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Une Chine autarcique est plus


dangereuse qu’une Chine globalisée »
Invités du Club de l’économie du « Monde », jeudi 17 décembre, Pascal Lamy,
Ancien commissaire européen et ex-directeur général de l’OMC, et Laurence
Nardon, chef du programme Amérique du Nord de l’Institut français des relations
internationales, analysent la future politique internationale de l’équipe Biden.

Propos recueillis par Philippe Escande et Sylvie Kauffmann

Publié le 18 décembre 2020 à 09h46 - Mis à jour le 18 décembre 2020 à 16h56 


Temps deLecture 3 min.

Pour Pascal Lamy, ancien commissaire européen et ex-directeur général de l’Organisation


mondiale du commerce (OMC), et Laurence Nardon, chef du programme Amérique du Nord
de l’Institut français des relations internationales, la future administration Biden ne changera
pas de ligne sur la Chine, mais tentera de travailler avec les Européens.

Doit-on s’attendre à de grands bouleversements dans les relations


internationales ?

Pascal Lamy : On va avoir un grand changement de posture, avec un Biden aimable. Vu de


notre côté, c’est un soulagement, parce que, enfin, on va pouvoir se parler des deux côtés de
l’Atlantique. Tout cela aura des effets assez modestes sur le fond, pour plusieurs raisons. La
première, c’est que pour nous, Européens, le sujet, ce n’est pas l’Europe, c’est la Chine. Le
point d’articulation géopolitique et géo-économique américain dans le monde d’aujourd’hui et
de demain, c’est le Pacifique, c’est l’Asie, c’est la Chine. Ce n’est plus nous. Ce sera donc sa
priorité, avec le même logiciel politique que celui de Trump. Biden et son électorat
considèrent que la Chine est désormais une menace pour les Etats-Unis, qui doit être plus que
contenue, [comme le théorisait] Henry Kissinger [secrétaire d’Etat de 1973 à 1977], mais qui
doit être repoussée.

La deuxième raison, c’est que, en politique étrangère, c’est le Sénat qui décide, pas juste le
président. (…)  Enfin, pour nous, Européens, nous sommes une quantité beaucoup plus
négligeable que par le passé. Je ne crois pas du tout à un grand accord commercial
transatlantique. Le précédent a d’ailleurs été un échec, comme ce devait l’être, d’ailleurs.

(…) Trump a offert à la Chine un boulevard géopolitique et géo-économique. Il a tapé sur les


Chinois sur le plan commercial, avec des résultats nuls, voire négatifs. (…) Ce qui va changer,
c’est que les Européens et les Américains vont pouvoir se parler ensemble de ce qu’ils font à
l’égard de la Chine. (…) Il y a d’ores et déjà, avec les équipes Biden, un travail de
concertation.

Laurence Nardon : Il y a, aux Etats-Unis, un consensus bipartisan très critique de la Chine


aujourd’hui, mais il n’y a pas vraiment de solution. Depuis Trump, les Américains ont bien
compris que leur politique d’ouverture à la Chine, qui date de Kissinger ou de 2000, avec
l’entrée de la Chine dans l’OMC, était une sorte de tentative de répliquer l’Ostpolitik, c’est-à-
dire l’idée qu’on va intégrer la Chine dans le commerce international pour démocratiser le

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pays. Ce rêve a totalement échoué. On va être, depuis Trump, plus agressif avec la Chine sur
les questions de commerce, de finance…, mais il n’y a pas vraiment de solution pour contenir
ou engager la Chine.

On sait qu’ils vont être plus durs, mais que va faire l’administration Biden sur Hongkong et
Taïwan, par exemple ? C’est extraordinairement risqué et compliqué. Je pense qu’ils sont très
inquiets, parce qu’à mesure que le gouvernement de la Chine continentale va continuer ses
agressions contre ces deux territoires, l’administration Biden, qui a remis au premier plan les
questions de droits de l’homme et de respect de la démocratie, ne va pas pouvoir baisser la
garde.

Joe Biden veut proposer un « sommet des démocraties ». Est-ce la fin


du multilatéralisme ?

Pascal Lamy : Que le multilatéralisme soit en crise, c’est sûr, mais que ce soit sa fin, je ne le
crois pas. Je ne crois pas que ce monde doive s’organiser autour d’un multilatéralisme de
demain qui remplacerait celui d’hier et qui soit seulement entre les démocraties. De mon point
de vue d’Européen, un des enjeux de la conversation internationale globale multilatérale, c’est
d’emmener des pays qui ne sont pas démocratiques vers nos propres valeurs démocratiques.

Ce que Trump a fait, c’est-à-dire de faire basculer au sein du Politburo chinois la majorité du
côté plus nationaliste, plus communiste, cette erreur qui consiste à avoir renforcé en Chine la
tendance autarcique, isolationniste, je crois que c’est mauvais. Je considère qu’à certains
égards, la Chine est une menace. Mais je trouve qu’une Chine autarcique est beaucoup plus
dangereuse qu’une Chine globalisée. Si le sommet des démocraties, c’est pour l’isoler, je ne
suis pas pour.

Laurence Nardon : Il y a un risque, aujourd’hui, de voir le monde évoluer vers un système


qui ne serait plus le système multilatéral et international que nous avons connu depuis 1945
et, surtout, depuis la chute de l’URSS, en 1990. Les dirigeants de notre monde et les gens
dans les think tanks travaillent sur l’hypothèse d’un monde avec des sphères d’influence. Il y
aurait une sphère démocratique occidentale, une sphère sous influence chinoise. (…) On
pourrait voir des sphères de sous-développement perdurer. C’est une perspective très sombre.
Le Forum de Paris pour la paix et d’autres essaient de lutter contre cette éventualité d’un
monde avec des sphères différenciées. Cela va être l’aventure des décennies qui viennent.

Philippe Escande et Sylvie Kauffmann

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