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Abstract
François Chazel : The panel method and its application to the French political system. Methodological presentation of the panel,
drawing attention to the interest of this method for thorough analysis of change, its nature and its elements. Short history of its
application to electoral decisions insisting on the value of certain results and the interest of the perspectives thus opened. Lastly,
the A. endeavors to show that the particularities of the French political system do not rule out the use of the panel and that its
application could lead to a realistic study of the French citizen, and the process of influence to which he is subjected.
Chazel François. La méthode du panel et ses possibilités d'application à la structure politique française. In: Revue française de
sociologie, 1966, numéro spécial. Le comportement politique. Etudes comparatives réunies et présentées par Mattei Dogan.
pp. 684-699;
https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1966_hos_7_1_1108
François CHAZEL
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(5) Nous ne croyons pas utile d'insister ici sur le problème de la participation
initiale, qu'il conviendrait d'aborder dans le cadre plus général d'une réflexion
méthodologique sur les enquêtes d'opinion.
(6) Telles sont les deux catégories de mortalité distinguées par Hans Zeisel, [3]
et par Thielens Wagner [8].
(7) Nous nous contenterons d'un seul exemple, emprunté à l'étude d'Elmira, lors
des élections présidentiellles de 1948. Si environ 28 % des membres du panel furent
inaccessibles pour l'une des quatre interviews, 12 % seulement en manquèrent plus
d'une.
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être ainsi progressivement faussée et si les groupes les plus atteints par la
mortalité réagissent d'une manière différentielle aux variables mesurées,
les résultats sont erronés. Des vérifications minutieuses ont été entreprises
dans le cadre des études par panel consacrées au vote : les enquêteurs
reconnaissent l'existence d'un léger biais dû à la mortalité mais ne
croient pas qu'il soit de taille à compromettre la validité des résultats
d'ensemble.
On a fait au panel un autre reproche, encore plus grave : cette
technique d'interviews répétées placerait les personnes interrogées dans une
situation artificielle; la conduite des individus ne serait donc pas la même,
suivant qu'ils sont membres d'un panel ou livrés à eux-mêmes. D'une
manière générale, le panel leur ferait prendre une conscience plus aiguë
du problème : ils témoigneraient ainsi d'un intérêt supérieur à celui qu'ils
auraient manifesté dans des circonstances normales. Il convient de signaler
en premier lieu que l'existence d'un tel biais peut être décelée par
l'utilisation de groupes-contrôles : si c'est le principe même du panel que le
chercheur veut soumettre à l'épreuve, il comparera les résultats obtenus
dans le cadre d'un panel et avec deux échantillons différents : les
interviews auront lieu aux mêmes dates et seront, dans l'un et l'autre cas,
séparées par le même intervalle de temps. En revanche si la vérification
doit porter seulement sur la périodicité des interviews, l'analyste
examinera les données recueillies dans deux panels, dont l'un aura été
interviewé plusieurs fois, et l'autre, qui sert de contrôle, deux fois seulement,
pour savoir si le nombre des interviews peut modifier — et donc fausser —
ses conclusions. Les enquêteurs ont utilisé ces tests de fidélité : ainsi
Lazarsfeld, Berelson et Gaudet avaient pris soin de constituer trois
groupes-contrôles; aucune différence majeure ne fut constatée entre
panel et groupe-contrôle, pour tout problème que la discussion
générale, à l'approche des élections, avait placé au premier plan. Tel est bien
en effet le point fondamental : si le panel porte sur un type de
consommation courant, auquel l'on ne prête plus guère attention, il oblige les
individus à prendre conscience d'habitudes qui sont en quelque sorte
automatiques et crée une situation artificielle; mais si l'objet de l'étude est
un problème qu'il est difficile d'ignorer absolument, même si on est loin
d'y attacher une importance vitale, comme le choix électoral, le panel ne
peut plus avoir cet effet. Il ne change donc pas la nature de la décision.
On s'est cependant demandé s'il n'était pas susceptible d'influer sur la
stabilité des attitudes : les individus interrogés n'auraient-ils pas tendance
à se retrancher derrière l'opinion qu'ils ont d'abord émise ? Ou ne
seraient-ils pas poussés par cette sorte de remise en question que
représente chaque interview à modifier leur point de vue ? Les études
entreprises à ce sujet n'ont pas donné de résultat définitif. Il nous paraît donc
raisonnable de penser que l'on a quelque peu grossi les risques de « l'effet
panel ». S'il est très probable que cette technique ne peut s'appliquer
sans inconvénient à certains domaines et s'il reste indispensable de vérifier
sa validité pour tout nouvel objet d'étude, nous croyons pouvoir affirmer
que le panel convient à l'étude de la décision électorale et apporte, comme
l'ont montré diverses enquêtes de vérification, des garanties suffisantes.
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prétations étaient en même temps plus subtiles : l'individu n'était plus censé
se conformer à son environnement, mais il était clairement indiqué que
l'individu et son environnement composaient un système d'influence
réciproque; en même temps était esquissée l'hypothèse d'une hiérarchie des
influences avec la notion de breakage effect, selon laquelle les personnes
soumises à des pressions contradictoires avaient davantage de chances
à Elmira, cité républicaine, de voter républicain. De l'autre les chercheurs
se montraient plus conscients de l'importance des grands problèmes
politiques et s'interrogeaient d'une manière très heureuse sur la façon dont ils
étaient perçus par le corps électoral; ils insistaient notamment sur les
processus par lesquels les électeurs se masquaient l'incohérence de leurs
opinions, en privilégiant telle question particulière ou bien en tirant
franchement à eux — et quelquefois contre toute vraisemblance — le candidat
pour lequel ils avaient opté. En définitive la décision électorale était
conçue comme une décision collective, prenant place dans une structure
sociale; mais sa spécificité, son originalité politique n'étaient pas niées, et
certains de ses caractères particuliers plus précisément décrits que dans
The People's Choice.
