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LA PÊCHE ILLÉGALE :

Pourquoi, comment, que


faire ?

Océans : Espace Mondial Stratégique

Óscar Ferrer
Thomas Botrel

1
2

Introduction
« La haute mer est une zone de non droit par excellence […] J’ai été le témoin de réalités
(piratage, pêche à la baleine, esclavage, guerre de course) que je pensais enfouies dans le passé ». Par
ces mots, Ian Urbina, journaliste d’investigation au New York Times, décrivait les sentiments de
clandestinité et d’impunité qui règnent en haute mer à l’heure actuelle. À travers les lignes de ce livre
choc paru en 2019, et intitulé The Outlaw Ocean, I. Urbina nous dépeint une série d’actions et
d’agissements dont on imagine difficilement l’existence, et dont la pêche illégale fait tristement partie.
Si aujourd’hui la pratique illégale de la pêche peut renvoyer à l’image d’Épinal qu’on s’en fait, c’est-
à-dire, une pratique marginale dont on ne connait pas bien les contours ; la réalité en est pourtant
toute autre.

Ian Urbina face au Greko 2, un bateau de pêche illégale grec en Somalie

Le substantif « pêche » dérivé du latin piscis (poisson) et du latin classique piscari (pêcher)
renvoie à l’action de pêcher c’est-à-dire « se fournir en protéines animales par la capture »1. D’autre
part, pêche, « employé absolument, concerne l’une ou l’autre de ces activités, c’est-à-dire, un travail,
une opération économique, ou une distraction connotée comme paisible ou sportive ». Par ailleurs,
l’adjectif « illégale » (illegalis) qui vient qualifier « pêche », renvoie à la notion de ce qui est contraire à
la loi1. En somme, la pêche illégale revient à décrire l’action de se fournir en protéines animales par la
capture, en transgressant la loi ou les lois, qui régissent la pratique de la pêche. Ensuite, le triptyque
interrogatif « pourquoi, comment, que faire ? » invite respectivement à se pencher sur les causes, les
raisons qui ont contribué au développement de cette pratique, la manière dont elle est pratiquée ainsi
que les moyens mis en œuvre à son déroulé, et, enfin, sur les potentielles modalités d’endiguement à
ce véritable fléau.

Ce qu’il est important de mentionner d’emblée, c’est le caractère protéiforme de la pêche dite
« illégale ». En effet, celle-ci se rencontre dans diverses zones de pêche : tant dans les eaux territoriales
des États que dans les eaux internationales, et ce, sous diverses formes, que ce soit par la méthode de
pêche ou la taille du bateau par exemple. Selon la FAO (Food Alimentation Organization ou
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) qui s’avère compétente en matière
de pêche, on peut distinguer plusieurs sous catégories au sein du même phénomène de « pêche
illégale »2.

1
Alain REY, Dictionnaire Historique de La Langue Française (Paris: Dictionnaires: Le Robert).
2
‘What Is IUU Fishing? | Illegal, Unreported and Unregulated (IUU) Fishing | Food and Agriculture Organization of
the United Nations’ <http://www.fao.org/iuu-fishing/background/what-is-iuu-fishing/en/> [accessed 17 February
2021].
3

Tout d’abord, la pêche dite « illicite » correspond à la violation des lois et règlements qui font
foi dans une pêcherie (pêche d’espèces protégées, non respects des tailles et quantités réglementaires,
pratique interdite et autres). Ensuite, la pêche « non déclarée » consiste en le fait de pêcher sans
autorisation ou déclaration auprès de l’autorité compétente en la matière. Enfin, la pêche « non
réglementée » renvoie communément à une pratique de la pêche par des bateaux dit « fantômes », sans
nationalité ou appartenant à des pays non-membres d’ORGP (Organisations Régionales de Gestion
de la Pêche) ou bateaux sur listes noires.

