constitution ou excéder les compétences législatives régionales.

La dissolution du Conseil régional est possible pour avoir accompli des actes contraires à la
Constitution, de graves violations de la loi ou par suite de démission ou d'impossibilité de
trouver une majorité. La proposition de dissolution est formulée par le Conseil des ministres,
après avis de la commission bicamérale du Parlement pour les questions régionales. La décision
est prise par le Président de la République.

b – Le contrôle de légalité des communes et des provinces


Les modalités du contrôle de légalité des actes des communes et des provinces est un
contrôle juridictionnel, la garantie constitutionnelle de l'indépendance et de l'autonomie des
collectivités faisant obstacle à tout contrôle a priori ou d'opportunité.

4 – Les relations entre les collectivités


De manière générale, les relations entre les différents niveaux d'administration se fait
« entre égaux » en raison des principes constitutionnels, même si les rapports de force
peuvent être déséquilibrés, au profit de l'État ou de la Région.

Des conventions et consortiums, accords qui peuvent être passés entre collectivités de même
niveau; permettent de fixer un cadre de coopération. Il existe également des accords de type
vertical, comme les conférences de services et les accords de programme.

Les communes peuvent se réunir au sein d’unions (unioni di comuni) sans limite de périmètre ni
de fonctions.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 147


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
III – LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN ESPAGNE

INTRODUCTION

L'organisation de l’État
L’Espagne est un État unitaire fortement décentralisé. La Constitution espagnole a été
ratifiée en décembre 1978 ; son article 2 reconnaît « le droit à l’autonomie des nationalités et
des régions […] et la solidarité entre elles ». L’article 137 garantit l’autonomie des communes,
des provinces et des communautés autonomes. L’Espagne a ratifié la Charte européenne de
l’autonomie locale le 8 novembre 1988.

L’Espagne est une monarchie parlementaire :


 Le Parlement est bicaméral, constitué du Congrès des députés (Congreso de los
diputados) et du Sénat (Senado)
 Le Roi est le chef de l’État
 Le gouvernement est dirigé par le Premier ministre, élu par le Congrès des députés.

L'organisation institutionnelle au niveau territorial


L’Espagne est le deuxième plus grand pays de l’Union européenne par la superficie et le
cinquième par la population. Son organisation territoriale comprend à la fois une
administration déconcentrée de l’État central et un niveau décentralisé.

Au niveau régional, le Délégué général (Delegado General del Gobierno) nommé par le
gouvernement central est le représentant permanent de celui-ci. C’est l’autorité chargé de
diriger l’administration déconcentrée au sein de chaque communauté autonome. Au niveau des
provinces, les sous-délégués (Subdelegaciones del Gobierno) remplit les mêmes fonctions.

L’Espagne compte trois niveaux de collectivités territoriales :


 17 communautés autonomes (comunidades autónomas)
 50 provinces (provincias)
 8 112 communes (municipios)

Le pays compte également deux villes autonomes situées en Afrique du Nord : Ceuta et
Melilla.

Les collectivités locales espagnoles sont représentées par la Fédération espagnoles des
communes et provinces (Federación española de Municipios y Provincias). Les communautés
autonomes de disposent pas d’une structure de ce type.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 148


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Quelques chiffres
Données économiques (chiffres de 2005) :
 PIB : 908 milliards d’euros
 PIB/hab. : 21 000 euros
Finances publiques :
 Dépenses publiques : 38 % du PIB
 Dépenses du secteur public infra-national : 20 % du PIB
Dans le cadre de la programmation 2007-2013 des fonds structurels et de cohésion, l’Espagne s’est
vue attribuée une enveloppe annuelle moyenne équivalente à 0,53 % du PIB, ce qui fait du pays le
deuxième plus grande bénéficiaire des fonds européens, derrière la Pologne.

A – LE PAYSAGE INSTITUTIONNEL TERRITORIAL

1 – Les niveaux de collectivités territoriales


L’Espagne est caractérisée par un fort niveau de décentralisation reposant sur trois niveaux
de collectivités territoriales. Si l’Espagne reste un État unitaire, le processus de
décentralisation l’apparente à un État fédéral, devenant ainsi un « État de régions
autonomes ».

Après la chute du régime de Franco, les premières à faire usage de la possibilité d’acquérir le
statut de communauté autonome furent les nationalités historiques, encore autonomes avant
la guerre civile et dont l’identité était renforcé par l’existence d’une langue propre : le Pays-
Basque, la Catalogne et la Galice. À partir des années 70, le reste du pays a suivi leur exemple.
Aujourd’hui, toutes les communautés autonomes ont obtenu une autonomie et des pouvoirs
législatifs étendus, bien que les communautés autonomes à régime foral (Cf. infra) aient
toujours à l’heure actuelle une autonomie plus large que les autres régions.

La population et les caractéristiques des différentes communautés sont très variables : on


compte ainsi 250 000 habitants à la Rioja, contre 6 à 7 millions d’habitants à Madrid, en
Catalogne ou en Andalousie. Le nombre de communes de chaque communauté varie de 45 à
2 200. Le PIB par habitant varie de 15 000 euros en Estrémadure à 28 000 euros à Madrid.

Les communautés autonomes comprennent de une à neuf provinces ; les 50 provinces comptent
en moyenne un peu moins de 900 000 habitants. Au cours du processus de décentralisation,
elles ont perdu plusieurs de leurs prérogatives au profit des communautés autonomes et des
communes. La répartition en trois niveaux de collectivités territoriales ne s’applique pas à
l’ensemble du territoire espagnol, sept provinces ayant elles-mêmes acquis le statut de
communauté autonome après 1978.

L’Espagne compte 8 112 communes ; la population moyenne d’une commune est de 5 430
habitants. Barcelone et Madrid jouissent d’un statut spécial, une « charte municipale » leur
confère des compétences et des modalités de financement spécifiques. L’Espagne compte
également 3 700 entités infra-municipales comme les paroisses ou les districts ruraux.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 149


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
2 – L’organisation politique des collectivités infra-nationales

a – Les instances politiques des collectivités infra-nationales


L’assemblée délibérante des communautés autonomes (asamblea regional, parlamento regional
ou cortes regionales) est élue au suffrage universel à la proportionnelle pour une durée de
quatre ans ; elle dispose d’un pouvoir législatif. Les fonctions exécutives sont exercées par un
conseil de gouvernement (consejo de gobierno) dirigé par un président (presidente), désigné
par les membres de l’assemblée en son sein. Le président nomme les membres du conseil de
gouvernement, qui dispose d’un pouvoir d’initiative réglementaire et législative.

L’organe délibérant des provinces, la diputación provincial, se compose de membres élus par et
parmi les conseillers municipaux de la province, tous les quatre ans et après les élections
municipales. Cet organe élit en son sein un président (presidente de la provincia) qui exerce le
pouvoir exécutif. Le président est assisté d’un conseil de gouvernement.

L’organe délibérant des communes est le conseil municipal (pleno). Il est élu au suffrage
universel direct à la proportionnelle pour une durée de quatre ans. Désigné en son sein, le
maire (alcalde), assisté d’un conseil de gouvernement, composé de conseillés municipaux qu’il
nomme et peut révoquer à tout moment, forment l’exécutif. Le maire préside le conseil.

b – La participation des citoyens à la vie politique locale


Les référendums locaux ne sont possibles qu’au niveau municipal. Une question populaire peut
être demandée par les habitants pour toute question relevant des affaires locales de la
commune, à l’exception des questions relatives aux finances locales. Celles-ci ne sont
toutefois que de nature consultative. Une consultation ne peut être organisée qu’après
l’autorisation du gouvernement central et de la communauté autonome. Les thèmes les plus
fréquents sont la fusion ou la scission de communes et la modification de leurs frontières.

– 3 – Les compétences des collectivités territoriales


a- Les domaines de compétence
La loi de réglementation des collectivités locales (Ley Regulatora de las Bases del Régimen
Local) de 1985 définit le cadre du partage des responsabilités entre les différents niveaux
d’administration, et liste les services que les collectivités locales doivent servir.

Les compétences des communes varient selon leur taille :


 Toutes les communes sont responsables de leurs réseaux de distribution
(assainissement, alimentation en eau, éclairage public et entretien de la voirie) et de la
police municipal ;
 Les communes de plus de 5 000 habitants doivent également prendre en charge les
marchés, les parcs publics et les bibliothèques ;
 Les communes de plus de 20 000 habitants sont également compétentes pour les
services d’urgence et de lutte contre les incendies, l’insertion sociale et les

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 150


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
installations sportives ;
 Les communes de plus de 50 000 habitants sont, en outre, chargées de la protection
de l’environnement et des transports collectifs urbains.
On recense par ailleurs un certain nombre de compétences facultatives telles que la sécurité
publique, la gestion du trafic, les activités culturelles et le tourisme.

L’État central et les communautés autonomes peuvent déléguer des compétences aux
communes dans des domaines dont ils ont le contrôle. Ainsi, la plupart des communes ont un
service de l’éducation (Consejalía de Educación) responsable de l’entretien des établissements
scolaires et de la gestion des programmes d’enseignement, alors qu’il s’agit d’une prérogative
habituelle des communautés autonomes.

L’avènement des communautés autonomes à réduit les pouvoirs des provinces, à l’exception de
celles du Pays Basque. Elles exercent des compétences à caractère supra-communal et sont
chargées de l’assistance technique aux communes de moins de 5 000 habitants. Elles
conduisent les projets d’investissement dépassant le simple cadre communal (réseau routier
secondaire, certains hôpitaux, etc.) Elles peuvent également exercer des compétences
déléguées par les communautés autonomes ou par l’État.

Le transfert de compétences au profit des communautés autonomes repose sur le principe


selon lequel les compétences qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la
Constitution incombent aux communautés autonomes. Leurs pouvoirs sont consacrés par
l’article 148 de la Constitution et par les statuts de chacune des communautés autonomes,
statuts qui prennent la forme de lois organiques.

Les communautés autonomes sont notamment compétentes en matière d’aménagement du


territoire, d’urbanisme et de logement. Elles coordonnent les travaux publics, les chemins de
fer et les routes sur tout le territoire et sont en charge de l’agriculture, des eaux et forêts
et de la pêche. Elles sont responsables des politiques de développement économique, de la
culture et de la recherche, des musées, des bibliothèques et des monuments publics, du
tourisme, du sport et des activités de loisirs. Leurs principales missions concernent la santé
(y compris les hôpitaux) et l’enseignement (y compris l’enseignement supérieur).

Enfin, le gouvernement espagnol a redéfini les termes de la participation des communautés


autonomes aux affaires de l’Union européenne, leurs ministres régionaux seront désormais
tous habilités à faire partie de la délégation nationale espagnole.

b – Les transferts de compétences


Lors de l’approbation de la Constitution en 1978, l’Espagne était un État très centralisé. De
peur que le séparatisme soit un facteur d’instabilité, un État fortement décentralisé a été
instauré. Depuis, le transfert de compétences aux communautés autonomes a progressé à un
rythme soutenu. Au cours d’une nouvelle vague de décentralisation en 2000 et 2002, de
nouvelles compétences ont été transférées.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 151


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Le processus de décentralisation s’est fait à deux vitesses, on distingue ainsi :
 Sept communautés « à voie rapide »
 Dix communautés « à voie lente ».
Les communautés autonomes à voie rapide ont immédiatement bénéficié de larges champs de
compétence, ce processus ayant été plus progressif pour les autres. Aujourd’hui, les
communautés « à voie lente » exercent les mêmes compétences que les communautés « à voie
rapide ».

Le processus de décentralisation n’est pas achevé, certaines communautés exprimant le désir


d’étendre leur autonomie. Plusieurs d’entre elles ont récemment adopté un nouveau statut,
telles que la Catalogne en juin 2006, Valence en avril 2006, les îles Baléares en mars 2007,
l’Andalousie en mars 2007 et l’Aragon en avril 2007. Le gouvernement a également créé la
« conférence des présidents » composée du Premier ministre et des Présidents des
communautés autonomes et traitant de questions d’intérêt général.

La seconde vague de décentralisation, attribuant davantage de compétences aux provinces et


aux communes, ne progresse en revanche pas aussi vite.

c – Les modes de gestion des services publics locaux


Les collectivités locales peuvent choisir librement entre plusieurs modes de gestion pour les
services locaux. Elles peuvent créer des entreprises publiques locales. On distingue les
entreprises entièrement publiques des entreprises à capitaux mixtes. Elles interviennent
surtout en matière d’aménagement du territoire. Les services d’approvisionnement en eau et
de collecte des déchets sont le plus souvent gérés sous forme de concession de service public.

Depuis l’introduction des partenariats public-privé (PPP) en 2003, ce mode de gestion est très
courant pour les transports, les infrastructures et les hôpitaux.

d – La coopération intercommunale
Plusieurs grandes communes urbaines peuvent se regrouper pour former une aire
métropolitaine (area metropolitana) afin de gérer en commun des services. Il existe
également des entités supracommunales créées à l’initiative des communautés autonomes
appelées comarcas dans le but de gérer les services que les communautés autonomes leur
délèguent. Les syndicats intercommunaux appelés mancomunidades sont des groupements de
communes chargés de l’exécution de travaux ou de la prestation de services publics. Ils sont
dotés de statuts propres. La coopération concerne le plus souvent l’alimentation en eau, la
gestion des déchets, l’assainissement, les transports, les services sociaux et la protection
civile. Environ 75 % des communes espagnoles font partie d’un syndicat intercommunal.
Les consortiums sont des regroupements de collectivités locales avec d’autres collectivités
publiques ou avec des organismes privés sans but lucratif qui poursuivent des objectifs
d’intérêt public. Ils sont particulièrement actifs dans les domaines de la gestion portuaire,
des transports, des services sociaux et de l’alimentation en eau.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 152


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
4 – Le contrôle des actes des collectivités infra-nationales

a – Le contrôle de légalité
Les communes et les provinces sont soumises à un contrôle de légalité exercé a posteriori par
l’autorité de contrôle de l’État (le secretario) et par les institutions régionales d’audit mises
en place par la plupart des communautés autonomes. Dans les communautés où ces institutions
n’ont pas été mises en place, le contrôle est directement effectué par la Cour des comptes
(Tribunal de cuentas).
Les autorités de contrôle peuvent demander à une collectivité l’annulation d’un acte qu’elles
estiment illégal. Elles peuvent également exercer un recours pour illégalité devant le tribunal
administratif.

Le contrôle a priori par l’État ou la communauté autonome ne concerne que quelques actes,
tels que la tarification des services publics locaux, les plans locaux d’urbanisme ou le recours
à l’emprunt dans certains cas.

Le contrôle des décisions des communautés autonomes est exercé par le tribunal
constitutionnel (qui contrôle la constitutionnalité des dispositions législatives régionales) et
par le tribunal administratif (qui peut être saisi d’un recours pour illégalité).

b – Le contrôle budgétaire et financier


Le contrôle budgétaire des communes et des provinces est effectué en interne par
l’interventor, auditeur de la collectivité. La Cour des comptes et les institutions régionales
d’audit sont chargées de la vérification des comptes et de la gestion économique.

Les institutions régionales d’audit exercent le contrôle externe des communautés autonomes
lorsque celles-ci les ont mises en place. L’audit des comptes des autres communautés
autonomes est directement effectué par la Cour des comptes.

B – LES FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


1 – Les dépenses du secteur public infra-national
En 2005, les dépenses des collectivités territoriales espagnoles ont atteint 185 milliards
d’euros, soit 53,4 % du total des dépenses publiques et 20,4 % du PIB, chiffres très élevés si
on les compare à ceux des autres pays de l’UE, ce qui illustre le fort degré de
décentralisation. Au sein des collectivités territoriales, 68 % des dépenses sont le fait des
communautés autonomes, 9 % des provinces et 22 % des communes. Les budgets des
communautés autonomes ont très fortement augmenté au cours des dernières années, du fait
essentiellement des transferts de compétence en matière de santé et d’éducation.

Les dépenses de fonctionnement représentent 80 % des dépenses des collectivités


territoriales. Elles servent notamment à rémunérer les quelques 1,8 millions d’employés
territoriaux. En 2005, 50 % des employés publics travaillaient pour les communautés
8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 153
Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
autonomes et pour 24 % pour les communes et les provinces.

Les deux principaux postes de dépenses sont l’enseignement et la santé, pratiquement


intégralement pris en charge par les communautés autonomes. La santé est de loin le premier
poste de dépenses. Les services en charge de la santé dans les communautés autonomes sont
aujourd’hui en charge de toutes les fonctions et tous les services de santé qui sont sous la
responsabilité des pouvoirs publics. Le ministère national de la santé se contente d’établir des
normes fixant des exigences minimales en matière de fourniture de soins, les communautés
autonomes étant en charge de choisir la façon dont est organisée et assurée la fourniture de
ces soins. Un conseil interterritorial du système national de santé (Consejo interterritorialall
del sistema nacional de salud) composé de représentants des communautés autonomes et de
l’administration d’État, est chargé de promouvoir la cohésion du système de santé.

Dans le domaine de l’enseignement, les communautés autonomes gèrent le système scolaire


dans son ensemble, y compris l’enseignement supérieur. Elles sont chargées des programmes
et son responsable du personnel dans les établissements.

Les affaires économiques, qui incluent les infrastructures de transport, constituent le


troisième poste le plus important des dépenses des communautés autonomes. Les dépenses
des communes et des provinces sont principalement consacrées aux services généraux (ils
représentent le tiers des dépenses). Les affaires économiques, avec 14 % des dépenses,
représentent le second poste.

2 – Les recettes des collectivités territoriales


Le processus de décentralisation a conduit à une réforme profonde du système de
financement des collectivités territoriales, renforçant considérablement leur autonomie
financière. Aujourd’hui, près de la moitié des recettes des collectivités territoriales provient
d’impôts propres levés par elles et de transferts d’impôts d’État. Les dotations représentent
40 % des recettes, 9 % provenant d’autres sources telles que les redevances ou les cessions
d’actifs.

a – Les recettes fiscales


33 % des recettes des communes et 50 % des recettes des communautés autonomes sont des
recettes fiscales.
– La fiscalité propre
Les communes lèvent plusieurs impôts locaux propres, dont les taux sont fixés chaque année
par les communes dans les limites d’une fourchette définie par l’État. Il existe cinq principaux
impôts locaux propres :
 L’impôt sur la propriété, représentant environ la moitié des recettes fiscales
communales
 L’impôt sur les constructions, installations et travaux (15 % des recettes fiscales)
 L’impôt sur les véhicules à traction mécanique (14 % des recettes fiscales)
 L’impôt sur les activités économiques (9 % des recettes fiscales)

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 154


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 L’impôt sur les plus-values immobilières en zone urbaine.
Les provinces sont seulement autorisées à percevoir une taxe additionnelle à l’impôt municipal
sur les activités économiques.

Les communautés autonomes lèvent également leurs propres impôts ; ceux-ci leur ont
rapporté 22,9 milliards d’euros en 2005, soit 18 % de leurs recettes totales. Leur principal
impôt propre est l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques notariés,
qui représentent 19 % des recettes fiscales des communautés autonomes.

Les communautés autonomes peuvent également lever des taxes complémentaires comme celle
sur les jeux ou sur les successions et donations. Elles disposent d’une certaine marge de
manœuvre pour fixer les taux de ces taxes. Elles peuvent également créer certains impôts,
comme l’a fait l’Aragon en mettant en place, en 2006, une taxe sur les émissions de gaz.

Le régime foral
On distingue deux régimes régionaux de financement : le régime foral, qui repose sur des
privilèges historiques et qui concerne le Pays Basque et la Navarre, et le régime commun
applicable aux 15 autres communautés autonomes. Les régions soumises au régime foral sont
habilitées à lever des impôts au niveau local : elles administrent ainsi de plein droit les
principaux impôts (sur le revenu, sur les successions, sur la fortune, sur les sociétés). Elles
jouissent d’une grande liberté concernant la fixation des assiettes et des taux de chaque
impôt. Les citoyens assujettis au régime foral ne verse aucun impôt à l’État central.

– La fiscalité partagée
Les communes de plus de 75 000 habitants ainsi que les capitales provinciales peuvent
bénéficier de recettes fiscales partagées, qui concernent l’impôt sur le revenu, la taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise (elles représentent 2 % des recettes municipales).

Les provinces peuvent également bénéficier de recettes fiscales partagées, qui représentent
3 % de leurs recettes).

Les communautés autonomes reçoivent également un part des impôts d’État depuis 1997 ; ils
représentent aujourd’hui 34 % des recettes totales des communautés autonomes. L’impôt sur
le revenu constitue la première source de recettes fiscales partagées, avec 15 % du total des
ressources des communautés autonomes. Les communautés autonomes sont libres de modifier
le taux d’imposition général, elles peuvent également modifier la base d’imposition par des
déductions et des abattements. Les communautés autonomes reçoivent 35 % des recettes de
TVA, elles représentent 15 % de leur revenu total. Enfin, elles perçoivent 40 % des recettes
tirées des droits d’accise, ce qui représente 6 % du total de leurs recettes.

b – Les dotations
En 2005, les collectivités territoriales ont perçu 77,6 milliards d’euros de dotations de l’État,
ce qui représente 42 % de leurs ressources. Ces dotations représentent 36 % des ressources

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 155


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des communes, 28 % des ressources des provinces et 45 % des ressources des communautés
autonomes.
– Les dotations générales
Les communes perçoivent la participation communale aux impôts d’État et les provinces
perçoivent la participation provinciale aux impôts d’État. La principale dotation dont
bénéficient les communautés autonomes provient du Fonds de suffisance ( Fondo de
suficiencia), qui constitue le principal mécanisme de péréquation entres les communautés
autonomes. Il représente 22 % du total des ressources financières des communautés
autonomes.

Les communautés autonomes perçoivent également des dotations conditionnelles visant à


promouvoir le développement de la région, provenant par exemple du Fonds de compensation
interterritorial, qui apporte des financements aux communautés autonomes dont le revenu par
habitant est inférieur à 75 % de la moyenne nationale.
– Les dotations affectées
Les communes et les provinces perçoivent des dotations affectées à des projets
d’investissement, notamment en matière d’infrastructures de transports. Des accords
d’investissement sont également conclus entre l’État et les communautés autonomes pour le
financement de grands projets d’investissement.

c – L’emprunt et la dette du secteur public infra-national


Les collectivités territoriales peuvent recourir au crédit bancaire ou obligataire, dans la
devise et auprès de l’établissement de leur choix. L’emprunt à long terme est cependant
réservé au financement de projets d’investissements. Dans le cadre de l’intégration
européenne et de la mise en place du pacte de stabilité, les communautés autonomes ont été
associées de manière de plus en plus étroite au pilotage des finances publiques. Le
gouvernement a ainsi pris des mesures limitant les capacités d’endettement des communautés
autonomes

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IV – LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN ALLEMAGNE

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’Allemagne est un État fédéral formé par les « Länder » qui, en approuvant la Loi
fondamentale ont constitué en 1949 la République Fédérale d’Allemagne (RFA). Ils constituent
l’échelon infra-national supérieur. Le fédéralisme allemand s’inscrit dans une longue tradition
nationale. Au Moyen-Age déjà, l’empire germanique se constituait de royaumes, de duchés et
de villes impériales libres et unis au sein d’une Confédération relativement souple. L’Empire
allemand de 1871 et la République de Weimar de 1919 étaient des Fédérations. Le statut
indépendant des États fédérés n’a été supprimé par l'État central qu’entre 1933 et 1945.

L’Allemagne a été réunifiée le 3 octobre 1990 par l’adhésion de chacun des nouveaux Länder
de l’Est à la RFA, selon l’article 23 de la Loi fondamentale (déjà utilisé lors de l’adhésion de la
Sarre à la fédération).

Il existe 16 Länder. Les Länder ont statut d'État, disposant d’une constitution et organisent
librement leur administration territoriale. La souveraineté des Länder interdit tout contrôle
du gouvernement fédéral sur leurs actes (sauf mise en œuvre de la législation fédérale).
Cependant, leur constitution doit être conforme aux principes essentiels de la Loi
fondamentale (article 28 de la Loi fondamentale). Les grands Länder sont subdivisés en
régions administratives. Ces Regierungsbezirke sont des bureaux régionaux du ministre de
l’Intérieur de chaque Land. Les Länder sont les autorités de tutelle des collectivités locales
sur leur territoire.

Sous le niveau des Länder se trouve le deuxième échelon infra-national, celui des 439
« Kreise » (districts), dont 116 villes « Kreisfreie Städte » (à la fois ville et district), qui
peuvent être considérés comme la formalisation de coopérations intercommunales dans des
domaines spécifiques. En 2006, l’échelon local le plus petit est constitué de 12312 communes
(dont 75% ont moins de 5000 habitants).

A – LE DÉCOUPAGE TERRITORIAL ET L'ORGANISATION DES


COLLECTIVITÉS LOCALES

1 – L’organisation interne des communes relève des Länder

Les États fédérés ont beaucoup de caractéristiques des États souverains. La plupart sont
dotés d’un parlement monocaméral, le Landtag, élu démocratiquement pour quatre ou cinq ans
selon les États. Le Ministre-Président (Ministerpräsident) est ensuite élu à la majorité par
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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
les membres du Landtag. Le Ministre-Président nomme un gouvernement pour assumer le
pouvoir exécutif du Land. Les dates d’élection varient selon les États.

Chaque Land est libre de déterminer son système d’administration territoriale y compris la
constitution des communes. Chaque land contrôle ses communes (contrôle de légalité a
posteriori, approbation des budgets, contrôle de la pertinence des compétences déléguées).
Conformément à l’article 28 de la Loi fondamentale qui traite de la libre administration des
communes, les communes ont « le droit de gérer toutes les affaires de la communauté locale
dans le cadre de la législation. »

2 – La constitution des communes est réglementée par la législation


du Land concerné

Aux termes de l’article 70 de la Loi fondamentale, les Länder contrôlent l’organisation de la


démocratie à l’échelon local, c’est-à-dire les communes et les districts. Dans les districts
ruraux, l’organe délibérant est le conseil (Kreistag). Il est élu au suffrage universel direct, le
plus souvent pour cinq ans. Il décide de toutes les affaires du district. Les Présidents du
district rural (Landrat) est élu soit par l’assemblée soit directement au suffrage universel. Il
est à la fois chef de l’administration du district et responsable des services déconcentrés du
Land.

Elle diffère donc d’un Land à l’autre ; au cours des années 90, la Basse-saxe et la Rhénanie du
Nord-Westphalie (Norddeutsche Ratsverfassung) ont modifié leurs organisations communales
selon le modèle du conseil de l’Allemagne du sud (Süddeutsche Ratsverfassung). Celui-ci a été
également adopté par la majorité des nouveaux Länder et prévaut donc aujourd’hui dans la
plupart des Länder allemands : dans ce système, le maire est élu au suffrage universel direct.
Il préside l’administration ainsi que le conseil municipal. La durée de son mandat est identique
à celle de son conseil. En Hesse, c’est le modèle du « magistrat » (Magistratsverfassung) qui
est appliqué : au-delà du maire, le conseil élit des adjoints qui forment avec lui le magistrat de
la ville ». Les élections communales se font au scrutin proportionnel ; de nombreux länder
prévoient la possibilité de cumuler jusqu’à trois voix de panachage. Les mandats vont de 4 à 6
ans.

