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LEURS ARTICULATIONS
Jean-Marc Dupeu
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Processus analytique
Éducation
Introjection
Genèse du psychisme
Adolescence
PROCESSUS ÉDUCATIF
ET PROCESSUS PSYCHANALYTIQUE :
PENSER LEURS ARTICULATIONS1
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 27/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 94.110.0.56)
À Jean Laplanche,
à qui ces réflexions doivent tant.
POSITION DE LA QUESTION
elle prétend tenir les informations complémentaires, quand le matériel n’est pas
réputé directement recueilli par « l’analyste » n’est autre... qu’elle-même. Il n’est
pas anodin de souligner que l’auteur qu’on considère comme la plus attachée à la
stricte distinction de l’analyse et du « pédagogique » élabore sa doctrine à partir
d’une longue observation dans laquelle ces deux niveaux sont strictement indiscer-
nables. Cependant, la gêne du lecteur informé se trouve redoublée par le déni par
lequel l’analyste/mère dissimule cette confusion des registres dans son exposé. Ce
secret préservé sur les conditions exactes du cadre de la « cure » est responsable d’un
second embarras : l’auteur passe en effet sous silence nombre d’informations histori-
ques qu’on considérerait aujourd’hui comme fondamentales pour la compréhension
de la problématique psychopathologique de l’enfant : ainsi du décès de la grand-
mère maternelle (la mère de Melanie Klein) vivant au foyer, quand Fritz/Erich était
âgé de 4 mois, et dont on sait qu’il a été vécu dans la culpabilité par Melanie Klein ;
ainsi encore des graves conflits entre Melanie Klein et son mari, père de Fritz, qui
devaient aboutir, alors que la « cure » de celui-ci n’était pas achevée, à la séparation
définitive du couple... mais aussi à la séparation du jeune patient avec son frère ainé,
Hans, puisque celui-ci sera confié au père.
On voit que, pour le moins, les précautions méthodologiques qui seraient
requises d’une discrimination fine entre les facteurs endogènes et exogènes dans la
constitution du psychisme, ainsi que dans la problématique psychopathologique,
sont ici systématiquement négligées (pour ne pas dire bafouées) et que la surestima-
tion des facteurs purement endogènes, dans la théorie, va de pair, dans la pratique,
avec ce qui ressemble bien à un déni systématique de l’implication subjective, théo-
rique, et éducative de la mère/analyste dans le processus. C’est ainsi que Melanie
Klein néglige de se demander dans quelle mesure les clivages entre les « objets
internes » ne sont pas, largement, déterminés par les conflits, bien réels, entre elle
et le père de Fritz/Erich ! Scotomisation d’autant plus grave que si ceux-ci sont
patents dans ce qui a pu être reconstruit de la vie familiale par les biographes de
Melanie Klein, l’analyste/mère est seule responsable de la conduite de la cure. Dès
lors, loin de pouvoir tenir une position de neutralité dans le conflit parental, il est
clair que l’autorité de l’analyste vient constamment cautionner les positions de la
mère.
508 Jean-Marc Dupeu
lité ». Par là, une assimilation implicite est faite entre réalité
psychique et réalité interne de l’enfant. À l’inverse, une atten-
tion aux facteurs exogènes présidant à la constitution de l’ap-
pareil psychique et du tableau psychopathologique est soup-
çonnée de trahir, de la part du psychanalyste, un intérêt
coupable à l’égard de « la réalité » !
Au cours des fréquents débats que nous avons eus avec
des collègues sur ces questions controversées, il nous est pro-
gressivement apparu que c’est bel et bien cette assimilation
entre réalité psychique et réalité interne à l’enfant qu’il fallait
remettre en question, non seulement d’un point de vue stric-
tement technique, mais plus fondamentalement d’un point de
vue métapsychologique, l’enfant n’étant pas seulement – ce
devrait être un truisme de le rappeler – confronté à la réalité
physique, matérielle, de l’entourage familial, mais aussi (et
surtout) à la réalité psychique (inconsciente autant que cons-
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1. Freud soutient du reste clairement, dans un texte qui intègre sa propre cri-
tique du kleinisme, que « le surmoi de l’enfant ne s’édifie pas, en fait, d’après le
modèle des parents mais d’après le surmoi parental ; il se remplit du même contenu,
il devient porteur de la tradition, de toutes les valeurs à l’épreuve du temps qui se
sont perpétuées de cette manière de génération en génération » [souligné par moi]
(La décomposition de la personnalité psychique, in Nouvelles conférences d’intro-
duction à la psychanalyse, 1933, nouv. trad. franç., Gallimard, 1984, p. 93). Voilà
qui fait justice aux observations, bien naïves parce qu’étrangères à l’investigation
analytique, avancées par les kleiniens à l’encontre du déterminisme exogène de la
constitution du surmoi, sous l’argument que la clinique nous présente fréquemment
– ce qui est en effet avéré – des enfants souffrant d’une symptomatologie manifes-
tant une particulière sévérité du surmoi, alors qu’ils bénéficient d’une éducation nul-
lement répressive, prodiguée par des parents particulièrement souples et tolérants !
