Sunteți pe pagina 1din 9

Correction dissertation Rylance

Sujet : Mark Rylance écrit : " Ceux dont j'admire le génie ne sont pas ceux qui connaissent les
réponses mais ceux qui ont la force de vivre avec le doute, la curiosité d'affronter une multitude
de questions.". En quoi cette formule éclaire-t-elle votre lecture des trois œuvres du programme
?

Rappels formels
-On ne fait pas de paragraphes en Introduction
-On saute des lignes uniquement entre l’Introduction et le I, le I et le II, le II et le III, le III et la
conclusion. Les transitions doivent figurer à la fin du I et II sans sauter de ligne avant elles.
-Soulignez à la règle les titres des œuvres, sans guillemets, et rien d’autre.
-Commencez obligatoirement tout paragraphe par un retrait de deux ou trois carreaux.
-Attention à l’orthographe des noms d’auteur et aux majuscules dans les titres des œuvres (cette
année c’est simple, il y en partout).
-Ne faites pas de copies-fleuves. Pour les écritures normales, deux feuilles doubles suffisent
(pour les autres 2,5 maximum) ; les copies trop longues risquent d’irriter le correcteur (pas moi,
aux concours…).

Remarques générales
-Citez ABSOLUMENT une partie du sujet (celle que vous allez traiter dans le paragraphe) au
début de chaque paragraphe et entre guillemets pour convaincre le correcteur que vous essayez
bien de traiter le sujet du jour, et ce dans les I, II et III.
-Terminez l’introduction par une seule question directe et claire, qui peut figurer à l’identique
à la fin du II pour mieux guider le correcteur dans sa lecture.
-Ensemble souvent insuffisant dans l’analyse du sujet : il faut analyser tout le sujet (mieux vaut
trop que pas assez), c’est ce qu’aide à faire la citation d’un fragment du sujet, dans une vraie
phrase, au début de chaque paragraphe.
-Pour autant ne dites pas tout tout de suite. Par exemple ici, si dès le I vous reliez le doute à la
construction de soi, ce que le sujet n’évoque pas directement, vous n’aurez plus rien à dire par
la suite en III.
-La critique doit passer en revue tous les aspects possibles du I susceptibles d’être contredits
par certains aspects (mais pas par tout le texte) des trois œuvres. Nuancez toutes vos parties
pour ne pas tomber dans l’auto-contradiction (le II n’est pas une antithèse mais une étude des
limites de la thèse).
-Le III pose toujours problème, je vous recommande de lire les deux excellentes copies que je
joins au corrigé, pour vous faire une idée de ce que cela peut donner. Pour rappel si vous avez
du mal, faites d’abord calmement l’analyse critique pour laisser « émerger » peu à peu une autre
question (la problématique) à la fin de la rédaction de ces deux parties. Ne vous imposez pas
d’avoir le plan complet de votre devoir avant de commencer à le rédiger. Faites cependant
attention à bien gérer votre temps.
-Rappel : les trois œuvres doivent être citées dans chaque grande partie. Un exemple développé
par paragraphe suffit mais mentionnez dans le même paragraphe un second exemple de façon
plus allusive (mais pas trop) à la fin du paragraphe. Essayez aussi de citer un peu plus
précisément les textes, en particulier quand les devoirs sont à faire chez vous. On ne vous
demande pas trop de citations précises, mais plus il y en a mieux c’est.

