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L'ÉCOLE FRANÇAISE CONTRE WALRAS, ÉCONOMISTE HÉTÉRODOXE

Nicolas Gallois

Altern. économiques | « L'Économie politique »

2011/3 n° 51 | pages 7 à 32
ISSN 1293-6146
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2011-3-page-7.htm
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L’Economie politique
Trimestriel-juillet 2011

un hétérodoxe rejeté
Léon Walras :
p. 7

L’école française
contre Walras,
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économiste hétérodoxe
Nicolas Gallois,
économiste.

A
La fin du XiXE siècLE, LE débaT économiquE EsT dominé
dans notre pays par ce que l’on appelle l’« école
française ». On la présentera en détail ci-après, mais
contentons-nous pour l’instant de rappeler que les
économistes qui en font partie constituent la référence de l’ana-
lyse économique de l’époque, tant par leurs théories que par
leurs positions institutionnelles. Considéré, avec le Britannique
Stanley Jevons et l’Autrichien Carl Menger, comme l’un des pères
fondateurs de la théorie économique dominante d’aujourd’hui,
Léon Walras est alors considéré comme un hétérodoxe par rap-
port aux canons de la « bonne science économique » de son
époque, tels que définis par l’école française. Il va de ce fait
développer une attitude ambivalente vis-à-vis de ce réseau, cher-
chant à s’intégrer dans cette école dominante en prenant part à
ses activités... tout en faisant tout pour s’attirer ses foudres, en
présentant une approche économique et sociale différente de
l’orthodoxie en vigueur.

Lorsque ses chances de s’imposer en France seront totale-


ment épuisées, il portera alors une haine farouche à ses repré- ›››

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p. 8 sentants. A propos de Léon Say, l’un de ses chefs de file, avec


qui il a travaillé pendant quelques années, il dira : « Que M. Say
ait ou non quelque valeur comme politicien, c’est ce que je ne
chercherai point ici ; mais sa valeur comme homme de science
est absolument nulle. Jamais il n’a éclairci un point d’économie
politique. Il ne dit que des bêtises. Au surplus, que ferait-il de
la science ? Sénateur, académicien, président de 96 sociétés,
associations, ligues, etc., il passe son temps à rouler en fiacre,
d’estrade en estrade, de banquet en banquet, vrai Tartarin de
Tarascon entouré de ses chasseurs de casquettes. Et malgré tout,
M. Say veut être le pontife de l’économie politique comme Cousin
était le pontife de la philosophie » [Potier, 1988, p. 248].

Le sort de cette bataille entre Léon Walras et l’école française


va déterminer pour beaucoup l’avenir de la théorie économique.
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Il est donc important d’en connaître les faits et d’en comprendre
les enjeux. Malheureusement, celui qui s’attache à ce projet
constate rapidement le manque cruel d’études sur l’école fran-
çaise, ses réseaux, son pouvoir. Il existe des recherches sur
certains de ses économistes pris
isolément ou sur quelques-unes de
Les économistes de l’école française ses institutions, mais aucune mise
se rassemblent autour de la défense en perspective.
du libre-échange et de la croyance
dans les vertus de la concurrence. Il faut donc commencer par
prendre en compte cette école de
pensée dans son ensemble, mon-
trer sa cohérence et combien toutes ses institutions fonctionnent
conjointement pour former un réseau structuré et incontournable
dans la France du XIXe siècle. En s’intéressant à l’économie à partir
des années 1858-1859, Léon Walras est obligé de prendre contact
avec ce réseau, ses institutions et ses hommes clés. On montrera
alors comment il a cherché à s’y intégrer.

L’école française et ses valeurs


Les économistes de l’école française se rassemblent autour de
la défense du libre-échange et de la croyance dans les vertus de
la concurrence. Ils ont bâti un ensemble d’institutions presti-
gieuses qui permettent de développer la notoriété de leur école
tant en France qu’à l’étranger. Un groupement d’hommes, peu
nombreux, y tiennent les places de pouvoir de manière hégémo-
nique et durable en distribuant les postes à des membres de leur
famille, organisant ainsi une orthodoxie parfaite.

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Et ils ont tenu leurs places pendant de nombreuses années : p. 9
Joseph Garnier enseigne pendant cinquante ans à l’Ecole supé-
rieure de commerce de paris, Paul Leroy-Beaulieu dirige L’Econo-
miste français pendant quarante-deux ans, Louis Wolowski tient
sa chaire au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)
pendant trente-sept ans, Gustave de Molinari est rédacteur en
chef du Journal des économistes pendant vingt-huit ans, etc. De
plus, ils bénéficient d’une longévité exceptionnelle ! Gustave de
Molinari vivra quatre-vingt-treize ans, Jean-Gustave Courcelle-
Seneuil, soixante-dix-neuf ans, Paul Leroy-Beaulieu soixante-
treize ans, Léon Say, soixante-dix ans, etc., ce qui leur permet
de régner durablement sur l’analyse économique française. A
l’origine de ce réseau, il y a d’abord Jean-Baptiste Say.

Jean-Baptiste Say, le fondateur idolâtré


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Jean-Baptiste Say est « le père de l’école libérale française du
XIXe siècle » [Breton, 1992, p. 27]. C’est la référence, le fonda-
teur. Son succès commence avec son interprétation des idées
anglaises d’Adam Smith. Il indique que La Richesse des nations
n’est « qu’un assemblage confus des principes les plus sains
de l’économie politique. […] C’est un vaste chaos d’idées justes,
pêle-mêle avec des connaissances positives » [Say, 1803, t. I,
p. VI]. Son objectif est alors de clarifier les écrits de Smith et de
diffuser ses connaissances. Son introduction du Traité d’éco-
nomie politique va dans ce sens. Il indique qu’il a pour mission
de « rendre la doctrine tellement populaire que tout homme
doué d’un sens droit pût la saisir dans son ensemble et dans ses
détails, et en appliquer les principes à toutes les circonstances
de la vie » [Say, 1803, t. I, p. XXXIX].

Son succès ira grandissant avec la stature internationale


qu’il obtient en publiant de nombreux ouvrages (cours, traités,
etc.), qui reprennent de manière ordonnée les grands principes
de l’économie politique et qui sont diffusés dans les pays déve-
loppés. Il prend part également à des débats avec les grands
noms de l’économie politique, notamment avec les économistes
anglais. En France, il a été à l’initiative de cours d’économie poli-
tique et se trouve également être l’instigateur d’un regroupement
d’économistes autour de sa personne (l’école française).

Lucette Le Van-Lemesle [2004] explique comment les écono-


mistes français du XIXe siècle ont mis en avant certaines facettes
de son histoire et de sa personnalité et éclipsé les éléments ne ›››

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p. 10 correspondant pas à l’image désirée. L’objectif central était pour


eux de magnifier l’histoire d’un homme qui a lutté toute sa vie
pour le développement et la diffusion de la science. Cette image,
Jean-Baptiste Say se la forge pendant sa carrière d’économiste.
Il reçoit énormément [1], façonnant progressivement un réseau
d’économistes et d’hommes politiques, français et étrangers.
Ce réseau s’élargit par l’envoi qu’il fait de ses ouvrages. Ses
archives à la Bibliothèque nationale de France (BNF) regroupent
[1] John Stuart Mill, par
exemple, vantera ses les réponses à ces envois, et des noms très prestigieux y appa-
mérites dans ses Mémoires
à propos de ses venues
raissent : Bentham, Hume, Malthus, Sismondi, Laplace, La
chez les Say. Fayette, Condorcet, etc. Ces penseurs plébiscitent son travail.

Grâce à la construction de ce réseau, Jean-Baptiste Say se


transforme progressivement en référence absolue de l’économie
politique. Ses fils, petits-fils, gendres, etc., vont progressivement
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financer et participer à la création et à la pérennisation des
principales institutions de l’école française, en transmettant
une mémoire orale fondée sur ce chef de famille et en assumant
les principales tâches nécessaire à la perpétuation du réseau.

Accompagné d’intellectuels français (Auguste Blanqui,


Auguste Comte, etc.) sans qui cette tâche aurait été impossible à
mener, le projet va pourtant d’abord avoir du mal à se développer
après la mort de Jean-Baptiste Say en 1832. Il va falloir attendre la
fin des années 1830 et le début des années 1840, notamment avec
la participation de Gilbert Guillaumin et de quelques économistes
soucieux de voir se propager l’analyse libérale, pour que ce réseau
se structure et devienne une école. Jean-Baptiste Say en devient
alors l’icône qui fixe les grandes lignes analytiques à suivre et
permet d’éviter toute forme de perturbation, toute personne qui
viendrait remettre en cause les principes sur lesquels vont se
réunir les économistes de l’école française.

