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A la mémoire de mon père et, à travers lui à tous ceux dont la souffrance ne

les a pas empêchés d’avancer dignement

Au souvenir des aubes glaciales de ma mère sans qui je n’aurais connu ni la

beauté des lettres, ni le pouvoir des mots

A ma famille

A mes compagnons à qui je dois le rêve d’un monde meilleur

Aux Professeurs T. BACCOUCHE & S. MEJRI qui m’ont donné accès aux

senteurs de la mémoire d’un peuple et à travers eux à toute l’équipe de l’Atlas

Linguistique de Tunisie

Particulièrement, à M. S. MEJRI qui a aiguisé en moi le sens de la

responsabilité, l’amour du travail et la persévérance

A M. B. BOSREDON, mon directeur de thèse, pour son aide fructueuse et

pour sa patience

A tous mes élèves, mes étudiants et mes collègues là où ils sont et là où je viens

de passer.

1
Table des matières

Introduction…………………………………………………………………….. …...9
Première partie : La théorie du stéréotype dans la sémantique lexicale…… …29
Premier chapitre – Le stéréotype : foyers et identité(s)………………… …31
1- Le trait stéréotypique comme composant d’un vecteur dans la
représentation sémantique des noms……………………………. …31
1-1-Le stéréotype………………………………………………… …33
1-2-Le marqueur sémantique…………………………………… …37
1-3- L’extension …………………………………………………. …40
2- Du mot au syntagme et du trait à la phrase stéréotypique……… …43
3- L’expression stéréotypique, une catégorie des séquences figées ? …58
Deuxième chapitre- Le stéréotype et les enjeux de la normativité ……. …61
1- Le stéréotype entre fixation et variation…………………………. …61
2- Stéréotype et généricité……………………………………………. …68
3- Du dictionnaire en général à la définition en particulier : saisie
du stéréotype et problèmes de sens………………………………. …74
Troisième chapitre- Théories des stéréotypes et sémantique
contemporaine : enjeux d’un ancrage
épistémique controversé………………………… …86
1- A propos de la notion de « représentation » et de la corrélation
intension/extension………………………………………………….. …87
2- L’aréférencialité…………………………………………………… …97
2-1- Démonstration logique de l’indexicalité ou l’histoire des
« mondes possibles » qui ne sont pas possibles…………… …99
2-2- Indexicalité et déictiques…………………………………… ..105
2-3- Rigidité et chaîne causale………………………………….. ..109
3- Le holisme de la signification……………………………………. ..113
Deuxième partie : Stéréotype et notions apparentées………………………. ..119
Premier chapitre-Stéréotypie et prototypie……………………………. ..120
1-(les) théorie(s) du prototype ……………………………………….. . ..121
1-1 La théorie originelle du prototype …………………………. ..121
1-2 Le prototype comme conjonction de propriétés typiques…. ..123
1-3 la version étendue du prototype…………………………….. ..128
2- Rapprochements et distinctions entre le prototype et le stéréotype... ..133
2-1 Les rapprochements ………………………………………… ..134
2-2 Les différences ………………………………………………... ..137
3- Stéréotype et prototype : pourquoi faut-il les distinguer ?………… ..143
3-1 Stéréotypie, centralité prototypique et appartenance
catégorielle …………………………………………………… ..143
3-2 Stéréotypie, prototypie et hiérarchie verticale du lexique …. ..150
3-3 Représentation catégorielle prototypique et représentation
stéréotypique ………………………………………………… ..154
Deuxième chapitre- Champ stéréotypique de la signification et
théories linguistiques ……………………………… ..158
1 -la théorie des topoï …………………………………………………. ..158
1-1- Les topoï dans la version standard …………………………. ..161
1-2- La théorie des blocs argumentatifs ………………………… ..169
2- Connotation et traits virtuels ………………………………………. ..178
3- Les sèmes afférents ………………………………………………… ..193

3
3-1 Sèmes inhérents vs sèmes afférents …………………………. ..194
3-2 Les sèmes afférents socialement codés et les sèmes afférents
contextuels …………………………………………………… ..199
3-3 Quelques implications théoriques de l'inhérence et de
l'afférence …………………………………………………… ..201
Troisième chapitre- Stéréotype : statut, typologie et économie dans la
structuration du sens …………………………… ..208
1. Les propriétés du stéréotype………………………………………… ..209
- La typicité ……………………………………………………… ..209
- La conventionnalité …………………………………………….. ..212
- La généricité …………………………………………………… ..216
- L'idéalisation, l’arbitraire, la variabilité ……………………… ..225
2- Typologie et économie des stéréotypes …………………………….. ..230
2.1. Stéréotype définitionnel au niveau d'une catégorie primaire ..230
2.2. Stéréotype définitionnel au niveau d'une catégorie
sémantique polysémique…………………………………… ..233
2-3- Stéréotype définitionnel au niveau d’une catégorie
sémantique dérivationnelle………………………………… ..235
2.4. La stéréotypie discursive ……………………………………. ..240
3- Rupture ou continuum ?……………………………………………. ..242
Troisième partie-Stéréotypie et mécanismes sémantiques …………………. ..245
Premier chapitre - Stéréotypie, métaphore, métonymie ………………. ..246
1- Métaphore et métonymie : bilan critique …………………………. ..247
2- Stéréotypie et tropes lexicalisés ……………………………………. ..264
3- Stéréotypie et types d’analogie …………………………………….. ..268
Deuxième chapitre- Polysémie et stéréotypie …………………………… ..280
1- Théories de la polysémie : bilan critique…………………………… ..281
2-Stéréotypie et génération polysémique ……………………………… ..297
2-1-Structuration stéréotypique en réseaux translexicaux (à
travers le lexique)…………………………………………… ..298
2-2-Extension stéréotypique du sens fondée sur le sens initial … ..303
2-2-1-Extension liée à la stéréotypisation d’un sème
définitoire …………………………………………… ..303
2-2-2-Extension par la fixation d’un sème latent ………….. ..305
2-2-3-Extension par la modulation stéréotypique de tout le
sens initial ………………………………………… ..307
2-3-Extension en rupture manifeste avec le sens initial ………... ..309
3-Stéréotypie et les limites de l’extension polysémique……………….. ..311
3-1-La stéréotypie peut-elle être un facteur de blocage de la
polysémie ?…………………………………………………… ..311
3-2-Variabilité indéfinie de sens ou superposition
stéréotypique ?……………………………………………… ..319
Troisième chapitre-Stéréotypie et figement ……………………………. ..328
1-Le stéréotype dans les séquences figées : entre transparence et
opacité ……………………………………………………………… ..329
1-1- Repositionnement de la problématique…………………….. ..329
1-2- Stéréotypie et expression de l’intensité avec « comme »….. ..334
1-3- Formations figées d’origine discursive……………………… ..338
2-Stéréotypie et structuration du sens dans les unités polylexicales :
univocité ou pluralité ?…………………………………………… ..343

4
2-1- Rôle déclencheur du sens ………………………………… ..343
2-2- Stéréotype de relais ………………………………………….. ..345
2-3- Rôle manifeste au niveau de la synthèse sémantique ……… ..347
. 2-3-1- Les séquences fondées sur un mécanisme
inférentiel………………………………………… ..348
2-3-2-Les séquences fondées sur un mécanisme tropique …. ..350
-Métaphore fondée sur une dimension axiologique ………. ..350
-Métaphore à valeur prototypique ………………………… ..351
- Métaphore fondée sur une dimension analogique ………. ..353
- Figuration symbolique ………………………………… ..353
3- Stéréotypie et dimension contrastive……………………………. ..359
Quatrième partie : Le traitement lexicographique de la stéréotypie……….. ..366
Premier chapitre-Stéréotypie et définition……………………………… ..369
1-Structures syntaxiques et morphologiques et expression des
relations sémantiques……………………………………………… ..369
1-1- La relation d’inclusion à travers la structure N de N entre
rigidité et variation…………………………………… ..370
1-2- Régularité morphologique et paraphrase synonymique : le
cas de dérivés exprimant l’idée d’opposition……………… ..373
1-3- La relation de détermination à déterminant indéterminé
ou indéfini et le rapport à la norme : le cas de la
relativisation par « (qui est) considéré
comme »………………………………………………………. ..375
2- Stéréotypie : idéalisation, pertinence et représentation effective….. ..378
2-1- Référents statiques ou évolutifs, données perceptives et
idéalisation : le cas des noms de métaux et de fruits……… ..380
2-2- Catégorie référentielle subordonnée, multitude des
spécificités et catégorisation culturelle : le cas des noms de
chiens………………………………………………………… ..387
2-3- Limites de la définition minimale et représentation
effective stéréotypique : le cas des noms de récipients de
cuisine……………………………………………………… ..391
3- Modalité de présentation des stéréotypes définitoires……………… ..397
3-1- Degré d’accord entre les différents dictionnaires :
tendances communes et spécificités………………………… ..397
3-2- Modalisation de l’information stéréotypique………………. ..406
3-3- Synthèse………………………………………………………. ..412
Deuxième chapitre : Stéréotypie et traitement lexicographique de la
polysémie………………………………………… ..417
1. Le rôle des catégories syntaxiques et des mécanismes sémantiques
dans la variation du traitement du sens à l’intérieur des articles
lexicographiques…………………………………………………… ..419
1.1. Le traitement homonymique et la donnée stéréotypique….. ..420
1.2. Polysémie systématique et donnée stéréotypique…………... ..432
1.3. La variation du traitement du sens à l’intérieur des
articles lexicographiques…………………………………… ..438
2. La variation du contenu sémantique d’un dictionnaire à un autre ..444
3- Variation de la distribution de l’information à l’intérieur de
l’article lexicographique………………………………………… ..454
3-1- La variation des marqueurs définitionnelles………………. ..454

5
3-2- Variation et fonction des exemples………………………….. ..457
3-3- Fonctions des synonymes et des antonymes………………... ..460
Troisième chapitre : Traitement des stéréotypes figés…………………. ..465
1. De la difficulté du traitement lexicographique du figement ………. ..465
2. Pratiques lexicographiques…………………………………………. ..468
3. Transposition des séquences figées stéréotypées dans un
dictionnaire bilingue……………………………………………… ..475
3.1. La correspondance…………………………………………… ..475
3.2. L’équivalence…………………………………………………. ..478
3.3. La paraphrase………………………………………………… ..479
Conclusions et perspectives……………………………………………………. ..482
1- Conclusions…………………………………………………………….. ..482
2- Perspectives …………………………………………………………….. ..487
Bibliographie………………………………………………………………….. ..490
Les annexes
Premier chapitre- Stéréotypie et définition
Annexe I.1 : configuration canonique des définitions ayant un hyperonyme du
type variété de + N……………………………………………………. 515
Annexe I.2 : Significations savantes et ordinaires de genre, espèce et variété
dans le TLF………………………………………………………………. 516
Annexe I.3-a : Idée de distinction rattachée à type et catégorie dans le TLF…… 516
Annexe I.3-b : Exemples de définition…………………………………………. 517
Annexe I.4 : Spécification d’un contenu vague dans la définition du N
déterminant……………………………………………………… 517
Annexe I.5 : Spécification sur la base d’une similitude avec un trait de la
définition primaire………………………………………………. 518
Annexe I.6 : Hyperonyme générique lié à une multitude référentielle…………. 518
Annexe I.7 : Configuration sémantique de sorte de + N dans le TLF………….. 518
Annexe I.8 : Idées d’inclusion et d’atypicité rattachées à la structure sorte de +
N…………………………………………………………………… 519
Annexe I.9 : Sorte de + N : Exemples d’idée d’approximation non corrélée 520
avec une idée d’inclusion………………………………………...
Annexe I.10 : Structure N deN et rapprochement avec une instance
prototypique…………………………………………………….. 521
Annexe I.11 : Liste de mots figurant sous l’entrée anti- dans le TLF………….. 521
Annexe I.12 : Paraphrases de anti dans des définitions d’objets……………….. 522
Annexe I.13 : Variation portant sur l’adjectif ou le nom désigné par la base….. 522
Annexe I.14 : Degré d’intensité relatif à certains mots exprimant l’idée
d’opposition selon le TLF………………………………………. 523
Annexe I.15 : Variation dans la paraphrase du préfixe anti-…………………… 523
Annexe I.16 : Variation touchant les significations de la base et du préfixe…… 524
Annexe I.17 : Définition totalement cadrée par la structure qui est considéré
comme…………………………………………………………. 525
Annexe I.18 : Définition partiellement cadrée par la structure qui est considéré
comme…………………………………………………………… 525
Annexe I.19 : Divergence de la vision normative d’un dictionnaire à un
autre……………………………………………………………... 526
Annexe I.20: Distribution des configurations paraphrastiques selon les trois
types de traits dans chaque dictionnaire………………………… 527
Annexe I.21 - État des métaux dans la nature…………………………………... 528

6
Annexe I.22 : Type de configuration des définitions des métaux dans les
différents dictionnaires………………………………………….. 532
Annexe I.23 - Les métaux : variation…………………………………………… 533
Annexe I.24 - Les métaux : traitement des traits propriétés physiques………… 534
Annexe I.25 - Les métaux : répartition des traits (nombre) selon les
dictionnaires…………………………………………………….. 542
Annexe I.26 a) Répartition des traits traités (nombre) selon les métaux………. 542
b) Répartition des traits traités (nombre et pourcentage) selon les
groupes de métaux……………………………………………….. 542
Annexe I.27 : Définition d’amande dans le Petit Robert………………………. 543
Annexe I.28 - Les fruits -a) La couleur………………………………………. 543
b) La forme………………………………………….. 544
c) Le goût……………………………………………. 544
Annexe I.29 : Quelques hyperonymes « culturels » dans les définitions des
variétés de chiens……………………………………………… 545
Annexe I.30 - Définition de la race par l’origine ou l’emploi………………….. 546
Annexe I.31 : L’origine : variation……………………………………………... 546
Annexe I.32 : La fonction : variation…………………………………………… 547
Annexe I.33 : Traits distinctifs dans le même dictionnaire……………………... 548
Annexe I.34 a) : Traits distinctifs entre deux dictionnaires ou plus……………. 549
Annexe I.34 b) : Définitions génériques………………………………………... 549
Annexe I.35 : Définitions minimales par l’origine et la fonction………………. 550
Annexe I.36 : Présentation de l’échantillon de corpus relatif aux récipients de
cuisine…………………………………………………………… 550
Annexe I.37 – La famille /bouteille/ : matière et forme………………………… 551
Annexe I.38 - Récipients /à boire/ : Configuration des traits…………………… 552
Annexe I.39 – Récipients pour conserver les liquides : configuration des traits.. 554
Annexe I.40 - Tableau de croisement…………………………………………... 558
Annexe I.41 a) Métaux : fréquence des traits non modalisés dans tous les
dictionnaires……………………………………………………... 559
b) Métaux : fréquence des traits modalisés ou objet de variation
dans tous les dictionnaires ………………………………………. 563
Annexe I.42 Chiens : fréquence des traits non modalisés dans tous les
dictionnaires……………………………………………………... 565
Annexe I.43 - « Chiens » : répartition des exemples…………………………… 569
Annexe I.44 a) Récipients : fréquence des traits non modalisés dans tous les
dictionnaires……………………………………………………... 571
b) Récipients : fréquence des traits modalisés ou objets de
variation dans tous les dictionnaires…………………………….. 575
Annexe I.45 Fruits : fréquence des traits non modalisés dans tous les
dictionnaires……………………………………………………... 578
Annexe I.46 Fruits : traitement modalisé……………………………………….. 582
Annexe I.47 Chiens: traitement modalisé………………………………………. 583
Annexe I.48 Récipients : traitement modalisé………………………………….. 584
Annexe I.49 Récipients : traitement modalisé………………………………….. 587
Deuxième chapitre- Stéréotypie et polysémie
Annexe II.1 - Traitement d’approfondissement dans les différents dictionnaires 590
Annexe II.2 – Regroupement/dégroupement : rôle des critères syntaxiques…... 590
Annexe II.3- Traitement de "droit, droite"…………………………………….. 592
Annexe II.4- Traitement de "gauche"………………………………………….. 595

7
Annexe II.5 - Classification selon le critère syntaxique dans Le Petit Larousse 598
Annexe II.6 - Traitement de Haut………………………………………………. 599
Annexe II.7 - Traitement homonymique et traitement polysémique dans Lexis 603
Annexe II.8 a) - “boeuf-viande”……………………………………………….. 612
.8 b) - « vache-viande »…………………………………………….. 612
c) – taureau…………………………………………………………. 612
d) - génisse ………………………………………………………… 612
e) - « poulet-viande »……………………………………………….. 613
f) - « poule, coq-plat »……………………………………………… 613
Annexe II.9 - "animal-viande" : traitement du TLF…………………………….. 615
Annexe II.10 - "animal-viande" : Traitement du Petit Robert…………………. 618
Annexe II.11 - "animal-viande" : traitement du Petit Larousse………………... 621
Annexe II.12 - "animal-viande" : Traitement de Lexis…………………………. 624
Annexe II.13 - "animal-viande" : Traitement de Hachette……………………... 627
Annexe II.14 a) – Animaux : extensions polysémiques……………………….. 629
Annexe II.14-b) Modalité d’explicitation des relations sémantiques…………... 632
Annexe II.15 - Structuration des significations des mots polysémiques ………. 635
Annexe II.16 - Sensations / sentiments…………………………………………. 643
Annexe II.17 -Les indicateurs…………………………………………………... 651
Annexe II.18 : Variation du contenu des extensions polysémiques……………. 655
Annexe II.19 : Charges axiologiques des exemples……………………………. 661
Annexe II.20 : La modalisation………………………………………………… 667
Annexe II.21 - La distribution des stéréotypes liés à l'appartenance à une aire
géographique………………………………………………………. 669
Annexe II.22 - La distribution des stéréotypes relatifs aux noms de professions 670
Annexe II.23- La distribution des stéréotypes relatifs aux noms d'ethnies…….. 672
Annexe II.24 a - La distribution des stéréotypes relatifs aux classes sociales…. 677
Annexe II.24 b - Les représentations péjoratives……………………………… 679
Annexe II.24 c - Les représentations mélioratives……………………………... 680
Annexe II.25 - La distribution des stéréotypes relatifs aux idées, aux opinions 681
Annexe II.26 : Charges stéréotypiques figurant sous une autre entrée…………. 686
Annexe II.27 : Fonctions des synonymes et des antonymes…………………… 687
Troisième chapitre- Stéréotypie et figement
Annexe III.1 - La variation de la figuration de quelques expressions figées….. 688
Annexe III.2 : Variation de la paraphrase définitoire de quelques expressions
figées…………………………………………………………….. 689
Annexe III.3 : Explicitation des contenus sémantiques de la tournure
locutionnelle à la manière de+ nom ethnique dans le TLF…… 690
Annexe III.4 : Modalités d’emploi des expressions figées dans le discours à
travers les citations du TLF…………………………………… 692

8
Introduction

1. Intérêt de l’étude du fait stéréotypique

« La langue n’est pas une simple nomenclature », c’est l’une des rares
assertions qui fait l’unanimité entre les linguistes de tout bord. Cependant, une
question aussi naïve que la suivante « pourquoi ne le serait-elle pas ? », justifie
tout le programme de la sémantique et sous-tend la divergence entre les
différentes théories référentielles, structurales, pragmatiques etc.. Autrement
dit, si la signification des mots ne rend pas exactement les propriétés des choses
auxquelles ils réfèrent, comment interpréter cette part du sens plus ou moins
importante qui ne relève pas de la nature des faits mais de la représentation ?
Une première réponse intuitive et plus ou moins neutre verrait à l’origine de
cette non coïncidence une représentation à propos d’un référent donné, se
présentant comme un écart par rapport à sa réalité ontologique ; une telle
représentation devrait être à la fois partagée par la communauté linguistique
d’une langue donnée et relativement stable pour que le signe puisse fonctionner
normalement dans l’interaction et la production verbales. Il en résulterait une
certaine obligation imposée par la norme sociale et assurant
l’intercompréhension au sein d’une communauté linguistique donnée. Or, ce
sont ces trois propriétés « association », « répétition », « obligation » qui
définissent la texture du stéréotype, du moins comme le souligne Denis Slakta
(1993) ou comme le formule Hilary Putnam (1975).
Cependant, aucun de ces trois paramètres n’échappe à la controverse.
L’association d’une représentation à un référent peut être arbitraire (bêtise/balai
dans bête comme un balai) ou motivée (saleté/cochon dans sale comme un
cochon). Cette différence implique des modes d’appréhension cognitifs
différents (l’arbitraire n’étant explicitement pas fondé sur une catégorisation du
type sélection-généralisation), ce qui ne serait pas sans conséquences sur
l’homogénéité du fait stéréotypique et sur l’univocité des critères auxquels il

9
répond. En outre, la motivation est également partagée avec certains
mécanismes tropiques (notamment la métaphore et la métonymie) ce qui
impose l’étude d’éventuels recoupements ou distanciations de sa configuration
dans les différents foyers. A cela s’ajoute le fait que les représentations peuvent
se greffer au sens primaire ou initial comme elles peuvent affecter des sens
dérivés ou polysémiques, ou encore des expressions figées.
Quant à la répétition, elle fait appel à son antonyme : la variation. La langue est
une source inépuisable de faits qui prouveraient les limites du phénomène
stéréotypique tant sur le plan synchronique (variation d’un locuteur à un autre
ou d’une communauté à une autre) que sur le plan diachronique (variation à
travers le temps). Évidemment, cette variation n’a pas la même ampleur selon
qu’il s’agit de séquences figées ou d’unités monolexicales.
Enfin, l’obligation, résultant des deux premiers paramètres, pourrait être
relativisée par la différence des univers de croyance et des échos idéologiques
ou sociolectaux dans la langue comme dans le discours.
Devant ce caractère relativement inconstant des éléments définitoires du
stéréotype, aurons-nous besoin d’introduire cette notion dans le champ de la
linguistique ?
La clef de la réponse à cette question réside dans la nature même de la
langue. Raccah constate qu’ « une langue, quelle qu’elle soit, ne permet en
aucun cas de décrire objectivement des faits, mais oblige, au contraire, à les
présenter en fonction d’un point de vue, d’un biais » (1992 : 8). Autrement dit,
parce que la langue n’est pas une nomenclature, les signes linguistiques
présentent généralement, si ce n’est toujours, une part d’arbitraire, d’écart,
quant à leur référenciation aux objets et aux êtres du monde.
Ainsi, le contenu stéréotypique, généralement admis au moins comme
une représentation dont les dénominations linguistiques diffèrent selon les
optiques, ne peut être étranger au domaine de la langue appréhendée comme
« vision du monde » ou comme moyen de communication. Au-delà de cette
intuition, la consécration du stéréotype en tant que notion linguistique nécessite
la réponse à des questions qui visent à délimiter son champ d’applicabilité, sa

10
nature et son rapport aussi bien au sens en général qu’aux mécanismes
sémantiques qui le génèrent :
- Le stéréotype est-il un fait de langue ou de discours ?
- S’il relève des deux, y a-t-il des critères permettant de détecter son
mode de fonctionnement à chaque niveau ?
- Quel est son impact sur les appréhensions relatives à l’acte de
référence ?
- A-t-il pour foyer les unités simples ou les unités figées ?
A supposer qu’il participe à la signification du premier type d’unités, plusieurs
interrogations seraient légitimes :
-Quel serait son économie dans la signification des mots ? Comment se
définit-il par rapport aux données analytiques de la signification ? Quels
critères permettraient de le distinguer de ce type de données ?
- En quoi diffère-t-il des notions qui lui sont apparentées : « le
prototype », « la connotation », « le virtuème », « le topos » et « le sème
afférent » ?
- Se limite-t-il au champ définitionnel primaire ou, au contraire
participe-t-il à la structuration du sens polysémique ou dérivationnel ?
- Le stéréotype aurait-il une place dans les procédés tropiques
(métaphore et métonymie) de la production du sens ?
- Si le stéréotype a pour foyer le deuxième type d’unités, est-il le
corollaire de toute forme de figement ? Concerne-t-il les unités
compositionnelles, non compositionnelles ou les deux ? Fonctionne-t-il dans ce
cas comme un trait sémantique, comme un scénario ou comme une
image métaphorique?
- Le cadre du système d’une langue suffit-il à saisir toutes ses
dimentions stéréotypiques (particulièrement celles ayant comme foyer les
expressions figées) ou faut-il, pour certaines, les traiter dans un cadre
contrastif pour dégager toute leur ampleur?
- S’il est présent dans les deux types d’unités, est-il régi par des critères
généraux ? Y a-t-il une correspondance entre ses modes de fonctionnement

11
dans les deux cas ? Manifeste-il au contraire un fonctionnement propre à
chaque type d’unités et dans ce cas, serait-on en présence de deux modalités de
représentations stéréotypiques ?
Certaines de ces interrogations concernent l’aspect normatif des unités
de la langue. Il serait donc intéressant d’étudier le traitement réservé aux
stéréotypes dans différents types de dictionnaires censés perpétuer cette norme
pour vérifier les présupposés théoriques avancées à partir d’un corpus précis et
d’un type particulier de discours portant sur la langue elle-même, d’où les
questions suivantes :
- Au niveau de la définition primaire, comment la stéréotypie se
présente-t-elle suivant le type des catégories référentielles ? Quelle est sa
configuration à l’intérieur de chaque type ?
- Comment les traits stéréotypiques sont-ils présentés dans les différents
dictionnaires ? Peut-on parler de régularité dans le traitement des stéréotypes
dans des discours lexicographiques qui se présentent comme normatifs tout en
étant différents les uns par rapport aux autres ?
- Au niveau des catégories polysémiques, la stéréotypie joue-t-elle un
rôle dans la catégorisation controversée du sens en termes de polysémie
systématique et d’homonymie ?
- Quelles formes, la variation du traitement des stéréotypes revêt -elle ?
Comment s’explique-t-elle ? Est-elle liée aux choix lexicographiques ou à la
nature des concepts définis ?
- Pour ce qui est des séquences figées, présentent-elles un problème
particulier au traitement lexicographique ? Comment sont-elles traitées dans les
différents dictionnaires ?
- Quels problèmes particuliers pourraient-elles poser à la lexicographie
bilingue ?
Chacune de ces questions soulève une ou plusieurs problématiques ayant
un écho d’une manière ou d’une autre dans le foisonnement des théories et des
points de vue sur la nature et la circulation du sens. Nous nous proposons d’en

12
étayer les aspects les plus saillants avant de tenter une analyse plus approfondie
du phénomène.
L’étude de la stéréotypie à la lumière de la dichotomie langue/parole
relance tout le débat sur la vision de la langue comme système. L’idée des
représentations se fixant virtuellement dans la signification des mots
perturberait une certaine appréhension des oppositions telles que
inhérence/afférence, fonctionnalité et codification sociale structurant le système
linguistique. Par contre, le rejet de la possibilité d’une telle fixation et
l’interprétation de telles représentations comme étant exclusivement
contingents dans le discours remettraient en cause l’existence d’un sens dès le
niveau lexical ou aboutiraient à une conception de la langue-nomenclature.
Par ailleurs, considérer que ce phénomène relève aussi bien de la langue
que de la parole nécessite une description de son fonctionnement à chacun de
ces deux niveaux pour en déterminer les différences et les similitudes.
Sur le plan de la référence, la stéréotypie, vue comme écart par rapport
aux propriétés ontologiques du référent, donne lieu, selon qu’on la reconnaît ou
qu’on la rejette, à une appréhension holistique de la signification concluant à la
rigidité de la référence ou à une conception trop étroite de la signification (en
termes de conditions nécessaires et suffisantes) où l’acte de référer se
rapproche d’un simple étiquetage.
Le foyer de la stéréotypie est également source de confusion. Ce
phénomène est souvent sommairement évoqué en rapport avec les séquences
figées apparemment pour des raisons diachroniques liées à l’évolution de la
notion. Son appréhension dans le cadre des unités monolexicales est à son tour
partielle (les termes d’espèces naturelles chez Putnam) ou restrictive (en
rapport avec l’argumentation). Une saisie globale du phénomène passe d’abord
par la délimitation de la spécificité de son fonctionnement dans chaque type
d’unité.
L’économie du stéréotype dans la signification du mot révèle un vrai
dilemme : la dimension référentielle du langage est difficile à évacuer puisque
sans cette fonction, celui–ci ne serait qu’une gymnastique verbale et la

13
communication serait impossible. En même temps le signe, de par son signifié,
est associé à un référent donné, actuel ou virtuel, avec lequel il ne coïncide pas
forcément. L’étude de la structure sémantique interne d’un mot donné entraîne
donc inévitablement une prise de position au sujet de la référence. Or, cette
structure implique l’existence de propriétés universelles ou analytiques et
d’autres non universelles ou stéréotypiques dont la nature et le rôle sont
largement controversés.
La parenté entre le stéréotype et des notions recouvrant le même espace
sémantique n’est pas moins problématique. « Prototype », « connotation »,
« virtuème », « topoï », « sème afférent », sont autant de notions relevant
d’horizons théoriques divers mais qui partagent entre elles le vaste champ des
significations non analytiques. Ce foisonnement terminologique témoigne de la
complexité du traitement de cette part du sens. Toute « nouvelle notion » doit
être justifiée par les limites des notions déjà conçues.
A côté du rôle que jouerait le stéréotype dans la signification des mots, il
serait également légitime de vérifier s’il intervient dans la structuration des
sens polysémiques, étant donné que n’importe quel type de trait peut servir de
base pour une extension du sens. Si tel est le cas, il faut alors définir la nature
du lien permettant de passer d’un sens à un autre. Théoriquement, tous les cas
sont envisageables : le sens stéréotypé pourrait être situé à un niveau
translexical, en relation avec le sens initial d’un mot, dans le cadre d’une
rupture avec ce sens ou encore dans le cadre d’un continuum allant de l’un à
l’autre. Aussi, faut-il vérifier si le phénomène stéréotypique permet de
condenser le sens et de nous épargner de « gonfler » le lexique ou, au contraire,
s’il est source de sa profusion.
Le rapport entre la stéréotypie et les tropes (le cas de la métaphore et de
la métonymie) est à son tour problématique. L’idée générale d’inconvenance
ou d’incompatibilité entre les foyers source et cible de ces figures rappelle
d’une certaine manière l’écart entre la réalité ontologique d’un référent donné
et sa représentation stéréotypique. De plus, les tropes en général impliquent des
procédés étagés ayant comme point de départ la catégorisation primaire des

14
unités de la langue au niveau desquelles se situerait le stéréotype. Dès lors, la
possibilité d’un croisement, d’une inclusion ou d’un recouvrement éventuels
n’est pas à exclure. Dans un tel cas, il faut définir les conditions et les
modalités de connexion entre les deux phénomènes.
Pour ce qui est de la stéréotypicité des séquences figées, l’obstacle
premier serait de déterminer sa source. Un parcours rapide des études de
critiques littéraires montre une tendance à définir le phénomène d’un point de
vue formel qui fait de toute expression « toute faite » un stéréotype, d’où la
confusion entre celui-ci et toute forme de figement. L’origine discursive des
expressions figées contribue également à la complexité de son étude puisque le
signifié global de ces unités évoque souvent la mémoire originelle des mots qui
les composent, et ouvre la voie à une description éventuelle du stéréotype en
termes de traits sémantiques. Enfin, le passage du sens littéral (émanant d’une
combinaison d’unités structurées selon les règles de la syntaxe libre) au sens
figé convoque généralement des mécanismes tropiques et/ou inférentiels
engageant des scénarios ou des images qui seraient déterminants dans le
signifié global d’une expression donnée.
Par ailleurs, dans le cadre d’un univers linguistique donné, les
représentations sont intersubjectivement partagées et il se pourrait que la
dimension stéréotypique ne soit pas saisie par les locuteurs dans toute son
ampleur. L’approche contrastive pourrait dans ce sens apporter des
éclaircissements nouveaux sur le phénomène. De même, ces représentations
relèvent des spécificités langagières relatives à chaque communauté
linguistique, d’où la difficulté de leur traduction d’une langue dans une autre.
Si l’on admet la notion de stéréotype dans les deux types de cas, on est
alors confronté à la problématique de l’unicité du phénomène surtout que ces
unités ont des fonctionnements sémantiques fort différents. Ainsi, il y a lieu de
voir si ces spécificités aboutissent à une pluralité divergente des formes
stéréotypiques ou à des caractéristiques générales voire communes coiffant ces
réalisations propres.

15
La définition lexicographique présente par ailleurs une tentative de
l’explicitation de la norme linguistique, d’où l’intérêt de son exploration en vue
de vérifier les présupposés théoriques à partir d’un corpus précis et dans le
cadre d’un type de discours particulier ayant pour objet la langue elle-même.
L’activité définitoire fait appel nécessairement à la faculté de
catégorisation. Celle-ci implique à son tour un système de cognition qui
conditionne notre perception et notre interprétation du réel ainsi qu’un système
d’organisation des faits et de leur représentation dans la langue. Or, les objets
du monde diffèrent selon leur nature de même que les représentations que nous
pourrions en avoir varient selon le degré de leur présence dans notre
environnement immédiat et selon l’usage que nous en faisons. Ceci légitimerait
l’hypothèse d’une diversité des degrés et des aspects de stéréotypicité selon les
types de référents et de propriétés relatives à chaque catégorie référentielle.
Un autre aspect problématique provient de la variation des discours
lexicographiques définissant un concept donné. Un tel fait ne peut être sans
incident sur la pertinence de la notion de « stéréotype ». En effet, la différence
de traitement d’une donnée stéréotypique pourrait infirmer sa stabilité,
condition nécessaire sans laquelle il serait difficile d’admettre un rôle essentiel
du stéréotype dans la sémantique lexicale. Par contre, si l’on parvient à
démontrer une certaine régularité dans le traitement de ce type de données, il
faudrait alors expliquer la nature et l’ampleur des différences enregistrées dans
les dictionnaires ainsi que leur éventuelle incidence sur la présentation des
stéréotypes.
Au niveau des catégories polysémiques, le regroupement et le
dégroupement des sens posent le problème des dissociations inter-catégorielles
(polysémie systématique, nuance de sens, acceptions, sens) et extra-
catégorielles (homonymie). Les deux aspects font souvent l’objet de
controverses. Or, se prononcer sur la catégorisation d’une acception d’un mot
donné évoque inévitablement sa nature et ses liens sémantiques avec d’autres
significations rattachées à la même forme graphique. Le stéréotype serait au
cœur de cette nature et de ces relations. Il serait donc intéressant de montrer, à

16
partir d’exemples précis, s’il constitue un facteur régulateur ou perturbateur de
l’extension polysémique.
Quant à la variation du traitement des données stéréotypiques, il serait
difficile d’en délimiter le foyer et les formes qu’elle pourrait revêtir.
L’extension polysémique est présentée dans le cadre d’une entrée
définitionnelle à composants multiples (indicateur, définition, exemples, etc.).
Chaque composant est susceptible de présenter le concept sous une certaine
facette. La présentation de l’information stéréotypique peut varier d’un
dictionnaire à un autre, allant de la simple mention par l’indicateur, au contenu
définitoire voire à l’illustration par l’exemple. A cela s’ajoute la variation du
contenu formulé au niveau d’un même composant. A travers tous ces cas, il
serait important de vérifier si les différences de traitement sont liées au contenu
sémantique des concepts définis ou si elles résultent d’un choix des
lexicographes. Dans ce cas de figure, s’agit-il d’une politique générale de
chaque ouvrage fondée sur des considérations techniques (volume, public-
cible, etc.) et ce indépendamment des concepts dont il est question dans la
définition ou au contraire, d’une vision idéologique propre aux élaborateurs ou
aux éditeurs de ces ouvrages qui réservent pour certains types de concepts un
traitement particulier ?
Pour les séquences figées, la difficulté essentielle provient du fait que
des unités polylexicales dont le sens est souvent non compositionnel figurent
dans des dictionnaires de langue conçus pour les unités simples. Ainsi, le
choix de l’entrée sous laquelle l’expression figée figure, la place dans l’article
et la paraphrase l’accompagnant, sont tous des aspects problématiques auxquels
sont confrontés les lexicographes.
La traduction de ce types d’unité dans les dictionnaires bilingues pose
d’autres types de problème liés à la différence des univers linguistiques et
culturels. Entre équivalences et paraphrases, le décodage dans l’esprit d’une
langue et l’encodage dans l’esprit d’une autre, les solutions ne sont pas toujours
heureuses. L’approche contrastive devrait permettre d’en déterminer les

17
causes : celles-ci sont-elles toujours dues aux spécificités de chaque langue ou
à la compétence des traducteurs ?
L’ampleur du phénomène, la diversité de ses formes et la multitude des
aspects qu’il touche, témoigne à la fois de son intérêt et de sa complexité.
Ainsi, s’interroger sur le stéréotype, c’est se prononcer sur des aspects
essentiels de la production, de la structuration et de la circulation du sens. Mais,
pour situer ce travail par rapport aux usages qu’on fait de la notion et pour
mieux cerner le cadre de ses objectifs, il importe de commencer par un tour
d’horizon de la question qui permettrait de donner une idée sur les principales
tendances de l’étude du phénomène et les difficultés qui en résultent.

2. De la difficulté de la saisie du phénomène stéréotypique

La définition du stéréotype exige la délimitation de son domaine


d’applicabilité et la légitimation de son rapport avec la langue en général et
avec le sens lexical en particulier. Or, devant se fonder sur les acquis
théoriques antérieurs relatifs au phénomène étudié, cette étape s’avère cruciale
pour au moins trois raisons imbriquées :
1- l’imprécision de la notion et l’extension du phénomène témoignent
de la diversité des approches et de la multitude des perspectives théoriques qui
les sous-tendent. Rien qu’en passant en revue quelques définitions, on se rend
compte du flou dans lequel se meut le concept :
- « …avant toute chose, nous dit Isabelle Rieusset-Lemarié, la stéréotypie
est un procédé typographique » et elle ajoute « le stéréotype, c’est le langage
réduit au degré zéro de l’imaginaire » (1994, 15) ;
- pour Joëlle Prugnaud, « il s’agit d’une image simplifiée, figée,
composée d’un nombre réduit d’éléments récurrents » ;
- Pierre Barbéris y voit « quelque chose à quoi tout le monde consent et
que tout le monde consomme » (1994, 9) ;
- le stéréotype est pour Putnam « une idée conventionnelle associée à un
objet » ;

18
- Bernard Fradin considère la représentation sémantique d’un nom
(composée de stéréotypes) comme « une suite ouverte (c'est-à-dire non finie)
d'énoncés » (1984 : 64) ;
- Enfin, J. C. Anscombre avance que « le stéréotype d'un terme est une
suite ouverte de phrases attachées à ce terme, et en définissant la signification »
(2001 : 60).
Cette imprécision et l’absence de tout accord au sujet du stéréotype sont
en grande partie dues à l’origine du terme et aux domaines d’études auxquels il
se trouve rattaché. Ruth Amossy affirme dans ce sens que « le stéréotype se
trouve classé […] dans les rubriques les plus diverses. Tantôt image et
représentation, il est aussi concept, idée, croyance, attitude, jugement » (1991 :
28).
L’imprécision a également conduit à des rapprochements terminologiques
qui entravent son identification comme notion indépendante et autonome, d’où
l’affirmation de Denis Slakta qu’on peut parler du concept du stéréotype mais
non du stéréotype comme concept (1993, 38).
Là aussi, il suffit de passer en revue quelques équivalences
terminologiques qui le rattachent à d’autres notions pour être convaincu du
vague caractérisant son emploi :
- « le cliché et le stéréotype sont devenus des lieux communs » affirme
Isabelle Rieusset (1994 : 22) ;
- Danielle Dubois constate que « le prototype devient un stéréotype dans
la mesure où il est une représentation stabilisée d’un donné physiquement
universel, le monde réel » (1993 : 378) ;
- Blanche Noëlle Grunig parle de « formules banales », de « signifiants
reçus » (1993, 103-106) ;
- Enfin comme le remarque Ruth Amossy « la banalité est stigmatisée à
l’aide de termes divers, qui recouvrent des notions pas toujours clairement
différenciées : on parle de lieu commun, de poncif, de cliché, d’idée reçue, de
stéréotype » (1991, 21).

19
2- les fondements sur lesquels reposent ces définitions témoignent de la
diversité des horizons théoriques et pragmatiques. La définition d’Isabelle
Rieusset met l’accent sur l’origine technique du terme. « D’abord, produits de
l’art des fondeurs, écrit-elle, dont tout le monde s’accorde à rapprocher la
technique de celle qui est employée par la frappe des monnaies, le cliché et le
stéréotype se frappent à même le métal pour recevoir une empreinte. Mais,
lorsque celle-ci est effacée, il ne reste plus qu’une image usée et banalisée
propre à l’échange standardisé » (ibid., 22). Ainsi, d’une technique
révolutionnaire qui a participé à la propagation de la culture livresque, cette
pratique finit par instaurer une nouvelle norme culturelle : « de la
standardisation industrielle pure , [on] passe à la mécanisation de la production
culturelle » (ibid., 15).
Cette vision rejoint celle de Joëlle Prugnaud en ce qu’elle associe
stéréotype et figement.
Le stéréotype devient désormais une composante de la norme sociale et
son étude acquiert de ce fait une dimension sociologique. Libéré de son origine
typographique, il est appréhendé sous un angle nouveau où il est conçu, selon
Pierre Barbéris, comme étant étroitement dépendant :
- « d’un appris et donc d’un apprendre, école sauvage et buissonnière de
la « sagesse des nations », école institutionnelle avec ses musts mémorisés et
propagande sous toutes ses formes hétéro- intoxication et autre intoxication,
culture, propagande ;
- de médias de diffusion étroitement liées aux modes d’inculcation,
oralité conforme, livres de classes, modèles littéraires, presse, radio, télévision,
tout ce qui véhicule sur le mode de la répétition et d’un certain par cœur »
(ibid. :10). Il implique un système de proverbes, de citations obligées et de
phrases toutes faites. Il est rattaché de ce fait, au discours, tout discours oral ou
écrit et donc au texte.

20
S’inscrivant dans le cadre de cette réflexion générale sur le stéréotype,
l’étude de ce phénomène en rapport avec la langue a été entreprise d’abord
dans les analyses de critiques littéraires.
Putnam est le premier qui a étudié son économie dans la représentation
sémantique d’un type particulier de noms (les termes d’espèces naturelles). Son
apport indéniable dans la l’identification du concept reste cependant contraint
par le cadre théorique de son approche s’inscrivant plutôt dans l’optique de la
philosophie du langage.
Enfin, les travaux les plus récents de B. Fradin et notamment de J. C.
Anscombre (surtout depuis 1998 et les années qui suivent) se sont intéressés au
fonctionnement du stéréotype dans une perspective plutôt argumentative ;
3- La stéréotypisation du stéréotype est l’obstacle qui résulte de tous les
autres. Par là, nous entendons la dépréciation qui se rattache au terme. Roland
Barthes parle de « fascisme linguistique ». Isabelle Rieusset voit que « le
concept n’est qu’un stéréotype facteur à la fois de banalisation et d’illusion sur
la nature même du langage et de la réalité » (22). Elle finit par le qualifier de
« crime contre l’humanité » dans la mesure où il « désymbolise la reproduction
du langage » (25). Pour Danielle Corbin, il s’agit d’« une théorie populaire » de
la connaissance et de l’usage des mots. « [C’est] une normalisation
« dégradée » qui n’a plus les exigences du vrai » (385).
Derrière la plupart de ces rapprochements et de ces caractérisations, la
dimension littéraire, véhiculant des charges axiologiques et des catégorisations
de portée générale, est fort présente.
Cependant, l’hétérogénéité de l’emploi du stéréotype et la diversité des
domaines qu’il implique, imposent de dépasser de telles assertions puisque
« tout changement du cadre référentiel exerce une influence sur l’appréhension
du sémantisme de l’unité lexicale concernée par cette transposition et devient
susceptible de favoriser la mise à jour des sèmes spécifiques occultés
précédemment » (Cusin-Berche Fabienne, 2003, 21). Dans ce sens, nos
objectifs n’ont pas pour objet la continuation d’un débat sur le statut du
stéréotype dans de tels cadres, mais de partir de ceux qui se rapportent plus au

21
domaine de la linguistique pour débattre, faits de langue à l’appui, de
l’économie de la notion dans le fonctionnement de la langue.

3- Objectifs et méthodologie de ce travail


Contrairement à son ancrage dans la terminologie de la sociologie et de
la psychosociologie (cf. par exemple, Jean Maisonneuve, 2000), le stéréotype a
fait l’objet de peu d’études strictement linguistiques et la notion elle-même
« est à construire » selon l’expression de Bernard Fradin. C’est dans cet esprit
que nous nous fixons les objectifs suivants :
1- étant donné que tout travail de recherche ne peut aboutir, de par ses
seuls présupposés, une lecture critique des travaux antérieurs en rapport avec le
phénomène demeure un tâche incontournable pour mieux cerner les
implications du phénomène ;
2- l’intégration limitée de la notion dans le domaine de la linguistique ne
signifie aucunement que l’espace sémantique qu’elle couvre n’a pas été décrit
d’où la nécessité d’analyser les notions employées dans diverses perspectives
pour rendre compte de cette part du sens et légitimer l’émergence d’une
nouvelle notion (le stéréotype) ;
3-c’est à partir des conclusions tirées d’un tel bilan que nous pouvons
dès lors présenter une vision globale du phénomène permettant de dégager et
de vérifier des hypothèses relatives aux propriétés du stéréotype qui puissent
servir à dresser une typologie de ses fonctions dans la production et la
structuration du sens ;
4- ces hypothèses sont également à vérifier à partir de faits linguistiques
plus complexes par leur fonctionnement (tropes, polysémie et figement) ;
5- enfin, nous nous proposons de confronter ces hypothèses à certaines
visions institutionnalisées que représentent les dictionnaires de langue afin de
vérifier la stabilité de la notion à travers des discours normatifs fort variés.
L’objectif ultime de ce travail est d’aboutir à une synthèse qui permet à
la fois de rendre compte des difficultés et d’entreprendre une description
globale du phénomène à partir de critères sémantiques dégagés et vérifiés dans
des corpus variés.

22
Pour y parvenir, le cheminement de la réflexion sur le phénomène est à
envisager en fonction de deux paramètres essentiels : la nature de l’objet
d’étude et l’état actuel des recherches qui s’y rapportent.
Le premier aspect concerne la nature du stéréotype, sa place dans la
structure interne de la signification d’un concept ou d’une expression, ses effets
sur l’acte de référence et les relations qu’il permet d’établir au-delà du mot et
les modalités de ses manifestations dans le discours. Toutes ces dimensions
inscrivent son étude dans le vaste domaine de la sémantique et précisément la
sémantique lexicale.
Toutefois, l’identification des critères définitoires de la notion du côté de
la langue doit être confrontée à la pluralité de ses formes et aux modalités de
son ancrage discursif. C’est pourquoi l’évocation des différentes facettes que
pourrait impliquer le stéréotype seront traitées selon le besoin de l’analyse :
- l’aspect discursif sera présent tout au long de l’étude puisque toute
signification associée à un mot du côté de la langue demande à être vérifiée
dans le discours. Toutefois, la stéréotypie proprement discursive, c’est-à-dire
celle qui ne semble pas être fixée dans la signification lexicale des mots, ne
sera traitée que dans un cadre polémique ou synthétique ;
- les séquences figées ont déjà un sens inscrit dès le niveau lexical, c’est
ce qui justifie leur traitement dans un chapitre à part et localement en relation
avec certains mécanismes sémantiques (métonymie et métaphore) ;
- la dimension lexicologique sera évoquée surtout pour montrer un rôle
éventuel des stéréotypes dans la génération du lexique (la dérivation par
exemple) ;
- enfin, les études appliquées sont essentielles dans la compréhension du
phénomène au moins à deux titres. Les études lexicographiques permettent
dans ce sens la vérification des hypothèses théoriques concernant la nature et
l’économie de la notion et peuvent rendre compte par là-même d’aspects
insoupçonnés par les postulats de départ. En outre, l’approche comparative
permettrait d’appréhender le phénomène sous un angle contrastif susceptible de
révéler certains aspects difficiles à saisir dans un univers linguistique donnée.

23
Pour ce qui est de l’état actuel de la recherche déjà menée en rapport
avec le phénomène, nous pouvons dégager a priori quatre orientations
principales :
- Se rendant compte que rien ne lui échappe, ni le mot ni la phrase ni le
texte, Putnam entame, dans son article « The meaning of the meaning » (1975),
une première tentative de réhabiliter le stéréotype dans le système de
fonctionnement de la langue en l’envisageant comme une composante de la
signification lexicale des mots. Cependant, s’inscrivant dans le cadre de la
philosophie du langage et appliquée exclusivement aux termes des espèces
naturelles, cette approche n’a pas pu implanter la problématique du stéréotype
sur le plan linguistique. Plusieurs aspects de cette théorie sont à discuter ; les
présupposés concernant la non distinction entre concept et représentation
mentale ou état psychologique dans la critique des thèses dites classiques du
sens et notamment celle de Frege, l’indexicalité des termes d’espèces naturelles
et leur parenté avec les déictiques, la cohérence entre la structure logique de ses
fictions et son contenu, la séparation radicale entre signification et référence
sont autant de questions théoriques auxquelles les réponses ne sont pas
évidentes.
- S’inspirant de la pensée putnamienne, B. Fradin et J. C. Anscombre ont
cherché à mettre les fondements d’une théorie du sens fondé sur le stéréotype
en tant que notion linguistique. Fradin a essayé de dégager des hypothèses
concernant la représentation sémantique des noms à partir d’un type particulier
d’énoncés (cas d’anaphores associatives). Les conclusions auxquelles il est
parvenu sont à vérifier dans un cadre lexical et discursif plus large. Les travaux
les plus récents ont été menés par J. C. Anscombre qui affirme avoir trouvé
dans la théorie du stéréotype une réponse aux lacunes de la théorie des topoï à
laquelle il adhérait. Reste à savoir si cette implantation basée sur une vision
argumentative et non référentielle de la langue parvient à ressortir toute
l’économie du phénomène surtout du côté de la signification lexicale.

24
- Étudiant certaines catégories de textes essentiellement politiques et
journalistiques, l’école française de l’analyse de discours a traité le phénomène
dans le cadre d’une approche discursive. Celle-ci a pour objet l’analyse de
toutes les dimensions discursives (syntaxe, signification lexicale, structures
figées, prosodie, etc.). La diversité des aspects étudiés ne semble pas favoriser
une saisie globale du phénomène en termes de critères généraux ;
- Se basant sur l’origine typographique du terme, le rapprochement entre
stéréotypes et séquences figées est d’abord apparu dans le cadre des critiques
littéraires avant d’être repris ici et là dans des analyses plutôt linguistiques.
L’étude linguistique explicitant le plus ce rapprochement est celle de C.
Schapira (1999) ; elle fait intervenir dans sa description des dimensions
stylistiques et rhétoriques difficiles à formaliser ;
Nous retenons de ces études que le stéréotype n’a pas été suffisamment
décrit du côté de la langue. Or, nous pensons que cet aspect pourrait être d’un
grand intérêt dans la compréhension d’autres aspects plus particuliers tels que
sa présence dans les expressions figées et son fonctionnement dans le discours.
C’est pourquoi nous plaçons notre travail plus précisément dans le cadre de la
sémantique lexicale.
Quant au corpus exploité dans ce travail, il est essentiellement de trois
types répondant chacun à un besoin méthodologique :
- nous retenons les exemples illustrant les analyses de chaque auteur
puisqu’ils font partie intégrante des raisonnements dans lesquels ils figurent et
s’adonnent par conséquent à une éventuelle critique ;
- nous optons pour un corpus relevé le plus souvent dans des œuvres
littéraires disponibles dans la base de données Frantext et occasionnellement
dans la presse écrite (Le Monde) pour traiter d’aspects précis (en rapport
surtout avec la polysémie). Ce corpus servira pour décrire le fonctionnement
des stéréotypes dans le discours. Nous ne préférons pas procéder à un choix
thématique de ce corpus pour montrer le caractère général de la stéréotypie qui
peut affecter n’importe quel type de concept ou de catégorie de discours.
Toutefois, dans le souci de rendre compte de la forte stéréotypicalité de

25
certains domaines de relations, nous privilégions localement un type particulier
d’exemples (notamment en rapport avec la relation homme/femme) ;
- enfin, nous choisissons pour les applications un corpus lexicographique
qui est impérativement thématique vu les exigences suivantes :
 le besoin de représentativité : un caractère général éventuel de la
stéréotypie n’empêcherait pas l’existence de catégories référentielles ou
conceptuelles plus sujettes à ce type de catégorisation, des occurrences et des
concepts plus affectés que d’autres dans chaque catégorie et des aspects plus
stéréotypisables pour chaque occurrence ou concept. Deux idées sous-tendent
un tel postulat : la première est que la conventionnalité des représentations
présuppose vraisemblablement que celles-ci doivent porter sur des objets
physiques ou mentaux présents d’une manière ou d’une autre dans la vie des
hommes. La seconde est que notre faculté de catégoriser implique
nécessairement, à un certain moment de ce processus, la sélection, opération
étroitement liée à notre système cognitif qui aurait un accès plus facile à
certains types d’informations plutôt que d’autres. De ce fait, un corpus
d’applications doit être conçu de manière à favoriser la vérification d’une telle
hypothèse, d’où le recours à des catégories thématiques variant quant à leur
degré de proximité par rapport à l’homme et quant à leur nature ;
 le besoin de systématicité : cette exigence découle de la première. Pour
percevoir les différences éventuelles de la stéréotypicalité aux trois niveaux
évoqués, le corpus doit être pour chaque thématique le plus exhaustif possible,
sans quoi les résultats obtenus seraient peu fiables.
En plus de ces corpus attestés, nous forgeons un certain nombre
d’énoncés brefs pour illustrer des comportements discursifs en rapport avec la
généricité ou en rapport avec des faits précis (cf. les exemples relatifs au verbe
couper).
Par ailleurs, conformément au cadre de notre travail, le choix des
dictionnaires n’est pas non plus arbitraire. Il répond aux objectifs spécifiques
suivants :

26
- l’intérêt primordial de l’étude lexicographique des stéréotypes n’est
pas de comparer des ouvrages bien que cette dimension soit parfois
incontournable. Il réside surtout dans la description de la manière dont ce type
d’information est présenté dans des perspectives différentes, d’où une première
exigence de la diversité quantitative des ouvrages lexicographiques supports ;
- le discours lexicographique présente une vraie problématique : il est
censé rendre compte de la norme linguistique et en même temps se caractérise
par l’extrême diversité de ses visées théoriques et pragmatiques. Or, la
consécration du stéréotype en tant que notion linguistique dépend crucialement
de la pertinence de son aspect normatif. De ce fait, la diversité, voire la
disparité même des types de discours normatifs est un outil idéal pour mettre à
l’épreuve la stabilité de la notion et son degré de régularité, d’où la deuxième
exigence de la diversité qualitative des dictionnaires ;
- le stéréotype est souvent associé à la compétence du locuteur moyen
d’où l’exigence d’une représentativité plus importante des dictionnaires
destinés au grand public.
En somme, notre travail évoluera en quatre parties :
- dans la première partie, nous présenterons la synthèse des travaux
essentiels(H. Putnam, B. Fradin & J. C. Anscombre, C. Schapira) en rapport
avec les problématiques que pose ce phénomène à savoir celles liées à
l’identification de la notion et de son foyer, à son rapport avec la norme et à
son impact sur les théories générales du sens. L’objectif est de cerner leurs
cadres théoriques respectifs et de discuter les conclusions auxquelles ils sont
parvenus. Pour ce faire, nous présenterons les différentes analyses dans leur
contextes avant d’en faire une lecture critique ;
- la deuxième partie sera consacrée aux notions apparentées au
stéréotype. Chacune de ces notions fera l’objet d’un exposé critique en vue
d’en dégager les implications et les limites. Au terme de cette partie, nous
procèderons à une délimitation des critères définitoires de la stéréotypie et nous
dresserons une typologie des configurations du phénomène selon son économie
dans l’organisation et la circulation du sens ;

27
- dans la troisième partie, nous nous intéresserons à l’analyse du
fonctionnement des stéréotypes dans les procédés et les mécanismes
sémantiques (métonymie, métaphore, polysémie et figement). Nous
commencerons d’abord par une synthèse de chacun de ces mécanismes afin
d’en établir le lien avec le phénomène stéréotypique avant de procéder à la
description sémantique de son rôle ;
- la dernière partie sera réservée au traitement lexicographique des
stéréotypes. Les analyses porteront respectivement sur les définitions, les
extensions de sens et le figement (y compris dans des dictionnaires bilingues
français-arabe). Dans le premier chapitre, seront abordées les questions liées à
l’inscription de la donnée stéréotypique dans les structures syntaxiques et
morphologiques, à la diversité des représentations en fonction des catégories
référentielles et le degré d’accord ou de variation entre les différents
dictionnaires.
Dans le second chapitre, nous étudierons l’impact de la stéréotypie sur les
différents aspects de la structuration polysémique à savoir le regroupement et le
dégroupement des significations (homonymie, polysémie systématique et
organisation interne de la microstructure de l’article lexicographique), la
variation du contenu définitoire (différences, modalisation et signalisation des
acceptions) et la distribution de l’information dans les différents composants de
l’article (marqueur, définition, exemple ou citation, synonymes et antonymes).
Le dernier chapitre sera consacré aux problèmes spécifiques que pose le
traitement des séquences figées, à la description de quelques pratiques
lexicographiques et aux difficultés de leur traduction entre deux langues.
Ces applications ont pour objectif essentiel d’apprécier le degré de
stabilité des informations stéréotypiques dans des discours « normatifs » variés.

28
Première partie : La théorie du
stéréotype dans la sémantique lexicale

29
Dans l’état actuel des recherches sémantiques, si nous cherchons à
trouver des éléments objets d’un consensus général concernant notre rapport
avec la langue, deux postulats semblent être difficiles à nier :
a) la langue véhicule certaines de nos pensées et de nos représentations
qui ne coïncident pas forcément avec les entités extralinguistiques sur
lesquelles elles portent ;
b) l’intercompréhension a besoin pour être assurée d’un minimum de
conventionnalité.
Or, ces deux présupposés semblent fonder l’idée même du stéréotype.
Cependant, au-delà de ce haut degré de généralité, le contenu de cette notion et
le rôle qu’on réserve ou qu’on pourrait lui réserver dans la production et la
circulation du sens restent tributaires de trois facteurs :
- la nature du segment linguistique minimal auquel le stéréotype est
associé ;
- le degré et les enjeux de sa normativité ;
- ses implications dans les théories du sens et de la référence.
C’est que nous nous proposons de voir en détail dans les chapitres suivants.

30
Premier chapitre – Le stéréotype : foyers et
identité(s)
Si l’on passe en revue les rares réflexions et recherches linguistiques où
est investie la notion de « stéréotype », on constate qu’elle est identifiée dans
chaque cadre théorique en fonction du foyer linguistique censé véhiculer ce
type de savoir. Dans l’ensemble, nous relevons trois appréhensions différentes
du stéréotype que nous présentons comme suit :
- une première réflexion le situe au niveau de la signification du mot et
spécifiquement celle du nom à laquelle il participe comme un composant parmi
d’autres donnant lieu à une représentation sémantique globale ;
- une deuxième approche qui, sans trancher avec la première, le rattache
à l’énoncé et plus précisément au syntagme nominal vu comme l’unité
minimale sous-tendant le fonctionnement discursif des unités de la langue ;
- enfin, une dernière perspective, plus proche de l’origine technique du
terme, l’associe à un type particulier d’expressions figées.

1- Le trait stéréotypique comme composant d’un


vecteur dans la représentation sémantique des noms
Critiquant les thèses « classiques » du sens fondées sur l’idée d’une
détermination de la référence par l’intension (Cf. le dernier chapitre de cette
première partie), Hilary Putnam (1975) intègre pour la première fois la notion
de stéréotype dans la réflexion sur la langue. Il envisage dans sa conception du
sens des noms d’espèces naturelles, quatre composants. Pour eau par exemple,
nous avons :
- le marqueur syntaxique : nom
- le marqueur sémantique : liquide
- le stéréotype : incolore, inodore, sans goût, etc.
- et l’extension : H2O.

Les trois premières parties sont des parties intentionnelles ou


conceptuelles donc relevant de l'état psychologique selon Putnam (Kleiber

31
1985 : 198). Elles représentent « une hypothèse à propos de la compétence du
locuteur individuel »1 (Putnam, 1975. : 191).

Le marqueur sémantique est un indicateur de catégorie (« animal »


pour tigre, « métal » pour or, etc.). C'est un terme classifieur qualitativement
différent des autres composants et ayant une centralité très forte par rapport aux
autres composants d'un mot. Cette centralité garantit que les items classés sous
ces titres n’ont en fait jamais été reclassés 2 (Ibid. : 189).

Le stéréotype est défini comme « une idée conventionnelle […] d’à quoi
un X ressemble ou comment il agit ou de ce qu’il est »3 (Ibid. : 169). Son
champ d'identification n'est donc pas la phrase mais le mot. Il relève, selon
Putnam, d’«une certaine connaissance linguistiquement obligatoire considérée
conventionnellement comme faisant partie de la signification de nos mots »4
(2001 : 501)

Reste le quatrième composant, « l'extension ». Putnam refuse de le


considérer comme une description (nous verrons plus loin pourquoi). Il affirme
que « bien que nous devions utiliser une description de l’extension, donner
l’extension, nous pensons au composant en question comme étant l’extension
(l’ensemble), et non la description de l’extension »5 (1975, 191). Deux objets
ont la même extension si « x et y concordent dans les propriétés physiques
importantes »6 (Putnam, 1975 : 157). Ainsi pour l'« eau », les caractéristiques
importantes de l'eau typique (characteristic of a typical bit of water) consiste à
être H2O. A ce composant scientifique, revient de définir la référence et
d'assurer, par conséquent, la stabilité du sens. Putnam le considère comme étant

1
« a hypothesis about the individual speaker's competence»
2
«items classified under these headings virtually never have been reclassified»
3
«a conventional […] idea […] of what an X looks like or acts like or is »
4
«some linguistically obligatory knowledge that is conventionally counted as part of the meaning of our words…»
5
«although we have to use a description of the extension, to give the extension, we think of the
component in question as being the extension (the set), not the description of the extension»
6
«x and y agree in important physical properties»

32
l'extension même7 : (Cf. ci-dessus) et non une description de l'extension. Il est
censé combler l'imprécision du composant stéréotypique dans l'acte de
référence et il n'est généralement connu que par les experts à qui les locuteurs
moyens reviennent chaque fois qu'ils trouvent une difficulté à fixer une
référence.

Cette partition nécessite de revoir plus en détail les aspects


problématiques liés surtout aux trois derniers composants plus proprement
impliqués dans la signification lexicale du mot.

1-1-Le stéréotype
Dans la représentation quadripartite du sens chez Putnam, le stéréotype
est censé rendre compte du savoir préconstruit et commun. Autrement dit, si
les marqueurs syntaxique et sémantique assurent la classification catégorielle
des noms dans leurs domaines respectifs, le stéréotype et l'extension constituent
en quelque sorte le contenu sémantique propre d'un item lexical. Les deux
composants s'opposent dans la mesure où ils traduisent une division du travail
linguistique dans une communauté donnée entre experts et profanes ; l'un
relève du sens commun, spontané ; l'autre du savoir spécialisé et scientifique.
Ce caractère préconstruit est lié à la conventionnalité qui assure l’intégration du
stéréotype dans la signification de nos mots 8 (2001 : 501). De ce dernier critère
semblent résulter deux caractéristiques essentielles du stéréotype putnamien.
En premier lieu, c'est un savoir linguistique obligatoire et nécessaire aussi bien
à la communication qu'à la reconnaissance de l'appartenance d'un membre
donné à une espèce. En ce sens, «les traits centraux du stéréotype sont
généralement des critères-traits qui, dans les situations normales, constituent
des moyens de reconnaître si une chose appartient à l’espèce, ou au moins, des
conditions nécessaires […] pour son appartenance à l’espèce »9(Putnam, 1975 :

7
«we think of the component in question as being the extension (the set)»
8
«some linguistically obligatory knowledge that is conventionally counted as part of the meaning of our words…»
9
«The central features of the stereotype generally are criteria-features which in normal situations constitute ways
of recognizing if a thing belongs to the kind, or at least, necessary conditions […] for membership of the kind…»

33
147). Leur acquisition permet au locuteur de distinguer par exemple les
occurrences qui ne sont pas de l’or est « linguistiquement obligatoire »10. A
première vue, dans les conditions normales, le stéréotype ne diffère pas de la
conception qui voit dans la signification la conjonction d'un ensemble de
propriétés. Le fait de le doter d'un contenu discriminatoire obligatoire pour
décider de l'appartenance ou de la non-appartenance d'une occurrence à une
espèce est en quelque sorte une reconnaissance que l'intension détermine
l'extension même si cette reconnaissance est conditionnée et limitée aux
circonstances normales. La relativisation de ce point de vue est liée à d'autres
caractéristiques du stéréotype que nous verrons ci-dessous.

En second lieu, la conventionnalité ne peut pas couvrir une infinité de


traits. Le nombre des éléments stéréotypiques associés à un mot est donc
nécessairement limité. Les caractéristiques centrales (central features) du
stéréotype correspondent à un savoir linguistique standard et minimal puisque
chaque «communauté linguistique a sa norme minimale en ce qui concerne à la
fois la syntaxe et la sémantique »11 (1975: 168). Autrement dit, les traits
conventionnels inclus dans le stéréotype résultent d'une sélection au sein d'un
savoir linguistique plus large utilisé par les locuteurs. La raison en est que «les
critères utilisés par la communauté linguistique en tant que corps collectif ne
sont pas tous inclus dans le stéréotype et dans certains cas le stéréotype peut
être assez faible »12 (Ibid.: 147). On en déduit que ces traits diffèrent également
selon les mots : certains items auraient un nombre plus élevé de traits que
d'autres. Dans ce sens, si l’on compare les deux définitions lexicographiques
suivantes relatives à des métaux :

10
«Knowledge of the stereotype will enable a speaker to do such things as participate in conversations, to rule out
many things as not possible examples of gold etc… Presumably these are the reasons that it is (I claim)
linguistically obligatory to learn, stereotypes when one learns a language»
11
«The linguistic community […], écrit Putnam, has its minimum standard, with respect both to syntax and to
«semantics»
12
«Not all criteria used by the linguistic community as a collective body are included in the stereotype and in same
cases stereotype may be quite weak»

34
(1)- Argent : « Métal d'un blanc brillant, très ductile et malléable,
inoxydable » (TLF)

Gadolinium : « Métal du groupe des terres rares » (TLF)

On constate qu’effectivement, du point de vue du sens commun les


stéréotypiques sont largement variables en nombre. La sélection des
caractéristiques stéréotypiques semblent être fondée sur le principe de la
saillance tant que les locuteurs « ne sont pas obligés de savoir les fins
détails »13 (Ibid. : 168) d’un tigre par exemple.

Toutefois, la conventionnalité ne suffit pas pour faire du stéréotype un


composant unique de la signification du mot. Certains de ses aspects
l’empêchent d’avoir un tel statut. L’un de ces aspects est qu’il ne fonctionne
pas comme un principe individuant : un même stéréotype peut être valide pour
deux items distincts . Par exemple, l'« aluminium » et le « molybdène » sont
deux métaux très proches de par leur apparence physique ; les critères
stéréotypiques qui leur sont associés sont quasiment les mêmes. Le stéréotype
est envisagé dans cette perspective comme «un savoir préalable [qui]… ne
s'applique […] qu'à des segments particuliers dans des conditions particulières ;
il […] ne s'applique […] pas aux membres en développement ou
dégénérescents de l'espèce, ni à ses membres anormaux…» (Jean-Marie
Marandin, 1990 : 288 ). Ainsi, par exemple, un citron qui est encore à l'état vert
n'en est pas moins un citron ; un animal à trois pattes n'en est pas moins un
animal. Ce sont ces deux raisons qui distinguent le stéréotype putnamien de la
conception du sens en tant que conjonctions de propriétés nécessaires et
suffisantes. Le caractère idéal du stéréotype, opposé à la diversité des objets
dénommés, contribue à la dissociation entre « intension» et «extension». Du
moment où l'on consent qu'un savoir préalable, conventionnel et obligatoire
peut être contredit par des caractéristiques particulières à un membre d'une

13
« …our culture speakers are required to Know what tigers look like […] they are not required to know the fine
details […] of what an elm tree looks like»

35
espèce, censé être dénoté par l'item ayant ce contenu sémantique, on ne pourrait
plus prétendre que l'intension détermine l'extension14.

A cela, s’ajoute le fait qu’un stéréotype puisse être dans certains cas
invalidé ; il n'est donc pas nécessairement vrai. Prenons l’exemple de
l’expression du goût que nous pouvons rattacher à un fruit comme « merise »
qui est « légèrement acide » pour le TLF, « au goût amer » pour le Petit Robert et
« âpre » pour Lexis. Dans un tel cas, il n'y aurait aucune garantie que cette
signification servirait à reconnaître ce qui relève ou ce qui ne relève pas d'une
espèce comme il n'y aurait aucune garantie quant à l'intercompréhension dans
la communication puisqu'il y aurait toujours des locuteurs plus rationnels et
moins conventionnels que d'autres. Face à de telles objections, Putnam postule
une hypothèse qui tout en attribuant une certaine valeur de vérité à ces
« critères », les relativise néanmoins. La notion d'approximation lui permet à la
fois de ne pas rompre totalement avec l'analyse vériconditionnelle15 et de
mettre en doute l'universalité du savoir linguistique. Il affirme, dans ce sens,
que «les stéréotypes sont généralement approximativement corrects ou
incorrects, au moins, à propos des membres paradigmatiques d’une espèce et
les locuteurs dépendent tacitement de ce fait ». Tel est le cas par exemple, pour
le trait « couleur » rattaché à abricot : ce fruit a une chair « jaune-orangé » (TLF,
le Petit Robert et le Petit Larousse), « jaune rosé » (Hachette). Le fait qu’un
stéréotype puisse être faux ou partiellement faux et l’exclusion du fait qu’il
exprime souvent une part de vérité à propos d’une espèce ou des membres
paradigmatiques d’une espèce créent un air de mystère là où il n’y a pas. « Le

14
- Notons que dans l'approche du sens en tant que conjonction de propriétés, les traits de la signification qui
permettent de renvoyer à l'extension sont souvent des traits universels et non des traits stéréotypiques.
Dans la théorie de Putnam, ces éléments sont essentiellement classés dans le marqueur sémantique et
dans l'extension (relevant de la compétence des experts). Selon Putnam, même ces derniers ne sont pas
en mesure de référer à l'objet dénommé pour des raisons évoquées ci-haut.
15
– Cf. sur ce point la critique de Rastier (1991 : 78).

36
savoir linguistique […] n’a pas besoin d’être universel pour être utile»16 (2001:
501).

De ce fait, à l’instar des autres composants de la signification lexicale, le


stéréotype, vu comme un paquet de traits, n’est pas à envisager en tant qu’un
ensemble de propriétés analytiques définies en termes de conditions de vérité.
Selon Putnam, «le fait que le trait […] soit inclus dans le stéréotype associé à
un mot X ne veut pas dire que le fait que tous les X aient cette caractéristique,
est une vérité analytique, ni que la plupart des X ont ce trait, ni que tous les X
normaux ont ce trait, ni que quelques X ont ce trait »17 (1975 : 170). De ce fait,
si nous découvrons qu'un stéréotype donné est fondé sur la connaissance que
nous avons d'un membre atypique ou non représentatif d'une espèce, nous ne
serons pas mené à conclure qu'il y a une contradiction. Une définition
opérationnelle dont le contenu est un ensemble de propriétés n'implique pas
que le nom est synonyme de sa description. Selon Putnam, le nom réfère
rigidement à tous les objets qui satisfont à la description qu'il a normalement
(Cf. Putnam, 1975 : 157).

1-2-Le marqueur sémantique

La nature et le statut de ce composant sont largement controversés.


L’une des raisons en est que son rattachement à la compétence individuelle
condamne sa fixité puisque «tout comme le stéréotype, il devra dépendre du
niveau de culture du locuteur et du degré d'interaction que celui-ci a avec
l'objet» (J.M. Melka, 1989 : 73). Chaque locuteur pourrait choisir
spontanément son marqueur : «le carré est un truc» pour certains, «une
figure….» pour d'autres ; «une table est un objet » ou «un meuble» (Ibidem.).
16
«stereotypes are usually approximately right, or right about the paradigmatic members of the kind and […]
speakers tacitly rely on this fact. Focussing on the fact that a stereotype can be wrong, or partially wrong, to the
exclusion of the fact that they usually tell us part of the truth about a kind, or about paradigmatic members of the
kind, creates an air of mystery where no mystery belongs. Linguistic Knowledge […] does not have to amount to
omniscience to be useful»
17
«the fact that feature […] is included in the stereotype associated with a word X does not mean that its an
analytic truth that all Xs that feature, nor that most Xs have that feature, not that all normal Xs have that feature,
not that some Xs have that feature»

37
De plus, cette conception, n’étant pas fondée sur une distinction entre le fait
lexical et le fait énonciatif, oblige à tenir compte de la « mouvance […]
largement tributaire de facteurs contingents, comme les besoins expressifs des
locuteurs en fonction de leur perception de la réalité à décrire ou l'envie de
transgresser certaines règles à des fins ludiques» (Colette Cortès, 1992 : 15).

Par ailleurs, en dehors des espèces à marqueurs basiques comme «fruit»,


« animal », «objet»…, les classifications peuvent être fort différentes entre un
expert spécialisé pour qui «le serpent est un reptile » ou « le mélèze est un
conifère» et le profane pour qui «le serpent est un animal» et «le mélèze est un
arbre». Le locuteur moyen peut avoir plusieurs marqueurs à sa disposition.
Pour palourde, Putnam propose «objet vivant» ; quelqu'un d'autre choisirait
«coquillage», «mollusque» ou simplement «animal» (Ibidem.).

En outre, même si l’on rattache le marqueur à la compétence des


experts, le problème ne saurait être résolu. Le progrès de la science fait qu'il est
toujours possible de procéder à de nouvelles classifications qui peuvent être
retenues ou non par les locuteurs. Ainsi, « une baleine est toujours un poisson
pour une personne non initiée, mais c’est un mammifère vu son système de
reproduction »18 (J.P Melka, 1985, 42).

De même, pour les termes d'espèces naturelles, il arrive que le marqueur


ne soit pas lexicalisé bien que, scientifiquement, le mot soit disponible. C'est le
cas des termes relatifs aux phénomènes climatiques cités par Melka : la neige,
la grêle et la pluie sont de différentes manifestations des précipitations. Ils
partagent cette même propriété:/PRECIPITATION/ à laquelle correspond un
terme scientifique mais, il n'est utilisé dans aucun langage. Cela suggère qu'une
telle propriété « ne soit pas nécessairement lexicalisée »19 (Ibid., 49).

J.F. Melka en déduit que «les notions de marqueur et de stéréotype sont de la


même classe, ont la même texture» (1989, 75) au point qu'on devrait dire que le

18
«a whale is still a fish for a layerperson, but it is mammal according to its reproduction system»
19
.(is not necessarily lexicalized)

38
marqueur n'est qu'un stéréotype plus marqué dont la place est privilégiée à la
tête du vecteur.

La conception de ce marqueur telle qu'elle est définie par Putnam et son


assimilation absolue avec le stéréotype par Melka suscitent deux types
d’objection.

Pour la première, il nous semble que le marqueur chez Putnam est


imprécis, et ce, pour au moins trois raisons :

1- La notion de «centralité» nécessite une description structurelle de


l'organisation du sens ; chose absente dans la théorie de Putnam. Les
composants semblent être indépendants les uns des autres et ne participent
au sens que d'une manière additive : détermination syntaxique +
indication catégorielle + représentation stéréotypique + extension =
sens.

2- Le statut d' « indicateur de la catégorie» ne permet pas de déterminer


le fondement de son pouvoir classifieur. Est-il fondé sur des oppositions
pertinentes à l'intérieur du lexique ? Sur une vision hiérarchique ? Ou sur un
simple rapport d'incluance ?

3- Le «qualitativement différent» n'est pas aussi précis que les deux


autres notions. Nous avons vu que le fait de rattacher le marqueur sémantique à
la compétence du locuteur individuel ne fournit aucune garantie que ce
composant soit différent des traits stéréotypiques et même si nous l'attachons à
la compétence des experts (chose que Putnam rejette), il ne s'ensuit pas
nécessairement qu'il soit adopté par la communauté linguistique. Ainsi, la fixité
de ce composant n'est qu’intuitive.

Pour la seconde objection, le point de vue défendu par Melka n'est pas
non plus aussi précis. D'abord, qualifier le marqueur de «plus marqué» et d'être
«privilégié en tête de vecteur» demande à définir l'intérêt sémantique et
structurel de telles qualifications. Puis, cette suggestion nous paraît excessive
puisqu’en considérant le marqueur comme étant de la même classe et de la

39
même texture que le stéréotype, nous le privons de son pouvoir classifieur et
par conséquent, nous renions la catégorisation même, fait tout à fait évident
dans le fonctionnement linguistique. «Un truc» ne peut être tenu comme
classifieur au même titre que «figure ». La relation entre un mot et le terme
classifieur qu'il implique est une relation d'hyperonyme à hyponyme où on
dispose pour leur ordonnement de deux patrons «relationnels, irréductibles l'un
à l'autre, car ils se fondent sur des relations diamétralement opposées […].
D'une part, on recourt à une hiérarchie-être qui permet d'intégrer une classe
dans une autre, définie comme englobante […]. D'autre part, on précise une
caractéristique propre à certains individus d'une même classe pour distinguer
des sous-groupes à l'intérieur de la classe de départ […]. On est alors tenté
d'assimiler l'hyperonymie à la démarche de généralisation ascendante, en la
redéfinissant comme une procédure récursive d'emboîtement d'une classe
moins générale dans une classe plus générale d'une part, et, d'autre part,
d'identifier l'hyponymie à la démarche de spécification descendante qui permet
de proche en proche de subdiviser de plus en plus finement une même classe»
(Kleiber & I. Tamba, 1990 : 27).

1-3- L’extension

Deux objets x et y ont la même extension s’ils «concordent dans les


propriétés physiques importantes »20 (Putnam, 1975 : 157). Ainsi par exemple,
les caractéristiques importantes de l'eau typique (characteristic of a typical bit
of water) consiste à être H2O. A ce composant scientifique, revient de définir la
référence et d'assurer, par conséquent, la stabilité du sens. Putnam le considère
comme étant l'extension même21 : (Cf. ci-dessus) et non une description de
l'extension. Il est censé n’être connu que par les experts à qui les locuteurs
moyens reviennent chaque fois qu'ils trouvent une difficulté à fixer une
référence.

20
«x and y agree in important physical properties»
21
«we think of the component in question as being the extension (the set)»

40
Cette façon de voir suscite deux types d’interrogations : la première
concerne la pertinence de la distinction entre l’extension et le stéréotype ; la
seconde la fixité du savoir inclus dans l’extension.

Concernant la première question, nous pensons que, par rapport à l'objet


réel, l'extension ne diffère pas du stéréotype dans la mesure où ils «décrivent»,
tous les deux, l'objet dans des conditions idéalisées. Le stéréotype de l'eau
inclut les caractéristiques «liquide incolore, inodore, sans goût, etc.» ; or, dans
la nature l'eau peut être odorante, colorée de goût agréable ou désagréable alors
que l'extension H2O signifie « eau chimiquement pure » (chemicaly pure water,
Ibid. : 157).

Dans les deux cas, il s'agit bien de l'eau typique ; H2O n'est que l'expression
scientifique de l'objet idéalisé décrit par le stéréotype, tout comme le stéréotype
n'est autre que les caractéristiques perceptibles de l'extension pure idéalisée.

Le fait que l'eau puisse avoir dans la nature une infinité d'états n'empêche pas le
stéréotype de référer à l'eau dans tous ses états. L'idéalisation d'une occurrence-
type garantit la fixation du sens. Des énoncés tels que :

(2)- Il y a bien de l'eau mais elle est sale, de mauvais goût, odorante,
etc.…

montrent bien que l'emploi du terme eau renvoie toujours à ce sens


conventionnel relatif à l'occurrence idéale, de même que, chimiquement, on
peut toujours ramener l'eau sale ou avec des impuretés à son état pur.

Putnam, lui-même, avoue que le sens est lié à l'usage puisque la


structure H2O peut ne pas être importante selon le contexte de l'emploi.
Quelqu'un pourrait bien employer eau pour référer à XYZ s'il l'utilise en tant
que « eau » . Cela ne revient-il pas à dire que le sens pourrait être déterminé
seulement par trois vecteurs et que «l'état psychologique» pourrait déterminer
l'extension ? Si l’on prend en considération que l'eau pure est chose rare sur
Terre (presque 1%), l'imprécision du stéréotype ne serait-elle pas analogue à
celle de l'extension ?

41
De plus, comme le remarque F.J. Melka Teichroew, Putnam exclut l'extension
de la compétence du locuteur moyen et sépare ainsi radicalement le stéréotype
de l'extension. Or, la distinction entre le savoir commun et le savoir
scientifique est une question de degré. Parfois, il est difficile de dissocier ce
qui 22 revient à l'un ou à l'autre des deux types de savoir ( l’exemple de l’AIDS,
cité J.F. Melka, 1985 : 43). La frontière entre ces deux composants n’est pas
non plus circonscrite : l’information relative à l’extension peut être de même
nature ou avoir la même fonction que le stéréotype (J. Melka, 1989).

Par ailleurs, selon le goût des fictions de Putnam, imaginons que les
experts découvrent qu'en fait ce qu'on a pris pour H2O, correspond à une
substance extrêmement sensible aux moindres variations de l'environnement et
que chaque «eau» est presque singulière tant que sa structure varie selon la
température, la nature des impuretés, etc. Dans ce cas, on imagine mal
comment intégrer l'extension dans le sens d'eau. Quel serait ce sens ? Une
infinité d'extensions obéit-elle à la rigidité de l'indexicalité et au déterminisme
scientifique stricte ? De même, la science évolue et il se peut que ce que nous
prenons aujourd'hui pour H2O s'avèrerait d'une autre structure. Le « vrai » et le
« faux » n'impliquent pas seulement le stéréotype mais également le savoir
scientifique. Dans ce cas, comme le remarque Kleiber toute vérité scientifique
est relative et non acquise et par conséquent aucune détermination de
l’extension n’est définitive (Kleiber, 1985 : 85).

Pour ce qui est de la deuxième interrogation, Putnam reconnaît qu'il


existe des objets avec des structures communes et que notre savoir actuel ne
nous permet pas d'identifier ces structures : « nous savons, écrit-il, qu’il y a des
espèces avec des structures communes cachées mais nous n’avons pas encore
la connaissance nécessaire pour les décrire toutes »23 (1975 : 163). Pourtant,
cela ne nous empêche pas de référer à ces objets. Généralement, «les experts

22
«what was pure science 10 years ago, today constitutes everybody's knowledge (note the example of aids)»
23
«we know that there are kinds with common hidden structure, but we don't yet have the knowledge to
describe all these hidden structures»

42
n'interviennent qu'a priori» (Kleiber, Ibid.) après que les locuteurs auraient
isolé et déterminé l'extension.

Enfin, l'information scientifique peut relever de plusieurs sciences. Aucun


critère n'est privilégié pour déterminer l'extension par un savoir au dépens d'un
autre. De même, les objets et les êtres sont généralement de composition
complexe et on ne saurait choisir une structure partielle au détriment d'une
autre. Que peut figurer dans l'extension de citron par exemple ? La structure
chromosomique de la chair ? de la peau ? des noyaux ? Pour des termes comme
tigre ou lion quelle serait l'extension ? Le code génétique ? Les propriétés
physiologiques ?

Critiquant cette conception tripartite du noyau proprement sémantique


chez Putnam, Bernard Fradin (1984 : 65) propose de ne retenir que deux
composants. Pour lui, la notion de marqueur sémantique est difficile à
distinguer du stéréotype. La nature des informations figurant dans le marqueur
«… ne peut être que de deux types : (i) analytique, ce qui implique que les
propriétés sémantiques sont construites sur la base d'un savoir cohérent ; c'est
ce qui arrive dans le cas de l'extension, (ii) non-analytique(s), comme c'est le
cas avec les propriétés recensées dans le stéréotype. Or ce que contient le
marqueur peut être soit du type (i), soit du type (ii)…».

Or, dans l'optique de Putnam, les traits relatifs à l’extension ne sont pas
analytiques, sinon rien n'empêcherait de traiter le sens selon une conception
componentielle (Cf. note 6 page 9, Putnam 1975 : 191). Ainsi, la circularité de
cette conception du sens reste entière.

2- Du mot au syntagme et du trait à la phrase stéréotypique


La réflexion-essentiellement philosophique- de Putnam sur le langage a
ouvert la voie à l’investissement de la notion de stéréotype dans le champ
proprement linguistique. Dans ce sens, les travaux de Bernard Fradin et surtout
de Jean-Claude Anscombre, tout en adoptant les fondements théoriques de

43
l’approche putnamienne, ont tenté de réarranger sa configuration de la
représentation sémantique dans deux directions :
- la première, en ne retenant que le stéréotype. Les deux autres
composants du noyau sémantique sont soit assimilés au stéréotype (Cf. ci-
haut), soit simplement omis du champ linguistique (l’extension). D’après
Anscombre (2001b : 55), celle-ci « relève très exactement de l’intension » qui,
en tant qu’elle implique la connaissance et la détermination de la référence, ne
fait pas partie des problèmes linguistiques (Ibid. :53). De ce fait, «…la notion
d'extension, si elle s'avère fondée […], il n'est pas sûr qu'elle doive figurer dans
la représentation sémantique». (Fradin, 1984 : 65.) ;
- la deuxième, en implantant la notion dans le cadre du fonctionnement
discursif des unités de la langue. Il faut toutefois mentionner que Putnam lui-
même fait allusion dans ses écrits à cette dimension en rapport avec les
problèmes de désignation et non ceux de la signification. Il affirme dans ce
sens que « le signe lui-même, considéré indépendamment de son emploi, n’est
pas le concept. Et les signes eux-mêmes ne désignent pas intrinsèquement
quelque chose » (1981-1984 : 29).
Nous nous proposons alors d’explorer plus en détail les aboutissements
de ces deux types de réarrangement en vue d’apprécier le degré de leur
similitude avec la conception du stéréotype putnamien et de retenir quelques
implications de l’investissement de la notion révisée dans le champ discursif.

Pour Fradin comme pour Anscombre, l’idée du stéréotype constitué


d’un nombre fini de caractéristiques obligatoires, objets de conventionnalité et
habituellement approximativement vraies n’est pas retenue. Pour le premier,
«le stéréotype d'un N sera la suite ouverte d'énoncés associés à ce N» (1984. a :
65). Anscombre, lui, distingue du point de vue de l’usage linguistique, la
signification du terme relative au locuteur considéré et qui est l’ensemble des
caractéristiques sémantiques associées à ce terme » (2001b : 57) et son sens qui
est la partie de la signification mise en jeu lors de son occurrence. En définitif,
« le stéréotype d'un terme est une suite ouverte de phrases attachées à ce terme,
et en définissant la signification. Chaque phrase du stéréotype est, pour le terme

44
considéré, une phrase stéréotypique» (2001a : 60). Cette signification « peut
être constituée de phrases stéréotypiques… antinomiques» (Ibidem. : 61)
utilisées chacune dans des circonstances énonciatives qui lui sont appropriées.
Ainsi, la conventionnalité qui est supposée assurer la définitude des éléments
constitutifs du stéréotype devient un facteur variable et non absolu de par la
texture ouverte du stéréotype et la non-conformité de son contenu d’un locuteur
à un autre. Le seul point commun avec le stéréotype putnamien semble être,
donc, l'accord sur le refus de l'analycité.

Les deux approches se dissocient sensiblement quant au recours à la


notion pour rendre compte du fonctionnement discursif des unités linguistiques.

Fradin, admettant que la notion de stéréotype «n'est pas une notion


construite mais à construire» (Ibidem.) se propose «d'apporter un début de
réponse à la question suivante : quelles sont les diverses formes que peuvent
prendre les énoncés figurant dans la RS attachée à un N ? Et plus
particulièrement : quelle incidence cette forme a-t-elle sur le fonctionnement
sémantique et syntaxique des noms?» (Ibidem.).

Le champ d'application choisi pour répondre à ces questions est celui de


l'anaphore associative. A partir du fonctionnement syntactico-sémantique des
exemples étudiés quant à l'emploi du défini générique le, du clitique en et des
possessifs son / sa, Fradin a dégagé une hypothèse générale de la représentation
sémantique des noms que nous nous contentons de présenter pour le besoin de
notre analyse :

(H1) 1. Les règles de base engendrent le Ni [Ni étant l'anaphorisant], Ni


en, et son / sa Ni.
2. Il doit y avoir un Nj disponible comme anaphorisé dans l'interdiscours
qui précède ou qui suit linéairement la proposition ou se trouve le, en ou
son / sa.
3. Il doit exister un énoncé de type SNA (H2) qui mette en rapport Nj et
Ni;

45
(H2) étant formulé comme suit :
(H2) a- Un Nj avoir un / des Ni
b- Un Nj être avec un des Ni
Fradin envisage émettre des hypothèses sur la forme de la représentation
sémantique des noms en général, cependant, le cadre qu’il choisit pour
l’établissement de ces hypothèses se réduit à un phénomène discursif
particulier : celui de l’anaphore associative24. Doit-on comprendre d’après la
règle H1. 2 que tout N doit être anaphorisé dans le discours pour pouvoir
décrire sa représentation sémantique ? Ainsi, des noms figurant dans des
énoncés minimaux tels que :

(3)- l'oiseau vole

(4)- le soleil se lève

n'ont pas de représentation sémantique ou du moins, cette représentation n'est


pas descriptible par ce modèle.

Par ailleurs, selon la règle H1. 3, et même si l’on se libère de la contrainte


anaphorique, des propriétés telles que jaune, rusé, incolore respectivement
pour citron , renard , eau n'ont pas de chance pour figurer dans une telle RS
parce qu'ils ne sont pas tout simplement des noms. Même si l'on envisage de
telles qualités sous leurs formes nominales telles que beauté, douceur, bêtise
respectivement pour fleur , femme , âne , celles-ci ne font partie de la RS parce
que ces noms ne peuvent pas figurer comme référents de l'expression

24
Cette approche soulève plusieurs objections dont nous
citons particulièrement:

-La forme : / x avoir un y / ou / x être avec un y / ne couvre pas la totalité du contenu sémantique stéréotypique
pouvant être rattaché à un nom. Mathide salles remarque dans ce sens que «l'anaphore associative peut se
fonder sur une relation membre-collection» à laquelle «le cadre avoir s'applique mal…» (1995 : 50) ;

- Les règles établies par Fradin concernent exclusivement les anaphores associatives méronymiques
canoniques. Elles excluent par exemple les anaphores associatives locatives ( « suites locatives » dans
le vocabulaire de Fradin) du type Une voiture s'arrêta. Le becquet arrière / l'arceau de sécurité était
tordu ou les anaphores fonctionnelles du type La voiture dérapa : le conducteur s'était assoupi .

46
anaphorique. Puis, indépendamment même de cette contrainte, la condition
postulée dans la règle H1. 3 empêche tout lien de la sorte entre les Ni et les Nj :

(5)-* la fleur a une beauté / est avec une beauté

(6)- * la femme a une douceur / est avec une douceur

(7)-* l'âne a une bêtise / est avec une bêtise

Dans ses derniers écrits (1998-2002), J-C. Anscombre annonce


également qu’il œuvre dans le sens d’un projet qui jette «les bases d'une théorie
sémantique qui serait une théorie des stéréotypes sur la base des idées de H.
Putnam et B. Fradin» (2001 : 59). Cette théorie «outre qu'elle propose une
représentation du lexique qui n'est pas l'image traditionnelle d'une somme de
contenus sémantiques «littéraux», invariants, permet d'éviter les divers
paradoxes et contradictions auxquels donne lieu la Théorie des topoï dans ses
différentes versions, des plus anciennes aux plus récentes» (Ibid. : 57).

A première vue, sa théorie du stéréotype est fondée sur un dilemme. Étant une
liste ouverte de phrases, variant d'un locuteur à un autre, la signification d'un
terme n'a plus, en principe, une structure interne et donc un mot ne peut avoir
une configuration sémantique particulière, opposable aux autres unités de la
langue sauf si la signification est envisagée comme relative à chaque locuteur.
La distinction qu’il opère entre le stéréotype primaire s’intégrant à la
signification lexicale d’un mot et le stéréotype secondaire localement induit par
le contexte (2001 : 63) reste ouverte sur les deux appréhensions de la
signification. De même, si l’on se rappelle que, pour lui, le sens d’une
occurrence d’un terme est la partie de la signification mise en jeu dans le
discours, il est légitime de se demander si ce sens équivaut au stéréotype
secondaire ainsi défini.

Pour illustrer cette distinction, il donne l’exemple d’un passant qui,


risquant d’être agressé, cherche un moyen pour se défendre :

47
(8)- Regardant autour de lui, il aperçut par terre une grosse branche qui
avait été oubliée là après les coupes d'automne. (* Ce gourdin + ?? ce
gourdin improvisé) fit hésiter les assaillants

(9)- Regardant autour de lui, il aperçut par terre une grosse branche qui
avait été oubliée là après les coupes d'automne, la ramassa, et
l'empoigna par bout. (* Ce gourdin ? ce gourdin improvisé) fit hésiter
les assaillants.

(10)- Regardant autour de lui, il aperçut par terre une grosse branche
qui avait été oubliée là après les coupes d'automne. Il la ramassa,
l'empoigna par un bout, et commença à battre l'air devant lui (? Ce
gourdin + ce gourdin improvisé) fit hésiter les assaillants». (Ibid.).

Il en déduit que le stéréotype primaire de gourdin comprendrait des phrases


telles que : Un gourdin est une grosse branche / On empoigne un gourdin
par un bout / On frappe avec un gourdin.

Cette démonstration n’apporte apparemment pas d’éléments de réponse pour


les interrogations ci-haut évoquées. La définition lexicographique
intentionnelle (Cf. la critique d’Anscombre de ce genre de définition dans
(2001b : 54) de gourdin peut être quelque chose comme :

(12)- gourdin : «bâton gros et lourd servant à frapper» (Le Petit Robert)

et correspond à peu près au stéréotype primaire du terme ci-haut défini.

Dans le dernier contexte dans lequel l’occurrence du mot satisfait cette


définition tout le contenu stéréotypique est explicité :

- «grosse branche…la ramassa, l’empoigna d’un bout, commença à


battre l'air devant lui».

Cette démonstration contredit l’idée d’un sens qui serait une partie de la
signification lexicale du mot sinon rien n’empêche les énoncés précédant le
dernier exemple d’en rendre compte. Faut-il alors comprendre que pour mettre
en évidence le stéréotype primaire d'un terme, le procédé serait de trouver un
contexte qui permettrait de paraphraser sa signification ? Si tel était le cas, il

48
s'ensuit que, dans il cherche un gourdin, gourdin n'a pas de signification
puisque le contexte n'explicite et ne paraphrase ni le stéréotype primaire, ni le
stéréotype secondaire.

Ceci dit, nous ne disposons d'aucun critère permettant de distinguer les


deux types de stéréotype. Pour les distinguer, il faut pouvoir les opposer. Le
procédé suivi ne permet pas une telle opposition. La preuve c'est que, si l'on se
place dans un autre contexte où il ne s'agit plus de branche mais de bâton, de
planche ou même de barre de fer la reprise est toujours possible :

(13)- Regardant autour de lui, il aperçut par terre un gros bâton qui
avait été oublié là par un berger ou un paysan. Il le ramassa,
l'empoigna d'un bout et commença à battre l'air devant lui. (Ce gourdin
improvisé) fit hésiter les assaillants.

(14)- Regardant autour de lui, il aperçut une grosse planche oubliée sur
le chantier. Il la ramassa. L'empoigna d'un bout et commença à battre
l'air devant lui. Ce gourdin improvisé fit hésiter les assaillants.

(15)- Regardant autour de lui, il aperçut une grosse barre de fer oubliée
là par les ouvriers. Il la ramassa, L'empoigna d'un bout et commença à
battre l'air devant lui. Ce gourdin improvisé fit hésiter les assaillants.

Faut-il conclure toujours que le stéréotype primaire de gourdin est à la


fois «un gourdin est une grosse branche / un gros bâton / une grosse
planche/ une grosse barre de fer» ?

Si l'on abandonne cette propriété, faut-il décider alors que tout ce qu'on
empoigne d'un bout et dont on se sert pour frapper est un gourdin ?

Pour démontrer le caractère antinomique que peut avoir la signification


d'un terme, Anscombre s'appuie sur des énoncés proverbiaux et d'autres
exemples qui méritent d’être analysés en détails.

Le premier argument se fonde sur les deux dictons suivants :

(16)- les extrêmes s'attirent

49
(17)- Qui se ressemble, s'assemble

Ici, «deux stéréotypes peuvent faire intervenir des phrases sentencieuses


antinomiques» (Ibid. : 61). Mais, ce cas ne convient pas à notre propos puisque,
comme Anscombre a beau fait de le préciser, il s'agit de deux phrases
stéréotypiques qui pourraient être mises en rapport avec deux mots différents à
savoir extrême et ressemblance. Donc, ce n'est pas là une preuve du caractère
antinomique que peut revêtir la signification d'un terme.

Pour le second argument, Anscombre asserte que «la plupart d’entre nous
admettraient sans doute d’intégrer dans le stéréotype de fait à la fois Une
hirondelle ne fait pas le printemps et sa contradictoire Il n'y a pas de fumée
sans feu » (2001a : 61). Soulignons, d'abord, que le caractère antinomique de
ces proverbes est à discuter. S'ils le sont vraiment, cela implique qu'un locuteur
X dans une situation énonciative Y a le choix d'opter pour l'un ou l'autre de ces
énoncés mais non les deux à la fois. On peut imaginer une infinité de contextes
où ce choix n'est pas possible. Supposons que deux locuteurs parlent de la
mauvaise réputation d'un haut fonctionnaire soupçonné dans des affaires de
corruption qui n'ont jamais été démontrées. L'un d'eux pourrait bien dire :

(18)- Il n'y pas de fumée sans feu


Mais serait-il en mesure de dire :

(19)- Une hirondelle ne fait pas le printemps ?

Toutefois, ce n'est pas là l'essentiel. Admettons néanmoins que les deux phrases
seraient antinomiques. Anscombre les considère comme faisant partie du
stéréotype de fait, mais il ne fournit aucun moyen de les rattacher à ce terme.
Théoriquement, deux possibilités se présentent : ou bien ils le sont dès le
niveau lexical ou ils ne sont manifestes qu'à travers le discours.

Dans le premier cas, nous sommes en présence de deux types de


difficulté. Anscombre affirme que «les phrases stéréotypiques seront toutes du
type que je noterai (G (m, n) i.e. une relation de type générique entre deux
termes m et n. […]. Dans la TS, le lexique est donc une suite de formes…, m,

50
n, qui sont reliées entre elles par des phrases génériques G(m, n). Dans la
mesure où la signification d'un terme m est l'ensemble des phrases de type
G(m, n)» (Ibid. : 72).

Soit m le terme fait auquel sont rattachées les deux phrases stéréotypiques
mentionnées ci-haut. Aucune de ces deux phrases, ayant formellement la
structure G (m, n) ne contient le terme fait. Autrement dit, m est
respectivement dans les deux proverbes hirondelle et fumée.

Par ailleurs, même si l’on se libère des contraintes qu'impose cette formule, il
est absurde d'imaginer quelqu'un asserter que le sens de fait est : Une
hirondelle ne fait pas le printemps / ou Il n'y a pas de fumée sans feu.

Dans le deuxième cas, imaginons notre dernier locuteur énoncer :

(20)-Tout le monde en parle ; je ne crois pas qu'il soit innocent

énoncé qui convient bien à : Il n'y a pas de fumée sans feu. Toutefois, le
terme fait ne figure pas dans cet énoncé, et donc, on ne voit pas comment lui
rattacher cette signification25.

Et même si fait est explicité par le contexte comme dans :

(21)- Tout le monde parle de ce fait. Je ne crois pas qu'il soit innocent,

va-t-on en déduire que la signification de fait comprend Il n'y a pas de fumée


sans feu? La formule G (m, n) quoiqu'on la modifie, ne paraît non plus être apte
à décrire la signification de fait dans ce contexte.

Jusque là, nous n'avons traité la théorie du stéréotype que sur la base de
la définition mentionnée ci-haut et qui rattache le stéréotype à un terme. Or, la
démonstration du mode de fonctionnement du stéréotype va nous révéler que
l'unité minimale à laquelle s'attache le stéréotype n'est plus le terme mais le
syntagme. «Lorsque nous parlons, asserte Anscombre, nous utilisons des
syntagmes nominaux. Le sens d'une occurrence d'un tel syntagme correspond à
25
- Si tel est l'intention d'Anscombre, elle serait vraisemblablement une reprise de la notion
d'argumentation intrinsèque interne de la nouvelle version de l'ADL (Cf. dans le chapitre suivant notre
critique de cette thèse)

51
l'activation d'un ou plusieurs énoncés stéréotypiques» (Ibid. : 61). Soit par
exemple, les énoncés suivants :

(22)- Max et Lia sont mariés, mais ils n'ont pas d'enfants

(23)- Marie ne peut pas conduire la voiture, car elle n'a pas le permis

Selon Anscombre, ces énoncés «s'expliquent aisément à partir de phrases


stéréotypiques respectivement attachées à être mariés, conduire une voiture…»
(Ibid. : 62) :

(24)- On se marie pour avoir des enfants

(25)- Il faut le permis pour pouvoir conduire une voiture

On en déduit les points suivants :

1- La signification stéréotypique existe bien dans une communauté


linguistique donnée comme phrases figées ou génériques. Le travail de
l'analyste est de découvrir à travers les enchaînements énonciatifs quelle est la
bonne phrase qui sera par la suite rattachée au syntagme donné. Mais, qu'en
est-il du locuteur ordinaire ? Comment convoque-t-il de telles phrases pour les
rattacher aux significations des mots qu'il emploie ?

2- Ici, la conception du stéréotype s'oppose clairement à celle présentée dans


la définition ; «être mariés» et «conduire une voiture» sont bel et bien des
syntagmes et on ne peut prétendre que les phrases stéréotypiques
correspondantes constituent la signification de marié ou conduire pris comme
des termes simples. Chaque syntagme est constitué au moins de deux mots
(soit, par exemple pour conduire une voiture, les termes conduire et voiture et
pour avoir un permis, avoir et permis). D'ailleurs, une représentation selon la
formule G (m, n) ne nous donnerait pas :
- G (marié, enfant)
- G (conduire, permis)
Mais
- G (être mariés, enfant)
- G (conduire une voiture, avoir un permis).

52
Si l’on se rappelle que, pour Anscombre, le sens d’un mot est la partie de sa
signification mise en jeu lors de son occurrence, il est légitime de se demander
de quelle signification rend compte l’enchaînement en question.

3- ce constat se double d'un autre : «Les phrases stéréotypiques […]


fondent les enchaînements» (Ibid.).

Ces deux derniers constats nous revoient à la théorie des topoï, à


laquelle Anscombre a longuement adhéré. Signalons que nous nous
contenterons ici de quelques constats généraux qui concernent exclusivement
cette relation ; une approche critique des différentes versions de l'ADL est
envisagée dans la deuxième partie. Selon Anscombre, «les stéréotypes et les
topoï ont en commun d'être des principes généraux faisant l'objet d'un
consensus au sein d'une communauté linguistique plus ou moins étendue. […].
Les deux procédés font donc partie de ce qu'on appelle habituellement les lieux
communs» (72). Cependant, la théorie des stéréotypes est venue combler les
insuffisances et les difficultés de la théorie des topoï. Voyons lesquels.

1- Les topoï sont représentés sous forme de schémas topiques (P, Q) où


P et Q sont deux méta-prédicats métalinguistiques gradables. Or, cette
gradabilité est discutable puisqu'elle ne convient, en fait, qu'à un certain
nombre de faits linguistiques (Cf. infra).

2- Fonder ces schémas topiques sur deux méta-prédicats indépendants


contredit dans certains cas l'un des postulats de départ de l'ADL qui suppose
que derrière les mots, il y a des mots. Ainsi, par exemple, après «avoir affirmé
que chercher ne se comprend que par rapport à trouver [on lui affecte] une
représentation où les deux prédicats se voient attribuer des valeurs séparées par
le biais de deux méta-prédicats indépendants» (Ibid. : 71). Le schéma topique
du type de (CHERCHER, TROUVER) est formé de deux méta-prédicats
indépendants où CHERCHER est affecté à chercher et TROUVER à trouver.

3- Le postulat qui dit que «la relation ‘être un argument pour’ est une
relation primitive dans la TAL» (Ibidem.), cache le fait que cette relation est en
réalité fondée sur l'existence de phrases génériques et non sur des schémas

53
abstraits. Autrement dit, «la nature argumentative de la langue est donc une
conséquence quasi-immédiate de la généricité non analytique» (Ibid. : 73).
Anscombre soutient que, « pour conserver les thèses d’un dynamisme non
référentialiste de la langue et de la gradabilité du mouvement discursif mais
sans prêter le flanc aux critiques […il abandonnera…] le concept de schéma
binaire gradable, au profit d’un autre concept, celui de stéréotype » (2001, Lynx
47).

Nous partons d'une «application» d'Anscombre expliquant le


fonctionnement du stéréotype relatif à chercher pour montrer les deux théories
rencontrent toujours les mêmes difficultés. Soit :

(26)- Il a cherché, mais (* il a trouvé + il n'a pas trouvé).

Anscombre affirme qu'un tel énoncé s'explique aisément à partir de la phrase


stéréotypique suivante :

(27)- Quand on cherche, on trouve

Autrement dit, si nous prenons en considération les hypothèses d'Anscombre,


c'est dans ce stéréotype que nous trouvons (i) la preuve que les phrases
stéréotypiques fondent les enchaînements ; (ii) la preuve de l'inséparabilité de
chercher et trouver.

Concernant (i), il y a une grande différence entre le fait de considérer


que de telles phrases fondent la signification d’un mot, son emploi contextuel
dans le cadre d’un syntagme ou un enchaînement entre des syntagmes. Dans ce
dernier cas, ce qui est impliqué dépasse le sens d’une unité (l’occurrence d’un
terme) pour toucher au moins deux sens de deux syntagmes. Autrement dit, ce
qui est mis en jeu lors de l’enchaînement intègre à la fois les substances de
deux concepts différents. Le sens qu’on va attribuer ne relève donc ni de l’un
isolé ni de l’autre. Selon cette conception du sens, pour l’exemple (23), la
phrase générique (25) peut bien figurer au moins dans le sens de permis
puisqu’un permis est nécessaire pour conduire une voiture, dans le sens de
voiture puisqu’une voiture ne peut être conduite que lorsqu’on a un permis ou

54
dans le sens de l’une des acceptions de conduire tant que pour conduire une
voiture, il faut avoir un permis.

Par ailleurs, indépendamment de la pertinence de voir dans (27) le fondement


qui pourrait expliquer l'emploi de mais, si l’on admet que la signification des
mots varie d’un locuteur à un autre et d’une communauté à une autre, rien
n’explique pourquoi une phrase générique comme :

(28)- Quand on cherche, on ne trouve pas forcément

ne peut pas être un argument pour l’emploi de mais bien qu’elle soit bien
acceptable et donc peut figurer dans la signification de chercher que certains
locuteurs peuvent partager.
Pour (ii), la possibilité de l'énoncé :
(29)- On dit souvent «quand on cherche, on trouve» mais Max a cherché
et n'a rien trouvé
est la preuve que (27) n'a rien à voir dans la justification de l'indissociabilité de
chercher et trouver.

En fait, il faut distinguer la signification de chercher et la mise en discours de


trouver. Simplifions les choses : la définition de chercher dans le Petit Robert
est :

Chercher : «s'efforcer de découvrir, de trouver (qqch. ou qqn)».

Autrement dit, trouver s'intègre normalement dans la signification de chercher


en tant qu’expression de la finalité. On cherche toujours dans le but de trouver
qqch. ou qqn. De là, soit P un méta-prédicat, un segment, un syntagme (ou tout
ce qu'on peut dire) qui figure dans un énoncé quelconque ; P contient le terme
chercher ; il contient donc potentiellement trouver comme une attente, une
intention, chercher et trouver sont inséparables dans P.

Soit, maintenant Q un méta-prédicat, un argument, etc. ; Q contient le terme


trouver ; la mise en discours de Q est une réponse (positive ou négative) à
l'attente contenue dans P. Il faut bien sûr que P et Q figurent dans le même
enchaînement.

55
De ce point de vue là, trouver dans Q est le résultat de chercher contenu dans
P. Dans ce cas, chercher dans P et trouver dans Q ne peuvent être
qu'indépendants.

Ainsi, dans :

(30)- Max a cherché sa clé et il l'a trouvé

le résultat dans Q est concordant avec la finalité contenue dans chercher (P).

Dans :

(31)- Max a cherché sa clé mais il ne l'a pas trouvé

le résultat est discordant avec l'attente contenue dans chercher. Ainsi, se justifie
l'emploi de mais ; il traduit l'opposition entre un résultat et une démarche.

Les termes chercher et trouver figurant dans l'énoncé sont indépendants parce
que le sème /trouver/ inséparable effectivement de chercher se trouve dans le
mot même.

La théorie des stéréotype ne fait que remplacer les deux méta-prédicats


P et Q par deux syntagmes. Autrement dit, les deux théories trouvent des
difficultés à décrire le sens en deçà d'un enchaînement entre deux segments
(peu importe lesquels). Anscombre l'explicite clairement : «Dans la mesure où
la signification d'un terme m est l'ensemble des phrases de type G (m, n) qui lui
sont attachées, on note que m n'a aucune valeur sémantique en dehors de ces G
(m, n)» (2001 : 72). G étant le cadre générique, m et n ne peuvent revêtir que la
forme de syntagmes (d'où P = m et n = Q). Ainsi, si m ne se trouve pas dans un
enchaînement ou une figure également n, il n'a pas de sens. Examinons
l'énoncé suivant :

(32)- Attends ! Je cherche mon parapluie.

Suivant cette logique, chercher n'a pas de signification dans cet énoncé parce
que justement n n'y apparaît pas. Sinon, quelle phrase générique selon la
formule G (m, n) pourrait ici rendre compte de la signification de chercher ?
Serait-ce «quand on cherche, on trouve» ?

56
Le troisième point, s'inscrit dans la même problématique évoquée ci-
haut. Le fait de considérer «être un argument pour…» comme une conséquence
de la généricité stéréotypique n'est qu'un prétexte pour fixer les méta-prédicats
métalinguistiques P et Q dans les syntagmes de la langue enchaînés dans un
cadre générique. Ainsi, «si m est un argument pour n, c'est parce que du fait de
sa non-analycité, la phrase générique G(m, n) qui est convoquée et instanciée
admet par nature des exceptions, m n'étant donc qu'une bonne raison de croire à
n» (Ibid., 73). Autrement dit, on peut inverser cette logique et dire que toutes
les phrases génériques sont fondées sur un primitif qui est «m être un argument
pour n» sans que rien ne soit changé. Le postulat sur lequel repose la théorie
des topoï est ainsi maintenu. La preuve est que Anscombre lui-même affirme
que «m est un argument pour n» n'est qu'un raccourcissement volontaire, pour
les besoins de l'exposition de «… si un énoncé de telle forme dans lequel figure
m est un argument pour un énoncé de telle autre forme dans lequel figure n…»
(p 73, note 37).

Par ailleurs, les deux théories rencontrent la même difficulté : celle des
enchaînements argumentatifs qui se laissent difficilement exprimer par un
topos ou une phrase générique stéréotypique. Selon Anscombre, «la phrase
stéréotypique n'est pas à proprement parler énoncée. Elle est plutôt évoquée,
mise en place, convoquée, un peu à la façon dont les proverbes sont convoqués
pour appuyer un enchaînement ou un raisonnement» (Ibid. : 63). Admettons.
Mais, soit les énoncés suivants :

(33)- Cette chemise est sale ; je vais la laver

(34)- Cette chemise est sale ; je vais m'en débarrasser

(35)- Cette chemise est sale ; je vais m'en servir pour boucher ce
trou

(36)- Cette chemise est sale ; je vais la déchirer

Nous avons là, des énoncés fondés sur des enchaînements argumentatifs. Quels
topoï ou quelles phrases génériques stéréotypiques pourraient sous-tendre ces

57
enchaînements ? Et, selon la formule G(m, n), m étant chemise, quel serait la
signification de ce terme qu'on pourrait atteindre par cette formule ?

En somme, la théorie des stéréotypes, étant fondée sur les mêmes


postulats que l'ADL apporte un nouvel éclairage sur le fonctionnement des
enchaînements argumentatifs mais ne rend pas compte des unités de sens en
deçà de telles constructions.

3- L’expression stéréotypique, une catégorie des séquences


figées ?

La relation entre la stéréotypie et le figement est surtout traitée dans la


perspective des critiques littéraires où est considérée comme stéréotype toute
expression figurée, répétée et consacrée par l’usage. L’origine typographique et
le caractère clichétique marquent souvent l’appréhension de cette notion d’une
coloration péjorative.

L’étude de cette relation d’un point de vue linguistique reste dans


l’ensemble influencée par cette perspective. Quand l’accent n’est pas mis sur
l’aspect péjoratif de ces expressions toutes faites, la tendance générale est
d’expliquer ce phénomène par le biais des critères stylistiques et rhétoriques.

C. Shapira (1999) distingue dans ce sens les locutions grammaticales et


les « locutions syntagmatiques stéréotypées [qui] sont nommées […]
expressives parce qu’elles représentent toujours des alternatives figées
stylistiquement marquées. C’est à ce niveau qu’intervient la notion de
stéréotypie, avec ses aspects paradoxaux : d’une part, l’image estompée, le
trope usé, la figure banalisée, d’autre part, un choix stylistique préférant la
locution figée, même stéréotypée au discours libre non marqué » (p 157).

Trois critères permettent de distinguer les deux types de locution :

- le critère syntaxique : la locution expressive comporte tout syntagme


ou segment de proposition morphologiquement et syntaxique ment normal ;

58
- le critère stylistique : la locution stéréotypée est définie comme un
énoncé impliquant une rhétorique et une stylistique ; supposant le plus souvent
le recours à une « figure », métaphore , métonymie… ;

- le critère de l’expressivité : « la locution représente une alternative


expressive pour un concept ou une notion pour lesquels il existe par ailleurs
dans la langue une ou plusieurs expressions neutres » (1999 : 19).

Ces critères peuvent être mis en doute au moins à deux égards : leur cohérence
et leur pertinence dans la description de la stéréotypie dans les séquences
figées.

En premier lieu, aucun critère n’est à proprement parler discriminatoire. Pour le


critère syntaxique, Shapira ne précise nulle part, ce qu’elle entend par
« comportement morphologique et syntaxique normal ». Certes, elle ne fait pas
allusion à la soumission de ces unités aux règles combinatoires de la syntaxe
libre puisqu’elle remarque que toutes les séquences figées se caractérisent par
la suspension de ces règles opérationnelles. Elle ne peut non plus signifier
l’accès aux différentes fonctions syntaxiques puisqu’elle affirme que, pour les
deux types de locution un tel accès est sans rapport avec leurs composantes
morphologiques. En outre, si elle fait allusion à des phénomènes particuliers
tels que l’absence ou la présence de la détermination, il est bien apparent qu’un
tel fait ne peut être rattaché à un type particulier de locutions mais, aux règles
en vigueur au moment du figement indépendamment du contenu sémantique ou
de la forme rhétorique.

Quant au deuxième critère, elle consent, elle-même, à l’existence d’expressions


non marquées qui résultent de figures telles que le pied de la table , la feuille
de papier26 ».

Enfin, le critère qui voit dans les locutions stéréotypées un luxe du lexique, une
alternative expressive à un terme non marqué correspondant est infirmé par

26
Nous ne discutons pas, ici, le fait de considérer de telles formations comme des locutions
grammaticales.

59
plusieurs exemples de locutions censés ne pas présenter une telle alternative
(citées par Shapira, p 20) :

(37)- par cœur / de mémoire

côte à côte / l’un à côté de l’autre

coude à coude / très proche

à l’unisson / en accord total, etc.

En second lieu, cette vision n’est en quelque sorte qu’une reprise de


l’interrogation sur la valeur du stéréotype dans son acception littéraire. La
question qui sous-tendrait ces critères serait du genre « Le stéréotype est-il
vraiment une expression banale et usée ? » La réponse ne dépasse pas ce cadre
formel : « Le stéréotype est une expression figurée qui garde une certaine
valeur stylistique puisqu’elle a toujours un correspondant neutre ».

Ainsi, la dimension sémantique, essentielle pour la compréhension du


stéréotype est absente. L’accent n’est pas mis sur la fixation des représentations
collectives dans la langue mais sur les procédés stylistiques de mise en forme.
En fait, plusieurs types d’expressions regroupées sous lesdites « locutions
grammaticales » sont le foyer d’une telle catégorisation stéréotypique (Cf.
Mejri, 1997a à propos des dénominations structurées à partir des parties du
corps, p 312).
Si la fixation de telles représentations dans les expressions figées est
évidente, la difficulté est alors de tracer les limites entre ce qui est spécifique à
ces expressions et ce qui est caractéristique du phénomène en général. Une telle
tâche pour être accomplie nécessite la description sémantique du
fonctionnement de la stéréotypie à ces deux niveaux pour pouvoir ensuite les
opposer.

60
Deuxième chapitre- Le stéréotype et les enjeux
de la normativité
Jusque-là, nous nous sommes contenté d’explorer la réflexion sur le
stéréotype considéré du point de vue de sa configuration et de son foyer. Or,
l’identité de cette notion dépend également et surtout de son degré de stabilité.
Autrement dit, le contenu qu’on pourrait lui attribuer et le rôle qu’on lui
assignerait dans la nature et dans la circulation du sens restent largement
tributaires de la façon dont on envisage son rapport avec la norme. Pour cela, il
nous faut revenir, à travers ces différentes approches, sur sa nature-même pour
interroger la portée du critère de la conventionnalité qui lui est rattaché,
réexaminer le concept de la « généricité » qui semble s’imposer comme un
outil de sa reconnaissance potentielle et revoir la capacité des ouvrages
lexicographiques, en tant qu’institutions destinées à perpétuer une certaine
vision de la norme, à en rendre compte.

1- Le stéréotype entre fixation et variation

Anscombre affirme s'inscrire dans la lignée de Putnam. Ses travaux sur


le stéréotype emprunte en effet à celui-ci certaines idées notamment celles de
«communauté linguistique » ou de l'attribution du stéréotype à la compétence
individuelle. Il reste à voir si ces notions concordent encore avec la texture
ouverte du stéréotype tel qu’il est défini par Anscombre et gardent donc le
même contenu et la même fonction ou, au contraire, elles acquièrent dans cette
optique une signification particulière.

Anscombre avance deux hypothèses qui, avec la définition du stéréotype


ci-haut formulée, constituent le fondement de sa théorie. Elles concernent
respectivement la possession et la transmission de la signification :

- «(H1) Tout locuteur d'une langue L dispose d'un certain lexique, i.e. d'une
liste plus ou moins longue de termes […] auxquels il est susceptible d'attacher un
certain nombre de caractéristiques sémantiques […]. J'appellerai l'ensemble des

61
caractéristiques sémantiques attachées à un terme la signification de ce terme, étant
bien entendu que cette signification est relative au locuteur considéré» (Ibid., 60).

- (H2) «Tout locuteur, lorsqu'il parle, i.e. dans son rôle de locuteur parle en
tant que membre d'une certaine communauté linguistique» (Ibidem.).

Étant relative à un locuteur donné, la signification d’un terme se présente donc


comme une représentation mentale. Cependant, il arrive que les représentations
de plus d'un locuteur se croisent même si ce n'est que partiellement et c'est ce
qui fait que l'intercompréhension «a parfois lieu ou du moins que tout semble
se passer comme si27 elle avait effectivement lieu» (Ibid. : 60). De cette
intersection des représentations individuelles, résulte la notion de communauté
linguistique. Celle-ci est d'abord définie comme «tout ensemble de sujets
parlants qui est présenté comme partageant (entre autres choses) une certaine
liste de termes affectés des mêmes significations» (Ibidem.).

A première vue, cette communauté a un rôle dans la fixation du lexique


et fait acquérir au stéréotype une certaine stabilité. Mais, Anscombre précise
qu’ «il ne s'agit pas … nécessairement de communautés linguistiques réelles,
mais présentées comme telles et relatives donc aux circonstances d'énonciation,
et donc au(x) domaine(s) dont il est question dans la conversation» (Ibidem.).
Le locuteur ne fait donc pas partie d'une seule communauté linguistique mais
de plusieurs, et chacune d'elles peut affecter à un terme une signification
différente des autres. C'est ce qui explique l'inconstance de la signification
possédée par un locuteur donné : «il peut se faire que [celui-ci] la modifie pour
une raison ou une autre» (Ibid. : 61) et, toujours pour ce même locuteur, cette
signification peut avoir un contenu antinomique selon les circonstances
énonciatives. Une telle conception semble à première vue rejoindre celle de
Putnam pour qui «les composants du vecteur représentent tous une hypothèse

27
- C'est nous qui soulignons

62
au sujet de la compétence du locuteur individuel à l’exception de l’extension»28
(1975 : 191).

Il faut toutefois préciser que le stéréotype putnamien est un ensemble de


caractéristiques (features) ou de critères (criteria) qui pourraient être considérés
comme des traits en nombre fini jouissant d'une stabilité relative (leur
variabilité n'est perçue qu'à travers le temps, les époques). Cette stabilité est le
résultat direct de la conventionnalité d'un tel savoir préétabli. Autrement dit,
c'est la communauté linguistique unifiée et dans son ensemble qui détermine le
savoir minimal respectant la syntaxe et la sémantique (1975 : 168) et qui
sélectionne parmi ce savoir utilisé en son sein les éléments centraux et
obligatoires qui vont figurer dans le stéréotype et constituer sa matière
sémantique stable et objet de convention29. Ainsi, si le savoir qu'elle utilise est
ouvert, les éléments qu'elle retient pour la constitution du stéréotype sont finis.

Chez Anscombre, le contenu du stéréotype est, à l'opposé, totalement


éclaté. C'est une liste ouverte de phrases qui varie d'un locuteur à un autre et
chez le même locuteur selon les circonstances d'énonciation et qui peut
renfermer des composants antinomiques. Dans cette optique, si le stéréotype
fait l'objet d'un consensus, ce ne serait que d'une manière contingente relative à
une situation d'énonciation bien déterminée. Par conséquent, on ne peut parler
dans ce cas de conventionnalité puisque celle-ci présuppose un consensus
durable et stable au sein d'une communauté linguistique au contour bien défini,
lequel consensus détermine l'usage.

Les différences entre les deux approches ont une répercussion sur la
représentation de la signification lexicale. Pour Putnam, le stéréotype tout
comme l'extension sont des descriptions de la signification d'un mot même si

28
«the components of the vector all represent a hypothesis about the individual speaker's competence, except the
extension»
29
- "Not all criteria used by the linguistic community as a collective body are included in the
stereotype.." (Putnam, 1975 : 147).

63
30
ces descriptions n'arrivent pas à identifier le réfèrent (1975 : 190). Chez
Anscombre, le fait de considérer le stéréotype comme une liste ouverte de
phrases, parfois contradictoires, a pour conséquence l’impossibilité de décrire
la signification lexicale d'un mot en dehors du discours. La raison en est que
nous n’avons plus aucun critère pour décider des contenus candidats à figurer
dans la signification du mot dès son niveau lexical. Autrement dit, si pour un
locuteur donné , à un mot comme argent peuvent être rattachées, selon les
circonstances, des phrases stéréotypiques telles que L’argent fait le bonheur ou
L’argent ne fait pas le bonheur, laquelle de ces deux phrases fera partie de la
signification qu’il a de ce mot ? Conclut-on qu’à l’image des sens d’une
occurrence dans le discours, un mot donné a plus d’une signification lexicale
pour un locuteur considéré et qu’on peut multiplier ces significations
infiniment selon la multiplication des locuteurs ?

De plus, nous savons que les données encyclopédiques que nous pouvons
inclure dans un concept sont effectivement quasi-illimitées tant que l’objet
qu’il désigne ou semble désigner peut être appréhendé sous plusieurs angles et
nous trouverons certainement quelqu’un capable d’en avoir une représentation
sous un angle ou un autre. La question qui se pose cependant est de savoir si
toutes ces données font réellement partie des significations possibles que peut
avoir un terme chez l’ensemble des locuteurs. Une telle idée est contre intuitive
du moment où nous prenons en considération que nos représentations sont
fonction de notre perception, de notre faculté à catégoriser selon un mécanisme
de sélection et donc ne retiennent que les données saillantes à un titre ou à un
autre. Ainsi, si le savoir que nous avons ou que nous pouvons avoir à propos
d’un être comme « chat » reste ouvert, le mot chat tel que nous employons ou
que nous nous représentons ne peut que suggérer un nombre limité de traits ou

30
«My proposal is that the normal form description of the meaning of a word should be a finite sequence, or
«vector» whose components should certainly include the following […] (1) the syntactic markers […] ; (2) the
semantic markers […] (3) a description of the additional features of the stereotype […] (4) a description of the
extension»

64
de phrases stéréotypiques partagés31 même si leur délimitation reste floue ou
approximative. De ce fait, si la texture ouverte de la signification n’est pas si
évidente pour l’ensemble des locuteurs d’une langue, elle l’est encore moins
pour un locuteur isolé dont le savoir, si étendu soit-il, ne peut être que limité.

Par ailleurs, dans la théorie d’Anscombre, aucun type de données


pouvant être inclus dans la signification n’est exempt de la variation rattachée à
la multitude des locuteurs. Or, chez Putnam, du moins le savoir véhiculé par le
marqueur sémantique ou par les descriptions opérationnelles (donc relatif à
l’extension) fait l’objet d’une stabilité même relative. Dans ce sens, nous
imaginons mal comment des traits comme « métal » ou « inoxydable » pour
argent pourraient ne pas faire l’objet d’un consensus large au sein des locuteurs
d’une langue ou comment ils pourraient être modifiés d’un locuteur à un autre.
Même pour le stéréotype, Putnam pense que les descriptions de cette nature
sont identifiantes pour les espèces ordinaires et donc on peut en déduire qu’elle
font l’objet d’un degré de conventionnalité plus large que celles concernant les
cas atypiques ou rares.

Ces différences entre les deux approches semblent résulter d’une


compréhension différente de l’attribution du stéréotype au locuteur individuel ;
laquelle attribution est tributaire du contenu que donne chacun d’eux à la
notion de « communauté linguistique ».

Anscombre avance qu'il emprunte cette notion à «beaucoup d'autres, dont


Putnam lui-même» (2001 : 60). Or chez celui-ci , la «communauté
linguistique» est indissociable de la division du travail linguistique entre
experts et profanes. Elle implique directement la distribution du savoir
constituant la signification d'un terme entre les différents locuteurs selon leurs
rôles dans une telle division. L'hypothèse fondatrice est que «chaque
communauté linguistique exemplifie le type de division du travail linguistique

31
La distinction entre "mot » et « terme » acquiert ici tous son sens.

65
décrit, c’est-à-dire possède au moins quelques termes dont les “critères”
associés sont connus par un sous-ensemble des locuteurs qui acquièrent les
termes, et dont l’usage par les autres locuteurs dépend d’une coopération
structurée entre eux et les locuteurs dans les sous-ensembles pertinents»32
(1975 : 146). Autrement dit, la communauté linguistique est un ensemble unifié
et coopératif qui tient sa légitimité des rôles respectifs de ses parties dans la
transmission de la signification. La nature même de celle-ci est fortement
marquée par cette division du travail linguistique. Ainsi, les traits considérés
comme des conditions nécessaires et suffisantes pour décider de l'appartenance
d'une occurrence particulière à une espèce sont tous présents à l'échelle de la
communauté linguistique dans sa globalité comme le postule Putnam (note 8,
page 11). Mais, l'élément décisif déterminant une telle appartenance n'est
reconnu que par quelques uns (les experts) et ce n'est qu'à travers eux que la
communauté linguistique toute entière possède ces critères : « la façon de
reconnaître acquise par ces locuteurs “experts” est aussi à travers eux, acquise
par le corps linguistique collectif, bien qu’elle ne soit pas acquise par chaque
membre individuel du corps »33 (Ibidem.).

C'est ainsi qu’excepté l'extension, les autres composants de la signification


(donc y compris le stéréotype) relèvent de la compétence des locuteurs
individuels. L'assertion de Putnam mentionnée au début n'est pas à comprendre
dans le sens que cette signification est une production individuelle puisque,
comme nous venons de le voir, c'est la communauté linguistique qui fixe son
savoir minimal, standard et conventionnel. Elle est à comprendre dans le sens
que la connaissance d'un tel savoir relève d'une telle compétence.

32
«Every linguistic community exemplifies the sort of division of linguistic labor just described, that is, possesses
at least some terms whose associated «criteria» are known only to a subset of the speakers who acquire the terms,
and whose use by the other speakers depends upon a structured cooperation between them and the speakers in the
relevant subsets»
33
«…the way of recognizing possessed by these «expert» speakers is also, through them, possessed by the
collective linguistic body, even thought it is not possessed by each individual member of the body…»

66
Chez Anscombre, cette assertion prend un sens tout à fait différent. Le
locuteur est le premier responsable de la signification qu'il associe au mot, il
peut la modifier, en garder deux versions contradictoires. Celle-ci peut donc
varier d'un locuteur à un autre sans aucune contrainte. La communauté
linguistique qui est censée avoir un rôle fixateur et régulateur de la
transmission de la signification est dépourvue d'un tel pouvoir. Pourquoi ?

En affirmant qu'«on ne se présente pas comme appartenant à la même


communauté linguistique selon qu'on parle en famille ou à son travail» (2001 :
60), Anscombre renonce du même coup à la notion de «division du travail
linguistique ». Autrement dit, si l'on est expert, on fait partie au moins de deux
communautés linguistiques différentes, celles des experts et celles des
profanes. Encore plus, puisque cette communauté varie selon les circonstances
d'énonciation, un expert ferait partie en plus de la communauté de ses confrères
savants, de celle des amis se regroupant autour d'un pot dans un bar parisien,
par exemple ; de celle des pères de famille respectueux et pourquoi pas de celle
des fans de foot au stade Saint-Denis. Ainsi, à la communauté linguistique
unifiée et coopérative se substitue des communautés éclatées sans aucune
relation entre elles sauf celle de la présence physique d'un locuteur X
appartenant à des moments différents de la journée à l'une ou l'autre de ces
communautés. Il est clair que de telles communautés n'ont aucune emprise sur
la signification et ne font que la suivre. Autrement dit, selon la «conjonction»
des locuteurs, se constitue une communauté linguistique et selon que nous nous
trouvons face à un interlocuteur Y et non X, la signification de nos termes
change.

En somme, si «le niveau stéréotypique [donc la signification] apparaît


comme régissant le fonctionnement de la langue en tant que pratique des
locuteurs individuels» (Ibid. : 58), la notion de communauté linguistique telle
qu'elle est définie par Anscombre apparaît plutôt comme le produit d'un
croisement variable et hasardeux tributaires des contextes d'énonciation et des
usages individuels, d'où le caractère également aléatoire de l'interprétation (Cf.

67
ci-haut parfois, semble / comme si). Cette conception peut être utile dans un
domaine autre que la signification d'un mot : par exemple, dans l'étude des
sociolectes et des registres de langue (ex. l’emploi de bagnole à la place
d'automobile, etc.).

Cette position centrale attribuée aux locuteurs individuels n’empêche


pas Anscombre de recourir aux phrases génériques (laquelle généricité est
inconcevable en dehors de la conventionnalité) comme un outil permettant la
reconnaissance des phrases stéréotypiques.

2- Stéréotype et généricité

Anscombre rapproche la stéréotypicité et la généricité en affirmant que


«parmi les phrases faisant partie d'un stéréotype figurent en particulier des
phrases génériques» (1999 : 56) qui sont de trois types :

- les phrases génériques nécessairement vraies (ou phrases génériques


analytiques» (p. 57) comme dans :

(31) Les voitures sont des véhicules

- «les génériques généralement vraies (ou typifiantes a priori)» comme :

(32) Les voitures ont quatre roues

- et les génériques synthétiques (ou typifiantes locales) comme :

(33)- Les voitures son chères.

La généricité joue dans ce sens, un «rôle clé» (2001a : 57) dans l'identification
de la nature du stéréotype. Selon lui, la distinction entre «le stéréotype primaire
associé de façon stable au mot, du moins au sein d'une communauté
linguistique donnée et le stéréotype secondaire, attaché localement à
l'occurrence d'un terme, et pouvant être en particulier induit par le contexte»
(2001a : 63) «est à rapprocher de la différence entre phrases génériques
typifiantes a priori et des phrases génériques typifiantes locales» (Ibid. : 64).

Jusque-là, il y a deux éléments nouveaux dans la théorie d’Anscombre qui,


nous semble-t-il, n’ont pas été pris en compte par la définition du mot comme

68
un ensemble ouvert de phrases stéréotypiques. Le premier, c’est que le
stéréotype peut comporter autre chose que les phrases génériques permettant
l’identification des stéréotypes primaires ou secondaires (parmi les phrases
faisant partie du stéréotype…). Il est légitime dès lors de se demander quels
seraient la nature et le statut de cette partie du stéréotype qui reste en dehors
des deux types ainsi définis (primaire et secondaire). Le deuxième élément est
relatif aux phrases génériques nécessairement vraies. Si le savoir véhiculé par
ces phrases doit figurer dans la signification d’un terme, alors on ne peut plus
soutenir que « le stéréotype définit » (2001b : 58) cette signification. Dans le
cas contraire, il est inconcevable d’envisager qu’un tel type de savoir reste en
dehors de la signification.

Quoi qu’il en soit, nous verrons que le rapprochement entre un type


particulier de phrases génériques et la nature primaire ou secondaire du
stéréotype souffre d’une certaine ambiguïté à plus d’un titre.

Anscombre tente de fonder cette typologie de phrases génériques sur la


distinction entre deux types d'opposition : propriété intrinsèque vs propriété
extrinsèque et propriété essentielle vs propriété accidentelle. Une propriété
intrinsèque d'une entité est «toute propriété qui en est constitutive ». Cette
entité peut être un élément unique ou aussi bien une classe d'éléments, auquel
cas, si « la propriété est intrinsèque, elle sera constitutive de tout élément de la
classe34 » (1999 : 59). Ceci revient à dire qu'une telle propriété est valide pour
tous les membres d'une catégorie à savoir que celle-ci peut ne contenir qu'une
occurrence unique. Autrement dit :

X est propriété intrinsèque  X est commun aux éléments de Y ; Y peut


comporter un élément unique.

Pour le deuxième paradigme, «une propriété est essentielle pour une classe, si
elle est commune aux éléments de C» (Ibidem.). On en déduit qu'une propriété
intrinsèque est une propriété essentielle. Les exemples présentés par
Anscombre et illustrant ces deux notions confirment cette similitude : avoir
34
- C'est nous qui soulignons.

69
deux bras et deux jambes pour un humain est une propriété intrinsèque ; avoir
un cœur est une propriété essentielle. On pourrait bien inverser les exemples, le
résultat serait toujours le même.

Pour ce qui est de la propriété extrinsèque, elle est définie, dans le


premier paradigme, d'une manière circulaire : est extrinsèque ce qui n'est pas
intrinsèque. Cependant, si l’on considère la définition de la propriété
accidentelle en tant que propriété qui «n'est partagée que par les éléments d'une
sous-classe de C » (Ibidem.), et si nous appliquons cette définition aux
exemples illustrant la propriété extrinsèque, nous nous rendons compte que les
deux contenus sont similaires. En effet, les voitures qui possèdent un lecteur
CD constituent une sous classe des voitures en général ; de même les hommes
possédant des serviettes sont une sous classe de l'espèce humaine. On se
demande dès lors à quoi servent ces deux oppositions.

Anscombre en déduit quatre types possibles de propriétés qui lui


serviront à établir la typologie évoquée ci-haut des phrases génériques. Ces
propriétés sont les suivantes :

- intrinsèques essentielles (avoir un cœur pour les humains),

- intrinsèques accidentelles (être réversible pour la classe des réactions


chimiques)

- extrinsèques essentielles (revenir cher pour la classe des voitures)

- et extrinsèques accidentelles (jouer au football pour la classe des


humains» (Ibidem.).

A partir des similitudes mentionnées ci-haut, nous mettons l'accent sur les faits
suivants pour :

- L'intrinsèque accidentel : si la propriété intrinsèque «est


constitutive de tout élément de la classe», alors elle ne peut être
partagée seulement par une sous classe de C.

70
- L'extrinsèque essentiel : une propriété partagée seulement par une
sous classe de C ne peut de toute évidence être commune aux
éléments de C35.

Cette inadéquation s'étend aux définitions établissant la typologie des phrases


génériques sur la base de ces oppositions. Anscombre présente trois définitions
que nous reprenons une à une :

- «(Déf. 1) P est une propriété essentielle d'une classe C si Les x sont des P est
une phrase générique vraie. La propriété P est intrinsèque si Les X sont P est
générique a priori (analytique ou typifiante a priori). P est en revanche extrinsèque si
Les X sont P est une générique typifiante locale» (Ibidem.).

A notre sens, si ce qui est intrinsèque est constitutif de tout élément de la


classe, les phrases génériques typifiantes a priori ne peuvent relever d'une telle
propriété parce qu'elles sont définies par Anscombre comme étant
«généralement vraies» (Ibid. : 57) ; donc, la propriété Les X sont P ne concerne
pas tout élément de la classe. D’ailleurs, cette incohérence est nettement
apparente dans l’exemple avancé par Anscombre (2001a) pour montrer la
« parfaite correspondance entre les propriétés et les phrases génériques ». Selon
lui, « les propriétés intrinsèques essentielles sont représentées par des
génériques extensives typifiantes a priori (Les voitures ont quatre roues) ».
Dans cet exemple, si la propriété « avoir quatre roues » est essentielle, elle
devrait être « constitutive de tout élément » de cette classe. Or, tel n’est pas le
cas et la prétendue correspondance est loin d’être évidente tant qu’il y a des
voitures avec trois, six roues ou plus.

-« (Déf. 2) P est une propriété accidentelle d'une classe (si la phrase générique
Certains x sont P est vraie (elle est donc typifiante locale), la phrase Les X sont P
n'étant pas valide» (Ibid. : 60).

Est considérée comme phrase générique synthétique ou typifiante locale, la


phrase suivante :

35
- Nous reprenons les exemples illustratifs en partie ci-dessus.

71
(38) Les voitures sont chères (Cf. Ibid. : 56 - 57).

Or, l'exemple illustrant la propriété extrinsèque essentielle est justement


«revenir cher pour la classe des voitures», ce qui veut dire que (38) relève de
cette propriété. Ainsi, la conclusion que «Les X sont P n'est pas valide pour ce
type de phrases génériques» contredirait la propriété «être essentiel» qui,
rappelons-le, réfère à toute propriété « commune aux éléments de C».
Autrement dit, certains x n'équivaut pas à tout x … impliqué par la
qualification «essentielle» dans «extrinsèque essentielle». L’exemple avancé
dans Anscombre (2001,a) ne franchit pas mieux cet obstacle : dans Les chats
sont affectueux illustrant la correspondance entre les propriétés extrinsèques
essentielles et les génériques extensives typifiantes locales, le caractère
« essentiel » présuppose que le trait /affectueux/ soit commun à tous les chats,
alors que le caractère « extrinsèque » présuppose qu’il ne soit partagé que par
une sous classe de la catégorie des chats.

- «(Déf. 3) Une phrase générique Certains x sont P définit P comme une


propriété extrinsèque (accidentelle) sur P si elle peut faire l'objet d'une véritable
question totale. Dans le cas contraire, P est une propriété intrinsèque (accidentelle) de
C.» (Ibid. : 60).

Du côté des exemples illustratifs, Anscombre postule que «de ce point de vue,
Certains hommes sont blonds dénote une propriété intrinsèque accidentelle. La
signification même de homme inclut le fait que certains sont blonds et rend
sans objet la question Est-ce que certains hommes sont blonds ? . En revanche,
la signification de train ne comprend pas le fait que certains ont un wagon-
restaurant, et un locuteur francophone pourra effectivement poser la question
Est-ce vrai que certains trains ont un wagon-restaurant ?» (Ibidem.).

En fait, ces exemples reposent sur une vision d'Anscombre qui voit que «les
phrases du type Certains X sont P sont authentiquement génériques»36 (Ibid. :
57).

36
- Anscombre fonde son point de vue sur deux types d'arguments :
1- Ces types de phrase "ont… les propriétés des phrases génériques" (Ibid. : 57).

72
Anscombre trouve chez le locuteur francophone une justification de ladite
«propriété extrinsèque accidentelle». Rien n'empêche d'imaginer qu'un individu
de l'une de ces tribus inconnues dans les forêts d'Australie dont les membres
n'ont jamais vu un homme blanc, ait «la chance» de s'égarer et d'être «instruit»
par un père blanc qui lui enseigne la langue française et qu'à son retour il
l'apprend également à ses confrères. Il serait légitime, dans ce cas qu'un
francophone novice pose la question : Est-ce vrai que certains hommes sont
blonds ? ; une manière parmi d'autres pour nous, de relativiser cette distinction.

En fait, cette propriété intrinsèque accidentelle (donc extrinsèque) n'est qu'un


écho de la notion d'argumentation intrinsèque externe de l'ADL dans l'une de
ses versions (Cf. deuxième partie).
En somme, la généricité telle qu’elle est appréhendée par Anscombre
n’aboutit pas à une correspondance claire entre la typologie dressée pour les
phrases génériques et les types de savoir qui pourraient figurer dans la
signification d’un terme, plus particulièrement ceux de nature stéréotypique.

Le point de départ est un énoncé comme "Les voitures sont chères", d'où "certaines voitures sont
chères"
L'une des propriétés est qu'un tel énoncé accepte l'exception :
Les voitures sont chères, sauf celle qui ont un moteur diesel
La seconde est l'acception du test de mais :
C'est une voiture, mais elle n'est pas chère
Si l’on applique ces tests à nos exemples, nous aurons des propos pour le moindre dire absurdes :
* Les hommes sont blonds sauf les 3/4 des humains de la planète
* C'est un homme mais il est blond
2- Ce type a des propriétés spécifiques qui fondent sa généricité. L'une des propriétés est le fait d'être
"un argument pour la possession de P par tout x de la classe envisagée. C'est pourquoi, écrit-il, les
raisonnements suivants sont valides (en langue) :
- Méfie-toi des abeilles : la piqûre de certaines d'entre elles est mortelle
- Tu devrais lire des romans contemporains : certains sont vraiment très bons
Il n'est pas du cadre de notre travail de discuter comment cet argument passe pour la classe tout entière
mais signalons simplement que dans ces énoncés, les types en certains sont … ne sont pas en soi en
emploi générique. Ce qui est par contre générique et qui par conséquent nécessite une explication, ce
sont les SN "des abeilles" et "des romans".

73
En théorie, il est clair que la fixité du stéréotype et les outils de sa
reconnaissance restent fort controversés. Toutefois, à l’échelle d’une
communauté linguistique donnée, la norme est également une affaire
d’institution qui essaie de la perpétuer et se porte garant de sa validation. Le
dictionnaire de langue en est une même si, de par son objet, il est au cœur des
débats et réflexions théoriques.

