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PÉDAGOGIE

Musiciens, faites de l'écriture!


2. L’enseignement de l'écriture en France aujourd'hui

Second volet de l'étude de Marc-Olivier Dupin sur l'enseignement de l'écriture en France. Après un
plaidoyer vibrant en faveur de l'apprentissage de l'écriture, l'auteur aborde à présent le "où, quand,
comment" des études d'écriture. Il s'interroge aussi sur la situation actuelle de cet enseignement au
Conservatoire de Paris, dont il a été le directeur de 1993 à 2000. Un point de vue qui fera, sans nul
doute, polémique. Le débat est ouvert.

En supposant que notre plaidoyer pour l'écriture incite immédiatement le lecteur à aller prendre des
cours, diverses questions se posent: dans quelle institution? à partir de quel âge? Quels sont les
prérequis ? Quelle doit être la disponibilité en terme de temps? Plus généralement, quelle est la
situation actuelle de l'enseignement de l'écriture en France? Quelles en sont les forces et les
faiblesses?

COMMENT ÉTUDIER L'ÉCRITURE?

Où? Les formations se trouvent essentiellement dans les conservatoires et écoles de musique ou à
l'université. En dehors des écoles de jazz, peu d'écoles privées en proposent, à l'exception de l'Ecole
normale de musique et de la Schola Cantorum. De nombreux professeurs particuliers dispensent des
cours. L’écriture peut s'apprendre en cours individuel ou en petit groupe. Il est important que le
professeur puisse corriger chaque élève et effectuer un travail adapté à chacun. Les trop grands
groupes sont catastrophiques: l'apprentissage devient cérébral et donc atrocement ennuyeux...

A quel âge? L’âge des débuts à l'écriture s'est grandement modifié au fil des générations. Après la
Seconde Guerre mondiale, il était fréquent de commencer l'harmonie au Conservatoire l’âge de 11
ans. Aujourd’hui, en raison du poids des études générales, c’est rarement avant 15-16 ans. C'est
davantage le niveau musical qui doit déterminer le bon moment.

Quels prérequis ? Les conditions sont liées à un des aspects de l’apprentissage du solfège ou de la
formation musicale, « l’oreille » : il n’est pas besoin d’avoir l’oreille absolue, mais la reconnaissance
des intervalles – la différenciation immédiate des accords majeurs et mineurs, par exemple - est
nécessaire. La connaissance préalable des clefs n'est pas nécessaire: on les apprend au fur et à
mesure.
Les études durent-elles longtemps? Combien de temps leur consacrer? La durée dépend à la fois des
dons, du désir de l'élève et du niveau qu'il souhaite atteindre. Pour un élève instrumentiste désireux
d'acquérir de bonnes notions, deux ou trois années scolaires à raison de trois ou quatre heures par
semaine peuvent suffire. Au niveau supérieur, selon l'organisation du cursus choisi, ces études
peuvent se limiter à deux ou trois ans.

Quel parcours pédagogique? Dans la tradition de l'école française, l'élève commence par l'étude de
l'harmonie en réalisant des enchaînements d'accords simples sur des mélodies à harmoniser ou des
basses à réaliser. Progressivement, il aborde les modulations, les accords de plus en plus complexes
et ce que nous nommons les notes étrangères (à l'accord) : retards, notes de passage, appoggiatures et
différentes formes d'ornements. Le contrepoint, qui se commence un peu après l'harmonie, consiste
à:
- ajouter à une voix puis plusieurs à un cantus firmus d'une dizaine de rondes, selon des règles
anciennes au service de la beauté de la polyphonie; - harmoniser un choral dans le style de Bach.
Cette première phase constitue ce qu'on appelle familièrement "faire le traité", c'est-à-dire maîtriser
les éléments constitutifs du langage tonale, de son vocabulaire (les accords) et de sa syntaxe (la
structure de la phrase et la façon d'enchaîner les accords, déjà dans l'esprit d'études de style).
La deuxième phase est orientée vers le travail dans un style donné et des travaux plus libres:
harmoniser un lied dans le style de Schumann, écrire des variations pour orgue dans le style de Bach
ou un scherzo pour quatuor à cordes dans le style de Beethoven, à partir d'une courte incise.