3 – La participation directe des citoyens

Au-delà des élections, les citoyens peuvent influencer le processus de prise de décision au
cours du mandat par :
 les référendums locaux organisés sous forme de « Bürgerentscheid » pour les affaires
importantes et sur décision du conseil ou sur demande des citoyens
(« Bürgerbegehren » : 10 à 15% des citoyens de la municipalité). Le
« Bürgerentscheid » a la même valeur qu’une décision du conseil
 la requête des citoyens (les citoyens peuvent attirer l’attention du conseil sur une
question particulière)

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 la demande de convocation d’une assemblée des citoyens (sur demande des citoyens
organisée par le conseil municipal sur des affaires importantes)
 la coopération avec des experts locaux (recours du conseil à des experts)
 d’autres formes : annonce au public des réunions et délibérations du conseil, séances
publiques…

Avant les réformes de 1989, les citoyens ne pouvaient participer aux prises de décision par le
biais du référendum local (« Bürgerentscheid ») qu’au Bade-Wurtemberg. Aujourd’hui, la
démocratie directe a été introduite au niveau local dans les 15 des 16 Länder. Seule Berlin ne
bénéficie pas encore de la démocratie directe à l’échelle de ses arrondissements. La
Constitution de chaque État fédéré définit ce qui faire l’objet d’un référendum. Aujourd’hui,
une moyenne d’environ 200 référendums locaux sont organisés en Allemagne chaque année,
essentiellement en Bavière. Dans certains cas, des référendums locaux ont désapprouvé les
décisions du Conseil.

B – LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES ALLEMANDES

1 – La répartition des pouvoirs entre collectivités régionales et locales

D’après l’article 33 de la Loi fondamentale, la répartition des compétences entre l'État


central, les États fédérés et les collectivités locales repose sur le principe de subsidiarité
selon lequel l’échelon supérieur n’exerce une compétence que si celle-ci ne peut être assumée
à l’échelon inférieur. La loi fondamentale divise les compétences législatives du gouvernement
fédéral en compétences exclusives, concurrentes et d’édiction des lois-cadres.

Le Land, le district et la commune constituent un système commun en ce qui concerne le


domaine de responsabilité, la planification et les finances. Les communes ont une compétence
générale pour toutes les affaires locales tandis que les districts se chargent des tâches
dépassant les capacités des municipalités ou représentant un caractère supra-communal. Les
communes exercent à la fois des compétences propres et des compétences déléguées par les
Länder.

a – Les compétences propres des communes


Les compétences des communes varient considérablement d’un État fédéré à l’autre :
 les compétences obligatoires : aménagement urbain, voirie, logements, protection de
l’environnement (gestion de l’eau et des déchets), santé publique, lutte contre
l’incendie, l’enseignement général (formation professionnelle), etc…
 les compétences facultatives typiques : système de santé (hôpitaux), services sociaux,
constructions de logement et d’urbanismes, culture (théâtre, musées), sports et loisirs
 les communes sont souvent associées à la planification et à l’aménagement régional
 les communes peuvent établir des relations avec des partenaires selon l’article de la
Loi fondamentale.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 159


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Pour la gestion de leurs services publics, les collectivités infra-nationales ou leurs
associations ont généralement recours à la création d’entreprises publiques locales soumises
au droit des sociétés ou d’une société anonyme. En pratique, la grande majorité des
entreprises publiques locales est encore détenue par les collectivités. Des estimations
récentes indiquent une part de 5% de projets en partenariat public-privé (PPP) dans
l’investissement local total, mais cette part est toujours croissante pour les écoles, le
transport et l’administration, la culture et le développement urbain. La Loi d’accélération du
PPP est entrée en vigueur en 2005. Elle prévoit la suppression partielle des droits de mutation
immobilière liés aux projets PPP et marque une première étape dans l’implication des fonds
immobiliers ouverts dans ces partenariats.

Les collectivités locales peuvent s’associer pour gérer leurs services publics. La forme de
coopération la plus courante est le syndicat de communes. L’adhésion est en principe libre,
mais la législation du Land peut rendre l’adhésion obligatoire. Les associations de communes
regroupent des communes rurales qui s’associent pour la gestion de tâches qu’elles ne
pourraient assumer seules. Elles s’appuient sur l’administration de l’une des communes
membres.

Les associations régionales gèrent des questions d’aménagement du territoire sur un


périmètre englobant plusieurs districts. Elles sont dotées de la personnalité morale, ainsi que
d’une administration et d’une assemblée au sein de laquelle sont représentés les communes et
les districts membres.

b – Le contrôle de légalité des actes des collectivités locales

Les États fédérés et le gouvernement central n’ont aucune influence formelle sur leur budget
respectif. L'État central n’exerce ni supervision ni audit sur les États fédérés. Les Länder
sont l’autorité réglementaire des collectivités locales dont ils fixent les règles de gestion.

Le contrôle de légalité incombe au ministre de l’Intérieur de l'État fédéré. Les modalités du


contrôle diffèrent d’un État à l’autre mais portent cependant toujours sur la compatibilité
des méthodes de compatibilité des collectivités locales avec les législations de l'État fédéral
ou du Land.

Le ministre de l’Intérieur du Land est également chargé de l’approbation des budgets des
collectivités et s’assure en particulier de l’équilibre budgétaire.

C – LES FINANCES LOCALES

1 - Les dépenses

En 2005, les dépenses du secteur public infra-national allemand ont atteint 453,5 milliards €,

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 160


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
soit 5500€/habitant, 20,2% du PIB national et 43,1% des dépenses publiques totales. Les
dépenses des seules collectivités infra-nationales atteignaient 208,7 milliards €. Les États
fédérés assumaient 64% de ces dépenses, les districts 6% et les communes et les villes-
districts 30%.

Les États fédérés ont dépensé 259,3 milliards € en 2005. Les dépenses courantes
représentaient 87% de leurs dépenses totales. 18% des dépenses de fonctionnement des
Länder sont destinés à alimenter les budgets des collectivités locales. Les dépenses
d’investissement des Länder ont atteint 34,7 milliards €.

En 2005, les dépenses des communes et des districts ont atteint 149,4 milliards €. Les
communes et les grandes villes assument la plus grande part de ces dépenses (82%). Tant
pour les districts que pour les communes, les dépenses courantes constituent l’essentiel des
dépenses totales.

Plus du tiers du budget des États fédérés est alloué aux services généraux des
administrations publiques, qui comprennent la gestion des services, la législation et la
réglementation. Le deuxième plus gros poste de dépenses est l’enseignement (30%).

Avec 23,6 milliards €, le poste de dépenses des communes ayant le plus augmenté au cours
des dernières années est celui des aides sociales, contracycliques, qui ont crû rapidement
avec la montée du chômage. Près de 15% du budget des communes vont à la construction et à
l’entretien des logements et équipements collectifs.

Les districts consacrent eux aussi près de la moitié de leur budget à la protection sociale. La
construction et l’entretien des écoles secondaires leur représentent 15% de leur budget.

2 – Les recettes

En 2005, les recettes du secteur public infra-national allemand s’élevaient à 429,6 milliards €,
soit près de 19% du PIB et 44% des recettes publiques totales. Les recettes des collectivités
infra-nationales seules s’élevaient à 382,1 milliards €. 62% de ces recettes sont allés aux
Länder, 32% aux communes et 6% aux districts ruraux.

Près de 75% des recettes fiscales échoient conjointement à l'État fédéral, aux États
fédérés et aux collectivités locales selon des clefs de répartition négociées, les plus
importantes étant fixées dans la Loi fondamentales. Ces impôts partagés constituent la plus
importante source de revenus des États fédérés. Ils sont l’expression d’un système complexe
de péréquation entre les Länder mais aussi entre les Länder et les collectivités locales.

Les recettes propres des communes (19,5% des recettes) sont :


 la TP est le principal impôt propre de la commune (assiette définie par la fédération)
sur le bénéfice (9/10e) et le capital de l’entreprise. Le taux est librement fixé par la

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 161


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
commune. Les communes gardent 63,5% de son produit ;
 la taxe sur le foncier bâti : le taux est fixé librement
 les taxes indirectes…

Les moyens transférés aux communes (article 106 et 107 de la Loi fondamentale) sont :
 la péréquation horizontale entre les communes d’un même Land à travers la
redistribution d’une quote-part (15%) de l’impôt sur le revenu afin de mieux répartir
les moyens financiers et de répondre aux besoins
 la péréquation verticale, c’est à dire de la fédération vers les Länder et des Länder
vers les communes. Dans ce dernier cas, les Länder sont obligés de partager un
pourcentage des impôts qu’ils reçoivent de la fédération avec les communes
 les subventions d’investissement : financement de la fédération ou des Länder sur
projet
 les districts reçoivent une contribution districale de la part des communes
 les emprunts : les communes peuvent emprunter après autorisation du Land

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 162


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
BIBLIOGRAPHIE
I – BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE :
Rapport du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée
de la République

La perception de l'autonomie financière des collectivités locales en Europe : quels


enseignements pour la France, étude réalisée par un groupe d'élèves administrateurs
territoriaux de la promotion Jean Vilar, 2001

Le management public en Europe, Denys Lamarzelle, janvier 2008, association Europa

La gestion publique en Europe, Revue Européenne de l'Action Publique, n°1, octobre 2009

Participation, élections, référendums, contribution de droit comparé sur les modalités


d'exercice de la démocratie locale en Europe, Christophe Pradier

Transferts territoriaux de compétences en Europe, Revue française d'administration


publique, La documentation française, n°121-122, 2007

La décentralisation dans les États de l'Union Européenne, Notes et études documentaires,


n°5162-63, novembre 2002

L'autonomie des collectivités territoriales en Europe : une source potentielle de conflits ?,


Université de Limoges et Europa, 2004

Les finances locales dans les quinze pays de l'Union Européenne, Dexia – Crédit Local de
France, avril 2002
Les finances locales en Europe : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni – Institut
d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région d'Ile-de-France, septembre 2006

II – BIBLIOGRAPHIE SUR LE ROYAUME-UNI


Les fonctions publiques locales en Europe – Le Royaume-Uni, Michel Senimon, étude conjointe
CNFPT / Europa

Refaire l'Union, la dévolution britannique, John Loughlin, mars 2007

La dévolution au Royaume-Uni : anatomie d'un processus de réforme, Charlie Jeffery,


Politiques et société, n°1, 2002

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 163


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
III – BIBLIOGRAPHIE SUR L'ITALIE
Site internet du Sénat, Compte rendu de la mission effectuée à Rome et à Palerme du 17 au
20 juin 2002 par une délégation du groupe interparlementaire France-Italie du Sénat
http://www.senat.fr/ga/ga41/ga41.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Administration_territoriale_de_l%27Italie
Droit administratif n° 4-2008, Le transfert de compétences de l'État aux collectivités
locales, Brisson Jean-François, pp 8-16
European public law vol. 12 n°1 march 2006, Public administration in the light of the new title
V of the italian Constitution, Claudia Tubertini
L'État régional, une nouvelle forme d'État ? Un exemple de recomposition territoriale en
France, Jean Fougerouse dir, éd Bruylant, 2008, pp 51-59
Régions et gouvernement central Des contrats pour le développement régional, OCDE, 2007,
pp 99-134
Vers quelle réforme des collectivités territoriales en France ? Etude comparative de
l’organisation territoriale dans 12 pays membres de l’UE , Moyon Céline, Institut Thomas More
Gouverner en France, quel équilibre territorial des pouvoirs ?, Michel Piron, Rapport
d'information n°2881, Assemblée Nationale, pp172-197
L'ENA hors les murs n° 384 août-septembre 2008, J Penaud, La privatisation /
contractualisation de la fonction publique italienne, ses conséquences sur la haute fonction
publique
Revue internationale de science administrative vol. 75 n° 2 juin 2009, Emanuele Padovani, pp
235-259
Revue française de droit administratif n° 121-122 2007, Les compétences administratives et
réglementaires des régions italiennes, Anamaria Poggi, pp 99-110
Revue française de droit administratif n°2 mars-avril 2008, Modalités du contrôle
administratif des actes locaux dans 6 États membres de l'Union Européenne, R. Allemand
Le contrôle des actes des municipalités par le gouvernement, chercheurs de l'Observatoire
de l'administration publique de l'École nationale d'administration publique
Le Soleil de Québec, 22 nov. 2004

IV – BIBLIOGRAPHIE SUR L'ESPAGNE


Le nouveau statut d’autonomie de la Catalognee, Revue française d’administration publique,
2007/1-2 (n°121-122), Alberti Enoch, ENA, 2007.

La décentralisation dans les États de l’Union européenne, Études de la Documentation


française, Delcamp Alain et Loughlin John, La Documentation française, Paris, 2003.

Les collectivités territoriales dans l’Union européenne. Organisation, compétences et


finances, Hoorens Dominique (dir.), Dexia Éditions, La Défense, 2008.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 164


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
La réforme des collectivités locales en Espagne, Où en est la gestion locale, Navarro Carmen,
Annuaire 2008 des collectivités locales. CNRS Éditions, Paris, 2008.

V – BIBLIOGRAPHIE SUR L'ALLEMAGNE

Les collectivités territoriales dans l’union européennes – organisation, compétences et


finances, ouvrage collectif sous la direction de D. Hoorens, Dexia Editions, novembre 2008

La décentralisation dans les États de l’Union européenne, ouvrage collectif sous la direction
de Delcamp et Loughlin, Notes et études documentaires, n°5162-63, novembre 2002

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 165


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
LEXIQUE

I – ROYAUME-UNI
Dévolution : processus de transfert d'autorités législatives et/ou de régulation en
direction d'assemblées élues au suffrage direct.

Council tax : équivalent à l'impôt foncier français.

Compulsory competitive tendering : mise en concurrence obligatoire de certains


services publics tels que la construction et l'entretien des immeubles, la collecte des
ordures ménagères et le nettoyage des rues, la restauration scolaire, l'entretien de la
voirie et des espaces verts, le fonctionnement des centres de loisirs, les transports,
élargie, dans les années 90, aux services juridiques, financiers, techniques et de
communication.

Best Value : démarche ayant remplacé en 2000 la compulsory competitive tendering,


dont l'objectif est de rechercher une amélioration continue de l'efficacité et de
l'impact des fonctions des services publics dans le cadre de l'établissement d'une
notation des performances des collectivités.

Citizen's charter ou charte du citoyen : a pour objectif de placer le citoyen au centre


des préoccupations de l'administration. L'administré doit avoir accès à une information
simple et intelligible, le service public rendu doit prendre en compte la possibilité
d'exprimer un choix. La courtoisie et l'obligeance sont de règle, des excuses, des
explications et un règlement de la situation devant être organisés en cas de plainte
justifiée.

Chief officer : fonctionnaire local responsable de la mise en œuvre des décisions de


l'assemblée et du fonctionnement quotidien d'une collectivité locale.

Civil Service : système dont relèvent les fonctionnaires d'Etat correspondant à une
fonction publique statutaire.

Local Government Service : diffère fondamentalement du Civil Service, les agents des
collectivités territoriales ne bénéficiant pas d'un statut d'emploi spécifique. Ils sont
recrutés par contrats individuels de droit privé, la législation nationale du droit du
travail leur étant intégralement applicable au même titre que les salariés du secteur
privé.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 166


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
II – ITALIE
Procédure d'administration indirecte : prévoit, dans le cadre de démarche de
décentralisation, la délégation nécessaire de la région aux autres collectivités
territoriales (provinces et communes) des fonctions administratives opérationnelles.

Fédéralisme administratif : système administratif mis en place entre 1990 et 2001 par
un ensemble de réformes, législatives et constitutionnelles, inspiré du modèle allemand,
dans lequel la quasi totalité des fonctions administratives de type opérationnel est
confiée aux régions et aux autres collectivités territoriales.

Principe de répartition des compétences : sont appliqués les principes de subsidiarité,


différenciation et proportionnalité afin d'assurer leur mise en œuvre uniforme selon une
double signification :
 celle d'une compétence générale élargie des communes, les plus aptes à répondre
aux besoins et aux intérêts des citoyens dont elles sont les plus proches
 celle de l'exercice de certaines compétences par les autres niveaux
d'administration locale en raison de leur aptitude à les exercer, compte tenu
notamment de l'importance des intérêts qu'elles ont à défendre.

III – ESPAGNE
Loi de réglementation des collectivités locales (Ley Regulatora de las Bases del
Régimen Local) de 1985 : définit le cadre du partage des responsabilités entre les
différents niveaux d’administration, et liste les services que les collectivités locales
doivent servir.

Conférence des présidents : composée du Premier ministre et des Présidents des


communautés autonomes, elle traite de questions d’intérêt général.

Communauté à voie rapide / communauté à voie lente : le processus de


décentralisation s’est fait à deux vitesses, on distingue ainsi :
– sept communautés « à voie rapide »
– dix communautés « à voie lente ».
Les communautés autonomes à voie rapide ont immédiatement bénéficié de larges
champs de compétence, ce processus ayant été plus progressif pour les autres.
Aujourd’hui, les communautés « à voie lente » exercent les mêmes compétences que les
communautés « à voie rapide ».

Province : échelon de collectivité territoriale intermédiaire entre la communauté


autonome et la commune.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 167


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Régime foral : on distingue deux régimes régionaux de financement : le régime foral,
qui repose sur des privilèges historiques et qui concerne le Pays Basque et la Navarre, et
le régime commun applicable aux 15 autres communautés autonomes. Les régions
soumises au régime foral sont habilitées à lever des impôts au niveau local : elles
administrent ainsi de plein droit les principaux impôts (sur le revenu, sur les successions,
sur la fortune, sur les sociétés). Elles jouissent d’une grande liberté concernant la
fixation des assiettes et des taux de chaque impôt. Les citoyens assujettis au régime
foral ne verse aucun impôt à l’État central.

Fonds de suffisance (Fondo de suficiencia) : principal mécanisme de péréquation


entres les communautés autonomes, il représente 22 % du total des ressources
financières des communautés autonomes.

IV – ALLEMAGNE
Loi fondamentale : la loi fondamentale divise les compétences législatives du
gouvernement fédéral en compétences exclusives, concurrentes et d’édiction des lois-
cadres. Le Land, le district et la commune constituent un système commun en ce qui
concerne le domaine de responsabilité, la planification et les finances.

Bürgerentscheid : référendums locaux organisés pour les affaires importantes et sur


décision du conseil ou sur demande des citoyens (Bürgerbegehren : 10 à 15% des
citoyens de la municipalité) et ayant la même valeur qu’une décision du conseil.

Principe de subsidiarité : principe de répartition des compétences entre l'État central,


les États fédérés et les collectivités locales selon lequel l’échelon supérieur n’exerce une
compétence que si celle-ci ne peut être assumée à l’échelon inférieur.

Péréquation horizontale : il existe une péréquation horizontale entre les communes d’un
même Land à travers la redistribution d’une quote-part (15%) de l’impôt sur le revenu
afin de mieux répartir les moyens financiers et de répondre aux besoins.

Péréquation verticale : péréquation qui va de la fédération vers les Länder et des


Länder vers les communes. Dans ce dernier cas, les Länder sont obligés de partager un
pourcentage des impôts qu’ils reçoivent de la fédération avec les communes.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 168


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
QUATRIEME PARTIE -
REGIONS / DEPARTEMENTS : QUEL AVENIR ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 169


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 2010-2014 : Dernier mandat régional à plusieurs inconnues
Le Courrier des Maires, n° 234, avril 2010

Fiscalité : quelle autonomie

Les régions sont les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle.


Cette année, elles toucheront la compensation relais de l'Etat.
En 2011, seules les communes et les établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) disposeront d'un pouvoir fiscal sur la part foncière de la nouvelle
contribution économique territoriale en récupérant les fractions de taux
départementales et régionales de l'ex-TF.
Le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sera réparti à
hauteur de 26,5 % pour le secteur communal, 48,5 % pour les départements, et
seulement 25 % pour les régions, sans pouvoir de modulation des taux.
Dans le même temps, les fractions régionales de taux de la taxe foncière sur les
propriétés bâties (TFPB) sont transférées aux départements. Un transfert de la taxe
additionnelle Eux le foncier non bâti (FNB) des départements et des régions sera
également opéré au profit du secteur communal. Enfin, les régions, comme les autres
collectivités, n'auront aucun pouvoir de taux sur la nouvelle imposition forfaitaire sur les
entreprises de réseaux (IFER), qu'elles percevront sur le matériel roulant ferroviaire
de voyageurs et les répartiteurs.
Au final, les régions ne disposeront plus d'aucun impôt direct local. Elles percevront 25%
de la CVAE et une part de l'IFER. Tout juste auront-elles la faculté de moduler leurs
recettes sur les cartes grises et la part régionale de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP), «un impôt. contradictoire avec les politiques de développement des
transports collectifs (...) qui ne cessera de diminuer», déplore l'Association des régions
de France (ARF).
Ses propositions de « new deal fiscal» en faveur des régions (un impôt régional sus les
entreprises assis sur l'impôt sur les sociétés ou la valeur ajoutée, et un impôt
additionnel sur le revenu en lieu et place de la taxe professionnelle, l'instauration d'un
versement transport régional et d'une fiscalité environnementale régionale) n'ont
jusqu'à présent pas rencontré d'écho auprès du gouvernement.
Les régions sont donc plus que jamais dépendantes des dotations de l'Etat, au premier
rang desquelles la dotation globale de fonctionnement (5,3 milliards d'euros de dotation
forfaire en 2010).

Comment mener à bien les chantiers du mandat ?

D’ici à 2014, la majeure partie des investissements des régions s'effectueront dans le
cadre des contrats de projets signés avec l'Etat sur la période 2007-2013. Ces contrats
représentent un montant d'engagement de l'État de 12,7 milliards d'euros.
L'engagement des régions sur ces 26 CPER représente environ 15 milliards d'euros.
D'autres chantiers importants mobiliseront l'investissement régional: la mise en oeuvre

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 170


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
du Grenelle de l'environnement (énergie, éco-bâtiments...) dont le second volet devrait
être adopte par le Parlement d'ici à l'été, la modernisation des transports régionaux,
l'apprentissage et la formation professionnelle. Le soutien aux entreprises, la création
de fonds de soutien à l'emploi (« contrats de continuité professionnelle» pour les
personnes licenciées, contrat de qualification pour les jeunes...), la santé (créations de
maisons médicales et de réseaux de soins) mobiliseront aussi les crédits.
L'investissement en faveur des jeunes (cartables numériques pour les lycéens et
apprentis, «pack autonomie» pour leur accès au logement, à la santé, au permis de
conduire...) pèsera également sur les budgets. De même que les investissements
(principalement en foncier) que plusieurs exécutifs souhaitent réaliser pour soutenir la
construction de logements sociaux, Selon « l’Observatoire financier des régions
françaises 2010 », publié le 19 mars par l'Agence de notation Fitch-Rating, «l'atonie des
recettes face à des besoins d'investissement toujours importants » générera dans les
régions « une hausse rapide de l'endettement qui pourrait atteindre 25 milliards d'euros
an 2012 contre 16 milliards d'euros en 2009 ».

Quelles compétences en 2011 ?


Le projet de loi de réforme territoriale prévoit qu'un texte précisera la répartition des
compétences des régions et des départements ainsi que les règles d'encadrement des
cofinancements entre collectivités, dans un délai de 12 mois à compter de la
promulgation de la loi. Soit au mieux à l'automne 2011.
Une incertitude plane donc sur le champ d'action des exécutifs, Selon l'étude d'impact
du projet de réforme territoriale, la part des dépenses exclusives des régions, qui
correspond aux compétences attribuées par la loi (formation professionnelle et
apprentissage, lycées publics et privés, transports) représente 73 % de leurs dépenses
en 2009.
Les domaines dans lesquels les régions interviennent concurremment avec d'autres
catégories de collectivités « représentent plus du quart de la dépense et presque 7
milliards d'euros» sur un total de 29,3 milliards d'euros de dépenses inscrites à leur
budget principal 2009.
Ces 7 milliards d'euros sont engagés dans le cadre de compétences «non exclusives »
(enseignement hors lycées, culture-sport-loisir, santé et action sociale, environnement)
et « intermédiaires » (aménagement du territoire et développement économique) « que
la loi attribue aux régions mais dont les contours sont très vastes et ne sont pas
précisément délimités, et dans lesquelles les autres catégories de collectivités peuvent
également intervenir».
L'Association des régions de France (ARF) n'a de cesse de réclamer à l'Etat le
transfert intégral d'un bloc de compétences cohérent (avec les financements dédiés)
dans ces domaines « intermédiaires », qui permettrait de mettre fin aux doublons avec
l'Etat. Elle récuse le débat sur le chevauchement des compétences avec les conseils
généraux : « 80% des dépenses de ces deux niveaux de collectivités sont engagées sur
des compétences totalement différentes et, qui plus est, contraintes. Il y a seulement
10 % de chevauchement», affirme Alain Rousset, président de la région Aquitaine et de
l'ARF.
Pour l'heure, l'article 35 du projet de réforme territorial pose le principe de

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 171


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
compétences exclusives attribuées per la loi. L'intervention des régions en dehors de
leurs compétences sera possible « dès lors qu'elle est justifiée par l'intérêt locale. Dans
le cas d'une compétence partagée, la loi pourra désigner un chef de file. Les
financements croisés seront, eux, conditionnés à «l'envergure des projets ou la capacité
du maitre d'ouvrage à y participer».

Quel sera l’impact des regroupements ou fusions de collectivités ?

Le périmètre voire l'existence même de certaines régions sont en jeu. Le projet de


reforme territoriale prévoit en effet qu’« à la demande de leurs conseils régionaux, des
régions formant un territoire continu peuvent être regroupées en une seule» (art. 13).
Le projet de regroupement de régions est soumis pour avis aux conseils généraux
concernés qui disposent d'un délai de trois mois pour se prononcer.
A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. En cas de
délibérations concordantes de l'ensemble des conseils généraux ou régionaux
intéressés, le gouvernement ne peut donner suite à la demande qu'avec l'accord des
personnes inscrites sur les listes électorales des communes appartenant à ces
départements ou régions (référendum local). Le regroupement est décidé par décret en
Conseil d'Etat.
Les sénateurs ont introduit un nouvel article (12 bis) prévoyant qu'« à la demande du
conseil général intéressé ou d'un ou des deux conseils régionaux intéressés, un
département peut être rattaché à une région qui lui est limitrophe ». Lorsque l'initiative
n'est pas conjointe, les collectivités qui ne se sont pas prononcées disposent d'un délai
de 6 mois pour le faire au-delà duquel leur avis est réputé favorable. En cas d'accord, la
consultation de la population est facultative. Elle est obligatoire dans le cas inverse. Le
Sénat a aussi adopté un nouvel article 13 bis prévoyant qu'« une région et les
départements qui le composent peuvent demander à fusionner en une unique collectivité
à statut particulier». «La création de la collectivité est autorisée par la loi, qui fixe le
statut et le régime juridique de la nouvelle collectivité ainsi créée.»

Conseiller territorial : quel arbitrage des projets ?

Appelés à remplacer en mars 2014 les conseillers généraux et régionaux, les conseillers
territoriaux, élus dans le cadre de cantons redécoupés, seront détenteurs d'un seul
mandat mais simultanément membres de deux assemblées, le conseil général et le conseil
régional. Titulaires d'un mandat de six ans, ils seront 3 000 au lieu des 5 899 conseillers
généraux et régionaux. Le mode d'élection prévoit que 80% des conseillers seront élus
au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le cadre de cantons et 20% sur la base
d'une représentation proportionnelle. «L'Etat aura face à lui des élus dotés de plus de
pouvoirs», a estimé le ministre de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier. Ils y
gagneront en efficacité, selon lui.
« C'est une idée dangereuse sur le plan démocratique », lui répond le président de l'ARE
« Comment chaque assemblée – départemental et régionale – débattrait-elle de ses
projets et de son bilan alors qu'elles n'interviennent pas sur les mêmes champs de
compétences?», s'interrogeait Alain Rousset

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Bruno Rémond, professeur à Sciences-Po, abonde dans ce sens: « Ces nouveaux
conseillers régionaux ayant pour base politique une circonscription infra-départementale
privilégieront les décisions localisables dans leur circonscription et non les politiques
transversales et thématiques intéressant globalement l'espace régional. »

Métropoles : concurrence ou subsidiarité ?