3- Du dictionnaire en général à la définition en particulier :


saisie du stéréotype et problèmes de sens
Définir le dictionnaire de langue, c’est d’abord délimiter son objet
d’étude par rapport à d’autres types de dictionnaire. Selon les objectifs visés, J.
Dubois (1971 : 7) en distingue quatre :
- le dictionnaire bilingue ou plurilingue ayant pour objet la transposition
des mots et des expressions linguistiques d’une langue source à une ou
plusieurs langues cibles ;
- le dictionnaire encyclopédique destiné à « accroître la quantité du
savoir des lecteurs grâce aux informations fournies par l’intermédiaire des
« mots » » (Ibid. : 7) ;
- les dictionnaires techniques, scientifique et de l’argot visant à
« transcoder dans une norme commune les parlers techniques ou sociaux de
groupes socialement et culturellement différents » (Ibid.) ;
- et enfin, le dictionnaire de langue aidant à « maîtriser les moyens
d’expression par l’analyse sémantique, syntaxique, morphologique ou
phonétique de la langue » (Ibid.).
Toutefois, cette première distinction ne permet pas de délimiter au
propre ni l’objet du dictionnaire de langue, ni la nature de son contenu. Rien
qu’en ayant en vue la grande disparité entre les dictionnaires communs
existants de la langue française, nous nous rendons compte que notre objet
d’étude n’échappe pas moins à la variation qui caractérise la typologie du
dictionnaire en général. Ceci nous mène à repenser la pratique lexicographique

74
sous l’angle du degré de sa scientificité et de son ancrage dans une perspective
théorique donnée.
La première question concerne la nature de l’information
lexicographique et la manière dont elle est présentée. S’agissant du contenu
informatif de l’article, les lexicographes, confrontés à la problématique de la
définition de choses ou de mots, parviennent à un même constat :
l’hétérogénéité de cette définition.
Oscar Ducrot avance que les lexicographes présentent l’accès aux
choses, comme étant l’entrée dans le domaine de la signification. Or, l’objet
d’une définition lexicographique est un mot défini à l’aide d’autres mots ce qui
fait qu’à travers ces renvois de mots à mots, « l’allusion aux propriétés des
choses [n’apparaît] que comme un horizon que l’utilisateur est censé
imaginer » (1995 : 11).
A. Rey, portant un regard épistémique sur l’état actuel de la linguistique
en général, conclut qu’« en l’absence d’une théorie satisfaisante de l’analyse
sémique, la frontière entre cette analyse et l’analyse conceptuelle, logique et
extra-linguistique, est quasiment impossible à tracer » (1977 : 127). Autrement
dit, l’hétérogénéité du contenu lexicographique n’est pas une question de choix
(quelle que soit sa motivation, pédagogique, idéologique, commerciale…) mais
elle reflète l’état des connaissances en général.
J. Dubois, lui, voit que la distinction entre les deux types d’analyse est
théoriquement possible (1971 : 13) bien que, dans les faits, les dictionnaires
soient souvent hétérogènes. La définition lexicographique a des facettes
multiples : en tant qu’analyse sémantique, elle résume le contenu d’un mot ce
qui la met dans la perspective de la définition logique, en tant que tentative
d’une description objective, elle décrit l’objet auquel ce mot renvoie. Mais, de
par sa spécificité, elle ne peut être confondue « ni avec la première […] ni avec
la seconde car elle reste une phrase du discours pédagogique […] » (1971 : 84).
Ce caractère composite et cette singularité du contenu lexicographique
résultent donc d’un choix et répondent à des besoins socioculturels auxquels le
dictionnaire de langue est destiné. Toutefois, même si la possibilité de la

75
distinction entre les deux types d’analyse pouvait être mise à l’œuvre et même
si la définition lexicographique pouvait s’identifier plus à l’une ou à l’autre de
ces analyses, le critère de scientificité n’en demeure pas plus garanti. Selon J.
Dubois, « les définitions de mots et les définitions de choses […] sont toutes en
réalité des définitions culturelles » (Ibid. : 87) et donc idéologiques ; ce qui
rejoint en fait la position d’Alain Rey.
Pour, Josette Rey-Debove (1998 : 277), le fondement même de la
distinction entre le dictionnaire de langue et l’encyclopédie est utopique.
L’impossibilité de les séparer est due au fait que « les prédications d’identité
entre choses [soient] le fondement des significations. Pas de vérité sur le sens
sans vérité sur les choses » (Ibid.). Ici, le caractère composite du contenu
lexicographique ne résulte ni d’une insuffisance théorique, ni d’un choix
pragmatique, il s’inscrit plutôt dans une certaine approche sémiologique du
sens qui voit que « le dictionnaire de langue est en rapport avec une théorie
sémantique de la désignation et non de la signification » (1998 : 20). La
définition lexicographique est, dans ce sens, « le lieu commun au système du
monde (être) et au système des signes (signifier) ; le système du monde étant
explicite et celui du signe seulement implicite » (1970 : 23). Ce fondement
théorique de la signification suffit-il à conclure à la scientificité de
l’information lexicographique ?
La réponse est aussi bien circulaire qu’elle ne l’est avec Rey ou Dubois
puisque, selon J. Rey-Debove, aussi bien le sémanticien que le lexicographe
n’ont pas les moyens d’affirmer que X signifie Y. Il peuvent « seulement dire
que X = (est égal à) Y, ce qui implique identité de choses signifiées (et non de
signes) par inclusion réciproque d’ensembles de choses » (Ibid. : 22).
Pour clore la boucle de la circularité, nous citons le point de vue
pragmatique de Christian Buzon (1979, 39, 40) pour qui les mots restent des
mots du discours tant que leur référence n’est actualisée que dans son cadre.
Dans la pratique lexicographique, la multitude des discours dans lesquels le
mot peut figurer est ignorée (Ibid. : 38). Faut-il encore répliquer que
l’application potentielle d’une telle conception du sens dans la définition

76
lexicographique ne donne vraisemblablement pas une description scientifique
de la signification de par l’infinité des énoncés dans lesquels un mot peut
apparaître et de par le fait qu’il n’y ait plus de définitions mais des énoncés
superposés. Jean Claude Milner (1976 : 64) distingue référence actuelle et
référence virtuelle. Il semble bien que « cette dernière notion saisisse ce qu’on
appelle [...] le sens lexical, et de ce fait, la référence virtuelle d’une unité est
bien ce que tente de représenter la définition du dictionnaire » (Ibid.).
Par ailleurs, la manière dont le contenu lexicographique est présenté
dans les dictionnaires de langue ne donne pas moins lieu à des interprétations
antagonistes. En premier lieu, le dictionnaire est appréhendé comme « une
institution sociale dont la fonction est de définir la norme linguistique » (J.
Dubois, 1976 : 51). Cette normativité se traduit par au moins cinq spécificités
du discours lexicographique :
1- elle définit « l’acceptabilité de tous les termes et de toutes les phrases
contenues dans le dictionnaire » et également « des propositions engendrées
par le modèle socioculturel » (J. Dubois, 1970 : 43) ;
2- elle donne aux exemples signés « une fonction d’attestation »
puisqu’ils bénéficient « d’une présomption de véridicité et de compétence
langagière » (J. Rey-Debove, 1998 : 246) ;
3- elle « masque la fusion du sujet d’énonciation dans la totalité des
sujets parlants [et] donne au dictionnaire la valeur d’une loi […] » (J. Dubois,
1970 : 42). Ainsi, ce sujet collectif « s’identifie avec la langue française [et est]
capable de juger des différenciations régionales, historiques et sociales » (J.
Dubois, 1976 : 52) ;
4- cette instance énonciatrice ne reconnaît que « le présent atemporel : la
langue est une loi et le lexique « un trésor » d’où la durée est exclue » (J.
Dubois, 1970 : 42) ;
5- Enfin, cette normativité implique des « réglementations [qui]
comportent nécessairement des sanctions. Le dictionnaire autorise des mots,
des constructions, des sens les intégrant à « l’usage » de la communauté ; il leur

77
donne force de loi. Inversement, il condamne ou écarte, en rejetant de l’usage
(abusif, incorrect, etc.). (J. Dubois, 1976 : 51).
Or, à chacune de ces spécificités correspond une autre qui la relativise
ou l’infirme en partie :
1’- « Le discours lexicographique n’est pas neutre » (C. Girardin, 1987,
76). Il est sous tendu par les structures idéologiques dominantes relative à une
époque qu’il maintient et assure les conditions de sa durée. (J. Dubois 1976 :
8). Il relève donc d’une « vision du monde », d’une « représentation […] non
scientifique » (A. Rey, 1977 : 6).
2’ – Les exemple et les citations d’autorité « peuvent être l’expression
d’une pensée ou d’un jugement moral, d’une opinion philosophique ou
politique, voire même à l’occasion d’une expérience ou d’un ressentiment
personnel du lexicographe » (B. Quemada, 1968 : 527).
3’- Le dictionnaire est d’abord un texte. Il s’agit donc d’un « discours
fini, tenu sur la langue et la culture » (J. Dubois, 1971 : 8). Et, de ce fait, il
implique une analyse dont le producteur est obligé de « se référer explicitement
ou implicitement à une théorie linguistique » (Ibid., 11) et à une idéologie qui
est celle d’une communauté à laquelle il s’identifie (Ibid. : 54) ;
4’- Le dictionnaire tout comme la langue n’est pas statique. Son contenu
reflétant un « consensus » au sein de la communauté linguistique à une époque
donnée est sujet à variation. J. Rey-Debove constate que « depuis les années
60, de vraies nouveautés sont apparues : on a essayé soit d’abandonner des
informations traditionnelles, soit d’en apporter de nouvelles […] soit de
transformer le discours lexicographique » (1998 : 237) ;
5’- Enfin, la notion de rejet peut ne pas seulement résulter d’un écart ou
d’une conformité par rapport à la norme linguistique mais également d’un
interventionnisme puriste ou d’une modélisation subjective réalisée au nom
d’un consensus pas toujours évident dans la communauté. « La définition, écrit
J. Dubois, fait place au jugement, justifié seulement parce que l’invalidation
repose sur l’histoire […] [or,] la conscience de l’histoire n’est évidement pas la
même selon les groupes sociaux » (1976 : 53).

78
Toutefois, ce n’est pas seulement l’idéologie qui éloigne le discours
lexicographique du discours scientifique. Il y a également la destination
première du dictionnaire de langue en tant qu’outil didactique et pédagogique
et sa matérialité en tant que produit de consommation. Concernant le premier
point, la plupart des lexicographes s’accordent sur la vocation pédagogique du
dictionnaire de langue (J. Dubois 1976, C. Girardin, 1987, J. Rey-Debove
1998). Quatre raisons concourent à ce point de vue :
1- il y a la nature du savoir qu’il dispense. Le dictionnaire s’appuie sur
un niveau de langue moyen «exprimant la pensée métalinguistique naïve
propre à une société » (J. Rey- Debove, 1970 : 8). Sa vocation première n’est
donc pas d’ordre théorique ;
2- son but essentiel est de fournir “des réponses didactiques à des
questions” et de là, il vise à “combler des écarts entre les locuteurs et une
norme linguistique et culturelle préalablement définie” (J. Dubois, 1976 : 11) ;
3- le dictionnaire « possède une fonction d’explication et de
désambiguïsation qui assure en dernier lieu la régularité de la communication »
(J. Rey – Debove, 1970 : 8) ;
4- il est consulté afin de faciliter la communication entre des groupes
socioculturels (J. Dubois, 1976 : 11) ; une communication qu’il ne peut assurer
par son seul potentiel.
Vu dans matérialité, le dictionnaire est également un produit
manufacturé destiné à être commercialisé. L’espace consacré aux articles, leur
contenu, leur présentation sont étroitement liés aux lois du marché (le coût, le
pouvoir d’achat, le profil de la clientèle, etc.).
Ainsi, pour définir le dictionnaire, on ne trouverait pas mieux que les
mots clés définis par J. Dubois (1976) ; il est à la fois un objet culturel, une
œuvre littéraire, un outil didactique, une institution sociale et un produit destiné
à la commercialisation. En tant que texte, il « se distingue, selon A. Rey, par sa
nature linguistique (analyse synonymique d’unités appartenant au code de la
langue), sémiologique (il est articulé en signes dont les signifiés sont eux-
mêmes des signes) et socioculturelle (il définit un univers d’unités signifiantes

79
en tant qu’instruments d’expression et d’information » (1977 : 55). N’étant pas
neutre, il est alors à la fois « un discours sur une certaine description de la
langue et un discours sur l’homme, c’est-à-dire, sur un certain type de culture »
(J. Dubois, 1970 : 47).
Le fait que le discours lexicographique ne puisse être à plusieurs égards
scientifique, n’empêcherait pas, en principe, l’explication de la variation
observée au niveau de ses contenus par la différence des points de vue
théoriques qui le sous-tendent, du moins en partie. Sur ce point, l’interrogation
des positions des linguistes et des lexicographes laisse dégager une quasi-
unanimité sur l’impossibilité de rattacher le traitement lexicographique à une
théorie donnée.
Outre les faits relevés ci-haut : à savoir qu’il est lié à des besoins
socioculturels d’ordre didactique et idéologique, qu’il implique une description
de la connaissance moyenne et naïve d’une communauté et qu’il est difficile de
tracer une limite entre l’analyse sémique et l’analyse conceptuelle, d’autres
faits viennent appuyer ce point de vue. D’abord, l’objet même du dictionnaire
résiste à toute conceptualisation théorique, de par sa grande disparité et ses
irrégularités. « Le lexique des linguistes, écrit A. Rey, composante du système
abstrait de la langue, est un modèle théorique cohérent et confus” (1977 : 5).
Pour J. Rey-Debove, étant l’expression de la pensée métalinguistique naïve
propre à une société, le dictionnaire, « dans ce qu’il a de plus spécifique
s’écarte des vues du linguiste et même des domaines de sa recherche » (1970 :
8) Cf. ci-dessous une modélisation de ce point de vue).
Il y a également l’absence d’accord sur la nature de ce rapprochement
vue la diversité des théories. De ce fait, l’assimilation des paraphrases
définitoires des dictionnaires traditionnels à des descriptions fondées sur plus
d’une théorie sémantique est « une preuve éloquente du fait qu’elles ne relèvent
en réalité d’aucune théorie » (M.Temple, 1996 : 25).
Enfin, selon A. Lehmann (1990 : 209) « les diverses théories sur le sens
(référentielles, logiques…) ne fournissent guère d’outils appropriés à la réalité
du message lexicographique et de sa réception ».

80
Néanmoins, confrontant les dictionnaires à des modèles théoriques, les
linguistes et les lexicographes adoptent des points de vue plus nuancés qui
récusent ou appuient des tendances souvent mises en rapport avec la pratique
des dictionnaires. Selon ces modèles, nous avons pu dégager quatre tendances
que nous présentons avec leurs critiques :
1- Comme le remarque A. Rey, la sémantique des dictionnaires repose
sur une double analycité : « la définition correspond à une tentative d’analyse
sémique et tend à dégager pour chaque signification des traits pertinents ou
sèmes ; puis, les unités lexicales les plus fréquentes sont décrites selon une
répartition du matériel linguistique et des énoncés (définitions, marques
stylistiques, etc.)…(1977 : 17).
Toutefois, cette analycité ne donne pas lieu à une définition d’ordre
logique, ayant pour but la détermination de l’extension d’un concept. La
définition lexicographique, de par son caractère explicatif et non constructif,
accidentel et non essentiel (A. Rey, 1990 : 99) et de par la nature lexicale du
signe sujet de la prédication synonymique s’écarte du concept « sujet d’une
proposition logique » (J. Rey-Debove 1998 : 51).
Cette analycité de la présentation du contenu définitionnel a permis à
certains linguistes d’établir un rapprochement avec l’analyse componentielle de
par la décomposition lexicale en composants prônée dans les deux pratiques
(Melka Teichroew,1989 : 163).
Pour Alain Rey, la définition en conditions nécessaires et suffisantes
relèverait d’un métalangage construit où il s’agirait de « nommer un objet de
pensée supposé clair, préalablement exprimé en langue naturelle, par recours à
des signes supposés correspondre à des objets de la pensée préalables, eux-
mêmes non-ambigus » (1990 : 14). Or, aucun concept ne peut être rendu ou
analysé dans sa totalité en séquence finie dans le langage considéré (1977 :
107). Il conclut donc à l’impossibilité de « grouper les éléments nécessaires et
suffisants à l’élaboration d’un concept isolable, relié d’une manière biunivoque
à une unité lexicale » (Ibid. : 112).

81
J. Rey-Debove s’attaque plus ouvertement aux fondements théoriques de
ce modèle. Elle présente cinq arguments qui font que la définition
lexicographique s’en écarte :
a- le lexicographe opte pour une définition générique où il ne s’agit pas
d’individus mais de classes (1998 : 128). Le modèle de CNS s’appuie, lui, sur
la formule « X est un oiseau si est seulement si C1, C2, C3, etc.» ; ce qui
implique une vérification par les instances idiosyncrasiques d’une classe ;
b- cette généricité donne lieu à une « description positive évocatrice de
la classe » (130) qui prend en compte des conditions non nécessaires. Ainsi, on
pourrait dire que, dans les dictionnaires, la définition est dédoublée en
définition « scientifique » et définition « vulgaire » ; la dernière échappe à la
détermination exigée par le modèle ;
c- la définition par CNS, de par sa nature abstraite, ne rend pas compte
des membres atypiques d’une catégorie (Ibid. : 131) ;
d- ce type de définitions ne présente pas de référentiel total (En cela, elle
rejoint la critique d’A. Rey) parce que les différences dépendent du nombre fini
de mots comparés et s’appuient « sur un lexique à trous qui nomme un univers
à trous » (Ibidem.)
e- Enfin, le modèle sur lequel se fonde la définition lexicographique
n’est « pas celui des CNS comme attributs, mais le modèle aristotélicien du
genre prochain et de la différence spécifique » (Ibid. : 128).
2- Pour Josette Rey Debove le dictionnaire est plutôt, « du côté des
prototypes » (1998 : 127). Le discours lexicographique se situe au niveau du
langage ordinaire. Il s’approche de la définition naturelle qui, selon R. Martin
(1990. : 86), est « celle des mots du langage ordinaire, c’est-à-dire la définition
d’objets naturels » visant la saisie « du contenu plus ou moins vague que
momentanément et souvent inconsciemment les locuteurs y associent » (87).
Cette appréhension de la définition lexicographique permet à Rey-Debove de la
rapprocher de la sémantique du prototype. Elle avance, dans ce sens, trois
arguments :

82
- l’article dans son entier rend compte des emplois les plus prototypiques
et donc ne couvre pas la totalité des effets de sens contingents qui peuvent
apparaître dans le discours ;
- la définition n’est pas rigide puisqu’elle est « une prédication générale
où le prédicat est libre » (1998 : 51) et qu’elle n’admet pas « de trancher par
oui ou non » (Ibid. : 21), du fait qu’elle renferme à côté du contenu
« scientifique » un contenu stéréotypique ;
- à l’instar de l’approche de la théorie du prototype, la définition
lexicographique « module la différence spécifique en mettant l’accent, soit sur
la sous-classe prototypique préférentielle, soit sur une éventuelle multiplicité de
sous-classes prototypiques » (Ibid. : 132).
Pour Alain Rey (1977 : 100), s’il est clair que les définitions
lexicographiques, par CNS ou prototypique sont toujours des variantes de
définition de mots par la langue naturelle, il n’en reste pas moins que la
définition du dictionnaire « s’inscrit tout entière dans la pratique » (1990 : 21)
de par sa dimension didactique et sociale qui vient s’ajouter à la dimension
sémantique. Pour cela, des « notions comme celle de quasi-synonymie, de
« stéréotype culturel » et de « prototype » ou de morpho-sémantique n’ont de
valeur utile qu’intégrées à une théorisation de la pratique » (Ibid.).
3- Geeraerts (1985 : 28) postule que « les alternatives du choix
lexicographique se situent à l’intersection des définitions théoriques de
différentes sortes de signification lexicale et des fonctions pragmatiques du
dictionnaire ». Les types de dictionnaire donnent lieu à une classification
tripartite :
- les dictionnaires encyclopédiques répandant des connaissances
scientifiques de nature extensionnelle ;
- les dictionnaire généraux répandant des connaissances
stéréotypiques relatives à une norme sociale ;
- et les dictionnaires linguistiques ayant pour but primaire de
« donner la description linguistique d’un concept lexical dans sa structure
synchronique ou dans son développement diachronique » (Ibid. : 34).

83
Cependant, vue sous l’angle de l’influence des facteurs pragmatiques,
cette classification paraît plus comme une catégorisation idéale que comme une
description d’un fait. Prenant en considération le public cible non-
professionnel, le dictionnaire encyclopédique est obligé d’intégrer des
connaissances stéréotypiques permettant la représentation effective de l’objet
défini. Le dictionnaire de langue ne peut contourner les données
encyclopédiques et les « prototypes de concepts lexicaux ». En outre, la
stéréotypie à la Putnam est trop étroite pour rendre compte de la variation
sociolinguistique du lexique dont les lexicographes sont obligés d’expliciter.
Enfin, le dictionnaire historique, censé être fondé sur une approche scientifique
« sert en même temps la fonction hermeunétique et communicative consistant à
dévoiler le discours du passé » (Ibid. : 39). Ainsi, « l’approche pragmatique et
le programme lexicographique scientifique […] sont inextricablement liés dans
la pratique lexicographique » (Ibidem.).

4- Pour J. Dubois (1971 : 11), le lexicographe en tant que linguiste


« doit se référer explicitement ou implicitement à une théorie linguistique d’où
procède son analyse ». Il entrevoit ce rapprochement sous l’angle de la
structuration sémantique des entrées lexicographiques. Par exemple, « un
dictionnaire fondé sur la méthode distributionnelle d’analyse linguistique est
différent de celui qui est fondé sur une analyse transformationnelle : le premier
donne plusieurs entrées homonymes pour un morphème que le second
considère comme unique et dont il fait dépendre les dérivés » (1971 : 15-16).

A notre sens, la présomption du sens lexical préconstruit n’implique pas que


ce sens soit donné une fois pour toutes et qu’à chaque mot corresponde un
paquet à nombre fini de sèmes connus et aux contours définis. Paradoxalement,
si tout discours présuppose l’existence d’un sens lexical préétabli, ce sens n’est
vérifié que dans le discours lui-même. Au niveau du système de la langue,
l’étude de ce sens nécessite un méta-discours sur la langue elle-même. Les
linguistes, de par les exemples qu’ils forgent ou qu’ils puisent dans des
discours variés, ne touchent qu’une part de la signification des mots étudiés et

84
qu’un nombre réduit d’unités lexicales. Ainsi, pour l’étude de « l’ensemble »
du lexique, nous ne disposons que du dictionnaire de langue qui se veut le
garant d’une norme de l’usage des mots d’une langue donnée. Or, chose bien
connue, les dictionnaires ne sont pas identiques. Le discours qu’ils portent sur
la langue varie à bien d’égards :
- au niveau du contenu propre de chaque définition ;
- au niveau de la catégorisation des significations liées à un item
(polysémie, homonymie, etc.) ;
- au niveau de la représentation et de la distribution du sens entre les
composants d’un article (définition, exemple, indicateur).
A cet égard, la donnée stéréotypique est encore au cœur de cette variation. Si la
langue n’était que pure dénotation, les écarts du traitement lexicographique
seraient moins importants qu’ils ne le soient réellement dans les dictionnaires.
Ainsi, l’étude des différents traitements de cette donnée devrait, en principe,
donner du sens à cette variation : est-elle le résultat d’une appréhension
différente de la signification d’un mot selon la diversité des perspectives
théoriques qui y sont impliquées ? est-elle le produit des usages variés de ce
dernier dans des discours fort hétérogènes ? Ou est-elle l’indice d’une
stéréotypicalité du discours lexicographique lui-même ?
Il nous semble que toutes ces approches controversées du stéréotype
proviennent d’une problématique plus large liée à la nature du sens et plus
particulièrement à sa sortie sur le monde extralinguistique des objets.

85
Troisième chapitre- Théories des stéréotypes et
sémantique contemporaine : enjeux d’un
ancrage épistémique controversé
Dans Anscombre (1998), l'auteur propose d'esquisser les grandes lignes
de l'évolution de la sémantique. Il parvient au terme de cette analyse à dégager
les hypothèses concernant respectivement, la nature du sens, sa représentation
et ses unités. De là, il situe les différents courants linguistiques par rapport aux
hypothèses adoptées que nous résumons brièvement comme suit :

- Les hypothèses concernant la nature du sens : les théories sont à


«ranger dans deux sous-classes, selon qu'elles considèrent le sens
«fondamental» d'un énoncé ou d'un discours comme la communication ou non
de quelque chose. D'où les différents choix possibles :

a) Le sens est la communication de quelque chose :

(N1) Une information sur un état du monde, sur la réalité

(N2) Une information sur un état du monde, modalisée par une


attitude

b) Le sens n'est pas la description (même modalisée) d'un état du monde;


le sens d'un énoncé est censé indiquer à quoi sert son énonciation :

(N3) Parler, c'est uniquement accomplir des actes.


(N4) Parler, c'est indiquer les possibles continuations de son
discours (1998 : 41).
- La représentation sémantique «peut se faire de deux façons en
principe radicalement opposées, bien qu'il existe de facto des positions
intermédiaires» (Ibid. : 42) :
- (R1) Étude des phénomènes de sens par une méthode réductionniste37.

37
- La méthode réductionniste "se propose d'expliquer un ensemble de phénomènes naturels par un
autre ensemble de phénomènes également naturels, mais jugé plus réduit" (Ibid. : 42).

86
- (R2) Étude des phénomènes de sens par une méthode de
simulation38.

La théorie des topoï (p. 43) et la théorie des stéréotypes (p. 48) reposent
typiquement sur (R2).

-Concernant les unités du sens, les hypothèses les plus saillantes sont :
(U1) Les propositions ont un sens littéral
(U2) Les propositions n'ont pas de sens littéral
(U3) Les mots sont des constantes sémantiques
(U4) Les mots ne sont pas des constantes sémantiques
«Bien que théoriquement indépendantes, ces hypothèses vont généralement de
pair. A savoir que bien souvent, une théorie sémantique opte soit pour (U1) +
(U3), soit pour (U2) + (U4)» (Ibid. : 44).
Les théories du stéréotype (celle de Putnam et celle des topoï considérée
comme un type de théorie de stéréotype ; p49) sont fondées sur (U2) et (U4).
Nous nous proposons alors d’étudier les implications de ces fondements à
travers les notions de « représentation », d’« intension » et d’« extension », leur
incidence sur l’acte de référence et leurs retombées sur la saisie et la
description de la signification.

1- A propos de la notion de « représentation » et de la


corrélation intension/extension

La théorie sémantique de Putnam, exposée dans «The meaning of the


meaning» et d'autres écrits ultérieurs se présente comme étant une alternative
aux conceptions frégéennes et post-frégéennes du sens, fondées respectivement
sur l'opposition entre « Sinn » / « Bedeutung » et « intension » / « extension ».
Pour Putnam, les écrits de Stuart Mill, Bertrand Russel et après eux Gottlob
Frege, Rudolf Carnap et beaucoup d'autres ne sont que des variantes du schème
aristotélicien composé des présupposés suivants :
38
- La méthode de simulation "consiste à expliquer un ensemble X de phénomènes en construisant un
certain mécanisme M' dont l'ensemble X' des productions est jugé analogue à X. on fait alors
l'hypothèse que, dans "la nature" X est le produit d'un mécanisme M analogue à M'" (ibidem).

87
« 1- Tout mot qu'il emploie est associé dans l'esprit du locuteur à une
certaine représentation mentale.
2- Deux mots ne sont synonymes […] que s'ils sont associés à la même
représentation mentale par les locuteurs qui emploient ces mots.
3- La représentation mentale détermine, à tout le moins, ce que le mot
désigne » (Putnam, 1990 : 49).

Or, avance-t-il, aucune représentation mentale39 ne peut satisfaire


simultanément ces trois conditions. Tout le projet putnamien se fonde, donc,
sur la démonstration et l'illustration de cette idée. Anscombre (2001b : 51-53),
dans sa lecture de Putnam interprète la position de celui-ci comme étant un
renoncement au premier présupposé en vue de conserver le troisième.
Autrement dit, selon lui, Putnam défend l’idée que l’intension détermine
l’extension. Cette lecture permet à Anscombre d’ en déduire un troisième
postulat qui distingue « signification » et « intension ». Celle-ci en tant que
description identifiante permettant l’identification du référent ne relève pas du
domaine de la linguistique. Donc en définitive, la signification n’est pas une
représentation mentale et l’intension est insaisissable par le seul moyen de la
langue.

Les critiques essentielles de Putnam semblent porter surtout sur les


thèses de Frege. Nous opposerons chaque élément de cette critique à la position
de Frege afin d’en apprécier la justesse. Partant de deux expressions de sens
différents (créature avec rein, créature avec cœur) et de même extension,
Putnam (1975 : 133-134) présuppose l'existence, d’une part, d'un sens où le
sens serait équivalent (=) à extension et, d’autre part, d’un autre sens qui serait
équivalent à «intension» ou «concept». Puis, il met cette double supposition sur
le compte des théories «classiques» du sens : “L’explication canonique des
notions d’ « intention » et d’ « extension » est, en un sens, quelque chose
comme « signification » signifie « extension » et dans un autre « signification »
veut dire « sens » » (1975 : 134).
39
"Représentation mentale" et "concept" s'équivalent dans l'interprétation de Putnam puisque écrit-il
"les concepts ne sont que des représentations dans l'esprit" (Ibid.).

88
En fait, il s'agit au juste, de l'acception d'égalité que Frege a rejetée. Pour
lui, a = b veut dire tout simplement que « les signes ou les noms «a» et «b»
dénotent la même chose » (Frege, 1879-1971 : 102) et il a pris la précaution de
préciser en note qu'il emploie le mot égalité au sens d'identité et qu'il interprète
«a=b» au sens de «a est la même chose que b» ou «a et b coïncident». Cette
relation possible entre les deux noms (ou signes) naîtrait de leur liaison
arbitraire avec le référent désigné . Ainsi, « la proposition a=b ne concernerait
plus la chose même, mais la manière dont nous la désignons ; nous n’y
exprimerions aucune connaissance proprement dite » (Ibid. : 103). Autrement
dit, la dénotation d’un terme n’équivaut pas à son sens40 (Philippe de Pouilhan,
1988 : 48) ; celui-ci étant le mode de donation ou de présentation de la
dénotation (c’est-à-dire de l’objet dénoté).

Si l’on confond « sens » et « dénotation », alors on peut, en effet, voir dans


a=b un sens où le sens est équivalent à l'extension. Mais, dans ce cas, la
distinction entre le concept de a et le concept de b n'aurait plus de sens. Le
prétendu vague des concepts russéliens d’« intension» et d’« extension»
découle non d’une imprécision héritée de la théorie frégéenne (de Sinn et
Bedeutung) mais de la confusion dans la lecture putnamienne de Frege entre la
dénotation (l'objet même) et le mode de donation de l'objet, entre la réalité des
choses et la manière dont on la désigne. Frege est clair sur ce point : il affirme
qu'«il est naturel d'associer à un signe (noms, groupe de mots, caractères) ,
outre ce qu'il désigne et qu'on pourrait appeler sa dénotation, ce que je voudrais
appeler le sens du signe, où est contenu le mode de donation de l'objet» (1879-

40
Dans sa lettre à Husserl datée du 24 mai 1891, Frege établit une analogie entre les termes et les noms
propres qu’il schématise comme suit :
énoncé nom propre terme conceptuel

sens de l’énoncé sens du NP sens du terme conceptuel


(pensée)

Beudentung Beudentung Beudentung


De l’énoncé du NP du terme conceptuel

89
1971 : 103). En fait, la dénotation est justement ce que Putnam appelle
l’« intension » définie [pour un ensemble d’objets abstraits appelés « mondes
possibles » , représentant les différents états de choses possibles, ou les
différentes histoires de mondes possibles] comme une « fonction f(M) dont la
valeur pour chaque monde possible M est l’ensemble des objets possibles qui
sont des chats dans le monde M » (1981-1984 : 37). Le sens, lui, est le mode de
donation ou la représentation de l’objet. A travers cette distinction, le rejet
frégéen de la notion d’égalité entre a et b rejoint le point de vue de Putnam qui
voit que « la raison pour laquelle l’« intension » d’un terme (définie de la sorte)
ne saurait être identifiée à son sens est que deux termes quelconques qui sont
logiquement équivalents ont la même extension dans tous les mondes possibles
et donc la même intension » (Ibidem. : 38).

Pour avancer sa thèse, Putnam multiplie les déductions de ce genre sans


pour autant les justifier. Pour que son modèle fonctionne, il lui fallait ramener
toutes les théories fondées sur l'opposition entre «intension» et «extension» (ou
notions équivalentes) au psychologisme de Katz.

Ainsi, voit-il dans la révolte de Frege et de Carnap contre cette approche du


sens, une fausse révolte (a tempest in tea pot (1975 : 138)). Le fait d'identifier
les concepts à des entités abstraites est en fin de compte, pour lui, une sorte de
mentalisme tant que « saisir» ces entités n'est autre qu'un acte psychologique
individuel (individual psychological act, Ibid. : 134). Cette assimilation
exigerait de répondre à deux interrogations :

- Le concept et la pensée en général, tels qu'ils sont définis par Frege, se


laissent-ils réduire à des états psychologiques ?

- La théorie-même de Putnam, échappe-t-elle à cette abstraction qui mène


inéluctablement, d'après lui, à ramener tout concept à un tel état ?

Pour ce, il serait intéressant de définir ce que Putnam entend dire par
«représentation mentale» (qui dans son interprétation équivaut à «concept»)
pour confronter sa définition à celle de Frege et évaluer la pertinence de cette
assimilation.

90
Putnam distingue deux acceptions possibles de ce qui serait «un état
psychologique» ; la première correspondrait à l'état étudié et décrit par la
psychologie cognitive et qui serait trivialement vrai ; la seconde correspondrait
à un état qui ne présuppose aucune existence d'individu autre que le sujet
pensant dont l'état est décrit (Ibid. : 136). Cette seconde acception serait celle
impliquée par les théories « classiques » du sens.

Il l'illustre à partir de ce que pourrait impliquer être jaloux :

x est jaloux de y implique que y existe et x est jaloux du regard de y envers z


implique que y et z existent (tout comme x).

Pour la théorie du solipsisme mythologique, soutient-il, les états


psychologiques «être jaloux» et «être jaloux du regard de quelqu'un envers un
autre» ne sont pas permis. La reconstruction de ce qu'est «être jaloux», d'après
cette seconde acception, conduirait au fait que je ne pourrais être jaloux que de
mes propres hallucinations, des créatures de ma propre imagination (Ibid. :
137).

Frege soulève les mêmes objections. On est contraint, écrit-il, de


« reconnaître un monde intérieur différent du monde extérieur, un monde des
impressions sensibles, des créations de [l’] imagination, des sensations, des
émotions, des sentiments et des états d'âme, un monde des inclinations, des
désirs et des volitions » (1879-1971 : 180-181). À l’exception des volitions, il
réunit tout le reste sous le terme «représentation».

Frege s'interroge sur ce que seraient les conséquences si seule sa représentation


s'offrait à son examen ; « Y auraient-ils d'autres hommes ?, se demande-t-il, Il
se peut, mais je ne saurais rien d'eux » (Ibid. : 185).

En fait, la définition de l'état psychologique que Putnam attribue aux thèses


classiques (et entre autres celle de Frege), n'est qu'une reprise de ce que celui-
ci exclut du domaine du sens.

Comment, donc, Putnam arrive-il à attribuer cette acception au compte de


Frege et Carnap ?

91
Pour ceux-ci, les concepts sont des entités abstraites ; or, écrit Putnam, « si
les significations sont des entités « platoniques » plutôt que des entités
« mentales », dans l’optique de Frege et Carnap, « saisir » ces entités est
vraisemblablement un état psychologique (dans le sens étroit)· De plus seul
l’état psychologique détermine les entités « platoniques »41 (Ibid.: 138). A
partir de cette équivalence entre « saisir un sens abstrait » et « être dans un
certain état psychologique », il avance que les assomptions 1 et 342 ne peuvent
être vraies à la fois.

Dans sa fiction sur Terre et Terre-Jumelle, Putnam déduit que Oscar1 sur
Terre et son Doppelgänger Oscar2 sur Terre Jumelle pourraient être dans le
même état psychologique et avoir la même représentation de l'eau bien que
celle-ci ait deux extensions différentes (H2o sur Terre et XYZ sur Terre-
Jumelle).

Les états psychologiques de Oscar1 et de Oscar2 sont identiques : ils ont les
mêmes convictions, sensations, pensées et monologues internes43 (Ibid.: 141).
Considérer les pensées et les croyances comme faisant partie de l'état
psychologique au même titre que les émotions et le monologue intérieur revient
à nier l'existence de pensées communes que partagent Oscar1 et Oscar2 avec les
membres de leurs communautés respectives et qui peuvent différer des
impressions sensibles qu'ils pourraient avoir à un moment t de leur existence.

41
« Meanings are «platonic» entities rather than «mental» entities, on the Frege Carnap view, «grasping» these
entities is presumbly a psychological state (in the narrow sense). Moreover, the psychological state uniquely
determines the «platonic» entities. So whether, one takes the «platonic» entity on the psychological state as the
«meaning» would appear to be some a matter of convention»

42
1 et 2 dans "the meaning of the meaning" ; l'assomption (3) n'apparaît que plus tard dans Représentation et
réalité

43
«There is no belief that Oscar1 had about water that Oscar2 did not have about water […]. You may even
suppose that Oscar1 and Oscar2 were exact duplicates in appearance, feelings, thoughts, interns monologue»

92
Si ceci est vrai, chacun aurait son eau et il y aurait tant d'extensions que
d'Oscar sur Terre et sur Terre-Jumelle. Frege affirme dans ce sens, que « si
toute pensée a besoin d'un porteur dont elle est un contenu de conscience, elle
est la pensée de cet unique porteur [ou de son Doppelgänger sur Terre-Jumelle]
et il n'existe aucune science commune à plusieurs individus à laquelle ils
puissent travailler ensemble. Au contraire, il se pourrait que j'aie ma science, à
savoir un ensemble de pensées dont je suis le porteur, qu'un autre ait sa science.
Chacun de nous aurait affaire aux contenus de sa seule conscience» (1879-
1971 : 184).

Si tel n'est pas le cas, Oscar1 et Oscar2 pourraient bien partager avec les
membres de leurs communautés une certaine connaissance de l'eau à savoir que
c'est un liquide, incolore, inodore, nécessaire pour la vie, qu'il bouillit à une
certaine température, etc.. Mais, imaginons, également, qu'à un moment donné
l'un sur Terre et l'autre sur Terre-Jumelle, ils se trouvent assoiffés devant une
eau d'étang et qu'ils ne s'aperçoivent pas, de ce fait, que cette eau est
légèrement odorée et qu'elle a un goût quelque peu désagréable ; le jour
suivant, leur soif étanchée, ils s'aperçoivent qu'ils avaient tort puisque cette eau
est effectivement malpropre. Cet exemple montre qu'un état psychologique
diffère nettement de la pensée partagée. Le premier est subjectif et échappe à la
logique du vrai et du faux. Si Oscar1 et Oscar2 ont trouvé l'eau de l'étang
agréable, aucune valeur de vérité ne peut être accordée à leur représentation.
Par contre, le concept de l'eau, décrite dans des conditions idéalisées, peut
relever comme toute pensée de ce qui est faux tout comme de ce qui est vrai
(Ibid. : 173). Si un habitant de la Terre ou de sa sœur Jumelle prétend que l'eau
(ce qu'on appelle communément eau) n'est pas indispensable à la vie où qu'elle
ne bout pas à une certaine température, les autres sont en mesure de juger sa
pensée fausse comme ils peuvent juger que l'eau sur Terre n'est pas XYZ ou
que sur Terre-Jumelle, elle n'est pas H2O, une fois ce savoir leur est disponible
et est devenu partagé par leurs communautés.

93
Ainsi, «on voit [on goûte, on touche, on entre en contact avec] une
chose, on a une représentation, on saisit [un concept] ou on pense une pensée.
Quand on saisit […] on ne […] crée pas. On entre en rapport avec cette pensée
[ou ce concept] qui existait auparavant, et ce rapport diffère de la manière dont
on voit une chose ou dont on a une représentation» (Ibid. : 184). Un concept ou
une pensée sont « indépendants » de nous et, c'est pour cette raison qu'ils
peuvent être saisis par plusieurs. «Mais, si l'on réunit le subjectif et l'objectif
sous le terme de la représentation [ou état psychologique], on efface les
frontières entre l'un et l'autre ; et on ne tarde pas de traiter une représentation au
sens propre comme objective, et une réalité objective comme une
représentation» (Ibid. : 146).

Malgré cette démarcation nette avec les approches psychologiques du


sens, la conception frégéenne est désormais rangée par Putnam dans ce
paradigme. Le seul argument avancé pour un tel présupposé est que les
concepts chez Frege comme chez Carnap sont des entités abstraites et que
l'abstrait ramène à la « représentation », à « l’état psychologique ».

Mais qu'en est-il de la théorie sémantique de Putnam ? Échappe-t-elle à cette


abstraction qui mène inéluctablement au mentalisme ?

Il est évident que les trois premières parties de la représentation sémantique des
noms sont des parties intentionnelles ou conceptuelles donc relevant de l'état
psychologique selon Putnam (Kleiber 1985 : 198). Reste le quatrième
composant, « l'extension ». Putnam refuse de le considérer comme une
description. Il affirme que « bien que nous devions utiliser une description de
l’extension, donner l’extension, nous pensons au composant en question
comme étant l’extension (l’ensemble), et non la description de l’extension »44
(1975, 191). La notion de sens est alors à envisager en partie «comme quelque
chose de concret : le sens d'eau devant contenir l'extension même d'eau (le set),
comportera obligatoirement l'ensemble de la substance naturelle concrète

44
«Although we have to use a description of the extension, to give the extension, we think of the
component in question as being the extension (the set), not the description of the extension»

94
appelée eau» (Kleiber, Ibid. : 99). Pour reprendre l'expression de Frege dans sa
critique à J. Stuart Mill qui fait pénétrer l'objet dans les états de conscience
l'eau ne risque-t-elle pas de noyer l'état de conscience ? (1879-1971 : 145).

Si l'extension n'est pas quelque chose de concret, ceci a des retombées


considérables sur la théorie de Putnam. Elle serait donc inéluctablement
quelque chose d'abstrait et rejoindrait les entités platoniciennes de Frege et de
Carnap. Donc, selon la déduction de Putnam qui y voit dans de telles entités de
simples états psychologiques, on peut affirmer que ses composants sémantiques
le sont également ; résultat qu'il ne souhaiterait pas sans doute. On comprend,
dès lors, pourquoi il ne considère pas H2O comme une description.

Il s'ensuit que, comme le formule Frege, «la pensée n'appartient ni au monde


intérieur en tant qu'elle serait ma représentation, ni au monde extérieur, le
monde des choses perçues par les sens» (Ibid. : 192).

Qu'en reste-t-il donc de l'assomption 1) telle qu'elle est formulée par


Putnam et mise sur le compte de Frege et Carnap ?

Putnam a tort d'équivaloir, dans sa lecture de Frege, entre


«représentation mentale» (dans son acception étroite comme état psycholgique)
et « concept ». Les contenus des deux notions sont différents. Il a cependant
raison de constater que « le fait d’attribuer un « concept » ou « une « pensée » à
quelqu’un est une chose bien différente de lui attribuer une quelconque
« présentation » mentale ou n’importe quel autre événement ou entité
introspectible » (1981-1984 : 28). Rien dans la pensée de Frege ne contredirait
cette affirmation. D’ailleurs, Putnam lui-même reconnaît qu’en l’absence d’un
sixième sens permettant de voir directement les entités non-mentales, « la saisie
d’une intension ou de toute autre entité non-mentale doit être médiatisée d’une
manière ou d’une autre par des représentations » (Ibidem. :38) qui sont « de
l’ordre des concepts » (p 28).

Ce que nous retenons de 1) c'est que «tout mot est associé à un concept» dans
la mesure où la pensée est le sens d'une proposition tout comme le concept est
le sens d'un mot, la pensée et le concept en eux-mêmes inaccessibles au sens,

95
revêtent « l'habit sensible de la proposition » ou du mot et deviennent ainsi plus
saisissables (Ibid. : 193).

Voyons maintenant ce qui en résulte pour la relation 1) et 3).

Si la pensée est indépendante du moi et si elle peut être saisie par


d'autres que moi, il s'ensuit fort logiquement qu'il arrive que je ne puisse saisir
qu'une partie et que d'autres que moi saisissent eux-aussi une partie ou la
totalité. Mais, une chose est sûre ; c'est que je ne peux entrer en communication
avec eux que si nous partageons au moins une partie, objet de convention.

Si je n'ai jamais vu un orme ou un hêtre, si je n'ai que ma propre


représentation indistincte des deux types d'arbres et si je ne partage aucun
savoir minime qu'il soit avec d'autres, alors tout simplement orme et hêtre
seraient synonymes pour moi et leur extension me serait unique. Mais, je risque
au-delà d'un certain usage des deux termes d'être incompris par les autres.
Imaginons que je m'adresse à un autre locuteur et que je lui dise :

«Sais-tu pourquoi appelle-t-on un orme un hêtre ? » ou encore « l'orme


c'est-à-dire l'hêtre devrait être très haut», s'il n’est pas mon doppelgänger sur
Terre-Jumelle, il s'étonnera certainement de mes propositions. Pourquoi ? parce
qu'il s'attend à ce que tout locuteur de notre communauté linguistique partage
un certain savoir à propos des deux arbres, à savoir qu'il ne s'agit pas de la
même extension. On objectera : «mais ce savoir est insuffisant pour fixer la
référence» ; tout à fait puisqu'il ne s'agit que d'une partie d'un concept. La
référence comme le dit justement Putnam est un phénomène social (nous
montrerons dans quelle mesure nous nous écartons de sa théorie de la
référence). Celle-ci ne peut relever exclusivement de la compétence des
locuteurs « solitaires ». Dans une région ou abondent les deux espèces, un
paysan nous dirait qu'elles se distinguent par le fruit, un botaniste nous en ferait
vulgariser d'autres savoirs et d'autres informations spécialisées, un dictionnaire
nous fournirait une synthèse plus englobante. Le sens d'un mot n'est pas associé
à des représentations individuelles, mais au mot lui-même.

96
Nous admettons avec Putnam que « les traits que nous pensons
généralement être présents en connexion avec un nom général, les conditions
générales et nécessaires et suffisantes pour appartenir à l’extension, les moyens
de reconnaître si quelque chose fait partie de l’extension (“critères”) etc.- sont
tous présents dans la communauté linguistique considérée comme un corps
collectif ; mais ce corps collectif répartit le travail de connaître et d’employer
ces diverses parties du « sens » »45 (Putnam, 1975 : 145). Nous admettons
aussi que l'état psychologique individuel tel qu'il est décrit par Putnam ne fixe
pas l'extension ; « c’est seulement l’état sociolinguistique du corps linguistique
collectif auquel ce locuteur appartient qui fixe l’extension »46 (Ibid. : 146).
Signalons qu'une fois l'interprétation du concept comme état psychologique est
écartée 1) et 2) restent intacts ; d'une part, chaque signe est associée à un
concept, d'autre part, l'intension (saisie à l'échelle de la communauté
linguistique) détermine l'extension.

Cependant, il y a une chose qui ne pourrait passer inaperçue : ceci ne


contredirait-il pas la thèse de Putnam sur la rigidité de la référence ?

2- L’aréférencialité
Dans son article de 1975, Putnam affirme qu'il adhère entièrement à la
position suivante de Kripke : la description envisagée comme un faisceau de
propriétés ne sont pas utilisées dans la fixation de la référence47 (Putnam,
1975 : 152). De ce fait, l'indexicalité tout comme la rigidité montrent la non
opérationnalité des thèses classiques dans la description de la référence. Il faut
noter que Kripke part de la supposition que nous fixons la référence d'un nom

45
«The features that are generally thought to be present in connection with a general name necessary and
sufficient conditions for member ship in the extension, ways of recognizing if something is in the extension
(«criteria») etc. - are all present in the linguistic community considered as a collective body ; but that collective
body divides the «labor» of knowing and employing these various parts of the «meaning» […]»
46
«it is only the sociolinguistic state of the collective linguistic body to which this speaker belongs that fixes the
extension »
47
«I think […] that the reference of names is rarely or almost never fixed by means of description. And by this I
do not just mean what Searle says : «It's not a single description, but rather a cluster a family of properties that
fixes the reference». I mean that properties in this sense are not used at all»

97
par une description. « Si tel est le cas, écrit-il48, nous ne considérons pas le nom
comme synonyme de sa description, mais nous utilisons le nom rigidement
pour référer à l'objet ainsi nommé même en parlant à propos de situations
contre-factuelles où la chose nommé pourrait ne pas satisfaire la description en
question» (Ibid. : 152).

A la suite de cette conclusion, nous interprétons la position précédente


de Putnam dans deux sens :

1- Les propriétés qu'attribue la communauté linguistique dans son


ensemble à un nom ne suffisent pas pour déterminer sa référence. Dans ce cas,
Putnam se contredirait clairement puisque toutes les propriétés nécessaires et
suffisantes, pour déterminer l'extension sont toutes présentes (all present) dans
la communauté linguistique en tant que corps collectif (collective body, Cf. ci-
dessus).

2- Les propriétés que pourrait attribuer un locuteur individuel ne


déterminent pas la référence. Dans ce cas, si l'unique manière de référer à un
objet est de le faire rigidement, «the sociolinguistic state», c'est-à-dire le
concept saisi à l'échelle de la collectivité ne serait d'aucune utilité et le locuteur
en question n'aurait aucun besoin de se référer aux experts, il lui suffit de se
promener avec tous les objets du monde sur lui ! Autrement, la division du
travail linguistique ne serait plus justifiée et en même temps chacun prétendrait
que le métal jaune qu'il aurait sur lui est de l'or. Ce qu'on veut dire par-là, c'est
qu'on ne peut maintenir les deux hypothèses à la fois, à savoir que l'intension
«sociolinguistique» détermine l'extension et que de l'autre les noms référent
rigidement.

L’analyse des arguments en faveur de la rigidité et des positions de


Putnam à travers l’ensemble de ses écrits montreraient s’il y a encore lieu de

48
Le texte original est: "Let us suppose that we do fix the reference of a name by a description. Even if
we do so, we do not make the name synonymous with the description, but instead we use the name
rigidly to refer to the object so named, even in talking about counterfactual situations when the thing
named would not satisfy the description in question".

98
cohérence entre ces deux approches de la référence ou si la contradiction et
l’inconstance est une caractéristique de la pensée de Putnam .

2-1- Démonstration logique de l’indexicalité ou l’histoire des « mondes


possibles » qui ne sont pas possibles

Putnam présuppose l'existence de deux mondes possibles w1, et w2 dans


lesquels un locuteur peut exister. Partant, soit un verre d’eau qu’il pointe afin
d’enseigner le sens de eau en disant «ceci est de l'eau». Il suppose qu'en w1 le
verre est plein de H2O, en w2 d'XYZ. Alors, il existerait deux théories
concernant le sens de eau qu'il symbolise ainsi :

1') (pour chaque monde w) (pour chaque x dans w) (x est de l’eau  x


porte la nature même L (Liquide) que l’entité connue sous le nom de « ceci »
dans w)49 donc, eau a le même sens en w1 et w2 ; la seule différence est qu'il y
a, H2O en w1 et XYZ en w2.

Pour la deuxième théorie :

2') (pour tout monde w) (pour tout x dans w) (x est de l’eau  x porte la
même nature L que l’entité connue sous le nom de « ceci » dans le monde
actuel w1)50 ; donc, eau n'a pas le même sens dans les deux mondes ; ce qu'on
appelle eau en w2 n'est pas de l'eau. L'eau est H2O dans tous les mondes
possibles. Pour Putnam, cette deuxième théorie est évidemment celle qui est
correcte.

Or, à partir de 2') ,nous pouvons également envisager :

2'') (Pour tout monde w) (pour tout x en w) (x est de l'eau = x porte


même natureL que l'entité à laquelle on réfère par «ceci» dans le monde
possible w2)51.

(for every world w) (for every x in w) (x is water  x bears sameL to the entity referred to as «this» in w)
49

(For every world w) (For every x in w) (x is water  x bears sameL to the entity referred to as «this» in the actual
50

world w1)
(For every world w) (For every x in w) (x is water  x bears sameL to the entity referred to as «this» in the
51

possible world w2).

99
Entre 2') et 2'') il n'y a pas de contradiction logique concernant la structure des
deux propositions ; les deux sont valides selon le principe de l'identité et de la
non-contradiction rationnelles. Cette validité logique affirme leur vérité de
système (le changement des contenus réel ou imaginaire n'implique pas
l'invalidité des deux propositions du point de vue logique).

Quelles sont les conséquences de ce parallélisme entre 2') et 2'') ?

1) Pour Putnam, la relation entre la communauté linguistique en w1 et la


communauté linguistique en w2 est la même que celle établie entre les deux
communautés respectives de Terre et Terre-Jumelle52. Cette relation est une
relation d'identité qui n'est perturbée que par quelques minimes différences
d'ordre dialectal : « il y a, sans surprise, quelques différences minimes […]
entre les dialectes d’anglophones sur terre et l’anglais standard, ces différences
elles-mêmes dépendent également des particularités de Terre Jumelle »53
(1975 : 140). Or, 2') montre que cette proposition est valable pour tous les
termes d'espèces naturelles (puisque les mots comme eau sont des
indexicaux 54) et que le sens de eau amènerait à H2O dans le monde W1 et à
XYZ dans W2. Étant donné que l’extension est incluse dans la signification du
mot, il s’ensuit alors, que la différence entre les deux «parlers» ne peut se
réduire à de simples variantes dialectales. La validité de 2'') montre nettement
qu'il s'agit d'une différence de systèmes ; donc il s'agit bien de deux langues
différentes. Si ceci est vrai, l'expérience de pensée de Putnam n'aurait plus de
sens puisqu'il ne s'agirait plus pour Oscar1 et Oscar2 de deux représentations
identiques associées au même mot de la même langue, mais de deux
représentations relatives à deux mots différents (puisque relevant de deux
systèmes différents) qui n'ont en commun que la suite phonétique à savoir wa-
ter.

52
"… the relation between English speakers in w1 and English speakers in w2 is exactly the same as the
relation between English speakers on Earth and English speakers on Twin Earth" (1975 : 148).
53
«there are, not surprisly, a few tiny differences […] between the dialects of English speakers on Earth and
standard English, these differences them selves depend on same of particularities of Twin Earth»
54
« natural kind words like «water» are indexical»

100
2) A partir de la proposition 2'), Putnam construit une deuxième
proposition ayant, pour lui, des conséquences lourdes sur la théorie de la
nécessité vériconditionnelle (startling consequences, 149). Il introduit ce qu'il
appelle la notion de «cross-world-relation» qu'il définit ainsi : « une relation R
entre deux termes sera appelée “cross-world” quand elle comprise de telle
manière que son extension est un ensemble de paires d’individus qui ne sont
pas toutes ordonnées dans le même monde possible. »55 (149).

La relation «même hauteur que» relève, selon lui, de ce type de relation. Ainsi,
si un individu x dans m1 a 5 pieds de haut et y un individu dans m2 a 5 pieds de
haut, alors la paire (x en m1, y en m2) appartient à l'extension de «même
hauteur que» (Éventuellement, écrit-il, un même individu pourrait avoir des
tailles différentes, dans les différents mondes possibles dans lesquels ce même
individu peut exister). Similairement, selon Putnam, on peut comprendre la
relation «mêmeL», (sameL, same liquid as) comme a cross-world relation : un
liquide en m1 a les mêmes propriétés physiques (en m1) qu’un liquide possède
en m2 ce qui implique qu’il est mêmeL (même nature) que ce dernier liquide en
m2. Ainsi, “une entité x, dans un monde arbitraire possible, est de l’eau si et
seulement si elle porte la relation mêmeL (construite comme une relation cross-
world) avec la chose que nous appelons eau dans le monde réel ».56En fait,
cette similitude est fausse. Dans la «cross-world-relation» ayant pour contenu
«même hauteur que», l'identité de la valeur de cette relation n'entraîne pas
l'identité entre l'individu x et l'individu y. Le point de référence dans la
détermination de R tient compte équitablement de la valeur de R dans les deux
mondes possibles.

55
«A two term relation R will be called cross-world when it is understood in such away that its extension is a set
of ordered pairs of individuals not all in the same possible world»

56
«An entity x, in an arbitrary possible world, is water if and only if it bears the relation sameL (constructed) as a
cross-world relation) to the stuff we call «water» in the actual world» (149).

101
Dans l'exemple de l'eau, l'identité porte à la fois sur la valeur de R et sur les
entités relatives aux « deux » liquides. Au lieu de la paire (x en m1, y en m2)
qui devrait résulter de l'exemple illustratif donné plus haut, nous avons la paire
(x en m1, x en m2 tel que x porte mêmeL que x en m1) ce qui reviendrait tout
simplement à 2') puisque le point de référence dans la détermination de R est
fixé par la nature de x dans m1 («bears the same relation to the stuff we call
water in the actual world»).

Pour que cette proposition soit similaire à celle présentée en l'exemple


illustratif, il faudrait envisager la proposition suivante :

Un liquide x en m1 a les mêmes propriétés physiques qu'un liquide y a en m2.

La «cross-world-relation» serait donc, «avoir les mêmes propriétés physiques


que» et non «même liquide que».

Putnam se sert, cependant, de cette proposition pour invalider la théorie de la


vérité et il procède en deux étapes :

a) en supposant que le locuteur qu'il est, se trouve dans une situation où


l'on n'a pas encore découvert les propriétés physiques importantes de l'eau dans
le monde actuel57.

b) en supposant par la suite qu'il découvre la microstructure de l’eau (the


microstructure of water, Ibid. : 150).

En a), il suppose qu'il pourrait parvenir à reconnaître l'eau par quelques


moyens malgré quelques minimes erreurs que le progrès de la science
résoudrait ultérieurement et ce, sans pour autant reconnaître la structure de l'eau
(150). Si l’on concède, ajoute-t-il, qu'un liquide qui a les mêmes propriétés
superficielles de l’eau sans en avoir la composition n'est pas réellement de
l'eau, alors la définition opérationnelle tout comme la définition ostensive ne
pourraient être appréhendées comme une spécification analytique de ce qui

57
Suppose, now, that I have not yet discovered what the important physical properties of water are (in
the actual world") (1975 : 150).

102
devrait être de l'eau. Comment, donc, Putnam, justifie-t-il le fait de pouvoir
reconnaître l'eau tout en ignorant sa structure ?

La réponse est que, pour tout x , « pour être de l’eau, dans n’importe quel
monde, est pour x avoir la relation mêmeL avec les membres normaux de la
classe d’entités locales qui sont de nature à satisfaire la définition
opérationnelle »58. (1975 : 150) ; laquelle relation «mêmeL» ne serait reconnue
par aucun sur Terre ou sur Terre-Jumelle puisqu'elle n'est pas analytique (si ce
n'est d'ailleurs une libre création des esprits individuels). Ainsi, tout en ne
sachant pas la structure de l'eau, « je peux affirmer, écrit-il, que l'eau sur Terre-
Jumelle n'est pas vraiment de l'eau » (150). Pourquoi ?

Parce que, même si elle satisfait la définition opérationnelle, elle n'implique pas
la relation «mêmeL» que la chose locale qui satisfait cette définition. De même,
une chose locale qui satisfait la définition opérationnelle mais qui a une
structure différente du reste des choses locales qui satisfont cette définition,
n'est pas de l'eau parce qu'elle n'implique pas, elle aussi, le relation «mêmeL»
que les exemples normaux de l'eau locale. Remarquons la circularité de
l'argumentation ; finalement, dans le cadre de cette première supposition, nous
ne reconnaissons pas l'eau puisque nous n'avons aucun moyen pour savoir ce
que c'est la relation «mêmeL» en dehors des propriétés opérationnelles.

En b), il suppose qu'en découvrant la microstructure de l'eau (H2O), on


serait en mesure d'affirmer que «la chose» sur Terre-Jumelle n'est pas de l'eau.
De même, si l’on décrit, non une autre planète du monde actuel, mais un autre
monde possible où un liquide ayant la formule XYZ passe bien le test
opérationnel, on ne pourrait dire qu'il s'agit de l'eau mais tout simplement de
l'XYZ.

A ce stade, Putnam est obligé de trouver une solution pour l'embarras résultant
de 2'')59 à savoir : en tout monde m et pour tout x de m, x est de l'eau  x réfère

58 21
«x to be water, in any world is for x to bear the relation sameL to the normal members of the class of local
entities that satisfy the operational definition»
59
Putnam n'a jamais explicité 2'') ; 2'') est une déduction logique qui résulte de 2').

103
à la chose indexée par «ceci» dans m2. La solution est qu’« une fois que nous
avons découvert la nature de l’eau, plus rien ne compte en tant que monde
possible dans lequel l’eau n’a pas cette nature. Une fois que nous avons
découvert que cette eau (dans le monde réel) est H2O plus rien ne compte en
tant que monde possible dans lequel l’eau n’est pas H2O ».60 (1975 : 151-152).
Comment Putnam justifie-t-il le fait de renoncer à sa Terre-Jumelle et au
monde possible auxquels il doit toute l'ampleur de sa théorie ?

Il affirme que s'il est logiquement possible d'envisager un état où quelqu'un


croit en un monde logiquement possible, il n'est cependant pas possible que
l'eau ne soit pas H2O. Autrement dit, il renie 2'') qui est pourtant valide à partir
de 2'). Même si l'eau n'est pas H2O reste concevable, ce n'est pourtant pas
logique : «Si un énoncé “logiquement possible” est un énoncé qui est vrai dans un
monde “logiquement possible”, il n’est pas logiquement possible que cette eau ne soit
pas H2O […] nous pouvons parfaitement bien imaginer que nous avons des
expériences qui nous convaincraient (et cela le rendrait rationnel d’y croire) que l’eau
n’est pas H2O . C’est concevable mais ce n’est pas logiquement possible»61 (Ibid. :
151). Ainsi, comme le remarque Kleiber, la notion du monde possible «n'ayant
plus de correspondant linguistique précis, voit sa pertinence et son efficacité
opératoire singulièrement affaiblies» (1985 : 93).

A partir de 2'), nous avons démontré que 2'') est logiquement possible.
Putnam ne démontre pas comment il ne l'est pas et comment le concevable et le
rationnel peuvent ne pas être logiques. Il se réfère simplement à Kripke pour

60
«In fact, once we have discovered the nature of water, nothing counts as a possible world in which water doesn’t
have the nature. Once we have discovered that water (in the actual world) is H2O, nothing counts as possible world
in which water isn't H2O»
61
«If a « logically possible» statement is one that holds in some «logically possible world», it isn't logically
possible that water isn't H2O […] we can perfectly well imagine having experiences that would convince us (and
that would make it rational to believe that) water isn't H2O. In that sense, it is conceivable that water isn't H2O. It is
conceivable but it isn't logically possible»

104
distinguer la nécessité épistémique contingente et la nécessité métaphysique où
les énoncés sont vrais dans tous les mondes possibles 62 (Putnam, 1975 : 151).
Nous constatons justement que 2') est de cette seconde nature puisque dire que
« pour tout monde m et pour tout x de m, x est de l'eau si est seulement si x
porte la relation mêmeL que l'unité à laquelle réfère «ceci» dans le monde
actuel», c'est consentir à ce que le réfèrent soit conçu «comme ayant des
propriétés telles qu'elles garantissent son identité à travers les différents
mondes possibles» (Kleiber, 1985 : 93). Ainsi, «l'adhésion à la rigidité entraîne
l'adhésion à l'essentialisme» (Ibid. : 93) ; lequel essentialisme échappe à la
portée de l'intuition humaine, selon Putnam (151). La relation «mêmeL» n'étant
pas empiriquement démontrable pour être valide dans tout m, alors, il s'agit
bien d'une nécessité métaphysique. D’ailleurs, Putnam finit par rejeter plus tard
(1981) ce point de vue qui n’est qu’« une version de la théorie magique de la
référence » (59) puisque dire que « l’eau est H2O » est vrai dans tous les
mondes possibles sans avoir déterminé la référence dans le monde réel par des
contraintes opérationnelles et théoriques revient à présupposer la notion de
référence sans dire si elle fixe ou ce qu’elle est. Nous revenons ainsi dans une
circularité hallucinante à la case de départ où la détermination de la référence
est une affaire sociale.

2-2- Indexicalité et déictiques

Pour Putnam, les termes d'espèces naturelles sont des indexicaux au


même titre que je, ceci et par conséquent les théories qui se fondent sur 1) et 3)
ne s’appliquent pas à ces termes63. Nous essayerons de montrer que les
déictiques de personne (je…), de temps (maintenant…) et de l'espace (ici…)
sont des indexicaux pour des raisons que les termes d'espèces naturelles ne
peuvent avoir, et que l'indexicalité rattachée à ces termes ne peut se passer du

62
«Statements […] are true in all possible worlds»

63
«This theory cannot be true of natural kind words like «water» for the same reason it cannot be true
of obviously indexical words like «I» (Ibid. : 152).

105
concept qui leur est associé. Trois raisons, ontologique, logique et pragmatique
concourent à ce constat.

En premier lieu, le propre des indexicaux (je, ceci, ici, maintenant) est
d'avoir une extension qui varie selon les contextes et les emplois ; alors que
pour l'eau, l'indexicalité signifie selon Putnam qu’à travers tous les temps, dans
tous les espaces et dans tous les mondes possibles, l'eau demeure de l'eau
(Ibid.: 151) ; une et une seule extension et non des extensions différentes
comme dans le cas du je prononcé d’un locuteur à un autre. Par conséquent, le
propre des symboles indexicaux «réside dans cette nécessité de prendre en
compte le contexte d'apparition de l'occurrence elle-même» (Kleiber, 1985 :
89) alors que le sens des termes d'espèces naturelles «n'oblige nullement le
locuteur à tenir compte à chaque fois du contexte d'énonciation» (Ibidem.).

Dans le même sens et indépendamment du débat sur la manière dont je réfère


(Cf. Kleiber, 1985 : 87-88)64, si l'on adopte le point de vue de Putnam qui
assimile la référence des termes d'espèces naturelles aux symboles indexicaux,
on remarque que cette assimilation n'est pas aussi valide que ne le prétende
Putnam. Oscar1 a son Doppelgänger sur Terre-Jumelle, il lui est identique : ils
ont la même apparence, les mêmes pensées, les mêmes émotions, le même
code génétique, le même passé, présent, avenir etc. Logiquement, en
prononçant je chacun d'eux à la même représentation de lui-même que son
Doppelgänger ; cependant, peut-on prétendre qu'il s'agit de la même extension?

Dans la fiction de l'eau, les deux Oscar auraient la même représentation de cette
substance bien que celle-ci diffère en extension (H2O et XYZ). De cette fiction,

64
Kleiber défend l’idée que si l'on se place au niveau des référents individuels, le "je" serait "un
concept individuel associé à un emploi d'un symbole indexical [qui] correspond [à] une extension et
par conséquent, le sens état psychologique détermine l'extension"(1985 : 87). De même, "dans
l'hypothèse où l'on définit l'extension de "je" comme étant l'ensemble des locuteurs qui disent "je" (la
classe des locuteurs), il n'y aura comme pour "eau" et "chat", qu'une seule extension et il sera légitime
de maintenir le lien (i) (ii) en invoquant un seul état psychologique (la personne qui dit je) et une seule
extension (la classe des locuteurs" (1985 : 88) et donc l'intension continue à déterminer l'extension.

106
Putnam déduit que les référents individuels de eau renvoient toujours à une et
une seule extension selon la relation mêmeL. Une telle déduction pourrait-elle
être retenue dans le cas du je de Oscar1 et Oscar2 ? D’après le raisonnement de
Putnam, on peut affirmer que oui puisque les deux Oscar ont la même
microstructure génétique et biologique. Oscar1 à travers son je serait indexical
tout comme eau. Mais, le principe de l'intégrité de la personne, fait que malgré
cette identité absolue entre Oscar1 et Oscar2, on ne saurait déduire que le je
dans le monde actuel renvoie à tout individu x de même nature que Oscar1 ou
Oscar2. Donc, il s'agit d'une fausse similitude et les termes d'espèces naturelles
ne peuvent être des indexicaux à la manière de je.

En second lieu, les pensées indexicales ou «égocentriques» selon


l'expression de Russel (1940) comme ceci, maintenant, je, etc. «sont
subjectives au sens où l'usage de ces indexicaux présuppose que leur
signification et leur référence sont déterminées par le point de vue subjectif des
gens qui ont ce genre de pensées. On ne peut pas les réduire à des pensées à la
troisième personne parce que le sens d'indexicaux […] comme ceci ou de
pronom comme je n'est pas exprimable par des descriptions telles que
«l'individu pense que P» (Pascal Engel : 1977, 22).

Or, les termes d'espèces naturelles ne relèvent pas de ces pensées subjectives,
sinon chacun aurait son «eau» propre. Si la description (eau pure incolore, sans
goût…) n'est pas synonyme de l'extension, cela n'empêche qu’«eau» est
exprimable par des descriptions objectives telles que «il pense que P». «Ceci
est de l'eau» ne peut être déterminé par la seule «signification du locuteur»
(Grice, 1957). Il faut également, comme le suggère Searle (Cf. Laurier, 1993 :
81-82), faire intervenir les règles ou les conventions du langage :

un énoncé x signifie linguistiquement que P dans une communauté, si et


seulement si, il existe dans celle-ci une convention d'utiliser x afin de signifier
(de la part d'un locuteur) que P.

En dernier lieu, la référence par les démonstratifs ne peut s'effectuer que


par l'intermédiaire d'une relation perceptive directe entre l'individu qui utilise le

107
signe et le contexte. L'analyse de cette relation nous oblige à considérer ce que
le locuteur pense à propos de l'objet et à analyser la chaîne causale qui le
conduit d'une information perceptive à l'usage du signe. ( P. Engel, Ibidem.).

Comme le remarque B. Godart-Wendling, lorsqu'on dit : « «qu'est-ce que


c'est que ça? » en pointant vers un objet ou en le désignant simplement
visuellement, on ne pose pas une question portant sur le référent puisque l'ayant
sous les yeux, il ne fait aucun doute qu'il existe, mais on demande soit des
renseignements sur les propriétés de cet objet, à quoi peut-il bien servir ? Soit
en indiquant que de par ses propriétés l'objet n'a pas d'être là» (2000 : 120).
Ainsi, la spécificité du monde de donation de ça (et des démonstratifs en
général) est de mobiliser non seulement une partie des propriétés
identificatoires des mots, mais également des propriétés issues «de notre
connaissance du monde» (Ibid. : 108).

Imaginons un visiteur d'une autre planète qui débarque sur Terre et qui,
lui, ignore totalement ce que c'est «de l'eau» ; imaginons également que cette
planète est identique à notre Terre et que le seul élément variable est que les
habitants (parlant le français) ne connaissent l'eau que sous son état solide
qu'ils nomment glace, comme nous d'ailleurs. Si ce visiteur s’informe auprès
de notre « Oscar » sur la nature de cette substance, et, si celui-ci lui répond
ceci est de l'eau, évidement, notre hôte ne comprendra rien. Il est ridicule
que notre Oscar s'amuse à lui expliquer que ceci veut dire comme ceci, c'est-
à-dire comme toute substance sur notre Terre qui se comporte comme ceci.
Arrive-t-il ainsi, à fixer la référence de l'eau ?. Il est clair qu'on ne peut se
passer de la pensée pour fixer la référence. D’ailleurs, Putnam lui-même
rejette dans un autre contexte cette manière circulaire de raisonner.
« Supposons, écrit-il, que je ressente une sensation E. Supposons que je
décrive E, par exemple en disant : « E est une sensation de rouge. Si rouge
veut simplement dire « comme ça », alors l’assertion veut dire « E est
comme ça », dit au sujet de E, c’est-à-dire « E est comme E » -et aucun
jugement véritable n’a été fait » (1981-1984 : 74).

108
Dans l’article de 1975, Putnam affirme que les conclusions qu'il tire de
l'indexicalité sont les mêmes que celles atteintes par la théorie de la référence
causale de Kripke avec laquelle il est en accord. Voyons ce qu’il en découle et
s’il a conservé cet accord dans ses écrits ultérieurs.

2-3- Rigidité et chaîne causale

Cette théorie trouve son origine dans l'étude de la référence des noms
propres. Un nom propre désigne non par les propriétés que nous attribuons à un
individu et qui peuvent être vraies ou fausses, mais en vertu d'un enchaînement
causal qui remonte au premier emploi (Kleiber, 1985 : 81). Ce mécanisme de
désignation comprend trois étapes :

- «l'acte de dénomination, au cours duquel les personnes présentes


acquièrent la capacité d'utiliser le nom propre pour le particulier «baptisé» parce
qu'elles perçoivent directement les éléments constitutifs de l'acte de dénomination» ;
- «le premier emploi» ;
- «sa transmission» (Kleiber, 1985 : 81).

Or, pour les termes d'espèces naturelles, cette théorie ne semble pas être
valide pour les raisons suivantes :

1- L'impossibilité de requérir la permanence spatio-temporelle « de


l'objet, présent au moment de l'acte de dénomination» puisque l’entité visée est
la totalité de l’espèce ou de la substance dont cet objet n’est qu’une partie.
Avec les noms propres la chaîne causale conduit toujours à travers les maillons
référentiels au même objet de référence que celui «qui a été perçu directement
lors de la dénomination» (Ibid. : 82). Pour les termes d'espèces naturelles, il
s'agit plutôt d'une relation de similitude ou d'appartenance (Ibid.).

2- Inversement, dans «le cas des emplois prédicatifs, comme « cette


eau », « ce chat » […] etc., la dénotation peut varier de monde à monde […]
puisque le terme d'espèces naturelles s'applique à des individus en tant que
propriété de ces individus» (Ibid. : 91).

109
3- Si l’on découvre qu’une erreur s’est produite lors du premier emploi
de sorte que « chat n'a pas renvoyé à un chat mais à un robot», l'emploi actuel
de chat, selon la théorie causale, est également erroné puisque les chats actuels
ne sont pas de la même nature « que l'objet originellement appelé chat» (Ibid. :
83). Une telle conclusion paraît inadmissible.

Cependant, la théorie de la chaîne causale, tout comme l’idée de la


détermination sociale de la référence, l’histoire des mondes possibles et
l’indexicalité n’échappe pas à l’inconstance des réflexions de Putnam. Dans
Raison, vérité et histoire, il avance au moins trois arguments à l’encontre de
cette thèse à laquelle il a affirmé adhérer en 1975 :

- la nécessité de la relation causale dans l’acte de référence est infirmée


par le fait qu’il existe des objets avec lesquels nous n’avons pas interagi
auparavant (Les extraterrestres par exemple, 1981-1984 : 64) ;

- les chaînes causales remontent si loin dans le temps et cumulent trop


de maillons « pour que la référence ne soit qu’une affaire de chaînes causales »
(Ibid. : 78) ;

- la relation causale implique pour être valide « un système catégoriel


qui dira quelles propriétés comptent ou ne comptent pas comme des
similitudes » (Ibid. : 63). De ce fait, si nous disposons de telles descriptions
nous n’aurons pas besoin d’une telle relation.

La conclusion à laquelle il parvient est que, même s’il existe des termes
désignant des choses liées par une telle relation, ce type de connexion ne
constitue pas « le mécanisme unique ou fondamental de la référence » (Ibid. :
79).

Au bout de cette présentation, il est légitime de se demander quel serait


donc ce mécanisme fondamental si toutes les sorties sur la référence sont si tôt
adoptées pour être reniées d’une manière ou d’une autre par la suite. La
réponse se trouve probablement dans l’assertion de Putnam qu’« un signe qui
est effectivement employé d’une certaine manière peut correspondre à des

110
objets particuliers dans le cadre conceptuel de ces utilisateurs » (Ibid. : 64). Il
s’agit là d’une formulation trop large pour être interprétée comme une reprise
de la détermination sociale de la référence puisque celle-ci présuppose une
division du travail linguistique qui n’est pas inféré par l’assertion : les
utilisateurs peuvent bien être des profanes. En effet, Putnam postule que les
objets à la fois « construits et découverts », « doivent se retrouver
automatiquement sous certaines étiquettes, parce que ces étiquettes sont les
outils que nous avons utilisé au départ pour construire une version du monde
contenant ces objets » (Ibid. : 66). La langue est ainsi une nomenclature qui
résulte non pas d’une catégorisation du sens en termes de conditions
nécessaires et suffisantes mais d’un étiquetage automatique et sans faille des
objets que nous intégrons dans notre cadre conceptuel. L’objet n’est donc pas
« indépendant de l’esprit » mais en même temps sa « substance elle-même
parachève la détermination de la référence » (Ibid. : 36). Encore une fois, selon
les termes de Frege : ne risque-t-elle pas de noyer la/les conscience(s) ?

Les développements ultérieurs de la théorie des stéréotypes avec Fradin


et Anscombre65 maintiennent cette idée de la rigidité de la référence sans
toutefois l’expliquer ayant pour cause, peut-être, que toute cette problématique
reste en dehors du domaine de la linguistique. Mais, comme Anscombre l’a
bien précisé, les théories linguistiques, elles, dépendent de cette
problématique ; la classification des tendances actuelles de la sémantique
contemporaine en est l’illustration. Dans le cadre de chaque approche, les
notions utilisées sont censées être cohérentes avec le cadre épistémique général
dans lequel s’inscrit la théorie considérée. Or, chez Anscombre, le recours au
concept de généricité semble s'opposer au fait de considérer le stéréotype
comme reposant sur [N4], (R2) et (U2) + (U4)66. Ces dernières hypothèses
récusent catégoriquement que le sens fournit une connaissance de quelque

65
Pour Anscombre, nous trouvons une explication en note dans laquelle il affirme que sa théorie est
«compatible avec par exemple une hypothèse à la Putnam ou à la Fradin d'une référence qui se fait sur
le mode de la désignation rigide». Ailleurs (2001a, 58).
66
Cf. l’introduction de ce chapitre.

111
manière qu'elle soit sur l'état du monde et que les mots ont dans leur
signification des constantes sémantiques analytiques. D'ailleurs, la conclusion
majeure que tire Anscombre du regroupement des théories sémantiques selon
l'opposition (U1) + (U3) et (U2) + (U4) est que «le premier cas est typiquement
celui des théories logicisantes dans lesquelles les propositions ont une valeur de
vérité, et les mots un «sens référentiel», i.e. l'ensemble des traits que doit
posséder une portion de la réalité pour que tel mot ou groupe de mots soit apte
à la désigner» (1998 : 44). Or, définir les stéréotypes par le biais du
rapprochement avec les phrases génériques conduit inévitablement vers
l'adoption de telles théories logicisantes.

Les phrases génériques nécessairement vraies impliquent nettement une


valeur de vérité, et c'est également le cas des génériques typifiantes a priori ou
typifiantes locales puisque celles-ci ne sont définies que par rapport aux
premières. Plus encore, dans la typologie des phrases génériques d'Anscombre,
ce n'est pas seulement le critère définitoire qui se trouve impliqué mais surtout
le critère ontologique et référentiel.

Le premier type de phrase n'est pas indépendant de la connaissance de l'état du


monde. Comme le souligne R. Martin, «En dépit de sa clôture véridictionnelle
(il est vrai qu'il n'a pas à être vérifié, étant vrai par définition), l'énoncé
analytique est de fait ouvert sur le monde, sa vérité n'est pas indépendante de la
référence» (2001 : 26).

Le second type implique davantage un tel lien avec la réalité de l'objet


dénommé parce que n'étant pas vrai par définition, son caractère généralement
ou localement vrai n'est validé que par la connaissance du référent. Si «les
voitures ont quatre roues» est généralement vrai, ce n'est pas dans la langue
qu'elles peuvent en avoir seulement trois. Si nous tentons de trouver une sortie,
à la manière de Putnam, par le cadre conceptuel, nous venons de voir que
toutes les tentatives de prouver la rigidité de la référence s’excluent
mutuellement au point que nous pourrons dire qu’à l’image de la signification,
la référence est elle aussi holistique.

112
3- Le holisme de la signification

Anscombre à la suite de Putnam fonde sa théorie sur le principe d’une


séparation radicale de la signification et de la référence (2001a : 58).
Cependant, les retombées de cette séparation sur la représentation de la
signification diffèrent dans les deux approches, non quant à leurs conclusions
mais quant à la configuration que chacun d’eux donne à la signification. La
différence essentielle est que pour Putnam l’extension est une composante
fondamentale de la signification alors que Anscombre ne reconnaît que le
stéréotype. Dans cette dernière perspective, le caractère ouvert des phrases
identifiant le stéréotype, l’attribution étroite de celui-ci au locuteur et sa
variation selon les circonstances d’énonciation et les communautés
linguistiques mouvantes rendent la signification arbitraire dans ce sens que,
pour un terme donné, elle n’acquiert aucun contenu stable et
intersubjectivement partagé par l’ensemble des locuteurs d’une langue.

Avec Putnam, la question est plus compliquée du fait que ce n’est pas
seulement le stéréotype qui se trouve en jeu mais également l’extension qui est
censée être le composant décisif dans l’identification de la signification d’un
mot. La difficulté essentielle provient du fait de considérer que « la référence
d'un mot comme or est fixée par les critères connus par les experts» (Ibid. :
75) et en même temps conclure que sa fixation est indexicale. La première
assertion envisage que l’extension peut être déterminée par l’intension puisque
tous les critères nécessaires et suffisants de la détermination de la référence
sont présents à l'échelle sociale (1975 : 145). Donc, de ce point de vue la
séparation ci-haut évoquée, n’a pas lieu d’être. La deuxième assertion maintient
l’extension en dehors de la compétence même collective et donc la séparation
devient pertinente. Elle trouve sa justification dans le fait qu’«aucun ensemble
de critères opérationnels ne peut totalement fixer la signification du mot or [par
exemple] car, au fur et à mesure que nous développons de meilleures théories
de la constitution de l'or et des tests plus élaborés du comportement des
substances (y compris le comportement sous des rapports que nous n'étions pas

113
auparavant capables de mesurer) nous pouvons toujours découvrir des défauts
dans les tests que nous avons précédemment» (Ibid. : 76).). Ceci revient à dire
qu'il peut y avoir plusieurs modes de donation du référent ou plusieurs
significations possibles pour un même terme.

Putnam tente de relativiser son point de vue en proposant de réconcilier l'apport


des divers composants. Si l'extension est le composant dominant de la
signification «cela ne veut pas dire que les descriptions, y compris les
descriptions qui se font «dans notre esprit» ne jouent aucun rôle pour fixer la
référence. Les descriptions non-indexicales [les descriptions du comportement
et / ou de la composition de l'or qu'un expert pourrait donner] et les
descriptions indexicales [la matière qui se comporte comme et a la même
composition que «ceci» dit par quelqu'un qui «prend pour point de repère» tel
échantillon particulier d'une substance] aident bien à fixer la référence de nos
termes» (Ibid. : 77-78).

Cependant, selon cette logique, si l'on considère pour des mots comme orme et
hêtre que la représentation mentale n'est d'aucun recours dans la fixation de la
référence, que le savoir des experts peut rater la détermination exacte de la
référence, seul le composant indexical persiste.

Nous avons avancé des objections concernant ce composant. Mais


admettons pour le moment que ce composant est pertinent et admettons
également qu'il est possible de séparer les questions de signification de celles
de la référence comme le propose Putnam. L'objection qu'il soulève et à
laquelle il répond est la suivante : «si nous pouvons expliquer la manière dont
nos mots désignent les choses, comme ils le font sans faire appel à l'idée qu'ils
sont associés à des «significations» fixées qui déterminent leur référence,
pourquoi aurait-on aucunement besoin d'une notion de signification?» (Ibid. :
58).

Putnam affirme qu'il ne s'agit pas d'une vraie difficulté. La nécessité de


la notion de signification se justifie par le besoin de trouver «une équivalence»
entre les langues permettant aux gens de s'entendre. Ainsi, on s’attend à ce

114
qu’ « une fois prise en compte les différences, de croyances et de désirs, le fait
de prononcer un énoncé dans l'autre langue dans un contexte donné évoque
naturellement des réponses semblables à celles auxquelles on s'attendrait si l'on
s'était trouvé dans sa propre communauté de discours et si l'on avait prononcé
l'énoncé équivalent dans sa propre langue» (Ibidem.).

Putnam avance trois suggestions pour la signification de «connaître la


signification d'un mot» :

«a- savoir traduire cette signification ;


b- savoir ce que ce mot désigne, au sens de : avoir la capacité d'énoncer
explicitement ce qu'est la dénotation (autrement qu'en utilisant le mot lui-
même) ;
c- avoir une connaissance toute tacite de sa signification, au sens d'être
capable d'utiliser le mot dans le discours» (Ibid. : 68).

Si le besoin de traduire est la seule justification de la notion de signification, on


pourrait toujours se demander qu'est-ce qui est traduisible ? Au-delà de la
circularité de «connaître la signification d'un mot, c'est traduire la signification
de ce mot», on pourrait se demander si cette signification, qu'on est censé
traduire pour la connaître, est celle de la représentation du sens de Putnam.
Dans ce cas, quel composant allons-nous traduire ?

Putnam retient c) qui correspond à la compétence du locuteur moyen


(68) et on admet qu’il retient également a) puisque le besoin d'une notion de
signification est justifié seulement par la nécessité de trouver des équivalences
dans une autre langue. Ceci revient à dire que le stéréotype est le seul
composant traduisible . En effet, si «connaître la signification, c'est savoir
traduire dans sa propre langue», avec des gens qui parlent la même langue
d'une manière différente, alors cette différence n'est autre que celle qui s'établit
entre les compétences des locuteurs individuels correspondant précisément à c).
Mais, Putnam asserte ailleurs que «ce qui est préservé dans la traduction, ce n'est
pas simplement les représentations mentales […] ; les représentations mentales ne
suffisent pas à fixer la référence» (Ibid. : 65). De même, « les descriptions

115
indexicales […] ne sont pas ce que nous préservons dans la traduction» (Ibid. :
78).

On peut également penser qu’il refuse b) puisque «le chimiste qui sait que le
nombre atomique de l'or est 79 n'a pas une meilleure connaissance de la
signification du mot or, il en sait simplement davantage sur l'or» (Ibid. : 54)
d’autant plus que les contraintes opérationnelles peuvent s’avérer fausses.
Pourtant, c’est le composant que Putnam croit susceptible d’être traduit :
«quand un mot est un terme d'espèces naturelles, nous le traduisons
généralement par le terme de l'espèce naturelle correspondant dans notre propre
langage, là où le terme d'espèce naturelle correspondant est le terme d'espèces
naturelles qui a la même extension […] il semble que la «composante»
dominante de la signification soit bien l'extension» (Ibid. : 93). Soit.
Évidemment, on ne traduit pas H2O, mais à quoi correspondrait une
signification qui serait «connaître la signification de eau, c'est trouver le mot
dans une autre langue qui partage avec le mot eau l'extension H2O ? Puis,
supposons maintenant que sur Terre et sur Terre-fausse-Jumelle, deux
communautés linguistiques différentes (pour justifier la traduction)
reconnaissent le même métal que nous appelons or, sauf que, sur Terre-Fausse-
Jumelle l'or est abondant et il est d'usage courant comme l'est le fer sur Terre.
Par contre, le fer est chose rare chez eux et il est précieux tout comme l'or
chez nous. Un des leurs pourrait bien dire : «Jette ces tonnes d'or dans la
ferraille». Quelle serait notre traduction d'un tel énoncé ? Et si l'un des
nôtres dit «Le temps, c'est de l'or». Quelle serait la traduction d'un tel propos
sur Terre-Fausse-Jumelle ? En fait, si les profanes reviennent aux experts, ce
n'est pas pour l'usage correct du mot dans le sens de savoir son extension
comme le suggère Putnam, mais pour vérifier si le métal en question
correspond bien au concept qu'ils ont de lui à savoir le fait d'être précieux et
donc de vérifier si cette extension est bien celle qui est déterminée par leur
représentation.

116
Si par contre, on se fie aux rejets de la traductabilité du stéréotype du
savoir des experts, les choses n’iront pas mieux car si connaître la signification
d'un mot ne relève ni de la compétence de l'expert, ni de celle du profane, donc,
on en déduit tout simplement qu'aucun ne reconnaît la signification des mots
qu'il utilise.

En somme, cette séparation de la manière de référer et de la manière de


signifier échoue de deux manières :

1- en incluant l'extension dans le sens et en la considérant comme étant


sa composante dominante, Putnam est obligé de les associer au lieu de les
séparer. Mais, dans ce cas, il se trouve dans la difficulté de justifier la
dominance de ce composant puisque l'expertise scientifique ne garantit ni la
pertinence (notre savoir à propos de l'extension peut s'avérer faux), ni la fixité
(celle-ci peut être déterminée selon plusieurs méthodes). Les retombées sur la
théorie putnamienne semblent être énormes : la référence ne peut plus être
tenue pour un phénomène social où les experts ont un rôle privilégié ;

2- en optant pour la séparation radicale entre la signification et la


référence et en écartant la signification de la compétence du locuteur moyen et
de l'expert (ce dernier bien que connaissant l'extension, ne possède pas la
signification dans son entier). Putnam porte la saillance sur la composante
indexicale. Or, comme nous venons de le voir, cette composante échappe à
toute traduction et désormais, «connaître la signification d'un mot», n'est plus
possible.

A vrai dire, la position de Putnam n'est pas aussi précise qu'il le prétend.
Il affirme qu'une «connaissance tacite de la signification, au sens d'être capable
d'utiliser le mot dans le discours» (68) «n'est pas connaître un fait» (69), mais il
avoue en même temps que «savoir ce que signifient les mots d'un langage …
sans savoir ce qu'ils signifient, on ne peut pas dire ce qu'ils désignent (48)],
c'est savoir la manière dont on les utilise» (Ibid. : 195). Or, écrit-il, «l'usage est

117
holistique» et «la fixation de la croyance est holistique»67. Il nous reste la
bonne «pratique interprétative sophistiquée [qui] présuppose une
compréhension sophistiquée de la manière dont les mots sont utilisés par la
communauté dont on est en train d'interpréter les mots» (Ibid.). L'interprétation
elle-même «est une affaire essentiellement holistique. Une «formalisation»
complète de l'interprétation […] est un projet aussi utopique qu'une
formalisation complète de la fixation de la croyance» (Ibid. : 194-195).

Ainsi, la référence vue comme «phénomène social», une fois relativisé»,


perd son caractère social en faveur de l'indexicalité. En l'absence de toute
garantie sur la pertinence de ce composant «la propriété de se comporter
comme n'importe quel échantillon […] provenant de notre environnement»
(Ibid. : 70) est une nécessité métaphysique tout comme celle qui permet de
référer à «Dieu» ou à «Diable». Ainsi, formulés pour être les éléments d'une
théorie sémantique, les composants de la signification pris sous l'angle de leur
rapport avec la référence, n’avancent guère la compréhension de celle-ci.

Nous nous proposons avant de faire le point sur la nature de ce savoir de


continuer à explorer la place que réservent les différentes théories à cette part
non-analytique du sens. L’objectif est d’étudier des notions aussi variées que
« le prototype », « la connotation », « le virtuème », « les topoï » et « le sème
afférent » et qui se meuvent dans le même espace sémantique de la généricité
non-analytique, foyer de la stéréotypie.

67
Putnam affirme dans la préface de Représentation et réalité qu’il assume les résultats négatifs de ses
recherches comme le considèrent certains. Il annonce également que les chapitres V et VI prennent
appui « sur les développements précédents notamment sur les arguments en faveur du holisme de la
signification ».

118
Deuxième partie : Stéréotype et notions
apparentées

119
Premier chapitre-Stéréotypie et prototypie
Bien que relevant "d'horizons théoriques différents", selon l'expression de
Kleiber (1990 : 9), les notions de "prototype" et de "stéréotype" ne manquent pas d'être
"souvent employées comme des variations notationnelles d'un même phénomène"
(Ibidem.). Or, se délibérer sur les fondements d'une telle confusion terminologique
exige, d'abord, la distinction de leurs champs d’applicabilité respectifs. Sans une telle
mise au point, on ne saurait déterminer avec précision les motivations d'une affinité ou
les causes d'une dissemblance entre les deux notions. De plus, les études comparatives
menées jusqu'ici, opposent essentiellement deux modèles théoriques : la théorie du
stéréotype de Hilary Putnam et la sémantique du prototype dans ses versions standard
et étendue. Cependant, chacun des deux modèles est à envisager dans le cadre de ses
propres limites. La théorie putnamienne se veut une approche de la signification
réduite aux seuls termes d'espèces naturelles d'autant plus que son cadre théorique
d'ensemble est loin de s'imposer comme une solution satisfaisante aux problèmes du
sens. La théorie du prototype de E. Rosch (1970-1978) à G. Lakoff (1989-1987) a
connu des révisions successives dont la plus récente (celle de Lakoff) rompt avec les
thèses fondamentales de la version originale (cf., Kleiber, 1991 : 104). Dès lors, une
redéfinition de la notion du stéréotype, une délimitation de son économie dans la
structuration du lexique et une prise en considération de l'hétérogénéité des approches
prototypiques ouvriraient vraisemblablement la voie au traitement de cette opposition
sous un angle nouveau.

Nous nous proposons, donc, de :

- passer en revue les différentes approches de la catégorisation dans le cadre de


la sémantique du prototype ;

- faire l'état des rapprochements et des distinctions entre les deux notions à
travers des lectures linguistiques variées;

- Opposer la notion de stéréotype appréhendée jusque-là d’une manière intuitive


aux diverses approches en termes de prototype.

120
Notre objectif est de montrer que :

1- les rapprochements entre les deux notions sont justifiés par des similitudes de
surface concernant les motivations de formation de ces concepts telles que la typicité
et la conventionnalité ;

2- les différences établies par certaines critiques sont envisagées à partir


d'oppositions parcellaires étroitement liées aux théories sémantiques citées ;

3- la notion de stéréotype, telle que nous l’entendons, ne coïncide avec aucune


des versions de la sémantique du prototype ni au niveau de son apport à l'organisation
interne des catégories, ni au niveau de son économie dans la structuration du lexique.

1-(les) théorie(s) du prototype

Faut-il constater avec Kleiber 68 qu’il revient aux pionniers (notamment E.


Rosch), qui ont fondé la sémantique du prototype dans sa version standard, de l’avoir
relancée dans sa version étendue. Or, bien qu'ils inscrivent cette dernière version dans
le cadre d'un prolongement de la conception originelle de cette théorie, les contenus
notionnels des changements, notamment ceux remettant en cause la centralité du
prototype, constituent une véritable "rupture" avec la version standard et, par
conséquent, ne peuvent être envisagés comme "une suite logique" de cette version.

Faut-il encore noter que la version standard présente, dans son cadre, deux
représentations différentes du prototype. Ceci dit, notre tour d'horizon consistera en la
saisie de ces différences entre les trois approches.

1-1 La théorie originelle du prototype

Les premiers travaux de E. Rosch se résument autour des points suivants:

a) Le prototype est "le meilleur exemplaire ou encore la meilleure instance, le


meilleur représentant ou l'instance centrale d'une catégorie" (Kleiber, 1990 : 47-48).
Sur la base de la similarité à cette instance, s'effectue l'appartenance à une catégorie

68 *
Le livre de Kleiber La sémantique du prototype est une oeuvre incontournable pour faire le tour de la
question. Nous nous appuierons essentiellement sur ce travail pour cerner les tenants et les aboutissants des
travaux liés au prototype.

121
comme l'explicite Langacker (1987 : 371): « un prototype est un exemple typique
d’une catégorie, et les autres éléments sont assimilés à la catégorie à la base de leur
ressemblance au prototype ; il y a des degrés d’appartenance basés sur des degrés de
ressemblance ». 69

b) Une catégorie référentielle a une structure interne où les membres sont placés
dans un ordre allant des instances prototypiques, centrales aux instances périphériques.
(E. Rosch, 1975 : 544 ; citée par Kleiber, 1990 : 52). Toutefois, le regroupement de ces
instances se fait sur la base d'une ressemblance de famille et non sur des propriétés
communes. Ceci dit, la réciproque n’est nécessairement pas vraie : la structuration en
ressemblance de famille peut avoir une configuration autre que celle organisée autour
d’instances centrales et autres périphériques. (cf., Ibid. : 56)

c) Les frontières des catégories et des concepts sont floues. Contrairement à la


représentation "classique" des catégories où les limites sont bien nettes, les "graded
categories" selon l'expression de Lakoff (1987 : 287) ont des frontières floues :
certains éléments figurent à l’intérieur de la catégorie ; d’autres se situent dans la
région litimorphe 70 (Ibid. : 288).

d) L'exemplarité, étant un fait reconnu par les sujets et donc théoriquement


sujette à des variations individuelles, n'est pertinente que dans la mesure où elle fait
l'objet d'une fréquence élevée, donc d'une conventionnalité. Ainsi, « l'échelle de
représentativité ou "le gradient de prototypie" (F. Cardier, 1980) associé à une catégorie
tire sa pertinence de cette stabilité interindividuelle » (Kleiber, 1990, 49). Et, « le degré
de représentativité d'un exemplaire correspond à son degré d'appartenance à la
catégorie » (Ibidem. : 51).

e) Cette façon de concevoir la catégorisation a pour corollaire un processus qui


n'est pas analytique comme dans le cas des CNS mais qui se fait sur la base d’une
similitude globale des exemplaires regroupés sans pour autant qu’il perdent leurs
identités propres (cf., E. Gauzinilli-Marmèche, D. Dubois et J. Mathieu, 1988 : 57).

69
"A prototype is a typical instance of a category, and other elements are assimilated to the category on the basis of their
perceived resemblance to the prototype ; there are degrees of membership based on degrees of similarity".

70
"Elements are not merely in interior, but may be located in the fuzzy boundary area…"

122
1-2- Le prototype comme conjonction de propriétés typiques

Dans la version originelle, le prototype correspond plus à une sous-catégorie


référentielle saisie en terme d'extension. Il paraît donc incongru qu'en tant que tel une
représentation du prototype puisse faire son entrée dans la sémantique en tant que
théorie lexicale permettant la définition des mots (Kleiber, Ibid. : 59).

L'interrogation sur les origines de la notion du prototype permettra de nuancer


un certain nombre de points :

- Le critère de familiarité n'est plus retenu même si certains continuent à


confondre familiarité et fréquence d'emploi (cf., par exemple le point de vue de J.
Poitou, 2000 : 17). L'existence d’instances prototypiques beaucoup moins familières
que d'autres très connues en est la preuve (aigle / poussin).

- Le critère de la fréquence lexicale n’est pas plus satisfaisant que le précédent


en l’absence de lien stable entre la fréquence d’usage et le degré de prototypicalité
d’une instance donnée (cf. D. Dubois : 1983, citée par Kleiber, 1990 : 62).

- Enfin, les meilleurs exemplaires ne peuvent pas être appréhendés comme


des entités particulières, contingentes mais comme des classes référentielles. De ce
fait, la distinction entre l'objet et sa représentation mentale en tant qu'image
cognitive s'impose.

Dès lors, le critère retenu pour expliquer l'exemplarité du prototype est celui de
la typicalité; le prototype est le meilleur exemplaire de la catégorie, parce qu'il
présente les meilleures propriétés, les propriétés typiques de la catégorie.

Ce glissement définitoire entraîne une reconsidération de la version initiale de la


théorie qui pourrait être formulée comme suit :

- le prototype est perçu comme une construction mentale et non plus comme
une instance de la catégorie (Ibid. : 63). Un locuteur pourrait fort bien "connaître le
concept prototypique d'une catégorie sans connaître, sur le plan de l'extension, une
sous-catégorie qui lui correspond". (Ibid. : 60).

- Il en découle "un changement d'orientation". Ce n'est plus le prototype-


instance-objet qui détermine les propriétés typiques de la catégorie en tant que

123
représentation mentale, mais, au contraire, c'est à partir du prototype-objet-abstrait que
ces propriétés finissent par référer à une sous-catégorie référentielle telle que
« moineau ». En outre, d'autres motivations ont participé à ce changement. D'abord,
l'existence de plusieurs instances prototypiques pour une même catégorie rend
inconcevable le maintien des prototypes-objets et de leurs représentations mentales ;
puis, "la conception du prototype-objet et celle du prototype-concept du meilleur
exemplaire entraînent inévitablement l'apparition de propriétés jugées non pertinentes
pour la catégorie tout entière" (Ibid. : 65). Un meilleur exemplaire peut bien avoir des
propriétés qui lui sont spécifiques, et par conséquent, ne sont pas valides pour
l'ensemble des instances d'une catégorie (par exemple, «pépier » pour « moineau »).

- L'idée de ressemblance de famille est désormais envisagée comme la


conjonction de traits typiques qui, par leur similarité, constituent la trame de la
structure interne de la catégorie. Le prototype devient l'instance où le recouvrement et
l'entrecroisement d'attributs est le plus élevé.

- L'appariement global n'est plus donc perçu comme étant lié à la


représentativité d'une instance-objet mais en comparaison avec le prototype comme
lieu d'intersection de ces propriétés vraies seulement pour certains membres de la
catégorie (E. Rosch et C. Mervis 1975 : 580 ; cité par Kleiber, 1990 : 69).

Une contradiction semble cependant découler de cette représentation de la


catégorie. On envisage le prototype comme le lieu d'intersection, de conjonction de
propriétés typiques communes et on affirme en même temps que ces propriétés ne
peuvent pas être partagées par tous les membres de la catégorie. Pour dépasser ces
difficultés, E. Rosch et d'autres chercheurs introduisent le critère de la cue validity qui
« est le degré de prédictibilité pour une catégorie d'une propriété ou d'un attribut d'un
objet » (Ibid. : 75). Elle correspond "à la fréquence de l'attribut associé à la catégorie
en question divisée par la fréquence totale de cet attribut pour toutes les autres
catégories pertinentes" (Ibidem.). Le prototype serait alors le lieu d'intersection des
valeurs les plus fréquentes rencontrées pour chaque propriété.

- Les catégories se présentent à différents niveaux d'inclusion. E. Rosch et al


(1976) proposent une classification tripartite : niveau superordonné ; niveau de base et

124
niveau subordonné (fruit - pomme - Granny Smith). La prototypie est liée au niveau
de base pour au moins cinq raisons :

(i) C'est le niveau le plus inclusif auquel sont rattachées les caractéristiques
typiques de l'interaction comportementale. Imaginons, postule A. Cruse (2000 : 136),
qu'on est amené à mimer comment quelqu'un doit se conduire avec un animal. La
réponse sera d'autant plus difficile si l’on n’a pas précisé de quel animal particulier il
s'agit.

(ii) C'est le niveau le plus inclusif à partir duquel une image visuelle peut être
formée. On ne peut pas déterminer une gestalt précise à partir d'une catégorie
superordonnée comme « fruit ». La visualisation nécessite de spécifier un type
particulier.

(iii) Il est utilisé pour renvoyer à des référents neutres, quotidiens. Supposons
avec A. Cruse (Ibid.), que deux individus X et Y entendent un bruit de l'intérieur d'une
maison où ils sont. X s'interroge : "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Y regardant par la
fenêtre voit un caniche dans le jardin. Pour répondre, il doit choisir entre trois
propositions parmi lesquelles (b) serait la plus normale :

a) C'est un animal

b) C’est un chien

c) C'est un caniche

Les autres réponses pourraient être envisageables dans des contextes particuliers.

(iv) Le niveau de base est le niveau à partir duquel les meilleures catégories
peuvent être créées. Les meilleures catégories sont celles qui représentent le
maximum de ces caractéristiques :

a) on peut les distinguer des catégories voisines

b) elles ont une homogénéité interne

c) elles ont une informativité différentielle (A. Cruse, Ibid.).

Généralement, les catégories superordonnées ont moins d'homogénéité interne ; les


catégories subordonnées sont celles qu'on distingue le moins des catégories voisines.

125
(v) Les noms des catégories de base tendent à être morphologiquement simples
et originaux dans la mesure où ils ne constituent pas une extension métaphorique
dérivée d'autres catégories. Prenons l'exemple d'un terme relevant du niveau de base
comme "boîte" ; les catégories les plus spécifiques ont des noms plus complexes :
"boîte à outils" ; "boîte d'allumettes" etc.

Cependant, les difficultés que rencontre la version standard ouvrent la voie à


une reconsidération dont nous allons voir l'ampleur. A Cruse (2000) les récapitule
comme suit :

- Les jugements des sujets à propos du "goodness-of- exemplarity" (GOE)


apparaissent comme étant liés, à la base, à deux mots (la catégorie et l'item nominal)
ce qui serait peu naturel. Au-delà de la question que posent ces tests quant à
l'hétérogénéité de la population testée et à la différence entre l’analyse au niveau
individuel et l’analyse au niveau collectif, une autre a droit d'être citée : celle de
l'antécédent causal de tels jugements. A. Cruse (1990-2000) constate que le concept de
"meilleur exemplaire" présente un recouvrement entre au moins trois dimensions : la
familiarité, la bonne formation (well-formedness) et la qualité. Le critère de familiarité
ne coïncide pas nécessairement avec la bonne formation (les champignons sont
presque tous un peu déformés d'une manière ou d'une autre).

Pour ce qui est de la qualité, l'exemple avancé est qu'une émeraude de couleur intense
passerait bien pour être prototype de cette sous-catégorie sémantico-référentielle ;
critère qui est, de toute évidence, distinct des jugements basés sur la fréquence et la
bonne formation.

F. Rastier avance un autre contre-argument qui touche la validité même de ces tests.
Pour lui, le nom de la catégorie et les noms de ses exemplaires, à l’instar de tout autre
contexte, participent à l’actualisation des traits sémantiques (1991 : 273). Cependant,
l’actualisation de tels traits est la preuve même de leur pertinence linguistique ; il reste
à déterminer leur statut exact dans la signification des items lexicaux.

- La version standard de la théorie du prototype conclut au flou des catégories.


Or, écrit Cruse, "une catégorie sans frontière nette est virtuellement inintéressante". La
fonction essentielle de la catégorie est de distinguer les instances qui y sont incluses et

126
celles qui ne le sont pas 71 (Cruse, 2000 : 138). Ainsi, en optant pour le flou des
catégories, la théorie du prototype trouve des difficultés à expliquer comment les
instances centrales et les instances périphériques relèvent toutes les deux de la même
catégorie référentielle.

Partant d’une autre perspective théorique, Vincent Neeckys (1994 : 71)


parvient à la même critique. Pour lui, la théorie du prototype ne permet pas de
répondre à question comme : « qu’est-ce qu’un oiseau ? » Ou encore à la question
complémentaire : « qu’est-ce qui n’est pas un oiseau ? ». Autrement dit, elle ne permet
pas de justifier pourquoi une instance partageant avec la plupart des oiseaux un tel trait
ou tel autre n’appartient pourtant pas à cette catégorie. L’unité de la catégorie n’est
finalement prouvée que par la communauté du nom. Il suffit pourtant de penser aux
hyponymes pour vérifier qu’aucune communauté de nom ne garantit l’unité
catégorielle.

- Seul le prototype appartient pleinement à la catégorie. Pour les autres


occurrences, le degré d'appartenance dépend de leur similarité avec l'instance
prototypique. Or, ceci nécessite la délimitation de la frontière de la catégorie. C'est
seulement dans ce cas qu'une instance pourrait être considérée comme un membre à
part entière de cette catégorie, comme appartenant à une autre catégorie ou encore
comme étant un exemple limite. Cependant, une instance non centrale comme
« autruche » dans la catégorie « oiseau » est reconnue comme membre entier. On en
déduit que la notion de degré d'appartenance n'est opérationnelle que dans le cas des
instances périphériques.

Rastier récuse, de sa part, le rôle organisateur du prototype dans la structuration des


catégories puisque « le concept de degré de typicalité » est statistiquement défini à
partir d’attributs dont le statut et le caractère dénombrable restent indéfinis ou
incertains (Ibid. : 271).

Les catégories résultant d'une combinaison de deux catégories basiques ou plus


présentent un autre problème pour la version standard du prototype (cf. l'exemple de

71
"A primary function of a category is to discriminate between things which are in it and things which are not in
it"

127
Kleiber : Chien jaune,1990 : 130-131 et celui de D.N Osherson et E.E. Smith 1981 à
propos de pet fish en anglais). Dans ce cas, il n'est pas concevable de conclure que le
prototype d'une telle catégorie complexe soit expliqué en termes de prototypicalité
séparée de ces deux composants.

- Pour Rastier, le fait que les prototypes soient propres au niveau de base,
permet d’en déduire que "les catégories des niveaux inférieurs et supérieurs ne seraient
donc pas structurées" (Ibid. : 265). J. E.Tyvaert (1992 : 21) de son côté remarque
qu’une telle notion ne serait opérationnelle que pour certains types de lexème qui ne
dénotent ni des substances premières (des individus), ni des substances ou des classes
très générales.

- Enfin, la typicalité et la centralité d'une instance sont perçues hors contexte.


Or, il paraît intuitivement légitime, comme le constate A. Cruse (2000), de considérer
ces deux aspects comme dépendants du contexte d'emploi des mots.

Les travaux ultérieurs sur la prototypie, sensibles à ces difficultés, ont relancé la
théorie du prototype sur de nouveaux fondements.

1-3 La version étendue du prototype

Compte tenu des modifications apportées, de leur nature et de leur ampleur,


nous distinguons trois pistes d'études qui diffèrent quant à leurs horizons théoriques
mais qui se rapprochent néanmoins quant aux caractéristiques du prototype : celle de
E. Rosch et G. Lakoff, celle de Geeraerts et celle de Filmore.

Chez E. Roch et G. Lakoff, la notion d'air de famille, conformément à la


conception initiale de Witgenstein, sert à caractériser les relations de similarité entre
les occurrences d'une même famille. Elle "prévoit seulement mais n'exige pas que les
membres d'une même catégorie puissent n'avoir aucun trait commun" (Kleiber, 1990 :
152).

Ceci a deux conséquences sur la nature du prototype : la première consiste dans le fait
qu’on assiste à une extension du phénomène qui permet, désormais, de rendre compte
d"effets prototypiques dans le cadre des catégories structurées par des CNS (ex: les
nombres impairs 1, 3, 5, 7 et 9 sont perçus comme les meilleurs représentants de cette

128
catégorie) ; la seconde, dans le fait que le prototype peut bien s'appliquer à des
catégories polysémiques. Du coup, la catégorisation ne s’effectue plus à partir d’un
lien entre une instance centrale, prototypique et les autres instances de la catégorie
mais plutôt à partir d’associations reliant les différentes instances référentielles
(Kleiber, 1991 : 113). La ressemblance de famille ouvre, ainsi, la voie "à une
conception référentielle éclatée de la catégorie" (Ibid. : 115).

Le prototype n'est plus l'unité fondatrice de la catégorie et ne rend pas compte


de la représentation d'un concept, d'un item lexical. Il s'agit désormais d'effets
prototypiques et de degré de prototypicalité. E. Rosch (1978) l'explicite clairement :
« Parler d’un prototype est tout simplement une fiction grammaticale commode, ce à
quoi on réfère vraiment sont des jugements de degré de prototypicalité…Les
prototypes ne constituent pas une théorie de représentation pour les catégories » 72.

Avec Lakoff (1978), la théorie du prototype connaît une tournure radicale non
seulement en ce qu'elle se distingue de la version standard mais surtout en ce qu'elle
s'inclut dans un modèle théorique plus large où le langage est perçu comme faisant
partie d'une structure cognitive englobante. L'hypothèse de départ est fondée sur deux
assomptions :

1- Les catégories linguistiques sont du même type que toutes les autres
catégories relevant de notre système conceptuel. Le langage n'est plus envisagé comme
une structure indépendante comme dans les modèles classiques. Dans ce sens, le
prototype et le niveau basique ne sont que des effets de l'application dans le langage de
ces structures cognitives englobantes 73 (1987 : 65).

2- L'évidence de la nature des catégories linguistiques contribue à une


appréhension globale des catégories cognitives en général. La richesse de la structure
catégorielle du langage et l'abondance des évidences linguistiques font du langage la
source première d'une telle appréhension.

72
"To speak of a prototype at all is simply a convenient grammatical fiction, what is really referred to are
judgements of degree of prototypicality […] Prototypes do not constitute a theory of representation for
categories"
73
"[…] category structures and prototype effects are by- products of that organization"

129
Dans cette optique, l'organisation de notre savoir s'effectue par ce que Lakoff
appelle les modèles cognitifs idéalisés (ICMs), caractérisés à un niveau conceptuel et
cognitif général, « indépendamment des mots et des morphèmes de langues
particulières » 74 (Lakoff 1986 : 289). Chaque ICM est une structure complexe globale,
une gestalt, régies par quatre principes structurants :

- une structure propositionnelle telle qu'elle est décrite dans la structure (frame)
de Filmore (1984).

- une structure schématique-iconique (image-schematic structure) comme dans


la grammaire cognitive de Langacker (1986).

- des plans métaphoriques (metaphoric mappings) décrits par Lakoff et


Johnson.

- des plans métonymiques (metonymic mappings) décrits par Lakoff et Johnson


(cf. infra.).

En somme, les structures des catégories cognitives et les effets prototypiques qui s’y
attachent se présentent sous diverses manières (Lakoff, 1987, 288-289) :

- La métonymie : soit B une catégorie, A l'un des membres d'une sous-catégorie


de B, supposons que A représente métonymiquement B. Alors, A peut être un
stéréotype social, un cas typique, un idéal ou un sous modèle, etc. A serait un meilleur
exemple de B ;

- La catégorie radiale : soit une catégorie B avec une structure radiale et A une
instance centrale de B, alors A est le meilleur exemple de B ;

- La catégorie générative : supposons B une catégorie générée par une règle à


partir d'une sous-catégorie ou d'un membre A ; alors, A est le meilleur exemple de B.

- La catégorie graduelle : soit une catégorie graduelle B avec A un membre de


degré 1 (dans une échelle de 1 à 0), alors A est le meilleur exemple de B.

- La catégorie classique : considérons un modèle cognitif contenant un


ensemble de traits qui caractérisent une catégorie classique B. Si A est une instance

74
« independently of the words and morphems of particular languages »

130
qui a l'ensemble de ces propriétés, elle est le meilleur exemplaire de B. Un élément
C n'ayant que quelques-unes de ces propriétés serait jugé comme un moins bon
exemple de B. A proprement parler, C est en dehors de B, mais les locuteurs
peuvent, dans certains cas, considérer B comme une catégorie graduée puisque cet
élément représente un degré de similarité avec les membres de B.

A part ces cas purs, des catégories mixtes pourraient également exister. Les
catégories linguistiques ne sont dans ce sens qu’une manifestation de cette
catégorisation cognitive générale fondée sur les structures conceptuelles préconstruites
à partir de l’expérience ainsi que sur les relations qui se tissent sur leur base. « Les
expressions linguistiques tirent leurs significations des faits suivants : a) le fait d’être
associées directement à des ICMs b) le fait d’avoir les éléments des ICMs par une
compréhension directe en termes de structures pré-conceptuelles dans l’expérience, ou
une compréhension indirecte appréhendée en termes de relations structurelles
conceptuelles directes » 75 (Ibid. : 291)

Si dans la version standard du prototype, comme le constate Kleiber, le


prototype reste « le pivot d’appariement référentiel » dans le cadre d’« une conception
de la catégorie comme regroupant un type de référents » (1991 : 115), avec Lakoff, on
assiste à une autre conception polysémique de la catégorie. La plupart des mots ont,
dans cette optique, plusieurs significations reliées les unes avec les autres et donnant
lieu à une catégorie radiale 76 (1986 : 291). Le prototype correspond au sens central
primaire à partir duquel découle les autres sens dérivés et motivés par cette entité
centrale.

Partant du constat que la théorie du prototype dans sa version standard ne


correspond pas à tous les exemples examinés, du moins d'une manière univoque,
Geeraerts avance l'hypothèse que la théorie du prototype est réflexive sur elle-même :

75
“ Linguistics expressions get their meanings via (a) being associated directly with ICMs and (b) having the
elements of ICMs either by directly understood in terms of preconceptual structures in experience, or indirectly
understood in terms of directly concepts structural relations”
76
« Most words and morphems have [dans cette optique] multiple meanings, meanings that are related to one
another. These meanings can be seen as forming a radial category.”

131
les caractéristiques du prototype, de par l'applicabilité variable de chacune d'elles,
donneraient lieu à des prototypes plus prototypiques que d'autres. Ces caractéristiques
sont formulées par Geeraerts en quatre éléments :

a) "Les catégories prototypiques représenteront une univocité intuitive


combinée à une polysémie analytique (définitionnelle) et non seulement l'absence
d'une définition nécessaire et suffisante" (1987 a, cité dans Kleiber 1990). Autrement
dit, la catégorie renvoie à une multitude de référents tout en étant intuitivement
ressentie comme monosémique (ex : oiseau  aigle, autruche…) ;

b) Groupements de sens se recouvrant : la catégorie est structurée par un air de


famille et non par des conjonctions de traits (ex : jeu) ;

c) Degré de représentativité ; l'existence d'exemplaires meilleurs que d'autres ;

d) Catégories à frontières floues.

Là aussi, ces effets de prototypicalité éloignent la notion de prototype de sa vocation


originelle.

C. J. Filmore est tout aussi clair en précisant le rôle du prototype dans


l'organisation de la polysémie en séparant les sens primaires et dérivés des
expressions linguistiques (1982 : 36).

Dans ses travaux sur les traits sémantiques de 1975 à 1985, Filmore défend que
le sens des items lexicaux devrait être caractérisé en termes de modèle cognitif. Le
sens de chaque item est représenté comme un élément dans un ICM. Autrement, l'ICM
dans sa globalité est perçu comme l'arrière plan à partir duquel chaque mot est défini
(cf. Lakoff, 1987 : 289). De là, il conclut que les types de prototype sont aussi
diversifiés que les ICMs. Il en distingue au moins six (cf. Kleiber, 1990 : 166-167).

En somme, comme le récapitule Kleiber, des six propositions de base avancées


par la version standard, il n'en reste que deux dont la première a en plus subi une
modification cruciale :

(i) Il n'y a plus que des effets prototypiques.

132
(ii) La ressemblance de famille est la relation unissant les différents membres
de toute catégorie (1990 :152).

En outre, inversement à ce qui est dans la version standard, c'est (ii) qui justifie (i).
Autrement dit, (i) n'est qu'une conséquence de (ii) et donc (i) ne pourrait plus servir à
expliquer la structure des catégories.

Le rapprochement ou la distinction des notions de prototype et de stéréotype


porte sur des réalités différentes selon qu’il s’agit de la version standard ou étendue.
Dans le premier cas, le prototype associé à une catégorie référentielle unifiée
correspond plus à la notion de stéréotype chez Putnam impliquant une catégorie
lexicale primaire particulière (item). Dans le second cas, le prototype lié à une
catégorie référentielle éclatée s’apparente plus à un stéréotype de pensée. Quand
Lakoff parle de l’époux idéal ou de la mère prototypique (1987), ce sont surtout des
stéréotypes sociaux qui sont mis en jeu indépendamment de toute réalisation lexicale
préconstruites ou tout au plus ayant comme foyer une catégorie sémantique
polysémique élargie.

2-Rapprochements et distinctions entre le prototype et le


stéréotype

S'interroger sur la relation entre ces deux notions nous conduit à reconsidérer
leurs statuts dans leurs modèles théoriques respectifs, en particulier, en rapport avec la
nature de la signification et de la référence. Les résultats de leur rapprochement ou de
leur opposition varient sensiblement selon qu'on les considère comme étant de la
même nature ou de nature différente.

2-1 Les rapprochements

Dans le cadre de la première optique, celle qui assimile les deux notions sur la
base d'une identité commune, il y a lieu de distinguer deux points de vue opposés :

- Les structuralistes radicaux perçoivent le langage comme un système


indépendant fermé, descriptible par le biais de ses seules oppositions internes. Le sens
d'un mot est décrit négativement par rapport à ce qu'il n'est pas. Chaque item est

133
caractérisé par des traits distinctifs qui l'opposent au reste du lexique. Dans cette
optique différentielle, les notions de prototype et de stéréotype relèvent de la même
version « populaire » de la signification fondée sur le sens commun et sur la seule
intuition des locuteurs. De là, les structuralistes récusent cette vision naïve qui cherche
à réhabiliter dans la sémantique des traits variables ou référentiels faisant de la langue
une simple nomenclature (cf. par exemple Rastier, 1991).

- Certains théoriciens de la sémantique du prototype envisagent une


correspondance entre le stéréotype et une certaine conception du prototype. L'approche
de Martin Humel, est à cet égard, celle qui représente le mieux cette vision. Il la
formule ainsi "perception sensuelle et compréhension intellectuelle se complètent et
se stimulent mutuellement […] La signification est de ce point de vue le résidu de
l'appréhension simultanée tant sensuelle qu'intellectuelle, du monde, historiquement
acquise et socialement fixée par les besoins de communication" (1994 : 169).

L'intérêt de cette position est double. Elle se démarque des tendances sceptiques
prônant le holisme de la signification sous le prétexte de la complexité des faits du
monde et de l'infinité et la variabilité de leur interprétation par les locuteurs ; puis, elle
récuse, du moins à ce niveau, les tendances réductrices qui, en optant exclusivement
pour déterminer la signification par l'un des composants (perceptif ou intellectuel) font
de la langue une simple nomenclature où les mots correspondent à de simples
étiquettes ou, au contraire, la systématise au point de la déraciner totalement de son
ancrage dans le réel.

Cependant, parler de « résidu » de l'appréhension, ne suffit pas pour déterminer


la manière selon laquelle la cristallisation de la signification se réalise à travers ces
deux facteurs croisés.

Martin Humel précise que le perceptif est rendu par les images prototypiques
caractérisées par une forte charge culturelle alors que l'intellectuel constitue la
composante conceptuelle ayant une qualité assez universelle (1994 : 169). Il ajoute que
L'image prototypique se situe à niveau médian entre la connaissance d’exemplaires,
par rapport à laquelle elle est une abstraction, et la composante conceptuelle, par
rapport à laquelle elle est plus concrète tout en demeurant tout de même « une image

134
idéalisée et stéréotypée qui réduit la complexité extralinguistique à un schéma
mental » (Ibid. : 173).

Il apparaît de cette dernière assertion que M. Humel assimile prototype et stéréotype et


à un niveau intermédiaire entre la composante proprement conceptuelle et l'extension.

L’exemple concret serait donc en dehors de la signification ; c'est l'image mentale lui
correspondant qui en fait partie.

Ce point de vue rappelle celui de Schwarze qui distingue le prototype-objet meilleur


exemplaire et le prototype-réalité mentale qui correspond au stéréotype (cf. Kleiber
1990 : 60). Or, ce rapprochement n'est possible que dans la mesure où le prototype est
considéré comme une conjonction de propriétés typiques abstraites. En outre, une
conception qui, conformément à la théorie initiale du prototype, se fonde sur
l'exemplarité d'une sous catégorie référentielle particulière mènerait à la disjonction
des deux notions : le prototype serait alors caractérisé du côté de l'extension, le
stéréotype du côté de l'intension (cf. ci-dessous). Cette disjonction permettrait, comme
le mentionne Kleiber, « de rendre compte de situations où le prototype-réalité mentale
ne répond pas chez les sujets à la connaissance de prototype meilleur exemplaire ».

Compte tenu d’une telle divergence, on ne peut que s'interroger sur les
fondements qui justifient le rapprochement entre les deux notions. La confrontation de
la théorie sémantique de Putnam et la théorie du prototype permet de dégager au moins
trois affinités :

- Selon A. Lehmann et F. Martin Berthet (1998 : 31), le rapprochement des


notions de prototype et de stéréotype découle du fait « qu'elles envisagent la catégorie
sous l'angle de la typicité ». Geeraerts concède en partie à un constat semblable : les
stéréotypes de Putnam et les prototypes de Rosch « contiennent les données
sémantiques les plus saillantes des catégories conceptuelles du langage naturel »
(1985 : 29). En effet, les traits décrits par les deux théories sont généralement des traits
perceptuels ou fonctionnels considérés par les locuteurs comme caractéristiques ou
typiques des catégories en question.

135
- La deuxième affinité, celle de la conventionnalité, est une conséquence directe
de la typicité. Les éléments les plus saillants sont généralement ceux sur lesquels porte
le consentement des sujets parlants.

Putnam définit le stéréotype comme "une idée conventionnelle". Les théories du


prototype parlent de fréquence, d'exemplarité et de représentativité, notions qui ne
peuvent être conçues sans postuler une certaine stabilité consensuelle interindividuelle
entre les locuteurs d'une communauté donnée. Ce passage de l'individuel à
l'ensemble des locuteurs, « ouvre en même temps une dimension collective qui
rapproche la sémantique du prototype de la théorie du stéréotype de Hilary Putnam… »
(Kleiber, 1990 : 49).

- Enfin, les deux théories récusent le modèle de CNS sur quatre points :

a) Le modèle des CNS stipule que les frontières entre les catégories sont nettes.
Pour Putnam, les membres de l’espèce naturelle ne sont pas à l’abri d’une variation de
leurs caractéristiques tant que les conditions environnantes peuvent changer à travers
le temps (1990 : 295). De même, plusieurs référents peuvent avoir en commun un
même stéréotype (cf. l’exemple de l’aluminium et du molybdène, Putnam, 1991 : 302).
Du coup, le stéréotype de Putnam rejoint la théorie du prototype quant au flou des
frontières des catégories.

b) Le modèle des CNS donne l'illusion de catégories homogènes. Putnam


postule, par contre, qu'une catégorie peut bien présenter des membres anormaux. Un
objet comme citron n’a nécessairement pas toutes les propriétés caractéristiques des
membres normaux de son espèce (1990 : 294). La théorie du prototype avance l'idée
de la non-homogénéitéé des catégories. Certaines sont plus exemplaires que d'autres
qui sont périphériques.

c) Les CNS conduisent à des définitions analytiques. Les propriétés typiques


sont considérées comme étant vraies pour tous les membres d'une catégorie. La
catégorisation prototypique, elle, se présente comme une approche globalisante de la
catégorie. Les propriétés dans leur appréhension abstraite se vérifient par rapport à
l'ensemble de la catégorie et non au niveau des sous-catégories référentielles. Pour

136
Putnam, "[…] il n'y a pas de vérité analytique de la forme : tout citron a la propriété
P." (1990 : 294).

d) Pour la théorie des CNS, l'intension détermine l'extension. Ceci paraît


valable pour la théorie standard du prototype. Les membres d'une catégorie sont
identifiés à partir des propriétés typiques abstraites caractérisant cette catégorie.
Cependant, cela ne paraît pas être juste pour la version étendue. Geeraerts commente
que Rosch conclut à l’impossibilité d'une description intensionnelle unique et rigide de
l'essence d'une catégorie ; « les applications ou nuances variées ne sont pas liées par
une essence intensionnelle commune mais par des ressemblances de famille. Les
confins des catégories conceptuelles du langage naturel étant indécis, et les catégories
conceptuelles pouvant être employées avec des nuances diverses » (1985 : 29).

Putnam a de son côté, rejette le fait que l’intension détermine puisque les stéréotypes
ne sont qu'une partie des données incorporées à la description extensionnelle d'une
catégorie.

Au-delà de ces affinités, l'assimilation entre les deux notions ne saurait être
totale.

2-2 Les différences

Contrairement aux rapprochements entre les deux notions qui se fondent sur des
traits de ressemblance généraux, les différences sont généralement envisagées sous
l'angle de perspectives théoriques diverses qui constituent de véritables lectures
croisées débouchant sur des tentatives d'harmonisation propres à chaque perspective.
Pour cela, nous nous proposons d'analyser ces visées représentées par Kleiber,
Geeraerts, Martin et Lakoff.

La position de Kleiber :

Pour Kleiber, "la combinaison de traits formant le prototype correspond peu ou


prou à la collection de traits constituants le stéréotype chez Putnam" (90 : 68).
Cependant, il existe entre les deux une différence majeure relative à la représentation
du sens.

137
La représentation sémantique de Putnam reconnaît l’existence de traits nécessaires
formant le marqueur sémantique alors que la sémantique du prototype rejette de tels
traits (1990 : 68). Toute la théorie sémantique de Putnam repose sur le refus de ce qu'il
considère les "deux dogmes" de la philosophie solipsiste :

(i) connaître le sens d’un terme, c'est être dans un certain état psychologique,

(ii) le sens d'un terme détermine son extension (ou l'intension détermine la
référence).

Il en découle que, pour lui, le sens ne peut être un état mental (cf. ci-dessus la
structure du sens chez Putnam). Or comme le montre Kleiber, c'est là où se séparent
les deux théories. A l'instar du modèle des CNS, la référence, dans la sémantique du
prototype, dépend d’une certaine manière du sens puisque l’appartenance à une
catégorie n’est pas le fruit du hasard mais résulte de l’appariement de l’instance en
question avec le sens prototypique du mot même si les frontières des catégories sont
floues. Ainsi, l’on peut dire que l’intension, appréhendée comme combinaison de traits
typiques, détermine l’extension d’une catégorie (1990 : 98). Or, « le sens
prototypique, pareil au sens en CNS, est un objet mental et du coup implique aussi la
conjonction (i) du sens psychologique et (ii) du sens-mode de donation du référent »
(Ibid. : 99).

La position de Geeraerts

Geeraerts considère que les notions de prototype et de stéréotype constituent


deux perspectives différentes sur un même phénomène linguistique. « La théorie
prototypique est une hypothèse sur l'organisation de la connaissance dans le système
cognitif individuel » ; elle rend compte de l’organisation des applications diverses
d'une catégorie « autour d'un centre conceptuel flexible ». « La théorie stéréotypique
est une hypothèse sur la distribution de la connaissance linguistique dans une
communauté linguistique ». Les bases de la division sociale du travail linguistique sont
fondamentalement communicatives puisque l’efficacité de la communication dans
cette communauté nécessite des normes sociales régulant l’usage des unités de la
langue ; « les stéréotypes sont ces mêmes normes, sur le plan sémantique » (1985 : 30).

138
Le point faible de cette théorie est, qu'en reléguant au second plan l'aspect
psychologique de l'organisation de la connaissance, elle ne fournit aucune alternative
permettant de décrire l'organisation des concepts. La théorie du prototype, elle, répond
à ce manque. Elle a le mérite de montrer l’application flexible d’un prototype central
est déterminant dans cette organisation.

En somme, si « l'efficacité et l'économie organisatrice de la connaissance sémantique »


(1985 : 31) sont définies par la notion de prototype, « l’efficacité sociale » est définie
par la notion de stéréotype. De ce point de vue, les deux notions se complètent ou
coïncident même dans les cas normaux.

Cependant, il existe une autre différence pour laquelle toute tentative de


conciliation semble moins évidente. Il s'agit des conceptions opposées de la langue
naturelle ; à la rigide référentielle de la théorie de Putnam s'oppose la flexibilité de la
théorie du prototype.

Ni le stéréotype Putnamien, ni l'expertise savante n'arrivent à fixer la référence. Ce ne


sont que des connaissances au sujet de l'espèce naturelle en question. La référence est
fixée indexicalement d'une manière rigide. Or, "ces relations référentielles fixées, écrit
Geeraerts, sont complètement absentes dans la théorie de Rosch. Pour elle, l'essentiel
est justement la possibilité d'employer les catégories conceptuelles du langage avec
souplesse, de telle manière que des entités ne correspondant pas à la définition
centrale, puissent néanmoins être intégrées à une catégorie comme membres
marginaux" (Ibidem.).

Pour Geeraerts, il en découle pour l'intérêt lexicographique de la théorie du


stéréotype deux conséquences :

- La rigidité du sens chez Putnam prive sa théorie de pouvoir décrire les


extensions prototypiques se déployant à partir du sens primaire sur la base de la
ressemblance de famille. La créativité lexicale prototypique répond aux besoins
expressifs et du locuteur qui sont indissociables de la fonction sociale de la
communication. « Il s'agit du fait assez évident que les extensions conceptuelles d'un
élément lexical peuvent être soumises à un processus de standardisation sociale […] :
il y a des métaphores standardisées ou même pétrifiées et des métaphores vives ou

139
individuelles, il y a des sens figurés généralement connus et des modes d'emploi non-
littéraux tout à fait idiosyncrasiques » (1985 : 37). Il apparaît ainsi, que la théorie du
stéréotype de Putnam ne couvre pas la totalité de la dimension sociale du
fonctionnement de la langue.

- la restriction « de la diversification sociale du langage » a pour conséquence


l’incapacité de la notion de stéréotype, telle qu’elle est définie par Putnam, de servir
comme outil dans « l’analyse pragmatique du dictionnaire de langue » (Ibidem.).

Geeraerts présente, en outre, "une nouvelle conception de l'importance des


théories stéréotypiques et prototypiques" que nous discuterons ci-après.

- Dans son article « typicité et sens des mots » (1991 : 151), R. Martin admet
que la stéréotypie et la prototypie sont « les deux faces d'une même réalité : la
première est plutôt intensionnelle, liée au flou des propriétés : la seconde plutôt
extensionnelle, liée à la notion d'exemplarité" (1991 : 152). Toutefois, le linguiste se
doit de les séparer. En ceci, R. Martin rejoint l'idée de Schwarze. La représentation
prototypique d'un objet est à situer au-delà des traits pertinents. Les traits
supplémentaires qui constituent la richesse du prototype concernent tantôt la sous-
catégorie, tantôt l'exemplaire abstrait, tantôt les deux. Désormais, poser la
problématique du statut linguistique de ces traits place la question au niveau de la
définition stéréotypique ; cette définition étant justement l'expression linguistique de la
représentation prototypique extensionnelle : R. Martin commence par distinguer la
définition conventionnelle et la définition naturelle. La première d’ordre technique
délimite, en dehors de toute stéréotypie, l’objet le plus nettement possible (1991 :
154) ; la seconde est celle des mots du langage ordinaire, qui se prête, elle, à la
stéréotypie. La conventionnalité n'est pas ici liée au jugement des locuteurs mais est
corollaire de la minimalité qui s'associe à la pertinence dans le sens qu'elle concerne
les propriétés "nécessaires et suffisantes pour définir l'objet en cause" (Ibid. : 157).

Désormais, distinguer les deux types de définition nécessite de cerner les types
de propriété qui figureraient dans l’une ou l’autre. R. Marin distingue trois sortes de
propriétés :

140
- les propriétés universelles, satisfaites par tous les objets dénommés et c'est
parmi celles-ci que le lexicographe puise les propriétés pertinentes d'une
définition minimale ;

- les propriétés généralement vérifiées, satisfaites par la plupart des objets


dénommés ;

- les propriétés de nature symbolique plus ou moins conventionnellement


attachées aux objets dénommés ; ces deux-là "constituent le champ
stéréotypique de la signification" (Ibid. :156-157).

Les propriétés universelles peuvent être typiques, discriminatoires ou, au


contraire, non typiques, partagées avec d'autres catégories ; elles peuvent être
"universellement reconnues par les locuteurs du français " ou encore n'être connues
que d'un sous-ensemble plus ou moins important de ces locuteurs : il s'agit dans ce cas
des propriétés encyclopédiques.

Ces propriétés présentent « donc un axe qui va des contenus linguistiques à des
contenus encyclopédiques, mais sans rupture nette » (Ibid. : 157).

Le même continuum caractérise le champ stéréotypique puisque "les objets auxquels


s'appliquent les propriétés généralement vérifiées sont plus ou moins nombreux" et
"les locuteurs qui les reconnaissent comme telles sont en plus ou moins grand nombre"
(Ibidem.). Dans cet article, R. Martin définit les motivations de l'extension
stéréotypique à savoir la sélectivité et la contiguïté sous ses formes diverses ; il
présente par-là même une conception sur l'organisation du sens fondée sur la notion de
réseaux sémantiques. Nous revenons sur ces points ci-dessous.

- Lakoff (1987 : 116) définit le stéréotype Putnamien comme une


représentation mentale idéalisée de cas normaux qui manque de précision. Ce qu'il a
appelé, lui-même, des stéréotypes sociaux serait, d'une certaine manière des cas
particuliers du concept putnamien qui apparaît en principe très proche des effets
prototypiques. Autrement, le stéréotype de Putnam pourrait convenir à un modèle
cognitif idéalisé de nature propositionnelle (propositional ICMS). Ainsi, il ne peut pas
rendre compte de la plupart des effets prototypiques décrits par Lakoff. Précisément, il

141
considère que cette notion de stéréotype est trop restreinte pour pouvoir décrire la
totalité des effets découlant des modèles métonymiques et encore moins les structures
catégorielles radiales.

En somme, la théorie de Putnam est, selon Lakoff, "déficiente" à deux égards :

- Elle se limite aux seuls modèles propositionnels et n'inclut aucun des modèles
imaginatifs ("imaginative") c'est-à-dire métonymique, métaphorique et schématique
(image schematic).

- Elle a une représentation unique pour chaque catégorie et ne peut, donc,


rendre compte en aucun cas, des structures radiales complexes (cf. LaKoff, 1987 et la
critique de Kleiber,1990 :130).

Notons que cette critique croise celle de Geeraerts dans la mesure où la diversification
sociale du langage, qui reste en dehors de la portée de la théorie de Putnam, implique
essentiellement ces extensions métaphoriques et figurées.

Cependant, malgré la forte opposition entre la rigidité du stéréotype Putnamien


et la flexibilité du prototype, Geeraerts voit que des modificateurs (hedges selon
Lakoff) tels que à proprement parler (strictly speaking) ou dans le sen technique du
terme (technicaly) assurent une interprétation stricte et rigide des mots (1985 : 32).

Cette confrontation du stéréotype et du prototype à travers les diverses


perspectives théoriques traitées reste néanmoins incomplète car nous n'avons recueilli
que les éléments que nous avons jugés susceptibles de rendre compte des implications
descriptives des deux notions. Nous avons écarté pour la rigueur de la présentation
tous les éléments permettant d'investir les deux notions sur des terrains théoriques qui
ne sont pas propres à leur cadre premier. En fait, cette omission est voulue à un autre
titre : ces investissements sont en rapport avec les approches différentes de la
catégorisation lexicale ; lesquelles approches méritent d'être discutées dans un cadre
plus large.

Nous nous proposons donc de reprendre la distinction entre prototype et


stéréotype en montrant la différence des champs de leur applicabilité respectifs.

Notre attention portera essentiellement sur les retombées de cette distinction sur :

142
- les notions de centralité et d'appartenance catégorielle ;

- la structuration hiérarchique du lexique ;

- et la nature de la catégorie impliquée dans les deux versions standard et


étendue de la sémantique du prototype.

3- Stéréotype et prototype : pourquoi faut-il les distinguer ?

3-1 Stéréotypie, centralité prototypique et appartenance catégorielle

Le prototype, dans son acception standard, est le résultat (donc un effet) d'une
vision stéréotypique d'une catégorie. La présence d'un trait stéréotypique au niveau de
la signification d'un item lexical entraîne inévitablement une représentation
prototypique de la totalité de la catégorie. Pourquoi ?

Etant un trait virtuel généralement vérifié ou représenté comme tel par


l'ensemble des locuteurs, le stéréotype s'oppose aux restes des propriétés. Au niveau de
l'extension, les occurrences présentant ce trait vont être perçues comme étant plus
prototypiques, plus centrales ; les occurrences qui ne l'ont pas seront perçues comme
périphériques. La prototypicalité n'est que le résultat du transfert de la saillance
stéréotypique du niveau conceptuel abstrait du sens d'un terme à un niveau référentiel
sous catégoriel. Le terme oiseau, par exemple, contient dans sa signification des
propriétés universelles communément partagées par tous les membres et un ou
plusieurs trait(s) stéréotypiques tels que "voler" qui, lui, n'est vérifié que par un
nombre plus ou moins grand. Cette propriété définitoire permet déjà à elle seule, au
niveau référentiel de déterminer à l'intérieur de la catégorie des instances périphériques
telles que /autruche /, / poussin /… Ainsi, la centralité d'un prototype est le résultat de
l'inclusion dans sa signification d'une ou plusieurs propriétés stéréotypiques saillantes.
Ceci confirme les caractères intensionnel du stéréotype et extensionnel du prototype.
Deux preuves supplémentaires appuieraient cette analyse :

- l'impossibilité d'introduire le prototype dans une formule définitoire :

(39)-* L'agrume est un citron

143
Jean-Emmanuel Tyvaert voit qu’un tel enchaînement exprime une contre-vérité
d’où son inacceptabilité (1992 : 23), contrairement au stéréotype qui s'intègre aisément
dans la définition lexicale :

(40)- Les agrumes sont des fruits qui ont généralement un goût acidulé

- Au niveau du discours, la saillance des traits stéréotypiques contenus dans la


signification de l’item catégorisant : elle impose plus ou moins des contraintes sur la
mise en relation discursive des dénominations occurrentielles et du nom de la
catégorie. C'est ce qui explique la possibilité d'un marquage des instances
périphériques comme dans :

(41)- Le poussin / l'autruche est un oiseau mais il ne vole pas

et, l'inacceptabilité ou le tilt sémantique d'un énoncé ou d'un item catégorisant qui
devrait en principe fonctionner comme un élément anaphorique lexical :

(42) J'ai chassé un perdrix. L'oiseau était déjà blessé

(43) ? J'ai une poule dans ma basse cour. L'oiseau me paraît bien étrange.

L'acceptabilité parfaite de (43) n'est envisageable qu'en ayant recours à


l'actualisation des données encyclopédiques qui neutralisent les traits stéréotypiques.

Les "hedges" ou les modificateurs utilisés par Lakoff sont un moyen permettant
d'assurer la rigidité contextuelle portant la saillance sur les seules propriétés
universelles nécessaires et neutralisant en même temps les traits stéréotypiques
comme "voler" dans ces cas :

(44)- J'ai une poule dans ma basse cour. Cet oiseau, à strictement parler me
paraît étrange.

(45)- J'ai une poule dans ma basse cour. Comme tous les oiseaux, elle ne cesse de
remuer ses oeufs sous elle.

Cependant, les traits stéréotypiques peuvent couvrir la totalité des traits


sémantiques constituant la signification d’un item (l'idéalisation couvre la totalité des
propriétés ou presque). L'exemple de l'eau est à ce titre significatif :

eau : liquide incolore, inodore et sans goût.

144
Les sous-catégories extensionnelles de "eau" n'ayant pas de dénominations
monolexicales propres, eau renvoie à la catégorie et à chaque instance particulière
même si celle-ci ne correspond pas à la quasi-totalité des propriétés définitoires :

(46)- J'ai plongé dans la mer. L'eau était trouble, salée et ayant la senteur des
algues.

Cet exemple limite montrerait vraisemblablement que le prototype appréhendé comme


conjonctions de propriétés typiques abstraites pourrait bien convenir à une définition
de l'item lexical en cause. Mais, dès lors, il faudrait répondre à plusieurs questions :

- Qu'est-ce qui juge de la typicité des traits ?

- Est-il convenable de les considérer tous sous le même angle ? Autrement


dit, sont-ils tous du même rang et de la même nature ?

- Qu'est-ce qui décide de l'appartenance de l'instance la plus éloignée du


centre de la catégorie ?

On est amené de nouveau à distinguer deux conceptions différentes de la typicité :

- Celle qui implique les traits partagés par tous les membres d'une
catégorie.

- Celle qui implique les traits généralement partagés par ces membres
ou associés d'une manière saillante à la catégorie (cf. infra.).

Les solutions apportées par la théorie du prototype ne résolvent pas le problème


de l'appartenance d'une instance périphérique à une catégorie donnée.

D'abord, considérer le prototype comme la conjonction des traits typiques et décider


que l'appartenance à la catégorie se fait sur la base du maximum de traits n'est pas
commode parce qu'elle ne permet pas de trancher si une instance partageant avec la
catégorie une seule propriété fait partie de cette catégorie ou d'une autre voisine.

Puis, conformément à la théorie de la "cue validity", l'appartenance à une catégorie est


une affaire de degré. Sur une échelle de 0 à 1, l'appartenance se calcule à partir du
nombre d'attributs ou de propriétés que possède chaque instance. Or, une occurrence
telle que / serpent / qui ne fait évidemment pas partie de la catégorie des oiseaux va

145
pouvoir figurer à une valeur au-dessus de 0 puisqu'elle partage au moins un trait
avec cette catégorie : le fait d'être "ovipare". Que faire, alors, d'une occurrence qui
ne partage avec une catégorie donnée qu'un seul trait (tel que /mammifère/ pour
baleine)? Selon quel critère décider de son appartenance à une catégorie et non à
une autre si l’on envisage tous les traits sur le même plan ?

Bien qu'une définition en termes de propriétés typiques abstraites puisse bien


correspondre à la signification en tant que mode de donation du référent, on est obligé
pour expliquer l'appartenance d’une occurrence donnée à une catégorie, de distinguer
les propriétés stéréotypiques des propriétés universelles.

Dans la catégorie "oiseau", ce sont toujours les propriétés universelles (avoir un bec,
des ailes, etc.) qui décident de l'appartenance des instances périphériques n'ayant pas
les propriétés stéréotypiques les plus saillantes à la catégorie. Ce sont les traits qui
constituent ce que R. Martin appelle la définition minimale ; et c'est sur leur base,
qu'une instance comme "chauve-souris" 77 qui, bien que partageant avec les oiseaux le
trait stéréotypique le plus saillant (voler), ne fait pas partie de cette catégorie.

A.. Wierzbiecka, (1985 : 60, cité par Kleiber, 1990 : 110), distingue les
propriétés essentielles et les propriétés prototypiques. Les premières ne sont pas
obligatoirement nécessaires ; elles constituent "le plus petit ensemble de traits qui, pris
ensemble, garantissent que tout objet qui les possède sera généralement reconnu
comme appartenant à la catégorie en question". Pour oiseau, "voler" serait un trait qui
illustre ce type de propriétés. Les secondes sont des propriétés typiques n’ayant pas un
caractère essentiel pour la conception du référent (Ibidem.).

Aux premières correspond la formule "imaginant des choses de cette espèce, les
gens diraient les choses suivantes sur elle" et aux secondes, la formule "imaginant des
choses de cette espèce, les gens pourraient dire les choses suivantes sur elle" (Ibidem.).

77
- Notons, cependant, que cette conception ne peut être valide pour toutes les langues. On pourrait bien
imaginer un langage où la définition minimale se fait dans certains cas essentiellement sur la base de traits
stéréotypiques. Dans la catégorie oiseau, par exemple, ce serait le trait stéréotypique de la fonctionnalité qui
prime. Ainsi est-il le cas dans le dialectal tunisien où la dénomination même de la chauve-souris (twi:r illi:l
« l'oisillon de la nuit ») reflète ce type de dénomination particulier.

