Sunteți pe pagina 1din 32

Langage et société

Les usages et leurs représentations sur un marché plurilingue à


Paris : Belleville
Marie-Hélène Drivaud, Caroline Peretz-Julliard

Citer ce document / Cite this document :

Drivaud Marie-Hélène, Peretz-Julliard Caroline. Les usages et leurs représentations sur un marché plurilingue à Paris :
Belleville. In: Langage et société, n°30, 1984. pp. 29-59;

doi : https://doi.org/10.3406/lsoc.1984.2009

https://www.persee.fr/doc/lsoc_0181-4095_1984_num_30_1_2009

Fichier pdf généré le 02/05/2018


Marie-Hélène DRIVAUD

Caroline PERETZ-JUILLARD

Université de Paris V

IES USAGES ET LEURS REPRESENTATIONS SUR UN MARCHE

PLURILINGUE A PARIS : BELLEVILLE

1 • Le lieu de l'enquête

Le marché de Belleville est situé sur le terre-plein central du


boulevard de Belleville, aux limites des XI° et XX° arrondissements. L'un des

plus importants de Paris, il regroupe 238 emplacements de vente. Ce marché,

bi-h îbdomadaire (mardi, vendredi), rassemble une population hétérogène de

vendeurs et de clients : parmi les clients, co-existent des Français et de

nombreux immigrés, à dominante maghrébine, mais également originaires

d'Afrique Noire, des Dom-Tom, d'Asie, de Turquie, de Yougoslavie, d'Espagne, du


Portugal; parmi les vendeurs, des Egyptiens, des Maghrébins, des Juifs

d'Afrique du Nord et des Français.

Aux abords du métro Belleville, sur le trottoir, des vendeurs à la

sauvette proposent, les jours de marché, vêtements, cassettes, tapis. Les

boutiques asiatiques, polonaises, orientales, situées à la périphérie du

marché vendent des produits spécifiques : viande kasher, épices... Le marché


proprement dit est assez conventionnel et regroupe principalement des

commerces de fruits et légumes; en choisissant le produit, on choisit parfois


- 30 -

du même coup l'origine du vendeur, la concurrence ne jouant pas pour tous


les produits : piments et salades ne co-existent pas sur le même étal.

Le mode de pesée, de calcul, d'affichage des prix, la présentation des

denrées, ressemblent à ce que l'on peut rencontrer sur les autres marchés

parisiens; quelques traits originaux cependant :

- beaucoup de commerçants permettent aux clients de se servir eux-


mêmes, ce qui réduit parfois l'échange verbal dans la transaction
- certains pratiquent la vente au tas et non au kilo
- le calcul du prix se fait parfois en douros, lorsque l'échange se
déroule entre arabophones âgés
- les prix sont relativement bas, la fraîcheur des produits variable
- depuis peu, des volailles vivantes sont proposées à la vente
- la criée est très pratiquée, surtout par les vendeurs égyptiens
- les clients arabophones peuvent entrer en contact sur le lieu même
du marché avec d'autres membres de leur communauté : mendiants, bonimenteurs ,
sorciers, distributeurs de tracts, herboristes...

Lieu géographique et social, terrain privilégié d'échanges

économiques et communicationnels entre des individus d'origine culturelle et

linguistique variée, le marché de Belleville offre au chercheur un vaste champ

d'observations. Un groupe d'étudiants en maîtrise de linguistique , s

'intéressant aux contacts de langues, put s'y confronter aux difficultés de

l'observation. Un "jimple relevé des langues parlées sur le marché, entre

vendeurs, entre clients, entre clients et vendeurs eut été possible. Il n'eut

pas satisfait notre curiosité, attirée essentiellement vers les causes des

choix et changements de langues au cours des interactions. Dans la mesure où

vendeurs et clients sont majoritairement arabophones, c'est la relation

entre les deux langues dominantes du marché, le français et l'arabe, qui a

surtout retenu notre attention.

2* Objectifs et démarche

A la suite du premier contact avec le terrain et dos premières

observations, un certain nombre d'interrogations ont orienté la poursuite du

travail :
- 31 -

a. Le choix et la variation des langues dans l'interaction entre clients et

vendeurs sont-ils significatifs d'intentions variables dans la stratégie de

l'achat et de la vente ? Les uns comme les autres poursuivent un certain

objectif, qui conditionne peut-être leur comportement linguistique.

b. Que symbolise la fluctuation linguistique dans un échange entre clients

et vendeurs ? Ou au contraire l'usage catégorique d'une seule langue, alors

que l'usage de l'autre reste possible ? Ou encore le refus de l'alternance

proposée par l'un des interactants ? Quels sont les motifs de l'adaptation

ou au contraire de la démarcation ?

Dans les interactions au contenu conversationnel variable (d'une

simple transaction commerciale à un échange plus large), le choix de la

langue et la variation linguistique sont-ils significatifs d'un échange autre,

au contenu difficilement identifiable par des personnes n'appartenant pas au

groupe (notamment les enquêteurs) ?

c. De ce fait, telles qu'elles fonctionnent diversement d'us contenu

conversationnel à un autre au cours des interactions, les langues servent-elles,

implicitement, à manifester des statuts en mobilité, des identités sociales


changeantes et lesquelles ?

d. En résumé, quelles oppositions de valeurs et de statuts véhicule le

contraste des langues dans les interactions ?

Compte tenu des moyens humains disponibles, une limitation immédiate

s'est exercée sur l'élaboration de la recherche; les compétences

linguistiques réduites de l'équipe de la première année, incapable, dans son ensemble,

de procéder à des notations sur le vif des interactions ou à des

transcriptions et traductions d'enregistrements de données verbales, imposaient le

recours à un mode d'enquête en français, auprès de locuteurs possédant cette


- 32 -

langue dans leur répertoire verbal. Ceci excluait d'emblée les clients non

francophones, ou bien ceux ne se sentant pas suffisamment assurés dans la

pratique de cette langue pour accepter un entretien en français.

La technique de l'observation par entretien directif sur

questionnaire oral fut choisie pour deux raisons majeures :

- initier des étudiants qui n'étaient formés à aucune des techniques

d'observation de terrain, à l'une d'entre elles, afin qu'ils en appréhendent,

sur un exemple précis, tant les possibilités que les limites et les

insuffisances

- obtenir un minimum d'informations comparables provenant de clients ou de

vendeurs, abordés par des enquêteurs novices, dont les motivations et les

talents à faire s'exprimer les témoins choisis étaient très variables.

Il s'agit donc d'une recherche empirique, centrée, dans un premier

stade, sur la collecte de données verbales construites. Les questionnaires

reflètent nos propres interrogations et visent à dégager les représentations

que vendeurs et clients se font du marché de Belleville et des échanges

linguistiques et commerciaux qui s'y déroulent, et sur ce qu'ils pensent de

leur propre pratique. De plus, ils portent sur leurs caractéristiques

sociales (âge, sexe, scolarité, profession, situation familiale, raisons de la

venue en France), leurs compétences linguistiques (langues connues, lieu et

durée de l'apprentissage...) et les domaines d'emploi de ces langues :

famille (parents, conjoint, enfants), amis, travail; sont abordés également

leur appréciation de ce marché en comparaison des autres, leur comportement

sur le marché (choix des vendeurs, des produits, marchandage...).

Certaines de ces questions étaient destinées plus spécifiquement aox

venden^n : pensez-vous que les langues que vous parlez sont un outil

important dans votre travail ? Y a-t-il un profit à parler plusieurs langues ?