Les valeurs de rassemblement


Pour parler d’école, il faut trouver des valeurs de rassemblement.
Yves Breton caractérise une école de pensée par « un ensemble
d’économistes partageant des idées (politiques, économiques,
sociales) communes, se réunissant dans des lieux définis et
s’efforçant de diffuser leurs idées dans des revues spécialisées »
[Breton, 1992, p. 33].

Les économistes de l’école française sont bien représentés


par ces différents éléments. Quelques hommes influents se

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retrouvent dans des institutions prestigieuses et publient dans p. 11
leurs revues. Mais en ce qui concerne le partage des idées, la
situation est plus délicate car « les membres [de l’école fran-
çaise] étaient en profond désaccord sur la plupart des points
fondamentaux de l’économie politique […]. Ces doctrinaires n’ont
point de doctrine » [Breton, 1986, p. 27] !

S’il existe bien une chose qui les caractérise, c’est qu’ils
ont chacun une approche spécifique de l’analyse économique.
Auguste Walras écrira dans ce sens à son fils : « il n’est que trop
vrai que les économistes [de l’école française] ne sont d’accord
entre eux ni sur l’objet de leurs recherches, ni sur la nature et les
limites des questions qu’ils doivent agiter » [Walras, 2005, p. 628].

En dépit de leurs différences, les économistes de l’école fran-


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çaise ont une image assez claire de ce qu’ils veulent représenter
pour l’extérieur. La première idée qui les rassemble est celle de la
défense du libéralisme économique, même si certains refusent
presque toute forme d’intervention
de l’Etat (Gustave de Molinari, Jules
Dupuit) là ou d’autres considèrent Les économistes français
qu’un Etat fort est compatible avec du XIXe siècle ont mis en avant
leurs idées économiques (Adolphe certaines facettes de l’histoire
Blanqui, Paul Leroy-Beaulieu). et de la personnalité
de Jean-Baptiste Say et éclipsé
Avec la notion de liberté écono- les éléments ne correspondant
mique, les économistes de l’école pas à l’image désirée.
française prennent comme déno-
minateur commun la maxime des
physiocrates : le laisser-faire, laisser-passer. Bien évidemment,
et comme pour l’analyse de la liberté, si tous les économistes de
l’école française se reconnaissent derrière cette formule, l’applica-
tion réelle dans leur analyse économique diverge souvent. Que ce
soit pour la liberté ou le laisser-faire, ces concepts sont ambigus
car ils représentent des points de ralliement contre les ennemis
ou pour fédérer des partisans, mais également des points de
divergence lorsqu’il s’agit d’en comprendre réellement les limites
et la signification. D’un point de vue extérieur, ce sont des signes
de ralliement ; d’un point de vue interne, un objet de divergence.

Léon Walras, dans sa recherche de reconstruction de l’écono-


mie politique, accuse les économistes français de se retrancher
hâtivement derrière ces notions pour résoudre tous les problèmes ›››

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p. 12 économiques. « Il y a des économistes qui s’en tirent en pronon-


çant ici leur Sésame ouvre-toi, l’éternel et commode laisser-faire,
laisser-passer, et qui vous parlent de liberté » [Walras, 1987,
p. 387]. Ou encore : « à première vue, nous avons peine à croire
que quatre mots puissent contenir la solution de toutes les diffi-
cultés économistes et sociales » [Walras, 1874, p. 332].

Les économistes de l’école française sont généralement


regroupés, depuis l’Histoire des doctrines économiques de
Charles Gide et Charles Rist [1909], sous le terme d’« opti-
mistes ». Charles Rist, dans un article comparant l’économie
optimiste et l’économie scientifique, parlera à leur propos
de « cet optimiste vulgaire, politique plus qu’économique, où
l’individualisme social et le laisser-faire commercial sont unis
au point de se confondre, et qui consiste à tout approuver dans
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le présent, sans comprendre le passé et sans rien entrevoir
de l’avenir » [Rist, 1904, p. 661]. Ces économistes reprennent
de fait parfaitement à leur compte
la maxime philosophique de
Les économistes de l’école française Voltaire : « tout est pour le mieux
ne peuvent tolérer des penseurs dans le meilleur des mondes », à
socialistes ! En s’affichant à plusieurs partir d’une croyance dans la bonté
reprises comme défendant des idées des lois naturelles qui régissent
socialistes, Léon Walras va voir l’activité économique, et plus par-
les foudres s’abattre sur lui. ticulièrement de la liberté et de la
concurrence. Ce qui les pousse à
une vision bipolaire. Ils voient le
bien dans la liberté et le mal dans le socialisme. Les économistes
de l’école française peuvent tolérer des approches méthodolo-
giques, des outils d’analyse différents, mais en aucun cas des
penseurs socialistes !

En s’affichant à plusieurs reprises comme défendant des


idées socialistes, Léon Walras va voir les foudres s’abattre
sur lui. Son père le met pourtant en garde très tôt. Dès la
préparation de son ouvrage sur Pierre-Joseph Proudhon, il lui
indique, en parlant de l’approche sociale, que « la question est
brûlante » [Walras, 2005, p. 338, lettre de mars 1859]. A la fin
de l’année 1859, lorsque Léon Walras est contacté par Henri
Baudrillart pour faire un compte rendu dans le Journal des
économistes (cf. infra), Auguste lui signale à nouveau de faire
très attention à ses idées : « tout ce que je puis te conseiller,
d’une manière générale, c’est de ne pas trop t’engager, et de ne

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point te hâter de t’affubler d’une couleur politique. Il vaut mieux p. 13
attendre que l’occasion se présente pour soutenir une politique
conforme à tes connaissances et à tes convictions, que de t’ex-
poser à multiplier les concessions, les réticences, et quelquefois
les dissimulations, pour ne pas blesser le parti avec lequel tu te
trouverais engagé » [Walras, 2005, p. 363, oct. 1859].

Les outils d’analyse


Si aujourd’hui les mathématiques constituent un outil d’analyse
fondamental, leur place dans la France du XIXe siècle était beau-
coup plus limitée. Les économistes de l’école française ne s’op-
posent pas systématiquement à leur utilisation mais souhaitent
en limiter l’importance. Pour eux, leur travail est le fruit d’une
recherche scientifique, et les mathématiques n’ont pas valeur
de démonstration. André Liesse, dans l’article « Méthode »
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du Nouveau dictionnaire d’économie politique, indique ainsi :
« En général, les économistes, même ceux qui, par la nature de
leur esprit, tendaient le plus vers ce procédé d’analyse, l’ont
repoussé, les uns parce qu’il n’apportait pas de découvertes ou
tout au moins des résultats nouveaux, certains et appréciables,
les autres parce que la difficulté inhérente au maniement du
calcul algébrique les rebutait » [Liesse, 1900, vol. 2, p. 267].

Ce dénigrement presque systématique de la part de l’école


française trouve son origine dans les travaux de Jean-Baptiste
Say. Ce dernier est assez agacé de voir les Principes d’économie
politique de Nicolas-François Canard couronnés par l’Institut en
1801. Yves Breton nous indique qu’il aurait également pu être
(négativement) influencé par les travaux d’Alexandre-Théophile
Vandermonde, mathématicien et économiste, qui indiquait que
« les mathématiques et surtout les statistiques peuvent rendre
des services aux économistes » [Breton, 1986, p. 29].

Les premières références du début du XIXe siècle ne pro- [2] Léon Walras
et Stanley Jevons, dans
posent pourtant pas de faire des mathématiques « la » méthode leur article de 1878 dans
en économie politique. En effet, l’utilisation (simple) des le Journal des économistes
sur les ouvrages
mathématiques ne couvre que le chapitre III de Nicolas-Fran- relatifs à l’application
çois Canard sur la détermination du prix des choses, soit à des mathématiques
en économie, font
peine 10 % de son ouvrage. Mais ces trente pages ont eu le référence à huit auteurs.
don d’agacer et de bloquer pendant presque un siècle le déve-
loppement de cette méthode en France. Il faut attendre une
trentaine d’année pour voir la première utilisation sérieuse des
mathématiques en économie [2], avec la contribution d’Antoine- ›››

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p. 14 Augustin Cournot, en 1838, dans ses Recherches sur les prin-


cipes mathématiques de la théorie des richesses [1838]. Mais
comme Jean-Baptiste Say a banni l’usage des mathématiques
et que les économistes français suivent ses propos de manière
presque doctrinaire, ces derniers ne vont absolument pas faire
référence à l’ouvrage de Cournot ; même Adolphe Blanqui, dans
sa bibliographie assez complète des ouvrages d’économie, ne
le mentionnera pas.