1
Introduction
-Accroche (Camus, Cioran, ne citez JAMAIS l’un des trois auteurs en accroche (convention)
-Sujet
-Explicitation : Parmi les difficultés nombreuses que la vie propose et qui sont susceptibles
d’entraver la force de vivre, l’absence de sens et de certitudes concernant cette vie que nous
avons à mener est l’une des plus difficiles à supporter et à surmonter. Malheurs et catastrophes
sont souvent vécus comme incompréhensibles et dès lors d’autant plus perçus comme injustes
et douloureux. Selon Rylance cela ne doit cependant pas nous pousser dans les bras de fausses
réponses ou de fausses certitudes, les « plus admirables », les plus remarquables étant les
individus capables d’accepter le doute, les limites du savoir, voire le non-savoir, en maintenant
une curiosité qui ne se satisfait pas de réponses préconçues et les interroge inlassablement. C’est
cette forme de « génie » sceptique qui selon lui aide le mieux à vivre en ce qu’il apporte un
lucidité qui libère l’homme des fausses consolations. (Explicitation-I)
-Limites : Cette thèse est cependant assez radicale et néglige peut-être le fait que le doute lui-
même ou l’absence de réponses puissent parfois créer un désespoir et non aider à vivre dans
tous les cas. Ne pas douter, ne pas même questionner voire penser peut alors parfois apparaître
comme une sage solution, au moins momentanée. Par ailleurs l’existence n’est heureusement
pas sans offrir parfois certaines formes de certitudes voire de connaissances qui aident à mieux
vivre. (Limites-II)
-Problématisation : La conception de Rylance présente enfin surtout le doute comme le
contraire de la certitude. Il semblerait que ce lien puisse être remis en cause : les plus
« admirables » ne sont-ils pas ceux chez qui le doute, au lieu de causer une forme de résignation
ou de désespoir, conduit à l’élaboration de ses propres réponses et certitudes existentielles ? La
certitude peut-elle se passer d’un doute initial pour étayer la force de vivre ? (Problématique
et III)

I : Le courage du doute

1 : Difficultés du doute
-Partie difficile : il ne faut pas souligner à l’excès le caractère insupportable du doute, sinon
vous aurez du mal à justifier ensuite pourquoi Rylance en fait l’éloge ; il faut souligner qu’il est
difficilement supportable parfois, mais surtout pas ici qu’il est parfois insupportable tout court,
idée qui relève du II ; Il y a un « entre-deux » difficile à trouver mais nécessaire.
-Rylance suppose qu’il faut de « la force » pour « vivre avec le doute ». C’est suggérer que le
doute, l’incertitude, l’absence de réponses claires aux multiples questions que l’existence peut
amener à présenter est difficile à vivre. Trois grandes questions canoniques ont été définies par
Kant : Que puis-je savoir? (Les fondements de la connaissance et le problème de la causalité
naturelle : Critique de la raison pure), Que dois-je faire? (Les fondements de la morale et le
problème de la liberté humaine : Critique de la raison pratique), Que m'est-il permis d'espérer?
(Critique de la faculté de juger). On peut y rajouter la question de l’origine de la vie et surtout
celle du mal dans le monde sous toutes ses formes (mort, maladie, violence, guerres, injustices).
-Hugo ne comprend pas dans un premier temps la mort de sa fille, et le vit de façon très
douloureuse dans une complainte qui rappelle celle de Job.
-Les voix d’Alexievitch qui multiplient les questions (points d’interrogations récurrents) le font
souvent de manière douloureuse, suggérant que la question est au fond moins problématique
que l’absence de réponse.
-Nietzsche souligne que les êtres qu’il décrit comme « faibles, les « penseurs malades » ne
supportent pas le doute, lui-même, pourtant esprit libre et fort, ayant été tenté par les certitudes,
et l’étant encore parfois à son grand désarroi (cf cours).

2
-Une explication possible de ce phénomène est notre nature (au moins partielle) de « res
cogitans » (« chose pensante », Descartes) qui réclame des certitudes et des vérités à tout prix.
Or l’existence ne fournit pas toujours de fait ces réponses et ces certitudes ; Tchernobyl reste
« un mystère » ; pourquoi Léopoldine a-t-elle disparu si jeune et si vertueuse, pourquoi un esprit
fort est-il condamné à a douleur dans le cas de Nietzsche ? Autant de constats d’une « impasse »
fréquente de la raison, pour beaucoup douloureuse qu’on peut et qu’on doit pourtant bien
affronter selon Rylance pour vivre une vie réelle et non chimérique.