L'article 5 du projet de loi crée la métropole, « un établissement public de coopération


intercommunale regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave qui
forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 450 000 habitants ». Son
champ de compétence est très large et vient sur les brisées des régions : la métropole
doit élaborer « un projet d'aménagement et de développement économique, écologique,
éducatif, culturel et social » de son territoire afin « d'en améliorer la compétitivité et
la cohésion». Autant de domaines dans lesquels la métropole se substitue aux communes
membres. Voire aux régions.
En effet, par convention passée avec la région saisie d'une demande en ce sens de la
métropole, cette dernière pourra exercer à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place
de la région, « la compétence en matière de construction, aménagement, entretien et
fonctionnement des lycées ». La métropole pourra aussi exercer « tout ou partie des
compétences exercées par cette collectivité territoriale en matière de développement
économique ».
La question du partage de compétence avec les pôles métropolitains, reste ouverte. Ces
établissements publics constitués entre des EPCI formant un ensemble de plus de 300
000 habitants, interviendront notamment en matière de développement économique, de
promotion de l'innovation, de recherche et d'universités, de culture, d'aménagement de
l'espace à travers la coordination des schémas de cohérence territoriale, enfin de
développement des infrastructures et des services de transport. Autant de domaines
qui relèvent des compétences des régions.

Pour en savoir plus :


- Philippe PETIT, auteur de « Anticiper la réforme territoriale », éd. EMCC, mars
2010
- Rapport JAMET :
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000203/0000.pdf

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Pouvoir régional : de nouveaux enjeux
Yves Jean, Géographe, directeur de l’UFR sciences humaines de l’université de
Poitiers. Dernier ouvrage paru : L’Europe : aménager les territoires (avec Guy
Baudelle, A. Colin, 2009)
Revue Territoires, Avril 2010

De 1945 à 1982, l'État keynésien impulse une politique de répartition des activités
économiques afin de corriger les déséquilibres régionaux. Les lois de décentralisation de
1982-1985 multiplient les centres de décisions et les acteurs impliqués par la création
de nouveaux territoires de l'action publique. Ces lois amorcent un nouveau rôle pour les
élus, avec le passage d'un système d'administration locale à un système de
gouvernement local. Le nouveau rôle de l'Union européenne en matière d'aménagement
du territoire, le renforcement du pouvoir régional et la révolution silencieuse de
l'intercommunalité à fiscalité propre, -communautés de communes, communautés
d'agglomération et communautés urbaines-, modifient profondément les stratégies des
différents acteurs, que ce soient les élus, l'État et ses représentants dans les services
déconcentrés, mais également les habitants - citoyens. Cette nouvelle donne
institutionnelle inquiète certains qui redoutent l'aggravation des inégalités spatiales et
la remise en cause de l'unité nationale, alors que d'autres voient, dans le nouveau rôle
joué par les acteurs territoriaux, la possibilité de renforcer la démocratie en
appréhendant les enjeux de développement, du local au mondial.

L'arrivée en douceur des régions françaises


Dernières nées des collectivités territoriales, les régions ont des difficultés à trouver
leur place entre les compétences, le poids financier des départements et les
interventions de l'État, malgré leur rôle croissant, en relation avec l'Union européenne.
Les « régions de programme », délimitées en 1956, ont servi de base à la délimitation
des « circonscriptions d'action régionale » en 1961, qui sont devenues les « régions ». Ce
découpage administratif très éloigné des habitants, est une construction souvent
qualifiée de très artificielle.
La régionalisation à la française est un processus lent, hésitant, moins important qu'en
Espagne, en Italie ou en Allemagne. Cependant plus de vingt cinq ans après les lois de
décentralisation, les régions ont pris leur place comme chef de file des collectivités
locales dans la gestion et l'aménagement du territoire (trains express régionaux,
planification avec les contrats de projet État-région économique, formation,
financement des lycées, etc.). La réforme constitutionnelle de 2004 la consacre comme
une des collectivités territoriales de la République, à côté de la commune et du
département, même si cette réforme conforte plus, de façon paradoxale, le
département que la région. Depuis l'élection au suffrage universel des conseillers
régionaux en 1986, les citoyens perçoivent de plus en plus le rôle du conseil régional.
La décentralisation a eu comme effet de faire passer la France d'un système
d'administration locale à un système de gouvernement local. Cette nouvelle configuration
complexifie l'analyse par la multiplication des systèmes d'actions des collectivités
locales, tant à l'échelle régionale que départementale, voire communale. Selon l'influence

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 174


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des leaders régionaux ou départementaux, ici, ce sont les élus qui soutiennent le
développement de l'emploi en zone urbaine, renforçant les effets cumulatifs entre la
concentration et la croissance dans les agglomérations, là, c'est le développement de
zones d'activités localisées dans des espaces de faible densité qui est privilégié.

L'Europe favorise le partenariat avec l'échelle régionale


Après l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Europe en 1986, la Commission
européenne propose une réorganisation des fonds européens. Le 1er janvier 1989, la
réforme entre en vigueur sous l'appellation de réforme des fonds structurels. Le Fonds
européen de développement régional (Feder), le Fonds social européen (FSE, créé en
1958) et le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (Feoga, créé en 1962)
ont pour objectifs de favoriser le développement des régions en retard, de soutenir le
développement rural, de lutter contre le chômage de longue durée... L’Europe devient un
nouvel acteur dans l'élaboration des politiques d'aménagement du territoire.
Le début des années 90 voit l'introduction de nouveaux programmes, Inerreg (1990),
Interreg II (1994) et lnterreg III (2000) pour la coopération transfrontalière, Urban
pour le développement durable des villes et des quartiers en crise ou Leader pour le
développement rural. Cette coopération interrégionale vise le développement économique
et social, mais aussi les partenariats externes de l'Union (euroméditerranée par
exemple). Au milieu des années 70, la politique régionale représente 30% du budget
communautaire, second poste après la politique agricole commune (Pac).
La réforme des fonds structurels en 1999 renforce la décentralisation de la politique
régionale. La politique pluriannuelle est élaborée en partenariat entre la Commission
européenne et les États membres, mais également en relation avec les collectivités
territoriales qui cofinancent les programmes. L’adoption, en mai 1999, à Post-dam, par
les ministres européens de l'aménagement du territoire du Schéma de développement
de l'espace communautaire (SDEC) confirme la volonté de l'Europe d'influer sur les
conceptions et les finalités de l'aménagement du territoire.
Au fil des années, le pouvoir régional s'affirme lentement mais incontestablement, au
gré des modifications législatives et, surtout, en fonction des pratiques. De plus, l'Union
européenne souligne régulièrement que le niveau régional est le plus pertinent pour la
gestion des territoires.
Pour mémoire, les principales compétences officielles des régions sont :
- l'aménagement du territoire avec la planification et la contractualisation avec l'État,
le schéma régional d'aménagement du territoire, les transports régionaux ;
- la coordination du développement économique ;
- la formation, avec l'apprentissage, le fonctionnement des lycées, la gestion des
personnels administratifs et techniques, la formation continue (la part moyenne des
dépenses des régions pour la formation est proche de 40 % du budget régional) ;
- la culture, avec le financement de spectacles, d'expositions, de festivals, de musées...

L'État limite les marges de manoeuvre des régions


Quel que soit le domaine d'intervention (santé, éducation, protection sociale, droit du
travail), depuis plus de dix ans, l'État se désengage de ses obligations antérieures et
transfère une partie de la dépense aux collectivités locales et / ou aux individus. Ce

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 175


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
désengagement financier s'accompagne d'un changement de paradigme de l'action
collective, concrétisé par le passage d'un État garant de l'intérêt général à un État de
plus en plus managérial. Toutes les politiques publiques connaissent les mêmes processus:
l'État central favorise « l'autonomie », la « mutualisation », les projets, l'obligation de
résultats selon une approche quantitative, utilitariste et de court terme, entrainant la
concurrence entre établissements, entre territoires, entre individus au détriment du
collectif, du « faire ensemble » et du vivre ensemble ».
L'État influe sur les marges de manœuvre des régions, que ce soit par les dotations
financières, les contrats de projet État-région ou les grands projets d'infrastructure.
Ainsi, la suppression, le 1er janvier 2010, de la taxe professionnelle, va limiter
l'autonomie financière des régions. De plus, l'État sollicite les régions face à un
désengagement territorial sans précédent depuis cinquante ans, avec la réorganisation
de la carte de la justice et la suppression de tribunaux dans de nombreuses petites
villes, avec la carte de la santé et la suppression d'hôpitaux en milieu de faible densité,
ou la nouvelle carte de l'armée et les suppressions de casernes dans de nombreuses
villes petites et moyennes, remettant en cause leur rôle. Le gouvernement estime que
ces administrations doivent répondre à des critères d'efficacité et de performance, et
non à des critères d'équité spatiale et sociale, ou de proximité. L'Etat transfère, aux
régions et départements, l'action publique ayant pour finalité la solidarité territoriale,
ce qui constitue un enjeu nouveau Par ailleurs, l'État transfère de nouvelles
compétences vers les collectivités locales sans compensation financière suffisante.
Ainsi, est-ce que l'instauration d'un grand Sud-Ouest changerait la clé de répartition
imposée par l'État aux régions et aux autres institutions territoriales pour financer la
ligne à grande vitesse sud-Europe Atlantique ?
Très souvent, les régions sont financièrement sollicitées par l'État sur des projets qui,
en principe, ne sont pas de leur compétence, que ce soit pour l'enseignement supérieur
ou les nouvelles lignes de TGV.
Par ailleurs, les politiques régionales sont influencées par les nouveaux choix de l'État ;
les gouvernements Villepin et Filion transforment profondément les orientations de
l’aménagement. En rupture avec la conception précédente de cohésion sociale et
territoriale, la nouvelle politique privilégie la concentration des moyens sur quelques
pôles et sur quelques secteurs d'activités, ainsi que la compétition entre les collectivités
territoriales. Cela explique la mise en oeuvre des pôles de compétitivité, des pôles
d'excellence rurale ou encore le plan Campus.

Changement de cap pour t'aménagement du territoire


C'est donc dans ce contexte que prennent place les pôles de compétitivité : ils sont le
marquage le plus fort d'un changement de cap de l'aménagement du territoire, puisque
le terme utilisé dans l'appel à projets est repris quelques mois plus tard dans le nouvel
intitulé de la Datar devenant Diact, Délégation interministérielle à l'aménagement et à
la compétitivité des territoires (décembre 2005), redevenue Datar en décembre 2009
(Délégation interministérielle à l'aménagement et à l'attractivité régionale,
« attractivité » étant moins connoté que « compétitivité » !). Cette politique est
clairement positionnée à l'échelle européenne et mondiale, et tranche nettement avec la
précédente en faveur des « systèmes productifs localisés » (SPL), sur le modèle des

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 176


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
districts industriels italiens et du vieux modèle rnarschallen de 1900, basé sur
«l'atmosphère industrielle ». À partir de 1995, il s'agissait en effet de trouver, en
France, des bassins d'emplois dans lesquels des savoirs-faire industriels pouvaient être
valorisés pour introduire innovation et positionnement sur un segment de marché, à
partir de la mise en relation d'un tissu dense de petites et moyennes entreprises. Une
centaine de SPL avaient ainsi été soutenus par la Datar, depuis les salaisons à Lacaune
dans le Tarn, jusqu'au flaconnage dans la vallée de la Bresle ou encore l'industrie du surf
sur le littoral sud-Aquitain. Même si quelques pôles de compétitivité ont succédé à un
SPL (pôle des microtechniques en Franche-Comté), la référence, c'est le cluster, c'est-
à-dire le pôle de compétitivité à l'américaine, à l'image du Research triangle park à
Raleigh en Caroline du Nord, un espace de fertilisation croisée entre grandes et petites
entreprises, entre centres de recherches académiques et industriels. Ce cluster qui fait
référence, est une vallée de quinze km de long pour quatre de large dans laquelle se
regroupent 137 entreprises de haute technologie avec une dominante pharmacie,
biotechnologies, outillages médicaux et santé publique. Le cluster est à 20 minutes en
voiture de trois universités de renommée internationale. Ce modèle n'est pas nouveau, et
rappelle fortement l'engouement pour les technopoles dans les années 80, à la suite du
succès de Sophia-Antipolis (1967) ou de la Zirst de Meylan, prés de Grenoble (1971).
Pourtant, la focalisation actuelle des politiques d'aménagement sur la dimension
compétitive pose une série de questions en matière d'aménagement du territoire.
La première concerne le risque d'une trop grande métropolisation des activités, au
détriment des villes petites et moyennes. L’association des petites villes de France a
d'ailleurs publié, en février 2007, une étude intitulée Les politiques en faveur de
l'innovation dans les petites villes, dans laquelle il est écrit en préambule : « Tout se
passe comme si, à l'heure de la globalisation, seul ce qui était grand, doté d'une masse
critique suffisante, pouvait tirer son épingle du jeu. »
De plus, croire que les politiques dites d'aménagement du territoire ont un effet réel et
déterminant sur la transformation du territoire est à nuancer fortement. L'économiste
Laurent Davezies8 met en évidence le fait que les politiques sociales font plus pour la
cohésion territoriale que des politiques ciblées « aménagement du territoire ». Les
dépenses sociales constituent d'ailleurs les premières dépenses publiques de la France
(55,8 % des dépenses des administrations publiques en 2005). Les politiques
d'aménagement du territoire seraient donc des politiques d'harmonisation en amont des
interventions des services de l'État et de régulation du jeu des acteurs locaux. Si ces
politiques ciblées et identifiées comme « territoriales » ne représentent que de faibles
montants dans le budget de l’Etat, Laurent Davezies explique l'enjeu des autres
financements du budget de l'Etat ; « Pourtant, c'est cette redistribution aveugle sur le
plan spatial qui constitue le principal instrument de cohésion territoriale en France. Le
budget de l'État et de la sécurité sociale opèrent aujourd'hui des prélèvements en gros
proportionnels au revenu des ménages et des territoires et distribuent des dépenses à
peu près égales par habitant. Ce simple mécanisme permet de transférer des dizaines de
milliards d'euros des espaces "riches" vers les espaces "pauvres" et permet d'assurer

8
« Les limites de la contribution des mécanismes fiscaux à la cohésion territoriale », Laurent Oevezies,
dans Informations sociales, n° 104, 2002

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 177


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
un équilibre de développement territorial peu signalé par la littérature et assez
inattendu dans un contexte où l'on hurle de façon assez unanime au loup de la
mondialisation et de la métropolisation. » Cette idée est largement développée dans le
rapport de l'observatoire des territoires réalisé en 2005 par la Datar : « Cette forme
de régulation entre économies régionales est assurée de fait par les dispositifs
nationaux non territorialisés de redistribution entre individus. Mais elle tient aussi aux
choix résidentiels des Français qui entretiennent une dissociation croissante entre
géographie de la production et géographie des revenus. »

Quelles finalités pour les politiques régionales ?


L'aménagement du territoire a toujours veillé à garantir la cohésion du territoire et
l'aide aux espaces les plus dynamiques, essayant d'articuler des notions de solidarité et
de performance. Avec la diminution des finances publiques et le positionnement de
l'Union européenne dans une logique de compétition mondiale des territoires et de
valorisation des potentialités métropolitaines, alors l'aménagement devient compétitif.
Dans ce contexte, toute la question est de savoir s'il est encore possible d'articuler ces
choix et la nécessaire cohésion sociale et territoriale. C'est interroger aussi le rôle de
l'État et sa capacité à reprendre son rôle de régulateur, favorisant la péréquation entre
régions riches et régions pauvres, et ne pas être seulement un pompier des crises
territoriales.
Si l'objectif qui fonde toute politique d'aménagement du territoire est de réduire les
disparités spatiales, de façon à ce que le niveau de développement d'une région donnée
permette d'assurer le bien-être de la population concernée (entendue sous sa forme la
plus large emploi, santé, qualité de vie, etc.), la perspective du développement durable
conduit à reformuler cet objectif en termes différents, en introduisant la notion de
reproductibilité dans le temps de ce développement. Trois questionnements peuvent
ainsi être proposés pour fonder une politique d'aménagement du territoire soutenable9 .
D'une part, la question de savoir si les modes de développement à l'oeuvre dans les
différents territoires permettent un développement de ces espaces reconductible sur
le moyen et long terme, c'est-à-dire s'ils permettent d'assurer le mérite bien-être, et
pour les régions en retard, un bien-être accru des populations dans le futur. Cette
reproductibilité dans le temps dépendra alors du respect, à l'échelle de la région
considérée, du taux de renouvellement ou de remplacement des ressources naturelles
exploitées, et du respect de la capacité d'assimilation des milieux naturels ; elle
dépendra aussi de la prise en compte des irréversibilités induites par les activités
humaines et, selon les conceptions plus ou moins anthropocentrées, de la répartition
sociale des fruits de l'activité économique.
Le deuxième questionnement concerne la distribution interterritoriale du
développement durable : le développement durable d'une région peut-il se faire au
détriment des territoires extérieurs, en reportant sur ces derniers ses propres
pollutions ou en surexploitant leurs ressources naturelles ? Introduire la dimension

9
« Environnement, développement durable et politiques d'aménagement du territoire » Corinne Larrue, dans
La Fronce : aménager les territoires, Yves Jean et Martin Vanier, Armand Colin, 2008.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 178


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
spatiale du développement durable conduit alors à considérer la répartition spatiale de
ce développement. Peut-on concevoir un développement durable à plusieurs vitesses
selon les espaces considérés, conduisant à assurer le développement durable territoire
au détriment des territoires extérieurs ? La compétition entre les territoires, de plus
en plus exacerbée par la globalisation économique, induit une tendance naturelle à
l'exportation maximale des coûts, notamment écologiques, en vue d'une maximisation
des bénéfices pour le territoire concerné, Aussi, pour que le respect des conditions
environnementales soit effectif, elles doivent être mises en oeuvre sur l'ensemble du
territoire, sous peine de conduire à une dualisation des territoires, tant sur le plan de
l'économie que sur le plan de l'environnement.
Enfin, la troisième question a trait aux conséquences globales de la mise en pratique du
développement durable à l'échelle de chaque région la promotion d'un bien-être des
populations régionales, même reproductible à long terme, est-elle compatible avec la
promotion d'un développement économe en ressources environnementales ? Rien ne
permet d'affirmer que le respect des exigences de durabilité dans chaque région
entraîne nécessairement le respect de ces mêmes critères à l'échelle globale, et
inversement.
La perspective du développement durable des territoires conduit ainsi à mettre en
exergue des contradictions qui viennent peser lourdement sur les zones d'aménagement
à privilégier, objet de débat entre élus et citoyens. Les réponses à ces questions ne sont
pas simples. Elles conduisent à définir une politique d'aménagement « durable » qui
privilégie les solutions qui maximisent les critères de reproductibilité régionale du
développement, tout en minimisant les atteintes au fonctionnement global de la planète
et les disparités environnementales interrégionales.

Développer l'animation du débat public


Les politiques régionales sont confrontées à trois enjeux majeurs : le premier consiste à
articuler les échelles d'action publique, du local à l'Europe, en développant des projets
territoriaux dont la finalité est d'améliorer le « vivre ensemble » à partir de concepts
tels que l'équité, la solidarité, la laïcité, l'égalité. Cette articulation entre la
mondialisation et le local doit valoriser les territoires, sans tomber dans le « tribalisme
local » si la République a besoin du territoire, le territoire doit être porteur des valeurs
de la République.
Le second défi concerne la nécessaire péréquation entre espaces riches et espaces
pauvres, afin de permettre à chaque habitant, quel que son lieu de résidence et son
statut, d'avoir les mêmes possibilités d'accès à l'éducation, à la culture et à la santé.
Depuis quelques années, les régions se sont affirmées comme animatrices de larges
débats sur l'aménagement de leur espace, que ce soit avec des « rencontres
territoriales », des « assises territoriales », des « états généraux des Pays »…
Cependant, ces initiatives sont trop souvent ponctuelles et localisées, elles ne suffisent
pas à associer les citoyens aux débats essentiels concernant les politiques régionales. Le
troisième défi, c'est l'appropriation politique par les habitants : le développement des
espaces publics d'échanges entre élus, habitants, acteurs associatifs, chefs
d'entreprises doit être renforcé. « Face à la crise de l'État et de la démocratie
représentative, la régionalisation est un alternative. Elle ne se réduit pas à des questions

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 179


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
d'organisations des teritoires ou de redistribution des compétences. Elle représente
une forme moderne de la citoyenneté. »10

Pour en savoir plus


- Alvergne Christel et Français Taulelle, Du local à l'Europe, les nouvelles politiques
d'aménagement du territoire, Puf, 2002.
-Daniel Behar et Philippe Estèbe, «Aménagement du territoire, une mise en
perspective » dans L'état de la Fronce, La Découverte, édition 2007-2008.
- Manuel Castels, La société en réseaux, Fayard 2001.
- Laurent Davezies, La République et ses territoires. La circulation invisible des
richesses, Le Seuil / La République des idées, 2008.
- Martin Vanier, Le pouvoir des territoires, Essai sur l'interterritorialité, Economica-
Anthropos, 2008.

« Réformer l'Etat, c'est accorder l'autonomie régionale », Jean-Jacques Queyranne, dans le Monde, 29
10

octobre 2002

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 180


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
CINQUIEME PARTIE -
INTERCOMMUNALITES, METROPOLES : QUELLES PERSPECTIVES ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 181


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Il faut réformer le bloc communal par anticipation
Par Jules Nyssen, directeur général des services de la ville de Montpellier
(Hérault), professeur des universités
La Gazette, 31 mai 2010

département. La lecture du projet de loi


Nul ne sait à ce jour comment la permet de voir jusqu'où le législateur
réforme territoriale sortira de la pourrait aller dans les prochains mois.
discussion parlementaire. Mais pour ce Prenons le cas de la notion d'intérêt
qui concerne le « bloc communal », communautaire qui jusqu'ici définissait
certaines lignes directrices semblent entre commune et EPCI le partage d'une
d'ores et déjà clairement établies. Elles même compétence. L'abandon de cette
conduisent toutes au constat que les notion, qui figure dans le projet de
communes et leurs groupements ont métropole, signifie qu'à l'avenir,
vocation à s'intégrer dans une lorsqu'une compétence est affectée à
collectivité locale unique. Seule l'échelon communautaire, elle l'est en
l'échéance reste incertaine. Comment totalité. C'est loin d'être neutre si l'on
anticiper cette évolution afin de mettre pense par exemple à la culture ou au
en œuvre ces rapprochements dans le sport. Il en va de même du transfert de
cadre d'un projet politique volontariste plein droit à la métropole de la
plutôt que d'y être contraint par la loi compétence sur le droit du sol ou de la «
ou la nécessité économique ? commune nouvelle », stade ultime de la
Car la nécessité économique est une fusion. La perspective est claire.
réalité. Les événements internationaux A ces tendances de fond s'ajoutent des
et les premières annonces du éléments d'ordre démocratique. D'une
gouvernement sur le gel des dotations part, on ne peut qu'être frappé de la
aux collectivités viennent d'en rappeler rapidité avec laquelle l'intercommunalité
brutalement le caractère inéluctable. Ce mise en place dans la méfiance à partir
contexte imposera de profondes de 2001 a progressé dans les esprits.
réorganisations dans nos organisations. Bien que n'ayant pas totalement disparu,
Le couple ville-établissement public de les craintes sur les pertes d'identité
coopération intercommunale (EPCI) est des communes ont largement été
au cœur de ce processus. compensées par les gains en matière
De nombreux rapports, dont celui de la d'efficacité ou d'investissement. Par
Cour des comptes ou plus récemment ailleurs, la réforme de la taxe
celui de la commission « Balladur », professionnelle attribue aux EPCI la
plaident pour une plus grande part départementale de la taxe
intégration. La volonté du gouvernement d'habitation, c'est-à-dire un impôt
est forte, et même s'il subsiste des directement acquitté par les habitants
sujets de discussion avec les d'un territoire, ce qui ne manquera pas
associations d'élus, l'évolution du couple de renforcer la perception que ceux-ci
ville-EPCI suscite beaucoup moins de ont de l'action intercommunale. Enfin,
réticences que celle du couple région- l'élection au suffrage universel direct

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 182


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
des conseillers communautaires (par
fléchage à partir des listes communales)
va faire basculer le conseil de l'EPCI
d'une légitimité des communes vers une
légitimité des citoyens. A une logique de
gestion collégiale va se substituer
rapidement une gestion plus politique,
avec une majorité et une opposition. A
ce stade, l'EPCI aura toutes les
caractéristiques d'une collectivité locale
de plein exercice : un territoire
identifié, un budget propre et une
assemblée élue au suffrage universel
direct. Il ne lui manquera plus que la
clause de compétence générale.
Or, l'émergence d'un pouvoir politique
plus autonome à l'échelon
communautaire comporte le risque de
renforcer la concurrence entre les
administrations communales et
l'administration communautaire, au
risque de voir persister ou même se
développer des doublons source de
gaspillage. Elle complexifiera les
discussions sur les mutualisations de
services, et rendra plus autoritaires les
nouveaux transferts de compétence.
Pour mettre en œuvre les
rationalisations organisationnelles
indispensables, le bloc communal a le
choix d'attendre 2014, avec le risque
que ces évolutions se fassent sous la
contrainte et sous l'impulsion du seul
échelon communautaire. Mais il peut
aussi s'engager de façon volontariste
dès à présent, dans le cadre d'un
véritable projet partagé par les
communes avec de réelles marges de
manœuvre. Ce choix permet de doter la
future intercommunalité d'une
structure administrative solide, au
service de l'ensemble des citoyens et
des communes, apte à mettre
rapidement en œuvre le projet politique
des équipes qui seront élues en 2014.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 183


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Interco : changement de logique financière
Par Fabien Meynand, Christophe Michelet, Cabinet partenaires finances Locales
La Lettre du cadre territorial, n° 401, 15 mai 2010

La mutualisation des moyens et de renforcement de la cohérence territoriale


représente en soi un nouveau défi que l'État entend relever au travers du projet de
réforme des collectivités territoriales dont le vote est prévu d'ici l'été/automne 2010.
Deux objectifs majeurs animent ce texte :
- permettre à échelle 2014 une couverture intégrale du territoire par des EPCI à
fiscalité propre et la suppression des enclaves ;
- aboutir à la constitution de périmètres cohérents.

PRIORITÉ À LA SOLIDARITÉ FINANCIÈRE LOCALE


Mais la cohérence territoriale et de compétences n'est pas le seul objectif que s'est
fixé l'État. Comme en 1999 avec le vote de la loi Chevènement, le Gouvernement entend
donner des outils financiers aux communautés pour impulser cette politique de cohésion.
Reste que la méthode pressentie pour y arriver affiche une différence de taille par
rapport à 1999. L'État semble désormais, dans un contexte de maîtrise des dépenses
publiques et de gel des dotations (rapport Carrez), vouloir privilégier « la solidarité
financière » locale, plutôt que la solidarité nationale réduite longtemps à la seule
politique de la carotte financière ».
Plusieurs textes visant à réorganiser les flux financiers entre communes et
communautés, vont dans ce sens.
Tout d'abord, la loi de finances 2010 a depuis quelques mois donné le ton en facilitant
les possibilités de partage de la ressource financière et fiscale entre communes
membres et communauté par des règles de majorité assouplies.

