la rend particulièrement pertinente : il est possible
de voir Mini Surf Car, au départ, à l’arrivée, après la
© 2010
« Star Crash »
Une paire de chaussure orpheline traîne au sol .
A coté, parfois, un banc .
A l’absence que faire?
De prime abord, le travail de Lionel Scoccimaro
semble emprunt de clichés, d’images éculées d’une
contre-culture dépassée par son succès. En effet, son
œuvre se déploie selon les icônes d’un univers surf,
glisse et mécanique dont le substrat commun porte
intrinsèquement une idée particulière de la vie et de
la liberté, plus underground, à contre courant. Avalée
dans la société de consommation massive, cette marge
va devenir commerciale et ses symboles vont apparaître
comme les nouveaux emblèmes des grandes marques.
Voici ce qui pétrie les travaux de Lionel Scoccimaro
dont les références se basent sur cette vague qui
n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir. C’est avec ce
biais que l’on pourrait envisager quelques regards
portés sur les œuvres de cet artiste. Il convoque ses
propres souvenirs, ses propres références artistiques,
musicales, plastiques. C’est un monde d’images, où le
regardeur oscille entre les quarts d’heures publicitaires
télévisuels du mercredi matin et les brèves apparitions
de la plantureuse Lulla et son 3615, passé minuit… Le
tout, baigné d’une poétique ironie.
Nous voici dans un espace où une voiture 
est exposée, entièrement customisée de flammings
rutilants. Sur son toit, des planches de surf. Voici une
pièce de Lionel Scoccimaro qui assemble plusieurs
aspects de son travail. La notion d’évolution de l’œuvre
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fête, bouteilles de bière vides, surfs déballés, portes
ouvertes. On s’imagine être convié à l’évènement, on
semble pouvoir participer, pourtant quelque chose est
absent. Le spectateur reste à distance, il cherche ce qu’il
manque, la faille. Et la faille, justement c’est ce que
personne n’a envie de voir : cette débauche de couleurs
qui se joue de nous, tous ces artifices comme autant
d’appel à la vie, à la jeunesse, sont en fait un masque
mortuaire car ici, c’est le passage du temps lui-même
qui a été évincé.
A l’arrivée, Mini Surf Car est toujours aussi
propre qu’à son départ, les surfs sont sortis mais ne
laissent apparaître aucunes traces d’usure, pas de sable,
pas de sel. Et ses restes de beuverie trop bien rangés
pour être vraisemblables… Chose encore plus étrange,
le spectateur remarque, en dernier lieu, qu’il manque
les personnes elles-mêmes, les gens qui auraient vécu
ces instants. C’est un décor vidé de ses acteurs, une
scène idéale et esthétisée, échappant ainsi à la réalité.
Univers séduisant dont l’écho nous rappelle les
slogans publicitaires, les œuvres de Lionel Scoccimaro
restent pourtant silencieuses et c’est peut être cet
aspect qui les rend, dans un second temps, moins
éblouissantes, dans une sorte de regard trouble.
Elles s’exposent là, comme de belles mécaniques
lisses, froides, parfois hermétiques. Mais à l’image
des techniques de flamming, elles restent figées dans
l’ultime couche de vernis apposée pour parfaire l’objet.
Cette perfection métallique implique une sensation de
désincarné : la chair n’existe pas dans le travail de cet
artiste, ou tout au plus elle se trouve t’elle glacée en des
images fixe de pin up dont l’allusion est définitivement
celle des calendriers de camionneur. La chair se
présente aussi sous une forme, plus dérisoire, emplie
d’une touchante ironie avec la série Les Octodégénérés
. Mais ici encore, la chair, la peau se fait plastique,
cireuse. Plus qu’une absence, nous pourrions parler de
retrait. Effectivement, à l’image de la mer qui se retire
dans son reflux, l’artiste opère un retrait de sa propre
personne en des formes à la facture quasi industrielle.
