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PY0120X – SP

PY0120X

Psychologie du
développement 2

2012 / 2013
Sommaire

PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT 2
RESPONSABLE UE : NATHALIE OUBRAYRIE-ROUSSEL
Intervenantes : C. SAFONT-MOTTAY, S. ESPARBES-PISTRE ET N. OUBRAYRIE-ROUSSEL

Présentation P.3

Thème 1 : L'approche vie entière en psychologie ou le développement tout au long


de la vie P. 5

Thème 2 : L’adolescence : une période intense de développement P.8

Thème 3 : Les implications psychologiques de la puberté à l’adolescence P.11

Thème 4 : La construction de l’identité à l’adolescence P.16

Thème 5 : Le développement cognitif à l'adolescence P.19

Thème 6 : L'évolution de la pensée morale à l'adolescence P.22

Thème 7 : Le développement socio-affectif à l'adolescence P.25

Thème 9 : Dynamique personnelle et adaptation P.33

Thème 10 : Crises et dynamique des transitions à l'âge adulte P.36

Thème 11 : La vie adulte : le développement des rôles sociaux P.40


L3 de Psychologie

PY0120X

Psychologie du Développement :
De l'adolescence à l'âge adulte

Responsable : N. Oubrayrie-Roussel
Bureau 52, UFR Psychologie
3

Polycopié de Cours – SED


Cours réalisés par C. Safont-Mottay, S. Esparbès-Pistre et N. Oubrayrie-Roussel

Plans détaillés des cours magistraux et références


bibliographiques.
Avertissement :   Ce   document   n’est   qu’une   synthèse   du   cours   magistral,   il   est   fortement  
conseillé de se référer aux principales sources bibliographiques citées pour chacun des
thèmes.

Année 2012-2013
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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

Thème 1 : L'approche vie entière en psychologie ou le développement tout au


long de la vie.
Depuis une quarantaine d'année, l'intérêt pour les processus de changement et de continuité tout au
long de la vie occupe une place croissante en psychologie du développement de part une demande
sociale importante due au vieillissement démographique de nos sociétés et à la disponibilité de
données nombreuses sur les personnes âgées dans le cadre des études longitudinales. Jusqu'à cette
période, cette discipline s'est focalisée sur l'enfance et l'adolescence considérées comme les étapes
décisives du développement, susceptibles de fournir des modèles explicatifs pour comprendre le
comportement adulte. Ce courant de la psychologie du développement qui a pris son essor dans les
années 1970 sous  l’impulsion  de  Paul  Baltes,  est désigné par l'expression Life-Span Developmental
Psychology1 soit "développement tout au long de la vie" ou "développement vie-entière". Dans le
cadre de cet enseignement, nous  resituons  l’étude  de  la  période  de  l’adolescence  et  de  l’âge  adulte  
pour une part dans cette perspective, afin de mieux comprendre et cerner les changements
psychologiques majeurs inhérents à la construction identitaire des individus lors de ces périodes de
développement.