C’est confondre la réalité observable des attitudes pédagogiques parentales avec leur
réalité psychique interne (dont le surmoi est l’un des aspects), laquelle se manifeste
par des « messages » largement méconnus de ces derniers et dont la prise en compte
suppose une écoute analytique du parent lui-même ! Remarquons, de surcroît, que
cette mise au point freudienne fondamentale invite à concevoir la constitution du
surmoi du parent sur le même modèle (c’est-à-dire : non pas d’après le modèle de ses
propres parents, mais d’après le surmoi parental... et ainsi de suite !). On a là une
anticipation, particulièrement précise, des conceptions contemporaines faisant
intervenir la notion d’une véritable transmission transgénérationnelle inconsciente : la
dimension inconsciente de la transmission des contenus surmoïques apparentant
ceux-ci à ce que N. Abraham et M. Torok ont décrit comme des cryptes, à
l’intérieur du psychisme, et se transmettant de génération en génération, sans que
ni le transmetteur, ni le récepteur n’en ait conscience – et moins encore l’obser-
vateur naïf (fut-il analyste !) de l’interaction éducative –, ce qui n’empêche pas que
ce soit, pour l’essentiel, à l’occasion de la relation éducative que s’opère la transmis-
sion, selon des voies que seule une authentique investigation analytique peut éclai-
rer ! Ajoutons encore une « complication » : qu’il y ait transmission des contenus
surmoïques n’implique pas l’absence de transformations par l’enfant de ces conte-
nus ! L’alternative à laquelle on voudrait parfois réduire les choses : soit une trans-
Processus éducatif et processus psychanalytique 509
1. Nous en avons la confirmation dans une lettre qu’il adresse, deux ans plus
tard, à Joan Rivière, une des élèves éminentes – et souvent porte-parole – de Melanie
Klein, dans laquelle il reprend très précisément les thèmes de la préface au livre de
August Aichhorn en explicitant cette fois-ci les désaccords avec l’école kleinienne
(qu’il a préféré laisser allusifs dans le texte édité). « Nous posons comme préalable
que l’enfant est un être pulsionnel avec un moi fragile et un surmoi juste en voie de
formation. Chez l’adulte nous travaillons avec l’aide d’un moi affermi. Ferenczi a
fait la remarque pleine d’esprit que si Melanie Klein a raison, il n’y a vraiment plus
d’enfant. Naturellement, c’est l’expérience qui aura le dernier mot. Jusqu’à présent,
ma seule constatation est qu’une analyse sans visée éducative ne fait qu’aggraver
l’état de l’enfant » (lettre à Joan Rivière du 9 octobre 1927).
514 Jean-Marc Dupeu
nel, l’objet de cet examen. Mais le peut-on ? Le moi est le sujet au sens le plus propre,
comment pourrait-il devenir objet ? Il n’y a pas de doute qu’on peut faire cela. Le
moi peut se prendre lui-même comme objet, se traiter comme d’autres objets,
s’observer, se critiquer et faire encore dieu sait quoi avec lui-même » (op. cit., p. 82).
Et plus loin, s’agissant de l’état conscient : « Nous éprouvons le besoin de réviser
fondamentalement notre position sur le problème conscient-inconscient. D’abord,
nous sommes enclins à bien diminuer la valeur du critère de l’état conscient, puis-
qu’il s’est montré si peu sûr. Nous aurions tort [souligné par moi]. Il en va comme de
notre vie : elle ne vaut pas grand chose, mais c’est tout ce que nous avons. Sans le
flambeau de la qualité du conscient nous serions perdus dans l’obscurité de la psy-
chologie des profondeurs » (ibid., p. 97-98).
1. « Vous devinez facilement quelle aide importante pour la compréhension du
comportement social de l’être humain, par exemple pour la compréhension de
l’abandon affectif [Verwahrlosung] et peut-être aussi quelles indications pratiques
pour l’éducation résultent de la prise en considération du surmoi » (op. cit., p. 94).
Processus éducatif et processus psychanalytique 517
PROLONGEMENTS
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1. « Les meilleurs maîtres sont les vrais homosexuels qui ont réellement cette
attitude d’aimable bienveillance envers leurs élèves. Mais si un maître à l’homo-
sexualité réprimée est confronté avec cette exigence, il devient sadique envers ses
élèves ; ces maîtres haïssent et persécutent les enfants parce qu’ils ont ces “exigences
sexuelles”, irritant par là la sexualité des maîtres. Tout comme les homosexuels sont
les meilleurs maîtres, les homosexuels refoulés sont les pires et les plus sévères » (Les
premiers psychanalystes. Minutes (II) de la Société psychanalytique de Vienne, trad.
franç., Paris, Gallimard, 1978, Séance du 20 avril 1910, p. 482-483.
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Sandor Ferenczi
Jean Laplanche
J’en arrive à l’examen de la pensée de Jean Laplanche,
envers laquelle ma dette est considérable. Cet auteur a en
effet été amené, à partir d’une relecture patiente et obstinée
de l’œuvre freudienne, à réhabiliter une théorie « élargie » de
la séduction, dont il a montré que l’abandon par Freud a eu la
LA TÂCHE PRATIQUE.
RÉFLEXIONS SUR LA SORTIE DE L’ADOLESCENCE