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Chapitre 

1 : Les conduites additives au travail

Ce premier chapitre a pour but de présenter, premièrement : le phénomène de l’addiction au


travail tel que décrit et argumenté dans la littérature scientifique afin de construire notre propre
questionnement sur ce phénomène. Pour y parvenir, nous présenterons la définition de
l’addiction au travail selon deux perspectives principales : individuelle et organisationnelle. Nous
allons ensuite présenter typologies ainsi que ses stades d’évolutions ainsi que ses conséquences
sur la personne touchée et son entourage. Nous dévoilerons également modèles théorique
explicatifs. Les T.I.C nous permettra de formuler la question et les objectifs de notre recherche
dans le deuxième chapitre qui suit.

I. L’addiction au travail ou Workaholisme


1) La définition de l’addiction au travail

Dans cette section, nous tenterons de clarifier la définition de la dépendance au travail à partir de
deux perspectives (individus ou organisations) soulignées dans la littérature. Tout d'abord, selon
l'auteur (Chakroun, 2012; Varescon, 2009), la dépendance au travail est une dépendance qui
appartient à la catégorie plus générale de la dépendance comportementale.

La dépendance comportementale est le résultat du processus d'interaction entre un individu et un


objet externe ou une activité médiocre, qui peut être utilisée par toutes les personnes, ce qui
conduit à une expérience qui, en raison des effets agréables qu'elle fournit et des fonctions qu'elle
remplit, repose principalement sur le développement psychologique et la mise en œuvre. Cette
dépendance entraîne une conduite répétée, une perte de contrôle, de concentration et de besoins,
ce qui peut avoir un impact négatif sur la personne et son entourage (Varescon 2009, p. 12).

Selon cette définition, l’addiction au travail serait envisagée comme une dépendance faisant
référence à une expérience surtout individuelle, procurant du plaisir pour la personne - dans ce
cas-ci, avec l’activité de travailler -, malgré l’existence de conséquences négatives.

1.1. La perspective individuelle


La plupart des publications ont tendance à décrire la dépendance au travail d'un point de vue
personnel, et l'explication du comportement n'est expliquée que par la responsabilité
personnelle. D'un point de vue personnel, les éléments dérivés de la définition sont: le travail
forcé dû à la pression innée, la charge de travail, le plaisir lié au travail, les horaires de
travail, les problèmes de santé et les relations sociales. Premièrement, Oates (1971) a
expliqué que le bourreau de travail ou la dépendance au travail est une envie compulsive ou
incontrôlable de travailler en continu (p.1).
En fait, selon Chakroun (2012), la dépendance comportementale liée au travail se manifeste
par: une impulsion irrépressible, une sédation à court terme, un état de sevrage, un
phénomène obsessionnel-compulsif, une attention pathologique au travail et la nécessité
d'une «augmentation» de la dose tolérable. voici la durée et la détermination du travail - pour
obtenir une sédation (page 897). Dans le même temps, selon l'étude 11 de Schaufeli, Shimazu
et Taris (2009), la dépendance au travail est aussi une tendance au travail excessif (aspect
comportemental) et à la fixation au travail (aspect cognitif). -323 pages). De même, Spence
et Robbins (1992) expliquent que, par rapport aux autres, «les personnes dépendantes au
travail sont fortement engagées dans leur propre travail et se sentent obligées ou motivées à
travailler en raison de la pression innée. Mais je me trouve moins amusant au travail. (p.
162).
Contrairement à d'autres auteurs, ses recherches ont révélé que les bourreaux de travail sont
plus perfectionnistes, ont tendance à ne pas déléguer leur travail et sont soumis à la plus
grande pression (p.177). De plus, Porter (2001) a expliqué comment les personnes ayant une
dépendance au travail peuvent assumer la charge de travail requise par l'organisation pour
répondre à leurs besoins de travail continu (page 146). Ng, Sorensen et Feldman (2007)
affirment que, contrairement à ce que Spence et Robbins (1992) ont dit, les personnes
dépendantes sont définies comme des personnes qui aiment travailler. Ils ont également
mentionné que ce sont des gens qui sont dépendants des activités professionnelles, qu'ils
consacrent beaucoup de temps et de temps personnel au travail. Les émotions, les pensées et
les comportements de ces personnes sont principalement régis par leur travail (page 114).
Dans l'étude qualitative de McMillan et O'Driscoll (2006), la définition de la dépendance au
travail a été proposée par les participants à l'étude. Selon cette étude, le temps passé à
travailler ou à réfléchir au travail et le refus de quitter le travail (personnalité compulsive)
sont les critères de base pour la définition de ce phénomène (page 100).
De plus, Oates (1979) estime qu'un bourreau de travail est une personne qui a trop investi
dans son travail pour interférer avec sa santé physique, son bien-être personnel, ses relations
interpersonnelles et ses fonctions sociales (page 4).
De plus, Porter (2001) a convenu avec Oates (1971) que ces personnes sont prêtes à sacrifier
la qualité de leurs relations pour utiliser le travail comme seule source de plaisir (p. 148).
Dans ce cas, l'objectif personnel du travail dépasse tout autre aspect de la vie, ce qui peut
conduire à une certaine morbidité, comme Bonebright, Clay et Ankermann (2000) suggèrent
un comportement plus bourré de travail. (TPOC) Trouvé dans DSM-5 (p.470).
En résumé, tous les auteurs insistent sur la contrainte personnelle au travail. Ils comprennent
qu'en raison d'une force motrice innée, la responsabilité du comportement incombe toujours à
l'individu. Certains auteurs estiment que la charge de travail est un facteur particulier, car les
personnes ayant une dépendance au travail cherchent à assumer beaucoup de travail pour
assurer leur travail.
Ensuite, il aborde la compulsivité du travail par rapport au plaisir du travail, mais il est
encore controversé d'expliquer ce phénomène lorsque les individus tirent du plaisir du travail.
D'autres expliquent le comportement compulsif en fonction du temps passé ou des heures
considérées comme du travail. De plus, certains auteurs s'inquiètent plus spécifiquement des
problèmes de santé qui découlent de l'utilisation de ce comportement compulsif. De plus, en
raison de l'importance et du temps de travail, certaines personnes ont mentionné que les
relations sociales seraient endommagées.
1.2. La perspective organisationnelle

D'un point de vue organisationnel, la dépendance au travail est également définie dans la
littérature, et la responsabilité de ce comportement réside dans l'organisation du travail. Dans
cette optique, les éléments dérivés de la définition sont: l'éthique du travail, la culture
organisationnelle qui valorise l'existence d'employés excessifs, la reconnaissance, les
récompenses, la technologie et la charge de travail. Certains auteurs estiment que la définition de
la dépendance au travail s'inscrit davantage dans la perspective de mettre l'accent sur le
dysfonctionnement personnel et d'ignorer le rôle de l'organisation du travail (Grébot, 2013;
Machado, Desrumaux et Dose, 2015). Pour cette raison, selon les recherches de Machado,
Desrumaux et Dose (2015), «[…] l'environnement de travail est propice à la« dépendance au
travail »chez [les conseillers intégrés» (page 114). La tendance de l'effort, La compulsivité est
attribuée aux traits personnels et à l'environnement organisationnel »(page 116), contrairement à
Spence et Robbins (1992), il ne met l'accent que sur l'individu.

À cet égard, depuis les années 1960 et 1970, la relation pathologique avec le travail rendra la
dépendance au travail caractérisée par des expériences qui conduisent à des déséquilibres
internes et nuisent à la santé physique et mentale (Gheorghita, 2014, p. 296). C'est ainsi que
Gheorghita (2014) nous a suggéré: «L'éthique du travail et la culture organisationnelle
encourageront le travail, implicitement accro au travail, évolueront vers la dépendance - la
dépendance la plus attrayante», tolérer et utiliser les excès personnels au travail Avantages
existants (page 298). De plus, les commentaires des participants à l'étude qualitative menée par
Kirrane, Breen et O'Connor (2018) nous ont fait comprendre que la performance attendue
conduirait à un travail excessif, les rendant ainsi accros au travail, puis fortement récompensés
par le personnel. environnement de travail. De plus, donner la priorité au travail en dehors de la
vie personnelle est considéré comme un préalable pour travailler dans certains environnements,
sans parler de la culture de travail qui normalise le travail d'un trop grand nombre d'employés
(page 244). Dans le même temps, selon les résultats de la recherche empirique de Keller et al.
(2016) Les employés qui estiment que leur environnement de travail est un lieu de comparaisons
fréquentes des performances avec les autres et que les performances dépendent de ces
performances ont signalé des niveaux plus élevés de dépendance au travail (page 125).

De plus, selon Machado, Desrumaux et Dose (2015); Guédont et Bernaud (2015) estiment que la
forme de dépendance au travail est d'abord lorsque le lieu de travail a une amélioration de la
rémunération plus faible, ce qui est différent de Porter (2001). Kirrane, Breen et O'Connor
(2018) et Burke (2001) ont souligné que les récompenses améliorées favorisent la dépendance au
travail.

Dans le même temps, Machado, Desrumaux et Dose (2015) ont affirmé: «En effet,« dans la
plupart des cas, les restrictions organisationnelles sont des incitations à la dépendance au travail,
qui peuvent inclure la rémunération et le rendement des primes »(108). D'un côté, techniquement
parlant, la technologie peut non seulement réduire la dépendance au travail, mais aussi renforcer
la dépendance au travail. Ce sera une autre condition organisationnelle liée à la dépendance au
travail (Ng, Sorensen et Feldman, 2007, p. 131). Ensuite, sur la base de la recherche empirique
menée par Guédont et Bernaud (2015) explorant les conditions de travail liées à cette addiction,
la charge de travail déléguée par le lieu de travail est proposée comme un bénéfice de cette
addiction (p. 83).

Au total, divers auteurs se sont engagés à proposer des conditions organisationnelles comme une
composante jouant un rôle central dans le développement de l'addiction personnelle au travail.
L'éthique du travail et la culture organisationnelle sont discutées comme des facteurs pouvant
conduire à une dépendance au travail. Certains conviennent que la culture organisationnelle est
un problème lorsqu'il s'agit d'encourager les employés à surmenage. Ensuite, il semble y avoir un
lien entre la performance au travail et la reconnaissance, ce qui encouragera les individus à
continuer à travailler jusqu'à ce qu'ils deviennent accros au travail. Certains types de
rémunération ont été proposés comme conditions organisationnelles dans la littérature pour
valoriser ce comportement. Certaines personnes se demandent même si l'existence de
récompenses amènera les gens à développer une dépendance au travail. Puis, la technologie est
mentionnée comme condition organisationnelle sans être suffisamment expliquée. D’ailleurs, la
charge de travail serait un autre élément qui est mentionné comme condition qui supporte
l’émergence d’une compulsion du travail, sans être comparable à d’autres ouvrages sur le sujet.
Enfin, cette section nous a permis d’envisager les perspectives des auteurs pour qui l’addiction
au travail est un problème d’organisation du travail et non seulement d’individu.

En conséquence, la définition de la dépendance au travail reste ambiguë, se concentrant sur les


individus et les organisations du travail de manière complémentaire ou opposée. Au total, il est
clair que dans la littérature sur la définition de la dépendance au travail, certains auteurs sont
d'accord avec une définition strictement basée sur l'individu, tandis que d'autres auteurs sont
d'accord avec une définition liée ou liée à l'organisation du travail uniquement. personnel. Les
différents éléments qui ont émergé du point de vue des individus et des organisations, d'un auteur
à l'autre, ont encore des points de vue assez divergents et citent des éléments qui manquent de
consensus ou de validité scientifique.

2) Stades d’évolution

Sur le plan évolutif, trois stades successifs, de gravité croissante, peuvent être décrits . 1

a. Phase d’installation

Le premier stade, d’installation insidieuse, consiste en un allongement progressif du temps


consacré au travail, au-delà des horaires habituels (sur le lieu du travail ou à domicile), associé à
une réticence croissante à bénéficier de ses congés.

b. Phase d’état

Le deuxième stade correspond à un surinvestissement dans le travail quasi frénétique, avec la


survenue des premiers signes de retentissement négatif, sur le plan personnel (stress, troubles du
sommeil, fatigue, ...) ou sur le plan de la vie familiale (désinvestissement progressif, …), avec
évitement de plus en plus marqué des moments de loisirs.

c. Phase de décompensation

Le troisième stade aboutit à un retentissement délétère global, social et individuel, avec des
répercussions physiques (céphalées, troubles cardio-vasculaires, …) et psychologiques

1
Oates W.— Confessions of a workaholic: the facts about work addiction. New York, New York World Pub Co.
1971.
(émoussements des affects, sentiment de dévalorisation, symptômes dépressifs, …) et, in fine, à
un véritable épuisement professionnel, bien connu sous la terminologie anglo-saxonne de
«burnout».