1. Les précurseurs de cette approche du développement.


Bien avant 1970, Charlotte Bühler (1893-1974) et Erik H. Erikson (1902-1994) de part leur
étude de la construction du moi, ont eux-mêmes considéré le développement comme un processus
ininterrompu de la naissance à la mort,
-Le  courant  humaniste  dans  lequel  s’inscrit  (avec Maslow (1908-1970) et Rogers (1909-1987)), C.
Bühler se démarque nettement de la tradition béhavioriste qui dominant la psychologie dans la
première moitié du 20ème siècle et prenait des distances avec la psychanalyse. La personne humaine
5
est envisagée ici comme libre et créatrice. A  travers  l’étude, de centaines de biographies Charlotte
Bühler et ses collaborateurs décrit la vie humaine comme une période d'expansion, suivie d'une
période de restriction et de déclin. Elle détermine cinq phases principales de l'évolution biologique
d'un individu, phases correspondant également à des modes dominants de contrôle et d'orientation
de la vie personnelle et sociale.
Cf. l'approche humaniste du développement in Vandelplas-Holper (1998). Le développement
psychologique à l'âge adulte et pendant la vieillesse, Paris : PUF. / Cf. Tableau les Orientations
principales et développement du Soi d'après Bühler, Ch. (1962). Genetic Aspects of the Self. Annals
of the New York Academy of Sciences. 96,730-764. (in Deleau 1999)
-Erikson (1968) quant   à   lui   perçoit   le   développement   comme   une   longue   quête   de   l’identité   au  
cours de laquelle chaque personne doit accomplir, dans un ordre établi, des tâches qui se présentent
toutes sous forme de dilemmes provoquant une crise. Chaque tâche est axée sur le développement
d’une  facette  particulière  de  l’identité. Il a ainsi proposé un modèle du développement du moi en
huit stades psychosociaux de la  naissance  à  l’âge  avancé, par lesquelles tout sujet doit passer pour
construire une identité durable. Chaque stade est marqué par une crise psychosociale majeure où
des éléments positifs et négatifs sont présents, leur prévalence et l'issue de la crise dépendant de la
régulation qui s'effectue dans l'interaction entre la personne et son entourage. (cf. Tableau des crises
psychosociales au cours de la vie selon Erikson (d'après A. Schleyer-Lindenmann in Deleau 1999,
p. 298).

2. Buts et Concepts de base et de l'approche du développement tout au long de la vie.


Selon une première définition proposée par Baltes et Goulet en 1970, la psychologie du
développement tout au long de la vie est "concernée par la description et l'explication des

1
Le développement "vie entière" d'après Alexandra Schleyer-Lindenmann in Deleau 1999, pp. 295-343.
2
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

changements ontogénétiques liés à l'âge, de la naissance à la mort"(Life Span Developmental


Psychology, Goulet et Baltes, 1970).
Une deuxième définition présentée par Baltes, Reese et Liptsitt en 1980 élargit tant les objectifs que
le domaine d'application de cette approche en insistant sur "la description, l'explication et
l'optimisation des processus développementaux tout au long de la vie, de la conception jusqu'à la
mort". En 1987 enfin, Baltes définit plus explicitement encore la psychologie tout au long de la vie
comme "l'étude de la constance et du changement qui se manifestent dans la conduite humaine au
cours de l'ontogenèse, de la conception à la mort. Elle élabore des principes généraux concernant la
nature du développement, les différences interindividuelles et les similitudes entre les personnes
ainsi que les conditions qui régissent la plasticité intra-individuelle".
L'approche Life Span ne postule pas qu'un état de maturité ou de stabilité soit jamais atteint, qui
mettrait un terme au développement individuel. L'approche Life Span consiste cependant à
dépasser une périodisation qui compartimenterait les tranches d'âges socialement (enfance,
adolescence, âge adultes, vieillesse) définies pour appréhender l'enchaînement continu des
changements qui affectent telle ou telle fonction psychologique au cours de la vie.
2.1 La Discontinuité.
Le développement normal est envisagé comme un déroulement régulier d'un programme de
changement. Appréhendés à l'échelle de la vie entière, les changements psychologiques
n'apparaissent ni synchrones, ni monotones, ni unidirectionnels car ils en sont pas nécessairement
liés à l'âge chronologique ; ils sont marqués par des accélérations ou des ralentissements, parfois
des régressions à une étape antérieure ; ils ne sont pas forcément cumulatifs : ils peuvent se traduire
par la disparition de certaines conduites ou de certaines compétences et enfin, ils donnent lieu à de
fortes variations individuelles ; à chaque âge, des voies de développement s'ouvrent ou se ferment
devant la personne.
2.2 Déclin ou non. 6
Tout processus développemental est constitué à la fois par la croissance et le déclin et entraîne des
gains aussi bien que des pertes. L'approche Life Span conduit à contester la vision d'un déclin
inéducable et généralisé des fonctions psychologiques avec l'âge. Elle s’attache à distinguer les
capacités qui résistent de celles qui ne résistent pas au temps, à expliquer les grandes variations
individuelles, à rechercher les conditions auxquelles des stratégies de compensation ou
d'optimisation sélective peuvent permettre de ralentir ou d'empêcher certaines détériorations du
fonctionnement mental.
Compensation : annulation des effets négatifs du vieillissement grâce aux effets positifs de
l'expérience sur d'autres composantes de cette même productivité (cf. Marquié, 1997).
Optimisation (ou optimalisation) sélective : spécialisation sur un nombre restreint d'activités où
l'on atteint des performances optimales (cf. Fontaine et Pennequin, 1997).
Le développement serait constitué par l'ensemble des changements qui s'opèrent dans les capacités
adaptatrices de l'organisme que ce soit dans un sens positif ou négatif. L'interaction dynamique
entre les gains et les pertes constitue ainsi un processus adaptatif général. Celui-ci est constitué par
les processus de l'optimisation sélective et de la compensation.
2.3 Plasticité.
L'approche Lie Span s'est démarquée d'une conception faisant de l'enfance la période exclusive de
la plasticité et de la capacité de changement. La plasticité : "processus phylogénétique et
ontogénétique par lequel on développe sa capacité de modifier son comportement pour s'adapter
aux demandes d'un contexte particulier" (Lerner, 1984).
Tout au long de leur vie, les personnes font preuve d'une grande variabilité intra-individuelle. Un
certain nombre d'études ont montré que des interventions éducatives systématiquement orientées,
conduites en laboratoire ou sur le terrain, peuvent infléchir le cours du développement. Ces
recherches reprennent également l'idée qu'il existe un écart entre les habiletés exercées et non
exercées. C'est à dire que les performances actuelles d'un individu doivent être distinguées de ses
3
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