Les économistes de l’école française ont au moins trois


problèmes face à l’utilisation des mathématiques en économie.
Le premier réside dans leur formation. Ils ont suivi pour la plu-
part des études littéraires ou juridiques et ne peuvent saisir la
portée et l’avancée des mathématiques en économie. Ils sont,
en fait, totalement incompétents dans ce domaine. En plaçant
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les mathématiques au cœur de
son raisonnement, Walras effraie
En plaçant les mathématiques car il propose des conclusions qui
au cœur de son raisonnement, reposent sur un langage totalement
Walras effraie car il propose incompris par ces économistes.
des conclusions qui reposent
sur un langage totalement Leur deuxième problème pro-
incompris par les économistes vient du fait que les mathéma-
de l’école française. tiques se réduisent à leurs yeux à
des calculs arithmétiques ou à des
calculs algébriques élémentaires.
Ils ne connaissent pas les nouvelles techniques (calcul infinité-
simal, fonctions…) et n’envisagent pas leur apport pour l’analyse
économique. En proposant de reconstruire leur science, qu’ils
considèrent comme achevée, sur la base d’outils mathématiques
dont ils ignorent l’existence, la signification et la portée, Léon
Walras s’inscrit sur un terrain très difficile pour s’intégrer dans
ce réseau.

Le troisième problème réside dans la place de l’homme. Ils


considèrent en effet l’économie politique comme une science
morale, et non comme une science abstraite. Ils ont peur que
les mathématiques ne réduisent l’analyse de l’homme à une
constante, alors qu’il est sujet aux changements, aux évolutions,
et que les variables qui agissent sur son comportement sont
innombrables et indéfinissables. Ils craignent qu’avec les mathé-
matiques la liberté de l’homme ne disparaisse. De la même
façon, les découvertes de la statistique mathématique et son

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développement, plus particulièrement à partir des années 1880, p. 15
ne seront reconnues qu’à partir de la fin de la Première Guerre
mondiale. Même si un grand nombre d’économistes français
appartiennent à la Société de statistique de Paris (Michel Che-
[3] Ces ouvrages annuels,
valier, Hippolyte Passy, Louis Wolowski, Léon Say, Paul Leroy- dont la publication a été
Beaulieu, Clément Juglar, Emile Levasseur en seront présidents), confiée à Maurice Block
pendant de nombreuses
publient dans le Journal de la Société de statistique de Paris (créé années (1856-1879),
en 1860), travaillent au Bureau de la Statistique générale de la sont divisés en quatre
parties qui donnent
France, éditent tous les ans l’Annuaire de l’économie politique (à respectivement la
substance des documents
partir de 1844), qui devient rapidement (en 1847) l’Annuaire de officiels sur la France,
l’économie politique et de la statistique [3], édité par Guillaumin, les informations de la ville
de Paris, les informations
ils garderont une vision très restreinte de la statistique, voyant en sur les pays, et enfin
elle uniquement un moyen de collecter certaines informations et des discussions
sur des questions
toujours dans un objectif de démontrer les idées de cette école d’économie politique.
de pensée.
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Les économistes français, avec une utilisation (très res-
treinte) des statistiques (et sans mathématiques), pensent
être au cœur de l’analyse économique scientifique. Comme ils
tiennent toutes les places stratégiques de diffusion du savoir
économique, ils vont imposer cette approche. Léon Walras, en
proposant de repenser l’analyse économique, d’un point de
vue tant idéologique que méthodologique et scientifique, va se
trouver confronté à un mur.

L’enseignement aux mains d’une élite


L’enseignement est vu par les économistes français comme un
élément incontournable de l’apprentissage en général et de la
science économique en particulier. Pour éduquer la population
dans la bonne direction (et non vers le socialisme), les écono-
mistes de l’école française ont cherché à tout prix à diffuser leurs
connaissances et ont activement contribué à la création des
différentes chaires d’enseignement dans la France du XIXe siècle.

Cette idée provient de Jean-Baptiste Say, qui place l’ensei-


gnement au cœur de sa stratégie de diffusion des idées écono-
miques. C’est ainsi qu’il cherche à créer une maison d’éducation
dès 1792. C’est au début du XIXe siècle qu’il concrétisera ses
rêves en intégrant des chaires prestigieuses. Cette stratégie de
diffusion auprès du plus grand nombre repose également sur la
recherche d’une réponse à la question sociale : « Enseignons
donc l’économie politique, et sachons que c’est d’elle que viendra
le salut » [Letort, 1882, p. 286]. ›››

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p. 16 Au début des années 1880, avec les universités et les dif-


férentes facultés libres, ce sont une vingtaine de cours d’éco-
nomie politique qui sont proposés en France. L’apparition de
ces premiers cours ne s’est pas faite sans heurts : « Il y avait
[pour instaurer un cours d’économie politique] plus d’une pré-
vention à vaincre et plus d’un combat à livrer. A quelque corps
qu’on s’adressât, Collège de France, Facultés, Conservatoire
des arts et métiers, on rencontrait un conseil de professeurs qui
répugnait aux adjonctions, ou ne s’y prêtait que de mauvaise
grâce. D’autres obstacles plus sérieux se présentaient. L’esprit
des chambres législatives se portait chaque jour avec plus
de violence vers un régime de protection et créer des chaires
d’économie politique [en raison de la position libérale des
premiers professeurs] eût passé pour une trahison » [Reybaud,
1864, p. 952].
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Devant les difficultés que nous allons évoquer, les écono-
mistes de l’école française ont tout fait pour que ces chaires
soient tenues par leur élite, par le petit groupe d’économistes
qui domine le savoir officiel au XIXe siècle. Dans sa recherche
de reconnaissance, Léon Walras a bien sûr cherché à accé-
der aux institutions d’enseignement, souvent prestigieuses.
Malheureusement pour lui, il n’arrivera jamais à enseigner en
France. Face à ces échecs répétés pour l’obtention d’un poste,
il va se montrer hargneux contre l’enseignement de l’économie
dans ce pays, dominé par les membres de l’école française.
En 1896, dans un article consacré au problème fiscal, il indi-
quera qu’il s’agit d’une « exploitation en monopole à l’enseigne
de la liberté » [Walras, 1990, p. 450].

Cette position, si elle est à relativiser, comme nous allons


le voir, reflète en réalité la déception de Léon Walras de ne pas
pouvoir enseigner en France. Pour lui, c’est l’école française
qui tient de manière hégémonique les chaires d’enseignement,
rendant impossible l’accès aux postes pour les partisans d’une
nouvelle science économique (la sienne, bien évidemment !).
Du point de vue français, cette position dominante permet :
d’être omniprésent dans l’enseignement, qu’il soit théo-
rique, pratique et pour tout public ; d’influencer les élèves,
les hommes politiques, les industriels, la population ; de
transmettre leur savoir économique ; et de faire perdurer cette
approche en accordant la succession des chaires à des hommes
de confiance.

L’Economie politique n° 51
L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :
Les institutions d’enseignement p. 17
L’Athénée royal
L’Athénée royal est une institution privée d’enseignement
supérieur fondée en 1781 [4]. L’objectif est d’instaurer une école
pratique des sciences pour encourager les découvertes appli-
cables à la vie matérielle. En 1815, l’Athénée royal devient un
centre de discussion de la politique libérale et se retrouve ainsi,
avec son grand représentant Jean-Baptiste Say, un lieu privilégié [4] Les informations
sur cette institution sont
pour enseigner l’économie politique [5]. minces puisque les archives
ont brûlé, et que les traces
de l’enseignement
Le public, qui appartient à la bourgeoisie libérale aisée et en son sein sont très rares.
Pour des informations
cultivée, vient nombreux à ses leçons où, à travers les détails de la plus détaillées, consulter
vie économique, Say parvient à faire entrer les points de doctrine l’ouvrage de Dejob [1894].

les plus importants. Deux cents à trois cents auditeurs assiste- [5] Sa place dans
ront à chaque séance, avec un public (l’Athénée est un lieu de cette institution lui permet
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en partie d’accéder
réunions mondaines) qui paie pour recevoir cet enseignement. au Collège de France.

