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Dossier ❘ RESTAURATION COMMERCIALE ET ASIATIQUE
RESTAURATION COMMERCIALE
L’ardoise est salée
Le premier confinement remonte à près d’un an. Avec déjà huit mois de fermeture de la restauration,
c’est la descente aux enfers pour les établissements. Onde de choc : beaucoup de leurs fournisseurs
ont subi une chute drastique de leurs ventes et sont eux aussi en grandes difficultés. La vente à
emporter et les aides suffiront-elles à survivre à cette crise ?
77 millions
de repas non servis
50 55 à %
Au terme de cette année maudite cumu-
lant six mois de fermeture de la restaura-
tion commerciale, « la perte de chiffre
d’affaires globale, par rapport à 2019,
devrait se situer entre - 50 et - 55 % »,
estime Bernard Boutboul, président du
cabinet d’études Gira, précisant que 89 %
ler les ventes de 74 % et le second confi- prédit un fournisseur… « C’est une énorme de perte de des points de vente sont des TPE, à la tré-
chiffre d’affaires
nement, de 90 %. Les restaurants fermés angoisse pour les professionnels, souligne sorerie très fragile. Les défaillances d’en-
en restauration
depuis le 30 octobre n’ont pas rouvert Didier Chenet, président du Groupement commerciale et treprises « vont arriver quand il va falloir
pour les fêtes de fin d’année, si cruciales. national des indépendants (GNI). On ne hôtelière, soit une payer des charges, des loyers », alerte
« Un nouveau coup de massue, s’alarme voit pas de perspectives : certains sont en perte sèche de Didier Chenet. Selon un sondage du GNI en
l’Association nationale des industries ali- train de craquer, à la limite du désespoir. » novembre auprès de ses adhérents, « 66 %
mentaires (Ania). Toute une filière liée à la
consommation hors domicile (CHD) conti-
L’Umih, principal syndicat des métiers de
l’hôtellerie-restauration, a contesté le
30 Mds €
(Source : Gira Foodservice)
se disent très inquiets pour la reprise » et
30 % envisagent de « déposer le bilan
nue sa descente aux enfers depuis le pre- décret de fermeture mais son recours a été ou de raccrocher ». Plus sombre encore,
mier confinement en mars. Combien rejeté par le Conseil d’État. deux établissements sur trois pourraient
disparaître, selon une enquête réalisée
auprès de plus de 6 600 entreprises fran-
La crise booste le click & collect et la livraison çaises de l’hôtellerie-restauration.
Par ricochet, « les fournisseurs PME, vic-
L. F.
L. F.
taires françaises ont eu une activité divi- semblant d’activité, mais ils se sont vidés. Prévisions 2021 était un débouché important. Les stocks
sée par deux en 2020 et la moitié diffère
ou annule ses projets de recrutement. Une
enquête de la Feef avec CHD Expert auprès
Idem chez Metro : pas de fermeture des
98 sites malgré la chute des ventes, mais
un lourd impact. Au Min de Rungis, où les
30 66 à %
chez les aquaculteurs mettent la pression
sur les prix, même si les GMS ont accru
leurs commandes.
des entreprises
de 550 PME fournissant la RHD montre restaurants représentent 13 % des clients, de l’hôtellerie- Sans une mobilisation forte des pouvoirs
qu’elles « sont fragilisées par une baisse au moins 200 grossistes sur 1 200 seraient restauration publics, « la France perdra une partie de sa
moyenne de 45 % de leur chiffre d’affaires en difficulté économique, et le pavillon des envisagent un filière alimentaire et gastronomique avec de
sur l’année ». Et leur production a chuté produits de la mer est le plus touché : la dépôt de bilan. très lourdes conséquences sur l’emploi »,
de 35 %. Avec « une trésorerie fortement restauration y pèse 50 % du volume d’af- (Sources : GNI ; GNC-CNI- prévient l’Ania, réclamant un soutien
Umih-SNRTC)
dégradée », l’impact se ressentira dans les faires. La première vague a été la plus préju- accru (voir page 60). Jean Castex veut
investissements, l’innovation, l’emploi.
Quelques exemples illustrant ces diffi-
diciable et le second confinement a engen-
dré une baisse d’activité d’environ 50 %.
20 40 à %
faire de 2021 « l’année de la gastronomie
française ». Elle est déjà mal engagée. Le
cultés. Pomona, qui fournit 50 000 res- Les ventes d’huîtres s’en ressentent et de baisse d’activité cabinet Gira prédit un bel afflux dans les
prévue par rapport
taurants en France, a perdu 70 % d’acti- le stock reste grossir dans les parcs. Les restaurants à la réouverture tant la popula-
à une année
vité au premier confinement puis 40 % au importations de moules ont chuté (- 33 % tion l’attend avec impatience… mais avec
normale.
second. Aucun des 90 entrepôts n’a fermé, au 1er semestre). La demande est aussi très (Source : Gira)
hélas moins d’établissements pour en pro-
pour approvisionner les clients gardant un limitée sur le bar, pour lequel la restauration fiter. n
Aides : le casse-tête,
des restaurants aux fournisseurs
Les fournisseurs de
l’alimentaire les plus
dépendants de la
restauration ont réussi à
bénéficier des mêmes
aides que les restaurateurs.
Un soutien prolongé avec Les aides publiques
la fermeture. Mais pas si fluctuent régulièrement.