potentiels d'acquisition, ou que certaines capacités perdent de leur efficience faute d'exercices (cf.
les travaux sur le développement cognitif, et de Nancy Denney, 1984).
2.4 La Multidimensionnalité.
L'approche vie–entière reprend à son compte la conception multidimensionnelle des fonctions
psychologiques. A l'intérieur d'un domaine que l'on pourrait croire homogène, comme l'intelligence
par exemple, plusieurs dimensions peuvent être distinguées (verbale, logique, numérique,
spatiale…)  qui ne suivent pas la même direction de développement (les mêmes courbes de déclin ou
de gain) à travers les âges. (cf. travaux de J. Horn et de R. Cattell, de W. Schaie (In Deleau 1999).
2. 5 Action en contexte.
La perspective Life Span confère une part importante à l'environnement dans le déroulement du
développement de l'individu. C'est un modèle d'influence mutuelle, d'interaction entre la personne
en développement et son environnement qui n'est donc pas statique mais susceptible de changer
dans le temps, suite également aux actions de l'individu. En intervenant sur son environnement, en
le modifiant, la personne prend alors une part active à son propre développement. La personne est, à
un certain degré "agent de son développement".
3. Le développement est multilinéaire et déterminé de manières multiples (d'après
Vandenplas-Holper, 1998).
Le développement est multilinéaire dans la mesure où il n'y a pas de période privilégiées de
maturité : certaines capacités se développent avec l'âge, d'autres déclinent. Au cours de la vie,
croissance et déclin, gains et pertes s'enchevêtrent dans un processus dynamique.
Le développement est déterminé de manière multiple (multidéterminé) par l'action conjointe et
interactive de trois sortes de facteurs :
- des facteurs liés à l'âge (changements   biologiques,   attentes   normatives   selon   l’âge Cf. tâches
développementales2 selon Havighurst, R.J. (1948). Developmental Tasks and Education. Chicago:
The University of Chicago Press). 7
- des facteurs liés à l'histoire soitent les événements tels que les dépressions économiques, les
guerres, les épidémies, les mouvements sociaux qui affectent des personnes nées à des moments
précis de l'histoire.
- les"événements marquants de la vie" qui varient de personne à personne et affectent le
développement de la personnalité sous la forme de crises ou de conflits. Il s'agit entre autres du
mariage, de l'insertion sur le marché de l'emploi, du départ des enfants du foyer familial, de la mort
d'un être proche, de la mise à la retraite.
Références bibliographiques :
Bee, H. (1997). Psychologie du développement - Les âges de la vie. Bruxelles : De Boeck. Bideaud,
J., Houdé, 0. et Pedinielli, J.L. (1993). L'homme en développement. Paris: P.U.F. Boutinet, J.P.
(1995). Psychologie de la vie adulte. Coll. Que sais-je ? Paris: P.U.F. 2ème éd.
Boutinet, J.P. (1998). L'immaturité de la vie adulte. Paris: P.U.F.
Deleau, M. (1999). Psychologie du développement. Paris: Bréal.
Ricaud-Droisy, H., Oubrayrie-Roussel, N. et Safont Mottay, C. (2009). Psychologie du
développement Enfance et Adolescence. Paris : Dunod.
Vandenplas-Holper, C. (1998). Le développement à l'âge adulte et pendant la vieillesse. Paris :
P.U.F.

