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1 Révolution
génomique et chimie
encart « Dans la famille des
“omes” »). La tâche est ardue
et immense puisqu’en raison
La récente révolution géno- de différents mécanismes
mique avait deux objectifs cellulaires, il existe au moins
principaux. Le premier était dix fois plus de protéines que Figure 1
le séquençage complet de de gènes (voir le chapitre
l’ADN du génome humain Notre ADN, porté par l’ensemble
de C. Giovannangeli, para- de nos quelque 25 000 gènes.
distribué dans nos 23 paires graphe 1.2), et l’on n’est qu’au Quelles fonctions ces gènes
de chromosomes et porteur début de l’aventure… commandent-ils ?
de l’ensemble de notre infor-
mation génétique. L’essentiel
de ce travail a été achevé en
2003 et a permis d’identifier
les quelque 25 000 gènes de
notre génome (Figure 1, pour
en savoir plus, voir le chapitre
de C. Giovannangeli).
Mais la caractérisation d’un
gène ne donne aucune indi-
cation sur la fonction de la (ou
des) protéine(s) qu’il génère.
Or, les protéines consti-
tuent les véritables chevilles
ouvrières de l’organisme en
remplissant des fonctions
très diverses indispensables à
la structuration et à la vie des
cellules. Un second objectif est
donc l’identification de la fonc-
tion et du profil d’expression
de toutes les protéines codées
par ces gènes (le protéome,
voir le chapitre de D. Mansuy,
La chimie et la santé
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La chimie thérapeutique : de la biologie chimique à la découverte de nouveaux médicaments
cellules isolées, la plupart
La biologie chimique étaient réalisés in vivo chez
est un domaine de l’animal, sur des modèles
recherche qui a censés mimer des patholo-
l’objectif ambitieux gies humaines. Cela prenait
de disséquer les beaucoup de temps, limitait le
processus biologiques nombre de molécules testées
dans les cellules et les et nécessitait d’en synthétiser
organismes. des quantités appréciables.
Néanmoins, de grands médi-
caments ont été découverts
C’est aussi le rôle de la tradi-
par cette approche, et sont
tionnelle chimie thérapeu-
encore largement utilisés
tique que de produire des
aujourd’hui.
candidats médicaments agis-
sant sur des cibles protéiques.
En ce sens, la chimie théra- Dans la version moderne de
peutique peut être considérée la génétique chimique directe,
comme un sous-ensemble on procède en trois étapes
de la biologie chimique (Figure 3, à gauche) :
puisque, dans les deux cas, on 1) Tests fonctionnels
recherche des ligands sélec- (criblage) : un grand nombre
tifs de protéines et que l’on de molécules sont testées in
utilise pour cela des appro- vitro sur des cellules, ou, plus
ches identiques ou voisines. rarement sur de petits orga-
Mais nous verrons par la suite nismes entiers (drosophile,
que les candidats médica- nématode C. elegans, poisson
ments doivent satisfaire à plus zèbre).
de conditions que les petites 2) On sélectionne celles qui
molécules-sondes qui ont produisent la réponse fonc-
pour seul but de disséquer les tionnelle recherchée, et, si
mécanismes biologiques. nécessaire, on met en œuvre
un programme chimique pour
transformer et optimiser
2 Les approches de la
biologie chimique et
de la chimie thérapeutique
les meilleures molécules
(« leads »).
3) Il reste ensuite à iden-
tifier la (les) protéine(s)
2.1. La génétique chimique responsable(s) de ces effets.
directe Si un dysfonctionnement
de cette protéine peut être
Une première approche
associé à une maladie, elle
appelée génétique chimique
devient une cible thérapeu-
directe (« forward chemical
tique.
genetics ») correspond en
fait au criblage fonctionnel Pour mettre en œuvre cette
(« screening phénotypique ») approche, il faut disposer de
qui a été abondamment quatre technologies.
pratiqué dans le passé pour 1) En premier lieu, une
la recherche de nouveaux « librairie chimique » ou
médicaments. Si quel- « chimiothèque » conte-
ques-uns de ces criblages nant un grand nombre de
anciens se pratiquaient sur molécules à tester. Les 63
La chimie et la santé
Figure 8
Le Mylotarg®, médicament bifonctionnel, est constitué d’un anticorps anti-CD33 (en rouge), lié par un
bras, appelé « espaceur » à un dérivé de la calichéamicine (en violet). La calichéamicine est produite par
fermentation d’un microorganisme, le Micromonospora echinospora.
