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Résumés
L’article consiste en une réflexion sur le positionnement énonciatif de l’instance médiatique
et ses incidences éthiques. Après une problématisation articulant l’analyse des discours,
l’auteur propose une réflexion à propos de ce que pourrait être une éthique des médias et de
la recherche sur les médias.
This article offers an insightful reflection on the enunciative positioning of media discourse
and its ethical implications. In problematizing further the question of media discourse, the
author proposes what could be an ethics for the media and media research.
Entrées d’index
Mots-clés :
Keywords :
Plan
Société et domaines d’activité
Le dispositif communicationnel et les contraintes discursives dans l’espace public
Le dispositif et le contrat médiatique
Les contraintes discursives de l’énonciation journalistique
Les contraintes du récit
Les contraintes de l’explication
Les contraintes du débat public
Dérives et désinformation de la machine médiatique
Les responsabilités de la machine médiatique
Les responsabilités du discours journalistique
Une éthique des médias est-elle possible ?
Qu’est-ce que l’éthique ?
Les combinaisons Conviction/Responsabilité
Les médias et l’éthique
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Texte intégral
1
Pour pouvoir répondre à une telle question, il convient d’examiner quelles sont les
conditions de réalisation de ce discours, quelle place il occupe dans les pratiques sociales,
quelles sont ses contraintes et quelles sont ses possibles stratégies de mise en scène.
2
Seront donc envisagés ici, et successivement, les domaines d’activité qui structurent la
société, le dispositif et les contraintes propres au discours médiatique d’information, enfin,
les dérives auxquelles il se livre, engageant ainsi sa responsabilité. C’est alors que pourra être
posée la question de l’éthique au regard de ce que sont les caractéristiques de ce type de
discours.
Figure 1
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une instance de production qui représente toujours une entité collective, même quand
elle se trouve configurée par une personne en particulier : une entité politique derrière
tel homme ou telle femme politique ; une entité commerciale derrière telle affiche
publicitaire ; une entité éducative derrière tel professeur, etc. Cette instance de
production est légitimée par une norme sociale qui dit son droit, ici à vanter un
produit (pour faire acheter), là à vanter un projet politique (pour faire voter), là encore
à transmettre du savoir (pour instruire). Elle agit de façon volontaire, ce qui l’oblige à
faire preuve de crédibilité ;
une instance de réception qui représente, sous des configurations diverses, un public,
non homogène, composite et non captif à priori. C’est pourquoi l’instance de
production doit construire ce public en destinataire cible, plus ou moins segmenté, qui
est présenté comme bénéficiaire d’un bien futur s’il se laisse persuader, séduire ou
instruire. D’une façon ou d’une autre, l’instance cible est placée en position de devoir
croire qu’elle peut être l’agent d’une quête qui lui sera bénéfique.
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De ces caractéristiques communes, il s’ensuit un certain nombre de contraintes discursives,
elles aussi communes aux dispositifs qui se trouvent sur la scène publique, dont la principale
est la contrainte de simplicité. Car s’adresser à un public, c’est s’adresser à un ensemble
d’individus hétérogènes et disparates du point de vue de leur niveau d’instruction, de leur
possibilité de s’informer, de leur capacité à raisonner et de leur expérience de la vie
collective. L’instance de production doit donc chercher quel peut être le plus grand
dénominateur commun des idées du groupe auquel il s’adresse, tout en s’interrogeant sur la
façon de les présenter : il lui faut simplifier. Simplifier la langue en usant d’une syntaxe et
d’un vocabulaire simples ; simplifier le raisonnement, ce qui conduit l’orateur à abandonner
la rigueur de la raison au profit de sa force de persuasion ; simplifier les idées en mettant en
exergue des valeurs qui puissent être partagées et surtout comprises par le plus grand nombre.
Évidemment, simplifier n’est pas toujours aisé et comporte surtout un risque, celui de réduire
la complexité d’une pensée à sa plus simple expression, et donc à son dévoiement.
[…] chaque année en France, se commettent grosso modo dix millions d’infractions. La
moitié d’entre elles (5 400 000) sont transmises aux parquets. De cette masse, seuls quelques
faits divers symboliques sont portés à la connaissance du public. Certains sont montés en
épingle, scénarisés, dramatisés, souvent sans aucune précaution. On l’a vu par exemple, à
l’occasion de l’affaire d’Outreau9. On surévalue certains dossiers sans craindre d’alimenter la
peur10.