Moteur de grosse cylindrée sans sa moto ; bruit, flammes,
et fumée sans la vitesse ; culbutos sans les enfants, et les
pins up nues sans le poids lourd avec son chauffeur. Ce
retrait est à l’intérieur même du processus de la production
des différents objets de son travail ; et parler d’objet n’est
pas non plus une erreur, car ce système de création est
proche du design. C’est d’ailleurs quelque chose auquel
l’artiste tient beaucoup, ce processus. Après avoir
décidé de son idée, l’artiste la réalise en collaboration
avec, non pas des artisans d’art, mais des fondeurs
de mobilier urbain, des carrossiers, des tourneurs sur
bois, etc. L’artiste délègue donc une part de réalisation
technique à différents corps de métier, c’est là une phase
importante du travail car, de son point de vue, c’est une
façon de faire entrer les pratiques dites populaires – ou
du moins des pratiques qui n’ont pas l’appellation d’art
– dans l’art. Ce déplacement repositionne les frontières
d’un art qui serait parfois installé en des esthétiques
précises qui refuseraient ces formes d’art mineur. C’est
également une manière de placer son travail dans une
rencontre de savoir-faire qui aboutisse à une sculpture,
une hybridation technique, humaine et esthétique.
Peut-être est-ce là le contrepoint de cet éloignement
qui implique, tel un négatif, une présence humaine, une
chaleur dans le processus de fabrication.
Ce retrait se dévoile dans une œuvre assez
particulière puisque à l’occasion d’une exposition,
dans un lieu lié au dessin, l’artiste pose sa réflexion
en ces termes : il n’est pas dessinateur et décide donc
de commander à une artiste (contemporaine cette
fois) de faux croquis préparatoires de pièces déjà
réalisées. Lionel Scoccimaro achète ces dessins. Ils lui
appartiennent donc de façon mercantile mais ne les a
pas signés ni réalisés. Pourtant, il va les utiliser en son
propre nom, dans une exposition que le concerne lui.
Dégagé, retiré de ce travail, il se sert de l’artiste comme
d’un prestataire et de son propre statut d’artiste comme
validation du renversement qui vient de s’opérer.
Tout comme dans la sculpture Customized
Bench, l’artiste fait fabriquer ce banc scarifié par un
fondeur industriel qui ne fond habituellement pas
l’aluminium et un compagnon qui façonnera et gravera
les différents insignes de cette contre culture dans le
bois. Encore une fois l’artiste se retire, et opère un acte
symbolique d’autorité sur l’œuvre. Ce banc, sur lequel
personne ne s’est assis est déjà marqué par la trace
des marques d’un hypothétique rassemblement d’une
bande de jeunes. La facture est trop parfaite pour que ces
inscriptions soient des cicatrices urbaines, de véritables
tags… Et toujours cette absence à la fois du temps et
de ceux qui auraient pu commettre ces marques. Pour
autant, ce retrait ne signifie pas que l’artiste ne soit pas
impliqué dans son propre travail et Lionel Scoccimaro
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se revendique comme sculpteur, bien que ses œuvres
entrent toujours dans une composition de l’espace, une
scénographie sans acteurs que nous pourrions appeler
installation. Ses partis pris sont souvent à la limite de la
dérision, du cynisme et de la provocation. Nous pensons
alors à la pièce Strictly Décorative Object , qui consiste
en une sorte de mobile de casques colorés d’où pendent
différentes formes. Dans cette pièce, il semble répondre à
des accusations sur l’utilité de l’art, voir sur la validité de
son propre travail. Cette forme d’humour imprègne toute
son œuvre dont le ludique rejoint l’ambiance colorée et
flamboyante des couleurs pops.