- 33 -

ou plus particulièrement aux clients : venez-vous parfois sans rien acheter ?

Avez-vous plaisir à parler une autre langue que le français sur le marché ?

Les deux questionnaires se complètent puisque les points de vue des

vendeurs et ceux des clients (sur la drague et le marchandage par exemple)

ne vont pas toujours dans le même sens, pour des questions identiques. La

plupart des informateurs ont été intéressés par le sujet de l'enquête, et le


cadre souple de certaines des questions les incitait à l'entretien et à

l'argument at ion.

De tels entretiens nous ont apporté une "certaine" vision de la

réalité : les auto-évaluations des informateurs, l'impression qu'ils souhaitent

donner d'eux-mêmes, l'équation personnelle de l'enquêteur (qu'il s'agisse

d'une Africaine, d'un Coréen, d'un Kabyle ou d'une Française...), la

formulation des questions... sont autant de biais incontournés.

Dans un deuxième temps de la recherche, nous voulions approcher de

plus près la réalité linguistique des échanges et observer comment, au cours

des interactions, se fait l'adaptation linguistique du vendeur au client, et

réciproquement, en fonction du type d'échange. Pour tenter donc une approche

moins construite, une enquête plus anonyme a été menée la seconde année seu-
2
lement, par deux étudiants arabophones. Des relevés sur fiches ont permis

de recueillir des informations sur criées et interactions client-vendeur.

L'enquêteur, simple promeneur dans la foule, relève, pour chaque interaction

observée, le sexe, l'âge (jeune, moyen, vieux) et l'origine présumée des

protagonistes; il indique le nombre de prises de parole respectif pour le client


et le vendeur et les langues utilisées pour l'éventail d'échanges possibles

par interaction : d'un échange minimum (transaction commerciale et prix

uniquement) à un échange plus long et plue personnalisé, comprenant, outre la

vente, des nouvelles et des informations, et/ou des plaisanteries, saluta-


- 34 -

tions, drague... La catégorisation de certains thèmes de l'interaction est


sujette à interprétation variable par les enquêteurs : une même réalité

pourra être définie par un homme comme une plaisanterie, par une femme

comme un fait de drague. De même, l'étiquetage par nationalités, souvent fondé

sur la seule écoute des idiolectes, présente des variations suivant les

enquêteurs. Ces risques sont à prendre en compte.

Pas de renseignements sur l'abord (qui aborde qui et en quelle

langue ? ), ni sur le changement (qui opère le changement de langue ? ), par

omission de notre part; on n'a donc observé qu'une addition de faits, sans

préciser leur succession au cours de l'interaction, ni la dynamique qui les

a produit.

Le même type de méthode nous a permis d'observer les langues

utilisées par les vendeurs dans les criées, qu'il s'agisse d'une criée à la

cantonade ou d'une criée orientée vers un client précis.

A ces deux types d'enquêtes, nous avons obtenu certaines réponses

qui se complètent et s'interrogent réciproquement. ïïous sommes conscients

de leurs limites et considérons cette première approche comme une

pré-enquête. L'observation sur le vif des interactions n'ayant pas été possible, le

fonctionnement de l'alternance linguistique et son interprétation, comme

celui de l'usage constant d'une même langue, restent les objectifs d'une re-

cherche plus approfondie 3 . Autant de phénomènes variables, impossibles a

appréhender dans leur complexité par les seules techniques choisies.

3. La population d'enquête, ses caractéristiques


L'enquête par questionnaires a touché 108 clients sur les deux an.-»

nées successives : 98 immigrés et 10 Français. Dans la mesure où notre

intérêt s 'eat surtout porté sur les rapports entre arabe et français, le choix

Jeu informateurs s'est dirigé principal ornent vers les personnes originaires
- 35 -

du Maghreb (n = 82). La population de l'enquête n'est pas un échantillon

statistiquement représentatif de la clientèle; elle a été recrutée sur place,

au hasard, les jours de marché; elle représente une quantité d'individus

suffisamment importante pour que se dévoilent les faits et les jugements les

plus diversifiés, à titre d'indices de la variation sociolinguistique

prévalant en ce lieu; mais cette quantité s'est limitée au seuil numérique

auquel les contraintes du questionnaire ne semblaient plus permettre que se

dégagent, par ce moyen, de nouvelles informations.

La population ainsi recrutée présente certaines caractéristiques de

type démographique. Globalement, nous avons contacté quasiment autant

d'hommes (55) que de femmes (53). Cet équilibre est en fait fictif et construit,

puisque la première année ont été enquêtes 40% d'hommes et 60$ de femmes, a-

lors que l'année suivante, le rapport s'inversait exactement. Il nous a

semblé que cela pouvait provenir de la disparité des deux équipes : la première

année, l'enquête était menée par des tandems mixtes, l'année suivante par

des tandems féminins... Ceci dit, les scores obtenus la seconde année

semblent plus représentatifs de la réalité, puisque des relevés de population

selon le sexe donnent une moyenne, sur le marché, de 40% de femmes et 60%

d'hommes. Cette moyenne varie suivant les heures où sont effectués les

comptages : le décalage entre les deux pourcentages est constant, mais l'écart

s'amplifie vers 11h30, moins de femmes, davantage d'hommes.

La moitié des clients enquêtes a entre 20 et 40 ans, et un quart est

âgé de plus de 50 ans. Très peu ont moins de 2o ans; d'ailleurs, rares sont

ceux qui, à cet âge et à ces jours, viennent sur le marché; éventuellement,

ils y accompagnent leur mère.

Plus de la moitié des enquêtes a un métier, 40c,-> sont sans profession

(femmes au foyer, chômeurs ou retraités), quelques étudiants. Ces emplois


- 36 -

sont généralement peu élevés : 32/£ de la totalité des clients sont employés

ou ouvriers; 12/£ sont cadres et 8% commerçants.

Les 3/4 de ces clients sont originaires du Maghreb : ils se

répartissent en "Juifs" et "Maghrébins", plus une femme pied-noir, Française

rapatriée d'Algérie. Dorénavant, nous désignerons par "Juif", une personne de

religion, voire de tradition isra'élite, tandis que "Maghrébin" désignera les

autres, tant berberophones qu'arabophones.

\pAYS ALGERIE n = 34 TUNISIE n = 33 MAROC n = 15


Maghreb . Juif Pied-N. Maghreb. Juif Maghreb . Juif
SEXE >v

HOMMES 13 4 12 4 9 1

FEMMES 15 1 1 7 10 4 1

TOTAUX 28 5 1 19 H 13 2

Tableau n° 1 : Personnes originaires du Maghreb n = 82

Immigrés de première génération - sauf deux personnes nées en France

et deux Algériens en vacances ici -, ils vivent en France depuis longtemps :

62fu sont ici depuis plus de 10 ans , et la moitié de ceux-ci depuis plus de

20 ans. Les raisons de cette venue sont principalement d'ordre économique,

puis religieuses, pour les Juifs surtout. L'invocation de raisons

"personnel] es" renvoie probablement à des motivations économiques; leur nouveau

statut est pourtant peu favorisé : on relève en effet 1/3 de sans profession

et 1/3 d'ouvriers parmi les seuls Maghrébins. Par contre, les Juifs

appartiennent, par leurs emplois, plutôt aux classes moyennes. Aucun d'entre eux

n'est ouvrier.

On remarque que près des 2/3 des Maghrébins enquêtes vivent ici avec

leur famille; alors que 17, 5Â d'entre eux seulement sont seuls en France,
- 37 -

bien que mariés.