2
► Selon Havighurst« une tâche de développement est une tâche qui émerge, à ou vers, une certaine période de
la   vie   de   l’individu ; son accomplissement réussi est source de satisfaction et favorise la réussite de tâches
ultérieures,   tandis   que   son   échec   suscite   l’insatisfaction   de   l’individu,   la   désapprobation de la société et des
difficultés aux tâches ultérieures ».
► Selon Deleau, M. (p.303) « elles peuvent être entendues comme des projets ou objectifs de développement. ce
qui  permet  d’expliquer  le  développement  non  seulement  en  termes  de  résultats  d’événements  passés  mais  aussi  
en  termes  de  buts  ou  d’états  souhaités ».

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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

Thème 2 : L’adolescence : une période intense de développement.


A   l’heure   actuelle,   l’adolescence   est   considérée   comme   un   phénomène   individuel   et   socio-
culturel propre à nos sociétés post-modernes, qui interroge toujours autant le monde des adultes et
avant tout  le  groupe  familial.  C’est un âge de la vie énigmatique car elle est pour beaucoup associée
aux notions de crise, de conflit, de rupture. Il y a ce préjugé tenace voulant que l'adolescence soit
une période tumultueuse, celle de l'âge ingrat, de l'égocentrisme, des maladresses.
Ce passage de l'enfance à l'âge adulte se caractérise par la très grande intensité du développement
qui s'y produit. Compte tenu de la vitesse à laquelle s'opèrent les transformations et de la diversité
de leur aspect, on peut facilement parler d'une véritable "tempête développementale" (Cloutier,
1994). Les transformations psychologiques et physiologiques des adolescent(e)s sont repérables en
l'espace de six ou sept ans au niveau -du développement corporel (transformations morphologiques,
caractéristiques sexuelles secondaires inscrivant une identité féminine ou masculine, apparition de
pulsions sexuelles nouvelles) - du développement cognitif (accroissement des capacités
intellectuelles dû à l'apparition de la pensée formelle = > idée plus cohérente de la société, regard
critique sur le monde des adultes) – du développement socio-émotionnel (prise de distances vis-à-
vis des parents, accès à une intimité personnelle, à l'indépendance affective, redéfinition de son
image, quête   d’une identité personnelle et sociale, prise de rôles adéquat dans le milieu, faire sa
place dans le groupe, se trouver une ou un ami, une carrière, etc). Durant cette période, les sujets
sont   confrontés   à   la   nécessité   d’une   harmonisation entre leur développement physique et
psychologique  et  les  rôles  sociaux  qu’ils  sont  amenés  à  tenir.  Les  transformations  corporelles  ainsi  
que les réaménagements psychiques et interpersonnels entraînent un remaniement profond de
l'identité enfantine et mobilisent une énergie considérable.
Même si l'adolescence est une période tumultueuse, de nombreuses études récentes 3 ont montré que
la très grande majorité des jeunes (85%) vivent ces années, qui séparent le monde de l'enfance du 8
monde adulte, sans grands problèmes (Coslin, 2002).   Ce   qui   n’enlève   rien   à   l’intérêt   de   cette  
période  et  encore  moins  à  l’utilité  d'en  étudier  les  difficultés.   Il y a une minorité d'adolescents qui
accumulent les problèmes, (10 % rencontres de problèmes qu’ils   finissent   par   surmonter (4 à 6%
sont en dangers) : consommation d'alcool, de drogue, rapports sexuels non protégés, décrochage
scolaire,  délinquance,  violence,  conduite  suicidaire….  La  spécification de plus en plus grande des
passages à l'acte (en particulier les formes extrêmes de violence) de nos jours, risque à l'extrême de
nous amener à penser que l'adolescence serait pathologique en soi.