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Effet déformant de la machine médiatique qui prédispose l’opinion à demander sans
discernement des sanctions draconiennes.
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Les sources. Pour ce qui concerne les sources de l’information, la question est difficile à
traiter, car il existe pour le journaliste et l’organe d’information un droit à protéger ses
sources. Le monde des médias tient à défendre ce droit et on le comprend, car celui-ci assure
à l’information une certaine efficacité.
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Cependant, on peut se demander s’il n’y a pas une certaine contradiction si on regarde les
choses du côté de ce que serait une information fiable. Car si d’un côté le fait de ne pas
révéler ses sources permet d’obtenir des informations qui ne seraient pas obtenues dans le cas
contraire, d’un autre côté, une information, pour être crédible, doit citer ses sources en gage
d’authenticité. Que dirait-on d’un rapport scientifique ou médical sur un cas d’épidémie si les
sources d’information n’étaient pas citées ? D’autre part, on peut penser que si obligation
était faite aux organes d’information de citer leurs sources, il est probable qu’il y aurait moins
de fuites, de fausses rumeurs, voire de lynchages médiatiques.
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Mais il faut ajouter que la question des sources se retrouve dans la façon dont les
événements sont portés à la connaissance du public. Deux exemples particulièrement
significatifs. Lors de notre travail d’analyse sur les événements du conflit en ex-Yougoslavie
entre la Serbie et la Bosnie (Charaudeau et al., 2001), on a mis en évidence la différence
d’utilisation des sources d’images par TF1 et Antenne 2 : TF1 avait davantage recours aux
images diffusées par la télévision serbe qu’Antenne 2. Cela n’était pas indiqué sur l’écran, et
pourtant cela est important en termes de crédibilité de l’information.
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Un autre exemple est donné par la presse : dans un article du journal Le Monde datant du 7-
8 mai 2006, on apprend que « recevant, vendredi 5 mai, Nicolas Sarkozy, il (Jacques Chirac)
a évoqué avec lui les développements de l’affaire judiciaire, mais aussi le sort de Dominique
de Villepin à Matignon ». On peut se demander par quelle source le journaliste a obtenu cette
information, ce qui lui permet de dire « a évoqué » et « le sort », termes subjectifs dont on ne
sait s’ils ont été employés tels quels. Mais la perplexité grandit lorsque l’on lit les titres et
sous-titres qui annoncent l’article : « Chirac oblige Sarkozy à envisager Matignon »,
et : « Crise. Le président et le ministre ont parlé de la situation de Villepin ». Problème de
citation de la source et de sa présentation.
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Les sondages. Les médias usent et abusent des sondages, et pas seulement à propos
d’information politique. Chaque fois qu’est lancé un débat de société, que ce soit à propos de
l’environnement, des transports, de la santé, d’affaires judiciaires, etc., c’est à partir des
résultats de sondages, quand ceux-ci ne sont pas réalisés en direct au moment même du débat.
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On sait que les sondages posent bien des problèmes pour leur confection et dans leur
utilisation : pertinence du panel des sondés, type de questions ouvertes ou fermées qui
orientent plus ou moins les réponses, mode de présentation. Tous les sondages n’ont pas la
même signification et ne peuvent être interprétés de la même façon. Ils varient selon la nature
du problème soumis à enquête et le type de questions. On ne peut interpréter de la même
façon une question demandant une intention d’agir (« Pour qui allez-vous voter ? »), une
appréciation (« Êtes-vous satisfait de la politique du gouvernement ? »), ou un pronostic
(« Qui, d’après vous, va gagner les élections ? »). Quant à la nature du problème, il induit des
réactions différentes selon sa teneur morale, le degré de préoccupation sociale ou l’urgence
de la solution à apporter. Si l’on demande : « Voulez-vous sauver la planète ? », il est évident
que la réponse sera « Oui » sans que celle-ci engage une exigence de comportement
particulier. Si l’on demande si l’on est pour ou contre les tests ADN pour contrôler
l’immigration, les réponses seront partagées. Selon la teneur morale, mais aussi selon la
teneur émotionnelle, à la question de savoir si les Français sont pour ou contre les tests ADN
pour les immigrés demandant le regroupement familial, 57 % des sondés répondent
favorablement, la même proportion que ceux qui dans les années 1980 étaient contre
l’abolition de la peine de mort.