2 : La tentation des certitudes illusoires


-Ici difficulté à nouveau : il ne faut pas trop insister sur la caractère consolatoire réel, effectif et
efficace des certitudes, ce qui relève du II, il faut montrer en I que selon Rylance ces certitudes
offrent de fausses et inefficaces consolations.
- « Ceux dont j'admire le génie ne sont pas ceux qui connaissent les réponses » affirme
Rylance. En effet à ses yeux au vu de l’opacité du monde, de la vie et de leurs mystères, la
certitude est pour la plus grande part une illusion.
-Ici il faut absolument évoquer la critique du concept de « vérité » à propos de la vie que
Nietzsche développe dans Le Gai Savoir. Pour Nietzsche, les « penseurs malades » ne
supportant pas le doute lié au sens de l’existence ont construit d’abord pour eux un système
métaphysique consolant, rassurant, qui leur a peut-être permis à eux de survivre tant bien que
mal (plutôt mal au vu de leur « faiblesse » native), fait de vérités (les Idées de Platon, les dieux
païens ou le Dieu des monothéistes). Ces certitudes d’abord individuelles ont connu selon lui
un succès destructeur puisque prétendant aider les hommes à vivre elles entravent au contraire
en réalité leur « force de vivre », ce qui n’a rien d’admirable mais tout de néfaste. Celui qui
invente un système de vérités qui expliquent tout (les métaphysiciens) ou une religion qui
promet un bonheur éternel après la vie (les « prêtres » ou « les théologiens » chez Nietzsche) le
font au détriment de la vie selon Nietzsche, en apprenant aux hommes non à l’aimer mais à la
haïr, puisque les modèles de vie déduits de ces « réponses »-vérités conduisent les hommes à
se nier, à réprimer leurs instincts et leurs passions, à vivre contre leur nature et contre la vie
elle-même. Ce sont donc des « réponses plus fatales que « géniales ».
-Alexievitch dénonce le même danger des réponses toutes faites que l’idéologie soviétique a
prétendu offrir aux hommes pendant plus d’un demi-siècle. Au lieu d’aider les hommes à bien
vivre, elle les a poussés à négliger leur bonheur individuel, à se sacrifier pour l’Etat au nom
d’un idéal qui s’effondre et révèle sa vacuité et ses mensonges au moment de la catastrophe de
Tchernobyl qui agit comme un formidable révélateur des dangers des réponses ici
« idéologiques ». Certains se réfugient même dans la réponse du déni qui consiste à cesser de
douter en cessant de penser (les vieillards ou proscrits de la zone de Tchernobyl) ou du
« divertissement » qui détourne du doute, comme le « travail » économiquement productif,
nouvelle valeur reine du monde moderne dénoncée par Nietzsche.
-Hugo pour sa part même si cela ne dure qu’un temps souffre atrocement du décalage entre la
promesse chrétienne du bonheur à trouver dans la vertu quand il s’adresse à Dieu sur le ton du
reproche au début du livre IV, observant que les promesses ne semblent pas tenues et que
l’homme juste n’est pas récompensé à sa juste mesure. Hugo lui-même se réfugie alors dans
une autre forme de réponse illusoire en refusant par instants la mort de sa fille, lorsqu’il
l’imagine encore présente.
-Ces réponses n’auraient donc rien d’admirables, elles seraient la voie de la facilité, qui occulte
la réalité de l’existence, apporte d’insuffisantes et illusoires consolations, ainsi que des
promesses finalement néfastes à la vie.

