Dossier / Cas clinique Revue francophone d'orthoptie 2019;12:40–41

Strabisme Divergent et maladie de

Parkinson
Divergent strabismus and Parkinson's disease

Marie Odile Pataut Renard (Orthoptiste) Résidence Gigny-Val-d'Ornel, 24, place du Général
de Gaulle, 52100 Saint-Dizier, France

RÉSUMÉ MOTS CLÉS

Les patients âgés présentant des maladies de Parkinson ont fréquemment des troubles visuels Maladie de Parkinson
sensoriels avec une atteinte de la discrimination des couleurs, de la sensibilité aux contrastes. . . Diplopie
mais également des troubles moteurs avec souvent une exophorie tropie et une perturbation de Strabisme divergent
la motricité oculaire qui requiert alors une prise en charge orthoptique qui peut durer plusieurs
années KEYWORDS
© 2019 Publié par Elsevier Masson SAS. Parkinson's disease
Diplopia
Strabismus divergent

SUMMARY
Patients with Parkinson's disease have frequently sensory visual disorders with impairment of
the discrimination of colors, sensitivity to contrasts. . . but also motor disorders with frequently an
exophoria tropie and a disruption of ocular motor which then requires a charge vision therapy
which can last several years
© 2019 Published by Elsevier Masson SAS.

MOTIFS DU BILAN ET ANAMNESE BILAN ORTHOPTIQUE INITIAL

Monsieur M, âgé de 80 ans, est adressé par
son ophtalmologiste. Depuis quelques mois il
se plaint de difficultés en lecture : il saute des
lignes et les lignes se mélangent.
Il a été opéré de cataracte bilatérale il y a
plusieurs années
Il est à noter que Monsieur M présente une
maladie de Parkinson soignée depuis presque
20 ans.
Monsieur M habite à la campagne, il jardine,
sans aucune gêne visuelle. Il regarde la télé-
vision sans difficulté. La conduite automobile a
été abandonnée depuis plusieurs années
en lien avec l'évolution de sa maladie de
Parkinson.
Il est, par contre, un numismate (collection-
neur de pièces anciennes) passionné, peut
passer des heures à observer, trier ses pièces
de monnaie. Il lit de nombreuses revues en
lien avec sa passion.
Le bilan est réalisé avec sa correction optique
progressive qu'il porte en permanence :
OD +1.25 (-0.75)1058 Add 2.50 OG +1.25
(-0.75) 50 Add 2.50
1.1.Sur un plan sensoriel

Son acuité visuelle est symétrique :
Èil droit : 1.0 Snellen lettres à 5 m P2
Èil gauche : 1.0 Snellen lettres P2
Les deux yeux ensembles 1.0 Snellen let-
tres à 5 m P2 faible avec apparition d'une
diplopie rapidement

Ses capacités fusionnelles sont très insuffi-
santes de loin : C4 D8 et impossible à chiffrer
de près car il voit rapidement double
à 40 cm

Sa vision stéréoscopique est de 2000 ' au
Adresse e-mail :
RDS m.odile.pataut@wanadoo.fr

https://doi.org/10.1016/j.rfo.2019.02.012
© 2019 Publié par Elsevier Masson SAS.
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Strabisme Divergent et maladie de Parkinson

Le Punctum Proximum de Convergence fusionnel est mau-
vais et sans endurance : 40 cm puis s'éloigne jusqu'à
100 cm environ.
1.2.Sur un plan moteur

Monsieur M est droitier Èil droit directeur

Il existe une exophorie de loin : X6 + HD1D et une exophorie
tropie très instable de près X'X't18D

L'examen de la motilité est sans particularité

L'examen de la motricité oculaire met en évidence :
 des mouvements de poursuite horizontale lisses, les pour-
suites verticales semblent moins lisses.
 Les saccades horizontales sont correctes mais les sac-
cades verticales sont peu confortables et indirectes.
 Les mouvements de vergence sont rapidement impossi-
bles dans la mise en jeu
L'examen de la motricité oculaire met en évidence des mou-
vements globalement non endurants.
1.3.Sur un plan fonctionnel

En lecture, il se plaint rapidement d'une vision floue puis
double et il ferme alors l'œil gauche.