Si une pratique de pêche est considérée comme illégale, c’est surtout et avant tout pour son
non-respect de la loi ou des lois, comme nous l’expliquions plus en amont. Or, en matière de droit
maritime, et notamment en droit maritime international, il a fallu attendre 1984 et la convention de
« Montego Bay » pour poser les fondations d’un droit positif régissant les activités maritimes3.
Aujourd’hui encore, la mer, et plus particulièrement la haute mer peuvent être toujours qualifiées de
« jungles » tant la réglementation s’avère peu claire, et tant les activités de pêche sont peu contrôlées
et très difficilement contrôlables. En effet, la multiplication et la superposition des juridictions en
matière de pêche ont largement contribué à brouiller les pistes de lecture, favorisant un certain laxisme,
et, in fine, les activités peu regardantes en matière de préservation des ressources. Toutefois, la
gouvernance en matière de pêche, qui s’échelonne au niveau mondial, national, régional et
communautaire, se renforce au fil des ans, devant l’urgence absolue d’exploiter durablement les
ressources halieutiques. Si les organisations internationales, comme la FAO, ont réussi à faire adopter
des mesures de traçabilité des
captures pour lutter contre la
pêche illégale, ce sont très
souvent les États ou les accords
communautaires qui régissent en
matière de pêche dans leurs
Z.E.E. respectives. En Europe,
par exemple, grâce à la PCP
(Politique Commune des Pêches)
et à l’AECP (Agence Européenne
de Contrôle des Pêches), tous les
États membres de l’UE sont tenus
de respecter les règles
communautaires et de les faire
respecter sous peine de Source : Jo Benn, WWF
4
sanctions .

Ainsi, comment la pêche illégale, en tant que phénomène protéiforme, s’impose aujourd’hui
comme un défi majeur à résoudre en vue d’une gestion soutenable des ressources ? En somme, nous
tâcherons, de manière linéaire, de suivre les interrogations données par le sujet en y répondant de
manière concise et claire tout en prenant soin d’illustrer notre propos par des exemples et des faits
concrets. Il s’agira donc de proposer quelques éléments de réponses, non exhaustifs et sans prétention
quelconque, en vue d’éclairer les tenants et les aboutissants de la pêche illégale. Nous verrons, dans un
premier temps, comment la mauvaise gestion globale des ressources favorise les pratiques illégales (I).
Ensuite, nous étudierons comment l’inefficacité de la régulation permet la permanence de ces pratiques
illégale dans nos océans (II). Finalement, nous nous pencherons sur les récentes mesures
encourageantes contre la pêche illégale qui devraient servir de modèle en vue d’une gestion soutenable
(III).

3
‘La gouvernance internationale de la pêche’, Greenpeace France <https://www.greenpeace.fr/gouvernance-
internationale-de-peche/> [accessed 17 February 2021].
4
Anonymous, ‘Agence Européenne de Contrôle Des Pêches (AECP)’, Union Européenne, 2016
<https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/efca_fr> [accessed 17 February 2021].
4

I. La pêche illégale ou le symptôme d’une mauvaise


gestion

Même s’il demeure très difficile de les quantifier, les « pêches illicites, non déclarées et non
réglementées » (INN) représentent une part importante des totaux de capture au niveau mondial : de
l’ordre de 15 à 20%, selon les estimations5. S’il s’avère aussi difficile d’en esquisser toutes les causes, car
elles sont nombreuses, et certaines indéchiffrables, il apparaît toutefois possible de mentionner les plus
importantes.