146
Cette approche nous paraît inadéquate à quatre égards :

- Les traits essentiels tels que définis par Wierzbicka (c'est-à-dire des traits
valides pour la plupart des locuteurs) permettent déjà la représentation de la structure
interne d’une catégorie avec des instances prototypiques et d'autres périphériques sans
l'intervention des propriétés prototypiques qui semblent n'avoir aucune pertinence
linguistique dans la structuration de la catégorie.

- Si l'appartenance à la catégorie s'effectue sur la base de l'ensemble des traits


essentiels, on peut bien comprendre cette assertion dans deux sens :

a) N'appartient à la catégorie que l'instance qui réunit toutes les propriétés. Une
telle interprétation ne nous paraît pas celle voulue par Wierzbicka puisque le fait
d'inclure un trait tel que "voler" dans ce type de propriétés exclut plusieurs instances
de la catégorie.

b) Appartient à la catégorie tout X réunissant un certain nombre de traits


essentiels. Dans ce cas s'impose de nouveau le type de traits décisifs à la conclusion
d'appartenance de X à la catégorie Y ; une instance telle que "pingouin" ne partage au
plus que n propriétés est considérée comme faisant partie de la catégorie des oiseaux ;
une autre instance partageant avec X le même type de propriétés telle que chauve-
souris se trouve exclut de cette catégorie.

En somme, une telle conception ne saurait rendre compte de l'appartenance à une


catégorie donnée.

- La différence entre les deux types de propriété, entre ce qu'on dirait et ce


qu'on pourrait dire à propos de X correspond à deux niveaux différents de la
sémantique lexicale :

- Ce qu'on dirait renvoie effectivement et dans son ensemble à la signification


des mots sans pour autant opérer des distinctions nécessaires à la compréhension de la
structure interne de la catégorie ; ce qu'on pourrait dire correspondrait à deux autres
phénomènes distincts : certaines propriétés rendraient compte d'effets de sens associés
au sens primaire donc des stéréotypes latents contextuels ; d'autres seraient des
extensions du sens qui nous placeraient au niveau d'une autre conception de la

147
catégorie sémantique : la polysémie. Comme exemple du premier cas, nous citerons la
paresse pour l'âne ; pour le second, le symbole de liberté associé à oiseau.

Une autre tentative de décomposition sémantique est entrevue par Martin


Humel. Il postule que la signification d'un mot comme breakfast (cf. 1994, page 168 et
les pages qui suivent) est formée de deux composantes : une, conceptuelle, assez
universelle, découlant d'une compréhension plus abstraite de la réalité ambiante ;
l'autre, prototypique, de forte charge-culturelle et résultant de la perception sensuelle
du monde extérieur. La première est "la partie la plus économique, dans la mesure où
elle permet de formuler une règle générale. Elle a l'avantage de faciliter, avec un
minimum d'informations, un maximum de désignations", la seconde "a l'avantage
d'être plus respectueuse de la complexité… [elle] réduit certes la totalité des
caractéristiques des objets à une représentation idéale, mais elle fournit aussi une
"Gestalt" concrète à la catégorie" (1994 : 171).

La part de chaque composante dans la signification lexicale dépend des mots en


question. Ainsi, par exemple, pour des mots comme grand et petit, c’est la composante
conceptuelle résultant de leur opposition lexicale qui détermine leur signification, alors
que "la composante prototypique prédomine naturellement parmi les mots qui servent
à désigner des impressions sensitives, les noms de couleur, par exemple" (Ibid. : 172).

Cette manière de voir suscite plusieurs interrogations :

- En premier lieu, et indépendamment pour le moment de l'embarras de la


terminologie employé, on ne voit pas comment réhabiliter dans la signification une
composante conceptuelle abstraite et une composante « gestaltuelle » concrète de la
catégorie. Autrement dit, la signification paraît être composée d’une partie
intensionnelle et d’une partie extensionnelle. Dans ce sens, affirmer que l’adhésion à
une catégorie serait justifiée par la composante conceptuelle qui sous-tend que la
catégorie en question est conceptuelle. Par contre, mettre la ressemblance graduée des
membres de cette catégorie sous le compte de l'image prototypique implique que cette
catégorie est conçue au niveau extensionnel. Cette difficulté s’impose davantage
puisque la signification des mots peuvent relever de l'une ou de l'autre des deux

148
composantes. Certains auraient un sens abstrait conceptuel, d'autres un sens concret
sensuel.

- En second lieu, cette vision de la composante prototypique, s'apparentant à la


notion du prototype-objet de la version initiale de la sémantique du prototype,
contredit l'autre affirmation selon laquelle l'image prototypique réduit la totalité des
caractéristiques de l'objet et établit une représentation idéale. Cette dernière assertion
implique à la fois une sélection résultant de la compréhension intellectuelle (puisqu'il y
a réduction) et une idéalisation résultant d'un effort d'abstraction. Autrement dit, elle
prévoit le prototype en tant qu’entité mentale résultant de la conjonction de propriétés
typiques abstraites. De ce fait, elle est donc d'ordre conceptuel au même titre que la
dite "composante conceptuelle". S'il y a lieu de les distinguer, c'est du point de vue
référentiel selon l'opposition universel / non universel. Dans cette dernière optique, la
composante conceptuelle n'est pas moins concrète que le prétend Humel : les
propriétés universelles sont justement celles partagées par tous les membres d'une
catégorie donnée. De même, dans l'autre sens, l'opposition des deux composantes sur
la base de l'axe abstrait / concret n'est pas non plus justifiée car au niveau de la
signification, c'est le même processus de généralisation et de sélection qui permet
l'identification des deux types de trait.

- En troisième lieu, les deux mots servant d'illustration aux entités


fondamentalement déterminées par la composante conceptuelle à savoir grand et petit
sont justement des exemples saillants du fonctionnement stéréotypique dans le
discours. Ce qui est « grand » pour un locuteur peut s'avérer « petit » pour un autre. Le
flou linguistique tient de la subjectivité des sujets parlants que des croyances
partagées.

- Enfin, la terminologie même de M. Humel est problématique. L'image


prototypique implique une globalité. Elle caractérise une catégorie dans son ensemble
et ne peut être réduite à une composante de la signification. On ne dirait pas que le
prototype de "oiseau" est "voler" ou celui de « chaise » est "avec dos". Le prototype
comprend par définition ce que Humel appelle « composante conceptuelle » et
« composante prototypique ». S'agissant de traits, cette dernière composante serait

149
plutôt d'ordre stéréotypique. Encore une fois, sommes-nous face à une confusion
entre les deux notions et par-là entre deux faits linguistiques distincts ?

3-2 Stéréotypie, prototypie et hiérarchie verticale du lexique

Les relations d'inclusion permettent de faire figurer un même objet dans des
catégories différentes et sous des dénominations variées. L'organisation verticale du
lexique, traitée généralement en termes de distinction des genres, des espèces ou en
termes d'hyponymie et d'hyperonymie, est définie par E. Rosch en trois niveaux :

- le niveau superordonné (animal, plante, meuble)

- le niveau basique (chien, arbre, chaise)

- le niveau subordonné (teckel, chêne, chaise pliante).

Sur le plan cognitif, l'opposition de ces trois dimensions montre les faits
suivants :

- les membres des catégories du niveau de base et du niveau subordonné ont la


particularité d’ « être perçues comme ayant une Gestalt semblable » (Kleiber, 1990 :
84).

- de ce fait, les catégories relatives à ces deux niveaux sont les seules
susceptibles de « donner lieu à une image, soit abstraite soit concrète […] qui
représente toute la catégorie […] le niveau de base se trouve donc caractérisé comme
étant le niveau le plus élevé où une simple image mentale (ou schéma) peut refléter
toute une catégorie » (Ibidem.).

- les propriétés relatives aux catégories superordonnées sont peu nombreuses et


celles relatives aux catégories subordonnées sont d’un nombre peu considérable par
rapport à celui des propriétés des catégories basiques (Ibid. : 88).

Etant plus saillant sur le plan cognitif, le niveau de base est le niveau où les
dénominations sont les plus fréquentes et où l'identification de ces nominations est
plus rapide. C'est le niveau auquel s'applique le prototype et dans lequel la similarité
globale des instances d'une catégorie est perceptible.

150
La conception hiérarchique du lexique et la solidarité entre le prototype et le
niveau basique révèlent l'écart entre celui-là et le stéréotype, à deux égards :

1- Kleiber constate que l’acceptabilité d’énoncés tels que :

(47)- Regarde cette plante ! C'est le plus vieux chêne de la région

(48)- Regarde ces plantes ! Ce sont les plus vieux arbres de la région

« suggère qu'un arbre (et donc également un chêne) n'est pas une plante, comme une
classification ternaire en superordonné (plante), basique (arbre) et subordonné (chêne)
peut le laisser croire de prime abord" (Ibid. : 114). En fait, si on se fie au critère
botanique, une définition telle que celle présentée par le Petit Larousse :

Plante 1- "Tout végétal vivant fixé en terre et dont la partie supérieure s'épanouit dans
l'air ou dans l'eau douce".

donne lieu à une conception hiérarchique tripartite puisque "arbre" se trouve inclus
dans le genre des plantes et évidemment un chêne se trouve à son tour inclus dans la
catégorie "arbre". Ces énoncés seraient acceptables en activant cette donnée
encyclopédique.

À côté de cette catégorisation savante, il existe une autre catégorisation stéréotypique


qui spécifie la signification de plante pour ne désigner qu'une sous-catégorie des
membres dénommés par la définition 1. Ainsi, Le Petit Larousse avance-t-il une
deuxième acception de plante :

2. "Végétal de petite taille ou dont la partie principale ne se transforme pas en matière


ligneuse (par opposition à arbre)".

D'après cette signification, /plante/ et /arbre/ seraient tous les deux du même niveau
basique. Le tilt sémantique des énoncés cités est le produit de cette autre
catégorisation.

2. Les catégories superordonnées et les catégories subordonnées présentent peu de


propriétés par rapport aux catégories basiques. Le niveau superordonné, rassemblant
des catégories trop disparates est favorable, théoriquement, à la caractérisation en
termes fonctionnels abstraits non perceptuels. Quant au niveau subordonné, héritant
des propriétés abstraites du niveau supérieur incluant (niveau de base), il est le foyer

151
de traits perceptuels spécifiants. L'extrême abstraction du premier niveau et l'extrême
spécification du dernier font que les catégories qui leur sont relatives ne peuvent être
structurées selon une vision prototypique. En effet, par exemple au niveau
superordonné, on ne voit pas, selon les termes de A. Leemann et F. Martin Berthet, "en
quoi chat serait-il un meilleur exemple d'animal que chien ou oiseau…" (1998 : 33).
Or, ceci n'empêche pas la représentation stéréotypique de ce type de catégories de se
manifester que ce soit en ce qui concerne le sens primaire définitoire ou le sens dérivé
polysémique.

Pour les catégories superordonnées, nous avons dans la définition (1) de plante,
une illustration de cette dimension stéréotypique. A part le trait "végétal vivant", aucun
des deux autres sèmes n'est à proprement parler l'expression d'une propriété objective
universelle. Une plante comme "misère" (tradescantia) peut bien pousser dans l'eau
sans être fixée en terre pourtant elle ne demeure pas moins plante que toute autre
végétation plantée dans le sol ; les algues marines vivant dans les profondeurs des
océans poussent à l’abri de l'air et sans l'eau douce. Ces éléments stéréotypiques
perceptuels ne sont justifiés que par le souci d'une représentation effective de l'objet
dénommé qui vient combler la pauvreté en traits de la définition minimale. Ils se
fondent néanmoins sur une familiarité perceptive et expérentielle avec la plupart des
occurrences de cette catégorie qui leur attribue une certaine saillance.

Par ailleurs, un trait latent relatif à un item dénommant une catégorie


superordonnée peut donner lieu à une extension polysémique fondée sur ce stéréotype.
Ainsi en est-il de l’animal :

animal : "personne stupide, grossière ou brutale" (Le Petit Larousse).

Au niveau du sens primaire d'animal, on peut imaginer toutes sortes d'énoncés où


chacun des traits de la définition ci-dessus pourrait être actualisé :

(49)- C'est un animal ! Comment veux-tu qu'il comprenne ;

(50)- Tu manges comme un animal !

(51)- Méfie-toi des animaux, ils sont dangereux.

152
Héritant les propriétés universelles de leurs hyperonymes, les catégories subordonnées
se distinguent essentiellement à partir de données encyclopédiques générales et des
traits stéréotypiques généralement vérifiés. Si l’on se limite aux seules dénominations
subordonnées des occurrences de la catégorie "chien", on voit que les traits distinctifs
sont presque exclusivement perceptuels donc sujets à variation. Dans le TLF, caniche,
par exemple, comporte dans sa définition le trait "fidèle" :

Caniche : Chien de l'espèce des barbets, à poils frisés et généralement très fidèle

Par ailleurs, certains traits sont sujets à des variations d'un dictionnaire à un autre.
Ainsi en est-il, par exemple, du cas de dogue défini par Le Petit Robert comme étant
un chien de garde ; dans le TLF, il s'agit d'un chien de chasse et de garde. D'autres sont
définis par une origine conventionnelle qui ne reflète pas nécessairement la réalité ;
dans ce sens, le teckel est allemand, le dogue peut être anglais, etc. Cependant, ces
traits perceptuels n'arrivent pas parfois à discriminer vraiment des occurrences très
proches. Examinons les trois définitions suivantes de basset, beagle et teckel figurant
dans Le Petit Robert :

- basset : "chien courant très bas sur pattes" ;

- beagle : "chien courant, basset à jambes droites"

- teckel : "basset allemand à pattes très courtes"

Basset et teckel ont presque la même définition. A part le trait "allemand" associé à
teckel, trait fort discuté, les deux traits "bas sur pattes" et "pattes très courtes" censées
être distinctifs ne sont qu'une variation expressive de la même réalité ; / beagle / ne
s'en distingue que par "jambes droites", fait à vérifier pour les deux autres occurrences
puisque "avoir des pattes très courtes" amènent logiquement qu'elles sont aussi droites.

Pour ce qui est de l'extension polysémique, les occurrences de ce niveau


donnent lieu à diverses projections stéréotypiques :

- merle "[…] un personnage peu recommandable […] merle blanc personne ou chose
introuvable ou extrêmement rare" (Le Petit Robert).

- faucon : "partisan de la force dans le règlement d'un conflit" etc.

153
Les traits caractérisant une catégorie superordonnée atteignent des degrés d'abstraction
si élevés qu'il n'est plus possible, du moins au niveau perceptuel, de douter de
l'appartenance d'une instance à une telle catégorie ; le flou catégoriel atteint ainsi son
seuil minimal. L'existence d'instances périphériques n'est pas envisageable à ce niveau
du moment où les frontières entre les catégories superordonnées sont bien délimitées.

Un animal et un végétal ne sont susceptibles d'être confondus que dans le cas


des êtres vivants unicellulaires. Ainsi, leur expertise et leur classification relèvent
exclusivement de la compétence scientifique. C'est pour cette raison que les
représentations stéréotypiques ne donnent pas lieu à ce niveau à des images
prototypiques globales.

Le niveau subordonné n'est pas le foyer d'une telle image pour une autre raison.
Etant le niveau inférieur de la hiérarchie lexicale, il ne présente que des dénominations
idiosyncrasiques, c'est-à-dire, des dénominations particulières qui ne se laissent pas
généralement se diviser en occurrences sous-catégorielles. Même dans le cas où ce
niveau catégoriel présente une variété d'espèces, le nombre limité d'occurrences et le
peu de traits discriminatoires qui les distinguent ne permettent pas l'organisation
prototypique de l'ensemble de la sous-catégorie.

3-3 Représentation catégorielle prototypique et représentation stéréotypique

Dans la version standard de la sémantique du prototype, "[…] il y a une


structure interne de la catégorie, qui correspond à ce qu'on appelle la dimension
horizontale de la catégorisation. Le prototype est l'entité centrale autour de laquelle
s'organise toute la catégorie" (Kleiber, 1988 : 11). Qu'il soit perçu comme meilleur
exemplaire ou conjonction de propriétés typiques, le prototype est défini toujours par
rapport à des entités référentielles. Au niveau lexical, un item comme moineau
convoque dans les deux cas d'autres items autonomes et distincts tels que poussin ou
autruche.

Ce qu'on appelle donc structure interne de la catégorie ne correspond pas à la


structure interne de la signification lexicale d'un item. C'est pour cette raison que nous
avons postulé que la structuration prototypique des catégories référentielles n'est qu'un

154
effet de la structuration interne du sens d'un item lexical en propriétés universelles ou
simplement jugées comme telles et propriétés stéréotypiques. Appliquée à l'approche
prototypique, cette vision fait que l'unité catégorielle est assurée par le premier type de
propriétés ; l'effet prototypique résulte de la dimension stéréotypique caractérisant ce
noyau sémantique (ex. le sens idéalisé de eau) ou de la conjonction de ce noyau et
d'éléments stéréotypiques qui s'y attachent (ex. Oiseau).

Dans cette optique, la conception prototypique des catégories linguistiques


n'acquiert un intérêt dans l'analyse sémantique que par le biais de la distinction entre le
prototype en tant qu'image globale et le stéréotype en tant que trait conceptuel porteur
de sens. Par ailleurs, si l’on ne prend pas en considération l'existence d'un tel type de
traits, la sémantique du prototype dans sa version standard est incapable de prévoir des
relations relatives à l'organisation sémantique du lexique. Le seul rapprochement entre
catégories est envisageable à partir des relations qu'entretiennent les instances
périphériques d'une catégorie avec les catégories référentielles voisines ; lequel
rapprochement demeure conjoncturel et tributaire d'associations irrégulières où chaque
instance a son propre point d'intersection avec une autre catégorie. De ce fait, il n'a pas
d'impact direct sur la structuration lexicale.

La version étendue, notamment chez Lakoff, situe la structuration catégorielle


et les effets prototypiques qui en résultent à un niveau cognitif et conceptuel,
indépendant de tout langage particulier. « En général, écrit Lakoff, tout élément d’un
modèle cognitif peut correspondre à une catégorie conceptuelle » 78 (1986: 69). Ainsi,
par exemple, les effets métonymiques constituent la source majeure des effets de
prototypie, correspondant primordialement à des phénomènes de pensée qui ne
s'appliquent que secondairement aux faits linguistiques.

Lakoff définit sept types d'effets correspondant à des modèles catégoriels


métonymiques :

- Les stéréotypes sociaux peuvent référer à une catégorie dans son ensemble. Ils
relèvent souvent des faits de conscience et font l'objet de discussions entre les

78
"In general, any element of a cognitive model can correspond to a conceptuel category"

155
locuteurs. Ils sont variables à travers le temps, définissent les attentes culturelles à une
époque donnée et servent comme arguments dans le raisonnement. Occasionnellement,
ces stéréotypes sociaux peuvent s'associer à des noms fonctionnant comme des
catégories stéréotypiques pour d'autres catégories.

- Les exemples typiques donnent lieu à un autre type d'effets prototypiques


comme dans ces exemples :

(77)- Les pommes et les oranges sont des fruits typiques

(78)- Le moineau et l'aigle sont des oiseaux typiques

L'usage des catégories typiques est souvent inconscient et automatique. Pour un


locuteur donné, ce type de catégories ne semble pas changer durant toute sa vie. S’il
s'emploie dans le raisonnement, il ne fait cependant pas partie des expectations
culturelles. « Raisonner sur cette base de cas typiques est un aspect majeur de la
raison humaine. Notre connaissance vaste des cas typiques sous-tend les effets de
prototype » 79 (Ibid.: 87).

- Les idéaux sont des cas d'abstraction permettant la compréhension de


plusieurs catégories. Par exemple, le mari idéal est "dépensier", fidèle, fort,
respectueux et attirant. Une grande partie de nos savoirs culturels sont, selon Lakoff,
organisés en termes d'idéaux donnant lieu à des effets prototypiques.

- Les catégories sont également comprises en termes de membres individuels


qui représentent un idéal ou son opposé. Les images de « Napoléon », du « Che », etc.
nourrissent notre interprétation et notre catégorisation des actes et des hommes.

- La génération est le produit de la dérivation des membres d'une catégorie à


partir de membres centraux selon des règles générales. Ainsi en est-il dans les nombres
entiers naturels définis à partir des nombres entre 0 et 9 en fonction des tables
d'addition et de multiplication et des règles arithmétiques.

79
"Reasoning on this basis of typical cases is a major aspect of human reason. Our vast Knowledge of typical
cases leads to prototype effects"

156
- Les submodèles constituent une autre issue pour la compréhension des
catégories. L'un des submodèles, le plus commun, est les multiples de 10 (10.000.000).

- Enfin, les exemples saillants dérivent d'une image familière, mémorable qui
sert d'exemple dans la compréhension d'autres catégories. Par exemple, écrit Lakoff,
« si votre meilleur ami est végétarien et vous ne connaissez pas bien d’autres, vous
aurez tendance à généraliser le cas de votre ami aux autres végétariens » 80 (Ibid.: 89).

Les caractérisations de ces modèles cognitifs ainsi que leurs illustrations


montrent que ces effets sont liés au raisonnement et sont un produit de la pensée en
général, et donc peuvent être étudiés surtout dans le discours et non dans la
signification lexicale.

Les cas métonymiques des fonctions prototypiques ou, en général, ce que Rosch
appelle reference-point reasoning, concernent l'établissement des conclusions et non
l'identification. Lakoff affirme dans ce sens que “la plupart des cas réels du
phénomène prototypique ne sont simplement pas utilisés dans “l’identification”. Ils
sont utilisés plutôt dans les déductions d’idées formées en faisant des calculs, des
approximations, en organisant, en comparant, en faisant des jugements aussi bien dans
la définition des catégories, de leur extension, de la caractérisation des relations parmi
les sous-catégories. Les prototypes font la plus grande part du vrai travail de l’esprit et
ont un usage large dans les processus rationnels » 81 (Ibid.: 145). Ainsi, même si Lakoff
prévoit l'application des ICMS aux catégories linguistiques, sa tentative reste fortement
marquée par la représentation cognitive des catégories. Le niveau primitif d'analyse est
une relation entre sous-catégories conceptuelles formées par le prototype, entité

80
"If your best friend is vegetarian and you don’t know others well, you will tend to generalize from your friend
to the other vegetarians"
81
"Most actual cases prototype phenomena simply are not used in "identification". They are used instend in
thought-making inferences, doing calculations, making approximations, planning, comparing, making
judgements - as well as in defining categories, extending them, and characterizing relations among

subcategories. Prototypes do a great deal of the real work of the mind and have a wide use in rational processes"

157
physique centrale, et les entités abstraites non centrales constituées par les noms
abstraits et les idiomes (Ibid. : 289-290).

Cette conception, comme le remarque Kleiber, devient "non plus la théorie de la


structuration des catégories mais celle de l'organisation sémantique des lexèmes
polysémiques" (1991 : 124).

N'envisageant pas, dans cette perspective, des outils théoriques allant au-delà de
ce niveau relationnel entre concepts, cette version de la sémantique du prototype ne
rend pas compte de la structure interne d'une catégorie, d'une signification lexicale
isolée. Au-delà de son pouvoir descriptif général, elle ne spécifie pas et n'explique pas
les mécanismes linguistiques sous tendant les relations conceptuelles entre catégories
sémantiques. Le rapprochement entre des sous-catégories liées à un item lexical se fait
selon un processus déductif et non analytique. Cette approche est, de ce fait, incapable
d'isoler et de décrire, à titre d'exemple, les traits latents existants déjà au niveau du
prototype central du sens premier avant de se cristalliser en sens dérivé ou de spécifier
les mécanismes de sélection et de généralisation qui permettent le passage d'un sens à
un autre.

Cette première distinction entre prototype et stéréotype constitue un premier pas


vers le discernement de cette dernière notion. Le second pas sera la discussion d’autres
notions relevant d’horizons théoriques divers (connotation, sème virtuel, topoï, sème
afférent) qui vraisemblablement partagent avec le stéréotype le même espace
sémantique.

158
Deuxième chapitre- Champ stéréotypique de la signification et
théories linguistiques

Si l’on circonscrit le domaine de la stéréotypie dans les représentations qui se


fixent dans la langue, on pourrait dire plus précisément qu’elle naît de l’arbitraire plus
ou moins grand qui caractérise la relation entre la signification des mots en langue et la
réalité des objets auxquels celle-ci renvoie. Un trait de signification qui renvoie
fidèlement aux propriétés essentielles de l’objet dénommé, quand il existe, ne peut être
le foyer d’une stéréotypie quelconque, du moins dans l’acception primaire du sens.

Nous ne croyons pas exagérer quand nous affirmons que le statut et le


traitement de ce type de connaissance est l'une des problématiques essentielles qui
justifie la divergence entre les théories linguistiques. Le holisme de la signification, les
tendances pragmatiques, structuralistes, référentialistes... se fondent tous sur le fait que
le sens ne colle pas aux objets. Cette part toujours fuyante du sens a donné lieu, dans
les différentes théories, à des notions disparates qui n'ont de commun que leur objet
d'étude. Nous confronterons dans ce qui suit cet objet conceptuel respectivement à la
théorie des topoï, aux notions de virtuème, connotation et sème afférent.

1 -la théorie des topoï

Cette approche, au-delà de ses origines antiques (avec Aristote), a été élaborée
dans le cadre théorique de l'argumentation dans la langue (ADL) avec O. Ducrot, J.C.
Anscombre, P.Y. Raccah et d’autres. L'idée fondamentale est que "l'orientation
argumentative d'un énoncé est obtenue par l'application, à certains éléments de la
signification de la phrase, d'une règle d'inférence graduelle que le locuteur présente
comme générale … [et] partagée" (P-Y. Raccah, 1990 : 182).

Ces règles sont appelées topoï et peuvent être formalisées comme suit :

Si l'énoncé E indique qu'une entité X possède une propriété quelconque P1 et si


ce fait permet (au locuteur) d'évaluer X dans une échelle P, appelée champ topique de
l'énoncé E, alors les topoï applicables à E ont l'une des formes suivantes :

// plus x est P, plus y est Q //

159
// plus x est P, moins y est Q //

// moins x est P, plus y est Q //

// moins x est P, moins y est Q //

On l'aura compris, cette approche est liée fondamentalement à l'étude de


l'argumentation dans les énoncés. Cependant, dans une phase ultérieure de cette
théorie, les fondateurs l'ont fléchie pour rendre compte de la signification lexicale. J.C.
Anscombre (1993 : 273) affirme dans ce sens qu' « on trouve des topoï dès le niveau
lexical. Dans cette optique, la signification d'un lexème est l'ensemble des topoï dont il
autorise l'application : il y a une structuration topique du lexique ». Il distingue les
topoï intrinsèques intervenant dans la signification des mots et les topoï extrinsèques
régissant les enchaînements discursifs et présentant une croyance présentée commune
qui « n’est pas nécessairement explicitée par le discours ».

La règle qui permet de passer d'une dimension purement discursive à une


dimension lexicale réside dans la nature même du topos envisagé comme un couple de
champs topiques où le premier terme est l'antécédent du topos et le second terme en est
le conséquent. « Un champ topique, écrit P-Y. Raccah (1990 : 195), est, en gros, une
"façon de voir" une entité, une propriété ou une relation. Cette façon de voir est elle-
même déterminée par la façon dont on voit une autre entité, une autre propriété ou une
autre relation : c'est à dire par un autre champ topique ». Ainsi, il est un élément d’une
chaîne de champs topiques emboîtés et est doublement caractérisé « d'une part, par un
champ conceptuel (l'entité, la propriété ou la relation), et d'autre part, par le champ
topique qu'il contient, lequel est lui-même caractérisé par un champ conceptuel et par
le champ topique qu'il contient, et ainsi de suite jusqu'à un champ topique
élémentaire ». (Cf. les exemples dans P-Y. Raccah, 1990 : 196-197). Ainsi, l'unité
linguistique de base est une relation et non un terme puisque « le dernier maillon d'une
chaîne définitoire » est constitué de champs topiques élémentaires (Sylvie Bruxelles,
O. Ducrot & P-Y. Raccah, 1993 : 103).

Cependant, l'identification de ces topoï dès le niveau lexical diffère selon qu'on
se situe dans le cadre de l'ADL standard, fondée sur l'hypothèse de la gradabilité des
méta-prédicats topiques ou dans le cadre de la théorie dite "des blocs argumentatifs"

160
qui postule l'existence dans les énoncés d'un aspect normatif, rendu par la forme
topique « P Donc Q (PDC Q) » et d'un aspect trangressif, rendu par la forme topique
« P POURTANT NON -Q (PPT NON-Q) ».

On se propose donc de séparer les deux niveaux d'analyse en étudiant d'abord


les mécanismes impliqués par la version standard de l'ADL, puis, ceux impliqués par
la théorie de l'ADL révisée.

Notre objectif est de voir si la théorie des topoï (dans les deux versions),
initialement conçue pour rendre compte des enchaînements discursifs, permet de
décrire la signification lexicale d'un item et, par conséquent peut servir à distinguer ses
éléments typiques et ses éléments stéréotypiques.

1-1- Les topoï dans la version standard

L'ADL standard repose essentiellement sur deux hypothèses :

- la distinction entre topoï intrinsèques et topoï extrinsèques

- la gradabilité des méta-prédicats logiques.

C'est ce que nous nous proposons de discuter avec un intérêt particulier à la distinction
entre les deux types de topoï puisque, c'est d'elle que dépend la signification d'un mot.

A première vue, une appréhension intuitive des notions d' « intrinsèque » et


d' « extrinsèque » pourrait rapprocher les topoï intrinsèques des composants universels
ou typiques et les topoï extrinsèques des stéréotypes. La définition d'Anscombre citée
plus-haut permet une telle lecture. Or, ni les définitions que nous allons voir, ni les
exemples traités ne permettent une délimitation aussi claire entre ces deux types de
topoï et ne favorisent un tel rapprochement.

Au niveau définitionnel nous pouvons dégager au moins deux approches fort


différentes. Rien qu'en nous limitant à la définition des topoï extrinsèques, nous
relevons en effet les trois formulations suivantes :

- Pour Anscombre (1993 : 273) les topoï extrinsèques, rappelons-le, sont


s’opposent à ceux qui interviennent dans la signification des mots. Ils "représentent
une croyance, présentée comme commune, plus ou moins générale, et non

161
nécessairement explicitée par le discours". D'un côté, cette définition recoupe celle du
stéréotype chez Putnam en ce qu'elle fait appel au critère de la conventionnalité mais
elle s'en distingue puisque, pour ce dernier, le stéréotype est une composante de la
signification des mots. D'un autre côté, cette approche croise celle des sèmes afférents
chez Rastier en ce qu'elle établit au niveau lexical une opposition semblable entre
sèmes inhérents définitoires et relevant du système fonctionnel de la langue et les
afférents, contingents et contextuels et relevant d'autres types de codification
socialisés.

- Pour P-Y. Raccah (1990 : 196) "un énoncé d'une phrase contenant un mot M
peut utiliser soit un topos intrinsèque à M : il s'agit alors d'un énoncé doxal, soit un
autre topos, qui peut être contraire au topos intrinsèque à M (on parle d'un énoncé
paradoxal ou simplement un topos différent".

Il faut noter que si le topos est défini par rapport à l'énoncé doxal, celui-ci est défini,
dans une circularité apparente, par rapport au topos intrinsèque. En effet, "Les énoncés
[…] sont doxaux en ce qu'ils utilisent un topos intrinsèque à l'un de ses lexèmes : un
locuteur […] n'ajoute rien à la doxa codée dans la langue" (Ibid. : 197).

Par ailleurs, les topoï intrinsèques et extrinsèques ne sont plus définis en


fonction de la signification du mot et du fonctionnement en discours, comme chez
Anscombre, mais en fonction de la doxa. Si l’on définit la doxa comme l'"opinion" ou
la "croyance communément admise", la définition de Raccah s'oppose à celle
d'Anscombre dans la mesure où les topoï extrinsèques chez celui-ci résultent d'une
croyance commune, donc de la doxa. Chez Raccah, se sont les topoï intrinsèques qui
relèvent de ce niveau.

- Une troisième définition est cette fois-ci proposée par Ducrot, Bruxelles et
Raccah. C'est elle qui sous-tend la version révisée de l'ADL. Ils distinguent dans les
énoncés non-doxaux (foyer des topoï extrinsèques ou dynamiques) trois types :

- "certains se présentent comme visant une conclusion opposée à celle qui serait
atteinte par les topoï intrinsèques aux mots de la phrase énoncée. En ce cas, ces énoncés sont
difficilement acceptables, sauf interprétation ironique ou si le caractère paradoxal est

162
souligné, notamment par un adverbe comme paradoxalement. C'est le cas des exemples
suivants :

(52)-* J'ai beaucoup travaillé ; ça m'a reposé

(53)-* Il est riche, il ne pourra pas t'inviter" (1993 : 98).

Ces énoncés sont qualifiés de "sémantiquement paradoxaux".

- "D'autres énoncés non-doxaux se présentent comme visant une conclusion opposée à


celle qui serait atteinte non plus […] par les seuls topoï intrinsèques aux mots de la phrase,
mais par une combinaison de ces derniers à des principes argumentatifs difficilement remis en
question dans une communauté culturelle donnée" (Ibid. : 99).

Ce type d'énoncés est illustré par des exemples tels que :

(54)- J'ai beaucoup travaillé ; ça m'a mis en forme

Etc.

(55)- Il est riche, il ne t'invitera pas

Ces énoncés sont qualifiés de "culturellement paradoxaux".

- Enfin, "une troisième catégorie d'énoncés non-doxaux regroupe ceux qui se


présentent comme visant une conclusion différente de (mais pas opposée à) celle qui serait
atteinte par les topoï intrinsèques aux mots, éventuellement combinés à des principes
argumentatifs culturellement admis. Ce sont probablement les cas les plus habituels dans les
conversations courantes" (Ibidem.).

Ils sont illustrés par :

(56)- J'ai beaucoup travaillé ; Marie a dû s'impatienter

Etc.

(57)- Il est riche, il doit avoir des amis.

En somme, les trois types d'énoncés non-doxaux se distinguent par le degré


d'opposition aux topoï intrinsèques. Les premiers peuvent caractériser des réalisations
purement contextuelles ou stylistiques ; les seconds traduisent les oppositions
culturelles tolérées par la langue et les derniers représentent une simple différence
validée par les connaissances encyclopédiques.

163
Cette dernière définition semble étayer la seconde.

Nous avons vu que les topoï extrinsèques relevant des croyances communes
pour Anscombre "restent néanmoins non codés dans la langue et donc relevant
d'énoncés non-doxaux" pour P-Y. Raccah (1990 : 97).

Ainsi en est-il dans le topos :

« T 27 // plus on travaille, plus on est en forme // » (Ibidem.)

corollaire de l'énoncé évoqué :

J'ai beaucoup travaillé, ça m'a remis en forme.

Ici, en effet, la relation entre "travail" et "être en forme" correspondrait


vraisemblablement à un emploi idiolectal s’opposant à la doxa, contrairement à
l'énoncé suivant :

(58)- Il a beaucoup travaillé, il est fatigué

qui convoque un topos tel que :

« T26 // plus on travaille, plus on se fatigue // »,

Et qui se fonde sur une relation codée comme le montre ces tests avec mais :

(59)- Il a beaucoup travaillé mais il n’est pas fatigué

(60)-* Il a beaucoup travaillé mais il n'est pas en forme

D'après ce raisonnement, plusieurs conclusions s’imposent :

la première est que les topoï "conventionnels" relèvent de la doxa, s’ils sont codés
dans la langue ;

La seconde, c'est que les stéréotypes linguistiques, dans notre optique, relèvent des
topoï intrinsèques (tout comme fatigue par rapport au travail) et donc sont des énoncés
doxaux.

Or, et c'est paradoxal, la possibilité même d'un topos tel que T27 montre bien que T26
ne peut être tenu comme exprimant une propriété intrinsèquement associée à "travail"
du moins dans le sens typique : une propriété inhérente ou intrinsèque est une propriété

164
vraie dans tout contexte linguistique ou pragmatique et ne peut être contredite par un
énoncé quel qu'il soit.

La troisième conclusion qui découle de la deuxième est que les topoï


intrinsèques ne permettent pas de distinguer les traits universels inhérents toujours
vrais et les traits non universels mais définitoires qui peuvent être contredits dans
certains contextes (tel que /fatiguer/ pour travail). Appliquée à la signification lexicale
d'un mot, l'idée du topos intrinsèque ne peut discerner deux composants différents dans
leur statut et différents dans leur fonctionnement discursif bien que faisant tous les
deux l'unanimité de l'accord des locuteurs ou envisagés comme l’étant, à savoir les
traits universels et les traits stéréotypiques. Dans des énoncés tels que:

(61) Le petit moineau peut voler ; ses ailes prennent déjà forme

(62) Cet oiseau a des ailes ; il est apte au vol

et abstraction faite de la présence ou de l’absence du caractère gradable des méta-


prédicats, il est clair que, pour (61), il s’agit d’une relation associant l’aptitude au vol
et le développement des ailes et pourrant figurer comme topos intrinsèque à moineau ;
pour (62), il s’agit également d’un topos intrinsèque à oiseau qui établit une relation
entre /avoir des ailes/ et /être apte au vol/. Toutefois, il existe une différence
fondamentale entre les deux topos. Le premier est fondé sur une relation analytique
vérifiée par toute occurrence de la sous catégorie « moineau » d’où l’inacceptabilité de
l’énoncé non-doxal :

(63)- Le petit moineau peut voler mais ses ailes ne prennent encore pas forme.

Un tel énoncé correspondrait aux énoncés « sémantiquement paradoxaux ». Il devrait,


selon la définition évoquée, être acceptable moyennant l’adverbe « paradoxalement » ;
or, tel n’est pas le cas :

(64)- * Le petit moineau peut voler, paradoxalement ses ailes ne prennent encore pas
forme.

Le second est sous-tendu par une relation stéréotypique qui n’est pas vérifiée par
toutes les occurrences de la catégorie « oiseau » d’où la possibilité de :

(65)- Cet oiseau a des ailes mais il n’est pas apte au vol.

165
Si ces deux types de topoï sont intrinsèques, la version standard de l’ADL ne postule
aucun critère pour les distinguer.

La raison en est que la théorie des topoï constitue une métalangue qui ne peut rendre
compte de l'informativité orientée vers le monde extralinguistique là où se situent les
données stéréotypiques.

Les tenants de cette théorie insistent sur le fait que les topoï ne concernent que
les valeurs argumentatives. Pour l'argumentivisme radical, les valeurs informatives
n'existent pas au niveau de la phrase. Les relativistes avancent, eux, que les "usages
(pseudo-informatifs) sont dérivés à partir d'une composante plus "profonde" purement
argumentative" (Anscombre- Ducrot, 1986 : 92).

Cependant, on ne voit pas comment cette dimension pseudo-informative pourrait être


explicitée dans l'ADL. Anscombre, lui-même, révisant ses présupposés théoriques
antérieurs reconnaît que "si la valeur sémantique est fondamentalement argumentative,
elle ne saurait en aucun cas fournir une description identifiante, seule habilitée à
référer […] un tel processus ne fournit pas, en effet, de traits descriptifs" (2001 : 66).

Derrière cet obstacle réside le fait que le référent ne soit convoqué que par le
biais d'une forme topique où "P seul n'a aucune valeur et ne se comprend que via
[cette forme]" (Ibid. : 67).

Autrement dit, il est impossible d'isoler une propriété et de l'attribuer au référent


à la manière des phrases génériques (ex : l'oiseau a un bec). La conséquence, c'est
qu’aucune propriété n'est vue sous l'angle de son économie et de son statut dans la
signification d'un item ; elle n'est envisagée qu'à travers l'effet argumentatif qu'elle
suscite. Ainsi, la distinction entre propriétés typiques et propriétés stéréotypiques
devient impossible.

Par ailleurs, le fait de postuler que le sens d'un mot est un faisceau de topoï ou
que les topoï sont présents dès le niveau lexical est impossible de mettre en évidence
sans la présupposition a priori des traits sémantiques descriptifs. Pourquoi ?

La raison en est simple : si cette théorie prend comme primitif la relation "être
un argument pour", il est impossible de recenser toutes les configurations

166
argumentatives liées à un terme dans le discours sans cet a priori lexical perçu et
envisagé en dehors des contextes donc des enchaînements argumentatifs. En affirmant
que "l'étude systématique des topoï ne relève pas de la linguistique mais d'une
anthropologie culturelle" (S. Bruxelles, O. Ducrot et P-Y. Raccah, 93 : 89), non
seulement la délimitation du faisceau de topoï constituant le sens d'un mot n'est plus
possible mais aussi toute approche de la structuration du lexique connaît le même sort.

Enfin, et comme le montre Anscombre (2001a : p 68 et les pages qui suivent),


la théorie des topoï repose sur deux éléments notionnels qui souffrent de défauts les
rendant irrecevables à savoir la représentation des garants par le biais des formes
topiques ( P,  Q) et la relation "être un argument pour" 82. Nous nous limiterons, ici,
à la notion de gradabilité et ses implications.

Anscombre démontre comment à partir de l'énoncé :

(66) Il fait beau temps : allons nous promener

on peut générer une variante comme :

(67) Il fait plus beau temps qu'hier : allons nous promener comme hier.

Cet énoncé autorise à son tour :

(68)- Il fait plus beau temps qu'hier ; allons nous promener plus qu'hier

L'inacceptabilité de (68) montre que la forme topique (+ BEAU TEMPS, +


PROMENADE), permet théoriquement de générer des énoncés imprédictibles à partir
du système de la langue et ne rend pas compte des énoncés linguistiques tels que :

(69) Il fait plus beau temps qu'hier ; retournons nous promener.

Anscombre constate que la solution apportée par Ducrot et qui consiste à utiliser une
autre forme topique à savoir (+ BEAU TEMPS, + AGREMENT DE PROMENADE)
bien qu'elle permette de tirer la conclusion ‘allons nous promener’, elle "équivaut à
renoncer à la gradabilité du méta-prédicat PROMENADE, en la reportant sur le méta-
prédicat AGREMENT" (Ibid. : 68). Or, écrit-il, "il me semble qu'un tel procédé

82
Sur ce point cf. Anscombre (2001 : p71 et les pages qui suivent).

167
revient à renoncer implicitement à la gradabilité d'un des deux méta-prédicats, et à la
transférer subrepticement sur le lien conclusif" (Ibidem.).

Au-delà de ces effets incontrôlés dérivant de la forme topique gradable,


Anscombre avance un autre argument qui limite considérablement la portée générale
de l'ADL comme théorie linguistique. Il constate que cette théorie repose
implicitement sur deux observations :

"(i) la relation "être un argument pour" est éminemment gradable…

(ii) la langue utilise la gradation inhérente à certaines notions [ex. L'intelligence]


pour représenter la gradabilité argumentative au travers de l'usage des termes
représentant ces notions" (ibid. : 70)

Si (ii) entraîne (i), la théorie de l'argumentation dans la langue va plus loin en


voyant en fait une sorte d'équivalence entre (i) et (ii).

La gradabilité de la relation "être un argument pour" est due et uniquement due à la


gradabilité inhérente aux méta-prédicats P et Q" (Ibidem.).

Il avance des exemples auxquels les formes topiques qu'on pourrait envisager à partir
de l’ADL ou du TAL sont invraisemblables :

(70)- C'est un singe mais il n'aime pas les bananes


(71)- Si Marie a promis de venir, elle viendra
(72)- Les castors construisent des barrages

puisque les formes topiques correspondantes se passent de tout commentaire :

(+ signe, + bananophile)
(+ promesse, + exécution)
(+ castor, + construction de barrages).

Nous ajoutons :

(73)- L'oiseau a des ailes, il peut voler


(74)- Les chiens sont fidèles
(75)- Cet homme est en haut de la hiérarchie, mais il est indigne
(76)- Les Français cuisinent bien.

168
1-2 La théorie des blocs argumentatifs

Cette théorie présente une véritable rupture avec l'ADL standard. Deux
nouvelles hypothèses (dont l'une met en péril la notion de méta-prédicats gradables) la
sous-tendent :

1- "De manière plus générale, tout bloc a […] deux aspects argumentatifs : un aspect
normatif P DC Q (P DONC Q), regroupant les discours en DC, et un aspect transgressif, P PT
NON-Q, (P POURTANT NON-Q), regroupant les discours en PT" (Marion Carel, O.
Ducrot, 1999 : 12).

2- "[…] une argumentation peut être associée à une expression de deux façons
différentes. Si l'expression étudiée intervient dans l'un des enchaînements de l'aspect
argumentatif qui lui est associé, cet aspect sera dit relever de l'argumentation externe
de l’expression étudiée. Sinon, il sera dit relever de son argumentation interne. Ceci
nous permettra de décrire tout mot ou énoncé par les seuls enchaînements en DC ou
PT qu'il évoque" (Ibid. : 13).

La distinction entre ces deux types d'argumentation vus sous l'angle de


l'opposition intrinsèque / extrinsèque ne semble pas être non plus tranchée comme le
suggère cette définition.

En effet, Carel et Ducrot doublent cette première distinction d'une autre qui
oppose un aspect argumentatif extrinsèque effectué par le discours et un aspect
argumentatif intrinsèque effectué par la langue. Ce deuxième aspect peut à son tour
être scindé en deux :

- L'intrinsèque "interne" à l'expression qu'il définit, illustré par les deux exemples
suivants :

- Soit :

(77) Ce bon étudiant a tout de même réussi et inversement ce mauvais étudiant


a tout de même raté

qui articule (77. 1) et (77. 2) :

(77. 1) Ce bon étudiant a tout de même réussi

169
(77. 2) Ce bon étudiant a tout de même raté.

Considérant (77. 1) qu'en lui se réalise l'argumentation suivante :

(78)- C'est un bon étudiant pourtant il a réussi.

La démonstration s'enchaîne comme suit :

- (77. 1) ne s'identifie à aucun des deux segments, ni de (78), ni des

autres enchaînements appartenant à bon étudiant PT réussi.

Donc, cet aspect relève de l'argumentation interne de (77. 1, cf. infra la discussion de
cet exemple).

- Soit le mot prudent ; il évoque des enchaînements tels que :

(79)- S'il y a danger, Paul prendra des précautions

D’où l'aspect argumentatif danger DC précaution. "Dans la mesure où prudent


n'intervient pas dans cet enchaînement, nous dirons que danger DC précaution, en
quelque sorte intérieur à prudent, relève de son argumentation interne" (1999 : 14).

- l'intrinsèque externe : "La langue elle-même associe prudent à des discours comme
(80) et (81) :

(80)- Paul a été prudent donc il est arrivé indemne

(81)- Paul a été prudent pourtant il n'est pas arrivé indemne

Nous dirons que prudent DC sécurité et prudent PT NON-Sécurité, intrinsèques à


prudent, en sont des intrinsèques externes". (Ibidem.).

Cette manière de voir suscite deux interrogations :

- S'il est clair que l'intrinsèque interne et l'extrinsèque relèvent respectivement de


l'argumentation interne et de l'argumentation externe, où se situe l'intrinsèque externe ?

- La sémantique argumentative dans sa nouvelle version permet-elle vraiment de


rendre compte des composants élémentaires de la signification d'un item lexical?

Autrement dit, la tentative de mettre en évidence ce que cette théorie appelle


l' « intrinsèque interne à… », parvient-elle à apporter des réponses aux problèmes que
rencontre la version standard ?

170
Apparemment, cette structure argumentative complexe est une alternative "à la
parallèle" à la structuration du sens dans la perspective structuraliste de Rastier.

Le schéma suivant illustre ce rapprochement :

Théorie des blocs sémantiques Sémantique interprétative

Argument intrinsèque interne Propriétés universelles / sèmes


à… inhérents

Argument intrinsèque externe Propriétés non universelles /


sèmes afférents socialement
codés

Argument externe Sens contextuel / sèmes afférents


contextuels

Cette correspondance est appuyée par l'association de l'intrinsèque interne au contenu


définitoire d'une expression ou d'un mot (1999 :15) et par le rapprochement établi par
Olga Gatalanu (1999 : 48) entre l'intrinsèque externe et le stéréotype. Elle affirme que
l'argumentation externe intrinsèque est constituée par des éléments qui sont non
seulement choisis parmi les éléments de l'argumentation interne de l'entité linguistique
(cf. Carel et Ducrot 1999) mais qui font partie de la description du sens "conceptuel"
d'un mot, du stéréotype (au sens défini par Hilary Putnam), qui lui est associé". Lequel
stéréotype pourrait partager certaines caractéristiques avec les sèmes afférents
socialement codés. Cette correspondance se manifesterait aussi au niveau du
fonctionnement de ces composants dans le discours : "Un aspect, écrivent Carel et
Ducrot (15, note 3), n'est pas en lui-même interne ou externe". Rastier postule qu'un
trait inhérent en langue peut être virtualisé en contexte (la délition) et qu'un sème
afférent peut être actualisé en contexte (l'insertion, cf. infra.).

Le problème est de définir le niveau auquel appartient l'aspect intrinsèque


externe. La citation de Olga Gatalanu le situe au niveau du sens "conceptuel", donc
dans le cadre de l'argumentation interne. Il fallait voir si cette référentiation était
justifiée.

171
Carel et Ducrot établissent un critère distinctif entre l'argumentation interne et
l'argumentation externe qui consiste en ceci :

- Si l'expression étudiée intervient dans l'un des enchaînements de l'aspect


argumentatif qui lui est associé, alors cet aspect relèvera d'une argumentation externe ;

- Si, par contre, cette expression n'intervient pas dans un tel enchaînement, alors
l'aspect relèvera de son argumentation interne.

Dans les exemples (80) et (81) servant d'illustration à l'intrinsèque externe, il est
clair que prudent intervient dans l'enchaînement argumentatif : donc, il s'ensuit que les
aspects prudent DC sécurité et prudent PT NON sécurité 83 relèvent de l'argumentation
externe.

Le commentaire d'une autre variante du même exemple confirme cette thèse :

(82)- Paul est prudent donc il n'aura pas d'accident


ou
(83)- Paul est prudent pourtant il a eu un accident

Dans les deux enchaînements, le mot prudent intervient. L'intrinsèque externe relève
donc de l'argumentation externe.

D'où vient donc l'allusion à quand Olga Gatalanu situe l'intrinsèque externe
dans le cadre de l'argumentation interne ?

Elle vient d'un autre exemple employé par les deux auteurs par appuyer leur
argumentation étayée dans l'exemple précédent.

Soit

(84)- Les enfants de cadre sont blonds 84 ;

83
Pour Carel et Ducrot, "cet exemple […] permet d'introduire une propriété importante de l'intrinsèque externe :
dès qu'un aspect argumentatif appartient à l'intrinsèque externe d'une expression, l'autre aspect du même bloc y
appartient aussi… l'argumentation intrinsèque externe est ainsi constituée de blocs » (1999 : 15).

84
Nous ne discutons pas ici la validité même d'un tel exemple.

172
pour Carel et Ducrot, cet énoncé "évoque, s'il est compris comme définitoire, toute une
famille de discours argumentatifs comme :

Si c'est un enfant de cadre, il est blond" (Ibid. : 15).

et ils concluent que "l'aspect enfant de cadre DC blond relève alors de l'argumentation
interne de (84)" et que (84), définitoire, "associe l'expression enfant de cadre à l'aspect
enfant de cadre DC blond qui devient dans ce discours, constitutif de l'argumentation
externe de enfant de cadre".

Aux deux moments de l'argumentation (celui attribuant l'aspect à l'argumentation


interne et celui l'attribuant à l'argumentation externe), les conditions sont les mêmes :
il faut comprendre l'énoncé comme définitoire (« s'il est compris comme définitoire » /
« définitoire ») et l'appréhender comme un discours (« famille de discours comme » /
« ce discours… »). Donc, de ce côté là aucune contrainte particulière ne pèse sur les
deux énoncés. L'énoncé intermédiaire, qui permet à Carel et Ducrot de conclure qu'il
s'agit dans (84) d'une argumentation interne, est :

(85)- Si c'est un enfant de cadre, il est blond

ce qui revient à dire :

(86)- Si c'est un enfant de cadre, donc il est (nécessairement) blond.

Il est clair que l'expression enfant de cadre intervient dans l'enchaînement


argumentatif de (84) et donc l'aspect évoqué, selon le critère mentionné ci-haut, ne
peut relever d'une argumentation interne.

Ainsi la tentative de réhabiliter cette curieuse notion d’ « intrinsèque externe »


par opposition à « intrinsèque interne » (interne interne !) par le biais d'une distinction
plus générale ente argumentation interne et argumentation externe ne tient pas.
Justement, si l’on considère l'intrinsèque externe comme relevant de l'argumentation
externe rien ne justifierait son caractère intrinsèque ; de même si on le considère
comme relevant de l'argumentation interne, il serait difficile de lui trouver une sortie
vers l'aspect externe.

Venons maintenant à l' « intrinsèque interne à… »

173
Rappelons, d'abord, que l'ADL version standard ne peut rendre compte des propriétés
universelles ou typiques parce que P ne peut être indépendant de la forme topique à
laquelle il participe et parce que ces propriétés ne sont pas toutes gradables. La
sémantique des blocs argumentatifs est développée pour répondre à un autre type de
problèmes que rencontre la version standard notamment celui d'expliquer "les énoncés
sémantiquement paradoxaux" et d'éviter" la notion de topos contraire" (1999 : 9).

Chemin faisant, ce renouvellement entraîne une révision de la manière dont l'ADL


explique la signification lexicale des mots. Deux conséquences semblent découler de
ce renouvellement :

- L'analyse en termes d'argumentation normative en DC et transgressive en PT,


semble être une alternative à la forme topique gradable ( P, Q). En effet, "décrire
tout mot ou énoncé par les seuls enchaînements en DC ou en PT qu'il évoque" (Ibid. :
13) signifie l'abandon de l'idée de la gradabilité des méta-prédicats topiques puisque ni
DC, ni PT n'impliquent une telle relation. D'ailleurs, rien qu'en interprétant les deux
formes de notation :

- ( P, Q)

- P DC Q, P PT NON-Q

nous nous rendons compte que le lien argumentatif entre P et Q n'est plus le même : le
lien qui était pris en charge par la gradabilité de chaque méta-prédicat est dans la
nouvelle version reporté sur le lien conclusif exprimé par les articulateurs donc et
pourtant.

- La version standard de l'ADL pose que "la signification […] des mots lexicaux est
constituée, et constituée seulement, par des paquets de topoï" (Ibid. : 7). N'ayant pas
dans sa perspective argumentative le souci de distinguer le noyau dénotatif et l'aspect
connotatif, cette version rencontre des difficultés à justifier, par exemple, comment on
peut expliquer un énoncé comme le travail repose qui constitue une contradiction au
topos intrinsèque à travail, le travail fatigue.

Dans une phase qu'on peut qualifier de transitoire (Ducrot, 1989), l'ADL
introduit la notion de polyphonie. "L'idée de base est qu'en utilisant un mot, un

174
locuteur convoque des énonciateurs, dits lexicaux, qui posent les topoï inclus dans la
signification de ce mot" (1999 : 7). Cette notion a aussitôt été rejetée parce qu'elle"
repose sur une conception référentialiste de la prédication ("prédiquer, c'est attribuer
une propriété à un objet)" : ainsi, le dernier énonciateur dans l'exemple du travail qui
repose, déclarerait reposantes les activités repérées à partir des croyances exprimées
par le premier" (Ibid. : 8).

La sémantique des blocs argumentatifs semble, d'après l'exemple de prudent,


apporter une solution. Or, il nous semble que cette solution ne fait que déplacer
l'obstacle auquel est confrontée la version standard. En posant comme condition que
l'expression ou le mot étudiés ne doivent pas figurer dans l'enchaînement argumentatif,
on ne peut plus prétendre que l'aspect défini comme étant « intrinsèque interne à… »
est relatif à l'expression ou le mot en cause et ce, pour deux raisons :

- Nous savons que l'ADL est une théorie fondamentalement argumentative, son
objet unique est le discours. De ce fait, si une expression n'apparaît pas dans un
enchaînement discursif, on ne voit pas comment lui accrocher un sens, alors qu'elle est
absente dans l'énoncé censé donner sa signification. Dans :

(87)- S'il y a danger, Paul prendra des précautions

aucun lieu n'est envisageable entre l'aspect danger DC précaution et prudent si ce


n'est dans une entrée lexicographique où l'on postulerait les définitions suivantes :

prudent : "s'il y a danger, x prendra des précautions" ou encore

prudent : "danger donc précaution".

- la deuxième raison est qu'un aspect comme danger DC précaution est défini
comme étant lié à la signification d'un item lexical particulier (prudent). On est, dès
lors, confronté au problème que pose, dans ce cas, la synonymie. Pourquoi ne pas
rattacher un tel aspect plutôt à circonspect, attentif ou encore avisé qui contiennent,
d'une manière ou d'une autre cet aspect ?

Nous voyons donc que cette tentative d'atteindre la signification lexicale par le biais de
l'argumentation finit par évacuer le mot étudié du champ discursif, initialement établi
pour permettre son étude.

175
Analysons maintenant, de plus près, les exemples servant d'illustration à cet
aspect « intrinsèque interne à… »

Carel et Ducrot concèdent que l'énoncé de départ (74) est "curieux" et expliquent ce
caractère "curieux" du fait "qu'en lui se réalise l'argumentation "curieuse, (75)".

Sous les mots d'un autre, si l’on remplace curieux par inacceptable ou inadéquat, le
raisonnement serait "l'énoncé (77) est inacceptable ou inadéquat parce qu'en lui se
réalise l'argumentation inacceptable ou inadéquate". C'est une manière de montrer le
caractère circulaire de ce type de démonstration et de mettre en doute la validité même
de l'exemple.

Voyons quelle interprétation discursive permet de passer de (77. 1) :

(77. 1)- Ce bon étudiant a tout de même réussi

à (78) :

(78)- C'est un bon étudiant, pourtant il a réussi.

Si l’on attribue à (78) le fait qu'il explicite le lien argumentatif (dans (77. 1) entre le
sujet grammatical (bon étudiant) et le prédicat (réussi), c'est que l'expression tout de
même est interprétée dans le sens de pourtant ou encore néanmoins. Là, on ne voit pas
comment le fait de réussir qui est de toute évidence une conséquence logique de ce que
c'est "être un bon étudiant" peut être en même temps transgressif par rapport à ce
premier segment. Un énoncé tel que :

(88)- Cet étudiant est bon donc il réussira, il a réussi

montre bien la contradiction interne de cette démonstration.

En fait, (77. 1) n'est acceptable (et encore) que si tout de même est comprise dans le
sens d’enfin, ce qui évoque dans le premier segment non pas le fait d'être un bon
étudiant mais la peine qu'il a vécue en préparant son examen comme le montre
l'énoncé suivant :

(89)- Ce bon étudiant, malgré ses conditions lamentables, a beaucoup travaillé durant
l'année, il a tout de même réussi.

176
Dans ce cas, un enchaînement transgressif moyennant pourtant paraît clairement
inadéquat :

(90)- * Ce bon étudiant… a beaucoup travaillé pourtant il a réussi

On en conclut que la théorie des blocs argumentatifs tout comme la version


standard de l'ADL n'arrivent ni à rendre compte de la configuration sémantique d'un
mot, ni à mettre en évidence ses éléments constitutifs. Ceci dit, il faut lui reconnaître,
par contre, une certaine validité dans la reconnaissance de certains stéréotypes qui ne
sont ni définitoires, ni relevant de l'extension d'un sens primaire mais qui se
manifestent néanmoins dans le discours. En effet, la conjonction des deux
enchaînements avec DC et PT (l'argumentation constituée de blocs) permet de décrire
le fonctionnement discursif des stéréotypes relationnels ou implicatifs comme :

village français  église

(91)- C'est un village français, donc il y a sûrement une église

(92)- C'est un village français, pourtant il n'a pas d'église

travail fatigue

(93)- Il a beaucoup travaillé donc il est fatigué

(94)- Il a beaucoup travaillé pourtant il n'est pas fatigué

ou encore des syntagmes comme :

bon étudiant réussir

(95)- C'est un bon étudiant donc il réussira

(96)- C'est un bon étudiant pourtant il n'a pas réussi

Rappelons que cet exemple inversé a servi comme illustration de l'argumentation


interne. Nous voyons que sous cette forme, il montre bien que la relation ente "être
bon étudiant" et "réussir" s'il fallait l'envisager sous les termes de la théorie des blocs
argumentatifs, elle devrait figurer dans les aspects intrinsèques externes.

Cependant, cette théorie s'avère inopérante dans le cas des stéréotypes


définitoires comme dans :

177
(97)- ? Cet oiseau a des ailes, donc il vole

(98)- Cet oiseau a des ailes, pourtant il ne vole pas

Le cas de l'eau passe encore moins :

(99)- * C'est bien de l'eau, donc elle est inodore / incolore

(100)- ? C'est bien de l'eau, pourtant elle est colorée / odorante…

De même, elle ne paraît pas pertinente pour rendre compte d'une bonne part des
stéréotypes présentant des extensions de sens à partir d'une catégorie de sens primaire :

(101)-* Pauline est une femme, donc elle est faible

(102)- ? Pauline est une femme, pourtant elle n'est pas faible

(103)- ? Pauline est une femme, pourtant elle est forte

ou encore :

(104)-* Paul est un mâle, donc il est puissant

(105)- * Paul est un mâle, pourtant il est impuissant

En somme, si l'ADL dans les deux versions trouve des difficultés à rendre
compte de la signification d'un mot, c'est parce que celui-ci n'est conçu que dans sa
dimension argumentative : donc, n'importe quelle propriété ne peut être saisie en elle-
même mais seulement à travers la forme topique qui l'associe à une autre propriété ou
une autre relation. Pour que cette théorie soit pertinente, il faudrait que la signification
d'un item soit structurée dans une nomenclature relationnelle binaire, ce qui n'est pas
de toute évidence le cas des langues naturelles.

2- Connotation et traits virtuels

Une description de l'économie de ces deux notions dans les diverses théories
linguistiques est problématique au moins à trois égards :

- Vues sous l'angle de l'approche globale du sens, les deux notions ne


manifestent pas la même présence et ne subissent pas le même traitement. Alors que,
dans la perspective sémasiologique, seule la connotation est évoquée, dans la

178
perspective onomasiologique les deux notions sont plus ou moins présentes et
entretiennent des relations variées.

- vues sous l'angle de ces relations, les termes de "connotation" et de "traits


virtuels" ou "virtuèmes" se correspondent, se confondent, se côtoient ou s'excluent ;

- vues sous l'angle de leur pertinence linguistique, elles constituent, (sous une
forme ou une autre) le sens, s'y accrochent ou s'en excluent.

Cependant, ces trois niveaux ne sont pas indépendants l'un de l'autre et donc
s'impliquent réciproquement. Tout en ne privilégiant aucun niveau, nous tenterons
dans notre analyse, pour une raison de commodité, de suivre le premier axe en tenant
compte des deux autres.

Sur le plan du traitement sémasiologique du lexique, l'approche du sens en


termes de connotation n'est pas unique. En gros, on assiste à deux cas de figures:

- connotation s'oppose à dénotation (Baylon, Dubois, Leemann…).

- la seconde convoque la première (Kleiber).

Dans la première optique, la connotation s'oppose à la dénotation pour désigner


certaines propriétés caractérisées en compréhension, qui, tout en étant rattachées au
concept, n'en constituent pas des propriétés définitoires ou dénotatives du référent
(définies, elles, en extension).

Ainsi en est-il, chez Baylon et Mignot (1995, 47), pour qui la connotation est
"tout ce qui dans le sens n'est pas propriété objective du référent (le mot renard a la
ruse comme connotation)". Le terme s'oppose à "dénotation", définie par le biais de la
désignation considérée comme l'"utilisation d'un signe pour évoquer le référent". Le
pouvoir de désigner, présuppose, dans ce sens, la présence d'éléments dénotatifs
garantissant l'acte de référence. La nature et l'économie de ces propriétés intégrées
dans le sens mais dépourvues de pouvoir de désignation, ne sont pas spécifiées chez
les deux auteurs. A. Leemann et Françoise Martin-Berthet (2000 : 12), tout en
maintenant l'opposition entre dénotation et connotation explicitent le caractère externe
et second de celle-ci par rapport à la première. Elles affirment que la connotation

179
représente les valeurs sémantiques secondes qui viennent se greffer sur le sens
dénotatif.

Jean Dubois et al (2001 : 111) partagent ce même point de vue. "En


linguistique, écrivent-ils, la connotation désigne un ensemble de significations
secondes provoquées par l'utilisation d'un matériau linguistique particulier et qui
viennent s'ajouter au sens conceptuel ou cognitif, fondamental et stable, objet de
consensus de la communauté linguistique, qui constitue la dénotation".

Cependant, deux faits nouveaux sont à signaler dans cette définition : la


spécification qu'il s'agit d'un "matériau linguistique particulier" et la mention de la
conventionnalité comme critère de distinction entre les deux notions. Concernant le
premier fait, il semble que le statut particulier (non spécifié) et l'emploi du terme
"matériau" sont dus à la grande disparité des faits linguistiques pouvant être rendus par
le terme "connotation". En effet, les auteurs mentionnent que, au-delà du mot, celle-ci
peut avoir comme source la prononciation particulière, la construction des phrases ou
l’organisation du discours. « Autrement dit, les unités de connotation ne coïncident pas
nécessairement avec les unités de dénotation ». Cet élargissement du domaine de la
connotation, a amené L. Hjelmslev à la situer en dehors de la linguistique et par
conséquent son analyse ne peut relever que des sémiotiques non-scientifiques
(Greimas et Cortès, 2001 : 63). Traitant les signes en général, J. Dubois et al (Ibid. :
112) commentent en ces termes ce point de vue : "les connotations apparaissent
comme un contenu, qui a pour plan de l'expression l'ensemble du langage de
dénotation. Ainsi, alors que le fonctionnement dénotatif de la langue est proprement
dénotatif (dans le cadre de la théorie saussurienne du signe), le jeu de connotation est
supérieur au niveau de la langue".

Le deuxième point fait apparaître les éléments dénotatifs comme résultant d'un
consensus dans le cadre de la communauté linguistique alors que les connotations
peuvent résulter de l’expérience commune à l’ensemble des locuteurs, de celle d’un
groupe social ou de celle d’un locuteur particulier; c'est pourquoi, expliquent Dubois et
al., « on parle aussi de sens affectif ou émotif, de contenu émotionnel ». Soulignons

180
que cette manière de voir recoupe celle de L. Bloomfield, commentée par Dubois,
(Ibid. : 111) pour qui il y a trois types de connotation :

-a) les niveaux de langue relatifs à un groupe particulier ;

- b) les tabous linguistiques relatifs à la communauté tout entière ;

- c) le degré d'intensité des formes linguistiques employées par un locuteur


individuel.

Cependant, ce critère distinctif ne paraît pas tout à fait satisfaisant. Si l'on admet
que certaines connotations sont partagées par la communauté linguistique dans son
ensemble, rien ne permet dans la première définition de Dubois et al. de les distinguer
des éléments dénotatifs et de justifier le fait qu'elles n'appartiennent pas au sens
conceptuel ou cognitif.

Dans la deuxième optique, celle de Kleiber (1981 : 17) "les noms dénotent c'est-
à-dire qu'ils peuvent référer à des individus particuliers parce qu'ils connotent, c'est-à-
dire qu'ils ont un sens".

En fait, cette citation ne convient pas tout à fait à la position de Kleiber présentée dans
« Dénomination et relations dénominatives » (1984). Dans cet article, la désignation
"définie comme la référence à des particuliers" (1984 : 82 en note) s'oppose à la
dénotation définie comme "la relation qui unit un item lexical à une classe d'objets"
(Ibid. : 80). Donc, il s'agit bien de la désignation comprise comme la référence dans un
sens propositionnel et qui présuppose un référent conceptuel dont la connotation
constitue le sens. Il semble, ici, que Kleiber attribue à « connotation » le sens que lui
donne S. Mill. Dans Kleiber (1999) et citant la classification des noms chez S. Mill
selon l'axe connotation-dénotation, il précise en note que la "connotation n'a pas le
sens restreint actuel de contenu sémantique subjectif, variable, etc. mais correspond
peu ou prou à la notion générale de sens" (1999 : 30).

Dans cette perspective, les propriétés objectives et les propriétés dites "secondes"
restent indistinguées vu le niveau d'analyse très général.

L'approche onomasiologique, d'une manière globale et dans son ensemble,


prévoit dans son appareillage théorique des notions qui se rapportent à cette part du

181
sens. L'opposition entre "sèmes inhérents" et "virtuèmes" ou "sèmes afférents" et
même "connotation" correspond peu ou prou à l'opposition entre "dénotation" et
"connotation" dans l'approche sémasiologique.

Cette correspondance, si elle s'inscrit moins dans un rapprochement entre les


propriétés objectives du référent et les traits distinctifs du signifié (dans la mesure où
ces derniers ne sont pas nécessairement de nature objective ; les deux types d'éléments
ne coïncident pas forcément), elle l'est davantage sous l'angle de la stabilité des
composants définitoires ou dénotatifs, et du caractère second ou contingent des
composants virtuels ou connotatifs." L'évocation d'une lexie […], écrit Pottier (1992 :
25-26), déclenche un ensemble de connaissances, les unes nécessairement évoquées
[…] d'autres possiblement convoquées […]. Ces dernières entrent dans ce que nous
appelons le virtuème ou ensembles de sèmes disponibles, donc déjà connu de
l'utilisateur". Robert Martin (1983 : 60) définit le même contenu en ces termes : « En
théorie, la distinction est tranchée entre les composants, parmi lesquels sont pris les
traits définitoires, et les virtuèmes, qui relèvent des prédications non universelles".

Selon Rastier (1996 : 42), l'assimilation entre le caractère non distinctif d'un
élément et son caractère connotatif remonte à Bloomfield 85 (1933 : 186). Pottier
explicite la correspondance voire la confusion entre virtualité et connotation." Est
virtuel, pour lui, tout élément qui est latent dans la mémoire associative du sujet
parlant, et dont l'actualisation est liée aux facteurs variables des circonstances de
communication. Le virtuème représente la partie connotative du sémème". Il faut noter
que Pottier exclut de son virtuème et de la connotation les effets liés aux emplois
individuels ou textuels. La virtualité ne concerne qu'un savoir latent et connu de
l'utilisateur. Ainsi, de la définition de Dubois et al. ne sont retenus que les traits
reconnus par la communauté tout entière ou à la limite par un groupe particulier.

C'est à ces éléments omis par Pottier que Jacqueline Picoche (1977 : 104)
réserve le nom de « connotation ». Dans une terminologie proche de celle de Pottier,
elle propose une autre classification où le sème relève du domaine de la valeur et le
virtuème du domaine de la signification alors que la connotation constitue la valeur

85
Cité dans Dubois et al. (2001).

182
stylistique du signe. Derrière la parenté apparente des notions de "sème" et de
"virtuème" chez les deux linguistes, réside pourtant une différence de taille. Pour
Picoche, "la conception du lexique comme totalité amène à considérer le signifié du
sens lexical sous deux aspects: celui de la valeur et celui de la signification. La valeur
d'un mot se définit par rapport aux autres mots de sens voisins qui délimitent ses
emplois. La signification par rapport à la catégorie d'objets qu'il peut dénoter. La
signification a donc un contenu positif par rapport à l'univers alors que la valeur est
une forme dans laquelle se coule ce contenu". Quant à la connotation, bien qu'elle
soit relative à la valeur stylistique, donc exclusivement textuelle et énonciative, elle
n’en demeure pas moins en dehors du signifié. Elle renferme, dit-elle, « l'ensemble…
des éléments signifiants (dénotatifs) logiquement classifiables" (1977 : 99).
F.Rastier réhabilite tout le contenu défini par Dubois et repris en partie par
Pottier dans sa démarche onomasiologique en le versant soit dans le contenu des sèmes
génériques ou dans le contenu des sèmes afférents. Nous ne nous intéresserons pas
pour le moment à ces notions auxquelles nous consacrerons le paragraphe suivant mais
nous interrogerons par contre sur le traitement que réserve Rastier aux traits virtuels.
Ne reconnaissant à la connotation aucun intérêt linguistique parce
qu’insuffisamment précise, Rastier (1996 : 43) observe que, selon Martin,
"l’opposition entre les sèmes distinctifs par définition et les autres composants non
distinctifs, se réduit entre prédications universelles et prédications non universelles".
Partant de là, il avance une argumentation qui met en doute une telle distinction pour
proposer enfin une autre classification et une autre terminologie.

Il constate, d'abord, que les traits virtuels regroupent des phénomènes divers qui n'ont
pas toujours la même relation au sens et le même fonctionnement discursif.

Si l'on concède que "seuls les composants distinctifs et toujours actualisés, écrit-il,
méritent le nom de sème, il faut bien convenir que certains dits ordinairement
connotatifs sont bel et bien des sèmes"(Ibid. : 42). Le trait / vulgarité/ dans bagnole ou
flic lui sert d'illustration. Ce trait est, d'une part, toujours actualisé et prend une valeur
distinctive par rapport à des lexies comme voiture ou policier. Donc, il ne considère
pas de tels traits, comme virtuels et leur réserve le statut de « sème générique d'une
grande généralité ».

183
En plus, si une partie de ces traits est bien des composants virtuels, susceptibles d'être
parfois actualisés, rien ne permet par contre d'affirmer qu'ils n'ont pas de valeur
distinctive puisque" même des traits virtuels dont la réalisation est purement
facultative peuvent jouer un rôle distinctif dans certains contextes" (Ibidem.).

Enfin, si l'on considère qu'"une prédication universelle sera vraie en tout contexte
linguistique ou pragmatique" (Ibid. : 43), il faudrait alors conclure que les traits
distinctifs ne font pas partie du sémème dans la mesure où ils ne sont pas
véritablement universels, ce qui ne nuirait pas seulement à l'appréhension du sens d'un
item lexical (qu'en reste-t-il dans ce cas de la signification ?) mais surtout qui est
invalidé par les tests expérimentaux menés par J.-C Kratz dans un groupe culturel
homogène et qui montrent qu'aucun trait distinctif ne jouit de l'unanime accord des
locuteurs 86.

Rastier conclut que "les traits universels et non universels ne sont donc en fait,
respectivement, que des traits généralement attestés et des traits parfois attestés"
(Ibidem.). Il propose pour les premiers la dénomination de "sèmes inhérents" et pour
les seconds, "sèmes afférents" socialement codés ou textuels.

En somme, mis à part la position de Kleiber, nous pouvons distinguer deux


grandes tendances dans le traitement de ce domaine du sens : une tendance
fonctionnant sur le mode définitoire de "tout ce qui n'est pas", de "ce qui vient se
greffer… s'ajouter à…" que représente essentiellement mais non exclusivement
l'approche sémasiologique et une tendance manifestant un effort de reclassification et
qui correspond globalement à l'approche onomasiologique. Nous analyserons les
implications de ces deux perspectives pour en montrer les limites et justifier la
nécessité d'une approche sémantique en termes de stéréotype.

Dans la première optique, on assiste à un éclatement du contenu définitoire de


la notion de connotation. Au-delà des effets intonatifs et phrastiques cités dans Dubois
et al. (1994-2001), ce domaine du sens s'ouvre sur les faits linguistiques les plus divers
: données encyclopédiques non typiques, connotations culturelles, traits stéréotypiques

86
Cette critique est affaiblie par le point de vue de Rastier, présenté ailleurs (1991 :193), qui ne retient pas la
méthode expérimentale comme un outil d'analyse linguistique.

184
généralement vérifiés, valeurs relatives aux registres de langue et effets textuels
résultant d'une compétence discursive idiolectale.

Trois conséquences découlent de cette manière de voir :

1- le terme "connotation" s'étend pour couvrir non seulement des éléments signifiants
du sens lexical relevant de l'a priori mais également des effets textuels et
pragmatiques. En outre, le recours à des expressions descriptives de la sorte
"s'ajouter", "se greffer"…, s'inscrit dans le cadre de cette ouverture sur le discours, sur
la référence actuelle des mots dans le contexte.

La nature seconde de ces éléments signifiants se définissant par rapport à un concept


stable et autonome est instituée généralement par la contingence et par la manifestation
discursive des "particularités occasionnelles du référent" (Picoche) plutôt que par une
relation sémantique préconstruite et stable. La gradation du plus ou moins
conventionnel à l'individuel est une autre preuve de ce caractère mixte de la
connotation. La position de Hjelmslev est dans ce sens extrême puisqu'il exclut la
connotation du champ linguistique tout entier et non seulement du sens lexical.

2- Cette disparité du contenu a conduit à une imprécision sur le plan


terminologique. Dubois et al. parlent de "matériau linguistique" ; Baylon et Mignot de
"ce qui n'est pas propriété objective…" ; Jacqueline Picoche trouve la solution dans la
distinction tripartite entre sème (relevant de la valeur), virtuème (relevant de la
signification) et connotation (relevant des valeurs stylistiques). Cette dernière
distinction s’avère peu pertinence, si l’on prend en compte que "valeur" ne peut être
opposée à "signification" parce qu'elles ne relèvent pas de la même optique d'analyse.

Une théorie qui se fonde sur la présupposition de la valeur distinctive des mots dans un
système fonctionnel ne prévoit pas un tel statut pour une telle part de la sémantique,
rien n'empêche d'intégrer la notion de sème dans l'analyse de la signification.

3- Les contenus exprimés par la connotation n'ont pas le même statut. Certains
sont des contenus sémantiques pleins et autonomes susceptibles de jouer un rôle
référentiel dans le discours comme le montrent ces deux exemples où le rusé peut
fonctionner comme anaphorique lexical de renard mais non d'un autre animal :

185
(106)- Un renard a l'habitude de venir se nourrir de mes poules. Je lui ai tendu un
piège mais, à chaque fois, il sait s'en tirer, le malin / le rusé !

(107)- Un chien errant a l'habitude de venir se nourrir de mes poules. Je lui ai tendu
un piège mais chaque fois, il sait s'en tirer ? Le rusé ! le diable !

D'autres, par contre, ne dépassent pas la simple valeur ou charge qu'elle soit
d'ordre affectif, péjoratif, mélioratif ou autre comme le trait "familier" pour bagnole.

Dans la deuxième optique, notamment avec Pottier, et au-delà de la


correspondance entre "connotation" et "virtuème", ce domaine du sens se trouve
restreint au trait latent dans la mémoire associative des locuteurs. Il y a donc
reconnaissance d'une relation lexicale préconstruite entre la lexie et ces traits non
nécessaires et simplement disponibles. Les valeurs stylistiques et les effets contextuels,
et les charges péjoratives ou mélioratives ne sont donc pas pris en compte ou sont
considérés, chez Rastier par exemple, comme faisant partie du classème (le cas du
trait) vulgarité / dans bagnole et flic mentionné ci-haut). Il est clair que la notion de
virtuème, telle qu'elle est définie par Pottier, ouvre la voie à la description linguistique
de cette part du sens considéré ailleurs comme n'étant pas logiquement classifiable ou
comme une valeur ajoutée de nature imprécise. Cependant, elle ne paraît pas
totalement satisfaisante parce qu'elle semble être trop restrictive à deux égards :

1- L'idée que le trait virtuel existe d'une manière latente et qu’il n'est actualisé
qu'occasionnellement, ne permet pas d'expliquer certaines extensions polysémiques
s'établissant à partir de traits latents dans la signification primaire. Aux deux
acceptions de coq définies ainsi par Le Petit Robert :

Coq : 1 "Oiseau de basse-cour, mâle de la poule"

2 "Homme qui séduit ou prétend séduire les femmes par son apparence
avantageuse".

pourraient correspondre les deux énoncés suivants :

(108)- Étalant ses plumes et dressant sa crête, le coq semble dominer les
poules de la basse cour.

(109)- Paul est le coq du village. Les plus belles filles rêvent de sa compagnie.

186
Pour coq, ce qui est latent au niveau lexical et actualisé par le contexte (108), devient
dans (109) l'essentiel de la signification après la neutralisation de tous les traits
renvoyant à "coq-animal" (cf. infra., le rapport de la stéréotypie au sens figuré). La
notion de virtuème susceptible d'être parfois actualisée ne permet pas de décrire cette
dimension de toute évidence linguistique.

Par ailleurs, cette approche ne permet pas non plus de rendre compte de certains
items morphologiquement dérivant d'autres entités lexicales mais dont le contenu
sémantique définitoire a comme source le trait initialement virtuel ou latent dans l'item
d'origine. Ainsi en est-il par exemple de l'adjectif mâlement défini par le TLF comme :

- Mâlement, adv. « D'une manière énergique et vigoureuse »

et dont le contenu se trouve latent dans le sens primaire de mâle :

(110)- Le visage de Raoul était mâle et dur. (LE PORTULAN Heureux les
pacifiques, 1947 : 24)

2- Deux visions découlant de perspectives différentes concurrencent la


délimitation du sens. La première de visée référentialiste s'intéresse à la description
des traits sémantiques en rapport avec les qualités objectives ou représentatives du
référent. Dans son cadre, on distingue les propriétés universelles des propriétés non
universelles. La seconde de visée, plutôt strictement structuraliste, s'intéresse à la
description des traits définitoires en rapport avec la fonctionnalité des items dans le
système de la langue. Elle donne lieu aux notions de "sème" vs "virtuème" (Pottier) et,
dans une perspective plus contextualiste, à la distinction entre "sème inhérent" vs
"sème afférent" (chez Rastier). La combinaison des deux visées est cependant présente
en linguistique notamment chez Robert Martin.

La notion de "virtuème" est en outre restrictive, si l’on considère le problème de la


concordance entre les deux niveaux d'analyse. Théoriquement, au niveau lexical, on
peut envisager les quatre cas suivants :
a) propriétés universelles distinctives (ou définitoires)
b) propriétés universelles non distinctives
c) propriétés non universelles distinctives
d) propriétés non universelles non distinctives

187
Dans les théories linguistiques, l'on assiste essentiellement à deux tendances
apparemment opposées :

- La pertinence linguistique est définie par rapport à l'universalité (seuls les


traits universels peuvent être distinctifs). Le virtuème se trouve donc exclu du
contenu sémique discriminatoire.

- L'opposition entre traits universels et traits non universels est banalisée sans
pour autant que la valeur distinctive des dits « virtuèmes » soit reconnue.

La première approche est celle de R. Martin qui regroupe (a) et (b) sous une
même notion: « le composant 87 » qui « se définit par la notion de prédication
universelle. On dira d'une prédication qu'elle est universelle :

- Si elle est vraie pour  x  X, où X est la classe des denotata dans une définition
extensionnelle de l'unité considérée.

- Si elle est vraie pour tout locuteur compétent du langage auquel cette unité
appartient. Soit:

┤ ( Loc.,  x  X), P(x)  P est un composant de x (1976, 139).

Toutefois, il considère (a), les sèmes, comme un type particulier de composants. Pour
(c), Martin parle plutôt de « virtuème socialisé » et de « virtuème plus ou moins
socialisé ». Le premier correspond à une prédication seulement possible mais valide
aux yeux de tout locuteur :

( Loc ( x(P(x)) ou ( P(x)).

Cependant, si « le virtuème socialisé appartient au contenu dénotatif du vocable », il


n’est pas à confondre avec le sème ; autrement dit, il ne peut être distinctif.

Le sème correspond à une « prédication nécessaire ou possible pour certains seulement


des locuteurs » (Ibidem.) :

 Loc ( {}x, P(x)) ou  ( { , } P(x)).

87
L’existence de composants non distinctifs (obligatoires mais ne jouent pas un rôle distinctif dans le système
fonctionnel de la langue) est discutée dans Rastier (1996 : 41). Rastier voit que les traits jugés comme tels par
Martin (ex. mansarde) ne sont pas vraiment obligatoires et donc ne peuvent être tenus pour des composants.

188
En somme la pertinence de (c) n’est pas reconnue par Martin, contrairement à Pottier
qui parle de « sème connotatif » (Ibid. : 139-140). Si les lexicographes puisent leurs
textes de définitions dans les composants (a et b), le recours aux propriétés non
universelles ne vise qu’une « représentation effective de l’objet défini ».

Quant aux propriétés exprimées en d), leur intérêt ne peut être que contextuel.

On en conclut que, selon Martin, seuls les traits universels peuvent être distinctifs. Or
une telle vision ne distingue pas les deux plans cités ci-dessus : celui de la définition
extensionnelle centrée sur les qualités objectives de l’objet et la définition
« intensionnelle », « fonctionnelle », envisagée dans le cadre des oppositions entre les
signes dans le système de la langue.

A notre sens, il n’y a pas de correspondance stricte entre les deux niveaux.
Autrement dit, un trait universel typique au niveau extensionnel est nécessairement un
trait distinctif au niveau du système fonctionnel de la langue. Le contraire n’est pas
toujours vrai et la relation entre les deux niveaux n’est pas réciproque. Nous avons
dans les noms d’artefacts, définis souvent selon leur fonctionnalité, et où il est difficile
de trouver des traits universels typiques pour chaque objet, des exemples où le trait
stéréotypique non universel joue un double rôle : du côté de l’extension, l’ensemble de
ces traits permet la reconnaissance, la distinction de l’objet (ce que Martin appelle la
représentation effective) ; du côté du concept, il permet de discriminer deux unités de
sens proches. A titre d’exemple, Le Petit Robert définit ainsi mallette et attaché-
case :

Mallette : « Petite valise, généralement rectangulaire et rigide utilisée pour transporter


un nécessaire de voyage ou de travail »

Attaché-case : « Mallette rectangulaire, plate et rigide qui sert de porte-documents ».

Sous les deux entrées, on trouve parmi les exemples mallette de représentant et un
représentant avec son attaché-case. Les traits / utilisée pour transporter / et / qui sert
de porte-documents / sont les seuls traits qui permettent de distinguer les deux unités.
Or, ces traits ne sont nullement universels et rien n’empêche, au niveau de l’extension,
chacun de ces deux objets de servir pour l’un ou l’autre des deux usages mentionnés.

189
La seconde approche est celle de F. Rastier qui distingue :

- les sèmes inhérents parfois virtualisés contextuellement

- les sèmes afférents parfois actualisés contextuellement

Dans cette optique, l'opposition entre traits universels et non universels se réduit à
l'opposition entre "traits généralement attestés et traits parfois attestés". Cette
relativisation est lourde de conséquences parce qu'en définitive, elle vise à évacuer de
la langue tout lien avec le monde extralinguistique. Elle mérite donc d'être analysée de
plus près.

Nous avons vu ci-haut que Rastier met en doute l'universalité des traits
distinctifs dans la langue en recourant aux résultats de l'expérience de Kratz alors qu'il
nie la validité de cette méthode dans sa critique de la théorie du prototype ; "les mots
isolés, écrit-il, n'appartiennent pas à l'objet empirique de la linguistique" (1991 : 276).

Voyons maintenant comment il invalide cette thèse dans le discours. Rastier présente
deux arguments :

-"Des traits jugés non distinctifs parce que non universels en compétence peuvent se
révéler universels dans un corpus donné : si /en bois/ et / métallique / sont des traits virtuels
pour "armoire", on ne s'étonnera pas que dans Eugénie Grandet toutes les occurrences de
"armoire" réalise le trait /en bois /" (1996 : 43).

Cet argument repose sur deux ambiguïtés : "la notion d' « universel » laisse entendre
une confusion avec celle de « pertinent » et la notion de "contexte" se confond avec
celle de "corpus". Nous avons vu que R. Martin définit les propriétés universelles à un
niveau lexical comme étant "les propriétés satisfaites par tous les objets dénommés"
(1983 : 70). Autrement dit, l'universalité d'un trait est descriptible avant tout à un
niveau catégoriel.

Pour Rastier, « une prédication universelle sera vraie en tout contexte


linguistique ou pragmatique ». Dans l'argument en cause, l’œuvre de Balzac dans
laquelle armoire apparaît avec le trait / en bois / est considérée comme équivalente à
tout contexte. Si on se fie à cette dernière définition de l'universel, un trait serait dit
universel s'il garde ses propriétés dans tous les univers de discours où il apparaît. De

190
ce point de vue, l’œuvre de Balzac n’équivaut pas à tous les contextes ; il s'agit d'un
corpus limité aussi long qu'il soit (Rastier a bien fait de mentionner le mot corpus).
Greimas et Cortès (2001 : 66-67) définissent le contexte comme "l'ensemble du texte
qui précède et / ou qui accompagne l'unité syntagmatique considérée et dont dépend la
signification". Ils mentionnent toutefois sous l'entrée texte que ce terme "est parfois
employé au sens restrictif lorsque la nature de l'objet choisi (oeuvre d'un écrivain,
ensemble de documents connus ou témoignages recueillis) lui imposent des limites :
dans ce sens, texte devient synonyme de corpus" (Ibid. : 390). Il en résulte que
l'actualisation d'un sème afférent ou virtuel dans un texte donné (corpus) ne lui confère
pas ce statut de trait universel.

-"A l'inverse, même des traits jugés universels et donc définitoires peuvent être
neutralisés en contexte : si / reliant la tête au tronc / est un composant distinctif de "cou", il est
regrettablement neutralisé dans le syntagme "cou coupé" (1996 : 43).

A notre sens, dans le syntagme "cou coupé", le classifieur adjectival exprimée par
"coupé" ne modifie nullement le contenu sémantique de "cou". Il nous paraît non
fondé de considérer que l'opposition entre "coupé" et "reliant" fonctionne comme une
neutralisation de la première par la seconde. La preuve, c'est que, si l'on concède avec
Rastier qu'il y a neutralisation, le syntagme "cou coupé" serait synonyme de "partie
coupée" (partie est l'élément qui devrait en principe précéder "reliant la tête au tronc").
« Cou coupé » présuppose déjà qu'il y a un cou, c'est-à-dire, "partie reliant…" comme
le montre la paraphrase métalinguistique suivante du syntagme en cause :

(136)- La partie reliant la tête au tronc / (le cou) est coupé(e)

Le lien entre l'universalité des propriétés définitoires et la distinctivité au niveau


fonctionnel ne veut pas dire que seuls les sèmes (au sens de Pottier) sont capables de
définir.

Si c'était le cas, "l'analycité serait strictement déterminable" comme le constate Martin


(1983 : 52). De fait, on comprend l'intérêt du maintien de l'opposition entre prédication
universelle et prédication non universelle : c'est seulement dans cette perspective qu'on
peut expliquer comment des traits non distinctifs deviennent définitoires. R. Martin

191
(1983 : 07) donne une illustration à travers les définitions de l'item tournevis
respectivement par le DFC et Le Petit Robert :

-"outil pour serrer, desserrer les vis"

-"outil pour tourner les vis, fait d'une tige d'acier emmanchée à une extrémité,
et aplatie à l'autre afin de pénétrer dans la fente d'une tête de vis".

Martin remarque que "la définition du DFC ne permet pas, sans aucune expérience de
l'outil en cause, de reconnaître parmi l'ensemble des outils, les objets dénommés
tournevis". En outre, ces traits stéréotypiques ne sont pas discriminatoires puisqu'il
n'existe pas d’objets qui seraient "des outils pour tourner les vis" mais qui ne seraient
pas faits" d'une tige d'acier emmanchée à une extrémité et aplatis à l'autre" (Ibidem.).

Il considère que ces traits sont "des propriétés universelles jugées suffisantes pour
susciter de l'objet une représentation". Nous n’adhérons pas tout à fait à ce point de
vue parce qu’un tournevis qui a perdu sa manche ou dont la tige n'est pas en acier n'en
demeure pas moins tournevis et parce que l'autre extrémité n'est pas dans la réalité,
toujours aplatie. En fait, la forme de l'extrémité dépend de la tête de la vis à laquelle
elle est destinée (par exemple un certain tournevis dit "américain" a son extrémité en
forme d'étoile). Il s'agit, en fait, de traits non universels mais qui deviennent par
idéalisation définitoires. Ils correspondent à une certaine image prototypique du
tournevis dont ils sont les composants stéréotypiques.

Pour montrer le caractère non universel de tels éléments, nous avançons deux
exemples :

- bidon : "Récipient portatif pour les liquides, généralement de métal, et que l'on peut
fermer avec un bouchon ou un couvercle" PR.

A part le sème générique "récipient", aucun trait n'est à proprement parler universel
qui est satisfait par tous les objets dénommés « bidon ». Un bidon sert bien dans la
réalité à porter des liquides mais également de la poudre ou tout autre matière ; il peut
être en métal, plastique etc., il peut ne pas être fermé du tout.

- eau : "liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu'il est pur"(PR)

192
Tous les traits de la définition sont vus dans une condition idéalisée qui ne correspond
pas, dans la nature, à toutes les substances qu'on appelle eau.

Il en découle que la notion de virtuème ne rend pas compte de ces traits qui,
tout en étant de la même nature que le virtuème (non universel, conventionnel,
typique), joue des rôles différents dans la signification. Les envisager sous le seul
angle de la contingence discursive conduit à laisser dans l'ombre des mécanismes
essentiels de la genèse du sens.

3- Les sèmes afférents

Il convient avant d'entamer les problèmes que pose la notion de « sème


afférent » dans Sémantique Interprétative (SI) de F. Rastier, de passer en revue les
notions élémentaires par rapport auxquelles est défini ce type de sème tout en mettant
l'accent sur la circularité définitoire qui caractérise ces notions. Rastier définit « trois
instances immanentes de codification » : le système fonctionnel de la langue, la norme
et l'usage. En microsémantique, le rapport entre système, norme et usage est traduit par
le rapport entre sèmes inhérents et sèmes afférents : "les sèmes inhérents, écrit-il,
relèvent du système fonctionnel de la langue, et les sèmes afférents, d'autres types de
codification : normes socialisées, voire idiolectales" (1996 : 44).

Notons, à la suite Samir Badr (1999 : 12) que cette définition de l'inhérence par
rapport au système fonctionnel et de l'afférence par ce qui ne l'est pas, est tout à fait
circulaire.

Rastier présente une deuxième définition pour chacune de ces notions :

"le sème inhérent est une relation entre sèmes au sein du même taxème"
"Le sème afférent est une relation d'un sémème avec un autre sémème qui
n'appartient pas à son ensemble strict de définition : c'est donc une fonction d'un
ensemble de sémèmes vers un autre" (ibid. : 46).

Les deux définitions font donc appel à la notion de taxème défini, lui, comme
"l'ensemble de rang inférieur [par rapport à une classe de sémèmes]. Les sèmes
spécifiques sont définis à l'intérieur du taxème, ainsi que certains sèmes génériques de
faible généralité" (Ibid. : 49).

193
Encore une fois, le taxème est défini par rapport au sème spécifique et au sème
générique. Samir Badr observe que, dans ce cas, "la distinction inhérent vs afférent est,
par conséquent tributaire, notamment à travers une sous-catégorie, de la définition des
sèmes appartenant à une autre catégorisation, celle qui distingue les sèmes spécifiques
des sèmes génériques" (1999 : 16).

Or, ces deux dernières notions sont définies, respectivement, par rapport au
sémantème et au classème :

"sème spécifique : élément du sémantème opposant le sémème à un ou plusieurs


sémèmes du taxème auquel il appartient"
"sème générique : éléments du classème, marquant l'appartenance du sémème à
une classe sémantique" (glossaire, 1996 : 277).
Le sémantème et le classème sont définis inversement par rapport au sème
spécifique pour le premier et au sème générique pour le second :
"sémantème : ensemble de sèmes spécifiques d'un sémème" (ibidem.)
"classème : ensemble des sèmes génériques d'un sémème" (Ibid. : 275).

Nous nous proposons de décrire les difficultés internes de cette théorie en


traitant ces trois aspects :

- la distinction entre sème inhérent et sème afférent et par-là, entre


la fonctionnalité et la normativité ;

- la distinction entre les sèmes afférents socialement codés et les


sèmes afférents contextuels ;

- les implications théoriques de l'inhérence et de l'afférence.

3-1 Sèmes inhérents vs sèmes afférents

"Les concepts de langue comme institution sociale et comme système


fonctionnel ne peuvent être considérés coexistifs, parce que dans chaque langue il y a
des aspects systématiques et interindividuels, normaux dans la communauté
considérée, c'est-à-dire "institutionnels", et qui, cependant, ne sont pas fonctionnels,
n'appartiennent donc pas au système idéal des différences et d'oppositions

194
significatives de la langue elle-même" (Coseriu 1969 : 241, cité par Rastier, 1996 :
39).

Si l'on se réfère à cette citation de Coseriu, « pénétrante » selon les termes de


Rastier, la différence entre la fonctionnalité et la normativité réside dans les
différences et les oppositions significatives par lesquelles les faits relevant d'une
norme sociale ne sont pas réglés. Autrement dit, au niveau microsémantique la
distinctivité (ou la pertinence) est le critère qui permet de distinguer ce qui est
fonctionnel de ce qui est normal (les sèmes afférents).

Rastier laisse comprendre une telle position lorsqu'il affirme l'existence de


deux types de pertinence : le premier, relatif au système fonctionnel de la langue,
est dû à l’application de l’opposition pertinent / non pertinent aux sèmes et
détermine l'opposition inhérent/afférent ; le second, résultant de l’application de la
même opposition au contexte, détermine l'opposition actualisé / virtualisé (1996 : 81).
Autrement dit, parler de deux types de pertinence suppose que la distinctivité en
langue diffère de la distinctivité en contexte et que les deux types ne peuvent être
confondus.

Une telle vision est appuyée dans SI de deux autres affirmations :

- "le problème de traits non pertinents obligatoires n'est sans doute qu'un
artefact de la réflexion lexicographique" (Ibid. : 41). Au niveau du système de la
langue, le trait non pertinent obligatoire chez Martin rejeté par Rastier ne peut
relever que des traits socialement codés ou des traits encyclopédiques.

- "Même des traits virtuels dont la réalisation est purement facultative peuvent
jouer un rôle distinctif dans certains contextes" (Ibid. : 42). Il est clair qu'il s'agit ici
du deuxième type d’opposition liée au contexte.

Dans l’analyse de Rastier, le critère contextuel l’emporte sur celui relevant du


système fonctionnel de la langue (Ibid. : 82).

Cependant, d'autres affirmations et surtout des applications mettant en doute


l'opérationnalité du critère de la distinctivité au niveau de la langue, relativiserait
cette vision.

195
Une première brèche vient de la distinction qu'établit Rastier entre deux
sortes de traits et surtout dans la terminologie qu'il retient. En effet, nous trouvons à
la page 44 de SI le tableau suivant ainsi commenté :

« A B

"dénotatifs" "connotatifs"

distinctifs "non distinctifs"

définitoires non définitoires

"universels" "non universels"

N.B : Nous ne reprenons pas à notre compte les dénominations et qualifications


entre guillemets ».

Parmi les qualifications non retenues par Rastier figure "non distinctifs" pour les
traits en B (qui seront par la suite nommés "sèmes afférents") ; seule la
qualification "non définitoires" leur convient dans sa terminologie.

Avant d'expliquer pourquoi il leur refuse ce critère, nous commentons de


commenter cette classification. Deux faits sont à signaler :

- Considérer que les traits fonctionnels sont distinctifs et refuser le caractère


"non distinctif" pour les traits normatifs revient à dire que ces derniers peuvent être
distinctifs. Autrement, dans ce cas, ils devaient faire partie du système fonctionnel
de la langue (ce que Rastier rejette).

On peut penser qu'il s'agit d'une simple confusion des deux niveaux de pertinence cités
puisque, effectivement, ces traits peuvent être distinctifs en contexte. Mais, il n'en est
rien car les traits fonctionnels peuvent également être non distinctifs en contexte (Nous
verrons qu'il ne s'agit pas d'une simple confusion).

- Considérer que les traits en A sont définitoires parce que justement distinctifs
et les traits en B non définitoires et parfois distinctifs comme le laisse entendre la
terminologie retenue par Rastier conduit à un dilemme qui ne peut être résolu qu'en

196
identifiant un autre critère que celui de la pertinence pour distinguer ce qui est
définitoire de ce qui ne l'est pas.

La deuxième brèche vient des types de systématicité liés aux instances


immanentes de codification. Nous reproduisons ici le tableau figurant à la page 40 de
SI :

"

Instances immanentes de codification Phénomène


manifesté

1. système fonctionnel 2. Norme 3. Usage Texte

"Dialecte" sociolecte Idiolecte

Nous nous intéressons exclusivement à la colonne gauche.

Le type de systématicité lié à la norme et donnant lieu aux sèmes afférents est le
sociolecte défini dans le glossaire de la SI (277) comme l'"usage d'une langue
fonctionnelle, propre à un groupe social déterminé". Ceci laisse à penser, logiquement,
que les traits faisant l'unanimité des locuteurs d'une langue doivent faire partie du
système fonctionnel de la langue dans la mesure où ils ne sont pas exclusifs à un
groupe social particulier.

Or, examinons l'exemple suivant commenté par Rastier :

« Le Petit Larousse définit ainsi caviar : «oeufs d'esturgeon salés ».


Ce type de définition nous paraît insuffisant car le trait / luxueux / devrait y
figurer […] Si nous tenons compte de la compétence réelle de la population
questionnée, le trait / luxueux / devrait figurer dans la définition. Pourtant, /
luxueux / est un trait afférent » (Ibid. : 63).

Ici, les traits / luxueux / tout comme / salé / sont partagés par l'ensemble des
locuteurs 88. Ils ne relèvent donc pas d'une norme sociolectale telle qu'elle est définie.

88
Rastier fonde son argumentation sur une expérience menée dans un groupe de collégiens et où le trait
/luxueux/ obtient à une fréquence élevée (22/27/).

197
Pourtant, Rastier assigne à ce trait le statut d' « afférent ». Plus encore, si l’on exclut
ces deux sèmes "afférents" (/salé/ et / luxueux/), il ne reste dans la définition de caviar
que "oeufs d'esturgeon" qui, seul, n'est pas distinctif parce qu'il existe un syntagme tel
que "oeuf d'esturgeon" référant à l’œuf biologique servant de matière première dans la
préparation du caviar alimentaire. Certes, il n'y a pas d'unité simple dénommant un
oeuf d'esturgeon mais quand on sait que pour Rastier "rien ne peut être représenté en
langue qui n'ait auparavant été décrit en contexte" et que "la compétence linguistique
est une évidence empirique" (Ibid. : 62) on comprend pourquoi ce sème devrait être
considéré comme distinctif en langue puisqu'il l'est en contexte où peut figurer le
syntagme "oeuf d'esturgeon" renvoyant à oeuf biologique.

Donc, / luxueux / et / salé / sont bien des sèmes distinctifs (définitoires) si l'on tient
compte de cette vision de Rastier et, par conséquent, ils ne doivent pas être considérés
comme des sèmes afférents.

Rastier critique « la conception ordinaire de la compétence idéalisée » qui bannit de la


définition un trait tel que /luxueux/ considéré comme une simple connotation ayant
une valeur symbolique et associative pour ne retenir que les traits « dénotatifs » et
référentiels (Ibid. : 64). Il reste à juger, à la lumière de ce qui précède, si Rastier s'en
est distancé vraiment.

En fait, si SI assigne aux traits tels que /luxueux / et / salé / le statut "de sèmes
inhérents", le fondement de l'opposition entre inhérence et afférence s'écroule. La
raison en est que l'opposition entre la langue comme système fonctionnel et la langue
comme institution sociale ne serait plus pertinente et qu’il faudrait également
envisager à l'intérieur des traits relevant d'une codification sociale ceux qui seraient
pertinents en langue (inhérents) et ceux qui ne le seraient pas. Dans un tel cas, la
définition des sèmes afférents par le fait qu'ils relèvent d'autres codifications, à savoir
les normes socialisées, ne serait plus valide. De même, le résultat sur lequel
débouchent ses critiques de l'universalité (et à travers elle, la visée référentielle)
manquerait de pertinence.

En effet, le constat que "les traits universels et non universels ne sont


respectivement que des traits généralement attestés et des traits parfois attestés" est

198
tout à fait contradictoire avec l'hypothèse selon laquelle des traits comme / luxueux /
pourraient être considérés comme des sèmes inhérents parce que nous aurions dans ce
cas des traits non universels mais généralement attestés.

3-2 Les sèmes afférents socialement codés et les sèmes afférents contextuels

La distinction ente « sèmes afférents relevant des normes socialisées » et les


« sèmes afférents contextuels » ou relevant d'une norme idiolectale ne dispose dans la
théorie de Rastier d'aucun moyen permettant de la mettre en évidence. L'auteur de la
SI, voit dans "le texte le palier primordial" tant que la linguistique n'a pas seulement
pour objet la génération de textes mais aussi leur interprétation. Cependant, il ne
fournit pas d'outils permettant d'expliquer le fonctionnement discursif de ces deux
sous-ensembles de sèmes afférents.

Selon Rastier (1996 : 81), "on dira qu'un trait est actualisé quand la compétence
interprétative reconnaît sa pertinence ; or sa pertinence peut dépendre de sa
récurrence"

Ainsi, dans cette phrase de Zola :

(111)- Guillaume était la femme dans le ménage, l'être faible qui obéit, qui subit les
influences de chair et d'esprit (Madeleine Férat, 287 citée par Rastier : 80-81).

"Le trait / faiblesse /, afférent à femme, est actualisé parce qu'il est aussi actualisé,
mais en qualité de trait inhérent, dans le sémantème de faible".

Le même mécanisme de récurrence sert également à identifier les sèmes


relevant d'un usage idiolectal. En effet, on peut lire dans SI (en note, page 74) que ces
sèmes "sont dits contextuels non point parce qu'ils s'ajoutent en contexte à un
sémantème mais parce qu'ils sont récurrents dans des sémèmes appartenant au même
contexte".

On pourrait objecter que cette distinction serait sans intérêt du moment où les
deux types jouent le même rôle dans le fonctionnement discursif. Or, tel n'est pas le
cas. Les sèmes relevant d'une norme sociale jouissent d'une certaine conventionnalité
et leur fonctionnement en contexte présuppose cet a priori conventionnel. Par contre,

199
les traits strictement contextuels ne peuvent compter que sur la relation syntagmatique
des mots en contexte et nécessitent de ce fait une justification.

Dans la phrase de Zola, la faiblesse liée à femme est interprétée comme le seul
produit de l'énoncé à travers la récurrence du sème / faiblesse / dans faible et de son
para-synonyme / soumission / dans obéit et subit. Or, dans ce cas, il ne s'agit pas, à
proprement parler, de justification mais de sélection (qui exige une existence préalable
du fait sélectionné) dans la mesure où le seul énoncé :

(112)- Guillaume est la femme au ménage

déclenche un faisceau de stéréotypes liés à femme. Le contexte sélectionne le trait qui


lui convient :

(113)- Guillaume est la femme au ménage. Il fait à lui seul tous les travaux de la
maison/ Il s'occupe tout le temps des enfants/ C'est lui qui cuisine, etc.

Ce type de traits peut être mis en évidence par le test de mais :

(114)- Guillaume est marié / a une femme mais, c'est lui qui fait les travaux de ménage
etc.

Dans les phrases génériques telles que :

(115)- L'oiseau vole

(116)- La femme est un être faible

Les traits / voler / et / faiblesse / explicités ne faussent pas le sens et ne comptent que
sur leurs relations avec leurs concepts respectifs sans nul besoin d'être justifiés.

Par contre, des appréciations idiolectales telles que :

(117)- Cet oiseau est drôle

(118)- Cette femme est stupide

nécessitent une explication.

Les sèmes contextuels, du fait qu'ils ne sont pas de la même nature que les traits
stéréotypiques, ne peuvent pas se dispenser de justifications en contexte, n'acceptent
pas le test de mais et ne peuvent pas donner lieu à des phrases génériques :

(119)- * L'oiseau est drôle

200
(120)- * La femme est stupide

3-3- Quelques implications théoriques de l'inhérence et de l'afférence

Nous présentons ici trois types d'incompatibilité entre, respectivement, les deux
définitions du sème afférent, entre celui-ci et le sème spécifique et enfin entre la
conception des sens polysémiques fondée sur la nature des sèmes.

Nous nous appuyons pour les deux premières questions, sur la lecture critique
de Samir Badr (1999) avec qui nous ne partageons pas les conclusions tirées, et pour la
troisième, sur l'analyse des exemples commentés par Rastier pour illustrer sa
classification des extensions polysémiques.

Concernant l'incompatibilité entre les deux définitions de l'afférence (cf. supra),


Badr reprend l'exemple ci-dessous de Rastier :

Dans "Mon père, je suis femme et je sais ma faiblesse" (Corneille, Cinna, v, 2)

"Le sémème "femme" et le sémème "faiblesse" sont liés par une relation
d'afférence entre deux taxèmes présentés comme suit :

" taxème 1 taxème 2

S1 : "homme"

S2 : "femme"

S3 : "force"

S4 : "faiblesse"

L'interprétant de la relation S2  S4 est un axiome normatif, dépendant des normes


socialisées qui peut s'énoncer : la femme est un faible" (1996 : 47).

201
S. Badr constate que « les taxèmes dont dépendent les relations d'afférence
appartiennent au système fonctionnel de la langue. Sinon rien ne nous empêcherait de
construire[…] le schéma suivant :

taxème 1 taxème 2

êtres forts êtres faibles

S1 : "homme"

S2 : "loup"

S3 : "femme"

S4 : "agneau"

(99 : 20) »

Ce qui invaliderait la définition inter-taxématique de Rastier.

De ce fait, si la description des codifications sociales d’afférence n’est


envisageable qu’après avoir décrit le système fonctionnel de la langue, alors on peut en
déduire que la détermination des relations d’afférence présuppose la détermination des
relations d’inhérence (Ibidem.) ; ce qui n'est pas prédictible des premières définitions.

La deuxième définition de l'afférence laisse entendre qu"il n'y a pas de classes


spécifiquement afférentes, [donc], il ne saurait y avoir non plus de normes afférentes
puisqu'une norme est précisément dépendante de l'édification de classes spécifiques"
(Ibid. : 20-21).

La codification sociale pourrait être ainsi usurpée.

Concernant l'incompatibilité entre la définition intertaxématique de l'afférence


et la définition du sème spécifique, Badr mène une démonstration en deux étapes :

-La relation d'afférence s'institue entre deux taxèmes dont chacun est constitué
par un ensemble de sémèmes. Elle attribue le sème afférent au premier ensemble
comportant un sémème actualisé. « Le second ensemble de sémèmes sert à actualiser

202
dans l'analyse le taxème où ce sème spécifique à une relation d'opposition, c'est
l'unique fonction de cet ensemble. […] La langue étant considérée
métalinguistiquement de manière à ne contenir pour seul sème spécifique que le sème
afférent en question […]. L'établissement d'un taxème distinct de celui du sémème
examiné présuppose donc, dans une relation d'afférence, l'actualisation d'un sème en
tant que sème spécifique. Mais, en tant que sème afférent, ce même sème présuppose à
son tour ledit taxème » (Ibid. : 21-22).

De cette analyse découle une première règle non formulée dans SI :

Règle 1 : Dans une relation d'afférence, les sèmes spécifiques ont le statut de sémèmes
virtuels

Badr mène sa démonstration de la deuxième règle à partir des cas où l'analyse actualise
un sème afférent générique. L'exemple suivant de Rastier lui sert d'illustration :

"Le Canard Enchaîné du 30.11.1983 titrait : Le caviar et les arêtes. […] Des
inférences contextuelles et la connaissance de normes sociales permettent […] de construire
des sèmes afférents […] le sème générique afférent commun à "caviar" et "arêtes" peut être
dénommé / condition économique / ; le sème spécifique afférent à "caviar" / luxe/, et à
"arêtes/ misère/". (1996 : 53).

Badr constate que la relation d'afférence ne s'est pas établie de façon directe
entre les deux taxèmes que permettent de constituer les sèmes génériques inhérent et
afférent. Les sèmes spécifiques des sémèmes appartenant au taxème /condition
économique / sont également actualisés dans l'interprétation. C'est ainsi que caviar
actualise le sème spécifique / luxe / et arêtes le sème spécifique / misère / (1999 : 22).

Donc, la relation d'afférence générique ne se réalise que par l'actualisation du


sème spécifique, d'où la règle 2 :

Règle 2 : Dans une relation d'afférence, les sèmes spécifiques sont toujours actualisés

La conjonction des deux règles implique que les taxèmes analysés en fonction d'une
relation d'afférence présupposent l'actualisation des sèmes spécifiques afférents (Badr,
1999 : 23).

203
Si l'on se rappelle que le sème spécifique se fonde sur une relation opposant
deux termes voisins dans le même taxème et que ce type de sème présuppose le dit
taxème, la conclusion logique découlant de cette analyse contredit cette définition dans
la mesure où cette analyse envisage que le taxème présuppose le sème spécifique. "On
ne saurait donc prétendre sans contradiction définir le sème afférent par une relation
entre deux taxèmes si l'un de ces taxèmes présuppose que serait déjà analysé le sème
pour lequel la relation d'afférence est établie" (Ibidem.).

Enfin, la distinction entre les types de sème sous-tend également la conception


rastienne de l'extension polysémique, prévoyant trois types d'extension définis comme
suit :

-"les emplois diffèrent par au moins un sème afférent en contexte […]

- les acceptions diffèrent par au moins un sème socialement normé […]

- les sens diffèrent par au moins un sème inhérent […]" (Rastier, 1996 : 69).

Rastier affirme que cette conception diffère de celle proposée par R. Martin qui
distingue, lui, les acceptions résultant de l'effacement ou de l'addition de sèmes entre
deux sémèmes et le sens résultant de l'effacement et de l'addition de sèmes.

Ainsi, le sens tel qu'il est défini par Rastier correspond à une partie des extensions
polysémiques traitées par Martin comme acceptions. Par contre, les cas les plus
complexes constituant le sens chez Martin sont absents dans SI.

Nous nous contenterons ici de discuter la notion de « sens » chez Rastier pour
voir en quoi elle diffère de l'approche de Martin en termes d'acception.

Dans son illustration de ce type d'extension, Rastier présente une lecture critique de
deux mots polysémiques (blaireau et femme) analysés par Martin.

-"Le Petit Robert distingue pour blaireau :


S1 : "Mammifère carnivore […], bas sur pattes, plantigrade, de pelage clair sur le
dos, foncé sur le ventre, qui se creuse un terrier"

204
S2 : "Pinceau fait de poils de blaireau dont se servent les peintres, les doreurs
[…]"
Martin y voit deux acceptions en relation dite métonymique. Elle "consiste dans la
réapparition, sous forme de sème spécifique, de ∑1 (ie S1) dans ∑ 2 (ie. S2)" (Ibid. :
68).

Pour Rastier, ce n'est pas l'ensemble des sèmes de S1 (notamment les sèmes
génériques / Mammifère / et / carnivore/) qui réapparaît dans S2. Selon lui, seuls les
sèmes spécifiques / pelage/, /clair/ ou /foncé/ sont inhérents à S2. Des traits tels que
/plantigrade/ ou /bas sur pattes/ deviennent virtuels ; la virtualisation étant définie
dans le glossaire de SI comme étant "la neutralisation d'un sème en contexte" (278).

Si l'analyse de Rastier est juste alors le sémème de blaireau (pinceau) serait


quelque chose comme "pinceau de poils clairs ou foncés" puisque ce sont les traits
inhérents à "S2". Or, ces poils peuvent bien être ceux d'un chat ou d'un ours. Le fait de
conclure à l'afférence des autres sèmes signifie qu'ils ne jouent aucun rôle dans
l'interprétation en contexte. Mais, il nous semble que la présence de poils dans le
sémème associée à blaireau (qui fonctionne ici comme un contexte étroit) évoque
inévitablement l'origine de ces poils. Donc, les sèmes relatifs à "blaireau-animal" sont
actualisés dans le sème spécifique " poils de blaireau".
- "Pour femme, le DFC distingue :
S1 : "Personne de sexe féminin"
S2 : "personne de sexe féminin qui est ou a été mariée"
Martin y voit deux acceptions en relation dite « restriction de sens » (ibid. : 69) où
- "personne" est sème générique
- " de sexe féminin"  1er sème spécifique
- "qui est ou a été mariée"  2ème sème spécifique.
Rastier propose l'analyse suivante :

205
S1 : "personne"  Sgén1
" de sexe féminin"  S sp1
S2 : "personne"  Sgén1
"de sexe féminin"  Sgén2
"qui est ou a été mariée"  S sp2.

Il conclut que "ni le classème ni le sémantème de S1 et de S2 n'ont la même


composition. Le sème / féminin / générique dans S2 est spécifique dans S1, car S1 et
S2 n'appartiennent pas au même taxème de définition. S1 et S2 ont des sèmes
communs, mais n'ont pas le même statut relationnel. S1 et S2 sont donc des sens
différents de femme (et non des acceptions)" (Ibidem.).

Considérons l'énoncé suivant :

(121)- Elle est devenue femme maintenant mais elle n'est pas encore mariée 89

Deux faits sont à signaler :

1- femme correspond de toute évidence à "S1" (la définition du Petit


Robert ajoute le sème / maturité sexuelle / ; elle nous paraît plus pertinente que celle
proposée par le DFC parce qu’en langue, les sèmes / personne / et / sexe féminin / ne
permettent pas, à eux seuls, de distinguer « femme » de « fille » ou encore " enfant").

2- L'articulation avec mais montre que le sème / mariée / est latent dans
femme. Il en découle que le fait de considérer "S1" et "S2" comme deux sens de femme
ne rend pas compte du lien qui existe déjà dans "S1" si ce n'est que virtuellement.

Ainsi, il nous paraît plus commode de voir deux acceptions dans femme et de
considérer que ce qui est latent dans ∑1 devient définitoire (spécifique) dans ∑2.

On en conclut que la distinction entre l'inhérence et l'afférence, l'explication des faits


discursifs et lexicaux sur cette base et la séparation stricte de ce qui est fonctionnel et
de ce qui est normal ne rendent pas compte du rôle réel que jouent les stéréotypes tant
sur le plan lexical que sur le plan discursif.

89
Un autre exemple : Il y a deux femmes au foyer, son épouse et sa sœur qui n'est encore pas mariée.

206
De ce qui précède de l’étude des notions « partageant » avec le stéréotype le
même espace sémantique, nous retenons les éléments suivants :

1- Toutes les notions relatives à des horizons théoriques divers reconnaissent


l’existence d’une part du sens qui ne font pas partie du noyau sémantique « primaire »
qu’on qualifie, selon les optiques, d’ « interne », de « dénotatif », d’« universel » ou
d’« inhérent » ;

2- Cette part est de nature plus ou moins contingente et seconde ; elle est soit
externe, soit un ajout (connotation), soit non universelle (composant virtuel chez
Martin), soit latente et simplement disponible (virtuème de Pottier), soit afférente et
non distinctive (Rastier) ;

3- La plupart de ces théories rejettent le fondement référentiel du langage.


Cependant, une telle séparation est fortement colorée par une telle visée : le fait de ne
pas reconnaître à cette part du sens un rôle sémantique plein (à savoir d’être pertinent)
du fait que c’est un savoir « complémentaire », non universel, est une reconnaissance
implicite de la dimension référentielle de la langue.

Dès lors, il serait légitime de définir cette part du sens par rapport à cette
dimension pour en saisir l’économie dans la structuration de la signification lexicale.

207
Troisième chapitre- Stéréotype : statut, typologie et
économie dans la structuration du sens
Dans l'état actuel de la réflexion sur la stéréotypie, on assiste à une situation
paradoxale à double titre. Le terme est employé dans les usages les plus divers ; il
touche la description du sens des mots, des extensions du sens, du discours et des
séquences figées. Les études disponibles (notamment celle de Putnam, Fradin et
Anscombre) sont toutes relatives à des aspects linguistiques particuliers (termes
d’espèces naturelles, relation anaphorique, enchaînements argumentatifs). Les
définitions correspondantes ne font que généraliser des déductions locales qui ne
touchent pas la vraie étendue du phénomène. Ainsi, de "l'idée conventionnelle associée
à un terme" (Putnam) à "la suite de phrases ouvertes rattachées à un terme"
(Anscombre), la définition du stéréotype ne rend pas compte de cette profusion de
l'emploi. Par conséquent, ces approches, bien qu’elles rendent compte dans des
optiques différentes d’aspects fondamentaux de la stéréotypie, ignorent quand elles ne
renient pas le rôle structurant que joue ce phénomène au niveau du lexique.

Deux difficultés majeures entravent la saisie globale du phénomène


stéréotypique :

- la mise en œuvre de la notion de stéréotype dans l’analyse sémantique


confond souvent deux types de fait linguistique : certains concernent des
représentations doxales qui sont, chaque fois négociées et renégociées selon l’élasticité
du code, la subjectivité des locuteurs, leurs compétences linguistiques et selon les
paramètres du contexte énonciatif ; d’autres impliquent des représentations qui se
fixent dans le système de la langue, se rattachent aux mots et deviennent partie
inhérente de leurs significations. Cet emploi multiple de la notion est justifié par
l’intuition de typicité et de conventionnalité lié au terme.

- la variabilité du stéréotype est souvent derrière le sentiment de la non-


pertinence linguistique d’un tel trait ou encore de son appréhension comme un simple
effet de la catégorisation sémantique ayant ses origines ailleurs. Peut-on, dans ce cas,

208
ignorer ces sérieuses objections et continuer d’y voir un mécanisme sémantique
participant à la structuration du lexique ?

Une approche globale du sens devrait être en mesure de justifier ou de récuser


comment les représentations sociales qui se fixent d’une manière évidente dans les
séquences figées, le sont ou ne le sont pas dans la configuration sémantique des unités
monolexicales.

Toutefois, le problème ne nous semble pas exclusif aux données stéréotypiques. Les
données encyclopédiques ne sont pas non plus à l'abri d'une telle variabilité tant que
notre connaissance du monde n'est ni statique, ni définitive. De même, ces mêmes
données, pouvant donner lieu à une liste plus ou moins longue pour chaque item
lexical, n'ont pas toutes la même pertinence et donc, ne participent pas de manière
égale à la configuration du sens. Qu'est-ce que le stéréotype alors ?

A notre sens, le stéréotype est un trait sémantique :

1- Il est saillant, conventionnel, idéalisé et intersubjectivement stable ;

2- il présente toujours une certaine part d’arbitraire, d’écart entre la


signification d’un mot et la classe référentielle à laquelle il renvoie ;

3- il peut être définitoire ou latent, lexical ou discursif.

Le premier ensemble de propriétés (1 et 2) définit la nature du stéréotype ; le (3)


définit son économie dans le fonctionnement de la langue.

-1 Les propriétés du stéréotype

La typicité
La notion de typicité n'est pas moins confuse que celle du stéréotype. Tout
comme lui, elle donne lieu aux emplois les plus diverses. Cependant, la notion de
typicité fait l’unanimité en ce qu’elle est à la base de toute catégorisation. Car, dans un
sens, catégoriser, c'est sélectionner sur la base d'une pertinence quelconque et pour être
pertinent un trait ou une catégorie doit être représentatif à un égard ou à un autre et
donc typique. L'enjeu de la typicité est à situer alors par rapport à ces aspects variables
qui constituent les critères choisis dans une théorie ou dans une autre.

209
Au niveau sémantique, notre lecture a fait dégager deux conceptions différentes
de la typicité :

- La typicité chez R. Martin est de nature essentielle. Elle concerne un certain


type de propriétés universelles qui ont la caractéristique d'être "satisfaites seulement à
l'intérieur d'un genre prochain, par les objets en cause" (1991 : 156).

Ainsi, si les propriétés universelles sont "satisfaites par tous les objets dénommés,
seule une partie de ces propriétés est distinctive et permet de discriminer une catégorie
d'une telle autre qui peut partager avec elle des propriétés qui, tout en étant
universelles pour chacune des deux catégories, ne peuvent pas être distinctives et donc
ne sont pas typiques. Ainsi, pour la catégorie « oiseau », par exemple, la propriété
"avoir un bec" est typique dans la mesure où elle n'est pas seulement partagée par tous
les membres de la catégorie mais surtout est distinctive donc caractéristique de cette
catégorie. Par contre, la propriété, "être ovipare", bien que partagée par tous les
oiseaux n'est pas une propriété typique de la catégorie puisqu'elle est partagée avec
d'autres catégories telles que les serpents, …

- Chez les cognitivistes, la notion de typicité n’a pas cette nature essentielle. Elle est
liée à la notion de saillance, chose qui complique davantage sa définition précise.
Jacques Poitou (2000 : 22) définit la typicité "comme un cas particulier de la saillance
dans le cadre d'une catégorie donnée : l'élément A est plus typique que l'élément B
dans la catégorie C, si A est plus saillant que B par rapport à C. La saillance est ainsi
envisagée comme un facteur a priori indépendant de la catégorie qui correspond à une
association d'un objet avec un élément de son environnement, ou d'une propriété avec
des propriétés co-occurrentes. Tout comme la typicité, il s'agit d'une valeur relative :
un objet ou une propriété ne sont pas saillants en soi, mais plus ou moins que tel (le)
autre".

Pour A. Cruse (1990 : 384 et 2000 : 57), le jugement de typicité découle du


constat que les objets typiques "ont beaucoup de propriétés communes et peu de
propriétés inhabituelles saillantes". Les choses saillantes se distinguent de leur
entourage d'une certaine manière et ont une capacité supérieure à commander
l'attention.

210
Cette propriété peut être révélée par un seul élément linguistique vis-à-vis
d'autres éléments dans une expression plus large ou par une propriété sémantique d'un
mot vis-à-vis d'autres propriétés dans le cadre du même mot.

Une question dès lors s'impose : selon quel critère confère-t-on ce caractère
typique à une telle catégorie ou telle propriété particulière et non à une autre ?.

A. Cruse voit que l'un des critères est la facilité de l'accessibilité à l'information.
Les caractéristiques faciles à retenir joueraient un rôle plus évident dans le processus
sémantique que celles auxquelles l'accessibilité est plus difficile. Ainsi, «quand les
gens sont amenés à énumérer, en un temps limité, l’ensemble des caractéristiques
d’une entité donnée, il y a une forte probabilité pour certaines propriétés d’être
mentionnées en premier » 90 (2000 : 57). En ce qui concerne les catégories, les
exemples prototypiques semble être d’une accessibilité plus rapide que les exemples
périphériques 91 (1990 : 384).

Or, si on se limite à la seule crédibilité des tests cognitifs, il n'y a aucune


garantie de la validité de tels résultats. Comme le remarque J. Poitou (2000 : 22), la
saillance d'un terme au sein d'une catégorie (sa typicité) peut bien résulter du caractère
typique de l'objet désigné dans sa catégorie que de la saillance du « terme par rapport
au terme inducteur imposé, aussi bien sur le plan lexical que sur le plan formel ». De
plus, l’expérience des sujets sur laquelle repose la saillance est fort diversifiée ce qui
fait que celle-ci peut provenir de facteurs différents :

- l’accumulation d’expérience engendre une saillance liée à la familiarité de


l’objet pour le sujet parlant ;

- l’idéalisation d’un modèle sur les plans cognitif ou culturel donne lieu à un
autre type de saillance plus ou moins partagé (le cas du chêne) ;

90
"When people are asked to list the characteristics of some entity, under time pressure, then is a strong

tendency for certain features to be mentioned early in every one's lists"


91
"The prototypical examples of a category appear to be accessed faster and processed more rapidly then more
peripheral examples"

211
- les circonstances du moment peuvent concourir à des effets de saillance
ponctuels et occasionnels (Ibid. : 23).

Faut-il alors conclure à l'abandon d'un tel critère ? La réponse est, à notre avis,
non. Pourquoi ? Parce que, de tels reproches, s’ils remettent en cause l'appréhension du
sens par les procédures expérimentales, n'excluent pas la possibilité de vérification par
des tests linguistiques tels que la généricité, l'adversion par mais et la reprise
anaphorique lexicale (cf. ci-dessous).

Mais, il nous faut préciser quel type de typicité relève le trait sémantique
stéréotypique. Il est bien évident qu'il est lié à la saillance non essentielle. Dès lors,
une première rectification s'impose : nous parlerons dorénavant de « saillance
stéréotypique » plutôt que de « typicité ». Nous garderons cette dernière au sens que
lui attribue R. Martin. Cependant, cette solution n'est pas sans problème car comme
nous venons de le voir, les origines de la saillance sont multiples et ne sont pas toutes
de nature stéréotypique. Nous allons voir comment les autres caractéristiques du
stéréotype fonctionnent comme un véritable filtre qui ne maintient que la saillance de
cette nature.

- La conventionnalité

"On parle de convention quand on pose que la communication linguistique est


fondée sur une sorte d'accord ou de contrat implicite, non formulé, inconscient même,
sur lequel repose la langue…", (J. Dubois et al., 2001 : 119). Ceci signifie l'existence
de représentations sémantiques, partagées, relativement stables et permanentes sans
lesquelles tout langage ne peut parvenir à sa vocation essentielle : communiquer.

La conventionnalité implique donc la catégorisation qui acquiert au sens lexical la


stabilité nécessaire à son fonctionnement discursif.

Or, cette vision soulève l’objection des tenants de l’approche dynamique de la


catégorisation qui y voient un processus discursif révélé par « l’instabilité de
configurations sémantiques qui se déploient au fil du discours » (Lorenzo Mondada,
1993 : 310). Ainsi, la stéréotypie serait de ce point de vue une construction du discours

212
et non une donnée sémantique préconstruite dans le sens lexical. De ce fait s’impose la
discussion des fondements de cette approche du sens.

Partant des insuffisances des appréhensions empiriques de la catégorisation, J. Poitou


(1993) y présente la conception suivante :

Soit, les deux ensembles E1 et E2 où les éléments de E1 correspondent [d’après les


exemples de la page 38] à des instances idiosyncrasiques [a1, a2, a3, …an] et les
éléments de E2 à des catégories [bj, bk] :

Le processus de catégorisation peut-être analysé comme une application


surjective de E1 sur E2 : E2 = f (E1). « Par définition, chaque élément de E1 n’a
qu’une image dans E2 » (p37).

En l’absence de critères pour décider de la constitution de E1 et E2, on est


amené à conclure que E1 renferme tous les objets du monde et E2 toutes les catégories
possibles. La saisie de la catégorisation en tant que processus discursif implique une
centralisation de ce processus sur le locuteur et la description de son mécanisme de
réalisation.

213
S’agissant du rôle du locuteur, Poitou avance que, du fait de l’activité de
catégorisation antérieure, le sujet dispose déjà d’un ensemble d’objets catégorisés
(47). Autrement dit, « pour chaque sujet, une catégorie existante est le résultat d’une
multitude d’opérations de catégorisations déjà effectuées par lui » (Ibidem.).

Ceci le mène tout naturellement à considérer que les catégorisations effectuées font
« l’objet de variations individuelles au sein d’une même communauté linguistique »
(46). Cette variation met en difficulté cette conception de la catégorisation de deux
manières :

1- Si la catégorisation varie d’un locuteur à un autre, on peut donc


s’attendre à ce que chaque élément de E1 ait plus d’une image en E2. L’axiome de
départ serait donc mis en péril.

2- Si l’on admet la pluralité des catégorisations individuelles, on aboutit à la


déduction de l’impossibilité de l’intercompréhension. Poitou lui-même finit par
reconnaître que ces différences interindividuelles n’ont qu’un impact assez limité sur
l’usage des unités lexicales d’où l’intercompréhension entre les locuteurs d’une langue
donnée (Ibidem. : 46-47).

La catégorisation individuelle, quand elle existe, ne remet pas en cause le sens


lexical – si ce n’est d’une manière accidentelle nécessitant un effort métalinguistique
de justification en contexte ; elle porte plutôt sur « l’adéquation des mots aux choses »
[généralement des instances idiosyncrasiques] et « sur l’adéquation socio-pragmatique
des mots utilisés » (Lorenzo Mondada, 1993 : 303). Autrement dit, ce qui est mis en
jeu, ce n’est pas le contenu sémantique des mots mais les pratiques sociales de leur
attribution comme le montrent les formulations extraites d’un corpus étudié par L.
Mondada : « donner ce nom », « ne méritent pas ce nom », « nous décorons du même
nom ».

Issus de « catégorisations historiquement stratifiées », les sens lexicaux ne sont


donc pas « le produit d’un lecteur quelconque, mais le produit de la façon dont les
activités catégorisantes des différents locuteurs ont été amplifiées, filtrées dans la
communauté au travers de la communication interindividuelle » (Poitou, 1993 : 48).
L’origine discursive de ces sens, « capitalisés en langue » et « susceptibles d’être

214
réactualisés dans tous autres contextes » (Siblot, 1996 : 51) ne peut être saisie que
rétrospectivement.

Le processus de catégorisation est reconstitué à partir du sens conventionnel


préétabli et ne peut faire l’objet d’une saisie actuelle au moment même de sa
construction dans le discours. Les contribuants à ce processus n’étant plus disponibles,
« on ne dispose plus que de [son] résultat […] tel qu’il peut être observé en un moment
donné» (Poitou, 1993 : 46).

Pour ce qui est de l’opération de catégorisation, Poitou envisage une situation où le


locuteur serait amené à catégoriser un objet nouveau. Cette opération se fonde sur le
préconstruit de deux manières :

- elle est « source-oriented », dans le sens qu’« on peut l’analyser en première


approximation comme la comparaison entre l’objet nouveau et des objets catégorisés »
(Ibid. : 38) ;

- elle « suppose une pluralité d’opérations d’évaluation et la comparaison de


ces opérations sur une même échelle de valeur » (Ibid., 39) laquelle échelle relève du
préconstruit puisque la « valeur-seuil » permettant de décider de l’appartenance de cet
objet à une catégorie donnée est non seulement préétablie mais elle devrait avoir servi
à une catégorisation antérieure.

Dans le cas de la catégorisation dans le discours, « la négation de l’appariement


prototypique » entre une catégorie et l’une de ses instances ne touche pas le
fondement sémantique sur lequel repose la catégorie mais marque la non-conformité
de certaines propriétés de l’instance idiosyncrasique avec ce fondement. La re-
catégorisation crée ainsi une « distanciation du repère prototypique [qui] fait intervenir
des « modificateurs » tels que le connecteur mais […] modifiant les attentes
normatives suscitées par les stéréotypes » (L. Mondada, 1993 : 309) et donnant à la
catégorie l’effet prototypique en question.

Il existe, cependant, deux moyens pour mettre en évidence une telle


conventionnalité : la fréquence d'emploi et les tests linguistiques mentionnés plus haut.
Les premiers ne relevant pas de nos choix pour des raisons évoquées précédemment,

215
nous appliquerons les seconds à des exemples bien connus pour voir comment se
manifeste le conventionnalisme au niveau du fonctionnement discursif de la langue et
surtout pour montrer comment ces critères excluent des types de saillance contingents
ou subjectifs.

- La généricité

La caractéristique des SN génériques est qu'ils établissent une référence


virtuelle portant sur une totalité dans la mesure où "tous les membres ou individus
[d'une catégorie] n'ont pas besoin de vérifier le prédicat attribué à l'ensemble"
(Kleiber, 1990 : 73-74). Cette approche globale de la catégorie n'est possible que parce
que la référence générique dépasse le cas particulier, individuel, spatio-temporellement
délimité. Ainsi, la généricité implique un processus d'abstraction et de sélection qui ne
retient que les propriétés typiques ou considérées comme telles par l'ensemble des
locuteurs. La typicité est en quelque sorte la garantie de la virtualité d'une classe
puisqu'elle permet d'identifier ses membres indépendamment de leur présence ou
même de leur existence, simplement par la reconnaissance de leurs caractéristiques
communes. Cependant, la généricité peut porter sur des propriétés universelles qui,
selon l'expression de Claude Muller (1987 : 222), "seront toujours vérifiées" comme
elle peut porter sur des propriétés relevant d'une saillance stéréotypique, donc qui
"seront le fait des individus normaux tels que le locuteur les représente sous la forme
d'un individu unique" (Ibidem.). De ce fait, l’identification des relations lexicales
préconstruites et des propriétés analytiques ou stéréotypiques associées aux mots fait
appel aux phrases génériques et non aux phrases spécifiques ( Kleiber, 2001 : 285) .

Relève du premier type de propriétés l'exemple suivant :

(122)- L'oiseau a un bec ;

du second type :

(123)- L'oiseau vole

Dans ce cas, la représentation de ces phrases par les quantificateurs universels (les-le-
un) ne doit pas cacher le fait que la propriété "voler" ne soit pas valide pour toutes les

216
instances sous-catégorielles d'"oiseau". Par ailleurs, l'acceptabilité d'une telle phrase
montre bien qu'elle concerne d'une manière ou d'une autre l'ensemble de la catégorie.

Comment alors isoler les propriétés universelles communes à tous les membres
des propriétés associées à la totalité de la catégorie sans être satisfaites par chaque
membre particulier de la classe des référents à laquelle renvoie l’item lexical ?

Deux moyens, l'un linguistique, l'autre logique permettent d'opérer une telle
distinction:

- Au niveau linguistique, chaque type de propriétés accepte des quantificateurs


génériques qui lui sont appropriés sans l'être pour l'autre type :

(124)- Tous les oiseaux ont un bec

(125)- N'importe quel oiseau a un bec

(126)- * Tous les oiseaux volent

(127)- *N'importe quel oiseau vole

(128)- Généralement, les oiseaux volent

(129)-* Généralement, les oiseaux ont un bec

- Au niveau logique, chaque type de propriétés suscite une règle d'inférence


propre :

- si x est un oiseau alors x nécessairement a un bec

Ici, l'inférence est stricte ; elle n'accepte aucune exception. Le second type autorise,
par contre, une inférence par défaut :

- "si Tweety est un oiseau et s'il n'y a pas d'information contraire, alors on peut en
inférer que Tweety peut voler" (Kleiber, 90 : 111).

Cependant, il est évident que chaque type de propriétés n'autorise pas l'inférence
contraire :

* si x est un oiseau est s'il n'y a pas d'information contraire, alors on peut en inférer
que x a un bec

* si x est un oiseau, alors x nécessairement peut voler.

217
Kleiber (1990 :111-112) mentionne que deux principes d'interprétation textuelle
complémentaires découlent du statut d'inférence par défaut des propriétés et attributs
typiques.

- Le premier […] marque qu'en l'absence de toute indication contraire dans le texte,
l'interprétation d'un terme se conforme normalement au prototype. L'anaphore associative
repose pour l'essentiel sur ce principe (cf. ci-dessous).

- Le second principe [comme le postule S. Schlyter] consiste en ce que le locuteur


doit signaler tout écart par rapport au prototype, lorsqu'il désire éviter l'application du premier
principe.

Notons toutefois que l'appréhension globale du prototype oblige la prise en


considération de la saillance des traits stéréotypiques à côté des traits typiques partagés
par tous les membres.

- Le test de mais :

"Mais, écrit Riegel et al. (1994 : 527), indique que le deuxième terme est un
argument plus fort qui oriente de façon décisive vers une conclusion opposée aux
attentes suscitées par le premier [élément]". Ce connecteur peut fonctionner comme
un marqueur d'interprétation non prototypique. Sa valeur adversative permet de
neutraliser la saillance stéréotypique dans la signification d'un item en actualisant des
connaissances encyclopédiques non typiques ou en portant la saillance sur les seules
propriétés typiques communément partagées par tous les membres. Ceci permet de
mettre au premier plan les caractéristiques communes sur lesquelles se fonde
l'appartenance d'une instance particulière, précise, à l'ensemble de la classe, de
l'espèce ou de la catégorie.

Il en découle que ce connecteur peut servir à identifier la saillance stéréotypique d'un


trait puisqu’il « ne peut normalement se faire suivre d'une propriété nécessaire ou
typique de x dans un enchaînement du type : "c'est x mais z" » (Kleiber, 2001 : 100) :

(130)- ? C'est un castor, mais il construit des barrages.


(131)- ? C'est un oiseau mais il vole

218
La négation permet, par contre, d'isoler le trait stéréotypique et de l'identifier : en le
niant pour le membre individuel, elle affirme par également son inclusion dans les
propriétés sémantiques de la catégorie :

(132)- C'est un castor, mais il ne construit pas des barrages


(133)- C'est un oiseau, mais il ne vole pas.

Les propriétés typiques ou nécessaires, même dans une construction négative, donnent
lieu à des séquences mal formées en l'absence d'une justification en contexte de
l'anomalie en cause ou quand la négation porte sur une propriété ontologique :

(134)- * C'est un oiseau, mais il n'a pas de bec


(135)- * C'est un oiseau, mais il n'est pas ovipare.

Cependant, l'emploi de mais n'est pas spécifique à l'identification de tels traits.


Charolles (1994, cité par Kleiber 2001 : 135-136) présente un exemple où mais
s'appuie sur une relation non inscrite dans les lexèmes en présence mais rendue
accessible par le contexte large" (Ibidem.) :

(136)- Louis était gros mais cultivé.

Kleiber (2001 : 152) affirme en note qu'il ne postule "nullement pour mais qu'il "roule"
sur des stéréotypes lexicaux".

Il nous semble quand même possible de déterminer dans quel cas précis mais joue ce
rôle identificateur. Kleiber postule que ce connecteur "roule" sur des stéréotypes
lexicaux seulement en contexte étroit. L'activation d'autres connaissances et d'autres
relations dans un contexte plus large fait de ce dernier l'élément décisif dans
l'interprétation de l'anaphore associative véhiculée par mais. Or, une précision nous
semble s'imposer : l'exemple présenté par Charolles met en relation deux propriétés à
un antécédent particulier, précis (Louis) qui ne peut pas correspondre à un antécédent
générique. Cependant, du moment où l'on considère que dans le cas d'une saillance
stéréotypique on a affaire à une catégorie dont la représentation est plus ou moins
partagée par l'ensemble des locuteurs, un tel exemple paraît effectivement d'ordre
contextuel et subjectif ; un autre locuteur pourrait bien rétorquer "non, je ne le trouve
pas cultivé". Il en résulte que l'identification stréréotypique avec mais est liée à la

219
généricité. La preuve, c'est que, en modifiant l'exemple de Charolles, l'énoncé devient
mal formé :

(137)- ? L’homme est petit mais intelligent.

Pourquoi ?

A notre sens, deux qualités sémantiquement disparates telles que "être gros" et "être
cultivé", ne peuvent être opposées par le connecteur mais que dans le cas où
l'antécédent référentiel serait un particulier, délimité spatio-temporellement. Dans ce
cas, la subjectivité du locuteur peut établir une opposition axiologique d'une manière
oblique puisque la saillance présentée par mais porte sur une valeur positive
adversative à une autre valeur négative ne relevant pas du même champ sémantique.
Par contre, quand il s'agit d'un antécédent générique, la relation entre les deux
prédicats opposés constituant ses propriétés ne peut plus compter sur une subjectivité
quelconque et s'appuie nécessairement sur la non-réalisation d'une implication
lexicale:

(138)- Le poussin est un oiseau mais il ne vole pas.

La deuxième propriété se présente, donc, comme une infraction à un savoir partagé


rendu par la première propriété.

Ceci s'explique par le fait que la généricité de l'antécédent, son appréhension en tant
que totalité, définissent en quelque sorte la relation entre les deux propriétés opposées
à un niveau d'abstraction suffisant pour rendre compte de l'aspect global de la
catégorie en cause.

"L'indéfinitude du SN antécédent, écrit Kleiber (2001 : 196), a pour


conséquence une introduction stéréotypique ou prototypique de son référent puisque
[…] la seule information apportée en dehors du prédicat de la phrase dans laquelle il
apparaît est que le référent en question est membre de la classe des N. […] Il ne se
trouve défini par aucune propriété inhérente en propre mais uniquement par les
propriétés formant le stéréotype ou le prototype de la catégorie".

Les propriétés opposées par mais s'inscrivent positivement ou négativement dans ou en


dehors de cette portée stéréotypique.

220
- L'anaphore associative

Elle met en oeuvre une interprétation textuelle fondée sur une relation lexicale
entre l'expression anaphorique en question et son antécédent. Elle est le produit de
deux facteurs :

(i) l'association discursive de deux entités non-coréférentielles

(ii) le principe de la cohérence (ou sequential aboutness , Bosch, 1985) « qui


stipule que toute phrase postérieure est présumée dire quelque chose sur les objets
introduits dans les phrases précédentes » (Kleiber, 2001 : 103).

L'information anaphorique n'est pas particulière aux référents idiosyncrasiques ; "elle


est à porter au crédit du type ou de concept qui domine ou de la classe qui rassemble
les occurrences individuelles" (Ibid. : 93). Elle peut être nécessaire (167) ou d'ordre
stéréotypique (168) :

(139)- Il entra dans une maison. Les murs étaient peints en blanc

(140)- Nous entrâmes dans un village. L'église était située sur une hauteur.

Comme dans le cas des séquences génériques, l'anaphore associative implique une
règle d'inférence sur laquelle s'appuie l'interlocuteur pour trouver le bon réfèrent. Là
également, l'inférence plus ou moins stricte met en évidence les traits nécessaires qui
sous-tendent la relation partie-tout :

S'il y a une maison, alors il y a des murs ou si x est une maison, alors x a des murs

L'inférence par défaut permet de reconnaître les traits stéréotypiques saillants :

Si x est un village (français) et en l'absence de toute information contraire, alors on


peut en inférer que x a une église.