I. L'origine du terme "adolescence"


Le terme Adolescence vient de adolescens (participe présent du verbe latin adolescere : croître) : il
signifie donc "être qui grandit, qui est en croissance" (processus en cours d'accomplissement,
sujet en train de grandir) contrairement au terme "adulte" (qui est un dérivé du même verbe
adolescere, mais au participe passé substantivé : adultus) qui signifie "être qui a grandi, dont la
croissance est achevée".
Aujourd'hui, il n'est pas possible de considérer les changements psychologiques à l'adolescence
comme conséquence des seules transformations physiologiques liées à la croissance ou à l'éveil
pubertaire. Ces transformations, certes capitales, vont prendre des significations différentes selon la
culture dans laquelle le sujet est intégré, et à laquelle il participe.
« Etre adulte »,   ce   n’est   pas   tant réaliser un "état" atteindre un certain "équilibre" social,
intellectuel, affectif et sexuel que se référer à une projection idéale, une norme à partir de laquelle
nous jugeons le développement individuel, pour le déclarer normal, précoce ou tardif. Mais on ne
saurait considérer sans danger l'équilibre comme un état où l'on pourrait s'installer définitivement.
L'équilibre implique une dynamique interne d'autorégulation et un processus constant d'ajustement

3
Cloutier R. (2005). Psychologie  de  l’adolescence. 3me édition, Gaëtan Morin Editeur.
5
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

au milieu et de dépassement de conflits d'adaptation. Etre adulte nécessite de fait, un processus


continu d'adaptation, de défense, d'invention et de maîtrise de soi.

II. Transformation du cycle de l'adolescence au cours de l'histoire


Historiquement,   l’évolution   de   cette   période   et   de   sa définition en tant que telle repose sur deux
considérations :
- L'adolescence comme fait social.
Malgré une première référence au terme adolescent sous l'empire romain, l'adolescence est un
phénomène récent, une création de la fin du 18ème siècle   (Ariès,   1974).   Jusqu’alors le mode de
passage entre la période de l'enfance et celle de l'âge adulte se faisait plus tôt : l'adolescence
rapidement franchie était ainsi confondue avec les mutations physiques de la puberté.
L'adolescence, telle que nous la connaissons est véritablement née au XIXe siècle, lors de la
révolution industrielle, lorsque le contrôle de la famille sur les adolescents se prolongera pour
s'étendre progressivement jusqu'au mariage. Ce nouvel âge de la vie est une conséquence historique
de la modification des conditions de vie qui sont apparues depuis ce moment-là, auxquelles se sont
ajoutées durant tout le XXième siècle des conceptions nouvelles en matière d'éducation et de
formation de l'enfant en relation avec son milieu. L'adolescence est ainsi ce passage prolongé de
l'état d'enfant à celui d'adulte marqué par d'importantes transformations bio-psycho-sociales qui
rapprochent l'enfant de l'homme ou de la femme alors que les contraintes et conventions sociales le
maintiennent dans son statut antérieur. Les adolescents sont devenus une réalité sociale de part leur
nombre et la place qu'ils occupent dans la société contemporaine d'aujourd'hui.
- L'adolescence comme fait psychique.
La transformation sur le plan social s'est accompagnée d'un développement individuel de plus en
plus complexe. C'est au cours de cette période de l'adolescence que s'opère tout un travail
d'intégration des transformations de la puberté qui contribue à l'essor de la vie psychique – 9
autrement dit- le développement des capacités intellectuelles et le développement pubertaire vont
permettre l'éveil d'une vie intérieure, l'enclenchement d'une véritable maturation psychologique.

