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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L'ÉPREUVE DE LA CRISE

Olivier Delbard, Fabienne Fel

L'Express - Roularta | « L'Expansion Management Review »

2010/2 N° 137 | pages 20 à 27


ISSN 1254-3179
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2010-2-page-20.htm
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Dossier
Le développement durable
à l’épreuve de la crise
NI RÉGRESSION BRUTALE NI FLAMBÉE : LES ENGAGEMENTS DES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE
RESPONSABILITÉ SOCIALE SE RÉVÈLENT PLUTÔT STABLES DANS LE CONTEXTE DE CRISE.

> Olivier Delbard et Fabienne Fel études menées depuis 2008 sur ce sujet
epuis quelques années, les enjeux vont à l’encontre de cette hypothèse, à l’ex-

D du développement durable sont


devenus incontournables pour les
entreprises. Soumises à des pressions de
ception peut-être de la question des bud-
gets de communication.
Une étude réalisée par Enablon fin 2008
plus en plus fortes exercées par la société sur les engagements budgétaires des entre-
(consommateurs, ONG) et par les pou- prises face à la crise offre quelques éclai-
voirs publics (avec la montée en puissance rages intéressants : si seulement 17 % des
de la réglementation), les entreprises ont, entreprises interrogées annoncent une
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de gré ou de force, accepté l’idée qu’elles baisse de leurs budgets développement


se devaient d’endosser leur part de res- durable, 42 % affichent une baisse du bud-
20 ponsabilité face aux grands défis écolo- get communication. On peut en déduire
giques et sociaux. sans prendre trop de risques que, s’il y
L’Expansion Management Review

Mais quelles ont été les conséquences a repli en matière de développement


de la crise financière sur les politiques et durable, c’est essentiellement dans le
actions engagées en matière de déve- domaine de la communication. En effet,
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loppement durable par les entreprises ? pour beaucoup d’entreprises encore
Ou, plus explicitement, la crise a-t-elle aujourd’hui, le développement durable
marqué un coup d’arrêt de ces politiques reste avant tout un argument d’image,
ou au contraire serait-elle un formidable voire une attitude cosmétique… D’où les
révélateur de la nécessité d’accélérer leur dérives et dérapages en matière de green-
mise en œuvre au sein des entreprises ? washing au cours de ces dernières années.
A ce titre, les recommandations sur
Un coup mortel porté le développement durable adoptées en
aux stratégies des entreprises ? juin 2009 par l’Autorité de régulation pro-
A priori, une hypothèse réaliste consis- fessionnelle de la publicité (ARPP) mar-
terait à dire que la crise a poussé les quent une évolution positive dans le sens
entreprises à des attitudes de repli, au où il devient de plus en plus difficile aux
détriment des actions engagées pour le entreprises de communiquer une image
développement durable, qui deviennent « verte » déconnectée de la réalité. Il est
un « luxe » dans un contexte d’incertitude clair que la crise accélère cette prise de
et de turbulences. Cependant, toutes les conscience : la tendance est au retour à

Olivier Delbard est professeur associé aux départements Langages et civilisations, et Sciences juridiques, économiques
et sociales du campus de Paris d’ESCP Europe. Il est responsable des projets et enseignements liés au développement
durable sur ce campus.
Fabienne Fel est professeur associé au département Information, technologies et modélisation du campus de Paris d’ESCP
Europe et directeur scientifique du mastère spécialisé en stratégie et pilotage des opérations (achats, supply chain, qua-
lité). Ses recherches actuelles portent sur la fonction développement durable dans les entreprises.
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l’essentiel, à des valeurs sûres et réalistes. on pour autant en déduire que le dévelop-
On le voit d’ailleurs dans les campagnes pement durable s’en trouve renforcé ?
publicitaires actuelles, notamment de la
part des constructeurs automobiles. Un levier de transformation
Pour ce qui est de la poursuite des solide ?
actions engagées par les entreprises, toutes L’autre posture devenue rapidement
les enquêtes convergent dans le même dominante dans les médias a consisté à
sens : la crise n’a quasiment pas eu d’im- voir dans la crise une opportunité unique
pact négatif. Dans une enquête (1) réalisée d’accélérer la mise en œuvre du dévelop-
auprès des directeurs du développement pement durable dans l’économie. L’embal-
durable engagés, seuls 9 % pensent que lement sur la croissance verte, les points de
cette démarche est une contrainte supplé- vue convergents sur la nécessité d’un
mentaire en temps de crise. Dans l’enquête
menée par Care France fin 2009 (2) sur les Les points forts
conséquences de la crise sur la responsabi-
lité sociale des entreprises, seules 12 % des Les entreprises n’ont pas mis de coup
entreprises y voient un impact négatif. d’arrêt à leur politique de développement
En outre, l’enquête montre que les bud- durable, mais elles n’ont pas non plus saisi
gets dédiés au mécénat sont globalement l’opportunité de la crise pour transformer leur