Cependant, l'intérêt de cet outil linguistique dans l'identification des implications


discursives de la stéréotypie lexicale est soumis à plusieurs restrictions qui l'empêchent
d'être un modèle d'identification général de toute présence stéréotypique, d'autant plus
qu'il ne fait pas l'unanimité parmi les chercheurs.

L'anaphore associative ne peut pas rendre compte des propriétés stéréotypiques


abstraites comme le montre l'exemple suivant :

221
(141)- ? Il s'arrêta devant une fleur. La beauté était éclatante.

(142)- Il s'arrêta devant une fleur. Sa beauté était éclatante.

Or, la beauté est une propriété stéréotypique de la fleur. Les énoncés génériques
suivants le prouvent :

(143)-* Les fleurs sont laides

(144)- Les fleurs sont belles

(145)- ? Une fleur laide

(146)- Une belle fleur

La raison en est que ces attributs non spécifiés ne satisfont pas les deux conditions
requises pour l'établissement d'une anaphore associative à savoir que :

(i) "Le référent d'une anaphore associative doit être présenté ou donné comme aliéné
par rapport au référent de l'antécédent" (Kleiber, 2001 : 242).

(ii) "l'aliénation exigée par l'anaphore associative n'a lieu que si l'élément subordonné
est du même type ontologique que le réfèrent de l'antécédent" (Ibid. : 247).

Le type ontologique d'une propriété comme "beauté" pour "fleur" est différent de celui
de l'antécédent. Par conséquent, l'aliénation ne se trouve pas réalisée.

Le débat sur le rôle du discours dans l'établissement d'une anaphore associative


(voir l'illustration de ce débat dans L’anaphore associative de Kleiber) montre que la
relation lexicale entre l'antécédent et l'expression anaphorique n'obéit pas à un seul
schéma possible.

Pour Charolles (1990 : 132-135, cité par Kleiber : 109-110), à part les
anaphores associatives issues d’associations stéréotypées, « le discours génère aussi
[…] son propre cadre associatif en promouvant des relations inédites, conjoncturelles,
qui peuvent n'avoir qu'une validité occasionnelle, mais dont la reconnaissance s'impose
au récepteur du fait de la présomption de cohérence qui préside à son interprétation ».

Charolles et Clark illustrent leur point de vue par plusieurs exemples discutés dans
Kleiber (2001).

222
Nous nous contenterons ici de deux de ces exemples qui témoignent de la complexité
des phénomènes stéréotypiques :

(147)- Jean a été assassiné. Le couteau a été retrouvé à proximité (Clark 1977 : 417).

(148)- Je suis entré dans la pièce. Les chandeliers brillaient vivement (Ibid. : 416).

Clark voit dans ces deux exemples la preuve que le pont inférentiel entre l'antécédent
et l'expression anaphorique peut être généré par le discours puisque couteau et
chandeliers ne sont ni des traits nécessaires, ni stéréotypiques respectivement
à assassinat et pièce .

Kleiber remarque qu'en effet on ne peut pas correspondre à ces deux énoncés des
phrases génériques du type :

(149)*- Dans une pièce, il y a des chandeliers

Par conséquent, l'inférence par défaut telle que :

Si x est Y, alors x a généralement, normalement Y.

ne convient pas à ce genre de cas. Faut-il donc renoncer à considérer qu'il y a du


conventionnel qui sous-tend ces formations ?

Kleiber montre que ces exemples sont sujets à trois contraintes : deux d'ordre
syntaxique et une sémantique. En premier lieu, il est impossible d'adjoindre un
modifieur à l'expression anaphorique :

(150)- ? Jean a été assassiné. Le grand couteau a été trouvé à proximité

(151)- ? Je suis entré dans une pièce. Les chandeliers d'argent brillaient vivement
(Kleiber, 2001 : 122).

En second lieu, la variation de la quantité donne lieu à une séquence mal


formée. La règle est que "même si du point de vue qualitatif ou descriptif la relation en
association est conforme à un savoir préconstruit, elle peut échouer si la quantité qui
s'y trouve exprimée contrevient à celle qui est enregistrée dans ce savoir
stéréotypique" (Ibid. : 116-117). C'est le cas dans :

(152)- ? Jean a été assassiné. Les (deux) couteaux ont été trouvés à proximité

(153)- ? Je suis entré dans la pièce. Le chandelier brillait vivement (Ibid. : 123).

223
Enfin, "il faut que le référent du SN anaphorique soit dans le cas du meurtre reconnu
comme une arme "à tuer" stéréotypique et dans le cas de la pièce comme une partie du
mobilier" (Ibidem.).

On ne peut pas avoir n'importe quel instrument à la place du couteau ou du chandelier:

(154)- ? Jean a été assassiné. Le chou /la bûche/ la clef à mollette a été retrouvé(e) à
proximité

(155)- ? Je suis entré dans la pièce. Le vélo était par terre.

Ces restrictions témoignent que la relation anaphorique dans ces cas ne sort pas du
cadre stéréotypique. Seulement, elle n'obéit pas au modèle canonique régi par
l'inférence par défaut. Il s'agit d'un autre modèle où l'ingrédient anaphorique doit être
reconnu « comme un ingrédient (ou une partie de ou un élément) possible a priori du
référent de l'antécédent :

Si x est une pièce, alors il peut y avoir des chandeliers comme partie du mobilier

Si x est assassinat, alors un couteau peut être l'arme de l'assassinat

La contrainte se manifeste au niveau de l'ensemble : il faut que la "partie" soit telle


qu'elle ne rende prototypique le tout » (Ibidem.).

La thèse qui postule que, dans ces cas, le discours « génère son propre cadre
associatif » (Charolles, 1990) n’est pas convaincante. Comme l’affirme Mathilde Salle
(1995 : 57) « si le discours était effectivement capable de promouvoir des relations
inédites, alors, il devrait, à plus forte raison, pouvoir assurer le lien anaphorique dans
le cas où il y aurait une relation sémantique entre les termes [ex. noms de propriété et
noms de parenté] » (Voir le commentaire dans le corps de l’article de M. Salle (1995)).

En définitive, nous voyons que les critères de la conventionnalité, mis en évidence par
ces tests linguistiques, réduisent considérablement les sources de la saillance telle
qu'elle est appréhendée dans les méthodes expérimentales. La saillance du terme
inducteur, la familiarité de l'objet pour le sujet et la saillance ponctuelle, contingente
ne constituent plus des obstacles pour la reconnaissance des traits stéréotypiques
puisqu'elles ne peuvent compter que sur un contexte plus large justifiant le type de
saillance impliqué. Un locuteur qui pourrait affirmer que :

224
(156)- Le poussin est un oiseau typique

doit nécessairement justifier les motivations de son point de vue.

Quel type de saillance retenir alors pour l'identification des stéréotypes ?

Nous retenons la saillance fondée sur l'accumulation d'expériences collectives et la


saillance impliquant une idéalisation culturelle bien que nous allions voir que la
distinction entre les deux est loin d'être évidente.

- L'idéalisation, l’arbitraire, la variabilité

L’introduction de la notion d'idéalisation nous place d'emblée dans la


problématique du rapport entre le signe linguistique et l'objet réel ou irréel sur lequel il
porte. Il est communément admis que l'infinitude des propriétés qu'on peut attribuer à
un objet, la diversité de ses états, la complexité de ses relations avec les éléments de
son environnement et la variabilité de ses représentations conceptuelles par les sujets
pensants ne peuvent toutes figurer dans son expression linguistique. C'est cette
complexité qui empêche même un nombre fini de propriétés, quels que soient les
critères qui les fondent, de renvoyer ad hoc et d'une manière stricte au référent en
cause, toujours le même dans tous les contextes. C'est là que se justifie le rejet de
l'appréhension de la langue comme nomenclature. Une telle relation statique et figée
n'est tolérable ni du côté des propriétés réelles et effectives de l'objet, ni du côté de la
diversité de ses modes de représentations par les locuteurs individuels. D'un côté
comme de l'autre, la définition exacte s'avère impossible.

Pour A. Schaff (1960 : 190-191), si l’on concède que la connaissance et la


perception sont fondamentalement sélectives, on doit admettre par conséquent que tout
signe verbal est, d’un point de vue génétique, à la fois le produit et l’instrument d’un
processus d’abstraction déterminé selon les besoins de toute activité. Dans un sens
large, un concept donné, n'étant pas le reflet pur de l'objet qu'il représente, est un idéal
non dans le sens platonicien ontologique qui en fait une réalité mentale en soi
autonome et indépendante mais du fait que, de par son aspect normativo-classificateur,
il exemplifie l'objet appréhendé sur la base d'une normalité présupposée ajustant des

225
membres atypiques ou partiellement typiques d'une catégorie à une représentation plus
ou moins unique et en tout cas stable.

Ainsi, comme le postule Evandro Agazzi (1998 : 29) les caractéristiques de la


chevalité ne se trouvent pas toutes réunies dans aucun cheval existant. « La notion
d’idéalisation est donc d'une extrême importance, du moment qu'elle explique
comment, à travers le processus intellectuel d'abstraction, qui est de caractère
descriptif, ce n'est pas une nouvelle signification qui est instituée par rapport aux
significations individuelles qui sont saisies dans l'expérience sensible mais on obtient
plutôt une représentation intellectuelle idéalisée qui se réfère à ces mêmes objets
individuels ». La raison en est que chaque instance particulière exemplifie le concept
seulement d’une certaine manière à travers un certain nombre de traits distincts qui ne
sont pas les mêmes pour toutes les instances.

Dans un sens étroit, l'idéalisation est étroitement liée à la stéréotypie. Voyons


de quelle manière. La visée sélective intercepte l'objet à un état donné, à un moment de
son évolution, en rapport avec une gestalt ou une fonctionnalité répandue ou encore en
l'opposant à d'autres objets. Elle permet de dégager les propriétés qui vont caractériser
son concept, qui seront valides globalement pour l'ensemble de la classe signifiée par
le concept ainsi constitué et qui permettent d'identifier d'autres concepts. La
description normative est ainsi idéale puisqu'elle rassemble des entités qui ne se
conforment pas par leur diversité et leurs qualités individuelles, aux traits abstraits
sélectionnés constituant le concept. Cependant, pour une entité individuelle donnée, il
faut distinguer le cas où la non-conformité extensionnelle est due à une contingence,
"une anomalie" par rapport aux traits essentiels, typiques (au sens que lui donne R.
Martin) et le cas où cette non-conformité se situe par rapport à une représentation
"standard" de toute la catégorie. La stéréotypicité n'est pas ainsi un phénomène à situer
en deçà de la normalité, c'est-à-dire en tenant compte des entités atypiques tels un
mouton à trois pattes ou un fruit déformé, mais se situe à l'intérieur même de cette
normalité généralisante où des membres typiques, donc normaux, s'écartent d'une
manière ou d'une autre de la description conceptuelle valide pour l'ensemble de la
catégorie ; dès lors, ces traits conceptuels idéalisés, parce que non vérifiés par toutes

226
les occurrences particulières, apparaissent comme étant stéréotypiques du fait qu'ils
sont saillants et liés typiquement au concept en cause.

Les motivations de cette saillance sont de deux ordres : expérentielles ou


culturelles :

- l'accumulation d'expériences perceptuelles, sensorielles ou quotidiennes


instituent, sous le poids quantitatif de faits, d'observations, etc. une reconnaissance de
tels traits comme définitoires ou tout au moins corrélatifs à une classe, une espèce, une
catégorie. Comme nous l'avons déjà mentionné, les traits sélectionnés peuvent avoir
trait :

- à un état donné de l'objet envisagé dans des conditions idéalisées :

Ciel : espace visible au-dessus de nos têtes, et qui est limité par l'horizon

Eau : liquide inodore, incolore, sans goût

- à un moment de son évolution

Abricot : fruit de l'abricotier, à noyau, à chair et peau jaune-orangé

- en rapport avec une gestalt, une fonction :

Bidon : récipient portatif pour les liquides, généralement de métal et que l'on
peut fermer avec un bouchon ou un couvercle

Oiseau : animal… qui est généralement adapté au vol (PR)

Dans ce cas, la motivation n’est que partielle dans la mesure où il existe


toujours n occurrences qui ne vérifient pas la propriété stéréotypique en cause et qui,
par conséquent, présentent un écart par rapport aux propriétés de la classe référentielle
virtuelle. La part d’arbitraire accompagne de ce fait toute idéalisation qui a le propre
de généraliser un trait, un état, plus ou moins fréquent (mais jamais absolu) et relatif à
un certain nombre d’occurrences pour désigner la classe dans son entier.

- La saillance peut être culturelle. Le trait stéréotypique consiste, dans ce cas, en


une valeur associée à un concept qui peut ou non donner lieu à une extension du sens.
Au-delà de son contenu dénotatif, classifiable, un concept peut incarner d'une manière
idéale une valeur axiologique intersubjectivement partagée (cf. supra la connotation).

227
La motivation du trait culturel est plus ou moins lâche. Elle peut résulter d'un cumul
d'expériences tels que dur pour fer, précieux pour or, d'une simple représentation
culturelle telle que "courage" pour lion ou "ruse" pour renard ou d’une représentation
axiologique telle que la valeur positive attribuée à haut ou négative rattachée à bas .

Cette valeur est stéréotypique dans la mesure où elle présente une certaine saillance,
une certaine relation idéalisée, une certaine conventionnalité où la signification a une
stabilité intersubjectivement partagée.

Mais, la stéréotypie peut également associer des significations à des classes


référentielles d’une manière totalement arbitraire. Ainsi, quel lien pourrait-il exister
entre une poule et une femme légère? Entre une noix et la sottise? Entre l’hyène et
la lâcheté ?, etc.

La zone du flou entre motivation et arbitraire n’est pas toujours facile à tracer. A ne
citer que les représentations liées aux cris des animaux, attribués à des sujets humains :
les traits « plaintif », « exprimant le mécontentement » etc. respectifs à bêler, grogner
relèvent d’une taxonomie d’un genre impossible à vérifier.

Par ailleurs, on avance souvent l’idée que le stéréotype, par la variabilité de ses
motivations et de son contenu d’une époque à une autre et d’un locuteur à un autre, n’a
pas à figurer dans la signification des mots et qu’il doit être appréhendé, dans le
meilleur des cas, comme un simple effet discursif.

Dans cette optique, "le stéréotype consiste en traits dont le nombre n'est pas fixe" et il
"dépend de la culture, au sens large, du locuteur, de l'époque, de l'item en question"
comme l'affirme Melka Teichroew (1989 : 64). Cette vision paraît découler d’une
stéréotypisation de la notion même : ramener tous les faits relatifs à ce phénomène à
un moule unique conduit à une homogénéisation qui n'avance guère les choses et qui
justifie en fin de compte son renvoi en dehors du champ de la linguistique.

En outre, une telle vision ne semble pas vraiment établir une distinction entre le
stéréotype discursif qui semble, en effet, et d'une manière générale, être sujet à de
telles variations et le stéréotype lexical en tant que trait sémantique qui ne peut être

228
décrit que dans les limites qui le rattachent à un concept et qui permettent par la suite
de juger la nature de son lien et du degré de sa variabilité.

L'idée selon laquelle "le stéréotype consiste en une partie stable que la communauté
partage et une partie variable qui peut se modifier selon l'idiolecte et aussi selon les
objets auxquels on l'applique" (Ibid. : 63) résulte d'une confusion entre le prototype et
le stéréotype puisque celui-ci est vu comme une entité globale susceptible d'être
analysée en composants stables et d'autres variables et non comme un trait sémantique.

Cependant, chez le même auteur figure une autre vision qui va dans le sens de
la séparation des deux niveaux. Il affirme, en effet, que l’existence de traits
obligatoires et d'autres facultatifs établit une forme de hiérarchie ou de dégradation
entre deux types d’élément (Ibid. : 64).

Envisager le stéréotype comme un ensemble de traits obligatoires ou facultatifs exige


la détermination de son statut dans le sens lexical et de son rôle dans le
fonctionnement sémantique ; ce qui n'apparaît pas dans son appréhension comme
prototype. Mais, l'idée que ces traits soient structurés d'une manière hiérarchique ne
dispose d'aucun critère pour sa vérification et encore une fois favorise la confusion
avec le prototype. Teichroew parle de "degrés de stéréotypicité pour l'oiseau comme
pour célibataire : certaines croyances plus ou moins fausses subsistent à propos de
célibataire : ils ne savent pas cuisiner, ils mènent une vie désordonnée […] Ces traits
sont inclus à la périphérie du stéréotype" (Ibid. : 66).

Pourtant, une première distinction semble s'imposer d'elle-même entre les traits
stéréotypiques linguistiques qui se sont fixés dans la langue et font partie intégrante de
la signification des items lexicaux, et les traits stéréotypiques de pensées qui ne se
manifestent qu'au niveau du discours.

L'existence d'unités où ces traits sans pour autant être définitoires présupposent dans
leur manifestation discursive une relation lexicale établie a priori avec ces entités,
favorise l'idée qu'il s'agit plutôt d'un continuum que d'une hiérarchie.

229
2- Typologie et économie des stéréotypes

Les trois axes de description du stéréotype (statut, typologie, rôle structurant


dans le lexique) s'impliquent mutuellement. Le statut, c'est-à-dire la relation au sens,
détermine les typologies (selon que ces traits sont descriptibles au niveau d'une
catégorie primaire de sens, d'une catégorie sémantique polysémique ou encore à un
niveau transcatégoriel ou translexical). Les typologies déterminent à leur tour le rôle
structurant de la stéréotypie à l'échelle du lexique.

Ce qui assure à tous ces niveaux l'identité du stéréotype, c'est sa nature en tant
que trait sémantique saillant, idéalisé, conventionnel et intersubjectivement stable.

2.1. Stéréotype définitionnel au niveau d'une catégorie primaire

La signification lexicale d'un item est souvent envisagée sous l'angle de la


valeur discriminatoire de ses traits permettant d'opposer l'item en question à d'autres
items de genres prochains. Au-delà de cette vision théorique fondée sur la distinction
entre fonctionnalité et normativité de la langue, ces mêmes traits sont par ailleurs
descriptibles dans une perspective référentialiste en termes d'universalité et de non-
universalité. Cette dernière opposition, comme nous venons de le voir, est parfois
rejetée ou simplement mise en doute parce qu'elle contredit l'approche fonctionnaliste
en ce qu'elle établit une relation entre la langue et le monde extralinguistique. Le
critère de l'universalité et de la non-universalité fait appel à la notion de représentation
qui, selon les termes de P Siblot (1993 : 150), "suppose morphologiquement une
antécédente" ; "toute représentation l'est toujours de quelque chose qui lui préexiste".
Cependant, quoique le structuralisme radical nie la pertinence de cette distinction, il
est obligé de la réhabiliter, voire de l'ajuster à l'analyse en termes de fonctionnalité et
de normativité. Ainsi, en lexicographie, on constate, quand il s'agit de définir un item
lexical, que la définition minimale et pertinente coïncide avec les traits universels ; les
traits non universels sont souvent classés du côté de la codification normative et
sociale.

Cette correspondance est d'autant plus apparente dans des exemples où ces traits
stéréotypiques non universels ont un rôle fondamental dans la définition d'un mot.

230
Nous avons évoqué ci-dessus le refus de Rastier de considérer le sème / luxueux /
comme inhérent à caviar. Siblot, pour sa part, affirme que "le dictionnaire de langue
est loin de s'en tenir à la caractérisation minimale du genre prochain et de la différence
spécifique. Il livre une multitude d'informations liées au terme et qui s'avèrent
nécessaires pour que nous puissions nous faire une représentation adéquate du référent
dans le cas où nous ne connaîtrions pas le terme" (Ibid. : 151).

Ne pouvant pas nier l'économie de ces traits dans la signification, plusieurs


linguistes sont obligés de consentir à leur nécessité. Mais, au lieu de leur reconnaître
un statut définitoire et discriminatoire plein, ils les conçoivent souvent comme un
élargissement dont le rôle est de renforcer la représentation effective des objets d'où
leur exclusion de la définition minimale et pertinente. Cette vision semble être
paradoxale : on concède à la nécessité de tels traits sans quoi la représentation
sémantique ne serait pas possible et, en même temps, on les traite comme des éléments
superflus, un ajout. Ce dilemme est lié à l'étroitesse du cadre théorique. En effet, si on
reconnaît à ces traits un rôle fonctionnel, on renonce du coup à la distinction établie
entre fonctionnalité et normativité. Considérés comme normatifs, ces composants ne
pourraient pas, dans cette optique, être en même temps fonctionnels.

Nous avons soutenu précédemment (dans les exemples de caviar et eau) que les
traits stéréotypiques peuvent être discriminatoires, donc définitoires. Nous revenons ici
sur les fondements d'une telle position.

Nous croyons que les données perceptives et fonctionnelles jouent un rôle important
dans l'établissement de la signification. Ces données sont, selon l'expression de R.
Martin, la trace d' « autant d'expériences inéluctables, dont il est peu vraisemblable
qu'elles soient sans répercussions sur la langue » (1992 : 101). Les traits définitoires ne
sont généralement pas sélectionnés en rupture avec notre appréhension perceptive des
objets dénommés. Or, cette appréhension peut coïncider avec les propriétés objectives
du référent comme elle peut ne les couvrir qu'en partie ou encore s'en distancier
totalement. Cette manière de voir est d'autant plus intéressante si l'on garde en vue que
certains référents ont une structure complexe, une gestalt variée ou un usage varié (les
artefacts en général). Ainsi, leur signification n'est accessible qu'à travers des

231
manifestations perceptuelles faisant plus ou moins l'objet d'une convention sans pour
autant prétendre à l'universalité dans la mesure où la représentation sélectionnée ne
couvre pas la totalité de ces dimensions et ne coïncide pas avec une réalité objective
absolue. Dans ces cas, la définition minimale contient forcément des éléments
stéréotypiques saillants, idéalisés et conventionnels. C'est dans ce sens que R. Martin,
commentant la définition de tasse, affirme que "la tasse est, dans la réalité, un petit
récipient ; elle est faite, dans la réalité, pour boire ; c'est dans la réalité encore que ce
récipient est muni d'une anse. Aucune différence définitoire référentielle ne sépare
donc les traits de la définition minimale et les traits stéréotypiques" (1991 : 151).

Si l'on voit avec M. Sourdot que la pertinence "se dit d'un élément linguistique doué
d'une fonction dans un système déterminé" (2000 : 96 ) et si l'on consent avec Marc
Sourdot que "ne s'intègre proprement à la langue que ce qui est commun aux réactions
des différents membres de la communauté" (2000 : 101), rien n'empêche, dès lors, les
traits stéréotypiques d'être pertinents et définitoires.

On peut prétendre même plus : la signification de certains items ne fournit pas,


à proprement parler, de composants universels permettant de les définir. Dans ce cas,
les traits stéréotypiques constituent la seule substance significative capable de
discriminer deux entités de genres prochains. Nous avons déjà mentionné que dans la
définition de bidon, aucun trait, à part /récipient/ qui n'est pas spécifique, n'est
vraiment universel. Examinons en vue de les comparer sa définition avec celle de
"bouteille" dans Le Petit Robert :

Bouteille : "Récipient à goulot étroit, souvent en verre, destiné à contenir du vin ou


d'autres liquides".

La comparaison des deux définitions se présente comme suit :

232
hyperonyme matière fonction traits descriptifs

Bidon récipient généralement portatif pour les que l'on peut fermer
en métal liquides avec un bouchon ou un
couvercle

Bouteille récipient souvent en destiné à contenir à goulot étroit


verre du vin ou d'autres
liquides

Les deux définitions ont en commun les traits relatifs à l'hyperonyme et la fonction :
elles s'en distinguent par la matière et les traits descriptifs. Or, la matière ne constitue
pas objectivement une propriété discriminatoire ; les deux objets peuvent être faits en
plastique et rien n'empêche l'un ou l'autre d'être respectivement en verre ou en métal.
De même, les traits descriptifs ne sont pas objectivement spécifiques aux deux
référents ; une bouteille peut aussi être fermée par un bouchon ou un couvercle ; un
bidon, dans la réalité, peut avoir un goulot étroit. Sans la saillance perceptive qui
sélectionne dans chaque objet des propriétés déterminées et sans l'idéalisation qui
rattache ces propriétés à l'objet en cause, on ne saurait discriminer les deux concepts.
La représentation stéréotypique est ainsi la condition nécessaire de la pertinence
linguistique des deux significations.

2.2. Stéréotype définitionnel au niveau d'une catégorie sémantique polysémique

Certains traits non universels rattachés conventionnellement à un terme ne sont


pas distinctifs. Autrement dit, leur saillance n'apparaît pas au niveau de la langue et ne
fait pas d’eux une partie inhérente à la signification. Ils demeurent latents et
n'apparaissent que d'une manière contingente dans le discours, associés au noyau
dénotatif. Cependant, certains d'entre eux, désolidarisés de ce noyau, soit par
généralisation, soit par projection dans un domaine cible différent de leur source,
constituent une extension du sens où la saillance latente dans le concept d'origine
devient définitoire et fondamentale dans la signification dérivée.

233
Vu l’importance de ce type de fait dans les mécanismes linguistiques, nous nous
contenterons ici de quelques illustrations et nous traiterons cette relation dans un
chapitre à part :

- soit l'énoncé suivant :

(157)- Méfie-toi de cet homme, il est fou ; il a des troubles mentaux depuis deux ans

Ici, si le verbe se méfier évoque le danger, fou en donne une justification par
l'actualisation d'un sème latent associé au concept (extravagant). Ce sème ne fait pas
partie de la signification dans la mesure où la folie n'est pas nécessairement liée à la
violence. Ce trait est contingent dans le discours comme le montre l'énoncé qui suit :

(158)- …un visionnaire de bonne foi, un maniaque inoffensif, un pauvre fou qui est
plaint autant qu' il méritait d' être aimé.( RENARD Jules, Journal : 1887-1910 / 1910,
page 906 )

donne en langue l'extension suivante :

- fou : "personne qui, sans être atteinte de troubles mentaux, se comporte d'une
manière déraisonnable, extravagant" (PR).

- Le contenu dénotatif de gifler est défini dans Le Petit Robert comme suit :

gifler : "frapper quelqu'un sur la joue, du plat ou du revers de la main"

Cet acte physique n'exprime en soi que la violence :

(159)- Gênée par les cris de son enfant, elle le gifla.

Cependant, dans certains contextes, il est rattaché à une valeur symbolique exprimant
l'humiliation :

(160)- I l rougit, cette femme l'a giflé devant tout le monde.

Dans cet énoncé, l'interprétation de il rougit qui est l'expression de la honte, convoque
l'actualisation de cette valeur symbolique latente contenue dans gifler.

Décontextualisée, cette valeur renvoie par un mécanisme généralisateur non plus à


l'acte physique mais à elle-même gifler signifie dès lors "humilier".

- Certains items pourraient être associés à des traits virtuels mutuellement


exclusifs. Le contexte se charge de l'actualisation du trait qui lui est approprié. Dans

234
ces deux énoncés, par exemple, le substantif mugissement est employé dans deux sens
différents :

(161) - « Et dans l'arbre immense, incessamment bourdonne une immense


musique, emplissant l' oreille du bruit d' un monde au travail, un mugissement doux, bruit
qu' endort par moments la brise balançant son murmure à travers les arbres » (Edmond de
GONCOURT, Jules de GONCOURT:, Journal : mémoires de la vie littéraire : t. 1: 1851-
1863, ED. R. Ricatte. Paris : Fasquelle Flammarion, 1959, p 374)

(162)- « ces paroles furent dans toutes les bouches, et cette voix collective fut
comme le dernier mugissement d’une tempête… » (Honoré de BALZAC, La Comédie
humaine, Béatrix : t. 2. Paris : Gallimard, 1976, p 188).

Par un procédé de spécification, la langue sélectionne un trait particulier et dote l'item


de sa signification. Ainsi en est-il dans :

Mugissement : « cris violents… » (TLF)

- Enfin, un trait latent peut donner lieu à une extension polysémique par une
projection métaphorique fondée sur l'analogie. Entre le domaine source tel qu'il est
perçu à travers la définition lexicale de l'item et le domaine cible, il n'existe aucune
relation sémantique directe. La signification de l'extension se fonde sur une
représentation stéréotypique latente au sens primaire. Guêpier renvoie dans l'une de
ses acceptions à un nid de guêpes. A partir de ce sens et du stéréotype d'hostilité lié à
cet insecte dérive l’acception de "position critique dans une affaire ou parmi des
personnes hostiles, nuisibles" caractérisant le domaine des hommes et des relations
humaines.

Par ailleurs, l'extension polysémique d'ordre stéréotypique est un niveau


élémentaire à partir du quel peut se déployer une double structuration du lexique
d’ordre dérivationnel locale ou translexical plus général.

2-3- Stéréotype définitionnel au niveau d’une catégorie sémantique


dérivationnelle

Toute structuration implique une catégorisation. Par catégorisation nous


entendons, à la suite de Cortès (1992 : 14) "l'opération systématique de rattachement à

235
des classes qui accompagne la création de tout signe linguistique et qui varie avec lui à
chaque étape de son évaluation". Cette approche de la catégorisation s'écarte, ainsi, de
celle de E. Coseriu pour qui "les relations internes d'un champ lexical en tant que
structure de contenu sont déterminées par les identités et les différences qui constituent
le champ même, c'est-à-dire par les oppositions sémantiques qui y fonctionnent. Une
typologie des champs doit, par conséquent, se fonder sur un classement des
oppositions lexématiques" (1975 : 34). Nous défendons l’idée que le lien entre la
langue et la réalité extralinguistique, telle qu'elle est représentée par l'ensemble des
locuteurs, est fondamental dans la compréhension de la genèse et de la génération des
mécanismes sémantiques. Dans la perspective de Coseriu et selon les termes de Cortès
"la question de l'origine de ces traits n'est pas posée : le linguiste fait comme s'ils
s'imposaient lors de l'étude, le seul critère de choix d'un trait étant son pouvoir
explicatif au sens du modèle théorique choisi" (1992 : 26). Cependant si nous
privilégions la recherche des ressemblances entre les items, nous ne nous inscrivons
pas dans l’optique qui repère les identités entre des objets et non des significations.
L'étude de la structuration stéréotypique du lexique ouvre la voie à une vision plus
large de la catégorisation qui, sans évacuer le réel en dehors de la langue, envisage
celle-ci dans ses rapports avec lui.

Le premier foyer de la structuration stéréotypique est le champ dérivationnel.


"La famille de mots" ou "la famille dérivationnelle synchronique" est, selon
l'expression de Claude Gruaz, "un ensemble de dérivés construits sur une tête de
famille. Un dérivé est un mot construit par ajout d'un affixe à partir d'une souche dont
il conserve le sens" (1997 : 42).

La fréquence des dérivés stéréotypiques est très élevée dans la langue. Un même trait
peut donner lieu à plusieurs formations 92 dont le sens dépend non seulement du
contenu sémantique de ce trait mais également de la valeur affixale et du domaine
cible où est investi ce trait.

92
Comme il peut donner lieu à plusieurs acceptions polysémiques d'un même item.

236
Vues sous l'angle de la variation de ces domaines, ces significations
stéréotypiques renvoient à une multitude référentielle. La projection stéréotypique
étend la signification de ces termes au-delà de la réalité concrète qu'ils dénomment
initialement. Cette altérité dénominative doit sa diversité à la productivité du foyer
stéréotypique élémentaire correspondant aux termes noyaux. Lequel foyer couvre les
champs lexicaux les plus divers. Ainsi en est-il dans la famille dérivationnelle ayant
comme tête noir et auquel est rattachée une valeur stéréotypique négative :

-états d'âme (mélancolie,


deuil, pessimisme….)

domaine cible : humain -caractères (entaché de


réputation, ivre, colère,
crime…)

noir  domaine cible : - secteur, produit, personne hors


des normes (liste noire, travail noir)

 domaine cible : - événement (le jeudi noir).

[Noir] noirceur  humain - état d'âmes, caractères

noircir  humain - caractère (difformer)


- objets (salir)

Vue sous l'angle du rapport avec le sens premier, la dérivation stéréotypique emprunte
généralement deux voies :

- La dérivation corollaire et parallèle à l’extension du sens primaire. Ici, le trait


stéréotypique accompagne le sens primaire à travers toutes ses formes morphologiques
dérivées. C'est le cas dans ces deux exemples :

a) Chiffonner : 1. "froisser…"

2. ennuyer

Chiffonné(e) 1. Froissé.

237
2. tracassé

Chiffonnement 1. action de chiffonner, état de ce qui est chiffonné

2. contrariété, léger ennui. Le Petit Robert

b) Glace: 1. Eau congelée

2. (symbole de la froideur, de l'insensibilité)

Glaçant 1. qui glace [physiquement]

2. qui décourage à force de froideur, de sévérité

Glacer 1. convertir (un liquide) en glace

2. paralyser, décourager par sa froideur ou quelques aspects

rebutants

3. frapper d'une émotion violente et profonde qui cloue sur place

Glacé(e) 1. convertir en glace

2. Empreint d'une grande froideur (regard glacé)

Glacial 1. qui a la température de la glace, qui pénètre d'un froid très vif

2. d'une froideur qui glace, rebute, paralyse (un accueil glacial).

Cette corrélation entre la glace et la froideur des sentiments fait partie d'un autre
type de structuration sémantique plus large descriptible au niveau du lexique (cf.
infra.).

D'autres dérivés de glace existent (glaçage, glacerie, glaceuse…) mais ils sont
rattachés sémantiquement à d'autres traits tels que l'analogie de l'aspect (lisse…) ou
l'aspect technique et productif (glacier, glacière…)

- La dérivation se désolidarise du sens primaire et se déploie uniquement à


partir du trait stéréotypique. C'est le cas dans :

a) Coq 1- "Oiseau de basse cour, mâle de la poule"

3- "Homme qui séduit ou prétend séduire les femmes par son apparence

avantageuse"

Coquet, coquette 1- qui cherche à plaire aux personnes du sexe opposé

238
2- qui veut plaire par sa mise, qui a le goût de la toilette, de la parure

3- qui a un aspect plaisant, signé

Coqueter 1- "se pavaner, faire des grâces"

2- flirter

Coquetterie 1- "Souci de se faire valoir de façon délicate pour plaire"

2- "Souci de plaire aux personnes de l'autre sexe, comportement qui en


résulte"

3- "Goût de la bilette, désir de plaire par sa mise"

Si dans cet exemple, tous les dérivés résultent d'un sème latent à coq « animal » et
actualisé pour être définitoire dans « coq 2 », chacun d'eux donne lieu à son tour à un
ensemble de signifiés. Ainsi, chaque forme dérivée constitue en soi un polysème.

b) Grogner 1- "pousser son cri, en parlant du cochon, du sanglier"

2- "manifester son mécontentement par de sourdes protestations"

Grognement 1- "cri du cochon, du sanglier"

2- "… murmure de mécontentement"

Grognard(e) "1- qui a l'habitude de grogner, de protester"

Grogne "mécontentement exprimé par un groupe de personnes"

Grognasser "grogner de façon continuelle"

Grognasse "femme laide et d'humeur acariâtre"

Grognon(ne) "qui a l'habitude de grogner, qui est d'une humeur maussade,


désagréable"

Le trait qui sous-tend toutes ces formations est celui du "mécontentement"; il permet
par ailleurs dans certains dérivés de tendre un trait de caractère (humeur maussade).
Les stéréotypes associés aux cris d'animaux constituent un champ plus large (cf.
infra.).

Le second foyer de la structuration stéréotypique est le champ sémantique.


Nous nous tiendrons ici à la définition générale de Cortès pour qui, « le regroupement

239
de lexèmes qui ont un sème en commun constitue un paradigme ou un champ
sémantique.

Cette définition a pour conséquence que le fait qu'un lexème, qui est la plupart du
temps constitué de plusieurs sèmes, se retrouvera nécessairement dans plusieurs
paradigmes sémantiques et que l'on peut structurer de proche en proche de grands pans
du vocabulaire selon ce principe" (1992 : 21).

Cette conception du champ sémantique nous offre une liberté plus grande dans la
description de l'économie des traits stéréotypiques dans la structuration du lexique. En
effet, le sème commun qui fonde le champ peut être lui-même un trait stéréotypique,
comme il peut être un autre sème auquel est rattaché pour chaque mot un stéréotype
différent. Enfin, entre les deux, un même stéréotype peut structurer tout un ensemble
de définitions ayant un sème commun auquel se rattache ce stéréotype.

2.4. La stéréotypie discursive

"Les propriétés universelles déterminent […] un axe qui va de contenus


linguistiques à des contenus encyclopédiques, mais sans rupture nette" (Martin, 1992 :
71). De même, "le champ stéréotypique, plus encore que le champ encyclopédique,
forme un continuum qui éloigne progressivement du noyau linguistique" (Ibid. : 72).

Cependant, plus on s'éloigne de ce noyau, plus les contours et les contenus du


stéréotype deviennent imprécis ; "ils se défont et se réforment incessamment au gré du
contexte et au hasard du déchiffrement" (R. Amossy, 1991 : 21).

Cette mouvance résulte du fait que la stéréotypie discursive fait intervenir des
éléments au-delà de l'unité lexicale (figée ou simple) et implique une imbrication des
plans d'énonciation individuels et collectifs comme elle met en oeuvre un processus
d'interprétation complexe.

Le stéréotype discursif implique la mise en oeuvre spécifique des constructions


lexicales et syntaxiques. Selon l'expression de R. Amossy et A. H. Pierrot, "Le
préconstruit répond linguistiquement à des formes d'enchâssement de la syntaxe
comme les nominalisations (l'appel du drapeau) ou les constructions épithétiques (une

240
luxueuse Jaguar) qui présentent un élément […] comme l'effet d'une prédication
antérieure" (1997 : 106-107).

Une illustration de ce type de stéréotypie est rendue par "la langue de bois" qui
concerne essentiellement l'étude des discours soviétiques dans la perspective de l'école
française de l'analyse du discours. Sur le plan du contenu on assimile "la langue au
bois" "à un jargon qu'il faut décoder, à un langage technique, normalisé, froid, sans
prise sur l'auditoire. Elle est perçue d'autre part comme un langage stéréotypé, répétitif,
réfractaire à toute évolution, une litanie sans racine et hors temps" (Ibid. : 115).

Sur le plan des caractéristiques formelles, "la langue de bois" se caractérise par
"la lourdeur syntaxique produite par l'abondance des tournures nominales, des groupes
verbo-nominaux où le verbe n'assume plus qu'une fonction d'auxiliaire, l'absence
d'embrayeurs, la présence massive du "nous", l'importance des tournures passives et
impersonnelles, l'emploi excessif des comparatifs […] ces procédés syntaxiques
passives et impersonnelles, l'emploi excessif des comparatifs […] créent l'imprécision
et maintiennent le flou et l'abstraction dans le discours. L'utilisation fréquente de
figures rhétoriques… transfigure la réalité" (Pinera, 1988 : 163) 93

Toutefois, Pineira souligne l'ambiguïté de cette notion telle qu'elle est définie en
rapport avec un discours idéologique particulier. Il montre que ce type de discours,
bien présent dans d'autres discours, doit être dégagé des fins politiques. Pour lui
conférer une légitimité scientifique, il faut donc décrire de tels procédés rhétoriques
s'apparentant à une langue codée, un jargon dont il faut mettre en évidence les
spécificités, en dégageant « la notion de langue de bois" de son étiquette politique,
polémique et ambiguë » (Ibid. : 165).

Le stéréotype discursif a également la particularité d'introduire dans le texte à


côté de l'instance d'énonciation individuelle, une autre instance imprécise qui vient se
greffer sur celle-là. Shapira constate à juste titre que "les idées reçues et les lieux
communs, notamment, s'infiltrent insidieusement dans la conscience collective et y

93
L'auteur résume les caractéristiques de ce type de discours telles qu'elles sont présentées par Françoise Tone
dans son livre La langue de bois, Paris, Julliard, 1978.

241
impriment des croyances et des convictions dans lesquelles le sujet parlant fait
difficilement la part du stéréotype et l'opinion individuelle" (1999 : 48). R. Amossy et
A. H. Pierrot mentionnent de leur côté que "le jugement" préconstruit" dans la
relation syntaxique est un élément préalable au discours, non asserté par le sujet
énonciateur, non soumis à la discussion et dont on a oublié l'origine discursive"
(1997 : 107).

En somme, "le stéréotype relève ainsi à double titre du préconstruit : un sens où


celui-ci désigne un type de construction syntaxique mettant en oeuvre du pré-asserté
et, au sens, plus large, où le préconstruit se comprend comme la trace, dans l'énoncé
individuel, de discours et de jugements préalables dont l'origine est effacée" (Ibidem.).

Enfin, le stéréotype discursif n'est souvent pas percevable à la surface du texte.


Il apparaît plutôt comme "une construction de lecture" où sont mis en oeuvre des
procédés de décomposition et de reconstruction sémantique. Ainsi, comme le postulent
R. Amossy et A. H. Pierrot, "le lecteur active le stéréotype en rassemblant autour d'un
thème […] un ensemble de prédicats qui lui sont traditionnellement attribués. Il le fait
par un processus ;

- de sélection : il choisit les termes qui lui paraissent pertinents ;

- d'élagage : il renvoie au rang de restes ou de détails ce qui n'entre pas dans le


schéma ;

- d'assemblage : il réunit des portions de discours dispersées dans l'espace de


l’œuvre ;

- de déchiffrement : il interprète dans son sens des notations indirectes […]"


(Ibid. : 73).

3- Rupture ou continuum ?

Entre la stéréotypie lexicale et la stéréotypie discursive, nous l'avons dit, la


rupture n'est pas nette et ceci, au moins pour deux raisons :

242
- le stéréotype – construction de lecture exploite entre autres les contenus
sémantiques des items lexicaux. Ce qui est définitoire ou latent est investi pour les
besoins de l'argumentation discursive ;

- certaines relations préconstruites établissent bien un lien entre des mots à


partir de traits non pertinents au niveau définitoire. Par conséquent, ces relations ne
sont pas perceptibles au niveau de la langue, néanmoins elles ont une incidence directe
sur le fonctionnement discursif des items en contexte.

Nous avons dans l'anaphore associative un exemple typique dans la mesure où


les propriétés, foyer par excellence des traits stéréotypiques pertinents ou latents, ne
peuvent pas constituer le référent d'une expression anaphorique associative (cf.
Kleiber, 2001 : 229). La raison en est que les "propriétés et [les] événements sont […]
crucialement solidaires du type ontologique de l'entité dont elles dépendent. A la
différence de celles des parties qui peuvent se faire sans changement du type
ontologique, leur aliénation en anaphore associative, parce qu'elle suppose une
aliénation vis-à-vis du type ontologique de l'antécédent, type pourtant nécessaire à leur
instanciation, est difficile à opérer" (Ibid. : 242).

La condition d'aliénation du référent d'une anaphore associative par rapport au


référent de l'antécédent présuppose une autonomie de l'individu dénoté par l'expression
anaphorique, laquelle autonomie empêche la relation préconstruite en question d'être
un simple trait définitoire dans la signification de l'antécédent. Dans l'exemple de la
relation entre "le village français" et "l'église", ce dernier référent parce qu'il est
autonome et parce qu'il n'est pas propriété ne peut figurer dans le sens de village.

Cependant, si le lien anaphorique est possible, c'est parce que la relation


préconstruite entre l'expression anaphorique et l'antécédent est évidente. Elle n'est pas
de l'ordre du définitoire certes mais elle fait partie d'une représentation prototypique
globale. "Le déclencheur étant introduit comme membre typique, la "partie"
anaphorique qu'il détermine ne peut l'être que dans la portée de cette présentation
prototypique. Autrement dit, le lien entre les deux doit être également typique" (Ibid.,
115).

243
Ainsi, l'idée de continuum entre la stéréotypie linguistique et la stéréotypie discursive
s'avère pertinente.

Par ailleurs, jusqu'ici, nous n'avons envisagé la stéréotypie linguistique que sous
l'angle de l'opposition universel/ non universel caractéristique des unités
monolexicales.

Dans le chapitre suivant, nous essayerons de mettre en avant le rôle de la


stéréotypie dans la structuration du lexique. La polysémie et le figement présentent à
cet égard deux domaines d’études permettant de délimiter la portée de ce phénomène.
La première, en ce qu’elle fournit une illustration exemplaire de la richesse de l’apport
stéréotypique dans la diversification des sens et fournit aussi la preuve que,
contrairement à certaines études, elle ne peut être une alternative au phénomène
polysémique ; le second en ce qu’il témoigne de la diversité des implications de la
stéréotypie au niveau de la genèse du sens, des procédés qui y participent et de sa
synthèse.

Mais, avant d’entamer ces deux volets d’études, il serait nécessaire d’élucider la
relation entre la stéréotypie et la métaphore qui joue un rôle similaire dans cette
structuration et ce, aux deux niveaux.

244
Troisième partie- Stéréotypie et mécanismes
sémantiques

245
Chapitre premier- Stéréotypie, métaphore, métonymie
La métaphore et la métonymie sont deux mécanismes essentiels de
l'enrichissement lexical et ce à double à titre : au niveau des unités monolexicales, les
lexicographes enregistrent un nombre important d'extensions polysémiques introduites
sous des gloses définitionnelles telles que "figuré", "métaphorique", "analogie", etc. et
qui impliquent d'une manière ou d'une autre des aspects relatifs à ces deux mécanismes
sémantiques. En ce qui concerne les unités polylexicales, un grand nombre de
séquences figées résultent, de la fixation dans la langue de représentations fondées sur
ces figures. Une bonne part d'entre elles figure sous des entrées lexicographiques à
travers des locutions considérées à partir de l'un de leurs termes, jugé comme pivot ou
foyer et comme illustrant des extensions polysémiques de ce même terme vu dans son
sens "propre".

Les catachrèses, les métaphores et les métonymies conventionnelles (les sous-


ensembles de ces tropes qui se trouvent impliqués dans ce rôle) croisent le phénomène
stéréotypique dans la mesure où il s'agit dans les deux cas de représentations
conventionnelles, souvent typiques qui se sont fixées dans la langue.

Ce lien a été constaté par plusieurs théoriciens surtout dans leur traitement des
aspects divers de la métaphore. Concernant les métaphores nominales par exemple, I.
Tamba constate que "ces dernières se fondent sur un stéréotype relevant d'une
convention socioculturelle tout autant que sur un prototype d'ordre perceptif" (1999 :
220). Schulz voit dans le double sens de l'emploi métaphorique un "effet
stéréoscopique" qui fait de la métaphore ce qu'elle est" (2002 : 29). Quant à Prandi, il
distingue un type particulier de métaphores reposant sur "l'analogie régressive [qui] se
reconnaît du fait qu'elle porte immédiatement à l'individuation d'un tertium
comparationis préalablement disponible parmi nos stéréotypes cognitifs et culturels"
(2002 : 24). Enfin, Lakoff constate que les schèmes métaphoriques moraux sont aussi
producteurs de stéréotypes que la pensée ou le langage (1997 : 251).

246
Toutefois, l'étude de la relation entre les deux types de phénomène, si elle
existe, nécessite d'abord la description des mécanismes sémantiques qui sous-tendent
la métaphore et la métonymie en général afin d'en savoir le mode de fonctionnement.

Une telle tâche ne peut être accomplie qu'en confrontant les différentes
approches les concernant, du moins dans les études linguistiques actuelles. Le domaine
d'étude étant encore vaste, nous nous proposons de les traiter conjointement sous
l'angle de leurs similitudes, lorsqu'elles se présentent toutes les deux dans le même
cadre théorique, et de leurs différences.

1- Métaphore et métonymie : bilan critique

Vues sous l'angle des perspectives théoriques, la métaphore et la métonymie


font l'objet de deux grands types de traitement : l'un y voit des mécanismes cognitifs
généraux caractéristiques de la pensée humaine, l'autre les reconnaît avant tout comme
des mécanismes linguistiques.

Dans la première perspective, les expressions métaphoriques et métonymiques


apparaissent en surface comme étant des entités différentes pouvant être rattachées à
l'origine à des compétences individuelles. Cependant, souvent, derrière cette variété
des expressions linguistiques, on pourrait découvrir une même structure cognitive qui
permettrait de dresser un inventaire limité de modèles conceptuels qui
correspondraient à des mécanismes cognitifs régissant une grande partie du langage et
de la pensée.

Concernant la métaphore, l'hypothèse de base postulée par des cognitivistes


(Lakoff, Johnson, Turner et Kövecses) est qu’il s’agit d’un phénomène conceptuel à
travers lequel nous accédons à la structure de notre pensée dont le langage n'est qu'un
support. Ainsi, les métaphores linguistiques dérivent des métaphores présentes dans le
système conceptuel de chaque locuteur (Lakoff & Johnson, 1985 : 16). De ce fait, nous
ne pouvons plus parler de métaphore morte dans la mesure où notre cognition ne
repose pas seulement sur des mécanismes conscients mais surtout sur des schèmes
métaphoriques inconscients consacrés dans la langue par un long processus de
stabilisation conventionnelle.

247
La métaphore dépasse la simple relation sémantique établie entre deux
catégories relevant de deux domaines différents pour impliquer un système de
connections et de relations structurelles permettant à un concept d'être
« métaphoriquement structuré en termes d'un autre » (ex. Métaphore de conduit) ou
encore à organiser « un système entier de concepts les uns par rapport aux autres » (ex.
Métaphore d'orientation, Ibid. : 24). Ce transfert d'un domaine source vers un domaine
cible concerne la structure même, les relations internes sur lesquelles repose la logique
du modèle cognitif véhiculée par la source. Ainsi, en définitive, la métaphore est
définie comme une correspondance systématique ("mapping") des structures, d'un
modèle source vers un modèle cible. Ainsi en est-il, par exemple, des métaphores
conceptuelles suivantes :

source  cible

plantes  idées

guerre  amour

bâtiments  théories

argent  temps etc.

Une telle systématicité provient vraisemblablement de la motivation d'un large


nombre d'expressions métaphoriques.

Selon Friedrich Ungerer et Hans Jörg Schmid (1997 : 127), notre


conceptualisation des catégories abstraites dépend des expériences de base de trois
manières :

- les propriétés saillantes catégories superordonnées et des « catégories


événementielles qui sont utilisées comme modèles - sources pour la structure des
attributs informatifs des catégories abstraites » proviennent des catégories du niveau
de base. Par exemple, dans la métaphore / un argument est un bâtiment /, les attributs
saillants des catégories de base telles que maison, tour ou encore église sont employées
pour structurer la catégorie abstraite « ARGUMENT » ; de même, la catégorie source
BATAILLE, dans la métaphore / un argument est une bataille / est une combinaison

248
d'objets de catégories de base (tank, bombe, tranchée, etc.) et des catégories d'action
(frappe, attaque, conduire) ;

- « les classes générales d'objets, d'organismes et de personnes sont également utilisées


comme des modèles-sources. Tel objet, tel organisme, telle représentation personnelle
du monde facilitent la manie cognitive et la manipulation des catégories abstraites ».
Ainsi, dans la métaphore / les idées sont des objets / et / les idées sont des personnes /,
les correspondances (mapping) métaphoriques sont dérivées à partir de classes
générales d'objets, d'organismes vivants et d'êtres humains dans lesquels on isole des
entités du monde et on s'en sert pour comprendre de telles catégories abstraites.

- « les schémas d'images de base sont utilisés pour la conceptualisation spatiale des
catégories abstraites » 97 . Dans la métaphore du / contenant /, nous nous servons
d'images (image schemas) dérivant de notre interaction quotidienne avec le monde
(expériences de base pour organiser des domaines abstraits tels que / l'argument est
une journée / ; un argument est un contenant / ou encore / l'esprit est un contenant pour
les idées/.

Cependant, bien que cette vision de la métaphore ait un apport considérable à la


compréhension des expressions linguistiques et de la structuration du lexique en
général, elle paraît néanmoins trop forte pour au moins deux raisons :

En premier lieu, la systématicité des correspondances entre le domaine source et le


domaine cible peut être aisément remise en cause. Dans les faits, la part du premier
domaine qui se trouve réellement investie dans la structuration du second et qui est
révélée par les expressions linguistiques ne concerne généralement qu'un nombre
limité d'entités. Si l'on prend, par exemple, la métaphore / les théories sont des
bâtiments /, on se rend compte que plusieurs éléments du domaine source ne sont pas
conventionnellement schématisés dans le domaine cible bien qu'aucune contrainte
d'ordre cognitif ne contraigne un tel transfert. Des énoncés tels que :

(163)- ? Cette théorie n'a pas de fenêtres

(164)- ? Cette théorie n'a pas de portes

97
C'est nous qui traduisons.

249
paraissent absurdes bien que la notion d' « ouverture » puisse être rattachée à cette
catégorie abstraite :

(165)- Cette théorie s'ouvre sur le monde…

On a par ailleurs des expressions telles que "La clef de cette théorie" où le mot "clef"
isolé de tout domaine particulier (qu’il soit source ou cible) 98 symbolise la facilité
d'accès.

- En second lieu, la métaphore conceptuelle s'appuie sur des expériences concrètes. Or,
plusieurs d'entre elles impliquent des paires de domaines dont la corrélation est loin
d'être évidente. Considérons la métaphore / « le plus » est en haut / ; Lakoff avance
qu’il existe, dans l’expérience quotidienne une corrélation entre la quantité et la
verticalité qui fait que le « plus » est toujours en haut (par exemple, quand on
« empile des livres sur le bureau, le niveau monte », 1990, 166).

Deux critiques pourraient être adressées à ce point de vue. D'abord, la quantité


peut également être corrélée à l'horizontalité. Dans le monde réel un nombre important
d'objets a une quantité exprimable en termes de longueur (les champs, les habitations,
les lacs, etc.) ; d'autres combinent les deux (un tas de paille, une nappe d'eau, etc.).
Puis, le "plus" et le "moins" concernent aussi la qualité et celle-ci, dans les expériences
quotidiennes, peut être corrélée avec le bas (l'essentiel est en bas, la profondeur)
comme elle peut l'être avec le haut (l'essentiel est en haut). Sur le plan des expressions
linguistiques, la régularité du "plus" et "du moins" en relation avec le "haut" et le "bas"
n'est pas aussi systématique que le montrent des expressions comme "aller au fond du
problème" (où le plus est en bas) et "le reprendre de haut" (où le moins est en haut).

Pour ce qui est de la métonymie, tout comme la métaphore, elle est de nature
conceptuelle, conventionnelle, inconsciente et généralement établie comme un modèle
cognitif. Elle est source de génération d'expressions linguistiques et donne lieu à des
correspondances systématiques (mapping). Cependant, elle se distingue de la
métaphore en ce qu'elle établit des correspondances au sein d'un même modèle. Une

98
La clef peut être d'une porte ou d'un meuble ; elle peut être aussi rattachée à une théorie, à une situation "clef
de cette affaire" ou autre "clef de la réussite".

250
catégorie relevant d'un domaine donné est employée pour désigner une autre catégorie
au sein du même domaine sur la base d'une relation préconstruite entre les deux.

Certains modèles métonymiques jouent un rôle essentiel dans la description des


catégories abstraites pour lesquelles la langue ne possède pas d'autres moyens pour les
décrire au propre. Par exemple, les définitions lexicographiques se limitent à des
paraphrases vagues et circulaires quand il s'agit des termes désignant les diverses
émotions. Les schémas métonymiques fondés sur la relation cause/ effet comblent
cette "insuffisance" en se servant des correspondances entre ces émotions et les
symptômes physiques qui les accompagnent souvent, comme l'illustrent les exemples
suivants empruntés à F. Unger et H. J. Schmid (1997 : 132) :

Effets physiologiques (source) Emotions (cible) Exemples


Augmentation de la colère, amour, joie s'enflammer, exploser,
température du corps fulminer
Baisse de la température du peur
corps honte, amour etc. être glacé, geler etc.
Rougissement colère, peur, joie rougir, etc.
Crier joie crier
Sauter sauter de joie
Battement du cœur peur, amour le cœur bat, palpite etc.
etc.
Se paralyser peur s'immobiliser de peur
S'enfuir peur s'enfuir à toutes jambes

Là encore la systématicité rencontre des obstacles de taille. D'une part, une


catégorie émotionnelle (ex. Peur) peut être liée à des métonymies opposées
(s'immobiliser, s'enfuir) ; d'autre part, un même processus métonymique peut renvoyer
à des émotions diverses (ex. La palpitation du cœur).

En outre, le problème le plus sérieux réside dans l'interaction entre métonymie


et métaphore. Comme le constate F. Unguer et H. J. Schmid, dans ce cas la structure

251
conceptuelle des émotions n’est pas le produit pur du seul mécanisme métonymique 94 .
A titre d'exemple, la colère peut être rattachée à deux métaphores : / la colère est du
feu / et / la colère est la chaleur d'un liquide dans un contenant / comme le montrent
respectivement les expressions suivantes : se consumer de colère / bouillonner de
colère;

Avant de passer en revue les différentes lectures qui s'accordent sur la


reconnaissance de l'autonomie des expressions métaphoriques et métonymiques, il
serait intéressant de s'arrêter sur une thèse qui repose pour l'essentiel sur la négation
d'un tel fait.

Pour Patricia Schulz, par exemple, "la métaphore n'a pas de réalité objective".
Elle résulte d'un choix subjectif qu'un observateur donné peut faire ou ne pas faire. Du
point de vue théorique, elle est "le produit d'une conception référentialiste du sens,
conception qui décrit les significations à travers les données du monde que les
expressions de la langue aurait pour objet […] de signifier […]" (2002 : 32).

Selon Schulz, cette conception repose cruellement sur la théorie du double sens:
les mots auraient des significations premières ou propres, définies à partir des traits
dénotatifs du référent et des significations secondes ou dérivées construites qui
viennent s'ajouter à ces traits.

Or, pour elle, cette distinction n'a pas d'intérêt puisque l'on peut toujours
postuler qu’"il n'y a qu'un sens "réalisé" par les entités de la langue. Autrement dit, le
sens d’un mot peut avoir différentes réalisations selon les contextes impliquant
chacune l’une de ses facettes (Ibid. : 35). Pour justifier le rattachement de ces
différentes facettes à une seule forme, elle postule à la suite de Davidson (1978 : 33) et
Searle (1979 : 100) que "M a le même sens dans les deux emplois. Décrire M
consistera à lui donner un même sens indépendamment de la situation qu'il décrit"
(ibidem). L'exemple qu'elle avance est :

(166)- Regarder voler les mouches

Cette expression aurait deux facettes ; le contexte activerait l'une ou l'autre:

94
"Metonymies cannot provide the conceptual structure of emotions all by them selves" (Ibid.: 133).

252
- l'acte de suivre des yeux des mouches réelles,

- occuper son temps à ne rien faire.

Ces deux interprétations peuvent être décrites à partir, respectivement, de la


signification de regarder qui contient l'idée d'intérêt et de mouches qui volent qui
signifie quelque chose qui est, si non dénuée de tout intérêt. La preuve qu'il s'agit d'une
même signification est que "les situations ne précèdent pas, mais elles sont le produit
de cette utilisation linguistique" (ibidem).

Si l'on croit à ce raisonnement, une expression telle que les mouches qui volent,
n'aurait qu'une seule signification qui fait que le procès exprimé rend naturellement le
manque d'intérêt caractérisant un tel acte dans toutes les situations possibles ;
l'interprétation "métaphorique" résulterait, donc d'une incompatibilité entre l'idée
d'intérêt contenue dans regarder et sa négation dans l'expression en cause. Or,
examinons l'énoncé suivant :

(167)- Paul regarde les mouches qui volent au-dessus de ces pâtisseries
exposées sans le moindre souci d'hygiène. Malgré sa faim, il décide de ne pas
en acheter.

Ici, "regarder les mouches qui volent", au-delà de l'acte réel, acquiert un intérêt
évident dans ce contexte énonciatif. Il faudrait dès lors expliquer comment l'usage
discursif active deux facettes totalement opposées et surtout comment les rattacher à
un sens unique construit. D'ailleurs, le même problème se pose avec d'autres
expressions où mouche est lié soit à un contenu positif soit à un contenu négatif
comme dans une fine mouche (personne habile et rusée) vs ne pas faire du mal à une
mouche (où mouche = faiblesse). En outre, une telle conception ne peut pas expliquer
les cas des séquences totalement opaques où l'absence de compositionnalité rend
impossible l'explication par un tilt quelconque entre les composants. Par exemple, dans
"avoir un cheveu sur la langue", il est difficile de dériver la signification "zézayer
légèrement" à partir d'une forme schématique d'où dérive également le sens littéral ou
la "seconde facette".

253
Le manque d'intérêt signifié par l'expression "les mouches qui volent" ne résulte pas
directement de la signification d'aucun des éléments constitutifs de l'unité comme dans
le cas de regarder où le sème "intérêt" est distinctif (par rapport à voir).

On ne peut non plus prétendre que l'usage linguistique subjectif d'un locuteur
individuel ou encore le contexte énonciatif par ses seuls moyens dotent l'expression
d'une telle signification, sinon on pourrait rattacher n'importe quelle signification à
n'importe quel segment linguistique. La langue serait dans ce cas une pure création
subjective et la communication deviendrait impossible. En fait, la signification d'une
telle expression n'est pas construite mais exploitée. Irène Tamba refuse la distinction
"sens propre" / "sens figuré" parce que le sémiotique des langues naturelles, auquel est
rattaché souvent le sens figuré, est issue de la sémantique, considérée généralement
comme le foyer du sens propre ; il y renvoie et n'arrive « à s'en détacher que
partiellement » (1981 : 139-142). Elle attribue à la construction figurative la valeur
d'un "construit énonciatif" original. "L'objet visé une fois repéré par référence
situationnelle, sera soumis à d'autres déterminations par référence contextuelle".
Formulée selon les règles énonciatives ordinaires, la construction figurative sera alors
"mise au compte personnel de l'énonciateur".

Collette Cortès consent avec Tamba que cette construction obéit aux mêmes
opérations énonciatives ordinaires générant le sens, mais elle voit le conflit ou
l'incongruence un indice qui « déclenche un supplément de travail interprétatif et
permet de construire l'interprétation "décalée" de l'expression figurative » (1994-
1995 : 119). D'où les mécanismes sous-jacents qui lui sont particuliers :

"- sur le plan structural, la projection sur l'axe syntagmatique d'un rapport de
similarité entre deux paradigmes non-isotopes (métaphore) ou la projection sur l'axe
paradigmatique d'un rapport de contiguïté (métonymie) ;

- sur le plan sémantique, la mise en oeuvre de schémas codifiés en fonction


d'une culture donnée, spécifiques du type de figure". (Ibid. : 121).

Cependant, l’identification d’une telle similitude n’aide pas les théories qui
reconnaissent le fait métaphorique à s'en sortir moins divisées sur cette dualité du sens.
La complexité du phénomène suscite en outre, des divergences concernant son origine

254
(conceptuelle / linguistique), ses mécanismes (similitude / comparaison) et sa
reconnaissance (incompatibilité, possibilité d'une description unifiée).

Le rapprochement entre métaphore et comparaison (comparatio) ou similitude


(similitudo) 95 remonte à Aristote et Quintilien. Pour le premier, la métaphore dérive
des analogies et entraîne la perception des similitudes. Elle est donc première et la
comparaison est simplement une métaphore élaborée (Ricoeur, 1975 : 25). Pour le
second, la comparaison est fondamentale et la métaphore n'est qu'une comparaison
abrégée.

Ces deux visions continuent à sous-tendre d'une manière ou d'une autre les travaux
actuels sur la métaphore.

Pour R. Martin celle-ci résulte d'une double dissymétrie. Une dissymétrie


présuppositionnelle s’établit entre le présupposé impliquant une propriété
communément admise et relevant du code culturel (1983 [1992] : 209) et le posé
impliquant une propriété, non socialisée et assumée seulement par l’énonciateur, qui
est « de nature du virtuème » (Ibid. : 210). Si la métaphore rejoint sur cet aspect la
comparaison, elle s'en distingue toutefois dans la mesure où, contrairement à celle-ci,
elle abolit la dualité des concepts en sacrifiant le sens propre des mots. Ainsi, tout
l’énoncé métahorique se situe en dehors du champ du vrai et du faux (Ibid. : 208). De
ce fait, la métaphore obéit plutôt à la logique du plus ou moins vrai (Cf. ci-dessous).

Une autre dissymétrie vient de la fonction référentielle localisée sur le comparé


qui « renvoie obligatoirement à un objet d'univers » alors que le composant « signifie
seulement une propriété ou un ensemble de propriétés » (Ibid. : 210).

Cette dissymétrie est présente aussi dans le cas de la tautologie. Dans :

(168)- Une femme est une femme

« Femme 1 » renvoie à l'être, « femme 2 » à un ensemble de propriétés. La différence,


c'est que l'identification tautologique se fait du même au même alors que

95
Comparatio concerne les relations quantitatives telles que "être plus long" / "être plus grand" et similitude
implique les jugements qualitatifs ayant pour objet deux propriétés similaires. La métaphore relève de ce dernier
niveau.

255
l’identification métaphorique se fait du même au différent exigeant ainsi
l’incompatibilité (Ibid. : 219).

Dans « Sophie est une lionne », la sélection sémique maintient une partie des
prédications dénotatives dans le vague permettant ainsi le passage du "vrai" au
"potentiellement vrai". Cette suspension sémique permet en retour « de surmonter
l'incompatibilité que nécessairement la métaphore porte en elle » (Ibid. : 220), et
d'établir une équivalence approchée ( V) entre deux prédicats donnés reposant sur
une double implication qu'on peut schématiser ainsi :

Soit P et Q deux "prédicats quelconques, nominaux ou non et  le signe de


l'identité approchée :

 V : [2x  Px]

lecture référentielle lecture sélective implicite

spécifique ou générique

identité  V obtenue à partir d'une double implication

 pp : x, P(x)  Fx

où F(x)  ƒ(x) ensemble flou des implications possibles à partir de Px

 loc posé : x, Q (x)  F(x)

où F(x) ƒ'(x) ensemble flou des implications possibles à partir de Q (x'') (Ibid. : 225).

Nous illustrons ces relations logiques du  V de reprendre l'énoncé minimal suivant :

(169)- Paul est la femme dans le ménage

256
Soit ƒ(x) l'ensemble des implications qui peuvent caractériser ce qu'est une femme
dans le ménage (Px) à savoir que :

- c'est elle qui infante, allaite…

- elle est soumise

- elle fait les travaux de ménage, etc.

F(x) serait, dans un contexte plus large, une ou plusieurs de ces prédications.

Ces caractéristiques sont présupposées être valides dans tout univers, pour toute
femme. Sans cette validité, la seconde implication, celle du posé, ne peut être déduite.
Dans la seconde implication, l'équivalence entre "Paul dans le ménage" Q(x) et
"femme dans le ménage" P(x) n'est assumée que par le locuteur ( loc). La prédication
qui permet ce rapprochement F(x) appartient cette fois-ci à un autre ensemble
d'implication ƒ('x) possible à partir de Q(x) et qui n'est pas forcément le même que
celui possible à partir de P(x). A titre d'exemple, "une femme infante", "allaite"
appartient à Px et non Q(x).

Cette seconde implication fait du genre métaphorique « un genre construit » où


la propriété qu’il véhicule est plus ou moins contestée du côté du comparé. Par
exemple, la férocité associée au loup est moins évidente quand il s’agit de l’homme
(Ibid. : 214). En ceci, la métaphore se distingue de la métonymie et de la synecdoque,
fondées sur un raisonnement déductif et résultant de l’expérience du monde (1985 :
295). Autrement dit, si la métaphore repose sur une recatégorisation analogique
subjective, les deux autres figures se fondent sur des relations logiques et objectives.
Toutefois, la synecdoque est "liée à une inclusion au sens strict" (1983-1992 : note
59); elle peut être généralisante comme dans le cas où l'on appellerait une chaise un
siège (notée en lexicographie p. ext.) ou particularisante comme dans l'emploi de
minute pour désigner un bref instant (notée en lexicographie : par spéc. En partic. Ou
p. rest). Par contre, la métonymie "consiste en une sorte de transfert entre
archisémème (genre prochain) et sème spécifique (différence spécifique)". (Ibidem).

Cette analyse en termes logiques diffère de celle de Marc Bonhomme. Celui-ci


distingue trois types de dénotation : ponctuelle fonctionnant sous le statut de l'égalité

257
(tautologie et descriptions définies) ; linéaire sous celui de l'inclusion (hypo /
hyperonymie comme dans chaise et siège) et synthétique provenant d'une « relation de
contradiction () entre le référent et la polarité dénotative qui le vise » (1987 : 38).

Les tropes se déploient à partir de ce dernier type de dénotation comme « des


anomalies dénotatives dues à des amalgames entre notions hétérogènes » (Ibid. : 39).

Marc Bonhomme constate que les polarités dénotatives d'un référent comme
"pape", prennent appui sur deux types de relation : les unes fonctionnant à l'intérieur
du même domaine référentiel et donnant lieu à la métonymie (ex. Rome / Chaussettes
rouges pour "pape") ; les autres agissant entre différents domaines et donnant lieu à la
métaphore (ex. "moufti" / "phare").

Pour définir la nature de ces domaines et les relations tropiques, il fait appel à la
notion de « cotopie » qui « regarde la cohérence sémantico-référentielle d'une langue
donnée » et qui « délimite des ensembles sémantico-référentiels constitués d'un
TOPOS (ou d'un thème) de base autour duquel s'agglutinent des polarités lexicales qui
sont compatibles à la fois avec ce topos et entre elles » (Ibid. : 43-44). Un mot comme
pape s'intègre dans un ensemble sémantico-reférentiel où peuvent être évoqués en
discours des aspects divers qui lui sont rattachés : le lieu où il habite (Rome), telle
particularité vestimentaire (chaussettes rouges) symbole de sa fonction (mitre), etc.

Bonhomme distingue deux types de cotopie : sémantique et sémiotique. La première


est le produit d’une structuration langagière hiérarchisée et d’une décomposition
interne d'un concept donné. Elle fonctionne sur le mode de la substitution (Pape = Être
animé + ou / homme / ou / évêque…). La cotopie sémantique régit essentiellement le
mécanisme de l'hypo/ hyperonymie. La seconde constitue un ensemble flou d' « entités
disparates, élaborées à partir des réalités naturo-culturelles qui apportent au langage
ses préconstruits mondains » (Ibid. : 46).

Cet ensemble est le foyer des tropes. La cotopie sémiotique s'organise autour de
catégories notionnelles primitives (pape, Rome…) liées entre elles par des relations
contiguëlles inhérentes (positionnement circonstanciel, actanciel…).

La métonymie et la métaphore sont définies comme des troubles affectant la


cotopie sémiotique. La première en ce qu'elle constitue "une dénotation synthétique,

258
due à des transferts entre deux ou plusieurs polarités co- référentielles dans une même
cotopie sémiotique" (49) ; la seconde en ce qu'elle se fonde sur "la transgression des
cotopies sémiotiques elles-mêmes". Elle "se définit ainsi comme une dénotation
synthétique fondée sur la rupture cotopique - ou sur la fonction ALLOTOPIQUE-,
source de fortes incompatibilités dans le pôle tropique" (Ibid., 50).

Chacune des cotopies sémiotiques s'organise autour d'une catégorie lexicale -


item ou pivot référentiel à partir duquel se tissent des relations le connectant à d'autres
termes pour générer ainsi des mini-réseaux associatifs. Cette vision paraît bien
s'accommoder avec la réalité linguistique du mécanisme métonymique du fait qu'elle
définit le "noyau" lexical et les "termes connexes" dans leurs dimensions référentielle
et sémantique et détermine les relations qui s'établissent entre eux tout en tenant
compte de leur a-systématicité.

Mais, dès qu'il s'agit de distinguer la métonymie de la métaphore, les choses


deviennent sensiblement beaucoup moins nettes. Un premier problème concerne la
délimitation de la cotopie sémiotique. Plus précisément, on peut se demander si le
pivot à partir duquel sont générés les mini-réseaux relève d'un ordre notionnel
donnant lieu à un champ sémantique ; la relation métaphorique se connecterait, dans ce
cas à n'importe quel élément de ce champ ou au contraire, d'un ordre lexical et l'unité
concernée par cette relation serait le point de départ à partir duquel se diffuse le réseau
interne de la cotopie.

Ce qui justifie une telle interrogation, c'est que, selon Marc Bonhomme, la cotopie
sémiotique se greffe d’abord sur pivot référentiel premier , c’est-à-dire un terme
central (par ex. le pape) avant de s’étendre à d'autres termes (Ibid. : 47) ce qui met
l'accent sur la nature lexicale des différents nœuds. En outre, commentant des énoncés
métaphoriques tels que : le pape est un lion / un phare, il parle dans ces cas,
respectivement, des "cotopies inattendues" "animalité" " et "paysage côtier" (52). Les
implications d'un tel changement sont considérables. D'un côté, si l'on admet que la
cotopie repose sur une identité conceptuelle et non lexicale, on serait en mesure de
réviser la quiétude constatée dans l'analyse des métonymies liées à la cotopie papale.
Dans ce cas, on serait tenté, par exemple, d'élargir les limites de la cotopie pour
l'étendre au champ notionnel de la "christianité". Si l'on objecte qu'il s'agit de

259
"catégories notionnelles primitives" comme le postule par ailleurs Bonhomme, on ne
voit pas comment ajuster la cotopie de l'"animalité" pour être primitive.

Par ailleurs, définir la métaphore en termes d'incompatibilité entre champs


sémantiques ou domaines notionnels revient à exclure l’existence d'énoncés
métaphoriques spécifiques à l'intérieur d'un même domaine. Or, comme le remarquent
Martin (1983 : 215), Tamba (1981 : 147) et Kleiber (1999 : 121), de tels énoncés
existent bel et bien ; à ne citer que deux exemples :

(170)- Ce bouleau est un chêne (Martin)


(171)- d'énormes radis ! des poires ! (Céline, Mart : 396).

Le second problème concerne l'intérêt même de la notion de cotopie dans


l'analyse de la métaphore. Autrement dit, a-t-on absolument besoin de cette notion
pour expliquer le mécanisme métaphorique? La réponse nous semble négative. Marc
Bonhomme lui-même avance que les liaisons métaphoriques brisent la dénotation.
Elles instituent une fonction sémique (donc sémantique) entre des polarités dénotatives
cotopiques (Ibid. : 52). Ainsi, ni le pivot référentiel de la cotopie métaphorisante du
moins tel qu'il est défini dans cette structure, ni les mini-réseaux ne se trouvent
impliqués dans le processus métaphorique.

De même, seul le pivot métaphorisé de la première cotopie se trouve touché par cette
relation. Autrement dit, dans le cas de la métaphore la relation ne s'établit pas entre
deux structures fondées sur des relations de contiguïté entre des connexions ayant
comme pôle dénotatif un pivot privilégié mais disons, pour le moment, entre deux
termes.

Le fait d'expliquer la métaphore à partir de la notion de "domaine" ou "champ


notionnel" a conduit certains linguistes à repenser ces relations, dans un cadre plus
restreint, en termes d'"entité" ou "occurrence" et "catégorie", étroitement liés à une
expression linguistique donnée.

Pour Kleiber, dans le cas de la métaphore "même s'il peut y avoir deux
catégories lexicales en jeu, il n'y a qu'une entité, ou qu'un ensemble d'entités ou, si l'on
veut qu'une occurrence qui se trouve catégorisée par le nom tropique" (1999 : 127).

260
Il s'agit d'une catégorisation indue reposant sur des traits de ressemblance, d'analogie,
différents de ceux mis en jeu dans la comparaison (différence vériconditionnelle, Cf.
Martin).

Toutefois, Kleiber récuse la caractérisation de cette inconvenance métaphorique en


termes d'opposition entre sens propre / sens figuré ou en termes d'incompatibilité
(Black, 1962, Tourangeau et Sternberg 1982).

La première est défendue entre autres par les tenants de la théorie interactionnelle qui
pensent que le mécanisme métaphorique résulte d'une interaction (tension) entre une
expression employée métaphoriquement (foyer ou véhicule) et les termes co-
occurrents (cadre ou teneur) présentant l'acception littérale. Selon Kleiber, cette
approche ne permet pas de rendre compte des phrases non déviantes employées
métaphoriquement telles que :

(172)- Max est un bébé (dans l'interprétation où Max est un adulte)

et où le tilt entre l’emploi figuré de bébé et son sens propre n’est pas senti (87). Elle
ne rend également pas compte des énoncés métaphoriques où aucun terme n'est
employé avec son sens littéral 96 .

La seconde est présente dans la plupart des théories étudiant le phénomène


métaphorique, même si elle s'avère valide pour l'analyse des métaphores nominales
d'appartenance ou d'inclusion, elle se trouve incapable de définir le correspondant
exact de cette inconvenance quand il s'agit de constructions verbales ou adjectivales.
En fait, l'incompatibilité de celles-ci ne relèvent pas « du même ordre que celles des
métaphores d'appartenance ou d'inclusion du type de Robert / Cet homme est un
bulldozer ». La raison en est que, contrairement à l’exemple précédent, japper (dans
les vagues jappent) et bleus (dans les bleus angélus) présupposent « un rang
d'applicabilité ou parcours de signification ». A la fonction être un bulldozer, on
associe une variable x non restreinte, alors que celle associée « aux fonctions japper
ou être bleu se voit assigner un parcours ou rang, plus restreint que la totalité

96
Sous un autre angle, Prandi affirme qu'"en présence de métaphores projectives, l'analogie qu'on prête à la
relation entre teneur et véhicule est une analogie vide, une présomption analogie que seul le travail sur les
concepts rapprochés peut se proposer de remplir dans les limites d'un champ d'interprétation" (1992 : 240).

261
indéterminée des individus de tout genre, à l'intérieur duquel se détermine la vérité ou
la fausseté de la proposition » (Ibid. : 114).

Dans le cas de la métonymie / synecdoque, l'inconvenance provient de l'emploi


d’une occurrence d’une catégorie pour une occurrence d'une autre catégorie
incompatible (Ibid. : 132). Autrement dit, une occurrence est identifiée par une autre et
elle "hérite de la catégorie lexicale à laquelle appartient l'autre occurrence par le biais
de laquelle elle se trouve identifiée" (Ibid. : 129). Soit, par exemple l'énoncé :

(173)- L'omelette au jambon a tout mangé ;

Si le client est dénommé par la catégorie lexicale omelette au jambon à laquelle il


n'appartient pas effectivement, c'est par l'entremise d'une occurrence avec laquelle il a
une relation de contiguïté à savoir qu'il a commandé ce plat.

Michele Prandi avance dans le même sens que "la métonymie et la synecdoque
se servent de relations concevables indépendamment entre des choses appartenant à un
domaine conceptuel homogène pour désigner ou qualifier une chose [donc occurrence]
par le nom d'une autre" (1999 : 195). Toutefois, il précise que si la construction de
telle ou telle relation métonymique dépend totalement d'une expression linguistique
donnée, la relation en elle-même est préétablie et préexistante par rapport à sa
réalisation linguistique ; selon lui, la métonymie "n'agit jamais sur la substance des
concepts. Si un être humain est appelé trombone par métaphore, c'est-à-dire, dans
l'idée que le trombone est un bon modèle pour le décrire, son essence est mise en
discussion. Si un être humain est appelé trombone par métonymie, c'est-à-dire, du fait
qu'il joue du trombone, son essence conceptuelle n'est pas mise en question" (1998 :
91).

La métaphore, elle, se distingue de la métonymie par le fait qu'elle projette une


chose ou une relation dans un domaine étranger (1999 : 195). Elle se fonde sur une
analogie régressive, mettant en jeu un préconstruit disponible dans le lexique ou une
analogie projective qui offre au destinataire des potentialités d’interprétation ouverte et
infinie se déployant à partir du conflit conceptuel qu’elle présente (2002 : 14). Vue
sous l'angle de la typologie de ses structures, la métaphore se caractérise par la
diversité de ses formes. Les tentatives de lui assigner une seule forme schématique

262
valable pour tous les cas de figures ne font, en fait que favoriser l’une des démarches
interprétatives (la plus typique) pouvant caractériser une forme donnée (Ibid. : 6). L'un
des schémas souvent proposé est celui de l'identification directe "A est B". Prandi
remarque que, pour une métaphore verbale non substitutive comme La lune rêve,
l’application de la formule "A est B" entraîne l’évidemment de la position sujet (Le 
de la lune est un rêve). « Comme la métaphore contient un double cohérent du sujet,
on peut certainement focaliser ce partiel de l'interaction à l'aide d'une formule
d'identification : La lune est un être humain. Mais, cette équation, qui par ailleurs n'est
pas assénée par la métaphore, n'épuise certainement pas sa valeur, car elle ignore
précisément le foyer de la métaphore » (1999 : 200).

Au terme de ce bref bilan, nous retenons les éléments suivants :

- Concernant la métaphore, nous pouvons conclure qu'à travers sa complexité


extrême, deux cas de figures dominent. La première typologie est celle qui se
conforme à la formule d'identification : "A" est "B". Dans ce cas, une occurrence ou un
ensemble d'occurrences se trouve catégorisé au moyen d'une autre catégorie sur la base
d'une relation de similitude. Cette relation se construit à partir d'une double implication
: celle qui présuppose que la catégorie métaphorisante a le trait ou les traits source de
l'extension analogique. Toutefois, cette présupposition peut s'appuyer sur un
préconstruit sémantique (lexical ou culturel) comme dans l'homme est un loup (où à
loup est conventionnellement attachées les idées de "férocité", de "menace" etc.)
[métaphore régressive sous la plume de Prandi] comme elle peut se fonder sur une
association tout à fait originale donc prise en charge tout comme le posé qui relie cette
propriété à l'occurrence catégorisée (La terre est une orange bleu) [métaphore
projective chez Prandi].

Sur le plan référentiel, l'entité catégorisée, en gardant son autonomie


référentielle (l'homme renvoie toujours à l'homme et la terre à la terre), elle voit son
intégrité conceptuelle perturbée par l'attribution d'un trait qui lui est étranger. L'entité
catégorisante, elle, est en quelque sorte désintégrée. Ses éléments dénotatifs cessent de
référer à une entité particulière sans pour autant s'effacer totalement permettant ainsi la
mise en avant des traits saillants objets du rapprochement analogique.

263
Les métaphores verbales ont la particularité d’attribuer « un procès à des actants
incohérents » (Prandi, 2002 : 17). Dans ce cas, l'analogie qui s'établit indirectement
entre l'actant incohérent et l'actant cohérent "initial" n'est qu'une partie de la structure
conceptuelle véhiculant le sémantisme de l'expression métaphorique. Dans « Dorment
les sommets des montagnes », l'auteur ne vise pas à dire que les montagnes sont des
êtres vivants. Ainsi, ce type de métaphores ne peut être ajusté à la formule
d'identification.

- Concernant la métonymie, nous retenons qu'elle permet de catégoriser une


occurrence par une autre avec laquelle elle est liée par une relation préétablie exploitée
dans les expressions métonymiques. Comme le postule Prandi, la catégorisation
métonymique ne touche pas à l'intégrité conceptuelle de ses termes.

Envisager les deux mécanismes sous l'angle de la stéréotypie trouve sa


justification dans le fait qu'ils partagent avec elle, du moins partiellement, le même
champ de la fixation des représentations culturelles dans la langue. Cependant, le
premier obstacle qui met en difficulté un rapprochement possible entre les deux types
de phénomène est relatif à la complexité et à la diversité structurelle des deux tropes
auxquelles correspond, du côté de la stéréotypie un autre type de diversité selon
qu’elle a comme foyer une unité lexicale de sens primaire ou dérivé, une séquence
figée ou le discours. L'interrogation essentielle est de trouver la ou les articulation(s)
possible(s) qui connectent la stéréotypie sous l'une de ses formes aux mécanismes
tropiques étudiés.

2- Stéréotypie et tropes lexicalisés

Pour mieux cerner cette problématique, nous exposerons les deux figures à un
"filtrage" sémantique permettant de délimiter leurs aspects éventuels qui pourraient
avoir trait à la stéréotypie.

Concernant la métaphore, une telle relation, si elle existe, ne peut avoir comme
foyer que les métaphores régressives puisque ce sont celles-là qui font appel dans leur
construction et leur interprétation à un savoir préconstruit. Dans ce cas, nous nous
intéresserons à un sous-ensemble de ce type de métaphores, à savoir les métaphores
conventionnelles, lexicalisées ou mortes et ce, pour trois raisons :

264
1- Ce type s'appuie sur un préconstruit sémantique d'une manière constante ;

2- Bien que, au niveau de l'interprétation, la différence entre métaphores


conventionnelles et non-conventionnelles se traduise "par l'absence ou la présence
d'une déviance" (Kleiber, 1999 : 107-108), cette dernière peut être aisément saisie dans
le cas des conventionnelles si on remonte à l'origine de l'expression comme elle peut
être décongelée par un processus de défigement qui entraîne sa remotivation 98 . De ce
fait, selon les termes de Prandi : "les métaphores stéréotypiques n'ont pas une structure
différente des métaphores projectives. Les métaphores stéréotypées sont des
métaphores virtuellement projectives qui pour des raisons contingentes - l'influence
d'une tradition culturelle le poids de certains lieux communs sur la presse de
générations exégètes - renoncent à développer tout leur potentiel" (2002 : 19) ;

3- Les métaphores conventionnelles ou lexicalisées ont également l'avantage


d'introduire le fait stéréotypique dans les deux niveaux de la double implication sur
laquelle se fondent les métaphores d'appartenance ou d'inclusion : non seulement la
présupposition attribuant une ou des propriétés à la catégorie métaphorisante relève du
préconstruit mais également la position permettant de l'étendre vers une autre
occurrence qui perd tout lien avec un énonciateur donné pour être prise en charge par
la communauté linguistique tout entière.

Concernant la métonymie, il est tout à fait évident qu'elle constitue un


mécanisme fondamental de l'enrichissement lexical. Un bref aperçu sur les noms de
produits (Citroën, Camembert, etc.), d'objets (blaireau, voile, etc.) rend compte d'un tel

98
Winfrid Nöth définit quatre degrés de démétaphorisation qui sont le résultat d'un processus de
conventionnalisation : (1) an originally creative metaphor becomes by conventionlization (2) a lexicalized
mataphor (e.g bottle-neck), (3) which can then become an opaque metaphor (e.g. radical : literally "from the
root') and finally (4) a dead metaphor (e. g. news magazine meant-store house')" (1985, 6). Ces étapes diffèrent
par leur degré d'innovation ainsi que par la décroissance de leur transparence sémantique.
Selon Searle (1979, 122) une métaphore morte fonctionne comme un sens littéral, c'est-à-dire que le
sens phrastique équivaut au sens discursif. Pour cette raison, il ne considère pas ce type comme relevant de la
métaphore qui correspond à une disjonction entre ces deux types de sens.
Elisabeth Closs Traugott (1985, 2) considère que dans une expression comme Elle est très froide, le
sens littéral originel relève de la compétence des locuteurs ; la remotivation du sens métaphorique éteint reste
toujours possible pour tout locuteur ayant un savoir minimal sur les étapes antérieures de la langue.

265
apport. Cependant, sa relation avec le phénomène stéréotypique est plus complexe du
fait qu'elle ne se manifeste que d'une manière indirecte à travers la réalisation
discursive de l'expression métonymique et ce, pour au moins trois raisons :

- Les ingrédients linguistiques en eux-mêmes indispensables pour la


construction d'une telle expression ne sont pas directement "stéréotypisables". Les
deux occurrences impliquées par cette figure ne voient pas leur substance conceptuelle
touchée par la métonymisation. Les contenus sémantiques de l'entité substituée et de
l'entité substituante ne sont pas altérés lors du transfert de la dénomination. Si on
emploie "tête" pour désigner la personne tout entière comme dans voter par tête, aucun
réarrangement sémique n'est perçu ni pour "tête" ni pour "personne". Les deux entités
continuent à renvoyer à ce qu'ils sont. En outre, la relation qui sous-tend l'expression
métonymique est indépendante de celle-ci et relève de l'objectif ; une tête est bel et
bien une partie d'une personne.

- Toutefois, la subjectivité de l'expression métonymique est liée essentiellement


à son emploi discursif donc à sa fonction énonciative. A travers une telle fonction,
l'efficacité du discours l’emporte sur la logique de la langue puisque l’adéquation de la
référence à son contexte vaut plus que sa vérité (Marc Bonhomme, 1987 : 194). La
stéréotypisation de la métonymie passe par des représentations partagées étroitement
liées aux faits d'énonciation. Focalisation, atténuation, amplification, etc. ne prennent
toute leur ampleur que dans un univers de discours à travers lequel se dévoile une
vision du monde relative à un groupe, une communauté ou une culture donnée.

En somme, la métonymie instaure un système référentiel second fondé sur la


dénomination oblique, ce qui lui confère des fonctions observables au niveau des deux
grandes articulations du discours :

- sur l'axe direct du discours personnalisé, le locuteur a la possibilité de


« moduler sa saisie thématique et son expressivité » en jouant sur la bipolarité
Référent-Acte de référence caractérisant la métonymie, moduler sa saisie thématique
et son expressivité. Sur le plan thématique, la métonymie procède par coupes
dénotatives permettant de filtrer les transferts possibles entre les polarités co-
référentielles d’une cotopie sémiotique pour ne retenir que ceux qui présentent le

266
mieux les entités et les ensembles référentiels. Sur le plan de la référence ou de
l'énonciation, la métonymie permet au locuteur de diversifier son attitude
dénotative par l’atténuation (euphémisme), le débrayement (ludisme), etc. ;

- « sur l'axe indirect du discours transpersonnel, la métonymie sécrète des


dominantes qui distinguent plusieurs organisations langagières. Sur le plan des genres
du discours, ces dominantes s'implantent dans les structures mêmes du récit et du style
de la presse. Sur le plan élargi du discours "socialisé", la métonymie stabilise la vision
de certaines collectivités humaines. Enfin, la métonymie singularise des géolectes… »
(Ibid. : 252-253)

- Contrairement à la métaphore lexicalisée qui garde un lien avec son sens original du
fait de la résistance de la relation analogique à l'usure du temps, la métonymie
lexicalisée ou morte (catachrèse) "cesse d'être pertinente par son déroulement" puisque
le sens se fige totalement dans une nouvelle acception en rupture totale avec le
mécanisme générant. Ceci s'explique par le fait que le lien entre les acceptions
présupposées par le terme métonymique est d’ordre conjoncturel (contiguïté). « Ce
lien est très fort en saisie synchronique, à tel point que le sens initial reste dans
l'utilisation déviante du terme. Par contre, dès que l'oubli diachronique se manifeste,
entraînant la déperdition de cette relation de contiguïté, toute rémanence du sens initial
se volatilise. Du moment où le rapport entre le Bureau-Tapis de table et le trope
Bureau /Table n'a plus été perçu, le "bureau" a totalement échappé à son extraction
textile… » (Ibid. : 263). Bonhomme parle dans ce cas de neutralisation sémantique qui
affecte le trope le transformant en une nouvelle acception du premier degré.

Toutefois, il est toujours possible d'étudier son impact indirect sur la langue à travers
les cas où elle s'appuie sur la métaphore comme dans les expressions de l'émotion
fondées sur une relation cause-effet (rougir, avoir la tête haute / basse, etc.) ou encore
dans une perspective contrastive ou la dimension culturelle donne à la diversité du
découpage du réel tout son ampleur.

Les métaphores conventionnelles sont traitées selon deux perspectives


théoriques différentes. Considérées sous un angle linguistique restreint, elles ne
concernent que les séquences figées (catachrèses, locutions, etc.). Leur étude serait

267
alors étroitement liée à la question du figement en général (Cf. stéréotypie et
figement). Considérées sous un angle cognitif élargi, elles impliquent aussi bien les
expressions figées que les entités monolexicales dites "figurées". Dans les deux cas, ce
type de métaphores fournit une matière considérable pour les lexicographes dans
l'élaboration des entrées des dictionnaires. Ayant traité certains aspects de ces deux
approches dans d'autres chapitres, nous nous limiterons ici à la description de la
relation analogique qui sous-tend ces métaphores afin de dégager les formes
particulières de la fixation des représentations stéréotypiques dans la langue.

3- Stéréotypie et types d’analogie

L'analogie dans son sens courant "désigne une ressemblance plus ou moins
lointaine entre deux ou plusieurs grandeurs entre lesquelles on admet implicitement
une différence essentielle" (A. J. Greimas, & J. Cortès, 2001 : 14). La catégorisation
métaphorique repose fondamentalement sur ce type sémantique et référentiel de
relations. Selon la nature du catégorisé et du catégorisant et selon l'objet sur lequel
porte la relation de similitude, nous dégageons trois types essentiels de projections
analogiques métaphoriques :

- la projection analogique "prototypique"

- la projection analogique iconique

- la projection analogique conceptuelle

Le premier type est caractéristique des métaphores dites "d'appartenance ou


d'inclusion, mais il peut également concerner certains emplois verbaux ou adjectivaux
figurés où le procès ou la qualité présente une extension d'une caractéristique d'une
instance particulière (Cf. infra. Par exemple épineux, bourgeonner). Dans ce dernier
cas, la relation analogique s'appuie sur un prototype qui ne se trouve pas directement
impliqué dans l'expression à travers l'unité lexicale qui le désigne mais, il l'est par l'un
de ses dérivés.

Cette relation implique d'une part, une occurrence ou une classe d'occurrence
qui "renvoie obligatoirement à un objet d'univers" (Martin, 1983-1992 : 210) et un
comparant, meilleur exemplaire d'une qualité ou d'une relation et dont le contenu

268
sémantique subit des contraintes sélectionnelles qui maintiennent les traits dénotatifs
en veilleuse et portent la saillance sur la propriété ou la relation objet de similitude.
L'exemplification du contenu analogique trouve dans le fonds culturel commun d'une
communauté linguistique (expériences quotidiennes, croyances, Histoire, etc.) les
sources de sa diversification. Selon le foyer métaphorique impliqué par cette relation
nous distinguons :

- l'exemplification d'une qualité, d'une propriété. Le prototype peut être


puisé dans le monde animal (être un loup, être un renard, être un chameau, etc.),
objectal (d'acier, de caillou respectivement dans moral d'acier, cœur de caillou, etc.)
végétal (être une fleur, épineux (affaire épineuse), bourgeonner, etc.).

Chaque prototype donne lieu à des expressions figées variées. Pour fleur par
exemple, l'idée de beauté est présente dans des expressions telles que : "couvrir
quelqu’un de fleurs", "faire une fleur à quelqu’un", "dans la fleur de…", "la fine fleur
de quelqu’un". Elle est également à l'origine de dérivés tels que fleurir dans le sens de
"éclore et s'épanouir comme une fleur", "être dans tous ses éclats".

Tous ces emplois métaphoriques ou figurés proviennent d'un même stéréotype


initial qui associe fleur et / beauté/. Une fleur en soi peut ne pas être belle :

(173)- Cette fleur est fanée, elle n'est plus belle.

Cependant, dans notre imaginaire la qualité est tellement collée à l'objet au


point qu'il nous est difficile de la voir autrement et d'accepter, sans une certaine
réticence, un énoncé tel quel :

(174)- ? Cette fleur est laide

Plusieurs extensions polysémiques monolexicales dites "figurées" proviennent


d'une telle exemplification. Ainsi, par exemple le "désordre" est exemplifié par des
instances vues comme typiques tels que campement, bazar, bordel, chantier, etc. La
projection des caractères humains sur le monde animal fait de l'âne un prototype de
bêtise, du chameau un prototype de la méchanceté, etc.

- L'exemplification par un modèle. Il s'agit d'une instance particulière


(parangon) qui sert de modèle pour exprimer une propriété donnée. Le choix de ce

269
modèle relève de la doxa qui l'érige en tant que cas exceptionnel. Le figement en fait
un cliché, « une image donnée sémantiquement pour un prototype, au moyen d'une
expression désormais stéréotypée » (Shapira, 1999 : 34). Cette instance peut être
mythologique (le talon d'Achille, les travaux d'Hercule, le cheval de Troie, le tonneau
des Danaïdes, etc.), historique (franchir le Rubicon, aller à Canossa, etc.), d’origine
textuelle (montrer patte blanche (La Fontaine), se battre contre les moulins à vent
(Don Quichotte), etc.) ou tout simplement puisée dans la vie quotidienne (mettre les
bâtons dans les roues, scier la branche sur laquelle on est assis, donner le feu vert,
etc.).

Certaines de ces expressions cumulent plusieurs mécanismes à la fois 99 . Par


exemple, dans scier la branche sur laquelle on est assis, le procès modèle s'appuie sur
une image typique (représentation iconique). La synthèse sémantique, elle, fait appel à
un processus métaleptique (effet résultat) qui promouvoit la relation analogique. Dans
"la tête haute" (sans honte, sans avoir rien à se rapprocher) ou tête basse (honteux,
confus), le lien entre la position typique de la tête et l'état d'esprit a un fondement
expérentiel dans la mesure où généralement l'effet (rendu par le sens littéral de
l'expression) est corrélé à la cause (le sens figuré). Il est évident que la stéréotypie naît
ici de la relation arbitraire entre l'antécédent et le conséquent (Il n'en est pas ainsi
toujours dans les faits). Mais, elle est doublée, d'une autre dimension, conceptuelle
cette fois-ci, puisque l'opposition axiologique entre le "haut" et le "bas" est
profondément enracinée dans notre système conceptuel et structure tout un ensemble
de termes lexicaux (Cf. stéréotypie et polysémie).

Là également, le modèle peut donner lieu à des unités néologiques de la langue


(hercule, herculéen, etc.) ou génère des extensions polysémiques quand le sens
primaire garde encore son contenu dénotatif initial (ex. Épicurien, dantesque, etc.).
Dans ce dernier cas, le sens dérive d'une relation métonymique (épicurien Epicure ;
dantesque Dante) liant une caractéristique supposée à une instance individuelle qui,
devenue typique, se diffuse par analogie pour caractériser d'autres instances relevant
d'autres catégories. Dans ce transfert, la relation métonymique peut subir elle-même

99
Ceci montre que la distinction entre les différents types d'analogie n'est que méthodique.

270
une stéréotypisation qui la déforme. Ainsi, par exemple, l'adjectif épicurien, quand il
renvoie à ce qu’est relatif à la théorie d'Épicure peut qualifier la morale vue par ce
dernier comme une recherche raisonnée du plaisir. Dans son emploi absolu, cet
adjectif qualifie une personne qui ne songe qu'au plaisir.

Dans le deuxième type, la figuration analogique se limite à un simple


rapprochement iconique où "est recherché l'entendement de l'inconnu par le
perceptible, l'imaginaire, le connu" (Gréciano, 1993b : 37). C'est le cas, dans la plupart
des métaphores mortes ou catachrèses 100 qui ont la caractéristique de ne pas disposer
d'un terme de substitution et par conséquent ne relèvent pas d'un choix discursif (ex.
aile de moulin, pied de table, etc.). La dénomination est l'un des champs langagiers où
se révèle le mieux la projection iconique entre domaines variés. Mejri (1997 a: 312 et
les pages qui suivent) en a donné une parfaite illustration à partir de l'étude de la
structuration d'un large secteur du domaine objectal et végétal par les dénominations
relatives au corps humain et animal. "Nous limitant à l'aspect symbolique, écrit Mejri,
nous pourrions dire que toutes les dénominations reposent sur la sélection de domaines
servant de prisme à la désignation d'entités appartenant à d'autres domaines, d'où la
charge culturelle propre à ces séquences. Plus la superposition de domaines est
importante, plus la charge culturelle est importante" (Ibid. : 323).

L'iconicité de ces métaphores implique des similarités dont la perception


dépend des degrés variés de la codification culturelle. Si l'on se contente de l'apport
par lequel l'image participe à la dénomination, on distingue au moins trois types
fondamentaux de projection iconique101 :

- Une image cinétique d'un procès-type se fige entraînant la substantivisation


d'une séquence à l'origine verbale donnant lieu à une dénomination motivée. La
relation entre l'image type et le référent auquel elle renvoie va de la transparence totale

100
Toutefois, ce type de figuration ne concerne pas seulement les catachrèses. S. Mejri (1997a : 324) fournit une
multitude d'exemples où les images-types "forment des séquences usuelles parallèles aux dénominations
savantes" (ex. Oreille-d'âne pezize / dent-de-lion pissenlit, etc.)
101
Une autre typologie de ce type de relation est envisagée sous l'angle de son économie sémantique dans l'acte
de dénomination (Cf. stéréotypie et figement).

271
(ouvre-boîte, ouvre-bouteille, etc.) à la quasi-opacité (guide-âne, lèche-bottes, etc.)
jusqu’ à l'opacité totale (saut-de-lit).

La motivation de la dénomination s'appuie tantôt sur une analogie prototypique (ex.


guide-âne où le stéréotype liant l'âne à la bêtise joue un rôle fondamental), tantôt sur
une relation symbolique (lèche-bottes où le verbe lécher à lui seul symbolise l'action
de flatter et où les bottes renvoient métonymiquement à"pieds" qui, lui, est lié dans
plusieurs expressions à la servilité et la soumission : se mettre, ramper, se rouler, se
traîner aux pieds de qqn ; par opposition à tenir tête). Mais, elle peut également
s'appuyer sur une relation inférentielle comme dans saut-de-lit où le mouvement infère
métonymiquement le moment et celui-ci infère à son tour la tenue qui lui est rattachée

- Une image statique motive une dénomination dans sa globalité ou en partie.

Dans le premier cas, nous sommes en présence de ce que Mejri appelle « les ruptures
bloquant la lecture compositionnelle ». Dans une unité telle que pieds-de-cheval, on
assiste à un double blocage :

"Premier blocage : la fonction référentielle du nom-base n'est pas lexicalement


réalisée; donc dénomination oblique. Rien dans ces unités ne renvoie à la chose
dénommée (formations exocentriques) [pied-de-cheval  sorte d'huître].

Deuxième blocage : sélection sémique qui ne retient des éléments lexicaux que
les sèmes justifiant la dénomination" (1997a : 308) :

Pied de cheval  de forme large  sorte d'huître pied-de-cheval

Dans le second, le nombre de blocages se réduit puisqu’un seul élément de la


dénomination est imagé. La transparence compositionnelle varie cependant en degré
selon l'élément touché par la métaphore (base ou expansion) et selon l'orientation et
l'ampleur de l'opération de sélection sémique auquel cet élément est soumis.

Toutefois, si l'on se limite à l'unité métaphorisante, on constate que la


projection imagée a la spécificité de ne sélectionner qu'un seul aspect perceptible et
saillant qui va fonder la relation analogique. Les éléments dénotatifs voient leur
fonction référentielle s'éclipser sans pour autant disparaître totalement servant ainsi de

272
cadre à la propriété sélectionnée qui est la source d'une similitude le reliant à plusieurs
instances référentielles :

Pattes-d'oie "carrefour d'où partent plusieurs routes" domaine cible objectal

" cardage avec plusieurs cardes attachées en domaine cible objectal


différents endroits d'un objet sur lequel on veut
(forme)
agir"

"les petites rides divergentes à l'angle externe de domaine cible humain


l’œil"

variété de chénopode domaine végétal

Inversement, une même image peut faire l'objet de plusieurs focalisations qui
mettent chaque fois en saillance un trait différent donnant lieu à une dénomination
différente. Ces traits peuvent se combiner avec des projections culturelles co-
occurrentes (Cf. ci dessous tête d'oiseau par exemple) ;

En ce qui concerne la sémantique lexicale, ces focalisations correspondent à des


sens polysémiques dérivés à partir du sens premier concret. Ainsi en est-il de certaines
dénominations avec "tête".

273
Foyer Trait sélectionné Projection co- Dénomination Sens
occurrente

Rondeur Tête-de-maure Fromage de Hollande de


forme sphérique

Rondeur Brosse ronde, munie d'un


Tête-de-loup
+ long manche pour nettoyer
les plafonds
extension
allongée

Rondeur Tête-de-nègre Pâtisserie composée d'une


meringue sphérique
+
enrobée de chocolat
Tête couleur

Rondeur + Tête d'oie


Disposition par Tête du fémur
rapport au corps :
partie terminale

Domaine source Tête d'un engin


animal antériorité
Tête d'un
par rapport au
cortège
corps
Petitesse Tête de Avoir une petite tête,
Tête d'oiseau
l'intelligence n'avoir ni idées, ni
jugements
+
l'opposition
gros  important
(Ex. grosse tête,
avoir la tête
grosse).

Cochon-mule Tête de mule sottise


sottise Tête de cochon

L'absence des traits perceptuels dans le dernier type de dénomination le fait basculer
du côté des images mentales. En effet, des unités telles que tête de mule, tête de
cochon ou encore des locutions telles que perdre la tête, ne pas savoir ou se donner la

274
tête font appel plutôt à une représentation conceptuelle fondée sur une relation d'ordre
métonymique entre la tête-partie du corps et l'intelligence dont elle est le siège.

Nous parvenons ainsi au dernier type de projection analogique où le


rapprochement entre les réalités mondaines et les représentations figurées ou abstraites
ne s'appuie pas sur la métaphorisation d'une instance particulière érigée selon un
principe de saillance prototypique ou perceptuel quelconque mais sur une
appréhension mentale de données empiriques.

Il s'agit là, au propre, de ce que Lakoff appelle métaphore conceptuelle (Cf. ci-
dessus). Chaque unité ou expression ne développe pas son acception figurée à partir
seulement de son propre potentiel sémantique mais à travers toute une structuration en
réseau qui implique d'autres unités. Ainsi, "obscur" signifie dans l'une de ses
acceptions "difficile à comprendre, à expliquer". Cette signification ne provient pas
d'une exemplification isolée où l'obscurité est liée directement à la propriété en
question (l'incompréhensibilité) comme l'est, par exemple, le courage pour "lion" ou la
dureté pour "l'acier". Cette signification passe nécessairement par la correspondance
plus vaste entre le domaine de la vision et celui de l'entendement.

A partir de deux stéréotypes corrélés :

(175-a)-Plus il y a de la lumière, plus on voit

(175-b)- Voir, c'est comprendre

se construit une troisième corrélation qui lie la présence ou l'absence de la lumière à la


« compréhensibilité » ou à l' « incompréhensibilité » et qui permet de structurer le
domaine de l'entendement par celui de la lumière (illuminer, éclairer, etc. / obscurcir,
assombrir, etc.).

En somme, tous les termes relatifs à la vision en tant que phénomène physique
(étroitement lié à la luminosité et à l'obscurité) servent à structurer le domaine de la
pensée.

Cependant, plus le fondement expérentiel sous-tendant la structuration


conceptuelle s'éloigne du domaine cible, plus la nécessité d'un relais s'impose. La
figuration symbolique répond en bonne partie à cette nécessité. Ainsi, projetés dans le

275
domaine des sentiments et des caractères, le "noir", le "sombre" symbolisent la
mélancolie, la tristesse, le mal, le blanc, l'innocence.

Toutefois, la symbolisation ne saurait être systématique comme les


correspondances conceptuelles. Elle condense la charge sémantique en un nombre
limité d'unités-symboles ; c'est ce qu’explique le fait qu’ "obscurité" et "obscur" ne
portent pas une telle charge (tristesse).

Pour conclure, rappelons que la stéréotypie lexicale est essentiellement relative


à la présence d'un trait sémique saillant, idéalisé et conventionnel associé à un mot
d'une manière pertinente ou latente. La métaphore, elle, a le propre de catégoriser une
occurrence dans une catégorie autre que celle dont elle fait partie normalement sur la
base d'une relation de similitude. Donc, la première a pour objet le contenu sémantique
d'un mot et s'exerce à l'intérieur d'un espace référentiel homogène ; la seconde a pour
objet la relation entre deux espaces référentiels hétérogènes qui s'établit à partir d'une
visée sélective, qui décompose le contenu sémantique ou iconique du second espace et
qui isole un élément et s'en sert pour recatégoriser le premier espace sur la base d'une
analogie présupposée entre les deux.

Selon le degré de conventionnalité du présupposé et du posé, l'élément


sélectionné, foyer de la relation analogique peut figurer dans trois structures
métaphoriques différentes :

présupposé non conventionnel, posé non conventionnel :

(176)- Dorment les sommets des montagnes :

présupposé : les montagnes sont des humains

posé : Les sommets des montagnes dorment

Il s'agit d'une métaphore projective vive qui ne s'appuie pas sur vision stéréotypique.

présupposé conventionnel, posé non conventionnel :

(177)- Cet homme est un chêne que les vents ne peuvent déplacer

présupposé : Le chêne est solide , résistant

posé : cet homme est solide

276
Il s'agit d'une métaphore régressive vive ; le présupposé est stéréotypé.

- présupposé conventionnel, posé conventionnel (double présupposition) :


(178)- L'homme est un loup pour l'homme

présupposé : les loups sont féroces entre eux

posé (présupposé 2) : les hommes constituent des menaces les uns pour les
autres.

Il s'agit d'une métaphore régressive conventionnelle ou lexicalisée foyer d'une double


stéréotypie.

Toutefois, pour déterminer avec précision la nature de la "présence


stéréotypique" dans la structuration métaphorique, il faudrait revenir sur la typologie
des relations analogiques décrite ci-haut. A chaque type de projection, nous dégageons
un constat propre :

- La relation analogique à valeur prototypique est la plus proche de la


stéréotypie sémantique et lexicale puis qu'elle implique une saillance, une idéalisation
et une conventionnalité. Toutefois, ayant comme particularité d'avoir comme foyer
non seulement des unités simples mais aussi des locutions, voire des phrases figées ou
non, elle a la capacité de catégoriser non seulement des instances référentielles
particulières mais également des scénarios, des faits qui ont toutes les caractéristiques
du stéréotype (saillance, idéalisation…). Mais qui ne sont pas analysables en termes de
traits.

- Cette même particularité de la métaphore lui permet d'avoir comme


fondement analogique une représentation iconique ou la saillance est portée sur un
trait perceptuel donné. Cependant, ayant comme foyer la dénomination elle-même, ces
projections ouvrent la voie à une double vision stéréotypique : d'abord, le
rapprochement entre l'aspect sélectionné de l'image métaphorique et la propriété de
l'instance catégorisée est arbitraire : l'objet dénommé « tête-de-loup » tout en étant
rond et muni d'une extension (manche) allongée ne reproduit pas exactement la forme
de la tête de l'animal en question ; puis, indépendamment de la motivation de la
dénomination (supposant que l'objet est dénommé X et non Y) le trait / rondeur / est

277
stéréotypique dans la mesure où le référent (brosse servant à …) peut avoir la forme
carrée ou rectangulaire sans pour autant que la dénomination cesse d'y renvoyer.

A la lumière de ces deux premiers constats, on peut se demander si le figement


des expressions métaphoriques n'offre pas un autre type de stéréotypie qui n'aurait pas
pour contenu un trait sémique quelconque mais une image statique, cinétique ou
mentale (Cf. figement et stéréotypie).

- La métaphore conceptuelle, elle, exploite des stéréotypes de base pour


établir une structuration lexicale plus élaborée et touchant un domaine plus vaste que
le stéréotype sémantique ne peut pas atteindre parce qu'il est lié à une catégorie
lexicale particulière :

Émotions
Concret

Froid insensibilité physique geler

Il fait tellement froid que mes doigts glacer


gèlent ; je ne les sens plus glacial…

froid

froideur, etc.

En outre, la métaphore conceptuelle permet d'intégrer plus d'un stéréotype dans sa


structuration du lexique. Toutefois, ces stéréotypes maintiennent une position
centrifuge puisque tous les éléments d'un domaine structuré métaphoriquement
peuvent y être ramenés :

278
domaine source : objet
domaine source oeil, vision
concret
domaine cible esprit, entendement stéréotypes
domaine cible : objet abstrait

+ lumière voir illuminer + lumière

+ vision regarder éclairer + vision

+compréhension clair +compréhension

clarté

lueur

pénétrer

+ lumière  + etc.
- lumière aveugler vision
- vision s'aveugler voir  comprendre obscurcir - lumière

- compréhension etc. obscur - vision

opacifier -compréhension

ténébreux

etc.

La relation entre l’analogie et la stéréotypie nous ouvre la voie à l’étude


approfondie du rôle de ce phénomène dans l’extension polysémique.

279
Deuxième chapitre- Polysémie et stéréotypie
Dans l'acte de dénommer, les langues fixent dans la signification des mots une
part des représentations intersubjectivement partagées par les locuteurs, relative à leur
appréhension des objets du monde. Ces représentations jouent un rôle fondamental, à
double titre, dans la catégorisation sémantique. Elles condensent le lexique par des
rapprochements entre les faits permettant le renvoi à une multitude de référents par le
biais d'une seule dénomination. Et, elles structurent l'ensemble du lexique sur la base
d'affinités sémantiques dépassant le cadre des dénominations isolées. Autrement dit, si
l'on considère que le propre de la polysémie est de rattacher une pluralité de sens à une
seule forme sur la base d'une parenté sémantique, celle-ci implique, entre autres
mécanismes linguistiques, la part de la stéréotypie dans l'établissement de telles
affinités.

Cependant, pour étudier le lien entre les deux phénomènes, on ne peut pas se
contenter de ce rapprochement intuitif. D'ailleurs, comme nous l'avons vu pour le
stéréotype, le phénomène polysémique, au-delà du consensus sur l'existence d'un
rapport fondant l'association de sens multiples à une seule forme, est l'objet de
divergences entre les linguistes. Comme le remarque Kleiber, "dès que l'on entend
dépasser le cadre de cette définition intuitive de la polysémie et que l'on veut préciser
ce qu'on entend par sens et par sens différents et surtout quels sont les rapports de
parenté qui justifient leur rassemblement et qui autorisent à séparer la polysémie de
l'homonymie […], alors, les choses se gâtent" (1999 : 55).

Ceci nous invite à passer en revue les différentes approches dans le traitement
de la polysémie et d'y prendre position pour pouvoir par la suite délimiter l'impact de
la stéréotypie sur ce mécanisme fondamental de la structuration du sens.

280
1- Théories de la polysémie : bilan critique

Comme le constatent B. Victori et Catherine Fuchs, "la polysémie des unités


lexicales "pleines" a été décrite à l'aide de deux grands types de technique, qui
participent de deux cadres théoriques distincts : la décomposition en traits sémantiques
et la dérivation à partir d'un sens premier" (1996 : 46).

Dans la première perspective, la distinction entre polysémie et homonymie est


envisagée à partir de la jonction ou de la disjonction en termes de "sèmes" entre les
sémèmes que peut avoir une même forme. Autrement dit, en synchronie, l'intersection
positive (sèmes communs) entre deux sémèmes ou plus permet de conclure à
l'existence d'une unité polysémique ; par contre, dans le cas où les sémèmes seraient
totalement disjoints (intersection nulle), on tend à dégrouper les sens et à scinder
l'unité en deux ou plusieurs homonymes.

Toutefois, le traitement de la polysémie, dans cette perspective, n'est pas


homogène. En gros, nous pouvons distinguer deux approches : l'une lexicographique
(R. Martin) qui se fonde sur l'étude des "relations logiques qui lient les définitions d'un
même vocable" (1983-1922 : 75) et, l'autre, contextualiste (Rastier) où les notions
d'inhérence et d'afférence, d'actualisation et de virtualisation jouent un rôle distinctif et
descriptif dans les types d'extension du sens.

Selon la première approche, et comme le soutient S. Mejri, la polysémie


"affecte le faisceau des sèmes à des degrés différents. Elle peut se limiter à une simple
réorganisation du faisceau sémique en lui ajoutant ou en lui retranchant un sème
comme elle peut s'exprimer dans une réorganisation générale des rapports entre les
différents sémèmes d'une seule unité linguistique" (1995 : 101).

Dans ce sens, R. Martin définit deux types d'extension polysémique :

1- La pluralité d'acceptions désignant les cas où il y a addition ou effacement


de sèmes. Pour la polysémie nominale, par exemple, quatre types de relation
immédiate entre ces acceptions sont envisagés :

281
- relation dite "restriction de sens" où il y a une addition de sèmes
spécifiques (Ibid. : 77) : ex. femme : personne du sexe féminin / personne du sexe
féminin qui est ou a été mariée

- relation dite "extension de sens" où il y a un effacement de sèmes


spécifiques (Ibid. : 79) ; ex. minute : espace de temps égale à la soixantième partie
d'une heure / court espace de temps.

- relation dite "relation métonymique" : il s’agit la réapparition du sémème 1


sous forme de sème spécifique dans le sémème 2 (Ibid. : 80) ; ex. blaireau :
Mammifère carnivore…, bas sur pattes, plantigrade, de pelage clair sur le dos, foncé
sous le ventre, qui se creuse un terrier / pinceau fait de poils de blaireau, dont se
servent les peintres, les doreurs.

- relation dite "relation métaphorique : "Elle consiste dans l'identité d'au moins
un des sèmes spécifiques, identité qui entraîne la similitude du [sémème 1] et [du
sémème 2]" (Ibid. : 81-82) ; ex. cuirasse : partie de l'armure qui protègerait le buste /
Attitude morale qui protège des blessures d'amour propre, des souffrances.

2- La pluralité de sens désignant les cas où il y a addition et effacement de


sèmes. La polysémie nominale présente deux types de cette relation :

- la polysémie étroite qui se caractérise par "la combinaison de l'effacement et


de l'addition de sèmes spécifiques (c'est-à-dire la substitution de sèmes) et l'identité
des archisémèmes…" (Ibid. : 83) ; ex. rayon : trait, ligne qui part d'un centre
lumineux/ ligne qui relie le centre d'un cercle à un point quelconque de la
circonférence.

- La polysémie lâche qui présente un seul sème spécifique commun avec des
archisémèmes différents ; il y a substitution de sèmes spécifiques (Ibid., 83) ; ex.
plateau : support plat servant à poser et à transporter des objets / Etendue de pays
assez plate et dominant les environs.

La deuxième approche, celle de Rastier, distingue :

282
- "les emplois [qui] diffèrent par au moins un sème affèrent en contexte. Sème
spécifique : ex. convoi : suite de véhicules / suite de voitures de chemin de fer. Sème
générique : ex. curasse partie de l'armure / attitude morale.

- les acceptions [qui] diffèrent par au moins un sème afférent socialement


normé. Ex. minute : soixantième partie d'une heure / court espace de temps.

- les sens [qui] diffèrent par au moins un sème inhérent ; ex; blaireau
mammifère carnivore / pinceau.

- les homonymes [qui] diffèrent au moins par tous leurs sèmes spécifiques
inhérents" (1996 : 69, Cf. critique supra).

Dans la deuxième perspective, le polysème repose sur une sorte d'unité


profonde. La démarche consiste généralement à trouver le sens premier d’un mot (sens
de base correspondant à l’un des emplois) à partir duquel l’on peut décrire le
déploiement et l’organisation des différents sens (B. Victori, C. Fuchs, 1996 : 49). Là
encore, autant plus que dans la première perspective, les voies de recherche se
multiplient.

La sémantique du prototype dans sa version étendue est l'une de ces voies.


Nous avons déjà évoqué comment cette théorie éloigne la notion du prototype de sa
vocation initiale en tant que meilleur exemplaire et aboutit "à une conception
catégorielle différente où ce n'est plus le concept ou son correspondant sur le plan
sémantique, l'acception ou le sens, qui constitue l'indication d'une catégorie mais
l'unité lexicale elle-même" (Kleiber, 2002 : 94). Ainsi, l'unité lexicale polysémique
constituerait elle-même une catégorie structurée par la relation dite "ressemblance de
famille".

Ayant étayé les implications d'une telle vision (Cf. le chapitre: stéréotypie et
prototypie), nous nous contenterons ici de présenter les arguments contre une telle
thèse.

La notion du prototype meilleur exemplaire n'est appropriée qu'aux catégories


référentielles. Or, celles-ci se séparent radicalement des catégories de sens en ce
qu'elles" sont des catégories ouvertes, génériques, en ce qu'elles rassemblent des

283
occurrences non seulement factuelles, mais aussi virtuelles et contrefactuelles"
(ibidem : 97), d'où leur pouvoir de classifier des référents nouveaux. A l'opposé, les
catégories polysémiques constituent des ensembles fermés où l’on regroupe des sens
attestés et stables (ibidem). Elles n'ont donc, de ce fait, aucun pouvoir catégorisateur.

Quant à ce qui est de la structuration en "air de famille", nous pouvons constater


qu'elle n'ajoute rien à l'hypothèse générale, celle qui voit que les sens polysémiques
ont une certaine parenté entre eux.

S'inspirant des concepts guillaumiens, Jacqueline Picoche développe une autre


approche où elle fait appel à la notion de signifié de puissance qu'elle définit comme
"tout concept ou toute construction conceptuelle permettant un classement logique,
révélant une cohérence des diverses acceptions que prend, en discours, un mot
polysémique et qui recevront, dans cette perspective, les noms de signifiés d'effet ou
effets de sens" (1977 : 76). Autrement dit, un polysème serait une unité ayant un
signifié unique (un signifié de puissance) qui permet de rendre compte de ses multiples
effets de sens.

Les différentes acceptions d'un mot seraient reliées continuellement par un cinétisme
ou un mouvement de pensée inconscient. Les saisies effectuées en divers points de son
déroulement correspondent aux effets de sens relatifs à un locuteur donné à un
moment de son énonciation. Ces coupes vont d'une saisie plénière, sémantiquement
plus riche, à une saisie subduite, plus pauvre en sèmes (Cf. pour l'illustration Picoche
1986 : 63).

Cette vision s'inscrit dans une tendance plus générale qu envisage le sens d'un
item comme une dynamique qu'on ne peut construire qu'à partir de l'interaction avec
les autres unités du contexte et la situation d'énonciation. Plusieurs théories se
partagent, dans ce cadre, le refus de l'énumération a priori des sens polysémiques et de
l'interprétation en double étape : la première, sémantique, consiste en la saisie du sens
d'une unité dans la totalité de ses potentialités et la seconde, pragmatique, consiste à la
désambiguïsation en contexte par la sélection du sens approprié à la situation
d'énonciation.

284
Bernard Victori et Catherine Fuchs (1996) développent dans cette optique, une
théorie fondée sur la distinction entre énoncé-occurrence et énoncé-type. Le premier
type correspond à "un énoncé proféré à tel moment, à tel endroit, par telle personne"
(p.26). Le sens de cet énoncé-occurrence est défini comme sa participation à la
construction référentielle du monde , d’où la possibilité de le décrire il est donc en
termes "pragmatico-référentiels" et d’où son caractère observable à travers ses effets
« dans la situation où il est proféré » (ibidem). Le second type est postulé comme
correspondant à "l’ensemble ordonné des marques linguistiques d'un énoncé
occurrence, c'est-à-dire la suite de phonèmes et de traits prosodiques…" (ibidem). Le
sens d'un énoncé-type est défini comme "la contribution constante du matériau
linguistique dont il est constitué au sens de toute occurrence de cet énoncé" (Ibid. :
27).

Ensuite, ils postulent deux types de jugement : le premier est relatif aux jugements de
paraphrase qui établissent une relation entre deux énoncés de très grande proximité.
Leur substitution l’un par l’autre n’affecte le plus souvent pas le sens dans la majorité
des conditions d’énonciation (Ibid. : 30). Le second concerne les jugements
d'ambiguïté qui caractérisent certains énoncés capables « d'évoquer, dans des
conditions d'énonciations appropriées, deux scènes différentes, chacune s'appliquant,
pour des raisons différentes, à la situation en question » (Ibid. : 31). L'un des exemples
qui illustrent ce dernier type est :

L'avocat était marron (où il y a ambiguïté d'interprétation entre l'homme de loi


ou le fruit).

Hors énoncé, chaque mot a un sens qui correspond à la définition lexicographique


alors que, dans un énoncé, le sens d’un mot ou d’une expression dépend de deux
facteurs : « un apport propre de l'expression, ne dépendant que de sa forme, et un
apport du reste de l'énoncé. Ces deux facteurs interagissent pour donner à la fois le
sens global de l'énoncé et "la part" de ce sens qui est attribué à l'expression » (Ibid. :
36-37).

Partant, ils classent les expressions suivant l'importance relative de l'apport


propre de l'expression et des règles d'interaction. A l’une des extrêmes, il y a les

285
expressions monosémiques où il n'y a pas de règles d'interaction : le sens est le même
dans tous les énoncés (ex. Tournevis). A l'autre, il y a, d'abord, les mots dits
"lexicalement vides" dont l'apport propre est réduit au minimum (les prépositions) et
dont le sens, de ce fait dépend crucialement des règles d'interaction, puis, il y a les
"vrais" homonymes « dont l'apport propre est effectivement nul, puisque le sens peut
changer radicalement suivant les énoncés, mais dont le fonctionnement se scinde en
deux cas (ou plus) complètement disjoints » (Ibid. : 37). La polysémie se situe entre
ces deux extrêmes. Elle est définie comme "une expression dont le sens ne se réduit ni
à son apport propre, ni à l'apport du reste de l'énoncé dans l'interaction avec les
énoncés dans lesquels elle est insérée" (Ibid. : 38).

Notons enfin, que le calcul du sens dans les deux types d'énoncés ne se fait pas par une
démarche à double étape mais directement "dans l'interaction dynamique des éléments
linguistiques et extralinguistiques présents…" (Ibid. : 29).

Cette approche suscite quelques réserves quant à sa démarche et ses


conclusions théoriques. Nous nous contenterons, ici, de quelques-unes d'entre-elles :

- Toute la "construction" théorique repose crucialement sur la démarche


pratique adoptée. Ce sont les comportements paraphrastiques qui, en conférant une
structure d'ensemble aux énoncés, sous-tendent le classement final du sens des
expressions (monosémique, polysémique, homonymique…). D'ailleurs, la vérification
de ces hypothèses fait appel nécessairement à ce genre de jugements. Or, pour ne citer
qu'un exemple traité par les auteurs, un mot comme tournevis n'est paraphrasable que
par sa définition-même, à savoir, outil servant à tourner les vis. Cette paraphrase
s'avère difficile à intégrer dans un énoncé comme :
(179)- J'aurai besoin d'un tournevis à croisillons pour venir à bout de cette maudite
vis
et quasiment impossible dans un énoncé définitoire du type :
- Un tournevis est un outil qui sert à tourner les vis

Les auteurs atténuent une telle difficulté en considérant que cette méthode est une
"aide pratique, imparfaite, destiné à aider à mettre en oeuvre la définition théorique de
la polysémie qui, elle, […] ne fait pas référence à la paraphrase (est polysémique toute

286
expression dont l'apport n'est pas nul mais ne constitue pas à lui seul le sens d'une
expression dans un énoncé donné)" (Ibid. : 38).

Mais, ceci ne change rien à notre critique pour plusieurs raisons :

- les auteurs eux-mêmes reconnaissent que le comportement paraphrastique


joue un rôle essentiel dans la méthodologie à suivre pour définir la polysémie.
Remarquons simplement que sans ce type de jugements, on ne peut pas caractériser le
sens d'une expression dans un énoncé donné et donc on ne peut aboutir à la définition
de la polysémie ;

- dans un mouvement inverse, pour vérifier si un item est polysémique ou non,


on est obligé d'avoir recours à ces tests de comportements paraphrastiques. Soit la
définition mentionnée ci-dessus de la polysémie, et soit la définition de l'item
monosémique tournevis, dans un énoncé tel que :

(180)- Il l'a poignardé avec un tournevis

n'y a-t-il pas là, dans le mot tournevis une activation par le contexte, d'un certain
savoir à propos de cet outil qui n'était pas essentiel dans les exemples cités ci-haut ?

Là, la possibilité d'une paraphrase éclipsant la définition-même du mot telle que:

(181)- Il l'a poignardé avec "un outil formé d'une tige en acier emmanchée d'un
extrême et aplatie de l'autre".

doit-elle nous conduire à conclure que tournevis est polysémique ?

- dans le cas des énoncés ambigus, le postulat d'un énoncé-type unique a pour
conséquence directe de rattacher tous les sens à une forme unique qui constitue la
matérialité de l'unité lexicale. Le sens d'une expression hors énoncé rejoint le même
postulat puisqu'il couvre l'ensemble des emplois contextuels. Ceci conduit à un
dilemme. Les auteurs affirment qu'ils associent « dans tous les cas à une forme
donnée un seul sens, mais ce sens contient toutes les règles d'interaction, qui peuvent
conférer à l'expression un sens différent dans différents énoncés » (Ibid. : 39). Mais, ils
avancent que ceci ne les a pas empêchés de distinguer polysémie et homonymie en
termes d'apport propre et de règles d'interaction.

287
Cette vision relève au moins deux autres objections. La première concerne la nature
même de ce sens unique. Dire que ce sens est la somme des sens potentiels n'explique
rien. Abstraction faite de la forme phonique (qui ne porte en soi aucun sens), on se
demande quelle unicité peut relier avocat = homme de loi et avocat = fruit. En fait, ce
sens unique n'est que le résultat direct du postulat de l'énoncé type unique. La seconde
concerne la définition de l'homonymie en tant que produit d'un apport propre nul. La
question serait de savoir comment un tel apport à valeur zéro dans l'énoncé type peut
donner lieu à un apport spécifique dans l'énoncé-occurrence. Il est clair qu'on ne peut
mettre ce fait sur le compte des seules règles d'interaction. Ces règles n'activent pas un
sens qui n'existe pas auparavant. Ainsi, si on part du postulat qu'un énoncé-occurrence
ne prend son sens propre et ne joue sa fonction dans son contexte spécifique que
lorsque l'énoncé-type correspondant a un sens, on a du mal à comprendre comment ce
dernier type d'énoncé a un tel sens alors que l'apport d'un de ses éléments essentiels
(ex. Avocat) est nul.

L'idée d'un sens unique lié à une forme lexicale trouvera un écho dans les
travaux ultérieurs de B. Vectori et d'autres par l'introduction de la notion de "forme
schématique" qui, selon Jean-Jacques Franckel (2002 :12) « représente l’identité d’une
unité […]. Une FS doit décrire l’ensemble des valeurs et des emplois de l’unité qu’elle
caractérise. En même temps, elle ne correspond en elle-même à aucune de ses valeurs
singulières. Elle n’est pas assimilable à quelque sens paticulier, et en particulier à un
sens qui serait premier. La FS n’est pas le sens du mot, l’identité qu’elle pose n’est pas
une substance autonome, elle n’est pas le plus petit dénominateur sémantique commun
des emplois du mot. » (2002 : 3-15).

Dans Kleiber (1999) nous trouvons une présentation critique de ces approches.

La polysémie est, dans cette optique, un modèle à trois niveaux :

- Le niveau supérieur où se situent les formes schématiques dont dépend tout


calcul de l’interprétation. Ces formes intrinsèquement associées aux unités
linguistiques sont toujours incomplètes et instables, c’est ce qui explique leur
déformation « lors de leur passage de la langue au discours » (Ibid. : 70-71).

288
Le sens véhiculé par ces formes schématiques subsume les différentes valeurs
sémantiques que peut avoir un item dans les différents contextes. Il s'agit d'une
reconstruction qui, tout comme dans l'approche précédente, est envisagée d'abord à
partir des produits observables dans les énoncés-occurrences. Se détachant de toute
valeur référentielle, ce sens n'est pas directement accessible et son contenu devient de
plus en plus insaisissable en perdant de vue l'interprétation à construire.

- Un niveau intermédiaire qui est le foyer « des facettes ou stabilisations


précoces dont la particularité est d'influer sur la suite du processus de construction
sémantique. Ces facettes sont à saisir en continuité et non en discontinuité… » (Ibid. :
71).

L'idée de base est qu'une unité linguistique peut "présenter plusieurs faces, dans ses
interactions". En même temps, elle est le foyer d'un double continuum : l’un s’établit
entre les facettes et apparaît sous forme de tendances et de cas intermédiaires entre les
différentes facettes ; l’autre « entre ce niveau de stabilisation partielle et les autres
processus qui agissent en parallèles jusqu'à la stabilisation globale de la scène
verbale… » (B. Victori, 1997 : 58, cité par Kleiber 1999 : 69).

- Un niveau inférieur ou terminal correspondant aux stabilisations globales, où


l'enrichissement (ou la complétude acquise) et la déformation des formes schématiques
donnent lieu à "l'extrême diversité des effets de sens" (Kleiber, 1999 : 71).

La critique de Kleiber vise à mettre en doute l'intérêt des formes schématiques et de


démontrer la confusion de deux niveaux d'analyse : celui de l'organisation sémantique
et celui de l'interprétation.

Concernant la première question, deux arguments essentiels sont présentés


contre cette thèse.

- En premier lieu, considérer que la polysémie est la trace de stabilisations


précoces conduit à l'une des deux hypothèses suivantes. La première est que ces
stabilisations s'effectuent du côté de la langue. Dans un tel cas, le maintien d'une forme
schématique au-dessus d'elles devient injustifié puisqu'elle relève déjà d'un niveau
préconstruit supérieur par rapport aux effets de sens contextuels. La seconde les situe
du côté de la parole, "alors il faut postuler un sens en amont du côté de la langue"

289
(Ibid. : 72). Or, Victori affirme que le sens d'une unité se stabilise dans la parole
chaque fois que celle-là figure dans un énoncé produit dans un contexte donné. Les
traces d’un tel processus existent dès le niveau lexical (1997 : 59, cité par Kleiber,
1999 : 72).

Cela signifie que ces stabilisations relèvent aussi bien de la langue et de la parole.

-En second lieu, l'existence de la polysémie dans le système linguistique sous


forme de traces implique que le locuteur, par sa connaissance des emplois
polysémiques, est capable de "se livrer à des manœuvres paraphrastiques". Dans ce
cas, cette compétence peut bien sous-tendre l'usage ultérieur des unités concernées
dans le discours. De ce fait, la stabilisation de ces sens n'est plus justifiée puisque
l’appropriation une telle trace pour un locuteur donné présuppose que ces sens soient
déjà donnés ou préconstruits (Ibid. : 73).

Pour ce qui est de la seconde question, Kleiber soutient qu' « il y a une forte
tendance à ériger en modèle d'organisation sémantique ou modèle de compétence le
modèle de l'interprétation discursive ou modèle de performance » (Ibid. : 75). Si la
détermination du sens en contexte implique un processus de stabilisation dynamique
donnant lieu au sens construit, approprié à la situation d'énonciation, cela ne nie pas
l'existence d'un sens conventionnel, préconstruit intersubjectivement partagée par les
locuteurs. La compétence définitionnelle d'un locuteur donné n'est pas une mesure
valable pour sa compétence sémantique. Autrement dit, la plupart des locuteurs sont
incapables d'énumérer des définitions à la manière des dictionnaires mais cela ne les
empêche pas de porter des jugements sémantiques sur la pertinence des sens qu'on
peut leur proposer.

Par ailleurs, si, comme le soutiennent les défenseurs de cette thèse, l'ambiguïté
discursive pour un homonyme et l'ambiguïté polysémique ne sont presque jamais
effectives, cela ne donne pas la preuve que l'homonymie et la polysémie n'existent pas.
De ce fait, l'organisation sémantique du lexique est indépendante du processus
interprétatif.

En somme, la définition de la polysémie par recours au contexte se heurte à


deux obstacles fondamentaux. En premier lieu, si le contexte participe à la

290
détermination du sens approprié d'une unité lexicale donnée dans une situation
d'énonciation précise, cette participation ne peut être prise comme une attribution
originelle d'un sens à une forme. Autrement dit, elle ne se fait pas sur le mode d'un
"meaning ceremony" 102 consistant à doter une forme de signification d'un sens
contingent. Si tel était le cas, il n'y aurait plus de sens pour tout l'énoncé concerné
parce que chaque unité apparaitrait comme en premier emploi et donc tous les mots
seraient vides de sens ; celui-ci ne pourrait être créé à partir du néant.

En second lieu, cette détermination ne peut également pas être envisagée comme un
ajout d'éléments significatifs au sens de l'item en contexte parce que, dans ce cas, vu
l'infinité de contextes possibles dans lesquels cette unité peut figurer, ses potentialités
sémantiques seraient ouvertes, illimitées et on aboutirait à la thèse de
l'indétermination.

Par conséquent, on ne peut se passer du sens préalable, préconstruit et


conventionnel. On objecterait vraisemblablement qu'aucune théorie ne prétend avancer
cette première thèse. Soit. Mais admettons que les sens polysémiques d'un item soient
le produit d'une infinité de réalisations discursives, d'où la légitimité de chercher au-
delà de ses sens potentiels une forme schématique et de décrire les effets des sens
contextuels à partir de l'interaction, dans le discours, entre cette forme et les éléments
énonciatifs en présence. Une telle vision ne fait que confirmer le caractère préconstruit
et indépendant du sens lexical par rapport au sens véhiculé par une unité dans un
contexte précis. Que ce sens soit le produit d'une infinité de contextes donne la preuve
qu'il s'élève au-dessus de tout contexte particulier et donc, il relève forcément de la
langue. Ainsi, le fait d’intervenir le contexte est certes utile pour l'interprétation
sémantique d'une unité dans le discours, mais ce fait n'est d'aucun recours dans la
description de l'organisation sémantique du lexique. Tout au contraire, essayer de faire
couler ces sens potentiels dans un moule ayant comme seul invariant la forme elle-
même n'aide en rien à la compréhension d'une telle organisation. Rappelons seulement
qu’à titre d'exemple, pour deux homonymes donnés, il est possible qu'ils proviennent
d'origines étymologiques différentes et qu'ils subissent au cours de leur évolution des

102
- Par écho à "naming ceremony".

291
parcours qui leur sont propres. Ainsi, leurs sens, pris dans l'ensemble des contextes
infinis dans lesquels ils peuvent apparaître, n'auraient aucune parenté sémantique entre
eux.

Autre inconvénient qui découle de cette approche dynamique du sens : en


traitant la polysémie en termes d'interaction d'une forme schématique relative à un
item et à son comportement particulier dans un contexte précis, elle n'envisage aucun
moyen pour décrire les couples de parenté sémantique qui peuvent relier deux
acceptions différentes de cet item du côté de la langue ; c'est-à-dire que le lien
sémantique peut bien s'établir non entre un invariant abstrait général et une acception
contextuelle particulière mais entre deux sens dérivés. Considérons, par exemple, les
significations du mot campagne. Le Petit Robert énumère les sens (potentiels)
suivants:

Campagne : "I.1 vx. Vaste étendue de pays découvert…

Mode; géogr… Paysage rural où les champs ne sont pas

clôturés, où il y a peu d'arbres et où les habitations sont

groupées.

2. Les terres cultivés, hors d'une zone urbaine

3. Ensemble des lieux fertiles hors des villes..

II. Spécialt 1. Etendue de terrain, zone où les armées se

déplacent, lorsqu'elles sont en guerre..

2. L'état de guerre, les combats pour une armée… ensemble

des opérations militaires sur un théâtre d'activités et à une

époque déterminée.

3. Ensemble de travaux civils menés pendant une période

déterminée, et destinés à se reproduire"

Excepté la forme, aucun lien d'ordre sémantique ne s'établit directement, par exemple,
entre (I.1) et (II. 3) ou encore entre (I.1) et (I.3). Si l'on essaie d'appliquer à un énoncé
correspondant à (II.3) le processus de convocation-évocation sur lequel reposent les

292
formes schématiques, on remarquera que toutes les autres acceptions ne seront pas
impliquées par ce processus. Autrement dit, aucune forme schématique ne peut réunir
de quelque manière quelle soit tous les sens potentiels de campagne. Soit l'énoncé
suivant :

(182)- Les archéologues se livrent à une campagne de fouilles sur le site X ;

Le mot campagne convoque une classe d'entités de même type servant de référence
(dans ce cas une classe d'activités) et qui, en retour, va permettre de stabiliser le sens
approprié de l'expression par rapport à cette référence. Or, cette convocation ne
renvoie qu'à la classe d'entités relative à la signification exprimée dans (I.3) parce que
l'ensemble des sens potentiels de campagne présente une grande diversité de classes
référentielles avec lesquelles il devient impossible à un emploi précis de se connecter
avec l'ensemble de ces classes. On en conclut que les formes schématiques ne sont pas
aussi englobantes que ne le laisse entendre la thèse constructive.

Toutefois, il est clair que tous ces sens sont des extensions polysémiques d'un
même item lexicale. Comment rendre compte alors d'une telle parenté ?

Certes, chaque acception ne peut être considérée comme dérivant directement


d'un sens premier unique tel que (I.1). Si, par sens premier, on entend parler d'un
invariant sémantique abstrait, existant en puissance, l'exemple de campagne infirme
une telle idée puisque aucun lien sémantique ne pourrait rattacher (I.1) et (II. 3) à un
même sens aussi abstrait qu'il soit.

Par contre, si l'on admet que le sens premier correspond à une acception
effective, particulière et envisagée comme la source à partir de laquelle se déclenche
une série d'enchaînement permettant de générer d'autres sens dérivés, la saisie des liens
entre les diverses acceptions devient possible. Le sens premier acquiert, dans ce cas,
une souplesse qui permettrait de remonter d'un sens premier immédiat à un autre
jusqu'à atteindre la source.

L'étude des liens sémantiques entre les différentes acceptions de campagne


nous servira d'illustration. Nous conjuguerons dans cette analyse deux moyens : la
décomposition componentielle pour dégager les rapports logiques entre ces extensions

293
polysémiques et la relation anaphorique associative, pour préciser la nature de ces
liens sémantiques.

* I. 1  I. 2 :

1 : Vaste étendue (S11) de pays (S12) découvert (S13)

'1: Paysage (S1'1 ) rural (S1'2) où les champs …(S1'3) et où les habitations (S1'4).

S1'1 + S1'2 =S11 + S12 + S13

'1 ne diffère de 1 que par l'addition des sèmes (S1'3) et (S1'4) ; la relation est
donc du type dit « restriction de sens ».

2 : terres (S²1) cultivées (S²2), hors d'une zone urbaine (S²3).

S²1+ S23=S11 + S12+ S13 = S1'1+ S1'2

2 se distingue de 1 par l'adjonction du sème (S²2) ; la relation est du type


« restriction de sens ».

La relation sémantique qui permet de passer de 1 à 2 est une relation locative


comme le montre l'énoncé suivant :

(183)- Nous passâmes par une campagne. Les terres cultivées dominaient le
paysage

Rappelons que la reconnaissance d'une telle relation s'appuie, comme le formule


Kleiber (2001 : 300) sur la conjonction de (i)-(ii) :

Il y a relation locative entre X et Y si et seulement si :

(i) Les éléments X et Y peuvent figurer dans la structure générique. Dans un Y,


il y a un X ; condition remplie dans ce cas :

(184)- Dans une campagne, il y a des terres cultivées ;

(ii) les éléments X et Y ne peuvent s'insérer dans la structure générique. Un X


est une partie d'un Y ; condition qui se trouve satisfaite puisqu’un énoncé tel que :

(185)- ? les terres cultivées sont une partie de la campagne

n'est pas du tout acceptable

294
295
* I.2  I.3 :

2 : terres (S²1) cultivées (S²2) hors d'une zone urbaine (S²3).

3 : terres (S31) fertiles (S32) hors d'une zone urbaine (S33).

S31= S²1 ; S33 = S²3 ,

A première vue, nous sommes en présence d'un cas de polysémie étroite


puisque d'une part, l'archisémème est le même dans 3 et 2 ; d'autre part, il y a
adjonction du sème (S32) et effacement du sème (S²2). Toutefois, cette solution nous
paraît contre-intuitive puisque la relation sémantique se fonde vraisemblablement sur
une généralisation (donc extension du sens). Une phrase telle que :

(186)- Les terres cultivées sont généralement des terres fertiles

montre l'existence d'un stéréotype qui dit qu'on ne cultive généralement que les terres
fertiles. Le test de "mais" rend compte de ce stéréotype :

(187)- Ce sont des terres fertiles mais elles ne sont pas cultivées
(188)- Ce sont des terres cultivées mais elles ne sont pas fertiles

Cette implication stéréotypique permet la décomposition de /cultivé/ en deux sèmes :


/fertile/ + /cultivable/.

Ainsi, " S²2" donnent lieu à " S²’2" "cultivable" et S²’’2 "fertile". Appliquée à la relation
entre 2 et 3, cette décomposition permet de conclure à une relation de spécification
dite "restriction de sens" où il y a ajout de S²’’2 (fertile).

Là encore la relation sémantique est une relation locative :


(189)- Nous passâmes par des lieux fertiles. Les terres cultivées dominaient le
paysage
L'application des deux conditions confirme la nature de cette relation :

(190)- Parmi les terres fertiles, il y a des terres cultivées


(191)- ?? Les terres cultivées sont une partie des terres fertiles.
(192)- ?? Les terres fertiles sont une partie des terres cultivées

La relation entre 1 et 2 et entre 2 et 3 est la même ; dans les deux cas, il s'agit
d'une spécification.

296
* I. 1  II. 1 :
2 : vaste étendue (S1) du pays (S2) découvert (S3)
4 : Etendue de terrain (S41) où les armées se déplacent (S42), lorsqu'elles sont en
guerre (S43).

S1 = S41 ; toutefois, il y a addition des sèmes S42 et S43 et effacement du sème S3.
la relation en donc dite "polysémie étroite".