Cette école va être l’un des points d’entrée des futurs grands
économistes de l’école française dans le monde de l’enseigne-
ment. Le premier à succéder à Jean-Baptiste Say et son « Cours
d’économie politique » (1816-1817 ; 1818-1820) est Charles
Dunoyer, avec son cours de « Morale et économie politique »
(1824-1826). Il est suivi par Adolphe Blanqui : « Histoire de la
civilisation industrielle des nations européennes et économie
politique » (1827-1829). Le futur enseignant au Conservatoire
des arts et métiers laissera la place à Auguste Walras pour
l’année 1836-1837, avec son cours d’« Economie politique ».
Cette position sera très bénéfique à ce dernier, qui sera reconnu
comme un économiste par les grands représentants de l’école
française. Cette place lui permettra de s’intégrer sans aucune dif-
ficulté dans ce réseau qu’il a fréquenté avec succès. L’expérience
lui permettra également de connaître parfaitement les rouages,
les attentes, les envies de cette école. Il ne deviendra pas for-
cément un économiste de l’école française mais un intellectuel
respecté. En bafouant ouvertement les valeurs de cette école,
Léon détruira le travail initié par son père dès les années 1830.

Les grandes écoles


Léon Walras a été recalé deux fois de l’Ecole polytechnique et
trois fois de l’Ecole des mines. Devant ces échecs, il abandonne
les études scientifiques. Lorsqu’il atteindra la stature d’ensei-
gnant grâce à sa chaire à Lausanne et qu’il tentera d’enseigner
en France, il reviendra sur ces lieux d’enseignement. ›››

Juillet-août-septembre 2011
L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :

p. 18 Il tente d’obtenir la VIe section de l’Ecole pratique des hautes


études [6] en proposant sa candidature en 1879-1880, mais,
comme pour l’ensemble de l’enseignement en France, il n’arrive
pas aux résultats espérés. L’école a ouvert en 1868 sous l’impul-
sion de Victor Duruy (ministre de l’Instruction publique). Même
si le décret de 1869 prévoit la création d’une section d’économie,
celle-ci ne verra pas vraiment le jour. Ce sont les difficultés de
mise en place de la chaire d’économie qui auront cette fois le der-
nier mot. Léon Walras ne cherchera pas à y retourner par la suite.

Il portera alors un regard assez négatif sur les grandes


écoles. Il critique la bipolarité de l’enseignement (soit scien-
tifique, soit littéraire). Il indique par ailleurs que ces forma-
tions ne poussent pas à la réflexion puisqu’il s’agit d’une
« préparation mnémotechnique et mécanique » [Walras, 1987,
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p. 413]. Il voit dans ces écoles une formation qui vise à travailler
uniquement pendant les années d’études et qui dispense de
toute forme de labeur dans le reste de la carrière. Pourtant, ces
écoles, souvent à caractère scientifique, ont ouvert un cours
d’économie au XIXe siècle. Comme pour l’ensemble de l’ana-
lyse économique, ce sont les membres de l’école française qui
détiennent ces chaires, qu’ils garderont pendant des décennies
et qu’ils transmettront aux leurs.

Les conférences libres et les cours populaires


C’est le nom de Frédéric Passy, « l’apôtre de l’économie
politique » [Letort, 1882, p. 315], qui est associé aux conférences
[6] Cette section deviendra libres qui se sont tenues au début de la seconde moitié du
au XXe siècle l’Ecole des
hautes études en sciences XIXe siècle. Devant les réussites du traité de commerce signé par
sociales (EHESS). Michel Chevalier, Frédéric Passy, qui demandait l’autorisation
[7] Pour un aperçu de ces conférences depuis plusieurs années, l’obtient enfin en
détaillé de ces différentes
manifestations,
1860. Il commence alors sa série de conférences de mars à mai
consulter Letort [1882]. dans la ville où il demeure : Pau.

La forme est nouvelle (des conférences libres et gratuites)


et le public n’est pas étudiant et parisien. Ces conférences per-
mettent ainsi de se faire l’écho de la discipline auprès du plus
grand nombre. Ces initiatives vont rapidement se propager dans
l’ensemble de la France à partir de la fin des années 1860. Ce
sont toujours les mêmes noms qui reviennent à Lyon, Bayonne,
Orléans, Reims [7], etc. Rajoutons également l’autorisation qui a
été accordée à Auguste Walras de faire des cours publics à Pau
à partir de 1863.

L’Economie politique n° 51
L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :
Léon Walras a également participé à ces tentatives d’ensei- p. 19
gnement en obtenant une autorisation par le ministère de
l’Instruction publique pour faire des conférences, en 1864,
sur la question des associations ouvrières. Il propose de faire
trois conférences au Cercle des sociétés savantes, en évoquant
la consommation, la production et le crédit [8]. « Il parlera du
principe économique de ces associations, de leur organisation
financière, de leur constitution légale et des associations en
France et à Paris » [Courtois, 1892, p. 24].

Il profite de côtoyer Léon Say pour entamer de nouvelles [8] Ces conférences
ont été imprimées par
conférences au début de l’année 1866 sur le thème des opéra- la maison d’édition
tions de la Caisse d’escompte des Associations populaires [9]. Guillaumin en 1866 et
1868. Elles figurent dans
Léon Walras a donc réussi à participer à ces conférences, qui les Œuvres complètes,
constituent les seules interventions qu’il fera en France. Même vol. VI.
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s’il n’attire pas les foules, cela l’incite à poursuivre ses tentatives [9] Publié chez Guillaumin,
et vol. VI des Œuvres
d’intégration en France. complètes.

Les institutions de prestige


Jusque dans les années 1880, les économistes de l’école fran-
çaise tiennent presque toutes les rênes de l’enseignement
économique. Ils posent leur empreinte sur les étudiants et les
conférences libres, mais également sur des institutions pres-
tigieuses, en particulier le Conservatoire national des arts et
métiers (Cnam) et le Collège de France. Nous allons nous concen-
trer sur le second.

Si Léon Walras a été peu intéressé par l’enseignement au sein


du Cnam, au caractère plutôt technique, il en est tout autrement
pour le Collège de France, dans lequel il espère trouver en France
la place qui est la sienne. Une première tentative d’ouverture
d’un cours d’économie politique dans cet établissement avait
été proposée en 1819, mais les résistances (notamment dues aux
liens entre Jean-Baptiste Say et le monde politique libéral) contre
cette nouvelle science en construction et les solutions qu’elle
apportait étaient trop vives. Il faut attendre quelques années,
en 1831, pour qu’y soit inaugurée la chaire d’économie politique.

Celle-ci a comme objectif de dispenser les enseignements


nouveaux, ouverts sans contrainte de diplôme pour une
recherche désintéressée. Le premier à inaugurer cette chaire
est bien évidemment le chef de file de l’école française, Jean-
Baptiste Say, qui reste à peine le temps d’une année complète ›››

Juillet-août-septembre 2011
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Léon Walras :