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maintenus. L’étude réalisée par Admical modèle de développement.
en mars 2009 sur « mécénat et crise » affine Les situations sont contrastées selon
ces conclusions : si pour la plupart des l’importance stratégique de la démarche de 21
entreprises les budgets sont stables, les développement durable et son degré

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actions menées dans le domaine du sport d’intégration dans les opérations.
et de la culture sont à la baisse, alors que
les actions de solidarité, de recherche et de
La sensibilité de l’entreprise à l’opinion
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des consommateurs et sa maîtrise de la supply
mécénat de compétence connaissent une chain sont également des critères majeurs de
réelle montée en puissance. Là aussi, on différenciation.
peut y voir un besoin de recentrage sur
des actions jugées plus directement utiles changement de modèle sont autant de
à la société. Dans le même sens, l’enquête signes positifs pour l’épanouissement des
de Care montre que les premières actions politiques de développement durable dans
RSE que les entreprises seraient prêtes à l’entreprise.
« sacrifier » dans ce contexte de crise sont La crise met en lumière l’impérieuse
les projets de développement local dans nécessité de revoir notre modèle de déve-
les pays du Sud ainsi que les partenariats loppement. La crise financière a révélé
avec les ONG. L’analyse montre là encore l’urgence d’un nouvel encadrement régle-
un recentrage sur des actions de proximité, mentaire de notre économie financiarisée
même si ces évolutions restent marginales. et globalisée. L’obsession du profit à court
On peut donc conclure que la crise n’a terme qui a conduit à une déresponsabili-
certainement pas marqué un coup d’arrêt sation généralisée des acteurs démontre
aux actions de développement durable l’importance fondamentale de la respon-
engagées par les entreprises. En revanche, sabilité individuelle et collective, de la maî-
elle a très certainement eu un impact sur trise des risques et d’une vision à long >>
la communication en matière de dévelop- > (1) Enquête de mars 2009 réalisée par le C3D (Collège
pement durable. Communiquant moins, des directeurs du développement durable engagés) et Opi-
nion Way.
les entreprises se sont concentrées sur les > (2) Enquête Care France - Be-linked menée en octobre et
actes et sur leurs engagements réels. Doit- novembre 2009 auprès de 160 entreprises.
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Dossier
>> terme de l’économie et du développement. sur l’impact de la crise sur la RSE se répar-
Autant de notions centrales au concept de tissent à peu près de manière égale entre
développement durable ! Certains n’hési- celles qui y voient un impact positif et
tent d’ailleurs pas à franchir le pas et voir celles qui n’en voient pas de particulier, ni
dans la RSE et le développement durable dans un sens ni dans l’autre. Enfin, l’en-
des leviers de sortie de crise. quête menée par Enablon révèle que si la
Par ailleurs, la crise économique touche majorité des entreprises ne voient pas de
directement les consommateurs, atteints corrélation positive entre politique de RSE
dans leur pouvoir d’achat, dont l’avenir et protection face à la crise, plus de 80 %
est menacé par les pertes d’emploi, et qui en revanche pensent que les valeurs du
en tant que citoyens sont choqués par ce développement durable dans leurs entre-
que révèle la crise, écœu- prises restent au moins intactes,
rés par les profits obs- 42 % allant même jusqu’à affirmer
cènes engrangés par le De nombreuses qu’elles en sortent renforcées.
monde de la finance, études montrent Ainsi, si la crise ne conduit pas
sans parler des bonus systématiquement à une montée
des fameux traders…
la volonté des en puissance du développement
Ces mêmes consomma- consommateurs durable au sein de l’entreprise, elle
teurs remettent peu à d’acheter ne marque pas non plus un coup
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peu en question notre « durable ». d’arrêt. On peut raisonnablement


modèle de surconsom- avancer l’hypothèse que la si-
22 mation de biens maté- tuation est contrastée et qu’elle
riels au détriment de la gratuité, des biens dépend du degré d’intégration des enjeux
L’Expansion Management Review

communs, du lien social. Le débat sur la de développement durable dans la straté-