A. LA TRAGÉDIE DES BIENS COMMUNS ET LES PÊCHEURS «FREE-RIDERS»

Lorsqu’on interroge des pêcheurs sur le terme qui qualifierait le mieux leur profession, ils
répondent, pour une majorité d’entre eux : la liberté. Pendant très longtemps, les hommes ont cru en
le caractère inépuisable des ressources halieutiques, c’est-à-dire en des stocks qui se reconstituent plus
vite qu’ils ne s’épuisent. Les ressources halieutiques, qui représentent la somme de tous les stocks
mondiaux de poissons, crustacés et autres est qualifiée par les économistes comme un bien commun.
En effet, les biens communs sont caractérisés d’une part par leur non-exclusion, c’est-à-dire qu’il
n’existe pas de barrières à l’usage (on ne peut empêcher quelqu’un de pêcher), d’où le sentiment de
liberté, et d’autre part, une rivalité de consommation, c’est-à-dire que lorsqu’un acteur prélève un
poisson celui-ci ne pourra être consommé par quelqu’un d’autre, entraînant une diminution des
stocks6.
Généralement, la diminution des ressources halieutiques due à l’effort de
pêche trop important est donnée comme exemple d’illustration à la « tragédie
des biens communs » (Garret Hardin, 1968)7. Les ressources halieutiques sont
aujourd’hui partagées par une communauté « d’utilisateurs », qui cherche
avant tout à maximiser son profit. Ainsi donc, le prélèvement pour son propre
compte de ressources qui appartiennent à tout le monde rend possible
l’établissement d’une compétition pour l’accès à des stocks de poissons limités,
et donc une surexploitation.
Pour endiguer ce phénomène qui n’est, depuis les années 60/70, plus un
mythe, les organisations internationales et autres organes de coopération, ont
donc commencé à réglementer la pratique de la pêche, tendance qui va
crescendo, avec pour point d’incandescence la politique commune des pêches
Garrett Hardin
de l’UE. Par ce fait, l’extension du domaine réglementaire, par la
multiplication de règles concernant la pêche, contribue mécaniquement à
l’augmentation des pratiques illégales. Des pêcheurs, qui se trouvaient dans la légalité ex ante, par
absence de règles, peuvent ne plus l’être si celles-ci contreviennent à leur pratique, pourtant antérieure.
L’extension du domaine réglementaire en matière de pêche a, de facto, considérablement limité la part
de liberté concernant les types de pratiques, la quantité de poisson pêchée etc. La réglementation,
comme l’illustre l’instauration de quotas, vient mettre des barrières - plus que justifiées - à une course
au tonnage absolument déraisonnable. Ainsi, la régulation du libre accès aux ressources de poissons,
par des mesures contraignantes qui vont dans l’intérêt de tous, induit inéluctablement des
contournements de ces règles. En effet, en s’affranchissant des toute ou partie des règles, les pêcheurs
illégaux adoptent un comportement de « passager clandestin » ou en anglais « free-rider », c’est-à-dire
qu’ils choisissent de maximiser leur intérêt propre et immédiat, (quitte à ne rien respecter) en

5
Assemblée Nationale, ‘Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur une pêche
durable pour l’Union européenne (M. Jean-Pierre Pont et M. Didier Quentin)’, Assemblée nationale
<https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b2175_rapport-information> [accessed 16 February
2021].
6
Jean-Louis Combes, Pascale Combes-Motel, and Sonia Schwartz, ‘Un survol de la théorie des biens communs’,
Revue d’economie du developpement, Vol. 24.3 (2016), 55–83.
7
Hardin, The Tragedy of the Commons, 1968.
5

surutilisant ou dégradant les ressources qu’ils exploitent. Par souci de facilité, d’égoïsme ou
d’opportunisme, les pêcheurs illégaux voient dans l’affranchissement des règles, une manière de profiter
de leur bénéfice (relative protection des ressources, tout en n’y étant pas soumis.