Presque toutes les personnes originaires du Maghreb ont été

scolarisées, mais jusqu'à quel âge ? Seuls 6 I«îaghrébins déclarent n'avoir jamais

fréquenté l'école et cela ne semble pas être imputable à un âge élevé

puisque certains ont 30 ou 40 ans. Ils présentent des caractéristiques communes:

hommes algériens, berbéro phones, ouvriers, ils ont appris le français par

contact. On ne sait rien de la scolarité des autres cas d'apprentissage du

français par contact, ce qui laisse supposer qu'il y a peut-être d'autres

non scolarisés parmi la population.

Scolarisation et apprentissage du français sont liés pour 2/3 des

personnes originaires du Maghreb, dont ce n'est pas la langue maternelle :

ils déclarent avoir appris le français à l'école surtout; 27% d'entre eux

par contre, l'ont appris par contact, dans leur pays ou à leur arrivée en

Prance; le rôle de la famille est dans leur cas négligeable. Il n'est pas

surprenant que la quasi-totalité d'entre eux connaissent le français depuis

plus de 11 ans, étant donnés leur âge et leur date d'arrivée en France

relativement ancienne. Parmi les 16 personnes originaires du Maghreb, ayant le

français comme langue maternelle (associé ou non à l'arabe), 13 sont juifs;

il y a aussi une jeune Kabyle de seconde génération, bilingue

français-berbère, ainsi que deux Tunisiens. Ces bilingues, dont le français est la

première langue, n'utilisent que cette langue dans leur activité

profes ionnel e. La pratique professionnelle amène également les autres immigrés à parler
48/'
français : des personnes originaires du Maghreb disent n'employer que le

français sur leur lieu de travail, bien que ce ne soit pas leur langue
26','*
maternelle; par contre, y emploient le français associé à une et/ou deux
autres langues; une seule personne, fonctionnaire au consulat de Tunisie,

n'utilise que sa langue maternelle, l'arabe, sur son lieu de travail.

Pour un autre domaine extra-familial, les relations linguistiques


- 38 -

avec les amis, nous n'avons obtenu qu'une dichotomie probablement

schématique : français avec les amis français, langues maternelles avec les

compatriotes.

Appréhender la valeur affective ou pragmatique accordée à ces langues

s'est révélé difficile; c'est ce que nous désirions connaître en demandant

aux enquêtes les langues qu'ils désiraient voir apprendre par leurs enfants.

Mais, en la matière, la liberté de choix est souvent réduite et la question

perd sa valeur lorsqu'on ne peut apprécier les divers facteurs limitant ce

choix. C'est plutôt l'usage des langues au sein de la famille qui nous a

fourni quelques indications et nous a permis d'approcher la dynamique et la

valeur symbolique des langues. Le domaine familial sera envisagé en

contrepoint du domaine du marché.

4. Les clients et leur marché

En ce qui concerne la venue au marché de Belleville, divers aspects

caractérisent la population enquêtée. Ainsi, près des 3/4 des personnes

originaires du Maghreb viennent régulièrement chaque semaine, une à deux fois,

les Juifs plus régulièrement que les Maghrébins, et les femmes plus assidues

que les hommes. Si beaucoup (69%) habitent ou travaillent dans le quartier,

un tiers vient néanmoins d'ailleurs, ce qui confirme l'attrait de ce marché.

La moitié (59%) des personnes disent venir seules, les femmes mais aussi les

hommes, bien qu'ils travaillent et aient leur famille en France pour la

plupart. On ne vient pas à Belleville uniquement pour faire les courses,

puisque 36;* des enquêtes déclarent venir parfois sans rien acheter. Ce sont

surtout les hommes qui n'hésitent pas à le dire. Seules deux femmes disent avoir

ce comportement; elles sont sans enfant : l'une, Juive d'origine tunisienne,

institutrice; l'autre, âgée, pied-noir; toutes deux viennent régulièrement

au marché et déclarent cependant refuser d'y parler arabe. Il est difficile


- 39 -

de connaître toutes les motivations de la venue à ce marché. Globalement,

l'ambiance est jugée positivement par les 2/3 des clients originaires du

Maghreb :

-"Ici, il y a des Juifs et des Arabes, on est entre nous" (client juif)
-"Ici, on se sent comme on est chez nous. On ne trouve pas çà
ailleurs" (client tunisien)

Si l'appréciation est critique, c'est plutôt le quartier qui est mis en cause:

-"Ce quartier est une pourriture... C'est devenu international,


Belleville" (cliente juive tunisienne)
-"Je n'aime pas le quartier. Y 'a trop d'étrangers, c'est pas du
racisme, y 'a trop de trafic, c'est mal fréquenté" (vendeur juif
tunisien)
Par contre, les vendeurs du marché ont une attitude paradoxale, puisqu'ils

jugent sévèrement leur clientèle, pourtant originaire des mêmes pays qu'eux :

-"Ici, c'est des gens qui paient pas" (vendeur juif tunisien)
-"Ils veulent tout pour rien, clientèle médiocre et exigeante"
(vendeur juif algérien)
-"Ils veulent du beau pas cher, les clients sont difficiles"
(vendeur juif tunisien)
-"Les femmes arabes, elles disent pas merci, elles touchent. On
devient raciste, on veut pas leur vendre. Les gens n'attendent pas
leur tour. C'est des marchés d' emigrants, c'est pas des gens
intelligents qui sont venus en France, des gens de la montagne, des
campagnes" (vendeur algérien)

Les clients ne paient pas, sont impolis et frustes; les vendeurs en arrivent

à dire que le marché de Belleville "marche" moins bien que d'autres (surtout

comparé à celui du Bd de la Chapelle, qui a lieu le mercredi et le samedi) :


-"Ici, c'est très dur" (vendeur juif tunisien)
-"C'est le moins bon" ( " " " )
-"C'est le plus pourri" ( " " algérien)

II est vrai que les raisons de la venue des clients à Belleville

rassortissent principalement au domaine économique, à quoi peuvent s'associer

la proximité du lieu par rapport à la résidence, la possibilité de trouver

des produits spécifiques. Peu de clients se rendent régulièrement chez les

■nêmes commerçants; ils se déterminent plutôt en fonction du prix : il n'est

pas nécessaire d'avoir des "habitués", il suffit de proposer une ardoise


- 40 -

suffisamment attirante :

-"Les clients sont des ouvriers, ils sont plutôt attirés par le
prix, pas par le marchand" (vendeur algérien)

Malgré des prix plutôt bas, il semblerait que le marchandage existe sur le

marché, quoique les avis soient partagés. Les 3/4 des clients interrogés le

nient, certains réfutant la présence d'une telle pratique, d'autres la

rejetant pour eux-mêmes :

-"Quand un vendeur fixe son prix, on ne discute pas" (client algérien)


-"C'est affiché, on ne peut pas discuter, c'est la loi"( " " )
-"Non, c'est déjà pas très cher" (cliente marocaine)

Le quart qui en reconnaît l'usage est à dominante masculine.