p. 20 puisque sa mort survient en 1832. Le combat fut rude pour lui


trouver un successeur entre Charles Comte, gendre de Say, et
Pellegrino Rossi [10]. Ce fut le professeur italien qui fut choisi. Ce
choix aura des conséquences sur le public car l’enseignement
ne sera suivi que par quelques personnes. S’il réussit à répandre
le goût pour l’économie politique (notamment avec la parution
de son Traité d’économie politique, qui est considéré à l’époque
et aujourd’hui encore comme une référence incontournable
pour l’étude économique du XIXe siècle), il ne touche, pendant
six ans, qu’une élite. C’est Michel Chevalier qui prend la suite de
l’enseignement et n’attire pas, lui non plus, grand monde. Cet
enseignement dans un site prestigieux n’apporte pas tous les
fruits espérés. La chaire est provisoirement supprimée en 1848
pour être rétablie quelques mois après.
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Suite à ce remue-ménage et à certaines volontés d’enlever
l’aspect idéologique de l’enseignement, Michel Chevalier laisse
provisoirement (entre 1852 et 1864) la place à Henri Baudrillart.
Ces successions et ces différentes nominations ont particulière-
ment touché Léon Walras dans sa reconnaissance institutionnelle
française. Il dénonce ce qui est pour lui l’élément marquant
de l’école française : ses représentants. Il accuse tout d’abord
Chevalier de ne rien connaître à l’enseignement et insinue éga-
lement qu’il est un piètre homme d’affaires (notamment dans le
crédit mobilier) : « Ingénieur en disponibilité et saint-simonien
[10] Le choix frénétique, Michel Chevalier, quand on le nomma professeur
du professeur était
effectué par le ministre
d’économie politique au Collège de France en 1840, n’était ni
de l’Instruction publique économiste ni professeur ; il aurait pu le devenir, mais le fait est
(en l’occurrence Guizot)
sur présentation d’un qu’il est resté tout autre chose […]. Il serait impossible de dire ce
ou de deux candidats élus qu’il y a enseigné, ni s’il y a enseigné quelque chose » [Walras,
par les professeurs
du Collège et les membres 1987, p. 425].
de l’Académie des sciences
morales et politiques.
Cette dernière institution Michel Chevalier essaie d’utiliser l’influence qu’Henri Bau-
privilégiait Comte, tandis
que le Collège proposait drillart a sur Silvestre de Sacy (son beau-père), rédacteur en
Rossi. Ce sont les liens chef du Journal des débats, pour que celui-ci fasse acheter des
qu’il entretenait avec
Guizot et l’admiration draps pour l’armée afin de sauver l’usine qu’il posséde dans
de ce dernier pour
son talent qui permirent
l’Hérault. C’est devant son refus qu’il reprend sa chaire [11]. Léon
à Rossi d’obtenir la place. Walras s’en prend également à ce remplaçant, toujours dans
[11] Les détails se trouvent une optique de dénigrer soit l’homme, soit la nature de l’ensei-
dans l’article de Léon gnement, soit les deux : « C’est bien la peine d’entourer de pré-
Walras « De l’enseignement
de l’économie cautions minutieuses et de garanties solennelles la désignation
politique en France »,
réédité dans le vol. VII
d’un professeur pour le laisser, le lendemain de sa nomination,
des Œuvres complètes. se faire suppléer par le premier venu ! M. Baudrillart ne savait pas

L’Economie politique n° 51
L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :
un mot, il n’avait pas écrit une ligne d’économie politique […]. p. 21
Non seulement il n’a jamais fait un cours suivi d’économie poli-
tique, mais les sujets détachés qu’il abordait étaient en quelque
sorte à côté et en dehors de la science » [Walras, 1987, p. 428].

Lorsqu’il s’agit de préparer sa suite, ce n’est bien évidem-


ment pas vers Baudrillart qu’il va se tourner mais vers sa famille,
représentée par son gendre : Paul Leroy-Beaulieu. Cette nomi-
nation a lieu en 1878. Léon Walras a fait paraître sa première
édition des Eléments d’économie politique pure et recherche
la reconnaissance officielle de son
travail en France. C’est la raison
pour laquelle il tente une nouvelle Selon Walras, « Leroy-Beaulieu
fois de s’intégrer dans le réseau de est un homme intelligent et laborieux
l’école française. Il porte tous ses que la nature et les études ont fait
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espoirs de revenir en France dans journaliste fécond [...] mais qui n’a
cette chaire. La nomination de Paul aucune des qualités d’un professeur
Leroy-Beaulieu va le briser, et il va et d’un homme de science ».
alors déployer sa haine contre ce
dernier (et bien évidemment envers
l’ensemble de l’école française). Il lui reproche tout d’abord son
lien de filiation : « Lorsqu’il dut se faire suppléer pour la seconde
fois en 1878, Michel Chevalier n’en était plus réduit à obliger les
gendres d’amis tous prêts à se croire des droits et à se montrer
exigeants, il avait alors lui-même un gendre, et ce fut à ce gendre
qu’il remit son cours » [Walras, 1987, p. 430].

En marge de son manuscrit intitulé « De l’enseignement de


l’économie politique », Léon Walras apporte la mention : « une
médiocrité de premier ordre » [Potier, 1988, p. 250]. C’est en [12] Les auteurs
de l’école française ne
effet le second type d’arguments qu’il avance contre la plupart sont pas aujourd’hui tous
étudiés à l’aune du regard
des économistes français : ne pas y connaître grand-chose en walrassien. Ainsi, Gilles
économie. De manière plus policée, il indique dans son texte Palsky, dans un article
sur Levasseur, propose
que « Leroy-Beaulieu est un homme intelligent et laborieux que un éloge des découvertes
la nature et les études ont fait journaliste fécond et, s’il le fallait, et des avancées qu’il
a proposées, notamment
homme politique, mais qui n’a aucune des qualités d’un profes- dans l’analyse statistique.
seur et d’un homme de science » [Walras, 1987, p. 431].

Le dernier économiste du Collège de France sur lequel Walras


va véritablement déverser sa rancœur est Emile Levasseur [12],
qui n’est autre qu’« un homme au-dessous de toute médiocrité
qui a réussi à se faire une situation désormais d’apôtre de
l’économie politique, en débitant dans diverses villes du Midi, ›››

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p. 22 où sa santé l’obligeait à passer l’hiver, à Montpellier, à Pau, de


pitoyables leçons d’économie politique pillées dans Bastiat et
dans le Dictionnaire d’économie politique et que des auditeurs
trop complaisants ont recueillies et publiées » [Walras, 1987,
p. 432-433]. Une chaire d’histoire des doctrines économiques est
créée en 1872. Les reproches sont alors toujours du même ordre :
« Suppléant puis remplaçant de son oncle au Conservatoire, il
occupe deux chaires d’économie politique et n’a à peine publié
en fait d’ouvrage qu’un petit manuel absolument grotesque »
[Walras, 1987, p. 430].

Léon Walras rajoute dans cette critique l’élément qu’il repro-


chait également à Leroy-Beaulieu : sa filiation avec Louis Wolowski.
L’endogamie est en effet un élément incontournable de l’école
française : Emile Levasseur est le neveu par alliance de Louis
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Wolowski et le neveu d’Hippolyte Passy ; Charles-Edmond Raoul-
Duval a épousé une des filles de Jean-Baptiste Say (Octavie) ;
Charles Comte est lui aussi gendre de Jean-Baptiste Say ; Paul
Leroy-Beaulieu a épousé une des filles de Michel Chevalier ;
Joseph Garnier est le beau-frère d’Adolphe Blanqui, etc.

Bien que Léon Walras ait vivement critiqué cet aspect, notam-
ment ici en rapport avec l’accession aux chaires d’enseignement,
il ne faut pas oublier que, s’il a pu avoir des contacts avec l’école
française, c’est bien évidemment grâce à son père. Il faut bien
voir surtout que, pour obtenir un poste prestigieux, il ne suffit
pas d’être un membre de la famille : il faut surtout être quelqu’un
qui défend une orthodoxie irréprochable.

L’Université
Dès 1819, le gouvernement libéral prépare un projet de loi pour
créer un cours d’économie (optionnel) à la faculté de droit de Paris.
C’est seulement trente-neuf ans plus tard que le décret paraît, et il
faut attendre encore quatre ans pour que la première chaire offi-
cielle soit créée à Paris. Cette chaire est confiée à Anselme Batbie.
Cet homme, qui s’est davantage passionné pour la politique que
pour l’enseignement, a très vite laissé son poste (et non sa chaire
qu’il gardait) à différents économistes qui avaient pour mission
de continuer son travail. C’est d’abord Gustave Boissonade, puis
Paul Cauwès et Paul Beauregard qui s’en chargent.

Les cours se mettent par ailleurs timidement en place dans


d’autres facultés. Une chaire est créée avec l’ouverture de la

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Léon Walras :
faculté de Lyon en 1875. Six autres chaires sont officialisées p. 23
en 1876. Le décret du 26 mars 1877 rend obligatoires les cours
d’économie politique dans toutes les universités.

Léon Walras, lui, a obtenu sa chaire à Lausanne en 1870,


quelques années avant la généralisation de cet enseignement
dans l’Université. Il aimerait profiter de ces créations de poste
pour revenir en France. En effet, comme il exerce déjà depuis
quelques années, il connaît les rouages de l’enseignement. Il
compte également sur l’appui de Jules Ferry, ministre de l’Ins-
truction publique à partir de 1879. Deux éléments vont aller
dans le sens contraire. Tout d’abord, Jules Ferry ne s’intéresse
pas vraiment aux préoccupations de Léon Walras. De plus, pour
obtenir un poste dans les universi-
tés françaises, une seule condition
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est requise : l’obtention d’un doc- Selon Walras, la création de facultés
torat de droit. de sciences morales et politiques
serait un moyen efficace pour
Walras va être totalement blo- lutter contre « la clique actuellement
qué par cet élément administratif. concessionnaire de l’exploitation
Mais il ne se décourage pas pour de l’économie politique ».
autant, et il va même jusqu’à pen-
ser à une refonte totale de l’Univer-
sité, comme en témoigne son article « De la culture et de l’ensei-
gnement des sciences morales et politiques » de 1879 [rééd.
in Walras, 1987]. Il pense même que la création de facultés de
sciences morales et politiques seraient un moyen efficace pour
lutter contre « la clique actuellement concessionnaire de l’exploi-
tation de l’économie politique » [cité in Jaffé, 1965, p. 595].