La localisation visuelle, testée lors d'un test de piquage est
précise au début mais non endurante
DIAGNOSTIC ORTHOPTIQUE ET PROJET DE
SOIN
Le bilan orthoptique met en évidence un strabisme divergent
très instable de près avec des capacités fusionnelles faibles de
loin et de près, une motricité oculaire perturbée essentielle-
ment dans les mouvements verticaux et une perte d'endu-
rance en fixation de près.
Une rééducation orthoptique est proposée pour améliorer ces
divers éléments. En fonction des résultats et du ressenti du
patient une prismation pourra être proposée en vision de près
pour l'aider à compenser l'exophorie tropie.
REEDUCATION ORTHOPTIQUE
La rééducation a été commencée en prenant en compte la
pathologie de Monsieur M, son état de fatigue, les fluctuations
de résultats d'une séance à l'autre ou d'un moment à l'autre de
la journée. Les séances ont débuté de façon hebdomadaire
puis espacées progressivement.

La motricité oculaire a été sollicitée en monoculaire puis en
binoculaire

Les capacités fusionnelles ont été travaillées de loin et de
près sur mires para maculaires puis maculaires (la fusion sur
mires paramaculaires était plus facile pour Monsieur M. Le
travail de près a été commencé à 1 mètre puis rapproché
progressivement.

L'exploration visuelle a été travaillée sur feuille : recherche
de semblables, recherches de différences. . .
Dossier / Cas clinique
Après 15 séances de rééducation, Monsieur M voit moins
double mais les résultats restent instables et non satisfaisants
au quotidien. Les capacités fusionnelles restent modestes et
surtout très variables C8 à 20D D6 C'4 à 16 D'12 à 16.
La motricité oculaire est plus endurante mais les mouvements
restent lents et parfois non synchrones.
Nous avons alors fait des essais de prismes en vision de près.
Il a été préalablement discuté avec M M de la possibilité de
faire une correction optique uniquement de près avec prismes
incorporés ou des verres dégressifs qui lui auraient permis de
travailler également sur ordinateur. Monsieur M utilisant peu
l'outil informatique, le choix a donc été fait pour une paire de
lunettes de vision de près avec prismes incorporés : 4D base
interne Èil Droit + 4D base interne Èil gauche
Avec cet équipement, Monsieur M garde des capacités fusion-
nelles modérées, une motricité oculaire qui reste lente et
parfois asynchrone. Il a été écrit que 75 % des patients par-
kinsoniens présentent une altération des mouvements oculai-
res dans les deux plans (vertical et horizontal) et souvent en
convergence. [1].
Sa diplopie a fortement diminué et il a retrouvé une meilleure
endurance en fixation de près. Il a également ajouté une lampe
de bureau pour ses activités de près.
Nous avons maintenu un suivi mensuel pour préserver ses
acquis et pour l'instant ce rythme semble lui convenir.
Il est essentiel de prendre en compte le fait que la maladie de
Parkinson est une maladie neurodégénérative d'évolution lente
et à expression motrice. « La perte progressive des neurones
dopaminergiques est responsable des troubles de réalisation
des mouvements. Sur un plan visuel, cela peut entrainer des
troubles de l'acuité visuelle, du sens chromatique, de la sensi-
bilité aux contrastes, des troubles de l'attention visuelle en lien
avec un trouble de l'organisation et de la vitesse des saccades
mais également des troubles de l'initiation des mouvements de
poursuite même si cela reste controversé car l'âge, en lui-
même, suffit à perturber le mouvement oculaire lent. [2]
Pour LARMANDE [3], les poursuites verticales sont plus fra-
giles que les poursuites horizontales et les poursuites sont
plus fragiles que les saccades.
Dans ce contexte de maladie neurodégénérative, il semble
indispensable de maintenir une prise en charge orthoptique
aussi longtemps qu'il est nécessaire, mais en gardant à l'esprit
qu'il faudra peut-être un jour savoir s'arrêter lorsque la maladie
aura évolué et que la prise en charge orthoptique n'apportera
plus de réponse à la plainte du patient ou deviendra beaucoup
trop fatigante ou contraignante. Il parait également indispen-
sable de rappeler qu'il faut savoir adapter les horaires des
séances aux traitements médicamenteux de nos patients.
Déclaration de liens d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.
RÉFÉRENCES
[1] Larmande P, Larmande A. Abrégé de neurophtalmologie. MAS-
SON 1989;184.
[2] Orssaud C. Starbologie, 3ieme Edition, Dr Espinasse Berrod
Elsevier; 2018. p. 246.
[3] Larmande P, Larmande A. Abrégé de neurophtalmologie. MAS-
SON 1989;182–3.
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