-"Oui, c'est normal si c'est trop cher. En général, çà ne se


discute pas" (client algérien)

Les vendeurs, quant à eux, émettent moins de nuances et 7 d'entre eux (sur

10) déclarent cette pratique très répandue :

-?rY a que çà (marchandage), ici. Ce sont de grands gratteurs"


(vendeur juif tunisien),

mais l'admettent difficilement, arguant que les marges bénéficiaires sont

déjà faibles et que, de plus, il n'est pas équitable de favoriser certains

au détriment des autres. Quant à savoir quelle est la part des langues

choisies pour effectuer ce marchandage, nous ne possédons que quelques avis

provenant des seuls vendeurs. Une tendance semble pourtant se dessiner à

travers ce témoignage :

-"II (client maghrébin) commence en français mais çà n'a pas le


même impact. Il le fait dans sa langue maternelle. Alors, je
reprends en français pour le tenir" (vendeur juif al^cr)

Un tel avis rejoint l'évaluation des rapports de force instaurés à travers

les langues, qui nous a été suggérée par une vendeuse juive tunisienne âgée,

proposant au tas, herbes, racines et quelques légumes; si, en effet, elle

parle trop longtemps arabe avec un client, celui-ci, dit-elle, va "me

massacrer, me prendre, ne pas me lâcher... On ne peut plus travailler!" Alors,


elle coupe court en français. Inversement, elle se fait respecter (en

recourant à l'arabe) des clients qui l'injurient dans cette langue, qui font

semblant de ne pas comprendre le français (lorsqu'elle refuse qu'ils touchent

la marchandise) et qui tentent ainsi de payer moins que le prix annoncé.

Refus du marchandage en lui-même ? Refus de la solidarité avec des

compatriotes ?

Les clients ne se bornent pas à la relation commerciale : les 3/4

d'entre eux disent parler à d'autres personnes que les vendeurs sur le

marché. L'éventualité de rencontres amicales, le plaisir du bain de foule sont

des atouts supplémentaires du lieu. En outre, la possibilité de parler une

autre langue que le français est appréciée - d'autant plus qu'il prédomine

dans les relations de travail - par plus de la moitié (62°/c) des clients.

5. Perception de la variation

Les difficultés de compréhension pouvant survenir lors de la


confrontation des différents "arabes régionaux" ne semble pas entraver la

communication pour la majorité des clients arabophones. Un consensus

linguistique pan-arabe tendrait-il à se dégager, renforcé par le fait qu'en situation

d'immigration, on tend à minimiser les contrastes, afin de présenter, face


au monde européen, des liens communautaires élargis ? Sur le marché plus

particulièrement, assisterait-on à l'émergence d'un "arabe moyen" ? Un

client tunisien évoque en effet un "arabe médiatique".

Mais des difficultés apparaissent parfois lors de l'échange et

peuvent justifier le passage à une autre langue. Une femme algérienne dit être
abordée en arabe par les vendeurs égyptiens mais répondre :

-"en français, car je ne comprends pas. Eux, c'est le vrai arabe;


nous, c'est un patois, comme le breton".

Même avec un vendeur maghrébin, il peut se produire un passage au français,

rncbivé par l'incompréhension :


- 42 -

-"Oui, on peut changer (de langue). Avec les Algériens, y a des mots
qu'on comprend pas, alors on parle français" (client tunisien)

alors que pour d'autres, une adaptation suffit :

-"S'il est tunisien, oui (je parle la même langue). Avec un Algérien,
je change quelques mots, mais c'est la même langue" (client tunisien)

Au delà des problèmes de compréhension, la moitié des clients se dit

consciente de l'existence de la variation linguistique dans l'échange entre

clients et vendeurs : ils reconnaissent ne pas parler toujours la même langue

avec le même vendeur. Le changement viendrait, pour les uns, plutôt de

l'initiative du vendeur, mais un nombre égal admet que le changement peut

provenir aussi bien du client que du vendeur. Seules 7 personnes (dont 6

hommes) affirment que c'est le client qui décide du moment de ce changement. Un

client juif tunisien, abordé en français, dévisage le vendeur puis décide

lui-même quelle sera la langue, unique (arabe ou français) de l'échange.

C'est "à la tête du vendeur"! Un autre client tunisien, abordé également en

français, dit répondre parfois en arabe pour "voir la réaction du vendeur,

lui faire parler sa langue". On retrouve là le ton moralisateur que les

vendeurs arabophones emploient à l'égard des femmes maghrébines qui s'adressent

à eux en français :

-"Les femmes arabes insistent pour parler français. On leur dit :


parle arabe ! Mais non. . . " (vendeur algérien)

Des femmes maghrébines nous ont spontanément signalé ce comportement, sans


qu'on leur ait posé de questions à ce sujet :

-"Des fois, il (le vendeur) dit : pourquoi tu parles français ? Il


faut parler arabe, moi, je suis arabe ! "(cliente tunisienne)
-"Si on rejette notre langue, on fait exprès. Ils (les hommes)
estiment moins la femme ci elle perd sa langue" (cliente marocaine)
-"II (le vendeur) me dit : t'es une Arabe, parle arabe! Je suis
gênée" (cliente algérienne)

Conscients de la variation dans l'échange, les clients semblent

aussi conscients d'une différence dans l'usage et le comportement des ven-


- 43 -

deurs envers les hommes et les femmes. Les clientes sont en général plus

sensibles à cette variation; si, en effet, 62% d'entre elles affirment qu'il

existe une différence suivant le sexe du client, les hommes sont moins

catégoriques : 54,3/ö reprennent cette affirmation, mais 8 d'entre eux ne savent

pas • • • :
-"J'en sais rien" (rires) (clients tunisiens, algériens)
-"Faut demander à une femme" (client juif algérien)
-"Faut demander aux marchands" ( " " tunisien)
-"Je ne peux pas vous dire exactement" (client tunissien)
-"Je ne me rends pas compte" (client algérien)

Certains n'hésitent pas à nommer cette différence :

-"Ils (les vendeurs) baratinent les femmes" (client marocain)

De toutes les façons, lorsqu'une différence est évoquée, elle nfest pas

fondée sur les mêmes critères : selon les femmes, le vendeur est "plus gentil",

"plus agréable", "plus charmant", "plus souriant" avec elles; mais selon les

clients :
-"Les femmes sont emmerdantes, elles touchent, choisissent. Les
vendeurs ont des réactions différentes avec elles" „
(client tunisien)

Les clientes affirment la différence, tout en réagissant positivement envers

les vendeurs. Nous avons relevé cependant des reproches timides, sans aller

tout de même jusqu'à évoquer la drague, qui existe effectivement, comme

certains hommes en témoignent.

L'appréciation du comportement des vendeurs envers les vieux et les

jeunes diverge puisque 75> (21 sur 28) des femmes reconnaissent une

différence, alors que 54$ (17 sur 32) des hommes ne la remarquent pas.

Contrairement à la variation précédente selon le sexe, au sujet de laquelle certains

disaient "ne pas savoir", les hommes n'hésitent pas à prendre position, dans

un sens comme dans l'autre, au sujet du comportement des vendeurs envers les

vieux et les jeunes.

Les clients manifestent donc des attitudes variables par rapport aux

phénomènes dont ils rendent compte. La confrontation des représentations


- 44 -

fournit également un reflet de la diversité sociolinguistique de Belleville.

6. Deux domaines d'utilisation des langues

Ce que les clients originaires du Maghreb pensent de leur usage

linguistique en famille apporte une contrepartie aux représentations de l'usage

sur le marché et notamment de l'abord. Ces deux domaines d'emploi des

langues, l'un public, l'autre privé, s'équilibrent tout en engendrant, semble-

t-il, des comportements linguistiques différents. Afin de les présenter,

nous avons été amenés à séparer les individus. Il va de soi pour les clients

rencontrés qu'à Belleville : "il y a des Juifs et des Arabes, on est entre
nous" (client juif). Cette distinction se constitue donc pour certains très

directement dans leur propre discours. C'est à la suite, par exemple, de

notre question sur la langue maternelle ou de celle sur les langues souhaitées

pour les enfants que d'autres clients suggèrent une différence : ainsi, une

Marocaine arabophone se signale "d'origine berbère" , ou un Tunisien

francophone ne veut pas que ses enfants apprennent l'arabe mais l'hébreu. C'est

sur la base de ces indices de référence dispersés dans les entretiens que

l'on a jugé préférable de présenter séparément les représentations. En

définitive, ce sont des critères tant d'auto-démarcation que linguistiques ou

nationaux qui ont fondé en catégories, pour cette présentation, des

regroupements dont la substance est hétérogène et qui se situent à des plans

différents, ne valant que dans le cadre de cette analyse.