« décroissance » en est la preuve même. gie et les opérations de l’entreprise. A ce
Toutes les études montrent d’ailleurs la propos, une étude conduite très récem-
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part sans cesse croissante de consomma- ment sur les services achats semble confir-
teurs désireux d’agir de manière respon- mer cette hypothèse.
sable et durable dans leurs achats.
On peut donc raisonnablement « espé- La vision spécifique
rer » que la crise permette d’intensifier le de la fonction achats
processus de responsabilisation des entre- Il nous a paru pertinent d’approfondir
prises et, par là même, accélère l’intégra- cette question en adoptant l’angle de vue
tion stratégique des enjeux de développe- des achats, acteurs théoriquement incon-
ment durable. Là encore, les résultats des tournables des démarches de développe-
diverses enquêtes sur le sujet ne confir- ment durable, comme l’atteste aujourd’hui
ment pas véritablement ces attentes. la quasi-totalité des rapports de dévelop-
En effet, les enquêtes précédemment pement durable publiés par les entreprises,
citées montrent avant tout une stabilité des qui incluent très majoritairement une par-
engagements. Alors que la majorité des tie « achats durables et responsables ».
directeurs du développement durable Les mouvements massifs d’externalisa-
engagés, qui sont les fers de lance de ces tion de ces dix ou quinze dernières années
politiques dans leurs entreprises, affirment ont conduit à une augmentation sans pré-
que le développement durable reste un cédent de la part des produits achetés dans
objectif à poursuivre malgré la crise, seu- le prix de revient des produits finis, jus-
lement un tiers d’entre eux y voient un qu’à représenter de nos jours 65 % à 75 %
levier opérationnel de sortie de crise. De la du chiffre d’affaires des entreprises indus-
même manière, les entreprises interrogées trielles occidentales. Or, ces externalisa-
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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ÉPREUVE DE LA CRISE

tions se sont essentiellement faites au pro- choisi d’interroger pour tenter de mesurer
fit d’entreprises situées dans des pays à l’impact de la crise sur les politiques de
bas coût de main-d’œuvre, où se posent développement durable de leurs entre-
aujourd’hui d’importants problèmes de prises (voir encadré page suivante).
pollution, et où la législation du travail ne
garantit pas toujours le respect des droits Avant la crise. Le degré d’engagement des
de base des salariés. entreprises dans les démarches de déve-
Tant par sa capacité à contribuer à la loppement durable était très hétérogène
réduction des coûts que par sa mission de avant la crise : il s’agissait d’un axe straté-
sélection des fournisseurs, la fonction gique prioritaire pour 17 % d’entre elles,
achats a acquis depuis une dizaine d’an- d’un axe important mais non stratégique
nées un rôle beaucoup plus stratégique pour 28 %, et ce n’était qu’une démarche
que par le passé. Les entreprises sont en début de déploiement pour d’autres.
tenues de maîtriser leur supply chain, et L’ancienneté de ces démarches reflétait
l’opinion publique tend à leur imputer cette disparité, les entreprises les plus en
toute défaillance des fournisseurs, comme pointe ayant démarré plus de quatre ou
l’ont montré plusieurs exemples extrême- cinq ans avant la crise, alors que près des
ment médiatisés : Mattel a rappelé deux tiers des sociétés
des centaines de milliers d’acces- engagées ne l’étaient

Juin 2010
soires de la célèbre poupée Barbie, La fonction que depuis trois ans ou
peints par un fournisseur chinois achats a acquis moins. Sans surprise, la
avec une peinture contenant un très grande majorité de
taux trop élevé de plomb, Nike a
un rôle ces démarches concer-
23