3) Typologie

Il existe manifestement différents types de personnes atteintes d’une certaine addiction au travail
qui possèdent, chacune, leurs propres caractéristiques 2. A ce titre, le «workaholisme» doit être
davantage considéré comme un syndrome que comme une entité nosologique univoque 3. Les
principales typologies décrites dans la littérature sont résumées dans le tableau I (1, 4, 10). La
description la plus détaillée revient à Spence et Robbins pour qui l’addiction au travail peut être
analysée selon trois composantes essentielles : l’implication volontaire dans son travail, la
pression externe à travailler de façon excessive et la satisfaction apportée par le travail 4. La
notion de plaisir et d’enthousiasme face au travail est sans doute importante dans la typologie des
personnes présentant ce type d’addiction : plus le degré de satisfaction et de plaisir est élevé,
moins il existe des symptômes psychologiques ou physiques .5

2
. Harpaz I, Snir R.— Workaholism: its definition and nature. Human Relations, 2003, 56, 292-320.
3
Aziz S, Zickar MJ. — A cluster analysis investigation of workaholism as a syndrome. J Occup Health Psychol, 2006,
11, 52-62.
4
Spence JT, Robbins AS.— Workaholism: definition, measurement, and preliminary results. J Pers Assess, 1992, 58,
160-178
5
Buelens M, Poelmans S.— Enriching the Spence and Robbins’ typology of workaholism: demographic,
motivational and organizational correlates. J Organizational Change Manag, 2004, 17, 440-458
Tableau I. Différentes typologies des personnes présentant une addiction au travail

Selon le même concept, il a été proposé de faire la distinction entre un «bon» et un «mauvais
workalholic» 6. Le premier est caractérisé par un engagement actif, volontaire et pleinement
satisfaisant, avec débordement d’énergie, excellente efficacité et remarquable productivité et,
dans le même temps, peu de répercussions négatives. Dans ce cas, on a affaire à un travailleur
acharné chez qui le travail est source de stimulation et de bien-être. Par contre, le second se
caractérise par une activité compulsive, moins bien organisée et relativement peu productive,
source d’insatisfaction, d’inconfort psychologique, de souffrance et de plaintes diverses. On
retrouve alors souvent des formes de stress, de trouble obsessionnel compulsif («tocs») et de
névrose obsessionnelle en relation avec le travail

4) Modèles théoriques explicatifs

Plusieurs modèles théoriques explicatifs ont été proposés dont le modèle de l’addiction
(«phénomène de récompense»), le modèle de l’apprentissage («conditionnement opérant») et le
modèle de la personnalité («comportement favorisé par un ensemble de traits innés ou acquis tôt
dans la vie»). Ces trois modèles appliqués à l’addiction au travail ne sont cependant que des

6
. Schaufeli W, Taris T, Bakker A.— Jekkyl or Mr. Hyde: on the differences between work engagement and
workaholism. In: Burke RJ, Ed. Research companion to work hours and work addiction. Cheltenham: Edward Elgar.
2006.
hypothèses et il est vraisemblable qu’ils s’intriquent, de façon variable, selon la personne
considérée. Les trois modèles s’accordent pour apporter des explications quant au fait que ce
trouble du comportement se maintient généralement dans le temps, mais s’opposent sur les
causes de son apparition et sur sa capacité de réponse au changement 7. Quoi qu’il en soit, les
différents points de vue théoriques, du modèle psychanalytique aux modèles plus contemporains,
mettent la question de l’estime de soi (narcissisme) au centre de la problématique de l’addiction
au travail8

Facteurs explicatifs et mécanismes d’action des substances psychoactives

Une addiction peut faire suite à une simple curiosité, à une recherche de plaisir instantané ou à
un besoin de faire diminuer rapidement malaises, angoisses ou tensions internes ressenties. La
rencontre entre un individu et un produit/comportement, à un instant particulier de la vie, peut
ensuite entraîner l’individu dans un engrenage le rendant « esclave ». Les raisons qui expliquent
ce basculement vers la dépendance ne sont pas aisées à déterminer mais un certain nombre de
vulnérabilités (biologiques, psychiques et sociales) joueraient un rôle, par exemple l’histoire
personnelle, l’environnement social, familial, privé et professionnel.

Vulnérabilité biologique

La vulnérabilité biologique est basée sur le système de récompense (qui dépend de structures
cérébrales). Il est déclenché via l’appareil sensoriel (manger, boire…). Les produits psychoactifs
viennent court-circuiter ce système en l’activant directement.

Le circuit de recompense

7
McMillan L, O’Driscoll M, Marsh N, Brady E.— Understanding workaholism : data synthesis, theoretical critique, and future
design strategies. Int J Stress Manag, 2001, 8, 69-91
8
Burke RJ. — Workaholism, self-esteem, and motives for money. Psychol Rep, 2004, 94, 457-463
Figure 4 - Le circuit de récompense

Le système de récompense se trouve au centre de la réalisation des besoins vitaux. Plusieurs aires
cérébrales sont impliquées, notamment l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens (reliés
par des neurones dopaminergiques). Les autres aires impliquées sont « connectées » par des
neurones qui libèrent de la dopamine et d’autres neuromédiateurs (glutamate et autres).

Vulnérabilité psychique

Une vulnérabilité psychique a été relevée chez les personnes dépendantes, qui peut être de
différentes natures :

elle peut être liée aux motivations : attrait de l’inconnu, recherche de plaisir, désir d’enrichir son
expérience, etc. ;

- elle peut être rattachée à un état de souffrance psychologique. Les personnes dépendantes
peuvent être sujettes à l’anxiété, l’angoisse ou la dépression, ou avoir une faible estime de
soi. Les conduits additives
seraient un moyen, plus ou moins conscient, de rechercher une sécurité à travers la routine de
l'habitude9; - elle peut provenir de certains événements de vie, notamment défavorables. Par
exemple, la proportion d’enfants élevés par d’autres personnes que leurs parents est plus
importante chez les usagers de drogues. On note l’existence plus fréquente chez les usagers de
drogue que dans la population générale d’un sentiment de rejet pendant l’enfance .10

- elle peut avoir trait à la prise de risques pendant l’adolescence. Valeur a en effet montré que la
recherche de sensations fortes amenant à une prise de risque importante par l’individu
(généralement adolescent) constitue une des dimensions de l’addiction.

Vulnérabilité sociale

La vulnérabilité sociale concerne les facteurs liés à l’activité professionnelle et les facteurs
sociaux.

Des contraintes de travail particulières peuvent conduire à des situations de stress : objectifs fixés
trop élevés ou d’efficacité à tout prix, responsabilités trop fortes et difficiles à tenir, relations de
travail difficiles ou conflits, exigences de vigilance continue… Les symptômes de stress que les
personnes développent peuvent se traduire par des effets au niveau physique (troubles du
sommeil, asthénie...), émotionnels (crise de larmes, de nerfs...), intellectuels (oublis, erreurs,
problème de concentration…) et/ou comportementaux (agressivité, repli sur soi…). Ces
symptômes peuvent amener des personnes à consommer des substances psychoactives ou se
traduire par une addiction comportementale.

Certains contextes particuliers de précarité professionnelle (fermeture d’entreprise, plan de


restructuration, fusion d’entreprise avec réduction de personnel à la clé, travail temporaire,
difficulté de trouver une stabilité professionnelle...) peuvent également être des facteurs
favorisants.

Le manque de soutien social, c’est-à-dire de soutien en provenance du contexte professionnel


et/ou de l’environnement social et familial, constitue un élément pouvant favoriser une addiction.
Par soutien social, on entend la reconnaissance par les pairs et par la hiérarchie, l’entraide au sein

9
VALLEUR M - Les addictions sans drogue et les conduites ordaliques : addictions, substitutions. Inf Psychiatr. 2005 ; 81 (5) : 423-28.
10
ALLILAIRE JF, PÉLISSOLO A – Psychiatrie. In : GODEAU P, HERSON S, PIETTE JC - Traité de médecine. 4e édition. Paris : Flammarion
Médecine-Sciences ; 2004, 2 tomes : 2615-50, 3208 p.
d’un collectif de travail, la solidarité dans l’entreprise, la compréhension et l’écoute dans
l’environnement professionnel et privé (famille, cercle amical…). Le fait d’avoir du soutien
social est reconnu scientifiquement comme un élément permettant de faire diminuer les
symptômes chez une personne stressée. Le manque de soutien social, à l’inverse, agit en partie
comme facteur aggravant. Pour les addictions, la présence ou non de soutien social est à prendre
en considération de la même façon.

Mécanismes d’action des substances psychoactives

SYLVIE DESSERT pour La Recherche, n° 417 (mars 2008,


pp. 36-37).

Figure 5 - Mécanisme d'action

Toutes les substances psychoactives ont pour point commun de perturber le circuit de la
récompense en augmentant la quantité de dopamine présente dans le noyau accumbens. (cf.
schéma page précédente)

5) Instruments d’évaluation
Il n’est pas toujours aisé de faire la différence entre un «gros travailleur» et un «workaholic»,
sauf dans les cas caricaturaux . L’impression initiale repose, avant tout, sur des critères
subjectifs. Ainsi, comme déjà dit, le gros travailleur peut travailler plus que de raison, tout en
restant capable de s’arrêter lorsque son objectif professionnel est atteint et de profiter
sereinement de ses temps libres. Il garde une excellente qualité de vie. A l’inverse, le
«workaholic» n’est jamais satisfait du travail qu’il a accompli et ne sait pas apprécier ses
vacances (déprime) ou profiter de ses congés, car sa vie entière tourne autour du travail. Sa
qualité de vie et son bien-être sont médiocres .

Divers instruments psychométriques visant à dépister et à quantifier plus précisément la sévérité


de l’addiction au travail ont été développés. Les plus utilisés et les mieux validés sont deux auto-
questionnaires, le «Work Addiction Risk Test» (25 items dont chaque réponse est cotée entre 1 et
4) ( et la «Workaholisme Battery» (3 séries de 7 à 9 items cotés de 1 à 5) d’intensité encore
modérée et quantifier de façon plus affinée la sévérité de la dépendance.

a- WART

Le WART est une mesure de 25 éléments du bourreau de travail. Une analyse discriminante


de
la WART suggère que le workaholisme est une construction multidimensionnelle composée
de cinq dimensions : (a) tendances compulsives, (b) contrôle, (c) communication/auto-
absorption altérée, (d) incapacité à déléguer, et (e) estime de soi altérée (Flower & Robinson,
2002). Les questions de indicator des tendances
difficile et ayant des difficultés à se détendre après le travail. Les questions de l’indicateur de
contrôle sont liées à un désir d’accomplir des tâches. Communication et auto-intégration
les questions portent sur le fait de consacrer plus d’énergie à son travail qu’à ses relations
avec les autres. L’incapacité de déléguer l’indicateur est liée à une aversion à demander de
l’aide pour terminer une tâche. Enfin, l’indicateur de l’estime de soi porte sur la mesure dans
laquelle une personne est intéressé par les résultats de son travail plutôt que par le processus
de travail lui-même (Taris et coll., 2005).Ce dernier indicateur est conforme à l’argument de
Porter (2004) selon lequel le processus de travail et ses résultats sont importants pour les
bourreaux de travail seulement autant qu’ils fournissent des récompenses externes qui Ça
stimule l’estime de soi.

b- WORKBAT
WorkBAT une autre des échelles de workaholisme les plus largement utilisées est la batterie
de workaholisme (WorkBAT). Dans leur échelle de 25-item, Spence et Robbins (1992)
identifient trois attributs du bourreau de travail par rapport à d’autres : des niveaux élevés
d’implication au travail, une contrainte ou une conduite au travail due aux pressions
intérieures, et une faible quantité de plaisir de travail (Ersoy-Kart, 2005). Questions du
facteur de participation au travail concernent l’attitude généralisée de la participation
psychologique au travail. Les questions de l’indicateur d’entraînement sont liées à une
contrainte intérieure de travailler dur et la culpabilité de ne pas travailler. Enfin, le plaisir de
travail questions sont liés au plaisir que l’on tire de leur travail.

Bien que le WorkBAT (Spence & Robbins, 1992) soit fréquemment cité dans la recherche
sur le workaholism, il n’est pas sans critiques. Dans une étude destinée à examiner la
fiabilité et la validité d’une version japonaise du WorkBAT, Kanai et coll. (1996) ont
constaté que l’indicateur de participation au travail ne pouvait pas être extrait de
l’échantillon japonais, ce qui a conduit les auteurs à approuver un modèle à deux indicateurs
de workaholism. Toutefois, les auteurs soulignent que cette divergence être due à des
différences culturelles. Malgré cet écart, la définition tripartite du workaholism continue
d’être largement utilisée (p. ex., Brady et coll., 2008; Burke, Koyuncu et Fiksenbaum, 2008).
La figure 1 affiche la structure des facteurs du WART et du WorkBAT.