Les langues maternelles citées par les clients originaires du I.îaghreb

sont : le français, l'arabe et le berbère (un petit nombre d'entre eux sont

bilingues maternels). L'usage en est, semble-t-il, maintenu avec les parents

plus âgés, par la plupart des informât euro ; l'introduction d'autres langues

danr; le domaine familial apparaît dans différentes proportions avec les

générations suivantes.
- 45 -

Ainsi, chez les berbéro phones, tous de langue maternelle berbère, y


compris deux bilingues maternels (arabe, berbère), l'usage du berbère se

maintient bien en famille, à toutes les générations, quoique souvent en aj.-

ternance avec une autre langue : certains disent l'utiliser avec leurs

pare its en association avec l'arabe, alors qu'avec le conjoint et surtout les

en.'ants, c'est plutôt l'usage du français qui se greffe à celui du berbère.

Les Maghrébins non berbéro phones sont de première langue arabe;

parmi eux, deux Tunisiens bilingues maternels (arabe, français). Les Tunisiens

se distinguent des autres Maghrébins puisque le français est, semble-t-il,

utilisé par certains d'entre eux en association avec l'arabe, déjà avec les

parents. Par contre, les Algériens comme les Marocains disent utiliser quasi

exclusivement l'arabe, tant avec les parents qu'avec le conjoint. La langue

que les Tunisiens disent employer majoritairement avec leurs enfants est le

fraiçais. Un client tunisien, parlant arabe seulement avec ses parents,

arabe ~t français avec sa femme, dit parler en français à ses deux enfants :

-"Normalement c'est un réflexe, on parle en français même à la


maison. Ma petite fille, elle parle français. De temps en temps,
des mots arabes pour qu'elle se rappelle sa religion d'origine;
ils sont nés ici".

Chez les Algériens et les Marocains, le seul emploi du français est très

marginal; la plupart d'entre eux disent l'associer à l'arabe dans leur

pratique.

Les Juifs, quant à eux, présentent une diversité de langues

maternelles, mais le français est la langue la plus citée (11 d'entre eux); pour

8, c'est l'arabe et 2 se déclarent bilingues maternels. Cette dichotomie ne

persiste pas puisque, globalement en famille, c'est l'usage du français qui

est cité majoritairement, toutes générations et langues maternelles

confondues. L'arabe est un peu utilisé avec les parents, encore moins avec le

conjoint, et plus du tout avec les enfants. Ils ne souhaitent d'ailleurs pas que
leurs enfants apprennent cette langue.
- 46 -

Sur le marché, toutes les personnes originaires du Maghreb disent

parler arabe. Quelques femmes, jeunes pour la plupart : une pied-noir

algérienne, trois Kabyles, quatre Tunisiennes (dont trois Juives), refusent de

l'utiliser. Une cliente tunisienne (25 ans) abordée en arabe, répond :

-"en français toujours, car ils (les vendeurs) vont essayer de savoir
d'où je suis".
Il ressort des réponses à la question : "en quelle langue un vendeur

maghrébin ou égyptien vous aborde-t-il ?", une variation dans la vision que

les clients se font de cet abord.

""•^Langue Arabe Arabe et Français Berbère et Arabe,


Français Arabe Berbère et Franc.
Clients^v^^

berbérophones
Maghrébins 1 2 1
5 7

(Tunisiens 12 4 3

(Algériens 6 5 1

(Marocains 5 3 0

Total Mag. non


berbérophones 23 12 4 0

Juifs 0 9 10 0

TOTAL : 74 28 28 15 3
réponses

Tableau n° 2 : Représentations de l'abord


- 37,13 avec 6 degrés de liberté

II s'agit d'un tableau de contingence, justiciable de l'application de la mé-

thode de A , mais : l'échantillon n'est pas statistiquement garanti et les

effectifs par case sont faibles. D'après ce tableau, on peut néanmoins remarquer

que les Maghrébins, berbérophones ou non, sont principalement abordés en ara-


be, associé pour certains au français, beaucoup plus rarement au berbère;
toutefois, la part du français dans la représentation de l'abord est plus

grande pour le groupe des berbérophones que pour celui des autres Maghrébins;

c'est là l'indice d'une différence à approfondir par d'autres investigations


;|n^! i° ^»ns de» la symbolique des choix de langues et des attitudes. D'après

les témoignages des clients maghrébins, les vendeurs les aborderaient en

arabe pour différentes raisons (indépendantes de la volonté du client...) :

-"II (le vendeur) me regarde et parle arabe" (client tunisien)


-"(il m'aborde) Comme çà (en arabe), on reconnaît l'Arabe par son
visage" (client tunisien)
-"(abord) en arabe toujours quand il voit que vous avez la tête d'un
Arabe. Je réponds en arabe. Quand il vous parle en arabe, il veut
que vous lui répondiez en arabe, il veut parler" (client tunisien)
-"(abord) Comme chez nous, on parle plus en arabe" (cliente marocaine)

Les clients interviendraient lors de la réponse. Ainsi, les Tunisiens

et les Marocains garderaient l'arabe, langue dans laquelle ils disent être

souvent abordés; les Algériens, plus nombreux à se dire abordés dans les deux

langues, conserveraient cette alternance à la réponse et, abordés en arabe,

ne répondraient pas forcément dans cette seule langue.

Une dichotomie apparaît dans les évaluations que les berbère phones

donnent de leurs réponses aux vendeurs. Certains se réclament du monde arabe :

ainsi, une Marocaine prend parti pour l'arabe; elle considère que tous les

Berbères parlent arabe, qu'elle même parle toujours arabe à un vendeur

maghrébin et qu'elle tient à ce qu'il lui parle en arabe car ils sont "entre

Arabes". D'autres préfèrent s'en démarquer, allant jusqu'au refus de la langue

arabe; une Algérienne, abordée en arabe, répond parfois en berbère par

provocation : "Je tienrj L ma langue". Quelle que soit la langue de l'abord, des
berbérophones adoptent une attitude systématique : certains disant répondre

toujours en arabe, d'autres toujours en français. Les autres ne prennent pas

explicitement position et s'adapteraient, dans leurs réponses, à la langue

choisie par le vendeur.


- 48 -

Le rapprochement des considérations sur l'usage en famille et au

marché appelle des remarques : les Algériens sont les plus nombreux à

reconnaître l'alternance des deux langues, et ceci, aussi bien avec leurs enfants que

sur le marché. Est-ce une pratique typiquement algérienne ? D'autre part,

aucun Marocain ne dit être abordé sur le marché en français seulement; nous a-

vons relevé des privée de position d'immigrés marocains, berbérophones

également, en faveur de la langue arabe. Les dires des Tunisiens indiquent plutôt
des divergences entre les deux domaines : usage plutôt du français en famille

mais sur le marché, beaucoup d'abords et de réponses seraient en arabe. Pour

les berbérophones, gros écart d'un domaine à l'autre : si leur langue se

maintient bien en famille, elle paraît absente du marché, malgré la présence de

marchands kabyles, et le français semble tenir un rôle important dans leurs

interactions avec les vendeurs.