Léon Walras accuse l’école française d’être à l’origine de ce


nouvel échec, mais elle bénéficie très peu de ce nouvel ensei-
gnement. Les premiers enseignants sont des professeurs de droit
passionnés par l’économie politique, à l’image de Charles Gide,
mais d’une manière générale peu de professeurs s’y consacrent
pleinement. Walras, qui connaît les avancées de la science, est
bien conscient de cette situation : « On a d’ailleurs tenu à les
confier [les cours] à des agrégés de droit qui ne sont pas écono-
mistes et dont les publications nous couvrent parfois de ridicule »
[Walras, 1987, p. 424].

L’économie est largement considérée comme une sous-


discipline peu appréciée dans le monde juridique. De plus, ›››

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Léon Walras :

p. 24 pour l’université de Poitiers par exemple, les premiers cours


sont rétribués à auteur de 2 000 à 3 500 francs par an, tandis
que les cours de droit sont en moyenne rétribués à la hauteur de
10 000 francs [13]. En effet, ces cours sont pour les dix premières
[13] Ces chiffres années des enseignements complémentaires, qui n’attirent pas
proviennent des dossiers les professeurs. Certes, ceux-ci peuvent négocier leurs rétri-
personnels des
enseignants de Poitiers butions (Ducrocq, grand professeur de droit, obtient presque
conservés aux Archives
départementales
deux fois plus que son successeur Barilleau), mais en général et
de la Vienne. jusqu’aux années 1920, l’économie n’est pas valorisée.

Léon Walras avait les connaissances, mais il était confronté


au problème du diplôme et d’une institution qui se moquait
grandement de cette jeune discipline qui ne servait pas à grand-
chose dans le cursus de droit, et encore plus des avancées d’une
science mathématique totalement inconnue des juristes. Ce n’est
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donc pas son hostilité aux idées de l’école française qui lui a
fermé les portes de l’Université. Léon Walras sera encore plus
enragé lorsque son disciple français Albert Aupetit sera recalé
au concours d’agrégation. Etienne Antonelli connaîtra les mêmes
échecs dus à la présence, comme président du jury, de Paul
Cauwès, qui refuse tout discours en faveur de l’économie mathé-
matique, même s’il n’appartient pas à l’école française (il est l’un
des fondateurs de la Revue d’économie politique, concurrente de
celle de l’école, et un partisan de l’économie historique).

Les publications et institutions clés


Pour diffuser son savoir, deux moyens sont disponibles au
XIXe siècle : les cours et leçons (professés devant des étudiants
ou un public souvent assez restreint), et les écrits. « Le profes-
seur parle seulement à certaines heures devant un nombre limité
d’auditeurs, tandis que la presse, qui parle sans cesse à tout le
monde, peut ébranler aussi bien que confirmer les vérités qu’il
essaie d’inculquer dans l’esprit des auditeurs » [Levasseur, 1901,
p. 47]. Les économistes français, en se regroupant autour des
idées et des travaux de Jean-Baptiste Say, savent parfaitement
que la diffusion d’un savoir théorique et pratique est un élément
incontournable pour diffuser au maximum, auprès du plus grand
nombre, les avancées de cette discipline.

Gilbert Guillaumin va constituer l’un des éléments moteurs


de cette diffusion, grâce à la maison d’édition qu’il crée pour
éditer des ouvrages mais également une revue à caractère théo-
rique : le Journal des économistes. Les économistes français vont

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Léon Walras :
être de fins stratèges dans cette politique de diffusion, car ils ne p. 25
vont pas se contenter d’une revue spécialisée. Ils vont s’orien-
ter également vers la Revue des deux mondes et le Journal des
débats pour cibler une population beaucoup plus large que les
seuls économistes.

Guillaumin et le « Journal des économistes »


Les études relatives à Gilbert-Urbain Guillaumin (1801-1864)
sont très réduites. Cela s’explique par le peu de traces restant
de son œuvre et par sa volonté de ne pas s’afficher au premier
rang. Pourtant, cet imprimeur va jouer un rôle fondamental dans
l’institutionnalisation de l’école française. « M. Guillaumin était
devenu, depuis bien des années, le centre et le lien de notre
école. Il avait dans l’excellence et dans les destinées de l’écono-
mie politique cette foi ardente qui triomphe des obstacles et qui
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mène à faire de grandes choses » [Garnier, 1865, p. 111].

Il a su rassembler et structurer les successeurs de Jean-Baptiste


Say autour de lui et de son activité d’éditeur. C’est l’homme de
l’ombre qui est l’un des pionniers dans la constitution de ce que
certains commentateurs actuels de l’école française appellent
le lobby libéral français. C’est enfin l’homme qui est au cœur de
l’intégration dans le réseau.

Pour ce qui est des questions financières, Guillaumin,


empreint de bonne volonté et toujours prêt au travail, n’a
jamais connu la prospérité économique personnelle. Or, pour
qu’une maison d’édition démarre, fonctionne et perdure, il
faut obtenir des capitaux. C’est donc en toute logique qu’il va
chercher de l’aide auprès du cercle qui s’est formé autour de
Jean-Baptiste Say. C’est auprès de son fils Horace, « le mécène
des économistes français » [Letort, 1882, p. 267], et d’un cer-
tain nombre d’économistes entourant l’œuvre de Say qu’il va
trouver le financement susceptible de pérenniser son activité
d’éditeur. Le 27 janvier 1835 naît ainsi la société d’édition
Guillaumin-Levasseur et Cie.

Guillaumin a permis de mettre en route et de développer


les publications qui constituent un élément fondamental de
la reconnaissance de l’école française auprès du public. Il est
de plus, si ce n’est l’instigateur, du moins la personne qui fait
tout pour que perdurent les institutions de l’école française. Il
se consacre notamment pleinement au Journal des économistes ›››

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L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :

p. 26 (JDE), la revue phare de l’école française… et qui vaudra de


nouvelles difficultés à Walras.

Le JDE (décembre 1841-mai 1940) est ainsi créé à l’initiative


de Guillaumin [14] et du fils de Jean-Baptiste Say, Horace (le
financeur). Après l’échec de la Revue mensuelle d’économie
politique (1833-1836) [15], initiée par Théodore Fix (1800-1846),
les grands noms de l’économie veulent remettre au goût du jour
une revue exclusivement économique. Pour cela, ils s’entourent
non seulement d’un bon gestionnaire et d’un éditeur à travers
Guillaumin, mais également des chefs de file de la discipline
(Blanqui, Bastiat, Dunoyer, etc.). La ligne éditoriale est sans
ambiguïté puisqu’elle consiste à associer des textes théoriques
avec des approches pratiques, le tout augmenté du recensement
des publications, des commentaires (idéologiques) de l’actua-
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lité et des données (notamment statistiques) nécessaires pour
argumenter ces propos.

Le JDE démarre bien puisque, dès sa première année, il


obtient plus de 400 abonnés. Le tirage va alors vite progresser
pour se diriger au-dessus du millier : 1 300 en 1857, 1 400 en
1866. La parution du journal se maintient à ce niveau pendant
la plus grande partie de la seconde moitié du XIXe siècle. Si
cette revue reste majoritairement lue par une classe bourgeoise
parisienne à ses débuts, elle arrive rapidement à se diffuser non
seulement en province mais également à l’étranger.