III. Définition actuelle de la notion d'adolescence


L'adolescence est définie comme une   phase   de   transition   entre   l’enfance   et   l’âge   adulte.
Caractéristique des sociétés dites développées, cette phase transitionnelle, ce passage prolongé de
l'activité et du statut d'enfant à l'activité et au statut d'adulte, est présentée par de nombreux auteurs
comme un phénomène socioculturel récent (Tap, 1998). Elle est cette phase de l'évolution
humaine au cours de laquelle l'individu est censé acquiert les compétences nécessaires pour s'insérer
de plein droit dans le monde des adultes. Une période donc de changements qui bouleversent
l'équilibre du sujet et engendrent de nouveaux modes d'être au monde (Coslin, 2002). Plus qu'un
âge déterminé, c'est un discours, une manière de s'exprimer et d'être parlé, par le corps et par les
mots. Il est difficile de considérer l'adolescence comme un stade au sens classique du terme. Dans la
mesure où l'adolescence n'existe pas, ni en tant que catégorie, ni en tant que classe d'âge bien
définie, on pourrait dire que l'adolescence est un artifice (Huerre, P.,et al., 1990). L'adolescent n'a
pas de statut dans nos sociétés civilisées, qui lui permette d'avoir un rôle spécifique, marquant
nettement le passage à la vie adulte ou son extraction du monde enfantin comme c'est le cas dans les
sociétés primitives (cf. rites d'initiation des primitifs tels qu'ils ont été présentés par Margaret
Mead). Il existe bien des difficultés à définir plus précisément cette période. Les critères actuels
de définitions varient selon les auteurs, selon les différentes approches possibles du phénomène
d’autant   qu’il   est beaucoup plus difficile de délimiter les bornes ou les limites inférieures et
supérieures de cette phase de transition.

6
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

IV. Début  et  Fin  de  l’adolescence.


Pendant longtemps, l'adolescence est considérée comme une phase critique, au cours de laquelle
l'équilibre affectif acquis précédemment est brusquement bouleversé par l'arrivée de la puberté4.
L'avènement de la puberté est ainsi le critère physiologique assez facilement repérable et
classiquement retenu pour considérer   le   début   de   l’adolescence. Or, nous pouvons remarqué que
bien des comportements, des revendications typiques de l'adolescence sont présents de nos jours
chez enfants qui avant même d'être pubères revendiquent des droits et des libertés jadis réservées
aux adolescents (Huerre et al., 1990) (cf. aussi attitudes comportementales : choix des vêtements,
heures des sorties et sexualité (avant même la puberté….).
Nous assistons à un avancement de l'âge de la maturité physiologique et à une "adultisation" plus
précoce sur le plan intellectuel et sexuel. En conséquence, la durée de la période de l'adolescence
augmente. Quant   au   critère   de   fin   ou   de   sortie   de   l’adolescence,   c’est   l’accès   à   l’état   et   au   statut  
d’adulte qui est habituellement retenu, de par les rôles qu'il est amené à assumer dans la société.
Actuellement, ces rôles ne sont pas assumés en même temps. Certains rôles sont prescrits ou fixés à
un âge donné (le droit de vote à 18 ans). D'autres rôles sont moins prescrits (rôles professionnels et
les rôles familiaux), leur date d'apparition variant beaucoup, le rôle pouvant à la limite ne jamais
être pris en charge. Dans le contexte de la société postindustrielle, la sortie de l'adolescence peut se
produire même si l'individu n'a pas encore acquis une pleine indépendance économique et n'a pas
encore quitté le domicile de parents. L'adolescence s'achèverait-elle automatiquement au moment
de l'accès à l'indépendance économique, de l'entrée dans le monde du travail ? Ce critère
sociologique est assez peu évident à repérer et il est loin de faire l'unanimité
Notons que les événements, les caractéristiques évoqués pour tenter de dire que l'on n'est plus un
adolescent mais un adulte à part entière renvoient ici à des critères sociaux (insertion dans la vie
active, exercice de rôles particuliers) qui peuvent varier selon les époques et les sociétés (plus de
service militaire pour les garçons, maternité retardée, autonomie financière retardée, allongement du 10
temps de scolarisation, difficultés d'insertion professionnelle).
Quoi qu'il en soit, le caractère hétérogène de ces deux critères évoqués pour délimiter l'adolescence
ne doit pas manquer de nous interroger. Cette période de l'adolescence  n'a  rien  de  "naturel"  d’autant  
plus   qu’un   certains   nombre d'expressions définissant l'adolescence comme période de "crise, de
"révolte, ou de "conflit de génération", contribuent à entretenir l'illusion d'un "phénomène unique et
universel".