C'est à cette même élection de 1948, où Dewey et Truman s'opposaient,
qu'une autre équipe, celle du Survey Research Center, de l'Université de
Michigan, consacrait sa première enquête. Cette étude a tous les traits
d'une première expérience : l'échantillon est limité, le questionnaire reste
assez pauvre, et l'analyse ne parvient que rarement au niveau de
l'interprétation théorique. Elle revêt cependant un intérêt particulier, car c'est
la première publication consacrée à une enquête nationale (9).
L'ouvrage de Campbell et de Kahn, The People elect a president [16],
a, de plus, un autre mérite : en conclusion, les deux auteurs proposent
quelques thèmes d'étude pour les recherches futures conduites dans le
cadre des enquêtes d'opinion. Ils suggèrent notamment de comparer le
caractère des différentes élections présidentielles qui auront été analysées
sur le plan national; ils insistent aussi sur l'importance de l'identification
à un parti pour la compréhension du comportement de l'électeur et
envisagent enfin une étude globale de la participation politique. A la
réalisation de ce programme Angus Campbell et ses divers collaborateurs du
Survey Research Center ont fortement contribué, dans leurs deux ouvrages
suivants, The Voter Decides [19], et The American Voter [21]. C'est
essentiellement autour de l'élection présidentielle de 1952, marquée par le
triomphe du Général Eisenhower qu'est construit le premier livre;
cependant, pour faire ressortir le caractère de l'élection de 1952, Campbell,
Gurin et Miller recourent à de fréquents rapprochements avec celle de
1948 : ils insistent sur l'engouement plus vif de l'opinion pour la campagne,
sur la plus grande stabilité des intentions de vote et sur la progression
(9) C'est en fait au National Opinion Research Center que revint l'honneur de
conduire la première enquête nationale par panel à propos d'une élection
présidentielle, en 1944. Malheureusement les travaux de Korchin [14] et de Ziff [15] n'ont pas
été publiés et n'ont pu être consultés que par un cercle restreint de spécialistes à
l'intérieur du cadre universitaire américain.
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Bibliographie
Cette bibliographie est en fait bien incomplète, et pour deux raisons : d'une part
elle ne porte que sur les enquêtes conduites aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et
en France, d'autre part elle ne mentionne pas tous les ouvrages ou articles qui font
éventuellement références à des résultats de panel, dans le cadre d'une démonstration
plus générale, mais seulement ceux qui sont essentiellement consacrés à l'analyse et
à l'interprétation des données recueillies.
Nous grouperons les diverses études sous trois rubriques : méthodologie, analyse
des données de panel, examen critique et appréciation d'ensemble. Nous ne citerons
qu'une seule fois les ouvrages, même si ]eur intérêt dépasse le cadre d'une rubrique
particulière.
Méthodologie
[1] Lazarsfeld, P. F., Fiske, M. « The panel as a new tool for measuring opinion ».
Public Opinion Quarterly 2 (4), October 1938, pp. 596-612.
[2] Lazarsfeld, P. F. « The use of panels in social research ». Proceedings of the
American philosophical Society 92 (Nov. 1948), pp 405-510.
[31 Zeisel, H. Say it with figures. New York, Harper and Row, 1957, xxi-257 p.
[4] Lazarsfeld, P. F., Rosenberg, M., Thielens W. « Die Panel-Befragung » in Prak-
tische Sozialforschung, 1952, pp. 169-180.
[5] The language of social research, Lazarsfeld, P. F. Rosenberg, M. editors, Section
III, В (« Panel analysis »), Glencoe-Illinois, The Free Press, 1955, 500 p.
Notamment l'article de Glock, Ch. Y., « Some applications of the panel method to the
study of change », pp. 242-250.
[6] Lepset, S. M. Lazarsfeld, P. F., Barton, A. H., Linz, J. « The psychology of voting:
an analysis of political behavior », Section II ( « Votes in the making. The panel
technique»),
3e éd., 1959. pp. 1150-1164, in G. Lindzey éd., Handbook of social psychology,
Etudes particulières
[7] Glock, C. Y. Participation bias and re-interview effect in panel studies
(Unpublished doctoral dissertation, Col. University), 1950.
[8] Thielens, W. The Eimira mortality. (Manuscrit du Bureau of Applied Social
Research.)
Enquêtes
Etats-Unis
Enquêtes de Lazarsfeld, Berelson et leur équipe :
[9] Berelson, B. Content emphasis, recognition and agreement: an analysis of the role
of communications in determining public opinion. (Unpublished doctoral
dissertation, University of Chicago, 1941.)
[10] Lazarsfeld, Paul, Berelson, Bernard, Gaxjdet, Hazel : The people's choice. How the
voter makes up his mind in a presidential campaign. New York, Columbia
University Press, 1949.
[11] Berelson, Bernard, Lazarsfeld, Paul, McPhee, William : Voting. A study of
opinion formation in a presidential campaign. Chicago, Chicago University Press,
1954.
[12] Dinermann, H. « 1948 votes in the making, a preview ». Public Opinion Quarterly
12 (4), Winter 1948-1949, pp. 585-598.
[13] Kitt, A. Glejcher, D. B. « Determinants of voting behavior » Public Opinion
Quarterly 14 (3), Fall 1950, pp. 393-412.
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Enquête de 1944
[14] Korchin, S. J. Psychological variables in the behavior of voters (Unpublished
doctoral dissertation, Harvard University, 1946).
[15] Zut, R. The effect of the last three weeks of a presidential campaign on the
electorate. (Unpublished master's thesis, Columbia University, 1948.)