Pour examiner si le workaholism est mieux étudié comme construction positive/négative


bidimensionnelle, cette étude a utilisé les deux mesures les plus couramment utilisées du
workaholism : le WART et le WorkBAT. Le WorkBAT est souvent décrit comme la mesure
de workaholism la plus utilisée et citée dans la littérature (McMillan et coll., 2001; Ng,
Sorensen et Feldman, 2007), tandis que le WART est la prochaine échelle la plus largement
utilisée et est la plus ancienne des trois mesures empiriquement confirmées du workaholism.
L’autre une échelle valable est le Calendrier de l’échelle de workaholism de personnalité
non adaptative et adaptative (SNAP-Work; Clark, 1993). Toutefois, McMillan et coll. (2001)
soulignent que le SNAP n’est pas largement utilisé par les chercheurs et n’est donc pas
inclus dans l’étude actuelle. À l’aide de ces deux échelles, l’étude actuelle compare deux
modèles de workaholism : (1) un modèle de workaholism unitaire (modèle 1, voir figure 2),
et (2) un modèle de workaholism positif et négatif bidimensionnel (modèle 2, voir figure 3).
Le modèle 1 a été choisi parce que, dans sa forme actuelle, le workaholism est généralement
discuté comme facteur unitaire tandis que le modèle 2 a été choisi parce que, comme
démontré tout au long de cet article, différents aspects du workaholisme peuvent être
adaptatifs (workaholism positif) et inadaptés (workaholism négatif).

Le modèle 1 spécifie un modèle unitaire avec un seul facteur de workaholism qui est
commun à toutes les sous-échelles du WorkBAT et du WART. Dans ce modèle, les trois
indicateurs du WorkBAT et les cinq indicateurs de la charge WART sur la variable latente
unique du workaholism. Le modèle 2 précise deux facteurs de workaholism correspondant
au workaholism positif et au workaholism négatif. Dans ce modèle de plaisir, la
participation, le lecteur, le contrôle et la charge d’estime de soi sur le workaholism positif,
tandis que les tendances compulsives, la communication altérée/ auto-absorption, et
l’incapacité de déléguer la charge sur le workaholism négatif. Si ce deuxième modèle s’est
révélé être le modèle le mieux adapté, il suggère que le workaholism peut le mieux être
conceptualisé et étudié comme une construction two-factor. Les résultats du workaholism
sont également incorporés dans ces deux modèles. Le but de l’intégration de ces résultats est
d’examiner l’impact qu’ils ont sur l’ajustement global des modèles 1 et 2. Un examen des
résultats de recherche passés pour ces résultats est présenté ci-dessous
Figure1 : Structure des facteurs du WorkBat et du WART.

Figure2 : Modèle de workaholism unitaire.


Figure3 : Workaholism positif et modèle négatif de workaholism.
II. Facteurs de risques et conséquences
1. Facteurs de risque

Il existe divers types de facteurs de risque favorisant le développement d’une addiction au


travail chez un individu donné. D’une façon générale, ils peuvent être regroupés en
facteurs ayant trait à la personnalité, à la profession ou à l’environnement . 11

a. Personnalité

Les sujets affectés d’une addiction au travail présentent souvent une faiblesse de l’estime
de soi à l’origine d’une quête de reconnaissance et de succès (personnalité narcissique) à
laquelle l’investissement professionnel peut permettre d’accéder. On peut également
retrouver des personnalités obsessionnelles et perfectionnistes. Le profil de personnalité de
type A est fréquemment observé chez les sujets présentant une addiction au travail. Ce
pattern A se caractérise par l’ambition sociale, l’importance de l’investissement
professionnel, la peur de l’inactivité (impression de fuite du temps, réactions d’impatience,
…), une grande vulnérabilité face à l’échec et à toute blessure narcissique, conduisant à un
état de tension permanent. Ce profil de personnalité est fréquemment rencontré chez les
patients coronariens.

b. Profession

11
Limosin F.— L’addiction au travail. La lettre du Psychiatre, 2008, 4, 140-143
Certains types d’emploi, certains niveaux de responsabilité exposent à un risque accru de
développer une addiction au travail. Les principaux arguments avancés par les individus
pour justifier leur engagement volontaire dans ce type d’activité professionnelle sont le
caractère stimulant du travail et la notion de défi professionnel. Les postes à responsabilité
sont considérés comme étant associés à un risque accru, ce qui pourrait expliquer, au
moins dans certaines populations, que les femmes seraient actuellement moins exposées
que les hommes (puisque, pour le moment, 2 à 3 fois moins de femmes occupent un poste
correspondant à un emploi «à risque»).

c. Environnement

L’environnement extra-professionnel peut aussi contribuer à l’installation de l’addiction


au travail. Ainsi, les perturbations des relations affectives en général, qu’elles soient
familiales ou simplement amicales, sont reconnues comme des facteurs de prédisposition à
la dépendance au travail. Dans ce cas, la «fuite» dans le travail constitue, en quelque sorte,
une stratégie adaptative, plus ou moins consciente, ayant pour but d’échapper à un milieu
source d’insatisfaction et de stress psychologique. Cet aspect devra absolument être pris
en compte lors de l’approche thérapeutique et peut, d’ailleurs, entraver les chances de
guérison.

2. Conséquences négatives

Tant que l’individu est un travailleur acharné et qu’il peut faire face au stress par une
bonne réaction adaptative («coping» des auteurs anglosaxons)12, les répercussions
individuelles sont quasi inexistantes ou passent généralement inaperçues. L’équilibre est
cependant fragile et la personne peut progressivement décompenser, avec apparition de
diverses plaintes psychologiques ou somatiques directement en rapport avec le stress . Par
ailleurs, l’addiction au travail n’est pas sans conséquences pour l’environnement familial
ou même professionnel (tableau II) .13

a. Répercussions individuelles

Il existe une relation assez forte entre l’addiction au travail et le stress, avec toutes les
conséquences que cela peut comporter pour la personne concernée14 . Les plaintes les plus
habituelles sont d’ordre psychologique au sens large (anxiété, irritabilité, trouble du
sommeil, état dépressif, …) ou d’ordre somatique (fatigue, céphalées, hypertension

12
Shimazu A, Schaufeli W, Taris T.— How does workaholism affect worker health and performance? The
mediating role of coping. Int J Behav Med, 2010, 17, 154-160.
13
Karila L, Liot K, Reynaud M.— Le travail : une addiction potentielle ? Rev Med Liège, 2010, 65, 71-77.
14
Scantamburlo G, Scheen AJ.— Rôle du stress psychosocial dans les maladies complexes. Rev Med Liège, 2012,
67, 234-242.
artérielle, ulcère gastro-duodénal, troubles fonctionnels digestifs divers, …). Les
conséquences les plus dramatiques concernent, d’une part, le syndrome d’épuisement
(«burnout»), d’autre part, la survenue d’un syndrome coronarien aigu.

 Le burn-out syndrome (ou syndrome d’épuisement professionnel)

« Les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension
produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se
consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur,
même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. » 15. C’est ainsi que
Freudenbergen, psychanalyste américain, introduit pour la première fois le concept de
burn-out en 1974 en décrivant les symptômes observés chez le personnel soignant
(infirmières, etc…) d’institutions prenant en charge des toxicomanes. Il le conceptualise
comme un état de fatigue ou de frustration lié à l’engagement pour une cause, un type de
vie ou une relation qui n’a pas apporté la gratification attendue. Il s’agit notamment des
professions ne produisant pas d’objets visibles (activités immatérielles) d’où des
difficultés à obtenir reconnaissance te gratification. On parle également de « fatigue de
compassion » notamment pour les professionnels de l’humanitaires ou du secourisme et
des services d’urgence.

Le concept a été repris dans les travaux de psychologie sociale réalisés par Maslach entre
1976 et 1982, en l’étendant à d’autres professions. En effet, ce type de manifestation qui
touchait auparavant les professions impliquant une relation d’aide et de soins tend à se
propager à l’ensemble des activités de service qui sollicitent la participation émotionnelle
des employés en vue de répondre à la demande du client ou de l’usager.

Il a alors été décrit comme un processus long, cumulatif, et caractérisé par la triade :

• Epuisement émotionnel, et sentiment de vide intérieur, au centre du syndrome.


• Dépersonnalisation, avec une attitude au travail détachée, une relation
interpersonnelle déshumanisée et cynique avec une perte d’empathie: le travail
devient une routine avec une tendance à traiter les personnes comme des choses.
• Faible accomplissement personnel dans le travail du fait de l’épuisement et de la
perte d’efficacité qui génère un sentiment d’incompétence.

Ce syndrome est également défini par l’absence de rôle curatif du repos, les symptômes
réapparaissant dès les premiers’ instants de la reprise. Les conséquences peuvent être
psychiques (dépression, anxiété) et physiques (migraines, troubles digestifs, maladies

Freudenberger HJ. L’épuisement professionnelı: « la brûlure interne ». Gaëtan


15

Morin; 1998.
cardiovasculaires, douleurs ostéo-articulaires, …). Il peut être mesuré par plusieurs
échelles, telles que la MBI (Maslach Burn-out Inventory). De nombreuses études16ont
retrouvé une corrélation entre le burn-out et le workaholisme.

• Suicides et tentatives de suicide

On retrouve peu de données dans la littérature relevant une corrélation entre passage à
l’acte suicidaire et workaholisme, mais les tentatives de suicide en lien avec le travail sont
de plus en plus médiatisées dans les pays occidentaux depuis le début des années 90. Le
passage à l’acte peut constituer une tentative désespérée de mettre fin à une « machinerie
infernale ». Ces tentatives peuvent être liées à des fragilités individuelles, mais également
à des transformations de l’organisation du travail, aboutissant à une augmentation
importante de la charge de travail pour laquelle le salarié se trouve dépassé. Dans certains
cas, l’apparition d’idées noires et des velléités suicidaires peut constituer un point de non-
retour pour le sujet addict au travail, et une porte d’entrée pour une demande de soins.
Certaines tentatives de suicide par précipitation, (saut de pont, accident de voiture),
véritables recours à l’agir peuvent faire évoquer des fantasmes d’accélération, de fuite en
avant en lien avec la problématique d’hyperactivité exponentielle que présentent ces
patients.

• Le stress

Quelques études 17ont également établi un lien entre le stress et le workaholisme, les
individus workaholiques présentant un degré de stress lié au travail plus important que des
individus appartenant à un groupe témoin.

• Le harcèlement moral au travail

Il est défini par le code du travail comme « des agissements répétés, qui ont pour objet ou
pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux
droits du salarié au travail et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel ». Il a également fait l’objet de nombreux travaux,
en particulier ceux retrouvés dans les ouvrages d’Hirigoyen. Cette dernière le définit alors
comme « toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude) qui porte atteinte

16
Schaufeli WB, Taris TW, Van Rhenen W. Workaholism, Burnout, and Work
Engagement: Three of a Kind or Three Different Kinds of Employee Well-being? Applied
Psychology. 2008;57(2):173-203.
17
Nagy S, Davis LG. Burnout: a comparative analysis of personality and environmental
variables. Psychol Rep. 1985 déc;57(3 Pt 2):1319-26.
par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique
d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail » 18.

Or, dans les spécificités de la victime de harcèlement moral au travail, on retrouve


plusieurs traits caractéristiques des workaholiques, « les salariés harcelés étant souvent
très investis dans leur travail ».

Le harcèlement peut en effet être facilité par la fragilité psychologique, le manque


d’estime des travailleurs workaholiques.

Ils deviennent ainsi des proies idéales. Ayant par ailleurs un fort besoin de reconnaissance
et une identification importante à leur travail, ils prennent pour des critiques personnelles
ce qui s’adresse en réalité à leur fonction. Leur adhésion totale à la mythologie de
l’entreprise, ils n’existent plus par eux-mêmes.

• Polyadditions : addiction au travail ou addiction et travail ?