L’Expansion Management Review


dû faire face à une campagne beaucoup nait essentiellement la
médiatique l’accusant de faire fa- plus stratégique prise en compte de pré-
briquer ses produits par des sous- que par le passé. occupations environne-
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traitants faisant travailler des mentales, très loin de-
enfants, Total a été condamné par vant les préoccupations
l’opinion publique (avant de l’être par la sociales ou sociétales. Ce phénomène était
justice en 2008) pour avoir traité avec un logiquement beaucoup plus marqué dans
armateur douteux et avoir ainsi provoqué les entreprises industrielles, par nature
la catastrophe écologique de l’Erika. plus polluantes que les services.
Dans ce contexte, nombre d’entreprises
adoptent une politique d’achats « défen- L’impact de la crise. Pour revenir à notre
sive », demandant à leurs fournisseurs de question initiale, il semble que, pour la
s’engager à respecter des normes environ- majorité des entreprises, la crise n’ait pas
nementales et/ou sociales, afin de limiter eu d’impact notable sur les démarches de
les risques de défaillances qui pourraient développement durable. Pour celles qui
rejaillir sur elles ; d’autres, dans une affirment avoir infléchi leur politique en
approche « messianique », pour reprendre raison de la crise, il y a autant d’entreprises
la typologie définie par Françoise Quai- qui ont réagi en faisant du développement
rel (3), engagent leurs fournisseurs dans la durable un moyen stratégique de se diffé-
voie du développement durable afin que rencier en ces temps difficiles, que d’entre-
ceux-ci agissent de même envers leurs prises qui ont relégué à l’arrière-plan leurs
propres fournisseurs, essayant d’amorcer objectifs de développement durable au
ainsi un cercle vertueux tout au long de la profit d’objectifs de rentabilité à plus court >>
supply chain. Ce sont donc des directeurs
des achats et des acheteurs que nous avons > (3) CREFIGE, université Paris-Dauphine.
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Dossier
>> terme. Comment expliquer qu’un même Une crise différemment ressentie. La
phénomène – la crise – conduise à des crise n’a naturellement pas touché tous les
comportements en totale opposition ? Une secteurs avec la même intensité. Mais si
première explication concerne la façon 17 % des entreprises estiment avoir été
dont les entreprises ont été touchées. à peu près épargnées, il n’en va pas de

Une étude menée auprès des services achats


otre étude a été réalisée entre dé- intérêt pour les problématiques de développe-
N cembre 2009 et janvier 2010, au moyen d’un
questionnaire envoyé directement à un millier de
ment durable.
Au-delà des résultats présentés dans l’article,
directeurs des achats et d’acheteurs, et mis nous avons pu montrer l’existence d’un lien entre
parallèlement en ligne sur les communautés l’ancienneté des démarches RSE engagées dans
« achats » de plates-formes communautaires les entreprises et le caractère stratégique ou
(Viadeo et LinkedIn). Nous avons obtenu important du développement durable dans ces
345 réponses, dont 302 complètes et exploitables. mêmes entreprises, ce qui tend à prouver que,
Nos répondants sont à 44 % des responsables dans de nombreux cas, le greenwashing peut
ou des directeurs achats, à 40 % des acheteurs, constituer une première phase des démarches
et à 6 % des directeurs généraux. Dans la mesure RSE, avant que les entreprises n’engagent réel-
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où les réponses de ces diverses catégories ne lement des actions concrètes en ce sens. Nous
diffèrent pas sensiblement quant à l’impact de la rejoignons ici les conclusions optimistes d’autres
24 crise sur les démarches de développement recherches sur la supply chain verte*.
L’Expansion Management Review