La relation entre 1 et 4 est une relation analogique. Le maintien du même


archisémème est la manifestation de cette analogie, les sèmes spécifiques S42 et S43
projettent la signification dans un autre domaine.
II. 1  II. 2 :
4 : étendue de terrain (S41) où les armées se déplacent (S42) lorsqu'elles sont en
guerre (S43)
5 : l'état de guerre (S51)
S51 = S43 ; (lorsqu'elles sont en guerre, en état de guerre). En outre, il y a
effacement des sèmes, S41 et S42 .
Le lien sémantique entre 4 et l’acception dérivant de 5 se distingue toutefois de celle
exprimée par la relation logique dans 2 et 3. Ici, il s'agit plutôt d'une relation
métonymique qui permet de passer d'un lieu à l'activité menée sur ce lieu :
5 : l'état de guerre
6 : ensemble des opérations (S61) militaires (S62) sur un théâtre d'activités (S64)
à une période déterminée (S63).
Le sémème 5 est inclus dans 6 sous forme de deux sèmes spécifiques S62 et S64.
La relation logique est alors dire "relation métonymique".
II. 2  II. 3 :
6 : ensemble des opérations (S61) militaires (S62) sur un théâtre d'activités (S64)
à une période déterminée (S65)
7 : Ensemble de travaux (S71) civils (S72) menés pendant une période
déterminée (S73) et destiné à se reproduire (S74).
S71= S61 et S73= S65 ; S62 ≠ S72

297
L'identité entre ces deux ensembles de sèmes, l’opposition entre S62/ S72 et le maintien
d’un archisémème presque « commun » (ensemble de…) entraînent une similitude
entre le sémème 6 et le sémème 7 ; la relation est de type analogique.

Cependant, envisager la polysémie sous l'angle de la motivation des liens entre


les différentes acceptions a l’avantage de permettre la description des aspects de la
structuration sémantique que les relations logiques n'ont pas dans leur perspective
puisqu'elles se limitent à la relation entre deux sémèmes.

L'étude de l'implication de la stéréotypie dans ces liens sémantiques revient à répondre


à deux questions fondamentales :

- La stéréotypie est-elle un facteur d'enrichissement polysémique ?

- Si oui, quelles en sont les limites ? Autrement dit, peut-elle, dans certains cas,
freiner ces mécanismes polysémiques ? Où, au contraire, les déploie-t-elle à profusion
illimitée ?

Nous essayerons de montrer que si le rôle de la stéréotypie dans la genèse


polysémique est évident, il ne s'en suit pas que le sens qu'elle peut véhiculer est
prédictible ou systématique et qu'elle peut paradoxalement mettre de l'ordre dans des
extensions polysémiques, là où certains théoriciens n'y voient qu'une anarchie totale
(indétermination du sens).

2- Stéréotypie et génération polysémique

Jusque-là, nous avons mentionné que la stéréotypie participe à l’enrichissement


lexical à deux niveaux : l’un conceptuel transcendant le lexique, et l’autre, ponctuel
ayant comme point de départ un sens primaire. Nous avons également évoqué les cas
où le stéréotype ne s’appuie sur aucune motivation, et donc relève de l’arbitraire
absolu. A présent, nous tenterons, à travers la description des mécanismes
stéréotypiques intervenant dans la génération du sens, de montrer qu’il s’agit d’un
continuum allant de la motivation translexicale à la rupture totale.

298
2-1-Structuration stéréotypique en réseaux translexicaux (à travers le lexique)

Nous avons évoqué dans un chapitre précédent (typologie des stéréotypes) que
la motivation de l’extension polysémique peut s'étendre à tout un réseau lexical. A la
l’origine, se trouve ce que Lakoff appelle la métaphore conceptuelle qui, à partir des
expériences perceptives et sensitives, permet à un concept d'organiser "un système
entier de concepts les uns par rapport aux autres" (1985 : 24).

Sur le plan linguistique, cette motivation translexicale peut être ramenée à une
vision stéréotypique associée à une forme linguistique élémentaire. Cependant, ce type
de structurations ne se limite pas à une forme canonique unique. La relation entre les
domaines structurés va de la quasi-systématicité, à des réseaux plus ou moins partiels.
C’est pourquoi nous multiplierons les exemples (dont quelques-uns sont repris et
approfondis) pour mieux cerner cette diversité.

L’un des cas les plus systématique est celui de la métaphore vision/esprit qui se
fonde initialement sur un stéréotype qui relie les facultés de l’esprit à la vue :
(193) - Il me semble avoir vu ce visage auparavant mais 103 je
ne le reconnais pas
(194) - Je vois cet engin mais je n’y comprends rien,
Ainsi, à partir de :
(195)- Voir, c’est reconnaître, comprendre,
on passe à l’analogie quasi-totale entre la vue et les facultés de l’esprit.

En outre, la relation métonymique (conditionné / conditionnant) qui associe la


vue à la lumière permet d’étendre cette structuration au domaine de la lumière et de
l’obscurité (ibidem). Cette partition axiologique profondément ancrée dans la langue
est stéréotypique dans la mesure où ce qui est clair (+ concret) n’est pas forcément
connaissable et ce qui est obscur (+ concret) n’est pas forcément moins connaissable :

(196)- Ce lieu est obscur mais je reconnais les objets qui s’ y


trouvent ( en les touchant) .

103
L’opposition sémantique exprimée par mais prouve que les procès formulés dans le deuxième terme
(reconnaître, comprendre) font partie de la représentation stéréotypique du premier procès (voir) .

299
(197)- Cet objet est tellement lumineux que je n’arrive pas à
l’identifier.

Un cas semblable se présente avec les items relatifs à la "chaleur" et au "froid"


qui permettent à partir d'une analogie entre les sensations physiques et les sensations
émotionnelles de structurer ce deuxième domaine à partir du premier comme en
témoigne ces deux réseaux :

Sensualité + Sensualité -

Rallumer- réchauffer- incendier- embraser- Froid- froideur- frigide- geler- glacer-


enflammer- attiser- chaleur- flamme, etc. glaçant- glacial, etc.

La relation stéréotypique entre les sensations physiques et la sensualité émotionnelle


qui fonde cette analogie est présente dans un énoncé comme :

(198)- Malgré ce froid glacial, cette présence féminine frémissante fait monter en lui
une chaleur / une flamme qui embrase le cœur et le corps.

En fait, la dimension axiologique donne lieu, ici, à une relation binaire d’opposition où
deux champs sémantiques s’opposent d’une manière quasi-symétrique.

Le second type de structuration implique une relation binaire entre des éléments
relatifs à deux domaines différents. Il s’agit d’un recouvrement partiel qui ne s’appuie
pas sur un stéréotype générique comme dans le cas des métaphores précédentes mais
sur la fixation d’une inférence motivée stéréotypiquement par notre représentation de
l’être ou de l’objet ou par notre expérience perceptive.

La relation entre certains cris d’animaux et le tempérament humain, nous servira de


premier exemple :

300
Domaine source : animal domaine cible : homme

Animal cri sème activé signification (PR)

cochon, grogner, colère manifester son


sanglier, grognement mécontentement par de
ours sourdes protestations.

chat ronronner, paresse - sembler se complaire dans


ronronnement satisfaction la routine.

pigeon, roucouler, tendresse tenir des propos tendres et


tourterelle roucoulement langoureux, filer le parfait
amour.

agneau, bêler, bêlement inoffensivité, se plaindre sur un ton niais


chèvre. . niaiserie

lion rugir férocité, danger proférer avec violence,


rugissement avec des cris, des menaces

Ane braire antipathie Fam. ennuyer


profondément

chien aboyer, rage, fureur,  crier ( contre qqn)


aboiement, mécontentement
 émettre, dire d’une
aboyeur
voix furieuse.

poule caqueter volubilité, futilité bavarder d’une façon


indiscrète, intempestive.

oiseaux jaboter bavarder à plusieurs

pie jacasser,  parler avec


jacassement, volubilité et d’une
jacasserie, voix criarde ;
jacasseur
 parler à plusieurs, à
voix haute de
Etc. choses futiles. etc.

La relation sémantique entre les deux champs est fondée, ici, sur un sème
hyperonymique commun aux items du champ catégorisant (cri de…) auquel
correspond dans le second champ un sème générique qui pourrait être quelque
chose comme /attitude, conduite/. La structure binaire entre des couplets
d’items et de sens donne lieu dans l’ensemble à une configuration horizontale
parallèle.

301
Le second exemple est relatif au rapprochement entre certaines attitudes
comportementales et la disposition des objets dans l’espace ou leurs formes :

Domaine source : formes  domaine cible : homme

Forme- Sème activé Signification (PR)


disposition

rond, rondeur, simplicité qui agit avec franchise,


rondement simplicité, sans détour.

carré, carrément netteté dont le caractère est nettement


tranché, accentué

droit, droiture, absence de détour qui ne s’écarte pas d’une règle


droitement morale

plat, platitude, disposition par rapport cour. obséquieux.


platement à la position de
l’homme + valeur
axiologique ( haut /
bas) .
etc.
etc.

Au troisième type de structuration, correspondent des configurations


hétéroclites en pseudo-réseaux qui n’impliquent pas des relations entre de véritables
champs mais entre des concepts. Nous nous contentons de deux exemples :

- Des extensions de sens dénotant des objets et des êtres jugés futiles et
dérivant de catégories primaires n’ayant aucun lien entre elles, se partagent le même
contenu stéréotypique définitoire :

Courge

Gland

Cruche

Noix imbécilité, stupidité, niaiserie

Huître

Gourde

Etc.

302
La configuration de la structure d’ensemble est convergente. Le sème stéréotypique
étant le noyau autour duquel s’organise ce paradigme.

- Un même stéréotype peut structurer tout un ensemble de définitions ayant un


sème commun auquel se rattache ce stéréotype. L’exemple traité ici présente un
ensemble de mots ayant en commun le sème « discours ». Le mot discours en lui-
même ne donne pas lieu à une extension stéréotypique bien qu’il puisse porter
localement cette dimension d’une manière latente. En fait, il s’agit d’un complexe
stéréotypique fondé sur une relation causale qui peut être rattachée occasionnellement
à ce mot :

long

(discours) ennuyeux

pompeux

(199)- Il a prononcé un discours long mais pas ennuyeux.

(200)- Il a tenu un discours pompeux mais amusant et non ennuyeux.

Au mot discussion est rattaché également un complexe stéréotypique très proche de


celui de discours :

longue

( discussion) ennuyeuse

banale

Mot Extension stéréotypique (PR) Stéréotypes activés

long pompeux banal ennuyeux

laïus manière de parler, d’écrire vague et +  +


emphatique

harangue discours pompeux et ennuyeux + +

sermon discours moralisateur généralement + +


long et ennuyeux

homélie longue et ennuyeuse leçon de + +


morale

303
prêcher faire des discours solennels et + +
ennuyeux

panégyrique péj. éloge outrée, emphatique + +

parlotte conversation oiseuse, échange de + 


propos insignifiants

palabre discussion interminable et oiseuse + + 

2-2-Extension stéréotypique du sens fondée sur le sens initial

Il s’agit d’extensions définitoires qui se déploient à partir du sens initial, soit par la
stéréotypisation de l’un de ses sèmes, soit par la fixation d’un stéréotype initialement
latent par rapport à ce sens.

2-2-1-Extension liée à la stéréotypicalisation d’un sème définitoire

Ici, la stéréotypie consiste à générer le sens à partir d’un sème définitoire qui, dans
le sens initial, n’a pas cette dimension. Dans la définition de mâle, le sème
« fécondation » dans « sexe doué du pouvoir de fécondation », exprime une propriété
essentielle du référent. Dans certains univers de croyances, ce signifié est lié à la
puissance sexuelle :
(201) -On dit qu’il est impuissant !
- Non, c’est un vrai mâle, mais il n’a pas la chance d’avoir des enfants (forgé).

Cette représentation se fixe par une extension polysémique de mâle :

Mâle : « 2- homme caractérisé par la puissance sexuelle » (Le Petit


Robert)

Le dérivé adjectival développe à partir de ce même sème (pouvoir de fécondation)


deux autres sens : l’un d’usage courant et l’autre terminologique. Le premier s’inscrit
dans le cadre d’une structuration plus vaste et touche des mots où la force, l’énergie et
le courage sont associés à la virilité (homme, viril, etc. ).Le second projette
iconiquement ce sème dans le domaine stéréotypé de la relation axiologique homme /
femme. Il donne lieu à un emploi en nomenclature où mâle désigne « toute pièce de
mécanisme qui s’insère dans une autre dite femelle » (PR).

304
La stéréotypisation peut être le produit d’une restriction du sens qui restreint la
signification à un champ typique ; tel est le cas dans «impuissant », impuissance » :

Impuissance « A. Manque de force physique ou morale pour agir ; manque de


pouvoir. Synon. faiblesse, incapacité..
B. Impuissance sexuelle ou, absol., impuissance. Incapacité, pour un homme, de
pratiquer normalement l'acte sexuel, et qui est due généralement à des troubles
psychologiques. » (TLF).

L’exemple suivant dissocie l’impuissance de l’état psychologique :

(202)- Il était... non, il n' était pas impuissant , comme le disait Philips à la princesse,
mais la gymnastique de l' amour, chez lui, s' exécutait avec une telle difficulté, un tel
embarras, une telle gêne…(GONCOURTEdmond de, GONCOURT:Jules de, Journal :
mémoires de vie littéraire : t. 2 :1864-1878, p 929, ED. R. RICATTE. Paris, Fasquelle &
Flammarion, 1959)

La terminologie médicale, tout en dressant une typologie scientifique, maintient le


même stéréotype lexical puisque l’item « impuissance » renvoie toujours à un type
spécifié d’incapacité :

« MÉD. Impuissance fonctionnelle. ..Impuissance chez un homme en bonne santé, et


qui est due à des troubles psychologiques » (Médecine, Biologie t. 2 1971). Impuissance
organique.
« Impuissance liée à un trouble organique, quelle qu'en soit la nature » (Méd. Biol. t. 2
1971).
Impuissance relative. « Impuissance qui intervient en présence d'un partenaire
déterminé », (Méd. Biol. t. 2 1971). » (TLF).

L’exemple suivant diffère des deux premiers dans la mesure où le sème


stéréotypé dans l’extension présente déjà une extension similaire en emploi
indépendant, c’est-à-dire lorsqu’il fonctionne en tant qu’unité lexicale et non en tant
que sème. C’est le cas du mot central qui signifie dans son acception géométrique et
spatiale « qui est au centre, qui a rapport au centre » ; dans son acception abstraite 104 ,

104
-Notons que la dimension abstraite de central, centre…découle d’une représentation stéréotypique de
l’espace et où ces signifiés sont opposés à marginal, côté…

305
il signifie « qui constitue le noyau », c’est-à-dire capital, essentiel. Figurant dans la
signification de noyau en tant que sème, « central » garde cette double extension et sert
à générer le deuxième sens de noyau :

« 1- partie centrale, dure d’un fruit

2- partie centrale, fondamentale d’un objet » (PR) :

(203)- Je le sens plus qu’intelligent. Il a la compréhension du cœur, il sait pénétrer


toute chose par l'intérieur, par l'essence, par le noyau. Par suite ses conceptions, ses
connaissances, ont une profondeur et une solidité que je ne puis reconnaître aux
miennes.
(ALAIN-FOURNIER, Correspondance avec Jacques Rivière (1905-1914), Volume
21 (1982), Paris, Gallimard, 1930).

Là encore, ce qui est central d’un objet n’est pas toujours perçu comme fondamental
ou essentiel :

(204)- Débarrasse-toi de la partie centrale de ce morceau de bois, il y a trop de


nœuds et elle ne sert à rien.

2-2-2-Extension par la fixation d’un sème latent

Un sème initialement latent à la configuration sémantique d’un mot peut être


non seulement la source d’une extension stéréotypique mais aussi de sens dérivés.
Nous avons dans le mot cochon un parfait exemple 105 de cette duplication sémantique.
Les énoncés suivants montrent que le sème « saleté» est latent au sens initial du mot et
n’apparaît que d’une manière contingente en discours :
(205)- C’est un petit cochon élevé, bien entretenu et propre.
(206)- Il mange comme un cochon (salement).
Le sème en question donne lieu à trois acceptions ; l’une est concrète :
1- « Personne qui est sale ou qui salit. »
Et les deux autres sont abstraites :
2- « Individu qui a le goût des obscénités. »
3- « Personne grossière et immorale. » (PR)

105
D’autres exemples sont toujours possibles comme dans : félin/ féliner/ félinement- chat/ chatterie- singe/
singer/ singerie- lézard/ lézarder- coq/ coquet/ coquette/ coquetterie, etc.

306
Les dérivés cochonceté, cochonnerie et cochonner expriment plus ou moins ces deux
dimensions. Notons que le passage du concret à l’abstrait s’appuie, dans ce cas, sur un
stéréotype où le domaine des attitudes morales est structuré en termes d’un autre
domaine axiologique relatif aux antonymes propreté / saleté.

L’exemple suivant présente un autre aspect de l’extension polysémique dans la


mesure où il associe figuration et stéréotypie dans le même processus de génération
sémantique. Le verbe accoucher signifie initialement « donner naissance à un enfant ».
Le sème « péniblement » lui est rattaché d’une manière latente et contingente comme
le montrent les exemples suivants :

(207)– Elle accouche péniblement.

(208)– Elle accouche sans douleur.

(209)– Pourquoi crie-t-elle ?

- Elle accouche.

(210) - Pourquoi rit-elle ?

-? Elle accouche.

L’inacceptabilité de (210) provient des représentations partagées par la plupart


des univers de croyances en rapport avec accoucher. Dans (209) et (210) la sélection
sémantique de ce qui peut être accepté comme cause respectivement de crier et rire,
est imposée par la signification de ces deux verbes : la cause appropriée doit être
suffisamment typique pour justifier l’un ou l’autre des deux procès. Pour crier, la
cause sélectionnée doit traduire une forte émotion (peur, joie…) ou une forte sensation
physique (douleur, froid…). Le stéréotype de l’accouchement difficile permet de faire
figurer accoucher parmi les causes appropriées à crier. Le verbe rire sélectionne, lui,
ses motifs parmi ceux qui expriment exclusivement la joie, l’amusement. Or,
accoucher n’est pas un procès typique pour servir de cause à rire sauf contexte
particulier qui ne met pas en cause le trait « péniblement » comme l’illustre cet
exemple:

(211)- Bien que son accouchement ne fût pas facile, elle l’a
vécu dans la joie de voir venir au monde son premier enfant.

307
Avec le sens 2) d’accoucher (élaborer péniblement), le passage au figuré s’établit à
partir d’une similitude entre toute production pénible et la naissance d’un enfant.
Désormais, ce passage n’est possible que par la fixation du trait «péniblement» qui
n’est plus contingent mais devient trait inhérent au contenu définitoire du nouveau
sens.
Le sens suivant :
- «se décider de parler»
projette le contenu sémantique de l’extension précédente dans le domaine de la parole.
Il constitue un autre sens qui se déploie à partir du stéréotype déjà fixé: la parole étant
ici perçue comme un aveu difficile.

2-2-3-Extension par la modulation stéréotypique de tout le sens initial

Il s’agit de la projection de tout le sens initial dans un domaine spécifique qui


favorise la modulation stéréotypique.
Les deux exemples que nous allons traiter projettent les sens initiaux respectivement
dans le domaine spécifique de la relation homme / femme et celui structuré par
l’opposition mâle / femelle.
Le premier est relatif au verbe coucher dans son emploi intransitif. La construction
coucher + avec +qqn signifie «partager son lit, sa chambre avec lui» (PR). Projeté
dans le cadre de la relation homme / femme, ce sens subit une modulation
stéréotypique et finit par signifier «avoir des rapports sexuels avec qqn». Notons que la
stéréotypisation du procès entraîne une certaine opacification puisque le sens
compositionnel rendant le sens premier n’est possible qu’au moyen d’une justification
en contexte :
(212)- « Nous aurions pu coucher avec Suzanne, exsuder nos phantasmes
exténuants » (Un silence d'environ une demi-heure, SCHREIBER Boris, 1996, 94)
-« Le vieux ne voulait rien entendre pour reprendre sa couchette, et Julien était persuadé
qu'il éprouvait une joie d'enfant à venir coucher avec lui dans la paille du bûcher. » (Le Cœur
des vivants, CLAVEL Bernard, 1964 : 216, quatrième partie)
(213)- Marie couche avec Paul. ( a une relation sexuelle avec lui) ;
(214) -Marie couche avec Paul ( partage le même lit) car il n’y avait qu’un seul lit
libre.

308
(215)- «N’avez-vous jamais eu envie de coucher avec votre mère ? »
« N'avez-vous jamais eu envie de coucher avec votre grand-mère ? » (Un prix
d'excellence BORY Jean-Louis, 1979, page 35).
Dans ce dernier exemple, les noms de parenté constituent à eux seuls un contexte
favorisant la lecture neutre du verbe. Un usage différent nécessite un complément
justificatif.
Notons aussi que le verbe exprime ce même sens en emploi intransitif absolu :
Coucher 1- – «avoir des relations sexuelles, une vie sexuelle».
Ce même type de projection régit la génération du sens dérivé de lit :
- lit : 1- « meuble destiné au coucher »
5- « (Le lit symbolisant les rapports sexuels et les relations conjugales)
partager le même lit, lit nuptial, conjugal etc.
Le verbe accoupler connaît une extension semblable. Initialement, il signifie «joindre,
réunir par deux». Il a, cependant, deux extensions :
Ext. 2 – «réunir (deux choses qui jurent entre elles)
Ext. 3 – «procéder à l’accouplement de (un mâle et une femelle) »
Le passage du sens initial à la première extension se réalise par restriction de sens du
fait de l’addition du sème «qui jurent entre elles». La jonction dans les deux cas
présuppose un lien physique (ex. Accoupler des bœufs à la charrue) ou abstrait
(accoupler deux idées). L’extension 3- apparaît comme une spécification de
l’extension 2- qui, à partir du sème «jurent entre elles», projette les deux mots de
l’union dans le domaine structuré par l’opposition mâle / femelle. Cette projection
s’accompagne d’une spécification du lien physique (contact sexuel), lequel lien n’est
pas exclusivement envisagé par le sens initial. La seule union de deux sexes opposés
n’est pas une condition suffisante pour générer le sens 3- ni de 1- ni de 2- :
(216)- Les gars, conclut Colin, est-ce que vous voulez être mes garçons d'honneur ?
- C'est entendu, acquiesça Nicolas. Mais il ne faudra pas nous accoupler avec des
filles horribles, hein ? Le coup est classique et bien connu...
-Je compte demander à Alise et Isis d'être les demoiselles d'honneur, dit Colin (VIAN
Boris, L'Écume des jours, PARIS : 10|18, 1995, p 49)
(217)- Ce fut une vraie noce normande. On se mit à table à cinq heures du soir ; à
onze heures on mangeait encore. On m'avait accouplé, pour la circonstance, avec une
demoiselle Dumoulin, fille d’un colonel en retraite, jeune personne blonde et militaire,

309
bien en forme, hardie et verbeuse. (MAUPASSANT Guy de, Contes et nouvelles :
1882, IN : C. ET N. T.1. A. M. SCHMIDT ET G. DELAISEMENT. PARIS : ALBIN
MICHEL, 1959, p 668).

C’est le stéréotype qui nous mène à penser à un contact sexuel chaque fois que deux
sexes opposés se trouvent joints.

2-3-Extension en rupture manifeste avec le sens initial

Cette rupture peut se fonder respectivement sur une figuration symbolique, sur
les vestiges d’un savoir erroné ou encore sur un arbitraire pur et simple. Les
projections symboliques liées aux couleurs illustrent le premier cas. Ainsi, par
exemple, l’adjectif blanc renvoie dans l’une de ses extensions à l’innocence ; le verbe
blanchir porte, lui aussi, cette même évocation : « disculper et innocenter » qui n’ont
rien à voir avec le sens initial « rendre blanc » tout comme son antonyme noircir qui
signifie dans l’une de ses acceptions «diffamer ». De même, rien dans la couleur bleue
ne justifie l’évocation des sèmes de « l’incompréhension » ou de « l’inexpérience »
contenus par exemple dans l’extension substantivale de bleu qui signifie « jeune
recrue ».

Un savoir révolu peut être également source de rupture entre le sens initial et ses
extensions. Nous avons dans les exemples de bile et de sang deux illustrations de cette
rupture en synchronie.

Pour bile, les expressions liées au substantif sont lexicalisées :


Echauffer la bile : « exciter la colère, cette sécrétion étant
considérée comme liée aux manifestations de colère » (PR)
La bile noire : « humeur de la rate, supposée noire, à laquelle
on attribue les accès de tristesse » (PR)
Le dérivé bilieux présente cette rupture entre les deux sens en emploi monolexical :
bilieux 1- « qui abonde en bile, qui résulte de l’abondance de la bile »
2- « qui, par son humeur mélancolique, inquiète, est enclin à la colère » (PR)
Le mot sang connaît une extension pareille :
Sang 4- « le sang, traditionnellement considéré comme porteur des caractères
raciaux et héréditaires » (PR)

310
En diachronie, ce savoir faisait partie des traits définitoires de ces mots. Nous
retrouvons cette signification de bile sous l’article colère dans Le dictionnaire
étymologique du français, Les Usuels du Robert :

Colère – « famille du grec kholê « bile »- Dér. : kholera, nom de maladie ;


empr.par le latin sav. puis pop. sous la forme cholera « bile ».

En français, au XIVème siècle, bile et colère remplace dans l’ancien français courrouz
et ire.

Quant au mot sang, il a cette acception déjà en latin : sanguis et sanguinis renvoient
au sang « en tant que constituant la parenté et la descendance ». En français, cette
acception populaire est enregistrée à partir du Xème siècle.

L’effacement de ces traits en synchronie crée cette rupture au niveau de la relation


entre les deux sens.

Enfin, le lien entre le sens initial et son extension peut relever du simple
arbitraire. Il faut, cependant, distinguer ici l’arbitraire sémantique, qui caractérise, à
des degrés différents, tous les sens stéréotypiques, de l’arbitraire structural qui
concerne l’existence ou non d’un lien, de quelque nature qu’il soit, entre la
configuration sémantique d’un sens initial et ses dérivés polysémiques.

Les exemples suivants relient tous des objets à une caractérisation d’un état d’esprit.
Le monde objectal, dépourvu de tout principe animé, donne un exemple typique de la
projection arbitraire 106 (Cf. les items liés à la bêtise ci-haut) :
Couille / erreur, ennui
couillon / imbécile
couillonner / tromper, duper
En somme, la stéréotypie se présente comme un mécanisme sémantique qui,
d’un côté, établit des liens transcendant tout le lexique, d’un autre côté, projette le
sens initial d’un mot dans un domaine qui lui est totalement étranger ou encore dans
un domaine spécifique qui lui est annexé, attaché par un lien latent ou inférentiel.
Donc, vraisemblablement, elle contraigne l’intégration de tous les sens sous une même

106
On aurait pu choisir nos exemples dans le domaine de l’animal ( âne, mouton. . ) mais le rapprochement
entre deux domaines relevant de l’animé peut révéler parfois des traits stéréotypiques latents au sens initial.

311
forme schématique puisqu’il n’est plus possible de trouver un trait général commun à
ces sens.

Cependant, plusieurs autres faits linguistiques, loin de faire l’unanimité, oeuvrent


à l’encontre de cette assertion. Nous tenterons de montrer que la stéréotypie peut
apporter quelques éléments de réponses à des questions cruciales qu’affronte le
traitement dit “ classique ” de la variation des sens, à savoir la variabilité en nombre
fini ou indéfini de ces sens et la régularité ou la non-régularité de certains emplois
polysémiques.

3- Stéréotypie et limites de l’extension polysémique

Notre point de départ sera l’analyse des exemples avancés respectivement par
G. Nunberg et A. Zaenen cités par Kleiber (1999 : 104) relatifs à la polysémie
systématique, et par J. Searle (1979 : 176) et repris par C. Bianchi (2001 : 99) relatifs à
la variabilité indéfinie du sens.

Rappelons que C. Bianchi mentionne trois difficultés majeures que rencontre le


traitement classique de la polysémie et les présente comme suit :

1- “ L’idée selon laquelle l’on peut dresser la liste des sens d’une expression et
y choisir le sens approprié à un contexte donné… ne permet pas de rendre compte de
la détermination graduelle et perméable des valeurs attestées et du continuum constitué
par ses sens.

2-Un mot [peut] exprimer un nombre de sens potentiellement infini étant donné
le nombre indéfini de situations de discours dans lesquelles il peut y être employé ;

3-… Le paradigme traditionnel relègue dans l’implicite toute une série de


régularités, dont l’aspect systématique et productif est oblitéré ” (Bianchi 2001 : 96).

3-1-La stéréotypie peut-elle être un facteur de blocage de la polysémie ?

Pour Bianchi (2001 : 102), «on a polysémie systématique quand le processus de


génération du sens étendu b de l’expression E à partir de son sens primaire a est un
processus systématique et productif dans le sens qu’il génère un sens étendu pour toute
autre expression possédant un sens primaire du même type ».

312
Relèverait de ce type d’extensions tout mécanisme qui permettrait de passer, par
exemple :
- d’un nom d’animal à sa viande (le porc, l’agneau, le poulet, etc.)
- d’un nom d’animal à sa fourrure (l’hermine, le vison, la marmotte, etc.)
- d’un nom d’animal à sa peau (le serpent, l’agneau, la vachette, etc.)
- du nom d’une plante à ses feuilles utilisées pour des infusions (le thé, la
menthe, la verveine, etc.)
- du nom d’un arbre à son bois (le chêne, le bouleau, l’acajou, etc.)
- etc.
Nous nous contenterons, ici, du premier paradigme.
Selon G. Nunberg et A. Zaenen, le passage de veau “ animal ” / lapin “ animal ”
à veau “ viande de … ”/ lapin “ viande de… ”, dans les exemples suivants :
(218)- Jean mangeait du veau
(219)- Jean mangeait du lapin
est le résultat d’un processus polysémique unificateur, s’inscrivant au niveau
lexicologique et qui est “ une fonction de transfert unique qui projette n’importe quel
nom comptable C sur un nom non comptable qui dénote une substance qui correspond
de façon évidente aux dénotations de C ” (1997 : 14).
Ainsi, par exemple les sens de veau “ viande de… ” / “ peau de … ” tout
comme ceux de lapin “ viande de …. ” / “ fourrure de … ” sont dus à un mécanisme de
transfert où la réification massif  comptable permet de passer de la source (animal) à
la cible (substance de…)
Le sens vague, sous déterminé de “ substance de …. ” donne en contexte l’un
des sens particuliers “ viande ” / “ peau ” ou “ viande ” / “ fourrure ”,
respectivement pour veau et lapin, grâce à un processus de spécification où entre en
jeu la connaissance des normes sociales quant aux différents cadres associés à tel
emploi ou tel autre.

Les licences lexicales ou les conventions d’emplois, se marquant au niveau


lexicographique, se chargent, dans ce sens, de “ rendre compte de la dépendance vis-à-
vis des conventions culturelles de la disponibilité et du domaine d’application restreint
de la fonction de dérivation générale ” (Kleiber 1999 : 108).

313
Kleiber montre que l’opération de broyage qui repose sur le transfert d’un N
comptable à un N massif ne saurait rendre compte de la signification qui découle d’un
emploi positif tel que dans :
(220)- Il y a du sanglier dans la forêt
et où le sens ne peut évidemment pas dériver du concept “ substance de… ”.
Kleiber constate enfin que “ la règle polysémique qui veut que le nom d’un
animal puisse servir pour le nom de la viande de cet animal n’est pas aussi
systématique que cela ” (Kleiber, 1999 : 117).

Il distingue, en effet, deux séries de noms qui se comportent différemment dans le


cadre d’une structure exprimant une hiérarchie-être et dans les emplois avec des
substantifs quantificateurs de poids.

La première série comporte les N veau, porc, bœuf, mouton, agneau …qui s’intègrent
“ de façon naturelle ou du moins plus facilement dans une hiérarchie être comportant
le nom viande comme hyponyme ” :
(221)- Le veau, le porc, l’agneau, le mouton, c’est de la viande
c’est une viande chère
De même ces noms sont les seuls qui acceptent sans peine des substantifs
quantificateurs de mesure de poids :
(222)- J’ai acheté un kilo / une livre / 300 g… de veau, de mouton
Alors que les noms de la deuxième série lapin, viande, poulet, dindon, saumon,
truite… donnent lieu à un écho interprétatif significatif et donnent à penser qu’il y a en
quelque sorte démembrement ou broyage dans des emplois tels que :
(223)- le lapin, la dinde, le poulet…, c’est de la viande
(224)- j’ai acheté un kilo / un livre, / 300 g… de lapin, de
poulet…
Kleiber avance l’hypothèse suivante sans toutefois trancher sur la question : lapin
dans (224) aurait le sens “ d’objet de consommation ”.

Or, si tel était le cas, rien ne devrait justifier ce tilt ou cette difficulté quant à son
emploi avec des substantifs quantificateurs de mesure de poids puisque n’importe quel
objet de consommation peut s’intégrer facilement dans une telle structure à condition
d’avoir un poids et d’être échangé sous cette forme.

314
A notre avis, la différence entre (222) et (224), pour être expliquée, exige que
nous prenions en compte le cadre relationnel différent de la sélection sémantique
pour « veau » et « lapin », respectivement avec l’opérateur quantificateur (un kilo, 300
g…) et l’opérateur verbal (manger), afin de délimiter par la suite le statut sémantique
de chaque unité.

J. Giry Schneider (1994 : 10) remarque que l’interprétation du nom argument


dépend de la nature de l’opérateur suivant qu’il est général ou approprié. Celui-ci peut
impliquer le nom d’une manière globale (opérateur général) comme il peut impliquer
une description partielle qui porte donc sur l’un des sèmes spécifiques (opérateur
approprié).

Comme le rappelle C. Benninger (2001 : 25-32), étant des termes


syncatégorématiques, “ les substantifs quantificateurs ne renvoient à un segment de la
réalité qu’à la condition que leur soit associé un deuxième concept ” approprié au
quantifiant.

Dans le cadre de (222) la relation peut être exprimée comme suit :

N2 peut être le deuxième élément d’un syntagme binominal ayant la structure


Dét –N1- de (dét) N2 et où N1 est un substantif quantificateur de mesure de
poids si et seulement si l’objet dénoté par N2 est quantifiable par N1 et s’il est
échangé en tant que tel.

La sélection du substantif quantificateur des noms arguments qui lui sont


appropriés se fait sur l’ensemble des traits qui constituent le sens d’une unité,
autrement dit, une unité donnée ou bien elle vérifie cette condition (celle d’avoir un
poids et d’être échangée en tant que tel) dans sa globalité ou elle ne l’est pas. C’est ce
qui explique pourquoi un énoncé tel que :

(225)- ? Paul a pesé trois kilos de livres

est inacceptable en l’absence de justification en contexte, du fait que les livres, bien
que quantifiables en mesure de poids, ne sont pas échangés (commercialisés) sous
cette forme. Cette idée de forme est étroitement liée au mode de donation global de
l’unité en question (livres). Donc, on peut facilement comprendre l’origine de cet effet
apparent de démembrement ou broyage ressenti dans l’énoncé.

315
Si l’on prend maintenant la catégorie “ viande ”, on voit qu’elle répond dans
son ensemble à la condition en question puisqu’elle est quantifiable en mesure de
poids et échangée sous cette forme, d’où l’acceptabilité d’un énoncé tel que (222).

Or, pour qu’une occurrence puisse être substituée à “ viande ”, il faut qu’elle
soit vraiment une occurrence prototypique de cette catégorie, autrement dit qu’elle ait
les mêmes traits typiques dans sa structure sémantique, d’où la nécessité d’analyser
cette structure et de voir pourquoi des noms tels que veau, mouton, porc … peuvent
fonctionner comme hyponymes de viande et par conséquent occuper une telle position,
alors que des noms tels que lapin, poulet, dinde, truite... donnent lieu à un effet de
démembrement.

Le Petit Robert donne la définition suivante de viande : “ chair des mammifères


et des oiseaux et plus particulièrement des animaux de boucherie… que l’homme
emploie pour sa nourriture ”. L’analyse du contenu définitoire laisse identifier des
propriétés essentielles telles que “ chair ” et “ comestible ” et des traits stéréotypiques
liés à la catégorie : “ animaux de boucherie ” et l’on peut ajouter “ de couleur rouge ”
(Cf. ci-dessous). C’est la saillance des ces traits dans l’organisation interne de la
structure sémantique qui serait à l’origine de l’aspect non typique lié aux viandes
blanches.

Dans des situations contextuelles où la sélection est plus appropriée (le cas de
l’opérateur manger) celle-ci se fait non sur la base d’une globalité de traits mais sur la
base d’une description partielle où la saillance porte sur un trait unique (comestible), la
contrainte stéréotypique est neutralisée par ce transfert de la saillance et les
mots lapin , poulet, etc. expriment naturellement le sens de “ chair comestible de cet
animal ” comme c’est le cas dans :

(226)- Qui croit manger un lapin en civet trouve dans son assiette une sauce au
chocolat et une gélatine chaude de pomme, RIBAUT Jean Claude, Aujourd’hui
goûts, le Journal le Monde du 20 juin 2001, page 27.

Dans cet exemple la relation prototypique entre manger et le nom d’aliment qui le
complète se fait sur la base de la sélection directe d’un trait définitoire minimal
(comestible) à l’intérieur de la structure sémantique et c’est sur ce trait que porte la

316
saillance. Les traits latents ou secondaires ne sont pas impliqués. Cette sélection
sémique permet la coïncidence entre le sens de lapin “ chair comestible de cet animal ”
et le sens de viande à un niveau définitionnel minimal.

Par contre, parmi les énoncés suivants :


(227)- Le veau est déjà prêt ; je vais le mettre sur la table
(228)- Non, je ne plaisante pas; si ça se trouve, y en a dans l'eau, dans le poulet
que j'ai mangé à midi, LE GUILLEDOUX Dominique, La menace bioterroriste et
l’enquête, le Journal Le Monde du 12 octobre 2001, page 2

le second présente une certaine ambiguïté : poulet même s’il renvoie à « chair
comestible » ne pourrait vraisemblablement pas désigner quelque chose comme
« morceau de lapin » ou encore « tranche de lapin ».

Notre hypothèse est que la difficulté d’exprimer pleinement le sens de viande


pour des noms tels que lapin, poulet, etc. résulte de certaines habitudes de
consommations telles que le fait qu’un lapin ou un poulet puissent être consommés ou
commercialisés en entier ou sous forme de parties généralement dénommées (cuisse,
aile, etc.) :

(229)- Ce gallinacé de poche a failli sombrer dans les années 80. C'est l'époque
où le poulet en morceaux voit ses ventes décoller. Deux pilons dans une
barquette, deux blancs dans une autre : tout d'un coup le célibataire peut se
contenter de l'aile ou de la cuisse. Auparavant, quand on n'était pas une famille
nombreuse, point de salut ! Pour ne pas avoir à acheter un poulet entier pour soi
tout seul (poids minimal 1 kilo pour un poulet label), la seule solution c'était le
coquelet, CROUZET Guillaume, le Journal Le Monde du 4 octobre 2000, page
32.

De plus, il y a la non-conformité aux traits stéréotypiques liés au concept “ viande ”, à


savoir le fait d’“ être rouge ” et provenant d’“ animaux de boucherie ”. D’où, la
possibilité d’énoncés excluant les occurrences n’ayant pas ces traits de la catégorie
« viande » :

(230)- …ce traité est une synthèse où sont consignées des préparations
allemandes, hongroises, espagnoles, italiennes et françaises, illustrées de 127
gravures sur bois. La première partie détaille de nombreux banquets, la seconde

317
donne les recettes classées par genre : viande, volaille, gibier, poisson, légumes,
etc., BEDEL Catherine, Une bibliothèque gastronomique dispersée à Paris, le
Journal Le Monde du 21 janvier 2000, page 28 ;

(231)- C'est aujourd'hui l'une des bouteilles phares de la jeune appellation des
coteaux-varois, créée en 1993. Un vin de bonne compagnie avec une viande en
sauce ou, mieux, avec un gibier, en attendant la truffe, RIBAUT Jean Claude,
Aujourd’hui, goûts bouteille, le Journal Le Monde du 24 octobre 2001, page 27.

De là vient le flou, au niveau lexical, un flou qui tient, d’après Robert Martin, à la
« pertinence variable des traits sémantiques et à la stéréotypie » (1992 : 28)

Deux autres preuves nous semblent confirmer le rôle de la saillance


stéréotypique dans le blocage de l’extension polysémique de lapin, et l’existence du
trait /viande/ dans le sens de « lapin » même si l’actualisation de ce trait se limite à
certains emplois.

En premier lieu, le test de mais, qui en tant que connecteur argumentatif


“ oriente de façon décisive [l’interprétation de N2] vers une conclusion opposée aux
attentes suscitées par [N1] ” (Riegel et al. 1994 : 527), va nous permettre de mettre en
évidence la saillance stéréotypique du trait “ rouge ” dans la catégorie “ viande ” ainsi
que la signifiance primaire de “ viande ” dans lapin :

(232)-* Le veau, c’est de la viande mais qui est rouge.

(233)- Le lapin, c’est de la viande mais qui n’est pas rouge.

Alors que (231) reflétant une saillance stéréotypique de la qualité “ être rouge ” dans la
catégorie “ viande ” refuse ce test, l’énoncé (232) semble être plus acceptable ; ce qui
implique que la neutralisation du trait stéréotypique permet de ranger lapin dans la
catégorie “ viande ”. Dans la réalité, il est évident que la viande peut être rouge,
blanche ou même noire :

(234)- Elle fournit, d’une part, des viandes blanches poulet, perdreau, dindon
aussi riches en azote que la viande de bœuf, assez pauvres en graisse, très
tendres et très digestibles, et d’autre part des viandes noires canards, oies très
chargées de graisse et, par suite, indigestes, malgré leur pouvoir nutritif
(MACAIGNE Dr ; Précis d'hygiène, 1911, p 217)

318
En second lieu, nous savons aussi que l’une des caractéristiques essentielles de
la structure classificatoire générique est d’exiger un prédicat asserté comme vrai par
définition. Corollairement, toute limitation modale (négative, restrictive ou
évaluative) du prédicat est anormale.

Donc, suivant cette caractéristique, si le mot lapin ne porte pas dans sa


signification le sens de “ viande de cet animal”, la négation d’un énoncé tel que :

(224)-Le lapin, c’est de la viande

devrait être vraie.

Or, un énoncé tel que :

(235)- ? Le lapin, ce n’est pas de la viande.

Du fait de son inacceptabilité valide (224) .

Certains pourront objecter que la viande du veau n’est pas nécessairement


rouge. En effet, l’énoncé suivant en est la preuve :

(236)- Le jus a la consistance et le velouté presque d’une gelée légère. Viande et


sauce sont un régal. Et encore un mets rare. Nos paysans ne consomment à
l'ordinaire que de la viande blanche, volaille ou veau, volaille surtout, au fur et à
mesure des naissances et du roulement des bêtes au poulailler. Le bœuf est
réservé aux solennités : fêtes locales… ( PESQUIDOUX Joseph de, Chez nous :
Travaux et jeux rustiques, t. 2 / 1923, NOEL EN ARMAGNAC NOIR, Déc. 1921,
page 116).

Or, il nous semble que l’expression « viande blanche » réfère à un certain type
particulier de viande de veau qui est le produit d’un élevage particulier de cet animal
destiné à l’abattage consistant à le priver de se nourrir normalement et de se contenter
du lait de sa mère et ce, en lui fixant au cou un appareillage l’empêchant de se pencher
pour se nourrir. L’expression est récente :

(237)- Certains consommateurs préfèreraient le veau à viande blanche, le veau sous-


mère (Christian monceau, envoyé spécial de France 2 à Bruxelles, l’émission Hebdo-
médiateur du 14/12/2002)

319
(238)- Cet effort a été très poussé, puisque 50 % de la production nationale du label "
veau de lait sous la mère " viennent d'Aquitaine, CHERRUAU Pierre, le Journal Le
Monde du 30 août 2001, page 11.

On peut conclure que les traits stéréotypiques faisant partie de la structure


sémantique d’une catégorie, étant plus ou moins vrais, déterminent en quelque sorte la
potentialité polysémique des occurrences ayant trait d’une manière ou d’une autre à la
catégorie et ce, soit en érigeant des prototypes pouvant référer hyponymiquement à la
catégorie, soit en privant d’autres de cette possibilité sans pour autant les dévider
totalement de la signifiance élémentaire qui les rattache à la catégorie en question, en
tant qu’occurrences non typiques.

Cela n’empêche pas les mots dénommant ces instances de garder cette nuance
de sens d’une manière latente ; laquelle nuance trouve sa réalisation dans des contextes
particuliers qui permettent d’isoler, au niveau de la catégorie subordonnante, un trait
particulier de sa structure et de l’ériger en tant que foyer d’une relation le reliant à un
opérateur approprié entraînant de la sorte, au sein de sa structure interne, un transfert
de la saillance à un niveau plus élémentaire, dotant ainsi toute la catégorie d’un
pouvoir recatégorisant extensif et permettant à des entités comme lapin, portant déjà ce
niveau primitif de sens, à s’intégrer dans la catégorie.

En somme, nous pourrons dire que la présence ou l’absence des traits


stéréotypiques se traduit au niveau l’extension par une représentation prototypique de
la catégorie « viande » avec des occurrences prototypiques et d’autres périphériques :

(239)- Et même des viandes plus marginales comme le lapin connaissent " une très
nette progression, de l'ordre de 30 % " chez Carrefour, BELOT Laure ; GALINIER
Pascal; VALO Martine, le Journal Le monde du 17 novembre 2000, page 20.

3-2-Variabilité indéfinie de sens ou superposition stéréotypique ?


Searle cité par. C. Bianchi (2001 : 99) voit que dans les énoncés suivants :
(240)- Alice a coupé l’herbe ;
(241)- Le coiffeur a coupé les cheveux de Pierre ;
(242)- Jean a coupé le gâteau ;
(243)- Je me suis coupé ;

320
(244)- Le tailleur a coupé le costume.

Le sens du verbe couper ne varie pas alors que “ son interprétation est radicalement
différente d’un énoncé à un autre … ” et semble par conséquent avoir « un ensemble
de conditions d’applications qui varie sensiblement » (ibidem) de (240) à (244). Ainsi,
si en exécutant l’ordre :
(245)- Coupe le gâteau !
l’exécuteur fait passer une tondeuse à gazon sur le gâteau, on est en mesure de se
demander si l’ordre a été obéi.
Trois implications sont à retenir de ce constat :
(i) Si le sens du verbe est stable alors que l’interprétation varie, c’est que, de ce
point de vue, le sens se présente comme un programme général qui se résout
différemment en contexte. On trouve, ici, une parenté avec les formes schématiques, le
processus de convocation-évocation et des facettes de Victori ainsi qu’avec le
paradigme du lexique génératif et des qualia de J. Pustejovski. (Cf. Kleiber, 1999).

(ii) Le contexte situationnel évoqué quant à “ couper le gâteau ” et le doute


exprimé par Bianchi quant à l’utilisation d’une tondeuse de gazon montrent que dans
ce cas, le verbe couper serait en emploi approprié puisqu’il sélectionnerait pour la
réalisation du procès un instrument particulier (le couteau) et exclurait tout autre.
Reste à voir si cette relation appropriée est stabilisable en un sens bien défini démontré
par d’autres contextes et avec des arguments autres que gâteau ou bien au contraire,
elle est variable indéfiniment selon les combinaisons infinies d’objets et d’instruments.

(iii) L’inacceptabilité de “ tondeuse de gazon ” dans l’interprétation de ce que


c’est “ couper le gâteau ” montre que l’instrument est impliqué d’une manière ou
d’une autre dans le sens définitif du verbe couper. Il reste à déterminer cette relation.

Pour sortir du dilemme d’un sens invariable et d’une interprétation variable en


contexte, il faut d’abord s’entendre sur la nature de ce sens fixe que le verbe garde
dans tous les énoncés évoqués.

A première vue, ce sens peut être quelque chose comme “ disjoindre ce qui est uni ”.
Tous les énoncés semblent avoir en commun ce sens, mais on se rend très vite compte
que cette signification ne peut être suffisante puisqu’elle ne permet pas de distinguer le

321
verbe « couper » d’autres verbes comme « détacher », « déchirer » ... Ce qui est
vraiment distinctif pour « couper », c’est le moyen utilisé à savoir “ un instrument
tranchant ”.

Or, si l’on tient compte de (iii), la nature de cet instrument et pour quelque
chose dans la variation de l’interprétation de couper. Mais, si l’on se rend compte que
“ couper un gâteau ” n’équivaut pas à “ couper une corde ” bien que l’instrument
puisse être le même, on est obligé de relativiser un tel constat. Donc, il ne peut y avoir
de relation directe entre la variation du sens et la variation de l’instrument.

Il faut donc se tourner du côté des arguments. C. Bianchi se base sur le test de la
réduction de la conjonction pour rejeter la théorie de la généralité du sens et pour
démontrer également la variabilité indéfinie des sens du verbe « couper » selon
l’infinité de contextes possibles :

(246)-* Alice a coupé l’herbe et le doigt de Paul.

Ainsi, couper aurait tant de sens que d’arguments ; ce qui est contre intuitif
parce qu’il est toujours possible de trouver des associations compatibles avec un même
sens :

a- Jean a coupé la corde, les ficelles et le tuyau ;

[disjoindre avec un instrument tranchant en séparant...].

b- Il se coupe les cheveux puis les ongles ;

[disjoindre avec un instrument tranchant en raccourcissant...]

c- Jean coupe le gâteau, le pain et les fruits

[disjoindre avec un instrument tranchant en débitant en tranches…]

d- Il coupe l’arbre puis les branches

[disjoindre avec un instrument tranchant en enlevant une partie à un tout]

e- Paul coupe le papier et le tissu.

[disjoindre avec un instrument tranchant en divisant…]

f- Jean se coupe le doigt et le bras

[disjoindre avec un instrument tranchant en blessant]

322
g- Il lui coupe la tête et les bras

[disjoindre avec un instrument tranchant en démembrant].

Ceci montre que les sens du verbe couper sont définis, limités et stables. Dans
chaque type d’énoncé le verbe est en relation d’appropriation avec l’argument qui se
présente comme une occurrence d’une catégorie. Chaque catégorie est structurée sur la
base de conventions culturelles relatives surtout à la forme d’usage (« bout » pour
corde, joindre les bouts, nouer les bouts…)

Cette relation d’appropriation permet d’associer le contenu sémantique minimal


du verbe (disjoindre avec un instrument tranchant) à des catégories structurées sur
cette base. Et ce par une relation logico-sémantique de nature explicative
(disjoindre….en…) et où le lien entre les sèmes est de nature métonymique (de cause à
effet) impliquant ainsi en même temps le verbe et les actants (R. Martin, 1992 : 87). La
référenciation polysémique est de ce fait le résultat de cette spécification d’effets.

La spécification de ce sens général [dont on ne peut se passer puisqu’un emploi


transcatégoriel est toujours possible : “ d’un seul coup, il coupe le papier et la
planche ”], en effet définie, est la source d’une stéréotypisation de ces traits puisque
potentiellement « couper une corde » peut se réaliser de différentes manières ; on peut
imaginer une corde, un gâteau, de l’herbe coupés longitudinalement mais la
représentation qu’on a de ce que c’est couper une corde, par exemple, fixe le sens en
un effet particulier (séparer en deux bouts).

Cependant, le comportement en contexte du verbe « couper » montre que


l’interprétation dépasse cette stabilisation en effets puisqu’un autre facteur entre en
jeu. C’est une deuxième relation d’appropriation qui relie cette fois-ci l’objet à
l’instrument et qui diffère de la première en ce que celle-ci relie chaque objet,
abstraction faite de la catégorie à laquelle il appartient, à un ou des instrument(s)
correspondant(s), alors que la première associe une catégorie dans son ensemble à un
effet unique.

Potentiellement, un gâteau peut être coupé avec une scie, des ciseaux… mais
les conventions d’usage sélectionnent le couteau aux dépens de tout autre instrument.

323
Les propriétés physiques de l’objet (taille, nombre, position dans l’espace…) jouent un
rôle dans cette sélection.

Ainsi, bien que le sens du verbe soit le même (séparer) dans des énoncés tels
que :
(247)- Il coupe l’arbre
(248)- Il coupe l’herbe
Le test de la réduction conjonctive ne fonctionne pas ou du moins passe difficilement :

(249)- ? Il coupe l’herbe et l’arbre.

Ici, les caractéristiques des objets à couper, le savoir encyclopédique et les


conventions culturelles semblent peser sur la fluidité de la jonction car les deux procès
impliquent deux procédures de réalisations différentes et par conséquent l’emploi de
deux instruments différents à savoir la faux, la scie métallique ou autre. Le test de
l’anaphore associative prouve cette relation préconstruite entre l’objet et l’instrument :

(250)- Paul coupa un arbre en peu de temps. La hache / la scie était bien affûtée

*La faux était bien affûtée

(251)- Paul coupa difficilement les herbes. La faux était en mauvais état

*La hache / la scie était en mauvais état.

Mais cela ne veut pas dire que le verbe couper, dans ces cas, a deux significations
différentes puisqu’il suffit de séparer les deux procédures en marquant la succession
dans le temps pour que l'énoncé soit acceptable :

(252)- Jean coupe l’herbe puis l’arbre

La stéréotypie entre en jeu dès que nous sommes en présence du même effet, de
la même procédure et probablement les mêmes instruments pouvant réaliser cet effet.

Nous savons que l’herbe, le blé, le foin…sont des objets fragiles qui peuvent
être coupés avec presque n’importe quel instrument tranchant. Cependant, on imagine
mal l’emploi des cisailles, d’un couteau pour couper le blé. L’existence d’un outil
conçu pour un usage particulier (faux, scie…) le relie prototypiquement et donc
stéréotypiquement au niveau conceptuel (voir R.Martin, 1992 : 75) aux objets

324
correspondants bien que l’acte de couper reste possible avec d’autres instruments. En
contexte, l’expression par un instrument atypique nécessite une justification :

(253)- … de jeunes arbustes trop tentants à couper au couteau, pour faire des bâtons
(ARAGON Louis, ARAGON Louis Les Voyageurs de l'impériale, 1947, Première
partie, Fin de siècle, VIII, pages 85-86)

(254)- On volait aussi beaucoup de blé aux fermiers. On se glissait à plat ventre dans
les champs et l’on coupait les épis avec des ciseaux (VAN DER MEERSCH Maxence,
Invasion, 1935, page 386)

(255)- L’homme, dans son ignorance, se trompe souvent sur les fins et sur les
moyens, sur ses forces et sur la résistance, sur les instruments et sur les obstacles.
Tantôt il veut couper un chêne avec un canif, et tantôt il lance une bombe pour briser
un roseau (MAISTRE Joseph de, Les Soirées de Saint-Pétersbourg ou Entretiens sur
le gouvernement temporel de la Providence, 1883, Deuxième Entretien T 1, page 171).

En outre, un énoncé tel que :

(256)- Paul fauche les herbes et les blés

paraît mieux passer que :

(257) -Paul coupe les herbes et les blés

Car le verbe faucher convoque à l’esprit “ faux ” qui sert à couper aussi bien l’un que
l’autre.

La coordination est plus acceptée en mentionnant l’outil en question :

(258)- Avec la faux, Paul coupe les herbes et les blés ;

alors qu’avec cisailles que l’on peut utiliser pour raccourcir l’herbe dans les travaux de
jardinage, l’énoncé devient étrange sauf contexte particulier :

(259)-? Avec les cisailles, Paul coupe les blés et les herbes

La difficulté de la réduction conjonctive dans les exemples cités est due à la


représentation stéréotypique des relations entre objets, effets, procédures et
instruments sans toutefois altérer pour chaque sens sa stabilité comme le prouve la
réduction de la conjonction avec avec et puis :

325
(260)- Paul coupe les herbes avec les blés

(261)- Paul coupe les herbes puis les arbres

Ces cas sont à distinguer des exemples cités par Bianchi où l’échec de ce test est dû à
la variation du sens :

(262)- *Paul coupe l’herbe et le doigt d’Alice

L’inacceptabilité de l’énoncé découle d’une différence de significations entre “ enlever


une partie d’un tout ” et “ blesser ” ou « démembrer ».

Cependant, on peut toujours trouver un cas transgressant cette relation


prototypique entre le verbe et son argument ; autrement dit, ” qui ne répond pas à la
situation exemplaire à laquelle réfère par exemple « couper le gazon » comme
l’évoque Searle avec l’exemple du gazon californien vendu au mètre carré et coupé en
tranches avec le couteau. Un énoncé comme :

(263)-? Prends le couteau et coupe-moi une tranche de gazon

reste absurde pour un locuteur ordinaire qui ne sait rien au sujet des fameuses fermes
californiennes en l’absence d’un élément justificateur en contexte ; tout comme :

(264)-? Prends le couteau et coupe-moi une tranche d’herbes.

La conclusion tirée par Bianchi à partir de cet exemple à savoir que le sens d’un
mot peut se multiplier de façon indéfinie ne nous semble pas pertinente dans la mesure
où ce “ nouveau ” sens dans le cas de “ couper le gazon avec le couteau ” ne se réalise
pas en dehors des sens polysémiques bien définis du verbe couper.

Nous savons qu’une catégorie est ouverte et que la même occurrence peut
relever de plusieurs catégories à la fois ; ainsi, « gazon » et non « herbe » se trouve, à
la fois, meilleur exemplaire de ce que c’est couper avec une tondeuse de gazon
(raccourcir) et une occurrence périphérique non typique avec couper dans le sens
de débiter en tranches avec un couteau ; et ces deux sens ne dépassent pas le cadre de
la catégorie fermée du sens polysémique de couper.

Cette relation instrument-objet n’est stéréotypique que du fait que le stéréotype


fait partie de notre conception de l’instrument ; lequel instrument est associé dans
notre représentation à un domaine, à un usage. Ainsi, le couteau par exemple bien qu’il

326
serve à couper plusieurs objets (papier, verre…), on l’associe surtout à deux usages :
l’usage dans la cuisine et l’usage en tant qu’arme blanche. Cette représentation est
inhérente à sa définition naturelle (dans le sens que donne R. Martin, 1983) et exige
que tout autre emploi qui s’éloigne nettement de ces deux usages doit être justifié soit
par la dénomination, elle-même distinctive (couteau de papier, couteau de verre…),
soit par un élément justificateur en contexte. Dans un énoncé comme :
(265)- ?Elle prend un couteau de cuisine et elle coupe les légumes
le sème “ cuisine ” paraît redondant puisque suggéré par “ légumes ” et donc son
explicitation est injustifiée ; tandis que dans :
(266)- Avec un couteau de cuisine, il coupe difficilement la planche
le terme “ cuisine ” participe à la bonne interprétation en contexte.
En somme, la stéréotypisation des traits relatifs aux différents effets de couper
est la source de la génération de son sens polysémique puisqu’elle fixe le contenu
sémantique général dans des acceptions définies et stables.

Cependant, cette stéréotypisation est doublée d’une autre qui a comme foyer les
instruments et qui s’étend pour conditionner les relations sémantiques entre les unités
du discours. La superposition des deux niveaux engendre, à première vue, cet effet de
variabilité indéfinie de sens. Mais, comme nous l’avons vu, c’est le contenu
sémantique spécifique du verbe qui, en définitif, incline la portée stéréotypique, ayant
comme source l’instrument, à son essence, maintenant de la sorte sa stabilité (Cf., par
exemple, la possibilité de conjonction avec puis).

Par ailleurs, la relation stéréotypée entre le procès et l’instrument peut se figer


dans une expression plus ou moins opaque comme dans la structure « à couper + un
nom d’instrument » rendant l’intensité :

(267)- à Rome, à Florence, dans le train pour Paris et Londres, Simon, Augustin
et moi faisions ce que nous pouvions pour détendre une atmosphère à couper au
couteau.( Jean d'ORMESSON Tous les hommes sont fous, 1986, page 133)
(268)- à couper au couteau - On entend maintenant les avions, un
bourdonnement fantastique, à couper au couteau (CAVANNA François, Les
Russkoffs, 1979, pages 240-241)

327
(269)- Je ne suis pas très psychologue mais la gêne, Monsieur, à couper au
couteau...
( NOURISSIER François, Le Maître de maison, 1968, page 117)
(270)- Il avait un accent à couper à la hache (Christine de RIVOYRE, Les
Sultans, 1964, pages 200-201).

Il est clair que, pour tels cas de stéréotype l’analyse en traits ne suffit pas pour rendre
compte de la stéréotypicité de ces unités. Cette difficulté provient de deux
caractéristiques essentielles des séquences figées :

- leur origine discursive ouvre le champ stéréotypique à des éléments dépassant


la signification propre de chacun des composants de l’expression. Si l’on remonte à la
genèse première de la représentation stéréotypique dans ces séquences, on se rend
compte que celle-ci peut être d’origine lexicale ou discursive. Ce fait a un impact sur
toutes les propriétés du stéréotype précédemment définies puisque la conventionnalité,
la généricité ou la typicité, etc. ne concernent pas le même type de contenu, n’ont pas
les mêmes implications et ne convoquent pas les mêmes procédures de
reconnaissance ;

- l’unité minimale à partir de laquelle le phénomène le stéréotype est identifié


n’est plus le trait qu’on peut isoler dans un paquet de propriétés mais est souvent une
image ou un scénario qui convoque des mécanismes inférentiels ou tropiques
complexes. Autrement dit, le foyer stéréotypique n’est plus un concept décomposable
en unités sémiques comme dans les unités monolexicales mais une unité polylexicale
dont le signifié global présente une gamme allant de la transparence totale à l’opacité
totale.

L’étude de ces différences permettrait de voir si la stéréotypie dans les deux cas est de
nature radicalement différente, si elle obéit à un schème général ou s’il s’agit d’une
simple correspondance.

328
Troisième chapitre-Stéréotypie et figement
La relation entre la stéréotypie et le figement est problématique à plus d’un
titre :
- les séquences figées ne sont homogènes ni du point de vue de leur structure
syntaxique, ni de leur charge sémantique. À ce dernier niveau, elles présentent une
gamme de degré qui va de la transparence totale à l’opacité totale. Dans les deux cas,
le fonctionnement sémantique n’est pas le même ;
- ces séquences n’admettent pas l’analyse en terme de traits comme pour les
unités monolexicales mais présentent une signification généralement globale et
synthétique. Ceci invaliderait l’utilisation des critères de l’identification des
stéréotypes ci-haut évoqués et impose par-la même une appréhension différente du
phénomène ;
- elles impliquent des mécanismes et des procédés de structuration sémantique
variés (tropes, représentations prototypiques, inférences, etc.) ;
- toutefois, le caractère figé de ces séquences les dote d’une conventionnalité
évidente qui les rapproche du stéréotype monolexical et justifie la recherche de traits
généraux et communs qui confirmeraient l’unité du phénomène à un égard ou à un
autre.
Les études associant le stéréotype et ce type d’expressions n’arrivent pas à
sortir du cadre clichétique et péjoratif dans lequel cette notion est envisagée par les
critiques littéraires.
Afin de montrer les limites d’une telle approche et afin d’explorer de nouvelles pistes
d’analyse et de description du phénomène, nous nous proposons de décrire la pluralité
de voies qu’emprunte la fixation stéréotypique dans la structuration des unités figées et
de mettre en saillance un autre type de stéréotypie ayant comme foyer les structures et
qui n’est percevable que par le biais d’une approche contrastive pour enfin tenter de
dégager les mécanismes communs aux différentes configurations de la stéréotypie.

329
1-Le stéréotype dans les séquences figées : entre transparence et
opacité
Parmi les recherches actuelles sur le figement, deux thèses nous paraissent
relativiser la pertinence d’une relation tranchée entre la stéréotypie et la transparence
ou l’opacité.
Les séquences figées présentent le « mouvement d’un continuum allant des
séquences les plus transparentes ( les moins expressives) à celles qui sont de plus en
plus opaques ( les plus expressives) » Mejri ( 1997a : 309). Donc à première vue, le
critère de l’expressivité paraît flou et il est difficile de tracer une limite entre les deux
types d’expressions citées ci-haut.
Si l’on admet, avec Prandi, que la motivation en tant que « forme de
transparence » n’a pas comme opposé l’arbitraire « mais l’opacité » puisque tant l’une
que l’autre « sont compatibles avec un régime de signification arbitraire » (1998 : 88),
et si l’on considère que le domaine de la stéréotypie est justement cette part
d’arbitraire qui caractérise la relation sens / référence, on est alors tenté de la relier à la
fois à la transparence et à l’opacité.
Prenant en compte le fait que l’opacité puisse être sémantique ou structurelle, nous
interrogerons un corpus relatif à deux types de structure illustrant l’imbrication de
cette double origine (expression de l’intensité avec comme / formations d’origine
discursive) afin de cerner les implications de cette relation et de vérifier ces
hypothèses.

1-1- Repositionnement de la problématique


On parle de l’opacité d’une expression chaque fois qu’on se trouve en présence
d’une suite « dont le sens n’est pas fonction de ses éléments » (G. Gross, 1996 : 11).
Elle constitue un phénomène scalaire allant des séquences totalement opaques, à celles
partiellement opaques, jusqu’à l’absence d’opacité. Nous avons déjà mentionné la
corrélation entre le degré d’opacité d’une expression et son degré d’expressivité. Nous
venons de voir que l’expressivité est considérée comme l’un des critères distinctifs

330
permettant de tracer la limite entre « les locutions grammaticales » d’une part et « les
locutions stéréotypées » de l’autre. 107
Ainsi, se trouvent exclues du domaine de la stéréotypie, les catachrèses telles
que le pied de la table, la tête du marteau, etc. Cette exclusion met l’accent sur un
autre critère étroitement lié au premier, celui de la dimension stylistique. En effet, la
charge expressive de ces expressions est atténuée par l’usage et leur transparence
quasi-totale fait qu’elles ne sont plus senties comme des figures. Le stéréotype relève
dans cette optique de l’ornemental et son contenu est relégué au second plan.
Cependant, si l’on considère la stéréotypie comme un mécanisme de catégorisation
impliquant une représentation conceptuelle particulière de la matière sur laquelle
s‘exerce la pensée, on est amené alors à la rattacher, à l’instar de Prandi, à la fois à la
motivation et à l’opacité.
Cette double implication trouve sa légitimité dans le fait que la motivation,
phénomène de toute évidence scalaire lui aussi, « peut…être expliquée, voire justifiée
par l’ordre normal des choses ou de la pensée » (Ducrot, 1972-1995 : 321) ; la
stéréotypie relève justement de l’interaction de ces deux ordres.
Néanmoins, confronté aux faits, on se rend compte, quand il s’agit d’unités
polylexicales, qu’il n’en est rien dans un cas comme dans l’autre : une expression dont
le figement et la transparence sont attestés comme avoir froid ne véhicule aucun
stéréotype. De même, dans une expression comme découvrir le pot aux roses, on ne
saurait mettre en évidence l’existence d’un stéréotype quelconque en synchronie.
Il faudrait alors en expliquer les causes pour préciser davantage le cadre de
notre problématique.
Du côté de la transparence totale, nous comparons dans ce qui suit les
mécanismes sémantiques qui sous-tendent la formation du sens dans deux unités qui
ne présentent apparemment pas de différences, ni au niveau de la structure (N de N), ni
au niveau de leur mode de signification (porte de garage – porte d’entrée). Le but est
de montrer que derrière cette quasi-similitude réside quand même une différence :
l’une est neutre, l’autre est stéréotypée.

107
- Cf. , Shapira,C.(1999), Les stéréotypes en français, Ophrys.

331
Les deux unités relèvent d’une structure très productive où « le premier nom est
l’hyperonyme de la séquence (ce qui détermine le genre de la séquence) et le deuxième
renvoie à un référent que l’on peut mettre en relation pertinente avec le premier de
telle sorte que le tout renvoie à une sous-catégorie du référent du premier nom » (D.
Corbin, 1985 : 63).
S’agissant de la première unité, G. Gross montre qu’elle est sujette à de fortes
restrictions quant à la détermination et à l’adjonction d’adjectifs. Il conclut que dans
cette suite « on n’observe pas les relations syntaxiques spécifiques des groupes
nominaux mettant en jeu une relation de partie à tout [caractéristique des unités
libres] » (1996 : 37). Nous constatons également que la dénomination rend un sens
global sans toucher à la substance conceptuelle des concepts relatifs à la base et à
l’expansion (comme il est le cas dans cœur d’acier par exemple). L’unité de base ne
subit aucun rattachement sémique provenant de la décomposition de l’expansion et de
l’activation d’une sélection sémique en son sein. De ce fait, le signifié global n’a rien
d’arbitraire puisque la restriction extensionnelle ne découle pas d’un réarrangement
sémique quelconque mais d’un recouvrement conceptuel entre les deux unités : dans
porte de garage, porte signifie toujours « ouverture…permettant d’accéder à un lieu
fermé ou enclos et d’en sortir » et « garage » signifie toujours « lieu couvert qui sert
d’abri aux voitures » (Le Petit Larousse).
La transparence totale provient donc du fait que les contenus initiaux gardent
leurs configurations sémantiques et puisque ces contenus ne véhiculent initialement
aucune charge stéréotypique, le sens global n’est pas atteint d’une telle visée. Tel type
de séquences fait partie de ce que Mejri (1997a) appelle le figement au premier degré.
L’expression en question présente vraisemblablement dans le cadre de ce degré un cas
typique des unités les plus à gauche sur l’axe du continuum allant de la transparence
totale à l’opacité totale.
La position la plus immédiate par rapport à ces séquences est occupée par des
unités, à première vue, non moins transparentes mais dont le contenu sémantique laisse
à réfléchir.
Dans porte d’entrée, le sème « accéder / accès » figure dans les contenus sémantiques
des deux composants :

332
porte (Cf. ci-dessus)
entrée : « endroit par où l’on entre, voie d’accès ».
Outre la spécification par la préposition de, cette redondance est le second lien
d’attache entre les deux concepts. Cependant, au lieu de fonctionner comme une forme
d’insistance, elle entraîne un changement qualitatif se traduisant par la cristallisation
de sèmes nouveaux : « fondamental » et « spécialement qu’empruntent les
étrangers » :
Porte d’ entrée
« ouverture « voie d’accès »
permettant l’accès »

« fondamental »
« qu’empruntent les étrangers »

L’enrichissement sémantique qui accompagne la spécification désintègre la substance


conceptuelle des deux unités pour donner lieu à un signifié global qui ne correspond
pas à la somme des deux concepts. Une porte d’entrée n’est pas simplement une porte
par laquelle on entre.
Cependant, il semble que les deux sèmes adjoints n’ont pas la même configuration
sémantique dans la nouvelle unité. Un SN comme porte d’entrée du personnel montre
que le sème « fondamental » est définitoire alors que le deuxième sème est contextuel.
L’enrichissement sémantique qui accompagne la spécification restreint le spectre des
référents de la base par l’addition d’un sème nouveau (« fondamental ») ; ce sème est
le résultat de l’interaction entre la saillance portée sur le sème « accès » dans le
premier concept, et, ce même élément redondant dans le deuxième concept (entrée).
Cet écart entre les contenus des concepts initiaux et le signifié global se double d’un
autre écart entre la réalité du référent et la représentation que nous avons de lui : une
porte d’entrée sert également de porte de sortie (à l’exception des règlements exclusifs
dans certains établissements).

333
L’analyse des mécanismes sémantiques dans les deux séquences porte de garage et
porte d’entrée nous a permis de voir que la stéréotypie dans les unités polylexicales
devient manifeste à partir de cette limite primaire entre la transparence totale et
l’opacité partielle.
Pour ce qui est de l’absence de la stéréotypie dans les unités totalement
opaques, on ne peut qu’admettre après Robert Martin que « historiquement, la non
compositionnalité n’existe pas ». « Si des locutions restent obscures, dit-il, cela est dû
à une connaissance insuffisante et non à l’absence effective de motivation […]
l’opacité vient seulement en synchronie d’une motivation qui se perd » (1996 : 300).
On pourrait, dès lors à première vue, situer le champ d’action de la stéréotypie
dans cette zone de flou qui s’étend entre la transparence totale et l’opacité totale :

domaine de la stéréotypie
transparence totale opacité totale

Nous essayerons de vérifier la pertinence de cette hypothèse à travers l’analyse


de deux types de séquence figée à savoir les expressions de l’intensité avec comme et
les formations d’origine phrastique et verbale. Le choix de ces séquences est motivé
par les raisons suivantes : dans les deux types d’unités, la compositionnalité de
l’élément lexical s’étend de la transparence quasi-totale (bête comme un âne / va-t-en-
guerre) à la quasi-opacité (bête comme une valise / suivez-moi-jeune-homme).
Cependant, ils se distinguent par le degré de transparence de l’élément structurel.
Dans le premier type d’expressions, « on peut changer les syntagmes qui
suivent sans détruire l’expression de l’intensité […] . En d’autres termes, cette
invariance est rattachable à un moule ou à une structure, non à des contenus lexicaux »
(Mejri, 1998a : 45). Cette transparence structurelle explique pourquoi de telles
expressions tout en présentant des cas de démotivation et d’opacité sémantiques
« restent de manière générale claires et suggestives pour que l’on puisse deviner avec
aisance leur contenu » (T. Szende, 1999 : 70). Du côté des formations d’origine
discursive, la structure est au contraire généralement opacifiante du fait que

334
l’éloignement catégoriel s’accompagne de l’ellipse des conditions d’énonciation, et,
par conséquent, fait tomber l’expression dans l’idiomaticité.

1-2- Stéréotypie et expression de l’intensité avec « comme »


Il s’agit d’expressions à structure binaire qui, formellement, sont constituées
d’une base exprimant la qualité considérée et d’un comparant qui est « censé posséder
par excellence cette qualité » (Damourette et Pichon, 1911-1940, TII : 401, citée par
Mejri, 1997a).
Sémantiquement, ces tournures n’auraient pas posé de problèmes à l’analyse
théorique si elles étaient toujours transparentes, ce qui n’est pas le cas puisque « la
langue produit une multitude de formules intensives des plus attendues et lisibles aux
plus originales et hermétiques qui se laissent difficilement analyser d’un point de vue
synchronique » (T. Szende, 1999 : 70).
Pour ne prendre que les exemples ayant comme base bête ou con, nous
énumérons les expressions suivantes :
(271)-a- bête comme un âne, une oie
(272)-b- bête comme( un) chou, une cruche, un panier, ses pieds, une valise
con comme un balai, la lune, la mort, un panier
S’il est aisé pour les expressions en a- de postuler « l’existence d’une sélection
sémique dans le cadre du second terme de la comparaison qui ne retient qu’un sème
identique à celui qui précède comme » (Mejri, 1997a : 440), il n’en est pas de même
pour les exemples cités en b- puisque les comparants comme balai, cruche,
valise…sont totalement opaques et ne peuvent pas par conséquent être le foyer d’une
sélection sémique quelconque, sans pour autant cesser d’exprimer l’intensité.
Cependant, partant du résultat sémantique identique dans les deux types
d’exemples, Mejri constate que « la sélection reproduit dans tous les cas le premier
terme de la redondance » (ibidem : 441). Il avance que ces séquences ont plutôt une
« valeur grammaticale » ; la simple concaténation d’au moins deux unités donne lieu à
« l’idée de renforcement même si la sélection sémique ne semble pas évidente »
(ibidem).
Mel’čuk arrive à un résultat très proche. Il parle de la fonction lexicale [Magn]
qui est un modifieur adjectival ou adverbial dont le rôle est d’exprimer le sens de

335
« très », « intense », à « un degré élevé » ( Mel’čuk, Clas, Polguère, 1995 : 136).
L’expression de « très » dépend, dans les deux approches, du mot de base modifié.
« Les compléments de comparaison constituent des modificateurs intensificateurs qui
signifient dans le contexte donné « très ». Autrement dit, le mot de base fonctionne
normalement mais l’élément qu’il amène perd une partie de ses traits sémantiques et,
l’ensemble finit par équivaloir à « très » » (T. Szende,1999 :74).
Dans les deux approches, la clef de l’interprétation de ce type de structures
réside dans l’élément de base puisque, pour Mejri, la redondance sémique n’est pas
affectée même si le comparant est sémantiquement opaque du fait que, dans tous les
cas de figures, l’élément objet de redondance et exprimant la qualité est rendue par la
base ; pour Mel’čuk, l’expression de « très » dépend de ce même élément servant de
support pour le modificateur intensificateur.
Or, si on prend en considération que ce premier élément précédant comme peut
être un verbe ou un adjectif, l’analyse semble suivre deux orientations différentes
comme l’illustrent ces deux exemples :

(272)- bête comme un âne


base exprimant foyer de redondance ou
la qualité intensificateur
(273)- marcher comme un escargot
base servant de expression de la qualité
cadre au procès expression de l’intensité.
La différence est de taille. Le « verbe, écrit Prandi, est un concept non saturé,
qui n’est pas en mesure de remplir sa fonction élective […] avec ses seules forces. Le
verbe ne contient qu’un plan de fabrication du procès qui se construit dans la phrase »
(1997 a : 94). Ainsi, par exemple, l’interprétation d’expressions antonymiques ayant la
même base ne peut se réaliser qu’en tenant compte du contenu sémantique du
comparant :
(274)- Manger comme un oiseau, un moineau…

manger comme un ogre…

336
Ceci montre que bien qu’il s’agisse dans les deux types de structure (Adj. + comme +
SN / V. +comme + SN) d’expressions de l’intensité, leur fonctionnement relève de
deux mécanismes différents.
Dans le premier cas, le comparant, censé être exemplaire typique d’une qualité
qui lui est rattachée stéréotypiquement (âne bêtise), se trouve dans une structure où
cette qualité est explicitée par l’adjectif de base précédant comme ; donc, la saillance
ne porte, dans le cadre de ce second élément, que sur le caractère typique de cette
instance. L’interprétation obéit, dans ce cas, à un mouvement régressif :
Bête comme un âne
(cette) qualité  instance typique
(de)
Ce type de renvoi régressif permet au second élément d’exprimer le degré, l’intensité,
et, donc on peut parfaitement comprendre la présence de certains noms ethniques
(avare comme un Ecossais) qui « ne reflète pas forcément l’univers de croyance du
locuteur » (Mejri, Ibidem. : 447), et la possibilité d’interpréter des séquences dont le
deuxième élément est totalement opaque (bête comme un balai). La valeur
appréciative d’origine qui a permis de passer de  loc. à  loc. est ainsi affaiblie au
point qu’on peut utiliser l’expression en question sans partager cette motivation
originelle.
Il n’en est pas de même dans le deuxième cas ; l’élément verbal crée au cours
de l’interprétation une situation d’attente qui ne se résout que dans le cadre du
comparant. Dans ce cas, la saillance porte aussi bien sur la qualité, qu’il intègre en tant
que stéréotype, que sur son caractère typique en tant que meilleur exemplaire de cette
qualité :
Manger comme un ogre

 
mange beaucoup  exemple typique
Si dans le premier cas, on peut parler de redondance sémique, à droite du comparant,
comme source de renforcement de l’intensité :
Bête comme un âne [est bête]
ici, la redondance centrée sur le verbe n’arrive pas à rendre le sens :

337
Manger comme un ogre [mange].
Par conséquent, le contenu sémantique stéréotypique du comparant garde toute son
ampleur dans la synthèse sémantique.
Par ailleurs, même dans le cas de la structure Adj. + comme + SN, il nous
semble qu’il existe une exception où le second élément garde toute sa charge
sémantique : il s’agit des tournures fondées sur un paradoxe telles que dans aimable
comme une porte de prison.
Dans cette expression, «les relations logiques […] vont à l’encontre de la
logique commune, celle de la doxa » (C. Fromilhague, 1995 :102). Contrairement à la
structure ordinaire (non paradoxale) où le comparant se contente d’exprimer
l’intensité, le paradoxe, lui, permet de garder toute sa force expressive. L’opposition
entre le monde des attentes sous-entendu par la base et sa négation apportée par le
second élément porte toute la saillance sur celui-ci et lui permet de suspendre le
contenu sémantique de la base pour la doter de sa propre charge (Cf. Mejri, :444).
Notons qu’on assiste, parfois, à un mouvement inverse dans le cadre des
structures non paradoxales. Quand la redondance sémique est inopérante à cause de
l’opacité du comparant (con comme une cruche), l’assignation d’un signe (+) suit un
mouvement prospectif allant de la base vers le second élément.
Ce que nous pouvons retenir de cette analyse, c’est que l’expression de
l’intensité avec comme est rendue par trois cas de figures :
- Quand la base est un verbe, la saillance porte sur le comparant et le stéréotype
garde tout son poids dans la détermination du sens ; le nom rend simultanément
l’expression de la qualité et l’expression de l’intensité ;
- quand la base est un adjectif dans un emploi paradoxal, l’opposition entre
l’attente créée et sa négation dans le deuxième terme suspend le sens de la base et lui
substitue la charge sémantique du comparant. Le stéréotype reste là aussi saillant ;
- quand la base est un adjectif dans un emploi ordinaire, celui-ci se charge
d’expliciter la qualité considérée et, le stéréotype se trouve de ce fait affaibli. Le nom
ne garde qu’un schème général rendant le caractère typique de l’instance. Cette
dissociation entre la qualification et le degré de qualification est due à un transfert de
la saillance vers la base. La typicalité se détache ainsi, de tout contenu sémantique

338
particulier grâce à l’idée du « haut degré » qu’elle implique et le sens global de « très »
est stabilisé par la distribution sémique complémentaire dans ce type de structures.
En termes d’opacité et de transparence, ces trois cas se ramèneraient à deux :
- quand l’expression de la qualité est prise en charge par la base, celle-ci
compense avec l’apport de la structure même l’éventuelle opacité sémantique du
comparant. L’ensemble est assez transparent pour dégager le sens global ; la
stéréotypie est latente, affaiblie.
- quand l’expression de la qualité dépend du comparant, l’ensemble de l’unité
est plus opaque et la stéréotypie reste saillante. Comparons ces deux exemples pour
saisir la pertinence de ce constat :
(275)-Fier comme Artaban
(276)-Se porter comme le Pont-Neuf
Les deux comparants étant des noms propres, leur opacité découle de leur
dimension allusive. Si dans (275), on peut toujours ignorer qui est Artaban sans que
cela empêche d’interpréter correctement le sens. Par contre dans (276), on ne serait pas
en mesure de dégager le sens de l ’expression à moins de connaître la locution, et par
conséquent le référent du Pont-Neuf.
En somme, l’opacité sémantique dans ce genre d’expressions se calcule à
l’échelle de toute la séquence. Elle est largement tributaire de la distribution du sens
entre les composants. Plus le tout est opaque, plus le potentiel de la stéréotypie est
grand.
A la transparence relative de la structure avec comme, nous opposerons, dans ce
qui suit, l’opacité relative de la structure de certaines séquences d’origine phrastique et
verbale.

1-3- Formations figées d’origine phrastique et verbale


Ces séquences sont des dénominations particulières qui se fondent sur une
motivation originelle d’ordre inférentiel ou tropique. Formellement, elles gardent la
mémoire d’une origine orale relevant du registre familier ou ludique et où les marques
d’énonciation (temporalité, déictiques, etc.) témoignent d’une contingence prise sur le
vif. De ce fait, ces formations sont généralement descriptives. Sémantiquement, elles
sont plus ou moins opaques. Syntaxiquement, elles subissent une recatégorisation qui

339
les fait passer d’une structure énonciative, généralement phrastique, à une catégorie
nominale (suivez-moi-jeune-homme) ou adverbiale (va-comme-je-te–pousse). Cette
recatégorisation est due à une « décontingification » qui entraîne la perte de tous les
indices d’ancrage et d’historicité premiers et l’installation d’un acte de référenciation
permanent. De ce fait, elles sont totalement figées ; elles subissent lors de la
reconstitution catégorielle une « compactification » qui est à la base de leur
substantivation. Ainsi, elles n’acceptent aucune modification. Cet éloignement
catégoriel est une autre source d’opacification qui vient s’ajouter à celle résultant de la
sélection sémantique et de la dénomination oblique.
Les dénominations d’origine phrastique ou verbale pourraient être ramenées à
trois grands modes de signification selon l’orientation de la relation inférentielle qui
sous-tend leur formation :
(277)- Suivez-moi-jeune-homme
L’énoncé originel est une inférence dont la motivation se situe en dehors de son
cadre et dont dépend la signification. « La réinterprétation de l’énoncé », dans le sens
que lui donne Robert Martin, est étroitement liée aux données situationnelles et
stéréotypiques.
Les caractéristiques de l’objet dénommé (pan de chapeau de femme flottant sur
la nuque) ne peuvent d’eux-mêmes donner lieu à une telle inférence. Les potentialités
d’évocation de la simple forme flottante ne mènent pas de soi à l’évocation explicitée
par la séquence (invitation connotée). C’est la subjectivité des locuteurs qui module
stéréotypiquement cette forme en la rapprochant analogiquement d’un geste codé
socialement (geste du doigt par exemple) et ce n’est que par l’intermédiaire de cette
modulation que l’inférence se trouve justifiée. L’univers féminin sert de cadre à cette
modulation. A l’origine, le pan du chapeau (O) évoque par sa forme flottante (F)
l’image gestuelle d’un doigt (O’), par exemple, effectuant un geste socialement
connoté (F’) : celui d’une invitation discrète adressée à un homme. Perdant son statut
d’énoncé, la séquence substantivée se détache de ses conditions d’énonciation
originelles et devient dénomination de l’objet (O) :

340
O (pan)

 (1)

Suivez-moi-jeune-homme F
(3) substantivation (flottant)

O’ (geste)

F’
(connotation
sexuelle)
[Suivez moi jeune homme]
inférence (2)

La nouvelle unité se fonde sur la seule branche 3 (la substantivation) de ce processus


dénominatif. La perte des branches (1) et (2) liées à la structure énonciative est un
facteur d’opacification supplémentaire qui estompe la motivation stéréotypique
d’ origine.
(278)- Va-nu-pieds
(279)- Va-et-vient
Il s’agit là, à proprement parler, de « séquences figées métonymiques [qui] sont
des séquences prédicatives dans ce sens qu’elles sont employées initialement pour
caractériser les choses ou les êtres dont elles deviennent les dénominations. A l’origine
de l’expression figure une phrase dont le thème renvoie à ce qui est dénommé et le
prédicat à certaines caractéristiques du référent » (Mejri, 1997 a : 296). La
dénomination se fait par simple effacement du thème :

341
Personne [qui] va nu-pieds
Thème prédicat
Cependant, ce prédicat descriptif et concret ne réfère pas directement au
dénommé mais seulement à travers ce qu’il infère :
a) Va-nu-pieds misérable, pauvre..
b) Va-et-vient dans les deux sens
En a), la stéréotypie trouve son foyer dans l’arbitraire du découpage normatif où
le lien, normalement contingent, entre un trait physique perceptible (être / aller nu-
pieds) et un état (devenir misérable) devient permanent. A l’origine, le rapport entre
les deux n’étant pas exclusif : une personne qui va nu-pieds n’est pas forcément pauvre
et une personne misérable ne marche pas nécessairement pieds nus.
En b) seule l’idée des sens opposés est sélectionnée ; l’idée de point de départ et
l’idée de l’unité de l’agent physique qu’implique le procès s’estompent. C’est ce qui
permet à la nouvelle unité de renvoyer à divers types de référent (petit bac, porte, gond
de porte, système de cordage, dispositif électrique, mouvement alternatif, déplacement
de personnes et de choses).
L’énoncé d’origine étant transparent, le calcul du sens se réalise surtout à partir
du prédicat. La situation d’énonciation pèse peu sur la nature du sens global et la
motivation stéréotypique reste saillante.
(280)- M’as-tu-vu
(281)- Y-a-qu’-à
Le lien entre la dénomination et le référent est un lien typique du fait que l’un infère
l’autre. Il s’agit d’une inférence réciproque : un type de discours tel que m’as-tu-vu
infère que la personne qui profère ce genre de propos est vaniteuse ; de même, on peut
également inférer qu’une personne vaniteuse tient ordinairement ce genre de discours.
Ici, la réinterprétation implique une « lecture métalinguistique [où] la
projectivité du signe se trouve […] retournée sur le signe lui-même au bénéfice
exclusif de la réflexivité » (Robert Martin, 1983 : 251).
En termes d’énonciation, la substantivisation de la séquence est le résultat de la
saillance portée sur un acte perlocutoire bien défini s’opposant à l’effet illocutoire
recherché (arracher une reconnaissance de la part d’un auditoire donné) et suspendant
le sens locutoire initial (donc la signification stricte) pour devenir lui-même la

342
signification. En principe, « les effets perlocutoires peuvent […] être infiniment
divers » (ibidem : 256). Cependant, l’effacement de la situation d’interlocutivité
initiale permet d’associer l’un de ces effets à la forme discursive en question d’une
manière permanente.
Relevant d’un registre oral où les conditions d’énonciation sont généralement
difficiles à rétablir, ces séquences hypostasiées ne comptent que sur la transparence de
leur matière lexicale. Plus cette matière est opaque quant à la reconstitution de ces
conditions, plus la part de l’arbitraire et de l’imprévisible est grande. C’est le cas en 1)
où la séquence est elle-même une inférence originelle ayant sa source ailleurs. Bien
que la motivation stéréotypique sous-tende toutes ces formations, elle est d’autant plus
facile à mettre en évidence que la séquence est transparente.
On conclut que le champ de la stéréotypie étant le fonctionnement même de
l’arbitraire, celle-ci a tendance, théoriquement, dans les séquences figées, à être le
corollaire de l’opacité partielle ou totale. Dans les faits, elle ne peut être mise en
évidence dans ce dernier cas, faute de connaissances suffisantes.
Cependant, l’opposition des deux types de séquence figée (expressions de
l’intensité avec comme et les formations d’origine phrastique et verbale) montrerait
combien importe de distinguer les facteurs d’opacité.
Dans le premier type de séquences, la structure étant transparente, la stéréotypie
est saillante chaque fois que le trait qu’elle implique n’est pas explicité par la base ;
dans le second, la structure étant opacifiante, la stéréotypie est plus décelable chaque
fois que l’énoncé d’origine est relativement transparent.
En somme, la compositionnalité ou la non compositionnalité du contenu lexical
ne rend pas compte, à elle seule, de la saillance stéréotypique. Celle-ci, pour être mise
en évidence, nécessite la prise en considération de la distribution du sens dans le cadre
de la structure, sinon la structure même.
Pour une vision plus globale du phénomène, nous nous intéresserons au rôle
que joue la stéréotypie dans les séquences figées en général.

343
2-Stéréotypie et structuration du sens dans les unités
polylexicales : univocité ou pluralité ?

La description de la manière dont la stéréotypie participe à la structuration du


sens des séquences figées repose sur deux ordres de phénomènes différents :

- la présence ou l’absence d’une charge stéréotypique dès le niveau lexical de


l’un des constituants de l’expression ou d’une charge simplement inférée par elle ;

- la nature des mécanismes sémantiques (inférentiels, tropiques…) qu’elle


implique dans cette structuration .

L’imbrication de ces deux ordres définit l’économie du stéréotype dans le processus de


construction du sens. Selon le moment de l’intervention lors de la genèse du sens, le
stéréotype pourrait déclencher le mécanisme sémantique, servir de relais dans une
extension successive de sens ou se condenser dans le sens global.

2-1- Rôle déclencheur du sens

(282)- tomber sous les pattes, entre les pattes de quelqu’un.

Si l’on essaie de reconstruire, théoriquement, le sens de cette expression pour remonter


à son sens initial littéral, on trouverait dans l’expansion du syntagme nominal le nom
d’un animal, féroce (les pattes du lion, du tigre…) ou, en tout cas, qui se trouve dans
une relation de dominance par rapport au prime actant ( chat / souris) . Supposons
donc la phrase suivante :

X ( L’homme, la proie) tombe sous les pattes de Y ( lion, tigre…)

On peut inférer que X est en face d’un danger ayant comme source Y. Cette
inférence n’est possible que par l’activation du stéréotype suivant :

Lion danger, violence

L’effacement de l’expansion entraîne le transfert de son contenu sémantique vers la


base (pattes) par un mécanisme métonymique qui sélectionne dans les propriétés de
l’animal les sèmes stéréotypiques de « menace » et « violence ». Nous savons que
patte ne porte ni dans son sens initial, ni dans ses extensions ces sèmes, contrairement

344
à griffes qui en est le symbole même et qui peut lui être rattaché d’une manière
afférente :

(283)- C’est un animal qui a des pattes mais qui n’a pas de griffes.

Désormais, grâce à la charge stéréotypique de griffes et au rapport d’inférence entre les


deux signifiés, le transfert devient possible. En même temps, la complémentarité
sémantique renforce l’idée de « violence » et de « menace » par les charges
sémantiques du verbe tomber et de la préposition sous qui maintiennent le rapport de
dominance et orientent le cadre actanciel. On ne peut dire, en effet :

(284)-  Le lion tombe sous les pattes du chat.

Ici, le stéréotype participe à la construction du sens en déclenchant l’inférence


originelle. Mais, une fois le sens installé, cette inférence perd tout ancrage discursif, se
stabilise et donne lieu au sens global qui n’est pris en charge que par l’apport de
chaque constituant dans le cadre de la complémentarité sémantique.

Un cas plus simple peut être illustré par l’expression retomber sur ses pattes
qui signifie « se tirer habilement d’une affaire dangereuse ou compromettante ».
L’inférence d’origine trouverait sa justification dans le stéréotype que nous avons du
chat ou des félins (habileté). Bien que, dans cette expression, le sens global se trouve
généralisé par analogie, rien en lui ne renvoie à chat. Ce sens pourrait être rendu à
partir d’une phrase générique telle que :

(285)- Un chat retombe toujours sur ses pattes.

La généricité n’est pas liée, ici, à une propriété universelle relative aux chats,
mais, à une représentation stéréotypique suffisamment pertinente « pour cerner le
détachement par rapport aux existences concrètes [du chat] » (Kleiber, 1996). Le
contenu inférentiel (se tirer d’une affaire dangereuse) seul persiste après l’effacement
du SN générique et le sens projeté dans le domaine de l’humain ne garde qu’une
allusion vague à ses origines (pattes).

345
2-2- Stéréotype de relais

(286) - Montrer patte blanche.

Partant d’une comparaison entre le sens de l’expression dans son contexte initial 108 et
son sens en emploi figuré, S. Mejri montre qu’il s’agit de la même structure
énonciative dans les deux cas » (1997a : 387) et que « le passage du cas particulier au
cas général se fait grâce à l’effacement des actants de la première situation ( le loup et
le chevreau). Seule la preuve montrer patte blanche demeure » (ibidem : 388) . La
condensation sémantique est le résultat d’un « transfert sémantique qui transforme des
éléments énonciatifs [en principe contingents] en sèmes intégrés dans la structure du
signifié » (ibidem : 389).

Comment ce transfert se réalise-t-il ? Le contexte initial :

(287)- Montrez-moi patte blanche ou je n’ouvrirai point

permet d’inférer que la « victime potentielle » ( le chevreau) demande à « l’agresseur


potentiel » ( le loup) de fournir une preuve, de montrer un signe de reconnaissance et
donc lui impose une condition que le deuxième hémistiche confirme. Le désancrage
textuel désolidarise la structure actancielle et amène le réarrangement des arguments :
le second actant fait corps avec le verbe au sein de l’expression lexicalisée ; le prime et
le tiers actant, nécessaire à la fixation du sens inférentiel, subissent une opération
d’abstraction qui les détache de leurs référents premiers et les instituent en tant que
schèmes d’abstraits (victime potentielle, agresseur potentiel).

L’expression aurait pu se limiter à ce niveau. Mais le sens véhiculé par l’expression


(donner un signe de reconnaissance, une autorisation spéciale, etc. pour pouvoir
pénétrer dans une assemblée, dans un lieu) montre qu’on est en présence d’une
abstraction successive déclenchée par l’élargissement des deux domaines ; de «victime
potentielle », on passe à « groupe social ou lieu précis » et, d’ « agresseur potentiel »,
on passe à « personne étrangère ». Cet élargissement est un dépassement de l’inférence
immédiate découlant directement de l’énoncé discursif et gardant ses traces (les rôles
engagés par le prime et le tiers actants) vers une signification plus générale, plus

108
- Les Fables de la Fontaine « Le loup, la chèvre et le chevreau », Hachette , 1929, p 147.

346
abstraite impliquant un effort de construction. Ce deuxième niveau d’abstraction se
fonde sur un stéréotype qui lui sert de relais, et qui consiste à voir dans toute personne
étrangère une menace potentielle :

concret chevreau montrer ses pattes loup

1ère abstraction

fournir agresseur
victime
un signe, potentiel
potentielle
imposer une
condition

Stéréotype de relais : étranger « menace »

2ème abstraction

personne étrangère
groupe social

ou lieu précis

La stabilisation sémantique de l’expression au premier niveau sert de cadre à


l’extension du domaine référentiel des actants et garantit en même temps le maintien

347
des contraintes logiques auxquelles ils sont soumis (rapport potentiellement
conflictuel) .

(317)- N’aller que d’une patte

Marcher sur une patte.

Dans ces deux expressions, on est à première vue en présence d’un mécanisme
métonymique où l’effet est désigné par la « cause » puisqu’un fait manifeste renvoie à
sa conséquence :

(avoir une patte infirme… mal marcher) .

En fait, ce cas « se différencie de la métonymie parce que la relation sous-


jacente n’est pas une relation actancielle interne à un procès mais une relation
d’inférence » Prandi (1998 : 94) où se trouve investi un savoir encyclopédique : le
naturel est qu’un bipède marche normalement sur deux pattes ; au cas où l’une d’elles
serait affectée, sa marche devient plus difficile.

Du contenu sémantique initial, découlent deux extensions de type analogique ;


la première se fondant sur une similitude physique permet de passer de « animal » à
« être humain » sans changer de signification ( dans les deux cas, mal marcher) ; la
seconde se réalise en faisant appel à un stéréotype qui assimile la machine à la bête
quand il s’agit de décrire le fonctionnement ( on dit ça marche, ça ne marche pas
parlant d’un appareil, des choses en général) d’où le sens de « mal fonctionner » qui
exploite aussi l’idée de mouvement pour l’étendre à des situations plus abstraites ( les
affaires ne vont que d’une patte). Sans ce stéréotype qui assure le relais entre la
première et la deuxième figuration, la dernière extension ne serait plus possible.

2-3- Rôle manifeste au niveau de la synthèse sémantique

Le troisième cas concerne les stéréotypes figés qui ne reposent pas sur
l’activation, à un moment quelconque de la genèse du sens, d’un trait lexical
particulier. Il s’agit plutôt d’expressions où sont impliqués des schèmes conceptuels
d’ordre général ou des mécanismes inférentiels ou tropiques donnant lieu à des

348
scénarios ou des images mentales dont la saisie s’effectue au niveau de la synthèse
sémantique.

2-3-1- Les séquences fondées sur un mécanisme inférentiel

L’inférence est fondée sur un rapport de contingence qui, même quand il


s’appuie sur des modèles cognitifs durables et généralisés, reste en dernier lieu fondée
sur un lien essentiellement indical ( Prandi, 1998) .

Dans une expression telle que franchir le Rubicon, la genèse du sens permet de
passer d’un cadre de référence spécifique à un cadre de référence générique. La
construction du sens se réalise ainsi en deux étapes : la typicalisation du procès
originel puis sa généralisation par un mécanisme analogique. Au départ, le sens littéral
coïncide avec un sens inférentiel contingent (prendre une décision irrévocable, passer
hardiment à l’action). La saillance ne porte pas sur le procès lui-même mais sur
l’inférence qu’il évoque : l’historicité de l’acte lui donne une ampleur dépassant la
simple contingence pour en faire un procès-type. L’agent lui-même (César) reste en
dehors de cette typicalisation.

Cette typicalisation se réalise en deux moments. D’abord, le procès est


associé à une inférence sélectionnée parmi n possibilités (déclarer la guerre,
surprendre, etc.) qu’offre le référent contextuel. Puis, la démotivation par rapport au
sens littéral assure les conditions nécessaires à la lexicalisation de l’expression et ce
par la chute de tous les éléments discursifs initiaux (désancrage référentiel, évidement
du sens littéral et altération de l’invariance du prime actant). Ce processus
s’accompagne d’une remotivation hyperbolisante du sens inférentiel permettant son
transfert à l’expression en question et sa fixation en tant que sens conventionnel. Ainsi,
démotivée, « l’expression idiomatique infère négativement l’opacification du sens
littéral et positivement une valeur conceptuelle et abstraite qui fait du terme inféré le
genre et l’espèce de l’idiome » (Gréciano, 1986 : 141).

349
Genèse historique :

( César) franchir le Rubicon

actant spécifique sens littéral sens inférentiel


référence
invariant (César) « acte de contingent contextuelle
franchir le « prendre une « historicité de
Rubicon » décision l’acte »
irrévocable… »

démotivation

position désancrage
actancielle libre référentiel
remotivation, typicalisation

évidement sens inférentiel


sémantique conventionnalisé

fixation

transfert
sémantique

350
Synthèse sémantique

X1 Référent contextuel 1

X2 Référent… 2
franchir le Rubicon
X3 Référent… 3
sens conventionnel

« prendre une décision


Xn irrévocable, passer Référent… n
hardiment à l’action »

Ce mécanisme inférentiel d’origine peut être déclenché à partir d’événements ou


de faits précis qui peuvent être de nature historique ( franchir le Rubicon),
textuels (se battre contre les moulins à vent), mythiques (sortir de la cuisse de
Jupiter) ou relevant des faits de la vie quotidienne (mettre les bâtons dans les
roues).

Ce type d’expressions très fréquent répond au besoin d’économie que connaît


toute langue qui réfère à une infinité de situations à partir d’un nombre fini d’unités.

Ici, la stéréotypie est typicalisante ; elle se fonde sur un mode de référenciation éclaté
où il y a glissement d’une référence particulière à une référence généralisée s’appuyant
sur le simple partage d’une contingence devenue stable.

2-3-2- Les séquences fondées sur un mécanisme tropique

Le rapprochement métaphorique entre les différents signifiés peut se fonder sur


une représentation axiologique, à valeur prototypique, analogique ou symbolique.

-Métaphore fondée sur une dimension axiologique

Ce type de rapprochements emprunte deux voies : il peut s’appuyer ou non sur


des modèles cognitifs génériques relevant de la structuration conceptuelle à l’échelle
du lexique (Cf. I. 1) .

351
Les expressions des hauts et des bas et les actions montent / baissent
relèvent de la métaphore conceptuelle dite d’orientation (Lakoff, 1985 : 24). Leur
transparence ne résulte pas de leur sens littéral concret mais de l’ancrage dans le
lexique d’une signification qui n’est plus perçue comme seconde, dérivée. Chaque
élément de l’expression contribue au sens par sa charge axiologique initiale.

De même, on peut trouver dans les unités polylexicales des rapprochements


originels qui n’ont trait à aucun modèle préconstruit générique structurant les unités
monolexicales. Dans l’expression il y a à boire et à manger, il y a superposition de
deux sens :

- concret « se dit d’un liquide trouble avec des particules


solides en suspension » ;

- abstrait et signifiant « il y a du bon et du mauvais » (A. Rey &


S. Chantreau, 1997 : 87).

Dans l’acception concrète, l’expression elle-même est une inférence qui résulte
d’un fait qui en constitue le sens. Le deuxième sens oppose boire à manger et les dote
d’une dimension axiologique qui ne leur est pas propre en emploi monolexical. Cette
dimension n’est possible qu’à partir du premier sens .

-Métaphore à valeur prototypique


Il s’agit là de toutes les idées reçues qui associent généralement une
qualité, une étiquette à une instance particulière qui en devient l’exemplaire
typique. Les expressions sont de tous genres. Elles peuvent être
nominales :
- Querelles d’allemands
- discussions byzantines
- tête de Turc
- moral d’acier
- cœur d’acier
- volonté de fer
- une affaire d’or, etc.

352
adjectivales :
- soûl comme un polonais
- avare comme un écossais
- etc.

verbales :
- filer à l’anglaise
- bâtir sur le roc
- bâtir sur le sable
- etc.
ou phrastiques :
- C’est de l’allemand
- C’est du chinois
- C’est de l’hébreu
- C’est de l’algèbre
- etc.

Il faut, cependant, distinguer cette exemplarité typicalisante de celle sur laquelle


repose la théorie du prototype. A notre sens, la relation entre la polylexicalité et la
typicalité ne donne pas lieu, à proprement parler, à une structuration prototypique, et
ce, pour au moins deux raisons :

 la lexicalisation limite généralement la qualité à une instance


idiosyncrasique en l’absence d’expressions qui traduisent une gradience à l’intérieur
d’une catégorie : à l’anglaise dans filer à l’anglaise n’est pas opposé à d’autres procès
plus ou moins typiques ;

 la multiplicité d’instances typiques pour une même qualité ( tous les


exemples d’expressions phrastiques) contraste avec l’absence d’instances
périphériques ou médianes.

Cependant, la typicalité peut se fonder sur une dimension axiologique où


chaque expression s’oppose directement à son antonyme (bâtir sur le roc / bâtir sur le
sable) .

353
- Métaphore fondée sur une dimension analogique

L’analogie « [. . .] est proche des sensations, des attitudes et évaluations et […]


est engendrée plus par des ressemblances projetées et créées par l’identité et
l’équivalence » (Gréciano, 1993b :36). La saisie analogique peut être d’ordre
conceptuel ou perceptif.

L’expression se lécher les babines a un premier sens inférentiel : celui de « se lécher


les lèvres en signe de satisfaction après un bon repas ». Cette expression-image
sélectionne (parmi n causes possibles) une cause, en principe aléatoire, pour en faire
son contenu sémantique stable et durable. La fixation de cette inférence est une
première charge stéréotypique puisque l’on peut se lécher les lèvres pour n’importe
quelle autre raison. Un second sens dérive de cette première acception : celui de « se
régaler, se délecter ». L’effacement de tous les sèmes concrets ( repas / bon…) relègue
l’aspect iconique à un second plan, centre le sens sur le sème « satisfaction » et permet
le rapprochement entre « satisfaction sensorielle » et « délection psychique ».

La figuration analogique peut aussi se limiter à un simple rapprochement


iconique où « est recherché l’entendement de l’inconnu par le perceptible,
l’imaginaire, le connu » (Gréciano, 1993b : 37). Les exemples abondent (Cf. Mejri,
1997a : 312 ; Cf. également la description de la dénomination « pattes-d’oie » supra).

La sélection ne touche pas dans ce type d’analogie à la substance des signifiés


rapprochés. Les dénominations qui en résultent se caractérisent généralement par un
mode de référence idiosyncrasique et par une superposition de sens due aux
possibilités plurielles de rapprochements entre une forme, une image et des objets
différents.

- Figuration symbolique

Le propre de la figuration symbolique est son pouvoir évocateur où un « objet


ou un fait naturel de caractère imagé… évoque par sa forme ou sa nature une
association d’idées spontanées » ( PR). C’est le cas de l’euphémisme, par exemple, où
la dissimilation due à une contrainte stéréotypique trouve une échappatoire pour
atténuer cette contrainte et la rendre exprimable par les mots. Cependant, cette
stéréotypie ne reste pas moins linguistique du fait que l’échappatoire modifie la charge

354
sémantique des mots et impose parfois même une « anomalie » structurale comme
l’illustre l’exemple suivant : les avoir accrochées.

Dans cette expression, la dissimilation euphémique agit sur la structure même.


L’emploi du pronom personnel (les) sans explicitation antérieure est atypique par
rapport à l’emploi courant de la langue. L’évocation euphémique reste, cependant,
intelligible par la lexicalisation qui associe à l’expression un sens stable où les renvoie
aux testicules.

L’expression véhicule, par ailleurs, une dimension symbolique explicitée


ailleurs avec d’autres mots. Ici, les testicules renvoient métonymiquement à la virilité
associée à « courage » d’où le sens de l’expression « être courageux ». Ce sens se
trouve renforcé par le sème « être solidement fixé » contenu dans le participe
accrochées. L’opacification successive par la concrétisation d’un symbole (testicules>
virilité) et par la dissimilation euphémique condense le sens de l’image et la dote d’un
pouvoir évocateur pour devenir symbole.

Notons que cette séparation des niveaux et des procédés linguistiques dans
l’étude des unités polylexicales est avant tout d’ordre méthodologique. Dans les faits,
l’imbrication de ces facteurs présente un chevauchement et un recouvrement de ces
niveaux et de ces procédés dans le cadre de la même expression. La stéréotypie peut y
être décrite à plus d’un niveau et peut témoigner de la présence de plus d’un
mécanisme structurant. Analogie et inférence, figuration et symbolisme, rôle
déclencheur ou de relais et rôle apparent au niveau de la synthèse sémantique… se
superposent dans la même expression comme en témoignent les exemples traités.

Dans la polysémie comme dans la polylexicalité, la stéréotypie se présente


comme un mécanisme sémantique qui typifie un trait, un sens, une image renfermant
une part d’arbitraire dans leur mode de référenciation. Étudier sa portée dans ces deux
phénomènes, mène à voir son fonctionnement à la lumière de leurs ressemblances et
de leurs dissemblances. Ainsi, on peut relever les faits suivants :

 la polylexicalité implique au niveau de la reconstruction du sens une


dynamique absente dans les unités monolexicales : d’où le rôle structurant de la
stéréotypie à différentes coupes de cette dynamique (genèse, extension, synthèse).

355
 l’iconicité qui caractérise les séquences figées condense le sens et assure
l’unité conceptuelle de l’expression malgré la pluralité de ses composants. Elle est
aussi la source de la typicalité stéréotypique.

 dans les unités polylexicales, la lexicalisation est typicalisante du côté du


signifié et non du côté des référents ; elle ne donne donc pas lieu à une structuration
catégorielle en extension comme c’est le cas parfois dans les unités monolexicales
(ex. Oiseau).

 La polylexicalité structure la pluralité de sens des séquences figées à


deux niveaux : elle assure l’extension du sens à partir du sens littéral où chaque
composant participe à la genèse d’un sens global et où il n’a pas nécessairement sa
charge sémantique initiale en emploi monolexical ; elle assure également la génération
du sens à partir du sens déjà construit ( ex. Se lécher les babines). Elle est le
correspondant de la polysémie dans les séquences figées. La stéréotypie peut participer
à la genèse du premier sens comme elle peut fonder le second. Elle occupe dans les
unités monolexicales des positions similaires (sens initial, sens dérivé), mais elle n’a
pas la même configuration.

 Tout comme dans la polysémie, la stéréotypie, dans les unités


polylexicales, peut s’appuyer sur des structures conceptuelles oeuvrant à l’échelle du
lexique (des hauts et des bas) , ou donner lieu à des significations originelles qui n’ont
d’existence que dans les séquences figées ( ex. Il y a à boire et à manger) .

 Si l’on considère le sens littéral dans les unités polylexicales comme le


correspondant du sens initial dans les unités monolexicales, on aperçoit que le sens
peut s’appuyer sur :

- une structuration conceptuelle dépassant le cadre de la séquence et


oeuvrant à l’échelle du lexique ( Cf. ci-dessus) .

- le contenu sémantique de l’un ou de tous les composants (bâtir sur


le roc),

- une modulation de cette charge par la projection dans un domaine


stéréotypé (ex. Les avoir accrochées) .

356
- l’arbitraire pur et simple ( ex. Bête comme une valise) .

La différence est que dans les unités polylexicales, ce sens ne peut être dérivé à partir
d’un contenu sémantique afférent au sens stabilisé ; le sens polylexical étant figé, toute
manipulation discursive entraînant son défigement.

Par ailleurs, il est légitime de se demander s’il y a au moins un principe


commun qui rapproche les séquences figées stéréotypées des unités monolexicales du
même type, polysémiques ou non. Pour répondre à une telle question, il faut d’abord
distinguer le stéréotype lexical du stéréotype discursif. Trois critères conjugués
pourraient servir à l’identifier :

1- Le trait stéréotypique figure normalement dans une prédication de


phrases génériques typifiantes (ex. L’oiseau vole, Le caniche est fidèle) qui porte sur
une propriété aliénée au référent. Ceci le distingue, particulièrement, des cas
d’anaphore associative fondés sur une relation lexicale préconstruite mais qui s’établit
avec un anaphorisant autonome;

2- . Sur le plan du discours, il n’a pas besoin d’être justifié en contexte,


contrairement au stéréotype discursif dont la saisie se construit à partir d’un travail de
décomposition et de recomposition impliquant tous les aspects de l’énoncé (lexical,
syntaxique, argumentatif, événementiel, descriptif etc.). La sélection des indices
concourant à la reconstruction de la représentation ou à l’image stéréotypique se fait
ainsi à partir d’éléments éparpillés à travers une partie ou la totalité d’un texte donné.
C’est, par exemple, le cas du portrait de l’ouvrier, de l’immigré, etc. que l’on dégage
d’un texte littéraire donné.

3- Le contenu de cette prédication suscite au niveau logique une règle


d’inférence du type :

si X est Y , et s'il n'y a pas d'information contraire, alors on peut en inférer que X est Z

alors que dans le cas des anaphores associatives, la relation stéréotypique peut être
construite à partir d’un « ingrédient […] possible a priori du référent de
l’antécédent (Kleiber, 2001 : 123) :

si X est Y , alors peut –être que Z

357
si X est un assassinat, alors un couteau peut-être l’arme du crime

Les séquences figées stéréotypiques, elles, condensent les propriétés du


stéréotype (conventionnalité, typicité, idéalisation) dans une image prototypique où
l’exemplification mêle selon l’expression des aspects conceptuels (être un loup), scénique
(montrer pattes blanches), iconique (pattes-d’oie) ou symbolique (lèche-bottes). De ce
fait, elles ont la particularité :

1’- d’être pris en charge par une instance énonciatrice indéfinie (à l’instar des proverbes :
comme on dit : qui part à la chasse perd sa place. Ces expressions stéréotypées s’insèrent
d’une manière ou d’une autre dans une prédication du type « ça s’appelle » :

« FRANTEXT
(289)- ça s' appelle être enfermé, MARTIN DU GARD Roger / Vieille France /
1933 page 1083 / Chapitre XXI
(290)- ça s'appelle brûler le dur, MALET Léo / La Vie est dégueulasse / 1948 page
90 / Chapitre XV
(291)- L'un d'eux avait récemment joué dans un film, mais « il n'en faisait pas une
maladie » comme on dit ici , IZZO Jean-Claude / Chourmo / 1996 page 140 / 9
(292)- Comme on dit chez nous, tu ressembles à une noix de coco !, SCHREIBER
Boris / Un silence d'environ une demi-heure / 1996 page 426 / 48
(293)- J'étais au comble du bonheur... J'allais retrouver mes racines comme on dit à
la télévise dans les grands débats culturels, BOUDARD Alphonse / Mourir
d'enfance / 1995 page 110 / 6
(294)- Il mène son deuil, comme on dit ici, en silence, le cul vissé, dès le matin, sur
un haut tabouret de bois, au zinc du Café de la Cale, DORMANN Geneviève / La
Petite main / 1993 page 125 /
(295)- J'ai, comme on dit, «l'oreille de la brousse» : j'entends le langage des
oiseaux, je lis les traces des petits animaux sur le sol et les taches lumineuses que le
soleil projette à travers les feuillages, BÂ Amadou Hampâté / Amkoullel, l'enfant
peul / 1991 page 26
(296)- Il faut dire aussi que Bâbilen avait, comme on dit, "utilisé sa bonne bouche"
en faveur de Kadidja, BÂ Amadou Hampâté / Amkoullel, l'enfant peul / 1991 page
134.

358
2’- de constituer des noyaux prédicatifs, ce qui les distingue des séquences figées
grammaticales :

(297-a)- Tu mets les bâtons dans les roues

(297-b)- C’est le cheval de Troie

(298)- *C’est « à force de », « au détour de ».

3’-Les expressions stéréotypées présentent en principe un potentiel de superposition du


sens ; le sens originel demeure remotivable lors du défigement. Cette superposition
implique, d’une part, « une démotivation lexicale obligatoire » et « une remotivation
pragmatique facultative » (Claudia Hegedus Lambert, 1997, 108). La première est régie
par la symbolisation ou la conceptualisation qui « peut être définie comme la
transformation d’une expérience empirique en une entité cognitive, abstraite et générale »
(Ibid., 109). La symbolisation entraîne « la suspension du sens propre des constituants
phraséologiques » (Ibid.). La seconde est régie par l’iconicité qui « répond à la virtualité
représentative des formatifs phraséologiques […] et tend à visualiser les concepts à
travers des valeurs imagées ». Cette remotivation est d’usage comme le montre Gréciano
(1986b, 141) et demeure stylisée selon les types de texte (publicitaire, technique, théâtral,
etc.).

Nous retrouvons là un certain parallélisme entre les critères distinctifs des stéréotypes
relatifs aux unités monolexicales et ceux relatifs aux unités polylexicales :

-en 1 comme en 1’ l’accent est mis sur l’instance générique, indice de typicité du trait
dans 1 et de l’image ou du procès dans 1’ ;

-2 et 2’ évoquent la plénitude sémantique

-3 et 3’ mettent en œuvre la notion d’écart entre une représentation et le fait support qu’il
soit référentiel ou linguistique.

En outre, il existe un autre critère plus ou moins partagé entre ces deux formes de la
stéréotypie : celui de l’intraductibilité. En effet, excepté les calques dus au contact des
langues ou les universaux du langage, les représentations stéréotypiques, souvent indices
d’un découpage différent du réel d’une langue à une autre, demeurent récalcitrantes à
toute traduction fidèle ; d’où l’intérêt de leur étude dans une perspective contrastive.

359
Quelques exemples d’expressions relevant du français et de l’arabe nous serviront
d’illustration pour l’exploration de cette dimension.

3- Stéréotypie et dimension contrastive


La conception de la langue en tant que vision du monde est indissociable de son
appréhension en tant que système structurellement clos ou supposé comme tel. De ce
fait, tout regard de l’intérieur est circonscrit par les limites qu’imposent les spécificités
propres à ce système et par conséquent, lui manque la distanciation nécessaire pour
dévoiler des caractéristiques, souvent appréhendées comme des évidences. De là,
opposer une langue à une autre, c’est produire un effet de miroir qui permettrait de
saisir des aspects insoupçonnés auparavant.
Ainsi en est-il du niveau lexical où les expressions simples ou figées disent
souvent plus que le simple fait référentiel ou dénotatif et où les connotations qui s’y
greffent ont une dimension souvent plus importante que celle saisie par l’esprit du
locuteur de ccette langue. Ce « … poids ou [cette] charge culturels d’un mot, d’une
expression n’apparaît que lorsqu’il y a confrontation entre deux cultures. Plus les
langues sont éloignées, plus le culturel pèse » (Francine Melka, (2003, 251).
L’étude contrastive de quelques expressions figurées formées autour du
mot cœur en arabe et en français (Cf. bibliographie) nous serviront d’exemples pour
apprécier les différences de représentations entre les deux langues.

Ces expressions se rapprochent ou se distancient à profusion, embrassant une


multitude de sens et d’aspects de la vie intérieure, qui ne coïncident par forcément
dans les deux univers linguistiques et culturels. Elles impliquent souvent des
mécanismes tropiques qui traduisent des manières particulières de dénommer, propres
à chaque langue. Ainsi, si «soulever le cœur » signifie en français « être désagréable
au point de donner envie de vomir », en arabe, la même expression [ j huzzu-lqalb]
signifie « émouvoir fortement ». Siège des émotions, des sensations, des passions, des
désirs, des humeurs, des principes moraux, le cœur « concurrence » différemment dans
chaque langue avec l’âme, l’esprit, la conscience, quant à l’emprise sur ces domaines
(Saïd, 2004). De même, la diversité de ses attributs et de ses états s’exprime, dans

360
chaque langue, à travers des images lexicalisées ou vives variant selon la spécificité
des cultures, des environnements et des scénarios de la vie quotidienne.

En effet, chaque langue sélectionne dans le large éventail des métaphores


conceptuelles axiologiques des attributs qu’elle attache à cœur, âme ou esprit. Ainsi, si
en français l’adjectif léger est compatible avec les trois notions citées ( on dit bien une
âme légère, un esprit léger, un cœur léger) , en arabe, [(fi:f-] est employé avec âme

(fi :f-rru :hi), avec esprit ((fi :f-laqli), mais non avec cœur.
Les exemples suivants illustrent bien cette sélectivité différée.
(299)- lw kunt faddan ali:da-lqalbi
Si tu étais cruel épais de cœur Surat El Omrane 159
(300)-k :n raqi :qa-lqalbi
→ Il était tendre de cœur. Assarab,11
Il avait le cœur tendre. Les chimères,17
(301)- inn qalbk adfu min n…
Ton cœur est si faible pour qu’il…… ibidem, 123
Tu as le cœur trop tendre pour….. trad. ibidem, 180
(302)- qawwi: qalbk qalbun qawijjun
renforça ton cœur cœur fort
courage brave cœur
(303)- gonfler les cœurs
fm qalb X Al-kamel
a rempli le cœur de X (lit.), (fig.) a enjôlé le cœur
(304)- crever le cœur
hzz fi-lqalbi
a entaillé dans le cœur
Dans les deux couplets (279-300 et 301-302), l’arabe qualifie le cœur selon les
oppositions épais / mince, fort /faible. Ce qui est remarquable dans les traductions,
c’est le fait de traduire [raqi :q] et [dai:f] avec le même terme non marqué « tendre ».
Pour sauvegarder la nuance entre les deux termes d’origine (le premier étant en effet
relatif à la tendresse, le second au manque d’énergie), le traducteur a recours à

361
l’adverbe « trop », qui, joint à l’expression de la finalité (pour), arrive à maintenir
l’idée de degré contenu dans [dai :f] (faible).
Le dernier exemple présente une spécificité du français par rapport à l’arabe.. Le cœur
étant représenté comme un espace creux enveloppé d’une membrane fine est alors
susceptible d’être gonflé, crevé. Cependant, si crever est axiologiquement négatif,
gonfler (303) dépend du contexte ; un cœur peut être gonflé de tendresse comme de
colère ou de terreur. La traduction lexicographique ne pose pas de problèmes dans
l’exemple (304) ; l’équivalent appartient en effet au même réseau sémantique (crever,
déchirer,…). Par contre, l’équivalent arabe de « gonfler » restreint le sens de
l’expression d’origine à la seule valeur positive. Pourquoi ? Le verbe (fm ) en

emploi concret a le sens de [m l, remplir] ; en emploi figuré (fm qalb X),
il figure dans une séquence figée qui signifie exclusivement enjôler, enchanter (El-
Munjid).
Par ailleurs, la sélectivité des attributs du cœur est marquée, dans les deux
langues par l’interaction entre l’homme et son environnement. L’exemple typique est
perçu dans l’influence des climats sur notre perception de nos sentiments et sur la
représentation de notre corps. Si en français, « chauffer, réchauffer le cœur » signifie
« donner de la force d’âme » et « faire chaud au cœur », « être, rendu ému,
réconforté », ces mêmes significations en arabe sont exprimées par « juliu ssadra

w-lqalb », c’est-à-dire, « il glace la poitrine et le cœur ».


Cependant, si en français cette dimension se limite à quelques expressions lexicalisées,
elle reste très productive en arabe, ce qui rend la traduction de ces emplois très
difficiles :
(305)- tndd : qalbi : hn :nn
devient rosée mon cœur de tendresse ibidem,158
Mon cœur se gonfla de tendresse trad.ibidem,233
(306)- wl qalbu minhu ndijjun birrahmti
Et le cœur de lui est devenu rosée de miséricorde ibidem,27
…….dissimulaient une âme tendre et miséricorde trad .ibidem,40
(307)- rattaba h :-la :tiru qalbij- lmuhtriqi

362
a humidifié cette pensée mon cœur enflammé ibidem,144
Cette pensée a apaisé le feu de mon cœur etc. trad .ibidem, 212
Dans les expressions en arabe, les concepts de « rosée » et d’ « humidité » s’opposent
à feu. Cette dimension n’est préservée dans aucune des expressions traduites en
français.
Enfin, les même signes peuvent bien porter des charges culturelles différentes.
Écœuré signifie en français « être dégoûté, en malaise » ; en arabe, il existe deux
dérivés de [ fu :d]

- f i:dun → le lâche qui n’a pas de cœur

- m fu:d →1- le lâche qui n’a pas de cœur


2- celui qui a le cœur souffrant.(El-Munjid)
Soulever le cœur → écœurer, dégoûter
- en arabe littéral (jhuzzu-lqalb) → émouvoir fortement

- en dialectal tunisien (jgid lglb) → avoir la satiété physique.


La main sur le cœur → « en protestant de sa bonne foi » s’emploie surtout
ironiquement.
jduhu l : qalbihi → attendre avec impatience
sa main sur son cœur
Dans ces cas le traducteur opte pour un équivalent sans ambiguïté :
(308)- intarn : w jdi :n l : qulubin :
Nous attendîmes et nos mains sur nos cœurs
Nous attendîmes son retour le cœur battant.
Notons enfin que les expressions du cœur renferment le plus souvent un
segment figé ou un rapport d’appropriation entre un verbe et son complément par
exemple ; ceux-ci risquent d’être altérés lors de la transposition d’un contenu qu’ils
sont censés exprimer seulement en partie. Examinons les cas suivants :
(309)- jtwzzu qalbi : lhubb w-l i :m :n w-l wf
se distribue mon cœur (entre) l’amour et la foi et la peur ibidem, 92
L’amour, la foi, la peur déchiraient mon cœur. trad. Ibidem, 133
(310)-imtl-l fu :du lhu wfn w kara :hijjtn
s’est rempli le cœur à lui peur et haine ibidem, 9

363
Mon cœur bouillonnait … de terreur et de haine à son endroit .trad. Ibidem, 14
En (309)-, le traducteur opte pour déchirer comme équivalent à [jtwzzu],
apparemment à partir de leur sème commun « être fragmenté ». Le caractère pluriel du
sujet (l’amour, la foi, la peur) semble à première vue être compatible avec le
sémantisme du verbe déchirer. Or, une analyse plus fine de la relation sujet-verbe
montre l’existence d’un élément qui ne peut pas faire partie de la classe des noms
appropriés pour être sujets de « déchirer le cœur » . En effet, si « l’amour déchire mon
cœur » et « la peur déchire mon cœur » sont parfaitement acceptables, « la foi déchire
mon cœur » ne l’est pas.
La même remarque vaut pour le cas en (310) ; le traducteur a conservé la structure
d’origine moyennant l’emploi de « bouillonnait de ». Or, là aussi, la dissociation du
complément pluriel ( de terreur et de haine) montre bien que si « mon cœur
bouillonnait de haine » est sémantiquement acceptable, « mon cœur bouillonnait de
terreur » ne l’est pas, parce que, c’est plutôt la froideur extrême qui serait appropriée à
une telle sensation. On dirait bien, une terreur qui glaçait le cœur
(311)- La terreur fit glacer mon cœur
et non :
(312)- *La terreur fit bouillonner mon cœur.
Au-delà des similitudes et des discordances, le parallélisme des champs et des réseaux
sémantiques entre les deux langues offre des possibilités multiples pour la
transposition d’une image, d’une expression, d’une perception particulière d’une
langue à l’autre. Le cœur peut bien être brisé, crevé, percé, arraché, déchiré ou encore
sous une autre langue entaillé, écrasé, émietté, la douleur humaine reste la même.
Par ailleurs, la manière dont une langue agence des mots refléterait une vision
particulière de la réalité. Michèle FOURMENT-BERNI CANINI, (2003, 90) constate,
dans ce sens, que l’acte de traduire révèle l’existence de certaines structures
linguistiques de l’une des deux langues qui témoignent d’une approche particulière de
la réalité de la part du locuteur dépassant la subjectivité et le niveau individuel pour
constituer « une préférence collective qui est confirmée par la fréquence d’emploi de
ces structures. Le choix préférentiel propre à toute une collectivité qui, parmi les
nombreuses possibilités d’expression, en privilégie certaines selon un mode particulier

364
d’appréhension du réel et selon un rapport presque codifié du moi aux autres […]
semble représenter un trait culturel digne d’intérêt ». De ce fait, une approche qui se
limite au cadre du système n’arrive pas à cerner cette vision dans toute son ampleur.
Une étude contrastive permettrait de révéler cette dimension. Ailleurs (Saïd, 2001 :
155), nous sommes parti d’une hypothèse qui suppose que la variation des moules
syntaxiques entre deux langues pourrait être un indice d’un découpage différent du réel
et, par conséquent, ces moules eux-mêmes pourraient être foyers d’une fixation
stéréotypique différente. L’arabe comme le français disposent de moules exprimant la
comparaison (comme / k) et le superlatif (plus + adj. / schème compact). Dans chaque
langue, la stéréotypie peut se fixer dans un moule comme dans l’autre.

Nous avons cherché à vérifier cette hypothèse à partir du traitement des


expressions d’intensité avec comme dans un dictionnaire bilingue français-arabe (El-
Menhel) et à partir d’une analyse statistique de la fréquence de la lexicalisation de ces
expressions dans un moule ou dans l’autre, et ce dans chaque langue.

Les expressions traitées par ce dictionnaire bilingue sont peu nombreuses. On


peut y trouver l’exemple suivant :

(313)- Boire comme un trou. [arabu minr-ramli]

Plus buvard que le sable.

L’expression en L1 établit un rapport d’équivalence entre le comparé et le comparant.


Ce rapport se fonde sur « une sélection sémique dans le cadre du second terme de la
comparaison qui ne retient qu’un sème identique au premier » (Mejri, 1994 : 113).
Dans le cas de l’expression de l’intensité avec comme, le comparant est à la
fois « exemplaire typique de la qualité » et « le degré suprême de l’intensité ». En L2,
l’instance typique équivalente à trou est raml (le sable). Le sème sélectionné est
explicité par le schème antéposé au comparant (arabu / plus buvard). Ce schème
l’érige en tant que repère exprimant un degré élevé de la qualité en question, mais pas
suprême puisque le degré d’intensité du comparé se situe à un rang qui lui est
supérieur.

365
Les résultats statistiques ont montré une différence très tranchée entre les deux
langues : en français, la lexicalisation des expressions avec comme domine ; en arabe,
c’est le schème rendant le superlatif qui est nettement favorisé par rapport à la
structure comparative 109 . Cette grammaticalisation différente dont l’explication
demeure inexpliquée traduit une différence des représentations.

Dans l’ensemble, si l’approche contrastive permet d’appréhender des aspects


essentiels de la diversité des représentations stéréotypiques, elle demeure inopérante
quand il s’agit de décrire la variation de ces représentations au sein d’une communauté
linguistique donnée. Cette variation œuvre dans le cadre des spécificités intra-
systémiques et est, de ce fait, qualitativement différente de celle identifiée dans une
perspective contrastive. Les dictionnaires unilingues, censés représenter la norme
linguistique, sont le foyer idéal pour apprécier sa nature et l’ampleur de son impact.

109
-Nous avons procédé à un relevé statistique de la distribution des stéréotypes selon les deux moules dans
chaque langue à partir de deux dictionnaires unilingues (Dictionnaire des locutions et expressions, Les Usuels
du Robert, et la partie consacrée aux expressions et aux proverbes dans El-Munjid ) .
Les résultats : - en français, 610 exp. avec comme ; 5 avec le superlatif ;
- en arabe, 14 avec k ; 229 avec le schème superlatif.

366
Quatrième partie : le traitement
lexicographique de la stéréotypie

366
La description du traitement lexicographique de l’information stéréotypique se
situe dans le cadre général de la représentation du sens dans ce type particulier de
discours. Elle implique de ce fait trois axes :
- celui de la définition primaire (correspondant à l’acception plus ou moins
concrète, source des autres extensions de sens) ou relative à une acception quelconque
considérée du seul point de vue de sa matérialité en tant produit de l’acte définitoire ;
- celui de son rôle structurant au niveau du lexique (correspondant au
dégroupement polysémique et homonymique) ;
- et celui des séquences figées.
En même temps, cette description doit tenir compte de la spécificité du discours
lexicographique où la distribution de l’information selon les composants de l’article
dictionnairique (marqueurs, définitions, exemples, synonymes et antonymes) répond à
des besoins variés dépendant de l’unité considérée et de la stratégie suivie par le
lexicographe.
L’intérêt en est d’abord d’étudier l’articulation entre norme et stéréotypie, de
voir comment la première est définie par la seconde et de vérifier si toute stéréotypie,
inscrite dans le dictionnaire est toujours normative. Puis, en rapport avec cette dernière
problématique, il serait intéressant de décrire l’articulation entre la stéréotypie
structurant le lexique indépendamment de tout traitement et celle lexicographique
relevant de la dimension interne de ce discours.
Pour ce faire, nous avons choisi, pour la confection de notre corpus, les ouvrages
suivants :
- le Trésor de la Langue Française : s’adressant à un large public cultivé et
« principalement aux spécialistes qu’ils soient linguistes, historiens…ou philologues »
et conçu selon une démarche composite entre linguistique et philologie, ce dictionnaire
se présente comme trésor des mots usuels de la langue française (Cf. préface du TLF).
Centrés surtout sur des exemples essentiellement littéraires, ses traitements privilégient
la description du fonctionnement des unités de la langue dans le discours, d’où sa
particularité de représenter une certaine vision savante de la norme.
- Le Nouveau Petit Robert : visant un public plus large que constitue « tous les
usagers de la langue française » (Cf. présentation du PR), cet ouvrage se veut un

367
dictionnaire qui joue le rôle de « l’observateur objectif » dans le sens qu’il est plus
ouvert sur la variation des usages de la langue dans « l’univers culturel présent ». Son
intérêt réside de ce fait dans son appréhension plus souple de la norme.
- Le Petit Larousse : cet ouvrage s’adresse à « tous ceux qui veulent avoir sous
la main un dictionnaire pratique » (Cf. préface du PL). Il se caractérise par une vision
plus rigoureuse de la norme et par la condensation de ses définitions.
- Lexis : selon ses élaborateurs, ce dictionnaire est conçu dans une intention
didactique et vise « le large public d’enseignement » (Cf. préface de Lexis). Sa
particularité est de présenter les unités de la langue selon « les données les plus
récentes de la linguistiques » et particulièrement selon une approche théorique où le
regroupement et le dégroupement des significations ne suivent pas le critère
étymologique d’où son intérêt pour l’étude de certains aspects particuliers de la
structuration du lexique tels que la distinction entre faits polysémiques et faits
homonymiques.
- Le dictionnaire Hachette : s’inscrivant dans une perspective « volontairement
didactique », Hachette encyclopédique vise un public cible plus restreint, celui « des
apprenants de la langue française » d’où l’intérêt de son discours vulgarisant et
simplifié.
Il est à noter que nous avons puisé notre corpus à partir des versions
informatisées des trois premiers dictionnaires et papiers pour les deux autres.

368
Premier chapitre-Stéréotypie et définition
La définition lexicographique met en relation une certaine représentation des
objets du monde par le biais des concepts qui les définissent et une compétence
langagière propre aux élaborateurs d’un type particulier du discours qui se veut
normatif. Or, ces deux paramètres s’inscrivent naturellement dans la variation. De ce
fait, l’identification d’une présence stéréotypique qui présume la fixité et la
conventionnalité nécessite l’interrogation de plus d’une piste de recherche :

- les structures syntaxiques dans lesquelles sont versés les contenus définitoires
et les paraphrases des structures morphologiques régulières de certains mots
permettraient de saisir en partie la manière dont le lexicographe appréhende son
objet et révèleraient certains aspects cachés du phénomène stéréotypique ;

- la variation des contenus définitoires selon la nature des concepts définis


seraient des indices de la diversité des représentations stéréotypiques et des modalités
d’appréhension cognitive des référents, objets de ces définitions ;

- enfin, la concordance ou la discordance du traitement de la même unité


linguistique dans les différents dictionnaires permettrait d’apprécier le degré de fixité
de la signification stéréotypique et de distinguer ce qui relèverait des propriétés mêmes
de l’objet défini et ce qui serait le produit d’une stratégie propre aux ouvrages en
question.

1- Structures syntaxiques et morphologiques et expression des


relations sémantiques
L’une des spécificités du discours lexicographique est le recours à des moules
structurels dans lesquels sont versés les contenus définitoires. Ceux-ci sont de nature
variée selon leur emplacement dans la définition, selon la catégorie syntaxique de
l’entrée et selon l’attitude qu’a le lexicographe vis-à-vis de l’objet de sa définition. De
ce fait, l’étude de l’ensemble de ces moules, de leur fonction et de la manière dont ils
portent le sens dépasse le cadre de notre étude. Toutefois, en rapport avec notre
problématique, cette dimension reste incontournable du moment que nous admettons

369
que l’idée d’une fixation des représentations dans la langue fait immédiatement appel,
quand il s’agit de décrire ces significations, à une métalangue spécifique. Et, comme la
stéréotypie ne se limite seulement pas au contenus sémantiques pour impliquer des
relations diverses entre catégories référentielles, déterminants et déterminés,
composants morphologiques, etc., il est normal qu’un discours sur la signification des
mots concernés par ces relations évoque ces implications relationnelles de la
stéréotypie de par des structures propres. Il serait donc intéressant d’étudier quelques
manifestations de cette dimension avant d’entamer la description des modalités et
enjeux de la fixation des contenus sémantiques(Cf. chapitres 2 et 3). Pour rendre
compte de ce fait, nous optons pour l’analyse d’exemples précis que nous considérons
comme importants de par leur récurrence et leur fonction. L’objectif est de montrer
dans quelle mesure la stéréotypie se déploie ou est révélée, négativement,
potentiellement ou explicitement, à partir d’une structure syntaxique ou
morphologique.

1-1- La relation d’inclusion à travers la structure N de N entre rigidité et


variation
Le premier type d’exemple concerne une même construction récurrente, ayant
la même matière lexicale et figurant à une position privilégiée telle que celle de
l’hyperonyme autour duquel est structuré l’ensemble des traits spécifiques que
comporte une définition. À première vue, une telle concordance serait un facteur de la
rigidité du traitement définitoire de l’unité considérée. Ainsi par exemple, des
structures telles que genre de/espèce de/variété de 110 /type de/catégorie de /sorte de +
N admettraient a priori en emploi hyperonymique une interprétation unique qui opère
une restriction ou une distinction des occurrences référentielles tombant sous le N.
Lesquelles restriction ou distinction seraient justifiées par les traits spécifiques
succédant cette structure hyperonymique complexe. C’est nettement le cas de tous les
emplois avec les trois premières occurrences de cette structure (Cf. annexe I.1) où
genre, espèce et variété comportent dans leurs acceptions savante et ordinaire l’idée

110
Dans certains dictionnaires, entre variété de N et N d’une variété, il y a une différence de focalisation : dans
le premier cas, l’accent est mis sur la partie appartenant au tout et dans le second sur le tout divisible en parties.

370
d’inclusion à un ensemble (Cf. annexe I.2). Type et catégorie suivis de de+ N
permettent d’atteindre différemment la même interprétation en distinguant à l’intérieur
du N déterminant un sous-ensemble envisagé sous l’angle de propriétés communes
(Cf. annexe I.3 a et b). La structure sorte de + N ne sort pas de ce cadre interprétatif.
Dans tous les exemples relevés à cette position aucun rapprochement approximatif
explicite n’est constaté. Toutefois, les procédés de restriction sémantique qu’elle
permet d’opérer à l’intérieur de la classe d’objets dénotée par le N déterminant, situent
explicitement ou implicitement le contenu définitoire par rapport à d’autres contenus
figurant au-delà de la définition de l’acception considérée. Certains de ces emplois ne
véhiculent aucune présence de stéréotypie. Il s’agit généralement :
- d’une spécification d’un contenu définitoire vague figurant sous l’entrée
relative au N déterminant (annexe I.4) ;
- d’une justification d’une acception se déployant à partir d’un sème commun
avec la définition primaire de la même entrée (annexe I.5) ;
- d’une introduction d’un hyperonyme général commun à des acceptions
renvoyant à plusieurs référents (annexe I.6).
Il existe cependant un autre emploi de cette structure (annexe I.7) qui obéit à la forme
canonique ci-indiquée (hyperonyme complexe + traits spécifiques) et n’introduit pas
un contenu stéréotypique propre (dans le sens d’un savoir typique, idéalisé et partagé)
mais qui inscrit négativement une partie du contenu définitoire par rapport à la
stéréotypicalité de traits correspondants figurant dans la définition du N déterminant.
Autrement dit, certains traits se présentent comme étant atypiques par rapport à ceux
relatifs au même type de propriété dans la définition du nom suivant sorte de. Ce
contraste peut concerner (annexe I.8) :
- le lieu : /eau douce/ pour anodonte et /les mers du globe/ pour moule
(anodonte étant défini comme sorte de moule) ;
- la fonction : /chauffer l’eau d’alun et le suif/ pour baignoire et /cuire les
aliments/ pour poêle (baignoire = sorte de poêle) ;
- la matière : /paille d’avoine/ pour avoine et /tube de bois ou de métal/ pour
flûte (avoine= sorte de flûte) ;

371
- la matière et la fonction : /en osier ou roseau, pêche/ pour bire et /souvent en
verre (PR), destiné à un liquide/ pour bouteille (bire= sorte de bouteille) ;
- la forme : /portée à bras d’hommes ou à dos de chameaux ou éléphants/ pour
palanquin et /comprenant quatre pieds/ pour chaise (palanquin= sorte de chaise) ;
- la constitution : /deux manches/ pour théorbe et /une manche/ pour luth
(théorbe= sorte de luth), etc..
Au niveau référentiel, tous les objets dénotés par ces dénominations sont des
instances périphériques de la catégorie 111 à laquelle réfère le N déterminant.
Autrement dit, les propriétés atypiques de ces objets ainsi définis confirment la
stéréotypicité (ou le caractère générique typifiant a priori selon Anscombre) des
propriétés considérées comme typiques pour la catégorie toute entière dénommée par
le N déterminant dans la structure considérée. Elles confirment en même temps l’idée
selon laquelle l’effet de prototypie est étroitement lié à la présence des traits
stéréotypiques dans la représentation de telles catégories.
Par ailleurs, il existe au moins un trait analytique ou pertinent (dans le cas des
artefacts) qui justifie l’appartenance de chacun de ces objets à la catégorie
correspondante :
- anodonte s’inclut dans la classe des moules par le trait /mollusque/ ;
- avoine, théorbe et palanquin appartiennent respectivement aux sous-
catégories de flûte, luth et chaise de par les traits relatifs à la fonction et à la forme
(instrument de musique ayant une certaine forme et produisant un certain type de son,
siège pour les personnes, etc.) ;
- bire s’apparente à la catégorie des bouteilles de par sa forme.
Au niveau sémantique, la discordance entre les critères d’appartenance à la
catégorie et l’atypicité des traits relatifs à ces occurrences inscrit la signification des
mots correspondants dans un certain flou. En effet, bien que sorte de + N admette une
interprétation exprimant l’inclusion de l’entité dénommée dans la classe des N (Cf.
annexe I.7 déf.1), l’idée d’approximation n’est pas totalement exclue de par l’atypicité
constatée.

111
C’est ce qui peut expliquer que la plupart des mots ne figurent que dans un seul dictionnaire (le TLF).

372
Dans certains cas, cette représentation sémantique du sens diffère quand la structure se
trouve employée en position non hyperonymique. Pour corymbe (sorte de parasol), le
flou provient d’un rapprochement par analogie qui ne se trouve pas renforcé par une
idée d’appartenance nette à la catégorie des parasols (annexe I.9).Toutefois, ce type
d’approximation n’a pas la même fonction que celle exprimée par des structures du
type voisin/proche de+ N qui visent la représentation effective de l’objet (achilienne,
par exemple) par son rapprochement à une occurrence prototypique (lyre dans ce cas)
d’une catégorie ou sous-catégorie distincte sur la base d’une similitude quelconque
(annexe I.10).

1-2- Régularité morphologique et paraphrase synonymique : le cas de dérivés


exprimant l’idée d’opposition
Les dérivés morphologiques présentent un autre cas qui, en principe, oriente
l’interprétation dans le sens d’une paraphrase plus ou moins rigide de la signification
de leurs composants. En général, les variations formelles donnent lieu à des catégories
grammaticales ayant une certaine régularité de la structure sémantique. Pour un mot
formé du préfixe anti- suivi d’un adjectif ou d’un substantif, la signification est
prévisible, selon le domaine, à partir de chacune des significations des deux
composants. Le TLF rend compte de cette régularité en regroupant une longue liste de
mots (annexe I.11) sous l’entrée relative à anti- qu’il définit comme suit :
Anti- Le composé signifie « qui est contre la notion désignée par la base »; c'est
un adj. (substantivable) formé à partir d'un adj. ou d'une loc. adjectivable
formée à partir d'un substantif.
A. Le composé est un adj. formé à partir d'un adjectif.
1. Il signifie « qui est hostile au système d'idées ou d'opinions caractérisé par
l'adj. de base », ou, quand il est substantivé, « la personne hostile à... ».
Pour le domaine technique où il est question d’objets, les définitions des mots en anti-
concordent dans les différents dictionnaires (annexe I.12). La variation de la
paraphrase synonymique du composant préfixal est d’un ordre analytique (pour char
par exemple, les traits /résister/ et /détruire/ dans le TLF peuvent être considérés
comme paraphrasant /s’oppose/ figurant dans le Petit Robert et le Petit Larousse).