Faut-il travailler avec un traité d'harmonie? Oui et non. Personnellement, j'ai eu la chance d'avoir,
pendant toute ma scolarité en harmonie, de mes débuts à mon prix, deux extraordinaires professeurs -
Nicole Cochereau et Jeanine Rueff - qui ne m'ont jamais fait travailler dans un traité. Pour résumer,
quand ça sonnait bien, c'était permis; quand ça sonnait mal, c'était interdit. Lorsque je posais des
questions plus théoriques, elles m'incitaient à consulter le traité du vénérable Théodore Dubois. Cette
approche était exclusivement sensorielle, musicale et artistique. Or, le drame de l'écriture est que son
enseignement est parfois beaucoup trop cérébral et abstrait avec un arsenal confus de béquilles
théoriques. Donc, oui aux traités comme un dictionnaire ou une encyclopédie dans lesquels on vérifie
une orthographe ou le sens d'une notion. Non à tout autre usage. A consommer avec la plus grande
modération...

Faut-il travailler le contrepoint avec un traité? Oui, pour ce que l'on appelle le contrepoint
rigoureux. Discipline prétendument austère, cette forme de rhétorique musicale s'appuie sur un
ensemble de règles de nature culturelle: les traités du Be siècle sont plus restrictifs que ceux du 18e
(Fux), du 19e (Cherubini) ou du 20e (Gallon-Bitsch ou Schoenberg). Chacun défend une certaine
cohérence du langage musical qui demeure subjective comme toute théorie sur l'art.
Le contrepoint rigoureux est à l'apprentissage de l'écriture ce que les épinards sont à l'alimentation de
l'enfant: il apporte du fer... et muscle la polyphonie. Il a le même succès que ce précieux légume
(aimé des cantines scolaires) auprès des jeunes élèves d'écriture comme les gammes en tierces et en
dixièmes auprès des apprentis violonistes...
Pour les autres travaux de contrepoint, tels que l'harmonisation du choral dans le style de Bach ou la
variation, il faut se référer en permanence aux chefs-d'œuvre du répertoire.

Peut-on travailler au piano? L’un des objectifs de l'apprentissage de l'écriture étant de développer
l'écoute intérieure, il est préférable de se passer du piano lors de travaux écrits. Comme beaucoup de
mes condisciples, il m'arrivait d'aller clandestinement à l'instrument, pour vérifier un enchaînement
dont je n'étais pas sûr ou rejouer mon devoir à la fin de mon travail. Mais, heureusement, mon
sentiment de culpabilité me préservait d'un recours trop fréquent à l'usage du piano. Il m'a plutôt aidé
à développer l'écoute intérieure.
En revanche, il existe maintenant dans de nombreux cursus des cours d'harmonie au piano qui
consistent à former les claviéristes à l'harmonisation en temps réel, ce qui est une excellente chose,
complémentaire aux études d'écriture.

Est-il besoin de travailler dans les styles? Oui. Pas seulement par goût du pastiche, mais pour
comprendre et "sentir de l'intérieur". Cette pratique de la copie a longtemps été l'apanage des
peintres, notamment au 19e siècle depuis Delacroix. Elle était en quelque sorte une façon de
s'inscrire dans l'histoire de l'art. Le jeune Picasso en fait l'exercice au Louvre comme d'autres. Cet
apprentissage lui permettra d'ailleurs de réaliser une interprétation plus personnelle lorsqu'il peint ses
propres Ménines d'après Vélasquez. Ce que fera également avec génie Stravinsky, dans sa myriade
"d'emprunts" en tout genre.

Quelles sont les formes de l'évaluation? Toujours dans la tradition du Conservatoire, l'évaluation
se fait sous forme de mise en loge sans piano. Les épreuves demandant du temps, les impétrants sont
confinés dans une pièce pendant une grande partie de la journée: en supérieur, de huit à seize heures,
selon les épreuves! Généralement dans un studio individuel permettant une gestion du temps très
personnalisée. Ces devoirs sont ensuite jugés anonymement par de doctes spécialistes.
Depuis de nombreuses années, l'enseignement de l'écriture est régulièrement mis en cause pour
différentes raisons plus ou moins fondées: on considère les études trop chronophages, les contenus
trop éloignés de la musique d'aujourd'hui, les méthodes obsolètes. Qu'en est-il réellement?
L’enseignement de l'écriture est aujourd'hui bien malmené. Tout d'abord, l'université ne me semble
pas offrir de bonnes conditions d'enseignement de l'écriture pour au moins deux raisons: sur le plan
pédagogique, l'approche reste trop théorique; en terme d'organisation, les groupes d'étudiants sont
trop nombreux pour trop peu d'heures de cours. Or, son apprentissage s'apparente davantage à la
formation à un artisanat qu'à un enseignement universitaire.
Au Conservatoire, les problèmes sont d'une autre nature.