3
3: L’admiration pour le « génie » des lucides sceptiques
-Rylance déclare du coup qu’il faut admirer : « ceux qui ont la force de vivre avec le doute,
la curiosité d'affronter une multitude de questions. ». La lucidité du doute est ainsi
admirable non au sens sacrificiel, du martyr stérile, mais en ce qu’elle est selon lui la seule voie
pour moins souffrir de l’existence.
-La structure diffractée des trois textes est un très bon marqueur de cette nécessité du doute :
pas de traité systématique et linéaire apportant une réponse définitive à la question du « vivre »,
mais un déroutant ensemble disparate, parfois incomplet, polyphonique qui souligne la
difficulté de trouver des vérités universelles et éternelles. La « forme » elle-même « éclatée »
des textes est une forme « sceptique » (=qui doute).
-Nietzsche manifeste ainsi une forme d’admiration pour Socrate à l’exclusion de ses derniers
instants, penseur qui eut le courage de remettre toutes les opinions (fausses réponses) en cause,
lui qui affirmait que tout ce qu’il savait était qu’il ne savait rien. Il rend de même hommage à
la démarche (mais non au résultat, trop « métaphysique » et rationaliste à ses yeux) de Descartes
en inversant la célèbre formule : « sum, ergo cogito » au lieu de « cogito ergo sum » qui ici lui
succède. On vit puis on pense, on pense parce qu’on vit et on doit penser à partir de ce qu’on
vit selon Nietzsche qui déclare être « de la dynamite », destiné qu’il se pense à abattre toutes
les fausses idoles de la certitude, tel « Dieu » qui selon lui est mort en plus de ne pas exister, ou
la « vérité », pure chimère en ce qui concerne la vie (cela ne concerne pas les vérités
scientifiques auxquelles Nietzsche ne s’attaque bien sûr pas à travers ce terme dans son œuvre).
Il faut avoir le courage de penser par soi-même, « esprit libre » et « esprit fort », en se
confrontant aux énigmes de l’existence. Nietzsche est ainsi le précurseur des penseurs de
l’absurde du XX siècle comme Camus, qui considèrent qu’il n’y a dans l’existence ni vérité
e

préexistante (pas de vie-type à mener) ni sens global et clair de l’existence (ici Kant peut servir
pour expliquer les limites de l’esprit humain vis-à-vis de questions qui dépassent les structures
de sa pensée). Vivre bien passe donc d’abord par accepter les limites de la pensée rationnelle.
-Rylance va plus loin que cette seule acceptation du doute et évoque « la curiosité d'affronter
une multitude de questions ». Le doute permet non pas d’apporter des réponses parfaites (on
retomberait alors dans les pièges évoqués en I, 2) mais de mieux comprendre sa nature, en
particulier limitée (du point de vue des capacités de connaissance, nous rêvons d’un savoir
universel qui nous est peut-être impossible), et passionnelle : chez Nietzsche l’acceptation du
doute, des questions, voire des contradictions est fondamentale car elle est la condition première
pour commencer à se penser réellement soi-même et non à essayer d’analyser un être imaginaire
pour lequel on chercherait des réponses tout aussi imaginaires. En se connaissant tel qu’il est
réellement l’homme renoue avec lui-même, peut envisager de cesser de vivre contre lui-même,
la force de vivre voit tomber une première barrière permise par cette « curiosité » qui lui révèle
sa vraie nature.
ICI il faut s’arrêter et surtout ne pas dire que douter permet de se construire, sinon le III
devient impossible.
-La même nécessité du doute est évoquée par Nietzsche à propos des Stoïciens qui s’exercent
à « endurer » le monde, ses douleurs et ses énigmes en faisant l’hypothèse que l’acceptation du
monde (du moins en ce qui concerne ce qui ne relève pas de nous) est la seule voie qui ouvre à
une vie réelle et non fantasmée, le fantasme conduisant nécessaire au malheur provoqué par le
décalage entre la vie rêvée (sans doute ni douleur) et la vie réelle.
-Le doute est aussi nécessaire chez Alexievitch au sens où il permet enfin de s’affranchir des
mensonges et des illusions aliénantes de l’idéologie soviétique. S’interroger c’est déjà se
réapproprier une pensée propre, s’affirmer comme individu dans un système qui cherche à la
nier et l’étouffer. Il ne guérit pas toutes les blessures mais il est une revendication de liberté de
pensée « admirable » et déjà plus saine. On le voit avec le directeur du Musée qui trouve dans

4
cette lucidité critique (montrer tout ce que le régime a voulu cacher) une raison et une force de
vivre. Dans le cas d’Alexievitch, le doute se prolonge en « curiosité » qui permet non pas encore
d’élucider totalement le « mystère » de Tchernobyl mais d’en repousser les limites de
l’inconnaissable. Douter c’est alors parfois aussi ce qui permet de connaître ou comprendre un
peu mieux et souffrir un peu moins.
-La même idée de liberté émancipatrice se retrouve chez Hugo qui affirme que le doute,
l’incertitude, en particulier à propos de Dieu, nous rend libres ; si l’existence de Dieu relevait
d’un savoir, il n’y aurait aucun mérite à placer sa confiance en Dieu. Le doute est ainsi pour lui
une saine et nécessaire mise à l’épreuve de l’homme. Comme chez Alexievitch le doute se
prolonge également chez lui en une curiosité vertueuse et apaisante, qui ne résout pas tout (le
doute persiste à la fin des Contemplations, mais a permis un vrai questionnement intérieur et
une avancée vers un peu plus de lumière.