Figure 9
L’idrabiotaparinux® est une molécule bifonctionnelle constituée d’une biotine couplée à l’idraparinux. La
partie idraparinux se lie fortement à sa cible thérapeutique, l’antithrombine III (ATIII), dont elle va catalyser
la fonction naturelle d’anticoagulant en stimulant sa fixation neutralisante sur le facteur de coagulation Xa.
En cas d’hémorragie, on peut forcer l’élimination du médicament en injectant de l’avidine qui va se lier
fortement à la biotine et permettre l’élimination rapide du complexe par les voies naturelles.
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La chimie thérapeutique : de la biologie chimique à la découverte de nouveaux médicaments
qu’une petite molécule, le un maximum de protéines
SSR128129, était capable humaines afin d’aider, à
d’antagoniser les effets des côté d’autres approches, à
FGF en empêchant compé- comprendre leur fonction.
titivement leur liaison sur la La chimie thérapeutique a
partie extracellulaire de leur quant à elle pour mission de
récepteur. Ce produit présen- découvrir des médicaments
tait, comme attendu, de puis- dont la plupart sont aussi des
sants effets antiangiogènes petites molécules se liant à
et antitumoraux dans divers des protéines. Mais on ne s’in-
modèles in vitro et in vivo chez téresse ici qu’aux protéines
l’animal. potentiellement impliquées
Il a été ensuite imaginé qu’en dans des maladies, ce qui
dimérisant cette molécule ou représente un nombre très
des analogues proches (M) limité par rapport à toutes
à l’aide d’un espaceur stable celles du protéome. Selon
de longueur appropriée (M- les estimations, il n’y aurait
L-M), on pourrait provoquer qu’un nombre limité de cibles
le rapprochement, la dimé- thérapeutiques (de quelques
risation et l’activation des centaines à moins de 2 000),
récepteurs à l’instar des FGF dont environ 300 auraient été
naturels. exploitées par les médica-
Ce concept a été vérifié ments existants. Par ailleurs,
puisqu’une telle molécule, la fonction de ces protéines
le SAR106881®, est entrée est en général assez bien
récemment en développement connue lorsqu’elles sont choi-
préclinique après avoir montré sies comme cibles thérapeu-
qu’elle stimulait effectivement tiques.
l’angiogenèse dans divers Une autre différence notable
modèles laissant espérer un est que les exigences de
intérêt thérapeutique pour sélectivité d’une molécule
revasculariser des terri- pour sa cible sont généra-
toires ischémiés (infarctus du lement moindres en chimie
myocarde, artérite…). thérapeutique. Le médecin et
le patient sont plus concernés
par le rapport bénéfice/risque
que par la sélectivité, et beau-
4 La biologie
chimique et la
chimie thérapeutique :
coup de médicaments doivent
en fait leur intérêt à leurs
effets simultanés sur des
des finalités et des cibles multiples. La « poly-
contraintes différentes pharmacologie » n’est pas
Bien qu’en utilisant des tech- systématiquement liée à des
niques et des approches très effets indésirables.
voisines, la biologie chimique Par ailleurs, un médica-
et la chimie thérapeutique ment doit satisfaire à toute
ont des finalités différentes. une série de contraintes
Comme cela a déjà été auxquelles peuvent échapper
souligné, la biologie chimique les molécules produites dans
a pour objectif de produire une seule perspective biologie
des petites molécules très chimique. Dès le début
affines et très sélectives pour d’un projet de recherche, 71
La chimie et la santé
Figure 10
De la molécule au médicament : un ensemble de paramètres à optimiser.
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La chimie et la santé
Figure 11
De la cible thérapeutique au médicament : un long parcours.
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La chimie et la santé
Crédits
photographiques
– Fig. 2 et 3 : Protéine : CNRS pour le diagnostic – Mont-
Photothèque/Mussacchio pellier.
A., UPS 2682 – Molécules
– Fig. 11 : « Synthèse paral-
et cibles thérapeutiques
lèle » : CNRS Photothèque/
– Roscoff Cedex.
Schmitt Sophie, UPS 2682
– Fig. 3 et 4 : Chimiothèque : – Molécules et cibles théra-
CNRS Photothèque/Robin peutiques – Roscoff Cedex ;
Laurent, UMR 6005 – Institut « Galénique » : CNRS Pho
de Chimie Organique et tothèque/Sagascience/
Analytique (ICOA) – Orléans. Caillaud François, UMR 8612
– Fig. 6 : CNRS Photothèque/ – Physico-Chimie, Pharma-
Perrin Emmanuel, UMR 3145 cotechnie, Biopharmacie
– Modélisation et ingénierie – Châtenay-Malabry.
des systèmes complexes