III- Fin   d’adolescence   ou   jeunesse   proprement   dite   au XXI Siècle : les jeunes adultes
émergents.
Une   nouvelle   période   de   transition   entre   l’adolescence   et   l’âge   adulte,   s’instaure de nos jours
répondant par la même aux contraintes et exigences socio-économiques des sociétés post-modernes.
Ainsi, les   rites   de   passage   qui   scandaient   l’accès   irréversible   d’une   classe   d’âge   à   l’autre   sont   en  
perte de sens, le prolongement des études,  l'accès  à  l’emploi  repoussé,  le mode de fonctionnement
et la structuration de la famille, les perspectives temporelles nouvelles (espérance de vie,
coexistence de plusieurs générations), les exigences de la société sans cesse plus élevées, pour vivre
dans un monde de plus en plus complexe, amènent les jeunes à prolonger leur apprentissage de la
vie, le questionnement sur soi, leur scolarité et dans un sens plus large leur socialisation.
Il se produit un étirement  de  la  durée  entre  l’adolescence  et  l’âge adulte. A l'évolution normale de
l'adolescence (crise psycho-biologique et sociale liée à la croissance et à l'affirmation de soi) vient
s’ajouter  une nouvelle phase de transition de 18 à 25/30 ans : les jeunes adultes émergents (Arnett,
2000). Au lieu d'être le moment crucial du passage de la dépendance vers l'indépendance, de
l'irresponsabilité à l'engagement social, des choix familiaux, professionnels, politiques, culturels ou

4
Puberté = la mise en place progressive (maturation) des caractères sexuels primaires (glandes génitales et organes génitaux
externes et internes) et secondaires (pilosité, forme corporelle, mue de la voix) sous l'influence de multiples hormones.

7
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

métaphysiques, il se produit un prolongement de l’adolescence   où   l'ambivalence fondée sur


l'anxiété et l'agressivité, se mêle à la nécessaire affirmation et indépendance de soi. Cette période
de la jeunesse est envisagée désormais comme une étape spécifique de la vie ou phase de transition
psychosociale, c’est   «une   période   moratoire   au   cours   de   laquelle   s’ajustent   par   approximations  
successives, ambitions sociales et positions professionnelles » (Galland, 1993).
Références bibliographiques
Arnett, J. J. (2000). Emerging adulthood: A theory of development from the late teens through the
twenties. American Psychologist, 55 (5), 469-480. doi: 10.1037/0003-066X.55.5.469
Bariaud, F. & Rodriguez-Tomé, H. (1994). La conscience de grandir, in M. Bolognini, B.
Plancherel, R. Nùnez et W. Bettschart (Eds.) Préadolescence, théorie, recherche et clinique, ESF
éditeur.
Bariaud, F. & Lehalle, M. (2007). Evolution affective, sociale et cognitive à la période de
l’adolescence. Chap.4, In Ouvrage coordonné par Lautrey, J. Psychologie du développement et de
l’éducation (ss la dir de.) Ionescu, S. & Blanchet, A. (Eds.). Nouveau cours de Psychologie. Master.
pp.117-148, Paris : PUF.
Bedin, V. (2009). Qu’est-ce  que  l’adolescence. Paris : Petite bibliothèque des Sciences Humaines.
Cloutier, R. (2005). Psychologie  de  l’adolescence. 3ème édition, Gaêtan Morin Editeur.
Coslin, P.G. (2002). Psychologie de l'adolescent. Paris: A. Colin.
Fize, M. (2006).  L’adolescent  est  une  personne. Paris : Seuil.
Galland, O. (1993). La jeunesse en France, un nouvel âge de la vie, in A. Cavalli, et O. Galland
(Eds), L’allongement de la jeunesse. Arles : Actes Sud, 19-39.
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PUF, Coll. Le Lien Social.

Thème 3 :  Les  implications  psychologiques  de  la  puberté  à  l’adolescence.