B. LA PECHE : UN SECTEUR SOUS TRES FORTE TENSION

D’après un rapport de la FAO, en 2018, 93% des stocks de poisson dans le monde sont
pleinement exploités ou surexploités. Ce phénomène, a eu une tendance croissante depuis les années
70 où seulement 60% des stocks étaient dans une « situation préoccupante »8. Cette tendance a très
largement été soutenue par un effort de pêche toujours plus important au cours des 50 dernières
années, malgré une légère baisse depuis l’entrée dans le troisième millénaire. Aujourd’hui, on estime
que les captures totales se situent aux alentours de 80 millions de tonnes par an (moyenne basse) avec
un maximum atteint en 1996 pour 86,4 millions de tonnes. L’extrême intensité de pêche qui est
pratiquée encore aujourd’hui, trouve justification dans l’augmentation constante de la demande en
produits de la mer. Entre 1950 et 2016, la consommation mondiale de poissons est passée de 40 à 140
millions de tonnes.
Ainsi, le secteur de la pêche est désormais sous le joug d’un effet ciseaux qui devrait, à terme,
et si rien n’est fait, totalement étrangler le secteur. Cet effet ciseaux est marqué à la fois par une
diminution constante des stocks de poissons, qui sont dans leur grande majorité surexploités, mais aussi
par une augmentation de la demande mondiale en produits de la mer. Par ces deux tendances
contradictoires, la pérennité du secteur est mise en jeu ; la réponse doit évidemment être forte et
globale.
Par ailleurs, cette tension insoluble à laquelle est confrontée le secteur pêche, se voit accentuée
par la pêche INN, qui, par essence, s’affranchit de toutes les règles de protection, de limitation de
captures etc. En adoptant le comportement du « cavalier seul », les pêcheurs illégaux font le pari qu’il
vaut mieux pêcher plus que son voisin tout de suite, quitte à le faire de manière illicite, plutôt que de
pêcher moins, en laissant des poissons pour plus tard, au risque de se les faire « voler » par un autre.
D’après un rapport de la Commission Européenne, entre 11 et 26 millions de tonnes de poissons ont
été capturées de manière illégale dans le monde en 2018, ce qui représente au moins 15% des captures
totales. Le montant de ces pertes est estimé entre 10 000 et 23 500 millions de dollars annuellement
pour l’économie mondiale9.
Ensuite, la pêche illégale peut être motivée par beaucoup d’autres facteurs dont certains sont
difficiles à cerner. Cependant, il semble évident que la pratique illicite soit motivée par l’aspect
financier. En effet, il apparait, dans plusieurs cas de figure, que les pêcheurs illégaux réalisent davantage
de profit que si leur pêche avait été pratiquée dans les règles. En effet, les pêcheurs clandestins n’hésitent
pas à utiliser des techniques interdites car plus destructrices, comme le filet maillant dérivant ou la
pêche électrique, désormais interdite dans les eaux de l’UE. En outre, la mise aux normes (quand il y
en existe) des bateaux, des mailles de filets, des lignes et hameçons et bien d’autres est très couteuse,
décourageant certains de changer de méthode de pêche. Enfin, un élément de taille joue en la faveur
des pêcheurs clandestins : l’immensité des espaces maritimes. Même si dans certaines zones les
surveillances se sont accrues comme en Europe, les mers et les océans demeurent des espaces très
difficiles à contrôler et à surveiller. Ainsi, les pêcheurs clandestins savent malheureusement bien que,
lorsqu’ils entreprennent pareille aventure, leurs chances de réussite sont grandes, car se faire prendre
par des autorités d’un pays, relève trop souvent, du cas exceptionnel.
Beaucoup d’autres raisons doivent exister pour expliquer les causes de la pêche illégale, mais il
semble y avoir autant de réponses que de cas de figures, tant les législations entre les pays sont
différentes et tant les contextes géographiques le sont également.

8
La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020 (FAO, 2020) <https://doi.org/10.4060/ca9229fr>.
9
Assemblée Nationale. ‘Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur une pêche
durable pour l’Union européenne
6

II. Une régulation inefficace qui crée un déséquilibre


entre pays et ouvre la porte aux pratiques illégales

A. UNE DIFFICILE DÉFINITION DE CE QUE C’EST LA PÊCHE ILLÉGALE

Ces dernières années, l’organisation mondiale du commerce a essayé, sans


succès, de négocier l’élimination des subventions qui fomentent la surpêche et la
pêche illégale. D’après l'ambassadeur colombien Santiago Wills, leader des
négociations, il ne faut pas perdre de temps car “ pendant qu’on continue à
négocier, l’effectif de poissons continue à diminuer” 10. Les négociations sont
cependant très difficiles, et Daniel Voces, directeur général d’Europêche a une
explication : “¿ qu’est-ce que c’est la pêche illégale ?”. En fait, il n’y a pas, d’après
le représentant des pêcheries, une définition claire et concise de ce que c’est
réellement la pêche illégale.