Plus besoin ainsi, par exemple pour les communautés de communes à fiscalité
additionnelle, de passer par une augmentation de taux pour accroître leurs ressources
et financer leur projet de territoire. Ainsi ces CC pourront recourir à compter de 2011
au « libre » partage de la répartition de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des
entreprises) entre communes membres et communautés (nouvel article 1609 quinquies
BA applicable au 1er janvier 2011), simplement en modifiant les fractions leurs revenant.
De simples « délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée prévue au premier
alinéa de l'article L.5211-5 du CGCT, avant le 15 octobre 2010 pour une application de la
nouvelle répartition à compter 2011 ou avant le 15 octobre 2011 pour une application de
ladite répartition à compter de 2012 ou, dans le délai prévu au I. de l'article 1639A bis à
l'occasion d'un nouveau transfert de charge » suffiront.

DEUX POSSIBILITÉS DE RÉVISER LES ATTRIBUTIONS DE COMPENSATION


Mais les communautés de communes à TPU et, à compter de 2011, à CET Unique, ne sont
pas en reste. Bien au contraire. L’apport de la loi de finances 2010 est là aussi essentiel.
Deux dispositions notamment permettent ainsi de réviser les attributions de
compensations versées par les communautés à leurs communes membres, l’une afin de
corriger des évaluations de transfert de charges qui auraient été mail ajustées par le

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 184


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
passé (article 99 de la LFI 2010), l’autre (article 77 de la LFI 2010) autorisant dans un
délai de 5 ans à compter de la publication de la loi de finances 2010, une révision des
attributions de compensation et dotations de solidarité par délibérations concordantes
prises à la majorité qualifiée. L’objectif non affiché de ce dernier dispositif : dégager
de nouvelles ressources financières aux structures intercommunales dans la réalisation
des objectifs qui leur sont assignés.

Cet outil financier qui, pour ne pas être détourné de sa finalité, devra être cadré au
travers d’un pacte financier et fiscal, est essentiel en ce qu’il permet une nouvelle
répartition des finances du territoire entre communes et EPCI sans recourir pour la
communauté au levier fiscal.

UNE BRECHE EST OUVERTE


Mais cette souplesse de la loi des finances 2010 qui déroge au rôle premier de
l’attribution de compensation (AC) en tant que garant de la neutralité du dispositif de
TPU, ouvre une brèche dans laquelle s’est déjà engouffré le projet de réforme
territoriale.

Les articles 34 et 34 quater du projet de réforme adopté par le Sénat le 4 février 2010
en sont l’illustration. D’une part, l’article 34 offre la possibilité d’imputer les effets de
la mise en place de services communs sur l’attribution de compensation ; d’autre part,
l’article 34 ter permet la révision des attributions de compensation pour tenir compte
du déficit de fonctionnement d’équipements réalisés après le transfert de la
compétence à la communauté.

Mais c’est surtout l’article 34 quater du projet de réforme qui est le plus incisif. En
effet, au travers de cet article, le législateur entend permettre à « un établissement
public de coopération intercommunale à fiscalité propre » de pouvoir « percevoir en lieu
et place de ses communes membres les montant dont elles bénéficient au titre de la
dotation globale de fonctionnement ». L’objectif : tendre vers la possibilité d’«une mise
en commune des ressources (DGF), sur délibération concordantes du conseil
communautaire et de chacun des conseils municipaux des communes membres ». Il
appartient alors à l’EPCI de mettre « en place à destination de ses communes membres
une dotation de reversement, selon des critères de ressources et de charges librement
définis par l’organe délibérant statuant à la majorité qualifiée des suffrages exprimés ».

Autant d’outils (celui de l’article 34 quater étant le plus novateur) qui conduiraient, s’ils
étaient utilisés par les intercos et leurs communes membres, à revoir en profondeur les
politiques de solidarité territoriale en place et ajuster les reversements aux communes
pour renforcer les moyens financiers d’une communauté en adéquation avec ses
ambitions.

La rédaction du texte du loi tel qu’il sera proposé à l’Assemblée nationale en première
lecture pousse finalement à se demander si l’enjeu de la réforme des collectivités
territoriales, notamment d’un point de vue financier avec le partage « communautaire »

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 185


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
de la DGF du territoire, ne réside pas en réalité dans la refonte de la gouvernance
financière des territoires à l’échelle locale et dans le souhait de forcer
l’intercommunalité à s’engager dans un processus de mutualisation développée et à coût
constant.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 186


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Grandes métropoles, petits rapprochements
Par Stéphane Menu – stephane.menu@orange.fr
La Lettre du Cadre Territorial, n° 403, 15 juin 2010

À Marseille comme à Nice, la grande métropole annoncée n'atteindra pas la dimension


territoriale des Lander allemands.
La France des maires ne veut pas renoncer à ses privilèges de proximité, poussée par
une opinion publique qui chérit le rôle du maire.

C’est un fait : sur les grandes métropoles, Nicolas Sarkozy a enclenché la marche
arrière. Au milieu de l'année 2009, à la suite de la commission Balladur, l'affaire
semblait pourtant pliée : en dehors du cas spécifique de Paris, la France disposerait dans
les prochaines années de huit à onze grandes métropoles, vitaminées par la fusion des
structures de coopération intercommunale autour des grandes villes. Pour le président
de la République, l'objectif clairement affiché était de mettre un terme à une
particularité française : le morcellement territorial. Mais les élus, de gauche comme de
droite, notamment en région Paca, ne l'entendent pas de cette oreille. Pour eux, la
proximité communale est une plus-value républicaine à laquelle il ne faut pas toucher. Oui
au renforcement des territoires de projets, non aux grandes « métropoles fusionnelles»,
pour reprendre l'expression de Jean Léonetti, député-maire UMP d'Antibes. Nicolas
Sarkozy a donc cédé : les grandes métropoles se feront... sur la base du volontariat!

Vers « une fédération des intercommunalités » ?


Le département des Bouches-du-Rhône est sans doute l'un de ceux où la grande
métropole aura le plus de mal à voir le jour. Tout au long de la seconde moitié du siècle
dernier, la formation institutionnelle de ce département a épousé les aléas politiques.
Marseille, très tournée vers la mer, présente la singularité d'être la seule ville-centre
en France à être moins riche que les communes périphériques. Le choc postcolonial n'a
jamais été vraiment digéré et des villes comme Aubagne, Aix, Martigues ou encore
Salon-de-Provence ont construit des identités territoriales si fortes que l'idée même
d'un épicentre marseillais agit comme un tabou. « C'est simple, pour perdre une élection
à Aix, il vous suffit de dire que vous êtes favorable à un rapprochement avec Marseille»,
assurait un ancien candidat aixois aux municipales. Certes, dans les propos, le ton reste
policé, même auprès de Maryse Joissains, maire UMP d'Aix, dont les interventions font
rarement dans la nuance... Elle paraît désormais moins hostile à des coopérations actives
avec le grand frère marseillais. Mais l'idée d'une intégration à marche forcée de l'Étang
de Berre à La Ciotat, en passant par Arles et le pays d'Aix, relève à ses yeux d'une
option très hypothétique. Tout renforcement de coopération ne pourra se faire qu'à
partir des structures existantes, dit-elle.

Derrière cette prudence se profile la crainte d'une perte d'autonomie fiscale, déjà bien
entamée par la suppression de la taxe professionnelle, mais surtout du dessaisissement
de ce qui constitue aujourd'hui le dernier rempart légitime de l'autorité des maires et
de leur structure intercommunale : la gestion en direct du droit du sol. « Le cauchemar

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 187


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
absolu, c'est la gestion des plans d'urbanisme de Marseille », peste le maire d'Arles,
Hervé Schiavetti. Maryse Joissains a donc écrit à Nicolas Sarkozy pour plaider la cause
des communautés d'agglomération plutôt qu'une grande et unique communauté urbaine,
prônant une « fédération des intercommunalités présentes » et non un vaste
conglomérat de villes.

La bataille des petits maires


Ce blocage n'est pas propre au lien Aix-Marseille, si marqué par la défiance. Le
communisme municipal dans les années 70-80 a pris sa revanche face au refus obstiné du
plus anti-communiste maire socialiste de France, Gaston Defferre. Entouré de villes
rouges (La Ciotat, Aubagne, Gardanne, Berre, Martigues, Port-de-Bouc et Fos-sur-Mer),
le lion du Vieux-Port n'a jamais été un sectateur de l'émancipation métropolitaine, au
contraire de Rennes ou encore Lyon. Il a ainsi laissé partir en fumée des millions de
francs puis d'euros de taxe professionnelle des usines pétrochimiques, des anciennes
mines, des anciens chantiers navals. Pis encore, à l'exception de La Ciotat et de Fos, le
communisme local, construit sur des ressorts féodaux, s'est enraciné, au point que la
crise endémique du PC n'ait pas la moindre répercussion sur les résultats de maires
encore encartés au PC mais pour la forme. « Si je quitte le PC, ma femme me quitte »,
plaisante un maire PC. Aubagne organisait, le 13 juin, un référendum gagné d'avance pour
refuser un quelconque ersatz de grande métropole. Et quand, comme à Fos, le PS est
parvenu à chiper la ville au PC, le leitmotiv ne change pas : non à une fusion avec
Marseille...

L'étiquette politique importe finalement assez peu dans l'affaire : Roland Povinelli,
maire PS d'Allauch, déploie actuellement des banderoles dans la ville pour condamner à
l'avance la contrainte d'une fusion. Il est largement soutenu par Jean-Pierre Bertrand,
le maire voisin divers droite de Plan-de-Cuques. Récemment, 80 maires des Bouches-du-
Rhône sont « montés » à Paris pour dire non à la réforme territoriale et surtout à son
processus de métropolisation. Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel politique étaient
représentées et celle de l'UMP n'était pas la plus effacée... Face à un tel étalage de
résistances, Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine de Marseille, fait
profil bas, avançant que le périmètre le plus pertinent d'un élargissement irait d'Arles à
Cadarache (site du réacteur Iter) mais prônant la gouvernance largement concertée
avec toutes les parties pour avancer. Avec si peu de désir, la vitesse de l'avancement
aura une allure d'escargot...
Aujourd'hui, sur le bureau du préfet, un découpage prévaut : deux grosses entités
urbaines distinctes autour de Marseille et Aix, une entité plus rurale dont le cœur
serait arlésien...

Mennucci et Muselier voient grand


Finalement, les deux seuls élus marseillais affichant une volonté résolue de faire sauter
les « archaïsmes » marseillais sont Renaud Muselier (UMP) et... le maire socialiste des 1"
et 7e secteurs, Patrick Mennucci. Pas étonnant, assureront les observateurs politiques,
les deux personnalités suscitées ayant de plus en plus de mal à supporter les ombres
tutélaires de Jean-Claude Gaudin et Jean-Noël Guérini, dont la gestion très distanciée

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 188


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
du dossier les pousse à afficher une certaine audace. Patrick Mennucci réclame même
l'arbitrage parlementaire, à savoir le vote d'une loi « Grand Marseille » comme il existe
un « Grand Paris ». Renaud Muselier a ainsi lancé l'association « Pour un Grand Marseille
», prenant également le Grand Paris pour modèle et se targuant de l'onction
présidentielle : lors d'un meeting public fin 2009, Christian Frémont, ancien préfet de
Paca et actuel directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, a fait le déplacement pour
signifier que le président n'était pas hostile à la démarche. De son côté, Patrick
Mennucci avait détonné lors de la campagne municipale de 2008, estimant qu'Aix et les
communes autour de l'Étang de Berre devaient rejoindre Marseille, et ce au nom de
l'équité fiscale. Une proposition dont l'examen fut remis à des lendemains plus apaisés.

Le grand Nice petits bras


Longtemps, on a cru que la métropole niçoise serait plus facile à mettre en oeuvre que
celle de sa voisine marseillaise. Les premiers communiqués de Christian Estrosi, maire de
Nice et ministre sarkozyste, et d'Éric Ciotti, député UMP et président du conseil
général des Alpes-Maritimes, saluèrent la marche en avant révolutionnaire du président
de la République vers la métropolisation. Alors, la métropole ne serait-elle qu'une
formalité ? Que nenni ! Depuis, la communauté d'agglomération de Nice est passée au
braquet supérieur en devenant communauté urbaine. Et la volonté claire affichée par la
ville de Menton de rejoindre cette nouvelle structure laissait entrevoir une mécanique
d'élargissement institutionnel mieux huilée. Or, Antibes, Cannes ou encore Grasse ont
exprimé depuis de franches réserves, tirant vers le bas les rêves d'une métropole
épanouie et massive.

Les communautés de projets se mettront certainement en place plus facilement autour


de Nice que dans les environs de Marseille. Mais la grande métropole estrosiste
annoncée restera dans les cartons. Il y a donc de grandes chances que la grande
métropole n'accouche que de petits réajustements à la marge pour renforcer la mise en
œuvre de projets inter-intercommunaux sans toucher à la sacro-sainte autonomie des
maires.

Ce ralentissement du processus métropolitain réjouit une grande ville qui risquait d'être
coincée au milieu de ces projets : Toulon, dont Hubert Falco craignait la prise en étau
entre les deux mastodontes niçois et marseillais.

À moins que la prédiction du préfet de région, Michel Sappin, qui ne cesse de fustiger la
défaillance de l'organisation métropolitaine de Marseille, prenne du poids : le recours à
la contrainte juridique pour faire plier tous ces élus indociles recroquevillés sur leurs
arpents communaux. Il faut ajouter à la colonne « moins » la récente prise de position de
Michel Vauzelle, président pour la troisième fois de la Région Paca : « J'ai peur que les
fonds publics soient réservés aux grandes métropoles et que les autres territoires en
pâtissent... Je suis pour des métropoles à la française, pas à l'américaine... ». Le dossier
des grandes métropoles est mal engagé en Paca mais le bras de fer promet de belles
empoignades politiques... .

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 189


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Des métropoles… encore bien peu métropolitaines
Par David ALCAUD, Docteur en Science Politique, enseignant et chercheur,
formateur au CNFPT, l’Enact de Nancy et l’Inet
La Gazette des Communes, 28 juin 2010

La réforme des collectivités locales, qui vient d'être adoptée en première lecture à
l'Assemblée, ne consacre pas un projet de société partagé, destiné à être mis en oeuvre
par des institutions remplissant la mission qui fonde leur légitimité sociale- En
considérant le processus de réformes par le prisme des métropoles, de facto figures de
la nouveauté, on distingue aisément trois problèmes majeurs qui exigent un
renversement radical: une traduction institutionnelle anachronique; un système
territorial fragilisé; une construction technocratique aggravant dramatiquement le
déficit démocratique. Il est pourtant nécessaire d'agir autrement et de faire de cette
réforme un levier pour développer une nouvelle ingénierie démocratique et faire évoluer
la manière de construire l'action publique.
Qu'on le veuille ou non, les espaces métropolitains existent déjà et déterminent les
conditions de vie des habitants, des travailleurs, des individus de passage, même si ni les
acteurs politiques ni les citoyens n'en ont le .plus souvent conscience. Comme l'acte I de
la décentralisation a consacré l'utilité d'une territorialisation de l'action publique, pour
plus de pertinence et d'efficience, le moment semblait venu d'articuler les territoires
fonctionnels réels de la métropole avec les espaces du gouvernement légal. Mais la loi ne
réalise pas cette ambition. Les articles consacrés aux métropoles dans le projet de loi
de réforme des collectivités ont confirmé le constat dressé lors de l'adoption du texte
relatif au Grand Paris : elles ne favorisent pas la gouvernance cohérente des territoires
urbains. Les métropoles ont reçu des compétences significatives, en matière économique
et en matière d'aménagement. Mais leur place et leur rôle dans le système territorial
restent encore à imposer vis-à-vis des autres collectivités (concurrentes).
Si la métropolisation est un phénomène économique majeur, la métropole soulève avant
tout un enjeu culturel et politique. L'institution métropolitaine, chargée de maîtriser ces
flux et ses corollaires en termes de déficit de sens commun, de lien social et de
solidarités, devrait donc être porteuse d'un projet politique, volontariste, construit et
porté par des acteurs conscients de cette radicale nouveauté. Force est de constater
que la métropole issue de la réforme en est très loin: sans doute parce que la question a
été dès le début mai pensée. L’absence d'une culture politique urbaine est un handicap
majeur pour l'émergence d'institutions territoriales démocratiques efficientes et
légitimes. Si nous ne manquons pas de dirigeants territoriaux, élus et fonctionnaires, de
grande qualité, la construction très classique des «problèmes» et des modes de
résolution qui en découlent entretient, voire accentue, le décalage entre les projets et
les résultats sur le terrain.
Les débats publics prévus à l'automne pour le Grand Paris pourraient être élaborés,
menés, voire complétés, de manière radicalement neuve. Et la révision du Sdrif portée
par Mireille Ferri donne également l'occasion d'inventer une manière de véritablement
«faire métropole », par la revalorisation des innovations sociales et le bon usage de l'«

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 190


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
empowerment » Reste la difficulté à élaborer et à mettre en oeuvre une démarche
collective sur les territoires. Le problème se pose à deux niveaux: d'une part,
l'ingénierie proposée est souvent reproductrice d'inégalités et de biais; d'autre part, on
sait combien les acteurs publics restent réticents à sortir de leur posture et,
s'attachent à instrumentaliser les moyens de ladite « démocratie participative». Il est
indéniable que les dirigeants publics n’ont pas été formés à ce nouvel esprit
démocratique, et ce n'est pas nécessairement bien vu (ou perçu comme sérieux). La
création d'un ordre symbolique partagé est le premier travail politique, l'un des socles
dés de la légitimité politique. Les acteurs publics, comme tout un chacun, ont peut-être
aussi besoin de s'y retrouver, dans cet espace métropolitain qui souvent nous échappe et
nous inquiète. C'est peut-être là où on ne l'attendait plus le principal mérite de cette
réforme: nous convaincre qu'il est utile de partager les responsabilités, de revisiter les
compétences sociales et de susciter les contributions au sens commun. Donnons-nous en
les moyens car la loi n'aborde pas la question du déficit démocratique, ce qui est un
facteur aggravant en l'occurrence.
Il s'agit aussi de savoir travailler collectivement à coproduire un imaginaire
métropolitain positif. Ce travail politique exige une ingénierie démocratique renouvelée.
Sans outils adaptés de pédagogie urbaine/métropolitaine, sans moyens innovants de
médiation sociale, la réforme des territoires alimentera leur illisibilité et leur
ingouvernabilité.

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
SIXIEME PARTIE -
DE LA REFONTE DE LA TP A LA PROBLEMATIQUE DES FINANCEMENTS
DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Suppression de la TP : vers des inégalités territoriales accrues
La Gazette, 19 mars 2010

Gagnants-perdants : état des lieux

Le gouvernement l'a dit et répété sur tous les tons : la réforme de la taxe
professionnelle (TP) sera neutre pour le secteur public local. Au niveau national, pour
tous les échelons de collectivités et les intercommunalités, les recettes provenant du
panier d'impôts destiné à remplacer la TP doivent compenser le produit de cette
dernière « à l'euro près », selon l'expression désormais consacrée. Pour y parvenir, les
parlementaires ont adopté un nouveau dispositif, le Fonds national de garantie
individuelle des ressources (FNGIR), dont le principe est simple : les collectivités
encaissant, dès 2011, des recettes supérieures à ce qu'elles ont touché en 2009 au titre
de la TP reverseront ce « trop-perçu » au fonds, qui financera ainsi celles devant faire
face à un « trou ».
D'un point de vue numéraire, les « gagnants », avant intervention du FNGIR, sont plus
nombreux. Selon les calculs de l'Association des maires des grandes villes de France
(AMGVF), 70 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en
font partie. En revanche, si les « perdants » représentent une minorité de collectivités,
ils concentrent une majorité de la population.

Ainsi, sur 1 200 EPCI à taxe professionnelle unique (TPU), 838 sortent gagnants, mais il
s'agit, pour 90 % d'entre eux, de communautés de communes. A contrario, 50 % des
agglomérations urbaines disposeront - avant FNGIR - d'un produit fiscal moindre (soit
90 groupements, mais représentant 38 % de la population). Et la proportion atteint 70 %
pour les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Dans les échelons supérieurs, 91
départements sont perdants, tout comme 17 régions.
Cette nouvelle situation fiscale s'explique par les deux principales caractéristiques de la
réforme. D'abord, le changement d'assiette de l'impôt économique qui, en passant des
immobilisations à la valeur ajoutée, profite davantage aux territoires sur lesquels les
activités tertiaires sont plus nombreuses, au détriment des régions industrielles.
Ensuite, en raison de la spécialisation des impôts locaux, « une réforme dans la réforme
à laquelle le bloc communal n'a cessé de s'opposer », rappelle Céline Bacharan, chargée
de mission finances et fiscalité à l'AMGVF. En accordant une plus large part de
cotisation économique territoriale (CET) aux régions et aux départements, en échange
du transfert de la taxe d'habitation et des taxes foncières aux communes et à leurs
groupements, cette spécialisation engendre des déséquilibres supplémentaires entre les
territoires économiquement développés et ceux à dominante résidentielle sur lesquels
les collectivités du bloc communal profiteront d'un produit de taxe d'habitation accru.
«Ce qui explique que les agglomérations urbaines comptent plus de perdants que les
zones rurbaines », ajoute Céline Bacharan. Un exemple : en 2011, la communauté
d'agglomération de la vallée de Montmorency (8 communes, 102 655 hab., Val-d'Oise)
affichera un produit fiscal supérieur de 158 % à celui qu'elle percevait en 2009. EPCI à

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
TPU jusqu'alors, elle sera bénéficiaire de 12,635 millions d'euros de taxe d'habitation
et reversera 11,282 millions au FNGIR.

Cette conséquence du monopole du bloc communal sur la taxe d'habitation peut encore
être amplifiée, « si les valeurs locatives du territoire sont importantes, si les
collectivités récupèrent un taux départemental élevé ou par l'effet cumulé de ces deux
critères », développe Claire Delpech, responsable des finances à l'Assemblée des
communautés de France (ADCF). A l'instar de la communauté de communes du pays de
Gex (26 communes, 68 243 hab., Ain) qui connaît, ces dernières années, « une hausse de
5 % des bases foncières », indique Jacqueline Marchand, directrice générale
adjointe (DGA) chargée des finances. « Nous pouvons bénéficier d'une dynamique
financière, contrairement à d'autres collectivités », reconnaît-elle.
Pour les perdants avant FNGIR, des impôts figés ou des dotations d'Etat, qui n'évoluent
pas, en règle générale, de façon positive, se substituent à la taxe professionnelle,
ressource extrêmement dynamique. A la communauté d'agglomération du pays de
Martigues (CAPM, 3 communes, 70 239 hab., Bouches-du-Rhône), dont le produit fiscal
chute de 75 %, Jean-Claude Guillou, DGA chargé des finances, espère « au mieux une
hausse de 0,8 % par an » dans le nouveau système, alors que le produit de la TP
augmentait de 4,1 % jusqu'à présent. Soit un manque à gagner annuel de 3,34 millions
d'euros.

Sur ce territoire à forte concentration industrielle, on milite pour une autre manière de
localiser la valeur ajoutée des établissements d'un même groupe, permettant une
répartition de la cotisation économique à la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
«Nous voulons qu'à l'occasion de la clause de revoyure, la CVAE soit également attribuée
en fonction des facteurs de production, au prorata des valeurs locatives et des
immobilisations, et pas seulement au regard des effectifs », fait valoir Jean-Claude
Guillou.
Si le système de répartition reste en l'état, la CAPM subira une « double peine ». Par
exemple, un investissement de 270 millions dans la centrale nucléaire sise sur le
territoire conduit à la réduction de deux tiers de ses effectifs. « Il y a une vraie
délocalisation de la valeur ajoutée, récupérée essentiellement par les collectivités des
départements accueillant les sièges sociaux des groupes industriels, comme les Hauts-
de-Seine », s'insurge le directeur général adjoint.
Unanimement, les perdants craignent surtout que la compensation du FNGIR ne
s'amenuise avec le temps, comme cela était prévu dans le projet initial. Si « une guerre
de religion », selon l'expression de Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF,
émergeait entre gagnants et perdants, la tentation pourrait être de se servir du fonds
pour revoir le système de péréquation. Or cela reviendrait à « enlever de l'argent à
Maubeuge pour le donner à Arcachon où à Saint-Cloud », pointe Céline Bacharan. Une
vision particulière de l'aménagement du territoire. Une disparition du FNGIR ne
manquerait alors pas de provoquer un tollé parmi les élus locaux.
Au-delà d'une « sanctuarisation » du fonds, les associations d'élus réclament une
indexation du dispositif, afin de tenir compte de l'évolution des recettes dans le temps.
Car une collectivité qui touchait 100 de TP ne percevra plus que 80. Et même si elle

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
reçoit 20 de compensation, le dynamisme des nouvelles bases s'appliquera sur ces 80.
Enfin, les associations proposent d'écrêter en partie l'évolution exponentielle des
ressources des collectivités contributrices au FNGIR. Une manière d'atténuer l'effet
gagnants-perdants.

Des ressources loin d'être stabilisées

Les simulations sur les conséquences de la suppression de la TP ont été les grandes
absentes de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 au Parlement. A tel
point que le législateur a prévu trois clauses de revoyure pour en corriger les effets.
1- De nouveaux (dés)équilibres

Le but de la réforme était affiché : réduire l'imposition qui pesait sur les entreprises.
Dès lors, le jeu de vases communicants s'avérait inévitable et l'équilibre ménages-
entreprises, auparavant fixé à 59-41 %, passe désormais à 64-36 %. De nombreuses voix
se sont élevées lors des discussions du projet de loi de finances pour 2010 pour
dénoncer la volonté du gouvernement de limiter le recours des collectivités au levier
fiscal, les taxes « ménages » étant, d'un point de vue politique, plus délicates à
augmenter. Et ce d'autant plus que le pouvoir fiscal des collectivités se trouve réduit
par la réforme de la TP. En effet, alors que ces dernières disposaient d'un pouvoir de
taux sur 39 % de leurs ressources totales de fonctionnement (en prenant en compte le
ticket modérateur), le pourcentage baisse à 35 %. Et la perte de levier fiscal devient
particulièrement importante pour les départements (de 30 à 18 %), qui ne conservent
que le foncier bâti et, surtout, pour les régions, qui ne disposent réellement de liberté
que sur les cartes grises.
En outre, alors que la TP était un impôt dynamique de stock, donc stable, le nouvel impôt
économique repose majoritairement sur un flux, la valeur ajoutée. Il se révèle donc plus
volatil, sans compter qu'il est aujourd'hui impossible d'en estimer la dynamique.
2- Les dotations et la péréquation en jeu

Dès lors, les associations d'élus, telle celle des grandes villes (AMGVF), vont insister
dans les mois à venir sur une meilleure prise en compte de l'effort fiscal et des charges
de centralité des collectivités.
La réforme de la taxe professionnelle implique de tels transferts de richesses que des
dispositifs de péréquation sont obligatoires. C'est notamment l'objet de la première
clause de revoyure (lire l'encadré ci-dessous). La loi prévoit également la mise en place,
à partir de 2011, de fonds de péréquation pour les départements et les régions. Mais,
surtout, la suppression de la TP impacte le calcul des potentiels fiscaux, et donc,
financiers. Or ceux-ci permettent, entre autres, la définition des dotations de
péréquation et d'intercommunalité. Deux éléments vont, en outre, modifier la dotation
globale de fonctionnement (DGF) des communes et des établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) : la compensation de la déduction du prélèvement
France Télécom et la compensation du transfert de la taxe sur les surfaces

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Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
commerciales (Tascom) de l'Etat au bloc communal. La troisième clause de revoyure
prévoit, d'ores et déjà, une réforme de la DGF.
3- Des incertitudes multiples

La spécialisation (relative) des impôts des collectivités engendre plusieurs incertitudes


pour les ressources locales. Communes et intercommunalités harmoniseront-elles les
politiques d'exonération des taxes d'habitation auparavant départementales ? Quel sera
l'avenir des pactes financiers entre les intercommunalités et leurs communes membres ?
Réalistes, ces dernières anticipent une baisse, voire une suppression, des dotations de
solidarité communautaire et regrettent, pour l'heure, de n'être que très peu associées à
la réflexion. Enfin, tandis que les collectivités tenteront d'optimiser les bases
foncières, une révision de ces dernières est annoncée. Les ressources fiscales locales
semblent loin d'être stabilisées.

