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DE TOULOUSE
M. Trézor S.B.
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Guével
Magistrat délégué
___________ Le Tribunal administratif de Toulouse ,
Jugement du 18 février 2011 Le magistrat délégué
___________
15-02-04 ; 335-03
C
2°/ d’annuler l’arrêté du 15 février 2011, notifié le même jour à 16 h 45 par lequel la
préfète du Tarn a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;
3°/ d’annuler la décision du 15 février 2011, notifiée le même jour à 16 h 45, par
laquelle la préfète du Tarn a prononcé son placement en rétention administrative ;
4°/ de mettre à la charge de l’Etat une somme 1200 euros à verser à son conseil sur le
fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la
loi du 10 juillet 1991 ;
Le requérant soutient que l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence de son signataire ;
qu’il présente une insuffisance de motivation ; qu’il n’a pas donné lieu à un examen attentif de sa
situation ; qu’il est dépourvu de base légale, dès lors qu’il repose sur les dispositions du II de
l’article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont
contraires aux objectifs de l’article 7 de la directive 2008/115/CE qui prévoient le principe d’un
délai de départ volontaire ; qu’il est entaché d’erreur manifeste d'appréciation de ses
conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; que la décision fixant le pays de renvoi
méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, eu égard aux risques courus en cas de retour dans son pays d’origine ;
que la décision de placement en rétention administrative est n’est ni suffisamment motivée, ni
fondée ;
Vu la décision du 1er décembre 2010 par laquelle le président du Tribunal a délégué les
pouvoirs qui lui sont attribués par l’article L.512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers
et du droit d’asile, à M. Benoist Guével, premier conseiller ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 18 février 2011, présenté son rapport et
entendu :
- les observations orales de Mme Pauzat, pour la préfète du Tarn, qui confirme les
écritures du préfet et soutient en outre que la directive est visée par la mesure d’éloignement et
mentionne l’existence d’un risque de fuite ; que l’intéressé, qui présentait un risque de fuite,
entre dans le champ des exceptions prévues à l’article 7 de la directive et préexistants en droit
national, qui permettent l’éloignement sans délai d’un étranger ;
Considérant qu’il y a lieu, eu égard à l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit statué sur la
requête de M. S.B., de prononcer son admission provisoire à l’aide juridictionnelle ;
Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est
une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu
de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour
chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application
du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette
obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander
l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les
directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par
voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni
laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles,
écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis
par les directives ; qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé
contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles
d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de
transposition nécessaires ;
des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de
départ volontaire. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée
comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un
danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres
peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur
à sept jours. » ;
Considérant, en premier lieu, que M. S.B. n’est pas fondé à se prévaloir, à l'appui de son
recours dirigé contre la décision attaquée des dispositions de l'article 7 de la directive du 16
décembre 2008, qui ne présentent pas un caractère à la fois précis et inconditionnel, et sont donc
dépourvues d'effet, direct, dès lors que ces dispositions renvoient à la législation des Etats
membres la faculté, d'une part, de subordonner l'octroi du délai précédant le départ volontaire à
une demande du ressortissant étranger concerné, et d'autre part, de supprimer le délai de départ
volontaire ou d'en réduire la durée à moins de sept jours dans des cas - répondant aux hypothèses
retenues par la directive : s'il existe un risque de fuite, de rejet ou si une demande de séjour
régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne
concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale -,
dont la détermination est laissée à l'appréciation des Etats membres, en particulier la définition
légale des critères objectifs du risque de fuite selon le 7) de l’article 3 de la directive ;
Considérant, en second lieu et en revanche, qu’il est constant que lesdites dispositions
du II de l’article L. 511-1du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sur le
fondement desquelles a été pris la décision éloignement attaquée ne prévoient pas, pour les
ressortissants étrangers susceptibles de faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière,
d’assortir ces mesures d’un délai de départ volontaire de sept à trente jours ou de renoncer à
accorder un tel délai ou d’en limiter la durée, dans les conditions précitées ; que si la préfète du
Tarn soutient que le droit national serait compatible avec la directive dont s’agit pour les motifs,
selon l’autorité préfectorale, que l’obligation de quitter le territoire français serait la mesure
d’éloignement assortie d’un délai de départ volontaire de trente jours destinée aux étrangers de
bonne foi tandis que la reconduite à la frontière privative d’un tel délai concernerait les étrangers
entrant dans les exceptions visées par la directive comme le cas de risque de fuite, cet argument
ne saurait prospérer dès lors qu’à ce jour le droit français ne limite pas le recours à la reconduite
à la frontière aux seules exceptions visées par la directive européenne et que d’ailleurs ces
exceptions ne sont pas définies ; qu’il y a lieu, dès lors, d’écarter, en tant qu’elles ne prévoient
pas les règles relatives au délai de départ volontaire, l’application de ces dispositions du II de
N°1100737 5
l’article L. 511-1du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; qu’ainsi, M.
S.B. est fondé à soutenir que la décision du 15 février 2011 par laquelle la préfète du Tarn a
prononcé sa reconduite à la frontière est dépourvue de base légale ; que, par suite et sans qu’il
soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, cette décision doit être annulée, ainsi que,
par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant le pays de destination et prescrivant
son placement en rétention administrative ;
DECIDE :
Article 1er : M. Trézor S.B. est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 600 euros à Me Sylvain Laspalles, conseil de
M. S.B., sous réserve que l’avocat renonce à percevoir la part contributive de l’Etat, en
application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.