Il semblerait que la quasi- totalité des Juifs (hormis les trois

femmes citées) parle effectivement arabe sur le marché. Contrairement aux

Maghrébins, les Juifs ne disent pas être abordés en arabe seulement ni^is plutôt en

français ou dans les deux langues. Les 3/4 d'entre eux disent répondre dans

la langue de l'abord, alors que les autres recourent à une autre langue : 3

de ces personnes étant abordées en français, on peut supposer qu'elles

introduisent alors l'arabe dans l'interaction; l'enquête jjar fiches a confirmé

cette hypothèse. Le marché de Belleville donnerait à certains l'occasion de

parler arabe, langue si rarement utilisée en famille :

-"(je rencontre) des amis, des connaissances du quartier. Si elle me


parle en arabe, je parle en arabe. Oui, çà m'amuse, çà me rappelle
le bon temps, c'est agréable. Autrement, je n'ai pas l'occasion de
parler arabe" (cliente juive tunisienne)

Le dosage, l'équilibrage de chaque cas de bilinguisme uépendent d'un


grand nombre de facteurs - la référence culturelle et/ou géo-politique n'é-

•\nt que l'un d'entre eux - qui ne jouent pas également d'un domaine d'uti-
- 49 -

lisation à un autre.

7. Les criées

Tous les clients sont impliqués linguistiquement sur le marché de

plusieurs manières : ils sont sollicités par les criées des vendeurs, ils

participent aux interactions. Nous n'avons noté par la méthode des relevés

sur fiches, que des criées et des interactions en arabe et/ou en français.

Selon les vendeurs, la criée, bien qu'interdite, est un moyen de


"réveiller" la clientèle; elle sert également à annoncer le prix ou à vanter

un produit qu'il faut liquider. Ils s'accordent à reconnaître son efficacité

dans la vente, quels que soient le contenu et la langue utilisée, l'important

étant de "bien prononcer".

-"Elle (la criée) est interdite. Si on crie pas, on vend rien. On est
des putains... On fait du bruit, les gens viennent. L'arabe, le
français, tout est bon pour vendre... Les gens aiment le cinéma"
(vendeur juif tunisien)
-"Quand le marché est bon, pas la peine de crier" (vendeur juif tun. )
-"Oui, on crie, c'est normal, pour baratiner les gens. C'est pas un
bruit, c'est une gentillesse!... Ils (vendeurs) la font sans qu'on
leur demande. Çà leur fait mal au coeur s'il reste quelque chose
dans le camion" (vendeur algérien)

L'heure avançant, les cris s'amplifient, ce qui n'est pas du goût de tous :
-"Çà ne me plaît pas, çà fait mal à la tête" (vendeur kabyle)
-"Les Egyptiens crient comme des sauvages, ils se croient dans le
désert, ils ont un accent terrible, on comprend rien, ils croient
que c'est du français" mais malgré tout. .."on se parle arabe, on
se comprend mal mais on s'entend bien" (rendeur juif)

II est vrai que : "Aya les sans bibins 3 francs" est assez obscur, hors du

contexte des mandarines sans pépins !

Nous avons recueilli une cinquantaine de criées, les 3/4 provenant de

vendeurs égyptiens. Cela semble correspondre à la réalité du marché; si les

marchands français crient peu et uniquement à l'adresse des Français, les

Egyptiens crient davantage et plus fort, surtout en français; il semble qu'une

différence apparaisse suivant que les criées sont dirigées vers un client ou

non, quelle que soit l'origine de celui-ci. 17 des 19 criées orientées (vers
- 50 -

un homme ou une femme, d'origines diverses) sont en français; mais la moitié

seulement des criées à la cantonade se font dans cette même langue, les autres

étant en arabe ou bilingues. Par contre, nous avons relevé des criées,

orientées ou non, en arabe, chez des vendeurs juifs ou maghrébins, la proportion

de criées en français étant moins élevée que chez les Egyptiens.

D'après les réponses de vendeurs au questionnaire, le français

prédominerait dans les criées :

(criée )-"En français à Belleville" (vendeur juif tunisien)


"11 -"Arabe
-"En arabe
ou français,
ou en français,
çà dépend,
plus comme
en français"
çà. Ils (vendeur
comprennent
algérien)
tous un peu
le français" (vendeur algérien)

Le choix de la langue d'appel peut dépendre de l'origine des passants :

(criée )-"En français ou en arabe, çà dépend des gens qui passent devant"
" -"En français, sauf s'il y a des Arabes dans
(vendeur
l'assistance"
égyptien)
(vendeur juif algérien)

8, Les interactions

200 interactions ont été recueillies et nous ont fourni de nombreuses

données que nous pouvons analyser de différentes façons.

8.1. Analyse de la fréquentation : qui va chez qui ? qui reçoit qui ?

Les vendeurs égyptiens viennent en tête de fréquentation pour 3


catégories de clients : les clients égyptiens (5 sur 7), les clients "autres" (12

sur 20 ), c'est à dire les immigrés mais non arabophones, puis les clients

maghrébins (29 sur 66). Les Egyptiens proposent les produits les moins chers du

marché et attirent donc la clientèle la moins favorisée économiquement. Par

contre, les vendeurs français attirent en majorité leurs compatriotes, ils


vendent d'ailleurs plus cher et des produits différents. Ceci concorde avec

les déclarations de clients français disant ne pas vouloir aller chez "les

Arebei", malgré des prix moins élevés, car "c'est tout pourri chez eux".

3 'ailleurs, seuls 3 clients français, sur les 19 observés, fréquentaient les

étals égyptiens.
- 51 -

D'après nos observations, les vendeurs juifs ne reçoivent à leur étal

ni clients égyptiens, ni clients "autres". La moitié (10 sur 20 ) des clients

juifs va chez des vendeurs juifs, secondairement (7 sur 20 ) chez des vendeurs

maghrébins, alors que les clients maghrébins évitent les commerçants juifs

puisque seulement 7 sur 66 d'entre eux s'y rendent. Ils préfèrent acheter

chez des vendeurs égyptiens (29 sur 66) ou maghrébins (24 sur 66). Ce

comportement sélectif des Maghrébins nous a été confirmé , lors de l'enquête par

questionnaires, par un vendeur juif tunisien :

-"Moi, j'essaie de passer pour un Arabe, sinon y 'a du boycott. S'ils


(les Maghrébins) voient "avocats d'Israël", ils achètent pas. Je
dis "Martinique" !... Y 'a du racisme, les Arabes boycottent les
produits d'Isra'êl, nous on vend des tomates du Maroc, on s'en fout"

8.2. Analyse des tvjpes d'interactions

Indépendamment des langues employées, nous pouvons essayer de

déterminer quel genre de relation s'établit entre client et vendeur. 3 cas se

présentent :
- transaction commerciale (TC) uniquement

- transaction commerciale + "autre" (salutations, nouvelles, plaisanteries...)


- "autre" seulement, à l'exclusion de tout échange commercial.

Quelle que soit l'origine du vendeur, on remarque que :

- avec les clients non originaires du Maghreb et dont l'origine n'est pas

représentée parmi les vendeurs, l'interaction se réduit exclusivement à la seule

transaction commerciale.