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Enfin, on fera remarquer que les réponses à un sondage ne valent pas nécessairement pour
ce que pensent (ou pensent faire) les gens, les mêmes personnes pouvant déclarer qu’elles
sont pour réduire la circulation des voitures en ville tout en ne concevant pas de se séparer de
leur véhicule. On sait que plus une question a une teneur morale, plus les réponses
convergent vers une posture morale sans que cela garantisse un changement d’attitude.
12 On se reportera à l’analyse que Manuel Fernandez (2001) a menée dans l’étude
que le Centre d’analy (...)
41
Le discours de victimisation.Il met en scène toutes sortes de victimes : des victimes
présentées en grand nombre (pour compenser leur anonymat), des victimes singulières
différemment qualifiées de célèbres pour qu’elles soient dignes d’intérêt, des victimes de la
logique de guerre, des victimes du hasard ou de la fatalité pour l’incompréhension
angoissante12, des victimes innocentes (comme celle du petit Mohamed, lors d’un
affrontement israélo-palestinien) pour la compassion, ou des victimes sacrificielles pour la
barbarie (comme la défenestration de soldats israéliens), etc.
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Un tel discours est une invite de la part de l’énonciateur à partager la souffrance des autres,
d’autant plus que celle-ci est rapportée soit par les victimes elles-mêmes, soit par des témoins
extérieurs mais proches, et l’on sait que paroles de victimes et paroles de témoins sont
indiscutables. Lecteur, auditeur ou téléspectateur se trouvent alors dans la position de devoir
entrer dans une relation d’empathie.
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Le portrait de l’ennemi. Le discours centré sur la description de l’agresseur consiste à
mettre en scène le portrait de l’ennemi. Et là, la surdramatisation est encore à l’œuvre, car ce
n’est que dans la figure du « méchant absolu » que pourrait se produire un effet de
« catharsis » sociale. Le méchant, représentant du mal absolu, est à la fois objet d’attirance et
objet de rejet, autrement dit de fascination. C’est le « côté obscur de la force », la puissance
du diable que l’on retrouve de façon omniprésente dans les fictions fantastiques du cinéma
moderne.
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Nous est donc livré le portrait d’un ennemi puissant dans son désir de malfaisance et surtout
indestructible ou renaissant en permanence de ses cendres : naguère Hitler, Staline, les nazis
de Nuremberg ; plus récemment Milosevic, Karadzic et le tueur isolé sans visage qui pose des
bombes ou tue des civils caché derrière une fenêtre (Charaudeau et al., 2001) ; ou encore
Saddam Hussein, bourreau du peuple avant son arrestation, puis dans sa déchéance de
prisonnier, et de nouveau vigoureux dans son arrogance vis-à-vis de ses juges ; enfin, Ben
Laden et ses sbires exécuteurs des basses œuvres, d’autant plus image méphistophélique qu’il
est peu visible et s’évanouit lorsqu’on croit le saisir.
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Mais il faut observer que ces figures d’ennemi ne concernent pas seulement les
personnalités politiques. On les trouve également dans ce que naguère on appelait les faits
divers : des personnes inconnues du grand public responsables d’actes jugés monstrueux
(violeurs, pédophiles, criminels, parents tortionnaires…). Si les faits divers ont disparu en
tant que rubrique de journal, ils réapparaissent comme faits de société intégrés à l’information
générale, bien mis en évidence et faisant parfois la une des journaux ou l’ouverture du journal
télévisé (Charaudeau, 2005b).
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Voilà donc le public, spectateur ou lecteur de cette mise en scène, appelé à « purger ses
passions ».
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Le discours d’héroïsation.Il consiste à mettre en scène une figure de héros réparateur d’un
désordre social ou du mal qui affecte ces victimes. Cette figure peut être celle des sauveteurs
occasionnels et anonymes qui interviennent pour porter assistance aux victimes d’un attentat,
d’un bombardement ou d’une catastrophe naturelle (pompiers, services médicaux, Croix-
Rouge, etc.). Ce peut être aussi celle d’un grand sauveur porteur de valeurs symboliques
comme fut présenté George W. Bush après l’attentat du 11 septembre : le pourfendeur de
« l’empire du Mal » ; le vengeur, bras d’une volonté divine, du Dieu de la Bible qui châtie ; le
cowboy justicier (« Wanted. Ben Laden ») de la grande époque de la conquête de l’Ouest ; le
chevalier sans peur et sans reproche, qui appelle à la « Croisade contre l’Orient ».