Tr : L’homme rêve intuitivement de réponses que la vie ne peut pas toujours lui apporter
d’après Rylance ; il conviendrait de cultiver le doute et l’interrogation pour mieux vivre ou du
moins vivre réellement. Cette posture sceptique et questionnante est-elle cependant toujours
supportable et toujours nécessaire ?

II : Vertu des réponses

1 : Un doute parfois tragique


Pour Rylance, le « doute » est éprouvant pour la force de vivre mais nécessaire. Pourtant il est
également parfois (on ne se contredit pas, on ne réfute pas le I, on nuance, on « modalise »)
tragique, aporétique (=qui conduit à une impasse) au sens où l’homme privé de certitudes et en
proie à un questionnement permanent peut en l’absence de réponse se voir réduit au désespoir.
-Nietzsche évoque cette vie « sans espoir » qu’il n’est pas parvenu à comprendre jusqu’à la
naissance du Gai Savoir, vie d’hiver, de glaciation, de pure souffrance où l’incertitude à propos
des grandes questions existentielles a pu l’éprouver profondément. Il est parfois repris par le
démon tentateur de la certitude, qui mine même les esprits les plus aguerris au doute : la volonté
de savoir, de connaître semble aussi propre à l’homme que son incapacité à y parvenir
entièrement. Douter c’est donc aussi lutter douloureusement contre une partie de soi, une
aspiration profonde et naturelle de son être intime « rationnel ».
-Hugo dans la première phase de deuil sombre dans un désespoir qu’il ressent comme tragique
et sans issue, aspirant par moments au même anéantissement que celui qui s’est abattu sur sa
fille et son gendre. La tentation de la mort et du suicide face au non-sens du monde, à l’absence
de certitudes est une possibilité qu’il envisage au détour de certains poèmes les plus sombres,
ce que l’on retrouve même sous forme de question ouverte chez Nietzsche à propos de sa propre
mort future.
-Chez Alexievitch, si certains parviennent à vivre avec ce doute inévitable, d’autres n’y arrivent
pas et choisissent la mort, plusieurs cas de suicide sont évoqués dans le texte. L’absence de
réponse, ou le constat que l’on s’est trompé toute sa vie, l’effondrement des fausses réponses
équivaut alors à une condamnation à mort qui terrasse la force de vivre au lieu de la renforcer.
Alexievitch y consacrera d’ailleurs un ouvrage (Ensorcelés par la mort, 1995).

2 : Le baume des certitudes


-Dans ces conditions, la certitude peut avoir ceci d’« admirable » qu’elle est la seule à
permettre parfois de continuer à vivre quand le doute ou le questionnement permanents
saperaient irrémédiablement « la confiance en la vie » et la force de vivre.