De la pêche clandestine d’espèces protégées jusqu’à l’utilisation d’une


technique interdite, la pêche illégale peut adopter différentes formes. Utiliser un
hameçon erroné est une faute relativement faible par rapport à la pêche qui peut
conduire à la disparition de certaines espèces. La pêche non déclarée se distingue
par son impact sur la soutenabilité. En fait, la donnée la plus importante pour
déterminer les limites des captures pour l’année suivante, c’est le nombre de
poissons qui ont été pêchés cette année. Si ce nombre est incorrect (parce que
mal déclaré), alors l’évaluation sur la population de poissons se voit altérée et
avec elle la soutenabilité de la pêche.
Cependant, un des plus grands problèmes des pêcheries mondiales est le vol
transnational, qui a lieu quand les bateaux étrangers pêchent sans autorisation
dans la ZEE d’un autre pays. Il s’agit non seulement d’un vol, mais aussi d’un
problème sérieux de justice environnementale, puisque la plupart du temps, ces
bateaux trouvent leur origine dans des pays riches et vont « voler » les poissons
des pays les plus pauvres qui n’ont pas des ressources suffisantes pour mettre en
œuvre les réglementations nécessaires. La plus grande partie de la pêche illégale
au niveau mondial a lieu devant les côtes de l’Afrique Occidentale et dans le
Pacifique, où les bateaux, principalement asiatiques et européens, mènent leurs
pratiques illicites.
Par ailleurs, il existe de nouveaux
outils et modèles de gestion qui
pourraient changer le futur de la pêche
illégale. Un nouvel instrument avec une
base de données, enregistre le
mouvement des bateaux de pêche en
utilisant un « système d’identification
automatique » (en anglais AIS). Son
objectif est de mettre les gouvernements
sous pression pour qu’ils prennent des
mesures contre leurs bateaux qui vont
pêcher de façon illégale dans d’autres

10
María Fernández, ‘Los peces agonizan mientras los países se enredan en discusiones eternas’, EL PAÍS, 2021
<https://elpais.com/economia/2021-01-02/los-peces-agonizan-mientras-los-paises-se-enredan-en-discusiones-
eternas.html> [accessed 4 February 2021].
7

pays. Cette carte 11 montre chaque bateau qui pêche dans une Z.E.E. qui n’est pas
celle de son pays. Il s’agit donc des bateaux transnationaux (légaux et illégaux) et
on voit clairement quels pays ont une faible capacité de pêche (Afrique
Occidentale et Îles Pacifiques) et comment les bateaux étrangers vont pêcher dans
leurs eaux.

Enfin, la pêche non réglementée est la capture des espèces qui n’ont pas une
gestion spécifique. Ces types d’activités existent parfois à l’intérieur des Z.E.E.,
mais ils se réalisent souvent au-delà des 200 nautiques qui déterminent les eaux
internationales, qui couvrent plus de la moitié de l’océan et sont en dehors des
lois. En haute mer, il n’y a ni légalité ni illégalité, il s’agit tout simplement de
pêcher dans l’océan de personne (ou de tout le monde). Les enjeux géopolitiques
et moraux de ce type de pêche ouvrent la porte à la controverse et au débat entre
scientifiques et acteurs politiques. Certains demandent l’interdiction complète de
la pêche en haute mer et d’autres soutiennent que celle-ci a un rôle très important
dans la sécurité alimentaire et la soutenabilité. Ainsi, la pêche illégale ne se définit
pas en elle-même, c’est un sujet très vaste dont la régulation est difficile, ce qui
créer un désordre structurel.

B. UNE RÉGULATION EN DÉSÉQUILIBRE

Aujourd’hui, l’Europe est en tête dans la lutte contre la pêche illégale. Ni les
États-Unis ni le Japon possèdent des contrôles aussi forts et exhaustifs comme
l’Europe, qui est pionnière dans ce champ. L’origine de cette lutte date du début
des années 2010 avec la création du "Règlement de lutte contre la pêche illégale
non déclaré et non régulée” (INN). Celui-ci est désormais une arme puissante
afin d’éviter que le poisson capturé illégalement, rentre en Europe. Il s’agit de la
législation la plus ambitieuse de son genre, ayant l’objectif de combattre la pêche
illégale.
Cependant, le problème est le même que celui d’une grande partie des lois
européennes : l’UE rencontre des difficultés pour que ce règlement soit
solidement appliqué dans tous les pays. Dans le cas de la pêche illégale,
l’Allemagne est un exemple de mauvaise gestion. Les États membres doivent être
plus systématiques et efficaces au moment de vérifier la documentation des
captures pour s'assurer que le poisson qui est consommé à l’intérieur de l’Union
Européenne, ait été pêché légalement. Il est important de mentionner que 60%
des produits de la mer que nous consommons en Europe provient de pays
extracommunautaires ; ce qui fait de l’UE le principal importateur mondial de
produits de la pêche. Des pays comme la Thaïlande ou le Cambodge (entre autres),
qui sont des grands exportateurs de poisson vers l’Europe, n’ont pas de contrôles
adéquats de ses flottes et captures. Daniel Voces critique le fait qu’en Europe, on
trouve les lois les plus dures en matière de pêche avec des limites de capacité du
bateau et puissance du moteur, tandis que dans d’autres pays il n’existe pas des
standards, ni limites de capacité et même pas un registre de flotte adéquat. Il
donne comme exemple une étude récente coordonnée par l’Université de
Vancouver sur la flotte longue distance de la Chine, la plus puissante du monde,
qui est entre 5 et 8 fois plus grande que ce qui était marqué sur les registres. De
plus, on estime qu’elle capture à elle seule entre 4 et 5 millions de tonnes de
poissons non déclarés, dont “environ 3 millions sur les côtes africaines” 12.