Aucune étude validée n’est apparue à ce sujet, mais nous pouvons supposer que les
workaholiques s’adonnent à d’autres addictions. Il pourrait s’agir de prise de produits à
visée anxiolytique (alcool, tabac, benzodiazépines, etc…) sur le lieu du travail ou en lien
avec l’activité professionnelle. C’est la cas notamment de l’alcool dans les milieux
ouvriers ou pour des postes à risque, qui participe aux stratégies collectives de défense
décrites par Dejours 19. Il s’agit de conduites visant à conjurer la peur liée à des situations
professionnelles difficiles, en donnant l’impression de les maitriser sur le plan
symbolique, ce que l’alcool peut notamment permettre via son action anxiolytique et
désinhibitrice. Elles peuvent également prendre la forme de conduites ordaliques 20. Elles
se développent souvent au sein de collectifs valorisant la virilité et permettent ainsi une
cohésion du groupe. Néanmoins elles peuvent se prolonger et se compliquer par des
consommations privées et plus solitaires.

b. Répercussions familiales

Le surinvestissement professionnel de la personne «workaholic» conduit à un


désintéressement progressif de la vie familiale. Par ailleurs, la personne dépendante a
tendance à imposer ses propres standards de perfectionnisme à son entourage, ce qui peut
créer anxiété, angoisse et révolte. Il n’est donc pas étonnant que l’addiction au travail

18
Hirigoyen M-F. Le Harcèlement moral dans la vie professionnelle. Pocket; 2002.
19
Dejours C. Travail, usure mentaleı: Essai de psychopathologie du travail. édition
revue et augmentée. Bayard Jeunesse; 2008.
20
Dejours C. Souffrance en France. Seuil; 2000.
puisse engendrer des conflits conjugaux et créer des dysfonctionnements familiaux 21. Les
conjoints ressentent plus d’éloignement dans leur couple et éprouvent moins de sentiments
positifs à l’égard de leur partenaire, ce qui peut conduire au divorce 22. Quant aux enfants,
ils se sentent délaissés ou alors soumis à une pression intolérable (en termes de succès
scolaire ou professionnel), ce qui accroît le risque d’anxiété et de dépression. Plus tard, à
l’adolescence, ils peuvent adopter, par mimétisme, des comportements compulsifs et
développer, eux aussi, une dépendance au travail .23

• Les conjoints

Ils sont fréquemment la cible d’une agressivité qui ne peut être dévoilée sur le lieu du
travail 24. Ils peuvent être également ignorés, se sentir abandonnés, car même présent
physiquement, le workaholique peut être psychiquement absent et indisponible. Ces
situations peuvent aboutir à des menaces de divorces qui constituent un motif de
consultation. Néanmoins, selon Burke 25, il n’y a pas d’augmentation du nombre de
divorces dans les populations de patients workaholiques. Ceci pourrait être expliqué par la
valorisation sociale du travail et les ressources financières apportées par le travailleur,
constituant des freins potentiels à des séparations conjugales.

Par ailleurs, il semble difficile de distinguer ce qui est de l’ordre des causes ou des effets
concernant les problématiques de couple ou de famille des workaholiques. En effet,
certains pourraient rechercher dans le travail un moyen de fuir une situation familiale
difficile.

A noter que le conjoint peut être un homme ou une femme, l’addiction au travail n’étant
pas spécifique d’un genre, du fait de l’accession des femmes à des postes de responsabilité
notamment (cf. épidémiologie).

• Les enfants

Malgré leur faible présence et implication dans la vie familiale, les parents workaholiques
ont des attentes en matière de réussite scolaire sont souvent très élevées. Les activités
récréatives (sport, loisirs) sont négligées par rapport aux études. Le modèle éducatif est
rigide et perfectionniste. Leurs enfants font preuve de peu d’imagination, de créativité ou
encore de spontanéité. Ils ne cherchent souvent qu’à être conformes aux normes
extérieures, sans vouloir se distinguer des autres. On retrouve également une inversion des
21
Robinson BE, Post P.— Risk of addiction to work and family functioning. Psychol Rep, 1997, 81, 91-95.
22
Burke RJ.— Workaholism and divorce. Psychol Rep, 2000, 86, 219-220.
23
Robinson B.— Adult children of workaholics : clinical and empirical research with implications for family
therapists. J Fam Psych, 2000, 11, 15-26.
24
Ades M, Lejoyeux M. Encore plus!: Jeu, sexe, travail, argent. Odile Jacob; 2001.
25
Burke RJ. Workaholism and divorce. Psychol Rep. 2000 févr;86(1):219-20.
rôles dans la famille, avec une véritable parentification des enfants. Du fait de la
négligence affective du ou des parents workaholiques, les enfants présentent également
des fragilités narcissiques, qu’ils comblent alors en recherchant une reconnaissance dans le
travail. Ceci, associé à la reproduction du modèle parental évoqué ci-dessus, favorise
l’apparition d’addiction au travail chez les enfants de parents eux-mêmes addicts 26.

c. Répercussions professionnelles

Alors que l’on pourrait penser que le sujet présentant une addiction au travail est tout
bénéfice pour l’entreprise, cela n’est pas nécessairement le cas. Au stade d’installation
(travailleur acharné), le résultat est globalement positif. Cependant, lorsque le trouble
s’aggrave, la personne atteinte vit moins bien son acharnement au travail, a peur de
l’échec et devient moins efficace . Par ailleurs, elle entre souvent en conflit avec ses
collègues, a tendance à travailler seule en étant incapable de déléguer et de fonctionner
correctement au sein d’une équipe . Les individus atteints d’addiction au travail ont
tendance à devenir des travailleurs inefficaces, car ils finissent par se concentrer sur le fait
d’être occupé plutôt que sur le fait d’être productif.

un comportement d’évitement, source de bénéfices secondaires. En cas de toxicomanie


comportant des drogues (tabac, alcool, héroïne, …), l’objectif thérapeutique consiste, en
général, en une abstinence totale. Dans le cas de l’addiction au travail, cet objectif est
évidemment difficilement envisageable chez la plupart des personnes concernées.

Les différentes approches proposées dans la prise en charge de l’addiction au travail sont
la gestion du stress, la psychothérapie, les thérapies familiales et les groupes d’entraide. Le
principal traitement de l’addiction au travail repose sur une approche psychothérapeutique
de type cognitivo-comportemental. Ainsi, après une évaluation minutieuse des
comportements au travail et une identification des différents facteurs favorisants, la
thérapie a pour but d’apprendre à résister à la compulsion en adoptant des stratégies
comportementales favorisant la reprise d’une vie normale, à savoir comportant une
répartition équilibrée entre les activités professionnelles et les moments de détente. Une
fois que la personne est guérie de son addiction au travail, il a été montré qu’elle récupère
une meilleure productivité, tout en consacrant beaucoup moins de temps à son activité
professionnelle .27

26
Chamberlin CM, Zhang N. Workaholism, Health, and Self-Acceptance. Journal of Counseling & Development.
2009;87(2):159-69.
27
Burke RJ.— Workaholism in organizations : psychological and physical well-being consequences. Stress
Medicine, 2000, 16, 11-16.
Tableau II. Conséquences négatives multiples de la dépendance au travail.

Conclusion :

Pour résumer, il existe de nombreux débats autour de la compréhension de l’addiction au travail.


Nous avons présenté ce concept sous une définition individuelle et organisationnelle. Nous
avons également montré des modèles thoriques explicatifs et des instruments de mesures et
Facteurs de risques et conséquences.

En revanche certaines personnes travaillent beaucoup parce qu’elles sont simplement


passionnées par leur travail. Pour d’autres, ce n’est pas un choix délibéré, plutôt une obligation
résultant non de pressions extérieures, mais d’une force interne irrépressible (comportement de
type compulsif). Les «workaholics», comme on les appelle, sont dépendants du travail au même
titre que certains le sont vis-à-vis de l’alcool, de la drogue, du sexe ou des jeux de hasard. A ce
stade extrême, ces «esclaves» du travail doivent être considérés comme des malades, d’autant
plus que cette forme de dépendance peut engendrer divers troubles psychologiques ou
somatiques auxquels le médecin est régulièrement confronté. Après avoir été diagnostiquées et
pourvu qu’elles aient accepté le diagnostic, les personnes présentant une addiction au travail
doivent bénéficier d’une aide médicale adéquate, basée sur une approche psycho-cognitivo-
comportementale, si possible dans le cadre d’une équipe spécialisée.

Chapitre 2 : Risques des TIC au travail et sur la santé psychologique

Les T.I.C nous semble la plus convenable pour mener une recherche qui s’attarde à éclairer la
définition de les conduites addictives au travail à l’ère numérique en la présentant à partir du
sens commun des personnes avec une addiction au travail. Afin de présenter cette section, nous
allons commencer par introduire les T.I.C ; ensuite, nous allons décrire Dispositifs et structures
mise en place par l’entreprise.Nous allons terminer par la présentation de L’impact des
nouvelles technologies sur les risques psychosociaux

I. Les technologies de l’information et de la communication


1. Définition

Definition 1 :

Les TIC , « sont des outils qui ont en commun de produire, transformer ou échanger de
l’information grâce à des composants électroniques et peuvent être des matériels comme les
ordinateurs, les téléphones portables, les réseaux filaires, ou des logiciels qui complètent les
matériels pour permettre la réalisation d’un très grand nombre de tâches. Les réseaux, physiques
ou virtuels, sont également considérés comme des TIC. Bien que leurs fonctions ne soient pas
systématiquement liées à l’information, les systèmes relevant de l’informatique embarquée sont
aussi souvent classés parmi les TIC » (Klein et Ratier, 2012).

Définition 2:

La dimension innovante des TIC par rapport aux technologies traditionnelles comme la
télévision ou l'ordinateur reste dans l'établissement d'une relation entre l'utilisateur et les outils
techniques. La caractéristique la plus évocatrice est l'interactivité car les TIC nécessitent, dès le
départ, la présence de l'utilisateur et, d'autre part, son investissement pour les faire fonctionner
(Millerand, 2002, cité par Felio et Lerouge, 2015). Par conséquent, les gens sont encouragés à
développer des compétences d'action tout en mobilisant leurs capacités cognitives.

Définition 3 :

Selon Herbert Simon, prix Nobel en sciences économiques 1998, Les TIC aident à
rendre :"Toute information accessible aux hommes, sous forme verbale ou symbolique,
également sous forme lisible par ordinateur ; les livres et mémoires seront stockés dans les
mémoires électroniques...". Ainsi les technologies d'information et de communication peuvent
être définies comme étant : "L'ensemble des technologies d'informatiques et de
télécommunication, elles sont les résultats d'une convergence entre technologies. Elles
permettent l'échange des informations ainsi que leurs traitements. Elles offrent aussi de
nouveaux moyens et méthodes de communication".

2. Historique

Tout a commencé dans les années 50 avec l'émergence du premier mouvement


d'informatisation des processus d'information dans les organisations. Les ordinateurs militaires
ont été déplacés sur le lieu de travail dans le but de centraliser les données au sein d'un seul
système.

Dans les années 80, on assiste à la décentralisation de l'information avec l'émergence


d'ordinateurs et de micro-ordinateurs individualisés. Si la tendance a tendance à se généraliser,
ce sont principalement les managers et les ingénieurs qui les utilisent dans l'exercice de leurs
fonctions. Depuis le début des années 1990, sous l'influence d'Internet et des processus
accélérés, les entreprises ont adopté l'informatique en réseau, facilitant les échanges entre
salariés. Au cours de la dernière décennie, les nouvelles technologies mobiles telles que les
smartphones, les ordinateurs portables, les tablettes, mais aussi le cloud computing ont offert
aux employés l'accès à un réseau d'entreprise distant. L'intégration des TIC tend de plus en plus
à accroître l'individualisation de la relation avec l'information et la communication. (Felio et
Lerouge, 2015).

Au cours des vingt dernières années, leur développement s'est vu attribuer un sentiment
général très positif à l'égard des TIC. Ces outils sont devenus incontournables dans le secteur
économique et professionnel, dans l'activité quotidienne des salariés, que ce soit au niveau
organisationnel, stratégique ou pour le changement dans l'entreprise (Klein et Ratier, 2012). Ils
permettent de raccourcir les délais, de coordonner les actions et de généraliser la simultanéité
dans un environnement que Jauréguiberry (2013) appelle "chrono compétitivité généralisée".

Les TIC répondent également à une volonté d'ubiquité qui signifie être en contact permanent
avec ses proches. Cependant, ce nouveau monde d'interconnexion généralisée n'a de sens que si
les interlocuteurs intéressés répondent. D'où l'injonction de rester de plus en plus connectée
(Jauréguiberry, 2013).

3. Connexion, hyperconnexion et déconnexion aux TIC

3.1 La connexion

« La vie en entreprise a changé fondamentalement ces dernières années. Les collaborateurs


sont connectés en permanence, au moyen d’outils souvent offerts par l’entreprise, et qui
permettent d’étendre les relations de travail au-delà des classiques 8 à 5 de la fin du siècle
précédent » (Choquet & Folon, 2015 : 43)

Le changement technologique touche tant les entreprises du secteur privé que les organismes du
secteur public, à des niveaux sociétaux et de comportements (Choquet & Folon, 2015). Les
conséquences des TIC sont générées tant dans les entreprises, qu’au niveau du comportement
des collaborateurs. Les entreprises doivent évoluer au rythme rapide de la concurrence et
s’adapter aux changements techniques, tandis que les collaborateurs doivent aujourd’hui faire
preuve d’indépendance, de collaboration, continuer de développer leurs compétences, être
inventifs, entreprenants et tout cela à l’aide des diverses ressources mises à leur disposition (PC,
Mac, tablette, Smartphone, etc.), (Choquet & Folon, 2015).