Mi-janvier, l’État accordait
simple de rentrer dans aux restaurateurs réalisant
les clous. Ils réclament de la vente à emporter ou
un assouplissement des des livraisons de ne plus
prendre en compte ces
critères et de nouvelles revenus dans le calcul de
L. F.
mesures. leurs aides.
-45 %
de chiffre d’affaires
et
RHD, arrivent malheureusement très tard,
constate l’Ania. Et ne seront pas suffisantes
pour pérenniser cette filière. »
En décembre, la Feef demandait de rem-
placer le double critère actuel pour bénéfi-
cier des aides d’État par « un critère unique
de perte de 50 % de chiffre d’affaires
d’accéder aux aides, et encore moins pour
leurs fournisseurs. Les plus dépendants,
prises n’atteignent pas forcément ce taux,
car elles se sont démenées pour trouver -35 %
pour l’activité RHD des entreprises
fournisseurs ». Et l’Ania appelait d’urgence
ceux réalisant d’habitude au moins 50 % d’autres débouchés. Et même en étant de production à « un dispositif lisible », répondant concrè-
de leur chiffre d’affaires avec la restaura- éligible, les aides annoncées « tardent à en 2020. tement aux demandes spécifiques des
(Source : Feef - CHD Expert)
tion, ont heureusement été ajoutés à la être versées », déplore un consortium des fournisseurs de la CHD : « Les entreprises
liste « S1bis » des acteurs éligibles à ces douze plus grands acteurs alimentaires demandent d’une part des aides pour la
aides, par un décret de novembre rétroac- bretons. Les mesures, « indispensables valorisation des stocks des invendus via
tif sur octobre. pour maintenir à flot les fournisseurs de la un crédit d’impôt et une défiscalisation
des dons alimentaires, et d’autre part un
plan de relance spécifique afin de rendre
Le Crabe Marteau et La Maison plus fortes à l’avenir ces entreprises essen-
de l’Océan, à Brest, proposaient tielles au tissu économique régional. »
notamment des plateaux de fruits Pour les dons alimentaires, il faut « une
de mer à emporter pour les fêtes. exonération fiscale exceptionnelle de
100 % », au lieu de 60 % actuellement,
et « pour une durée d’un an », détaille
l’organisation Adepale (désormais adhé-
rente de la Feef, lire PDM n° 204). Ainsi
qu’une hausse du plafond, en passant de
5 à 15 pour 1 000 en proportion du chiffre
d’affaires annuel concerné. D’autant
que quantité de produits, préparés pour
les besoins de la RHD, sont disponibles.
« Cette mesure permettra de défiscaliser le
coût des matières premières utilisées dans
L. F.
L
La société compte aussi renforcer son çant Alain Bailly. Venu « du secteur food
activité transformation à Boulogne-sur-Mer, et feed » (pâtes à tartes réfrigérées Cérélia,
es Comptoirs Océaniques, connus
pour leur marque Fish is Life, 100 M€
pour proposer des tatakis en divers formats,
« à façon, pour accompagner les besoins
alimentation animale), et auparavant, de
l’industrie et des services de l’environne-
sortent au premier trimestre 2021 Le chiffre d’affaires du marché. » Tataki de thon, saumon, et, ment. Marc de Menibus entend amener les
une gamme de poissons baptisée 2019. moins demandés, de poissons blancs et Comptoirs Océaniques à « franchir un palier
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Ezee, à destination des restaurateurs, en exotiques, qui valorisent les prises acces- de croissance ». La fusion, en janvier, des
direct ou via des grossistes. On y trouvera personnes soires des pêches palangrières, comme le Comptoirs Océaniques et de Cap Cavally
du saumon en UBT (ultra basse tempéra- thazard, encore rare sur les cartes. « Les (lire PDM n° 204), va dans ce sens. « Nous
ture), espèce proposée jusqu’ici en frais.
« Notre réseau international de sourcing
10 300 t
possibilités sont larges. » L’entreprise conti-
nue aussi d’accroître la part des produits
restons fidèles aux spécificités d’origine de
l’entreprise, très ancrée sur l’ultra fraîcheur
Le volume 2019.
nous permet d’enrichir notre gamme avec certifiés ASC et MSC. et la cryogénisation des poissons en moins
Dans l’offre dédiée à la restauration asia- de 24 heures, avec la maîtrise de la logis-
tique, « on peut proposer en UBT presque tique, de la pêche à la livraison au client.
tous les poissons de la carte, à des prix Et une qualité reconnue, avec des produits
stables ». Outre les poissons, crevettes, sans additif. »
algues, céphalopodes, etc., les Comptoirs De fait, la société a « assez bien résisté »
renforcent leur gamme pour la restauration dans la crise actuelle. « Nous avons la
asiatique avec tous les produits d’accompa- chance d’avoir une clientèle assez diversi-
gnement et d’épicerie suite à « un partenariat fiée, sur tous les segments de marché. »
fort » noué en juillet avec Wismettac Asian Et des kiosques et chaînes de sushis qui
DR
Foods, leader mondial de la gastronomie ont même augmenté leur activité avec la
La gamme pour la restauration asiatique s’enrichie de produits japonaise. Ainsi que les produits prêts à l’em- vente à emporter, compensant la ferme-
d’épicerie japonaise : riz, sauces, masago, wasabi, etc. ploi surgelés, haut de gamme : rolls, maki, ture totale d’autres restaurants. n