11
‘Pesca Ilegal, No Declarada y No Reglamentada’, Sustainable Fisheries UW <https://sustainablefisheries-
uw.org/seafood-101-es/iuu/> [accessed 13 February 2021].
12
D. Pauly, ‘China’s Distant-Water Fisheries in the 21st Century’, in Fish and Fisheries, 2014, pp. 474–78.
8

Par ailleurs, le
traitement différentiel des
pays pose des problèmes
pour une bonne
régulation. La Chine
s'auto-définit comme un
pays en voie de
développement dans ce
secteur, et réclame à
l’OMC la reconnaissance
d’exceptions pour sa
flotte, comme elle fait Flotte chinoise (aussi nommée “armée de pêche illégale”) avançant vers l’Argentine
avec l’Inde. D’après
Santiago Wills, le traitement différentiel doit générer une balance importante
entre les pays les moins avancés et le reste, mais sans transgresser le principe de
l’accord qui consiste à éliminer les subventions insoutenables. De cette façon,
l’objectif ultime de l’accord entre l’OMC et les pêcheries n’est pas d’éliminer les
subventions, mais de finir avec tout 13outil qui incite à la surpêche.
14

ÉTUDE DE CAS
On dit que les flottes de pêche chinoises sont les corsaires du XXIème
siècle. D’après le rapport sur la pêche INN de la Global Initiative Against
Transnational Organized Crime4, la Chine, qui aujourd’hui consomme les
30% des captures mondiales de poisson, a les plus mauvaises qualifications dans
tous les champs de l’étude. C’est le plus grand exportateur mondial des fruits
de la mer et responsable de 15% de toutes les captures reportées en 2018, plus
du double des deux pays qui sont situés derrière-elle dans le ranking. Tout
cela, évidemment, sans prendre en compte sa flotte dite « fantôme ». En fait, la
pêche illégale est le sixième business criminel le plus lucratif du monde, avec
des revenus qui oscillent entre 15 000 et 36 000 millions de dollars, d’après le
Global Financial Integrity.
Flotte chinoise, aussi appeléeIl faut
« armée remarquer
de la pêche qu’un
illégale » avançant pêcheur pirate, peut
vers l’Argentine

capturer 300 tonnes de merlu par an, qui ont une valeur, dans n’importe quel
port, d’entre 4 et 6 millions de dollars.
La flotte longue distance chinoises compte 17 000 bateaux face aux 300
des États-Unis. D’après Greenpeace il s’agit du responsable majeur de la pêche
illégale et Nature Conservancy estime que la plus grande partie de la pêche
INN est réalisée par des bateaux avec licence légale. Très souvent, ces bateaux
sont utilisés pour trafiquer avec des armes, de la drogue et des personnes.

13
‘IUU Fishing Index’, Global Initiative <https://globalinitiative.net/tool/iuu-fishing-index/> [accessed 14 February
2021].
14
‘IUU Fishing Index’.
9

III. Du fléau très difficile à éradiquer…aux mesures


d’endiguement strictes et efficaces

Comme nous l’avons vu, les caractères multiples de la pêche illégale, ainsi que
sa grande difficulté de contrôle, ont contribué à sa prospérité depuis de nombreuses
années, accentuant la surexploitation des stocks. Cependant, des récentes mesures et
initiatives très encourageantes se sont fait entendre notamment en Europe via la PCP
qui s’engage pour une pêche durable depuis près de 20 ans. Si ces nouvelles politiques
de gestion et de contrôle sont de bonnes nouvelles dans la riposte contre la pêche
illégale, la prise de conscience semble toutefois assez loin d’être partagée par tous
les acteurs sur la scène internationale…