Mais d’où vient ce besoin de se connecter ? Selon Jauréguiberry (2014), ce besoin peut se
justifier en prenant en compte deux logiques individuelles :

La première logique concerne l’intégration et l’appartenance. Les motivations sont ici de nature
affective ou relationnelle. Avoir le besoin d’être intégré socialement et reconnu s’avèrent être à
la base des motivations individuelles (non pas professionnelles) à la connexion. D’une part,
l’intégration consiste donc pour un individu à être conscient que, pour exister socialement, il est
nécessaire d’être intégré à un ensemble de réseaux de télécommunications. D’autre part,
l’appartenance c’est le fait que chaque individu s’essaie à l’appartenance qui lui paraît la plus
profitable par rapport à ses besoins perçus, ce qu’il estime nécessaire et en fonction de ses goûts
du moment. Chacun veut profiter d’une grande ouverture, synonyme de choix identitaires et
d’opportunités de rencontres que les TIC mettent à notre portée.

La deuxième logique concerne l’efficacité et la performance. Les motivations dans ce cas-ci de


l’ordre de l’efficacité, de l’utilité, de l’intensité de gain et de la rentabilité. Les TIC et outils
proposés aux entreprises contribuent à rendre notre quotidien plus aisé, plus pratique et plus
performant en termes de budget temps/résultats. Tout est à portée de main, que ce soit grâce à
internet ou au Smartphone.

« La connexion est une porte qui s’ouvre sur le monde et il paraît absurde de vouloir la refermer
sur tant de possibilités, d’opportunités et de promesses » (Jauréguiberry, 2014)

3.2 L’hype-rconnexion

L'utilisation intensive de ces outils soulève de nombreuses inquiétudes quant aux conséquences
néfastes de cette «hyperconnexion» sur la santé et la vie quotidienne, mais surtout sur la
performance au travail des managers. Certains peuvent être confrontés au stress, à l'épuisement
professionnel, aux interruptions de la vie privée, etc.

Certaines entreprises lancent des initiatives pour lutter contre cette hyperconnexion (Prost et
Zouinar, 2015). Par exemple, des jours sans e-mail pour modérer l'utilisation de la messagerie
électronique, il reste des entreprises américaines qui proposent des détoxifications numériques
qui sont des «retraits» TIC ou encore Volkswagen, une entreprise allemande qui a décidé de
mettre en place un système de blocage. Perturber l'accès aux e-mails le soir et le week-end pour
certains cadres, etc. Nous notons que l'objectif principal de ces mesures mises en place par les
entreprises est d'atténuer les problèmes de messagerie électronique, outil fondamental et le plus
problématique dans le monde du travail.

Selon Prost et Zouinar (2015), deux stratégies peuvent être mises en œuvre face à cette
hyperconnexion. Premièrement, la «stratégie d'hyper-connexion contrôlée» adoptée par les
individus aux comportements inclusifs et pour qui les frontières entre vie privée et
professionnelle sont très perméables. Deuxièmement, la «stratégie de cloisonnement équipée»
dans laquelle les individus veulent séparer au maximum les sphères privée et professionnelle,
ainsi que les outils de communication qui leur sont attribués.

L'étude de Prost et Zouinar (2015), créée pour lutter contre la surcharge d'informations en
bloquant les e-mails en dehors des heures d'ouverture, montre que les opinions sont mitigées.
Bien que la plupart des participants soient satisfaits de cette mesure, il y a encore des militants
d'un côté et des réfractaires de l'autre. Pour ces derniers, l'initiative est inutile s'il n'y a pas de
mouvement collectif derrière elle, même pour les managers. D'autres pensent que ces mesures
ne résoudront pas la racine du problème, qui est la surcharge des courriels reçus et donc la
surcharge d'informations.

15 Vous trouverez ci-dessous quelques données sur l'hyperconnexion à la messagerie


électronique (Studio Adobe, 2016, cité par Stora et Ulpat, 2017: 27). «Les Français passent
l'équivalent de 99 jours par an sur leurs emails», cet outil indispensable pour les salariés est
activement impliqué dans le phénomène d'utilisation intensive des TIC.

Il est clair que plus de la moitié des personnes interrogées souhaiteraient voir une
réglementation des temps de connexion.

- 65% des employés vérifient leur boîte de réception toutes les 5 minutes;

- 58% des «travailleurs du savoir» ont 15 à 30 minutes de réflexion par jour - 30% n'ont pas le
temps de réfléchir pendant les heures de travail - 62% des travailleurs demandent que les temps
de connexion soient réglementés. 75% chez les managers et 76% chez les jeunes entre 15 et 24
ans.

Une autre étude réalisée par le cabinet Eleas28 sur les « pratiques numériques en 2016 » met en
évidence les résultats obtenus selon des témoignages. D’une part, le schéma souligne les raisons
du progrès et d’autre part, les raisons de la survenance du stress.

28
Une autre étude réalisée par le cabinet Eleas8 sur les « pratiques numériques en 2016 » met en évidence les
résultats obtenus selon des témoignages. D’une part, le schéma souligne les raisons du progrès et d’autre part, les
raisons de la survenance du stress.
3.3 La déconnexion

En 2010, Jauréguiberry déclarait déjà « bien qu’écrite nulle part, une nouvelle règle s’est

rapidement mise en place : le business ne s’arrêtant pas, être responsable de la bonne marche de
son entreprise implique que l’on puisse être joint en dehors des heures de travail en cas
d’urgence ou de coup dur ». (Jauréguiberry, 2010 : 118).

Les technologies de l’information et de la communication sont utilisées depuis de longues


années au travail (Felio, 2015), mais se sont développées à une vitesse extrêmement rapide et
ont donné naissance à des situations indésirables, négatives avec comme conséquences, des
situations critiques où le sujet de la déconnexion voit toute son importance (Jauréguiberry,
2013).

La notion de la déconnexion peut est utilisée pour faire référence aux pratiques volontairement
mises en place par les individus, mais aussi pour celles mises sur pied par les organisations afin
d’éviter les désagréments de la connexion aux TIC (Prost & Zouinar, 2013). De plus, l’origine
d’une déconnexion peut également survenir d’une prise de conscience de la part des
organisations du travail sur les liens entre l’usage intensif des TIC et les risques psychosociaux
(Carayol et coll, 2013).

Certains emplois qui, en temps normal, nécessitent une concentration et une continuité
d’exécution s’en voient contraints par l’évolution rapide des TIC qui, en leur ajoutant une
surcharge informationnelle croissante, ne leur permet plus de fonctionner de la même manière.
Afin de rendre le travail plus productif, de pouvoir contrôler l’effectivité et augmenter l’intensité
en implantant les TIC dans le monde du travail, les Directions ont fait naître de nouvelles zones
d’incertitudes (Crozier,1971) au sein des entreprises. Dès lors, la revendication du droit à la
déconnexion est apparue comme une réaction à ces technologies (Jauréguiberry, 2010). Les
premières revendications concernaient plutôt un surplus de contrôles, de transparence imposée
et trop de sollicitations.

Les conduites de déconnexion peuvent être révélatrices de situations que personne n’a décidé,
mais que tout le monde peut subir et qu’il devient impératif et urgent de socialement traiter, que
ce soit au niveau organisationnel ou institutionnel. Ces situations concernent par exemple la
surcharge informationnelle, le raccourcissement insoutenable des délais, la visibilité ou encore
la surveillance non souhaitée. « En cela, elles sont aussi parfaitement révélatrices de la condition
hypermoderne de l’homme contemporain qui, en l’absence de règles sociales établies sur des
phénomènes émergents, est de plus en plus souvent confronté à ses propres choix,
questionnements et inquiétudes »(Jauréguiberry, 2013).

4. Dispositifs et structures mise en place par l’entreprise


a. Les chartes

La réalisation d’une charte de conduite responsable de l'usage des TIC propre à l’entreprise
constitue une voie possible pour réagir aux effets négatifs de certains usages. Elle a déjà été
expérimentée par de nombreuses entreprises, notamment pour tenter de réduire les effets de la
surinformation liée à l’utilisation excessive du courriel. Généralement non contraignantes, ces
chartes ont cependant connu des résultats très mitigés. Le plus souvent, elles n’ont pas réussi à
endiguer le flot des messages inutiles ou indésirables qui provoquent l’embolie des boîtes aux
lettres. L’insuffisance de l’engagement des acteurs du SI ou de la direction pour les mettre en
œuvre est une cause d’échec fréquente. C’est le cas également lorsque le diagnostic sur les
usages de la messagerie n’est pas assez poussé, car il constitue un préalable indispensable : sa
qualité conditionne l’efficacité de la charte. Parmi les usages problématiques qui imposent sans
doute une régulation rapide en interne dans les entreprises, la contribution des TIC à l’intrusion
de l’activité professionnelle dans la vie privée mérite une attention particulière. La diffusion
massive et rapide des outils TIC mobiles, en particulier des smartphones, accentue ce risque.
Face aux dérives éventuelles et à l’insécurité juridique que cela peut provoquer dans la relation
entre l’employeur et le salarié, il est opportun d’encadrer leur utilisation par des mesures
précises.29

29
Rapport Impacts des TIC sur les conditions de travail : Rapport Direction Général du Travail, 2012
Une charte peut également fixer les conditions d'accès et les règles à respecter par les syndicats.
A ce titre, la société Renault et les organisations syndicales représentatives ont signé une charte
le 2 février 2005 qui stipule que l'organisation syndicale reconnue représentative au niveau d'un
établissement dispose d'un site sur l'intranet, sur le site de l'établissement, sous réserve de se
conformer aux dispositions relatives au contenu du site et à l'utilisation du réseau. Le contenu
des pages intranet est librement déterminé par l'organisation syndicale sous réserve qu'il revête
un caractère exclusivement syndical et respecte les dispositions de la Charte. Cette dernière
stipule le plus souvent que le contenu des pages intranet ne doit contenir ni injure ni diffamation
conformément aux dispositions relatives à la presse et doit respecter la vie privée et le droit à
l'image. Ne sont pas non plus autorisées les pratiques suivantes : téléchargement de vidéos,
d'images animées, de bandes son, diffusion de tracts par messagerie, «spam» (diffusion d'un
document en grand nombre), forums et "chat", «applets», java, moteurs de recherche (sauf sur
internet) ou cookies. La Charte peut également rendre accessibles entre eux (liens) les sites
syndicaux centraux et les sites syndicaux de plusieurs établissements de la même société.

Atos, quant à elle a choisi une stratégie différente, la stratégie du "zéro mail"30 . En février 2011,
Atos a annoncé son ambition sans précédent de devenir une entreprise sans email trois ans plus
tard. L’objectif d’Atos est d’accroître la productivité en libérant du temps normalement passé à
gérer des e-mails. Pour Atos, travailler de façon plus collaborative contribue à briser les silos
d’informations, à créer une plus grande transparence et à offrir

d’importantes sources d’économies. Dans l’esprit de son ambition de trouver des solutions
technologiques, Atos a, en 2012, poursuivi l’introduction de solutions de communication
collaborative et sociale au sein de sa propre organisation. Ces nouveaux outils offrent une
alternative au courrier électronique et le rendent bien moins efficace. Des communications
ouvertes et multiplateformes sont dorénavant la norme chez Atos. Les blogs, wikis, messages
instantanés et autres outils de médias sociaux comme blueKiwi sont tous utilisés au quotidien
dans l’environnement professionnel d’Atos.

b. Les formations

Les formations à l'usage des TIC doivent être administré aux employés aussi bien qu'aux
dirigeants. Il s’agit alors de renforcer l’accompagnement du changement dans les entreprises
lors de la mise en œuvre ou d’évolutions importantes du système d’information. Cela concerne
en particulier la formation continue destinée aux utilisateurs de TIC. La question de la formation
se pose également pour les responsables de l’entreprise, qu’il s’agisse des dirigeants, qui doivent
avoir les compétences nécessaires pour connaître et comprendre les TIC et leurs enjeux, ou des
30
Guide de réflexion sur l'usage des TIC : "Pour un usage responsable des TIC" Aller↑ "zéro mail" la politique de
l'entreprise Atos
DSI, afin notamment qu’ils puissent aborder les problématiques sociales liées au système
d’information.31

c. Limitation du volume de mails

Les entreprises ainsi que leurs salariés se plaignent souvent du volume de mail reçu. Afin de
réduire ce volume de communication, plusieurs solutions sont envisageables:

- Envoyer les mails aux bonnes personnes

- limiter l'envoi de pièces jointes

- Organiser des journées sans mails

Implication des partenaires sociaux

Les partenaires sociaux sont de plus en plus impliqués dans la définition de charte de bon usage
ou des convention sociales qui accordent de l'importance aux TIC désormais. Les TIC étant un
élément important des conditions de travail des salariés et il est donc tout à fait normal que l’on
en parle et qu’on les discute dans les organisations. Le choix de ces technologies, les méthodes
d’implantation, l’accompagnement des salariés pour apprendre à les utiliser ainsi que l’usage qui
peut en être fait peuvent, en particulier, faire l’objet de ces échanges. Les marges de manœuvre
sont très importantes sur ces aspects et la consultation des salariés, au plus proche du terrain,
pourrait résoudre bien des problèmes. Il paraît difficile de « revenir en arrière » sur l’usage des
TIC, mais leur renouvellement rapide nécessite d’être attentif aux conséquences qu’elles
peuvent avoir sur les conditions de travail.

d. DRH responsable

- Plan d’activités et orientation stratégique RSE

- Proposer un code de conduite des employés

- Intégrer les éléments de RSE dans les descriptions de travail, les plans de rendement
individuels et les objectifs d’équipe

- Encourager la communication interne dans l'entreprise et favoriser les échanges directs.