373
Cependant, cette régularité devient toute relative quand il s’agit de bases renvoyant à
des attitudes ou à des comportements humains. La variation peut dans ce cas toucher la
signification de la base, celle du préfixe ou les deux à la fois.
Dans le premier cas (annexe I.13), ce sont les contours du concept relatif à l’adjectif
ou au nom qui se trouvent concernés. Pour des mots comme anti-américaniste et anti-
américanisme, l’idée d’hostilité présente dans toutes les définitions porte sur les États-
Unis (PR et Hachette), sur le gouvernement et/ou la politique de ce pays (TLF) et sur
leur politique et leur civilisation (PL). cette différence traduit des stéréotypes (vrais ou
faux)ou des charges idéologiques dont les lexicographes rendent compte.
Dans le deuxième cas, c’est le sémantisme du préfixe qui est perçu différemment :
pour anti- par exemple, l’idée d’opposition présente une variation de degré allant du
simple fait de faire face à…, à la nuisance plus ou moins néfaste, à l’agressivité et la
violence. Les définitions des différents mots paraphrasant ce préfixe mettent l’accent
sur ces différences (annexes I.14 et I.15) :
- dans anti-évangélique, le préfixe est paraphrasé par contraire à ; ce qui revient
à un simple constat d’opposition ;
- dans anti-humaniste, la paraphrase va de la simple attitude d’esprit
(défavorable) à l’hostilité impliquant une éventuelle agressivité.
Cette différence de traitement se trouve parfois dans les définitions du même mot :
anti- dans antireligieux est paraphrasé par hostile (TLF et Hachette) et par opposé à
(PR et PL). D’autres expressions du type attitude de et animé/marqué par atténuent la
charge exprimée par le déterminant qui les suit en l’inscrivant dans la perspective
d’une attitude d’esprit plutôt que dans celle d’une action potentiellement nuisible ou
violente (Cf. anti-communiste, anti-communisme dans le Petit Robert et le Petit
Larousse).
Dans le dernier cas (annexe I.16), la variation circonscrit différemment les contours
des significations des deux composants. Dans le TLF et le Petit Larousse, les
définitions de contre-société paraphrasent la signification du préfixe respectivement
par une attitude de simple refus et une opposition active puisque fondée sur une
idéologie. Pour l’agent et l’objet de cette opposition, le TLF se sert du stéréotype de la
marginalité (collectivité en marge de la société) qui contraste avec les règles de la

374
société en général, alors que pour le Petit Larousse dont la formulation est plus neutre,
il s’agit d’un groupe s’opposant aux valeurs dominantes de leur société sur la base
d’une idéologie qui leur est propre.
Ce type de variation n’est pas lié à un flou sémantique émanant des
caractéristiques des entités définies mais plutôt d’une diversité de représentations
traduisant la polyphonie des points de vue observée dans une communauté linguistique
donnée et concernant des thèmes ou des centres d’intérêt fortement idéologicisés. En
l’absence de tout marquage circonscrivant le point de vue dans un univers de croyance
donné, le contenu définitoire relève, par l’effacement des énonciateurs particuliers
potentiels, le stéréotype au rang de la norme s’appuyant sur le consentement du
lexicographe et sur l’autorité du discours lexicographique en tant que discours
normatif.
Toutefois, il arrive qu’un lexicographe se place en observateur vis-à-vis d’une
certaine norme là où un autre l’incarne.

1-3- La relation de détermination à déterminant indéterminé ou indéfini et le


rapport à la norme : le cas de la relativisation par « (qui est) considéré comme »
Le propre de cette structure est qu’elle permet au locuteur (ici le lexicographe)
d’inscrire ses propos dans un cadre objectif ou neutre et de se détacher du contenu
qu’il exprime. La tournure passive à agent indéfini met la responsabilité de l’énoncé
sur le compte d’un on universel, expression dans le discours lexicographique de la
voix de la collectivité et de la norme consacrée par l’usage. Des emplois multiples de
cette structure, nous nous intéressons exclusivement à son économie dans les
définitions de certains adjectifs.
La relation de détermination que représente un syntagme constitué d’un N et
d’un adjectif peut être le foyer d’une représentation stéréotypique du référent dénoté
par ce N. Dans un ouvrage lexicographique, le sens de cette relation se trouve
paraphrasé sous les entrées ayant comme mots vedettes les adjectifs dont la définition
exprime en principe un contenu d’une grande généralité susceptible de convenir à n
référents pouvant être qualifiés par l’adjectif. Autrement dit, l’attribution de la
signification qualifiante à une instance indéterminée (pouvant être exprimée par une

375
structure relative explicite ou elliptique du genre qui est…) couvrirait normalement les
emplois où l’association considérée serait vraie ou fausse, idéolectale ou
potentiellement stéréotypique. La structure qui est considéré comme convient, dans
l’un de ses emplois, à cette fin en ce qu’elle relativise l’information qualifiante.
Toutefois, il se peut qu’elle ne puisse servir à cadrer la totalité de la charge sémantique
de l’entité adjectivale, d’où l’intérêt de l’étudier en rapport avec la structure générale
de la définition. Son économie est également à définir par contraste aux autres
alternatives de formulation présentes dans d’autres dictionnaires.
L’économie de cette structure varie selon le fait qu’elle cadre la totalité de la
signification (annexe I.17) ou seulement une partie (annexe I.18). Dans la paraphrase
de sain du TLF, tout le contenu définitoire se trouve parenthétisé selon l’expression de
Husserl (Cf. le commentaire de Putnam, 1981-1984 : 39) dans le sens qu’il est attribué
à un univers de croyance collectif sans faire l’hypothèse de son existence réelle :
Sain : « Qui est considéré comme bon et normal, conforme à la raison, à un critère de
valeur ».
La structure fonctionne comme un patronyme unique pour l’ensemble des syntagmes
adjectivaux constituant la paraphrase synonymique du mot défini. De ce fait, la
relativisation touche tous les traits relatifs aux espaces conceptuels que pourrait
couvrir la signification.
Par contre, le contenu définitoire de féminin est rendu dans le même dictionnaire par
trois subordonnées relatives juxtaposées :
Féminin : « Qui appartient en propre à la femme, qui est considéré comme spécifique
de la femme, que l'on rencontre habituellement chez la femme ».
Chacune de ces relatives couvre une part de la signification de l’adjectif :
- la première renvoie avec certitude (au propre) à ce qui est inhérent au sexe
féminin. L’adhésion du lexicographe à ce contenu est ici complète ;
- la deuxième situe ce qui est attribué aux femmes dans un univers de croyance
collectif et indéfini. Être considéré comme permet d’inférer que le déterminé
indéterminé peut ne pas être réellement spécifique aux femmes mais simplement
considéré comme tel. Le lexicographe se place en simple rapporteur en dehors de cet
univers de croyance ;

376
- la dernière met l’accent par l’emploi de l’adverbe habituellement sur la
fréquence et la non-exclusivité de l’association entre le référent et la qualité qui le
qualifie. Autrement dit, elle infère qu’on peut ne pas rencontrer le fait considéré chez
certaines femmes. Le lien entre le déterminant et le déterminé est alors envisagé
comme étant extrinsèque.
Pour ce qui est de la divergence entre les dictionnaires, notre objectif ponctuel
est moins de les comparer (Cf. les chapitres suivants) mais de nous servir de cette
structure comme un repère permettant de saisir les formes que peut revêtir la
représentation de la norme. La distribution des différentes configurations de la
paraphrase synonymique dans chaque dictionnaire (annexes I.19 et I.20) révèle pour
l’échantillon de corpus étudié trois cas de figure :
- le premier cas est illustré par le traitement de féminin. Des trois parties de la
signification présentes dans le TLF, le Petit Robert opte pour la formulation absolue, là
où le Petit Larousse choisit exclusivement celle relativisée par le syntagme adjectival
considérés comme ;
- le second cas est représenté par incongru et majeur dont les paraphrases
scindent la signification en deux parties, l’une absolue et l’autre inscrite relativement à
un univers de croyance donné (Cf. incongru dans le PR et majeur dans le TLF) ou la
présentent uniquement dans la première perspective (Cf. le reste des définitions) ;
- le dernier cas correspond aux traitements réservés à intempestif, masculin et
sain dont les définitions dans chaque dictionnaire sont du premier ou du second type.
Il est à noter cependant que la deuxième définition de masculin dans le PR (« Qui a les
caractères de l'homme, tient de l'homme » ) relativise la première (« Propre à l'homme »)
sur le plan référentiel puisque des X n’appartenant pas à la catégorie des hommes
peuvent avoir leurs caractères. Mais, les deux définitions considérées ensemble ne
remettent nullement en cause l’adéquation entre le référent et la qualité exprimée par
l’adjectif, c’est-à-dire, le fait que ces caractères soient valables pour tous les hommes.
Par contre, dans la définition du TLF par exemple, la relativisation porte à la fois sur
l’appartenance catégorielle et sur l’adéquation de l’attribution de la qualité à la
catégorie dont il est question :
- « Qui est considéré comme caractéristique des hommes ».

377
Cette divergence traduit deux attitudes du lexicographe à l’égard de la norme. La
première, révélée par les paraphrases à formulation exclusivement absolue, est
univocisante dans le sens que l’assignation du sens dans son cadre conduit à une seule
interprétation possible. Le lexicographe s’identifie dans ce cas à la norme ou plutôt à
une certaine norme, la représente et l’exprime. La deuxième, exprimée par les
paraphrases nuancées ou simplement relativisantes, est plurivocisante puisqu’elle
oriente l’interprétation vers d’autres discours où l’inadéquation du référent au mot
devient possible même si l’interprétation glosée par la structure être considéré comme
est envisagée en tant qu’acception dominante.
Toutefois, faut-il signaler que le lexicographe se sert d’autres moyens que fournit la
langue pour relativiser l’information potentiellement stéréotypique. Dans la définition
de fou, le TLF emploie l’une des valeurs du conditionnel pour exprimer le simplement
probable :
- « Qui est dénué de bon sens, de prudence, qui va à l'encontre de ce qui serait
raisonnable ».
Pour le même mot, le Petit Larousse opte pour l’expression lexicalisée de cette nuance
par l’emploi du verbe apparaître :
- « Qui apparaît extravagant dans ses actes, ses paroles ».
Mais dans la définition lexicographique, la stéréotypie n’est pas simplement
convoquée à travers l’évocation d’entités ou de discours possibles ; elle constitue
plutôt une bonne part de son contenu sémantique.

2- Stéréotypie : idéalisation, pertinence et représentation effective


En apparence, la définition lexicographique se sert des signes de la langue pour
définir les objets du monde. Or, un signe véhicule un objet mental, une représentation
d’un fait et non sa description. De cet écart naît la stéréotypie. Ainsi, si la définition
lexicographique est formellement analytique (puisqu’elle repose sur l’analyse
sémique) elle ne l’est pas ontologiquement, vu entre autres la difficulté de saisir le plus
fidèlement possible les propriétés du référent dénommé et de les exposer en un nombre
limité de traits. Du côté des choses, les raisons sont multiples.

378
Les objets du monde se caractérisent par leur extrême complexité (structure,
composition, etc.). La plupart des connaissances qui leur sont relatives sont de nature
encyclopédique et relèvent de plusieurs domaines de spécialité. Par conséquent, ce
savoir dont seule une partie est mise en circulation dans la communication, demeure
inaccessible à un locuteur unique. Du point de vue de la diversité des formes
d’existence des objets, on peut citer les cas suivants :
- le référent peut avoir des propriétés plus ou moins stables dont la saisie dépend
des formes de leur présence dans l’environnement et du degré de complexité de leur
structure ;
- le référent peut avoir un caractère évolutif. Ce fait se traduit par l’absence de
propriétés générales, communes à toutes les étapes du processus de son évolution et
directement perceptibles par le locuteur ordinaire ;
- le référent peut appartenir à une catégorie de niveau subordonnée et où les
propriétés spécifiques sont variées et parfois variables d’une instance idiosyncrasique à
une autre ;
- le référent peut être un artefact initialement destiné à un usage déterminé. Ses
caractéristiques physiques (forme, matière, etc.) varient selon les exigences de
commercialisation ; son usage varie également selon les habitudes de consommation
ou d’utilisation facteurs eux-mêmes variables.
Théoriquement, le lexicographe dispose pour un concept donné d’un ensemble
de traits de saillance perceptive, cognitive ou culturelle qui constitue le sens
conventionnel, communément associé au mot. Dans la pratique, l’ouvrage
lexicographique est fortement soumis à des contraintes matérielles (le dictionnaire
étant avant tout un produit de commerce) et idéologique (le dictionnaire étant un
discours où la subjectivité et la vision propre à l’élaborateur n’est pas exclue). En
même temps, il est souvent conçu et admis comme un discours normatif et prescriptif,
d’où l’intérêt d’étudier la concordance ou la discordance des traits sélectionnés pour
une définition donnée d’un dictionnaire à un autre et voir leur économie dans le cadre
de chaque définition et dans l’ensemble des définitions relatives à un item dans les
ouvrages étudiés.

379
Selon les problèmes spécifiques que présente chacun des types de référent
mentionnés ci-haut, le lexicographe sélectionne les traits qui lui semblent pertinents ou
rendant le mieux le « sens commun ». Dans l’ensemble la définition présente une
description de l’objet dans des conditions idéales, une description à forte charge
culturelle ou une description visant la représentation effective. Évidemment, les trois
optiques peuvent s’impliquer mutuellement et être réunies dans une même définition.
Toutefois, nous optons, ici, pour l’étude d’éléments de corpus (métaux, fruits, chiens
et récipients de cuisine) qui rendraient le mieux cette distinction d’intérêt strictement
méthodologique.

2-1- Référents statiques ou évolutifs, données perceptives et idéalisation : le cas


des noms de métaux et de fruits
S’agissant de la première optique, il y a lieu de se demander si toute description de
la sorte véhicule une vision stéréotypique ; sinon dans quelles conditions elle le serait.
Fait connu, les sciences en général et les sciences physiques en particulier fondent
leur méthodologie sur l’expérimentation où les conditions d’expertise sont strictement
déterminées (conditions environnantes, composition de l’échantillon étudié, etc.). Les
résultats auxquels elles parviennent et qui sont une source possible de la définition
lexicographique sont, en principe, de nature analytique et font partie du savoir
encyclopédique à propos d’un objet donné. La condition nécessaire mais non
suffisante pour la stéréotypisation d’un tel savoir réside dans l’effacement de ces
conditions dans la signification du mot dénommant, de manière à ce qu’il réfère à
l’objet dans tous ses états.
Par exemple, la plupart des métaux se caractérisent par leur existence à l’état
disséminé ou impur dans la nature. Les dictionnaires explicitent à des degrés différents
cet aspect (Cf. annexe I.21) :

380
Mot TLF Petit Robert

Argent - que l’on trouve en filons à l’état


natif, à l’état de sulfure parfois uni
à l’antimoine, au chlore
or se présente à l’état natif sous forme de Minerai d’or natif paillette, pépite.
pépites ou de paillettes Minerais de sel d’or
palladium extrait de la mine de platine ou sous-produit que l’on trouve à l’état naturel
de la métallurgie du nickel allié à l’or ou au platine, ou
comme sel de sélénium dans les
mines de platine
iode à l’état pur (iode sublimé) se présente sous
forme de lamelles d’un noir brillant,
facilement volatiles et dégageant des
vapeurs violettes d’odeur pénétrante

L’expertise de ces métaux délimite deux types de propriété : le premier concerne la


composition et la structure interne (entre autres la détermination du nombre et de la
masse atomiques) ; le second décrit les propriétés physiques plus ou moins apparentes
(densité, couleur, réactions à des agents externes et degrés de ductilité, de fusibilité et
de malléabilité). Si le premier type de propriétés est vérifiable dans tous les états d’un
métal donné, le second type n’est appréhendé que dans des conditions idéales après
isolement, séparation ou purification.
Le Petit Larousse et Hachette réservent une acception à chaque ensemble de
propriétés (respectivement, « élément chimique », « élément atomique » et « métal »),
suivi de données encyclopédiques. Le TLF, Le Petit Robert et Lexis traitent toutes les
propriétés en une seule acception (Cf. Annexe I.22.) après l’hyperonyme /métal/.
Excepté les données strictement scientifiques figurant dans toutes les définitions ou
presque (nombre atomique, masse atomique, symbole, densité, température de fusion
etc.), le reste se répartit de manière inégale de définition à définition et de dictionnaire
à dictionnaire. Des traits tels que la couleur, la ductilité, la malléabilité et l’altérabilité
sont plus perceptibles et peuvent faire partie de la représentation des profanes à propos

381
d’un métal donné. Ils sont également étroitement liés aux conditions de l’expertise ;
d’où, outre l’écart qu’ils présentent par rapport à l’état natif des métaux, la possibilité
de leur variation. Le strontium, par exemple, isolé dans certaines conditions a la
couleur blanc-argent ; mis en contact avec l’air, il devient jaune. A part Le TLF qui
présente cette information complète (Cf. annexe I.23.), les autres dictionnaires
choisissent l’une ou l’autre des deux couleurs. De même la malléabilité va de pair
normalement avec la ductilité, corrélation qu’on peut vérifier dans la plupart des
définitions (cassant/dur, ductile : malléable ; Cf. annexe I.24 colonnes 4 et 5.). Ceci
n’empêche pas les dictionnaires pour un métal tel que palladium (annexe I.23.) d’opter
pour le trait /malléable/ (TLF), /dur/ (Petit Larousse) et /très dur/ (Lexis et Hachette).
Toutefois, ni la saisie idéalisée de ces traits, ni leur variation ne suffisent à en faire
des stéréotypes. Ceux-ci dépendent simultanément de la saillance perceptive ou
cognitive de ces propriétés, du degré de présence du métal dans le vécu quotidien, de
son importance et de son usage courant. Seuls ces facteurs, une fois réunis, peuvent
participer à la conventionnalité, pierre angulaire de toute représentation stéréotypique.
Or, pour les 50 métaux étudiés, ces paramètres sont présents à des degrés variés. Le
trait le plus perceptible (la couleur) est enregistré, au moins par un dictionnaire, pour
45 métaux ; l’altérabilité, trait moins perceptible, seulement pour 14 (Annexe I.24.).
Par ailleurs, le plus grand regroupement de propriétés dans l’ensemble des
dictionnaires est perçu avec or et argent (qui cumulent chacun 3 propriétés ou plus
dans toutes les définitions) et avec platine, fer, chrome, étain et aluminium cumulant
chacun deux propriétés ou plus dans chaque définition. Pour le reste des métaux, les
traits varient du cuivre cumulant entre une (Petit Larousse et Hachette) et trois
propriétés (TLF, Petit Robert et Lexis) aux francium, gadolinium, lutécium et terbium
pour lesquels aucune propriété du genre n’est mentionnée.
Cette disproportionnalité reflète d’une certaine manière la typicité de ces traits
selon le degré de présence du métal en question dans l’usage quotidien et dans
l’environnement immédiat des hommes. C’est ce que confirmerait le pourcentage que
représente le nombre des traits cumulés par chacun de ces sept métaux par rapport à la

382
totalité des propriétés du genre dans chaque dictionnaire 112 (annexe I.25). Sur
cinquante métaux, les traits relatifs à ce groupe représentent 30,52 % dans le TLF,
25,75% dans Le Petit Robert, 34,48% dans Le Petit Larousse, 34,92% dans Lexis et
57,14% dans Hachette 113 (annexe I.26).
Les référents évolutifs conviendraient mieux à une définition stéréotypique puisque
la saisie des propriétés s’effectue au stade le plus perceptiblement et cognitivement
saillant et qui correspond à celui de la maturation, du mûrissement ou de la
complétude.
La langue a souvent des dénominations de concepts relatifs à chaque stade
d’évolution mais tel n’est toujours pas le cas. L’exemple des fruits en est un. La
définition lexicographique suit dans ce cas étroitement la représentation ordinaire
qu’en font les locuteurs. Les propriétés sélectionnées concernent presque
exclusivement les aspects perceptibles (couleur, forme, goût, usage, etc.). La
stéréotypie trouve ici sa source dans deux faits principaux : la description du fruit à un
moment donné de son évolution et la sélection des traits communs parmi une
multitude de variétés. Le premier fait apparaît avec les propriétés correspondant
presque toujours à l’état de maturité du fruit. Tous les aspects décrits (couleur, goût,
forme, etc.), non seulement s’écartent des cas atypiques, mais ne s’appliquent pas au
jeune fruit vert. La mention du processus de croissance est également absente de toutes
les définitions à deux exceptions près :
- celle de banane dont la description de la couleur 114 en rend compte dans le TLF et
Le Petit Larousse :

112
Le nombre élevé des propriétés enregistrées par le TLF s’expliquerait par son volume et sa vocation littéraire,
le nombre relativement réduit dans Hachette s’expliquerait par le fait qu’il est à la fois un dictionnaire illustré
des noms communs et des noms propres. C’est ce qui donne de l’importance au 57,14% cumulé par sept métaux
dans un dictionnaire caractérisé par les définitions les plus brèves. Pour les autres, l’écart n’est pas très
significatif si ce n’est le fait qu’ils correspondent mieux à la compétence du locuteur moyen.
113
Si l’on ajoute les propriétés attribuées au cuivre et au plomb, les neuf métaux les plus connus cumulent
36,84% des propriétés dans le TLF, 33, 33% dans Le Petit Robert, 37,93 dans Le Petit Larousse, 42,85% dans
Lexis et 62,85 dans Hachette.
114
La raison serait que ce fruit, s’abimant très vite une fois mûr, est cueilli et commercialisé avant d’atteindre la
maturité complète.

383
- « à peau jaune lorsqu’il est mûr » (TLF)
- « à peau jaune à maturité » (Le Petit Larousse) ;
- celle de l’amande dans le TLF :
- « enfermé dans une coque à écale de couleur verte ».
Le choix est justifié par le fait que les amandes se consomment fraîches ou séchées
(laquelle distinction est présente dans Le Petit Robert sous deux exemples : amandes
fraîches, amandes sèches, Cf. annexe I.27).
Le second fait est manifeste à travers le choix des traits parmi les variétés
prototypiques. Cette prototypicalité se présente comme un effet du caractère stéréotypé
de certains traits qui correspondent, un à un, à une variété et non à une autre. La
diversité des variétés emprunteuses de ces propriétés entraîne de légères différences
dans le traitement lexicographique. Pour rendre compte de cette variation, nous nous
limitons à la description de trois aspects définitoires : la couleur, la forme et le goût.
Grosso modo, les différences vont de la simple expression du degré, de la nuance et
de la subjectivité, à la sélection différée de traits typiques, jusqu’à la discordance plus
ou moins nette (annexe I.28).
L’expression de la couleur rend le mieux compte de la variation du premier type.
La teinte du kiwi est catégorisée selon des nuances très proches : « brun » (TLF),
« gris-marron » (PR) et « marron » (PL. et Lexis) ; « le rose soutenu » du framboise
dans le TLF devient « rouge » dans Le Petit Robert et le « jaune très pâle »
s’apparente au « blanc ». Au « rose » de merise dans ce dernier dictionnaire
correspond le « rouge » dans le TLF ; le « jaune-rosé » de l’abricot dans Hachette se
nuance distinctement du « jaune-orangé » « dans tous les autres dictionnaires. En
outre, la nuance devient approximation, quand il s’agit de la forme : l’ananas est de
« forme conique » (TLF) ou simplement « oblongue » (PR) ; la grenade ressemble par
sa forme et sa taille à la pomme (TLF, Petit Larousse) ou à l’orange (PR).
L’approximation devient gradable avec le goût acidulé de l’alise (TLF, PL, Lexis et
Hachette) ou légèrement acidulé (PR) 115 .

115
La pêche a un noyau « dur » (PL, Lexis, Hachette) ou « très dur » (TLF et PR).

384
Cette fluctuation minime trace les limites de la perception plus qu’elle ne reflète
une différence de variétés. Elle rejoint en quelque sorte l’expression de la subjectivité
plus ou moins partagée. Pour alise, par exemple, là où Lexis et Hachette optent pour
un terme neutre (/acidulé/), Le Petit Robert le modalise par l’ajout de « légèrement »
alors que Le Petit Larousse et le TLF emploient des adjectifs plus axiologiques
(respectivement « aigrelet mais agréable » / « agréable ») ; la pêche est sucrée dans
Hachette et à chair savoureuse dans le TLF et Lexis.
Toutes ces variations n’empêchent pas toutefois les différentes descriptions d’être
toutes présentes dans une même variété.
La sélection différée des traits revêt d’un dictionnaire à un autre une forme absolue
ou modalisée. Dans le premier cas, le trait privilégié est relatif à une variété
prototypique (merise : « fruit noir » dans Le Petit Larousse ; ananas : « jaune –
orangé » (TLF) et « brun rouge » (PR)) ou deux (melon : « Chair orangée ou vert
clair » (PR et PL), « jaunâtre ou orangée » (Hachette) et « jaunâtre ou rougeâtre »
(Lexis)). Il existe cependant d’autres variétés ne présentant pas ces propriétés. L’écart
est souvent apparent dans l’ensemble des définitions (Cf. annexe I.28 spécialement,
merise (TLF et PR) ou encore l’exemple du melon d’hiver ou melon d’Espagne à la
chair blanche dans Le Petit Robert).
Dans le second cas, le trait sélectionné est relatif à une variété prototypique mais
présentée d’une manière modalisée avec l’emploi de parfois (framboise (TLF et Petit
Robert) ; cerise (PR)), (le plus) généralement (framboise, Hachette ; cerise, TLF ;
pomme, TLF), le plus souvent (melon, TLF) ; cerise, PR) et ordinairement (cerise,
Lexis ; Cf. le paragraphe suivant pour l’étude de la présence de la modalisation selon
les dictionnaires).
La discordance apparaît surtout avec l’expression du goût. Deux exemples de notre
corpus l’illustrent :
- Pour le TLF, l’ananas est « estimé pour sa chair et son suc acidulé
rafraîchissant », alors que sa pulpe est « sucrée et très parfumée » (PR) ou « sucrée et
savoureuse » (PL). Si le fait d’être acidulé est positivement modalisé par l’expression
« être estimé », cette modalisation ne réduit pas l’écart avec « sucré » dans les deux
autres dictionnaires. La différence relèverait vraisemblablement (comme dans le cas de

385
la couleur pour banane) du fait que la cueillette et la commercialisation du fruit se font
juste avant la maturité totale. Elle correspondrait donc à deux saisies de deux états se
succédant dans le temps.
- La merise est « légèrement acide » dans le TLF ou « suret » dans Le Petit
Larousse alors qu’elle est d’un goût amer » dans Le Petit Robert ou vaguement
« âpre » dans la définition de Lexis. L’étymologie du mot mentionnée dans Hachette
nous informe qu’il provient du latin amarus « amer » et de « cerise ».
Toutefois, ce qui limite la portée de toutes ces variations, c’est le cadre idéal de la
description qui préserve, par la fixation du référent à un stade d’évolution, la vision
stéréotypique et maintient l’effet prototypique de l’ensemble.
Une autre source de stéréotypie réside non dans les propriétés physiques apparentes
mais dans le trait classifieur lui-même.
Dans la plupart des dictionnaires, figue est enregistré comme étant le fruit du
figuier. Le Petit Robert précise entre parenthèses que ce « n’est pas un fruit au sens
botanique mais un réceptacle charnu portant les fruits ». Le Petit Larousse atténue
l’écart en précisant que ce fruit est « formé par toute l’inflorescence qui devient charnu
après la fécondation ».
Ici la catégorisation scientifique se distingue nettement de la catégorisation
linguistique. Du point de vue de l’extension, le genre inclut logiquement l’espèce.
Mais, dans ce cas de catégorisation, ce rapport est en quelque sorte inversé.
Analytiquement, l’hyperonyme ne couvre qu’une partie de l’hyponyme puisque la
figue est l’ensemble des fruits et du réceptacle. Linguistiquement, le tout est
suffisamment solidaire et perceptiblement saillant pour être indissociable 116 .
Un cas quasi-analogue est perçu avec les définitions de bâton. Tous les
dictionnaires font figurer « morceau de bois » comme hyperonyme. Or, en extension
les occurrences de cet objet dépassent le cadre prescrit par « morceau de bois » : un
bâton peut bien être en fer ou en plastique durcifié, etc 117 . Cette sélection pourrait être
expliquée par le cumul de deux facteurs :

116
Nous avons là une preuve de plus que le marqueur sémantique de Putnam n’est pas aussi différent du
stéréotype.
117
Exemples de Hugo et le Clézio.

386
- Le premier est d’ordre cognitif. Le bois est la matière prototypique la plus
répandue et la plus fréquemment utilisée comme bâton quand il a une certaine forme et
servant à certains usages. De plus, l’existence d’autres dénominations (tige, verge,
barre) partageant avec bâton la plupart des sèmes spécifiques sinon la totalité à savoir
être « rond », « allongé », etc., entraîne une certaine difficulté à fixer la référence et
justifie le recours au trait / bois/ comme distinctif par rapport à /fer/ par exemple qui
figure dans l’hyperonyme de barre ;
- Le second est étymologique : bâton provient d’un dérivé du mot latin bastum (ce
qui supporte) : basto, appliqué à « une tige de bois utilisée comme soutien »
(Dictionnaire Étymologique du français, Les Usuels du Robert).
Enfin, le trait générique classifieur peut traduire une taxinomie culturelle (Cf. ci-
dessous les hyperonymes terrier, lévrier, berger figurant dans les définitions de races
de chien ; annexe I.29) que nous proposons d’étudier en relation avec le second type
de référents mentionnés ci-haut.

2-2- Catégorie référentielle subordonnée, multitude des spécificités et


catégorisation culturelle : le cas des noms de chiens
Les catégories subordonnées se caractérisent, en effet, par une extrême diversité.
Les chiens, par exemple, « varient énormément en taille, couleur, longueur, pelage,
caractère etc. » (Encyclopédie Encarta 2005). Ces critères physiques sont établis pour
chaque race par des spécialistes (comités élus par les différents clubs canins). Les
« normes censées représenter le chien idéal … peuvent varier selon les pays car les
chiens ne sont pas tous conçus dans la même optique ni jugés sur les mêmes critères »
(ibidem).
Les dictionnaires français rendent parfois compte des différences de ce genre :
- Fox-terrier : « à poils lisses et durs » (PR)
«dont la race comporte deux variétés à poil lisse et à poil dur »
(Petit Larousse et Lexis)
« poil ras raide ou frisé » (Hachette).
- Malinois : « robe fauve » (TLF, PL et Hachette).
« blanche » (PR et Hachette)

387
- Samoyède : « de couleur blanche ou crème » (TLF)
« blanche » (PR et Hachette)
- Danois : « de couleurs variées » (TLF)
« …robe rose clair parfois tachetée ou sombre » (Hachette).
Cette représentation, variable et non forcément partagée en dehors du cercle des
connaisseurs, donne, de prime abord, raison aux tenants de la théorie du prototype
pour qui, à ce niveau, il n’y a pas de catégorisation prototypique. Cependant, pour
certaines catégories ayant une grande proximité avec l’homme, cette « défaillance »
définitoire des traits physiques est compensée par le recours à des traits culturels qui
prennent en charge ce rôle et deviennent la source d’une stéréotypie typifiante.
Pour les chiens, l’origine et la fonction semblent être de ce type de traits. Les
dictionnaires se servent entre autres de ces deux aspects pour catégoriser les
différentes races (annexe I.30 ) :
- Bull-dogue : « variété de dogue de race anglaise » (TLF)
- Bouledogue : « variété de dogue de race française » (TLF)
- Épagneul : « dont il existe différentes races de chasse et d’agrément » (PL).
Or ces deux types de propriété n’ont rien d’analytique.
Pour l’origine, la variation du traitement lexicographique peut aller de la
spécification (Briard : de la Brie (PR) / français (PL)), à la différence explicite
(épagneul breton, picard (TLF), breton (PR), « originaire d’Espagne » (Lexis))
(annexe I.31). Cette sélection différée résulte en partie de l’imprécision et de
l’incertitude qui caractérise ce critère de classification.
L’encyclopédie Encarta 2005 en rend compte dans ces exemples :
- le bouledogue américain « originaire des États Unis n’est pas reconnu par la
fédération cynologique internationale » ;
-« les origines du dogue allemand sont incertaines »
- le bouledogue français descend probablement du bouledogue anglais »,
- le griffon bruxellois : « descend vraisemblablement d’un chien utilisé au XVII
siècle par les paysans belges ».
et :
danois : « origine sujette à caution » (TLF).

388
Dans le cas de la fonction (annexe I.32), la différence de sélection implique dans
l’ensemble :
- des spécifications :
- braque : « …de chasse » (TLF, PR et Hachette)
« d’arrêt » (PL), etc.
- des polyvalences :
- Terre-neuve : « de garde, réputé pour sa disposition à se jeter à l’eau pour
sauver les personnes en difficulté » (TLF)
« de sauvetage » (PL et Lexis) etc.
- des changements :
- Skye–terrier : « terrier devenu de nos jours chien d’agrément » (TLF)
« servant surtout de chien d’agrément » (PR)
« devenu maintenant race d’agrément » (Lexis)
« terrier » (Hachette).
- enfin, des différences nettes :
- chow – chow : « souvent utilisé comme chien d’aveugle par suite de son sens
de l’orientation très prononcé » (TLF)
« de compagnie » (PR et PL)
« chiens originaires de chine où on les utilise pour leur travail et
où ils sont consommés après engraissement » (Lexis).
Ces dernières différences s’expliquent par le fait que la destination d’un type de chien
à une fonction donnée est d’abord le produit d’un apprentissage qui tient compte d’une
certaine disposition de caractère. Un chien est dressé pour répondre à tel usage ou tel
autre, d’où le changement et la polyvalence de ses emplois :
- « Ou bien il torturait affectueusement un jeune berger allemand, le futur chien de
garde » Lainé Pascal, La Dentellière, 1974, p. 1974 p57, II (Frantext)
- « Un sanglier surgit et prend la fuite : un lévrier, le gagnant de vitesse, le saisit par
l’oreille » Faral Edmond, La vie quotidienne au temps de Saint-Louis, 1942, p. 36. (Frantext).
- « C’était un griffon briard Pyrénées mâtiné chien de traîneau, tout noir » Rochefort
Christiane, Encore heureux qu’on va vers l’été, 1975, p. 121 (Frantext).

389
Le caractère stéréotypique variable et relatif de ces traits ne les empêche pas,
cependant, d’être distinctifs quand les propriétés physiques s’accordent ou quand elles
sont si diversifiées qu’elles ne peuvent plus être définitoires.
Dans le premier cas, cette pertinence est vérifiée dans le cadre du même
dictionnaire (annexe I.33) :
Hachette : Skye–terrier : « chien terrier à longs poils »
Griffon : « chien de chasse ou d’agrément à longs poils »
Grœnendael : « chien de berger belge à longs poils ».
En outre, la lecture croisée des différents dictionnaires montre que grâce à ce
type de traits, on évite d’attribuer la même définition à deux entités différentes (annexe
I.34 a) :
Lexis : airedale : « race de terriers anglais à poil dur »
TLF : scotch–terrier : « chien terrier de race écossaise à poil dur ».
Les seules fois où deux définitions concordent dans un (PL) ou plusieurs
ouvrages (PL, TLF, Hachette et Lexis), il s’agit vraisemblablement non pas de
dénominations de races mais des variations dénominatives de registre de langue
(annexe I.34-b). En effet, mâtin est marqué dans Le Petit Robert par l’indicateur
« vieux » et molosse par « littéraire ».
Dans le second cas, la fonction et / ou l’origine constituent la seule matière
définitoire (annexe I.35) :
Petit Larousse - bull-terrier : « chien d’origine anglais, bon chasseur de rats »
- pointer : « chien d’arrêt anglais ».
La représentation culturelle est ici non seulement discriminatoire mais a également un
rôle classifieur de par le recours à ces deux aspects dans la distinction des races et des
variétés. Vu sous l’angle de la variation de ces traits, de telles représentations reposent
sur une catégorisation prototypique due au caractère stéréotypé de ces propriétés. Cette
catégorisation est manifeste, entre autres, à travers des effets dont certains sont fixés
dans la langue sous forme de locutions ou simplement récurrents dans le discours
comme en témoignent les exemples avancés par les lexicographes. Le prototype peut :
- se déployer au sein d’une même catégorie référentielle : dans la classe
des bergers, c’est le berger allemand qui est cité en exemple dans la plupart des

390
dictionnaires (PR, TLF, PL et Hachette). Les instances prototypiques peuvent toutefois
être plusieurs (dogue anglais (PR) / dogue allemand (TLF), etc. ) ;
- choisir un type de chiens comme meilleur exemplaire d’une fonction :
-Le fox – terrier est un excellent ratier (PR)
- Les terriers sont de bons chiens de garde (PR)
- Loc – C’est un vrai saint–bernard (TLF) ; se dit « d’une personne
toujours prête à se dévouer à prêter secours aux autres »
- Flair de limier
- concerner un trait de caractère ou une qualité :
-Suivre quelqu’un comme un caniche (PR), ce trait est considéré par le TLF
comme définitoire,
-Fidèle, féroce, vigoureux comme un dogue (TLF),
-Aimable comme un bouledogue hargneux (PR)
- Humeur de dogue (TLF)
Certains de ces effets sont inclus dans le corps des définitions :
- Saint–bernard : - « dont les qualités de sauveteur sont légendaires » (TLF)
- Terre-neuve : « réputé par sa disposition à se jeter à l’eau pour sauver les
personnes en difficulté » (TLF)
- Bull–terrier : « également connu comme ratier » (TLF).
Les noms d’artefacts admettent encore moins une définition analytique. Les
occurrences auxquelles ils référent dans la réalité présentent une grande diversité et
une variation qui touchent la quasi–totalité de leurs propriétés envisageables.

2-3- Limites de la définition minimale et représentation effective stéréotypique :


le cas des noms de récipients de cuisine
Nous avons choisi d'illustrer ce type de dénominations des échantillons de
récipients culinaires une proximité d’usage. Le choix d’un trait (la fonction) s’impose
du fait qu’il est la raison même de l’existence de l’objet en question. De ce fait, il est
presque le seul aspect relativement stable par rapport à la forme et à la matière, objet
de variation. Généralement, les définitions lexicographiques puisent leurs traits
définitoires essentiels parmi ces trois types de donnée. Nous procéderons, pour

391
l’analyse de ces définitions, en trois étapes : nous démontrerons, d’abord, à partir de
l’ensemble du corpus choisi (annexe I.36) la variabilité de ces aspects ; puis, à partir
de deux « familles » de récipients (récipients servant à boire et récipients servant à
transporter les liquides), nous montrerons comment chaque dictionnaire singularise
chaque objet par rapport à ses semblables. Enfin, nous ferons une lecture croisée de
toutes les synthèses obtenues pour délimiter et évaluer les propriétés communes
enregistrées. L’objectif final est de juger leur portée réelle et leur économie dans la
définition lexicographique.
Pour ce qui est de la variation, à commencer par la matière, celle-ci varie selon
le type du produit ou de l’usage auquel l’objet est destiné. L’usage d’une matière
donnée dans la fabrication d’un objet donné n’est plus exclusif. La profusion des
matériaux, la diversité des profils des usages et les contraintes de commercialisation en
général entraînent incessamment des nouveautés sur la marché. Les dictionnaires
enregistrent à des degrés variés (Cf. la comparaison détaillée au paragraphe 3) cette
non-exclusivité de la matière employée dans un produit donné :
Ex : Bouteille : « souvent en verre » (TLF)
Cruche : « souvent en grès » (PR), etc. (Cf. annexe I.37).
Même dans le cas où un trait ferait l’unanimité des dictionnaires, il n’y a aucune
garantie qu’il soit exclusif : pour « timbale » par exemple, le trait / métallique / est
présent dans toutes les définitions. Or, dans les faits comme dans les textes, on peut
toujours trouver une occurrence qui infirme cet accord :
- « Sans bouger le corps, je cherche de la main, sur le sol, la bouteille de Coca-Cola
mise au frais dans une timbale en carton remplie de glace pilée… » Vers l’Ouest Mohrt
Michel, 1988, p 216 (FRANTEXT).
La forme n’est pas moins sujette à la variation. La fantaisie des fabricants
répond entre autres à la diversité des goûts et des consommateurs cibles. Un gobelet
« est généralement sans pied, ni anse » (PL) ; ceci dit, il peut en avoir un :
- « … s’écria le jeune roi en levant le gobelet par le pied ». Honoré de Balzac – sur
Catherine de Médicés, 1846, 371 (1ère partie, FRANTEXT).
Une bouteille a généralement un long goulot étroit (TLF), mais une bouteille amputé
du goulot n’en demeure pas moins une :

392
- « Plus haut, il aperçut une bouteille de cognac sans goulot, bouchée avec un tampon
de linga ». Émile Zola, La conquête des Plassans, 1847, P. 1193 (Frantext).
Enfin, l’usage, l’élément définitoire censé être le plus stable, n’est pas exempt
de variation. Dans les faits, les usagers peuvent bien utiliser un l’objet à des fins autres
que celles auxquelles il est destiné. Une bouilloire sert « à bouillir de l’eau » (PR, PL,
Lexis et Hachette) ou un autre liquide (TLF). L’usage peut s’en écarter :
-« Je procède à mes ablutions à l’aide d’une bouilloire d’eau fraîche que l’on nous a
apportée » Bâ Amadou Hampâté, Oui, mon commandant ! 1991, P. 46, Le voyage, la vie
s’appelle « lâcher » ! (Frantext).
-« Nil alla dans la cuisine, mit la bouilloire sur le réchaud, prépara le thé ». Matzneff
Gabriel, Ivre du vin perdu, 1981, P. 229/ 13 (Frantext).
Cette variation met les lexicographes en difficulté quand il s’agit d’individuer des
objets très proches de par leur fonction, leur forme et la matière dont ils sont faits.
Cette difficulté apparaît dans les différences de description et de focalisation
constatées dans les différents dictionnaires. Deux exemples illustrent ce constat : les
récipients partageant le trait / à boire / et ceux présentés dans le TLF et Lexis sous
l’hyperonyme bouteille.
Le premier ensemble comporte verre, tasse, gobelet, timbale, quart et godet (Cf.
annexe I.38). Pour verre, compte tenu de la discordance sur la matière, les traits
communs à tous les dictionnaires sont / récipient /, /à boire/. Tasse a en plus / /Petit / et
/ avec anse ou oreilles/. Hormis les traits objets de variation ou de modalisation
(ordinairement, généralement), de gobelet sont retenus les mêmes traits que verre.
Timbale se distingue par /métallique/ et /cylindrique/. Dans quart sont pertinents les
traits /récipient/, /à boire/ et à un degré moindre / avec anse/. Ses traits proprement
spécifiques font l’objet d’une modalisation (/25 cl/, généralement :TLF, environ : PR
et Hachette ; / utilisé par l’armée/, surtout :TLF, ou en camping :Hachette, absent :PL
et Lexis). Enfin, godet se limite à /petit/ /récipient/ et /à boire/. En somme, les
définitions minimales communes sont :
- verre : récipient à boire
- tasse : petit récipient à boire avec anse ou oreilles
- gobelet : récipient à boire
- timbale : récipient à boire en métal

393
- quart : récipient à boire en métal, avec anse
- godet : petit récipient à boire
Si l’on retient que le trait /avec anse/ est partagé par tasse et quart et que le trait /en
métal/, typique pour timbale peut être invalidé (Cf. l’exemple ci-haut : timbale en
carton), on se rend compte que les définitions minimales s’équivalent ou presque (Il ne
reste que la différence de taille).
Le second ensemble comporte, en plus de bouteille, bonbonne, jacqueline, tourie et
dame-jeanne.
Le TLF catégorise les quatre récipients 118 comme des variétés de bouteille (annexe
I.39-a). Le Petit Robert catégorise bonbonne comme /récipient/, tourie comme
/bouteille /ou /bonbonne / et jacqueline comme / cruche/ (annexe I.39-b). La
comparaison des sémèmes révèle un rapport de restriction de sens entre bouteille et
bonbonne et cruche. Pour Le Petit Larousse (annexe I.39 c), bonbonne, jacqueline et
dame-jeanne sont des bouteilles ; tourie est un récipient. Lexis catégorise tous les
récipients comme / bouteille/ (Cf. annexe I.39-d). Enfin, Hachette catégorise bonbonne
et dame-jeanne comme /bouteille/, tourie comme /bonbonne/ et jacqueline est
simplement non enregistrée (annexe I.39 c).
Si l’on élimine les traits explicitement ou implicitement redondants, la comparaison
de toutes les définitions relatives à chaque récipient révèle les faits suivants (annexe
I.40) :
- l’existence de traits présentant une différence de modalisation, ce qui fait d’eux,
pour le plus, des propriétés typiques mais analytiquement non pertinentes. Sont de ce
genre :
- pour bonbonne :
- entourée d’osier (TLF) / souvent protégée par l’osier ou un récipient en
métal (Lexis) / absence (PR, PL et Hachette) ;
- utilisée notamment pour la conservation de l’alcool (TLF) / servant à
garder et à transporter de l’huile, des acides, etc. (Hachette).
- Pansue (PR) / souvent de forme renflée (PL)

118
On pourrait ajouter également canette, carafe, chopine et fiole, tous figurant sous l’hyperonyme « bouteille »
dans le même dictionnaire.

394
- En verre, en grès (Lexis) / en verre, en grès ou parfois en métal (TLF)
- pour dame-jeanne :
- de verre, de terre, de grès, etc. (TLF) / de grès ou de verre (PL, Lexis et
Hachette) ;
- souvent enveloppée d’osier (TLF) / souvent clissée (PL) / souvent cachée
d’osier (Hachette) ;
- pour tourie :
- de verre ou de grès (TLF, Lexis, Hachette) / exclusivement fabriqué de
grès (PL)
- servant au transport de certains liquides (alcools, acides etc.), (TLF) /
transport des acides (PR) / liquides caustiques (Lexis) / transporter de
l’huile, des acides etc. (Hachette).
- l’existence d’indications qui sont par nature approximatives et non précises :
- pour jacqueline :
- en usage dans le Nord de la France et dans les Flandres ;
- pour dame-jeanne :
- d’une contenance entre 20 et 50 litres
- Enfin, des traits qui ne sont mentionnés que par un seul dictionnaire ; donc leur
saillance est sujette à caution :
- pour bonbonne : /avoir un col court/ (PR) :
- pour jacqueline : / avoir une anse / (PR ; propriété héritée de cruche) ;
- pour dame-jeanne : / pansue, à col court / (PR).
En somme, pour chaque récipient, les traits communs à tous les dictionnaires sont :
- Bonbonne : grosse bouteille ;
- Jacqueline : bouteille en grès à large panse
- Dame-jeanne : grosse bouteille
- Tourie : grosse bouteille entourée d’osier.
Si l’on retient que les traits / en grès /, à large panse / et /entourée d’osier / ne sont pas
exclusifs respectivement à jacqueline (les deux premiers) et à tourie (le troisième), les
définitions minimales se limitent à « (grosse) bouteille » pour tous les récipients.

395
Dans les deux cas, nous constatons que si les traits en quelque sorte analytiques
(/récipient à boire/ et /bouteille/) sont distinctifs par rapport à d’autres récipients (pot
et broc par exemple), ils ne le sont pas à l’intérieur des deux groupes de leurs
dénominations respectives. De ce fait, la représentation de chacun de ces objets
véhicule des traits non universels mais typiques auxquels on attribue une présomption
de pertinence et de pouvoir discriminatoire. Sans cette présomption, l’usage de ces
dénominations dans le discours devient impossible puisque leur différence n’est plus
justifiée.
Le balayage successif, dans le dernier exemple, révèle également que ces traits
présentent des degrés de typicité (si l’on se fie à la fréquence de l’enregistrement dans
les dictionnaires comme un indice possible de cette gradabilité). /Être entouré d’osier /
est plus typique dans tourie que dans dame- jeanne ; / en grès / est plus typique dans
jacqueline que dans bonbonne ou dame-jeanne. Ainsi, la représentation effective se
traduit, au niveau de l’organisation interne du sens, par le recours à des traits
potentiellement distinctifs et, au niveau de la catégorie référentielle, par la
consécration d’images prototypiques aux objets. Ces deux niveaux sont corrélés. Les
traits sont sélectionnés parmi les caractéristiques des instances prototypiques, de par
leur fréquence ou leur présomption de fréquence (ceci concerne la plupart des
échantillons étudiés : fruits, chiens, récipients) et donnent en même temps l’effet de
prototypie appréhendé au niveau du concept ou de la représentation.
Les propriétés non universelles les plus typiques ou les traits socialement codés
sont une composante incontournable du sens. Leur économie dans la signification - du
moins celle rendue par les dictionnaires-, compte plus que celle de la plupart des
propriétés analytiques ou universelles qui ne sont identifiées que dans le cercle
restreint des domaines de spécialité. Le nombre ou le poids atomiques d’un métal, la
structure génétique d’un fruit ou d’un animal n’est de toute évidence pas la part du
sens qui est mise en circulation dans le discours. Si les lexicographes y puisent donc
une grande part de la matière définitoire des concepts, c’est parce qu’ils n’ont souvent
pas d’autres choix. Certes, la définition lexicographique est un discours de type
particulier contraint dans sa visée (aspect didactique) et dans sa forme (contrainte de
volume) mais, ce sont justement ces deux facteurs qui concourent au choix des traits

396
les plus saillants, les plus typiques et les plus communément impliqués dans la
circulation du sens. Une telle idée demande à être vérifiée en confrontant les stratégies
définitoires des différents dictionnaires.

3- Modalité de présentation des stéréotypes définitoires


Les mêmes échantillons de corpus nous serviront dans l’interprétation de cette
variation dans une perspective comparative qui tient compte du degré de l’accord ou
de la différence entre les définitions présentes dans les ouvrages étudiés. L’analyse
statistique est l’outil qui nous servira de support dans cette entreprise. Josette-Rey
Debove commentant les types de corpus traités par les lexicographes avance qu’« il
faut écarter ce qui est individuel et établir des significations d’après la fréquence –
répartition » (2003,105). Nous exploiterons ce même principe en nous appuyant non
sur le discours comme le font les élaborateurs de dictionnaires mais sur les définitions
comme type de discours synthétique. L’intérêt d’une telle piste d’exploration est plus
d’émettre et de vérifier des hypothèses sur les origines possibles d’une telle variation à
partir du cadre restreint et limité du corpus que d’en fournir des conclusions
généralisables. Ces hypothèses concernent le degré de fréquence des traits. Leur
variation et leur répartition entre définitions et exemples seront évoquées localement
selon les besoins de l’analyse.

3-1- Degré d’accord entre les différents dictionnaires : tendances communes et


spécificités
S’agissant de la fréquence, il serait intéressant d’interroger la récurrence de
chaque trait qui ne fait pas l’objet d’une variation de quelque nature qu’elle soit
(modalisation ou différence). L’idée de départ est de supposer que le degré de
consensus à propos de la signification d’un item donné dans une communauté
linguistique devrait être reflété du moins en partie par le degré d’accord entre les
dictionnaires, étant donné que ceux-ci s’accordent plus ou moins avec la compétence
du locuteur ordinaire moyen. De ce fait, la concordance et la différence entre les
définitions lexicographiques seraient un indice du degré de typicité différée d’un trait à
un autre. Cette hypothèse serait corollaire d’une autre qui vient l’appuyer : la sélection

397
définitoire ne s’effectuerait pas directement à partir de l’infinité supposée des traits
relatifs à un item donné ; ceux-ci se regrouperaient pour constituer des faisceaux de
propriétés rendant chacun un aspect (fonction, forme) qui, lui-même est plus ou moins
saillant et donc plus ou moins susceptible d’être présent dans le contenu sémantique
communément attribué à un mot. L’existence possible de constantes relatives à la
deuxième hypothèse vérifierait en quelque sorte la première puisque la typicité d’un
trait ne serait appréhendée qu’à travers la saillance de l’aspect auquel s’apparente ce
trait.
Ainsi, il y aurait, pour un concept donné, des traits plus typiques que d’autres,
donc faisant l’objet d’un quasi-accord entre les différents dictionnaires. D’autres
seraient plus ou moins typiques et faisant l’objet d’un accord partiel ou relatif. Enfin,
certains traits seraient peu typiques et ne sont mentionnés que par un seul dictionnaire.
De même, il y aurait, sur l’ensemble des traits des aspects plus saillants auxquels
s’apparenteraient les traits du premier type. D’autres seraient plus ou moins saillants
intégrant les traits du second type et des aspects peu saillants dont font partie les traits
du dernier type.
Pour vérifier ces hypothèses, nous avons considéré les mêmes types de trait
étudiés ci-haut qui correspondraient plus ou moins à la diversité des stéréotypes : dans
les définitions des métaux et des fruits, dominent les traits résultant d’une expertise
dans des conditions idéales. Les chiens, pour lesquels nous n’avons retenu que l’usage
et l’origine 119 , sont surtout définis par des traits culturels ; les récipients de cuisine
donnent un exemple parfait du besoin de la représentation effective. Puis, nous avons
procédé au recensement des traits ne faisant pas l’objet d’une variation selon le degré
d’accord dans les différents dictionnaires. Les résultats répartis en cinq colonnes (de 5
à 1) sont ensuite regroupés en trois sous-ensembles (5 et 4 : quasi-accord, 3 et 2 accord
partiel et 1 ceux mentionnés par un seul dictionnaire).
Le dépouillement des données a révélé des différences de traitement qui
seraient l’expression du caractère particulier de chaque type d’objets.

119
- Les traits physiques sont exclus du fait qu’ils sont plus ou moins analytiques et qu’ils ne sont pas de l’ordre
du culturel.

398
Pour les métaux (Cf. annexe I.41), nous avons montré auparavant, à partir de la
répartition du nombre de propriétés enregistrées, qu’il y a concentration des traits en
un nombre limité de métaux prototypiques. Ce constat se confirme encore une fois
puisque plus de la moitié des traits faisant l’objet d’un quasi-accord (mentionnés par 5
ou 4 dictionnaires) sont relatifs à cinq métaux vraisemblablement des plus connus par
les locuteurs :
Nombre total : 24
argent : 3, or : 3, platine : 2, fer : 3 , aluminium: 3 (total 14/24).
La répartition selon les définitions laisse paraître une gradation croissante allant
de l’accord à la disparité :
Taux d’accord 5 4 3 2 1
% des propriétés 6 19 19 24,5 31,5
Le taux réduit de l’accord total entre les dictionnaires s’expliquerait par le fait
que la plupart des métaux ne sont connus que dans un domaine de spécialité déterminé
(chimie minérale). Les propriétés descriptives potentiellement définitoires, bien
qu’elles partagent avec les traits stéréotypiques, linguistiquement pertinents, les
critères de l’idéalisation, de l’écart avec le référent (à l’état pur) et de la généricité,
s’en distinguent toutefois par le degré de conventionnalité, et par conséquent de
typicité : les traits les plus saillants, dignes d’être enregistrés dans un dictionnaire
appartiennent aux instances les plus prototypiques.
De même, sans tenir compte des caractéristiques particulières (préciosité,
toxicité, etc.), si l’on prend en considération le reste des données enregistrées (y
compris celles à caractère variable), on s’aperçoit qu’elles se regroupent en des aspects
plus saillants que d’autres :

399
Taux d’accord 5-4 3-2 1 Traits Total
variables
Couleur, 10 10 7 20 47
brillance,
Ductilité 8 23 11 4 46
malléabilité-
dureté
Altérabilité 2 4 7 0 13
Oxydabilité
Cassabilité 0 3 5 0 8
Solidité
légèreté 1 2 1 0 4

Les aspects les plus saillants auxquels se rattachent la plupart des propriétés sont la
couleur ou la brillance et la malléabilité ou la dureté. La cassabilité ou la solidité,
l’altérabilité et la légèreté semblent être moins saillants.
A l’opposé, le traitement des propriétés relatives aux chiens et aux récipients
présente des configurations presque inverses.
Pour les premiers (Cf. annexe I.42), les deux traits culturels retenus (l’usage et
l’origine) sont d’un nombre élevé dépassant celui des concepts définis (50) :
Taux d’accord Nombre %
5-4 37 39
3-2 31  33
1 26  28
Total 94 100 %

Le degré de recouvrement entre les différentes définitions présente une gradation


décroissante allant de l’accord à la disparité, ce qui signifie que ces traits font l’objet
d’une conventionnalité plus ou moins apparente.
Quant à la saillance de ces deux aspects, elle révèle une concordance entre le
type de traits faisant l’objet d’un quasi-accord et le nombre total de ces mêmes traits :

400
Taux d’accord 5-4 3-2 1 Total
Usage 34 15 17 66
Origine 4 14 11 29

Ainsi un chien serait-il plus connu par son emploi que par son origine.
Toutefois, il faut mentionner qu’un tel constat devrait être relativisé puisqu’une
bonne part des informations relatives à ce type de traits est présentée dans les
exemples. De telles informations n’ont pas le même statut que celles impliquées dans
la définition. Sous l’entrée terrier dans Le Petit Robert, on peut lire :
Terrier : « … utilisé autrefois pour la chasse des animaux à terrier. Les terriers sont de
bons chiens de garde ».
Aucun des quatre autres dictionnaires n’enregistre l’information contenu dans
l’exemple. Aussi Le Petit Robert est-il le seul qui modalise le trait / pour la chasse des
animaux à terrier / par une relativisation temporelle (utilisé autrefois). Cette modalité
de présentation assure la compatibilité du contenu de l’exemple avec celui de la
définition. Cet accord peut également rendre compte d’une simple spécification :
-Griffon : « … de chasse, griffon courant, d’arrêt » ( Le Petit Robert ).
Ainsi, étant donné qu’« un seul contexte ne [peut] pas définir une unité de
langue » (Josette Rey-Debove, 1970, 25), il ne vérifie pas la définition. Son « contexte
apporte une forte présomption sur le signifié du mot sans jamais être lui-même une
définition » (Josette Rey-Debove, 19, 246). Le terrier est d’abord un chien de chasse
mais secondairement, il a par ailleurs les qualités d’un chien de garde.
Servant entre autres d’illustration pour certains discours socialement acceptés et
valorisés ou tout simplement fréquents, l’exemple « qui est sélectionné de manière
« très culturelle » est alors lui-même exemplifiant et ce qu’il exemplifie va du contenu
de pensée original au stéréotype culturel répétitif » (A. Rey, 1995, 111). C’est ce qui
explique sa diversité d’un dictionnaire à un autre et d’autre part et sa grande proximité
du trait définitoire d’où la discordance parfois apparente dans la figuration de son
contenu entre définition et exemple. Pour la diversité, elle se manifeste dans des
saisies différentes :

401
Dogue : dogue allemand (TLF)
: dogue anglais (PR)
ou se recouvrant partiellement :
Berger : berger allemand (TLF)
: berger allemand, écossais, belge, des Pyrénées (PR)
: berger allemand, des Pyrénées (PL)
La discordance peut aller de la simple différence de distribution :
bouvier : Bouvier des Flandres (définitoire, PL, Lexis)
: bouvier des Flandres (exemple, PR)
: Bouvier des Flandres, des Ardennes (exemple, Hachette)
à l’opposition nette :
Épagneul : originaire d’Espagne (définition, Lexis)
: épagneul breton (exemple, PR)
: épagneul breton, picard (exemple, TLF)
Griffon : dont la race est originaire de Grande–Bretagne (définition, TLF)
: griffon vendéen (l’Ouest de la France) (Exemple, PR) .
Cette diversité et cette discordance reflètent, si l’on se limite au niveau du discours, la
multitude des usages et la variation de la norme. Ces deux facteurs renforcent
l’autonomie de l’exemple et la distinction de son contenu de celui de la définition.
Par ailleurs, faut-il signaler que, dans cet échantillon précis, le recours au procédé de
présentation de l’information varie d’un dictionnaire à un autre (annexe I.43). Du point
de vue de la fréquence des exemples « forgés », Le Petit Robert enregistre le taux le
plus élevé et Le Petit Larousse le taux le plus bas.
Pour ce qui est de la nature des traits, inversement à ce qui a été constaté dans les
définitions, c’est la donnée « origine » qui prédomine. Ceci s’expliquerait par la
caractère variable de la taxonomie non savante relative à ce type de traits qui se
situerait à la limite du continuum allant de l’individuel au conventionnel.
Pour les seconds (Cf. annexe I.44), la gradation de l’accord est quasi-identique
au cas des chiens :
Taux d’accord 5-4 3-2 1
%  40.5  31.5  28

402
Étant des objets très familiers, les récipients de cuisine s’adonnent à une représentation
plus ou moins partagée malgré la diversité des aspects impliqués dans les définitions.
Excepté /la mobilité/ et / le lieu d’usage / qui sont particuliers à certains récipients, on
a relevé six catégories de propriétés : la matière, la forme, la dimension, l’existence ou
l’absence de parties et la description de ces parties :

Taux d’accord 5-4 3-2 1 Variable Total


Matière 5 1 - 15 21
Usage 5 1 - 16 22
Forme 1 7 6 8 22
Dimension 8 7 6 7 28
 parties 13 9 4 12 38
Descriptions 9 6 13 4 32
des parties
Mobilité 1 - 1 1 03
Lieu - 1 - 0 01

Si l’on se limite à ces choix, on relève une discordance entre la gradation décroissante
du recouvrement entre les différentes définitions et la configuration particulière à
chaque aspect.
Le degré d’accord entre les définitions est plus ou moins fluctuant. La matière
et l’usage font l’objet d’une grande similarité de traitement : le nombre relativement
réduit des traits qui leur sont relatifs ne diminue en rien l’accord apparent sur leur
saillance. Par ailleurs, ils présentent des taux de variabilité très proches (15 et 16 cas).
La forme fait moins l’objet d’un consensus. Sa représentation se répartit quasi–
équitablement entre le plus ou moins typique (7), le peu typique (6) et le variable (8).
Quant à la dimension, elle est représentée presque dans les mêmes proportions de
l’accord à la variabilité. L’indication de la présence ou de l’absence d’une partie
totalise le plus grand nombre de mentions. Elle s’adonne plus à l’accord total ou
partiel et à la variation. Enfin, la description des parties reflète par excellence
l’inconstance de la répartition avec une nette prédominance des traits mentionnés par
un seul.

403
Cette fluctuation s’expliquerait entre autres par la tendance à la description exhaustive
caractéristique de certains dictionnaires (Cf. ci-dessous).
Pour les fruits (annexe I.45), la variation de l’accord selon le nombre de
définitions suit une gradation ascendante puis descendante avec un niveau
intermédiaire du recouvrement total par rapport aux traits relatifs aux chiens et aux
récipients d’une part, et aux métaux d’autre part, avec une concentration des propriétés
partagées par 3 ou 2 dictionnaires et une baisse relative de celles mentionnées par un
seul dictionnaire :
Taux d’accord 5 4 3 2 1
Fruits 11.84 % 17.10 % 25 % 23.68 % 22.36 %

Le taux réduit des traits faisant l’objet d’un accord total contraste avec le
caractère familier des fruits et avec leur présence dans l’environnement humain.
Plusieurs facteurs concourent à cette baisse de conventionnalité. D’abord, il y a la
diversité des variétés qui limite le consensus à propos d’aspects essentiels tels que la
couleur et la forme, puis, une différence dans la focalisation : un dictionnaire peut
focaliser sur l’odeur d’un fruit là où un autre choisit la saveur ou l’aspect juteux de la
chair. Enfin, les traits sélectionnés peuvent concerner des caractéristiques propres au
fruit en question telles que la description du noyau, des pépins, des grains, etc.
La répartition des propriétés enregistrées confirme cet éparpillement :
Taux d’accord 5-4 3-2 1
Forme 3 6 2
Odeur 1 7 2
Peau, enveloppe Couleur 4 2 1
dure fine écailleuse - 1 4
Chair Couleur 1 - -
Juteux 4 4 2
Saveur 5 9 3
Tendre /ferme 1 2 1
Noyau, pépins, Aspect 3 3 3
graines Couleur - 1 -

404
Dans l’ensemble, les aspects incluant les traits sont d’ordre global (forme,
odeur) ou partiel (peau, chair). Les premiers cumulent un taux d’enregistrement très
proche (respectivement 11 et 10) avec un niveau d’accord moyen, indice probable de
leur saillance plus ou moins pertinente. Les seconds se caractérisent par la
prédominance des traits relatifs à la chair où l’aspect juteux et la saveur font l’objet
d’un degré d’accord assez important et par la discrétion des traits relatifs à l’aspect
extérieur (couleur de la peau, etc.). Cette tendance à l’accord partiel traduirait le
caractère relatif de la conventionnalité quand il s’agit d’objet présentant une grande
diversité. Le trait / savoureux / par exemple qui cumule le plus grand nombre de
mentions est lui-même très relatif puisque le goût de n’importe quel fruit dépend de la
variété en question, du système d’irrigation et de la nature du sol.
Ces résultats devraient être relativisés puisque les traits enregistrés par un seul
dictionnaire pourraient bien résulter d’un effort de description encyclopédique ou
visant une représentation plus ou moins exhaustive. L’étude de ce type de traits
confirme en effet qu’ils sont plus liés à la nature et à la vocation des dictionnaires :
Nbre total TLF PR PL Hachette
Lexis

Métaux 32 18 8 4 1 1
Fruits 17 6 3 3 2 3
Chiens 28 13 4 4 5 2
Récipient 28 20 2 3 2 1
105 57 17 14 10 07

L’écart entre le TLF et les autres dictionnaires rend parfaitement compte des choix et
du volume de chaque dictionnaire. A supposer que l’accord mette en l’avant les
propriétés stéréotypiques et que la disparité reflète l’étendue des traits qui peuvent être
rattachés au sens d’un mot, ceci confirme l’idée de Martin selon laquelle « les
propriétés universelles déterminent […] un axe qui va des contenus linguistiques à des
contenus encyclopédiques, mais sans rupture nette » (1983, p71), sauf que les contenus
linguistiques pourraient impliquer, également, des propriétés typiques mais non
universelles.

405
Jusqu’ici, nous nous sommes servi de la différence des modalités de
présentation des traits définitoires pour repérer les foyers stéréotypiques, pour étudier
leur nature et leur économie dans la définition et pour vérifier, à travers le degré de
l’accord entre les différents traitements, l’existence d’un lien entre le degré de
saillance des traits enregistrés et les fondements sous-jacents à cette variation de
typicité. Ces résultats demeurent toutefois incomplets sans la comparaison des
différents ouvrages et sans la saisie des spécificités relatives à chacun d’eux. L’étude
de la variation des modalités de présentation de l’information pourrait être un outil
même relatif, permettant d’atteindre cet objectif.

3-2- Modalisation de l’information stéréotypique


Souvent les lexicographes s’accordent sur les mêmes aspects descriptibles d’un
référent donné (forme, usage, couleur, etc.), soit parce que ces aspects sont les plus
perceptibles, soit parce qu’ils sont cognitivement plus accessibles. Ils s’accordent
moins sur les traits sélectionnés eux-mêmes soit parce qu’ils focalisent sur des
propriétés différentes relatives à un même aspect (pour la forme d’un récipient, par
exemple, un dictionnaire choisit tel détail (anse), un second tel autre détail (bec ou
pied), soit parce qu’ils formulent différemment la même information. Celle-ci peut être
présentée comme étant absolue, modalisée ou ouverte.
Dans la première optique, on sélectionne exclusivement un ou deux traits là où
il y en a plus. C’est généralement le cas quand les propriétés sont puisées parmi le ou
les instance(s) le(s) plus prototypique(s) (dire que la cerise est rouge, c’est considérer
une variété jugée suffisamment représentative pour le tout). Mais, cette sélection peut
également cacher une différence de catégorisation de l’objet défini. C’est le cas quand
on insiste sur l’exclusivité d’un trait donné : Le Petit Larousse considère qu’une tourie
est exclusivement fabriquée en grès ; ce qui laisse entendre qu’un récipient partageant
avec tourie toutes les autres propriétés et se distinguant par sa matière est classé dans
une autre catégorie. Donc, ce trait est à lui seul distinctif et ne résulte pas d’un effort
de représentation effective. Dans le premier cas, le traitement correspond à l’essence
des énoncés génériques typifiants a priori :
La cerise est un fruit rouge

406
Généralement, la cerise est de couleur rouge
Le lexicographe opte pour la généralisation et ne tient pas compte des
exceptions jugées comme étant accidentelles et non représentatives, pour figurer dans
la définition.
Dans le second cas, le savoir est présenté comme une vérité analytique
n’admettant pas d’exceptions :
Une tourie est fabriquée (exclusivement) en grès.
La comparaison avec d’autres définitions rend compte de l’aspect formel et fautif
d’une telle assertion.
Dans la seconde optique, la modalisation se réalise de deux manières. Le cas le
plus fréquent est le choix d’un même trait qui se trouve toutefois relativisé parce qu’il
met l’accent sur le fait qu’il s’agit :
- d’un cas dominant : le plus souvent, surtout, essentiellement, généralement, en
général, volontiers, presque toujours, ordinairement, principalement, habituellement,
etc.
- d’un cas spécifique fréquent : notamment, particulièrement, en particulier, etc.
- d’une approximation : environ, presque, etc.
Pour le second procédé de modalisation, un dictionnaire donné recourt à plus d’une
instance prototypique là où un autre se limite à une seule. Les instances périphériques
sont toujours ignorées. L’expression de la modalisation se réalise alors au moyen d’un
paradigme fini qui s’oppose à un choix unique :
Merise : noire ou rouge (TLF, modalisé)
noire (PL, catégorique).
Une propriété rendue par deux paradigmes finis mais dont l’un est plus exhaustif que
l’autre, sera considérée comme étant modalisée dans le premier cas et catégorique dans
le second :
Melon : vert, jaune ou brun clair (PL, modalisé)
Orangé ou vert clair (PR, catégorique).
Enfin, le choix ouvert est exprimé lexicalement par l’emploi d’expression du type « de
forme variable », « existe plusieurs variétés », etc. ou explicité par « etc. » succédant à
un paradigme donné :

407
Dame – jeanne : de verre, de terre, de grès, etc. (TLF, ouvert)
de grès ou de verre (PL, Lexis, Hachette, catégorique).
Les expressions de l’intensité (dur, très dur) et de nuance (kiwi : brun, gris marron,
marron) ne sont pas retenues dans le recensement des variations. Elles relèvent plus de
l’approximation que de la modalisation. Selon le type de mots étudiés, la variabilité
des traitements est plus ou moins importante. Pour les métaux, nous avons relevé des
cas différents (Cf. ci haut) mais aucun cas de traitement modalisé. Ceci est dû au fait
que la plupart des métaux ne font pas partie des objets usuels, par conséquent leurs
dénominations ne sont pas d’un usage courant. La rareté de leur présence dans la
communication quotidienne ne favorise pas l’émergence de représentations
particulières à leur compte. Par ailleurs, les propriétés qui leur sont attribuées sont
validées surtout suite à une expertise scientifique et non profane.
Pour les fruits (annexe I.46), seulement six traits font l’objet d’un traitement
variable dont trois concernent la forme, deux la couleur et un le goût. Étant limité, ce
nombre ne permet pas de tirer des conclusions pertinentes si ce n’est la tendance pour
les choix modalisés du TLF (5/6). Les aspects qui sont ordinairement le foyer d’une
variation (la couleur et la forme) sont relativement peu décrits vu la diversité des
variétés, signalée ou non :

Poire Comportant de nombreuses variétés


TLF

Figue TLF Présentant de nombreuses variétés dans la couleur, le volume, la


saveur, l’époque de la maturité
Prune TLF Comprenant de nombreuses variétés, de couleur variable
PR De couleur variable
Pomme TLF De couleur et de saveur variables selon les espèces
Lexis Dont ou connaît plus de 10.000 variétés
Hachette Diversement colorée selon les variétés

Les traits relatifs aux chiens (Annexe I.47) présentent un peu plus de variation.
L’usage puis la couleur y sont les plus concernés. Selon le nombre de propriétés
enregistrées par chaque dictionnaire, on relève deux tendances opposées avec un

408
niveau plus ou moins médian : le TLF cumule plus de choix modalisés (8 / 12) et peu
de choix fermes (3/12) ; à l’opposé, Lexis et Hachette favorisent les seconds
(respectivement 6/7 et 9/11).
Enfin, Le Petit Larousse répartit les traits d’une manière presque équilibrée (5/9
et 4/9) ; le traitement du Petit Robert, quant à lui, tend plutôt vers les choix fermes
(7/11, contre 4/11 pour les choix modalisés).
Ce sont les définitions des récipients (Annexe I.48) qui permettent le mieux une
comparaison plus significative puisque la variation touche dans l’ensemble 72 traits
répartis comme suit, selon les dictionnaires :
TLF 67
PR 55
PL 47
Lexis 47
Hachette 46.
Cette profusion traduit l’insuffisance des définitions minimales et une caractéristique
essentielle du trait stéréotypique, à savoir l’écart qu’il présente par rapport à la réalité
du référent. Ainsi, le choix ferme n’est que l’expression de la généricité de ce type de
traits ; le choix modalisé n’est souvent que l’expression inférentielle par défaut de ce
même type et le choix ouvert, un rappel de la diversité des occurrences de la catégorie
référentielle définie. Les dictionnaires tendent de manière différée vers l’un ou l’autre
de ces choix :
Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
TLF 26.86 % 59.7% 13.43 %
PR 45.45 % 45.45 % 7.27 %
PL 55.31 % 31.91 % 10.63 %
Lexis 70.21 % 25.53 % 4.25 %
Hachette 67.39 % 28.26 % 4.34 %

Ces résultats concordent fortement avec ceux mentionnés avec les traits relatifs aux
chiens. Le TLF tend beaucoup plus vers la modalisation et a le plus grand taux de
choix ouverts. Lexis, et Hachette ont tendance par contre aux choix fermes. Enfin, les

409
traitements du Petit Robert et du Petit Larousse occupent toujours un niveau
intermédiaire avec une légère tendance vers les choix fermes pour le second. Si l’on
interroge le nombre de traits par type de propriétés, type de choix et par dictionnaire,
on saisit mieux les différences de traitement qui vont parfois jusqu’à l’opposition
nette. Les 67 propriétés enregistrées par le TLF se répartissent comme suit :

Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert


Descriptions des parties 5 1 -
 Parties 4 5 -
Matière 1 12 3
Forme 4 7 -
Usage 3 12 5
Mobilité 1 - -
Dimension 1 3 1

A l’exception de la description des parties de récipients, le traitement de tous les autres


aspects tend plus vers la modalisation ou l’ouverture avec en tête l’usage, la matière et
la dimension. La forme et l’indication de la présence ou de l’absence des parties
confirment la même tendance mais avec un nombre assez important de choix fermes.
A l’opposé, le traitement de Lexis a une orientation inverse :

Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert


Descriptions des parties 6 1
 Parties 3 -
Matière 8 5
Forme 6 -
Usage 8 5
Mobilité - -
Dimension 2 1 1

410
Pour tous les aspects, la tendance vers les choix fermes est nette avec en tête
« la forme », la description des parties et l’indication de leur présence ou leur absence.
La modalisation est toutefois présente dans le traitement des traits relatifs à la matière
et à l’usage.
Hachette ne s’en distingue que de peu :
Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
Descriptions des parties 4 -
 Parties 7 -
Matière 3 4 1
Forme 3 2
Usage 10 5 1
Mobilité 1 -
Dimension 3 2

Le traitement des traits relatifs à la matière tend plus vers la modalisation. Pour
le reste, les choix fermes dominent plus ou moins.
Le Petit Larousse a la même tendance, même s’il l’est d’une manière moins
accentuée :
Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
Descriptions des parties 3 2
 Parties 4 5
Matière 5 4 4
Forme 2 -
Usage 8 2 2
Mobilité - 1
Dimension 4 1

Avec un nombre relativement réduit de traits, la forme et la dimension sont


traitées avec des choix fixés. L’indication de la présence ou de l’absence des parties et
la matière s’adonnent plus à la modalisation même si ce dernier aspect enregistre un

411
nombre plus grand de traits fixes au même titre que la description des parties et de
l’usage.
Enfin, Le Petit Robert paraît représenter le mieux la position médiane entre les
deux tendances :
Type de choix Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
Descriptions des parties 3 3 -
 Parties 3 5 -
Matière 4 7 1
Forme 4 5 -
Usage 9 4 3
Mobilité 1 - -
Dimension 2 3 -

La plupart des aspects (mention de la présence ou de l’absence de parties, la matière,


la forme et la dimension) se penchent un peu plus du côté de la modalisation excepté
l’usage qui présente une tendance inverse.

3-3- Synthèse
Dans l’ensemble, le caractère limité des choix ouverts dans tous les
dictionnaires maintient les représentations du sens dans un cadre stéréotypique
explicité ou non. Sur ce point précis, la différence de volume ne semble pas avoir une
incidence sur la nature des choix. Malgré le grand écart, sur ce plan, entre le TLF et Le
Petit Larousse, les taux de choix ouverts se rapprochent (13, 43% et 12.76 %).
De même, si l’on interroge le degré de recouvrement entre les dictionnaires
pour les différents choix, on ne relève pas une différence majeure, d’une part, entre le
TLF et Le Petit Robert ou Lexis et, d’autre part, entre Hachette et Le Petit Robert, Le
Petit Larousse ou Lexis :

412
Dictionnaire PR PL LEXIS HACHETTE
TLF 17 9 17 12
PR 12 12 18
PL 13 16
LEXIS 16
La modalisation ou l’option pour les choix fermes sont donc, avant tout, une question
de politique lexicographique. Proportionnellement au nombre de traits impliqués dans
la définition, l’une ou l’autre des solutions fait la particularité de chaque dictionnaire.
Les oppositions entre les choix fermes de chaque ouvrage et les choix modalisés dans
tous les autres confirment d’une autre manière ces spécificités :
Choix modalisés
dictionnaire PR PL LEXIS HACHETTE
TLF

TLF 9 7 2 4
PR 20 8 4 3
Choix fermés

PL 21 12 7 8
LEXIS 21 17 9 6
HACHETTE 23 10 9 6

Le TLF s’oppose nettement aux autres dictionnaires de par sa tendance à la


modalisation. En même temps, de par ses choix fermés, il s’oppose plus au Petit
Robert et au Petit Larousse dont les définitions sont plus modalisées que celles de
Lexis et de Hachette. Le même constat vaut pour les autres ouvrages. Le nombre
d’oppositions aux choix fermes de chacun d’eux est fonction du degré de modalisation
adopté dans les autres dictionnaires.
Dans l’ensemble, l’étude des différents traitements lexicographiques de ces
échantillons devrait permettre de vérifier la validité des critères définitoires du
stéréotype linguistique (conventionnalité, saillance, idéalisation, écart par rapport aux
propriétés du référent et variation) à partir d’un discours spécifique qui se veut
normatif et de déterminer à quel degré ce discours, qui est voué en même temps à la

413
diversité par ses visées et ses contenus (didactique, idéologique, commerciale, etc.),
rend compte de ce phénomène.
Vu sous l’angle de la première question, l’analyse de ces traitements aboutirait
aux constats suivants :
1. Les critères définitoires du stéréotype fonctionnent comme un seul paquet.
Nous avons, dans l’exemple des métaux, une illustration parfaite de cette solidarité. La
présence d’écart avec le référent à l’état pur et l’expertise dans des conditions
idéalisées ne suffisent pas à ériger et fixer un stéréotype linguistique. C’est ce qui
explique la concentration des traits de ce genre en un nombre limité de concepts
relatifs aux référents les plus connus par les locuteurs.
2. La typicité concerne plus les aspects perceptibles. Les traits qui font l’objet de
plus d’accord sont la couleur pour les métaux, l’emploi pour les chiens et la forme et
l’usage pour les récipients de cuisine. La saillance est corollaire de la conventionnalité
et les deux critères trouvent leur expression référentielle dans les instances les plus
prototypiques d’une catégorie donnée. Le degré d’accord, relativement important,
autour de deux aspects culturels relatifs aux chiens (l’usage et l’origine) et autour des
récipients de cuisine qui, dans la réalité, présentent une grande diversité, en est la
preuve. Même dans le cas de la modalisation, des modalisateurs comme souvent,
généralement, etc. consacrent cette vision stéréotypique sur laquelle se fonde toute
catégorisation prototypique. Celle-ci est vérifiée même dans des catégories
subordonnées se caractérisant par la grande disparité des propriétés spécifiques.
3. La variation se manifeste plus, dans les échantillons étudiés, comme un indice
de stéréotypie que comme son infirmation. Ses contours se meuvent entre les limites
de la perception (nuance de couleurs, diversité des expressions du goût, etc.) et la
multiplicité des instances prototypiques (recours à la modalisation, paradigmes à
recouvrement partiel, etc.). Elle est donc limitée aussi bien quantitativement (nombre
réduit par rapport aux traits concordants) et qualitativement (nombre réduit des
différences non conciliables).
4. Enfin, la pertinence des traits stéréotypiques est évidente dans la plupart des
cas. Pour les métaux, ces traits constituent la seule matière relevant de la compétence
des profanes. Les traits culturels relatifs aux chiens comblent le déficit des propriétés

414
Vu sous l’angle de la deuxième question, la comparaison des différents
traitements lexicographiques permettrait de conclure que :
a) - pour chaque dictionnaire, nous avons enregistré globalement les mêmes
tendances vers les choix fermes, modalisés ou ouverts à travers les différents types de
corpus (le TLF opte plus pour les choix modalisés ou ouverts, Lexis et Hachette pour
les choix fermes, le Petit Robert et le Petit Larousse se situent plutôt à un niveau
intermédiaire). Ces différences ne sont pas l’indice d’une variation qui a trait à la
nature bivalente ou paradoxale du stéréotype, mais plutôt le résultat d’une
modalisation qui définit la portée de l’information dans un cadre référentiel plus large.
La différence entre « de verre », « généralement de verre », « de verre ou de grès » et
« de verre, de grès, de cristal, etc. » s’inscrit dans le cadre d’un continuum de visées
allant de la représentation stéréotypique nette à celles modalisée ou ouverte.
-b) Si l’on considère l’ensemble des traits étudiés et la fréquence de chaque type
de traitement selon les dictionnaires, on se rend compte que les formulations des
informations sémantiques s’ancrent majoritairement dans les deux premières visées
avec des tendances plus ou moins importantes vers les choix fermes. Parallèlement,
dans tous les échantillons étudiés, le nombre des propriétés enregistrées par un seul
dictionnaire est remarquable chez le TLF, limité chez Le Petit Robert et Le Petit
Larousse et quasi-insignifiant chez Lexis et Hachette. Au-delà des considérations
relatives à la politique de chaque dictionnaire (volume, public-cible, etc.), ces
différences pourraient être l’indice du degré de saillance des traits stéréotypiques : les
plus saillants font l’objet d’un taux d’accord plus élevé. Ce constat rejoint la
distinction établie par Jean-Claude Anscombre (2001, 58) entre les stéréotypes
primaires et les stéréotypes secondaires (Cf. la deuxième partie). La contrainte du
volume et la visée didactique concourent vraisemblablement aux choix des traits les
plus saillants.

415
L’étude des stéréotypes en relation avec le traitement lexicographique de la
polysémie pourrait révéler d’autres aspects dépassant le cadre propre à chaque
dictionnaire.

416
Deuxième chapitre : Stéréotypie et traitement
lexicographique de la polysémie
L’étude de la variation du traitement lexicographique de la stéréotypie dans le
cadre des extensions polysémiques rencontre, sur le plan méthodologique, deux types
de difficulté majeure : le premier se rapporte aux supports de cette étude, le second à
son objet.
En premier lieu, les dictionnaires présentent une grande variété quant à leurs
volumes, leurs choix méthodologiques et leurs perspectives théoriques. Du Trésor de
la langue française, ouvrage à vocation littéraire et textuelle, au Petit Larousse et
Hachette illustrés, à visée didactique, en passant par le Petit Robert qui se veut
dictionnaire de l’usage et Lexis, conçu selon un modèle théorique précis, l’écart est
énorme. D’où le caractère démesuré et inconvenant de toute tentative d’étude
comparative sur la base de ces ouvrages.
En second lieu, l’étendue du phénomène stéréotypique lié à la polysémie, allant
des motivations translexicales dépassant le cadre du mot aux motivations arbitraires et
souvent idiosyncrasiques et son ouverture sur tout le lexique constituent un obstacle de
taille quant à la délimitation du corpus. A cela s’ajoute, au niveau d’une entrée lexicale
donnée, la pluralité des sens, acceptions ou nuances de sens, enregistrés inégalement et
parfois différemment dans les dictionnaires. En outre, l’information polysémique,
n’étant toujours pas dénotative des objets du monde, est largement tributaire des
descriptions des emplois du mot en discours, d’où la nécessité de dépasser le cadre
strict de la paraphrase définitoire.
Face à la première difficulté, nous avons choisi d’adopter une démarche
descriptive qui met plus l’accent sur les enjeux méthodologiques et théoriques du
traitement lexicographique de ces extensions. La diversité des dictionnaires est, dans
cette optique, un facteur fort utile pour la saisie des différentes facettes selon lesquelles
le phénomène peut être décrit et présenté.
Face à la seconde, nous avons arrêté des choix méthodologiques qui ont pour
objectif de cerner notre objet d’étude et de le doter d’une représentativité et d’une
régularité relatives. Ces choix concernent :

417
A- l’articulation entre le corpus thématique et les axes d’étude : notre corpus
relève essentiellement de trois grands ensembles thématiques. Le premier est relatif à
des catégories cognitives générales où il est question de la représentation de l’espace
(le haut ≠ le bas), des formes et de projections métaphoriques conceptuelles du
domaine du concret au domaine de l’abstrait (+ lumière, + vision ≠ -lumière, - vision //
+ chaleur, + sensibilité ≠ - chaleur, - sensibilité). Le second ensemble est lié à des
projections culturelles du domaine animal au domaine humain (structuration du
domaine des caractères humains en termes des dénominations des animaux) et à des
mécanismes métonymiques ayant comme foyer le premier domaine. Enfin, le dernier
est relatif aux représentations de l’autre impliquant l’ethnie, le métier, la classe sociale
et l’appartenance idéologique ou institutionnelle.
Ces thèmes s’articulent avec les axes d’études suivants :
- la variation de la structuration lexicographique du contenu sémantique,
foyer de la stéréotypie : Il s’agit de la distribution du sens entre homonymie,
polysémie systématique, absence de polysémie ou distribution différée entre sens,
acception et nuances de sens. Selon le fait étudié, nous puiserons nos exemples dans
les deux premiers ensembles qui permettent la description de la structuration du sens à
un niveau translexical comme à un niveau idiosyncrasique. Étant profondément
ancrées dans le lexique, les significations cognitivement ou culturellement saillantes
s’adonnent théoriquement à deux types de traitement totalement opposés : d’une part,
étant suffisamment généralisées et systématiques, elles peuvent être senties comme
une simple nuance de sens ou même formant un sens unique ; d’autre part, relevant de
deux domaines totalement disjoints, elles peuvent être interprétées comme des
réalisations homonymiques ;
- la variation du contenu sémantique d’un dictionnaire à un autre : Les
représentations de l’autre constituent un foyer idéal pour la description d’une telle
variation. La diversité des facettes selon lesquelles l’autre est représenté permet de la
situer par rapport à la normativité présupposée du dictionnaire et son caractère
idéologique (interventionnisme des élaborateurs) et par rapport à l’opposition entre
synchronie et diachronie (les représentations appartiennent à des états différents de la
langue française).

418
B- La délimitation de l’unité minimale de description : Pour contourner la
profusion des sens polysémiques se déployant à partir d’un mot, nous considérons
principalement une même signification donnée dans tous les dictionnaires. Au niveau
de la structure interne de l’article, nous l’appréhendons dans sa globalité, d’où le
recours, selon les besoins, aux marqueurs définitionnels et aux exemples. Toutefois,
l’enchevêtrement de certaines données nécessiteraient de dépasser le cadre de l’article
particulier pour une vision plus globale.

1. La variation de la structuration lexicographique du contenu


sémantique, foyer de la stéréotypie
Derrière la variation du traitement lexicographique du sens se pose toute la
problématique de la structuration sémantique du lexique. Le positionnement d’un
contenu sémantique par rapport à un autre avec lequel il partage la forme signifiante et
l’origine étymologique implique des interrogations essentielles concernant la nature du
sens, sa représentation et les modes de sa circulation à l’intérieur d’une communauté
linguistique donnée. A la limite de l’identité du mot, la question serait de savoir selon
quels critères on pourrait décider de la rupture ou de la continuité entre deux contenus
sémantiques ayant les conditions requises citées pour être rapprochés. A la limite de
l’identité de la signification, il s’agirait de déterminer le point à partir duquel l’on
pourrait affirmer la polarisation de deux sens ou deux acceptions ou, au contraire, y
voir un simple rattachement de l’un à l’autre en termes de nuance de sens ou encore
concéder à une signification unique avec des réalisations idiolectales.
Les lexicographes sont ainsi obligés, quand ils ne sont pas eux-mêmes
manifestement inspirés par un modèle linguistique donné, de se positionner par rapport
à des oppositions ou des considérations sémantiques générales telles que :
- la pluralité des critères de classification entre données étymologiques, liens
sémantiques ou encore la répartition selon les catégories du discours ;
- l’opposition entre données encyclopédiques et données consacrées par l’usage ;
- l’opposition entre registres de langue ;
- l’imbrication des états de langue.

419
La divergence comme la convergence dépendent alors de l’optique à travers laquelle
on appréhende les phénomènes d’homonymie, de polysémie systématique et de la
structuration des extensions à l’intérieur d’une entrée donnée.

1.1. Le traitement homonymique et la donnée stéréotypique


L’homonymie est traditionnellement définie comme le fait, pour deux ou
plusieurs mots, d’avoir la même forme graphique, mais qui diffèrent par le sens. Or,
pour les théories linguistiques, l’accord sur ce qui fait l’identité du sens pour un mot
donné est presque utopique puisqu’il faut, pour ce faire, se mettre d’abord d’accord sur
l’identité même du sens. L’optique diachronique où l’étymologie et l’évolution du mot
importent pour la saisie d’un sens dynamique, la perspective des conditions
nécessaires et suffisantes où la dénotation joue le rôle principal dans la délimitation de
la signification, la théorie de lexique-grammaire où le sens est étroitement lié à la
syntaxe, les théories pragmatiques ou aréférentielles pour lesquelles le sens se
construit en discours, etc., sont autant de modèles linguistiques à travers lesquels les
notions même de « polysémie » et d’ « homonymie » sont fort controversées. Sur le
plan lexicographique, tracer la limite entre ces deux notions nécessite d’opter pour un
choix duquel dépendra la réponse à plusieurs interrogations :
- Quel serait le point de partage qui permettrait de cerner des regroupements de
sens à travers l’enchevêtrement de données historiques, cognitives, syntaxiques et
sémantiques ?
- Faudrait-il partir d’une vision globale du lexique qui prendrait en compte des
modèles cognitifs généraux ? Se limiter aux affinités sémantiques entre des familles
dérivationnelles ? Tenir compte des critères syntaxiques ? Se contenter de l’origine
étymologique ? Ou encore chercher, cas par cas, d’autres critères sémantiques ?
- Dans ce dernier cas, quels types de critère permettraient-ils de regrouper ou de
dégrouper des significations ayant des affinités possibles en commun ?
L’étude des traitements lexicographiques homonymiques ou polysémiques des unités
foyers de stéréotypie permettrait de décrire ces choix et de délimiter leurs impacts sur
l’explicitation ou la dissimulation des liens stéréotypiques.

420
L’homonymie qui se fonde sur une conception du mot comme « une unité du
discours définie par son contexte : situation et distribution » (J. & C. Dubois, 1971,
67), se déploie inégalement d’un dictionnaire à un autre. Lexis, le seul qui prône une
description du lexique sur la base d’une théorie linguistique affichée, est de loin le plus
qui a recours à ce procédé de structuration lexicale.
Pour un mot comme « approfondissement », Lexis réserve un traitement
homonymique selon l’opposition entre les traits /concret/ vs /abstrait/ :
« 1. Profond 1. Se dit d’une chose dont le fond est loin de la surface, de l’ouverture
♦ approfondissement : L’approfondissement du canal demandera plusieurs années.
2. Profond 1. Se dit d’une chose cachée qui commande le comportement de
quelqu’un, le cours des événements.
♦ Approfondissement. L’approfondissement d’un problème, de ses propres
connaissances…de leurs désaccords ».
Le TLF et Le Petit Robert le traitent en termes de polysémie en explicitant la
projection cognitive du concert vers l’abstrait (annexe II.1). Hachette l’annexe sans
paraphrase à approfondir (traité d’une manière polysémique). Quant au Petit Larousse,
il le traite en une seule acception générique :
-« Action d'approfondir ; fait de s'approfondir ».
Le recouvrement homonymique, quand il existe, n’est que partiel. Le découpage selon
les catégories syntaxiques et les contenus sémantiques des unités homonymes n’est
souvent pas homogène.
Au niveau syntaxique, les rares cas où l’homonymie est plus ou moins partagée
révèlent une disparité du découpage catégoriel. Pour droit et droite par exemple
(annexe II.2), il y a cinq configurations différentes des homonymes comme le montre
le tableau suivant :

421
Entrée Droite n.f. Droit, e adj. Droit, e adj. Droit, e adj. Droit,e adj./adv.
et n. et adv. Et n.

dictionnaire
+ +
TLF

+ + +
PR

PL + + +
LEXIS + +++
HACHETTE + + +

Cette disparité pose la problématique de la relation entre le critère syntaxique et


le critère sémantique. Théoriquement, c’est ce dernier type de critère qui l’emporte en
dernier lieu mais certains faits incitent à relativiser une telle évidence. Deux exemples
nous serviraient pour appuyer un tel point de vue :
- Pour droit, droite (annexe II.3), la répartition des domaines selon les types
d’homonymes se présente comme suit :
domaine homonyme dictionnaire
direction 1.droit TLF,PR,PL
géométrie 1.droit TLF,PR,PL, Lex, Hachette
moral 1.droit TLF,PR,PL 120 , Hachette
intellect 1.droit TLF,PR,PL, Lex, Hachette
orientation 2.droit TLF,PR,PL, Hachette
politique 2.droit TLF
moral 2.droit Lexis
orientation 3.droit Lexis
politique Droite n.f. PR,PL, Lexis, Hachette
géométrie Droite n.f. Hachette

120
Les traits /moral/ et /intellect/ figurent sous une même acception générique.

422
Pour Le Petit Robert et Le Petit Larousse, les acceptions relatives à l’orientation,
présentes dans 2.droit, sont reprises dans droite, nom féminin, et servent à dégrouper
le domaine politique du reste des significations. Le lien sémantique entre l’orientation
et la tendance politique est d’ordre métonymique. Il est de nature différente de celui
qui projette l’idée de direction dans le domaine abstrait de la morale et de l’intellect,
d’où la légitimité du traitement homonymique des deux sens. Cependant, le
dégroupement du sens relatif au domaine politique avec la redondance des acceptions
relatives à l’orientation dans les deux entrées 2.droit et droite pourrait s’expliquer plus
par une volonté de l’extraction du substantif féminin singulier que par le désir
d’expliciter la saillance du politique tant que celle-ci est, dans les deux types de
traitement (celui du TLF et celui du PR et PL), toujours rattachée à l’idée
d’orientation. Lexis distingue dans la seule catégorie de l’adjectif trois homonymes
séparant ainsi « géométrie » (1.droit) et « orientation » (3.droit), « intellect » (1.droit)
et « morale » (2.droit).
- Pour gauche (annexe II.4), le traitement des affinités sémantiques va de la
polysémie (PR et Hachette), à deux (TLF), trois (PL) et quatre homonymes (Lexis).
Mis à part Lexis qui réserve à chaque sens une entrée homonymique 121 , les autres
dictionnaires répartissent les acceptions par domaines :
domaine homonyme dictionnaire Polysème Polysème Hach.
(PR) 122
orientation 1.gauche TLF, PL II. A.5.,C.1.
2.gauche PL
politique 1.gauche TLF, PL II. et III. C.2.
Position/corps 1.gauche TLF, PL II. A.4., B.1.
2.gauche PL
3.gauche PL
géométrie 2.gauche PL A.2.
intellect 2.gauche TLF
physique 2.gauche TLF

121
1.Droit : « position du corps » , 2.droit : « choses » , 3.droit : « caractère » et 4.droit : « politique ».
122
Les sens polysémiques du PR correspondent plus ou moins au découpage homonymique du TLF.

423
caractère 2.gauche TLF, PL I. A.3.
choses 2.gauche TLF, PL I. A.1.
3.gauche PL

Grosso modo, les sens C. de Hachette et II., III. du Petit Robert correspondent à
1.gauche du TLF et Petit Larousse et, respectivement A. et I. à 2.gauche.
Cependant, si l’on compare les traitements du TLF et du Petit Larousse, on
constate que les homonymes 1 et 2 correspondent respectivement l’un à l’autre. Les
seules différences résident dans l’absence du lien spatial concret dans le TLF 123 et
toujours pour le même dictionnaire, dans la mention d’acceptions supplémentaires
(domaines de l’intellect et du physique). Le troisième homonyme du Petit Larousse est
conçu autour de significations composites qu’on pourrait rattacher à 1 et à 2. La
référence aux parties du corps dont il est question dans 3. gauche :
« 1. a. Poing gauche, en boxe. Crochet du gauche.
b. Pied gauche, au football, au rugby. »
pourrait s’insérer aisément sous l’entrée 1.gauche :
« 1. Côté gauche d'une personne. Tourner sur sa gauche.
2. Main gauche.
– En boxe, coup porté avec le poing gauche ».
De même, la référence plus ou moins terminologique à un état de chose :
« 2. [Mécanique industrielle] Défaut de planéité d'une pièce. Le gauche d'une bielle »
admettrait un lien avec l’acception suivante de 2. gauche :
« 4. Se dit de ce qui n'est pas droit, ou plan, du fait d'une torsion volontaire ou accidentelle ».
Dès lors, la seule justification d’un tel regroupement est la catégorie syntaxique
du mot homonyme : « gauche nom masculin ». Dans les rares cas d’homonymie (en
relation avec la stéréotypie et dans le cadre des thèmes choisis) relevés dans Le Petit
Larousse, le poids du critère syntaxique est de règle (annexe II.5). Néanmoins, si dans
les deux cas précédents, le dégroupement selon le critère sémantique ne cause pas de
perte sémantique du fait que l’expression de la projection cognitive, source de la
stéréotypie est maintenue dans l’unité lexicale extraite, tel n’est pas toujours le cas.

123
Dans le TLF, les acceptions de « 2.gauche » sont mises sous l’exergue « Qui s'écarte d'une norme ».

424
Pour cochon, Le Petit Larousse réserve trois homonymes dégroupés respectivement
selon les catégories syntaxiques suivantes :
-« Cochon adjectif et nom
féminin cochonne »
-« Cochon adjectif »
-« Cochon nom masculin »
Dans le premier, il fait figurer l’acception relative au caractère humain avec ellipse du
domaine source (animal) :
« Fam.
1. Sale, dégoûtant.
2. Malfaisant, déloyal.
3. Égrillard, obscène. ».
Le second homonyme rend la projection de l’idée de « saleté » ou d’ « obscénité »
dans le domaine des objets :
« Fam. Film, spectacle cochon, film, spectacle pornographique ».
Ce traitement cause une double distorsion du sens. D’une part, la motivation de la
signification est sacrifiée vu l’absence du domaine source ; d’autre part, l’unicité du
type de projection, source des deux contenus et de leur affinité (les mêmes traits
sémantiques), sont également sacrifiées. Dans le premier cas, ce qui est mis en
exergue, c’est l’unité fonctionnant comme un nom et un adjectif ayant un féminin et
dans le second cas, l’adjectif masculin.
Enfin, le troisième homonyme s’organise autour du substantif masculin
désignant l’animal. Des connotations qui lui sont associées, une seule figure dans un
syntagme figé :
« 1. Mammifère domestique élevé pour sa chair.
– Fam. Tour de cochon : action méchante commise au préjudice de quelqu'un».
L’homonymie fondée essentiellement sur des critères sémantiques n’est pas moins
problématique. Pour un mot comme haut (annexe II.6), le TLF et Le Petit Larousse 124
envisagent deux solutions d’homonymie selon des critères différents 125 .

124
Lexis, envisage, dans ce cas, un dégroupement semblable (annexe 34).
Quant au Petit Robert et Hachette, ils lui consacrent un traitement polysémique dont les grands axes
correspondent globalement aux différents homonymes dans le TLF (annexe 34).

425
Le Petit Larousse combine le critère syntaxique et le critère sémantique pour
aboutir à deux homonymes. Le premier représente les deux dimensions concrète et
abstraite avec une formulation générique de cette seconde :
« Haut, haute
1. Qui a une certaine dimension dans le sens vertical
7. Qui occupe une position supérieure, éminente dans sa catégorie
8. Qui est très grand, à quelque titre que ce soit
Haut adverbe 126
1. À haute altitude, en un lieu élevé, à un degré élevé. Voler haut dans le ciel.
Haut, locution adverbiale
D'en haut : d'un endroit élevé ; d'un niveau élevé du pouvoir ».
Le second homonyme regroupe des acceptions concrètes avec des expressions figées, à
connotations morales, présentées comme des nuances dérivant de ce premier sens :
« Haut nom masculin
1. Dimension verticale d'un corps ; hauteur, élévation
- Traiter, regarder quelqu'un de haut, traiter, regarder avec dédain, mépris.
– Le prendre de haut : réagir avec mépris.
– Des hauts et des bas : des périodes heureuses et malheureuses.
– Tomber de haut, de son haut : être extrêmement surpris ».
Le TLF procède avec le même découpage syntaxique en précisant pour le premier
homonyme qu’il s’agit de sens ayant comme « antonyme bas pour la plupart ».
Toutefois, les sens inclus dans le second homonyme ne se distinguent pas de ceux
figurant dans le premier au niveau du domaine :

125
Le traitement polysémique de haut dans Lexis et Hachette se fait selon un découpage catégoriel strict. Le Petit
Robert se rapproche respectivement des deux homonymes du TLF dans les sens I. et III..
126
Dans Le Petit Larousse Électronique, figure parfois deux entrées qui renvoient au même article ; tel est le cas
pour haut adj et haut adv.. Nous considérons dans ce cas qu’il s’agit d’une seule entrée.

426
« HAUT1, HAUTE, adj. et adv.
I. Emploi adj.
A. [Dans l'espace]
E. Domaine abstrait »
« HAUT2, subst. masc.
B. Position déterminée sur la verticale.
1. Le haut (entité abstr.). Elle ordonne aux roseaux de saluer, joyeux et satisfaits,
l'arbre superbe; Car l'équilibre c'est le bas aimant le haut (HUGO, Légende, t. 4,
1877, p. 129)..
3. Ce qui est élevé (moralement, socialement, intellectuellement, etc.), ce qui est
excellent. Le christianisme (...) qui a fait voir le haut et le bas de notre coeur
(CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 376) ».
Ils ne s’en distinguent pas non plus au niveau de l’opposition à l’antonyme bas :
« HAUT2, subst. masc.
B. 1. Le haut (entité abstr.). Elle ordonne aux roseaux de saluer, joyeux et
satisfaits, l'arbre superbe; car l'équilibre c'est le bas aimant le haut (HUGO,
Légende, t. 4, 1877, p. 129).
2. De haut
b) Au fig. D'une autorité supérieure. Synon. d'en haut (Cf. haut1). Ordre qui vient de
haut.
C. Partie supérieure d'une chose ou d'un être (corps ou partie du corps).
1. En emploi abs. Le haut, dans le haut, du haut, vers le haut ».
La variabilité des critères de dégroupement en homonymes devient plus
problématique quand il existe plus d’une possibilité de catégorisation sémantique et en
l’absence d’une éventuelle hiérarchie entre les traits qui pourraient fonder la
dissociation. Nous avons dans l’exemple élever un cas typique pour lequel les
différents dictionnaires réservent deux solutions de polysémie et plusieurs solutions
d’homonymie sur la base de critères fort éloignés.
Le Petit Robert traite les sens associés au mot dans un cadre polysémique selon
l’axe /concret/, /figuré/ permettant, ainsi, l’expression de la métaphore conceptuelle
qui structure des domaines variés par la valeur axiologique associée à tous les mots
contenant le trait /HAUTEUR, ELEVATION/ :

427
« Élever v. tr.
I. concret
II. Fig. ».
Sous ce second sens, il fait figurer des acceptions relatives aux valeurs morales,
sociales et également à l’éducation et aux soins portés aux enfants ; A cette dernière
acception, il rattache la signification de l’ « élevage » comme une nuance de sens :
« 1. Porter à un rang supérieur.
3.Rendre moralement ou intellectuellement supérieur
4. Amener (un enfant) à son plein développement physique et moral.
- Faire l'élevage de (un animal). Élever des chevaux, des lapins.
Le Petit Larousse et Hachette lui réservent, chacun, une seule entrée polysémique
tout comme Le Petit Robert avec la différence qu’ils séparent la signification
de « soins, éducation de l’humain » et celle de « élevage » en deux acceptions ou sens
différents :
- « Élever verbe transitif
5. Assurer la formation morale et intellectuelle de ; éduquer. Bien élever ses enfants.
6. Assurer le développement, l'entretien des animaux ; nourrir, soigner. Élever des
chiens ». PETIT LAROUSSE
- « 5. Assurer le développement physique et moral d’un enfant
6. faire l’élevage des animaux » HACHETTE
Le TLF dégroupe les sens en deux homonymes selon l’opposition /hauteur : sens
concret et abstrait/ et /développement d’un être vivant/ :
« Elever1, verbe trans.
I. [La notion dominante est celle d'une hauteur bien en vue ou d'un accroissement
de valeur]
A. [La montée est physique]
B. Au fig. [La montée concerne des valeurs]
1. [Valeurs physiques ou financières]
1. [Valeurs mor.]
I. [La notion dominante est celle d'une intensité]
A. [L’intensité est physique]
B. Au fig. [Intensité morale] » ;
« Elever2, verbe trans.

428
Assurer à un être vivant un développement continu, depuis sa naissance ou à partir
d'un moment relativement proche de sa naissance, jusqu'à un certain degré
d'accomplissement.
A. [L'obj. désigne un être humain]
B. [L'obj. désigne un animal; le subst. corresp. est élevage] ».
Les élaborateurs de l’ouvrage justifient ce dégroupement par le fait que «bien que sous
élever2 se cache l'image de faire grandir, donc d'un mouvement dans le sens de la
hauteur, cette image est trop peu directement perceptible pour que ses emplois se
laissent grouper sous élever1 ».
Lexis retient le regroupement des sens /concret/ et /abstrait/ mais dégroupe ceux
relatifs au « développement des êtres vivants » selon l’opposition /humain/ vs
/animal/ ; ce qui donne lieu à trois homonymes :
« 1. Élever v. tr
1- Élever une chose, la porter vers le haut la dresser
2- Élever une chose, une personne, les porter plus haut, les mettre à un niveau, à un
rang supérieur
2. Élever
1. Élever des enfants, assurer leur développement physique, intellectuel, moral
3. Élever
Élever des animaux assurer leur développement physique, les faire prospérer ».
Cependant, ni la corrélation entre le traitement homonymique et la présence
d’une opposition donnée, ni le maintien de la même opposition comme fondement du
dégroupement homonymique de mots du même réseau lexical ne sont systématiques.
Concernant le premier fait, nous avons relevé, pour tous les dictionnaires étudiés, des
cas où des mots antinomiques ou présentant les mêmes aspects cognitifs et
sémantiques sont traités différemment ; les uns en homonymes, les autres en
polysèmes :

429
Dictionnaire Traitement homonymique Traitement polysémique
TLF Haut Bas
Le Petit Robert droit, e gauche
Le petit Larousse cochon porc
Lexis élever baisser (annexe II.7)
Hachette droit, e gauche

Lexis, conçu selon un modèle théorique où le dégroupement homonymique relève de


l’appréhension même du sens, présente un nombre considérable d’irrégularités (annexe
II.7) :
- selon l’opposition dénomination animale/caractère humain :
homonymie : cochon, vipère, furet, faisan, etc.
polysémie : vermisseau, hyène, bouc, veau, oie, cheval, lapin, porc, etc.
- selon l’opposition configuration dans l’espace/caractère d’une personne ou d’un
objet :
homonymie : carré
polysémie : rond, rondeur, épais, etc.
- selon l’opposition vision/esprit
homonymie : voir, vue, vision, éclairer, etc.
polysémie : regarder, obscur, obscurité, aveugle, etc.
sens unique : apercevoir
- selon l’opposition orientation dans l’espace/valeur axiologique :
homonymie : descendre, bas, centre, central, profond, approfondir, etc.
polysémie : monter, creuser, ascension, baisser, etc.
- selon principe de chaleur concret/sensibilité :
homonymie : glace (ses dérivés), froid (ses dérivés), allumer, ardent,
chauffer, etc.
polysémie : brûler.

430
Par ailleurs, à l’opposé de la politique générale du dictionnaire, nous trouvons
des cas rares où l’abstrait niche dans le concret ou se confond avec lui dans une seule
acception :
-« 1. Centre
1. Point situé à égale distance de tous les points de la ligne ou de la surface
extérieure, ou situé à l’intersection des axes de symétrie
2.point essentiel, La question financière a été au centre du débat (syn. Cœur)
2. Centre 1. Ville, localité caractérisée par l’importance de sa population ou de
l’activité qui s’y déploie
♦ Central, e, aux Adj. Le commentaire a insisté sur l’idée centrale du livre » ;
- « ● Apercevoir : Apercevoir quelqu’un, quelque chose, voir, après quelque
recherche, une personne ou une chose que l’éloignement, la petitesse ou d’autres
raisons empêchent de découvrir d’emblée. Son intelligence lui fait apercevoir ce qui
échappe aux autres ».
Concernant le second fait, si les dégroupements homonymiques à travers
l’ensemble des oppositions peuvent se réduire à l’opposition générale entre « concret »
et « abstrait », ce modèle de catégorisation n’est pas aussi systématique dans Lexis (Cf.
Zwanenberg W., 1983, 27-28). On y trouve au moins un cas où une autre opposition,
vraisemblablement plus pertinente, structure le dégroupement des sens :
« 1.Allumer 1. Rendre lumineux, faire fonctionner pour donner de la lumière
♦ s’allumer 1. Devenir lumineux
2. devenir brillant (d’envie, de convoitise, etc.)

2. Allumer 1. Allumer quelque chose, y mettre le feu


2. Litt. Allumer la guerre, la provoquer, la susciter
♦ s’allumer, bois, guerre ».
Entre allumer 1. et allumer 2. la ligne de partage est l’opposition dans le monde
physique entre « principe du feu » et « principe de la lumière ». Les significations
abstraites sont rattachées à l’un ou l’autre des deux homonymes.
Le principe de dégroupement selon les oppositions générales « concret/abstrait »,
« humain/animal », sacrifie une dimension essentielle de la langue : celle d’être une
représentation du monde comme elle fait abstraction des modèles cognitifs sous-

431
jacents à la faculté du langage. Ignorer la structuration conceptuelle du lexique au-delà
de la réalité immédiate du mot ne peut qu’évacuer tout le champ stéréotypique qui fait
de la langue plus qu’une simple nomenclature.

1.2. Polysémie systématique et donnée stéréotypique


La polysémie systématique est conçue comme le produit du fonctionnement
généralisé et automatique d’un mécanisme de structuration sémantique, souvent
métonymique. Elle rappelle, par cet aspect, l’œuvre de la métaphore conceptuelle,
chez les cognitivistes américains (Lakoff et al.), à un niveau translexical. L’idée est
que, dans le cadre d’une catégorie référentielle donnée, la dénomination du tout de
chaque instance de cette catégorie renvoie d’une manière systématique à une partie de
cette instance référant à un usage particulier. Une telle systématicité implique, d’une
part, que toutes les occurrences particulières de la catégorie donnée font l’objet d’un
tel usage (par exemple, toutes les chairs animales sont comestibles) et, d’autre part,
que le mode de représentation de la relation partie-tout est également systématique.
Les dictionnaires de langue, dans leur diversité même, reflètent une ou des
normes sociales d’usage et permettent, de ce fait, de confirmer ou d’infirmer une telle
conception de la polysémie. A partir d’un corpus relatif essentiellement à la relation
métonymique « animal », « viande de l’animal », nous tenterons d’interroger les
critères de classification qui sous-tendraient la répartition des significations fondées
sur une telle relation selon les acceptions, les nuances de sens, l’inclusion dans les
traits définitoires ou l’absence de toute mention.
Pour ce faire, nous commençons par étudier des relations dénominatives
particulières qui perturberaient vraisemblablement la régularité du mécanisme
métonymique évoqué ci-haut. En premier lieu, certaines dénominations dépassent le
cadre strict de la relation partie-tout. Elles ont une portée générique qui, tout en ayant
formellement un tel aspect, s’étend au-delà de l’instance particulière et de la partie
particulière pour impliquer des touts et des parties exprimés par le biais d’une relation
métonymique « prototypique » qui pourrait être fondée sur une représentation
stéréotypique du genre « le bœuf a la meilleur viande parmi les bovins ». Nous avons
dans les exemples de bœuf et poulet une illustration parfaite de cette extension

432
dénominative. Bœuf renvoie à la viande du bœuf animal, du taureau, de la vache et de
la génisse, excepté Hachette (annexe II.8 a). Les différents dictionnaires considèrent la
signification de viande comme une acception du mot bœuf. Mais le résultat immédiat
d’une telle dénomination, c’est qu’elle empêche d’étendre le principe de la polysémie
systématique aux instances impliquées par cette dénomination. En effet, si la
signification de viande pour taureau, génisse est tout simplement absente (annexe II.8
b, c, d), elle est exprimée, pour vache par une distorsion due au dédoublement entre la
référence à la chose et sa dénomination :
TLF : « 6. Empl. techn.a) BOUCH. souvent péj. Viande de cet animal, vendue en
boucherie sous l'appellation bœuf. »
PETIT ROBERT : « — Vendue en boucherie sous le nom de bœuf*, la vache a la
chair plus savoureuse que … » (absente dans les autres dictionnaires).
Vraisemblablement, cet usage du mot relève d’un emploi idiolectal et pour le mieux
sociolectal (6. Empl. techn.a) BOUCH.).
Poulet présente un autre cas légèrement différent du précédent (annexe II.8 e). Il
désigne :
- L’animal vivant qui peut être soit « jeune coq » ou « jeune poule » (TLF, PETIT
ROBERT, PETIT LAROUSSE), soit « poule » ou « coq » tout court (LEXIS) ;
- La viande du poulet, de la poulette et vraisemblablement de la poule et du coq
puisque ces deux substantifs figurent plutôt dans des dénominations de plats et non de
la viande.
Cette relation métonymique afférente qui porte la dénomination non sur la viande de
l’animal mais sur les plats préparés avec cette viande constitue le deuxième facteur
perturbateur de la systématicité polysémique (annexe II.8 f) :
-« 2. Coq au vin : plat préparé à partir de ce volatile cuit » (Le Petit Larousse)
Enfin, en dernier lieu, certaines dénominations peuvent signifier un rapport de
synonymie 127 et non un rapport de désignation référentielle :

127
Pour le passage de nom d’animal à « fourrure de cet animal », nous avons relevé un cas quasi-similaire où
deux dénominations renvoient à « fourrure-objet » :
PETIT ROBERT : Marmotte: « - Fourrure de cet animal »
TLF : Murmel « Fourrure de marmotte qui rappelle la martre et qui a l'aspect du vison »
Putois : « a) Fourrure de cet animal »

433
TLF : Cochon :« 1.b) P. méton. Viande de cet animal. Synon. fam. de porc » ; d’où le
fait de considérer la signification comme une simple nuance de sens (TLF et Le Petit
Robert).
Du reste, les dictionnaires ne semblent pas s’accorder sur les mêmes critères
pour catégoriser les significations. Dans Le Trésor de la Langue Française, le trait
/être, principalement, élevé ou recherché pour sa viande/ semble être déterminant dans
la présence (sous n’importe quelle catégorisation) ou l’absence de la signification de
viande associée au nom de l’animal (annexe II.9). Presque tous les noms d’animaux
relevés présentant cette valeur sémantique donnent lieu à une acception, une nuance de
sens ou une définition rendant la signification de viande. Tous les noms qui n’ont pas
cette valeur ne donnent lieu à aucune indication de la sorte. Un tel trait, n’étant pas
universel, est stéréotypique puisque n’importe lequel des animaux répondant à ce
critère peut être élevé pour toute autre raison et tout animal, habituellement élevé pour
d’autres utilités, peut être élevé juste pour sa viande. Quant à la distribution entre
acceptions, nuances ou allusions définitoires, elle serait régie différemment selon que
l’animal est un mammifère ou un oiseau. Dans le premier cas, tous les noms des
mammifères cumulant les deux traits /+élevage/ et /principalement destiné pour donner
de la viande/ (lapin, agneau, mouton, etc.) donnent lieu à « viande/acception ». A
cheval, veau, sanglier et lièvre sont rattachées des nuances de sens : le premier n’est
pas essentiellement élevé pour sa viande, le second est souvent associé aux noms de
plats (3. P. méton.a) BOUCH., ART CULIN) et les deux derniers ne sont pas
domestiqués.
Pour les oiseaux, la seule instance qui cumule les deux traits évoqués est « oie-
animal » ; la signification de « oie-viande » figure sous une acception. Cependant,
pour le reste (les instances ne répondant qu’à un seul critère), la catégorisation baisse
d’un cran pour se limiter à une nuance de sens (sarcelle), un trait dans la définition de
l’animal (faisan, perdrix), un exemple (caille) ou à l’absence (autruche). Dinde et
canard représentent des cas limites. Le premier peut être élevé pour ses œufs. Sa
consommation comme viande paraît contingente et saisonnière :

Kolinski : « Fourrure de putois ou de loutre de Sibérie »

434
-« engraissé notamment pour les fêtes de fin d'année. ».
Le second peut être sauvage ou domestiqué. Quant à poule et coq, ils ne comportent
pas vraiment de nuance de sens renvoyant à « viande » mais ont une nuance plus
générale correspondant plus à des noms de plats :
Coq : « ART CULIN.Coq vierge. Chapon. Préparation faite à partir d'un coq, d'un
poulet ou d'une autre volaille »
Poule : « ART CULIN. Bouillon de poule. Eau de cuisson d'une poule ».
Quant au Petit Robert (annexe II.10), il semble réserver deux traitements
différents selon l’opposition /mammifère/ vs /oiseau/. Les mammifères présentant les
traits /+élevage/, /principalement, destiné à donner de la viande/ 128 et /de boucherie/
(agneau, mouton, porc, veau) donnent lieu à la signification « viande-acception ».
Ceux qui ne répondent qu’à un seul critère ou ne comportent pas le trait /boucherie/
ont des significations « viande » traitées comme nuances de sens (lapin, lièvre,
sanglier). Encore une fois, cheval fait l’exception ; il n’a cette valeur que d’une
manière contingente qui a fait l’objet d’une mention spéciale dans un exemple forgé
du même dictionnaire :
-« cheval de boucherie ».
Les significations « oiseau-viande » sont classées entre nuances de sens (canard,
dinde, oie), simple allusion dans la définition (faisan), mention dans un exemple
(sarcelle, poule) ou absence (autruche, perdrix). La ligne de partage entre les deux
traitements serait liée à l’opposition /+élevage/, /- élevage/, excepté pour poule pour
les raisons mentionnées ci-haut.
Lexis, Hachette et Le Petit Larousse combinent deux critères (annexes II.11, II.12 et
III.13): l’opposition /mammifère/ vs /oiseau/ et /être, principalement, élevé ou
recherché pour sa viande/. La plupart 129 des noms de mammifères relevés remplissant
ces deux conditions donnent lieu à des acceptions (lièvre 130 , sanglier 131 , porc etc.) de

128
La peau de chevreau est perçue comme étant plus saillante, d’où l’acception qui lui est réservée :
« 2¨ Peau de chèvre ou de chevreau qui a été tannée ».
129
Excepté chevreuil et cerf, absents du Petit Larousse et Hachette et traités dans Lexis respectivement dans une
définition et un exemple.
130
Traité comme nuance de sens dans Lexis.
131
Traité comme nuance de sens dans Hachette.

435
« viande-animal ». Parmi les noms d’oiseaux relevés, seuls ceux de faisan et oie
comportent dans leurs définitions du Petit Larousse des traits qui mentionnent le
caractère /être apprécié/ associés à leurs chairs :
Le Petit Larousse : Faisan : « à chair estimée »
Oie : « que l'on élève pour sa chair et son foie surchargé de
graisse »
Lexis exprime ce trait dans la définition (caille, faisan, oie et perdrix) et dans un
exemple (bécasse et dinde) 132 . Pour Hachette, les traits « poule-chair » et « perdrix-
chair » sont définitoires alors que pour oie, c’est le foie qui est mentionné en exemple.
En somme, malgré le caractère localement arbitraire qui pourrait concerner
l’attribution d’un trait et non d’un tel autre à une instance donnée, l’analyse du corpus
relevé concernant les catégories de viande les plus consommées ou les plus connues
montre quelques faits que l’on ne puisse récuser :
- Il est apparent que tous les dictionnaires ne catégorisent pas de la même façon
les mammifères et les oiseaux ; parmi ces derniers, l’accès au statut d’acception n’est
accordé qu’à la signification viande associée à un seul oiseau et par un seul
dictionnaire (TLF) ;
- Tous les dictionnaires accordent, à un niveau ou un autre, une importance à
l’usage que font les humains des animaux (particulièrement les mammifères). La
représentation de cet usage varie, parfois, d’un dictionnaire à un autre. Pour chevreau,
par exemple, les significations fondées sur un mécanisme métonymique se limitent à
« peau » dans Le Petit Robert, Lexis et Hachette ; dans le TLF, elles incluent celle de
« viande » ;
- Ces représentations varient également selon la fréquence de l’usage et selon
son aspect permanent (mouton, veau) ou contingent (cheval, oie) ;
- La différence de traitement entre mammifère et oiseau et d’une manière moins
régulière entre les occurrences de la classe des mammifères (très claire dans le Petit

132
Sous l’entrée poule, il y a une acception qui comporte un mélange composite de nuances où ne figure pas la
signification « chair comestible »:
« 2.Chair de poule v. CHAIR 1. ║Fam. Être comme une poule qui n’a qu’un poussin…
1.Chair 2….chair de poule, peau devenue granuleuse sous l’effet du froid..

436
Robert où le trait /+boucherie/ trace la limite entre acception et nuance de sens) semble
être influencée par la distinction entre « viande » au sens courant impliquant l’élevage
et l’abattage et « chair » tout simplement comestible :
-Viande : « B. 1. [P. oppos. aux végétaux comestibles et aux animaux aquatiques,
en partic. les poissons]
b) Mod., lang. cour., BOUCH. Chair des animaux de boucherie, à l'exclusion de la
volaille, des abats ainsi que des préparations de conserve (charcuterie, confits, etc.) »
(TLF)
-Chair : « Rem. 1. Selon BESCH. 1845, Lar. 19e, LITTRÉ et BAILLY (R.) 1946, la chair se
différencie de la viande en ce qu'elle n'a subi aucune préparation. Mais dans l'usage
cour., les mots chair et viande semblent employés indifféremment l'un pour l'autre.
Chair paraît pourtant s'employer de préférence à viande quand il s'agit de mets plus
fins (volailles notamment) » (ibidem.)
- Les critères de catégorisation ne s’appuient pas sur des propriétés ou des
relations de portée universelle mais sur des représentations plus ou moins saillantes à
un niveau stéréotypique mais non universellement typique.
En définitif, l’idée de la polysémie systématique attribue la structuration de la
langue à un principe fonctionnel abstrait et non à des principes cognitifs et culturels,
plus ou moins fondés dans le vécu et capitalisés en langue par le biais de la
conventionnalité. Si un affamé dans le désert se trouve obligé de se nourrir de la chair
de serpent (qui n’est ni mammifère, ni oiseau) ou d’hyène, cela suffit-il pour étendre le
principe de la relation métonymique à tous ces animaux et conclure que chaque
dénomination animale sert à désigner sa chair comme nourriture ? Nous savons bien
que, dans chaque culture, il y a des animaux qui ne font pas partie de la nourriture des
hommes pour une raison ou une autre. Dans ce cas, à quoi pourrait servir une
dénomination fictive hors d’usage ?
La représentation stéréotypique, dans sa variation sociolectale relative, constitue un
facteur qui empêche l’étiquetage systématique dans l’attribution des dénominations.

437
1.3. Le rôle des catégories syntaxiques et des mécanismes sémantiques dans la
variation du traitement du sens à l’intérieur des articles lexicographiques 133
La description du traitement de la donnée stéréotypique à l’intérieur de l’article
lexicographique a pour objectif d’identifier le lien que cette donnée entretient avec
l’acception initiale souvent de nature concrète. Dans cette optique, nous acceptons
pleinement le point de vue de Josette Rey-Debove qui affirme qu’« il faut partir…du
principe d’un état de langue originel, pur, à l’intérieur duquel le mot existe en tant que
noyau sémique ». Théoriquement, l’extension porteuse de la représentation
stéréotypique, quand elle est enregistrée, peut être appréhendée comme un sens, une
acception ou une nuance d’emploi. Dans les faits, la tâche s’avère plus complexe
puisque, à un certain niveau de généralité, le regroupement peut se faire selon un
critère non sémantique (la catégorie grammaticale ; « Haut1, haute, I. Emploi adj. »
(TLF)) ou, comme c’est le cas souvent dans le TLF et parfois dans Le Petit Robert,
selon un mécanisme ou un critère sémantique général sous lequel sont rangées des
significations disparates :
« Haut1, haute
E. Domaine abstrait
G. Loc. adv. et prép. » (TLF)
« Haut, haute
C (Abstrait; av. le nom) » (Le Petit Robert).
En contrepartie, on assiste dans les autres dictionnaires à une présentation plus
simplifiée se réduisant, le plus souvent, à une hiérarchie binaire qui opte soit pour la
polarisation d’une acception figurant suite à un numéro, soit pour le rattachement de
l’emploi au sens « concret » au moyen d’un tiret :
« Vue 6. Fig. Manière de voir, d'interpréter, de concevoir quelque chose. Avoir une
vue optimiste de la situation. Procéder à un échange de vues.
– Vue de l'esprit : Conception théorique qui ne tient pas compte de la réalité, des
faits ». (Le Petit Larousse).

133
Étant pour l’essentiel homonymique, le traitement de Lexis ne sera pas pris en considération dans ce
paragraphe.

438
De ce fait, pour homogénéiser la description, nous nous sommes limité à la partition la
plus commune et la plus facile à délimiter entre acception et nuance de sens. Toutefois,
l’extension, foyer de stéréotypie, n’est pas seulement descriptible à travers son lien
avec l’acception concrète et la place qu’elle occupe à l’intérieur de l’article mais
également à travers la représentation qu’on pourrait avoir de son usage. Les marqueurs
définitionnels contribuent à la structuration de l’information en l’ancrant dans un
registre donné ou dans un type de discours particulier.
Par ailleurs, pour des raisons que nous développerons ci-dessous, cette
description n’est pas réductible au cas par cas et nécessite une approche thématique
qui met en valeur les tendances générales dans le traitement de cas identiques. C’est ce
que nous tenterons de montrer respectivement à travers des échantillons de corpus
relatifs à différents types de projection entre des domaines différents : de l’animal vers
l’humain, des sensations aux sentiments, de l’espace aux caractères humains et de la
vision à l’intellect.
La différence entre la polarisation des significations en acception et leur
rattachement au sens concret serait en principe régi en fonction de la nature des traits
distinctifs et essentiellement en fonction de l’hyperonyme projetant chacun des
contenus sémantiques dans un domaine donné. Pour bouc, par exemple, le trait
« puanteur » n’a pas le même statut suivant qu’il est rattaché à l’animal ou à l’humain.
Dans le premier cas, il serait latent et pourrait être considéré, dans un certain discours,
comme une nuance d’emploi (Puanteur de bouc : Le Petit Robert) et, dans le second
cas, il serait le noyau sémantique d’une acception :
« 2. P. anal. ou métaph., Usuel, péj
a) Homme qui sent mauvais. Bouc puant.
b) Homme d'une lubricité anormale » (TLF).
Cependant, tel n’est toujours pas le cas dans les dictionnaires (Annexe II.14).
Le trait « humain » ne donne pas toujours lieu à des acceptions distinctes.. Par
exemple, la signification « vermisseau = chétif, misérable » est enregistrée dans Le
Trésor de la Langue Française 134 comme une acception ou plutôt comme un sens :

134
Le même traitement lui est réservé respectivement dans Lexis et Hachette :
2. Être chétif, misérable

439
« B. P. anal., péj. [À propos d'une pers.] Être faible, misérable, insignifiant ».
Le Petit Robert la traite comme une nuance de sens exprimée au moyen d’un
commentaire explicatif (Par métaph. (Par allus. à la faiblesse de l'homme)) et d’un
exemple (« Un si chétif vermisseau » , Pascal).
Par contre, une signification comme « furet/personne fouineuse » est considérée par le
TLF et Le Petit Robert comme une nuance de sens, là où Le Petit Larousse y voit une
acception :
« _Personne rusée qui s'introduit quelque part et y fouille partout » (TLF)
« 2. Personne curieuse, fouineuse » (Petit Larousse).
Puisque le mécanisme générateur de ce type de projection est le même ( chaque fois
une certaine représentation de l’animal est projetée dans le domaine humain pour
qualifier positivement ou négativement un trait de caractère), rien ne justifie, surtout
au niveau du contenu sémantique de chaque signification particulière, l’irrégularité du
traitement réservé à ce type d’extension. Par conséquent, l’intérêt de décrire la
génération du sens du point de vue du cas isolé, diminue considérablement
d’importance.
Cependant, cette absence de régularité n’empêche pas de dégager des tendances
plus ou moins divergentes quant à l’explicitation de la nature du mécanisme
sémantique régissant cette projection et à la nature du lien entre le sens initial et
l’extension.
Le TLF a la particularité de mentionner et de paraphraser le plus souvent le lien
sémantique (dérivation sémantique résultant de relations associatives : Par extension,
analogie, comparaison, etc. ; dérivation sémantique par changement de niveau
d’abstraction : abstrait, concret, figuré, etc., J.& C. Dubois, 1971, 101) permettant le
passage de l’acception source à l’acception cible (Cf. annexe II.14 et II.14 a) :
- Hyène
_P. compar. (ou p. métaph.). [Symbole de la laideur, de la lâcheté, de la cruauté

2. Fig. individu misérable et chétif

440
-Bovin, ne
2. P. ext…. [En parlant d'une pers. ou d'un attribut d'une pers.] Qui rappelle le
bœuf, par son aspect extérieur, ses particularités, son comportement
-Oie
D. P. compar. et au fig.
1. [P. réf. à la réputation de bêtise de l'oie]
L’explicitation d’un tel lien n’a vraisemblablement pas d’incidence directe sur la
hiérarchisation de la signification. Dans les exemples précédents, il s’agit
respectivement d’une nuance de sens rattachée au sens concret, d’une acception
suivant immédiatement ce même sens et d’une acception figurant parmi d’autres avec
lesquelles elle partage le même mécanisme sémantique. Cependant, l’échantillon du
corpus étudié montre une tendance du TLF à privilégier l’enregistrement de ces
significations sous des acceptions (vipère, vermisseau, etc.) ou des nuances de sens
rattachées à la définition de l’animal (hyène, hérisson, etc., Cf. annexe II.15).
Les autres dictionnaires, moins explicites quant à la nature précise du
mécanisme sémantique sous-jacent à ces extensions, se contentent souvent de les
présenter après la mention « Fig. » (Cf. annexe II.14). Le Petit Robert, à quelques
exceptions près (par exemple, absence de significations figurées relatives à hyène et
bardot, Cf. annexe II.15), a la même tendance que Le TLF. Quant au Petit Larousse et
Hachette, ils optent généralement pour les acceptions avec un taux d’absence
relativement important qui s’explique vraisemblablement par une contrainte de
volume.
Pour les cas de métaphores conceptuelles, Le Trésor de la Langue Française
réserve dans l’ensemble deux types de traitement. Le premier consiste à traiter les
extensions sous des acceptions figurant après des sous-divisions du même rang que
celles où sont traitées les significations relatives à la dimension concrète de la
dénomination (Cf. annexe II.15) :

441
« Obscurcir
B. Au fig.
1. [Le compl. désigne gén. un événement, une situation, une manifestation de
l'esprit] Rendre difficile à comprendre. Synon. embrouiller
hauteur, subst. fém.
II. Au fig. Caractère des personnes et des choses.
A. Caractère élevé.
1. [Dans qq. expr.] Grandeur, supériorité dans l'ordre intellectuel ou moral.
- Enflammé
C.2. Rempli d'ardeur, d'enthousiasme; très vif, intense. »
Dans le second type de traitement, nous trouvons la même configuration hiérarchique
sauf que les acceptions sont affinées en des nuances de sens introduites généralement
après des lettres alphabétiques minuscules ou des tirets :
« Voir
2e Section. Domaine de la pensée. Percevoir par l'esprit, se représenter en esprit.
I. Voir + compl.
B. Porter son attention sur quelque chose.
1. a) Examiner, étudier »
« Descendre
B. [Implique une idée de mouvement le long d'une pente] Aller d'un point à un
autre.
1. [Le suj. désigne une pers.]
c) [P. réf. à une hiérarchie]
[La hiérarchie concerne la race humaine ou un groupe humain, les animaux ou les
plantes] Être issu de.
[La hiérarchie concerne les fonctions sociales, des qualités ou des valeurs
morales ou littér.] Passer à un rang inférieur. »
« Chaleur
B.2.a) Ardeur, passion intérieure d'une pers..pour une pers. ou une chose ».
Dans le Petit Larousse, une bonne part des extensions est traitée en acceptions mais,
pour le reste, il se distingue d’une part, par le taux d’absence plus ou moins important
des significations figurées relatives aux projections de source spatiale et, d’autre part,

442
par le recours à un sens unique susceptible d’être interpréter d’une manière concrète
ou figurée (Cf. annexe II.15) :
-« Approfondissement : Action d'approfondir ; fait de s'approfondir »
-« Obscurcir : Rendre obscur. ».
Ce choix, rappelant les formes schématiques, laisse dans l’ombre les liens sémantiques
qui structurent la pluralité de significations associées à un item et favorise plutôt une
interprétation au premier degré qui ne donne pas à la projection stéréotypique toute
son ampleur.
Le Petit Robert, avec peu de paraphrase et avec moins de sous-divisions, opte pour une
classification plus ou moins du même type surtout dans le traitement des unités
comme (Cf. annexe II.16):
« Allumer : I. (Feu)
2. Exciter, éveiller de façon soudaine (une passion). »
« Froid, e : II.B.1. Fig. Qui ne s'anime ou ne s'émeut pas facilement.
_Par tempérament, Spécialt Dépourvu de sensualité
_Par maîtrise de soi. 2. calme, impassible, imperturbable »
Pour le reste des exemples relevés, la tendance dominante favorise le traitement des
extensions en acceptions (Cf. annexe II.15):
« Rond, ronde
4- Fig. (Personnes) Qui agit avec franchise, simplicité, sans détour. Un homme très
rond »
« Monter
3- Fig. Progresser dans l'échelle sociale, s'élever dans l'ordre moral, intellectuel »
« Regarder
4 Envisager de telle ou telle façon. Regarder le danger, le péril en face, l'affronter
fermement. ».
Enfin, Hachette a plus ou moins la même tendance à opter pour les acceptions avec un
taux d’absence remarquable dans l’échantillon relatif à la représentation figurée de
l’espace (Cf. annexes II.14 et II.15).
Ces variations de l’organisation de la microstructure sont doublées d’un autre type
de variation relatif aux représentations stéréotypiques en général. C’est ce que nous
nous proposons décrire à travers des éléments de corpus plus ou moins hétérogènes du

443
point de vue de leur apparition sur l’axe diachronique et des domaines dont ils relèvent
mais qui ont en commun le fait de porter un regard sur l’autre ethnique, politique,
professionnel, religieux ou social.

2. La variation du contenu sémantique d’un dictionnaire à un autre


Théoriquement, le travail du lexicographe est censé rendre compte d’une norme
linguistique présupposée ou des écarts par rapport à cette norme. Dans les faits, cette
exigence d’objectivité se trouve négociée et renégociée, selon les contours flous du
sens commun, selon la subjectivité du lexicographe et selon les considérations de
l’époque (environnement politique et social, valeurs dominantes ou officielles,
destination du dictionnaire en tant que produit, etc.) qui influent la politique du
dictionnaire.
La différence de traitement d’un dictionnaire à l’autre pourrait être un indice de
ces traces de fluctuation qui sont perceptibles d’une manière inégale selon la charge
idéologique de chaque contenu à traiter. C’est pourquoi nous nous proposons
d’interroger des variations relatives à des thèmes fortement stéréotypés tels que les
ethnies, l’appartenance à une classe ou à un groupe social, l’appartenance à une aire
géographique, les professions et les idées politiques ou religieuses. Ces variations
concernent le contenu proprement sémantique, le mode de présentation de
l’information ainsi que sa présence ou son absence.
Sur le plan du contenu, la polysémie découle parfois de la polyphonie des
représentations ayant pour objet le même fait. La signification que nous attribuons à un
mot tel que communiste peut varier selon notre attitude de son idéologie et selon
l’emploi contextuel que nous en faisons. De ce fait, à ce même mot plusieurs emplois
sont disponibles à l’échelle de la communauté linguistique tout entière. Ces emplois
seraient la source de l’extension polysémique du mot si ce n’est que la norme n’est pas
en fait la somme de ces emplois réels ou possibles. Celle-ci est plutôt proche d’une
synthèse quand elle n’est pas l’expression d’un emploi plus ou moins dominant. Les
dictionnaires sont censés rendre compte de cet aspect normatif et leur revient d’en
juger la pertinence. Dans la pratique, les écarts constatés dans les différents traitements

444
montrent que les limites de cette norme sont souvent difficiles à tracer. Dans
l’échantillon étudié, nous avons relevé plusieurs types de variation :
-A certains mots sont associées deux représentations antagonistes qui
conviennent à des emplois contextuels différents. Certains dictionnaires n’enregistrent
q’une seule. Tel est le cas dans cartésien pour lequel seul le TLF et Lexis mentionnent
deux emplois, l’un péjoratif 135 , l’autre mélioratif (Cf. annexe II.18):
« _ Péj. Un esprit cartésien. Un esprit sec, trop systématique, par opposition à un
esprit intuitif ». (TLF) ;
« 2. Esprit, raisonnement cartésien caractérisé par sa rigueur, son habitude des
démarches méthodiques, des déductions logiques [ce mot s’emploie parfois
péjorativement pour opposer la sécheresse de l’intelligence à la sensibilité artistique,

à la ferveur mystique etc.] » (Lexis).

Les autres dictionnaires se contentent de l’emploi mélioratif :


3- Par ext. Esprit cartésien, qui présente les qualités intellectuelles considérées
comme caractéristiques de Descartes. - clair, 2. logique, méthodique, rationnel,
solide. (Petit Robert)
1. Méthodique et rationnel. Esprit cartésien (Petit Larousse)
2. Qui est rigoureux, méthodique, rationnel (Hachette).
Un cas semblable figure sous l’une des acceptions de chinois signifiant dans le TLF
« qui est étranger, peu intéressant, original, compliqué, rusé » et « Individu à
l'allure bizarre dont on se méfie. Personne qui subtilise, ergote à l'excès », dans le
Petit Robert.
- A une acception stéréotypique péjorative, certains dictionnaires préfèrent
une définition neutre ou généralisante. Pour moraliste par exemple, le Petit Robert et
le Petit Larousse inscrivent la définition dans le cadre original de l’emploi du mot :
celui de la littérature d’idées et des essais :
1- Rare Auteur qui écrit, qui traite de la morale. Les grands moralistes grecs.
2- (répandu XIXe) Auteur de réflexions sur les mœurs, sur la nature et la condition
humaines. Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, Vauvenargues,
célèbres moralistes français.

135
Cette valeur est exprimée pour cartésianisme dans le TLF et Lexis.

445
3- Personne qui, par ses œuvres, son exemple, donne des leçons, des préceptes de
morale. - moralisateur. Un moraliste austère. — Adj. Elle a toujours été moraliste.
-Empreint de moralisme. Attitude moraliste. (Petit Robert)
- Auteur qui écrit sur les mœurs, la nature humaine.( Le Petit Larousse).
Le TLF et Lexis mentionnent en plus des emplois péjoratifs du mot avec une différence
nette au niveau du marquage (Souvent péj/ quelquefois péjor.) :
3. Souvent péj.
a) Personne qui se plaît ou se complaît à moraliser. Il flotte autour d'elle le louche
parfum qu'on respire dans certaines maisons. Je ne veux pas faire le moraliste.
b) Celui (celle) qui est attaché(e) au formalisme de la morale ou qui se veut le
défenseur de la morale (TLF) ;
♦ Moraliste : 3. [quelquefois péjor.] Personne qui fait, qui aime la morale, Me préserve
le ciel de m’ériger en moraliste (Lexis).
Cette gradation de l’emploi plus ou moins neutre à la fréquence controversée de la
nuance péjorative semble s’inscrire, pour chaque dictionnaire, dans le cadre d’une
politique propre. Dans l’ensemble, nous avons constaté que Le TLF a une tendance
plus affichée à enregistrer les extensions du premier type. En revanche, c’est Le Petit
Larousse qui use le plus des formulations du second type (Cf., par exemple, les noms
d’ethnies) ;
- la signification stéréotypique peut se déployer soit par extension soit par
restriction de l’emploi comme dans le cas d’académique dont le TLF mentionne les
deux emplois en envisageant trois acceptions chacune relative à un domaine et dont
l’une n’est rendue que par l’exemple :
B. Péj. Qui manque d'originalité, de force; conventionnel.
1. Dans le domaine de la litt. et du lang.
2. Dans le domaine des B.-A
3. Plus gén. :
- 17. Il semblait que les choses elles-mêmes lui fussent devenues étrangères, jusqu'à
cet ameublement prétentieux et désuet, d'une richesse sans fantaisie, d'une sévérité
sans noblesse, académique et bourgeois, de professeur millionnaire.
G. BERNANOS, La Joie, 1929, p. 563.

446
Le Petit Robert (par le biais des exemples) et Lexis restreignent la signification aux
domaines de la production littéraire ou artistique :
3- (1839) Qui suit étroitement les règles conventionnelles, avec froideur ou
prétention. - compassé, conventionnel. Un poète académique. « On s'était fait une
langue de convention, un style académique » (Taine). — (En art) Peinture
académique. – académisme (PR) ;
■. Académique : 2. péj. Dont le conformisme à la tradition littéraire et artistique
suppliée au manque d’imagination et d’originalité (Lexis).
Le Petit Larousse et Hachette se contentent chacun d’un seul emploi, général pour l’un
et dans le domaine artistique pour l’autre :
2. Péjor. Conventionnel, sans originalité (PL) ;
Académique : 2. conventionnel et compassé (en parlant d’une oeuvre d’art). »
(Hachette).
Dans les trois cas, il s’agit de mot relevant du discours d’intellectuels et où le rejet
idéologique d’une acception n’est pas exclu.
Pour des mots du sens commun où la péjoration peut être plus évidente, on
assiste parfois à des effets d’atténuation ou d’adhésion qui rendent compte
implicitement ou explicitement d’un certain regard du lexicographe sur le contenu
qu’il traite.
Ces effets sont surtout présents dans certaines gloses définitionnelles du TLF
qui tout en n’étant pas, en elles-mêmes, stéréotypiques servent de cadre validant sans
choquer le contenu rendu par le marqueur et l’exemple. Des formulations comme
« Caractère particulier rappelant un des traits dominants des Asiatiques » figurant
avant des contenus qualifiés de « péjoratifs » rattachés à asiatisme ou encore du genre
« qui est relatif », « qui est propre » encadrant de tels contenus sous les entrées
asiatique et sémitique attribuent une nuance de vérité sur les représentations en
question.
La modalisation explicite, à proprement parler, apparaît dans la paraphrase
définitionnelle. Plusieurs types de formulation servent à cette fin (Annexe II.20).
Le lexicographe opte pour une objectivité « mathématique » qui ne favorise ni le faux,
ni le vrai mais qui enregistre pour le moins la possibilité de l’écart par rapport aux

447
propriétés réelles du référent. Le TLF emploie ce type de paraphrases pour chinois et
provincial :

448
Chinois, se
B. P. anal., avec une nuance péj. (Personne) qui présente des ressemblances avec les
Chinois, leur physique et surtout leur caractère réel ou présumé; qui est étranger, peu
intéressant, original, compliqué, rusé. Provincial, -ale, -aux, adj. et subst ;
- Provincial
- b) Souvent péj. Qui a les caractéristiques ou certaines caractéristiques
(simplicité, rusticité, manque de finesse, etc.) appartenant ou supposées
appartenir aux habitants de la province.
Un autre procédé consiste à attribuer le contenu à une instance indéfinie (on)
moyennant une modalisation par une forme nominale (reproche) ou verbale ( qu’on
prête, prêté, qu’on attribue, que l’on croyait…) marquant une certaine distance que
prend le lexicographe vis-à-vis de la paraphrase définitoire de l’emploi
(provincialisme, Lexis et Hachette ; Cf. annexe II.20), du sens initial duquel il dérive
(bohémien, Lexis et Hachette) ou de la signification afférente à l’antonyme par rapport
à laquelle le contenu stéréotypique est institué (provincial, Petit Larousse ; banlieue,
TLF) :
♦ Provincialisme 2. péj. Gaucherie que l’on prête à la province, par opposition à
Paris (Lexis) ;
Provincialisme : 1. Caractère maladroit, emprunté que l’on attribue parfois aux
provinciaux » (Hachette) ;
Bohémien : 1.Nomade que l’on croyait originaire de la Bohême, disant de bonnes
aventures ou mendiant (Lexis) ;
Bohémien, ne : 1. Membre de tribus vagabondes qu’on croyait originaires de la
3. Péjor. Qui n'a pas l'aisance que l'on prête aux habitants de la capitale (Petit
Larousse) ;
Banlieue C. Emploi adj., fam., péj. Dépourvu de la distinction, du bon goût prêté
à ce qui vient de la ville. » (TLF).
Enfin, certains commentaires expriment un rejet plus ou moins explicite du
contenu stéréotypique soit par sa banalisation, soit par le rappel des conditions de son
émergence. La paraphrase que réserve Lexis à bourgeoisisme illustre le premier cas :
«Péjor. Accentuation presque caricaturale de tous les caractères de la
bourgeoisie».