durable des entreprises, nous avons choisi d’étu- Nous avons également montré que les services
dier l’ensemble des réponses de manière globale. achats ne sont pas impliqués dès le démarrage
Tous les secteurs industriels et de services d’une démarche de développement durable, mais
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sont représentés, ainsi que toutes les tailles d’en- que cette implication se fait en fonction de la
treprise, les sociétés dont l’effectif dépasse maturité de la démarche RSE globale de l’entre-
10 000 personnes constituant près de 44 % de prise. Cet « effet retard » explique que seuls 50 %
l’échantillon. Nous avons interrogé des entre- des services achats jugent aujourd’hui leurs
prises privées (93 %), mais aussi des organisa- objectifs de développement durable « priori-
tions publiques. Enfin, si les trois quarts de nos taires » ou « importants », alors que ce chiffre
répondants appartiennent à des sociétés fran- s’élève à près de 85 % pour les sociétés qui
çaises, les entreprises des autres pays euro- considèrent le développement durable comme
péens ne sont pas absentes. une priorité stratégique. Cette remarque nous
Le fort taux de représentation de l’industrie conduit à une dernière conclusion optimiste : la
(65 %) au sein de notre échantillon par rapport RSE devenant de plus en plus stratégique avec
aux services (35 %) est à noter, dans la mesure l’ancienneté des démarches, et les entreprises
où il diffère radicalement de la répartition globale fixant de véritables objectifs en ce domaine lors-
des entreprises entre le secteur secondaire et le qu’il leur paraît justement stratégique, nous pou-
secteur tertiaire en Europe. Nous avions déjà fait vons espérer que le nombre de sociétés exigeant
cette constatation lors d’une étude antérieure, des actions concrètes de leurs acheteurs en
basée sur des chiffres collectés en 2006. Les ser- termes de développement durable augmentera
vices sont certes un peu mieux représentés dans les prochaines années!
aujourd’hui, dans la mesure où ils ne consti-
tuaient que 25 % de l’échantillon il y a trois ans, * Celles de V. Carbone et V. Moatti, 2009 (ESCP Europe).
Voir notamment « From “Green Washing” to Green Sup-
mais ils restent très en retrait des entreprises ply Chains : An Institutional Perspective », in Actes de la
industrielles, preuve à notre sens de leur moindre Conférence AIMS, Grenoble, 1er-3 juin 2009.
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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ÉPREUVE DE LA CRISE

même pour les 50 % qui jugent avoir été prises en difficulté… Au terme de notre
moyennement frappées, ni pour les 33 % étude, le secteur bancaire est en effet celui
qui affirment l’avoir été durement ou très qui s’est le plus interrogé sur ses pratiques
durement. en matière de développement durable à la
Ce sont les entreprises frappées le plus lumière de la crise, seules 30 % des entre-
durement par la crise qui ont été les plus prises de ce secteur affirmant que celle-ci
nombreuses à privilégier d’autres objectifs n’a eu aucun impact sur leur démarche
que le développement durable, alors que RSE. Les réactions des autres entreprises
cette réaction n’a été le fait que d’une bancaires ont été beaucoup plus contras-
infime minorité des entreprises qui se sont tées que la moyenne : si 30 % d’entre elles
trouvées épargnées. Aujourd’hui encore, affichent un recul des préoccupations
par rapport à la moyenne de l’échantillon, de développement durable, 40 % à l’in-
ces sociétés donnent à leur service achats verse affirment avoir pris conscience de
davantage d’objectifs de réduction des la nécessité d’une telle démarche, ce qui
coûts, d’amélioration du BFR et représente un chiffre
d’augmentation du sourcing dans deux fois supérieur à la
les pays à bas coût. Un même moyenne de l’ensemble
Ce dernier objectif est difficile- phénomène peut des secteurs.
ment compatible, à court terme A l’autre extrémité du
induire des

Juin 2010
tout au moins, avec le développe- panel, c’est au sein du
ment d’une véritable démarche comportements secteur automobile, très
d’achats durables, au sens où radicalement durement touché par la 25
il conduit les entreprises euro- opposés. crise, que les entreprises