Il re-convoque dans son travail des références
à l’enfance ou aux grands enfants : les jeux ludiques
dans la série photographiques Les Octodégénérés, les
jeux de constructions avec les architectures de la série
Architecures of happyness , et toutes ces flammes
colorées qui ne sont pas sans rappeler les petites voitures
pour enfant. En effet au regard de cette idée, il est difficile
de ne pas songer au lieu commun qui veut que l’homme
soit un grand enfant. Traditionnellement le monde adulte
se vit en rupture avec l’enfance mais dans les sociétés
modernes où les rituels initiatiques ou de passages ont
laissé place aux trop fameuses crises d’ados, les frontières
ne sont plus clairement établies et permettent alors une
sorte de transgression d’un évolutionnisme qui voudrait
que les vieux soient tristes et enfermés. Lionel Scocciamro
repose certaines frontières et permet à ses grands parents
de poser en petite tenue, jouant, dansant, riant, grimaçant.
Sur ces différents territoires, l’artiste met sous
tension un univers très personnel, dont les mécanismes
sont les mêmes pour chacun d’entre nous, mais dont les
composantes collectées aux détours des expériences sont
propres à chacun. Pour lui, il s’agira des marginalités du
surf, du skate, des belles mécaniques et des carrosseries
flamboyantes, films undergrounds et stars éphémères.
Reste à dire que le terme enfantin est un mauvais
qualificatif, car Lionel Scoccimaro ne parle pas de l’enfance
en tant que telle, mais davantage du sentiment de liberté
qu’elle suppose, sentiment que l’on retrouve justement
dans ce mouvement originalement à contre culture. Il nous
donne à voir un référentiel dont les étoiles brillent au néon
et dont la beauté chromée frôle la mort.


 Vans Number 1 Skate Board Shoes, Lionel Scoccimaro,
sculpture : résine acrystal, peinture, 2008.
 Customized Bench, Lionel Scoccimaro, sculpture : bois et
aluminium, 2008.
 Mini Surf Car, Lionel Scoccimaro, Austin mini 850, planches Ce que nous proposons, un article critique, analytique,
de surf système de sonorisation (sélection 13 disques),
peinture de carrosserie et stickers, pièce unique et évolutive
dans le temps mise en installation à partir de 2004.
 Les octodégénérés, Lionel Scoccimaro, série de
photographies numériques sur dibond, 90 x 120 cm et 60 x
80 cm, 3 tirages par format, 2001.
 Strictly Décorative Object, Lionel Scoccimaro, installation de
asques customisés, chaînes et formes pendulaires, 2009.
 Divers sculptures en sucre, dimensions variables, à partir de 1999.
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Voici l’article :
« Star Crash »
autour de Lionel Scoccimaro
REVu est un format hybride entre revue et objet
d’art ! REVu, un espace de création, de réflexion
critique et analytique.
Né de rencontres, REVu, est un projet éditorial
plastique, artistique et critique composée autour de l’art
contemporain.
REVu se construit autour et avec les rencontres.
Ses entrevues - parcours à entrées multiples où se
croisent le dessin, la peinture, le volume et autres
formes plastiques - sont l’occasion d’échange, de
questionnement, de débat
Ce qui nous intéresse c’est ce que disent les artistes.
une revue hybride où, sur deux faces, dialoguent l’œuvre
et le texte.
Nous ne nous voulons pas sentence - cette veine critique
n’est définitivement pas la notre.
Pour autant, notre engagement vis à vis de l’art et des
artistes est bien réel : notre volonté de nous tenir à l’écart
du milieu marchand de l’art (la revue est disponible en
une centaine d’exemplaires à votre libre disposition et nos
écrits, via notre site), notre ligne directrice d’indépendance,
nos choix esthétiques mais aussi, simplement, notre
existence (associative) face aux différents monstres et
piliers, commerciaux ou non, du monde de l’art actuel.
REVu est un univers diaphane, délicat, qui se pose - un
regard - sur l’œuvre d’un l’artiste.
C’est une édition confidentielle qui demande une
attention de votre part, lecteurs. Cette attention, c’est
votre regard, votre curiosité, vos impressions. Cette
attention, c’est ce qu’a toujours demandé l’art ; c’est la
condition pour l’appréhension d’une œuvre. De cet égard
nait le dialogue qui donne à l’art son sens : sa formidable
capacité d’éveiller en vous, en nous, le trouble, les
émotions, les réflexions, les questionnements, ... quant à
notre contemporanéité.
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