Le désamour du Conservatoire de Paris pour ses classes d'écriture L’érosion de l'intérêt pour
l'écriture remonte probablement aux années qui ont suivi le mouvement de 1968.
Les premiers à quitter le navire sont les apprentis compositeurs, ces enseignements leur apparaissant
trop académiques et sans rapport direct avec leur futur métier. Ils sont souvent encouragés dans cette
voie par leurs enseignants, à l'exception d'Olivier Messiaen qui restera toujours fidèle à cette
tradition. Dans les années 1980, on constate que les professeurs d'instrument - notamment de piano -
cessent progressivement d'inciter leurs étudiants à acquérir cette culture. Certes, l'importance
croissante donnée aux études générales et le poids des disciplines complémentaires laissent de moins
en moins de temps de travail instrumental personnel à leurs élèves.
Plus récemment, la mise en place du LMD (licence, master, doctorat) a fait des études d'écriture pour
les instrumentistes une victime collatérale, en raison de la lourdeur encore accrue des cursus.
Enfin, depuis les années 2000, le Conservatoire s'est engagé dans de bien contestables réformes:
-l'étude des styles se transforme: les textes travaillés portent sur une période et non plus sur un
auteur. Mozart et Haydn ont certes en commun différents éléments de langage (formules
harmoniques, formes...); leur univers musical est cependant réellement distinct et immédiatement
différenciable. Les "mettre dans le même sac" montre à quel point règne l'incompréhension sur les
finalités des études de style. Même chose pour la mélodie française au tournant de la fin du 19e
siècle: mélanger Fauré, Duparc, Debussy relève du même égarement artistique et pédagogique;
- pour la première fois depuis la fondation du Conservatoire, le contrepoint rigoureux est
abandonné: comme si les études de lettres se privaient à tout jamais du latin et du grec. Certes, les
études limitées à la pratique du traité de Gallon-Bitsch méritaient une véritable refondation, d'autant
plus depuis que l'enseignement du contrepoint Renaissance a trouvé sa place dans les cursus. Mais au
lieu d'abandonner cet enseignement, le Conservatoire devrait renouer avec l'une de ses traditions du
1ge siècle: concevoir une méthode pédagogique appropriée en passant commande d'un traité de
contrepoint à ses enseignants. Avec une approche stylistique assumée, il pourrait s'organiser en deux
parties, l'une sur le contrepoint Renaissance, l'autre sur le contrepoint baroque/classique;
- l'évaluation s'est transformée au point de ne pas laisser une place suffisante à la mise en loge: une
partie des travaux évalués se prépare chez soi, permettant évidemment le recours au clavier et toutes
les aides extérieures que l'étudiant est susceptible de solliciter... Or, l'écoute intérieure demeure l'une
des premières qualités de l'étudiant à expertiser;
-les nouveaux textes d'examen font appel à la notion de projet personnel en écriture. N'est-ce pas
tout simplement une démarche compositionnelle qui devrait se faire dans le cadre de la classe de
composition? Les classes d'écriture n'ont pas vocation à devenir un fourre-tout comprenant une
multitude de disciplines telles que l'improvisation, l'interprétation et la composition;
- autre critique: les épreuves d'examens sont souvent trop longues. Il n'est pas nécessaire de
demander à un étudiant d'écrire un roman pour vérifier si son orthographe, sa syntaxe et son sens du
discours sont bons.

Les critiques que je porte sur l'enseignement actuel de l'écriture au Conservatoire ne relèvent pas de
la nostalgie face à une tradition qui se perd. Je déplore seulement le renoncement à une pédagogie
d'une efficacité internationalement reconnue, à qui l'on doit deux siècles de musiciens
extraordinaires, de Berlioz à Fauré, Debussy, Ravel, Messiaen, Dutilleux, Boulez et bien d'autres. Je
souhaite que le Conservatoire retrouve avec conviction le chemin de cette pédagogie dans des formes
toilettées, au service de la connaissance et de la création musicale.

MARC-OLWIER DUPIN

La lettre du Musicien - janvier 2013 - n° 427

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