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péennes à travailler avec des four- ont été les plus nom-
nisseurs éloignés géographique- breuses à privilégier des
ment, générant par là davantage de objectifs de rentabilité à court terme au
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transports internationaux, et donc de pol- détriment des objectifs de développement
lution. Il les amène également à travailler durable. Elles ont en effet été plus de 50 %
avec des fournisseurs situés dans des pays à le faire, alors que cette réaction ne
où les réglementations du travail sont peu concerne par ailleurs que 20 % environ du
développées, et où les audits sont coûteux, total de l’échantillon.
difficiles à réaliser et parfois sujets à cau- Pourtant, au-delà de cette première
tion. Et, de façon cohérente avec cette explication liée à la violence de la crise
observation, ce sont effectivement les subie, nous avons été amenés à rencontrer
entreprises les plus touchées par la crise des responsables des achats appartenant à
qui donnent le moins d’importance aux des entreprises qui, bien que durement
objectifs de développement durable fixés frappées, ne souhaitaient pas remettre en
à leurs acheteurs. cause leur politique de développement
Cette explication peut donner lieu par durable, jugée comme une composante
ailleurs à des différenciations sectorielles : importante de leur stratégie globale. En
ainsi les banques, pourtant à l’origine de poursuivant notre analyse sur cette voie,
la crise, ne s’estiment finalement que nous avons fait apparaître l’existence de
« moyennement » frappées par la crise, ce deux autres clés de lecture : la première
qui confirme les polémiques récentes sur tient à la sensibilité des entreprises face à
les résultats financiers de ce secteur, qui, l’opinion des consommateurs, la seconde
après avoir entraîné le reste de l’économie est en liaison avec le caractère stratégique
dans la récession, a rattrapé ses pertes en ou non du développement durable au sein
facturant davantage de services aux entre- des organisations. >>
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Dossier
>> La pression de l’opinion et des consom- nées à se poser des questions sur leur res-
mateurs. En effet, il apparaît que les entre- ponsabilité sociale et plus largement socié-
prises qui ont le moins remis en cause tale, et à tenter de redresser le cap. Mais la
l’importance de leur démarche RSE suite à mise en avant de politiques de développe-
la crise sont celles dont les clients sont des ment durable correspond-elle à une véri-
particuliers, puisque seules 5 % d’entre table prise de conscience, ou simplement
elles l’ont fait, contre 25 % de celles qui tra- à la volonté de redorer une image ternie
vaillent en B to B. Elles étaient par ailleurs par la crise ? L’étude ne peut pas le dire,
plus engagées que les autres avant la crise même si, indépendamment des véritables
dans des démarches RSE, et depuis plus motivations des responsables bancaires, on
longtemps. Aujourd’hui elles ont davan- ne peut que se féliciter de cette évolution.
tage déployé leur politique RSE aux
achats, et leurs objectifs de développement Un axe stratégique non remis en cause.
durable sont plus importants que ceux La dernière clé de compréhension quant
fixés aux acheteurs des entreprises B to B. aux différentes réactions des entreprises
Ces résultats sont à mettre en parallèle face à la crise nous semble résider dans le
avec l’ensemble des études qui montrent degré d’importance stratégique qui carac-
que les consommateurs se disent de plus térisait déjà leur démarche de développe-
en plus concernés par les enjeux du déve- ment durable : ainsi, les entreprises qui
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loppement durable dans leurs actes avaient défini avant la crise le développe-
d’achat. Bien que les comportements réels ment durable comme un axe stratégique
26 d’achats individuels puissent ne pas tou- prioritaire n’ont pratiquement pas modifié
jours refléter ces affirmations, il est vrai- leur vision des choses, puisque seules 13 %
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semblable que les entreprises qui s’adres- d’entre elles ont mis en avant d’autres
sent à ces consommateurs particuliers, et priorités depuis l’automne 2008.
qui sont donc en prise directe avec leurs En revanche, 55 % de ces entreprises
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nouvelles attentes, aient mis plus forte- jugent que la crise n’a pas eu d’impact sur
ment l’accent sur ces pré- leur politique en ce domaine, ce
occupations largement qui signifie que le développement
soulignées par l’opinion Les critiques durable a continué à représenter
publique à la lueur de la ont conduit durant la crise, et représente tou-
crise. les banques, jours, pour elles une priorité straté-
Par ailleurs, cette im- gique. Enfin, plus de 30 % des
portance de la pression sous la pression, sociétés de cet échantillon ont pris
de l’opinion publique à vouloir conscience « grâce à la crise » de la
peut compléter à notre redresser le cap. nécessité de donner une place plus
sens l’analyse des réac- importante à leurs objectifs de
tions au sein du secteur développement durable.
bancaire, évoquées plus haut. La rigueur Très logiquement, les services achats des
modérée de la crise dans ce secteur n’est entreprises qui considèrent le développe-
vraisemblablement pas la seule explication ment durable comme prioritaire accordent
de cette forte prise de conscience des beaucoup plus d’importance que les autres
banques : celles-ci ont été très largement à l’intégration de ces préoccupations, et
montrées du doigt et dénoncées par les moins que la moyenne aux objectifs de
gouvernements, les médias et l’opinion réduction des coûts, d’amélioration du
publique pour l’irresponsabilité et l’immo- BFR, ainsi que d’augmentation de la part
ralité de leurs pratiques. Il n’est donc pas du sourcing dans les pays à bas coûts. Plus
surprenant que ces critiques les aient ame- globalement, notre étude montre que plus
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LE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ÉPREUVE DE LA CRISE