5
-Déni et divertissement dans lesquels on cesse de douter et de penser peuvent parfois détruire
ou empêcher de vivre vraiment (I), mais aussi parfois sauver (II). Les visions de Hugo qui
ressuscitent la présence de sa fille, ou le déni obstiné des vieillards restés près de Tchernobyl
ne conduisent certes pas à un bonheur absolu mais c’est ici le manque de lucidité qui sauve du
désespoir ; l’absence de doute a donc parfois de paradoxales vertus, elle est certes la voie la
plus aisée mais n’est pas le plus souvent une voie délibérée ; le déni est le plus souvent
inconscient (on ne parle pas ici du coupable déni volontaire du gouvernement soviétique) et
constitue peut-être même parfois un ultime ressort (quand plus rien d’autre n’est possible) de
la force de vivre, alors admirable dans ce dernier effort d’occultation qu’elle parvient à effectuer
pour se cacher à elle-même les incertitudes du présent et de l’avenir comme dans le cas de ces
vieilles femmes qui finissent leurs jours dans la zone contaminée de façon peut-être plus apaisée
que les populations déplacées mais jamais intégrées partout ailleurs.
-La certitude peut même avoir des vertus quand elle est fausse ; c’est ce que concède à demi-
mots Nietzsche dans le cas des « esprits faibles » ; au vu de leur force de vivre initialement
minime, c’est le seul moyen dont ils ont disposé pour survivre ; certes ce n’est pas une vie
pleine et épanouie mais là encore il y a parfois une dimension admirable (on peut plaindre et
admirer en même temps) chez celui qui parvient à créer un système explicatif, très
probablement selon Nietzsche imaginaire mais qui lui est profondément nécessaire. Il reproche
surtout à ces penseurs malades d’avoir contaminé et affaibli l’humanité « forte » par ces fausses
certitudes, plus que de les avoir inventées pour eux-mêmes, qui n’ont après tout fait avec leurs
moyens que ce que lui-même invitera les forts à faire avec les leurs (cf III) : s’inventer une
réponse qui aide à vivre. Parvenir à sauver sa propre vie du désespoir grâce à des réponses
factices mais auxquelles on parvient à croire, n’est-ce pas en un sens digne de respect, à défaut
d’admiration ? Nietzsche est le premier à déclarer dans Le Gai Savoir qu’une pensée ne s’évalue
pas à sa « vérité » mais à son « efficacité » pour celui qui la porte ; force est de reconnaître que
les vérités, même factices, même hypothétiquement mensongères, ne détruisent pas toujours
mais aident parfois à vivre.
-Hugo adopte d’ailleurs dans les livres IV et V des Contemplations une stratégie comparable ;
après la phase du doute qui lui est manifestement insupportable et invivable lorsqu’il essaie de
vivre en s’y confrontant, il adhère une métaphysique syncrétique (qui mélange les religions)
qui lui tient lieu de consolation et grâce à laquelle il va parvenir à régénérer peu à peu sa force
de vivre. Attention : ne pas dire ici qu’il crée ce système ; à réserver au III. Il se remet « En
marche » et reprend le cours d’une existence longtemps rendue inerte par le chagrin d’une part
(sensibilité) mais aussi par l’incompréhension (raison). Ce qu’on ne comprend pas est toujours
plus difficile à supporter et à vivre ; si Rylance invite à accepter cette incompréhension, d’autres
ne survivent qu’en acceptant des réponses exogènes qui les aident à aller de l’avant.

3 : La possibilité des certitudes


Rylance semble voir la vie comme un cheminement perpétuel au sein du « doute » et de la
« multitude de questions ». Du moins il faudrait la tenir pour telle au vu de la limitation de
l’homme en ce qui concerne ses capacités à comprendre le chaos de son existence. Pourtant un
certain nombre de certitudes semblent parfois émerger grâce à cette « curiosité » qu’il évoque
lui-même. Le scepticisme a ses limites, même chez les plus grands sceptiques.
-On le voit chez Nietzsche (idée remarquable trouvée dans une des deux copies mises en ligne)
qui en effet, tout en invitant à tout questionner, parle bien d’un Gai Savoir et non d’un « Gai
Doute ». Ce « savoir », cette « certitude » (on évitera le terme de vérité qu’il faut bannir du
champ de ce que Nietzsche accepte) est certes formel concernent la nécessité d’une
introspection approfondie accompagnée d’un acquiescement à la vie indispensables à
l’existence ; Nietzsche invite à un doute, mais à un doute qui finalement « dit oui », qui ne