Deux impôts aux modalités floues

Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) et taxe sur les surfaces
commerciales (Tascom) : deux acronymes viennent enrichir le vocabulaire de la fiscalité
locale. A la différence de la cotisation économique territoriale (CET) ou des mécanismes
de compensation de ressources, ces deux impôts ne concentrent pas les interrogations
des élus locaux et des directeurs des finances des collectivités. Pourtant, pour
certaines d'entre elles, ces ressources constituent une part importante du nouvel
équilibre fiscal (lire le témoignage ci-contre).

Secteurs « captifs ».
La Tascom ne constitue pas un impôt nouveau puisque la taxe, instituée en 1972, était
jusqu'à présent perçue par l'Etat (lire l'encadré p. 29). L'Ifer, en revanche, est une
véritable invention. Son principe : annuler le bénéfice de la réforme de la TP pour les
entreprises de certains secteurs qui y contribuaient fortement et dont l'activité, selon
les mots mêmes de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, « n'est pas
délocalisable ».
« Il s'agissait de préserver l'essentiel du produit fiscal pour quelques secteurs captifs :
l'énergie, les transports ferroviaires et les télécommunications », explique Claire
Delpech, responsable des finances à l'Assemblée des communautés de France (ADCF).
Concrètement, les principaux contributeurs seront EDF, Areva, France Télécom et la
SNCF.
Produit total espéré : 1,4 milliard d'euros, quand ces groupes versaient près de 1,6
milliard de TP. Toutefois, ce ne sont là que des estimations. Tout d'abord, parce que la
contribution exacte de ces entreprises à la taxe professionnelle n'est pas connue, en
raison du secret fiscal. Ensuite, parce que les simulations se fondent sur des éléments
déclaratifs de l'année 2008.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 196


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Peu de bénéficiaires.
Le bloc communal devrait retirer de ce nouvel impôt 352,5 millions d'euros. Les
départements, 188,79 millions et les régions, 636 millions. Ces dernières concentrent
ainsi la moitié du produit de l'Ifer, essentiellement par le biais de deux de ses
composantes : le matériel ferroviaire roulant et les lignes téléphoniques « allant du
répartiteur de l'opérateur jusqu'à la prise de l'abonné », précise Claire Delpech.
« Compte tenu de sa nature, l'Ifer est une taxe très concentrée : 46 bénéficiaires
seulement, parmi les communes et les communautés, se partageront la moitié du
produit», pointe la responsable de l'ADCF. Il s'agit principalement, de celles accueillant
des centrales électriques ou des transformateurs importants. « Pour les communautés
plus petites, ayant peu de recettes supplémentaires, le produit de ce nouvel impôt peut
néanmoins représenter jusqu'à un tiers de leurs ressources », ajoute Claire Delpech.

Tarifs votés.
Pour l'année 2010, l'Etat percevra l'Ifer. Ce n'est qu'en 2011 que les collectivités
bénéficiaires en recevront le produit. Selon les termes de la loi de finances pour 2010,
l'impôt est dû pour les installations exploitées au 1er janvier de l'année d'imposition.
Face à ce nouvel impôt, les associations d'élus restent, pour l'instant, dans
l'expectative. « On peut s'interroger sur la réelle pertinence des tarifs votés, dans la
mesure où certains ont évolué dans des sens différents, au cours des débats
parlementaires », avance-t-on à l'Association des maires de France (AMF). Un exemple :
l'Ifer « éoliennes » devait initialement revenir au seul bloc communal pour 2,20 euros /
kW. Un amendement sénatorial le porte à 8 euros / kW puis, sous l'effet d'un
amendement d'origine gouvernementale cette fois, il repasse à 2,931 euros / kW et son
produit se partage désormais entre établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI), communes et départements.
Aujourd'hui, l'attention des associations d'élus se porte sur l'évolution de l'Ifer. « Dans
le texte actuel, aucune indexation n'est prévue. Le produit de l'imposition n'évolue qu'en
fonction des bases physiques - soit l'installation d'équipements. Il conviendrait, a
minima, d'indexer les tarifs de l'Ifer sur l'inflation prévisionnelle en loi de finances »,
relève Céline Bacharan, chargée de mission finances et fiscalité à l'Association des
maires des grandes villes de France (AMGVF).
Les directeurs financiers des collectivités concernées devront donc se montrer
attentifs lors du vote de chaque loi de finances qui pourrait intégrer une éventuelle
indexation. Mais, dans l'état actuel du droit, seul le dynamisme des bases conduira à une
évolution du produit de l'Ifer. Ce qui soulève la question du bénéfice que pourrait tirer
une collectivité de l'installation, sur son territoire, d'activités engendrant des
nuisances, telles les centrales nucléaires.
Déchets nucléaires.
Par ailleurs, le législateur a également prévu une « taxe additionnelle sur les installations
nucléaires de base » qui sera reversée aux communes et aux EPCI présents dans un
rayon maximal autour de l'accès principal au centre de stockage. Ce rayon est défini par
le conseil général ou par la commission interdépartementale compétente en matière de
fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Le montant de
cette taxe est égal « au produit de la capacité de stockage de l'installation valorisée à

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 197


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
2,20 euros / m3, auquel est appliqué un coefficient multiplicateur, variant selon le degré
de dangerosité des déchets stockés », décrypte-t-on à l'AMF. Les modalités
d'application et de reversement de cette taxe doivent encore être définies par un
décret en Conseil d'Etat.

TÉMOIGNAGE - Gilles Boishon, directeur général des services de la communauté de


communes de Barrès-Coiron (10 communes, 9 800 hab., Ardèche) - « Nous avons
du mal à évaluer l'avantage de l'Ifer »

La Tascom, elle aussi, très concentrée


Avec l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer), la taxe sur les
surfaces commerciales (Tascom) est le second « nouvel impôt » accordé aux collectivités
territoriales afin de compenser la suppression de la taxe professionnelle. Prélevée par
l'Etat depuis sa création en 1972, la Tascom sera désormais dévolue au bloc communal.
Les communautés à contribution économique territoriale unique (Cetu) en sont les
bénéficiaires de droit, « tout comme les communautés ayant mis en place une taxe
professionnelle de zone pour les établissements assujettis et situés dans les zones
d'activité », précise Claire Delpech, responsable des finances à l'Assemblée des
communautés de France (ADCF). Enfin, les communautés à fiscalité mixte pourront la
percevoir, après délibérations concordantes de l'établissement public de coopération
intercommunale (EPCI) et de ses communes membres. Si la commune n'appartient à
aucun groupement, c'est elle qui perçoit la Tascom.
Un produit de 579 millions. Selon les premières simulations effectuées par le ministère
de l'Economie, la Tascom fournira au bloc communal un produit de 579 millions d'euros,
dont 430 millions pour les communautés à Cetu, 96,5 millions pour les communes
appartenant à un groupement à fiscalité additionnelle et 52,5 millions pour les communes
isolées. « Le produit de la Tascom sera concentré sur les grandes agglomérations qui
regrouperont 53 % du produit de la taxe, soit 308 millions, et sur les communes et
groupements de la région Ile-de-France pour 11,7 % », analyse Claire Delpech.

Une « recette de poche ».


Au final, l'ADCF estime que la Tascom reste une « recette de poche ». En effet, « 60 %
des communautés bénéficiaires auraient un produit inférieur à 10 euros / habitant ».
Une dernière interrogation demeure : au fil de la discussion parlementaire sur la
réforme, à l'automne dernier, il a finalement été décidé qu'en contrepartie du transfert
de la Tascom au bloc communal, les collectivités bénéficiaires subiront un prélèvement
d'un montant équivalent sur la dotation de compensation de la part « salaire » de la TP,
intégré dans la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or les simulations du
ministère de l'Economie ne semblent pas tenir compte de cette donnée, ce qui pose la
question de leur crédibilité.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 198


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 TP : Le Big Bang des territoires ?
Par Jean-Pierre Coblentz – Stratorial Finances – jean-pierre.coblentz@stratorial-
finances.fr
La Lettre du Cadre Territorial, n° 403, 15 juin 2010

Qui s'en sortira le mieux avec la nouvelle TP ? Entre l'appauvrissement du lien


économique avec les territoires, la montée en puissance de la fiscalité ménage pour le
bloc communal et une moindre valorisation du secteur industriel, quelles seront les
conséquences en matière d'aménagement des territoires ? Dans un paysage en plein
chamboulement une chose est sur : EPCI et commune vont devoir coopérer davantage
pour valoriser leurs ressources.

La réforme de la TP adoptée par le législateur dans le cadre de la loi de finances 2010


appelle plusieurs clauses de revoyure dont une première dès la fin juillet sur la base d'un
rapport du gouvernement. Ce rendez-vous, probablement reporté compte tenu des
incertitudes caractérisant la campagne de déclaration de la CVAE, devrait donner lieu à
des compléments notamment en matière de péréquation sur la base du travail de la
mission Durieux. De nombreuses modifications sont attendues, dont plusieurs ont trait à
la correction d'anomalies ou la levée d'incertitudes techniques en particulier sur les
modalités de transfert de la TH départementale vers le secteur communal. Mais
l'économie du dispositif ne devrait pas être bouleversée.
Après plusieurs mois de digestion de cette réforme de grande ampleur, les collectivités
prennent la mesure de la nouvelle distribution des cartes. Parmi les certitudes, la
suppression de la TP, associée au gel annoncé des dotations de l'État, se traduira par un
coup de frein sur les dépenses locales. En revanche, il est un domaine sur lequel
l'incertitude plane encore, c'est la réaction des acteurs locaux à la nouvelle donne
fiscale dans la conduite de leurs politiques d'aménagement. Cette réforme pourrait
renforcer une tendance qui a déjà marqué les dernières années : le renforcement d'une
économie présentielle, fondée sur le secteur tertiaire et le développement résidentiel.
Cette orientation pourrait être favorisée par le moindre rendement des nouveaux
impôts économiques et par la nouvelle structure des ressources fiscales des EPCI à CET
unique, qui captaient près de 80 % de la TP du secteur communal.

Nouvelle répartition des ressources


Schématiquement, la TP représentait environ 30 milliards d'euros. Elle laisse place à un
ensemble de 24 milliards d'euros, composé pour les deux tiers (16 milliards) de
cotisation sur la valeur ajoutée, un quart (6 milliards) de cotisation foncière, le solde
étant constitué d'impôts sur les entreprises de réseaux (IFER) et de la taxe sur les
surfaces commerciales (Tascom).
À la différence de l'ancien système, la répartition des nouvelles ressources n'est pas
homogène entre catégories de collectivités :
- les départements et les régions récupèrent globalement leur niveau de
ressources antérieures : un peu plus pour les régions et un peu moins pour les
départements. En revanche, le secteur communal assume l'intégralité de la
réduction de la fiscalité économique : – 7 milliards... principalement compensés

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 199


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
par le transfert de la taxe d'habitation du département. Situation paradoxale
puisque c'est le couple EPCl / communes qui décide de la planification des sols et
conduit l'aménagement économique du territoire... C'est le prix à payer de la
volonté de spécialisation de l'impôt qui a accompagné la réforme de la TP ;
- la cotisation sur la valeur ajoutée deviendra prédominante dans le panier de
ressources fiscales tirées de l'économie du couple départements-régions... Elle
sera en revanche minoritaire pour le secteur communal : 4 milliards d'euros
contre 18 milliards pour l'ancienne TP.

La quasi-totalité des collectivités du secteur communal perd du produit économique. La


moyenne des pertes est de plus de 40 %. Elle masque de très grands perdants puisque
certains territoires très industriels perdent plus des trois quarts de leur produit. Elle
dissimule aussi quelques gagnants, notamment les collectivités accueillant de nombreux
sièges sociaux et autres implantations tertiaires.
La récupération de la fiscalité ménages se traduit pour une majorité de collectivités par
une extension des ressources fiscales, quand la TH récupérée est supérieure à la
diminution liée à la transformation de la TP en CET. Ce n'est pas le cas pour environ 30%
des EPCI, notamment les sites industriels, pour lesquels la taxe d'habitation
départementale ne fera qu'atténuer la perte de fiscalité économique. Dans ce cas, la
compensation au titre du FNGIR s'impose avec une part plus ou moins significative dans
le total des ressources.
Les territoires restant dynamiques du point de vue industriel accueillent sans joie cette
perspective, qui va se traduire par des ressources dont l'évolution sera très
minoritairement liée à leur développement. Ceux qui subissent ou anticipent un déclin
pourront voir un avantage au remplacement d'un risque économique par un risque
institutionnel (maintien ou diminution de la compensation reçue).

Nouvelle carte des ressources économiques pour les EPCI


Dotés d'un transfert de taxe d'habitation départementale égal au tiers de l'ancienne
TP, les EPCI ne devraient pas négliger les effets d'un développement résidentiel. Les
nouveaux impôts économiques dont les caractéristiques sont bien différentes de la taxe
professionnelle produisent, quant à eux, des effets très différenciés selon les secteurs
d'activités.
L'évaluation de l'impact de la réforme sur les territoires en fonction des secteurs
d'activités reste à faire. Une évaluation de l'impact par secteur a été effectuée lors
des travaux préparatoires à la réforme et actualisée par le rapport Durieux. Elle
demeure cependant limitée à l'évolution des cotisations versées par l'entreprise, c'est-
à-dire en tenant compte des relations avec l'État. En effet, celui-ci percevait d'une part
de la TP pour son compte (cotisations minimales et de péréquation), et par ailleurs
assume des dégrèvements avant et après réforme. Les éléments qui suivent ont été
tirés de simulations établies à partir d'établissements et d'entreprises pour lesquels
nous disposions de l'ensemble des éléments servant au calcul de l'imposition.
L'industrie rapportera dans la plupart des cas moins de 25 % du produit antérieur... La
situation est plus contrastée s'agissant du tertiaire qui présente des caractéristiques
très hétérogènes du point de vue de l'intensité capitalistique et de la valeur ajoutée. Par

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 200


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
ailleurs, la CVAE perçue par le secteur communal représente moins du tiers de
l'ancienne imposition des équipements et biens mobiliers. Les évolutions dépendent
notamment du taux antérieur de la TP et de l'effet de levier procuré par la
réintégration des taux départemental et régional dans le taux de la CFE. Pour des
entreprises tertiaires relativement capitalistiques, la perte de produit sera
généralement significative mais moindre que pour l'industrie. En revanche, pour les
petites entreprises à forte valeur ajoutée et à faible présence des EBM, le produit de la
CET du secteur communal devrait être généralement plus élevé que le produit de la TP.
On notera que les départements et les régions devraient bénéficier pour ces
entreprises d'un fort effet multiplicateur avec, dans certains cas, pour les régions, un
produit de CVAE 5 à 10 fois supérieur à l'ancienne taxe professionnelle. Enfin, la CET
perçue au titre du secteur commercial devrait être assez voisine de l'ancien produit de
TE Mais avec un bonus pour le secteur communal en raison de l'appoint non négligeable
de la Tascom qui devrait conduire bien souvent à une augmentation significative du
produit global.

Quels effets sur l’aménagement du territoire ?


Au-delà des difficultés qui seront posées à nombre de ces territoires à dominante
industrielle qui concentrent généralement davantage de difficultés sociales et de
charges que la moyenne (niveau de revenu de la population, logements sociaux, nombre
d'allocataires sociaux...), la réforme vient renforcer une tendance naturelle peu
favorable à l'économie productive.
L'attrait de la TP constituait un carburant dans le maintien ou le développement de
l'industrie sur certains territoires... en sachant par ailleurs que ce secteur d'activité
est soumis à d'importantes contraintes géographiques. D'ailleurs, les activités porteuses
de nuisances s'implantent plus aisément sur les territoires déjà industrialisés. À cet
égard, nombreux sont les développeurs locaux qui ont expérimenté la mixité
(développement de zones à proximité de zones d'habitat) et ont fait l'amer constat de
la difficulté de la faire accepter à des populations désireuses de tranquillité et de
soucieuse du maintien de la valeur de leur patrimoine. Il est probable que les
implantations nuisantes seront encore moins recherchées au profit d'activités
s'intégrant mieux dans le cadre d'objectifs d'amélioration environnementale. Celui-ci
constitue en effet un facteur clé de succès pour l'attrait de revenus des ménages et
d'un renforcement de l'économie présentielle davantage pourvoyeuse d'emplois.

Quel impact sur la gouvernance territoriale ?


Cependant, les acteurs locaux pourraient trouver dans cette réforme de nouvelles
raisons de coopérer. La recherche de complémentarité entre les différentes activités
(industrie, services aux entreprises, logistique...) déborde généralement les périmètres
constitués par les EPCI. L'affaiblissement de la rentabilité fiscale et surtout la
réduction de la prime à l'installation des sites les plus difficiles à accueillir pourraient
inciter à un renforcement de la coopération entre les EPCI appartenant à une même aire
urbaine dans le sens d'une mutualisation des coûts et des avantages tirés de
l'implantation des entreprises.
Mais les agglomérations devront être imaginatives pour convaincre leur périphérie

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 201


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
d'accepter des installations déjà rejetées par la population, comme les centres de
traitement de déchets par exemple !
L'impact sur les pactes financiers communes/ EPCI a été suffisamment évoqué pour
qu'on y revienne pas.
Néanmoins, il faut souligner qu'avec la perception de la taxe d'habitation les EPCI
prennent place dans le marché de la fiscalité ménages alors que la part relative de la
part de produits économiques perçue par les communes s'accentue puisque la part de
taxe sur le foncier bâti économique augmente mécaniquement, dès lors que les impôts de
remplacement de la TP sont plus faibles. Ce constat conduira logiquement à des
compromis pour faire remonter tout ou partie du foncier bâti économique au niveau
communautaire. Cette évolution va être encouragée par la réforme territoriale, d'autant
que la version adoptée par l'Assemblée nationale prévoit une perception exclusive de la
taxe sur le foncier bâti par les futures métropoles !

La tertiarisation encouragée par la politique de dégrèvements de l'État


La réforme aboutit à ce que l'État assume en dynamique les effets de cette mutation
dans le cadre de ses relations avec les entreprises. Sous le règne de la taxe
professionnelle, la politique de dégrèvement bénéficiait majoritairement à l'industrie
avec principalement le plafonnement à la valeur ajoutée. Par ailleurs, une cotisation
minimale en fonction de la valeur ajoutée s'appliquait à certaines grandes entreprises de
services qui avaient fortement bénéficié de la suppression de la part salaires. Ce
dispositif revenait à faire contribuer le secteur tertiaire à la prise en charge par l'État
d'un allégement du coût pour l'industrie. La réforme le remplace par des dégrèvements
qui bénéficieront principalement au secteur tertiaire. Ce mécanisme prend en charge
tout ou partie de la CVAE des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50
M. d'euros. Il peut être assimilé à un véritable système de subvention fiscale au profit
des collectivités locales. Il a été fort heureusement institué pour localiser davantage
d'impôts économiques au profit des collectivités indépendamment du taux de CVAE
auquel se trouvent soumises les entreprises.
Mais il ne bénéficiera que pour 1 milliard d'euros au secteur communal contre 3 Milliards
pour les départements et les régions... Indépendamment de la question de sa viabilité,
puisque chaque implantation ou développement d'entreprise petite ou moyenne
représentera un coût pour l'État, ce dispositif est paradoxal. Il consiste à fournir une
aide à l'implantation des entreprises dont la très grande majorité sera accueillie à bras
ouverts. Le mécanisme du dégrèvement aurait pu être au moins aussi avantageusement
utilisé pour la prise en charge de l'abattement de 30 % sur les bases de CFE
industrielles dont le coût s'élève à 800 millions environ et ciblé sur le seul secteur
communal. Une répartition de la CVAE en fonction des bases de CFE et non
exclusivement en fonction des salariés pourrait également constituer une mesure utile
pour localiser davantage d'impôts en direction des sites industriels.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 202


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
Interview de Candice Brotel, Directrice du pôle ressources – pilotage Communauté
d’agglomération du Pays Voironnais

Un accélérateur des enjeux de pilotage de la ressource


La réforme de la TP joue comme un accélérateur des enjeux de pilotage de la
raréfaction de la ressource, qui se posaient aux intercommunalités, mais aussi aux
communes. Notre réflexion actuelle porte sur deux volets: l'impact de la réforme sur
les ressources et donc sur les relations financières avec les communes; l'impact de la
réforme sur les politiques publiques.
En matière de ressources, la réforme nous oblige à poser rapidement un nouveau cadre
général. Avec notre secteur industriel important, nous faisons partie des perdants de la
réforme. Nous devons donc nous poser la question de nos objectifs prioritaires que nous
nous fixons en fonction du niveau de ressources qui sera le nôtre. Il y aura un transfert
évident de la fiscalité vers les ménages, pour l'intercommunalité comme pour les
communes. Notre responsabilité est donc de nous mettre autour de la table avec les
communes pour mener ensemble la réflexion sur « qui fait quoi, avec quels moyens » et
pouvoir procéder à des réallocations de ressources.
Nous allons de plus devoir adapter nos outils de pilotage et de suivi de la fiscalité: les
observatoires fiscaux devront prendre en compte la charge fiscale globale prélevée par
les communes et l'interco sur les ménages, avec des outils de suivi financier agrégés à
l'échelle d'un territoire.
En matière de politiques publiques, la question centrale est de savoir quelle sera la
capacité des intercommunalités à aménager leur territoire, ce qui est leur rôle principal.
Cela doit les conduire à réorienter leur stratégie de développement économique. Pour les
territoires dont le poids de l'industrie est important, une analyse fine des leviers
économiques et de leurs retombées sur le territoire est nécessaire afin de mesurer le
rôle qu'elles peuvent avoir, notamment, dans le soutien à l'économie présentielle. Si la
fiscalité repose surtout sur les ménages, on peut également attendre que
l'intercommunalité assure davantage de services à la population.

À découvrir
Sur www.lettreducadre.fr
Dossier thématique : « Quel avenir pour les finances locales ?»

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 203


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Maîtriser les dépenses locales par l'échelon intercommunal
Par Michel Piron, député de Maine-et-Loire (UMP), président délégué de
l'Assemblée des communautés de France (ADCF)

Préparatoire à la conférence des déficits publics, le rapport remis par Gilles Carrez et
Michel Thénault11 a eu le mérite de proposer un diagnostic objectif et partagé sur
l'évolution des dépenses locales depuis les débuts de la décentralisation. Contrairement
aux analyses de nombreux rapports antérieurs, ce document conclut à une assez grande
stabilité des dépenses locales dans la richesse nationale depuis plus de quinze ans, dès
lors que l'on « neutralise » les transferts de l'Etat aux collectivités. La seule exception
tient au secteur dit « communal » qui, sans avoir été le destinataire direct des
dévolutions de compétences, a enregistré une hausse de ses dépenses d'environ un point
de PIB depuis 1983.
Responsable de la part principale de la dépense locale (56 %), le secteur communal
devient en conséquence celui dont est le plus attendu un « effort de maîtrise ». Mais, à
bien lire le rapport, on s'aperçoit que le poids des dépenses du secteur communal dans la
richesse nationale ne fait que s'approcher, en 2007-2008 (environ 6 % du PIB), de celui
qu'il représentait déjà en 1994 (6,4 % du PIB) ! C'est en fait dans la première décennie
de la décentralisation, de 1983 à 1994, que s'est opéré l'essentiel de la hausse (de 5,3%
du PIB à 6,4 %), et non dans la dernière période.
Le premier mérite du rapport est ainsi d'avoir mis en perspective la croissance du
pouvoir d'achat des collectivités avec la création de richesses au niveau national. Son
autre apport est d'être parvenu à neutraliser les multiples doubles comptes qui
affectent les données de la comptabilité publique relatives au bloc communal en raison
des flux croisés entre communes, syndicats, communautés. Ce faisant, la progression
réelle de la dépense du bloc communal depuis dix ans a été révisée d'un tiers à la baisse
(19 milliards d'euros, et non 29 milliards, selon les données du rapport de l'Observatoire
des finances locales de 2009). Accusée ces dernières années d'avoir exercé un effet
inflationniste, l'intercommunalité se retrouve au contraire réhabilitée. Car la
stabilisation dans le PIB de la dépense du secteur communal correspond exactement au
début du déploiement des communautés, à partir de 1993-1994. S'il serait hasardeux de
leur en attribuer le seul mérite, on pourra a minima reconnaître leur contribution à cet
infléchissement. La mutualisation intercommunale a permis de contenir les tendances
haussières des dépenses locales imputables à de multiples causes combinées : impacts
des normes, cofinancement par les collectivités des missions de l'Etat, complexification
des politiques publiques... Que l'intercommunalité ait suscité des dépenses
supplémentaires, c'est peu contestable. Mais cela doit être mis en balance avec les
économies d'échelle et des effets de mutualisation qu'elle a déjà permis de dégager.
Peut-elle mieux faire ? Assurément oui, comme le suggèrent Gilles Carrez et Michel
Thénault, notamment dans la maîtrise des effectifs du bloc communal. Comme la Cour
des comptes, ils attirent l'attention sur ce sujet, en rappelant que 90 % de la hausse du
nombre d'agents territoriaux entre 1994 et 2005 lui sont imputables. Au moment où

Rapport du groupe de travail sur la maîtrise des dépenses locales, mai 2010.
11

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 204


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
s'affirment en haut lieu des velléités d'appliquer aux collectivités les objectifs de la
RGPP, le bloc communal est évidemment observé de très près.
La première obligation consistera à raisonner de manière consolidée, compte tenu des
vases communicants entre communes, syndicats et communautés. Il sera dans la logique
des réformes en cours, visant au renforcement de l'intercommunalité, d'assister à une
progression soutenue de l'effectif de ses agents, ne serait-ce que via l'essor de la
mutualisation. Mais cette forte progression de l'emploi à l'échelle intercommunale, sous
l'effet de l'extension de la carte et des transferts, ne pourra être comprise et
acceptée que si elle s'accompagne simultanément d'une diminution des effectifs dans
les syndicats et les communes. Or nous savons que cela a tardé à se manifester, même si
l'Insee a montré que les effectifs des communes ont commencé à décroître depuis
2008.
Pour parvenir à une réelle maîtrise de l'emploi public local, il faudra par ailleurs que
l'Etat modifie ses propres pratiques en respectant, sur le long terme, les engagements
pris en matière de normes. Il faudra enfin cesser de transformer les collectivités en
exécutantes de politiques nationales que les ministères ne parviennent plus à mettre en
œuvre ou à financer. Ne serait-ce qu'au titre de l'emploi ou de la cohésion sociale, il ne
sera plus possible, dans les prochaines années, de dire un jour que les collectivités
recrutent trop, tout en leur demandant le lendemain de multiplier les contrats aidés
qu'il faudra transformer en emplois de titulaires le surlendemain.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 205


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Dépenses « obligatoires » et « facultatives »
Par Alain Bartoli directeur général des services du département de Vaucluse et
président de l'association nationale des directeurs généraux et directeurs généraux
adjoints des régions et des départements
La Gazette, 10 mai 2010

le cadre des travaux évoqués plus haut


Pour certains, on le pressent, « un peu plus de 5 % des dépenses
obligatoire » veut dire utile, et « d'activités. Mais ces dépenses
facultatif » signifie superflu. facultatives « libres » ne le sont pas
Néanmoins, la majorité des acteurs entièrement. En effet, peut-on, sans
constate que l'utilité économique ou risque pour la crédibilité d'engagements
sociale n'est pas ou peu liée au publics, fussent-ils ceux de collectivités
caractère obligatoire ou facultatif d'une territoriales, ne pas conduire à leur
dépense et accepte qu'une réflexion terme les engagements qu'elles ont
doive aller au-delà. On peut entrer dans contractés ?
le sujet en adoptant, par exemple, le
point de vue de la flexibilité du niveau Or, l'aide à l'équipement des communes
d'une dépense publique, qu'elle soit ou l'aide aux associations se fait très
obligatoire ou facultative. souvent par le biais de conventions
triennales. Les communes ont des
Certaines dépenses facultatives sont programmes pluriannuels d'équipement,
encadrées par des engagements les associations ont des salariés, des
pluriannuels sous forme de conventions projets à réaliser, motifs pour lesquels
ou de contractualisations passées par les leur accorder un horizon de visibilité de
régions ou les départements avec l'Etat, trois ans n'a pas paru anormal à nombre
dont la très grande partie concerne des de collectivités territoriales.
dépenses obligatoires. Si l'on réalisait
dans ces collectivités un chiffrage de En supposant représentatifs les travaux
ces dépenses facultatives « encadrées», de quantification évoqués, les dépenses
on constaterait sans doute qu'elles ne facultatives « encadrées » et « libres »
représentent que quelques points de représenteraient, au total, un enjeu d'un
l'ensemble de leurs dépenses d'action, dixième environ des budgets des régions
probablement inférieurs à 5 %. ou des départements, en tout cas une
part très minoritaire qui ne correspond
D'autres dépenses facultatives, que l'on pas, à elle seule, aux enjeux de maîtrise
peut appeler « libres », ne sont pas de la dépense. De surcroît, leur
conventionnées, au sens vu plus haut, ou légitimité dans une logique
le sont de par la volonté, propre à une décentralisée, est-elle de par cette
région ou un département, d'inscrire son seule caractéristique juridique,
action dans un horizon qui lui donne, ainsi «facultative », moindre ?
qu'à son partenaire, une lisibilité à trois
ans ou plus. Cette catégorie de dépenses Elles sont nées du terrain et sont des
facultatives « libres » représente dans réponses de proximité à des besoins

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 206


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
constatés. Est-ce leur principe qui doit représentant dans les régions et les
être contesté, ou la pertinence, départements autour des 9/10e des
l'efficience de chacune qui doit être dépenses d'action, on pourrait avancer
évaluée ? qu'elles devraient être l'objet premier
des investigations pour une bonne
Les dépenses obligatoires qui ont leur maîtrise des dépenses. Il n'y a pas de
propre flexibilité, recouvrent comme les dépenses inutiles par nature, il y a des
facultatives, deux catégories bien dépenses, obligatoires comme
différentes. Certaines, telle le RSA ou facultatives, plus utiles pour le court, le
l'APA sont extrêmement contraintes. moyen ou le long terme, que d'autres, et
Pour ces dépenses, la seule marge de la maîtrise des dépenses des
manœuvre réside dans des régulations collectivités semble pouvoir être
en amont de la dépense, par exemple par recherchée, en travaillant sur les unes
le contrôle des conditions d'accès au comme sur les autres afin de les adapter
dispositif. Les dépenses obligatoires aux besoins de leurs territoires qu'elles
n'offrant que la possibilité d'une « connaissent bien.
régulation amont », représentent
environ 40 % des dépenses d'action d'un
département. Elles ont une forte
rigidité, et la marge de manœuvre y est
très faible dès lors que les textes
prescripteurs restent ce qu'ils sont,
mais elle n'est pas nulle. Si les textes
étaient modifiés, la marge de manœuvre
pourrait être accrue.