C’est le faible nombre de rédacteurs en chef qui a permis au


JDE de maintenir la stabilité d’une doctrine. Adolphe Blanqui
commence, jusqu’à ce qu’Hippolyte Dussard prenne la relève
[14] La liste des gérants
de la revue est disponible en 1843, puis Joseph Garnier en 1845. A sa mort (1881), celui-ci
dans l’ouvrage de Marco
et Laurent [1990].
laisse sa place à Gustave de Molinari jusqu’à l’aube du XXe siècle
(1911). Baudrillart assurera un intermède dans le travail de
[15] C’était la revue
la plus importante avant Garnier, entre 1855 et 1866. Pendant le XIXe siècle, le JDE n’aura
le JDE. Marco et Laurent ainsi connu que cinq rédacteurs en chef. Le titulaire de ce poste,
[1990, p. 25] indiquent
les différentes revues en plus de s’occuper des chroniques, trace la politique de la
qui ont disparu et rendu
la tâche a priori fort
revue, autorise ou refuse les différents articles proposés. C’est
difficile pour Guillaumin. le référent pour les publicistes de l’époque.
[16] Marco, qui
a décortiqué les Le petit nombre de rédacteurs en chef s’accompagne par
contributions des différents
protagonistes, a constaté ailleurs d’un noyau assez restreint (une cinquantaine) d’auteurs
que 29 % des articles
(sur 3 100) étaient écrits
(prolifiques [16]) de référence, puis d’un noyau beaucoup plus
par 2 % des auteurs. large d’économistes, de publicistes ou de chercheurs isolés

L’Economie politique n° 51
L’Economie politique

un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :
souhaitant publier leurs travaux. Léon Walras, auteur pas tout p. 27
à fait orthodoxe pour l’école française, fera partie de ce dernier
noyau d’intellectuels, plus tolérés que plébiscités.

Les premières collaborations de Léon Walras à la revue furent


très bonnes. Il y participe activement dès décembre 1859. Bau-
drillart le teste tout d’abord en lui confiant le compte rendu de
l’ouvrage de Frédéric Passy De la propriété intellectuelle. Cette
première étape est franchie avec succès. Il devient rédacteur en
avril 1860. Son succès au sein de l’école française se confirme
puisqu’il publie son ouvrage sur Pierre-Joseph Proudhon, qui
entre en plein dans la démarche française chez Guillaumin.

Il continue alors ses publications dans le JDE avec un article


en décembre 1860 sur les « paradoxes économiques ». Il
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devait s’agir d’une série en trois parties présentant de manière
« amusante » l’économie politique, à la façon de Bastiat.
Walras souhaite déjà commencer
à exprimer ses propres idées, mais
son père le limite : « Il ne faut pas Guillaumin a permis de mettre en route
démasquer d’abord toutes ses et de développer les publications,
batteries ; il faut commencer par qui constituent un élément fondamental
de légères escarmouches, établir de la reconnaissance de l’école
les points incontestables, démolir française auprès du public.
les erreurs manifestes et ne semer
aucune inquiétude parmi les abon-
nés. Puisqu’il s’agit d’abord de faire de la science récréative,
il faut faire rire le public aux dépens des économistes les plus
ignorants et les plus arriérés. C’est, je le suppose, une denrée
qui ne peut pas manquer sur la place de Paris. Tu peux donc
t’amuser, pendant quelque temps, à leurs dépens » [Walras,
2005, p. 399, avril 1860].

Les économistes de l’école française, qui souhaitent garder


une orthodoxie stricte, se rendent parfaitement compte du projet
de Léon Walras. Ainsi, les deuxième et troisième volets des
« paradoxes » ne paraîtront pas. L’article « L’industrie moderne
et l’économie politique » n’aura pas plus de succès. Devant
l’expression de ses idées sociales lors du congrès sur l’impôt
de 1860 (qui lui permettra d’obtenir son poste à Lausanne), il
sent rapidement que sa place n’est plus ici et quitte le JDE en
février 1862. Il a alors pour idée de fonder une nouvelle revue,
L’Economiste, mais n’en obtient pas l’autorisation. ›››

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Léon Walras :

p. 28 Pour assurer sa sécurité financière, il est obligé de trouver un


travail et intègre en avril 1862 la Compagnie des chemins de fer
du Nord. Pour cela, c’est encore son père qui lui fait une lettre
d’introduction auprès de l’un des administrateurs : Léon Say [17].
C’est donc encore une fois sur ses relations familiales que le
jeune Léon parvient à obtenir ses positions.

Jusqu’en 1862, Léon Walras a publié quatre fois dans le JDE.


Avec l’affichage de ses idées sociales, il aurait pu signer l’arrêt de
ses contributions dans cette revue, mais il y publiera finalement
quinze articles durant sa vie. Pour Breton [1986], ce compor-
tement inattendu de la part des dirigeants de la revue provient
du rédacteur en chef, Joseph Garnier. Sa place d’enseignant
à l’Ecole des mines le pousse à rencontrer et fréquenter des
scientifiques qui utilisent couramment les mathématiques. Léon
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Walras publiera ainsi sans problème jusqu’en 1881, notamment
son article sur la « Théorie mathématique du bimétallisme », qui
comporte plus d’une vingtaine de formules. Les démonstrations
sont uniquement mathématiques et fondées sur des axiomes et
des hypothèses.
[17] Voir à ce propos
la lettre 238 de la
correspondance d’Auguste Mais toutes les choses ont une fin, et la mort de Garnier
Walras [2005].
signe l’arrêt de sa contribution au JDE. C’est Gustave de Moli-
[18] Rappelons comment nari qui prend la suite de Garnier. Ce nouveau rédacteur en chef
il était décrit lorsqu’il
était rédacteur en chef va rétablir la pensée orthodoxe [18] en proposant une « note de
du Journal des débats :
« M. de Molinari était rédaction » sur le dernier article de Walras accepté par Garnier
secrétaire de la rédaction ; qui en dit long sur le retour de la tradition du journal : « En
son accueil était des
plus aimables ; il savait publiant cet article d’un de nos anciens et savants collabora-
conseiller et encourager les teurs, nous devons faire nos réserves d’abord sur l’utilité, selon
jeunes gens avec cet esprit
vif et gai que nos lecteurs nous fort exagérée, qu’il attribue à l’application de la méthode
connaissent et dont ils
viennent encore de jouir ; mathématique à une science d’observation telle que la nôtre,
il n’était intransigeant ensuite et surtout sur la reprise de la propriété foncière par
qu’en économie politique,
pour le reste très l’Etat, motivée par le fait au moins contestable de l’accrois-
conciliant » [Le Livre
du centenaire du « Journal
sement de la plus-value de la rente foncière dans une société
des débats », 1889, p. 342]. progressive » [Walras, 1885, p. 68).

Léon Walras proposera une réponse à cette remarque dans la


livraison suivante, ce qui constituera ses derniers écrits pour la
revue. En effet, Molinari occupera la place de rédacteur en chef
jusqu’en 1909, et Walras devra se résigner à abandonner tout
rapport avec la revue, qui ne refuse pas seulement l’emploi des
mathématiques mais également ses positions pas entièrement
orthodoxes.

L’Economie politique n° 51
L’Economie politique

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nicolas Gallois
Léon Walras :
La Société d’économie politique p. 29
Les publications permettent aux économistes de l’école française
de se faire reconnaître auprès des intellectuels français au même
titre que les scientifiques ou les hommes de lettres. Mais pour
que le réseau fonctionne convenablement, c’est-à-dire pour
qu’il puisse diffuser massivement son approche tant théorique
que pratique, il faut qu’il soit reconnu de manière officielle. Pour
cela, les économistes vont développer plusieurs stratégies, dont
la mainmise sur des institutions prestigieuses. La première est
une création issue des économistes de l’école française, une
société savante encore vivante actuellement : la Société d’écono-
mie politique (SEP). La seconde est une organisation officielle :
l’Institut de France, et plus particulièrement l’Académie des
sciences morales et politiques et sa section d’économie poli-
tique, dont nous ne traiterons pas ici faute de place.
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La SEP est l’une des plus anciennes sociétés savantes en [19] La Société
d’économie politique
France. Elle existe encore aujourd’hui [19], avec un fonctionnement compte actuellement
presque identique : un dîner une fois par mois (le 5), qui permet 300 membres.

de discuter des grands thèmes de l’actualité économique. La


composition du bureau est assez révélatrice de l’omniprésence
de l’école française. En 1845, se trouvent réunis Charles Dunoyer
(premier président), Hippolyte Passy (deuxième président), Horace
Say (premier vice-président), Charles Renouard (deuxième vice-
président), Joseph Garnier (secrétaire), Gilbert-Urbain Guillaumin
(questeur).