6
conteste pas par principe mais qui interroge le sens donné abusivement aux événements ; l’une
des seules certitudes du Gai Savoir, le pilier de la propédeutique de Nietzsche réside donc dans
la nécessité de cette connaissance approfondie de soi et de l’acceptation de ce « moi » que l’on
découvre après l’avoir débarrassé des préjugés, des fausses vérités, des fausses certitudes que
Nietzsche ne nous invite pas à remplacer par un scepticisme ou nihilisme absolus (où rien ne
serait certain) mais par une recherche de certitudes valables et utiles pour soi (ce qui est différent
d’une vérité, à vocation plus universelle). Il va même jusqu’à valoriser les « habitudes », à
condition qu’elles ne soient pas durables, et déclare qu’une vie faite d’improvisation
permanente (d’incertitude du lendemain) serait son pire cauchemar.
-Hugo adhère lui aussi à un certain nombre de certitudes, certaines théologiques (le mysticisme
syncrétique évoqué précédemment), d’autres sont des valeurs plus universelles et qui
s’inscriront dans le temps, de moins en moins contestées par les hommes, la nécessité de
défendre le genre humain, de développer les valeurs de liberté, égalité et fraternité sur lesquelles
se clôt par exemple le livre V.
-Chez Alexievitch également le doute coexiste avec la nécessaire présence de ce que l’on devine
être aux yeux de l’auteur certaines « vérités » : elle n’a pas écrit La Supplication pour défendre
l’idée que toutes les opinions ou toutes les certitudes se valent, c’est bien pour dénoncer les
déviations politiques et idéologiques du régime soviétique, les transgressions de l’homme à
l’égard de la nature et des autres hommes qu’elle compose son ouvrage ; il y a plusieurs
opinions qui s’expriment mais le sens global/la certitude qui émerge est bien que certains vivent
dans l’erreur ou le déni et d’autres dans une vérité plus réfléchie et plus authentique.

Tr : Douter de tout ou chercher avidement des certitudes ? On voit qu’il est difficile de trancher
et il faut peut-être changer d’approche pour savoir qui admirer le plus. Le doute, au lieu d’être
l’antonyme, le contraire de la certitude ne pourrait-il pas en être le socle, la condition ? Les plus
« admirables » ne seraient-ils pas ceux chez qui le doute, au lieu de causer une forme de
résignation ou de désespoir, conduit à l’élaboration de ses propres réponses et certitudes
existentielles ? La certitude peut-elle se passer du doute initial pour étayer la force de vivre ?

III : Le doute comme condition de l’élaboration de sa propre réponse

1 : Le doute et la force de vivre


" Ceux dont j'admire le génie ne sont pas ceux qui connaissent les réponses mais ceux qui
ont la force de vivre avec le doute, la curiosité d'affronter une multitude de questions.".
Le doute, comme le dieu « Janus » mentionné par Nietzsche, « bifrons », à deux faces, peut
donc, on l’a vu, soit aider, soit détruire, ce que Rylance lui-même suggère lorsqu’il mentionne
la nécessité d’une « force » pour parvenir à le supporter ; il convenait malgré tout de rappeler
qu’il pouvait faire plus de ravages que n’en suggère la formule de Rylance ; tous ne parviennent
pas à trouver ces fameuses réponses, et ne supportant pas le doute perdent la force de vivre.
-Tout semble donc lié à l’ effet qu’il produit sur celui qui y est en proie. C’est dans ce cadre
que Nietzsche distingue donc les « esprits forts » et les « esprits faibles » ; les faibles ne peuvent
se passer des réponses et les forts doivent cultiver le doute. Le doute est donc lui aussi
« bifrons » concernant la force de vivre, qu’il sert ou dessert selon des circonstances que
l’homme doit s’attacher à bien identifier pour vivre le moins douloureusement possible.
-Chez Alexievitch le doute sert à chacun à opérer une forme de distinction quasi stoïcienne
entre ce qui dépend de soi et que l’on peut espérer comprendre, et ce à quoi il faut renoncer car
dépassant l’homme. Le doute ne conduit pas à la certitude mais fait régresser au moins
partiellement l’incertitude, ce qui donne à certaines voix, on le devine la force d’aller de l’avant.