D'autres dépenses obligatoires


s'assimilent en réalité à des obligations
de résultat. Là, des critères régionaux
ou départementaux, selon des choix
propres à la collectivité, peuvent
moduler sensiblement le niveau de la
dépense : accueillir tous les élèves des
classes d'âge en lycée ou en collège,
desservir la région en transferts
ferroviaires ou maintenir les personnes
âgées à domicile dans des conditions
décentes par l'APA, sont autant de
dépenses dont le montant dépend du
niveau de service jugé opportun
librement par la collectivité territoriale.

Ces dépenses « obligatoires à critères »


représenteraient environ une moitié des
dépenses d'action. Celles obligatoires

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 207


Gouvernance et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V2- 03/08/2010
 Autonomie et péréquation : des principes à concilier plutôt qu’à opposer
Dominique Hoorens, membre de la FONDAFIP
Regards sur l’actualité, n° 359, mars 2010

La devise républicaine - « Liberté, Égalité, Fraternité » - figurant sur le fronton de nos


mairies ne trouve-t-elle pas symboliquement une traduction dans deux principes souvent
mis en avant en matière de finances locales et récemment inscrits dans la Constitution 12:
la péréquation et l'autonomie ? Au sens où la notion d'autonomie ferait écho à la liberté,
et la péréquation à l'égalité, voire à la fraternité13.
Lorsque l'on cherche à analyser les débats portant sur ces deux principes, on ne peut
qu'être frappé par les divergences d'interprétation auxquelles ils se prêtent. Difficile
alors de mettre en place des mécanismes appropriés et d'en évaluer la pertinence. Avant
que de trouver des formules techniques consolidant l'autonomie des collectivités
territoriales et favorisant la péréquation, il s'agirait avant tout de leur donner des
objectifs politiques.
Cet article vise à relever les ambiguïtés relatives à ces deux notions qui sont bien loin
d'être aussi intuitives qu'il n'y paraît.

De la notion d’autonomie
Première forme d'autonomie, les collectivités locales françaises disposent d'une assez
grande liberté d'affectation de leurs ressources à des dépenses correspondant à des
priorités locales. Mais celle-ci est loin d'être totale. En certains domaines, la dépense
locale résulte de dispositifs mis en place par le législateur national : aides sociales,
normes, cadre financier de la fonction publique territoriale... Autant de dépenses
obligatoires ou quasi obligatoires qui limitent le spectre des décisions des élus locaux,
contraignant leurs choix et réduisant les ressources mobilisables pour mener des actions
dans d'autres secteurs.
Leur autonomie de gestion est extrêmement élevée en matière de recours à l'emprunt,
mais très faible en termes de trésorerie, compte tenu de l'obligation de principe de
déposer leurs fonds disponibles au Trésor Public.
Mais c'est souvent sur la notion d'autonomie fiscale que se concentrent les débats.
Pour les élus locaux, le concept est clair : leur autonomie consiste en la faculté de voter
un taux d'impôt, comme ils le font depuis le début des années 1980 pour la taxe
d'habitation, les taxes foncières et la taxe professionnelle. Geste politique fondamental

12 Cf. Loi constitionnelle n' 2003-276 du 28 mus 2003 relative à l'organisation décentralisée de la
République.
En vertu de l'article 72-2 de la Constitution, Les collectivités territoriales bénéficient de ressources
13

dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou
partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux
dans les limites qu'elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités
territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de
leurs ressources. […] La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les
collectivités territoriales

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 208


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
en tant que lien avec l'électeur et les acteurs économiques, geste financier primordial en
tant que capacité à se procurer une ressource supplémentaire en cas de besoin.

L'autonomie vue par la Constitution


Le texte constitutionnel s'avère bien moins restrictif en la matière. L'autonomie de
ressources est assurée, en termes constitutionnels, dès lors que pour chaque niveau de
collectivités territoriales14, le poids des « ressources propres » au sein de l'ensemble
des ressources est « déterminant ».
La loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de
la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales s'est
attachée à donner quelque consistance à ces concepts un peu flous.
Ainsi, l'article 4 précise que la part des ressources propres au sein de l'ensemble des
ressources, calculée, pour chaque niveau de collectivités territoriales, ne peut être
inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003.
Soit 60,8 % pour le secteur communal (communes et EPCI – établissements publics de
coopération intercommunale – à fiscalité propre), 58,6 % pour les départements et
41,7% pour les régions. Ces valeurs, ainsi fixées en référence à une situation historique,
ne reposent sur aucune considération économique ou politique. Elles entérinent par
exemple, sans justification aucune, un niveau d'autonomie des régions inférieur à celui
des départements.
Loin de ne retenir que les impôts sur lesquels les collectivités locales disposent d'un
pouvoir de voter le taux ou d'intervenir sur l'assiette, la définition des « ressources
propres » est très extensive comme en témoigne l'article 3 de la loi organique : «Au
sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités
territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi
les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par
collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, des redevances pour services rendus,
des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des
dons et legs.»
La formulation « impositions [...] dont la loi détermine, par collectivité, le taux ou une
part locale d'assiette » recouvre en fait des situations qui ne sont guère éloignées d'une
traditionnelle dotation d'État, Par exemple, la fraction de taxe intérieure sur les
produits pétroliers (TIPP) distribuée aux départements est considérée comme une
ressource propre alors même que les départements n'ont aucune marge de décision. Elle
est répartie en fonction d'un montant de charges transférées à chaque département,
tout comme l'avait été la dotation générale de décentralisation (intégrée à présent à la
dotation globale de fonctionnement) qui est, elle, une dotation d'État. La capacité à
fixer un niveau d'imposition n'apparaît nullement ici comme un critère obligatoire pour
obtenir l'estampille « ressource propre ».
Et à ceux qui se poseraient encore la question, la réponse du Conseil constitutionnel,
saisi à propos de la réforme de la taxe professionnelle et de la nature des ressources
transférées en compensation aux régions, est très claire :

Ce qui signifie que la mesure de l’autonomie s’effectue par exemple pour les départements considérés
14

dans leur ensemble et non pas département par département.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 209


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
« Considérant, enfin, qu'il ne résulte ni de l'article 72,2 de la Constitution ni d'aucune
autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d'une
autonomie fiscale ; que, dès lors, le grief tiré de ce que les régions perdraient le pouvoir
de fixer le taux d'une de leurs ressources fiscales est inopérant »15.
En fait, dès lors qu'une ressource « gagée » sur une recette de nature fiscale16 est
ensuite redistribuée aux collectivités locales en fonction d'indicateurs divers
(localisation de l'impôt, montants de charges, niveau de ressources), elle est considérée
comme une ressource propre. La dotation globale de fonctionnement (DGF) des années
I980, qui correspondait à un prélèvement sur le produit de la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA), constituerait, à cette aune, une ressource propre.
Le débat sur l'interprétation constitutionnelle de « l'autonomie fiscale » des
collectivités locales est donc clos pour le moment, au grand dam des élus locaux.

Les limites du ratio d'« autonomie fiscale souvent utilisé par les élus locaux
La faculté de voter un taux d'impôt est d'évidence une bonne illustration d'un pouvoir
économique et politique. Mais il n'est pas si évident de définir un indicateur quantitatif
censé le mesurer. L'intuition selon laquelle l'autonomie peut se mesurer par le poids des
ressources fiscales sur lesquelles la collectivité locale a des marges de manoeuvre est en
fait bien trompeuse.
Tout d'abord, un produit fiscal est une résultante de l'utilisation d'une marge
d'autonomie et non une mesure de celle-ci.
La taxe sur les permis de conduire, bien qu'elle soit marginale dans le panorama des
finances locales, peut servir d'illustration. Cette taxe est un droit de timbre perçu par
les régions, qui en fixent le taux. Actuellement, la majorité des régions a voté un taux
nul ; il s'agit là d'un choix politique visant à faciliter l'accès à un permis souvent
indispensable pour accéder à certains emplois. Le produit fiscal obtenu globalement est
donc faible : 5 millions d'euros en 2007. En utilisant leur « autonomie » pour adopter un
taux bas, les régions font le choix d'un produit fiscal faible ; et donc d'un « ratio17 »
également faible. Leur « autonomie » d'action en matière fiscale en est-elle pour autant
amoindrie ?
Cet exemple prouve que, lorsque les collectivités territoriales font le choix de taux de
fiscalité bas, leur « ratio » d'autonomie apparaît comme faible. À l'inverse, plus elles
augmentent leurs taux, plus elles apparaîtront comme autonomes. Et pourtant, cette
hausse ne peut pas être une arme perpétuelle puisque l'augmentation possible n'est pas
infinie.
Autrement dit encore, pour un niveau donné de bases d'imposition, quelle est la
collectivité locale la plus « autonome » ? Celle qui a un taux de taxe d'habitation de 20 %
ou celle qui a un taux de 10 % La première dispose certes d'un montant de fiscalité plus
élevé, mais la seconde d'une plus grande capacité d'action car elle a plus de faculté à
pouvoir encore augmenter le taux. Le « ratio d'autonomie » ne permet pas d'illustrer

15
Décision n° 2009.599 DC du 29 décembre 2009
16
Même partiellement fictive comme la cotisation sur la valeur ajoutée, qui est payée en fait par l'Etat en
tout ou partie au titre du dégrèvement accordé à certaines entreprises
17
On utilise l'expression « ratio d'autonomie » pour désigner le rapport produit fiscal/recettes courantes.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 210


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
cette problématique. Avec un tel ratio se basant sur la mesure du produit fiscal actuel,
l'autonomie ne s'use, ne se réduit, que si l'on ne s'en sert pas !
Deuxième défaut du « ratio » d'autonomie. Détenir une capacité de hausse de 10 % sur
un produit de 50, est plus productif en termes financiers qu'une possibilité de hausse de
10 % sur un produit de 100. En cette matière aussi, le « ratio » d'autonomie qui
s'attache à Une lecture du produit fiscal apporte donc une information trompeuse. En
retenant une image tirée des sciences physiques on pourrait dire que le ratio prend trop
en compte la masse et pas assez la vitesse.
Troisième défaut. Restreindre, comme le fait le ratio d'autonomie, le rôle de la fiscalité
à un apport de ressources tend à négliger les impacts indirects des politiques fiscales,
et donc de l'autonomie fiscale. Une politique fiscale n'est pas qu'un moyen de lever de
l'argent. Elle peut également en effet accompagner ou renforcer les politiques publiques
par des effets incitatifs ou dissuasifs. Par exemple, alourdir la fiscalité sur les produits
pétroliers pour en limiter la consommation ou alléger la taxation des transactions
immobilières pour faciliter la fluidité des marchés immobiliers...
Dernier défaut enfin, en prenant en compte le produit fiscal dans sa globalité, le ratio
d'autonomie ne fait pas de distinction entre ce qui relève de l'assiette fiscale, donc de
la richesse en termes de bases taxables, et ce qui tient de la politique en matière de
taux d'imposition. Or, certaines politiques publiques sont directement « productives »
en matière de création de ressources taxables. Par exemple, le développement de zones
d'activité financées par de l'argent public local devenait un « investissement » souvent
rentable pour une collectivité territoriale dès kirs qu'étaient ainsi créées des bases de
taxe professionnelle. Le poids et l'évolution constatée du produit fiscal, qui expliquent
une grande partie de l'évolution du « ratio d'autonomie », sont par conséquent le reflet
de décisions qui dépassent la problématique du pouvoir de décision sur les taux.
Si l'on veut pouvoir comparer « l'autonomie » offerte par la loi à deux collectivités
locales, il faut pouvoir compter à parc ce qui résulte du fruit de leurs actions
respectives de développement.
À plusieurs égards, le « ratio » d'autonomie fiscale n'est donc pas un bon indicateur
pour illustrer ce que les élus locaux revendiquent comme leur « autonomie fiscale »,
c'est-à-dire l'effet potentiel de la hausse possible de leur taux d'imposition.
Un indicateur technique mesurant l'autonomie fiscale d'une collectivité locale avec cette
acception devrait donc s'attacher à quantifier sa capacité maximale à se procurer une
ressource supplémentaire à base fiscale constante. Mais comment le faire, si l'on ne
dispose pas d'une «référence », d'un plafond absolu, par rapport auquel mesurer la
capacité de hausse ? Une telle référence pourrait être déterminée, chaque année, par
voie de négociation entre l'État et les associations de collectivités locales, en fonction
de la conjoncture économique, de la politique économique souhaitée, des transferts de
charges... Un tel indicateur calculé pour une collectivité territoriale donnée aurait de
plus un vrai sens en termes d'analyse financière et de mesure du risque.
« L'autonomie fiscale » devrait ainsi être un élément dynamique et continu de la relation
entre l'État et les collectivités locales, et non un simple calcul arithmétique constaté o
posteriori.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 211


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
De la notion de péréquation

Les débats sur la péréquation au sein des finances locales s'étendent d'une recherche
fantasmée de l'égalité à la quête de l'indicateur technique miracle qui permettra la
répartition des dotations de l'État de la façon la plus optimale,
Mais précise-ton pour autant ce que l'on entend par « péréquation » ? La réponse n'est,
en cette matière encore, pas aussi simple qu'il n'y paraît. Car la notion de «
péréquation» peut s'entendre de façon plus ou moins restreinte et recouvrir plusieurs
cercles signifiants.

Péréquation au sens étroit ou redistribution de richesses au sens large ?


Le noyau dur de la notion serait constitué par les fonds clairement identifiés mis à
disposition de la péréquation.
On citera par exemple des dotations d'État comme la dotation de solidarité rurale au
bénéfice des communes (plus de 700 millions d'euros), la dotation de solidarité urbaine
(1,2 milliard d'euros), plutôt destinée aux grandes communes, la dotation nationale de
péréquation (700 millions d'euros), la dotation de péréquation urbaine des départements
(600 millions d'euros), la dotation de fonctionnement minimale des départements (800
millions d'euros), la dotation de péréquation au sein de la dotation globale de
fonctionnement des régions (200 millions d'euros)... Mais aussi les fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (environ 1 milliard d'euros) ou
des mécanismes horizontaux comme le fonds de solidarité des communes en Ile-de-
France (200 millions d'euros)...
Sans pourtant être exhaustif, on relève ainsi le grand nombre de dispositifs mis en place
dont on peut dire simplement que le point commun en est toujours la grande complexité.
Sans être négligeables, ils s'avèrent représenter une part minime de l'ensemble des
ressources des collectivités locales qui s'élèvent à plus de 200 milliards d'euros.
Le deuxième cercle, proposant un sens plus large de la péréquation, est constitué par
l'ensemble des mécanismes de distribution de ressources de l'État en direction des
collectivités locales. Pour alimenter ces différents fonds affectés aux collectivités
territoriales (par exemple la dotation globale de fonctionnement, les diverses
compensations d'exonérations fiscales, les dégrèvements de fiscalité locale...), l'Etat
mobilise une partie des ressources qu'il se procure en prélevant des impôts et des
taxes. Il procède ainsi clairement à une redistribution de richesses d'un territoire à
l'autre. Mais si l'État reverse globalement 16 % de ses ressources aux collectivités
locales, ceci ne se vérifie pas pour chaque territoire.
Ce second cercle recèle des montants financiers particulièrement significatifs : le total
des versements de l'État aux collectivités locales s'élevant à près de 80 milliards
d'euros.
Le troisième cercle signifiant de la péréquation matérialise l'action « redistributive »
des départements, des régions et communautés : les assemblées régionales,
départementales et communautaires lèvent, avec un taux homogène sur l'ensemble de
leur territoire, une fiscalité directe qui leur permet de financer des services, des
prestations, voire des subventions aux communes et à leurs habitants. Et il n'y a aucune

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 212


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
raison de penser que chaque territoire reçoit exactement le bénéfice de ces actions au
prorata de ce que ses habitants ont versé sous forme d'impôts.
Au contraire, il est notoire par exemple que les départements orientent leurs aides à
l'investissement communal plutôt vers les territoires ruraux, moins peuplés donc moins
productifs en impôts, que vers les territoires urbains.
Au total, pour évaluer l'impact de ces trois catégories de dispositifs sur une commune, il
conviendrait de mesurer les ressources fiscales qu'elle devrait lever, en leur absence,
auprès de ses contribuables pour assurer le même niveau de services. Et ceci
dépasserait et de très loin, le seul effet des quelques fonds estampillés « de
péréquation » dont elle bénéficie.
Mais il faut évoquer aussi le quatrième cercle proposant un sens encore plus large de la
péréquation. Il est sans doute le plus important en masse financière, mais 11 est
pourtant rarement évoqué, Dès lors que l'on s'intéresse aux ressources d'une
collectivité locale, il faut prendre en compte aussi celles de ses habitants puisqu'elles
conditionnent le niveau et les modalités de financement des services publics locaux : le
niveau de la tarification ne peut, par exemple, faire abstraction de la capacité des
ménages à y faire face.
Il est donc nécessaire de s'intéresser à l'énorme machine à redistribuer que
constituent les régimes sociaux. Ceux-ci transfèrent des ressources entre habitants,
des cotisants vers les bénéficiaires, et donc également entre territoires. Ainsi, les
caisses de retraite, notamment, et les caisses d'assurance maladie lèvent bien des
ressources à un endroit donné pour les reverser ailleurs.
Pour avoir une idée de la réalité de la redistribution de richesses de nature publique
entre collectivités locales ou territoires, il conviendrait donc d'adopter une vision large
qui dépasserait les quelques fonds de péréquation proprement dits alimentant les
budgets locaux. Faut-il pour autant s'y risquer ou en faire une large publicité Ce n'est
pas si évident. Le risque inhérent à ce type de point de vue est assez classique : si la
péréquation fait l'unanimité dès lors qu'on a l'impression d'en être bénéficiaire, il n'en
est pas de même lorsqu'on se situe du côté des contributeurs.
Les débats politiques complexes que connaissent certains pays, comme la Belgique,
l'Italie ou l'Espagne, prouvent que la solidarité entre territoires ne va pas forcément de
soi. Certains espaces (riches car, selon leurs gestionnaires, bien administrés) rechignent
à en financer d'autres (pauvres car, selon les mêmes, forcément mal gérés), Ainsi, «
Trop de solidarité peut tuer la solidarité » en conduisant les plus importants
contributeurs à dénoncer toute forme de redistribution et à ne pas vouloir «
s'encombrer » de territoires soi-disant moins performants.

Péréquation via une action globale ou de multiples mécanismes ?


En revenant à une conception plus étroite et plus classique de la péréquation, que peut
alors signifier l'objectif fixé par l'article 72-2 de la Constitution : « favoriser l'égalité
entre les collectivités territoriales » ?
Écartons d'emblée une volonté d'égalité stricte dont on ne voit pas trop bien la
signification ; en quoi Paris, Mulhouse, Vezoul, ou chacune de nos presque 37 000
communes pourraient-elles devenir « égales » ?

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 213


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Peut-on envisager une forme d'égalité de services rendus à. la population ? Là aussi, le
pragmatisme conduit à dire que certains services seront toujours réservés à certains
territoires. Et même s'il faut se féliciter de l'émergence des groupements de communes
qui permettent, notamment en milieu rural, d'offrir des services que des municipalités
isolées ne pourraient prendre en charge, il est illusoire de croire qu'un jour, tout
habitant, quel que soit son lieu de résidence, aura accès aux mêmes équipements
(piscine, théâtre, musée, voire gare TGV à proximité...) ou au même contenu précis de
services.
L'égalité souhaitée serait plutôt de donner la possibilité à chaque collectivité
territoriale de disposer des ressources lui permettant de faire face à ses compétences
obligatoires, mais aussi de proposer à la population des services à des conditions
financières acceptables, sans que cela ne se traduise par un niveau insupportable de la
fiscalité locale.
La première difficulté pour définir les mécanismes capables d'oeuvrer en faveur de
l'égalité ainsi définie réside dans le fait que les conditions « acceptables » d'accès aux
services peuvent être notablement différentes d'un point à l'autre du territoire,
puisque le niveau de la tarification est plus ou moins élevé en fonction de la richesse des
habitants. Le besoin d'apport d'argent public pour « subventionner » un service n'est
donc pas identique selon le niveau de vie de la population concernée. Cependant, la
péréquation, telle qu'elle est souvent conçue, s'attache à la richesse propre de la
collectivité, et non pas à celle de ses habitants. Or, du fait de la fiscalité en provenance
des entreprises (foncier bâti, taxe professionnelle hier, cotisation foncière des
entreprises et cotisation sur fa valeur ajoutée des entreprises demain), la richesse
d'une collectivité se distingue de celle de ses habitants. Une ville aux bases fiscales
larges peut comporter une population riche ou modeste, tandis qu'une ville aux bases
fiscales étroites peut très bien avoir une population aisée (cas des communes
résidentielles...). La péréquation à mettre en oeuvre doit donc également prendre en
compte la richesse des habitants, ce qui n'est fait pour l'instant que de manière
marginale. Certains pays européens ne connaissent pas cette problématique en effet, le
principal impôt local y est un impôt sur le revenu des ménages. Richesse des villes et de
la population sont alors mesurées à la même toise. Les actions de péréquation en sont par
conséquent facilitées.
Deuxième difficulté : peut-on s'entendre sur le contenu du panier de services à offrir
aux populations et surtout sur son coût ? L'exemple de la voirie départementale peut
servir à illustrer le propos. Sa longueur est parfois utilisée comme un critère de
répartition des dotations entre les départements en tant qu'indicateur de « besoin ».
Mais retenir la longueur existante revient à entériner un niveau de service existant. Or,
la situation constatée ne renseigne en rien sur le niveau de couverture du « besoin ». Le
réseau est-il assez ou trop dense ? La qualité technique est-elle au rendez-vous ? Ne
pourrait-on faire moins cher ?... En clair, ce sont les indicateurs de « besoins » d'un
territoire qui doivent être pris en compte dans une recherche de péréquation, mais Ils
restent parfois subjectifs et surtout ils sont bien moins faciles à cerner que les
«charges constatées ». Celles-ci peuvent être relevées assez facilement dans les
budgets des collectivités ; elles sont dès lors malheureusement majoritairement

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 214


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
utilisées, que ce soit pour repartir les dotations ou mesurer l'efficacité d'une action de
péréquation.
La troisième difficulté est égaiement liée à !a notion de besoins ». Chaque collectivité
locale a ses propres caractéristiques et doit faire face à des contraintes spécifiques,
qui, si elles sont différentes d'un point à l'autre du territoire sont généralement toutes
aussi légitimes les unes que les autres. Les communes rurales ont à gérer un espace
étendu, les communes de banlieue doivent faire face à des problèmes sociaux, les
communes de montagne sont tenues de maintenir une voirie de haute qualité, les
communes touristiques ont à prendre en charge un afflux saisonnier de population les
conduisant à démultiplier les équipements... Dans un environnement financier contraint,
comment hiérarchiser ces priorités
Comment choisir, par exemple, entre aider les communes où la population s'accroit,
puisqu'elles auront une population plus importante à prendre en charge et aider celles
dont le nombre d'habitants diminue afin de lutter contre la désertification en
maintenant des services ? Et si on fait le choix du « non-choix », c'est-à-dire d'aider
toutes les communes, on donne l'impression de n'aider personne,
Deux enseignements sont à tirer de cet exemple. D'abord, le dosage de la péréquation
par le repérage des « besoins » à couvrir est souvent une oeuvre subtile et délicate. Par
exemple, perdre I % de sa population n'a pas les mêmes implications sur tous les
territoires. Le choix des indicateurs et de leur poids ne peut s'effectuer efficacement
au travers de référentiels uniformes calibrés au niveau national. Ce travail ne peut être
réalisé qu'en étant proche du terrain. En ce sens, la péréquation gagnerait à être gérée
à plusieurs échelles : au niveau national, en grandes enveloppes territoriales, puis à
l'échelle territoriale, par une répartition de ces enveloppes entre collectivités locales.
Ce rôle pourrait relever de la compétence des régions et/ou des intercommunalités.
Le second enseignement à tirer de cet exemple est qu'il est politiquement fondamental
de mettre en exergue l'aspect « discriminant » de la péréquation : en effet, chaque
collectivité locale considère qu'elle a droit à « un plus » par rapport à ses voisines. Si
l'on veut répondre à ce désir de reconnaissance de chaque collectivité locale et valoriser
politiquement les actions de péréquation, il est nécessaire de matérialiser ce « plus ».
Une fonction de péréquation globale, multicritère, complexe, n'y répondra pas. En
revanche, un ensemble d'enveloppes thématiques le pourra davantage.
Le débat sur la globalisation des dotations mérite ainsi d'être reposé. Ne serait-il pas
plus transparent, plus compréhensible, de gérer plusieurs dotations, chacune ayant sa
spécificité ? On pourrait ainsi concevoir parallèlement des mécanismes d'« égalisation »
des ressources entre les collectivités locales et des mécanismes de prise en compte des
besoins reposant sur des dotations spécifiques basées par exemple :
- sur le nombre d'habitants ;
- sur le nombre de jeunes enfants ;
- sur le nombre de personnes âgées ;
- sur la superficie ;
- sur nombre de logements sociaux aidés ;
- sur le nombre de chômeurs ;
- sur la densité ;
- sur le nombre de créations d'emplois ;

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 215


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
- sur le nombre de touristes, etc.
Plus le nombre d'enveloppes thématiques sera élevé, plus chaque collectivité locale aura
le sentiment que son cas particulier a bien été pris en compte et qu'elle bénéficie, à ce
titre, de crédits spécifiques. Une telle approche aurait également comme vertu de
permettre l'évaluation précise des sommes d'argent affectées à chaque type de
population ou de problématique. La culture de l'évaluation que tente d'instaurer la RGPP
(révision générale des politiques publiques) franchirait ainsi un grand cap. En tout cas,
ceci serait plus compréhensible que la multiplication de dispositifs croisant de nombreux
critères de charges, de richesses et d'objectifs. Il en va ainsi de la répartition de la
nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre régions et départements,
dont on ne sait plus si elle cherche à accompagner et récompenser le développement
économique ou à financer la dépendance des personnes âgées...
La quatrième et dernière difficulté dans la définition de mécanismes pouvant oeuvrer en
faveur de l'égalité telle que définie plus haut tient à la gestion du temps. Dès lors que
l'on s'accorde sur l'idée de proposer des objectifs clairs et ciblés à la péréquation, rien
n'interdit de considérer qu'ils puissent être revus régulièrement, ne serait-ce qu'au
moment des renouvellements électoraux. On conçoit bien en effet que les
gouvernements en place puissent retenir des orientations différentes de celles de leurs
prédécesseurs, réorientent plus ou moins fortement les dotations vers des axes
nouveaux ou réarbitrent les priorités.
Se présentera alors la nécessité de concilier les changements de politiques, et donc les
modalités de répartition des dotations, avec l'indispensable maintien des équilibres
financiers de chaque collectivité locale. C'est le débat perpétuel entre la préservation
des « avantages acquis », nécessaires à la stabilité, et l'impérative mobilisation sur de
nouveaux objectifs qui entraîne une modification des ressources de chaque collectivité
territoriale.
L'amateur de lettres et de mots notera d'ailleurs avec amusement que cette difficulté
trouve une illustration dans le dictionnaire lui-même, puisque « péréquation » est coincée
entre les mots « pérennité » et « perestroika » – cela ne s'invente pas !
Il est donc nécessaire de prévoir des systèmes en perpétuel glissement, assurant une
visibilité minimale sur quatre à cinq ans.