A. LE DISPOSITIF JURIDIQUE DE L’UE : UN ARSENAL UNIQUE ET EFFICACE

Depuis plus d’une dizaine d’années, l’Union Européenne s’est engagée à lutter
efficacement contre la pêche INN, en prenant des mesures fortes qui se sont
appliquées aux États membres. En effet, si les principaux foyers mondiaux de pêche
illégale ne se situent pas en Europe, cela ne signifie pas qu’elle en est épargnée.
Ainsi, une étude britannique parue en 2009 et menée par David Agnew a montré que
les prises non déclarées en Europe, c’est-à-dire pour la zone « Atlantique nord-est »,
atteignaient 1 million de tonnes, équivalant à 10% des captures sur l’année 15. Ensuite,
il faut avoir à l’esprit que l’UE est le plus gros
importateur au monde de produits de la mer
en valeur, et dont le montant s’élève à 43,9
milliards d’euros pour l’année 2015 16. Par ce
constat, l’UE était face à un double problème :
d’une part résoudre la pêche INN dans les
eaux des États membres, pour garantir une
bonne gestion des stocks, et, d’autre part,
assurer la traçabilité de ses produits importés,
en s’assurant qu’ils ne proviennent pas de
Contrôle des pêches
pratiques illicites.

Dans cette logique de lutte contre la pêche illégale, et contre la surpêche, l’UE
a adopté le règlement « INN » en septembre 2008 qui est entré en vigueur le 1er
Janvier 2010 17. Cet accord, signé avec des pays tiers vise à faire adopter une réponse
claire face au phénomène de la pêche INN, en créant notamment une liste noire 18
des bateaux pirates. Ceux-ci ne pourront désormais plus débarquer de poisson dans
les ports, ni se ravitailler en Gazole. Toutefois, l’accord ne s’arrête pas là. Désormais,
« seuls les produits de la pêche validés comme étant légaux par l’État du pavillon
peuvent être importés dans l’UE ». Pour les pêcheurs européens qui pratiqueraient
la pêche illégale, la sanction est encore importante avec des « amendes considérables »
établies au prorata de la valeur des captures.
Enfin, ce règlement « INN », absolument fondamental pour riposter contre ce
type de pêche, est allé encore plus loin, dans le domaine extra-communautaire, en
mettant en place un système de cartons jaune et rouge, distribués aux États qui

15
Agnew David J., Estimating the Worldwide Extent of Illegal Fishing, 4(2) (PLOS ONE, 2009).
16
EUMOFA, ‘Le Marché Européen Du Poisson’, 2016 <http://publications.europa.eu/resource/cellar/71ebb2da-6141-
11e7-8dc1-01aa75ed71a1.0004.01/DOC_1>.
17
‘Pêche Illicite (INN) | Pêche’ <https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/illegal_fishing_fr> [accessed 16 February 2021].
18
CTOI, ‘Liste Des Navires INN de La CTOI’, 2020.
10

n’inscriraient pas leurs pratiques de pêche dans les standards internationaux.


Lorsqu’un carton jaune est distribué à un pays, il s’entame alors une période de
dialogue durant laquelle l’État en question doit prendre des mesures efficaces contre
les pêches jugées illégales. Dans le cas où les résultats ne s’avèreraient pas satisfaisants,
le pays prévenu se voit adressé un carton rouge qui signifie l’interdiction totale
d’exporter des produits de la mer sur le marché européen. Entre 2010 et 2019, ce
sont 28 cartons jaunes qui ont été distribués notamment à des pays d’Afrique ou
d’Asie comme le Ghana, le Togo, les Philippines ou encore la Thaïlande 19. Les pays
faisant preuve d’une inaction patente après avertissement se voient bannis des pays
importateurs. C’est le cas par exemple de la République du Guinée ou du Cambodge.