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La recherche d’une figure de héros est si forte dans ce type de discours que parfois sont
montées en épingle les actions d’une personne « ordinaire », dès lors que celle-ci semble
avoir accompli un acte de solidarité humaine extraordinaire, comme cela est mis en scène
dans les télé-réalités. Mais sont également glorifiées les actions d’une personnalité politique
lorsque celle-ci se prévaut (et alors, il y a rapport de connivence entre politique et médias)
d’avoir réussi une entreprise jugée impossible. Ce fut le cas, récemment en France, avec la
libération des infirmières bulgares : les médias ont suivi la mise en scène présidentielle qui
attribuait le mérite exclusif de cet événement au président Nicolas Sarkozy, alors que rien, ou
presque, ne fut dit sur le travail discret de l’Union européenne, ce qui provoqua l’indignation
de l’Allemagne, qui était chargée de la présidence de l’Union. Voilà encore une stratégie
discursive qui finit par dévoyer l’information.
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C’est cette stratégie de la surdramatisation que l’on observe dans certains titres de journaux
dont le rôle est d’essentialiser les événements dramatiques : « Nuits d’émeutes à Clichy-sous-
Bois après la mort de deux adolescents » ; « Violents affrontements dans des cités de Seine-
Saint-Denis » ; « Fuite des classes moyennes » ; « Une nuit avec émeutiers »). Ces titres
jouent l’information de l’émotion contre l’information de la raison, et donnent en pâture au
public des drames avec leur cortège de victimes, d’agresseurs et de héros, qui ne peuvent
susciter que des mouvements d’empathie, de rejet ou d’identification ayant pour effet de
suspendre tout esprit critique.
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De l’amalgame. Cette stratégie de dramatisation est mise en scène à l’aide de divers
procédés discursifs parmi lesquels l’amalgame. L’amalgame participe d’un procédé
d’analogie abusif : deux événements, deux faits, deux phénomènes sont rapprochés sans la
mise à distance qui permettrait que cette comparaison ait un effet explicatif.
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Les médias, procédant à des rapprochements entre des événements différents afin d’apporter
une explication à leur existence, sans préciser l’aspect sur lequel il y a similitude, produisent
un effet de globalisation qui empêche l’intervention de l’esprit critique : ici, ce sera l’analogie
entre la découverte de camps de prisonniers en Bosnie et les camps de concentration nazis, ce
qui aura pour effet de faire se confondre la purification ethnique serbe avec la Shoah ; là,
particulièrement à l’étranger, ce sera l’amalgame entre les récents événements des banlieues
et les révoltes sociales dont la France serait coutumière ; là encore, le rapprochement entre la
menace d’une épidémie de grippe aviaire et la pandémie de grippe espagnole du siècle
dernier.
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Ce procédé d’amalgame est d’autant plus pernicieux et malhonnête au regard de l’éthique
de l’information qu’il suit la pente dite « naturelle » du processus d’interprétation étudié par
la psychosociologie, à savoir : s’appuyer sur une mémoire globale, non discriminante, qui
met tout dans le même panier d’une émotion interprétative, et empêche que s’exerce une
analyse. Ainsi s’installe ce que Michel Foucault (2001) appelle, à propos des amalgames que
l’on peut faire dans la pensée analysante, « un éclectisme accueillant » qui a pour effet de
faire croire à l’authenticité de l’événement et à la force de l’explication qui en est donnée.
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La recherche de causes essentialisantes. Lors de ses tentatives d’explication, le discours
journalistique tend à donner aux événements une cause simple, alors que c’est toujours à une
multiplicité de causes que l’on a affaire pour expliquer les phénomènes physiques et
sociaux : les émissions de CO2 seraient la seule cause du réchauffement climatique, la vitesse
sur les routes la seule cause des accidents de la circulation, etc.
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Cela a pour effet d’enfermer les événements du monde dans des catégories
« essentialisantes » qui durent le temps du marché des idées, temps variable au gré du succès
de ces explications et de la volonté de différents acteurs politiques ou médiatiques qui ont
intérêt à les prolonger ou à les arrêter.
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De l’interpellation dénonciatrice. Une variante de ce que l’on appelle la « question
rhétorique » est la question interpellatrice : elle est lancée à la cantonade, s’adresse à un
public qui est pris à témoin, met en cause la responsabilité d’un tiers (la mise en cause peut
même être accusatrice), en implicitant une réponse qui devrait faire l’objet d’un
consensus ; c’est le fameux : « que fait la police ? ».