En conclusion, on aurait envie, pour mettre en cohérence les deux principes


constitutionnels d'autonomie et de péréquation plutôt que les opposer, de suggérer les
formules suivantes et de les décliner en mécanismes techniques :
- « péréquer l'autonomie », c'est-à-dire veiller à ce que tout impôt local
fasse l'objet d'un dispositif correcteur permettant à chaque collectivité
locale d'avoir les moyens de son développement et de disposer pour cela
d'un levier fiscal
- « autonomiser la péréquation », c'est-à-dire affranchir au moins une
partie des dispositifs de péréquation de la mainmise de l'État, pour
retenir plutôt des mécanismes gérés localement ou arbitrés sous la
houlette d'élus locaux.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 216


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
 La fiscalité locale dans l’Union Européenne
Isabelle Chatrie, Responsable du pôle Collectivités territoriales en Europe à la
direction des études de Dexia Crédit local
Regards sur l’actualité, n° 359, mars 2010

Les processus de décentralisation et de régionalisation à l'oeuvre depuis une trentaine


d'années dans un grand nombre de pays de l'Union européenne (Espagne, Italie, France,
Belgique et, plus récemment, les nouveaux États membres, etc.) se sont manifestés par
d'importants transferts de compétences au profit des échelons décentralisés dans des
domaines tels que l'éducation, la santé, l'action sociale, les transports, la formation
professionnelle. Cette décentralisation des responsabilités s'est accompagnée d'une
décentralisation financière, se traduisant notamment par le développement et la
diversification des ressources d'origine fiscale. En 2008, les recettes fiscales locales
représentaient ainsi, à l'échelle de l'Union européenne, 4,7 % du produit intérieur brut
(NB) et 38 % de l'ensemble des recettes locales. Ce chiffre global cache une grande
variété de situations. Tout d'abord, dans les méthodologies utilisées par les différents
États membres pour définir les catégories de recettes des collectivités locales
(redevances, fiscalité, dotations) et plus particulièrement d'impôts (fiscalité propre et
partagée), Ensuite, dans le poids pris par la fiscalité et la nature des recettes
engendrées dans chaque pays, qui reflètent souvent son degré de décentralisation.
Enfin, dans les caractéristiques des différents impôts qui varient beaucoup d'un pays à
l'autre en fonction des choix de bases et de règles d'imposition.

En 2009, les vingt-sept États membres de l'Union européenne (UE) comptent environ
92.000 collectivités locales, soit près de 90.800 communes, 270 réglons (hors États
fédérés) et 980 collectivités de rang « intermédiaire » (dans les pays à trois niveaux de
collectivités, comme la France ou l’Italie)18. Le poids économique des collectivités locales
n'a cessé de croître depuis une trentaine d'années, notamment sous l'effet des
politiques de décentralisation. Ainsi, les dépenses du secteur public local19 européen
représentaient en 2008 près de 13 % du PIB20. Environ 28 % des dépenses publiques
sont réalisées par le niveau local. Mais c'est surtout en matière d'investissement que les
collectivités locales louent un rôle moteur, puisqu'elles financent désormais près des
deux tiers de tous les équipements publics et infrastructures en Europe.

18
L’Europe local et régionale : chiffres clés 2008-2009- Dexia – CCRE, Edition 2009/2010
19
Le secteur public local comprend les collectivités locales et régionales qui leur sont rattachés
(groupements de collectivités, établissements publics, etc…) c'est-à-dire le sous-secteur S.1313 selon les
normes comptables du SEC 95 (Système de comptabilité européen de comptabilité d’Eurostat). Il ne
comprend pas les administrations des États fédérés (S.1312). Pour cette analyse les communautés
autonomes espagnoles, bien que classées parmi les entités fédérées (S.1312) par le SEC 95, ont été
réintegrées au sein du secteur public local espagnol.
20
Sauf mention contraire précisée en note de bas de page, l'ensemble des données statistiques relatives
aux finances publiques locales présentées dans cet article ont été extraites de la base de données Euroscac
en janvier 2010 et retraitées par l’auteur

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 217


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Tableau 1. Dépenses et recettes du secteur public local (1) en 2008 (UE à 27)
% secteur
Md€ € / hab. % PIB
public

Dépenses 1 612 3 230 12,9 27,5


Investissement (2) 201 415 1,7 62,4
Recettes 1 573 3 155 12,6 28,2
Recettes fiscales 592 1190 4,1 17,9
(3)Sous-secteur S.1313 + communautés autonomes espagnoles
1.
2. Formation brute du capital fixe
3. Recettes fiscales (D2 + D5 + D91) hors cotisations sociales
Source : Calculs Dexia à partir d’Eurostat.

Aux transferts de compétences et de charges résultant des mouvements de


décentralisation, ont répondu les transferts de moyens humains, techniques et
budgétaires. La décentralisation financière, en particulier, a souvent accompagné la
décentralisation des attributions se traduisant sur le plan quantitatif augmentation des
ressources dont disposent les collectivités locales –mais également qualitatif. Les
modalités de financement des collectivités se sont notamment beaucoup diversifiées à
plusieurs niveaux.
Au niveau des financeurs d'abord, puisque, aux côtés de l'État central, interviennent de
plus en plus d'autres acteurs : l'Union européenne (financements européens), les autres
échelons locaux (subventions, financements croisés), le secteur privé (développement
des modes de financement en partenariat public/privé) ou encore les usagers
(redevances et recettes tarifaires).
Au niveau de la nature des ressources ensuite : à un modèle de financement
essentiellement étatique fondé principalement sur des dotations se sont
progressivement substitués des modèles associant, de façon plus ou moins variée et
complexe, de multiples sources de financements : dotations globales ou affectées,
subventions, impôts locaux propres, taxes additionnelles, impôts partagés, recettes
tarifaires, redevances, loyers, intérêts reçus, dividendes, emprunts, etc.

Au total, en 2008, les recettes du secteur public local, hors emprunt, s'élevaient à
environ 1570 milliards d'euros, dont 38 % (cf infra) provenaient de la fiscalité (recettes
fiscales hors cotisations sociales).
Qu'entend-on exactement par recettes fiscales locales ? Comment ont-elles évolué au
cours des dernières années ? Quelles sont les grandes tendances prévisibles ?
Nous tentons ici d'apporter quelques réponses, sachant qu'en la matière se posent de
nombreux problèmes méthodologiques (définition de la fiscalité différente selon les
pays, classification des recettes, etc.) et qu'il s'agit d'un domaine très mouvant. Outre
les aléas liés à la conjoncture économique que subissent actuellement de plein fouet les
collectivités locales —, la fiscalité locale fait l'objet de façon quasi permanente
d'ajustements et de réformes.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 218


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
La délimitation des frontières : redevances, fiscalité propre et partagée et
dotations

Tracer les frontières entre les différentes ressources locales (recettes fiscales,
d'exploitation de service public, de transferts, etc.) est un exercice malaisé, en raison
de l'ambiguïté de la notion de « prélèvement public ». Les définitions et les usages
varient fortement d'un pays à l'autre.

Redevances et impôts locaux


La première difficulté se situe dans la proximité entre la notion de « taxe locale »,
acquittée par le contribuable-résident, et celle de « redevance pour service rendu »,
payée par l'usager. Au Luxembourg, par exemple, plusieurs taxes locales, qui seraient
considérées comme des impôts locaux dans la majorité des pays européens, sont
classées dans la catégorie autres recettes », au côté des recettes tarifaires. A
l'inverse, en Belgique, de nombreuses redevances et taxes diverses sont plutôt
appréciées comme des impôts locaux. Les communes disposent ainsi d'une liberté
étendue en matière de création de nouvelles taxes, dont l'objet est, certes, de procurer
des recettes aux communes, mais également de jouer un rôle incitatif ou dissuasif à
l'égard des comportements des contribuables/usagers, notamment en matière
environnementale. En Wallonie par exemple, on dénombre 116 taxes différentes levées
entre 2000 et 2008, les communes ayant inscrit, en moyenne, 23 taxes dans leur budget
initial pour l'année 2008, voire 39 pour les communes de plus de 50 000 habitants.

Fiscalité propre et partagée


La seconde difficulté consiste à distinguer les ressources fiscales « propres » de celles
qui sont « partagées ». En effet, dans la très grande majorité des pays européens, les
collectivités locales bénéficient de deux types de ressources fiscales

- Les premières, levées sur le territoire de la collectivité, acquittées par le contribuable


local, selon des règles d'Imposition décidées principalement par la collectivité (pouvoir
de décision sur le taux, l'assiette, les exemptions, etc.). On parle alors de « fiscalité
propre ». Cette autonomie fiscale est souvent considérée comme l'essence même de la
souveraineté locale et de libre administration, comme le rappelle l'article 9 de la Charte
européenne de l'autonomie locale élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe.

- Les secondes, payées par le contribuable national dans le cadre d'un impôt national,
plutôt à fort rendement (taxe sur la valeur ajoutée – TVA), impôt sur le revenu des
personnes physiques (IRPP), impôt sur les sociétés (IS), etc. et dont une partie est
attribuée à la collectivité locale selon des mécanismes de partage et de redistribution
variables d'un pays à l'autre (partage de l'assiette et/ou du produit). Il s'agit alors de
fiscalité « partagée ». Les marges de manoeuvre des collectivités locales sont, dans ce
cas, généralement limitées, voire inexistantes.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 219


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Précisons que le système européen des comptes englobe, dans la fiscalité locale, les deux
catégories de recettes fiscales, propres et partagées, car il prend en compte les
recettes des impôts ultimement reçues par le niveau local.
Force est de constater que, là aussi, il peut être relativement difficile de classer les
différents impôts dans ces deux grandes catégories.
En effet, dans le cas des impôts locaux propres, la « liberté » dont jouissent en théorie
les collectivités en matière de modulation des taux et des bases est parfois toute
relative. Elle est souvent encadrée par l'État ou l'autorité de tutelle : établissement de
fourchettes, fixation de plafonds, définition de normes d'évolution via des références
nationales de cadrage ou des règles d'indexation, restrictions concernant les arbitrages
en matière d'abattements, d'exonérations ou de dégrèvements, etc. Dans certains pays,
notamment les nouveaux États membres de l'UE, les collectivités n'ont, en réalité, aucun
pouvoir de décision : il est fréquent que les taux des principaux impôts locaux soient
fixés par l'État... On n'est pas loin alors de la définition d'un « impôt national »
redistribué localement.
À l'inverse, dans le cas d'impôts nationaux partagés, on peut rencontrer des systèmes
les rapprochant de la fiscalité propre. En effet, il existe trois grandes modalités de
partage /
- soit les collectivités bénéficient d'une partie du produit d'un impôt national, dont
le taux et l'assiette sont fixés par l'État, qui leur est reversée selon des règles de
répartition déterminées ;
- soit elles ont la possibilité d'appliquer, pour un impôt donné, un taux local
additionnel au taux d'État (surtaxe locale) ;
- soit enfin, il existe une combinaison, pour un même impôt, du partage du produit
et d'une modulation locale du taux.
Dans le premier cas, les collectivités locales n'ont quasiment aucune marge de
manoeuvre. On se situe clairement dans un cadre de fiscalité partagée.
Dans le deuxième cas, on peut rencontrer deux configurations. Si le taux de la surtaxe
est fixé par l'État sans possibilité d'arbitrage de la collectivité, on reste dans le même
cadre de fiscalité partagée, mais au niveau de l'assiette. Si, en revanche, les
collectivités locales ont la possibilité de moduler le taux, d'agir sur les bases au niveau
de leur territoire ou encore d'accorder des exemptions, bref si elles disposent d'un
certain degré de décision sur le régime d'imposition, on peut considérer qu'il s'agit d'un
système de fiscalité propre. C'est le cas, par exemple, pour la Belgique (communes) et
l'Italie (communes et régions) avec la taxe additionnelle à l'impôt sur les personnes
physiques.
Enfin, dans le troisième cas de figure, il existe diverses formules intermédiaires qui
rendent particulièrement délicates les classifications. En Espagne par exemple, les
communautés autonomes relevant du régime commun bénéficient d'un pourcentage fixe
de l'Impôt sur le revenu des personnes physiques (33 % actuellement pour la plupart des
régions et 50 % dans le cadre de la réforme prévue du financement des autonomies),
mais avec la possibilité de modifier le taux d'Imposition général, à condition de
maintenir la progressivité des taux et un nombre de tranches identiques à celui appliqué
au niveau national.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 220


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Fiscalité partagée et dotations
Dernier exemple de limite difficile à tracer, celle existant entre la fiscalité partagée et
les dotations quand elles sont composées de fractions bien définies d'impôts d'État. En
effet, dans plusieurs États, les transferts de fiscalité sont considérés comme des
dotations et non comme de la fiscalité partagée. Par exemple, en Grèce, la principale
dotation à destination des communes est composée d'une fraction du produit de l'impôt
sur le revenu, dé la taxe sur les automobiles, de celle sur les transactions immobilières
et de la taxe sur les intérêts bancaires. Au Luxembourg, le Fonds communal de dotation
financière est alimenté par une partie des recettes de l'IRPP, de la TVA, de la taxe sur
les automobiles et un montant forfaitaire fixé chaque année par la loi budgétaire. Au
Portugal et en Espagne, les principales dotations pour les communes proviennent
également d'un « droit à percevoir une part des impôts de l'État ».
Pour résumer, les recettes fiscales locales sont constituées à la fois d'impôts propres
et d'impôts partagés. La fiscalité propre comprend non seulement les Impôts locaux
autonomes, mais également les taxes locales additionnelles à un impôt national partagé
sur lesquelles les collectivités disposent d'un pouvoir de décision.

La structure des recettes fiscales locales en 2008

Au total, en 2008, les recettes fiscales locales représentaient 4,7 % du PIB, et 17,9 %
des recettes fiscales publiques de l'UE. Elles constituaient également 38 % des
recettes locales hors emprunt, le reste provenant des dotations et des subventions
(49%), de la facturation des biens et services et des revenus du patrimoine mobilier et
immobilier (12 %), ainsi que des cotisations sociales (1 %).

Des recettes dynamiques, mais très disparates en Europe


On observe de grandes variations selon les pays. À Malte, les conseils locaux ne
bénéficient d'aucune recette fiscale, Aux Pays-Bas, en Irlande, au Royaume-Uni, en
Grèce, ainsi qu'en Roumanie et en Bulgarie, les recettes fiscales constituent moins de
2% du PIB et moins de 15 % des recettes locales. À l'inverse, dans les pays nordiques
(Finlande et Suède) et régionalisés (Espagne, Italie), le poids de la fiscalité locale dans
le PIB et le total des recettes est nettement supérieur à la moyenne européenne,
surtout en Suède, di 65 % des recettes locales sont d'origine fiscale, celles-ci
représentant 16 % du P113 suédois. On remarquera cependant qu'en Allemagne et en
Belgique, le poids de la fiscalité dans le PIB et dans les recettes pour les seules
collectivités locales (c'est-à-dire hors fiscalité des entités fédérées) se situe en
dessous des moyennes européennes. Le secteur public local français se situe légèrement
au-dessus de ces moyennes (5 % du PIB et 46 % des recettes locales).
L’analyse du ratio recettes fiscales/habitant fait ressortir les mêmes disparités. A
l'exception de Malte, les écarts varient en effet de 1 à 130 (de 44 euros par habitant en
Bulgarie à 5 800 en Suède). La France, avec 1510 euros par habitant, se situe en
septième position après les trois pays nordiques (Suède, Finlande et Danemark), les deux
pays régionalisés (Espagne et Italie) et l'Autriche. La place de la fiscalité au sein de
l'ensemble des recettes des collectivités locales tend à s'accroître, notamment sous

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 221


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
l'effet des politiques de décentralisation fiscale (création d'impôts locaux propres
et/ou développement de la fiscalité partagée) en 1995, elle représentait, en effet, à 31
% des ressources locales contre 38 % en 2008.
En Espagne par exemple, la part de la fiscalité dans les recettes locales est passée de
29 % en 1995 à 51 % en 2009, la forte progression étant observée surtout à partir de
l'introduction en 2002 du nouveau système de financement des collectivités locales et
des communautés autonomes.
En Italie également, elle a progressé de 19 points entre 1995 et 2008, passant de 24 %
des recettes locales à 43 %. Le virage s'est produit en 1997, avec la réforme Bassanini
de décentralisation administrative, qui a profondément restructuré les ressources des
collectivités locales afin de renforcer leur autonomie financière (suppression de
plusieurs dotations d'État, création de nouvelles ressources fiscales et d'un fonds de
péréquation).
Le mouvement n'est pas terminé, au contraire, comme le montrent les deux réformes
récemment adoptées en Italie et en Espagne qui vont accroître encore les ressources
fiscales des collectivités territoriales, en particulier celles des régions.

On observe cependant quelques évolutions inverses. Au Danemark, par exemple, la part


de la fiscalité dans les recettes est passée, en 2007, de 50 à 36 %, à la suite de la
réforme territoriale effective depuis le 1er janvier 2007. En effet, celle-ci a supprimé
les 14 comtés (et les impôts qui leur revenaient) pour les remplacer par 5 régions (sans
pouvoir fiscal), tout en remaniant les différents impôts municipaux.
En France, l'évolution a été un peu heurtée, puisque la part de la fiscalité dans le total
des ressources locales a baissé de 7 points entre 1995 et 2003 (de 47 % à 40 %), pour
remonter nettement depuis 2004 sous l'effet de l'Acte I de la décentralisation (de 40
% à près de 46 % en 2008). La nouvelle donne fiscale impulsée par la réforme de la taxe
professionnelle adoptée fin décembre 2009 devrait modifier de nouveau cette part dans
les années qui viennent.

Le poids de la fiscalité propre (impôts locaux et fiscalité additionnelle autonome) est


très majoritaire au sein de ces recettes fiscales. Pour donner un ordre d'idées, une
étude détaillée des budgets locaux 2005, réalisée par Dexia sur l'ensemble des pays de
l'Union européenne, a estimé la part de la fiscalité propre à 72 % des recettes fiscales,
soit 30 % des recettes totales du secteur public local. A l'inverse, la fiscalité partagée
représentait, en 2005, 28 % des revenus fiscaux des collectivités locales et 12 % de
leurs recettes totales.
Derrière ces moyennes européennes se cachent, là encore, de grandes disparités.

La fiscalité propre
La fiscalité propre est significative en Suède, en France, au Danemark, en Belgique et en
Finlande : elle y représentait plus de 43 % des recettes des collectivités locales en
2005. En Italie, au Luxembourg et en Espagne, elle pesait entre 25 % et 35 % des
recettes locales. À l'inverse, elle reste peu développée dans les nouveaux États
membres où la flexibilité fiscale demeure limitée, voire absente (Lettonie).

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 222


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
La fiscalité partagée
Dans huit pays, il n'existe pas de fiscalité partagée au niveau local : Suède, Luxembourg,
Pays-Bas, Irlande, Belgique, Chypre, Grèce et, bien sûr, Malte.
Dans les dix-neuf autres pays de l'UE, les modalités de partage sont très variables d'un
pays à l'autre.
Les clés de répartition peuvent être définies dans la Constitution, dans des lois
organiques, des lois de programmation pluriannuelles ou chaque année dans des lois de
finances. Il peut s'agir d'un pourcentage du produit fiscal ou d'une part, attribuée selon
un calcul plus complexe, variable en fonction du type d'impôt. Les ressources fiscales
collectées au niveau national sont redistribuées soit, selon la formule de la «localisation»
— le produit de l'impôt est alloué aux collectivités en fonction du rendement de l'impôt
sur leur territoire respectif soit selon un principe proche de celui de la « dotation » —
le produit de l'impôt est alloué aux collectivités en fonction de critères variés : nombre
d'habitants, superficie, charges de tenu-alité pour les communes les plus importantes,
critères d'infrastructures tels que la longueur des routes, le nombre d'écoles, etc.
Selon le premier mode de répartition, les collectivités locales bénéficient de la richesse
économique de leur territoire et ont la capacité d'agir sur le niveau de leurs recettes
fiscales par leurs politiques économiques. Cependant, cette modalité de reversement est
également porteuse de risques économiques, puisque les ressources sont o priori moins
garanties et donc moins stables et pérennes, et surtout d'inégalités de richesses entre
collectivités, puisqu'elle avantage celles à fort potentiel fiscal. Le second mode de
redistribution est souvent préféré car il permet de réaliser une certaine péréquation
des ressources fiscales. Mais, il a, à son tour, le désavantage de priver les collectivités
de leurs marges d'action sur le niveau de ces transferts fiscaux. C'est pourquoi se
développent de plus en plus des approches, souvent complexes, associant les deux
formules et visant à concilier l'intérêt d'une « localisation de la richesse » – juste
retour » des politiques locales de développement du territoire – et une certaine
solidarité entre les territoires – par exemple, une fraction du produit fiscal sert à
alimenter une dotation de péréquation.
On peut distinguer trois grands groupes d'États :
- Les États fédéraux et quasi fédéraux où la fiscalité partagée est très développée. Elle
concerne la majorité des impôts à fort rendement (IRPP, IS et TVA), mais selon des
modalités de partage et d'intervention des collectivités locales très différentes. En
Allemagne, par exemple, les modalités de répartition, garanties dans la Constitution,
prévoient que l'État fédéral, les Lânder et les communes se partagent le produit d'«
impôts communautaires ». Pour les communes, sont rétrocédés 15 % du produit de
l'IRPP, 2,1 % des recettes de TVA et 12 % de la taxe sur les intérêts des revenus
d'épargne. En Autriche, ce ne sont pas moins de 14 impôts qui sont partagés entre
l'État. Les Lânder et les municipalités, selon des clés et des critères de répartition
négociés tous les cinq ans environ ;
- les nouveaux États membres (hormis Malte et Chypre), où la fiscalité partagée est
devenue un mode de financement très répandu. Elle y représente de 55 % des recettes
fiscales (Hongrie) à 100 % en Lettonie. Se substituant à des systèmes de dotations, la
mise en place d'un partage de la fiscalité a souvent été identifiée à une avancée en
termes de décentralisation et d'autonomie des collectivités locales ;

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 223


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
- Les pays où la fiscalité partagée existe, mais de manière moins significative, ou alors
pour quelques impôts particuliers (Danemark, Finlande, France, Portugal...) .

Des modèles convergents ?


On n'observe pas de tendance dominante concernant le développement de l'un ou de
l'autre modèle de fiscalité, propre ou partagée, mais plutôt une certaine convergence.
Ainsi, le poids relatif de la fiscalité partagée semble se réduire dans les pays où elle est
membres) au bénéfice de la fiscalité propre. En Bulgarie, par exemple, la révision
constitutionnelle de 2007 a accordé des compétences fiscales propres aux communes.
En Irlande et au Royaume-Uni, il est envisagé de créer de nouveaux impôts locaux
propres. À l'opposé, le poids de la fiscalité partagée tend à augmenter dans les pays où
la fiscalité propre prédomine. En France, elle a été introduite en 2005 afin de financer
une partie des transferts de compétences accordés aux départements et aux régions
dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation (taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP), taxe sur les conventions d'assurances et taxe d'apprentissage).
Depuis 2005, sa part dans les recettes fiscales totales n'a cessé de progresser, passant
de 4 % à 7 % en 2009. Au Portugal, la loi sur les finances locales de 2007 a autorisé les
municipalités à conserver entre 2 % et 5 % de l'impôt sur le revenu versé par leurs
résidents, en compensation d'une diminution de leur principale dotation de
fonctionnement.