II. L’impact des nouvelles technologies sur les risques psychosociaux

Une bonne compréhension des risques sociaux et psychologiques et des nouvelles


technologies est une condition préalable nécessaire pour continuer à apprendre.

31
Document "Du meilleur usage des outils de communication numérique dans les entreprises]"
Par conséquent, dans un premier temps, nous définirons le risque psychosocial et Insistez
sur les raisons multifactorielles de ces derniers.

Deuxièmement, nous expliquerons facteurs de risques.

Enfin, nous analyserons l'impact des nouvelles technologies sur Facteurs psychosociaux et
santé mentale des salariés.

1. Le concept générique de risques psychosociaux au travail

Définir la notion de risque psychosocial n'est pas facile car elle permet de préciser les
risques professionnels et leurs effets sur la santé, leurs causes et leurs conséquences.

De plus, il est possible d'identifier plus de quarante risques psychosociaux32. Au niveau


international, l'Organisation internationale du Travail définit le risque psychosocial comme
suit: « Si une personne subit un danger psychosocial, la possibilité ou la possibilité qu'une
personne subisse des événements indésirables ou des dommages à la santé; c'est la
possibilité ou la possibilité qu'un événement dangereux se produise. la gravité des
dommages à la santé causés par l'incident. La relation entre le danger et le risque est
l’exposition, qu’elle soit immédiate ou à long terme. Dans ce contexte, on inclut les effets
physiques et psychologiques33 ».

L'avantage de cette définition est qu'elle définit le risque psychosocial au même titre que
tout risque professionnel et reconnaît son impact sur la santé et la sécurité.

Au niveau de l'Union européenne, il n'existe pas de définition juridique car les


phénomènes de risque psychosocial n'ont jamais été pleinement pris en compte.
Cependant, l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail propose de définir le
risque psychosocial comme «le risque de nuire à la santé mentale ou physique des
travailleurs en raison de l'interaction entre l'organisation et la conception et la gestion du
travail social. Contexte». C'est la définition proposée par Cox et Griffiths en 2005.

Enfin, en ce qui concerne le terme «risque psychosocial» a été choisi en 2014, et le terme
dépassé «charge psychosociale causée par le travail» a été abandonné. Compte tenu de
l'acceptation généralisée du terme «risque psychosocial» par la communauté scientifique et
les institutions européennes, il s'agit d'une évolution bienvenue. En outre, il peut également
porter ces risques à des niveaux de risque professionnel.

32
B. MUNEZERO, Les risques psychosociaux liés à l’utilisation des technologies de l’information et de la
communication, Waterloo, Kluwer, 2015, p. 8.
33
Organisation Internationale du Travail, Bureau international du Travail, Risques psychosociaux, stress et violence
dans le monde du travail, Journal international de recherche syndicale, Vol. 8, 1-2, Genève, 2017, p. 13.
Depuis 2014, les législateurs définissent les risques psychosociaux au travail comme «au
contact» de l'organisation du travail, du contenu du travail, des conditions de travail, des
conditions de travail et des relations interpersonnelles au travail, qui ont un impact sur les
employeurs et présentent objectivement des risques pour les employeurs. Il est intéressant
de noter que la Belgique est le seul des Etats membres à disposer d’une définition légale
des risques psychosociaux34. Elle suit le schéma classique des autres risques
professionnels, à savoir, la probabilité que des travailleurs subissent un dommage à la suite
de l’exposition à un danger.
Cette formulation permet d’englober tout type de risque psychosocial, ainsi que tout
facteur de risque, toutefois, le membre de phrase « sur lesquelles l’employeur a un impact
et qui comportent objectivement un danger » vient contrebalancer ce caractère englobant.
Ces deux conditions cumulatives sont floues, alors qu’elles doivent, précisément,
permettre de cerner les obligations de l’employeur.
Le terme « danger » est mal choisi, en effet, le danger est défini comme étant : « la
propriété intrinsèque ou la capacité d’un objet, d’une substance, d’un processus ou d’une
situation d’avoir des conséquences néfastes ou de menacer la santé et la sécurité du (des)
travailleur(s) ». En vertu de cette acception, il est impossible pour l’employeur d’avoir un
impact sur un danger, ce n’est pas de son ressort.35
Nous pouvons supposer que le législateur ne visait pas le danger mais bien le risque ou le
facteur de risque. Cette thèse est accréditée par l’exposé des motifs du projet de loi
complétant la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de
leur travail quant à la prévention des risques psychosociaux au travail : « D’un point de
vue juridique, seules les situations comportant objectivement un danger doivent être
prévenues par l’employeur. Ce qui signifie que l’expérience subjective individuelle du
travailleur ne sera pas
déterminante pour déterminer les responsabilités de l’employeur. En effet, la perception
d’une même situation peut être différente d’un individu à l’autre. L’employeur ne peut pas
être tenu pour responsable de l’ensemble des souffrances vécues par les travailleurs qui
trouvent leur origine dans l’organisation du travail. Seules les situations pouvant être
vécues comme anormales pour “le ou les travailleur(s) moyen(s) placé(s) dans les mêmes
circonstances ”devront être prises en compte par l’employeur dans sa politique de
prévention ».
En effet, on parle de risque « psychosocial » parce qu’il se situe à la jonction entre
l’individu et sa situation au travail. La subjectivité de chaque travailleur a également une
34
A. ZORBAS et G. ZORBAS, Risques psychosociaux, harcèlement et violences au travail. Droit belge, français et
luxembourgeois, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 262.
35
S. BILLY, P. BRASSEUR, J.-P. CORDIER, La prévention des risques psychosociaux au travail depuis la réforme de
2014 : aspects juridiques et pratiques, Waterloo, Kluwer, 2016, p. 97.
influence importante sur la perception du risque. En découle une complexité qui s’accorde
mal avec l’application de la règle de droit. C’est pourquoi le législateur n’a entendu retenir
que les facteurs de risques psychosociaux sur lesquels l’employeur peut avoir une
influence.
Néanmoins, cette formulation présente le défaut de ne pas préciser la nature de l’obligation
qui incombe à l’employeur. Etant donné qu’il s’agit d’une obligation sanctionnée
pénalement, il nous paraît opportun que le législateur clarifie cette question. Selon Jean-
Philippe Cordier, la situation peut être résumée comme suit :
« L’employeur a une obligation de résultat de tout mettre en œuvre pour atteindre le bien-
être au travail des travailleurs, en ce compris la prévention des risques psychosociaux,
mais n’a pas une obligation de résultat quant à la réussite effective de la politique du bien-
être au travail relative aux risques psychosociaux, en ce sens qu’il ne pourra pas
systématiquement être tenu pour responsable d’une situation avérée de harcèlement moral
».
Il s’agit également de la position défendue par la Cour de Cassation française.36
2. Facteurs de risque

Les facteurs de risque sont tous des éléments de nature organisationnelle, collective ou
individuelle qui interviennent ainsi pour augmenter ou diminuer le risque d'effets
indésirables et leur gravité. Il y a aussi des facteurs spécifiques à l'individu, que ce soit sa
personnalité, son compétences, expérience ou circonstances personnelles qu'ils vivent. Ces
facteurs de risque s'influencent mutuellement, il est donc important d'adopter une politique
de santé globale.
Les risques psychosociaux sont complexes, car les facteurs de risque sont divers et
Une approche multidisciplinaire est nécessaire. De plus, les dangers peuvent également
se trouver à plusieurs niveaux:
Organisation du travail, contenu du travail, conditions de travail, conditions de travail et
relations interpersonnelles au travail. Nous les décrivons en détail ci-dessous.
Il existe d'autres classifications des facteurs de risque, et nous pouvons nous référer aux
classifications EU-OSHA 37et OIT en annexe (Annexe I). Malgré les différences,
l'identification des facteurs de risque psychosociaux est assez uniforme.
2.1 L’organisation du travail
Ce facteur est considéré comme le facteur clé, il est placé en tête des éléments constitutifs des
risques psychosociaux par le législateur . A ce titre, il influence également les quatre

36
Cass. Soc. (Fr.), 1er juin 2016, n°14-19.702.
33M. HUPKE, Psychosocial risks and workers health, EU-OSHA, disponible sur osh.wiki.eu
37
autres : contenu du travail, conditions de travail, conditions de vie au travail et relations
interpersonnelles. Nous pouvons définir l’organisation du travail comme « l’ensemble des
règles nécessaires à la réalisation du travail, celles qui structurent la production et celles qui
traitent de l’organisation générale de l’entreprise38 ».
Ce facteur concerne la manière dont sont structurées et réparties les tâches ainsi que les relations
d’autorité pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Il comprend également les méthodes de
management, la définition des objectifs de l’entreprise, les procédures de travail, les outils de
gestion, le soutien organisationnel, la participation des travailleurs dans les prises de décision, le
rôle au sein de l’organisation (ambiguïté des rôles ou conflit de rôle), etc.
Il comprend également les politiques générales menées dans l’entreprise telles que la politique
en matière de bien-être au travail ou encore celle en matière d’absentéisme. Il est lié au contexte
socio-économique (crise, restructuration, insécurité, croissance) dans lequel se situe l’entreprise.
Ce facteur permet de dépasser l’aspect individuel de l’exécution du travail pour se tourner vers
la notion de collectif et de coopération entre les travailleurs, éléments essentiels pour la bonne
organisation du travail.
Il est possible d’identifier les principaux modes d’organisations susceptibles de favoriser
l’apparition de risques psychosociaux :
Tout d’abord, la définition des contraintes de travail à laquelle est liée l’intensification du
rythme de travail. Cette intensification peut prendre la forme d’une accélération de la cadence
ou d’un accroissement de la complexité comme d’une diminution des délais d’exécution.
Nous pouvons prendre pour exemple les politiques stratégiques visant à placer la satisfaction du
client au cœur de l’organisation du travail, celles visant à rendre le travail davantage flexible ou
encore à mettre en concurrence les performances des employés39.
L’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication participe à
cette intensification du travail (v. infra).
En outre, le sentiment d’autonomie et le degré de contrôle du travailleur peuvent également
avoir une influence sur l’apparition de risques psychosociaux. C’est d’autant plus problématique
lorsque le travailleur est exposé à des injonctions contradictoires. Il est important de saisir que
trop peu d’autonomie, comme trop d’autonomie sont susceptibles d’induire des risques
psychosociaux.
2.2 Le contenu du travail
C’est également un facteur très important en termes de risques psychosociaux puisque le travail
à réaliser peut comporter des dangers.