le développement durable était considéré coup se concentrent de nouveau sur les


comme un axe important de la stratégie de enjeux environnementaux (5), que les bud-
l’entreprise avant la crise, plus la remise en gets de gestion des risques soient en forte
cause de cette politique a été faible. Ce augmentation (6) trouve probablement
sont les entreprises qui envisageaient de une explication dans la parenté existant
mettre en œuvre ces démarches, mais sans entre soutenabilité financière et environ-
les avoir encore initiées, qui ont été les plus nementale. Après tout, la survie du sys-
nombreuses à mettre en avant d’autres tème capitaliste passe tout autant par la
priorités à l’occasion de la crise. régulation financière que par la gestion
des ressources naturelles.
La crise, un révélateur Il semblerait finalement que les entre-
Ainsi, au terme de l’étude, la crise semble prises tirent peu à peu les leçons des
avoir eu pour effet de « séparer le bon dérives actuelles du capitalisme financier :
grain de l’ivraie » : elle a creusé la diffé- en adoptant des démarches responsables
rence entre les entreprises réellement enga- face aux risques de toutes sortes, elles
gées dans des démarches de développe- ouvrent une voie prometteuse pour la
ment durable et celles qui le faisaient pour transformation de notre modèle de déve-
« suivre le mouvement » ou en faire un loppement. En outre, dans un pays où la
argument de communication, sans impli- confiance envers les entreprises chute

Juin 2010
cation réelle. Elle a conforté dans inexorablement chaque
leur position les entreprises qui année (7), il est urgent
voyaient déjà dans le développe- La crise semble pour ces dernières de 27
ment durable une véritable oppor- avoir joué comme regagner la confiance des

L’Expansion Management Review


tunité stratégique, les poussant à un révélateur, citoyens-consommateurs
poursuivre dans cette voie pour en déployant des straté-
exploiter ce qu’elles décrivent séparant gies responsables dans
© L'Express - Roularta | Téléchargé le 12/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 86.248.199.169)

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comme un avantage concurrentiel le bon grain leurs activités, dans leur
réel. Comme le confirmait récem- de l’ivraie. offre de produits et de
(4)
ment Olivier Luneau, directeur services, dans leurs rela-
développement durable et affaires tions avec leurs fournis-
publiques du groupe Lafarge, loin d’être seurs, et plus largement vis-à-vis de la
menacées, les actions de développement société et de la planète.
durable et les budgets qui y sont associés Si l’été du développement durable n’est
ont été reconduits, les objectifs maintenus ; pas encore arrivé, la crise a au moins
alors même que le contexte économique l’avantage de mettre toutes les entreprises
est tendu et la concurrence impitoyable. face à leurs responsabilités. Sauront-elles
Ce que la crise révèle sans aucun doute, toutes adopter une vision stratégique ?
c’est la pertinence d’une démarche stra- Comprendront-elles la nécessité d’une
tégique en matière de développement transformation en profondeur de leurs
durable. Pour les entreprises les plus enga- comportements en matière sociale et envi-
gées, la crise a sans aucun doute trouvé un ronnementale ? Il reste à souhaiter que
écho dans les orientations choisies en la cette mutation s’opère rapidement. n
matière : en effet, alors même qu’il appa-
raît indispensable de réorganiser « dura- > (4) Table ronde à ESCP Europe, « L’entreprise, la crise… et
les enjeux du développement durable », 22 septembre
blement » le système bancaire et financier, 2009.
de nombreuses entreprises ont renforcé > (5) Enquête Care-Be-linked.
> (6) Pour près de la moitié d’entre elles, enquête Enablon.
leurs actions RSE dans le domaine de la > (7) De 61 % en 2004, le taux de confiance est tombé à
gouvernance. Le fait également que beau- 37 % en 2009 (enquête Ethicity).

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