Les grandes catégories d’impôts bénéficiant aux collectivités locales

Les recettes fiscales locales proviennent d'impôts directs et indirects qui se


répartissent en trois grands agrégats fiscaux selon la classification comptable du
SEC95 : les impôts sur la production et les importations (D2), les impôts courants sur le
revenu et le patrimoine (D5) et les impôts en capital (D91). L'analyse plus fine de ces
grandes catégories permet de faire ressortir les spécificités de la fiscalité locale dans
les différents pays.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques ou des ménages (IRPP), une
importante ressource pour les collectivités locales
En 2008, a rapporté près de 203 milliards d'euros au secteur public local européen, soit
plus d'un tiers de ses recettes fiscales, L'IRPP est en effet un impôt partagé avec les
collectivités locales dans 14 pays européens. En 2008, il a représenté la quasi-totalité
des recettes fiscales locales des trois États baltes, plus des trois quarts en Slovénie et
en Slovaquie, et la moitié en Pologne. En outre, l'IRPP est également un impôt local
propre dans cinq pays : Danemark, Suède, Finlande, Belgique et Italie, où il prend la
forme d'une taxe additionnelle. Dans les pays scandinaves, i1 constitue la principale
ressource fiscale : en 2008, il a représenté 98 % des recettes fiscales locales en Suède
et 87 % en Finlande et au Danemark. Il est assis sur la même assiette que l'impôt
national sur le revenu et il est recouvré par l'État en même temps que lui (retenue à la
source). Les collectivités locales disposent d'une totale liberté en matière de fixation
des taux. Toutefois, les taux ont été gelés au Danemark en 2002.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 224


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Les impôts sur la production : l'importance des impôts focaux sur l'activité des
entreprises
La deuxième principale source de revenus fiscaux est constituée des « impôts sur la
production », tels que les impôts sur l'utilisation des actifs fixes, sur la masse salariale,
les licences professionnelles et les impôts sur la pollution (92 milliards d'euros en 2008,
soit 16 % des recettes fiscales).
Dans cette catégorie, prédominent les pays où existent des taxes locales sur les
entreprises : l'Allemagne avec la Gewerbesteuer21, l'Italie avec l'Imposto regiona1e
sulle ottività productive (IRAP)22, l'Espagne avec l'Impuesto de Actividades Econômicas
(IAE)23 et l'Autriche avec la Kornmunalsteuer24. Tous ces impôts pèsent un poids
important dans les recettes locales, entre 20 % et 40 % des impôts locaux, sauf en
Espagne où leur part est plus faible depuis la réforme de 2003.

On trouve également dans cette catégorie les impôts sur les véhicules automobiles,
particulièrement importants pour les collectivités locales dans certains pays ainsi que
des taxes environnementales (pollution, égouts, etc.).
Figurent dans cette rubrique, en France, principalement le « versement transport », la
taxe sur les cartes grises et la taxe d'apprentissage (7,8 milliards d'euros en 2008, soit
8 % des recettes fiscales locales). La taxe professionnelle n'est pas classée dans cette
catégorie, car elle est considérée comme un impôt sur la propriété, surtout depuis la
suppression en 2003 de la part relative aux salaires dans le calcul de l'assiette.

Les impôts sur la propriété et l'utilisation de terrains, bâtiments et autres


constructions

21
Calculé sur la base des bénéfices des entreprises commerciales, industrielles et artisanales, cet impôt
total sur les entreposes a vu son assiette taxable se rétrécir à plusieurs reprises (suppression de la part
salariale à la fin des années 1980 et de l’actif net en 1998). Il a été de nouveau reformé au 1er janvier 2008
dans le cadre de la réforme plus globale de la fiscalité concernant les entreprises. Les principales
modifications ont porté sur le mode de calcul du taux (avec une baisse du taux de base de 5 % à 3,5 %) et la
suppression de sa déductibilité de l'Impôt sur les sociétés).
22
Basé sur la valeur nette de la production des entreprises et des professionnels indépendants, l'Impôt sur
les activités productives est un impôt régional. En 2006, l’IRAP a été réformé afin de déduire les coûts de
main-d'oeuvre de la base d'imposition. L’objectif étant de stimuler la création d’emplois. En parallèle, un
recours a été formé contre cet impôt devant la Cour de Justice des Communautés européennes pour
incompatibilité avec le régime commun de TVA, recours qui à été rejeté en octobre 2006. Depuis 2009, 10
% de I'IRAP est déductible de l'impôt sur les sociétés. La suppression graduelle de cet impôt a été
annoncée fin 2009 par le gouvernement Italien.
23
L'impôt sur les recettes économiques repose sur tous les types d’activités économiques : entreprises
agricoles, activités minières, communales, industrielles et de services, professionnels, indépendants,
activités artistiques. Il est calculé sur la base de plusieurs critères : le type d'activité économique, la
superficie du local d’activité, le chiffre d'affaires, la localisation géographique (« Indice de situation »).
L'IAE a été réformé en 2003 afin d'exonérer les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1
million d'euros. Cela a conduit à l'exonération de 80 % des redevables et à une baisse de 40 % des recettes.
24
Cette taxe municipale est payée par toutes les entreprises sur la base d'un pourcentage du montant des
salaires fixé par l'Étal sans pouvoir de modulation de la part des communes (3 %)

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 225


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
Les impôts sur la propriété (91 milliards d'euros, 15 % des recettes fiscales locales)
sont les plus courants. Présents dans la quasi-totalité des États membres (18), ils
bénéficient principalement au niveau communal (sauf en France et en Belgique). Ces
impôts fournissent plus de 20 % des ressources fiscales locales dans huit pays
européens, notamment l'Irlande (100 %), la Belgique (57 %), la France (47 %), les Pays-
Bas (36 %), le Portugal ou encore la Pologne. Ailleurs, ils constituent l'essentiel de la
fiscalité propre.
L'impôt sur la propriété représente l'impôt local propre par excellence du fait de son
caractère « immobile » « localisé » et « visible », qui permet d'offrir une répartition
géographique relativement équitable des assiettes entre les collectivités locales et
d'apporter une ressource stable. Dans de nombreux pays, l'impôt foncier est d'ailleurs
collecté directement par les services municipaux (Autriche, Italie, Pays-Bas, Royaume-
Uni, Hongrie, République tchèque, Bulgarie depuis 2006, etc.), au même titre souvent que
certaines autres taxes locales.
Il est dû le plus fréquemment à la fois par les personnes physiques (propriétaires et
parfois occupants) et par les entreprises. 11 peut exister cependant un Impôt foncier
spécifique levé uniquement sur les entreprises — comme la taxe professionnelle en
France — qui vient s'ajouter aux taxes foncières, les commercial rates en Irlande ou les
business rotes au Royaume-Uni, basés tous deux sur la valeur locative des actifs bâtis et
non bâtis. L'impôt foncier prend généralement en compte les terrains et les
constructions ou seulement l'un des deux et, très rarement, les autres actifs corporels
(équipements et biens mobiliers). En fait, jusqu'à la réforme de la taxe professionnelle
adoptée fin 2009, la France restait l'un des rares pays intégrant dans l'assiette ce type
d'immobilisations, En Belgique, par exemple, le volet « matériels et outillages » a été
exonéré du calcul des bases du précompte immobilier afin de ne pas pénaliser les
investissements.

Soulignons que les taxes sur les résidents, du type « taxe d'habitation » en France ou
council tax au Royaume-Uni, sont classées dans la catégorie des impôts courants sur le
capital. Cet impôt pèse d'un poids très important au Royaume-Uni.
Des réformes ont été récemment menées ou sont en cours dans de nombreux pays
européens, en particulier dans les nouveaux États membres. Leur objectif est
notamment de trouver la meilleure méthode pour déterminer la valeur des bases
d'imposition afin d'améliorer le rendement de cet impôt et surtout de garantir une plus
grande équité : surface utile ou valeur des biens, vénales ou cadastrales. Les
administrations fiscales sont souvent confrontées à la difficulté de disposer d'un
cadastre fiable et actualisé et de déterminer les valeurs de marché, C'est un sujet de
préoccupation dans plusieurs nouveaux États membres, mais également dans les pays où
la révision cadastrale est déjà ancienne (en France par exemple).

Les autres impôts


Les impôts sur les produits (droits d'accise, impôts sur les transactions immobilières,
sur les prestations de services spécifiques, la consommation, les jeux, les loisirs, droits
de timbre et enregistrements, permis de construire, etc.) représentaient 13 % du total
des recettes fiscales du secteur public local en 2008. Ils occupent une place

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 226


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
particulière en Espagne (impôt sur les transmissions de patrimoine et les
enregistrements, droits d'accise), en France (droits de mutation, taxe d'enlèvement des
ordures ménagères, TIPP, etc.) ou encore en Italie (permis de construire, assurance
automobile, consommation d'électricité, immatriculations des véhicules, etc.). En
Hongrie, cette catégorie d'impôts représentait 77 % des recettes locales en 2008,
notamment au travers de la taxe locale sur les entreprises (assise sur les revenus des
ventes nettes, moins les coûts de fabrication).
Dans plusieurs pays, les collectivités locales bénéficient également de recettes liées à la
TVA (46 milliards d'euros, soit 8 % en moyenne) qui peuvent parfois constituer une
source substantielle de revenus : 41 % en 2008 des recettes fiscales des régions et des
communes tchèques, 26 % de celles des collectivités espagnoles (essentiellement les
communautés autonomes, même si les provinces et les grandes villes en touchent une
partie), 21 % de celles des communes autrichiennes.
Enfin, les recettes apportées par l'impôt sur les sociétés aux collectivités locales sont
loin d'être négligeables en République tchèque (28 % des impôts focaux), en Pologne, au
Portugal (surtaxe à l'impôt sur les sociétés appelée Derroma), en Autriche et en
Finlande. On le trouve, plus accessoirement, au Danemark, en Allemagne, en Espagne et
en Italie, où il est levé directement par les gouvernements régionaux autonomes (deux
communautes,la Communauté focale de Navarre et la Communauté autonome du Pays
Basque et les cinq régions italiennes à statut spécial). Enfin, l'impôt commercial
communal (ICC), qui est le principal Impôt propre des municipalités luxembourgeoises,
entre également dans cette catégorie, puisqu'il est basé sur le profit opérationnel des
entreprises (90 % du produit des impôts locaux et près de 30 % du total des recettes
municipales en 2008).

2010, l'année des incertitudes et des réformes


Même si les recettes fiscales du secteur public local sont e priori moins sujettes aux
variations de la conjoncture économique que celles des États centraux, du fait de la
relative stabilité des bases de nombreux impôts locaux, force est de constater qu'elles
vont certainement ressentir de manière forte et sans doute durable les effets de la
crise économique mondiale qui a éclaté à l'automne 2008.
On observe ainsi, dès 2008, une stagnation des recettes fiscales locales, en rupture
avec les années antérieures (+ 0,1 % en volume en 2008 contre + 4,5 % par an en
moyenne entre 2000 et 2007), qui devrait se transformer, dans de nombreux pays, en
une importante diminution des recettes fiscales locales.
La sévérité de la crise pour les collectivités locales dépendra bien sûr des
caractéristiques concrètes des impôts (nature des impôts, modes de calcul des bases
imposables, éventuellement modalités de partage), ainsi que de l'existence de
mécanismes de garantie et de compensation susceptibles de protéger les collectivités
locales des fluctuations cycliques.

Cette dégradation proviendra en grande partie de la diminution des recettes fiscales qui
sont adossées à des flux économiques volatils et qui sont donc les plus sensibles à la
conjoncture les impôts sur les revenus des ménages (impactés par la hausse des taux de
chômage et la baisse des revenus) et des entreprises (baisse des bénéfices et de la

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 227


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
valeur ajoutée, faillites, etc,), la TVA, les impôts liés à la consommation ou encore ceux
liés à l'activité immobilière (transactions, permis de construire, droits
d'enregistrement, etc.).
En France, par exemple, la baisse des droits de mutation perçus par les communes et
surtout par les départements a été de 9 % en valeur en 2008 (et de 26 % en 2009) (20),
tandis que le produit de la taxe espagnole sur les transmissions de patrimoine levée par
les communautés autonomes a diminué de 40 % en 2008. Au Luxembourg, ce sont les
recettes de l'ICC qui seront les plus touchées (réduction de l'ordre de 15 % à 20 % en
20091 et en Allemagne celles de la Gewerbesteuer. De fortes réductions des recettes
locales provenant de l'impôt sur les sociétés sont également annoncées en Finlande, en
République tchèque, en Pologne, au Portugal, etc.
Ces baisses devraient s'accentuer en 2010 et 2011, en raison de l'approfondissement de
la crise dans plusieurs pays, mais également du fait des décalages fréquents entre les
fluctuations économiques, les conséquences sociales et les rentrées fiscales.
En outre, à cette baisse mécanique des recettes fiscales, devraient s'ajouter les effets
des mesures fiscales décidées dans le cadre des plans de relance nationaux, et parfois
régionaux et locaux, visant à alléger la pression fiscale sur les ménages et les
entreprises dans un but contra-cyclique : baisse des taux, exemptions, réductions,
exonérations, etc.
Ces mesures resteront-elles temporaires ou bien ont-elles vocation à s'inscrire dans la
durée En tout cas, la crise aura mis en évidence le rôle essentiel joué par les
collectivités locales en matière économique et sociale, mais aura aussi démontré leurs
besoins en ressources suffisantes et adaptées à leurs missions de services publics et de
développement des territoires. Quant à la nature de ces ressources, elle aura permis de
relancer les réflexions sur les ressorts du financement des collectivités locales :
comment assurer un meilleur équilibre entre ressources autonomes, relevant de
l'exercice de la démocratie locale, et recettes nationales redistribuées localement ?
Comment garantir l'équité tout en recherchant l'efficacité ? Quelle péréquation fiscale
et à quels niveaux ? Comment permettre la compétition mais également la solidarité,
promouvoir la productivité mais aussi la sécurité, rechercher la diversité sans tomber
dans l'opacité ? Enfin, plus que des réflexions, la crise aura facilite et accéléré la mise
en oeuvre de réformes des finances locales, latentes depuis plusieurs années, comme en
France...

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Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
 La maîtrise des dépenses locales
Synthèse des conclusions du rapport Carrez

A l'occasion de la conférence sur les déficits publics, le 20 mai dernier, Gilles Carrez et
Michel Thénault ont présenté un rapport, fruit d'échanges entre des élus locaux, des
représentants des services ministériels concernés et des spécialistes des finances
locales.
Une très grande majorité d'élus a souscrit à l'état des lieux de ce rapport, qui montre :
- que, depuis 1994, les dépenses du bloc communal ont diminué en
pourcentage de PIB, de 16,2 % à 5,9 %,
- que l'endettement des collectivités locales reste puisqu'il représentait,
en 2008, 11 % de la dette nationale, alors que celles-ci comptent pour 20
% des dépenses et 73 % de l'investissement public.
Les propositions figurant dans le rapport ont profondément évolué au cours des débats.
Y figurent notamment
- le rejet d'une norme d'évolution des dépenses locales,
- la mise hors périmètre du gel des concours financiers de L'État du Fonds
de compensation de la TVA,
- l'abandon d'un « bonus-malus » sur les dotations, en fonction de critères
de bonne ou mauvaise gestion,
- le renforcement de la péréquation,
- la volonté de mettre fin à l'effet inflationniste des normes édictées par
l'État sur les dépenses locales,
- la nécessité d'un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités
locales.
La perspective d'un gel en euros courants des dotations de l'État aux collectivités
locales, découlant du gel des dépenses de l'État, n'a quant à elle pas recueilli le soutien
de la majorité des élus composant Le groupe de travail.
Le groupe de travail devrait se réunir une dernière fois sur le thème de la péréquation.

Rapport Carrez :
http://www.elysee.fr/president/root/bank_objects/20.05_Rapport_Carrez_Thenault.pdf

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 229


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
 Interview de Gilles Carrez, Président du groupe de travail sur la maîtrise de la
dépense locale, Président du Comité des finances locales, Rapporteur général du
budget à l’Assemblée nationale, député (UMP) du Val-de-Marne
La Gazette, 10 mai 2010

Dans votre prochain rapport, vous mettrez en exergue le fait que les dotations de
l'Etat ne peuvent continuer à augmenter.
Nous entrons dans une nouvelle période, après un moment où tant les dotations que la
prise en charge de la fiscalité locale ont bénéficié d'une certaine compréhension de la
part de l'Etat au niveau de son budget. La part de ce dernier consacré aux collectivités
locales a évolué plus vite que les autres volets des dépenses de l'Etat, et notamment
plus vite que le budget de l'Education nationale. Tout le monde perçoit que cette
situation ne peut plus durer. Dès lors, il existe une forte probabilité que les dotations
de l'Etat n'augmentent plus du tout.

Comment les collectivités pourront-elles assumer leurs charges ?


Au sein du bloc communal, les disparités de dépenses entre collectivités sont
considérables, dans un rapport de 1 à 3 mesuré par habitant. Cela s'explique, pour 60 %,
par le niveau de ressources. La masse des dotations de l'Etat qui s'est accrue avec les
différentes réformes de la fiscalité locale doit permettre d'accentuer les mécanismes
de péréquation. Pour les départements, l'analyse est différente et une réflexion sur
leur situation sera menée par le Comité des finances locales, à la suite du rapport rendu
en avril par Pierre Jamet. Il paraît probable, enfin, que les régions soient amenées à
réviser les partenariats qu'elles signent avec l'Etat. Ce dernier devra moins compter sur
elles pour financer les projets relevant de ses compétences.

Avec le gel des dotations en valeur, les finances locales ne vont-elles pas se
dégrader sous l'effet des dépenses nouvelles ?
L'autre idée forte de notre groupe de travail est justement le renforcement de notre
vigilance sur les transferts « rampants ». Il faut que nous fassions comprendre que les
collectivités ne peuvent plus assumer de nouvelles dépenses imposées. Le rapport du
groupe de travail attirera également l'attention du gouvernement sur l'impact des
normes et insistera sur le fait qu'il n'est plus possible de légiférer sur les compétences
transférées. A ce sujet, les parlementaires doivent également balayer devant leur porte.

En revanche, votre rapport ne devrait-il pas contenir de recommandations sur un


objectif annuel de dépenses imposé aux collectivités?
Cette proposition a été unanimement rejetée par les membres du groupe de travail. Le
gel des dotations sera déjà une pilule bien amère à avaler. Et j'ai confiance en la
capacité des exécutifs locaux à adapter les dépenses au nouveau contexte des
ressources.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 230


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
 Interview de Gilles Carrez
Maires de France, Juillet-Août 2010

Comment voyez-vous l'évolution de la situation économique ?


C'est une question difficile tant les incertitudes sont grandes. La croissance commence
à reprendre, mais atteindra-t-elle 2,5 % dès 2011 ? C'est peu probable. L'idéal serait de
pouvoir compter sur une croissance annuelle de notre économie d'au moins 2 % pendant
cinq ans.

L'addition des plans de rigueur peut-elle créer une récession européenne, voire
mondiale ?
Cela fait trente ans que cette question est posée. Certains économistes disent que les
dépenses publiques stimulent la croissance, et que ce surcroît de croissance finance le
supplément de dépenses publiques, tandis que d'autres économistes affirment qu'il faut
baisser les impôts pour libérer la croissance, et que les baisses d'impôts seront
compensées par les plus-values générées par la croissance. Tout cela n'a fait que créer
des déficits. À un certain niveau de dette, il n'y a plus de confiance. Comment pourrait-
on faire repartir la machine en ajoutant de la dette à la dette ? Il faut donc commencer
par rééquilibrer nos comptes.

Face à l'effet de ciseau entre la baisse ou la stagnation des ressources et la


hausse de certaines dépenses contraintes, les communes et les intercommunalités ne
risquent-elles pas d'être tentées de réduire leurs investissements, ce qui aurait
des effets récessifs ?
C'est une erreur de parler de baisse des ressources. La réalité, c'est plutôt qu'elles
augmenteront moins vite, car on pourra moins augmenter la fiscalité, mais nul ne peut
prétendre qu'elles vont diminuer. Le gel des dotations, hors FCTVA, n'est pas non plus
une baisse. Côté impôts, certes les Communes ne peuvent plus augmenter le taux
d'imposition des entreprises, mais l'assiette valeur ajoutée est dynamique, en tout cas
sur période longue. Les dépenses par habitant du bloc local sont très inégales les 10 %
de communes (avec leurs intercommunalités) qui dépensent le moins dépensent trois fois
moins que les 10 % qui dépensent le plus ! Et le niveau de dépenses est essentiellement
corrélé avec les recettes : plus les communes sont riches, plus elles dépensent. Comme
l'essentiel de ces recettes provient de dotations, on pourrait peut-être avoir un
système plus performant, plus péréquateur sans créer pour autant d'effet récessif.

Concernant la péréquation, que pensez-vous des propositions du rapport Durieux ?


Le rapport Durieux souligne que la péréquation n'est pas suffisante. En loi de finances
pour 2011, nous allons proposer un dispositif plus efficace. Il s'agira d'une péréquation
sur les flux, donc elle prendra effet en 2012 par rapport à 2011, l'année zéro de la
réforme pour les collectivités. Le rapport Durieux propose de prendre en compte
l'ensemble des ressources et cite en exemple le Fonds de solidarité de l'Ile-de-France.
C'est une piste intéressante. Mais il faut un peu de recul pour y voir clair : les riches
d'aujourd'hui rie seront peut-être pas les riches de demain, les communes industrielles

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 231


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
recevront des dotations – qui a priori n'évolueront pas – à la place de leurs rentrées
fiscales, tandis que d'autres, qui avaient peu de TP mais d'importantes bases d'impôts
ménages (communes résidentielles, touristiques, etc.), vont bénéficier d'un gros
potentiel fiscal. Dans l'immédiat, avant la péréquation horizontale sur la fiscalité – ce
que propose le rapport Durieux –, il faut renforcer la péréquation verticale, à partir des
dotations de l'tat. Si on ne parvient pas à dégager quelques centaines de millions d'euros
chaque année pour faire de la péréquation, suries dizaines de milliards de dotations,
c'est qu'on manque de volonté politique.

Jusqu'à présent, la péréquation a toujours été prise sur l'augmentation des


dotations. Comment faire s'il n'y a plus d'augmentation ?
II faudra prendre sur le stock. On a un peu commencé, car depuis deux ans on prélève
2% de la dotation de garantie de la DGF. Il faut poursuivre dans cette voie, sans doute
pas de façon forfaitaire mais en tenant compte de la richesse des communes,
Auparavant, on garantissait à chaque collectivité ses ressources existantes, quel qu'en
soit le montant. Ce système très généreux est-il encore viable ?

Selon vous, outre la péréquation, quelles sont les dispositions de la réforme de la


TP qui doivent être modifiées ?
Sur la territorialisation de la valeur ajoutée, il faut d'abord vérifier la fiabilité du
critère "nombre de salariés". Je pense intuitivement qu'on pourrait prendre un peu en
compte les locaux. Concernant les titulaires de bénéfices non commerciaux de moins de
cinq salariés, dont le régime spécifique a été annulé par le Conseil constitutionnel, on ne
peut pas se permettre de faire perdre 760 millions d'euros aux collectivités. Il faut que
ces professions bénéficient d'une baisse de la TP mais pas dans des proportions aussi
importantes. Enfin, certains veulent revenir sur la spécialisation de l'impôt, car les
régions n'ont plus d'impôt ménage. Personnellement, je pense que la spécialisation va
dans le sens de la transparence et de la responsabilité.

Que pensez-vous de l'annonce de la modulation des dotations en fonction de


critères de « bonne gestion », modulation que votre rapport avait écartée ?
Dire qu'il faut davantage de péréquation sur les dotations en partant de l'idée que
lorsqu'on dépense trois fois plus que le voisin ce n'est pas qu'on gère mal mais qu'on a
peut-être des marges de manoeuvre, c'est une manière de rejoindre la « bonne gestion »
Mais de la à dire que tel maire qui a construit une piscine olympique est moins bon
gestionnaire que son voisin qui a des bordures de trottoir en granit rose...

Qui pourrait fixer des critères de « bonne gestion » ?


Personne, et pas même un chef de bureau à la Direction du budget. Je pense qu'il faut
plutôt compter sur la transparence et la responsabilité : avant la réforme, tous les
impôts locaux étaient décidés par plusieurs niveaux de collectivités, donc chacun
n'hésitait pas à prendre part à l'augmentation générale.
À partir de 2011, la taxe d'habitation sera fixée par le maire et lui seul, le citoyen saura
qui a décidé de son augmentation. C'est l'esprit de mon rapport : les élus locaux sont des
gestionnaires responsables ; d'un côté, il faut les responsabiliser encore plus, de l'autre,

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 232


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
ne pas leur imposer de nouvelles contraintes. Tous les élus du groupe de travail, de
gauche comme de droite, sont d'accord sur cette analyse et refusent des normes de
dépenses locales imposées d'en haut.

Que peut-on attendre de l'engagement de ne plus imposer de nouvelles normes aux


collectivités ?
C'est un engagement fondamental et il faut en attendre Je maximum d'ambition, Te
pense que la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) devrait pouvoir
émettre des avis conformes et être autorisée à s'attaquer au stock des normes en
vigueur, et pas seulement aux nouvelles normes. il faudrait un moratoire complet, y
compris su le Grenelle II. Pendant quelques années, notre priorité est de sortir de la
crise, pas d'étrangler les collectivités avec des normes qu'on ne peut pas financer ou qui
restreignent la croissance. Sur l'arrêt des normes, il faut être, je crois, assez
intégriste.
Mais l'engagement exclut les normes internationales d'application obligatoire...
Elles ont bon dos, ces normes ! Méfions-nous de l'intervention de soi-disant normes
européennes qui, comme par hasard, ne s'appliquent pas dans les pays voisins !

Pensez-vous que l'on puisse s'attaquer aux législations en vigueur ?


C'est indispensable. Il y a une révolution culturelle à faire. Nous n'avons pas cessé de
voter des dispositifs que la collectivité n'a pas les moyens de financez, en particulier
dans le domaine social. Notre endettement public rend ces politiques financièrement
insoutenables.

8èmes Universités d’Eté – Dossier du participant Page 233


Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010
 Les conséquences de la réforme de la TP
Synthèse des conclusions du rapport Durieux

Le rapport d'évaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle, établi par


les inspections générales des finances et de l'administration, sous la supervision de
Bruno Durieux et Patrick Subremon, a été présenté au Comité des finances locales le 1er
juin. Plutôt bienveillant sur les conséquences de la réforme et optimiste sur l'évolution
des ressources fiscales, il ne préconise pas de modification radicale de la loi votée en
décembre 2009.

Il consacre une partie importante de ses propositions à la péréquation horizontale


(entre collectivités territoriales d'un même niveau), notamment à l'intérieur du bloc
communal, absente du texte initial. Le rapport propose de fixer, pour une période
donnée, un objectif de réduction des inégalités communales et d'en déduire le dispositif
de péréquation le plus adapté, ainsi que son paramétrage. Le dispositif devrait - intégrer
des critères de ressources et de charges,
- prendre en compte la totalité de la richesse fiscale (entreprises et
ménages),
- considérer la richesse consolidée des groupements et de leurs communes
membres,
- procéder aux reversements uniquement aux groupements, - additionner
deux mécanismes (national et régional),
- envisager des mécanismes propres à l'Outre-mer.

Quant aux propositions effectuées par l'AMF et les associations du bloc local en vue
d'améliorer le texte de la réforme, la mission n'a donné une suite favorable qu'aux
demandes relatives à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER)
- indexation sur l'inflation du barème (« soumise à arbitrage »),
- attribution au seul bloc communal de l'intégralité de l'IFER « éoliennes »
et réévaluation du tarif.
Le rapport est en revanche muet sur les autres points soulevés par tes associations, et
notamment sur :
- le remplacement de l'imposition spécifique des titulaires de
- bénéfices non commerciaux par un nouvel impôt (et non par une dotation),
- l'application d'un critère supplémentaire (ex : surface occupée) pour la
répartition de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises)
des entreprises multi-établissements.
La première « clause de revoyure » ne sera pas examinée au mois de juillet.

Rapport Durieux : www.economie.gouv.fr/services/rap10/100526rap-durieux.pdf

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Gouvernances et régulations territoriales : regards croisés et comparatifs européens V1- 16/06/2010

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