38
Y.-F. LIVIAN, « Organisation du travail », Dictionnaire des risques psychosociaux, Paris, Seuil, 2014, p. 524.
39
l s’agit du benchmarking utilisé comme technique de management. Cette technique consiste à gérer les
performances du personnel par la mise en concurrence permanente et excessive. Ce type de management est
encadré par la jurisprudence française. Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 5 mars 2008, elle a été interdite.
Conformément à l’exposé des motifs, ce concept « a trait à la tâche du travailleur en tant que
telle. On retrouve dans cette catégorie, tout ce qui touche à l’intensité (contraintes de rythme, de
quantité, objectifs, polyvalence, nouvelles technologies), aux exigences émotionnelles (relation
au public, contact avec la souffrance, devoir cacher ses émotions), à la charge mentale (liée
entre autres à la difficulté de la tâche), à la charge physique, à la diversité dans le travail
(variation de la tâche), au manque de précision dans le travail (ambiguïté du rôle), au
changement dans les tâches (prévisibilité du travail, possibilité d’anticiper), à l’information sur
la tâche, etc40. » .
Par conséquent, il existe un lien entre les risques psychosociaux et le contenu du travail, étant
donné les exigences (plus ou moins lourdes) qui sont propres à la tâche à effectuer. Par ailleurs,
le contenu du travail a subi plusieurs mutations au cours de ces dernières années.
Ces mutations concernent, d’une part, la matérialité du travail (nouvelles technologies,
nouveaux schémas d’organisation, nouveaux instruments, etc.) et, d’autre part, les valeurs
attachés au travail (la désacralisation de la valeur travail, la question de son sens, la place du
client, etc.).
S’ajoute à cela le critère du « travail bien fait », qui est amené à évoluer en parallèle avec celui
de « contenu du travail ». Les travailleurs font face à des exigences contradictoires à ce sujet :
puisque le travail bien fait correspond à un modèle unique et standardisé défini par l’entreprise,
alors que la réalité du terrain les expose à une multitude de façons de mener à bien le travail
confié . Par conséquent, ce facteur de risque tend à augmenter la charge psychosociale des
travailleurs salariés.41
2.3 Les conditions de travail

Il s’agit de tous les paramètres influençant l’exécution du contrat de travail ou la relation


de travail tels que le statut, les horaires, le type de contrat (CDD, CDI, intérim, travail sur
applet.), la rémunération, les possibilités de formation, d’évolution de carrière, le rythme
de travail, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, etc.
La précarité, l’instabilité de l’emploi et l’incertitude quant à l’avenir font également
partie de ce facteur. En somme, tous les aspects du travail qui ne font pas partie du
travail en lui-même ou qui peuvent en être détachés relèvent des conditions de travail.
Cela comprend, à la fois, les risques et les ressources liés au travail.
Les conditions de travail sont également relatives à l’environnement de travail tel que
l’exposition au bruit, à la lumière, à des charges lourdes, à des substances toxiques ; à
savoir des composantes du travail capables de constituer des pénibilités physiques.
40
Projet de loi complétant la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur
travail quant à la prévention des risques psychosociaux au travail, dont, notamment, la violence et le harcèlement
moral ou sexuel au travail, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. Repr., sess. ord., 2013-2014
41
P. UGHETTO, « Contenu et exigences du travail », Dictionnaire des risques psychosociaux, Paris, Seuil, 2014,
pp.143 à 144
Elles sont naturellement évolutives et peuvent être modifiées par l’employeur.
Les conditions de travail permettent également de se pencher sur le cadre temporel, sur
les conditions d’emploi, d’organisation du travail ou sur les conditions cognitives
touchant à l’information et à la formation des opérateurs42. Ainsi, il est évident que de «
mauvaises » conditions de travail, individuellement ou collectivement, peuvent
engendrer des risques psychosociaux.
2.4 Les conditions de vie au travail
Ce facteur vise les conditions matérielles ou logistiques dans lesquelles le travail doit
être effectué telles que les locaux, la sécurité, c’est-à-dire l’environnement physique dans
lequel le travail doit être effectué43. L’exposé des motifs de la loi du 28 février 2014 ne
fournit pas de définitions mais une énumération d’éléments. Les conditions de vie au
travail se réfèrent à la qualité de la vie au travail et au bien-être au travail.
La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans un arrêt du 12 novembre 1996 a énoncé
ce que recouvre la notion d’environnement de travail : « Rien dans les termes de l'article
118 A n'indique que les notions de « milieu de travail », de « sécurité » et de « santé » au
sens de cette disposition devraient, en l'absence d'autres précisions, être entendues dans
un sens restrictif et non comme visant tous les facteurs, physiques ou autres, capables
d'affecter la santé et la sécurité du travailleur dans son environnement de travail, et
notamment certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Au contraire, le
membre de phrase « notamment du milieu de travail » plaide en faveur d'une
interprétation large de la compétence conférée au Conseil
par l'article 118. A en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs
» .Cela signifie que l’environnement du travail comprend des composantes tant
physiques que psychiques, il est important de les prendre en compte afin d’éviter
l’apparition de risques psychosociaux. En effet, un dysfonctionnement des conditions de
vie au travail peut engendrer une hausse du stress. Celle-ci est susceptible de favoriser
l’apparition d’effets pervers tels que l’absentéisme, les accidents du travail, les maladies
professionnelles, la rotation du personnel, mais également des risques psychosociaux tels
que le stress, la fatigue mentale voire l’épuisement professionnel.
2.5 Les relations interpersonnelles
Enfin, les relations interpersonnelles visent l’ensemble des rapports sociaux, que cela soit
avec les autres travailleurs, les supérieurs, les tiers ou les clients. Ce critère pose la

42
A. PARENT-THIRON, « Conditions de travail », Dictionnaire des risques psychosociaux, Paris, Seuil, 2014, pp.
126
à 130.
43
Projet de loi complétant la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur
travail quant à la prévention des risques psychosociaux au travail, dont, notamment, la violence et le harcèlement
moral ou sexuel au travail, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. Repr., sess. ord., 2013-2014, 53-3101/001, p. 23.
question de l’ambiance de travail, du possible isolement social, du soutien et de la
communication.
On y considère la qualité des relations (coopération, intégration) et la violence
éventuelle.
En termes de relations avec autrui, il est certain que les nouvelles technologies de
l’information et de la communication jouent un rôle. Si elles permettent une instantanéité
des échanges et une multiplication de ceux-ci, ils sont de moindre qualité et perdent en
naturel (v. infra).
De facto, les échanges face à face ont tendance à diminuer. Cela peut dégrader la relation
de travail, augmenter l’isolement, la distance entre les travailleurs et causer du stress44.
3. L’influence des nouvelles technologies de l’information et de la communication
sur les facteurs psychosociaux
La palette des nouvelles technologies de l’information et de la communication influence les
processus de travail et accentue la porosité entre temps personnel et temps professionnel.
Actuellement, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (O.C.D.E.)
estime que les T.I.C. concernent l’ensemble des activités professionnelles, tous secteurs
confondus. En outre, 92% des travailleurs utilisent au moins une de ces T.I.C. dans
l’exécution de leur travail45.
Il existe deux positions concernant l’effet des nouvelles technologies de l’information et de la
communication sur les conditions de travail (entendues au sens large). La première prend le
parti de la neutralité technologique et met en cause l’usage des T.I.C., l’organisation du travail
et le management ; alors que la seconde prend le parti du déterminisme technologique et
estime que les T.I.C. peuvent, en tant que telles, constituer des facteurs de risque et engendrer
des risques psychosociaux. Cependant, il existe un consensus à propos du fait que les T.I.C.
constituent, rarement, le seul déterminant des risques psychosociaux lorsqu’ils sont utilisés
comme instruments de réalisation du travail46.
Nous considérons que les évolutions permises par l’introduction de ces nouvelles technologies
sont neutres. En effet, chaque avantage porte en lui, en miroir, son éventuelle dérive.
C’est pourquoi, il est si important de saisir le caractère ambivalent de ces changements.
A présent, nous allons analyser sept modifications du milieu professionnel qui sont
susceptibles d’être porteuses de risques psychosociaux. Ainsi, nous aborderons la surcharge
informationnelle, la discontinuité des activités, l’intensification du rythme de travail, la
surveillance accrue, la disponibilité continue, le technostress et, enfin, l’affaiblissement des

44
J. ROSENVALLON, « Les effets des T.I.C. sur l’isolement au travail et les échanges entre collègues », L’impact des
T.I.C. sur les conditions de travail, Paris, La documentation française, pp. 161 à 170.
45
FGTB, Bien-être au travail ou technostress ? Une enquête du Service d’Etude de la FGTB, www.fgtb.be.
46
B. MUNEZERO, Les risques psychosociaux liés à l’utilisation des technologies de l’information et de la
communication, Waterloo, Kluwer, 2015, p. 16.
relations interpersonnelles.
3.1 Surcharge informationnelle
La surcharge informationnelle, appelée aussi « infobésité », est une des conséquences majeures
de l’introduction des technologies de l’information et de la communication au travail.
Le contenu du travail a été sensiblement modifié, à la fois, par la quantité d’informations, mais
aussi, par la hausse de la quantité de travail qu’elle induit47.
Cette évolution est due aux outils de communication mobile (smartphone, tablettes, etc.) et aux
réseaux sans fil, le meilleur exemple demeurant, sans doute, l’e-mail. En effet, il a contribué à
détourner les outils d’expression, a permis une multiplication des interlocuteurs et une
instantanéité des réponses48.
Si l’accès rapide à l’information, quelle qu’elle soit et où qu’elle se trouve, est un atout. Cela
confronte le travailleur à une avalanche de données qu’il n’est pas en mesure de traiter.
De plus, ces informations lui parviennent morcelées, de façon désordonnée et, il n’est pas rare
qu’elles se contredisent entre elles. Par conséquent, la gestion et le traitement de l’information
est chronophage. En présence de ce surplus d’informations, le travailleur peut considérer que la
charge mentale et psychosociale qu’il subit est accrue. Il risque la saturation, associée à un
sentiment d’urgence, cela génère une perte d’efficacité, une baisse de la satisfaction au travail et
du découragement.
Nous voyons ainsi se dessiner un terrain propice à la survenance de risques psychosociaux, en
particulier, le stress et l’anxiété.
3.2 Discontinuité des activités
L’usage des T.I.C. permet aux travailleurs de se consacrer simultanément à plusieurs activités,
ce qui peut mener à une dispersion de l’attention du salarié. L’activité est morcelée, le temps de
travail fragmenté et le travailleur est souvent interrompu49.
Ainsi, il est de plus en plus difficile pour le salarié de se concentrer sur une seule tâche.
La surcharge informationnelle, la multiplicité des outils de communication et l’instantanéité
qu’ils permettent sont, pour partie, responsable de la dispersion mentale des individus.
Cet éparpillement est donc nuisible à la productivité et à la santé. Le travailleur peut se sentir
perdu, dépassé, ce qui a pour conséquence d’aggraver son état de stress.
3.3 Intensification du rythme de travail
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont une influence sur le
facteur organisation du travail, notamment, en ce qui concerne les stratégies d’optimisation du

47
C. FELIO, « Risques psychosociaux et T.I.C : discours de cadres », VIIème colloque international EUTIC,
Bruxelles, 2011, p. 2.
48
M. DEMOULAIN, Nouvelles technologies et droit des relations de travail, Essai sur une évolution des relations de
travail, Paris, Editions Panthéon-Assas, 2012, pp. 136 à 142.
49
R. CHEVALLET et F. MOATTY, « Impact des T.I.C. sur les rythmes, l’autonomie et le contrôle du travail »,
L’impact des T.I.C. sur les conditions de travail, Paris, La Documentation française, 2012, p. 105.
temps. A ce titre, elles permettent notamment l’intensification et/ou l’accélération du travail.
Nous pouvons parler de travail en « qualité-tendue », c’est-à-dire, un système d’organisation du
travail cumulant flux-tendu et qualité totale50.
Que l’employeur choisisse d’équiper ses travailleurs avec de nouveaux outils ou qu’il utilise
ceux-ci à des fins de gestion des performances ou de surveillance, les T.I.C. ont un impact en
termes de risques psychosociaux. En effet, il est possible que les T.I.C. visent l’accroissement de
la cadence de travail par le biais de processus standardisés et de prescriptions plus intenses.
Mais, il est, également, probable que les travailleurs eux-mêmes, via l’utilisation de ces outils,
accélèrent leur rythme de travail, soit de leur plein gré, soit parce qu’ils sont conscients qu’ils
sont surveillés. Selon Eurofound, 60% des personnes interrogées déclarent travailler avec des
délais trop courts et 56% devoir travailler à des cadences trop élevées. Cette enquête établit
également une corrélation entre une cadence très élevée, des délais serrés et des problèmes de
santé.
En effet, le rythme imposé par une machine crée une dépendance organisationnelle où le
travailleur n’a que peu d’autonomie et de pouvoir de décision, alors qu’il subit de fortes
contraintes de temps. Dans ces circonstances, l’accélération du rythme de travail ou la
diminution des délais accordés s’accompagne d’un sentiment d’urgence permanent entraînant de
la fatigue, de l’énervement, de l’insatisfaction, une baisse de motivation, une perte de contrôle et
de repères ainsi que du stress51.
L’intensification du travail est également responsable d’un paradoxe : les travailleurs voient leur
autonomie augmenter (possibilité de travailler à partir de son domicile, en dehors des heures de
travail standard, etc.) tout en ne disposant que de très peu de liberté au niveau des procédures à
respecter et des objectifs à atteindre.
3.4 Surveillance accrue
Surveillance du travail par des moyens informatiques ou par vidéo, progiciels de gestion
intégrée, système de supervision, géolocalisation, etc., les T.IC. permettent un contrôle
« inédit », celui des moyens mis en œuvre et de leur conformité aux pratiques de travail de
l’entreprise. En effet, les systèmes informatiques permettent de collecter et d’analyser toutes les
données relatives aux tâches et à la manière dont elles sont effectuées par les travailleurs. Ces
systèmes de contrôle électronique des performances diminuent l’autonomie, formalisent le
travail et augmentent le stress et l’épuisement professionnel52. Les T.I.C. favorisent l’attrait pour