449
Le commentaire du lexicographe met l’accent sur le caractère excessif et exagéré de
l’emploi ce qui équivaut presque à sa condamnation.
Le second cas est visible dans les paraphrases accompagnant hébraïsant et juif
respectivement dans Lexis et Le TLF :
« _♦ Hébraïsant,e : 2.Hist. Juif converti qui, au début du christianisme, restait
attaché à la lettre des prescriptions mosaïques

_ Juif, juive B. (Celui, celle) qui appartient aux descendants du peuple ci-dessus,
qui se réclame de la tradition d'Abraham et de Moïse.
2. Péj. [À cause des métiers d'argent interdits aux chrétiens et réservés aux juifs
au Moy. Âge] Synon. de avare, usurier.
Dans les deux cas, la référence aux faits historiques joue comme un argument
d’autorité qui restaure en quelque sorte le contenu dénotatif sur lequel se sont greffées
les représentations stéréotypiques.
Qu’elle soit implicite ou explicite, la modalisation du discours lexicographique
est le produit d’un ensemble de facteurs où se mêlent le point de vue propre de l’auteur
de l’article, sa manière de se présenter les faits de la langue, la politique générale du
dictionnaire et les tendances de la culture dominante. Cependant, elle ne constitue pas
le seul moyen dont dispose le lexicographe pour exprimer sa vision propre concernant
des significations linguistiques pour le moins contraignantes. L’absence pure et simple
de toute mention de l’emploi stéréotypique pourrait être un indice de la censure
volontaire ou imposée par des considérations d’ordre éditoriale ou autre. Les
implications idéologiques des significations mentionnées ou exclues donneraient une
idée relative des fondements de tels choix.
Pour tous les échantillons étudiés, Le TLF, conçu à partir d’un vaste corpus
littéraire, est le seul dictionnaire qui enregistre d’une manière ou d’une autre des
significations stéréotypiques pour la totalité des mots dont la plupart sont étiquetés
comme péjoratifs au moins dans un emploi. L’abondance d’un tel marquage associé à
certaines représentations des tendances politiques, des ethnies, etc., là où les autres
dictionnaires optent pour des paraphrases plus ou moins neutres, est d’abord le produit
d’un choix qui définit les mots d’après leurs emplois dans le discours. Cependant,

450
deux faits montreraient vraisemblablement que la vision idéologique n’est pas loin
d’un tel choix :
- Si l’on se limite à des mots tels que communiste, marxiste ou tout autre terme
relatif à ce courant philosophique et politique, il est difficile d’imaginer qu’ils ne
figurent dans le discours que sous une coloration neutre ou péjorative. Autrement dit,
il ne suffit pas pour un emploi donné qu’il soit attesté dans un corpus littéraire pour
être mentionné dans le dictionnaire ;
- Par conséquent, le lexicographe se devrait de distinguer deux types d’emplois
qui, sur le plan sémantique, n’ont pas la même pertinence. Le premier type est relatif
aux emplois dotés d’une certaine conventionnalité et qui ne comptent donc que sur
leurs potentiels sémantiques pour exprimer les significations qui leur sont inhérentes.
Dans les exemples suivants du TLF, les significations des mots jésuite, moraliste et
académisme, étiquetées par le marqueur « péjoratif », ne comptent que sur le potentiel
évocateur du mot concerné :
-Être un vrai jésuite; être plus jésuite que les jésuites; avoir un air jésuite
-Il flotte autour d'elle le louche parfum qu'on respire dans certaines maisons. Je ne
veux pas faire le moraliste
- Géricault est l'héritier de l'académisme de David et, par delà le romantisme, il
annonce le réalisme de Courbet.
L. RÉAU, L'Art romantique, 1930, p. 29.
Le second type concerne les emplois idéolectaux où les charges afférentes au mot sont
construites dans le discours et plus précisément à partir des significations des éléments
lexicaux présents dans le co-texte. Tel est le cas dans les emplois suivants,
respectivement de bolchévick, communiste et marxiste marqués comme péjoratifs dans
le même dictionnaire :
-3. CÉSAR, il rugit. -Il a bien fait! C'est ça, vous approuvez le révolté, vous félicitez
l'ingrat! Encore un bolchevick, qui veut détruire la famille! Et il faut entendre dire ça dans
mon bar! C'est inouï! PAGNOL, Fanny, 1932, I, 9, p. 39.
-L'avènement d'un régime totalitaire, dictatorial ou communiste, aurait pour
résultat l'annihilation légale de toute formation politique indépendante (MARITAIN,
Humanisme intégral, 1936, p. 293).

451
-Cette mode lancée (...) par les prétendus «nouveaux philosophes» s'est déployée
sur tous les médias en variations sur le thème: marxisme = goulag (Révolution, 23-29 oct.
1981, no 86, p.58, col. 1).
Selon les thèmes, les autres dictionnaires retiennent un nombre plus ou moins
réduit d’extensions à partir de l’acception initiale.
Pour les noms de métiers et l’appartenance à une aire géographique, les
significations mentionnées par ces ouvrages sont respectivement (à part marchand
dans Hachette et docteur dans Le Petit Larousse), mercanti/mercantile, paysan et
provincial, provincialisme (Cf. annexes II.21 et II.22). Certains de ces mots renvoient
initialement à une réalité socio-économique révolue (mercanti/mercantile) ou ont une
saillance culturelle nettement apparente (paysan, provincial, provincialisme) pour être
ignorées.
Les significations rattachées aux noms ethniques sont inégalement mentionnées
dans les quatre autres dictionnaires (Cf. annexe II.23). Le Petit Larousse exclut de son
traitement toutes les représentations relatives aux communautés actuelles. Les seules
extensions de ce type, enregistrées, concernent les Bohémiens (bohême, bohémien),
peuple ou groupe social existant à des époques révolues et chleuh, mot d’une charge
péjorative liée à la deuxième guerre mondiale. Hachette mentionne, en plus, chinois et
chinoiserie auxquels les marques associées (« figuré » et « familier ») confèrent une
atténuation diminuant l’effet de péjoration. Cette absence est le résultat d’un choix
pour un dictionnaire qui s’est imposé d’enregistrer les « créations du français vivant
[…] sans concession toutefois pour les vulgarismes ou pour les mots pouvant choquer
par leur caractère discriminatoire à l’égard du sexe, de l’origine ethnique ou des
convictions philosophiques ou religieuses » (Préface du Petit Larousse, 1993). Quant à
Lexis, il ajoute surtout juif, juiverie et sémite qui se trouvent modalisés par le trait
« vieux » ou relativisé par l’adverbe « parfois » (sémite). Le Petit Robert, lui, traite un
nombre d’extensions plus important mais dont la plupart ne sont pas explicitement
péjoratives (balkanisation, américaniser, américanisme, etc.
Les stéréotypes associés à une classe ou à un rang social ne sont pas aussi
fréquents dans ces dictionnaires par comparaison à ceux enregistrés dans Le TLF
(Annexe II.24a). Dans l’ensemble, les représentations péjoratives se limitent à

452
quelques emplois qui n’impliquent pas la classe dans son ensemble mais qui donnent
néanmoins une certaine représentation des traits de caractères considérés comme
typiques chez ses membres (Cf. le traitement de bourgeois, bureaucrate, capitaliste,
clergé et technocrate, annexe II.24 b).
D’autres stéréotypes ont exclusivement une valeur méliorative 136
(aristocratique, élite) ou font l’objet d’un traitement controversé selon les
dictionnaires (aristocrate, Cf. annexe II.24 c).
Pour les significations à charge idéologique, politique ou religieuse, en plus du
TLF, seuls Hachette et Lexis associent une marque de péjoration à un ensemble
d’emplois relatifs à un courant idéologique et politique, toujours actuel (Cf. annexe
II.25):
Hachette
Bolchévick péj. Communiste
Bolchévisme : 2. péj. Communisme
Communard 2. Mod. Et péjor. communiste
Lexis
Bolchévique, bolchéviste : …devenu ensuite synonyme de COMMUNISTE
(souvent péjoratif) jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale
♦ bolchévisme, syn/ vieilli ou péj. de COMMUNSISME
♦ bolchéviser : syn. Péj. de COMMUNISER (remplacé avec cette valeur par
SOVIETISER)
bolchéviser
Syn.péjor. de communiser
♦ Communard, e 2. Péjor. et pop. communiste
♦ Communiste
♦ Coco Adj. et n. abréviation pop. et péjor. de COMMUNISTE ».
Les autres emplois enregistrés par les quatre dictionnaires n’impliquent pas des
tendances ou des institutions actuelles. Dans l’ensemble, ils concernent :
- un fait historique ou une tendance révolue (jésuite, jésuitisme…) ;
- un emploi à charge méliorative ou neutre (cartésien, pacifiste) ;

136
À l’exception du TLF qui mentionnent pour tous ces mots deux emplois, l’un mélioratif et l’autre péjoratif.

453
- un mot qui n’a pas d’autres significations que celle stéréotypée
(humanitarisme) ;
- une restriction à un domaine qui n’implique pas directement le référent source
(académique : domaine littéraire ou artistique) ;
- des attitudes personnelles et sans dimension communautaire (idéaliste,
moraliser, moralisateur, moralisme) ;
- des significations d’ordre général (politicien, commun, conventionnel) ;
- enfin, des significations déstéréotypées (Cf. bourgeoisisme dans Lexis).
A comparer avec l’exhaustivité des extensions figurant dans le TLF, les emplois
absents dans les autres ouvrages révèleraient une censure plus ou moins apparente qui
exclut les représentations controversées ou discriminatoires (croyances religieuses :
clérical, église… ; ethnies et peuples : américaniser, arabe, etc.). Ainsi, le travail du
lexicographe, qui est censé rendre compte d’une norme linguistique et des écarts par
rapport à cette norme, devient en quelque sorte l’écho de la polyphonie qui caractérise
l’usage des mots et leur représentation dans des sociolectes différents. De ce fait, la
variation qui en résulte va de l’enregistrement, parfois excessif, de toute résonance
particulière dans le discours à la censure.
Généralement, les significations sont rendues à travers des paraphrases
synonymiques accompagnées des marqueurs définitionnels exprimant les conditions
de leurs mises en discours et des exemples illustrant leurs emplois. Ces derniers
peuvent être le foyer d’une représentation stéréotypique rattachée à un mot mais
figurant sous une autre entrée. Ainsi par exemple, l’arabe est-il respectivement un
trafiquant et un corsaire sous les entrées trafiquant et corsaire du Petit Robert et du
TLF (Cf. annexe II.26).
Ceci nous mène à interroger, les modes de distribution de l’information à travers
d’autres composants aussi variés de l’article lexicographique comme les marqueurs,
les exemples, les synonymes et les antonymes qui seraient les indices d’un point de
vue ou d’une évaluation émanant de l’élaborateur.

454
3- Variation de la distribution de l’information à l’intérieur de l’article
lexicographique
La centralité de la définition en tant qu’acte locutoire naturel dans toutes les
langues ne doit pas cacher le fait qu’elle figure à l’intérieur de l’article
lexicographique à côté d’autres composants qui ne sont pas moins porteurs de sens.

3-1- La variation des marqueurs définitionnelles


Ces marqueurs se présentent comme un écart ou une déviation par rapport à
une norme implicite (Cf. Josette Rey-Debove, 1971, 92). Lequel écart ne fat pas
toujours objet d’un accord entre les lexicographes quant à sa nature ou à son niveau
d’ancrage. Josette Rey-Debove écrit, dans ce sens, qu’« à partir de la norme préétablie,
le lexicographe joue sur des stéréotypes qui peuvent d’ailleurs quelquefois être
contestés quant à leur valeur subjective ». En fait, Ces marques sont l’indice d’une
double stéréotypie : à côté de la subjectivité qui peut motiver leur association à une
signification donnée, il y a les valeurs sociales qu’elles véhiculent et qui peuvent
s’inscrire dans le cadre plus ou moins objectif de la pratique langagière. Autrement dit,
elles témoignent d’une variation de la représentation stéréotypique dans l’espace, le
milieu ou le temps.
Quant à la variation liée au point de vue subjectif du lexicographe, elle peut
aller d’une simple expression du degré, à une différence des classifications, à un
marquage plus ou moins antinomique :

455
Type de mot PR PL Lexis Hachette
TLF
variation
Degré Chleuh Fam. Péjor. Fam. Péjor. Injure,
péjor.
Juif Péjor.
Diffamatoire

Focalisation Chinois Par anal. nuance Fam.vieilli Fam. Fam.


différente péjor.
Chinoiserie nuance péjor. Cour. Fam. Fam. Fig.
Capitaliste Génér.péjor.usuel Fam. Fam. Péjor.(disc. Fam.
Péjor. extrême
gauche)
Asiatique Péjor. Litt.
Opposition Arbi Cour.péjor. Vx.pop.péjor.

Au-delà de l’expression de l’importance de l’écart qui sépare l’acception initiale du


mot de son emploi stéréotypé, la variation du degré de péjoration marquerait plus ou
moins la force de la condamnation d’une attitude ou d’un préjugé discriminatoires.
« Injure » (chleuh, Petit Larousse) et « diffamatoire » (juif, Le Petit Robert) portent un
jugement de valeur plus affiché que celui exprimé par le trait « péjoratif ».
Concernant la différence des niveaux classificatoires, elle participe, parfois,
implicitement, à l’atténuation de la charge stéréotypique par son intégration dans des
oppositions qui ne s’éloignent pas de la norme linguistique présupposée. Les traits
« figuré » et « littéraire » normalisent en quelque sorte l’emploi, l’un en le considérant
tout simplement comme un effet des mécanismes de la structuration du sens (Cf.
chinoiserie, Hachette) et l’autre, en le dotant d’une nuance d’autorité (asiatique,
Lexis). « Familier », tout en marquant la dimension conversationnelle de l’emploi
discursif, réhabilite celui-ci dans le langage standard (chinois, Lexis et Hachette ;
chinoiserie, Petit Larousse et Lexis ; capitaliste, Petit Robert et Hachette) . En outre,
« vieilli » et « courant » produisent deux effets opposés : le premier, quand il n’est pas
accompagné d’un trait marquant la péjoration, se contente d’atténuer cette valeur par
l’éloignement de l’emploi dans le temps (chinois, Petit Robert) ; le second, la justifie

456
en quelque sorte puisqu’elle se trouve consacrée par la fréquence de l’emploi
(chinoiserie, Petit Robert). Ces deux marques, associées avec le trait « péjoratif » à
arbi respectivement dans Le Petit Robert et Le TLF exprimeraient plus nettement une
différence d’appréhension de la dimension temporelle de l’emploi. Par ailleurs, le trait
« péjoratif », même quand il se trouve mentionné, peut s’accompagner d’un marquage
lui-même stéréotypé : la signification rattachée à capitaliste, par exemple, est
considérée d’une manière ou d’une autre comme faisant partie du langage standard
(marqué « Fam. » dans trois dictionnaires) ; Le TLF et Lexis situent la péjoration, l’un
dans un cadre élargi (usuel), l’autre dans un sociolecte marqué : « discours de
l’extrême gauche ».
Pour le niveau d’ancrage de ces marques, les différences entre les dictionnaires
proviennent généralement de la variation de la focalisation sur l’un de ces aspects
(annexe II.17). Toutefois, nous avons relevé des cas de discordance concernant le
même niveau :
-Pour la variation dans le temps, la controverse entre les lexicographes est
souvent implicite. Elle apparaît par la mention d’un état de langue donné relatif à un
mot dans un ou plusieurs dictionnaires, là où les autres se contentent d’une notation
relative au milieu ou au niveau d’abstraction :
« Furet : Personne rusée qui s'introduit quelque part et y fouille partout
TLF : Fig.
Petit Robert : Fig. vieux
Petit Larousse : vieux ».
Elle peut parfois être explicite comme dans la signification d’inconstance associée
à caméléon :
-B.2. Usuel gén. Péj. Celui qui change d'opinion, de manière d'être selon les
circonstances (TLF)
-2. Fig., vieilli Personne qui change de conduite, d'opinion, de langage, suivant les
circonstances (Petit Robert).
-Pour la variation des niveaux de langue relatifs au groupes sociaux ou aux
situations de communication, l’hétérogénéité du traitement concerne parfois des
marques qui ne relèvent pas forcément du même axe de classement mais qui peuvent

457
être l’indice « d’une attitude plus ou moins normative 137 » quand elles ne sont pas le
signe « d’options différentes » (Chantal Girardin, 1971, 78). Dans l’échantillon décrit
(domaine animal), cette variation s’établit surtout entre les notations « familier »,
« populaire » et « argotique » 138 :
« Faisan :
-C. Fig., pop. Individu malhonnête, se livrant à des affaires louches » (TLF)
-« 2.Arg. Individu qui vit d'affaires louches » (Petit Robert)
-« 2.Fam. Individu qui vit d'affaires louches » (Petit Larousse)
-« B.Fam. Homme d'une probité douteuse, aigrefin » (Hachette).
Ainsi, les marques qui sont censées délimiter le champ d’un emploi ou d’une
représentation stéréotypés par le renvoi à certaines catégories sociales, deviennent, par
l’hétérogénéité de leur association à un même mot, elles-mêmes foyers d’une vision
stéréotypique à propos de ces catégories.

Ces marqueurs définitionnels se trouvent en complémentarité avec le reste de la


définition, vue comme un ensemble de composants. À côté de la paraphrase
proprement synonymique, l’exemple constitue une illustration à la fois des contenus
exprimés dans l’un ou l’autre de ces deux composants.

3-2- Variation et fonction des exemples


En principe, l’exemple est censé illustrer l’emploi du signe dans le discours en
plus des emplois syntaxiques et collacotionnels. Or, celui-ci est hétérogène puisqu’il
est soumis à des contraintes pragmatiques, idéologiques et subjectives, selon le
locuteur qui en est à l’origine et selon les conditions de son énonciation. De ce fait,
cette valeur illustrative ne correspond pas toujours à la signification formulée dans la
définition. (Cf. annexe II.19).

137
Par exemple, pour Chantal Girardin (ibid.), populaire ou argotique signale un écart plus important par
rapport à la norme que familier ».
138
« La notation « familier » diagnostique le style de conversation qui s’oppose donc au style de l’écrit (la
langue standard est composée de mots qui appartiennent aux deux styles) ; l’indication « populaire »
diagnostique le style du peuple, assimilé au XIXème siècle aux « basses classes ». « Argotique » indique un
terme spécifique dont l’usage est limité à la communication dans un milieu restreint » (J. & C. Dubois, 1971,
101).

458
Généralement, on s’attend à ce que la citation ou l’exemple fonctionne comme
une preuve d’autorité validant le contenu définitoire ou les charges connotatives ou
autres annoncées par les marqueurs. Le cas idéal se présente quand ces trois
composants expriment d’une manière harmonieuse la ou les valeur(s) sémantique(s)
donnée(s). C’est le cas par exemple dans le traitement du TLF de l’une des acceptions
de moraliste où la nuance péjorative est rendue à la fois par le marqueur, la définition
et la citation :
- 3. Souvent péj.
a) Personne qui se plaît ou se complaît à moraliser. Il flotte autour d'elle le louche
parfum qu'on respire dans certaines maisons. Je ne veux pas faire le moraliste.
Cependant, des cas de traitements moins « authentiques » sont observés quand
la citation illustre la connotation annoncée par le marqueur mais avec une définition
neutre (Cf. par exemple américanisme dans le TLF). Ce choix est parfois justifié par
l’aspect modalisé et relatif de la connotation (souvent péj. Dans cet exemple) qui
impose le recours à une paraphrase synonymique plus générale ou neutre :
- « I . Transformer en marquant des traits propres à la civilisation américaine (du
Nord). ».
Mais, il arrive souvent que les contenus de l’exemple ou de la citation se situent à un
égard ou à un autre en deça ou au-delà de ceux formulés dans le marqueur ou la
définition. La valeur illustrative est ainsi reléguée à un rang second. Nous trouvons
dans le traitement d’américanisme dans le PR une illustration du premier cas de
figure. La définition du mot marque contient une charge méliorative nette :
- « Admiration, imitation du mode de vie, de la civilisation des États-Unis ».
la citation n’exprime pas cette charge :
- « Le monde marche vers une sorte d'américanisme » (Renan).
La raison en semble résider dans la rupture diachronique entre deux significations,
l’une vieillie (celle dont il est question dans cette définition) et l’autre actuelle et
péjorative même si elle n’est pas enregistrée dans ce dictionnaire contrairement au
TLF qui l’explicite (B. Le plus souvent péj.). La neutralité de l’exemple paraît de ce
point de vue relativiser la charge méliorative qui n’est plus perçue en synchronie.
Les exemples du second cas de figure sont plus variés.

459
Certains d’entre eux expriment un point de vue idéologique favorable ou défavorable
qui n’est pas annoncé auparavant. Relèvent du premier emploi mélioratif les
définitions de chrétien (PR et Lexis) et de libéralisme (TLF) :
- Chrétien : « Qui est empreint d'influence chrétienne, Traditions chrétiennes.
Humanisme chrétien » (PR) ;
- « Relatif ou conforme à la doctrine de Jésus-Christ , La religion chrétienne est
principalement consolatrice (Gide) » (Lexis) ;
- Libéralisme : « Ensemble des doctrines politiques fondées sur la garantie des droits
individuels contre l'autorité arbitraire d'un gouvernement (en particulier par la
séparation des pouvoirs) ou contre la pression des groupes particuliers (monopoles
économiques, partis, syndicats), ... le libéralisme pose des limites à l'intervention de
l'état par la reconnaissance des droits du citoyen, tempère le pouvoir exécutif par le
contrôle législatif et le pouvoir judiciaire, protège l'individu contre les abus de la
puissance publique, admet la représentation des minorités et les droits de
l'opposition, tient grande ouverte la lice où s'affrontent, sous la tutelle de la loi, les
compétitions individuelles et se nouent les solidarités sociales...
L. ROUGIER, Les Mystiques écon. Paris, Librairie de Médicis, 1938, p. 15 ».
Les citations figurant sous les entrées asiatique et communisme (sens II) dans le TLF illustrent
l’emploi péjoratif :
- Communiste : « 3. (Celui qui est) partisan de l'égalité absolue, . ... dans l'âme de
l'homme pour qui les trésors des nations allaient s'épuiser, on surprenait des
mouvements de haine que les communistes et les prolétaires manifestent à cette
heure contre les riches. CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p.
320 ».
D’autres exemples rendent compte des aspects problématiques ou controversés des
connotations associées aux items considérés. Dans le premier cas, la citation se charge
d’exprimer deux facettes opposées du même phénomène s’inscrivant ainsi dans une
perspective neutre comme dans le traitement de capitalisme par le TLF :
- « B. Système économique et social qui se caractérise par la propriété privée des
moyens de production et d'échange et par la recherche du profit. L'esprit objectif du
capitalisme est un esprit d'exaltation des puissances actives et inventives, du
dynamisme de l'homme et des initiatives de l'individu, mais c'est un esprit de haine
de la pauvreté et de mépris du pauvre; le pauvre n'existe que comme outil d'une

460
production qui rapporte, non comme personne. MARITAIN, Humanisme intégral,
1936, p. 126.
Dans le second cas, les citations relatives au même mot dans les différents
dictionnaires montrent l’aspect controversé de la charge considérée. Les traitements
réservés à pacifiste illustrent parfaitement cette discordance. Dans le TLF, la citation a
une charge péjorative nette conforme au contenu exprimé par le marqueur et la
définition :
- « B. Péj. Personne qui préconise la paix à tout prix ou prétend à une paix
universelle. Un nationaliste rhénan a l'idée qu'un nationaliste français le comprendra
et le respectera mieux que ne fait un pacifiste décadent qu'il méprise (BARRÈS,
Cahiers, t.14, 1922, p.45) ».
Dans Lexis, le marqueur et la définition ne figurent pas et la citation exprime la totalité
du sens. Celui-ci exprime le point de vue favorable de son auteur même s’il laisse
entendre un autre point de vue possible :
-« Même si vous n’êtes pas pacifiste, vous devez me respecter (Sartre) ».
Le Petit Robert, avec une définition plus ou moins neutre et en l’absence de tout
marqueur, exprime un point de vue favorable tout en évoquant plus explicitement une
appréhension sociolectale différente du sens :
- « Partisan de la paix, « vos compatriotes, s'ils me connaissaient, me flétriraient
sûrement du nom de " pacifiste " qui est chez vous, je crois, une injure »
(A. Hermant) ».
Dans l’ensemble, étant relative à un auteur donné, la citation choisie en principe pour
illustrer une signification se voit doter dans la pratique lexicographique de valeurs
différentes qui fluctuent entre l’expression de la diversité et l’adhésion à un point de
vue aux dépens des autres.
Cette valeur ajoutée à la paraphrase définitionnelle est également présente dans
les synonymes et les antonymes mais avec des fonctions parfois différentes.

3-3- Fonctions des synonymes et des antonymes


La synonymie et l’antonymie relèvent du même processus sémantique. Elles
sont toutes les deux étroitement liées à la polysémie dans ce sens qu’un mot donné

461
peut avoir des relations sémantiques d’équivalence ou d’opposition avec d’autres
mots, selon ses acceptions et ses emplois.

Pour ce qui est spécifique à chacun de ces mécanismes de structuration, nous


rappelons qu’un synonyme n’est véritablement identificatoire que sur le plan de la
désignation : des synonymes différents renvoient toujours au même référent. Sur le
plan de la signification, à part l’expression sémantique de cette identité référentielle,
chaque mot se distingue par une charge connotative propre. Quant à l’antonymie, elle
n’est pas unitaire et revêt plusieurs formes selon les différents types d’opposition
logique (disjonction exclusive, gradation, conversion, etc., Cf. Alise Lehmann &
Françoise Martin-Berthet, 2000 : 54).

Dans le cadre de l’article lexicographique, ces deux mécanismes assurent


plusieurs fonctions, parfois concomitantes, se réalisant chacune selon des modalités
variées.

Pour la synonymie, nous citons en premier lieu la paraphrase redondante ou


explicative d’un contenu déjà exprimé. Les traitements de bohême dans le Petit Robert
et de bureaucrate dans le Petit Larousse comportent respectivement ces deux emplois
des synonymes. Pour bohême, les traits /qui vit sans règles/ et /en marge de la société/
sont repris dans le synonyme marginal (Cf. annexe II.27). Le stéréotype rattaché au
sens primaire de bohême (habitant de la Bohême) est ainsi renforcé par un mot qui en
condense la signification péjorative.

Quant aux synonymes gratte-papier et rond-de-cuir figurant sous l’une des acceptions
de bureaucrate, ils se chargent d’expliquer, dans un registre de langue familier, la
valeur péjorative annoncée par le marqueur et absente dans la définition (employé de
bureau). Cette fonction est à rapprocher de l’emploi illustratif typique de l’exemple.

Par ailleurs, les synonymes peuvent également servir à spécifier un contenu plus
ou moins vague ou à nuances multiples, lié à une instance référentielle définie et que le
lexicographe choisit de mentionner. C’est le cas de cartésien dans le Petit Robert :

- « 3- Par ext. Esprit cartésien, qui présente les qualités intellectuelles considérées
comme caractéristiques de Descartes. 6 clair, 2. logique, méthodique, rationnel,
solide ».

462
Il peut également s’agir d’une charge connotative n’ayant pas de correspondant
sémantique susceptible d’être lexicalisé comme pour capitaliste dans le TLF :

- « Personne qui possède une (sur-)abondance de biens monétaires ou autres. Synon.


fam. Richard ».

Enfin, les synonymes peuvent jouer un rôle atténuateur d’une charge péjorative
associée au mot. Dans le traitement de juif du TLF, cet effet est atteint par un double
procédé. D’abord, le dictionnaire en question explicite la source du stéréotype :

- « 2. Péj. [À cause des métiers d'argent interdits aux chrétiens et réservés aux juifs au
Moy. Âge].

Puis, le contenu introduit directement dans d’autres dictionnaires comme étant


définitoires :

- « 3- N. m. Vx (lang. class.) Prêteur d'argent. — N. m. et adj. (emploi diffamatoire)


Personne âpre au gain, avare » (PR)

- « Juif : 3. péj. Et vx Usurier, avare » (Lexis)

se trouve dans ce dictionnaire formulé à travers des synonymes :

- « Synon. de avare, usurier ».

Cette différence de traitement traduit la diversité des moyens avec lesquels le


lexicographe se distancie du contenu qu’il présente. Dans le premier type de
traitement, c’est un marqueur comme « diffamatoire » qui exprime cette attitude alors
que la paraphrase définitionnelle se place sur le plan de la désignation référentielle.
Dans le second type, la formulation du contenu après la marque « synonyme » le situe
sur le plan de la signification et de la relation entre des mots atténuant ainsi la charge
péjorative considérée.

Pour ce qui est de l’antonymie, son rôle essentiel semble résider dans la
désambiguïsation d’une superposition d’emplois possibles d’un mot. Cette visée
concerne la distinction de différentes acceptions d’un même item ou d’un contenu
conceptuel par rapport à d’autres contenus figurant sous d’autres dénominations.
Comme illustration du premier cas de figure, nous citons les antonymes rattachés à
villageois sous deux acceptions différentes enregistrées dans le TLF :

463
- « En partic. Lourd, d'une grande force, robustesse ou vigueur. Anton. délicat,
fragile. Force villageoise » ;

- « Synon. fruste, grossier, mal élevé (v. élevé2), rustre, sans façon* ; anton. fin (v.
fin2), raffiné ».

L’idée de force associée à ce mot donne lieu à deux significations différentes : l’une
méliorative, l’autre péjorative. En plus des synonymes, les antonymes délicat, fragile
et fin, raffiné rendent compte de cette différence. Nous avons là un autre cas qui révèle
comment la stéréotypie peut être la source d’une structuration translexicale des unités
de la langue.

Les antonymes capitalisme, fascisme et libéralisme figurant sous l’entrée communiste


dans le Petit Robert illustrent le second cas de figure :

- « 4- Ensemble des communistes, de leurs organisations.


-CONTR. Capitalisme, fascisme, libéralisme ».

Ces antonymes assurent dans le cadre de cette acception un double rôle. D’abord, ils
tracent les contours du concept défini par rapport à d’autres objets conceptuels avec
lesquels il entretient une relation de disjonction exclusive. La coexistence entre ces
différents courants dans un même esprit est évidemment impossible. Puis, ils
invalident par-là même une certaine représentation, réelle ou possible, qui, dans un
univers de croyance donné, établirait un rapport de similitude ou d’équivalence entre
ces objets. Une telle tendance est déjà enregistrée, par le même dictionnaire, dans le
cadre d’un exemple illustrant un emploi de bolchévique :

- « Communiste. Abrév. fam. (1940) BOLCHO, Les bolchos et les fachos ».

En définitive, selon l’usage du lexicographe, ces deux procédés de structuration du


lexique peuvent servir aussi bien à mettre en saillance un trait stéréotypique associé à
un mot ou au contraire l’atténue. Reste à signaler que nous n’avons relevé aucun cas
où un nom d’ethnie auquel est associée une acception péjorative est employé comme
synonyme ou antonyme pour un autre mot.

Cependant, sous les mots vedettes, nous ne retrouvons pas que des extensions
de sens structurées de la sorte. Les séquences figées stéréotypiques, figurant sous des

464
subdivisions, se déploient également à partir du sens de l’un des composants et ont
formellement la configuration des extensions polysémiques. Dotées d’une certaine
stabilité relative, elles sont, en principe, hors du champ des modalisations
idéologiques. Toutefois, leur caractère figé et leur sémantisme plus ou moins opaque
soulèvent des interrogations quant à leur rapport aux mots simples auxquels elles se
trouvent rattachées.

465
Troisième chapitre : Traitement des stéréotypes figés

1- De la difficulté du traitement lexicographique du figement

Le traitement lexicographique des séquences figées pose divers types de


problème. Xavier Blanco et M. Dolores Moreno (1997, 173) en recensent trois : la
lemmatisation, l’agencement et la catégorisation. Roda P. Roberts (1993, 40) les
reformule en termes d’emplacement, de présentation et d’informations sémantiques et
syntaxiques relatives.
L’intégration difficile de ce type d’unités dans les dictionnaires généraux
traduit, en fait, un dilemme qui pèse fort sur les choix méthodologiques des
lexicographes. Les séquences figées constituent au même titre que les unités
monolexicales un fonds lexical considérable que tout locuteur natif d’une langue
donnée doit s’approprier et mémoriser. Sémantiquement, une bonne part d’entre elles a
la particularité de relever « du domaine du figuré et se situe, donc par définition en
dehors de la dénotation, de la référence, de l’axiome d’existence et de l’extension »
(Gréciano, 1984, 119).
Par ailleurs, le dictionnaire de langue est, comme le postule J. Rey Debove, « en
rapport avec une théorie sémantique de la désignation et non de la signification », où
« le système du monde est explicite et celui du signe est implicite » ; D’où, à côté des
considérations empiriques et commerciales, seules « les unités monolexicales ont le
droit au statut d’entrée » (Mejri, 2003, 14). De fait, les séquences figées, généralement
aréférentielles et figurées, se trouvent subordonnées aux unités monolexicales dont
elles figurent sous l’entrée.
Cette intégration parfois forcée est à l’origine de la plupart des difficultés
soulevées ci-haut et donne lieu à une irrégularité de traitement dans le même
dictionnaire et d’un dictionnaire à l’autre.
Ayant en vue cet aspect problématique de la question, nous porterons un regard
critique sur les choix méthodologiques en usage en nous intéressant, particulièrement à

466
l’impact du choix de l’emplacement sur la structuration sémantique à l’intérieur de
l’article lexicographique.
Le traitement d’une séquence figée dans la macrostructure ou la microstructure
d’un dictionnaire de langue dépend conjointement du type de l’unité en question et de
l’appréhension du phénomène du figement en général par les lexicographes.
Au niveau de la macrostructure, l’obstacle premier est celui de choisir le ou les
mot(s) clé(s) qui détermine(nt) l’entrée sous laquelle sera traitée la SF.
Grosso modo, deux pratiques lexicographiques sont en présence :
-l’expression figure sous le mot considéré intuitivement comme étant principal.
Pour une même expression, la place diffère d’un dictionnaire à un autre comme elle
peut figurer sous plusieurs entrées à la fois. Ainsi en est-il de l’expression prendre ses
désirs pour des réalités qui apparaît une seule fois dans le Petit Larousse sous désir et
trois fois dans le Petit Robert sous prendre, désir et réalité.
Dans ce dernier cas, même si l’on respecte en apparence l’aspect polylexical de
l’unité, le problème n’est que déplacé au niveau de la microstructure car on s’attend
normalement sous chaque entrée à une signification particulière du mot en question,
rendant sa contribution spécifique dans le sens global de l’expression, ce qui n’est
souvent pas possible comme en témoigne la paraphrase redondante sous chaque entrée.
Avec le choix d’une seule entrée, il y a lieu de s’interroger sur les critères
permettant de décider de l’importance du mot choisi. Dire que l’intuition est pour
quelque chose cache, outre l’absence de critères clairement définis, une appréhension
envers tout ce qui n’est pas monolexical. Ainsi, considérer un terme comme noyau
d’une expression fait appel inévitablement aux règles de la syntaxe libre qui, quand il
s’agit d’analyse syntaxique ou sémantique dépendent crucialement de la perspective
théorique adoptée. Pour livrer un combat par exemple, le fait de la faire figurer sous
l’entrée livrer privilégie le verbe, supposé être prédicat verbal, alors qu’en fait, il n’est
qu’un support du prédicat nominal combat.
Ce type d’inconvénient devient plus problématique quand on prend en compte
la dimension sémantique puisque dans les séquences figées, et comme le formule
Gaston Gross (1996, 12), « l’opacité sémantique [phénomène scalaire] et les

467
restrictions syntaxiques vont de pair ». Il en résulte une grande hétérogénéité dont tout
traitement unitaire est voué à l’échec.
Émanant de la décomposition de l’expression selon les règles de la syntaxe
libre, le choix intuitif d’un élément aux dépens des autres pourrait signifier que chaque
SF serait susceptible de deux interprétations : l’une figurée et l’autre littérale. Le
dilemme reste entier puisque les deux sens ne coïncident pas, l’un est global et où
chaque mot n’a plus son sens propre ; l’autre est compositionnel et où chaque mot
participe au sens par sa signification propre ; le tout est le résultat d’une combinatoire
discursive qui n’a pas à être enregistrée dans le dictionnaire, à moins qu’elle ne soit
attestée ou qu’elle ne serve comme exemple.
- Le second choix –moins fréquent- a recours à une systématicité de la
présentation à partir de critères morphologiques. Tel est le cas dans le dictionnaire
bilingue Hachette, cité par X. Blanco et Doleres (ibid., 175), qui, dans sa partie
espagnol-français, définit un ensemble de critères annoncés dans l’Avis au lecteur. Les
expressions, locutions et proverbes figurent « au nom, s’ils en comportent un (…) ; au
premier des noms, s’ils en comportent plusieurs (…) au mot employé comme nom, si
ce mot précède un nom dans l’expression, la locution ou le proverbe (…) ; au verbe,
ou au premier verbe s’ils ne comportent pas de nom (…) ; au premier pronom, s’ils ne
comportent ni nom ni verbe (…) ; ensuite au premier adjectif et enfin au premier
adverbe ». Même si les deux auteurs étudiant les proportions de répétition concernant
des articles choisis, jugent ces critères opératoires, nous considérons que ce choix, bien
qu’il facilite la consultation pour tout lecteur attentif, demeure non justifié du point de
vue linguistique. Les questions soulevées ci-haut ne sont donc pas réglées.
Au niveau de la microstructure se posent deux types de problème : le premier
est relatif à l’emplacement d’une SF dans le corps de l’article ; le second à la nature de
l’information sémantique qui lui est rattachée. Les choix des lexicographes pour régler
ces deux difficultés ont des implications théoriques relatives à l’appréhension de ce
type d’unités dépassant le simple fait de les agencer.

468
2. Pratiques lexicographiques
Pour ce qui est de l’emplacement, deux pratiques sont constatées : soit l’unité
figure sous une division sémantique soit elle fait partie d’un regroupement
d’expressions partageant avec elle le même mot clé. Pour une même expression, la
solution adoptée diffère d’un dictionnaire à un autre. Théoriquement, ces choix
pourraient être justifiés par la nature des séquences à traiter. Denis Lepesant (2004,
115-116) distingue trois types de « phrase » figée :

- celles qui sont «polysémiques […]à la façon des tropes ; leur sens propre est concret,
et il se manifeste au sein d’une structure libre ; leur sens figuré au contraire est
abstrait, et il se manifeste au sein d’une structure figée […] il existe entre le sens
propre et le sens figuré une relation sémantique constante : le sens figuré est une
métaphore figée (catachrèse) du sens propre ; il s’ensuit que le sens propre et le sens
figuré de ces expressions sont simultanément actualisés lors du processus
d’interprétation ; et que le sens figuré est quelquefois inféré à partir du sens propre ;
- celles qui sont «polysémiques telles que J’ai le cœur gros ou Je bois du petit
lait : elles peuvent certes donner lieu à des équivoques, mais elles diffèrent
radicalement des tropes en ceci que leur sens figuré ne doit rien au sens propre ;
- enfin, celles qui «sont monosémiques pour des raisons soit sémantiques
(comme Il a pris la poudre d’escampette et Il a fait chou blanc), soit syntaxiques
(comme Il y a anguille sous roche, qui ne peut avoir un emploi libre du fait de
l’absence des déterminants). »
Dans le cas du choix d’une division sémantique propre à l’unité en question, on
s’attend tout naturellement et conformément à la logique sémasiologique des
dictionnaires, à une signification polysémique du mot clé choisi, c’est-à-dire à un
apport sémantique qui dérive à la fois du sens premier et s’en distingue (les séquences
du premier type). Cela présuppose que le mot a son propre espace sémantique dans le
cadre d’une unité compositionnelle ou semi-compositionnelle. C’est le cas, par
exemple, des expressions secouer les puces à quelqu'un et avoir/ mettre la puce à
l'oreille qui figurent dans Le TLF sous une acception étiquetée par le trait « figuré » et
rattachée dans Le Petit Robert et Le Petit Larousse au sens initial. En revanche, si l’on
prend par exemple une séquence comme avoir d’autres chats à fouetter, figurant dans

469
Le Petit Robert sous 1(Cf. annexe III.1), il y a lieu de se demander si ce choix peut être
justifié alors que l’expression est totalement opaque ; chat n’est pas ici l’être physique
qu’on peut caresser ou fouetter.
Quant au regroupement, à part les séquences figées, il conviendrait
normalement au traitement des unités monosémiques ou polysémiques en rupture avec
le sens concret. Dans la pratique lexicographique, le fait de rassembler pêle-mêle les
expressions sous une division à part donne lieu à des contenus très hétérogènes (C’est
le cas pour la plupart des séquences figées relevées dans Lexis et Hachette, (Cf. par
exemple les locutions relatives à aigle, puce, cheval, chat, etc.). Si l’on prend les
formations figées sous l’entrée cheval, présentées dans le PR sous 4 et à la suite de 1
dans le Petit Larousse, on se rend compte de cette grande disparité des contenus :
« Petit Robert
I 1. Grand mammifère ongulé à crinière, plus grand que l'âne, domestiqué par
l'homme comme animal de trait et de transport.
4 Loc. fig. Fièvre de cheval, très forte. Un remède* de cheval— Monter sur ses
grands chevaux : s'emporter, le prendre de haut. — Cela ne se trouve pas sous, dans
le pas d'un cheval : c'est une chose qu'il est difficile de se procurer.
5 Fig. (Personnes) Vieilli Homme grossier, brutal. Mod. Un vrai cheval (de
labour) : une personne obstinée, infatigable.— Fam. C'est pas le mauvais cheval : il
n'est pas méchant. — Cheval de retour*.

Petit Larousse
1. Grand mammifère ongulé domestique …
– À cheval sur quelque chose, à califourchon sur quelque chose.
– Être à cheval sur quelque chose, être très strict sur quelque chose.
– Fièvre de cheval : forte fièvre.
– Remède de cheval : remède très énergique.
– Monter sur ses grands chevaux : s'emporter.
– Cheval de bataille : argument, thème favori.
– Fam. Cheval de retour : récidiviste.
– Fam. Ne pas être un mauvais cheval : être plutôt gentil. ».
Pour le PR, on passe de fièvre de cheval à monter sur ses grands chevaux à
cela ne se trouve pas sous, dans le pas d’un cheval. Le Petit Larousse juxtapose fièvre

470
de cheval, à cheval sur qqchose, cheval de bataille, monter sur ses grands chevaux,
etc. Le TLF, quant à lui, répartit les expressions à l’intérieur de la grande division qui
leur est consacrée en procédant à des regroupements dont les critères ne sont pas
unifiés. Ainsi, pour chat, il regroupe sous II.A. des expressions selon un critère
sémantique (la présence d’une comparaison explicite ou implicite du type courir
comme un chat maigre, écrire comme un chat, etc.) ; en B, le critère devient
typologique (locutions proverbiales) et en C des expressions diverses dites ‘usuelles.
Par contre, le traitement réservé aux locutions relatives à lièvre par ce même
dictionnaire distingue (sous « locutions ») les expressions qui projettent, dans le
domaine humain, « certaines caractéristiques, certaines des qualités que l'on prête au
lièvre » et (sous « locutions figurées ») celles qui, dans l’ensemble, sont susceptibles
d’une double interprétation :
Lièvre
2. Locutions
c) [En parlant du comportement d'une pers. ou de l'un de ses attributs] De lièvre. Qui
possède certaines caractéristiques, certaines des qualités que l'on prête au lièvre.
Bec*-de-lièvre.
Patte de lièvre. Favori.
Mémoire, cervelle de lièvre. Mémoire, intelligence déficiente. (Dict. XIX et XXe s.).
Sommeil de lièvre. Sommeil très léger interrompu au moindre bruit. (Dict.
XIXe et XXe s.).
Vie de lièvre. Vie tourmentée, malmenée
4. Loc. fig.
b) C'est là que gît le lièvre. C'est là que se trouve le nœud de l'affaire, le fond du
problème.
c) Chasser, courir, poursuivre deux, plusieurs lièvres (à la fois). Poursuivre deux,
plusieurs buts en même temps. On ne court pas deux lièvres.
d) Chasser, courir le même lièvre. Poursuivre le même but, être engagé dans la même
affaire que quelqu'un.
e) Lever un lièvre. Mettre au jour une question gênante et dissimulée.
f) Trouver le lièvre au gîte.
L’emplacement d’une expression à une section donnée de l’article ne respecte
pas parfois son sémantisme. Nous nous contentons ici de l’analyse d’un seul exemple

471
de traitement, celui de la présentation et la définition sémantique d’une expression
comme avoir mangé du cheval :
Le TLF la présente comme suit :
« A . 2 PAR METONY.a) ALIM. Synonyme de viande cde cheval. Aimer le cheval,
manger du cheval
-Fig. et fam. Manger du cheval. Manger de la viande très dure. Il a mangé du
cheval. Il a une force décuplée.
Dans le Petit Larousse, on peut lire :
3- viande de cheval
-avoir mangé du cheval : faire preuve d’une énergie inaccoutumée. ».
Si l’on analyse le traitement qu’en fait le TLF, on s’aperçoit qu’il y a un glissement de
la transparence totale à l’opacité totale. Les expressions aimer le cheval, manger du
cheval relèvent de la syntaxe libre ; le mot cheval signifie la viande de cet animal sans
plus. Dans l’expression figurée et familière, manger du cheval, le terme signifie
toujours « la viande » avec une restriction du sens qui se fait par l’adjonction du sème
/dur/. Enfin, dans Il a mangé du cheval, cheval ne signifie plus « viande » ; le sens
étant démotivé et global. La réminiscence de l’acception métonymique et concrète de
cheval (viande de cet animal) ne peut être appréhendée que si l’on reconstruise le sens
global de l’expression et ce, en remotivant le sens littéral et en l’interprétant dans un
univers de croyance où figure le stéréotype « La viande de cheval procure de la
force ». Laquelle phrase ne semble pas être dotée en synchronie de la conventionnalité
requise pour être générique.
Cet écart entre sens concret et sens figuré est plus clair dans Le Petit Larousse
où l’acception « viande de cheval » est suivie de la seule expression avoir mangé du
cheval avec sa paraphrase.
Enfin, la référence à la motivation, procédé fréquent dans le TLF, permet dans
certains cas de justifier l’emplacement de l’unité sous une division sémantique donnée
comme par exemple dans l’article cheval où sont regroupées, sous B.1., les
expressions référant à la robustesse et à la résistance du cheval. Toutefois, cette
mention n’est pertinente que pour les expressions plus ou moins transparentes telles
que travailler comme un cheval, santé de cheval, vie de cheval et un peu moins fièvre
de cheval, remède de cheval.

472
Ces différences de traitement confirment le statut second réservé aux SF
comparé à celui conféré aux unités lexicales simples. Pour rompre avec cette tradition
lexicographique, les lexicographes devraient tenir compte du degré de figement de ces
séquences et de la diversité de leur configuration sémantique.
Cependant, l’emplacement des expressions figées à l’intérieur de l’article
lexicographique n’est pas la seule difficulté à leur traitement lexicographique. Tout
comme les unités monolexicales, ces séquences ne sont pas à l’abri de la variation
paraphrastique, de l’aspect problématique de l’illustration par l’exemple et des
différences de la distribution de l’information sémantique entre les composants de la
définition.
En ce qui concerne la variation de la paraphrase définitoire, nous avons relevé
quatre cas de figure (Cf. annexe III.2) :
- Le contenu paraphrasant l’expression considérée peut être nettement
contradictoire. C’est le cas de la locution verbale Avoir un chat dans la gorge qui
signifie respectivement « être enroué » dans le TLF et le Petit Larousse et « parler
franchement » dans Hachette. L’absence de toute indication sur la motivation
stéréotypique de l’expression et son opacité relative ne permettent pas au lecteur du
dictionnaire de décoder la bonne interprétation. Si « avoir quelque chose dans la
gorge » est susceptible de favoriser la première paraphrase, rien ne dit pourquoi, c’est
précisément un chat. D’où, l’utilité de la mention de ce genre de commentaire si
disponible. Le TLF a parfois recours à ce type de présentation :
Chat : « 3. [P. réf. aux larcins habituels du chat], Avoir d'autres chats à
fouetter ».
- La signification est plus ou moins spécifiée selon les dictionnaires. La locution
donner sa langue au chat est paraphrasée en ces termes dans le Petit Robert :
- « renoncer à résoudre une énigme, une devinette ».
La paraphrase figurant dans Hachette est plus générale et n’évoque pas l’emploi précis
de la locution où il s’agit d’une réponse à un énigme, une charade (TLF) ou une
question (PL) :
- « s'avouer incapable de trouver une solution ».

473
- La différence peut concerner une variation de degré. Dans les traitements de
Ce n'est pas un aigle (ou N'être pas un aigle, TLF), la négation porte sur l’intelligence
mais chaque dictionnaire la quantifie différemment. Pour Lexis et le TLF, cette
expression qualifie une personne d’intelligence moyenne :
- « N'avoir qu'une intelligence moyenne » (TLF) ;
- « se dit d’un homme d’une intelligence moyenne » (Lexis).
Le Petit Robert et Hachette emploie l’intensif « très » précédé des particules de
négation :
- « il n'a rien d'un esprit supérieur, il n'est pas très intelligent » (PR) ;
- « ce n’est pas une personne très intelligente, d’une grande valeur »
(Hachette).
Quant au Petit Larousse, il interprète la négation dans le sens de l’absence de
l’intelligence :
- « il n'est guère brillant, guère intelligent ».
- L’expression peut avoir deux significations, l’une vieillie et l’autre moderne.
Les dictionnaires n’enregistrent pas tous la première et se contente de la seconde
comme pour Chaud comme une caille :
- « (vx) ardent en amour; (mod.) dont le corps est chaud » (PR) ;
« Cuite de tous les côtés, chaude comme une caille, elle alla se fourrer dans son
lit (ZOLA, Nana, 1880, p. 1277)
1. Pour l'amour et la liberté, Il était plus chaud qu'une caille » (TLF) ;
- « Se dit de quelqu’un bien au chaud dans ses vêtements ou ses couvertures »
(Lexis).
S’agissant de l’illustration par l’exemple, il est à noter que seul le TLF opte plus ou
moins fréquemment à cette pratique. Nous soulevons ici les problèmes que pose un
type particulier de locution de signification générale comme dans à + nom ethnique. Si
le figement de la structure est évident, ses emplois ne le sont pas toujours ou
conviennent le plus souvent à des sens bien différents. Le TLF paraphrase chaque
locution par la manière de suivi du nom de l’ethnie auquel renvoie le nom. Le sens
propre est rendu dans l’exemple qui l’inscrit dans un cadre contextuel ou

474
conventionnel. Dans le premier cas, l’expression est antéposée à l’énoncé
l’expliquant :
- « je n'ai aucun doute que cette femme élégante qu'est Mme Gondier, ne l'élève [Jean-
Michel] à l'anglaise ou à l'américaine, avec douche, tub et culture physique. »
- « C'est plutôt maigre aujourd'hui. Des fricandeaux... Peuh, fis-je. Je n'aime pas ça.
Si encore vous me le faisiez à la grecque, nageant dans l'huile d'olive et la farce
pimentée, grains de poivre alternant avec des raisins de Corinthe et des câpres.
CENDRARS , Bourlinguer, 1948, p. 274 ».
Dans le second cas, la locution condense un contenu stéréotypique qu’elle appuie :
- « Chaque siècle a sa façon de plaisanter. Le XVIIe siècle avait une manière un peu
grosse, à la gauloise (...) celle de Molière (FEUILLET, Morte, 1886, p. 97) » ;
- « Il avait (...) un besoin de grosse gaieté, à la flamande (ROLLAND, J.-Chr., Aube,
1904, p. 28) ».
Quand l’élément précédent la locution est lui-même figé, le caractère conventionnel de
l’expression est parfois glosé par des tournures métalinguistiques du type « j’appelle »,
« qu’on appelle » ou « que nous appelons » (Cf. annexe III.3) :
- « Ces sortes de gens les journalistes vont, viennent, arrivent quand on ne les
attend pas et quittent la société même la meilleure sans prévenir personne. En
France, c'est ce qu'on appelle « filer à l'anglaise ».
En présence d’une paraphrase synonymique (Cf. annexe III.4), l’exemple permet de
voir comment la signification générale exprimée se trouve spécifiée dans un contexte
particulier. Les cas relevés montrent que le sens de la locution peut être inféré par les
éléments contextuels ou se suffit de lui-même en maintenant tout son opacité. Le
traitement d’Acheter (vendre) chat en poche illustre le premier cas de figure :
- Je ne suis pas de ces gens qui, comme on dit, conseillent d'acheter chat en poche...
Venez par ici... Vous les examinerez tout à votre aise (SUE, Atar Gull, 1831, p.
6) ».
Pour le second cas, le sens ne compte que sur la conventionnalité de
l’expression comme pour Avoir un chat dans la gorge :
- « Pauvre petite! Elle aura eu un chat dans le gosier au moment de faire son trille
(G. SAND, La Comtesse de Rudolstadt, t. 1, 1844, p. 7) ».

475
Dans certains dictionnaires, l’absence, à des degrés variés (Parfois, nous ne retrouvons
que l’expression en italique sans plus), de l’exemple ou de la paraphrase ne favorise
pas la saisie de la signification et fonctionnement discursif de ces séquences.
Dans le cas du traitement lexicographique bilingue, ces difficultés sont doublées
des problèmes que pose la différence des univers culturels. L’étude des modalités de
transposition de quelques expressions figées dans un dictionnaire français-arabe (El-
Menhil) nous servira d’illustration.

3. Transposition des séquences figées stéréotypées dans un


dictionnaire bilingue
Du fait que le dictionnaire bilingue met en présence deux normes linguistiques,
il a pour objet des mots ou des expressions dépassant le champ strictement lexical pour
être l’indice de références civilisationnelles divergentes. Dans le cas des expressions
figées, les choix qui s’offrent aux élaborateurs de ce type d’ouvrage, sont contraints
par le fait qu’il doit veiller à la fois à traduire la signification et à trouver l’équivalent
figé qui l’exprime. Souvent, même dans le cas du correspondant parfait de l’expression
source, le lexicographe risque de se trouver face à des problèmes d’encodage en L2
qui ne serait pas tout à fait conforme à l’esprit de la langue cible.
La description d’échantillon d’expressions figées, relevées dans le dictionnaire
ci-haut mentionné et classées selon la modalité du transfert en L2 (correspondance,
équivalence, paraphrase) rendrait compte de certaines difficultés relatives au décodage
ou à l’encodage du contenu sémantique à transférer et permettrait d’apprécier les
rapprochements et les discordances entre les deux langues.

3.1. La correspondance

Le lexicographe opte, parfois, pour les correspondances totales qui présentent


des affinités cognitives et lexicales et les correspondances partielles relatives à des
images métaphoriques communes et des expressions spécifiques.
Le premier type découle des représentations partagées, des calques et des
traductions littérales.

476
Les représentations partagées proviennent des universaux de la pensée
métaphoriques, du rapprochement entre certaines expériences de la vie quotidienne, et
du fonds culturel commun qui pourrait exister entre deux aires civilisationnelles
différentes. Le dictionnaire bilingue El-Menhil parvient, sous plusieurs entrées, à
puiser sa traduction des expressions en L1 dans ce fonds partagé :
- s’écarter du droit chemin [:d ni-ssira:ti-lmustaqi:mi]
s’est écarté du chemin droit
La valeur axiologique de droit exprimant la justesse associée à la valeur symbolique
de chemin connotant la conduite humaine produisent la même signification globale à
charges morale et religieuse.
- le rapprochement de deux domaines d’expérience ou la récurrence dans le temps de
deux faits à portée universelle engendrent des stéréotypes similaires :
Le malheur des uns fait le bonheur des autres
Masa:ibu qawmin inda qawmin fawa:idu
Malheurs de gens chez des gens profits
Les malheurs des uns constituent des profits pour d’autres
- la correspondance pourrait également se fonder sur un héritage partagé. Les religions
monothéistes fournissent à cet égard plusieurs exemples, mentionnés dans cet ouvrage,
dont nous retenons l’exemple suivant :
L’homme propose, Dieu dispose
[lbdu fi-ttafki:ri wa-lla:hu fi-ttadbi:ri]
L’homme par la pensée et Dieu par la prescription
Les deux proverbes renvoient au même référent, comportent la même structure
hiérarchique (l’homme<Dieu / lbdu< lla:hu // propose < dispose/ ttafki:r< tadbi:r)
ainsi que le signifié global concordant.
Quant aux calques, ils constituent un moyen privilégié pour le transfert des stéréotypes
figées d’une langue à une autre. Certains sont d’un usage plutôt littéraire ou vieilli :
Œil pour œil, dent pour dent
ljnu bi-ljni w-ssinnu bi-ssinni
L’œil pour l’œil et la dent pour la dent ;
D’autres sont des maximes d’usage dans les discours spécialisés :

477
La fin justifie les moyens
l:jtu tubarriru-lwasi:lt
La fin justifie le moyen
D’autres encore sont plus récents et relèvent du discours journalistique :
-Pêcher en eau trouble
jasta:du fi-lm:i-lkiri
pêche dans l’eau trouble
- Le rideau de fer
ssita:ru-ldi:dijju
Le rideau de fer
Pour ces deux expressions, le lexicographe a réservé des gloses explicatives entre
parenthèses précisant, pour la première, qu’elle se dit de quelqu’un qui tire profit du
désaccord des autres et pour la seconde qu’il s’agit d’une dénomination des frontières
qui séparait l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest.
Enfin, le lexicographe a parfois recours à des traductions littérales bien que des
équivalents soient disponibles en L2 :
Faire du tamtam autour d’un événement
aa:ra tantanatan awla ada
a soulevé tantanatan (onomatopée) autour un événement
Or, il existe en arabe une expression équivalente :
aqa:ma-ddunja: wa aqadaha: min ali X
a levé la terre et l’a reposée pour X
Le second type de correspondance comporte un ou plusieurs segment(s) invariant(s) à
côté des transformations qui n’altèrent généralement pas le sens global :
- marcher la tête haute [m: :li-lbi:ni]
a marché haut le front
Dans cet exemple, la valeur axiologique de « haut » exprimant l’élévation et associée à
une partie du corps humain renvoyant métonymiquement à la personne participe à la
signification globale « avec dignité ». Le lexicographe aurait pu choisir une autre
expression en L2 qui est en parfaite correspondance avec celle de L1 :
[m: marfu:a-rrasi]

478
a marché levée la tête
- Qui se fait brebis, le loup le mange
in lam takun iban akaltka-ia:b
Si tu n’es pas loup, les loups te mangent
Ici, la signification n’est pas exactement la même. L’élément invariant est le fait d’être
mangé par le loup dans le cas où… ». Pour le reste, l’expression en L1 se sert du trait
/inoffensif/ associé à brebis pour exprimer un signifié global tel que « Trop de douceur
attire des ennuis ». En L2, l’expression signifie en plus qu’il faut être égal à ses
adversaires. La métaphore à la base de l’expression véhicule un stéréotype qui dit que
les loups n’attaquent pas leurs semblables.

3.2. L’équivalence
Les expressions de L2 présentées comme équivalentes à celles de L1 rendent
totalement, partiellement ou aucunement le signifié global exprimé par la source.
Comme exemple d’équivalence totale, nous présentons un cas où la variation
stéréotypique découle de la variation de la catégorisation prototypique qui participe à
l’expression d’un même signifié à partir d’expériences quotidiennes différentes :
Porter l’eau à la rivière
amalati-ttamra ila: haara
(elle) a porté les dattes à Hajara
L’expression en L1 infère l’inutilité de se livrer à une action sans intérêt comme celle
de porter l’eau à la rivière. Le même signifié est rendu par l’expression d’arrivée par
une métaphore semblable (même structure cognitive) qui met l’accent sur l’inutilité de
porter les dattes à un lieu où les dattes abondent (Hajara étant une région du Bahrein
connue pour ses dattes).
Dans l’équivalence partielle, le sémantisme de l’expression choisie en L2 est extensif
ou restrictif par rapport à celui exprimé par l’expression source :
- Des goûts et des couleurs, on ne dispute point
li-nn:si fi:m: jiqu:n m:hibu
pour les gens en ce qu’ils adorent des doctrines
Les gens ont, en ce qui concerne leurs préférences, des doctrines

479
L’expression en L1 détermine deux domaines de préférence que les gens n’ont point le
droit de juger ; l’équivalent étend ce droit au choix esthétique ou personnel à tous les
domaines de préférence ;
- Qui a bu boira
l: juf-lmaru min uju:bihi-lqadi:mati
ne guérit l’homme de défauts (ses) anciens
L’homme ne guérit point de ses anciens défauts
L’expression en L1 établit une relation d’attraction régressive entre le futur et le passé
d’où le sens de « retourner à ses anciennes habitudes » ; lesquelles habitudes
pourraient être connotées aussi bien positivement que négativement. L’équivalent en
L2 restreint le domaine de ces habitudes au seul versant négatif.
Pour ce qui est de l’équivalence nulle, le sens du stéréotype de départ est totalement
discordant avec celui qui est censé lui équivaloir :
- Rendre pois pour fèves (= ne pas rendre l’équivalent de ce qu’on a reçu)
sruddu lhu-ssafat safatjni
rendrai à lui la gifle gifles (deux)
Pour une gifle, je lui en rendrai deux

3.3. La paraphrase
La paraphrase synonymique constitue le procédé le moins coûteux pour le
lexicographe bilingue et le plus appauvrissant pour l’expression source puisqu’il
sacrifie sa dimension rhétorique sans la compenser. Cet appauvrissement est, dans le
cas de notre dictionnaire, parfois doublé d’erreurs qui vont de la restriction du sens, à
sa déformation, à son imprécision, à la discordance totale jusqu’au contresens :
- restriction du sens initial :
Les petits ruisseaux font les grandes rivières (= Des éléments modestes additionnés,
accumulés, finissent par produire une chose importante (appliqué surtout aux
sommes d’argent)) ;
mb:li qali:la tukkilu arwa
sommes petites constituent fortune
Les petites sommes constituent une fortune

480
L’emploi le plus fréquent en L1 devient le seul sens dans la paraphrase en L2. Or,
l’équivalent arabe existe :
wwlu-lji qatar
Début de la pluie (est) des gouttes
La pluie commence par des gouttes ;
- La déformation du sens :
On n’est pas encore sorti de l’auberge (= On n’a pas fini avec les ennuis, les
difficultés)
izd:diti- lawa:iq
se multiplient les obstacles
Les obstacles se multiplient
Qu’il y ait encore des difficultés ne signifie pas que celles-ci se multiplient.
L’expression en L1 est employée quand on a déjà résolu quelques ennuis et qu’il reste
encore d’autres à surmonter. En arabe, il y a un équivalent total :
nnu lm nru bdu min unuqi-zzu:ti
Nous ne sommes sortis encore du col de la bouteille
On n’est pas encore sorti du col de la bouteille ;
- l’imprécision du sens due à deux paraphrases différentes sous deux entrées :
Mettre les pieds dans les plats
Sous « plat » : irtkb altatan, tkllm bisara:atin qa:siatin
A commis une erreur, a parlé avec une franchise brutale
Il a commis une erreur, il a parlé avec une franchise choquante
Sous « pied » : tsarrafa bim: jruqu- l:d:t
S’est comporté d’une manière qui transgresse les coutumes

Il s’est comporté d’un manière inconvenante

- la discordance totale :
se saigner des quatre veines (= se priver pour quelqu’un)
df nafaqa:tin ba:hiatin
a payé des dépenses énormes
Il a dépensé des sommes énormes
Dans la paraphrase en L2, l’idée de se priver pour quelqu’un est totalement absente ;

481
- Le contresens :
Être sur ses nerfs, vivre sur ses nerfs (= être dans un état de grande tension
nerveuse)
Wa:sala mlhu (bid:fiin min ira:dtihi wadh:)
A continué travail à lui (poussé par volonté à lui seule)
Il a continué son travail (motivé par sa seule volonté).
Ce bref exposé sur le traitement lexicographique des expressions stéréotypées
figées, dans un dictionnaire bilingue montre que les difficultés de décodage et
d’encodage, respectivement de L1 dans L2, pèsent lourdement sur la qualité de la
traduction que ne le font les facteurs liés à la différence culturelle et linguistique.
Toutefois, les représentations figées, étudiées dans un cadre contrastif, peuvent
être abordées sous un angle différent de celui du degré d’équivalence : les schèmes
conceptuels. En effet, des expressions linguistiques énoncés dans deux langues
différentes et dans des contextes quasi-similaires peuvent être différentes sur plus d’un
aspect, mais une concordance au niveau de l’appréhension de catégories conceptuelles
générales telles que la représentation de l’espace (valeur axiologique relative à
l’orientation, Cf. haut/droite, etc.) ou du temps (lever du jour, tombée de la nuit, etc.).
Le dictionnaire bilingue n’est pas le cadre idéal pour une telle investigation
même s’il peut servir de matière à réflexion dans ce sens.

482
Conclusion et perspectives

Conclusion
Tout au long de ce travail, nous avons mis l’accent sur la diversité des
foyers linguistiques dans lesquels le stéréotype se trouve impliqué. Rappelons
dans ce sens qu’il figure ou intervient dans :
- la structure interne de la signification des mots d’où son rôle
définitoire ;
- la structure interne des catégories référentielles dans lesquelles il a
un rôle classificatoire ;
- l’organisation du lexique (réseaux sémantiques), d’où son aspect
structurant ;
- les extensions polysémiques ou dérivationnelles des mots, d’où son
rôle générateur de sens ;
- les procédés sémantiques (tropes, figement) dans lesquels il participe
à la synthèse sémantique globale ;
- les enchaînements discursifs, d’où son rôle argumentatif.
A travers ces implications fort diversifiées, une synthèse globale du phénomène
devrait permettre de dégager les éléments qui assurent son unicité et de
favoriser la lecture des spécificités à chaque niveau dans le cadre du
mécanisme général régissant la stéréotypie. Autrement dit, cette vision globale
nécessite la délimitation de l’ensemble des configurations sémantiques
particulières de l’information stéréotypique dans toutes ses implications et se
doit de préciser comment ces configurations se rattachent au mécanisme
général de la stéréotypie.
Les manifestations de ce phénomène peuvent être ramenées à trois
configurations dont l’ampleur diffère selon les rôles dans lesquels elles se
trouvent engagées : il s’agit du stéréotype appréhendé comme trait sémantique,
comme une relation ou comme une image ou un scénario.
Il a été démontré que la configuration du premier type fait partie
intégrante de la signification de toutes sortes de mots relevant de domaines

482
variés (humain, animal, végétal et objets). Le type de savoir idéalisé et saillant
qu’elle véhicule est intersubjectivement partagé par les locuteurs d’une
communauté linguistique donnée et donne lieu à des énoncés génériques
typifiants a priori qu’on peut vérifier par le test de mais. Sa variation n’est pas
ontologiquement différente de celle qui peut toucher les propriétés universelles
des membres atypiques ou de celle qui résulte du caractère relatif de notre
savoir encyclopédique. De ce fait, le stéréotype est justement le facteur qui
empêche les mots de la langue de fonctionner comme de simples étiquettes
associées d’une manière univoque aux référents qu’ils dénotent.
A côté de son rôle proprement définitoire dans les unités simples, le trait
sémantique stéréotypique intervient dans la plupart des mécanismes cités
ci-dessus. En ce qui concerne les catégories référentielles, ce type de trait est
responsable de l’effet prototypique identifié dans les catégories classiques
fondées sur la distinction entre instances prototypiques et instances
périphériques. Sa saillance au niveau de la signification du mot dénommant la
catégorie dans son ensemble favorise son fonctionnement comme critère
classificatoire distinguant les occurrences référentielles prototypiques et celles
périphériques. Toutefois, il n’explique pas tous les autres cas de prototypes.
Les catégories abstraites (liberté, bravoure, beauté, etc.), n’admettant pas une
structuration en termes de niveaux hiérarchisés (superordonné, basique et
subordonné), donnent lieu à des effets prototypiques exemplifiés par des
occurrences concrètes (Che, Napoléon, telle star, etc.). De tels effets sont le
produit de modèles cognitifs générant la catégorie à partir de membres
individuels sans toutefois donner lieu à une représentation hiérarchique de la
structure catégorielle (absence de membres périphériques). Dans ce cas, la
conventionnalité associée à des instances idiosyncrasiques typiques et
idéalisées n’aboutit logiquement pas à la consécration d’énoncés génériques
qui la vérifient.
Les traits stéréotypiques ne sont pas tous définitoires. Certains d’entre
eux, exprimant généralement des qualités abstraites associées à des référents
concrets, demeurent latents par rapport au contenu sémantique proprement

483
lexical. Leur apparition dans le discours associée à ce contenu est tributaire
d’actualisations contingentes dans certains contextes où ils ont un rôle
nettement argumentatif :
- … je ne veux pas qu'il me retrouve si laide, puante, immobile, sans
aucune fleur sur mes joues ni dans mes cheveux (JOUHANDEAU
Marcel, Les Pincengrain,1924, page 189, Frantext).
Leur neutralisation n’est non plus possible que moyennant une justification en
contexte :
- … il était semblable à une fleur sans pétales, sans rien, toute nue,
toute seule, toute laide (HERMARY-VIEILLE Catherine, L'Épiphanie
des dieux, chap. IV, 1983, Page 53, Frantext.
Ce même type de trait latent dans la signification initiale, projeté à d’autres
catégories référentielles, donne lieu à des extensions polysémiques du mot :
Petit Robert
- 7- Ce qu'il y a de meilleur, de plus beau, de plus distingué. crème,
élite La fleur d'une civilisation, des arts. Paris « appelle
continuellement à soi la fleur et la lie de la race » (Valéry )
Les extensions dérivationnelles peuvent également se déployer à partir
des traits stéréotypiques qui constituent le noyau sémantique de ces unités (tel
est le cas par exemple dans ânerie dérivé d’une acception de âne).
Par ailleurs, nous avons vu comment ces traits interviennent parfois dans
la genèse du sens des expressions figées soit en la déclenchant (cf. l’analyse de
l’expression tomber sous les pattes, entre les pattes de quelqu’un), soit en
favorisant son extension à des domaines référentiels autres que ceux auxquels
il correspondait au départ (cf. Montrer patte blanche).
La configuration du second type concerne essentiellement les relations et
les associations préconstruites s’établissant entre des concepts autonomes et
ontologiquement distincts. C’est ce que nous trouvons par exemple à l’origine
des catégorisations issues des métaphores conceptuelles axiologiques (le plus
en haut/le moins en bas) et analogiques (plus lumière/+visibilité // oeil/esprit,
lumière/compréhension) qui sous-tendent la formation de réseaux sémantiques

484
et de familles dérivationnelles dont les unités connaissent des extensions
polysémiques plus ou moins systématiques. Cependant, vue au niveau des mots
pris isolément, la configuration sémantique du stéréotype apparaît plutôt sous
forme de traits.
Ce même type d’association nous a servi à expliquer la polysémie d’un
verbe comme couper dont les différentes acceptions sont en partie déterminées
par la relation prototypique entre l’objet à couper et l’instrument utilisé.
C’est également le cas des relations préconstruites donnant lieu dans le
discours aux anaphores associatives. D’ailleurs, celles-ci vérifient bien la
nature relationnelle des deux cas précédents :
- Nous entrâmes dans un endroit éclairé. La visibilité était parfaite
- Nous voulûmes couper un gâteau. Le couteau était introuvable
?? La scie/la faux

Enfin, le stéréotype, appréhendé comme une image ou un scénario figé,


caractérise les expressions figées non grammaticales (y compris celles
correspondant à des métaphores lexicalisées). Celles-ci ont des configurations
sémantiques très diversifiées qui reflètent les mécanismes complexes impliqués
lors de la genèse de leurs sens (apport des composants lexicaux, inférences
discursives originales, procédés tropiques, etc.). Cependant, ce type de
séquences figées présente, généralement d’un point de vue formel, des
caractéristiques communes qui l’inscrivent, tout en étant spécifiques, dans le
cadre général de la stéréotypie.
Des formules du type «ça s’appelle » et « comme on dit » établissent un
rapport de pseudo-désignation entre des situations contextuelles et les
expressions figées aréférentielles. L’établissement d’un tel rapport est mis sur
le compte d’un énonciateur indéfini correspondant à l’ensemble des locuteurs
d’une langue donnée. Il exprime le caractère conventionnel de la construction
figée appréhendée sous l’angle de son signifié global. Cette indéfinitude de
l’énonciateur constitue le deuxième mode de configuration de la généricité
stéréotypique. Un tel lien n’est possible que parce que l’expression figée est

485
envisagée comme typique dans ce sens qu’elle véhicule une représentation
idéale et exemplaire caractérisant la situation donnée parmi n autres
représentations possibles.
Quant à la notion d’ « écart », fondamentale dans la saisie du phénomène
stéréotypique, elle est présente dans les expressions figées de deux manières.
La première est observée dans le choix évoqué d’une caractérisation non
exclusive dans son contexte bien qu’elle soit présentée comme tel. Dans ce
sens précis, elle implique les mêmes mécanismes de sélection et de
généralisation sur lesquels se fonde la stéréotypie dans les unités simples. La
deuxième est relative à la superposition souvent observée d’un sens littéral
remotivable dans certains contextes et un sens global figé. Cet écart est surtout
intéressant dans la compréhension de la genèse du sens dans ces expressions
permettant ainsi de comprendre comment celui-ci est construit pour dépasser
le cadre contextuel particulier pour un cadre plus général.
De ce tableau d’ensemble, nous dégageons les éléments suivants :
- la diversité des configurations des représentations stéréotypiques
témoigne à la fois de la complexité du phénomène et de son rôle comme l’un
des mécanismes fondamentaux de la langue régissant notamment le lexique.
Indépendamment des choix théoriques, il est clair que la stéréotypie
conditionne l’organisation et le fonctionnement des unités linguistiques ;
- la distinction générale de ces configurations constitue une entrée
possible pour une meilleure saisie de leur réalisation du côté de la langue et du
côté du discours ;
- les notions de « généricité » et d’ « écart » sont fondamentales dans la
compréhension de l’unicité du phénomène. Elles occupent une position
centrale par rapport aux autres critères définitoires du stéréotype linguistique.
Leur conjonction renvoie à la typicité en ce qu’elle implique un mécanisme de
sélection et de généralisation, à l’idéalisation en ce qu’elle exemplifie des
propriétés permettant le passage du cas singulier au cas général et à la
conventionnalité dont elle est le produit. Par ailleurs, la conjonction de ces

486
deux notions est la seule qui a des manifestations linguistiques à travers les
tournures génériques et l’emploi de certains connecteurs à valeur adversative ;
- la stéréotypie révèle la dimension référentielle de la langue non pas dans
le sens qu’elle établit une correspondance entre les mots et les choses mais en
ce qu’elle présente les significations par contraste à l’essence ontologique des
objets dénommés. La première raison en est que la généricité typifiante a
priori ne peut être identifiée que par contraste avec la généricité analytique. Le
« généralement vrai » ou supposé comme tel n’est vérifié ou récusé qu’à partir
de notre connaissance du réel. La deuxième raison concerne la variation de
l’ampleur et de la nature de la vision stéréotypique selon les catégories
référentielles, selon le degré de proximité ou de présence des occurrences de
ces catégories dans notre vécu quotidien et selon le degré d’accessibilité des
aspects relatifs à nos sens pour chaque instance particulière. Les tendances
convergentes des discours lexicographiques fort variées confirment cette
hypothèse.
Perspectives
La complexité du phénomène et l’absence relative des descriptions de
portée générale le concernant justifient notre choix d’une approche sémantique
globale visant à instituer les fondements permettant la reconnaissance du
stéréotype comme notion linguistique. Ainsi, plusieurs autres aspects
spécifiques restent à explorer ou à approfondir. Nous nous contentons de
présenter deux aspects qui nous semblent essentiels : la variation et l’inférence.
Concernant la variation, faut-il souligner que notre conception de la
stéréotypie s’appuie sur une vision de la norme linguistique qui refuse de voir
dans les représentations partagées des associations contingentes et variables
selon les circonstances de l’énonciation. Les notions de « généricité » et de
« communauté linguistique » sont à saisir non pas comme relevant d’une
détermination qui est le produit d’un consensus absolu, mais plutôt comme
l’intersection de visions sociolectales variant selon les conditions historiques,
culturelles et sociales de leurs groupes respectifs. Ceci pose la problématique
des représentations stéréotypiques qui ne sont partagées que par un sous-

487
ensemble de la communauté linguistique tout entière. Dans ce sens, il serait
intéressant de décrire le fonctionnement des mêmes représentations
lorsqu’elles s’appuient sur un consensus limité l’intérieur d’un groupe restreint
et lorsqu’elles sont exprimées dans un cadre plus hétérogène où il s’agit d’une
pluralité de visions énonciatives.
La dimension diachronique présente un autre aspect de la variation dont
l’étendue et la nature sont à étudier. Les stéréotypes n’ont pas tous la même
origine et varient selon les référents auxquels ils sont associés : la perception,
la culture, le vécu quotidien, les faits historiques, etc. sont tous des sources
possibles de la stéréotypie. Or, certains de ces facteurs sont plus contingents
que d’autres et on s’attend normalement à ce que les représentations qui en
résultent soient variables quant à leur persistance à travers le temps. Il serait
donc utile d’interroger l’évolution de la langue pour déterminer les foyers et
l’impact de cette variation.
Le rôle de l’inférence est également un autre aspect à étudier plus en
profondeur. Si l’on dit que les stéréotypes linguistiques n’ont pas besoin d’être
justifiés en contexte, cela signifie qu’ils sont inférés par la seule évocation du
mot dans un énoncé donné. Dans le cas des stéréotypes discursifs, la relation
préconstruite est également inférée mais à partir de plus d’un élément dans
l’énoncé puisqu’elle implique au moins deux concepts autonomes. La
description de la diversité des configurations stéréotypiques en termes de
diversité des mécanismes inférentiels paraît légitime pour deux raisons :
- la notion de « conventionnalité » doit être affinée davantage pour
permettre de distinguer nettement les stéréotypes primaires et les stéréotypes
secondaires ou encore ceux qui sont définitoires ou relationnels. Nous avons
déjà évoqué comment le « généralement vrai » et le « simple possible »
donnent lieu à des règles inférentielles différentes. L’étude des marqueurs
d’écart stéréotypiques tels que « habituellement », « souvent »,
« généralement », « fréquemment », « normalement », etc. serait utile pour
distinguer des classes à l’intérieur du conventionnel qui peut bien relever de

488
l’habitude, de la fréquence ou de la normalité. L’acceptabilité ou le rejet de ces
marqueurs dans des énoncés tels que :
- Habituellement/fréquemment/souvent/généralement
( ??normalement), dans un village français, on trouve une seule
église ;
- Normalement / généralement / ?habituellement / ?fréquemment /, un
oiseau est apte au vol
peut constituer, avec d’autres critères (cf. Anscombre 2002 a et b), une entrée
possible pour cette classification.
- il est impensable de décrire le fonctionnement de la stéréotypie dans le
discours sans tenir compte de la dimension syntaxique. Gaston Gross et
Micheli Prandi précisent par exemple que, dans le cadre des relations
transphrastiques, « l’expression […] résulte d’une interaction complexe entre
la capacité de codage d’un mot de liaison, le contenu des termes prédicatifs
spécifiques et l’inférence. Elle résulte donc d’une interaction entre le pouvoir
de mise en forme linguistique et la manipulation de structures conceptuelles
partagées indépendamment de l’expression » (2004 : 32-33). Il serait
intéressant dans ce sens d’étudier la variation inférentielle selon le fait que les
prédicats impliqués par ces relations font l’objet d’une association
conventionnelle ou non.
Bref, la voie de la description des représentations stéréotypiques en
termes d’inférences peut s’avérer fort utile pour une meilleure distinction des
manifestations particulières de la stéréotypie. Plusieurs interrogations restent
en suspens : une telle approche pourrait-elle aboutir à une formalisation de la
signification stéréotypique en termes de règles d’inférence ? Favoriserait-elle
un traitement de ces significations en vue du traitement automatique de la
langue? Serait-elle en mesure de constituer une perspective dans laquelle ce
qui est jusque-là considéré comme intraduisible devient désormais
transposable, même partiellement dans d’autres langues ?

489
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6. Les dictionnaires et les références du corpus

Dictionnaire des expressions et locutions. Les Usuels du Robert, 1997.


Dictionnaire étymologique du français, Les Usuels du Robert, 1994.
Dictionnaire Hachette, 2003.
Dictionnaire Lexis, Larousse, (1979), édition 2002.
Le Trésor de la Langue Française Informatisé en ligne
Le Petit Larousse Informatisé, 2003
Le Petit Robert Informatisé, 1996.
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Frantext

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chimères » par France Douvier Meyer, Edition Denoël/ Alif, 1992.

514
MINISTERE DE LA JEUNESSE , DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA
RECHERCHE

Thèse de doctorat
en

Sciences du langage

Mosbah SAÏD

La stéréotypie : fonctionnement linguistique et traitement


lexicographique

Les annexes

Thèse dirigée par M. BOSREDON Bernard

Soutenue le 10 novembre 2006

Membres du jury :

M. Bernard BOSREDON
M. Daniel LUZZATI
M. Salah MEJRI
Mme Mary-Annick MOREL
Mme Irène TAMBA

UNIVERSITE PARIS 3 - SORBONNE NOUVELLE


Premier chapitre- Stéréotypie et définition

Annexe I.1 : configuration canonique des définitions ayant un hyperonyme du type variété de + N

Dictionnaire Structure Mot Hyperonyme Traits spécifiques


TLF Variété de + N Lime Variété de citron de petite taille, de couleur verte, et très parfumé
PR Fruit d'une variété de vert à la peau mince, au jus amer
limettier, citron
TLF Williams Variété de grosse poire fondante d'origine anglaise qui convient particulièrement
à la fabrication des eaux-de-vie
PR Poire d'une variété fondante et parfumée
PL Poire d'été d'une variété à chair fine et juteuse, très cultivée
TLF Toute-bonne Variété de poire très savoureuse
PR Variété de poire
TLF Doyenné Variété de poire très fondante et peu parfumée
PR Variété de poire très fondante
PL Poire d'une variété à chair fondante et sucrée
TLF Duchesse Poire d'une variété jaune clair, renommée pour sa chair fondante, juteuse et
parfumée
PR Poire d'une variété fondante
PL Poire d'une variété à chair fondante et parfumée
PR Sorte de + N Beurré Sorte de poire fondante
PL Poire d'une variété à chair fondante
TLF Espèce de + N Mignonnet Petite espèce de poire rouge foncé
Abricoté Espèce de prune qui a l'apparence et le goût de l'abricot
Agrume Espèce de prune dont on fait les pruneaux d'Agen
Genre de + N Bléphare Genre de reptiles de la taille d'un petit lézard, et qui se caractérise par
sauriens l'absence totale de paupières

Abraxas Genre de papillon nocturne, dont la chenille vit sur les groseilliers
Danaïde Genre de papillon diurne des tropiques, aux couleurs éclatantes

515
Annexe I.2 : Significations savantes et ordinaires de genre, espèce et variété dans le TLF

Mot Acception savante (définition 1) Acception ordinaire (définition 2) Trait commun Trait différent
Domaine Définition
Genre TAXINOMIE, Niveau de la classification des êtres [L'accent est mis sur l'ensemble et sur Idée d’inclusion Approximation
BIOLOGIE vivants, placé sous la famille au-dessus l'appartenance d'un être ou d'un objet explicite dans la (déf. 2)
ANIMALE et des espèces; p. ext. classe, espèce à l'ensemble] Catégorie, espèce, signification
VEGETALE sorte, type
Espèce TAXINOMIE Niveau de la classification des êtres Sorte, catégorie, variété de Idée d’inclusion
vivants, placé immédiatement sous le explicite dans la
genre et comprenant lui-même des sous- signification
espèces et des variétés
Variété Subdivision de l'espèce, groupe Type, sorte, espèce d'éléments d'un Idée d’inclusion
d'individus qui diffèrent des autres ensemble explicite dans la
individus de la population par un ou signification
plusieurs caractères héréditaires

Annexe I.3-a : Idée de distinction rattachée à type et catégorie dans le TLF

Mot Définition
Type Ensemble des caractères distinctifs (choisis d'après des critères divers) de certains groupes Idée de distinction d’une entité par
d'objets, d'individus, permettant leur classification rapport à un ensemble plus large
Catégorie Ensemble ou groupe de personnes ou de choses qui ont un certain nombre de caractères Idée de distinction d’une entité par
communs. rapport à un ensemble plus large

516
Annexe I.3-b : Exemples de définition

Dictionnaire Structure Mot Hyperonyme Traits spécifiques


TLF Type de + N Bocage Type de paysage où les terres et les prairies sont encloses par des levées de terre plantées d'arbres, de
haies vives et où l'habitat est dispersé
Parasite Type de personnage de la comédie gréco-latine
PR Crispin Type de valet de comédie
TLF Catégorie de Coq Catégorie de boxeurs légers dont le poids ne peut excéder 53 kg 500
Registre Catégorie de sujets ou artistiques de la même nature ou de la même expression
littéraires

Annexe I.4 : Spécification d’un contenu vague dans la définition du N déterminant

Dictionnaire Structure Mot Domaine Hyperonyme Trait spécifique Traits englobants figurant dans l’entrée de N
TLF Sorte de Baille Sorte de baquet de servait à des usages divers Récipient…généralement de bois, servant à
+N bois dans la marine à voile divers usages domestiques, artisanaux et
industriels :
Barquette TECHNOL. Sorte de vase rappelant la forme d'un Petit récipient…de forme variables servant à
bateau et dont font usage un différents usages
grand nombre de corps de
métiers
Béquille Sorte de canne sur laquelle les handicapés Bâton…servant à divers usages
moteurs appuient l'aisselle et
la main pour s'aider à
marcher
Boit-tout Sorte de puisard creusé dans un terrain Puits…dans lequel se déversent les eaux usées et
humide pour l'assécher les eaux de pluie qui s'y décantent

517
Annexe I.5 : Spécification sur la base d’une similitude avec un trait de la définition primaire

Dictionnaire Structure Mot Domaine Hyperonyme de Hyperonyme de la définition Sème en commun


l’extension de sens primaire
TLF Sorte de Barrique P. anal., Sorte de filet pour la Gros tonneau Forme
+N PÊCHE pêche
Basset Sorte de panier ou Qui est très bas (adj.) Hauteur
d'ustensile
Bellone Peut-être p. Sorte de long bateau Variété de grosse figue Forme
anal.
Benne TECHNOL. Sorte de hotte ou de ANTIQ. Chez les Gaulois, chariot servant au transport [des personnes]
[P. anal. de panier d'osier
fonction]

Annexe I.6 : Hyperonyme générique lié à une multitude référentielle

Dictionnaire Structure Mot Hyperonyme commun Hyperonymes spécifiques Sèmes spécifiques


TLF Sorte de + N Baste Sorte de récipient - Panier - qui s'attache au bât d'une bête de somme
- Récipient - de bois servant à transporter la vendange

Annexe I.7 : configuration sémantique de sorte de + N dans le TLF

Mot Acception savante (définition 1) Acception ordinaire (définition 2) Trait commun Trait différent
Sorte Catégorie qui permet de distinguer un objet parmi d'autres; [Se dit de ce qui ne peut être qualifié Idée Approximation
ensemble d'objets ainsi caractérisés exactement, et qui est rapproché d'autre d’inclusion avec idée de
chose] Une forme de explicite dans flou (déf. 2)
la signification

518
Annexe I.8 : Idées d’inclusion et d’atypicité rattachées à la structure sorte de + N

Dictionnaire Structure Mot Domaine Hyperonyme Trait atypique Trait spécifique Trait figurant dans
l’entrée réservée au
N hyperonymique
TLF Sorte de + N Anodonte ZOOL. Sorte de moule d'eau douce dont la charnière vivent dans toutes les
est dépourvue de mers du globe.
dents
Aqueduc BOT., vieilli. Sorte de canal que forment qui croissent dans Conduit
naturellement les tiges des lieux fort
ou les feuilles entières chauds et fort
de certaines plantes arides
Avoine POÉSIE. rare, Sorte de flûte fabriquée avec une constitué d'un tube en
vx rudimentaire paille d'avoine bois ou en métal
percé de trous
Auget BÂT. Sorte de réservoir que les maçons font au Bassin naturel ou
bord du joint de deux artificiel; récipient
pierres d'une machine ou
d'une installation
baignoire TECHNOL. Sorte de poêle dans laquelle on fait servant à cuire
chauffer l'eau d'alun et certains aliments à
le suif qui servent à feu vif.
l'apprêt des cuirs
Bire Sorte de bouteille en osier ou en roseau Récipient…pour un
qui sert à la pêche liquide destiné à la
consommation, à un
usage familier

519
PR palanquin Sorte de chaise ou portée à bras d'hommes Siège [Meuble
de litière (parfois à dos de comprenant
chameau ou d'éléphant) généralement quatre
pieds]
Théorbe Sorte de luth à deux manches à son plus grave à manche long et
que celui du luth large,
ordinaire
Tortue (XVIe; par anal. Sorte de toit que les soldats romains afin de s'abriter des Partie supérieure d'un
avec la carapace formaient avec leurs projectiles des bâtiment ou d'une
protectrice) boucliers levés assiégés construction
PL Sorte de toit que formaient les pour se garantir
soldats romains en des projectiles
joignant leurs boucliers
au-dessus de leurs têtes

Annexe I.9 : Sorte de + N : Exemples d’idée d’approximation non corrélée avec une idée d’inclusion

Dictionnaire Mot Hyperonyme Traits renforçant l’approximation et Traits spécifiques


excluant l’idée d’inclusion
TLF Corymbe sorte de parasol de façon à former Inflorescence dans laquelle les fleurs, portées par des
pédoncules divergents, de longueur différente et rattachés
à des points différents de la tige, se trouvent au même
niveau au sommet
Couronne sorte de rempart présente Cratère de volcan dont le sommet présente une sorte de
rempart circulaire

520
Annexe I.10 : Structure N deN et rapprochement avec une instance prototypique

Dictionnaire Structure Classe Mot Syntagme comportant une instance prototypique de la classe
TLF Voisin de + N Instrument de Achilienne Voisin de la lyre, de la cithare ou de la harpe
Proche de + N musique Arc-en-terre Proche de l’arc musical
Bousine Proche de la cornemuse
guimbri Proche de la guitare
Voisin de + N Oiseau Bécassine Voisin de la bécasse
gelinotte Très voisin de la perdrix
Proche de + N Barge Souvent proche de la péniche
Risse Proche de la mouette
Voisin de + N Poisson Amproie Voisin de l’anguille
Pagre Voisin de la daurade
Proche de + N Black-basse Voisin de la perche
Voisin de + N Carnassier Jaguar Voisin de la panthère et du léopard
Proche de + N Fruit Clémentine Proche de la mandarine
PR Voisin de + N Voisin de la mandarine
TLF Proche de + n Matière Ébonite Proche de l’ébène
Plante Reine- Proche de la marguerite
marguerite
Couleur Callaïs Proche de la turquoise
Goût Pâtisson Goût proche de celui de l’artichaut
Trait d’esprit Boutade Proche de la contre-vérité

Annexe I.11 : liste de mots figurant sous l’entrée anti- dans le TLF

- anti(-)autrichien, (anti autrichien, anti-autrichien) anti(-)bolchévique, (anti bolchévique, anti-bolchévique) antibonapartiste, anti-bourbonien,
antiboulangiste, anti(-)bourgeois, (anti bourgeois, anti-bourgeois) anti(-)capitaliste, (anti capitaliste, anti-capitaliste) anti(-)catholique, (anti
catholique, anti-catholique) anti-classique, anti(-)communiste, (anti communiste, anti-communiste) anti(-)dreyfusard, (anti dreyfusard, anti-
dreyfusard) antidreyfusiste, antimarxiste, anti(-)mystique, (anti mystique, anti-mystique) antinapoléonien, anti-nazi, anti(-)romantique, (anti
romantique, anti-romantique) anti-russe, anti(-)soviétique(anti soviétique, anti-soviétique)

521
- anti- + dér. en -isme :
anti(-)capitalisme, (anti capitalisme, anti-capitalisme) anti(-)catholicisme, (anti catholicisme, anti-catholicisme) anti-communisme,
antidreyfusisme, anti(-)germanisme, (anti germanisme, anti-germanisme) anti(-)jésuitisme,(anti jésuitisme, anti-jésuitisme)

Annexe I.12 : Paraphrases de anti dans des définitions d’objets

Dictionnaire Mot Paraphrase de anti Reste de la définition


TLF Antichar Qui est destiné à résister à l'action des chars et autres engins blindés
Et/ou à les détruire
PR Qui s'oppose à l'action des blindés
PL Qui s'oppose à l'action des chars, des blindés
TLF Anticoagulant Qui est destiné à retarder ou à empêcher La coagulation
PR Qui empêche ou retarde la coagulation du sang
PL Se dit d'une substance qui s'oppose à la coagulation du sang.
TLF Antivariolique Qui prévient ou combat La variole
PR Qui prévient ou combat la variole.
PL Qui combat la variole
PR Antidépresseur Qui combat les états dépressifs
PL Se dit d'un médicament psychotrope qui combat la dépression

Annexe I.13 : Variation portant sur l’adjectif ou le nom désigné par la base

Dictionnaire Mot Paraphrase de anti variation


TLF antiaméricaniste Hostile au gouvernement et/ou à la politique des États-Unis
PR antiaméricanisme Attitude hostile à l'égard des États-Unis
PL Hostilité à l'égard des États-Unis, de leur politique ou de leur civilisation
Hachette envers les États-Unis
TLF anticolonialiste Qui est opposé à ce qui est colonial
PR anticolonialisme Opposition au colonialisme, à toute exploitation de type colonial
PL Opposition au colonialisme

522
TLF Non-conformiste qui refuse les normes sociales, morales, intellectuelles, esthétiques de son époque
PR Personne qui ne se aux usages établis, aux opinions reçues, qui fait preuve d'originalité
conforme pas
PL Qui manifeste du , de l'originalité
non-conformisme

Annexe I.14 : Degré d’intensité relatif à certains mots exprimant l’idée d’opposition selon le TLF

Mot Traits de la définition Faisant obstacle nuisible néfaste Agressif, violent


opposé Qui s'oppose, qui fait obstacle à quelqu'un. +
défavorable Qui n'est pas bien disposé à l'égard (de quelqu'un), qui peut être ±
nuisible à (quelqu'un).
contraire [Avec une idée d'hostilité] Qui présente un caractère néfaste, nuisible à ±
quelqu'un ou à quelque chose
raciste Racisme : Attitude d'hostilité pouvant aller jusqu'à la violence, et de ±
mépris
hostile Qui manifeste de l'agressivité +

Annexe I.15 : Variation dans la paraphrase du préfixe anti-

Dictionnaire Mot Paraphrase de anti variation


TLF antireligieux Hostile à la religion établie, ou à toute religion
PR Opposé à la religion
PL Opposé à la religion
Hachette Hostile à la religion
TLF Antisémite …qui est hostile à la race juive
PR Raciste animé par l'antisémitisme
PL Hostile aux Juifs
TLF anticommuniste qui est hostile au système d'idées ou d'opinions caractérisé par l'adj anti(-)communiste
PR Animé, marqué par l'anticommunisme
PL anticommunisme Attitude d'hostilité à l'égard du communisme
TLF anticapitaliste qui est hostile au système d'idées ou d'opinions caractérisé par l'adj anti-capitaliste

523
PR Qui s'oppose au capitalisme
PL Hostile au système capitaliste
TLF Anti-civique Qui est contraire à ce qui est civique
Anti-évangélique Contraire à l'esprit de l'Évangile
Anti-humaniste (Celui) qui est défavorable ou aux conceptions de la doctrine humaniste
hostile

Annexe I.16 : Variation touchant les significations de la base et du préfixe

Dictionnaire Mot Paraphrase de anti variation


TLF Antisémitisme Hostilité manifestée à la race juive et érigée parfois en doctrine ou en mouvement réclamant
contre les juifs des mesures d'exception
PR Racisme dirigé contre les Juifs
PL Doctrine ou attitude systématique à l'égard des Juifs
d'hostilité
TLF Non-croyant qui n'a aucune conviction religieuse
PR Personne qui à une confession religieuse et n'a pas la foi
n'appartient pas
PL Qui n'appartient à aucune confession religieuse
TLF Non-alignement Attitude d'un état d'aligner sa politique sur celle du bloc des pays socialistes ou celle du bloc des pays
qui refuse capitalistes
PR Fait de ne pas se à une politique commune
conformer
PL Politique de , occidental et communiste, observée pendant la guerre froide par certains États du
neutralité vis-à-vis tiers-monde
des deux blocs
antagonistes

524
TLF Contre-société Collectivité en les règles de la société dans laquelle elle vit
marge de la
société…qui refuse
PL Groupe se prévalant aux valeurs dominantes de la société dont il émane
d'une idéologie
opposée

Annexe I.17 : Définition totalement cadrée par la structure qui est considéré comme

Dictionnaire Mot Définition


TLF Sain Qui est considéré comme bon et normal, conforme à la raison, à un critère de valeur
PR Considéré comme bon et normal
Intempestif Qui est considéré comme mal venu, non adapté à une situation donnée.
Femelle Qui est considéré comme spécifiquement féminin, comme spécifique des femmes
Masculin Qui est considéré comme caractéristique des hommes

Annexe I.18 : Définition partiellement cadrée par la structure qui est considéré comme

Dictionnaire Mot Validation absolue du contenu Validation à l’intérieur d’un univers Validation relative sur la base d’un
de croyance critère précis
TLF Féminin Qui appartient en propre à la qui est considéré comme spécifique de que l'on rencontre habituellement chez la
femme la femme femme
TLF Majeur Qui a atteint l'âge de la majorité ou qui est considéré comme majeur du
légale fait de son mariage
PR Artificiel Créé par la vie sociale, la et considéré comme non nécessaire
civilisation
Incongru Contraire à ce qui convient à ce qui est considéré comme
convenable
PR Étranger Qui n'appartient pas ou qui est considéré comme
n'appartenant pas à un groupe (familial,
social).

525
Annexe I.19 : Divergence de la vision normative d’un dictionnaire à un autre

Dictionnaire Mot Validation absolue du contenu Validation à l’intérieur d’un univers de Validation relative sur la base d’un
croyance critère précis
TLF Féminin Qui appartient en propre à la femme qui est considéré comme spécifique de la que l'on rencontre habituellement
femme chez la femme
PR Qui est propre à la femme
PL Qui manifeste des caractères considérés
comme propres à la femme
TLF Majeur Qui a atteint l'âge de la majorité légale ou qui est considéré comme majeur du fait
de son mariage
PR Qui a atteint l'âge de la majorité légale
PL Qui a atteint l'âge de la majorité
PR Incongru Contraire à ce qui convient à ce qui est considéré comme convenable
TLF Qui ne convient pas ; inattendu et
surprenant
PL Qui va contre les règles du savoir-
vivre, de la bienséance ; déplacé,
inconvenant
TLF Sain Qui est considéré comme bon et normal,
conforme à la raison, à un critère de valeur
PR Considéré comme bon et normal
PL Conforme à la raison, à la pondération ; qui ne s'écarte pas de ce qui est jugé
normal
TLF Intempestif Qui est considéré comme mal venu, non
adapté à une situation donnée.
PR Qu'il n'est pas convenable de faire
PL Qui est fait à contretemps, se produit
mal à propos ; malvenu, inopportun

526
TLF Masculin Qui est considéré comme caractéristique des
hommes
PR 1- Propre à l'homme
2- Qui a les caractères de l'homme,
tient de l'homme
PL Qui manifeste des caractères considérés
comme propres à l'homme

Annexe I.20: Distribution des configurations paraphrastiques selon les trois types de traits dans chaque dictionnaire

Typ Dictionnair Validation absolue du Validation à l’intérieur d’un univers de Validation relative sur la base d’un critère
e e Mot contenu croyance précis
I TLF Féminin .+ .+ .+
PR .+
PL .+
II PR Incongru .+ .+
TLF .+
PL .+
TLF Majeur .+ .+
PR .+
PL .+
III PR Intempesti .+
PL f .+

TLF .+
TLF Masculin .+
PL .+
PR .+
PL Sain .+
TLF .+
PR .+

527
Annexe I.21 - État des métaux dans la nature

Métal TLF Petit Robert Petit Larousse Lexis Hachette


Aluminium que l'on obtient très répandu dans la son oxyde, l'alumine, obtenu à Il se prépare par
généralement par nature partir de la bauxite, dont la électrolyse de
électrolyse de l'alumine réduction électrolytique est à la l’alumine
pure base de la métallurgie de
l'aluminium
américium , obtenu à partir de obtenu … dans des Élément chimique (Am),
l'uranium en le bombardant réacteurs nucléaires artificiel
avec des particules
accélérées

calcium très répandu dans la nature obtenu par électrolyse de son obtenu en
où il existe combiné, sous chlorure décomposant
forme notamment de certains sels par un
carbonate courant électrique
étain L'étain se rencontre L'étain se trouve dans la nature
généralement à l'état surtout à l'état d'oxyde
d'oxyde stannique
iridium est contenu dans certains L'iridium s'extrait de Analogue au platine, qu'il contenu dans
minerais de platine certains minerais de accompagne dans ses minerais certains minerais
platine. de platine

niobium toujours associé au tantale toujours associé avec le associé au tantale dans ses associé au tantale
dans ses minerais tantale dans ses minerais minerais dans ses minerais
osmium que l'on trouve dans les extrait des minerais de Métal de la mine du platine qui se trouve dans
minerais de platine, associé platine les minerais de
à l'iridium et à d'autres platine souvent
métaux associé à l’iridium.

Métal TLF Petit Robert Petit Larousse Lexis Hachette

528
potassium largement répandu dans la Métal alcalin extrait de la Le potassium
nature sous forme de divers potasse très répandu
sels dans la nature
sous forme de
sels
praséodyme présent dans les minéraux extrait de la monazite
renfermant du cérium et du
lanthane
rhénium n'apparaissant pas à l'état
natif ou sous forme d'une
espèce minéralogique
donnée
rhodium principalement utilisé , extrait des minerais de
comme élément d'alliage du platine et d'or avec
platine avec lequel on le lesquels il forme des
trouve également associé à alliages naturels
l'état naturel
cuivre Cuivre gris : sulfure Le cuivre existe dans la nature à
complexe à l'état natif. l'état natif ou combiné à
différents corps
sodium que l'on trouve en Le sodium ne se rencontre très répandu dans très abondant
abondance dans la nature qu'en combinaisons la nature à l’état de dans la nature
chlorure (sel marin sous forme de
et sel…) et de chlorure
nitrate
fer Le fer se trouve à l'état naturel
sous forme d'oxydes (dont on
l'extrait), de sulfures et de
carbonates.

Métal TLF Petit Robert Petit Larousse Lexis Hachette


manganèse le manganèse est se trouve dans la nature à l'état

529
extrêmement répandu dans d'oxyde
la nature minérale et
organisée (...). On le trouve
parmi les constituants
minéraux des plantes (...) et,
en petite quantité chez les
animaux
mercure Le mercure existe dans la
nature à l'état de sulfure
(cinabre).
plomb On trouve le plomb dans la le plomb se
nature surtout à l'état de sulfure présente dans la
(galène) et, aussi, souvent allié nature surtout à
à l'argent (plomb argentifère). l’état de sulfure
(galène). Il est
souvent allié à
l’argent
ruthénium extrait des minerais de Métal de la mine du platine
platine.

yttrium accompagnant le
Cérium dans la
plupart de ses
minerais
strontium très disséminé dans la
nature
thallium très répandu dans la nature Présent dans certaines pyrites
en association minérale

Métal TLF Petit Robert Petit Larousse Lexis Hachette


uranium présent dans plusieurs présent dans plusieurs , l'uranium naturel est un extrait de l’urane qu’on trouve
minerais où il est toujours minerais (comme le mélange d'isotopes dans la nature

530
associé au radium pechblende) où il est sous forme
toujours accompagné de d’oxyde et
radium d’uranium.

zinc que l'on trouve dans la qu'on trouve dans la


nature sous diverses formes nature sous forme de
blende, de calamine, de
smithsonite, etc
argent que l'on trouve en filons à
l'état natif (argent natif),
dans les minerais, galènes
et pyrites à l'état de
sulfure
cobalt Minerai de cobalt (ou
COBALTITE n. f.) :
sulfure de cobalt et
d'arsenic naturel.
palladium extrait de la mine de platine que l'on trouve à l'état
naturel allié à l'or ou au
platine, ou comme sel de
sélénium dans les mines
de nickel.
vanadium existe en petites quantités disséminé dans un grand
dans un grand nombre de nombre de minéraux et de
minéraux roches diverses (argiles,
basaltes, etc.).

531
Annexe I.22 : Type de configuration des définitions des métaux dans les différents dictionnaires

Dictionnaire Mot Hyperonyme ou sous entrée Traits spécifiques


TLF Aluminium Métal blanc, très léger, de symbole Al, que l'on obtient généralement par électrolyse de
l'alumine pure
PR Élément atomique (Al; no at. 13; blanc léger très répandu dans la nature
m. at. 27), métal
PL 1. Métal blanc brillant, léger, de densité 2,7, et qui fond à 660 ºC.
2. Élément chimique (Al), de numéro atomique 13, de masse atomique 26,981 5.
1- Élément métallique de numéro atomique Z=13, de masse atomique 26,98 et de symbole Al. L’élément
métallique le plus abondant de la carte terrestre.

2- Métal (Al) de densité 2,7 qui fond à 660°C et bout à 2467°C entrant dans la composition
d’alliages légers
Lexis Argent Métal blanc, brillant et inoxydable, ductile et malléable…

532
Annexe I.23 - Les métaux : variation

Métal Dictionnaire description


La couleur béryllium TLF, PR Blanc
PL, LEXIS Gris
tungstène TLF Blanc
PL Blanc d’étain
LEXIS Gris presque noir
osmium PR Bleu-blanc
HACHETTE Gris-blanc
niobium TLF Gris
PR Blanc brillant
strontium TLF Blanc argent/jaune à l’air
PR Blanc argent
HACHETTE Blanc
PL, LEXIS jaune
Malléabilité béryllium TLF Dur
PR Malléable
cobalt PL Malléable
LEXIS Dur
palladium TLF Malléable
PL Dur
LEXIS, HACHETTE Très dur
titane TLF Malléable
LEXIS Dur

533
Annexe I.24 - Les métaux : traitement des traits propriétés physiques

Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres


Zirconium TLF blanc gris - malléable à - - -
l’état pur
PR blanc - - - - -
PL blanc gris - - - - -
LEXIS gris - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Aluminium TLF blanc - - - très léger -
PR blanc - - - très léger -
PL blanc brillant - - - léger -
LEXIS blanc brillant - - - léger -
HACHETTE - ENC. ductile ENC. plastique ENC. inaltérable - -
Béryllium TLF blanc - dur - - -
PR blanc ductile malléable - - -
PL gris - - - léger -
LEXIS gris - - - léger -
HACHETTE - - - - - -
Cadmium TLF blanc argent ductile malléable - - -
PR blanc ductile malléable - - -
PL blanc très - mou - - -
brillant
LEXIS blanc bleuâtre - mou - - -
HACHETTE blanc - - - - -
Calcium TLF blanc argent - mou - - -
PR - - - - - -
PL blanc - mou - - -
LEXIS blanc - mou -- - -
HACHETTE - - - - - -

534
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres
Chrome TLF blanc grisâtre - dur inoxydable - -
brillant
PR brillant - dur - - -
PL blanc légèr. - dur inoxydable - -
bleuté
LEXIS blanc - dur inoxydable - -
HACHETTE blanc - très dur - - -
Cuivre TLF rouge brun ductile malléable - - -
PR rouge ductile très malléable - - -
PL rouge brun - - - - -
LEXIS rouge brun ductile malléable - - -
HACHETTE brun orangé - - - - -
Étain TLF blanc gris ductile malléable - - -
PR blanc gris - très malléable - - -
PL blanc brillant - très malléable - - -
LEXIS blanc - très malléable - - -
HACHETTE blanc - très malléable - - -
Argent TLF blanc brillant très ductile malléable inoxydable - précieux
PR blanc très ductile malléable - - -
PL blanc très ductile - - - précieux
LEXIS blanc brillant ductile malléable inoxydable - précieux
HACHETTE blanc brillant - - peu altérable - précieux
Cobalt TLF gris clair tirant - - - - -
faiblement sur le
rouge
PR blanc - - - - -
PL blanc d’argent - malléable - - -
LEXIS blanc rougeâtre cassant dur - - -
HACHETTE blanc - - - - -

535
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres
Or TLF jaune brillant très ductile très malléable, mou inaltérable - précieux
PR jaune brillant - - inoxydable - -
inaltérable
PL jaune brillant - - - - précieux
LEXIS jaune brillant - - - - précieux
HACHETTE - ductile malléable quasiment inaltérable - précieux
Palladium TLF blanc comme - malléable - léger précieux
l’argent
PR - - - - - précieux
PL blanc ductile dur - - précieux
LEXIS blanc très ductile très dur - - -
HACHETTE blanc très ductile très dur - - -
Platine TLF blanc d’argent ductile malléable - - -
PR blanc gris - - inaltérable à l’air - précieux
PL blanc gris - - - - précieux
LEXIS blanc gris - - inoxydable à toute - précieux
température
HACHETTE - très ductile - - - précieux
Vanadium TLF gris argent ductile mou - - -
PR blanc charge de élasticité - - -
rupture élevée
PL gris argent - - - - -
LEXIS blanc - le plus dur - - -
HACHETTE - - - - - -
Fer TLF blanc grisâtre ductile malléable - - résistant
PR blanc grisâtre ductile malléable - - -
PL blanc gris ductile malléable - - tenace
LEXIS - - malléable - - tenace
HACHETTE gris blanc ductile - - - -

Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres

536
Hafnium TLF blanc très ductile au froid - - - -
brillant
PR blanc brillant ductile - - - -
PL - - - - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Iridium TLF aspect argenté très dur - - -
PR blanc cassant très dur - - -
PL blanc grisâtre - - - - -
LEXIS - - dur - - résistant
HACHETTE - - - - - -
Magnésium TLF blanc brillant - - - - -
PR blanc argenté peu ductile malléable - - -
PL blanc argenté - - - - -
LEXIS blanc argenté - - - - solide
HACHETTE gris blanc - - - - solide
Manganèse TLF gris cassant dur très oxydable - -
PR gris clair cassant dur - - -
PL grisâtre - - - - -
LEXIS grisâtre très cassant très dur - - -
HACHETTE gris - - - - -
Mercure TLF aspect brillant - - - - -
argenté
PR blanc argenté - - - - -
très brillant
PL blanc très - - - - -
brillant
LEXIS blanc d’argent - - - - -
HACHETTE - - - - - -
-
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres

537
Molybdène TLF d’un blanc mat cassant dur - - -
PR blanc argenté - - - - -
PL blanc cassant dur - - -
LEXIS blanc cassant dur - - -
HACHETTE blanc - - - - -
Niobium TLF gris - - - - -
PR blanc brillant - - - - -
PL gris - - - - -
LEXIS gris d’acier - - - - -
HACHETTE gris et brillant - - - - -
Osmium TLF - - - - - -
PR bleu blanc - - - - -
PL - - - - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE gris bleu - - - - -
Plomb TLF gris bleuâtre ductile très malléable, - - -
mou
PR gris bleuâtre - mou - - -
PL gris bleuâtre - - - - -
LEXIS gris bleuâtre - très malléable - - -
HACHETTE gris bleuâtre - - - -
Potassium TLF blanc argenté - mou très oxydable - -
PR blanc d’argent - mou oxydable - -
PL - - mou oxydable léger -
LEXIS - - mou oxydable léger -
HACHETTE - - - - - -
-

538
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres
Praséodyme TLF - - - - - -
PR jaune clair - - - - -
PL - - - - - -
LEXIS jaune pâle - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Rhénium TLF - - - - - -
PR blanc brillant - - - - -
PL blanc - - - - -
LEXIS blanc - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Rhodium TLF blanc argenté - très dur - - -
PR - - très dur - - -
PL blanc cassant dur - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Ruthénium TLF blanc argent cassant dur - - -
brillant
PR - - - - - -
PL - - - - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE blanc - - - - -
Samarium TLF - - - - - -
PR - - - - - -
PL blanc gris - - - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE - - - - - -

539
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres
Sodium TLF blanc - de consistance très oxydable - -
molle
PR blanc d’argent - mou - - -
PL - - - - - -
LEXIS blanc - mou - - -
HACHETTE à l’éclat blanc - mou - - -
Strontium TLF blanc d’argent / ductile malléable - - --
jaune à l’air
PR blanc d’argent - mou - - -
PL jaune - - - - -
LEXIS jaune - - - - -
HACHETTE blanc - - - -
Thallium TLF blanc - malléable résistant à - -
l’oxydation
PR blanc bleuâtre - très malléable - - -
PL blanc - - - - -
LEXIS blanc - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Thulium TLF blanc argenté - - - - -
PR blanc argenté - - - - -
PL - - - - - -
LEXIS blanc argenté - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Titane TLF blanc - malléable résistant à - -
l’oxydation
PR blanc brillant - - - - -
PL blanc - - - - -
LEXIS blanc - dur - - -
HACHETTE - - - - - -

540
Métal dictionnaire couleur ductilité malléabilité altérabilité légèreté autres
Tungstène TLF blanc - dur - - -
PR - - - - - -
PL blanc d’étain très réfractaire - - - -
LEXIS gris presque noir - - - - -
HACHETTE - - - résistant - -
Uranium TLF gris - - - - -
PR gris - dur - - -
PL - - ayant l’aspect du - - -
fer
LEXIS - - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Yttrium TLF - - - - - -
PR gris - - - - -
PL - - - - - -
LEXIS - - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Zinc TLF brillant d’un ductile malléable - - -
blanc bleuâtre
PR blanc bleuâtre - dur - - -
PL blanc bleuâtre - - peu altérable - -
LEXIS blanc bleuâtre - - - - -
HACHETTE - - - - - -
Francium --
Gadolinium
Lutécium
Terbium

541
Annexe I.25 - Les métaux : répartition des traits (nombre) selon les dictionnaires

Dictionnaire Nombre total des propriétés Propriétés relatives à la couleur Nombre du reste des propriétés
TLF 95 33 62
PETIT ROBERT 66 28 38
PETIT LAROUSSE 58 28 30
LEXIS 63 26 37
HACHETTE 35 15 20

Annexe I.26 -

a) Répartition des traits traités (nombre) selon les métaux

Groupe Métal TLF PR PL LEXIS HACHETTE


I Argent 5 3 3 5 3
Or 6 3 3 3 5
II Platine 5 2 2 4 2
Fer 5 3 5 2 3
Chrome 3 2 3 3 2
Étain 3 2 2 2 2
Aluminium 2 2 2 3 3

b) Répartition des traits traités (nombre et pourcentage) selon les groupes de métaux

Groupe TLF PR PL LEXIS HACHETTE


I 11 6 6 8 8
II 18 11 14 14 12
Total 29 17 20 22 20
Pourcentage 30,52 25,75 34,48 34,92 57,14

542
Annexe I.27 : Définition d’amande dans le Petit Robert

Mot Définition Exemples


Amande Drupe oblongue de l'amandier, dont la graine comestible est riche en huile. Amandes douces, amères. Amandes fraîches, sèches…

Annexe I.28 - Les fruits -a) La couleur

Fruit Dictionnaire Traits Type


Kiwi TLF Brun nuance
PR Gris-marron
PL, LEXIS Marron
Framboise TLF D’un rose soutenu ou parfois d’un jaune très pâle nuance
PR Rouge (parfois blanc)
HACHETTE Le plus généralement rouge
Merise TLF Cerise…noire ou rouge variété
PR Cerise noire ou rose
PL Fruit noir
Abricot TLF, PR, PL, LEXIS Chair jaune orangée nuance
HACHETTE Jaune rosé
Ananas TLF De couleur jaune orangée nuance
PR Brun rouge
Melon TLF Chair le plus souvent de couleur orangée variété
PR Chair orangée ou vert clair Ex. Melon d’Espagne : chair blanche
PL Chair orangée ou vert clair
HACHETTE Jaunâtre ou orangé
LEXIS Jaunâtre ou rougeâtre
Cerise TLF De couleur généralement rouge variété
PR Le plus souvent rouge et parfois jaune
LEXIS Ordinairement rouge
Citron TLF, PR, PL, LEXIS Jaune nuance
HACHETTE Jaune pâle

543
b) La forme

Fruit Dictionnaire Traits Type


Pomme TLF Généralement de forme ronde variété
PR, PL Forme ronde, drupe ronde
Ananas TLF De forme conique nuance
PR Oblong
Grenade TLF De la forme et de la grosseur d’une pomme approximation
PR Ronde de la grosseur d’une orange
PL De la grosseur d’une pomme

c) Le goût

Fruit Dictionnaire Traits Type


Prune TLF Chair agréable subjectivité
PR, PL, LEX., HACHETTE Sucrée
Alise TLF Saveur acidulée agréable degré
PR Légèrement acidulé
PL Aigrelet mais d’un goût agréable
LEX., HACHETTE Acidulée
Pêche TLF, LEX. Chair savoureuse subjectivité
HACHETTE Sucrée
Abricot LEXIS Sucrée subjectivité
HACHETTE Saveur parfumée
Ananas TLF Chair et suc acidulés subjectivité
PR Pulpe sucrée et très parfumée
PL Pulpe sucrée et savoureuse

Merise TLF Légèrement acide Subjectivité ou variété


PR Au goût amer

544
PL Suret

LEXIS Âpre
Poire TLF, PR, PL, HACHETTE Oblongue approximation
LEXIS Plus ou moins allongé, s’amincissant vers la queue
Melon TLF, PR, PL, HACHETTE Ovoïde ou sphérique variété
LEXIS arrondi

Annexe I.29 : Quelques hyperonymes « culturels » dans les définitions des variétés de chiens

Dictionnaire Mot Hyperonyme Traits spécifiques


PL Airedale Grand terrier anglais à poil dur, très robuste, élevé comme chien de chasse et d'agrément.
Lexis Race de terriers anglais à poil dur
PL Chien-loup Berger allemand
Hachette Berger allemand dont l’aspect rappelle celui du loup
TLF Levrette Lévrier d'Italie de très petite taille dont le poil gris ou doré est luisant.
Hachette Scotch-terrier Terrier d’Écosse , au poil dur et rude
TLF Sloughi Lévrier arabe, à poil ras, de couleur sable tachetée ou rayée
PR Lévrier d'Afrique du Nord
PL Lévrier arabe à poil ras, à la robe de couleur sable
Lexis Lévrier arabe à robe de couleur de sable
Hachette Lévrier à poil ras, originaire d’Afrique du Nord

545
Annexe I.30 - Définition de la race par l’origine ou l’emploi

Dictionnaire Chien Trait


TLF Bull-dogue Variété de dogue de race anglaise
Bouledogue Variété de dogue de race française
Griffon Chien dont la race est originaire de Grande-Bretagne
Mastiff De race anglaise
Scotch-terrier Terrier de race écossaise
LE PETIT ROBERT Pointer Race de chien d’origine anglaise
Mastiff D’une race anglaise
Terre-neuve Dont la race est originaire de terre-Neuve
Bull-terrier Chien d’une race anglaise
LE PETIT LAROUSSE Épagneul Dont il existe différentes races de chasse et d’agrément
Griffon Dont il existe plusieurs variétés de chasse et d’agrément
Chow-chow D’une race d’origine chinoise
HACHETTE Pointer De race anglaise

Annexe I.31 : L’origine : variation

Type de variation Dictionnaire Chien Trait


Spécification PL Fox-hound Anglais
HACHETTE Utilisé en Grande-Bretagne
PR Briard De la Brie
PL Français
Différences TLF Épagneul Épagneul breton, picard
PR Breton
LEXIS Originaire d’Espagne
TLF Griffon Dont la référence est originaire de Grande-Bretagne
PR Griffon vendéen.

Variété TLF Dogue Dogue allemand

546
PR Dogue anglais
PL, LEXIS, PR Bouvier Des Flandres, (PR : ex.)
HACHETTE Bouvier des Flandres, des Ardennes
TLF, HACHETTE Berger Berger allemand
PR Berger allemand, écossais, belge, des Pyrénées
PL Berger allemand, des Pyrénées

Annexe I.32 : La fonction : variation

Type de variation Dictionnaire Chien Trait


Changement TLF Skye-terrier Terrier devenu de nos jours chien d’agrément
PR Terrier servant surtout de chien d’agrément
LEXIS Terrier devenu maintenant race d’agrément
HACHETTE Terrier
TLF Terrier De chasse, dressé à débusquer le gibier dans son terrier
LEXIS Propre à chasser les animaux des terriers
PR Utilisé autrefois pour la chasse des animaux à terriers. Les
terriers sont de bons chiens de garde
TLF Bull-terrier Primitivement employé à la chasse au renard et au blaireau,
connu comme ratier, actuellement apprécié comme chien de
compagnie
PR, PL, LEX., HACHETTE Bon ratier, bon chasseur de rats
Spécification TLF, PR, HACHETTE Braque De chasse
PL D’arrêt
TLF Labrador D’arrêt
PR, HACHETTE De chasse
Variété ou TLF Griffon De chasse
polyvalence LEXIS D’arrêt
PL Dont il existe plusieurs variétés de chasse et d’agrément
HACHETTE De chasse, d’agrément
TLF, PR Épagneul De chasse
LEX., HACHETTE D’arrêt

547
PL Dont il existe différentes races de chasse et d’agrément
TLF Dogue De chasse et de garde
PR, PL, HACHETTE De garde
PR Mâtin De garde ou de chasse
PL, LEX., HACHETTE De garde
TLF Employé à la garde des maisons et des troupeaux
PL, LEXIS Chihuahua D’agrément
HACHETTE Terrier
TLF Terre-neuve De garde, réputé par sa disposition à se jeter à l’eau pour sauver
les personnes en difficulté
PL, LEXIS De sauvetage
LEXIS Fox-terrier Terrier essentiellement chasseur
HACHETTE Utilisé pour la chasse au renard en terrier

Annexe I.33 : Traits distinctifs dans le même dictionnaire

Dictionnaire Chien Définition


HACHETTE Skye-terrier Chien terrier à longs poils
Griffon Chien de chasse ou d’agrément à longs poils
Grœnendael Chien de berger belge à longs poils
LEXIS Labrador Race de grands chiens d’arrêt à poils rats
Danois Chien de très grande taille à poils rats originaire du Danemark
PL Briquet Chien courant de petite taille à poil long
Bichon Petit chien à poils longs

548
Annexe I.34 a) : Traits distinctifs entre deux dictionnaires ou plus

Dictionnaire Chien Définition


I LEXIS Épagneul Chien d’arrêt originaire d’Espagne à longs poils et à oreilles tombantes
TLF Setter Chien d’arrêt, de taille moyenne, à poils longs et à oreilles tombantes
II HACHETTE Sloughi Lévrier à poils rats originaire de l’Afrique du Nord
LEXIS Pointer Race de chien d’arrêt à poils rats, d’origine anglaise
III LEXIS Airedale Race de terrier anglais à poil dur
TLF Scotch-terrier Chien terrier, de race écossaise à poil dur
IV HACHETTE Malinois Chien de berger belge à poil court et fauve
PR Boxer Chien de garde, à poil ras, à robe fauve ou tachetée
V LEXIS, PL Chihuahua Petit chien d’agrément à poils rats
HACHETTE Levrette Lévrier de petite taille à poils très courts
VI TLF, PR Briquet Chien de chasse de petite taille
LEXIS Chien courant de petite taille
TLF Terrier Petit chien de chasse dressé à débusquer le gibier dans son terrier
HACHETTE Chihuahua Très petit chien terrier d’origine mexicaine

Annexe I.34 b) : Définitions génériques

Chien Dictionnaire Définition


Mâtin HACHETTE Gros chien de garde
TLF Gros chien employé à la garde des maisons et des troupeaux
PL Gros chien de garde
Molosse PL Gros chien de garde
LEXIS Gros chien de garde
TLF Gros chien de garde

549
Annexe I.35 : Définitions minimales par l’origine et la fonction

Dictionnaire Chien Définition


PL Bull-terrier Chien d’origine anglaise, bon chasseur de rats
Pointer Chien d’arrêt anglais
Retriever Chien de chasse dressé à rapporter le gibier
Ratier Chien qui chasse les rats
Chow-chow Chien de compagnie d’une origine chinoise
Husky Chien d’une race très utilisée pour la traction des traîneaux
TLF Ratier Chien dressé pour chasser les rats
Colley Chien de berger écossais
Berger Chien de berger
Limier Chien dressé pour quêter et lancer le gibier
PR Ratier Chien qui chasse les rats
Retriever Chien d’arrêt qui rapporte le gibier
Pointer Race de chien d’arrêt d’origine anglaise
Colley Chien de berger écossais
Berger Chien de berger
LEXIS Retriever Chien de chasse dressé à rapporter le gibier
Colley Chien de berger
HACHETTE Pointer Chien d’arrêt de race anglaise
Colley Chien de berger écossais

Annexe I.36 : Présentation de l’échantillon de corpus relatif aux récipients de cuisine

Famille A: /à boire/ Famille B : /contenir, conserver/ Famille C : /servir/ Famille D : /cuire, bouillir/ Famille E : /contenir,
transporter
Bock, chope, coupe, Bidon, bocal, bobonne, bouteille, buire, Assiette, écuelle, Bouilloire, caquelon, casserole, Baquet, bassin,
gobelet, godet, hanap, burette, canette, carafe, chopine, jatte, plat, pot, chaudière, chaudron, coquemar, bassine, cuve, cuveau,
pichet, quart, tasse, cruche, cruchon, dame-jeanne, fiole, saucière, soupière fait-tout, poêle, marmite, poêlon, cuvette, puisette, seau,
timbale, verre flacon, jacqueline, tourie poissonnière, terrine seille, seillon

550
Annexe I.37 – La famille /bouteille/ : matière et forme

Aspect Mot Trait Dictionnaire


Matière Bouteille Souvent en verre TLF
Cruche Souvent en grés PR
Broc Le plus souvent en métal TLF
Pichet Terre ou métal TLF
…verre PR
Tourie Exclusivement de grés PL
De verre ou de grés TLF, PR, LEX., HACH.
Dame-jeanne De grés ou de verre PL
De verre, de terre, de grés, etc. TLF
Verre En verre LEXIS
En verre, en plastique etc. PL
Marmite Métal PR
Métal, terre TLF
Cocotte Généralement en fonte TLF
Terrine, etc. Souvent en terre vernissée PL
Forme Gobelet Généralement sans pied, ni anse PL
Bouilloire Généralement avec bec, couvercle, anse PL
Marmite Généralement avec anse et sans manche TLF
Bouteille Généralement avec un long goulot étroit TLF
Bonbonne Souvent renflée PL
Chope Généralement cylindrique TLF
Coupe Ordinairement plus large que haut TLF
Burette Généralement munie d’une anse TLF

551
Annexe I.38 - Récipients /à boire/ : Configuration des traits
Mot Dict. Hyperonyme Usage Parties Forme Matière Contenance Usage
hyper. ptt récipient à boire pied anse, oreille cylind. évasé .+larg.//ht métal verre plastique cristal 1/4l Utilisé par l’armée
Verre TLF .+ .+
PR .+ .+ .+ .+
PL .+ .+ .+ .+ .+
LEX .+ .+ .+
HACH .+ .+
tasse TLF .+ .+ .+ .+
PR .+ .+ .+ .+
PL .+ .+ .+ .+
LEX .+ .+ .+ .+ .+ .+ .+
HACH .+ .+ .+
gobelet TLF .+ .+ ord- ord- .+ lég+ .+
PR .+ .+ ord- gén.+
PL .+ .+ gén- gén-
LEX .+ .+ .- .- .+
HACH .+ .+ .- .- .+
Timbale TLF gobelet [.+ .+ .- ord- .+ lég+ .+] .+
PR gobelet [.+ .+ .- .+ gén.+] .+
PL gobelet [.+ .+ gén- gén-] .+
LEX gobelet [.+ .+ .+ .+] .+
HACH gobelet [.+ .+ .+] .+
Quart TLF gobelet [.+ .+ ord- .+ lég+ .+] .+ gén+ surt+
PR gobelet [.+ .+ ord- gén.+] env+ .+
PL gobelet .+ [.+ .+ gén- .+] .+ .+
LEX gobelet .+ [.+ .+ .+ .+] .+ .+
HACH gobelet [.+ .+ .+ .+] env+ .+ou camp.
godet TLF .+ .+ .+ .- .-
PR .+ .+ .+ .- .-
PL gobelet .+ [.+ .+ gén- gén-]
LEX vase .+ .+ .+ .- .-
HACH verre .+ [.+ .+] .- .-

552
Abréviations et autres signes
gras = trait explicite
non gras = correspond au trait hérité de l'hyperonyme
[ = début de la définition impliquée par l'hyperonyme
] = fin de la définition impliquée par l'hyperonyme
.+ = avec
.- = sans
gén. = généralement
lég. = légèrement
ord. = ordinairement
env. = environ
surt. = surtout
camp. = camping
cylind. = cylindrique
plast. = plastique
.+larg.//ht = plus large que haut
orei. = oreille

553
Annexe I.39 -
a) TLF
Bouteille : « Récipient de contenu variable, le plus souvent en verre (plus récemment en matière plastique), à large ventre, généralement à goulot
long et étroit, destiné à contenir des liquides. ».

Récipients Traits hérités de Les modifications Les ajouts Traits redondants


l’hyperonyme
Bonbonne - généralement à goulot long -en verre, en grès ou parfois en métal -grosse - à large ventre
et étroit -utilisée notamment pour la conservation -entourée d’osier
de l’alcool
Tourie - généralement à goulot long -de verre ou de grès -protégée par un recouvrement
et étroit -servant au transport de certains liquides d’osier
- à large ventre (alcool, acides, etc.)
Jacqueline - généralement à goulot long -en grès En usage dans le Nord de la - à large panse
et étroit Flandre et dans les Flandres
-de contenu variable
- destiné à contenir des
liquides
Dame- - généralement à goulot long -(de verre, de terre, de grès, etc.) -grosse et grande
jeanne et étroit -servant au transport de certains liquides -souvent enveloppée d’osier ou
- à large ventre de jonc
-d’une contenance pouvant aller
de 20 à 50 litres

554
b) Le Petit Robert

- Bouteille : « Récipient à goulot étroit, souvent en verre, destiné à contenir du vin ou d'autres liquides. »
- Bonbonne : « Récipient pansu à col étroit et court servant à conserver certains liquides ».
-Cruche : « Récipient, souvent de grès ou de terre, à col étroit, à large panse, à anse. ».

Récipients Traits hérités de bouteille Les modifications Les ajouts


Tourie - à goulot étroit -servant au transport des acides -grande
-tourie de verre, de grès -entourée de paille, d’osier
Traits hérités de bonbonne
-en verre, en grès - servant au transport des acides - entourée de paille, d’osier
-pansu
-à col étroit et court

Récipients Traits hérités de cruche Les modifications Les ajouts Traits redondants
Jacqueline -à col étroit -en grès -en usage dans les Flandres -à large panse
-à anse

Dame-jeanne : Sorte de bonbonne

555
c) Le Petit Larousse
Bouteille : « . Récipient de forme variable, à goulot étroit, en verre, en plastique, etc., destiné aux liquides, en particulier aux boissons ».

Récipients Traits hérités de Les modifications Les ajouts


l’hyperonyme
Bonbonne - à goulot étroit -souvent de forme renflée
- en verre, en plastique, etc.
- destiné aux liquides
Jacqueline - à goulot étroit -en grès -à large panse
- destiné aux liquides -répandue dans le nord de la
France et les Flandres
Dame- - à goulot étroit -de grès ou de verre -grosse
jeanne -pour le transport d’un liquide -contenant de 20 à 50 litres
-souvent clissée

Tourie : « récipient de moyenne contenance, fabriqué en grès ».

d) Lexis
Bouteille : « Récipient en verre, allongé et à goulot étroit, destiné à contenir les liquides ».

Récipients Traits hérités de Les modifications Les ajouts Les redondances


l’hyperonyme
Bonbonne - allongé -en verre, en grès -grande -destinée à contenir
- à goulot étroit -à large ventre des liquides
-souvent protégée par l’osier ou un
récipient en métal
Tourie -de grès ou de verre -grosse
-pour le transport des liquides caustiques -entourée d’osier
Jacqueline - allongé -en grès - à large panse
- à goulot étroit
Dame-jeanne - allongé De grès ou de verre -grosse
- à goulot étroit -d’une contenance de 20 à 50 litres

556
e) Hachette

Bouteille : « Récipient à col étroit et à goulot destiné à contenir des liquides »


Bonbonne : « Grosse bouteille servant à garder et à transporter de l’huile, des acides etc. ».

Récipients Traits hérités de bouteille Les modifications Les ajouts


Bonbonne - à col étroit et à goulot - servant à garder et à transporter de -grosse
l’huile, des acides etc.
Dame-jeanne - à col étroit et à goulot -grosse
- destiné à contenir des -de verre ou de grès
liquides -renflée
-souvent cachée d’osier

Récipient Traits hérités de Les modifications Les ajouts


bonbonne
Tourie - Grosse bouteille -de verre ou de grès
- servant à garder et à -entourée d’osier
transporter de l’huile, des
acides etc.

- Jacqueline Ø

557
Annexe I.40 - Tableau de croisement

Récipient Dictionnaire Définition modulée


Bonbonne TLF Grosse bouteille en verre, en grès ou parfois en métal entourée d’osier et (utilisée notamment pour la
conservation de l’alcool).
PR bouteille pansue, à col court
PL bouteille souvent de forme renflée
LEXIS grande bouteille à large ventre, en verre, en grès, souvent protégée par l’osier ou un récipient en métal
HACHETTE grosse bouteille servant à garder et à transporter de l’huile, des acides etc.

Jacqueline TLF bouteille en grès en usage dans le Nord de la France et dans les Flandres
PR bouteille pansue, à anse, en grès, en usage dans les Flandres
PL bouteille en grès, à large panse, répandue dans le Nord de la France et dans les Flandres
LEXIS bouteille à large panse, en grès
Dame-jeanne TLF grosse et grande bouteille (de verre, de terre, de grès etc./ souvent enveloppée d’osier ou de jonc et d’une
contenance pouvant aller de 20 à 50 litres et (servant au transport de certains liquides).
PR sorte de bouteille, pansue, à col court
PL grosse bouteille de grès ou de verre, souvent clissée, contenant de 20 à 50 litres, destinée pour le transport
d’un liquide
LEXIS grosse bouteille de grès ou de verre, d’une contenance de 20 à 50 litres
HACHETTE grosse bouteille renflée, de verre ou de grès souvent cachée d’osier
Tourie TLF grosse bouteille, de verre ou degrés, protégée par un recouvrement d’osier et (servant transport de certains
liquides (alcool, acides, etc.)).
PR grande bouteille, entourée de paille, d’osier et servant au transport des acides.
PL récipient de moyenne contenance, fabriqué en grès
LEXIS grosse bouteille de grès ou de verre, entourée d’osier pour le transport des liquides caustiques
HACHETTE grosse bouteille, de verre ou de grès, entourée d’osier, servant à garder et à transporter de l’huile, des acides,
etc.

558
Annexe I.41
a) Métaux : fréquence des traits non modalisés dans tous les
dictionnaires

Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel ?


Aluminium blanc .+
brillant .+
ductile .+
malléable .+
léger .+
inaltérable .+ HACH.
Argent blanc .+
brillant .+
ductile .+
malléable .+
inoxydable .+
précieux .+
Béryllium ductile .+ PR
léger .+
Cadmium ductile .+
malléable/mou .+
Chrome dur .+
inoxydable .+
Cobalt cassant .+ LEX.
Cuivre rouge brun .+
ductile .+
malléable .+
Étain ductile .+ TLF
malléable .+
Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel ?

559
Fer blanc gris .+
ductile .+
malléable .+
tenace .+
Hafnium blanc .+ TLF
brillant .+
ductile .+
Iridium cassant .+ PR
dur .+
inaltérable .+
Magnésium peu ductile .+ PR
malléable .+ PR
s'oxydant
facilement .+ TLF
solide .+
Manganèse gris .+
cassant .+
dur .+
très oxydable .+ TLF
Mercure brillant .+
Molybdène cassant .+
dur .+
Niobium brillant .+
Or jaune brillant .+
ductile .+
malléable .+
inaltérable .+
précieux .+

Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel ?

560
Palladium blanc .+
précieux .+
léger .+ TLF
Platine blanc gris .+
ductile .+
malléable .+ TLF
inaltérable .+
précieux .+
Plomb gris bleuâtre .+
ductile .+ TLF
malléable .+
Potassium blanc argenté .+
mou .+
oxydable .+
léger .+
Praséodyme jaune .+
Rhénium blanc .+
Rhénium brillant .+ PR
Rhodium cassant .+ PL
très dur .+
blanc argent
Ruthénium brillant .+ TLF
cassant .+ TLF
dur .+ TLF
Samarium blanc gris .+ PL
Sodium mou .+
très oxydable .+ TLF
Strontium ductile .+ TLF
malléable .+
Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel ?
Thallium malléable .+

561
résistant à
l'oxydation .+ TLF
Titane blanc .+
brillant .+ PR
Tungstène réfractaire .+ PL
dur .+
Uranium gris .+
dur .+
Vanadium ductile .+
Yttrium gris .+ PR
Zinc blanc bleuâtre .+
brillant .+ TLF
ductile .+ TLF
peu altérable .+ PL
Zirconium ductile .+ TLF
malléable .+ TLF
Total 6 18 18 23 30 95

562
b) Métaux : fréquence des traits modalisés ou objet de variation dans tous les dictionnaires
Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Béryllium blanc .+
gris .+
Cadmium blanc .+
blanc argent .+ TLF
blanc bleuâtre .+ LEX.
Calcium blanc .+
blanc argent .+ TLF
Chrome blanc .+
blanc grisâtre .+ TLF
blanc légèrement bleuté .+ PL
gris clair tirant faibl.sur
Cobalt le rouge .+ TLF
blanc .+
blanc rougeâtre .+ LEX.
blanc d'argent .+ PL
malléable .+ PL
dur .+ LEX.
Étain blanc gris .+
blanc .+
Iridium blanc grisâtre .+
blanc .+ PR
Magnésium blanc argenté .+
blanc brillant .+ TLF
Mercure blanc .+ PL
blanc argenté .+
Molybdène blanc .+
blanc argenté .+ PR
Métal Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel ?

563
Niobium gris .+
blanc .+ PR
Osmium bleu-blanc .+ PR
gris-bleu .+ HACH.
Palladium malléable .+ TLF
dur .+
Rhodium blanc argent .+ TLF
blanc .+ PL
Sodium blanc .+
blanc argent .+ PR
Strontium blanc argent .+
jaune .+
blanc .+ HACH.
Thallium blanc .+
blanc bleuâtre .+ PR
Thulium blanc argent .+
blanc .+ PR
Titane malléable .+ TLF
dur .+ LEX.
Tungstène gris presque noir .+ LEX.
vanadium gris argent .+
blanc .+
Zinc malléable .+ TLF
dur .+ PR
Zirconium blanc .+ PR
gris .+ LEX.
Total 0 3 7 11 31 52

Annexe I.42
Chiens : fréquence des traits non modalisés dans tous les

564
dictionnaires

Chien Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?


Airedale terrier .+
anglais .+
Barbet d'arrêt .+
Basset courant .+
Beagle courant .+
anglais .+
d'agrément,
Bichon d'appartement .+
Bouledogue race française .+
race anglaise .+ TLF
de garde .+ TLF
d'agrément .+
Bouvier berger .+
de Flandres .+
Boxer de garde .+
Braque de chasse, d'arrêt .+
Briard de berger .+
de la Brie .+ PR
français .+ PL
Briquet de chasse .+
Bull-terrier ratier .+
de compagnie .+ TLF
de race anglaise .+
.+

Caniche d'agrément
Chien Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Carlin d'agrément .+

565
originaire du
Chihuahua Mexique .+
d'agrément .+
terrier .+ HACH.
Chow-chow d'origine chinoise .+
de compagnie .+
d'aveugle .+ TLF
pour leur travail .+ LEX
consommation .+ LEX
Cocker de chasse .+
Colley de berger .+
écossais .+
Dalmatien d'agrément .+ LEX.
originaire du
Danois Danemark .+
de garde .+ PR
Doberman de garde .+
d'origine
allemande .+
Dogue de chasse .+ TLF
de garde .+
Épagneul de chasse .+
d'agrément .+ PL
Fox-hound courant .+
anglais, de
Grande-Bretagne .+
Fox-terrier terrier .+
.+
d'origine anglaise
Chien Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Griffon de chasse .+

566
d'agrément .+
originaire de la
Grande-Bretagne .+ TLF
Groenendael de berger .+
belge .+
Husky de traîneau .+
King-charles anglais .+ PL
d'agrément .+ LEX.
originaire de
Labrador Terre-neuve .+ TLF
de chasse, d'arrêt .+
de chasse,
Limier courant .+
d'appartement, de
Loulou luxe .+
Malinois de berger .+
belge .+
Mastiff de garde .+
de race anglaise .+
Mâtin de garde .+
de chasse .+ PR
Pékinois de Chine .+ TLF
de compagnie .+
Pointer anglais .+
d'arrêt .+
Ratier Chasse les rats .+

567
Chien Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Retriever de chasse .+
rapporter le
gibier .+
sauvetage ne
Saint-bernard montagne .+
Samoyède de Sibérie .+ TLF
de garde .+ TLF
de traîneau .+
Scottish-terrier terrier .+
d'Écosse .+
Setter d'arrêt .+
anglais .+ PR
Skye-terrier terrier .+
d'agrément .+
de l'île de Skye .+
Sloughi lévrier .+
arabe .+
de l'Afrique du
Nord .+
Teckel de chasse .+ TLF
terrier .+ LEX.
d'agrément .+ TLF
allemand .+
originaire de
Terre-neuve Terre-neuve .+
de garde .+ TLF
sauvetage .+
Total 23 14 17 14 26 94

568
Annexe I.43 - « Chiens » : répartition des exemples

Dictionnaire Entrée Fonction Origine


Le Petit Griffon Griffon courant, d'arrêt Griffon vendéen
Robert Épagneul épagneul breton
Terrier Les terriers sont de bons chiens de garde
Setter Setter irlandais
Loulou Loulou de Poméranie
Cocker Cocker anglais, américain
Dogue Dogue anglais
Bouvier Bouvier des Flandres
Berger Berger allemand, berger des Pyrénées. Berger belge,
berger de Brie, berger écossais
Fox-terrier Le fox-terrier est un excellent ratier
Saint- C'est un vrai saint-bernard
bernard
lévrier Courses de lévriers dans un cynodrome. Lévrier d'Afrique, d'Italie, Lévrier afghan

Limier Le limier biaise, décèle sans broncher la ruse du cerf


Bichon
TLF Épagneul Épagneul breton, picard
Loulou Loulou poméranien, de Poméranie
Braque Le braque allemand (...) est un très bon chien d'arrêt

teckel Chasse au chien courant


Dogue Dogue allemand
Ratier Il faut des chiens ratiers.
Berger Un berger allemand
Le Petit Berger Berger des Pyrénées
Larousse
lévrier Lévrier italien, Lévrier russe
Dictionnaire Entrée Fonction Origine

569
Lexis Loulou Loulou de Poméranie
Terre- Le terre-neuve est un précieux compagnon de l’homme,
neuve surtout des marins, à cause du courage qu’il manifeste
pour effectuer des sauvetages en mer.

Hachette Setter Le setter irlandais a une robe acajou brillant

Bouvier Bouvier des Flandres, des Ardennes


Berger Un berger allemand

570
Annexe I.44
a) Récipients : fréquence des traits non
modalisés dans tous les dictionnaires

Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?