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Ce type d’interrogation apparaît de plus en plus dans le discours journalistique : le sujet
interrogeant est l’énonciateur journaliste, le public pris à témoin est le lecteur citoyen, le tiers
mis en cause est interpellé en tant que responsable individuel ou institutionnel. Ainsi,
l’énonciateur journaliste établit un rapport de complicité avec le lecteur citoyen en l’obligeant
à accepter la mise en cause. Ce phénomène a été étudié à propos du conflit en ex-
Yougoslavie (Charaudeau et al., 2001) : devant la difficulté à expliquer le pourquoi et le
comment du conflit, on a vu l’instance journalistique multiplier ce genre d’interrogation
comme pour se dédouaner de l’absence d’explication : « que font les puissances
internationales ? ». On le retrouve à d’autres occasions, à propos de diverses personnalités ou
institutions qui font l’objet d’une mise en cause : chefs d’État, gouvernements, notables,
diplomates ou la classe politique dans son entier.
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Parfois, la mise en cause, voire l’accusation, peut être plus directe. On la trouve dans la
parole des chroniqueurs de presse et de radio, particulièrement dans la chronique
politique : le journaliste énonciateur en position d’analyste plus ou moins spécialisé se permet
parfois de juger et d’évaluer (ce qui n’est pas dans le contrat global d’information) une
situation politico-sociale ou ses acteurs, particulièrement lorsqu’un pays traverse une crise
sociale, connaît une situation de conflit, se déchire à travers des controverses violentes sur de
grandes décisions citoyennes : l’après des élections présidentielles de 2002, le référendum de
2005, la non-attribution du siège des Jeux olympiques à la ville de Paris, la révolte des
banlieues, l’affaire d’Outreau, etc.
Bibliographie
BOURDIEU, Pierre (1982), Ce que parler veut dire, Paris, Éditions Fayard.
CHARAUDEAU, Patrick (2008), Petit traité de politique à l’usage des citoyens, Paris,
Éditions Vuibert.
FERNANDEZ, Manuel, et Anne CROLL (2001), « Le récit des événements. La description
des acteurs du conflit : un discours de dramatisation », dans Patrick CHARAUDEAU et al.,
La télévision et la guerre. Déformation ou construction de la réalité ? Le conflit en Bosnie
(1990-1994), Bruxelles, Éditions Ina-De Boeck, p. 47-99.
PROST, Antoine (1996), Douze leçons sur l’histoire, Paris, Éditions du Seuil.
Notes
1 En l’occurrence, le religieux fait partie du culturel.
3 Tout n’est donc pas joué par avance dans la situation de communication comme le
suggérait Pierre Bourdieu (1982).
4 Ayant été sollicité par la revue Semen (n° 22) pour écrire un article sur le positionnement
énonciatif dans le discours journalistique, qui constitue la base sur laquelle je m’appuie pour
mettre en place la problématique de l’éthique dans les médias, je me vois contraint, à mon
tour, de reprendre ici une grande partie de cet article.
5 N’oublions pas que les conditions du contrat de communication sont à considérer comme
constituant un « idéal type ». On verra plus loin ce qu’il en est.
9 L’affaire d’Outreau part d’une affaire pénale de pédophilie. Elle débouchera sur une erreur
judiciaire. Cette affaire a donné lieu à un procès aux assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) en
France du 4 mai au 2 juillet 2004, puis à un procès en appel à Paris en novembre 2005. Elle
suscita une émotion dans l’opinion publique et mit en évidence les dysfonctionnements du
monde politique, de l’institution judiciaire et des acteurs sociaux, dont les médias se firent
largement l’écho.
12 On se reportera à l’analyse que Manuel Fernandez (2001) a menée dans l’étude que le
Centre d’analyse du discours a consacrée au conflit en ex-Yougoslavie, pour en voir la
catégorisation.
14 Le drame du sang contaminé s’est transformé en « scandale » en avril 1991, lorsque la
journaliste Anne-Marie Casteret publie dans l’hebdomadaire L’Évènement du Jeudi un article
prouvant que le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment distribué, de
1984 à la fin de l’année 1985, des produits sanguins, dont certains contaminés par le virus du
sida à des hémophiles. L’ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius et les anciens
ministres socialistes Georgina Dufoix et Edmond Hervé ont comparu du 9 février au 2 mars
1999 devant la Cour de justice de la République (CJR) pour « homicide involontaire ». Cette
cour a rendu son verdict par un arrêt qui innocente Georgina Dufoix et Laurent Fabius.
Titre Figure 1
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