50
Y. LASFARGUE, « Comment mesurer le travail dans la Société de l’information ? », Emploi et travail : regards
croisés, Paris, Le Harmattan, 2000, pp. 93 à 104.
51
R. CHEVALLET et F. MOATTY, « Impact des T.I.C. sur les rythmes, l’autonomie et le contrôle du travail »,
L’impact des T.I.C. sur les conditions de travail, Paris, La Documentation française, 2012, pp. 110 à 116.
52
G. VALENDUC et P. VENDRAMIN, Technologies de l'information et de la communication, emploi et qualité du
travail, Bruxelles, SPF Emploi, Travail et Concertation Sociale, 2002, p. 53.
la mesure et le chronométrage comme technique d’organisation du travail, alors que les
différences entre travail prescrit et travail réel rendent caduques ces calculs.
Concernant le contrôle des données de communication électroniques en réseau, certaines limites
ont été fixées. L’employeur est tenu de respecter la loi du 8 décembre 1992 relative à la
protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel ainsi que la
C.C.T. n°81 du 26 avril 200653. Ainsi, l’employeur doit respecter le principe de finalité, de
proportionnalité et de transparence lorsqu’il collecte et contrôle les données. Il ne peut
commettre d’ingérence dans la vie privée du travailleur, ou tout du moins, la limiter au
maximum.
3.5 Disponibilité continue
Les technologies de la communication sont susceptibles d’établir un lien permanent entre le
travailleur, ses collègues et l’employeur. En effet, les T.I.C. ont contribué à rendre plus floue les
notions de temps et d’espace. Comme le soulignent certains auteurs, leur usage engendre une «
capacité d'ubiquité » des travailleurs, ce qui renvoie à la faculté d'exécuter leur travail, quel que
soit le moment ou l’endroit. Par conséquent, les nouvelles technologies favorisent l’allongement
des journées de travail puisque les travailleurs pourront avoir le sentiment que rester connecté
plus longtemps et répondre rapidement est un signe de bonne performance.
Ainsi, le travail investit des temps et des lieux de repos. Cela participe à une culture de
l’immédiateté qui encourage la joignabilité omniprésente.
En toile de fond, nous retrouvons la difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle. En
effet, les T.I.C. entraînent une perméabilité entre l’activité professionnelle et l’activité
personnelle puisque de nombreux travailleurs prennent l’habitude de consulter leurs e-mails
professionnels pendant les temps de repos (congé, vacances, pauses, incapacité de travail). Il
peut même s’agir de consultation compulsive qui relève, parfois, de l’addiction.
Les technologies mobiles impactent négativement la santé et le bien-être des travailleurs
salariés. La santé psychique est menacée par le sentiment de stress constant lié à la sensation de
non-repos et peut mener à l’épuisement professionnel54.
En outre, cette flexibilité temporelle et spatiale pose des questions, notamment en termes de
durée du temps de travail ou d’heures supplémentaires prestées demeurées impayées.
L’employeur ne peut exiger d’être constamment disponible et doit ménager de véritables temps
de repos où le travailleur peut prendre de la distance par rapport à ses obligations
professionnelles. C’est ainsi qu’est né, en France et en Belgique, un « droit à la déconnexion»,
que nous étudierons dans le dernier chapitre de ce travail.
53
Convention collective de travail n°81 du 26 avril 2002, conclue au sein du Conseil national du Travail, relative à
la protection de la vie privée des travailleurs à l’égard du contrôle des données de communication électronique en
réseau, rendue obligatoire par l’arrêté royal du 21 juin 2002.
54
C.-H. BESSEYRE DES HORTS et H. ISAAC, L’impact des technologies mobiles d'information et de communication
sur les activités des professionnels en entreprise : une étude perceptuelle sur les situations de travail, Paris, HAL,
2006.
3.6 Technostress et complexité des nouveaux outils de travail
Le technostress est occasionné par l’usage des technologies de l’information et de la
communication. Selon Craig Brod, l’inventeur du terme, c’est une « maladie moderne qui est
causée par l’incapacité d’une personne à gérer les T.I.C. d’une manière équilibrée, saine ». Le
bouleversement est majeur puisque l’abstraction et la dématérialisation des tâches font, peu à
peu, disparaître les opérations physiques. Ainsi, le travail sur ordinateur est largement répandu,
il n’est pas rare que l’essentiel de l’activité y réside. Dans ce cas, les attentes devant écran à la
suite d’une demande ou d’un souci informatique, les pannes, les tâches monotones et répétitives
et la technicité des logiciels sont sources de stress, d’autant plus, lorsque le travailleur dépend du
bon fonctionnement des T.I.C55.
Les T.I.C. engendrent inévitablement de nouveaux outils de travail, toutefois, leur nombre et la
rapidité de leur évolution rend, bien souvent, impossible l’adaptation des salariés. Ils sont, sans
cesse, pousser à acquérir de nouvelles compétences, de nouvelles connaissances par rapport aux
appareils, logiciels et applications ainsi qu’aux aléas relatifs à leur utilisation. Mais, à peine
apprivoisé, l’outil en question fait l’objet d’une mise à jour ou est remplacé par un outil plus
performant, augmentant la frustration ressentie par le travailleur.
Les travailleurs sont nombreux à considérer que l’utilisation de nouveaux matériels
informatiques ou de nouveaux logiciels après une période de formation insuffisante génère du
stress. Ce stress est amplifié lorsque les travailleurs craignent d’être remplacé.
Même s’il existe une obligation de formation incombant à l’employeur, le risque d’exclusion
des travailleurs plus âgés ou de ceux qui ne se sentent pas en adéquation avec leurs nouveaux
outils de travail est bien présent. Il est possible qu’une forme de discrimination par la
technologie apparaisse dans l’entreprise, dans ce cas, il peut survenir une « fracture numérique
», également nuisible aux relations interpersonnelles56.
Nous proposons, à l’Annexe II, le cas concret de l’introduction de la commande vocale.
3.7 Affaiblissement des relations interpersonnelles
Les T.I.C. ont entraîné une dégradation des relations de travail, cela peut sembler paradoxal
parce qu’il n’y a, sans doute, jamais eu autant d’échanges qu’aujourd’hui. Toutefois, si la
communication s’est affranchie des contraintes de temps et d’espace, elle est devenue formelle
et dépersonnalisée.
L’usage de l’e-mail et autre messagerie instantanée a modifié les rapports humains mais,
également, les échanges d’informations. D’une part, les travailleurs ont de moins en moins
d’occasion de se rencontrer et, d’autre part, les incompréhensions et les mauvaises

55
Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au travail, Manuel d’orientation sur le stress lié au travail :
Piment de la vie … ou coup fatal ? Office des Publications Officielles des Communautés Européennes,
Luxembourg, 2000.
56
L. LEROUGE, La reconnaissance d’un droit à la protection de la santé mentale au travail, Paris, L.G.D.J, 2005,
pp. 162 à 164.
interprétations sont plus nombreuses. Cela a pour conséquence une baisse de la solidarité et du
soutien social entre travailleurs, l’isolement et la dégradation du climat de travail.
Néanmoins, il semblerait que les T.I.C. aient des effets bénéfiques concernant les travailleurs
éloignés géographiquement, la communication est simplifiée même si elle demeure formelle.
Nous pouvons ajouter, en ce qui concerne les relations interpersonnelles, que les technologies de
l’information et de la communication offrent de nouvelles plateformes où le harcèlement est
susceptible de s’exprimer. Ainsi, nous pouvons citer la cyberintimidation, le cyberharcèlement
qu’il soit moral ou qu’il constitue du harcèlement sexuel numérique. A ce propos, nous prenons,
une fois encore, le parti de la neutralité technologique, c’est ici la mauvaise utilisation des T.I.C.
qui est en jeu.
Conclusion
Selon Yves Clots, « La santé mentale au travail est aux urgences », à la suite du portrait que
nous venons de dresser, nous pouvons difficilement lui donner tort.
L’étude des risques psychosociaux a démontré leur variété et leur généralisation, tandis que
celle des nouvelles technologies nous a permis d’identifier de nouveaux facteurs psychosociaux
susceptibles d’avoir un impact négatif sur la santé mentale et le bien-être des travailleurs
salariés.
En effet, les T.I.C. soutiennent certaines évolutions et techniques managériales néfastes pour le
travailleur. Nous avons identifié la surcharge informationnelle, la discontinuité des activités,
l’intensification du travail, la surveillance accrue, la disponibilité continue, le technostress et
l’affaiblissement des relations interpersonnelles. Ces facteurs psychosociaux se transforment en
facteurs de risques et viennent déjouer les avantages des nouvelles technologies de l’information
et de la communication. Nous l’avions explicité plus tôt, chaque avancée porte en elle sa dérive.
Ces mutations sont profondément ambivalentes et doivent interpeller, au plus vite, le législateur.

ANNEXE I

Classification des facteurs de risques psychosociaux de l’Organisation Internationale du


Travail et de l’Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail

L’Organisation Internationale du Travail a établi sa propre classification distinguant,


principalement, les dangers relevant du contenu et du contexte du travail.
Source : Organisation Internationale du Travail, Bureau international du Travail, Risques
psychosociaux, stress et violence dans le monde du travail, Journal international de recherche
syndicale, Vol. 8, 1-2, Genève, 2017, pp. 13 à 17.
L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a établi une classification des sources
de risques psychosociaux.

Source : M. HUPKE, Psychosocial risks and workers health, Agence Européenne pour la santé et
la sécurité au travail, disponible sur osh.wiki.eu.

Context du travail

Culture et fonction Mauvaise communication, niveau insuffisant de soutien pour la


organisationnelle résolution des problèmes et le développement personnel,
absence de définition des objectifs organisationnels

Rôle au sein de l’organisation Ambiguïté et conflits de rôles, imprécision de la définition des


responsabilités des travailleurs

Plan de carrière Stagnation et incertitude dans la carrière, promotion insuffisante


ou excessive, salaire bas, insécurité professionnelle, valeur
sociale du travail insuffisante

Liberté décisionnelle/contrôle Participation insuffisante à la prise de décision, manque de


contrôle sur le travail

Relations interpersonnelles au Isolement social ou physique, mauvais rapports avec les


travail supérieurs, conflits interpersonnels, manque de soutien social

Relations vie privée-travail Exigences contradictoires entre le travail et la vie privée, soutien
insuffisant à la maison, difficulté à concilier vie professionnelle
et vie privée
Contenu du travail

Milieu de travail et Problèmes concernant la fiabilité, la disponibilité, l’adaptation,


équipement de travail l’entretien ou la réparation de l’équipement et des moyens

Conception de la tâche Manque de variété ou cycles de travail court, travail fragmenté


ou insignifiant, sous-utilisation des compétences, grande
insécurité

Charge de travail/rythme de Surcharge de travail ou quantité de travail insuffisante, manque


travail de contrôle sur le rythme de travail, niveau élevé de pression par
rapport au temps imparti pour effectuer le travail

Planning Travail posté, travail de nuit, plannings inflexibles, horaire de


travail imprévisibles, longues heures de travail, travail effectué
en dehors des heures normales

ANNEXE II

Introduction de la commande vocale dans les entrepôts

Source : D. GABORIEAU, « Le sens de l’effort, Sociologie des usages du corps dans les entrepôts
de la grande distribution », Epuisement professionnel : Approches innovantes et pluridisciplinaires,
Paris, Armand Colin Editeur, 2013, p. 117.

D. GABORIEAU, « Le nez dans le micro, Répercussions du travail sous commande vocale dans les
entrepôts de la grande distribution alimentaire », La nouvelle revue du travail, 2012, disponible sur
http://journals.openedition.org/nrt/240.
La commande vocale a révolutionné le travail des préparateurs de commande en entrepôt. Il s’agit
d’un système de guidage vocal qui « prend la forme d’un dialogue entre l’ouvrier, qui déplace les
flux physiques et la machine qui fait transiter les flux informationnels ». Le salarié dispose d’un
casque et d’un micro et est amené à communiquer avec l’interface.

L’introduction de cette technologie dans les entrepôts de la grande distribution a mis fin aux
supports papier qui permettaient d’appréhender la tâche dans sa globalité. Dorénavant, le travailleur
doit utiliser un nombre de mots restreints, sous peine de ne pas être compris par l’outil et chacun de
ses gestes est normalisé, standardisé. Il n’a aucune maîtrise sur sa tâche, aucune marge de
manœuvre et est contraint à travailler dans l’immédiateté, dans une temporalité extrêmement
réduite. S’il est vrai que cette évolution permet de réduire les aléas, d’augmenter la productivité, on
ne peut nier qu’elle a contribué à une intensification du rythme de travail.

Un préparateur de commande change d’opération environ toutes les 35 secondes lorsqu’il utilise le
bordereau papier alors que, sous commande vocale, il est possible de changer d’opération toutes les
15 secondes.

En outre, les fonctionnalités inhérentes à l’interface empêchent le préparateur d’avoir une vue
d’ensemble et d’anticiper les tâches à venir, ce manque d’autonomie et cette perte de sens dans leur
travail est source de frustration et de stress. En effet, le préparateur a la sensation de n’être plus
qu’un corps, mis à la disposition de la machine. Si l’engagement physique n’a pas été modifié, le
ressenti du salarié face à la fatigue et à la souffrance physique, lui, n’est plus le même. Apparaît
ainsi une grande « fatigue mentale » dans les entrepôts de la grande distribution.

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