Assiette bord incliné .+ PL
Baquet bords bas .+
petit .+
Bassin fond plat .+ TLF
bords
relevés/creux .+
portatif .+
large .+
Bocal large ouverture .+
cylindrique .+ TLF
col court .+
Bonbonne entourée d'osier .+ TLF
Bouilloire de métal .+
large col .+ TLF
large panse .+ LEX
Bouteille large ventre .+ TLF
allongé .+ LEX
Broc .+anse .+
.+bec évasé .+
profond/haut .+
à col resserré .+ TLF
Burette à goulot .+
goulot étroit .+
goulot long .+ PL

571
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Canette mince et longue .+ TLF
Carafe base large .+
col étroit .+
pansue .+ PR
Casserole fond plat .+
à manche .+
Cocotte .+anse .+
.+couvercle .+
Coquemar .+anse .+
Cruche large panse .+
.+anse .+
.+bec .+
col étroit .+
installé
durablement en
Cuve un lieu .+ TLF
Cuvette large .+
peu profond .+
bords évasés .+ TLF
Dame-jeanne grande .+
de 20 à 50 litres .+
Écuelle petite .+
ronde .+
creux .+
très évasé/sans
rebord .+
contenir la
nourriture .+
épaisse .+ HACH.

572
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Fait-tout .+anse .+
.+couvercle .+
Fiole petite .+
de verre .+
col étroit .+
utilisée spéc. en
pharmacie .+ PR
Flacon ouvragé .+ PR
Gobelet à boire .+
Godet petit .+
sans pied .+
sans anse .+
à boire .+
Jacqueline en grès .+
large panse .+
utilisée en Flandre .+
Jatte ronde .+
tr-ès évasé .+
sans rebord .+
sans pied .+ TLF
sans anse .+
sans manche .+
Marmite fond plat ou arrondi .+ TLF
.+couvercle .+
Pichet petit
de forme galbée
collet étroit
.+anse

573
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Poêle en métal .+
bords bas .+
longue queue .+
Puisette .+anse .+ TLF
Quart en métal .+
.+anse .+
Saladier creux .+ TLF
sans anse .+ TLF
hauts rebords .+ TLF
Larg. ouvert vers le
Seau haut .+ TLF
Seille .+oreilles .+ TLF
Soupière profond .+
large .+
soupe/potage .+
Tasse .+anse .+
Terrine ronde .+ TLF
tronconique .+
fond plat .+ TLF
bords évasés .+
bords épais .+ PL
Timbale en métal .+
sans pied .+
cylindrique .+

574
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Tourie entourée d'osier .+
grande .+
Verre à boire .+
Total 23 17 16 13 29 98

b) Récipients : fréquence des traits modalisés ou objets de variation dans tous les dictionnaires

Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?


Assiette fond plat .+
recevoir les
aliments à table .+
baquet de bois .+
usages
domestiques .+ PR
Bassin ronde .+ LEX.
destiné à l'eau .+ LEX.
Bassine circulaire .+
grand .+ HACH.
usages
domestiques .+ HACH.
Bocal en verre .+ PL
Bonbonne pansue .+
verre, grès .+ LEX.
grosse .+
Bouilloire bouillir de l'eau .+
.+bec .+
.+anse .+
.+couvercle .+ PR
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?

575
Bouteille en verre .+ LEX.
goulot étroit .+
Burette huile, vinaigre .+ HACH.
Canette bière .+
.+bouchon .+ LEX.
Caquelon terre .+
profond .+ HACH.
Carafe en verre .+ HACH.
Casserole cylindrique .+
Cocotte fonte .+ PR
Coquemar en métal .+ PL
.+couvercle .+
.+pieds .+ HACH.
Cruche grès ou poterie .+ LEX.
Cuve grand .+
Cuvette portatif .+
usages
domestiques .+
Dame-jeanne de verre, de grès .+
Fait-tout cuire .+
en métal .+ LEX.
Flacon en verre .+ LEX.
avec bouchon .+
plus haut que
Gobelet large .+ TLF
cylindrique .+ HACH.
évasé .+ LEX.
sans pied .+
sans anse .+
Récipient Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Marmite cuire .+

576
en métal .+ PR
.+anse .+ PL
Pichet à vin, à cidre .+ LEX.
Plat creux .+ LEX.
on y sert les
mets .+
Poêle ronde .+
pour les fritures .+
Quart 25 cl .+
utilisé dans
l'armée .+ PR
servir des
Saladier salades .+
Seau cylindrique .+
.+anse .+
transporter des
liquides .+ PL
Soupière .+anse .+ TLF
.+couvercle .+
boissons
Tasse chaudes .+ TLF
Tourie grès .+ PL
tr.acides .+
Verre en verre .+ LEX.
Total 0 5 14 13 32 64

577
Annexe I.45

Fruits : fréquence des traits


non modalisés dans tous les
dictionnaires

Fruit Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?


Abricot rond .+
parfumé .+
à noyau .+
noyau lisse .+ PL
charnu .+ LEX.
Alise saveur acidulée .+
rouge .+
forme
Ananas conique/oblong .+
écailleux .+ PR
pulpe sucrée .+
savoureux/parfu
mé .+
en forme de
Avocat poire .+
pulpe fondante .+
peau verte .+ HACH.
Bergamote acide .+ PR
essence à odeur
agréable .+

578
Fruit Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Cerise à noyau .+
rond .+
chair juteuse et
sucrée .+ PL
petit .+
Citron jaune .+
saveur acide .+
ovïde .+
Coing jaune .+
piriforme .+
goût âpre .+
cotonneux .+ PR
peau veloutée .+ LEX.
Figue à pulpe .+
Fraise très parfumé .+ TLF
forme conique .+ TLF
charnu .+
Framboise très parfumé .+
composé de
petites drupes .+
Goyave sucré .+
parfumé .+

579
Fruit Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
à enveloppe
Grenade coriace .+ TLF
de la grosseur
d'une pomme,
orange .+
à grains rouges .+
aigrelet .+
sucré, agréable,
rafraîchissant .+
Mangue chair jaune .+
savoureuse .+
parfumée .+
à gros noyau .+ TLF
Melon chair juteuse .+
sucrée .+
parfumée .+
noir, rouge
Merise (rose) .+
amer, âpre .+
Orange pulpe juteuse
jaune tirant sur
le rouge
pulpe sucrée
Pamplemousse jaune .+
légèrement amer

580
Fruit Trait 5 dict. 4 dict. 3 dict. 2 dict. 1 dict. Lequel?
Pêche forme ronde .+ TLF
noyau dur .+
chair juteuse .+
chair
savoureuse,
sucrée .+
chair fine/tendre .+
Poire charnu .+
à pépins .+
sucré .+
parfumé .+
forme oblongue .+
Pomme à pépins .+
rond .+
pulpe ferme .+
juteuse .+
parfumée .+ HACH.
peau fine et
coriace .+ HACH.
Prune à noyau .+ TLF
chair juteuse .+
sucrée .+
Total 8 12 18 16 16 70

581
Annexe I.46
Fruits : traitement modalisé

Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert


Fruit Trait TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Melon ovoïde, rond .+ .+ .+ .+ .+
chair jaunâtre, rougeâtre, vert
Melon clair .+ .+ .+ .+ .+
Pomme forme ronde .+ .+ .+
Poire oblongue .+ .+ .+ .+ .+
Bergamote acide .+ .+
merise noir, rouge .+ .+ .+
Total 6 1 3 4 2 2 5 3 1 1 1 0 0 0 0 0
Propriétés
traitées 6 6 5 3 3

582
Annexe I.47
Chiens: traitement modalisé

Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert

Chien Trait TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Sain-bernard roux et blanc ou pie rouge .+ .+ .+
Epagneul chasse, agrément .+ .+ .+ .+ .+
Airedale chasse, agrément .+ .+ .+
Skye-terrier terrier, agrément .+ .+ .+ .+ .+
Griffon chasse, agrément .+ .+ .+ .+ .+
Bull-terrier chasse, ratier, compagnie .+ .+ .+ .+
Chow-chow couleur fauve .+ .+
Dogue chasse, garde .+ .+ .+ .+
Bouledogue chasse, agrément .+ .+
Malinois gris-fauve .+ .+ .+ .+
Danois du Danemark .+ .+ .+
rose et clair .+ .+
Samoyède blanc ou crème .+ .+ .+
traîneau, compagnie .+ .+ .+
Teckel chasse, agrément .+ .+

Total 15 3 7 5 6 9 8 4 4 1 2 1 0 0 0 0
Propriétés traitées 12 11 9 7 11

583
Annexe I.48
Récipients : traitement modalisé

Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert


Récipient Trait TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Assiette fond plat .+ .+ .+
contenir des aliments, à table .+ .+ .+ .+
Baquet de bois .+ .+ .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+
Bassin ronde ou ovale .+ .+ .+ .+
liquides, eau .+ .+
Bassine circulaire .+ .+ .+
grand .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+ .+ .+ .+
Bocal verre, grès etc. .+ .+ .+
large ouverture .+ .+ .+ .+ .+
Bock contenance 25 cl .+ .+ .+ .+ .+
Bonbonne large panse, pansue, renflée .+ .+ .+ .+
verre, grès, métal .+ .+
Bouilloire bouillir de l'eau, un liquide .+ .+ .+ .+ .+
avec bec .+ .+ .+ .+
avec anse .+ .+ .+
avec couvercle .+ .+
Bouteille en verre, plastique etc. .+ .+ .+
goulot étroit .+ .+ .+ .+ .+
Burette usages domestiques .+ .+ .+
Canette bière, jus .+ .+ .+ .+ .+
muni d'un bouchon .+ .+
Récipient Trait Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert

584
TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Caquelon terre, fonte .+ .+ .+ .+
profond .+ .+
Carafe verre, cristal .+ .+ .+ .+
Casserole forme cylindrique .+ .+ .+ .+
Chope cylindrique .+ .+
Cocotte fonte, verrerie culinaire etc. .+ .+ .+ .+ .+
Coquemar terre, métal .+ .+
avec couvercle .+ .+ .+ .+
avec pieds .+ .+
Coupe arrondi, évasé .+ .+ .+
plus haut que large .+ .+ .+
Cruche grès, terre .+ .+
Cuve grande taille .+ .+ .+ .+
Cuvette portatif .+ .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+ .+ .+
Dame-jeanne verre, grès, terre .+ .+ .+ .+
Fait-tout bouillir, cuire .+ .+ .+
métal, terre, fonte etc. .+ .+ .+
Flacon verre .+ .+ .+ .+
fermé par un bouchon .+ .+ .+ .+ .+
Futaille bois .+ .+
Gobelet plus haut que large .+ .+
cylindrique, évasé .+ .+ .+
sans pied .+ .+ .+ .+ .+
sans anse .+ .+ .+ .+
Marmite bouillir, cuire .+ .+ .+ .+ .+
terre, métal .+ .+
avec anse .+ .+ .+
Récipient Trait Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH

585
Pichet boisson, vin, cidre .+ .+ .+ .+ .+
Plat servir, cuire .+ .+ .+ .+
creux .+ .+
Poêle ronde .+ .+ .+
pour les fritures .+ .+ .+
Poêlon mijoter .+ .+ .+
Puisette métal, bois .+ .+
Quart contenance 25 cl .+ .+ .+ .+ .+
utilisé dans l'armée .+ .+ .+
Saladier salades, autres mets .+ .+ .+ .+ .+
Saucière sauce, jus, crème .+ .+ .+ .+ .+
Seau cylindrique, tronconique .+ .+ .+ .+ .+
muni d'une anse .+ .+ .+ .+
liquides, matières solides .+ .+ .+ .+ .+
Soupière avec anse .+ .+
avec couvercle .+ .+ .+
Tasse boire, boissons chaudes .+ .+ .+ .+ .+
Terrine terre, porcelaine, métal etc. .+ .+ .+ .+ .+
Tourie verre, grès .+ .+ .+ .+ .+
entourée d'osier, de paille .+ .+ .+ .+
liquides, acides .+ .+ .+
Verre verre, cristal, plastique .+ .+ .+

Total 72 18 25 26 33 31 40 25 15 12 13 9 4 5 2 2
Propriétés traitées 67 55 47 47 46

586
Annexe I.48
Récipients : traitement modalisé

Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert


Récipient Trait TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Assiette fond plat .+ .+ .+
contenir des aliments, à table .+ .+ .+ .+
Baquet de bois .+ .+ .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+
Bassin ronde ou ovale .+ .+ .+ .+
liquides, eau .+ .+
Bassine circulaire .+ .+ .+
grand .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+ .+ .+ .+
Bocal verre, grès etc. .+ .+ .+
large ouverture .+ .+ .+ .+ .+
Bock contenance 25 cl .+ .+ .+ .+ .+
Bonbonne large panse, pansue, renflée .+ .+ .+ .+
verre, grès, métal .+ .+
Bouilloire bouillir de l'eau, un liquide .+ .+ .+ .+ .+
avec bec .+ .+ .+ .+
avec anse .+ .+ .+
avec couvercle .+ .+
Bouteille en verre, plastique etc. .+ .+ .+
goulot étroit .+ .+ .+ .+ .+
Burette usages domestiques .+ .+ .+
Canette bière, jus .+ .+ .+ .+ .+
muni d'un bouchon .+ .+

587
Récipient Trait Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Caquelon terre, fonte .+ .+ .+ .+
profond .+ .+
Carafe verre, cristal .+ .+ .+ .+
Casserole forme cylindrique .+ .+ .+ .+
Chope cylindrique .+ .+
Cocotte fonte, verrerie culinaire etc. .+ .+ .+ .+ .+
Coquemar terre, métal .+ .+
avec couvercle .+ .+ .+ .+
avec pieds .+ .+
Coupe arrondi, évasé .+ .+ .+
plus haut que large .+ .+ .+
Cruche grès, terre .+ .+
Cuve grande taille .+ .+ .+ .+
Cuvette portatif .+ .+ .+ .+
usages domestiques, industriels .+ .+ .+ .+
Dame-jeanne verre, grès, terre .+ .+ .+ .+
Fait-tout bouillir, cuire .+ .+ .+
métal, terre, fonte etc. .+ .+ .+
Flacon verre .+ .+ .+ .+
fermé par un bouchon .+ .+ .+ .+ .+
Futaille bois .+ .+
Gobelet plus haut que large .+ .+
cylindrique, évasé .+ .+ .+
sans pied .+ .+ .+ .+ .+
sans anse .+ .+ .+ .+

588
Récipient Trait Choix ferme Choix modalisé Choix ouvert
TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH TLF PR PL LEX HACH
Marmite bouillir, cuire .+ .+ .+ .+ .+
terre, métal .+ .+
avec anse .+ .+ .+
Pichet boisson, vin, cidre .+ .+ .+ .+ .+
Plat servir, cuire .+ .+ .+ .+
creux .+ .+
Poêle ronde .+ .+ .+
pour les fritures .+ .+ .+
Poêlon mijoter .+ .+ .+
Puisette métal, bois .+ .+
Quart contenance 25 cl .+ .+ .+ .+ .+
utilisé dans l'armée .+ .+ .+
Saladier salades, autres mets .+ .+ .+ .+ .+
Saucière sauce, jus, crème .+ .+ .+ .+ .+
Seau cylindrique, tronconique .+ .+ .+ .+ .+
muni d'une anse .+ .+ .+ .+
liquides, matières solides .+ .+ .+ .+ .+
Soupière avec anse .+ .+
avec couvercle .+ .+ .+
Tasse boire, boissons chaudes .+ .+ .+ .+ .+
Terrine terre, porcelaine, métal etc. .+ .+ .+ .+ .+
Tourie verre, grès .+ .+ .+ .+ .+
entourée d'osier, de paille .+ .+ .+ .+
liquides, acides .+ .+ .+
Verre verre, cristal, plastique .+ .+ .+
Total 72 18 25 26 33 31 40 25 15 12 13 9 4 5 2 2
Propriétés traitées 67 55 47 47 46

589
Deuxième chapitre- Stéréotypie et polysémie
Annexe II.1 - Traitement d’approfondissement dans les différents dictionnaires

Dictionnaire Concret Abstrait Traitement unitaire


TLF A. TECHNOL. Creusement. B. Au fig.
1. Approfondissement naturel du sol, (dû au 1. Étude, analyse systématique et
climat, à l'érosion par les eaux...) réfléchie d'une question, d'un problème.
2. Approfondissement artificiel au moyen Approfondissement d'une question,
d'instruments. Approfondissement d'un puits, d'un d'une science, du sens d'une œuvre
bassin, d'un port 2. [L'approfondissement concerne un
état d'âme ou l'être moral tout entier]

PR 1- (Concret) Action d'approfondir; son résultat. 2- (Abstrait) Fait d'approfondir.


L'approfondissement d'une
connaissance, d'un sujet, d'un problème
Hachette Approfondir : 1… 2… dérivé approfondissement

PL Action d'approfondir ; fait de


s'approfondir

Annexe II.2 – Regroupement/dégroupement : rôle des critères syntaxiques

Dictionnaire Droite n.f. Droit adj. Droit adj. et n. Droit adj. et adv. Droit adj./adv. Et n.
TLF + +
PR + + +
PL + + +
LEXIS
HACHETTE

590
Gauche n.f. Gauche adj. Gauche adj. et n. Gauche n. m.
TLF + +
PR +
PL + + +
LEXIS
HACHETTE

Haut n.m. Haut adj. Haut adj. et n. Haut adj. et adv. Haut adj./adv. Et n.
TLF + +
PR +
PL + +
LEXIS + +
HACHETTE +

591
Annexe II.3- Traitement de "droit, droite"

Dictionnaire homonyme catégorie entrée catégorie domaine signification


LEXIS 1. Droit adj. adj. géométrie 1. Se dit d’une ligne sans déviation, sans courbure
1. Droit adj. adj. intellect 4.Se dit d’un esprit qui juge sainement
2. Droit adj. adj. morale Se dit d’une personne qui agit honnêtement
ce qui, par rapport au corps humain, est situé du côté opposé
3. Droit adj. adj. orientation au cœur
1. Dans une assemblée…2.Ensemble de ceux
Droite n. f. n. f. politique 2. qui soutiennent des idées conservatrices
PETIT LAROUSSE 1. Droit adj. et adv. adj. direction 1.– En droite ligne : directement.
1. Droit adj. et adv. adv. direction 1. Par le plus court chemin, sans détour
1. Droit adj. et adv. adj. géométrie 1. Qui s'étend sans déviation d'une extrémité à l'autre
1. Droit adj. et adv. adj. morale 4.– Le droit chemin : la voie de l'honnêteté.
1. Droit adj. et adv. adv. morale 2. De façon honnête. Marcher droit.
1. Droit adj. et adv. adj. morale/intellect 4. Qui juge sainement, qui agit honnêtement
2. Droit adj. adj. orientation 1. Qui est du côté opposé à celui du cœur
2. En parlant de choses, de la partie située du côté droit de
2. Droit adj. adj. orientation celui qui regarde
Droite n. f. n. f. géométrie 4. Intersection de deux plans non parallèles.
Droite n. f. n. f. orientation 1. Côté droit d'une personne
3. partie des assemblées parlementaires qui siège à la droite du
Droite n. f. n. f. politique président
Droite n. f. n. f. position/corps 2. Main droite.

592
Dictionnaire homonyme catégorie entrée catégorie domaine signification
PETIT ROBERT Droite n. f. n. f. géométrie II. Ligne dont l'image est celle d'un fil parfaitement tendu
Droite n. f. n. f. orientation I.1¨ Le côté droit, l'aile, la partie droite
Droite n. f. n. f. politique I.3¨ La droite d'une assemblée politique
Droite n. f. n. f. politique .I.3. — Les différents partis qui composent la droite.
1. Droit adj. et adv. adj. direction A.2¨ qui va d'un point à un autre par le chemin le plus court.
1. Droit adj. et adv. adv. direction B.2¨ Fig. Par la voie la plus courte, la plus rapide
1. Droit adj. et adv. adj. géométrie A.1¨ Qui est sans déviation, d'un bout à l'autre
1. Droit adj. et adv. adj. géométrie A.2._à Géom. Ligne droite. droite
1. Droit adj. et adv. adv. géométrie B.1¨ En ligne droite
1. Droit adj. et adv. adj. intellect B.2¨ Vieilli Qui suit un raisonnement correct
1. Droit adj. et adv. adj. morale A.2.— Fig. Le droit chemin : le chemin de l'honnêteté
1. Droit adj. et adv. adj. morale B.1¨ Qui ne s'écarte pas d'une règle (morale).
1. Droit adj. et adv. adv. morale 2._à Marcher droit : bien se conduire, être obéissant
2. Droit adj. et n. m. adj. orientation I. Qui est du côté opposé à celui du cœur de l'observateur
2. Droit adj. et n. m. n. m. position/corps II. Le poing droit, à la boxe
TLF 1. Droit adj., adv. et n. adj. direction B.2¨ Dont la direction est constante
1. Droit adj., adv. et n. adj. géométrie A.1. Ligne droite, et, p. ell., droite
1. Droit adj., adv. et n. adj. géométrie A.1.a.Qui ne présente ni angle, ni courbure
1. Droit adj., adv. et n. adj. intellect C.2.Conforme à la raison, juste, sain, sensé
1. Droit adj., adv. et n. adj. morale C.1.a.Conforme aux principes de la morale, de la religion.
1. Droit adj., adv. et n. adj. morale C.1.b.Franc, honnête, ouvert, sans compromission
2. Droit adj. et n. adj. orientation B.Qui correspond au côté droit de l'observateur.
2. Droit adj. et n. adj. orientation A.Situé du côté opposé à celui du cœur.
2. Droit adj. et n. n. f. politique C.Côté droit de l'hémicycle d'une assemblée parlementaire
2. Droit adj. et n. n. f. politique C._L'ensemble des parlementaires qui y siègent; idées, partis

593
Dictionnaire homonyme catégorie entrée catégorie domaine signification
HACHETTE 1. Droit adj., adv. et n. adj. géométrie A.1.Qui n'est pas courbe, qui trace une ligne qui ne dévie pas
1. Droit adj., adv. et n. adj. orientation A.2.Qui va par le chemin le plus court
1. Droit adj., adv. et n. adj. intellect A.4.Juste, équitable, un esprit droit
1. Droit adj., adv. et n. adj. morale A.5.Honnête et loyal
1. Droit adj., adv. et n. n. m. géométrie B1.Angle droit
1. Droit adj., adv. et n. adv. orientation C.2.Directement
2. Droit adj. et n. adj. position/corps A.Qui est du côté opposé ç celui du cœur
2. Droit adj. et n. n. m. position/corps B1.en boxe, le poing droit
géométrie, Ligne droite, La droite (d'une assemblée)…l'ensemble des
Droite n. f. n. f. politique conservateurs

594
Annexe 32- Traitement de
"gauche"

catégorie
Dictionnaire homony./polys. entrée catégorie domaine signification
LEXIS 1.gauche adj. et n. adj. et n. position/corps 1. Se dit de la partie du corps située du côté du cœur
2.gauche adj. adj. choses 1. Se dit d’une chose qui est de travers, tordue
1. Se dit de quelqu’un (ou de son comportement) qui est
emprunté, embarrassé,
3.gauche adj. adj. caractère maladroit et mal à l’aise
4.gauche n. f. n. f. politique 1. Gauche de gauche 2
PETIT
LAROUSSE 1.gauche n. f. n. f. orientation 1. Côté gauche d'une personne. Tourner sur sa gauche
2. partie des parlementaires siégeant à la gauche du président;
1.gauche n. f. n. f. politique les représentants,
1.gauche n. f. n. f. politique 3._les partis qui professent des opinions progressistes
1.gauche n. f. n. f. position/corps 2. Main gauche.
2.gauche adj. adj. caractère 3. Empreint de maladresse, de gêne. Personne gauche
3. Se dit de ce qui n'est pas droit, du fait d'une torsion volontaire
2.gauche adj. adj. choses ou accidentelle.
5. [Géométrie] Se dit d'une courbe ou d'une figure qui n'est pas
2.gauche adj. adj. géométrie plane.
2. choses orientées, se dit de la partie située du côté gauche
2.gauche adj. adj. orientation de celui qui regarde.
2.gauche adj. adj. position/corps 1. Se dit du côté du corps où est placé le cœur
2. [Mécanique industrielle] Défaut de planéité d'une pièce.
3.gauche n. m. n. m. choses Le gauche d'une bielle
3.gauche n. m. n. m. position/corps 1. a. Poing gauche, en boxe
3.gauche n. m. n. m. position/corps 1.b. Pied gauche, au football, au rugby.

595
catégorie
Dictionnaire homony./polys. entrée catégorie domaine signification
PETIT
ROBERT I.1.polysémie adj. et n. adj. et n. choses I.1¨ Qui est de travers, qui présente une déviation
I.2¨polysémie adj. et n. adj. et n. caractère I.2¨ (Personnes) Dépourvu de grâce, d'adresse, d'assurance
II.1._ Par anal. ( choses...) Qui est du côté correspondant au côté
gauche
II.1._polysémie adj. et n. adj. et n. orientation d'une personne
II.1._Se dit dans une assemblée délibérante du côté situé à main
gauche
II.1._polysémie adj. et n. adj. et n. politique du président
II.1.Par ext.polys
émie adj. et n. adj. et n. position/corps II.1Par ext. Se dit du côté où est la main gauche
II.1.polysémie adj. et n. adj. et n. position/corps II.1¨ (En parlant de la main) Qui est situé du côté du cœur
II.2¨. orientation de l'espace correspondant au côté gauche
II.2¨. polysémie adj. et n. n. f. orientation d'une personne
III. membres d'une assemblée siégeant à la gauche du président
III.polysémie n. f. n. f. politique et professant des idées progressistes

596
catégorie
Dictionnaire homony./polys. entrée catégorie domaine signification
TLF 1.gauche adj. et n. adj. orientation B. P. ext. Qui correspond au côté gauche de l'observateur.
1.gauche adj. et n. n. f. politique C. Côté gauche de l'hémicycle d'une assemblée parlementaire
1.gauche adj. et n. n. f. politique C._L'ensemble des parlementaires qui y siègent; les idées, les partis

1.gauche adj. et n. adj. position/corps A. 1. [une partie du corps] Situé du côté du cœur
1.gauche adj. et n. adj. position/corps A.2. En partic.a) Emploi péj.Main gauche. V. droit1
1.gauche adj. et n. n. f. position/corps A. [P. ell. de main]1. Main gauche
1.gauche adj. et n. n. f. position/corps B. Côté de la main gauche
B. 1.b) [De son comportement] Qui est maladroit, mal assuré,
2.gauche adj. adj. caractère emprunté
A. [objet]1. Qui est dévié, de travers par rapport à une ligne
2.gauche adj. adj. choses ou à un plan de référence
B.2. [manifestations de l'activité intellect. ou artist.] Qui est
maladroit,
2.gauche adj. adj. intellect lourd, mal venu
B. 1.a) [De son aspect extérieur, de sa silhouette] Qui est lourd,
2.gauche adj. adj. physique dépourvu de grâce
HACHETTE A.1.polysémie adj. et n. adj. choses A.1.Qui n'est pas plan, déformé
A.2.polysémie adj. et n. adj. géométrie A.2.Dont tous les points ne sont pas contenus dans le même plan
A.3.polysémie adj. et n. adj. caractère A.3.Qui manque d'aisance, d'adresse
A.4.polysémie adj. et n. adj. position/corps A.4.Qui est situé du côté du cœur
A.5.polysémie adj. et n. adj. orientation A.5. Qui est situé du côté de la main gauche
B.1.polysémie adj. et n. n.m. position/corps B.1.poing gauche
C.1.polysémie adj. et n. n. f. orientation C.1.Le côté gauche
C.2.polysémie adj. et n. n. f. politique C.2. Ensemble des députés…

597
Annexe II.5 - Classification selon le critère syntaxique dans Le Petit Larousse

Mot Catégorie grammaticale définition


Cochon adjectif et nom Fam.
1. Sale, dégoûtant.
2. Malfaisant, déloyal.
3. Égrillard, obscène
Cochon adjectif Fam. Film, spectacle cochon, film, spectacle pornographique.
Cochon nom masculin 1. Mammifère domestique élevé pour sa chair. (Cri : le cochon grogne ; famille des
suidés.)
– Fam. Tour de cochon : action méchante commise au préjudice de quelqu'un.

Cochonner verbe intransitif Mettre bas, en parlant de la truie.


Cochonner verbe transitif Fam. Exécuter salement ; souiller, salir.
Vache adjectif Fam.
1. Très sévère ; méchant. Tu es vache avec lui.
2. Dur, pénible. C'est vache ce qui lui arrive.
– Un(e) vache (de)... : quelque chose de très difficile ou de sensationnel, de
formidable
Vache nom féminin 1. Femelle reproductrice de l'espèce bovine.
3. Fam. Personne méchante, très sévère, sans pitié. (On dit aussi peau de vache.)
– Fam. Coup en vache : coup donné par traîtrise.
– Fam. La vache ! : expression de dépit ou d'admiration.
Singerie nom féminin 1. Grimace, geste, tour comique.
2. Fig. Imitation gauche ou caricaturale.
3. Ménagerie de singes.
Singeries nom féminin pluriel Fam. Manières affectées, hypocrites ; simagrées.

598
Annexe II.6 - Traitement de
Haut

catégorie
Dictionnaire homony./polys. entrée catégorie domaine signification
HACHETTE A.1.polysémie adj., adv. et n. adj. Dans l'espace A.1.D'une certaine dimension dans le sens vertical
A.5.polysémie adj., adv. et n. adj. intensité A.5. Élevé, important en intensité, en valeur
échelle de valeur
A.7.polysémie adj., adv. et n. adj. morale+ 7. Excellent
A.6. Qui possède la prééminence, la supériorité
A.6.polysémie adj., adv. et n. adj. hiérarchie soc. et pol. hiérarchiquement
B.1.polysémie adj., adv. et n. n. m. Dans l'espace B.1. Dimension verticale
C.1.polysémie adj., adv. et n. adv. Dans l'espace C.1.A une très grande hauteur
échelle de v. mor., C.4. A un degré très élevé sur l'échelle des valeurs sociales,
C.4.polysémie adj., adv. et n. adv. intelect. et esth. morales etc.
échelle de v. mor., 12. ce qui est jugé supérieur, possède de la noblesse, de la
LEXIS A.12.polysémie adj. adj. intelect. et esth. distinction de la force.
1. ce qui a une grande dimension dans le sens vertical,
A.1.polysémie adj. adj. Dans l'espace de ce qui est élevé
B.2.polysémie n. m. n. m. Dans l'espace 2. Dimension verticale d'un corps, de la base au sommet
échelle de valeur
B.4.polysémie n. m. n. m. morale+ 4.ce qu’il y a d’élevé, d’important, d’excellent
C.polysémie adv. adv. tous sens

599
Dictionnaire homony./polys. catégorie entrée catégorie domaine signification
PETIT
LAROUSSE 1.haut adj. et adv. adj. Dans l'espace 1. Qui a une certaine dimension dans le sens vertical
1.haut adj. et adv. adv. Dans l'espace 1. À haute altitude, en un lieu élevé, à un degré élevé
1.haut adj. et adv. Loc. adv. figement/ générique D'en haut : d'un endroit élevé ; d'un niveau élevé du pouvoir
7. Qui occupe une position supérieure, éminente dans sa
1.haut adj. et adv. adj. hiérarchie (générique) catégorie.
2.haut adj. et adv. adj. intensité (générique) 8. Qui est très grand, à quelque titre que ce soit.
2.haut n. m. n. m. Dans l'espace 1. Dimension verticale d'un corps
2.haut n. m. n. m. Dans l'espace 2. Partie haute, sommet ; partie supérieure
figement/ valeur – Traiter, regarder quelqu'un de haut, avec dédain,
2.haut n. m. n. m. morale mépris
figement/ valeur
2.haut n. m. n. m. morale – Le prendre de haut : réagir avec mépris.

600
catégorie
Dictionnaire homony./polys. entrée catégorie domaine signification
PETIT I.B.1¨ Qui est placé ou porté au-dessus
ROBERT I.B.1.polysémie adj., adv. et n. adj. Dans l'espace de la position normale ou habituelle
I.B.1.polysémie adj., adv. et n. adj. Dans l'espace I.B.1_« Un homme qui tient haute une épée
figement/ valeur
I.B.2.polysémie adj., adv. et n. adj. morale I.B.1. — Loc. Marcher la tête* haute, le front haut
I.C.1.polysémie adj., adv. et n. adj. Dans l'espace I.B.2¨ Qui se trouve situé au-dessus des choses, de la chose.
I.C.2.polysémie adj., adv. et n. adj. hiérarchie soc. et pol. I.C.1. éminent, grand
échelle de v. mor.,
I.C.2.polysémie adj., adv. et n. adj. intelect. et esth. I.C.2¨ au-dessus de la moyenne, supérieur
échelle de valeur
I.C.2.polysémie adj., adv. et n. adj. morale+ I.C.2._ Vx 1. beau, élevé, noble
I.C.3.polysémie adj., adv. et n. adj. valeur morale- I.C.2._ Vieilli altier, 1. hautain
II.1.polysémie adj., adv. et n. adj. intensité I.C.3¨ (Abstrait) Très grand. extrême
II.1.Dimension dans le sens vertical, de la base au
II.2.polysémie adj., adv. et n. n. m. Dans l'espace sommet
II.4.polysémie adj., adv. et n. n. m. Dans l'espace II.2¨ Position déterminée sur la verticale
II.5.polysémie adj., adv. et n. n. m. Dans l'espace II.4¨ La partie la plus haute, le point culminant.
III.B.4.polysémie adj., adv. et n. n. m. figement/ II.5¨ Spécialt Des hauts et des bas
III.B¨ 4¨ un haut degré de puissance, à un haut degré de
III.B.6.polysémie adj., adv. et n. adv. hiérarchie soc. et pol. l'échelle sociale
échelle de v. mor.,
III.C.1.polysémie adj., adv. et n. adv. intelect. et esth. III.B.6¨ un haut degré
figement/ valeur III.C.1._ Fig. Tomber de haut :
III.C.1.polysémie adj., adv. et n. adv. morale éprouver de graves désillusions
figement/ valeur III.C.1.— Le prendre de haut, de très haut : réagir avec
III.C.1.polysémie adj., adv. et n. adv. morale arrogance.
III.C.2.polysémie adj., adv. et n. adv. figement/espace III.C.1.de haut : d'un lieu, d'un point haut sur la verticale

601
III.C.2¨ EN HAUT : dans la région, la partie haute, la plus
III.C.4.polysémie adj., adv. et n. adv. Dans l'espace haute
III.C.4. D'EN HAUT : de la partie haute, de la région
III.C.4.polysémie adj., adv. et n. adv. Dans l'espace supérieure
III.C.4.polysémie adj., adv. et n. adv. hiérarchie soc. et pol. III.C.4.— Des ordres qui viennent d'en haut.
échelle de v. mor.,
TLF 1.haut adj. et adv. adv. intelect. et esth. F. À un haut degré
échelle de valeur
1.haut adj. et adv. adj. morale+ G. 1. Élevé, noble, beau
1.haut adj. et adv. adj. valeur morale- G. 2. Vieilli, péj. Fier, orgueilleux
1.haut adj. et adv. adj. Dans l'espace A. 1. Qui a une dimension déterminée dans le sens vertical
1.haut adj. et adv. adj. Dans l'espace A. 6. Qui est relevé, dressé.
1.haut adj. et adv. adv. Dans l'espace A.1. À un point élevé sur la verticale; à une grande hauteur
figement/ valeur A. 6. _fig. Pouvoir aller la tête haute, le front haut.
1.haut adj. et adv. adj. morale Avoir la conscience tranquille
1.haut adj. et adv. adj. hiérarchie soc. et pol. E. Qui occupe une position supérieure, un rang éminent
1.haut adj. et adv. adv. hiérarchie soc. et pol. E. À un haut degré de puissance, à un rang élevé
1.haut adj. et adv. adj. intensité H.1. Très grand; extrême. Haute sécurité
H.2. Loc. verb. Avoir une haute idée, une haute opinion de
1.haut adj. et adv. adj. intensité qqn
2.haut adj. et adv. adv. intensité D. Le plus grand, le plus abondant
échelle de v. mor.,
2.haut n. m. n. m. intelect. et esth. B.3. Ce qui est élevé, ce qui est excellent
2.haut n. m. n. m. Dans l'espace A. Dimension verticale déterminée, de la base au sommet
2.haut n. m. n. m. Dans l'espace B. Position déterminée sur la verticale
2.haut n. m. n. m. figement/ B.2. De haut b) Au fig. D'une autorité supérieure.
2.haut n. m. n. m. figement/ E.1. Loc. verb. Évacuer par le haut et par le bas
n. m. n. m. figement/ E.2. Avoir des hauts et des bas

602
Annexe II.7 - Traitement homonymique et traitement polysémique dans Lexis

Domaine Type de Mot vedette Définition


traitement
Animal/caractère humain Homonymie 1. Cochon 1. Cochon 1. Syn. Usuel de porc...
♦ Cochonner : mettre bas en parlant de la truie
2. Cochon, 2. Cochon, cochonne 1. Fam. Sale, dégoûtant, physiquement ou
cochonne moralement...
2. Se dit de quelqu’un qui joue de mauvais tours ou
de quelque chose de malfaisant, désagréable
3. Qui heurte la décence…obscène
4. pop. Amis comme cochons : amis intimes
♦ Cochonner, cochonner quelque chose : l’exécuter salement, sans soin, le
mettre en mauvaise état
♦ Cochonnerie 1. Fam. Saleté, objet ou parole sale
2. Fam. Objet de mauvaise qualité
3. Fam. Action méchante, déloyale
4. Fam. Chose mauvaise ou désagréable
♦ Cochonceté Pop. Chose sale, indécente

1.Vipère 1.Vipère 1. Serpent venimeux


2.Vipère 2.Vipère : Personne méchante et malfaisante
1.Furet 1.Furet 1. Petit mammifère carnivore…
2.Furet 2.Furet : personne curieuse toujours en train de fureter
1. Faisan 1. Faisan : Gros oiseau… qui constitue un gibier recherché
2. Faisan 2. Faisan : Homme malhonnête
Polysémie Ver Vermisseau1. Petit ver, petite larve
2. Être chétif, misérable
Hyène 1. Mammifère carnassier
2.Personne qui s’attaque à des gens sans défense
Bouc 1. Mâle de la chèvre…
2. Homme malpropre, lubrique

603
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
Veau 1. Petit de la vache
4. Personne lourde de corps ou d’esprit
Oie 1. Oiseau…
2. Fam. Personne sotte, niaise
1. Cheval 1. Mammifère ongulé …
2. Fam. Femme grande et forte, sans grâce
3. Fam. Personne dure à l’ouvrage

Lapin 1.Mammifère rongeur…


2. Chair comestible du lapin
4. Fam. Homme rusé, brave et résolu
Porc 1. Mammifère domestique…
3. Fam. Homme grossier, sale, débauché
Forme/ caractère d’une Homonymie 1.Carré, e 1.Carré, e 1. Se dit d’une surface qui a quatre angles droits et quatre
personne ou d’un objet côtés rectilignes égaux ou d’un volume qui a quatre plans rectangulaires et
de même écartement deux à deux
2. Carré, e Se dit d’une personne ou d’un acte (ou de ses actes) qui a une grande
franchise, qui fait preuve de décision
1. Avec franchise, fermeté, sans détours
2.Indique la certitude absolue
Polysémie Rond 1…qui a la forme d’un cercle, d’une sphère…
6. Franc et décidé
♦ Rondement 1. avec entrain, avec décision
2. D’une manière franche, sans façon
♦ Rondeur 4. Avec rondeur d’une manière aimable et sans façon : il
s’expliqua sur un ton de rondeur, de franchise, qui m’alla au cœur
(Daudet)

604
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
Épais, se 1. Se dit d’un corps considéré dans la dimension qui n’est ni la
largeur, ni la longueur, ou d’un corps dans lequel cette dimension
est relativement importante
3. Se dit de ce qui est consistant, compact
4. Se dit de ce qui manque de pénétration, Esprit épais

Vision/ esprit Homonymie 1. Voir 1. voir : voir une personne, une chose, les percevoir par les yeux
2.Voir 2.voir
1. voir une chose : l’examiner, l’étudier de près, y réfléchir
2. juger, décider, aviser
3. avoir dans l’esprit l’image de quelque chose
4. imaginer, concevoir
♦ vue nf
1. image mentale ou faculté de former des images mentales
2. idée, conception
intention de faire quelque chose
1.Vision 1.Vision : Fonction assurée par les yeux et le cerveau de
l’homme…
2. Vision 2. Vision : perception imaginaire d’objets irréels, fantastiques

1. Éclairer 1. Éclairer 1. Éclairer quelque objet, quelqu’un, répandre de la


lumière dessus
2. Éclairer quelqu’un, lui fournir une lumière qui lui permette d’y
voir

2. Éclairer 2.Eclairer 1. Éclairer quelque chose, le rendre compréhensible :


Éclairer un problème
2. Éclairer quelqu’un, lui fournir des renseignements, le mettre en
état de comprendre

605
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
Polysémie Regarder 1. Regarder quelqu’un, quelque chose, porter les yeux diriger les
yeux sur eux.
2. avoir en vue, considérer…(syn. envisager, rechercher)

Obscur, e 1.Se dit d’une pensée, d’une personne que l’on comprend
difficilement
2. Se dit de quelqu’un (ou de son rôle) qui reste inconnu ou peu
célèbre
♦ obscurité
1. État, qualité de ce qui est obscur. On dit que les chats voient
dans l’obscurité (syn LA NUIT, LES TENEBRES[ [litt] ;
contraire LE JOUR)...Les nobles et anciens nobles
continuaient à prendre des noms de terre fort contestables.
Leur obscurité les garantissait (Sand) (syn
ANONYMAT)...L’obscurité de la poésie mallarméenne
(=la difficulté de la comprendre)
2. Phrase, pensée obscure
♦ obscurcir
1. Rendre obscur : Les feuillages obscurcissent le jardin en
été (syn ASSOMBRIR). Le vin lui obscurcit les idées (syn
brouiller contraire ECLAIRER)
2. Oter du lustre, de l’éclat
Class 1. aveugler intellectuellement

Aveugle 1.Privé de la vue


2. Passion
♦ aveuglément : sans réflexion, ni jugement, sans faire
d’objection
♦ Aveuglement : Passion extrême allant jusqu’à la perte du
jugement. Obstination dans un point de vue

606
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
Un seul sens Aveugle ♦ Aveugler 1. Aveugler quelqu’un, le priver de la vue ; ou
priver de lucidité
♦ aveuglant : Les phares projetaient dans la cour leur lumière
aveuglante (Martin du Gard) [=éblouissante]/ Vérité aveuglante
[=claire, évidente]

Apercevoir Apercevoir quelqu’un, quelque chose, voir, après quelque


recherche, une personne ou une chose que l’éloignement, la
petitesse ou d’autres raisons empêchent de découvrir d’emblée
Son intelligence lui fait apercevoir ce qui échappe aux autres
Orientation dans l’espace/valeur Homonymie 1.Descendre 1.Descendre : 1.Aller de haut en bas…
axiologique 2.Descendre 2.Descendre : [sujet nom de pers] S’abaisser au dessous de son
rang : Dans ses accès de colère, il descend jusqu’à la pire
grossièreté (contraire de s’élever)
1.Bas, Basse 1.Bas, Basse : concret…
2.Bas, Basse 2.Bas, Basse : Se dit de quelqu’un (ou de sa conduite, ou de son
activité) qui est inférieur, sans valeur sur le plan moral, méprisable
1. Centre 1. Centre 1. Point situé à égale distance de tous les points de la
ligne ou de la surface extérieures, ou situé à l’intersection des axes
de symétrie
2. Centre 2. centre 1. Ville, localité caractérisée par l’importance de sa
population ou de l’activité qui s’y déploie
♦ central, e, aux Adj. Le commentaire a insisté sur l’idée centrale
du livre

607
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
1. Profond 1. Profond 1. Se dit d’une chose dont le fond est loin de la surface,
de l’ouverture
2. Se dit d’une chose qui est ou qui descend loin de la surface
♦ Approfondir : Approfondir un trou, une cavité etc. les creuser
afin de les rendre plus profonds
♦ approfondissement : L’approfondissement du canal demandera
plusieurs années.

2. Profond 2. Profond 1. Se dit d’une chose cachée qui commande le


comportement de quelqu’un, le cours des événements
2. Se dit de quelqu’un qui réfléchit mûrement, qui fait
preuve de pénétration, ou d’une phrase, d’une œuvre
littéraire riche de substance, exprimant des pensées sérieuses
3.Se dit de ce qui est intense, porté à un degré élevé
4.En parlant des couleurs, très foncé
♦ Approfondir 1. approfondir quelque chose, une science, etc., les
examiner plus avant afin d’en avoir une plus grande connaissance.
2.Approfondir un désaccord, une haine, une amitié,
les rendre plus intenses, les accroître.
♦ Approfondissement. L’approfondissement d’un problème, de ses
propres connaissances…de leurs désaccords
Polysémie 1. Centre 1. Point situé à égale distance de tous les points de la ligne ou de la
surface extérieures, ou situé à l’intersection des axes de symétrie
2.point essentiel, La question financière a été au centre du débat
(syn. Cœur)
Monter 1.Se transporter en un lieu plus élevé…
3. Progresser en passant d’un degré à un autre plus élevé : Officier
qui monte en grade . Monter au faîte des honneurs

608
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
Creux, creuse ♦ Creuser 1. Creuser quelque chose, le rendre creux en ôtant de
la matière…
3. Creuser un problème, une idée, une question etc. y réfléchir
attentivement, l’approfondir
Baisser 1.Baisser une chose, la faire descendre, la ramener à un niveau plus
bas
2. Baisser la main, la tête, les yeux etc., les porter, les incliner vers
le bas
♦ V. intr. Diminuer de hauteur, de valeur, de force etc.
Un seul sens Ascension 1. Action de s’élever : L’ascension d’un ballon. L’histoire de votre
ascension professionnelle a été faite plusieurs fois
.+ chaleur, + sensibilité / Homonymie 1.Glace 1.Glace
- chaleur, - sensibilité 1. Eau congelé par le froid…

3.Glace 3.Glace Être de glace, avoir un cœur de glace, un air, un visage


de glace, être, se montrer insensible
♦ glacer 1. Glacer quelqu’un, l’intimider au plus haut point
♦ glaçant, e adj. se dit d’une personne (ou de son attitude) qui
décourage ou intimide par un caractère d’indifférence ou
d’hostilité
♦ glacé, e se dit d’un comportement qui a un caractère
d’indifférence et d’hostilité mêlées
♦ glacial, e, als ou aux Personne glaciale, air, abord, accueil,
sourire, silence etc. glacial, qui intimide fortement par sa
froideur, son indifférence
1. Froid 1. Se dit d’un objet, d’un lieu etc. qui est à basse température, ou à
une température qui paraît plus basse que celle du corps humain
2.Qui produit impression d’une chose froide
Class. Froideur : Basse température

609
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
4. Froid 4.Froid
1. Se dit d’une personne (de son comportement) qui
donne une impression d’indifférence, d’impossibilité ou
d’insensibilité
♦ Froideur 1. Absence de sensibilité, indifférence, ostensible
etc.
2. manque de sensualité
3. Caractère d’une œuvre littéraire ou artistique qui
manque de vie, d’émotion

1.Allumer 1.Allumer 1. Rendre lumineux, faire fonctionner pour donner de la


lumière
2. Fam. Allumer une pièce, un lieu, y répandre la
lumière
3. Mettre en état de fonctionnement un appareil de
radio de chauffage etc.
♦ s’allumer 1. Devenir lumineux
2. devenir brillant (d’envie, de convoitise etc.)
2. Allumer 2. Allumer 1. Allumer quelque chose, y mettre le feu
2. Litt. Allumer la guerre, la provoquer, la susciter
♦ s’allumer, bois, guerre
1.Ardent, e 1.Ardent, e 1. Qui chauffe
2. Qui cause une sensation de chaleur, de brûlure
2. Ardent, e 2. Ardent, e 1. Se dit d’une chose qui a un caractère de violence,
de force, de passion
2. Se dit d’une personne pleine de fougue
3. Ardent à quelque chose, qui s’y porte, s’y adonne
avec ardeur
5. Vif, éclatant

610
Domaine Type de Mot vedette Définition
traitement
1.Chauffer 1.Chauffer 1. Chauffer quelque chose, le rendre chaud
2.Chauffer 2.Chauffer 1. Donner une sensation de chaleur
2.Activer, mener rondement
3. Exciter, enthousiasmer
4. Chauffer des élèves, un sportif, les préparer avec un
zèle hâtif à un examen, une compétition
1. Chaud 1. Chaud
♦ Chaleur 1. Température élevée d’un corps
1. être en chaleur, en parlant des femelles des
animaux domestiques, désirer l’approche d’un mâle.
2. Chaud 2. Chaud
♦ Chaleur : Ardeur des sentiments
1.Bouillir 1.Bouillir 1.Etre animé de mouvements sous l’effet de la chaleur,
en dégageant des bulles de vapeur qui viennent crever à la surface
2.Bouillir 2.Bouillir : Bouillir de colère, d’impatience etc. Être animé d’une
violente colère, ne pouvoir se contenir qu’à grande peine
|| faire bouillir quelqu’un provoquer son irritation, son
impatience
|| Avoir le sang qui bout dans les veines, avoir la vivacité, la fougue de la
jeunesse
1. Flamme 1. flamme : 1.Gaz incandescent généralement lumineux…
2. Flamme 2. flamme 1. Ardeur, vivacité d’un sentiment
♦ enflammer 2.Enflammer quelqu’un, le cœur de quelqu’un : l’emplir
d’ardeur, de passion
♦ s’enflammer Être gagné par l’irritation, la passion
Polysémie Brûler 1. Brûler quelque chose, quelqu’un, les détruire, les anéantir, les
endommager par le feu
6. Brûler quelqu’un, provoquer chez lui une excitation, une douleur vive,
des sentiments violents.

611
Annexe II.8 a) - “boeuf-viande”
Bœuf
TLF : « 2. P. ext., ALIM. Chair du bœuf, de la vache ou du taureau »
PETIT ROBERT : « 4. Viande de bœuf ou de vache, de génisse »
PETIT LAROUSSE : « 2. a. Mâle châtré adulte de l'espèce bovine.
b. Viande de cet animal »
LEXIS : « 2. Viande de bœuf, de taureau ou de vache, noms de divers plats cuisinés »
HACHETTE : « Chair de cet animal »

Annexe II.8 b) - « vache-viande »


Vache
TLF : « 6. Empl. techn.a) BOUCH. souvent péj. Viande de cet animal, vendue en boucherie sous
l'appellation bœuf. »
PETIT ROBERT : « — Vendue en boucherie sous le nom de bœuf*, la vache a la chair plus savoureuse que … »
PETIT LAROUSSE : Ø
LEXIS : Ø
HACHETTE : Ø

Annexe II.8 c) - taureau


Taureau
TLF : « A. 1. Mâle non castré de l'espèce bovine dont la femelle est la vache »
PETIT ROBERT : « 1- Mammifère, bovidé domestique, mâle de la vache. »
PETIT LAROUSSE : «1. Mâle reproducteur de l'espèce bovine »
LEXIS : « …apte à la reproduction »
HACHETTE : Ø
Annexe II.8 d) - génisse
Génisse
TLF : « Jeune vache qui n'a pas encore mis bas »
PETIT ROBERT : « Jeune vache qui n'a pas encore vêlé. Foie de génisse. »
PETIT LAROUSSE : «Jeune femelle de l'espèce bovine n'ayant pas encore vêlé. »
LEXIS : « Femelle de l'espèce bovine »
HACHETTE : Ø

612
Annexe II.8 e) - « poulet-viande »
Poulet
TLF : «2. ART CULIN.
a)Jeune coq ou jeune poule, élevé pour la consommation précoce.
b) P. méton. Viande de poulet. »
PETIT ROBERT : «2 Poule ou coq jeune, destiné à l'alimentation.
. — Du poulet : de la viande de poulet. Manger du poulet. »
PETIT LAROUSSE : «2. Poule ou coq non encore adulte, élevé(e) pour sa chair. Poulet de grain.
3. Viande de poulet »
LEXIS : «1.Poule
♦ Poulet, ette petit de la poule, jeune poule
♦ poule ou coq dans sa destination alimentaire, manger du poulet (de la chair de poulet) »
HACHETTE : « Volaille de jeune coq ou de jeune poule cuite, accommodée pour la table »

Annexe II.8 f) - « poule, coq-plat »

Poule
TLF : « 1. Volatile de basse-cour, femelle du coq, élevé pour ses oeufs et sa chair.
-ART CULIN. Bouillon de poule. Eau de cuisson d'une poule »
PETIT ROBERT : « 1 Femelle du coq, — Bouillon de poule. Poule au riz. »
PETIT LAROUSSE : «1. Femelle du coq, élevée pour sa chair et pour ses œufs. »
LEXIS : Ø
HACHETTE : Ø

613
Coq
TLF : « 1. Oiseau de basse-cour, mâle de la poule
-ART CULIN.
Coq vierge. Chapon. Préparation faite à partir d'un coq, d'un poulet ou d'une autre volaille. Coq en pâte.
Poularde, coq ou chapon farci. »
PETIT ROBERT : « 1 Oiseau de basse-cour, — Cuis. Coq adulte. Coq au vin. »
PETIT LAROUSSE : «1. Oiseau domestique, mâle de la poule
2. Coq au vin : plat préparé à partir de ce volatile cuit avec du vin rouge. »
LEXIS : Ø
HACHETTE : Ø

614
Annexe II.9 - "animal-viande" : traitement du TLF

Statut
Dic. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
Mammifère, chassé principalement
TLF CHAMOIS mammifère élevage- élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 pour sa peau
Mâle non châtré de la brebis, réservé
BELIER mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 pour la reproduction
BOUC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mâle de la chèvre
Femelle adulte SYNT. fromage, lait de
BREBIS mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 brebis; laine, toison de brebis
Mammifère ruminant, utilisé comme
monture ou comme
CHAMEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 bête de somme dans …
Mammifère ruminant domestique
SYNT. ; fromage, lait, peau, poil de
CHEVRE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 chèvre »
GENISSE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Jeune vache qui n'a pas encore mis bas
JUMENT mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Femelle du cheval
POULAIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Petit du cheval
. Mâle non castré de l'espèce bovine dont
TAUREAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 la femelle est la vache
AGNEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception P. ext.1. Chair de l'agneau débitée à la boucherie
LAPIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- acception 1. Chair comestible du lapin
Viande de mouton dans le commerce de
MOUTON mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception B. P. méton.1. la boucherie et plus gén. viande d'agneau
PORC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception B. P. méton.1. Viande de porc
CHEVREAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- acception B. P. méton.2. Viande de chevreau

615
Statut
Dic. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
Mammifère...dont la chair est très
TLF CHEVREUIL mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- nuance de sens appréciée, Filet, gigot de chevreuil
Mammifère...qui est un gibier très
recherché, notamment pour la chasse à
CERF mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+- boucherie- définition courre
LIÈVRE mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- nuance de sens 3. P. méton.a) Chair de l'animal. Terrine de lièvre
SANGLIER mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- nuance de sens A.P. méton. Chair de cet animal.
BOUCH., ART CULIN. Viande de cet
VEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ nuance de sens 3. P. méton.a) animal,
pouvant être accommodée de
nombreuses manières.
CHEVAL mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie+- nuance de sens 2. P. méton.a) ALIM. Synon. de viande de cheval
AUTRUCHE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0
GEAI oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0
Chair de cet oiseau, que l'on utilise dans
OIE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- acception B. P. méton.1. l'alimentation:
vivant à l'état sauvage dans la forêt et la
FAISAN oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition plaine,
BECASSE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition oiseau...constituant un gibier estimé
très estimé comme gibier et recherché
PERDRIX oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition pour les prépar.
culin. perdrix aux choux, rôtie
engraissé notamment pour les fêtes de
DINDE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition fin d'année.
dont la chair comestible est recherchée.
CANARD oiseau élevage+- élevé, rech. pr viande+ boucherie- Définition A. Canard musqué, au sang, à l'orange
La caille est, parmi le gibier proprement
CAILLE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- Exemple dit

616
Statut
Dic. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
P. méton. Cet oiseau apprêté dans des
TLF SARCELLE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- nuance de sens plats recherchés; chair de cet oiseau
Coq vierge. Chapon. Préparation faite à
COQ oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie- nuance de sens ART CULIN. partir d'un coq,
d'un poulet ou d'une autre volaille.
Bouillon de poule. Eau de cuisson d'une
POULE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie- nuance de sens ART CULIN. poule

617
Annexe II.10 - "animal-viande" : Traitement du Petit
Robert

Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
PR CHAMOIS mammifère élevage- élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mammifère
nuance de
LIÈVRE mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens — Chair comestible de cet animal
nuance de
SANGLIER mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens 1.— Chair de cet animal
nuance de
CHEVREUIL mammifère élevage- élevé, rech.pr viande+ boucherie- sens — Cuissot, ragoût de chevreuil.
CERF mammifère élevage- élevé, rech.pr viande+- boucherie- 0 0 Grand mammifère ruminant. Les bois du cerf,
BELIER mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mâle non châtré de la brebis
BOUC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mâle de la chèvre
Femelle adulte du mouton. Lait, fromage de
BREBIS mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 brebis
Grand mammifère …Transport à dos de
CHAMEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 chameau
CHEVRE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Lait de chèvre. Fromage de chèvre
Jeune vache qui n'a pas encore vêlé. Foie de
GENISSE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 génisse
JUMENT mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Femelle du cheval
Petit du cheval, mâle ou femelle.
POULAIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Poulain entraîné pour la course

618
Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
Mammifère, bovidé domestique, mâle de la
PR TAUREAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 vache
AGNEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 2. Viande d'agneau
nuance de
LAPIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens 1.— Chair comestible de cet animal
MOUTON mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 4. Chair, viande de mouton.
PORC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 3. Viande de cet animal
Viande de cet animal (viande blanche),
VEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 3. vendue en boucherie
nuance de
CHEVAL mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie+- sens — Viande de cheval
2¨ Peau de chèvre ou de chevreau qui a été
CHEVREAU mammifère élevage+ élevé, rech.pr viande- boucherie- 0 0 tannée.
AUTRUCHE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 2¨ Peau tannée de cet oiseau
FAISAN oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition dont la chair est très estimée.
GEAI oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0
PERDRIX oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition oiseau...qui est très apprécié comme gibier
BECASSE oiseau élevage- élevé, rech.pr viande+ boucherie- définition Oiseau échassier, à chair très estimée.
nuance de
CAILLE oiseau élevage- élevé, rech.pr viande+ boucherie- sens Cuis Cailles aux raisins.
SARCELLE oiseau élevage- élevé, rech.pr viande+ boucherie- Exemple Chasser la sarcelle.
Cette volaille, apprêtée pour être mangée.
nuance de Dinde rôtie.
DINDE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens 1.spécialt Dinde de Noël.
nuance de Confit d'oie. Foie* gras d'oie. Graisse
OIE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens — d'oie.
Fam. Boniments à la graisse* d'oie.

619
Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
nuance de Oiseau de basse-cour, — Cuis. Coq adulte.
PR COQ oiseau élevage+ élevé, rech.pr viande+- boucherie- sens 0 Coq au vin. »
1¨ Femelle du coq, — Bouillon de poule.
POULE oiseau élevage+ élevé, rech.pr viande+- boucherie- Exemple Poule au riz
Canard rôti. Canard aux navets, aux olives, à
nuance de l'orange,
CANARD oiseau élevage+- élevé, rech. pr viande+ boucherie- sens — au poivre vert, au sang.

620
Annexe II.11 - "animal-viande" : traitement du Petit
Larousse

Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevé, rech. pr
PL BELIER mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 Mouton mâle
élevé, rech. pr
BOUC mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 Mâle de la chèvre
élevé, rech. pr Mammifère...sert de monture et d'animal de
CHAMEAU mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 trait
élevé, rech. pr
CHAMOIS mammifère élevage- viande- boucherie- 0 0 2. Peau de chamois
que l'on élève principalement pour la
élevé, rech. pr production
CHEVRE mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 de lait.
CHEVREA élevé, rech. pr
U mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0
élevé, rech. pr Jeune femelle de l'espèce bovine n'ayant
GENISSE mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 pas encore vêlé.
élevé, rech. pr
JUMENT mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 Femelle adulte de l'espèce équine
élevé, rech. pr
POULAIN mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 Jeune cheval âgé de moins de trois ans
élevé, rech. pr
TAUREAU mammifère élevage+ viande- boucherie- 0 0 Mâle reproducteur de l'espèce bovine
élevé, rech. pr
BREBIS mammifère élevage+ viande- boucherie- Mouton femelle
élevé, rech. pr
AGNEAU mammifère élevage+ viande+ boucherie+ acception 1.b. Chair d'agneau

621
Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevé, rech. pr
PL LAPIN mammifère élevage+ viande+ boucherie- acception 2. Chair comestible du lapin
élevé, rech. pr
LIÈVRE mammifère élevage- viande+ boucherie- acception 1.b. Chair comestible de cet animal.
élevé, rech. pr
MOUTON mammifère élevage+ viande+ boucherie+ acception 2. Viande, cuir ou fourrure de cet animal.
élevé, rech. pr
PORC mammifère élevage+ viande+ boucherie+ acception 2. Viande de cet animal.
élevé, rech. pr
SANGLIER mammifère élevage- viande+ boucherie- acception 2. Chair de cet animal
élevé, rech. pr
VEAU mammifère élevage+ viande+ boucherie+ acception 2. Chair de cet animal.
élevé, rech. pr boucherie+
CHEVAL mammifère élevage+ viande+- - acception 3. Viande de cheval
CHEVREUI élevé, rech.pr
L mammifère élevage- viande+ boucherie- 0 0 Ruminant sauvage des forêts d'Europe et d'Asie
élevé, rech.pr
CERF mammifère élevage- viande+- boucherie- 0 0 Ruminant des forêts
AUTRUCH élevé, rech. pr 2. Peau tannée de cet oiseau, utilisée
E oiseau élevage- viande- boucherie- 0 0 en maroquinerie
élevé, rech. pr
CANARD oiseau élevage+- viande+ boucherie- 0 0
élevé, rech. pr
DINDE oiseau élevage+ viande+ boucherie- 0 0
élevé, rech. pr
GEAI oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0
élevé, rech. pr
PERDRIX oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 0

622
Statut
Dic Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevé, rech. pr
PL FAISAN oiseau élevage- viande+ boucherie- définition à chair estimée
élevé, rech. pr que l'on élève pour sa chair et son foie
OIE oiseau élevage+ viande+ boucherie- définition surchargé de graisse
élevé, rech. pr 2. Coq au vin : plat préparé à partir de
COQ oiseau élevage+ viande+- boucherie- 0 ce volatile cuit
élevé, rech. pr Femelle du coq, élevée pour sa chair
POULE oiseau élevage+ viande+- boucherie- définition et pour ses œufs.
élevé, rech.pr
BECASSE oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 Oiseau échassier migrateur
élevé, rech.pr
CAILLE oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 Oiseau voisin de la perdrix, migrateur
élevé, rech.pr
SARCELLE oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 Canard sauvage

623
Annexe II.12 - "animal-viande" : Traitement de Lexis

Statut
Dict. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevage élevé, rech. pr
LEXIS BELIER mammifère + viande- boucherie- 0 0 Mouton mâle
élevage élevé, rech. pr
BOUC mammifère + viande- boucherie- 0 0 Mâle de la chèvre
élevage élevé, rech. pr
BREBIS mammifère + viande- boucherie- 0 0 Femelle du bêlier
élevage élevé, rech. pr
CHAMEAU mammifère + viande- boucherie- 0 0 Mammifère ruminant…
élevé, rech. pr
CHAMOIS mammifère élevage- viande- boucherie- 0 0 2. Sa peau préparée
élevage élevé, rech. pr …une nouvelle race de chèvre qui donnerait
CHEVRE mammifère + viande- boucherie- 0 0 deuxou trois fois plus de lait
CHEVREA élevage élevé, rech. pr
U mammifère + viande- boucherie- 0 0 Petit de la chèvre
élevage élevé, rech. pr
GENISSE mammifère + viande- boucherie- 0 0 Femelle de l'espèce bovine
élevage élevé, rech. pr
JUMENT mammifère + viande- boucherie- 0 0 Etym.bête de somme
élevage élevé, rech. pr
POULAIN mammifère + viande- boucherie- 0 0 2. Fourrure de cet animal
élevage élevé, rech. pr
TAUREAU mammifère + viande- boucherie- 0 0 …apte à la reproduction
élevage élevé, rech. pr
AGNEAU mammifère + viande+ boucherie+ acception 2. Chair de cet animal

624
Statut
Dict. Animal Trait1 Trait2Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevage
élevé, rech. pr
LEXIS LAPIN mammifère + viande+ boucherie- acception 2. Chair comestible du lapin
élevage
élevé, rech. pr
MOUTON mammifère + viande+ boucherie+ acception 2. Viande de cet animal
élevage
élevé, rech. pr
PORC mammifère + viande+ boucherie+ acception 2. Chair de cochon
élevé, rech. pr
SANGLIER mammifère élevage- viande+ boucherie- acception 2. Chair de cet animal
élevage élevé, rech. pr Chair de veau, vendue en boucherie
VEAU mammifère + viande+ boucherie+ acception 2. et utilisée pour l’alimentation
élevé, rech. pr nuance de
LIÈVRE mammifère élevage- viande+ boucherie- sens — Chair de cet animal
élevage élevé, rech. pr boucherie+
CHEVAL mammifère + viande+- - acception 4. Viande de cheval
élevé, rech.pr
CHEVREUIL mammifère élevage- viande+ boucherie- définition …gibier de qualité
élevé, rech.pr
CERF mammifère élevage- viande+- boucherie- Exemple gibier par excellence de la chasse à courre
élevé, rech. pr
AUTRUCHE oiseau élevage- viande- boucherie- 0 0 grand oiseau des steppes…
élevage élevé, rech. pr Volatile palmipède élevé en basse-cour
CANARD oiseau +- viande+ boucherie- 0 0 ou vivant à l'état sauvage
élevé, rech. pr
GEAI oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 oiseau passereau
élevé, rech. pr
SARCELLE oiseau élevage- viande+ boucherie- 0 0 canard squvage de petite taille
élevé, rech. pr
CAILLE oiseau élevage- viande+ boucherie- définition gibier de choix

625
Statut
Dict. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 sémantique Indicateur Définition
élevé, rech. pr
LEXIS FAISAN oiseau élevage- viande+ boucherie- définition constitue un gibier recherché
élevage élevé, rech. pr élevé pour sa chair et son foie
OIE oiseau + viande+ boucherie- définition surchargé de graisse
élevé, rech. pr
PERDRIX oiseau élevage- viande+ boucherie- définition qui est recherché comme gibier
élevé, rech. pr
BECASSE oiseau élevage- viande+ boucherie- Exemple …constitue un gibier très estimé
élevage élevé, rech. pr
DINDE oiseau + viande+ boucherie- Exemple 0 …les dindes rôties
élevage élevé, rech. pr
COQ oiseau + viande+- boucherie- 0 0 Mâle de la poule
élevage élevé, rech. pr
POULE oiseau + viande+- boucherie- 0 0 Femelle du coq domestique

626
Annexe II.13 - "animal-viande" : Traitement de Hachette

Dic. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 Statut sémantique Indicateur Définition
HACH. BELIER mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mouton non castré
BOUC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mâle de la chèvre
BREBIS mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mouton femelle
CHAMEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Mammifère ruminant
2. Peau préparé d'un chamois
CHAMOIS mammifère élevage- élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 ou d'un animal voisin
Mammifère…élevé pour son lait
CHEVRE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 et son poil
CHEVREAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 2. Cuir de cet animal
GENISSE mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Jeune vache qui n'a pas encore vêlé.
JUMENT mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Femelle du cheval
POULAIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Petit cheval mâle ou femelle
TAUREAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande- boucherie- 0 0 Bovin non castré, mâle de la vache
CHEVREUIL mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 Cervidé…
AGNEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 2. Viande d'agneau
LAPIN mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- acception 2 Chair du lapin
LIÈVRE mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- acception 2 Chair comestible de cet animal
MOUTON mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 3. Viande de mouton
PORC mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 2. Viande de cet animal
VEAU mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie+ acception 2. Chair de veau
SANGLIER mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- nuance de sens chair de cet animal
CERF mammifère élevage- élevé, rech. pr viande+- boucherie- 0 0 mamifère ruminant
CHEVAL mammifère élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie+- acception 3. Viande de cet animal.

627
Dic. Animal Trait1 Trait2 Trait3 Trait4 Statut sémantique Indicateur Définition
AUTRUCHE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande-boucherie- 0 0 Le plus grand des oiseaux actuels
BECASSE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+boucherie- 0 0 oiseau migrateur
CAILLE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+boucherie- 0 0 oiseau migrateur
certaines espèces sont domestiques
CANARD oiseau élevage+- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 et d'autres sauvages
DINDE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 Femelle du dindon
FAISAN oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 oiseau…
GEAI oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 oiseau…
SARCELLE oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- 0 0 Petit canard sauvage
PERDRIX oiseau élevage- élevé, rech. pr viande+ boucherie- définition oiseau…recherché comme gibier
on engraisse les domestiques
OIE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+ boucherie- Exemple pour obtenir le foie gras
COQ oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie- 0 0 Mâle de la poule
femelle du coq…que l'on élève
POULE oiseau élevage+ élevé, rech. pr viande+- boucherie- définition pour sa chair ou pour ses œufs

628
Annexe II.14 – Animaux : extensions polysémiques

Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire ind.de class définition


Animal Bardot souffre-douleur TLF P. anal., fam Personne sur laquelle les autres se déchargent de leur tâche
PR 0
PL 0
bouc puanteur TLF 2.a) P. anal. ou métaph., usuel, péj. Homme qui sent mauvais
PR _ Puanteur de bouc.
PL 0
. [P. oppos. au cheval de selle] C'est un homme grossier et
cheval endurance TLF 1. brutal
PR 5.Fig. Homme grossier, brutal
PL 5.Fig., fam Personne endurante à l'ouvrage
faisan malhonnête TLF C.Au fig. et pop. Individu malhonnête, se livrant à des affaires louches
PR 2.Arg. Individu qui vit d'affaires louches
PL 2.Fam. Individu qui vit d'affaires louches
HACHETTE B. Homme d'une probité douteuse, aigrefin
furet Pers.fouineuse TLF _ Personne rusée qui s'introduit quelque part et y fouille partout
PR _Fig. et vx Personne qui cherche partout pour découvrir qqch
PL 2.Vieux. Personne curieuse, fouineuse
hérisson Pers.abord difficile TLF A.1.c)Au fig. Personne très susceptible, d'un abord peu facile
PR 2.Fig. Personne d'un caractère, d'un abord difficile
PL Fig., fam. Personne d'un abord difficile
hyène lâcheté, cruauté TLF P. compar., ou p. métaph. [Symbole de la laideur, de la lâcheté, de la cruauté]
Personne lâche et cruelle

629
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire ind.de class définition
[Avec une idée... de puissance déchaînée] Se battre... comme un
lion courage TLF D.1.a)P. métaph. lion
PR 2.Fig. Se battre, se défendre comme un lion, courageusement
PL _ C'est un lion : c'est un homme courageux
HACHETTE 2. Homme d'une grande bravoure
renard ruse TLF C.1.a) P. anal. (d'attitude) Homme rusé, parfois perfide, fourbe
PR 3.Fig. Personne fine et rusée, subtile
PL 2.Fig. Homme rusé
HACHETTE 3. Homme rusé
singerie attitude affectée TLF 2. Attitude affectée, hypocrite et souvent ridicule
HACHETTE B. Simagrées
veau paresseux, nigaud TLF C.1.P. anal., fam. , péj. Personne paresseuse, sans énergie et souvent stupide
PR 5.Fig. Fam Nigaud, paresseux
PL 4.Fam., péjor. Personne lourde de corps ou d'esprit
HACHETTE 4. Personne lourde et sans ressort, au physique et au moral
vermisseau misérable, chétif TLF B.P. anal., péj Être faible, misérable, insignifiant
PR _ (par allus. à la faiblesse de l'homme) « Un si chétif vermisseau
HACHETTE 2.Fig Individu misérable et chétif
vipère méchant, médisant TLF B.2.P. anal. ou au fig., péj Personne méchante, cruelle; personne médisante
PR 2.Fig. Personne malfaisante, dangereuse
PL 2.Fig. . Personne médisante ou malfaisante
HACHETTE 2. personne malfaisante, d'une méchanceté sournoise

630
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire ind.de class définition
[P. réf. à la réputation de bêtise de l'oie] Être bête comme une
Oie bêtise TLF D.1.P. compar. et au fig. oie
PR 2.Fig. et fam. Personne très sotte, niaise
PL 2.Fam. Personne sotte, niaise
HACHETTE 2. Personne fort niaise
Celui qui change d'opinion, de manière d'être selon les
Caméléon inconstance TLF B.2.P. anal. circonstances
Personne qui change de conduite, d'opinion... suivant les
PR 2.Fig. et vieilli circonstances
PL 2.Fig. Personne versatile, qui change facilement d'opinion
personne qui change fréquemment d'humeur, d'opinion... selon
HACHETTE 2. les circonstances
Personne docile, impressionnable, se laissant facilement
Mouton docilité TLF D.2.P. anal. et p. compar. conduire…
PR II.Fig. 1. une personne crédule et passive, qui se laisse facilement mener
PL II.1. Homme crédule, moutonnier ou d'humeur douce
HACHETTE 7. Personne soumise et dépourvue de sens critique
Dinde sottise TLF 2.P. anal., fam., péj Femme, fille, prétentieuse et sotte
PR 2.Fig. Femme stupide
PL 2.Fam. Femme ou fille sotte, stupide
HACHETTE 2. Femme stupide
Chameau hargneux TLF 2.a)Au fig. Personne hargneuse.
PR 3.Fig. et fam. Personne méchante, désagréable
PL 2.Fam. Personne méchante ou acariâtre
HACHETTE 2. Personne méchante, d'humeur désagréable

631
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire ind.de class définition
Pers. dont la saleté..., l'attitude mor. ou intellect. suscite un...
Porc saleté, débauche TLF C. P. anal., fam. dégoût.
PR 2.Par compar. Il est gras, sale comme un porc.
PL 4.. Fig., fam. Homme sale, débauché ou glouton
HACHETTE 4. Homme malpropre ou grossier, libidineux
Cochon malpropre TLF B.2.a) [P. réf. à sa réputation de saleté, de manque de soin]
Personne sale physiquement
PR _Loc. fig. sale comme un cochon.
PL homonymie
HACHETTE B.1.Fam. Personne malpropre...

Annexe II.14-a) Modalité d’explicitation des relations sémantiques

Dictionnaire Mot Indicateur de relation Définition, objet ou spécification


TLF VERMISSEAU B. P. anal., péj. [À propos d'une pers.]
BARDOT P. anal., fam Personne sur laquelle les autres se déchargent de leur tâche et dont ils
font leur souffre-douleur
HYÈNE P. compar. (ou p. métaph.). [Symbole de la laideur, de la lâcheté, de la cruauté]
BOUC 2. P. anal. ou métaph., usuel, péj. a) Homme qui sent mauvais. Bouc puant.
b) Homme d'une lubricité anormale
B. Gén. péj. [L'animal comme élément de compar., comme symbole, pour désigner
un
être hum. ou certaines de ses caractéristiques
VACHE A. 2. P. compar., souvent péj., pop. [Avec le physique de la vache] Être gras, gros(se) comme une vache
ou fam.
VEAU P. anal., fam., péj. 1. Personne paresseuse, sans énergie et souvent stupide
VIPÈRE P. anal. ou au fig., péj 1. Loc. adj. De vipère. [En parlant des yeux, du regard] Mauvais,
haineux

632
Mot Indicateur de relation Définition, objet ou spécification
FURET Au fig. Personne rusée qui s'introduit quelque part et y fouille partout
TLF LION, LIONNE D. P. métaph. 1. [À propos d'hommes]

OIE D. P. compar. et au fig. [P. réf. à la réputation de bêtise de l'oie]


OISEAU B. P. anal. 1. Péj. Individu
CAMÉLÉON B. P. anal. [Avec une valeur 1. [En parlant d'une chose] Rare. Aux reflets changeants. Taffetas,
caractérisante] porcelaine caméléon.
2. [Pour désigner une pers.]
Usuel gén. péj. Celui qui change d'opinion, de manière d'être selon les
circonstances
DINDE P. anal., fam., péj. [En parlant de pers. du sexe féminin, et p. réf. au caractère lourd et
stupide attribué au gallinacé] Femme, fille, prétentieuse et sotte
CHEVAL Péj. [P. oppos. au cheval de selle] C'est un cheval, un cheval de bât, de carrosse, de charrue. C'est un
homme grossier et brutal
RENARD C. P. anal. (d'attitude) Parfois péj. Homme rusé, parfois perfide, fourbe
MOUTON D. P. anal. et p. compar. 1. Personne dont le visage rappelle la tête du mouton, aux traits doux ou
insignifiants
2. Personne docile, impressionnable, se laissant facilement conduire,
berner ou déposséder
PORC C. P. anal., fam. Personne dont la saleté, le comportement physique, l'attitude morale ou
intellectuelle suscite un profond dégoût
PR VERMISSEAU Par métaph. (par allus. à la faiblesse de l'homme)
VACHE Fig. Donner des coups de pied, des coups en vache : agir en traître,
hypocritement, contre qqn.
VEAU Fig. Fam. Nigaud, paresseux
VIPERE Fig. Personne malfaisante, dangereuse
FURET — Fig. et vx Personne qui cherche partout pour découvrir qqch
BOVIN Fig. et fam. — Regard, œil bovin (d'une personne), éteint, morne et sans
intelligence.
CHAMEAU Fig. et fam. Personne méchante, désagréable
HERISSON Fig. Personne d'un caractère, d'un abord difficile

633
Dictionnaire Mot Indicateur de relation Définition, objet ou spécification
PR LION Fig. Personne courageuse
OIE Fig. et fam. Personne très sotte, niaise
CAMELEON Fig. et vieilli Personne qui change de conduite, d'opinion, de langage, suivant les
circonstances
CHEVAL Fig. (Personnes) Vieilli Homme grossier, brutal
RENARD Fig. Personne fine et rusée, subtile
PORC Par compar. Cochon (fig. et fam.). Il est gras, sale comme un porc. Manger
comme un porc, très salement
PL VIPERE Fig. Personne médisante ou malfaisante
HERISSON Fig., fam. Personne d'un abord difficile
CAMEMEON Fig. Personne versatile, qui change facilement d'opinion
CHEVAL Fig., fam. Personne endurante à l'ouvrage
PORC Fig., fam. Homme sale, débauché ou glouton
HACHETTE CHAMEAU Fig., fam. Personne méchante, d'humeur désagréable
OIE Fig., péj. Personne fort niaise
CAMELEON Fig. Personne qui change fréquemment d'humeur, d'opinion, de conduite
selon les circonstances
DINDE Fig. Femme stupide
RENARD Fig. Homme rusé
VIPERE Fig. Personne malfaisante, d'une méchanceté sournoise

634
Annexe II.15 - Structuration des significations des mots polysémiques

Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Animal Vipère méchant, médisant TLF .+
Vermisseau misérable, chétif .+
Veau paresseux, nigaud .+
Singerie attitude affectée .+
Renard ruse .+
Lion courage .+
Faisan malhonnête .+
Cheval endurance .+
Oie sottise .+
Caméléon inconstance .+
Mouton docilité .+
Dinde bêtise .+
Porc saleté, débauche .+
Hyène lâcheté, cruauté .+
Hérisson Pers.abord difficile .+
Furet Pers.fouineuse .+
Bouc puanteur .+
Bardot souffre-douleur .+
Chameau hargneux .+
Cochon saleté, débauche .+

635
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Animal Vipère méchant, médisant PR .+
Veau paresseux, nigaud .+
Renard ruse .+
Hérisson Pers.abord difficile .+
Faisan malhonnête .+
Oie sottise .+
Caméléon inconstance .+
Mouton docilité .+
Dinde bêtise .+
Chameau hargneux .+
Porc saleté, débauche .+

Vermisseau misérable, chétif .+


Furet Pers.fouineuse .+
Bouc puanteur .+
Cochon saleté, débauche .+
Singerie attitude affectée .+
Lion courage
Hyène lâcheté, cruauté .+
Cheval endurance .+
Bardot souffre-douleur .+

636
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Animal Vipère méchant, médisant PL .+
Veau paresseux, nigaud .+
Renard ruse .+
Hérisson Pers.abord difficile .+
Furet Pers.fouineuse .+
Faisan malhonnête .+
Cheval endurance .+
Oie sottise .+
Caméléon inconstance .+
Mouton docilité .+
Dinde bêtise .+
Chameau hargneux .+
Porc saleté, débauche .+
Lion courage .+
Vermisseau misérable, chétif .+
Singerie attitude affectée .+
Hyène lâcheté, cruauté .+
Bouc puanteur .+
Bardot souffre-douleur .+
Cochon saleté, débauche homonymie

637
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Vipère méchant, médisant HACHETTE .+
Vermisseau misérable, chétif .+
Animal Veau paresseux, nigaud .+
Singerie attitude affectée .+
Renard ruse .+
Lion courage .+
faisan malhonnête .+
Oie bêtise .+
Caméléon inconstance .+
Mouton docilité .+
Dinde sottise .+
Chameau hargneux .+
Porc saleté, débauche .+
Cochon saleté, débauche .+
Hyène lâcheté, cruauté .+
Hérisson Pers.abord difficile .+
Furet Pers.fouineuse .+
Cheval endurance .+
Bouc puanteur .+
Bardot souffre-douleur .+

638
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Chal./sentiments Brûler v.tr. exciter le désir TLF .+
Froid indifférent, insensible .+
Froid maîtrise de soi .+
Froid hostilité + .+
Froideur calme, contrôle .+
Froideur réserve, distance .+
Brûlant excitant .+
Allumer exciter le désir .+
Allumer provoquer une passion .+
Chaleur ardeur .+
Chauffer animer, exciter le zèle .+
Allumer exciter le désir PR .+
Brûlant excitant .+
Chaleur ardeur .+
Chauffer animer, exciter lez zèle .+
Froid hostilité + .+
Froideur réserve, distance .+
Allumer provoquer une passion .+

Brûler v.tr. exciter le désir .+


Froid indifférent, insensible .+
Froid maîtrise de soi .+
Froideur calme, contrôle .+

639
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence
Chal./sentiments Allumer provoquer une passion PL .+
Brûlant excitant .+
Brûler v.tr. exciter le désir .+
Chaleur ardeur .+
Chauffer animer, exciter lez zêle .+
Froid indifférent, insensible .+
Froid maîtrise de soi .+
Allumer exciter le désir .+
Froid hostilité + .+
Froideur calme, contrôle .+
Froideur réserve, distance
Allumer exciter le désir HACHETTE .+
Allumer provoquer une passion .+
Brûlant excitant .+
Chaleur ardeur .+
Chauffer animer, exciter lez zêle .+
Froid indifférent, insensible .+
Froid maîtrise de soi .+
Froid hostilité + .+
Brûler v.tr. exciter le désir .+
Froideur calme, contrôle .+
Froideur réserve, distance

640
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Chal./sentiments Chal./sen
Anguleux difficile, rude (esprit) TLF .+
Cogn./espace réflexion .+
Approfondissement
Aspérité caractère rude .+
Astre Personne illustre .+
Baisse affaiblissement, déclin .+
Épaisseur consistance, richesse .+
Hautain élevé, noble .+
Hauteur Élévation morale, intell. .+
Souplesse docile .+
Central essentiel .+
Épais finesse - .+
épaisseur manque de finesse .+
Hautain dédaigneux .+
Anguleux difficile, rude (esprit) PR .+
Approfondissement réflexion .+
Aspérité caractère rude .+
Astre personne illustre .+
Épais finesse - .+
Épaisseur manque de finesse .+
Hautain élevé, noble .+
Hautain dédaigneux .+
Hauteur élévation morale, intell. .+
Souplesse docile .+
Baisse affaiblissement, déclin .+
Central essentiel .+
Épaisseur consistance, richesse .+

641
Domaine Mot Trait(s) Dictionnaire Sens unique Acception Emploi//S1. Emploi//S2. A
Cogn./espace Central essentiel PL .+
Épais finesse - .+
Épaisseur manque de finesse .+
Hauteur élévation morale, intell. .+
Anguleux difficile, rude (esprit) .
Approfondissement réflexion .+
Aspérité caractère rude .
Astre personne illustre .
Baisse affaiblissement, déclin .+
Épaisseur consistance, richesse .+
Hautain élevé, noble .
Hautain dédaigneux .+
Souplesse docile .+
Anguleux difficile, rude (esprit) HACHETTE .+
Central essentiel .+
Épais finesse - .+
Hauteur Élévation morale, intell. .+
Approfondissement réflexion .
Aspérité caractère rude .
Astre personne illustre .
Baisse affaiblissement, déclin .+
Épaisseur manque de finesse .
Épaisseur consistance, richesse .
Hautain élevé, noble
Hautain dédaigneux .+
Souplesse docile .

642
Annexe II.16 - Sensations / sentiments-

Cat. Ind.de
Dictionnaire Mot synt. class. Marqueur Définition
TLF adj. II.A. Vieilli Qui glace, qui donne froid
TLF II.B. Au fig. 1. Qui rebute par sa froideur. Paroles glaçantes
GLAÇANT
PETIT ROBERT 1¨ Vieilli. Qui glace
PETIT ROBERT 2¨ Fig. Qui décourage à force de froideur, de sévérité
PETIT
LAROUSSE Qui décourage, rebute par sa froideur. Un accueil glaçant
HACHETTE Fig. Qui rebute par sa froideur.Un ton glaçant
TLF n.f. I. A. Eau congelée, solidifiée par le froid
TLF B. Basse ou très basse température
TLF 2. Fig. [P. réf. à la froideur de la glace] Être froid comme glace
TLF GLACE _ De glace. Sans chaleur, sans effusion, raide, insensible.
PETIT ROBERT I.A.1. ¨ Eau congelée
PETIT ROBERT 4. Loc. Être, rester de glace, absolument insensible.
PETIT
LAROUSSE 1. Eau congelée, liquide solidifié par l'action du froid
PETIT
LAROUSSE _ Être, rester de glace, être, rester insensible
HACHETTE 1. Eau solidifiée par l'action du froid
HACHETTE Loc. rester de glace, très réservé

643
Cat. Ind.de
Dictionnaire Mot synt. class. Marqueur Définition
TLF adj. II.A.1. Congelé, transformé en glace ou durci par le froid
TLF 2. Fig. Qui est dépourvu de chaleur, de sensibilité. Âme glacée
PETIT ROBERT 1. Converti en glace.
PETIT ROBERT GLACÉ, -ÉE 4. Fig. Empreint d'une grande froideur. Regard glacé
PETIT ROBERT _ dur. Accueil glacé
PETIT
LAROUSSE 1. Durci par le froid. Terre glacée
PETIT
LAROUSSE 3. Fig. Qui marque des dispositions hostiles, de la froideur. Accueil glacé
HACHETTE 1. Gelé
HACHETTE 3. Fig. Hostile ou indifférent
TLF v. I.A. Convertir un liquide en glace, le solidifier
Frapper d'une émotion si violente que le sang paraît brusquement ... se
TLF B.1. Fig. figer
Faire impression sur quelqu'un, le paralyser, le pétrifier en le rebutant, en
TLF 2. Fig. l'effrayant
PETIT ROBERT GLACER 1. Rare Convertir (un liquide) en glace
PETIT ROBERT 4. Fig. Paralyser, décourager par sa froideur ou quelque aspect rebutant
PETIT ROBERT 5. Fig. Frapper d'une émotion violente et profonde qui cloue sur place
PETIT
LAROUSSE 1. Solidifier un liquide par le froid.
PETIT
LAROUSSE 4. Fig. Remplir d'effroi ; intimider
HACHETTE 1. Converti en glace, congeler.
HACHETTE 3. Fig. Paralyser, décourager par sa froideur
HACHETTE 4. Frapper de stupeur, glacer d'effroi

644
Cat. Ind.de
Dictionnaire Mot synt. class. Marqueur Définition
TLF adj. A. Qui est glacé, froid comme la glace; qui pénètre d'un froid très vif.
TLF B.1. Fig. Qui manque de chaleur, qui est très froid.
TLF GLACIAL a) Fig. [Qualifie une pers. ou son comportement] Accueil, air, baiser glacial
[Qualifie une œuvre, une réunion, une atmosphère] Ambiance, soirée
TLF b) Fig. glaciale
TLF 2. Fig. Qui affecte une indifférence extrême, qui déconcerte, paralyse
PETIT ROBERT 1. Qui a la température de la glace, qui pénètre d'un froid très vif.
PETIT ROBERT 2. Fig. D'une froideur qui glace, rebute, paralyse
TLF adj. B. Fig. [Emplois en rapport avec la psychol.]
Qui n'accorde pas d'attention, d'intérêt à quelque chose; qui manque de
TLF 1. sensibilité
Qui garde ou retrouve son calme, qui contrôle ses sentiments ou ses
TLF 2. émotions
TLF 3. Qui marque de la réserve, de la distance, voire de l'hostilité;
PETIT ROBERT II.B.1. Fig. Qui ne s'anime ou ne s'émeut pas facilement.
PETIT ROBERT FROID, E _ Par tempérament, Spécialt Dépourvu de sensualité
PETIT ROBERT _ Par maîtrise de soi. 2. calme, impassible, imperturbable
Dont la réserve marque de l'indifférence, de la distance ou une certaine
PETIT ROBERT 2. hostilité
PETIT ROBERT 3. Qui manque de sensibilité, de générosité, de ferveur…
PETIT ROBERT _ dur, insensible, sec.
PETIT
LAROUSSE 6. Qui manifeste du sang-froid, du calme, de la maîtrise de soi
PETIT
LAROUSSE 7. Qui manifeste de la réserve, qui manque de chaleur humaine
Qui semble indifférent, insensible ;qui garde toujours la maîtrise de soi et
HACHETTE 3. Fig. s'extériorise peu

645
HACHETTE 4. Qui n'éveille aucune émotion, qui manque de sensibilité
Qui ne se manifeste pas par les signes extérieurs habituels d'agitation, de
HACHETTE 5. Fig. violence
HACHETTE 6. Fig. Qui est le signe d'une certaine réserve, d'une certaine hostilité
TLF n.f. B. Fig. [Emplois en rapport avec la psychol.]
Calme, contrôle des sentiments, des passions; manque d'ardeur, de
TLF 1. passion.
TLF FROIDEUR En partic. [Le compl. du n. désigne œuvre d'art, artiste..] Manque... de sensibilité
TLF 2. Réserve, distance, pouvant aller jusqu'à l'hostilité
PETIT ROBERT 2.Mod. Absence relative d'émotivité, de sensibilité
PETIT ROBERT _ calme, flegme, impassibilité, réserve.
PETIT ROBERT _ indifférence, insensibilité; frigidité
PETIT ROBERT 3. Indifférence marquée, manque d'empressement et d'intérêt
PETIT ROBERT 4. Défaut de chaleur, d'éclat, en art
PETIT
LAROUSSE Absence de sensibilité ; indifférence
HACHETTE Insensibilité, sécheresse des sentiments, ; indifférence marquée

646
Cat. Ind.de
Dictionnaire Mot synt. class. Marqueur Définition
ALLUMER [Allumer renvoie au principe du feu, à ses effets de chaleur ou de
TLF v. B. destruction]
TLF 3.a) Fig. Mettre le feu, exciter
TLF _ Allumer qqn. Exciter ses désirs
TLF b) Faire prendre feu à, c'est-à-dire susciter, déclencher
PETIT ROBERT I. (Feu)
PETIT ROBERT 2. Exciter, éveiller de façon soudaine (une passion).
PETIT ROBERT 3. Fam. Séduire (un homme).
PETIT
LAROUSSE 4. Fam. 4. Fam.
PETIT
LAROUSSE a) Fam. Provoquer le désir de quelqu'un.
PETIT
LAROUSSE b) Fam. Critiquer quelqu'un violemment.
PETIT
LAROUSSE 5. Litt. Allumer la guerre, les passions, provoquer la guerre, les passions.
PETIT
LAROUSSE _ Litt. Allumer le désir, l'imagination, susciter le désir, l'imagination.
HACHETTE 5. Litt. Faire naître, allumer la colère de qqn
HACHETTE 6. Fam. Provoquer le désir de quelqu'un.
HACHETTE 7. Fam. Critiquer violemment
TLF A.1. Fig. [d'un sentiment, d'un besoin] Violent, vif, passionné. Amour, désir ardent
TLF 2. Fig. [En parlant d'une pers.] Passionné, enthousiaste
TLF _ En partic. [En parlant du désir amoureux] Un amant ardent
PETIT ROBERT 7. Qui a de l'ardeur, prompt à s'enflammer
PETIT ROBERT _ . Spécialt . Spécialt Tempérament ardent, porté à l'amour

647
PETIT ROBERT 8. Qui est très vif. Une imagination ardente. Une ardente conviction
PETIT
LAROUSSE 2.a) Fig. Plein de vivacité, d'ardeur ; vif, fervent, passionné. Désir ardent
PETIT
LAROUSSE 2.b) Fig. . Se dit d'une couleur vive, éclatante
PETIT
LAROUSSE 2.c) Litt. Ardent à : empressé, acharné à.
HACHETTE 4. Fig. Plein d'ardeur, enthousiaste, fougeux
HACHETTE 5. Fig. Vif, violent
TLF v.tr. B.1.et 2. Fig. Enflammer d'un désir violent
TLF _ Lang. class Rendre très passionné ou fortement épris
PETIT ROBERT 3. Produire les mêmes effets, les mêmes sensations qu'une brûlure
BRULER
PETIT ROBERT _ Fig. Enflammer, enfiévrer
PETIT
LAROUSSE 6. Litt. Provoquer chez quelqu'un une excitation intense, un sentiment violent
Brûler qqn, provoquer chez lui une excitation, douleur vive, des
LEXIS 6. sentiments violents
HACHETTE 6. Fig.Fam. Démasquer, compromettre
TLF BRÛLANT adj. A. Qui dégage de la chaleur
TLF _ Fig. [P. réf. à l'intensité du feu ou à son action destructrice] Passionné
Qui provoque des réactions passionnelles, que l'on doit envisager avec
TLF _ Fig. prudence
PETIT ROBERT 3. Ardent, passionné. Un regard brûlant
PETIT
LAROUSSE 3. Qui témoigne de l'ardeur, de la passion. Amour brûlant
PETIT
LAROUSSE 4. Qui est d'actualité et soulève les passions. Sujet, problème brûlant
LEXIS _ [syn.Ardent, passionné]
HACHETTE 3. Fig. Ardent, fervent

648
HACHETTE 4. Qui passionne, provoque la polémique
.] Entourer de près, exciter, encourager dans un sens favorable ou
TLF B.1. Fig. défavorable
PETIT ROBERT CHAUFFER 2. Fig.Fam. Chauffer qqn (à blanc), l'exciter, attiser son zèle
PETIT
LAROUSSE 3. Fig. Provoquer les réactions d'enthousiasme d'une salle, d'un public ; animer
HACHETTE 3. Fig. Mener vivement, activer qqchose; exciter, enthousiasmer qqn
TLF B.2.a) Fig. Ardeur, passion intérieure d'une pers..pour une pers. ou une chose
PETIT ROBERT CHALEUR II.3. Fig. Caractère animé des dispositions psychiques, des tendances
PETIT
LAROUSSE 3. Ardeur, fougue manifestée dans les sentiments ; enthousiasme
HACHETTE 5. Fig. Ardeur, impétuosité, véhémence
TLF C.2. Fig., anal. Qui se manifeste avec éclat
PETIT ROBERT FLAMBANT 2. Vieilli Beau, superbe
PETIT
LAROUSSE 1. Qui flambe, qui a l'éclat du feu
HACHETTE 3. Ce qui éclaire, ce qui sert de guide pour l'esprit
TLF E.1. Fig. Ardeur, enthousiasme, passion
PETIT ROBERT FLAMME 3. Fig. Ardeur, feu.
PETIT
LAROUSSE 3. Fig. Vive ardeur ; enthousiasme
HACHETTE 2. Fig. passion ardente, enthousiasme
TLF C.2. Fig. .] Rempli d'ardeur, d'enthousiasme; très vif, intense.
PETIT ROBERT ENFLAMMÉ 2. Rempli d'ardeur, de passion
PETIT
LAROUSSE 1. Plein d'ardeur, de passion
HACHETTE 0

649
Cat. Ind.de
Dictionnaire Mot synt. class. Marqueur Définition
TLF C.2. Fig. Remplir d'ardeur, d'enthousiasme; accroître la vivacité, l'intensité de
PETIT ROBERT ENFLAMMER 3. Remplir d'ardeur, de passion
PETIT
LAROUSSE 3. Fig. Insuffler l'ardeur, la passion ; exalter
HACHETTE 3. Litt. Emplir d'ardeur, de passion

650
Annexe II.17 -Les indicateurs

Ind.de
Dictionnaire Mot class. Marqueur Définition
TLF 2.a) Fig., fam. Personne hargneuse
PETIT ROBERT CHAMEAU Fig., fam. Personne méchante, désagréable
2.b) Pop. La chameau!
PETIT
LAROUSSE Fam. Personne méchante ou acariâtre
HACHETTE 2. Fig., fam. Personne méchante, d'humeur désagréable
TLF D. P. compar., fig
D_ Péj. . Personne très bête
OIE
PETIT ROBERT 2. Fig., fam. . Personne très sotte, niaise
PETIT
LAROUSSE 2. Fam. . Personne sotte, niaise
HACHETTE 2. Fig., péj. Personne fort niaise
LEXIS 2. Fam. . Personne sotte, niaise
TLF B.2. Usuel gén. péj Celui qui change d'opinion, de manière d'être selon les circonstances
Personne qui change de conduite, d'opinion, de langage, suivant les
PETIT ROBERT 2. Fig., vieilli circonstances
PETIT
LAROUSSE CAMÉLÉON 2. Fig. Personne versatile, qui change facilement d'opinion
personne qui change fréquemment d'humeur, d'opinion, de conduite selon
HACHETTE 2. Fig. les circonstances
personne qui change facilement d'opinions ou de conduite selon les
LEXIS 2. circonstances…

651
Ind.de
Dictionnaire Mot class. Marqueur Définition
TLF 2. P. anal., fam., péj Femme, fille, prétentieuse et sotte
PETIT ROBERT DINDE 2. Fig. Femme stupide
PETIT
LAROUSSE 2. Fam. Femme ou fille sotte, stupide
HACHETTE 2. Fig. Femme stupide
LEXIS 2. Fam. Femme sotte
TLF 3. Péj. Individu (peu intéressant)
PETIT ROBERT MOINEAU 3. Fig. Vilain, sale moineau : individu désagréable ou méprisable
PETIT
LAROUSSE 2. Fam. Individu, en particulier individu désagréable ou malhonnête
HACHETTE 2. Fam., péj. individu quelconque
LEXIS 3. individu désagréable ou malhonnête
TLF B. Pop. Femme (considérée du point de vue de ses rapports avec les hommes).
B.1. En partic., péj Femme, fille de conquête facile, le plus souvent entretenue
PETIT ROBERT POULE 2. Fam., péj. Fille de mœurs légères
_ Vieilli Maîtresse d'un homme
PETIT
LAROUSSE 4. Fam. . Épouse, maîtresse
5. Fam., vieilli. Femme légère
HACHETTE 3. Fam., vieilli. Bonne amie, maîtresse
4. Vieilli, péj. Femme etretenue
LEXIS 2. Pop. Femme de mœurs légères
3. Pop. Maîtresse d'un homme

652
Ind.de
Dictionnaire Mot class. Marqueur Définition
TLF 1. Péj. C'est un homme grossier et brutal
PETIT ROBERT CHEVAL 5. Fig., vieilli Homme grossier, brutal
PETIT
LAROUSSE 5. Fig., fam. Personne endurante à l'ouvrage
HACHETTE 0
LEXIS 3. Fam. Personne dure à l'ouvrage
TLF C. P. anal. (d'attitude)
C.1.a) Parfois péj Homme rusé, parfois perfide, fourbe
RENARD
PETIT ROBERT 3. Fig. Personne fine et rusée, subtile
PETIT
LAROUSSE 2. Fig. Homme rusé
HACHETTE 3. Fig. Homme rusé
LEXIS 3. Un homme fin et rusé
TLF B. P. anal. ou au fig., péj
VIPÈRE B.2. Personne méchante, cruelle; personne médisante
PETIT ROBERT 2. Fig. Personne malfaisante, dangereuse
PETIT
LAROUSSE 2. Fig. . Personne médisante ou malfaisante
HACHETTE 2. Fig. personne malfaisante, d'une méchanceté sournoise
TLF VOLAILLE B.1. Pop., péj Ensemble de jeunes filles, de femmes
B.2. Arg. . Femme facile, prostituée
PETIT ROBERT 3. Fam. et vulg. (péj.) Groupe de femmes, de jeunes filles.
_ Arg. Femme, fille
HACHETTE 0
LEXIS, PL 0

653
Ind.de
Dictionnaire Mot class. Marqueur Définition
TLF 2. Pop., arg. Personne très méchante ou d'une sévérité excessive
PETIT ROBERT VACHE 4. Fam. Méchant, sévère
PETIT
LAROUSSE 1. Très sévère ; méchant
HACHETTE
LEXIS
TLF _ Fig. Personne rusée qui s'introduit quelque part et y fouille partout
PETIT ROBERT FURET _ Fig., vieux Personne qui cherche partout pour découvrir qqch
PETIT
LAROUSSE 2. Vieux Personne curieuse, fouineuse
HACHETTE 0
LEXIS
TLF C. Fig., pop Individu malhonnête, se livrant à des affaires louches
PETIT ROBERT FAISAN 2. Arg. Individu qui vit d'affaires louches
PETIT
LAROUSSE 2. Fam. Individu qui vit d'affaires louches
HACHETTE B. Fam. Homme d'une probité douteuse, aigrefin

654
Annexe II.18 : Variation du contenu des extensions polysémiques

Domaine Mot Dictionnaire Type de Variation


variation
Idées, morale Cartésien TLF Nuance péjorative B. P. ext.
1. [En parlant d'une pers., de sa manière de penser ou de raisonner] Qui
présente les caractères rationnels, rigoureux et méthodiques propres à la
démarche intellectuelle et spirituelle de Descartes.
- Péj. Un esprit cartésien. Un esprit sec, trop systématique, par
opposition à un esprit intuitif
PR 3 Par ext. Esprit cartésien, qui présente les qualités intellectuelles
considérées comme caractéristiques de Descartes. clair, 2. logique,
méthodique, rationnel, solide
PL 1. Méthodique et rationnel. Esprit cartésien.
HACHETTE 2. Qui est rigoureux, méthodique, rationnel
LEXIS Nuance péjorative 2. Esprit, raisonnement cartésien caractérisé par sa rigueur, son
habitude des démarches méthodiques, des déductions logiques [ce
mot s’emploie parfois péjorativement pour opposer la sécheresse
de l’intelligence à la sensibilité artistique, à la ferveur mystique
etc.]
Moralisateur TLF B. Souvent péj. (Personne) qui se plaît ou se complaît à prêcher la
morale, à moraliser. Le mot moraliste signifiait jadis: observateur et
peintre des moeurs.
PR - Qui fait la morale, édifie
- N. (souvent péj.) « une littérature de moralisateur » (Duhamel)
PL Absence de la Qui donne des leçons de morale.
nuance péjorative
LEXIS Moral, e
♦ Moralisateur: Qui cherche à élever les sentiments, le sens moral selon
la morale d’une époque (souvent péjor.) un roman moralisateur

655
Domaine Mot Dictionnaire Type de Variation
variation
Idées, morale Moraliste TLF 3. Souvent péj.
a) Personne qui se plaît ou se complaît à moraliser. Il flotte autour d'elle
le louche parfum qu'on respire dans certaines maisons. Je ne veux pas
faire le moraliste.
b) Celui (celle) qui est attaché(e) au formalisme de la morale ou qui se
veut le défenseur de la morale
PR Absence de la 1- Rare Auteur qui écrit, qui traite de la morale. Les grands moralistes
nuance péjorative grecs.
2- (répandu XIXe) Auteur de réflexions sur les mœurs, sur la nature et la
condition humaines. Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère,
Vauvenargues, célèbres moralistes français.
3- Personne qui, par ses œuvres, son exemple, donne des leçons, des
préceptes de morale. - moralisateur. Un moraliste austère. — Adj.
Elle a toujours été moraliste.
- Empreint de moralisme. Attitude moraliste.
PL Absence de la Auteur qui écrit sur les mœurs, la nature humaine.
nuance péjorative Empreint de moralisme.
LEXIS 3. Péjor. Attachement formaliste et étroit à une morale, Un moralisme
extravagant
Pacifiste TLF Nuance péjorative A. Partisan de la paix, adepte du pacifisme
B. Péj. Personne qui préconise la paix à tout prix ou prétend à une paix
universelle.
PR - Partisan de la paix. colombe. Pacifistes et non-violents. « vos
compatriotes, s'ils me connaissaient, me flétriraient sûrement du nom de
" pacifiste " qui est chez vous, je crois, une injure » (A. Hermant)
PL Qui appartient au pacifisme ; qui en est partisan.
LEXIS Pacifiste Adj. et n. Même si vous n’êtes pas pacifiste, vous devez me
respecter (Sartre)
Pacifisme HACHETTE Doctrine qui prône la recherche systématique de la paix

656
Domaine Mot Dictionnaire Type de Variation
variation
Idées, morale Académique TLF Nuance péjorative Académique
touchant trois B. Péj. Qui manque d'originalité, de force; conventionnel.
domaines : 1. Dans le domaine de la litt. et du lang.
artistique, 2. Dans le domaine des B.-A
littéraire et 3. Plus gén. :
général 17. Il semblait que les choses elles-mêmes lui fussent devenues
étrangères, jusqu'à cet ameublement prétentieux et désuet, d'une richesse
sans fantaisie, d'une sévérité sans noblesse, académique et bourgeois, de
professeur millionnaire.
G. BERNANOS, La Joie, 1929, p. 563
PR Exemples 3- (1839) Qui suit étroitement les règles conventionnelles, avec froideur
spécifiant la ou prétention. - compassé, conventionnel. Un poète académique. « On
nuance péjorative s'était fait une langue de convention, un style académique » (Taine). —
dans les domaines (En art) Peinture académique. - académisme.
artistique et
littéraire
PL Nuance péjorative 2. Péjor. Conventionnel, sans originalité
sans précision du
domaine
LEXIS Nuance péjorative 2. péj. Dont le conformisme à la tradition littéraire et artistique suppliée
touchant deux au manque d’imagination et d’originalité
domaines :
artistique et
littéraire
HACHETTE Nuance péjorative 2. conventionnel et compassé (en parlant d’une oeuvre d’art)
touchant le seul
domaine
artistique

657
Domaine Mot Dictionnaire Type de variation Variation
Classe sociale Capitaliste TLF A. Personne qui possède des capitaux et qui en tire un revenu en les
faisant valoir notamment par prêt ou investissement dans une entreprise
P. ext. (souvent péj.), usuel. Personne qui possède une (sur-)abondance
de biens monétaires ou autres. Synon. fam. richard
PR Absence de la 2- Fam. Personne riche. Un gros capitaliste.
nuance péjorative
PL 1. Personne qui possède des capitaux et les investit dans des entreprises.
2. Fam., péjor. Personne très riche.
LEXIS Mention de la 2. celui qui est favorable au régime capitaliste (péj. Dans la langue
nuance péjorative politique de l’extrême gauche)
dans un discours 3.péjor. personne riche
sociolectal
HACHETTE Absence de la 2. fam. Personne riche
nuance péjorative
Aristocrate TLF Nuance péjorative I. A. 1. Partisan de l'aristocratie, en tant que forme de gouvernement
dépassant le cadre 2. [Plus partic. et souvent péj.] Partisan, noble ou non, de l'Ancien
historique Régime, à l'époque de la Révolution française
C. Au fig. [En parlant d'un animé ou d'un inanimé] Fin, distingué,
supérieur comme ce qui est le propre d'un noble -Péjoratif :
13. Je me le représente [Gourmont] ce soir, en pensée, couché là-bas dans
cet amphithéâtre d'hôpital, lui si aristocrate, si distant, si dédaigneux.
PR 1- Partisan de l'aristocratie— Spécialt (péj.) À la Révolution, Partisan
des privilèges, noble, contre-révolutionnaire.
2- Membre de l'aristocratie (2o). - noble.
3- Membre d'une aristocratie (4o), d'une élite.
PL Absence de la Membre de l'aristocratie
nuance péjorative
LEXIS 1. Membre de la classe des nobles, des privilégiés (souvent péjoratif)
2. personne qui a de la distinction, qui a des manières, des qualités
mondaines

658
Domaine Mot Dictionnaire Type de variation Variation
Ethnies Asiatique TLF Emplois péjoratifs 1. Péjoratif
et laudatifs non a) [En parlant de la vie affective de l'aristocratie] Corruption asiatique.
mentionnés dans Mœurs asiatiques. Mœurs à la fois passionnées et efféminées
Lexis b) [En parlant du train de vie de l'aristocratie] Opulence asiatique.
Surabondance de richesses
c) [En parlant du régime pol.]
2. Plus rarement, laud.
a) [En parlant de l'esprit et de son expression]
PR 0
PL 0
LEXIS 2. litt ; Excessif, somptueux, comme dans les anciennes monarchies de
l’Orient
HACHETTE 0
Chinois TLF Le contenu (cf. B. P. anal., avec une nuance péj. (Personne) qui présente des
traits en italique) ressemblances avec les Chinois, leur physique et surtout leur caractère
réel ou présumé; qui est étranger, peu intéressant, original, compliqué,
rusé.
Adj. 2. P. ext. Qui présente certaines particularités propres ou qu'on
attribue au caractère des Chinois ; compliqué, étrange, barbare.
PR Le contenu (cf. 2 (1799) Fam., vieilli Individu à l'allure bizarre dont on se méfie.
traits en italique) Personne qui subtilise, ergote à l'excès.
PL
LEXIS Fam. Pointilleux à l’excès, ergoteur qui a le goût de la complication
HACHETTE 1. Adj. Fam. Qui est formaliste, minutieux à l’excès
Chinoiseries TLF Le contenu (cf. B. Souvent au plur., avec une nuance péj. Ce qui rappelle certaines
traits en italique) particularités réelles ou attribuées au peuple chinois comme la bizarrerie,
le goût de la complication, la tracasserie, la ruse.
PR 2- (1845) Cour. Complication inutile et extravagante
PL Fam. Exigences inutiles et compliquées.
LEXIS Fam. Complication tracassière
HACHETTE 3.fig. complication, chicane mesquine

659
Domaine Mot Dictionnaire Type de variation Variation
Ethnies Arabe TLF Au fig., péj., fam. et vieilli. Homme avare, dur dans les affaires,
usurier
3. ... Le monde dira que je suis un juif, un arabe, un usurier, un corsaire,
que je vous aurai ruiné! Je m'en moque! BALZAC, Gobseck, 1830, p.
419.
PR Absence de la
nuance péjorative
PL Absence de la
nuance péjorative
LEXIS Class. Arabe : fam. Dur, âpre au gain, usurier :Endurcis-toi le cœur, sois
arabe, corsaire (Boileau)
HACHETTE Absence de la
nuance péjorative
Arbi TLF Argot Argot
A. Cour., A. Cour., péj. Arabe
PR - Vx, pop. - Vx, pop. et péj. Indigène d'Afrique du Nord
PL, LEXIS 0
HACHETTE 0
Chleuh TLF sans spécification B. Fam., péj. Allemand, allemande. Un avion chleuh. Pou chleu
de l’époque
PR Fam. et péj. Allemand, Allemande (en tant qu'ennemi, pendant la
Deuxième Guerre mondiale). Les Chleuhs. Adj. Un avion chleuh
PL Injur.,/ sans Injur., péjor. Allemand.
spécification de
l’époque
LEXIS 0
HACHETTE 0
Juif TLF Explication de la B. 2. Péj. [À cause des métiers d'argent interdits aux chrétiens et réservés
source de la nuance aux juifs au Moy. Âge] Synon. de avare, usurier
péjorative
PR (emploi diffamatoire) Personne âpre au gain, avare.

660
Annexe II.19 : Charges axiologiques des exemples

Mot Dictionnaire Marqueur Définition Exemple Charge axiologique


de l’exemple
Aristocratique TLF B. [En parlant d'un groupe de Nom aristocratique, préjugé aristocratique, Péjorative
pers. ou de son comportement, société aristocratique
etc.] Relatif à l'aristocratie, en
tant qu'ensemble des nobles
-P. ext. Relatif à l'aristocratie en tant que 4. « Comme il semble être à l'aise dans son Péjorative
minorité importante par la luxe », songeait Jacques. « La vanité de
fortune, l'influence, la culture, Père... La vanité aristocratique du
etc. bourgeois! ... »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault,
L'Été 1914, 1936, p. 123
Pacifiste TLF B. Péj. Personne qui préconise la paix à Un nationaliste rhénan a l'idée qu'un Péjorative
tout prix ou prétend à une paix nationaliste français le comprendra et le
universelle. respectera mieux que ne fait un pacifiste
décadent qu'il méprise (BARRÈS, Cahiers,
t.14, 1922, p.45).
PR Partisan de la paix. Pacifistes et non-violents. « vos Charge péjorative
compatriotes, s'ils me connaissaient, me rejetée par l’auteur
flétriraient sûrement du nom de de l’exemple
" pacifiste " qui est chez vous, je crois, une
injure » (A. Hermant)
LEXIS Même si vous n’êtes pas pacifiste, vous Charge méliorative
devez me respecter (Sartre) pour l’auteur

661
Mot Dictionnaire Marqueur Définition Exemple Charge axiologique
de l’exemple
Américaniser TLF Emploi I . Transformer en marquant des Américaniser qqn, qqc. Neutre
trans., traits propres à la civilisation
souvent péj américaine (du Nord).
II. Prendre le caractère3. Alca s'américanise; partout on détruit ce Péjorative
américain; adopter le genre, lesqui restait de libre, d'imprévu, de mesuré,
mœurs, les usages américains de modéré, d'humain, de traditionnel;
partout on détruit cette chose charmante,
un vieux mur au-dessus duquel passent des
branches; partout on supprime un peu d'air
et de jour, un peu de nature, un peu de
souvenirs qui restaient encore, un peu de
nos pères, un peu de nous-mêmes, et l'on
élève des maisons, épouvantables, énormes,
infâmes...A. FRANCE, L'Île des pingouins,
1908, p. 342.
PR Revêtir, marquer d'un caractère « La mécanique nous aura tellement Plus ou moins neutre
américain américanisés » (Baudelaire). — Pronom.
« un monde qui s'américanise » (Siegfried).
LEXIS Marquer du caractère américain, L’influence économique des États Unis a Neutre
des mœurs des USA. américanisé le comportement des hommes
d’affaires de l’Europe occidentale

662
Mot Dictionnaire Marqueur Définition Exemple Charge axiologique
de l’exemple
Américanisme TLF B. Le plus Engouement pour l'Amérique et 3. Il jouait à l'homme moderne, à l'homme Péjorative
souvent tout ce qui est américain, moderne avec la nuance « genre américain
péj. adoption des idées et manières ». L'espèce d'excentricité profonde qui
américaines était dans le caractère des Coëtquidan
s'était fait jour en lui vers vingt-cinq ans
sous cette forme : je serai l'homme
moderne de la famille. Très vite, cela
s'était compliqué d'américanisme. Ce
parti pris avait déterminé ensuite tous les
sentiments et toutes les attitudes du baron.
Par exemple, il l'avait poussé à aimer ou
feindre d'aimer le régime, la démocratie;
à dédaigner ou feindre de dédaigner la
condition; à s'intéresser ou feindre de
s'intéresser au mécanisme des affaires, à
la vie économique; à négliger légèrement
ou feindre de négliger légèrement l'être
suprême, et jusqu'à affecter une pointe de
voltairianisme.
H. DE MONTHERLANT, Les
Célibataires, 1934, p. 770.
PR Vieilli Admiration, imitation du mode « Le monde marche vers une sorte Neutre
de vie, de la civilisation des d'américanisme » (Renan).
États-Unis.
Américanisation LEXIS Le citoyen américain est soumis à une Neutre
force d’organisation et d’américanisation
intense (Sartre)

663
Mot Dictionnaire Marqueur Définition Exemple Charge axiologique
de l’exemple
Bolchéviste TLF péj. Qui se rapporte ou qui est Si la révolution bolchéviste, Péjorative
soumis au bolchevisme essentiellement dirigée contre Dieu, est un
signe annonciateur de l'homme de péché,
le vaste mouvement de foi suscité dans
l'église russe, et de si grandes souffrances,
et tant de sang et de martyrs, et de
témoignages héroïques, peuvent-ils ne pas
annoncer et préparer quelque grande
œuvre du Christ et du Saint-Esprit?
MARITAIN, Primauté du spirituel, 1927, p. 265
Bolchévique TLF Qui se rapporte, qui est propre Il est dominé de nouveau par Péjorative
au bolchevisme* et aux l'insupportable mentalité bolchevique, par
bolcheviks une exaltation stupide de la discipline.
MALRAUX, Les Conquérants, 1928, p. 147.
PR Par ext. Péj. Communiste. Abrév. fam. Les bolchos et les fachos. Péjorative
(1940) BOLCHO
Bolchévisme TLF P. ext., Synon. de communisme Le grand sujet de conversation entre mes Péjorative
souvent parents, c'étaient les catastrophes qui
péj. menaçaient le monde : le péril rouge, le
péril jaune, la barbarie, la décadence, la
révolution, le bolchevisme

664
Mot Dictionnaire Marqueur Définition Exemple Charge axiologique
de l’exemple
Capitalisme TLF B. Système économique et L'esprit objectif du capitalisme est un Méliorative et
social qui se caractérise par la esprit d'exaltation des puissances actives péjorative
propriété privée des moyens de et inventives, du dynamisme de l'homme
production et d'échange et par et des initiatives de l'individu, mais c'est
la recherche du profit. un esprit de haine de la pauvreté et de
mépris du pauvre; le pauvre n'existe que
comme outil d'une production qui
rapporte, non comme personne.
MARITAIN, Humanisme intégral, 1936, p.
126.
PR 2 Ensemble des capitalistes, Les intérêts du capitalisme. Capitalisme Neutre
des pays capitalistes international.
Communiste TLF 3. (Celui qui est) partisan de . ... dans l'âme de l'homme pour qui les Péjorative
l'égalité absolue trésors des nations allaient s'épuiser, on
surprenait des mouvements de haine que
les communistes et les prolétaires
manifestent à cette heure contre les riches.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t.
2, 1848, p. 320.

665
Libéralisme TLF En partic. Ensemble des doctrines
... le libéralisme pose des limites à Méliorative
politiques fondées sur la l'intervention de l'état par la
garantie des droits individuels
reconnaissance des droits du citoyen,
contre l'autorité arbitraire d'un
tempère le pouvoir exécutif par le contrôle
gouvernement (en particulier législatif et le pouvoir judiciaire, protège
par la séparation des pouvoirs)
l'individu contre les abus de la puissance
ou contre la pression des publique, admet la représentation des
groupes particuliers (monopoles
minorités et les droits de l'opposition, tient
économiques, partis, syndicats).
grande ouverte la lice où s'affrontent,
sous la tutelle de la loi, les compétitions
individuelles et se nouent les solidarités
sociales...
L. ROUGIER, Les Mystiques écon. Paris,
Librairie de Médicis, 1938, p. 15.
Chrétien PR Qui est empreint d'influence Traditions chrétiennes. Humanisme Méliorative
chrétienne chrétien.
LEXIS Relatif ou conforme à la la religion chrétienne est Méliorative
doctrine de Jésus-Christ principalement consolatrice (Gide)

666
Annexe II.20 : La modalisation

Mot Dictionnaire Modalisation par Contenu modalisé Modalisation lexicale


le marqueur
Bourgeoisie LEXIS Péjor. Accentuation presque caricaturale de tous les
caractères de la bourgeoisie
Américanisme PR Vieilli Admiration, imitation du mode de
vie, de la civilisation des États-
Unis
Bohème PR Vieilli Personne (généralt artiste) qui vit
sans règles, en marge de la
société
Bohémien LEXIS Nomade que l’on croyait originaire de la Bohême,
disant de bonnes aventures ou mendiant
HACHETTE Membre de tribus vagabondes qu’on croyait originaires
de la Bohême
Chinois TLF P. anal., avec une (Personne) qui présente des ressemblances avec les
nuance péj. Chinois, leur physique et surtout leur caractère réel ou
présumé; qui est étranger, peu intéressant, original,
compliqué, rusé.
Judaïque TLF Péj. [P. allus. au reproche de légalisme fait aux juifs]
Qui s'attache à la lettre et non à l'esprit

667
Mot Dictionnaire Modalisation par Contenu modalisé Modalisation lexicale
le marqueur
Hébreu LEXIS :2.Hist.Juif converti qui, au début du christianisme,
- Hébraïsant,e restait attaché à la lettre des prescriptions mosaïques

Juif TLF 2. Péj. [À cause des métiers d'argent interdits aux


chrétiens et réservés aux juifs au Moy. Âge] Synon.
de avare, usurier
Chinoiseries TLF Souvent au plur., Ce qui rappelle certaines particularités réelles ou
avec une nuance attribuées au peuple chinois comme la bizarrerie, le
péj. goût de la complication, la tracasserie, la ruse.
Provincial TLF Souvent péj. Qui a les caractéristiques ou certaines
caractéristiques (simplicité, rusticité, manque de
finesse, etc.) appartenant ou supposées appartenir
aux habitants de la province.
PL 3. Péjor. Qui n'a pas l'aisance que l'on prête aux
habitants de la capitale
Provincialisme LEXIS 2. péj. Gaucherie que l’on prête à la province, par
opposition à Paris
PL 2. Péjor. Gaucherie que l'on prête aux gens de la
province
HACHETTE 1. Caractère maladroit, emprunté que l’on attribue
parfois aux provinciaux
Banlieue TLF C. Emploi adj., fam., péj. Dépourvu de la
distinction, du bon goût prêté à ce qui vient de la
ville.
Chrétien [Surtout avec la négation] Qui est conforme à la
générosité d'un parfait chrétien

668
Annexe II.21 - La distribution des stéréotypes liés à l'appartenance à une aire géographique

Mot Dictionnaire Marqueur + déf +exemple Marq + définition Marq + exemple Marqueur Absence
banlieue Hachette .+
banlieusard .+
provincial .+
villageois .+
provincialisme .+
banlieue Lexis .+
banlieusard .+
villageois .+
provincial .+
provincialisme .+
banlieue Petit Larousse .+
banlieusard .+
villageois .+
provincial .+
provincialisme .+
banlieue Petit Robert .+
banlieusard .+
villageois .+
provincial .+
provincialisme .+
banlieue TLF .+
banlieusard .+
provincial .+
villageois .+
provincialisme .+

669
Annexe II.22 - La distribution des stéréotypes relatifs aux noms de
professions
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+définition Marq+exemple Marqueur Définition Absence
Docteur .+
Hachette
mercantilisme .+
ouvrier .+
professeur .+
salarié .+
marchand .+
mercanti .+
mercantile .+
paysan .+
docteur .+
Lexis
marchand .+
mercantilisme .+
ouvrier .+
professeur .+
salarié .+
mercanti .+
mercantile .+
paysan .+
docteur .+
Petit Larousse
marchand .+
mercantilisme .+
ouvrier .+
professeur .+
salarié .+
mercanti .+
mercantile .+
paysan .+

670
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+définition Marq+exemple Marqueur Définition Absence
marchand .+
Petit Robert
ouvrier .+
professeur .+
salarié .+
mercanti .+
mercantile .+
paysan .+
docteur .+
mercantilisme .+
docteur .+
TLF
marchand .+
mercanti .+
mercantile .+
ouvrier .+
paysan .+
professeur .+
salarié .+

671
Annexe II.23- La distribution des stéréotypes relatifs aux noms d'ethnies

Mot Dictionnaire Marqueur +déf+ex Marqueur+définition Marqueur+exemple Exemple Absence


Américaniser .+
américanisme .+
Hachette
arabe .+
asiatique .+
asiatisme .+
allemand .+
chrétien .+
éthiopien .+
hébraïsant .+
judaïque .+
juif .+
juiverie .+
sémitique .+
turc .+
balkanique .+
américanisation .+
arbi .+
bohême .+
bohémien .+
chinois .+
chinoiserie .+
chleuh .+
sémite .+

672
Mot Dictionnaire Marqueur +déf+ex Marqueur+définition Marqueur+exemple Exemple Absence
arabe .+
chinoiserie .+
Lexis
américanisme .+
asiatisme .+
allemand .+
éthiopien .+
judaïque .+
sémitique .+
balkanique .+
américaniser .+
américanisation .+
arbi .+
asiatique .+
bohême .+
bohémien .+
chinois .+
chleuh .+
chrétien .+
hébraïsant .+
juif .+
juiverie .+
sémite .+
turc .+

673
Mot Dictionnaire Marqueur +déf+ex Marqueur+définition Marqueur+exemple Exemple Absence
chinoiserie .+
Petit
balkanique Larousse .+
américanisation .+
arabe .+
asiatique .+
asiatisme .+
chinois .+
allemand .+
chrétien .+
éthiopien .+
hébraïsant .+
judaïque .+
juif .+
juiverie .+
sémite .+
sémitique .+
turc .+
américaniser .+
américanisme .+
arbi .+
bohême .+
bohémien .+
chleuh .+

674
Mot Dictionnaire Marqueur +déf+ex Marqueur+définition Marqueur+exemple Exemple Absence
bohême .+
chinois Petit Robert .+
chinoiserie .+
chleuh .+
juif .+
sémite .+
turc .+
américanisation .+
arabe .+
asiatique .+
asiatisme .+
allemand .+
éthiopien .+
judaïque .+
sémitique .+
balkanique .+
américaniser .+
américanisme .+
arbi .+
bohémien .+
chrétien .+
hébraïsant .+
juiverie .+

675
Mot Dictionnaire Marqueur +déf+ex Marqueur+définition Marqueur+exemple Exemple Absence
arabe .+
arbi TLF .+
asiatique .+
bohême .+
bohémien .+
chinois .+
chinoiserie .+
allemand .+
chleuh .+
chrétien .+
éthiopien .+
hébraïsant .+
judaïque .+
juif .+
juiverie .+
sémite .+
sémitique .+
turc .+
balkanique .+
américaniser .+
américanisation
américanisme .+
asiatisme .+

676
Annexe II.24 a - la distribution des stéréotypes relatifs aux classes sociales

Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf Déf.ex. Marq+exemple Marqueur Définition Absence


Aristocrate .+
bourgeoisie Hachette .+
bourgeoisisme .+
bureaucrate .+
capitaliste .+
clérical .+
église .+
élite .+
technocrate .+
bourgeois .+
peuple .+
bourgeoisie .+
église Lexis .+
élite .+
capitaliste .+
clérical .+
aristocrate .+
bourgeois .+
bourgeoisisme .+
bureaucrate .+
peuple .+
technocrate .+

677
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf Déf.ex. Marq+exemple Marqueur Définition Absence
bourgeoisie .+
Petit Larousse
bourgeoisisme .+
clérical .+
église .+
élite .+
bureaucrate .+
capitaliste .+
technocrate .+
aristocrate .+
bourgeois .+
peuple
bourgeoisie .+
bourgeoisisme Petit Robert .+
capitaliste .+
clérical .+
église .+
élite .+
bureaucrate .+
aristocrate .+
bourgeois .+
peuple .+
technocrate .+

678
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf Déf.ex. Marq+exemple Marqueur Définition Absence
aristocrate .+
TLF
bourgeois .+
bourgeoisie .+
bourgeoisisme .+
bureaucrate .+
capitaliste .+
clérical .+
église .+
élite .+
peuple .+
technocrate .+

Annexe II.24 b - Les représentations péjoratives


« Bourgeois, oise
4( Par ext. (1830) Péj. Personne incapable d'apprécier ce qui est désintéressé, gratuit, esthétique. (Opposé à artiste) (PR)
– Personne conformiste et sans idéal, préoccupée de son seul confort matériel (PL)
Bourgeois : 4. personne conformiste, terre à terre (Hachette)
♦ Bourgeois adj. 1. Relatif à la bourgeoisie, à sa manière de vivre, à ses goûts etc. (souvent péj. Il insiste alors sur la banalité, le manque
d’élévation et d’idéal, la platitude, le goût excessif de la sécurité) (Lexis)

Bureaucrate
_ Fonctionnaire, employé rempli du sentiment de son importance et abusant de son pouvoir sur le public. Bureaucrates et
technocrates. Péj. Employé de bureau (PR)
Péjor.
1. Fonctionnaire imbu de l'importance de son rôle, dont il abuse auprès du public.
2. Employé de bureau. (PL)
2 bureau
♦ bureaucrate : fonctionnaire d’une administration animé d’un esprit de routine ou qui se prévaut d’une autorité excessive (Lexis)

679
Capitaliste
1. Fam., péjor. Personne très riche. (PL)
Clergé
♦ Adj. et n. Péjor. Dévoué aux intérêts du clergé, Je crains un retour offensif des cléricaux…(Lexis)
Technocrate
_ (Souvent péj.) Ministre, haut fonctionnaire technicien (1o) (- énarque), tendant à faire prévaloir les conceptions techniques d'un
problème au détriment des conséquences sociales et humaines (PR)
Souvent péjor. Homme d'état ou haut fonctionnaire qui fait prévaloir les considérations techniques ou économiques sur les facteurs
humains. (PL)
♦ technocrate : [souvent péjor.] Homme politique ou haut fonctionnaire qui exerce son autorité dans le domaine de l’économie, de
l’industrie et du commerce, en fonction de sa formation technique (Lexis).

Annexe II.24 c - Les représentations mélioratives


« Aristocratique
2- Qui appartient à l'aristocratie (3o), à la classe noble. noble.
3- Qui est digne d'un aristocrate. élégant, distingué, raffiné. (PR)
2. Digne d'un aristocrate ; distingué, raffiné. (PL)
♦ aristocratique : Il a des manières aristocratiques (syn. DISTINGUE, RAFFINE ; contr. VULGAIRE) (Lexis)
2.Fig. Raffiné, digne d’un aristocrate (Hachette)
Élite
Petit groupe considéré comme ce qu'il y a de meilleur, de plus distingué.
– D'élite : qui se distingue par de grandes qualités. Sujet d'élite. (PL)
1. Petit groupe considéré comme ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble de personnes (Lexis)
Ensemble formé par les meilleurs, les plus distingués des éléments d’une communauté (Hachette)
Aristocrate
1. Membre de la classe des nobles, des privilégiés (souvent péjoratif)
2. personne qui a de la distinction, qui a des manières, des qualités mondaines (Lexis).

680
Annexe II.25 - La distribution des stéréotypes relatifs aux idées, aux opinions
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf déf.ex. Marq+ex Marqueur définition Ex Absence
Académiste .+
anthéchrist .+
bolchéviser Hachette .+
cartésianisme .+
communisme .+
communiste .+
conventionnel .+
idéaliste .+
jésuitique .+
marxisme .+
métaphysicien .+
moralisateur .+
moralisme .+
moraliste .+
nietzschéisme .+
pacifiste .+
soixante-huitard .+
bolchévick .+
bolchévisme .+
communard .+
jésuite .+
jésuitisme .+
académique .+
académisme .+
cartésien .+
commun .+
humanitarisme .+
politicien .+

681
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf déf.ex. Marq+ex Marqueur définition Ex Absence
anthéchrist .+
bolchévick .+
Lexis
communisme .+
communiste .+
marxisme .+
nietzschéisme .+
pacifiste .+
soixante-huitard .+
bolchéviser .+
humanitarisme .+
jésuitisme .+
métaphysicien .+
cartésianisme .+
commun .+
conventionnel .+
idéaliste .+
jésuite .+
jésuitique .+
moralisateur .+
moralisme .+
moraliste .+
politicien .+
bolchévisme .+
communard .+
cartésien .+
académique Lexis (homony.)
académisme Lexis (homony.)
académiste Lexis (homony.)

682
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf déf.ex. Marq+ex Marqueur définition Ex Absence
académiste .+
anthéchrist .+
bolchévick Petit Larousse .+
bolchéviser .+
bolchévisme .+
cartésianisme .+
communisme .+
communiste .+
marxisme .+
métaphysicien .+
moralisateur .+
moraliste .+
nietzschéisme .+
pacifiste .+
soixante-huitard .+
académique .+
académisme .+
communard .+
humanitarisme .+
jésuite .+
jésuitisme .+
cartésien .+
commun .+
conventionnel .+
idéaliste .+
jésuitique .+
moralisme .+
politicien .+

683
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf déf.ex. Marq+ex Marqueur définition Ex Absence
académiste .+
anthéchrist .+
bolchéviser Petit Robert .+
bolchévisme .+
cartésianisme .+
cartésien .+
commun .+
communisme .+
communiste .+
marxisme .+
métaphysicien .+
moraliste .+
nietzschéisme .+
soixante-huitard .+
communard .+
académique .+
académisme .+
bolchévick .+
conventionnel .+
humanitarisme .+
idéaliste .+
jésuite .+
jésuitique .+
jésuitisme .+
moralisateur .+
moralisme .+
pacifiste .+
politicien .+

684
Mot Dictionnaire Marq+déf+ex Marq+déf déf.ex. Marq+ex Marqueur définition Ex Absence
académique .+
académisme .+
académiste TLF .+
anthéchrist .+
bolchévick .+
bolchéviser .+
bolchévisme .+
cartésianisme .+
cartésien .+
commun .+
communard .+
communisme .+
communiste .+
conventionnel .+
humanitarisme .+
idéaliste .+
jésuite .+
jésuitique .+
jésuitisme .+
marxisme .+
métaphysicien .+
moralisateur .+
moralisme .+
moraliste .+
nietzschéisme .+
pacifiste .+
politicien .+
soixante-huitard .+

685
Annexe II.26 : Charges stéréotypiques figurant sous une autre entrée

Dictionnaire Mot vedette Mot figurant Traits stéréotypiques dans l’exemple


dans l’exemple
PR Trafiquant Arabe « Les affaires se traitent à demi-voix, avec  les cachotteries du trafiquant arabe »
(Fromentin).
Ruse « Les affaires se traitent à demi-voix, avec la ruse du campagnard et les cachotteries du
trafiquant arabe » (Fromentin).
Strict Juif « un Juif de stricte observance » (Tournier).
Prêcher Américain Tout Américain « est un évangéliste, qui ne peut laisser les gens tranquilles, et qui  se
sent le devoir de prêcher » (Siegfried).
Réformer « La passion de réformer, de moraliser, d'évangéliser serait un monopole américain »
(Siegfried).
TLF Bazouka Arabe Le monde arabe a besoin (...) de mes bazookas (P. VIALAR, La Chasse aux hommes, Les
Faux-fuyants, 1953, p. 201).
Corsaire Arabe, juif Le monde dira que je suis un juif, un arabe, un corsaire, que je vous aurai ruiné! Je m'en
moque! (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 419)
Ambitieux Juif Tu le sais, toi, Laurent. Ils disent tous que je suis insupportable. Alors, je vais me retirer. Je
vais donner ma démission. Comme cela nul ne pourra plus dire que je suis un Juif
ambitieux, un arriviste et un dominateur. C'est entendu. Je vais me retirer.
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, p. 247
Flatteur ... ô Empereur du bas! » fit-il d'une voix flatteuse de marchand juif, « toi qu'il n'aime pas,
mais qui nous aime! ... » (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 129)
Aventurier Turc, juif C'est un Génois, un métèque, un aventurier, un fou, un romantique, un illuminé plein de
prophètes, un menteur, un intrigant, un spéculateur, un ignorant qui ne savait pas regarder
une carte, bâtard d'un Turc et d'une Juive!...
CLAUDEL, Le Soulier de satin, 1929, journée 3, 2, p. 779.
Fataliste Turc Fataliste comme un Turc, je crois que tout ce que nous pouvons faire pour le progrès de
l'humanité, ou rien, c'est absolument la même chose.
FLAUB., Corresp., 1846, p. 225
Feignant Nègre Allez, le Nègre, tire un peu, feignant de bonsoir (GIONO, Regain, 1930, p. 175).

686
Annexe II.27 : Fonctions des synonymes et des antonymes

Dictionnaire Mot Texte de la définition Rôle du synonyme ou du


contraire
LEXIS Il a des manières aristocratiques (syn. DISTINGUE, RAFFINE ; contr. Spécification du contenu
VULGAIRE)
PR Bohême 1 Vieilli Personne (généralt artiste) qui vit sans règles, en marge de la Paraphrase synonymique de la
société. - marginal définition
Aristocratique 3- Qui est digne d'un aristocrate. - élégant, distingué, raffiné Spécification du contenu
Bureaucrate Péj. Employé de bureau. - gratte-papier, rond-de-cuir. Synonyme dans d’autres
registres de langue
Cartésien 3- Par ext. Esprit cartésien, qui présente les qualités intellectuelles Spécification du contenu
considérées comme caractéristiques de Descartes. 6 clair, 2. logique,
méthodique, rationnel, solide
Communisme 4- Ensemble des communistes, de leurs organisations. Explication contrastive
-CONTR. Capitalisme, fascisme, libéralisme.
TLF Juif 2. Péj. [À cause des métiers d'argent interdits aux chrétiens et réservés Atténuation
aux juifs au Moy. Âge] Synon. de avare, usurier
Villageois En partic. Lourd, d'une grande force, robustesse ou vigueur. Anton. Désambiguïsation de la
délicat, fragile. paraphrase
Synon. fruste, grossier, mal élevé (v. élevé2), rustre, sans façon* ; Paraphrase atténuante ou
anton. fin (v. fin2), raffiné. désambiguïsante
Capitaliste Personne qui possède une (sur-)abondance de biens monétaires ou Explicitation du trait péjoratif
autres. Synon. fam. richard
Église [Avec une minuscule, plus rarement une majuscule] Groupe, ensemble Explicitation du trait péjoratif
(souvent fermé) de personnes ayant les mêmes aspirations, les mêmes
idées, la même doctrine. Synon. clan, coterie
Mercanti Péj. Commerçant, homme d'affaires âpre au gain et malhonnête. Synon. Synonyme dans d’autres
margoulin, trafiquant. registres de langue
Paysan Péj. [P. réf. à l'allure, au comportement, au langage du paysan] Synonyme dans d’autres
Personne qui ne connaît pas les usages de la vie citadine. Synon. registres de langue
bouseux, cambrousard, cul-terreux, péquenot, plouc.

687
688
Troisième chapitre- Stéréotypie et figement

Annexe III.1 - La variation de la figuration de quelques expressions figées

EXPRESSION Dictionnaire Acception Emploi//S1. Emploi//S2. Absence A part


Bouc émissaire HACHETTE .+
PL .+
PR .+
TLF
bouillir de colère HACHETTE .+
PL .+
PR .+
TLF .+
Grasse comme une caille HACHETTE .+
PL .+
PR .+
TLF .+
têtu comme une mule HACHETTE .+
PL .+
PR .+
TLF .+
Annexe III.2 : Variation de la paraphrase définitoire de quelques expressions figées

Dictionnaire Expression figée Paraphrase Différence


TLF Avoir un chat dans la gorge Être enroué, ne plus pouvoir parler ou Contenus contradictoires
chanter
Hachette parler franchement
PL être enroué
Donner sa langue au chat Contenu spécifique/ contenu
Hachette renoncer à résoudre une énigme, une général
devinette
PR s'avouer incapable de trouver une
solution.
TLF N'être pas un aigle . N'avoir qu'une intelligence moyenne Différence de degré
PR Ce n'est pas un aigle il n'a rien d'un esprit supérieur, il n'est
pas très intelligent.
PL il n'est guère brillant, guère intelligent
Hachette ce n’est pas une personne très
intelligente, d’une grande valeur
Lexis se dit d’un homme d’une intelligence
moyenne
TLF Chaud comme une caille Cuite de tous les côtés, chaude comme Contenu en diachronie/contenu
une caille, elle alla se en synchronie
fourrer dans son lit (ZOLA, Nana, 1880,
p. 1277)
Pour l'amour et la liberté, Il était plus
chaud qu'une caille
PR : (vx) ardent en amour; (mod.) dont le
corps est chaud.
Lexis 1-Se dit de quelqu’un bien au chaud
dans ses vêtements ou ses couvertures
Annexe III.3 : Explicitation des contenus sémantiques de la tournure locutionnelle à la manière de+ nom ethnique dans le TLF

Locution Paraphrase Exemple Sens global :domaine


à l'anglaise la manière des Anglaisje n'ai aucun doute que cette femme élégante qu'est Mme Gondier, Contextuel/hygiène
ne l'élève [Jean-Michel] à l'anglaise ou à l'américaine, avec
douche, tub et culture physique. »
SYNT. Déjeuner à l'anglaise, jardin à l'anglaise (ou jardin
anglais), poignée de main à l'anglaise; se servir soi-même à
l'anglaise, élever qqn à l'anglaise, habiller qqn à l'anglaise;
cravates nouées à l'anglaise; coudoyer à l'anglaise, serrer la
main de qqn à l'anglaise, donner des coups de poing à l'anglaise;
club à l'anglaise.
-Fam. Filer, s'en Ces sortes de gens les journalistes vont, viennent, arrivent Présenté comme
aller, s'esquiver à quand on ne les attend pas et quittent la société même la conventionnel/caractère
l'anglaise meilleure sans prévenir personne. En France, c'est ce qu'on
appelle « filer à l'anglaise ».
à la flamande la manière des Flamands Il avait (...) un besoin de grosse gaieté, à la flamande (ROLLAND, Supposé être
J.-Chr., Aube, 1904, p. 28). conventionnel/caractère
ou à la gasconne la manière des gascons Cela soit dit sans rodomontade et vantardise à l'espagnole ou à Présenté comme
la gasconne; dans aucun combat l'adversaire n'a vu la figure de conventionnel/caractère
mes épaules; je suis inconnu de dos (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.
350).
à la gauloise la manière des Gaulois Chaque siècle a sa façon de plaisanter. Le XVIIe siècle avait une Supposé être
manière un peu grosse, à la gauloise (...) celle de Molière conventionnel/caractère
(FEUILLET, Morte, 1886, p. 97).
à la gènevoise Vivre chez soi à la gènevoise ou à l'anglaise, ne jamais recevoir, Supposé être
éviter toute parade, ne voir que deux ou trois vieux amis, conventionnel/caractère
dépenser en bien-être, en bons dîners provinciaux, en bon linge,
l'argent des bals et des soirées (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 4).
Locution Paraphrase Exemple Signification
à la grecque la manière des Grecs Leurs cheveux sont bien tirés, bien lisses et tortillés sur le haut de Présenté comme
leurs têtes, absolument comme ce que nous appelons aujourd'hui conventionnel/caractère
coiffure à la grecque, à l'exception qu'au lieu de se servir comme
nous d'huile antique, ils font usage de graisse d'ours (BAUDRY DES
LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 208).
En toilette, on porte une robe d'organdi ou de crêpe de la Chine, contextuel
avec corsage drapé à la grecque (Obs. modes, t. 1, 1818, p. 17)
C'est plutôt maigre aujourd'hui. Des fricandeaux... Peuh, fis-je. contextuel
Je n'aime pas ça. Si encore vous me le faisiez à la grecque,
nageant dans l'huile d'olive et la farce pimentée, grains de poivre
alternant avec des raisins de Corinthe et des câpres.
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 274
Annexe III.4 : modalités d’emploi des expressions figées dans le discours à travers les citations du TLF

Locution ou paraphrase Exemple Modalité d’intégration


proverbe
Chat échaudé craint Toute expérience malheureuse doit servir de leçon de prudence. Reprend le sens explicite
l'eau froide Je suis un mari indignement trompé et qui ne veut pas l'être une dans l’exemple
seconde fois... Chat échaudé craint l'eau froide (THEURIET, La
Maison des deux barbeaux, 1879, p. 133).
Acheter (vendre) Conclure un marché Je ne suis pas de ces gens qui, comme on dit, conseillent d'acheter Caractère figé
chat en poche sans voir (ou montrer) chat en poche... Venez par ici... Vous les examinerez tout à explicite/contenu inféré
l'objet de la vente. votre aise (SUE, Atar Gull, 1831, p. 6). Cf. aussi acheter, (ex. dans l’exemple et explicite
16). dans la paraphrase
Appeler un chat un Dire les choses de J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon. Contenu illustré dans
chat manière franche l’exemple et explicite dans
la paraphrase
Avoir d'autres chats Avoir d'autres Ils ont d'autres chats à fouetter que de s'occuper des cinquante L’expression exprime à
à fouetter préoccupations, des mille amourettes de Paris (BALZAC, Splendeurs et misères des elle seule la signification
problèmes plus graves à courtisanes, 1844, p. 123). paraphrasée
débattre
Avoir un chat dans la Être enroué, ne plus Pauvre petite! Elle aura eu un chat dans le gosier au moment de L’expression exprime à
gorge pouvoir parler ou faire son trille (G. SAND, La Comtesse de Rudolstadt, t. 1, 1844, elle seule la signification
chanter p. 7). paraphrasée

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