7
2 : Le doute créateur
-Nous avons vu en I que la multitude de questions pouvait pousser l’homme sur la voie de la
recherche de la vérité. Il s’agit alors d’un doute qui pourrait permettre parfois de trouver une
ou des vérités. C’est le sens (exceptionnel) que le doute a chez Nietzsche sur ce point lorsqu’il
s’écrie « Vive la physique ». Le doute fonde une méthode expérimentale qui révolutionne les
sciences. Le tort des hommes a consisté à vouloir étendre ce concept à la vie, qui selon
Nietzsche (selon nos trois sauteurs en réalité) épouse un devenir héraclitéen, « tout coule ».
-Au-delà de cette « découverte » d’une forme de vérité qui peut découler d’un doute initial, il
arrive que le doute ait une dimension plus proprement créatrice. Nous avons dit en II qu’Hugo
se consolait en adhérant à une certitude religieuse, il convient de souligner ici (et pas avant)
qu’il est lui-même l’auteur de ce système syncrétique qu’il défend de façon de plus en plus
théorique (particulièrement au livre VI, hors programme mais dont la connaissance sera
indispensable, dans « Ce que dit la bouche d’ombre »). La remise « en marche » d’Hugo voit
donc se succéder le doute et non la découverte mais la création d’une réponse métaphysique
utile pour lui dans ses souffrances du moment, il n’y a pas seulement un lien de succession
chronologique, mais un lien profondément logique qui imite le canevas du Livre de Job. C’est
parce qu’il est mis à l’épreuve du doute qu’Hugo peut triompher de ce que Spinoza appelle les
« passions tristes », qui nous amoindrissent, la colère, la haine, le sentiment d’injustice, et qu’il
parvient par le biais de cette mise à l’épreuve rédemptrice à triompher de la part sombre de lui-
même et, du moins il l’espère, à attendre un bonheur supposé succéder à la mort physique. Non
seulement le doute ne détruit pas, il ébranle sans abattre, il n’empêche pas la certitude
d’apparaître, mais il est le socle, le pilier fondateur qui permet la naissance d’une confiance
renouvelée, d’une « fides », d’une foi en un Dieu tout personnel, certitude qui sauve Hugo du
pire.

3 : Le doute comme pilier de la connaissance et de la construction de soi


-Ce qui est extérieur chez Hugo (le doute conduit à la connaissance de Dieu, ou du moins à des
certitudes à propos de Dieu) est plus intérieur chez Nietzsche qui est celui qui accorde le plus
grand pouvoir démiurgique (=créateur) au « doute » et à la « multitude de questions ». On l’a
vu en II, le doute fonde la remise en cause des valeurs établies ; celui veut « penser à coups de
marteau », se pense « dynamite », ne veut recourir au doute que pour pousser l’individu, chaque
individu, à plonger en lui-même pour connaître sa nature intime, faite de pulsions en lutte, afin
de voir laquelle l’emporte réellement ; jusqu’ici il s’agit simplement de fonder à partir du doute
une certitude et non une vérité universelle à propos de l’homme, mais cette certitude devient
une « réponse » admirable lorsque l’homme met tout en œuvre pour actualiser cette passion
dominante, laisser libre cours à sa volonté de puissance pour devenir un « surhomme », c’est-
à-dire pleinement « devenir ce qu’il est ». Le doute est donc fondateur, condition d’une
certitude sur soi-même, qui elle-même est fondatrice chez les hommes forts d’une construction
de soi. Le doute est donc paradoxalement la seule manière de devenir soi-même avec certitude,
réponse ultime et à chaque fois singulière aux mystères de la vie qui par ailleurs n’auront de
cesse de se renouveler, l’individu nietzschéen ne se figeant jamais dans un être définitif mais
se remettant toujours en cause, fuyant les habitudes longues : la seule certitude c’est qu’il faut
douter de soi, vivre en « artistes » dira Nietzsche, en créant et recréant sans cesse grâce à un
doute permanent mais ici salvateur qui guide dans les troubles du devenir. Pour être sûr de soi
(avoir confiance en la vie), il faut douter en permanence, de soi, de la vie et des modèles qu’elle
nous propose. Pensée du paradoxe encore et toujours.

8
Conclusion
-Bref récapitulatif.
-Sujet sur le degré de certitude auquel on peut parvenir dans l’existence et sur l’effet, bon ou
mauvais, que l’incertitude manifeste d’une partie au moins de la vie nous impose. La question
est donc moins : le doute nous autorise-t-il malgré tout à déployer notre force de vivre (I/II),
que : le doute ne serait-il pas la condition pour que nous inventions nos propres réponses aux
questions nées de la vie, rarement affrontées et pourtant indispensables pour la bien vivre.

S-ar putea să vă placă și