Il est fait référence à Léon Walras pour la première fois en


1860, à la séance du 5 août, lorsque Joseph Garnier rend compte
du congrès sur l’impôt qui s’est tenu à Lausanne. Ce congrès a
lieu du 25 au 28 juillet 1860 dans la salle du grand conseil de Lau-
sanne. Plus d’une centaine de membres y participent, provenant
des quatre coins de l’Europe. Garnier y assiste et rend compte des
séances, en particulier des idées de Walras. Une première forme
de reconnaissance à laquelle tient Walras, qui veut intégrer la SEP.
Et il y arrive. En janvier 1865, la SEP indique que Léon Walras « se
propose de consacrer trois conférences à l’exposition de la ques-
tion des associations populaires de consommation, de production
et de crédit » [Courtois, 1892, p. 24]. Ce qui laisse entendre qu’il
participe à cette réunion de la SEP.

Il réapparaît en tant qu’invité dans la séance d’août 1873


pour sa contribution à l’académie qui se tiendra quelques jours ›››

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Léon Walras :

p. 30 après. Il est simplement présenté comme professeur d’économie


politique à l’académie de Lausanne et vient exposer la situation
de l’enseignement de l’économie politique en Suisse. Il va même
plus loin, toujours dans la recherche de plaire, de persuader,
d’être reconnu. Il indique une querelle pacifique entre « les
idées et les principes qu’on peut appeler français, ceux de la
philosophie spiritualiste, de la morale rationnelle, et les idées
et les principes allemands résumés dans la célèbre méthode
historique ou expérimentale inaugurée par Savigny et qui règne
encore sans partage dans les sciences de droit et aussi dans
l’économie politique en Allemagne » [Courtois, 1895, p. 200].
Il indique bien évidemment qu’il appartient à la première et
montre par la même occasion combien il connaît parfaitement
leurs attentes. Le rapport de la séance indique que les réflexions
de Léon Walras lancent une conversation animée dont participe
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Louis Wolowski, qui fera son rapport quelques jours plus tard
et qui prend déjà position contre
les propos de Léon Walras : « il ne
Par l’utilisation des mathématiques saurait partager l’opinion émise
et surtout par la prise en compte par M. Walras » sur la place des
du socialisme, Walras se positionne économistes et de la méthode alle-
clairement comme un hétérodoxe, dont mande dans l’analyse économique
la postérité a fait un maître à penser française [Courtois, 1895, p. 201].
d’une pensée économiciste et favorable
au pouvoir des marchés. Ce qui a dû Léon Walras revient une der-
le faire se retourner dans sa tombe. nière fois à la séance du 5 octobre
1877, où il est présenté comme
membre de la Société. Il est juste
spécifié qu’il assiste à cette réunion. Il est toujours désigné
comme professeur d’économie politique à l’académie de Lau-
sanne. Nous ne disposons pas d’informations supplémentaires
sur cette participation. Même s’il n’est apparemment resté
que quelques mois membre de la SEP, il est revenu en tant que
professeur invité pour faire parler de lui et de ses travaux.

Dans sa recherche de reconnaissance permanente, Léon


Walras n’a pas pu échapper aux réseaux de l’école française.
Il a réussi à l’intégrer grâce à son père, qui l’introduit dans ses
différents rouages. Il disposait de toutes les clés pour devenir
un économiste du noyau dur, influent, qui dispose de chaires
d’enseignement ou de places prestigieuses dans les institutions.
Mais Léon Walras, qui a compris leurs attentes et leur fonction-
nement, ne veut pas se contenter de faire des articles pour plaire

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nicolas Gallois
Léon Walras :
aux économistes, pour les distraire (comme les « paradoxes »). p. 31
Il se place à un niveau supérieur. Il souhaite démontrer ce que
jusque-là ces économistes n’ont fait qu’énoncer. En accomplis-
sant cet objectif par l’utilisation des mathématiques et surtout
par la prise en compte du socialisme, il se positionne clairement
comme un hétérodoxe, dont la postérité a fait un maître à penser
d’une pensée économiciste et favorable au pouvoir des marchés.
Ce qui a dû le faire se retourner dans sa tombe : « Il m’a semblé
que vous me considériez comme un partisan de la libre concur-
rence absolue (en raison de ce fait que j’étudie très attentivement
et très minutieusement les effets de la libre concurrence). Quoi
qu’il en soit, je tiens à vous faire savoir que, tout au contraire,
c’est plutôt le désir de repousser les applications mal fondées et
inintelligibles de la libre concurrence faites par des économistes
orthodoxes qui m’a conduit à l’étude de la libre concurrence en
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matière d’échange et de production » [cité in Jaffé, 1965, vol. I,
p. 746]. Décidément, Léon Walras restera toujours un économiste
mal compris. ■

Bibliographie

Breton, Yves, 1986, Courtois, Adolphe, 1895, Annales


« Les économistes libéraux français de la Société d’économie politique,
et l’emploi des mathématiques vol. 10 : 1873-1874, Paris, Guillaumin.
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et Sociétés/Cahiers de l’Isméa, publique en France et en Italie
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Breton, Yves, 1992, Garnier, Joseph, 1865, « Guillaumin.


« L’économie politique ses funérailles, sa vie et son
et les mathématiques en france, œuvre », Journal des économistes,
1800-1940 », Histoire & Mesure, n° 133, janvier, p. 108-121.
vol. 7, n° 1/2.
Gide, Charles, et Rist, Charles, 1909,
Canard, Nicolas-François, 1801, Histoire des doctrines économiques,
Principes d’économie politique, depuis les physiocrates
Paris, F. Buisson. jusqu’à nos jours, Paris, L. Larose
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Cournot, Antoine-Augustin, 1838,
Recherches sur les principes Jaffé, William (ed.), 1965,
mathématiques de la théorie Correspondence of Léon Walras
des richesses, Paris, L. Hachette. and Related Papers,
Amsterdam, North Holland, 3 vol.
Courtois, Adolphe, 1892, Annales
de la Société d’économie politique,
vol. 6 : 1865-1866, Paris, Guillaumin.
Le Livre du centenaire du « Journal
des débats », 1889, Paris, Plon. ›››

Juillet-août-septembre 2011
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un hétérodoxe rejeté
nicolas Gallois
Léon Walras :

p. 32 Bibliographie

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d’économie politique. quarantième de métaphysique et de morale,
anniversaire de la fondation de la n° 4, juillet, p. 643-663 (2e partie
société », Journal des économistes, de l’article dans la même revue
vol. XX, n° 11, nov., p. 257-328. en sept. 1907, n° 5, p. 596-619).

Le Van-Lemesle, Lucette, 2004, Say, Jean-Baptiste, 1803,


Le Juste ou le Riche. L’Enseignement Traité d’économie politique,
de l’économie politique, ou Simple exposition de la manière
1815-1950, Paris, Comité dont se forment, se distribuent
pour l’histoire économique et se consomment les richesses,
et financière de la France. Paris, Chapelet, deux vol.

Levasseur, Emile, 1901, Walras, Auguste, 2005,


L’Enseignement de l’économie Correspondance (Œuvres
politique au Conservatoire économiques complètes d’Auguste
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des arts et métiers, Paris, et Léon Walras, vol. IV),
A. Chevalier-Marescq & Cie. Paris, Economica.

Liesse, André, 1900, « méthode », Walras, Léon, 1874, Principe


in Nouveau dictionnaire d’une théorie mathématique de
d’économie politique, publié l’échange. Mémoire lu à l’Académie
sous la direction de Léon Say des sciences morales et politiques
et Joseph Chailley-Bert, Paris, (séances des 16 et 23 août 1873).
Guillaumin et Cie, 2e éd., 2 vol. Paris, Guillaumin.

Marco, Luc, et Laurent, Evelyne, Walras, Léon, 1885,


1990, Le Journal des économistes, « un économiste inconnu :
1841-1940, Paris, Andese. Hermann-Henri Gossen »,
Journal des économistes, 4e série,
Potier, Jean-Pierre, 1988, vol. XXX, n° 4, avril, p. 68-90.
« Léon Walras, critique
de l’enseignement de l’économie Walras, Léon, 1987, Mélanges
politique en france au XiXe siècle », d’économie politique et sociale
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vol. 98, n° 2, mars-avril, p. 232-251. d’Auguste et Léon Walras, vol. VII),
Paris, Economica.
Reybaud, Louis, 1864,
« Les chaires d’économie politique Walras, Léon, 1990, Etudes
en france », Revue des deux d’économie sociale. Théorie de la
mondes, vol. LIV, p. 948-989. répartition de la richesse sociale
(Œuvres économiques complètes
Rist, Charles, 1904, « Economie d’Auguste et Léon Walras, vol. IX),
optimiste et économie Paris, Economica.

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