- 13 des 19 clients français n'ont qu'une relation commerciale avec le

vendeur, contre 41 des 66 clients maghrébins et seulement 4 des 20 clients juifs;

ce cas ne ce présente jamais pour les clients égyptiens dont les transactions

sont toujours personnalisées et s'accompagnent de salutations, nouvelles...

A l'inverse, quelle que soit l'origine du client, le comportement du

vendeur peut être également caractérisé différemment :


- 52 -

- sur 23 interactions de vendeurs français, 16 ne comportent que la TC


- sur 51 interactions de vendeurs égyptiens, 34 ne comportent que la TC
- sur 18 interactions de vendeurs juifs, 9 ne comportent que la TC
- sur 40 interactions de vendeurs maghrébins, 19 ne comportent que la TC,

sans que l'on puisse établir qui, du client ou du vendeur, est à l'origine

de ces écarts.

L'origine commune du vendeur et du client joue un rôle important dans

l'établissement de relations plus personnalisées. En effet, lorsqu'il ne se

produit pas de transaction, mais qu'une relation "autre" s'instaure tout de

même entre le client et le vendeur, cela ne se produit qu'entre protagonistes

de même origine géographique. Ainsi, un échange entre un client et un vendeur

maghrébins, tous deux d'âge moyen, comporte des nouvelles et des

plaisanteries, mais pas de transaction; le même cas se retrouve entre vendeurs et

client (e)s juifs. Cependant une exception est à noter : sur 6 interactions de ce

type établies par des vendeurs égyptiens, 3 ont effectivement lieu avec des

compatriotes, mais 3 autres avec des clientes maghrébines, qui se font


"baratiner" par le vendeur.

D'une manière générale, on peut dire que s'il se passe "quelque chose

d'autre", accompagné ou non de TC, cela implique que les protagonistes sont

de même appartenance, dans des proportions variables, mais toujours égales ou

supérieures à la moitié des cas : toutes les transactions entre clients et

vendeurs égyptiens, 8 des 10 interactions entre Juifs, H des 24 entre

Maghrébins, et 5 des 10 entre Français comportent des salutations, des nouvelles...

8.3. Analyse de la répartition des langues suivant le domaine abordé

Si l'or, ne tient compte que des arabophones (vendeurs ou clients;,

l'usage des diverses langues se répartit en fonction des thèmes do

l'interaction. Lors de transactions commerciales, clients et vendeurs dialoguent,

surtout en arabe, mais les changements de langue sont fréquents, un tiers des

dialogues se déroulant en arabe et en français. Uh quart des transactions

consiste cependant en des prises de parole du seul client, passant probable-


- 53 -

ment sa commande au vendeur.

A l'inverse, l'annonce du prix comporte peu de dialogues, c'est plutôt

le vendeur qui prend la parole, pour exprimer le prix et ce, majoritairement

en français. S'il y a dialogue, les changements de langue sont rares.

Lorsque la transaction s'accompagne d'un échange de salutations,

nouvelles..., le client comme le vendeur utilisent principalement l'arabe,

introduisant peu de variation. Des échanges menés de bout en bout en français se

rencontrent surtout entre Juifs.

C'est donc lors de la transaction commerciale que la variation des

langues se manifeste le plus fréquemment. On peut faire l'hypothèse d'une

répartition fonctionnelle des deux langues; le français servirait à exprimer le

prix : est-ce aux fins d'écarter les ambigttités possibles liées aux systèmes

de mesure des différents pays arabophones? Par contre, dès que l'échange

s'éloigne des simples relations d'achat, le pourcentage d'arabe augmente, comme

si le recours possible à une autre langue permettait, du même coup,

d'élargir les thèmes et l'intimité de l'entretien.

8.4. Analyse des interactions en fonction de l'origine du client et de celle

du vendeur

On peut s'intéresser à l'usage des divers groupes de clients dans

leurs interactions. Les clients juifs, d'une manière générale, emploient

davantage l'arabe que les vendeurs auxquels ils font face, ce que nous

supposions déjà d'après les réponses des clients juifs aux questionnaires. De

plus, nous avons relevé une différence de comportement entre les hommes et

les femmes; sur l'ensemble de leurs prises de parole, on constate un

pourcentage d'utilisation de l'arabe supérieur chez les femmes, les hommes recourant

plutôt au français. Le comportement des vendeurs reflète celui des clients

juifs car ils utilisent les mêmes langues dans les mêmes proportions; seules

les femmes pratiquent l'alternance des deux langues dans chaque domaine et
- 54 -

les vendeurs en font autant face à elles. Puisque les vendeurs n'utilisent

pas les deux langues face aux clients juifs masculins, l'initiative de

l'alternance viendrait-elle des clientes ?

Les clients maghrébins , dans leurs échanges avec les vendeurs

égyptiens, se limitent aux transactions commerciales, avec ou sans annonce du

prix; les vendeurs utilisent surtout l'arabe dans cette transaction, mais les

clients n'interviennent pas toujours dans cette langue. Vis à vis d'un

vendeur égyptien, certains clients introduisent l'usage du français : est-ce en

raison de difficultés de compréhension ? Par contre, entre clients et

vendeurs maghrébins, les échanges couvrent davantage de sujets et peuvent ne pas

comporter de transaction. Les vendeurs maghrébins emploient peu l'arabe, ce

sont leurs clients qui en ont l'initiative face à eux. D'après les

questionnaires "vendeur", la moitié des vendeurs arabophones utiliserait

systématiquement le français face à un client inconnu :

-"Français d'abord, automatique, après je vois"(vendeur juif tunisien)


-"En premier toujours en français, normalement on est en France, il
(le client) parle français" (vendeur kabyle)
-"Tout le temps en français en premier. Si on lui dit quelque chose
en arabe, même une gentillesse, il croit qu'on l'a insulté"
(vendeur algérien)

Pourtant, d'après les relevés d'interactions, les clients maghrébins

semblent mener l'entretien plutôt en arabe. Peut-on supposer une prudence de

la part du vendeur, méfiant envers les réactions éventuelles de

l'interlocuteur ? Sans doute les vendeurs maghrébins, face à leurs compatriotes, se

sentent quelque peu mal à l'aise. Qu'ils utilisent l'une ou l'autre langue, ils

s'attirent toujours des réflexions. Evoquant un échange en français avec un

client arabophone :

-"Des fois, je me fais remettre en place : "Parle arabe". Moi. je


m'en fous, l'argent n'a pas d'odeur" (vendeur juif tunisien;
-"Si c'est un Arabe qui parle en arabe et on lui répond en français,
il est gêné, il paie, il s'en va" (vendeur juif algérien)
- 55 -

Donc, d'après les vendeurs, l'abord viendrait d'eux et se produirait


en français, mais la suite de l'échange dépendrait plutôt du client :

-"Si le client change en premier car il ne peut pas suivre en


français, je suis obligé de suivre... On est obligé de suivre en arabe
pour la vente, çà les met à l'aise, çà facilite la vente"
(vendeur juif algérien)
-"S'il ne répond pas en français, alors je parle en arabe"
(vendeur kabyle)
-"En arabe, ils se sentent chez eux, j'en ai rien à foutre si çà
leur fait plaisir" (vendeur juif tunisien)

Questionnaires et fiches d'interactions apportent donc des

informations complémentaires sur les changements de langue. Des points restent tout

de même obscurs : que dire du comportement contradictoire des vendeurs

égyptiens qui pratiquent la criée en français et parlent arabe dans les

transactions commerciales ? De même, des vendeurs maghrébins qui crient plutôt en

arabe mais alternent majoritairement les deux langues lors de la vente ? Avec

les premiers, certains clients maghrébins passent au français, mais avec les

seconds, qui hésitent à leur parler en arabe, ils y recourent volontiers de

leur propre initiative. Tous ces comportements sont bien contrastés.