B. DES ENGAGEMENTS ENCORE TROP TIMIDES MAIS ENCOURAGEANTS

Si l’UE, à travers l’Agence européenne du contrôle des pêches fait figure de


bon élève dans la lutte contre la pêche INN, avec une tendance baissière des
infractions dans les eaux des États membres, et une augmentation constante des
contrôles, il n’en est pas de même pour tous les pays, ou autres organisations
régionales. Même au niveau international, un cruel manque de coopération et
d’organisation se fait ressentir, éloignant les possibilités d’une réponse forte et
globale. Les pays aux besoins colossaux en produits de la mer comme la Chine, la
Russie, l’Indonésie, l’Inde ou encore le Japon, n’ont, pour certains, pas intérêt à
s’engager dans la préservation des ressources car leur demande, tellement élevée, ne
pourrait absorber un choc d’offre négatif. Ces pays, par leur poids indéniable sur la
table des négociations, jouissent souvent d’une certaine impunité quant à leur
politique de pêche, et vont jusqu’à user de pratiques illégales pour arriver à leurs
fins ; c’est le cas de la Chine qui n’a, au demeurant, jamais reçu de carton jaune de
la part de l’UE.
Toutefois il est des incitatives très encourageantes et prometteuses qu’il
convient de saluer. Ainsi, dès 1995, un traité international signé par différents pays
stipule l’obligation de coopérer dans la gestion des « stocks migrateurs et
chevauchants » qui regroupe des grandes espèces migratrices comme le thon rouge.
Ces Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), même si elles sont
encore insuffisantes, permettent néanmoins une gestion à plus grande échelle des
ressources halieutiques. Des actions « coups de poing » sont menées par des ONG
comme la célèbre « Sea Shepherd » qui essaye de faire faire respecter les règles, ou
au moins, de dissuader les pêcheurs pirates, sans les moyens d’autorités compétentes
au contrôle. Enfin, les nouvelles technologies pourraient contribuer à réduire le fléau
que représente la pêche illégale notamment grâce à la surveillance satellitaire du
trafic maritime. Par exemple, Global
Fishing Watch, un site Internet lancé en
Septembre 2016 par un partenariat entre
Google et deux ONG environnementales,
Oceana et Sky Truth, a pour but de
cartographier le trafic maritime en temps
réel, répertoriant les navires étant équipés
d’un AIS (Automatic Identification
System). Ce système pourrait également
permettre une lutte efficace contre la pêche
Bob Barker, bateau de Sea Shepherd illégale.

19
Assemblée Nationale. ‘Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur une pêche
durable pour l’Union européenne
11

Conclusion
En somme, la pêche illégale est un phénomène protéiforme dont les causes
sont diverses et les solutions trop souvent inefficaces. Il semblerait que les ressources
halieutiques souffrent, de par leur statut, d’une certaine « tragédie des biens
communs », poussant à une surexploitation, par la pêche illégale. Ensuite, les
barrières récemment créées par la réglementation, (dans certaines régions de plus en
plus strictes) ont fait entrer certaines pratiques dans l’illégalité. Le fait que le secteur
de la pêche soit actuellement sous très forte tension contribue également à faire
prospérer une pêche clandestine. Cependant, il y a autant de raisons que de cas de
figure pour expliquer la pêche illégale, tant les législations entre pays et contextes
géographiques sont différentes. L’absence de clarté dans la définition de pêche
illégale créé un désordre qui ouvre la porte aux pratiques illicites. Finalement, si la
prise de conscience semble être de plus en plus partagée, les réglementations, qu’elles
soient au niveau national ou international, sont encore insuffisantes. Toutefois, des
initiatives très encourageantes à l’image des nouvelles règles européennes sont à
signaler ; il faut espérer que d’autres s’engagent dans la même dynamique.
Depuis 20 ans que l’Europe s’engage non seulement contre la pêche illégale
mais aussi pour une gestion soutenable des ressources les premiers effets positifs se
font ressentir espérons que cela se poursuivra.

« Évidemment, il serait naïf de penser que la réglementation est désormais


appliquée parfaitement, partout et par tous. Il existe encore des zones de non-droit,
notamment du côté de la Méditerranée. Mais, dans l'ensemble, c'est aujourd’hui un
peu comme pour le code de la route. La plupart des usagers respectent la plupart des
règles en vigueur. Beaucoup trichent un peu, dépassant avec modération les
limitations, les tailles réglementaires et les quotas. Quelques-uns restent des vrais
chauffards de la mer, compromettant la pêche durable de tous. Pour autant, il ne
viendrait plus à l'idée de personne de dire que la réglementation est inutile . » 20
(Didier Gascuel, à propos du respect de la réglementation en Europe)

20
Didier Gascuel, Pour Une Révolution Dans La Mer (Actes Sud, 2019).
12

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