Une situation si complexe, incluant tant de variables, gagnera à être

observée selon des techniques plus fines et à une plus grande échelle.

Ce marché, lieu riche d'interactions, est le point de convergence

d'une multiplicité d'identités, tant culturelles qu'individuelles.

Appréhender la pratique linguistique, qui n'en est qu'un des aspects, devrait

permettre d'accéder à une compréhension plus large des phénomènes de contacts

socio-culturels. Sn effet, les usages linguistiques nous semblent

indissociables des faits démographiques, sociaux, historiques et culturels qui les

sous-tendent et participent d'une même réalité.


- 56 -

Cette première étape nous a permis de "dégrossir" le terrain, les

interrogations demeurent. La pluralité des comportements, la diversité des

facteurs intervenant restent à explorer au sein même des interactions .

Si, en effet, les réponses des clients et vendeurs interrogés sur

leur comportement linguistique dans les interactions familiales aussi bien

que commerciales, ne reflètent la réalité qu'au travers de jugements

normatifs ou a-prioristes, et d'une réduction de la pluralité des actes et des

circonstances auxquels elles réfèrent, ces réponses nous indiquent cependant

un cadre possible des futures recherches sur ce terrain : le rapport de

l'individu aux langues qu'il utilise est-il fonction d'un équilibre à maintenir

ou à établir, ou d'un déséquilibre à instaurer ou à réduire entre les

participants de l'interaction ?

Nous espérons avoir suggéré combien le lieu même du marché de Bell .--i-~

ville est propice à l'affrontement tant linguistique que social, et comment

la langue fonctionne, parfois pour unifier et concilier des contraires,

parfois pour désunir et souligner des tensions et des antagonismes.

ïrlarie-Hélène DIUVAUD
Caroline PEïîETZ-JUILIiARD
OEE de Linguistique Générale et Appliquée
Université René Descartes - Paris.

NOTES

1 . Dans le cadre du certificat de sociolinguistique, Caroline Peretz,

assistante à I 'UEît de Linguistique Générale et Appliquée, a assuré la direction

d'une recherche collective menée sur deux années successives, de 19B1 à 1903.

En '**)*.*. -82 , l 'équipe a regroupé : oaïd Allab, bilingue arabe-berbère, Jou Ky-

ongbok, Coréen, Mathias î.larschail, germanophone, Jean-Pierre I.Ierlot et Jorlle


- 57 -

Yacono, hébraophone ; la seconde année : deux arabophones, Nadjiba Kébir et


Mokhtar Eakik, ainsi que Marie-Hélène Drivaud, Frédérique Giraudet, Chantai

Gösset et Albertine Guédou, Béninoise.

2. Cette méthode nous a été suggérée par le texte de Marien E. van den Berg,

(198O); elle-même s'inspire du travail de R. Cooper et S. Carpenter (1976).

3. Cette recherche fera l'objet du travail de thèse qu'entreprend M.H.Drivaud

sous la direction de Louis-Jean Calvet.

4« Une investigation parallèle menée par J.Kyongbok, auprès de 12 clients

cambodgiens et vietnamiens du quartier, indique qu'ils utilisent le français

ou des gestes sur le marché; ils reconnaissent l'importance du groupe

arabophone à Belleville, au point que deux d'entre eux envisagent d'apprendre

l'arabe.

5. Les données ne concernent désormais que les 82 personnes originaires du

Maghreb .

6. Tous les chiffres énoncés par la suite représentent un nombre de réponses

par question posée. Ce nombre peut varier d'une question à l'autre, car les

questionnaires n'ont pas toujours été totalement remplis.

7. Des clients français ont également remarqué le peu d'égards des vendeurs

envers les femmes maghrébines :

-"Certaines femmes sont là, touchent, les vendeurs les envoient


promener. Çà dépend si c'est une femme française ou une femme arabe.
Si elle est arabe, ils l'envoient sur les roses. Avec les
Françaises, ils font plus attention, ils connaissent leur métier"
(client français, 68 ans)

BIBLIOGRAPHIE DE REFERENCE

I. Changements de langues

- BLOM J.P. et GUMPERZ J. "Social meaning in linguistic structures : Code-

sv/itching in Norway", in Directions in Sociolinguistics, Gumperz et Hymes(eds)

New-York, Holt Rinehart et Winston, 1972, p 407-434.


- 58

- DOUGLAS -COW IE E. "Linguistic code-switching in a Northern Irish village :

social interaction and social ambition", in Sociolinguistic Patterns in

British English, Trudgill P. (ed), Londres, Arnold, 1978, p 37-51.


- ENCREVE P. Problèmes de bilinguisme dialectal (parler de Foussais en

Vendée), thèse de 3° cycle, Paris, 1967, 221 p.

- FISHMAN J. "Language maintenance and language shift as a field of inquiry",

in Linguistics, 9, 1964, p 32-70.


- GAL S. "Variation and change in patterns of speaking : Language shift in

Austria", in Linguistic Variation : Models and Methods, D.Sankoff (ed), New-

York, Academic Press, 1978, p 227-238.


"Peasant men can't get wives : Language change and sex roles in a

bilingual community", in Language in Society, vol. 7, n° 1, 1978, p 1-16.

Language Shift, Social Determinants of Linguistic Change in

Bilingual Austria, New-York, Academic Press, 1979, 201 p.

- LABOV W. "The social motivations of a sound change", in Word, n°19, 1963,

p 273-309.

-. MANESSY G. et WALD P. Plurilinguisme : normes, situations et stratégies,

Paris, l'Harmattan, 1979, 285 p.


- TABOURET-KELLER A. et LUCKEL F. "La dynamique sociale du changement

linguistique. Quelques aspects de la situation rurale en Alsace", in

International Journal of the Sociology of Language, n°29, 1981, p 51-70.

II. Etudes linguistiques sur les marchés


- AFENDRAS E.A. "Ivlultilingual communication in the market place : a

comparison of Malaysia and Singapore", in Sprachkontakt und Sprachkonflikt, Peter

Hans Neide Ed., Y/iesbaden, Franz Steiner, 19G0, p 307-3 H*.


- CALV2T L.J. "Troc, marché et échange linguistique", Langage et Société,

n°27, Imrs \ ;<84 , p 55-01.


- 59 -

- COOPER B.L. et CARPENTER S. "Language in the market", Language in

Ethiopia, M.L.Bender, J.D.Bowen, R.L. Cooper, C.A.Ferguson Ed, Londres, Oxford

University Press, 1976, 572 p, p 244-256.

- KERLEROUX P. "Le marché, une routine commerciale transformée par le jeu",

Langage et Société, n°15, Mars 1981, p 37-71.

- LINDENFELD J. "Etude des pratiques discursives sur les marchés urbains",

Modèles linguistiques, Tome IV, fasc.1, 1982, p 185-212.

- MABSHATJ. M., MERLOT J.P., PERETZ C, YACONO J. "Pratique linguistique sur

le marché de Belleville à Paris" Sociolinguistique du Maghreb, Paris,

Université René Descartes, Journées d'études n°9, 1983, p 107-115.

- VAN DEN BERG M.E. "Language in the market : five markets in Taipei City",

China Continuity and Change, Papers of the XXVII Congress of Chinese

Studies (31.8/5.9.1980), Zurich, 1982, p 313-331.

S-ar putea să vă placă și