La puberté en tant qu'événement biologique marque définitivement la clôture de l'enfance et vient
bouleverser  l’équilibre  socio-affectif  de  l’adolescent(e).  Ce  réveil  d'un mécanisme hormonal va être
le   point   de   départ   d'une   cascade   d’événements   qui   sur   trois   ou   quatre   ans,   produira   un   corps  
sexuellement mature et transformé en taille et en volume. Ces changements physiologiques 5 ne sont
pas sans conséquences sur le plan du développement individuel. Les principales transformations
psychologiques suscitées par la maturation pubertaire vont contribuer à une nouvelle représentation
de soi à la fois sur le plan individuel et sur le plan social. Toutefois, "l’intensité  et  le  volume des
effets psychiques (de la puberté) varient beaucoup avec le mode d'existence d'une époque ou des
différentes classes sociales" (Wallon, 1956, 37).

I. Croissance et puberté.
Lors  du  passage  de  l’enfance  à  l’âge  adulte  trois  faits  importants   vont   marquer le développement
physiologique :   l’accélération   de   la   vitesse   de   croissance,   l’importance   et   la   rapidité   des  
changements qui concernent la personne dans son ensemble, la grande variabilité intra et

5
Notes : Pour   un   approfondissement   des   transformations   physiques   et   physiologiques   à   l’adolescence, se reporter à
l’ouvrage  de  Cloutier  R.  (1996).  Psychologie  de  l’adolescence.  Montréal : Gaëtan Morin . Cf Chapitre 2, La croissance
physique  à  l’adolescence et Chapitre 6, L’adolescence  et  la  sexualité.

8
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interindiviudelle. Croissance et puberté sont étroitement liées (Boukris et Donval, 1990 ; Toublanc,
1994). Elles sont commandées, l'une et l'autre, par l'action des glandes hormonales. Pour
caractériser la puberté, quelques indicateurs classiques peuvent être examinés : la poussée staturo-
pondérale et la croissance des organes ; la maturité du système génital (spermatogénèse, ovulation) ;
le développement des caractères sexuels secondaires (mue de la voix, développement des seins et
du bassin chez la fille, développement de la pilosité) (cf. rapport INSERM). Des variations
chronologiques  existent,  certaines  sont  individuelles,  d’autres  sont  collectives.  
Au niveau individuel, les limites extrêmes sont 8/14 ans chez la fille et 10/16 ans chez le garçon. On
parlera  alors  d’avance  ou  de  retard  du  processus  de  maturation sexuelle, sans pour autant considérer
qu’il   y   a   pathologie.   De   nombreux   facteurs   internes   ou   externes   semblent   intervenir   dans   son  
apparition : la constitution et l'hérédité, les facteurs ethniques ou raciaux, les facteurs
environnementaux, les facteurs d'hygiène et d'alimentation, les conditions de vie socio-économiques
-différentes.
Au niveau collectif, ces variations sont liées au développement des civilisations. On constate ainsi
une avance séculaire de la date de puberté, qui varie en sens inverse du prolongement de
l’adolescence  sociale  (Coslin,  2002).  Pour  les  filles  par  exemple,  l’âge  d’apparition  de  la  ménarche  
est  12,5  ans  en  moyenne  dans  les  pays  occidentaux  et  stable  depuis  20  ans,  alors  qu’il  était  de  17  
ans en France en 1850 (Eeckeleers, 2007). Des différences existent également entre les Pays de la
Communauté  européennes  avec  des  variations  d’un  an.
Des transformations morphologiques et physiologiques accompagnent ce processus de maturation
sexuelle. Le décalage devient de plus en plus  important  entre  l’âge  où  l’on  tend  à  être  sexuellement  
adulte  et  celui  où  l’on  est  économiquement  indépendant.  

II.  Les  répercussions  psychologiques  du  rythme  de  la  maturation  à  l’adolescence.
Les phénomènes de croissance et de maturation ont un profond retentissement sur la 12
personnalisation, et en particulier sur la formation du caractère et l'évolution de l'affectivité. Du
point de vue psychologique, le corps est le premier point de repère de notre existence, notre premier
univers connu (Cloutier, 1996). Les premières représentations et activités mentales se construisent à
partir   de   l’exploration   du   corps   et   des   effets   de   son   activité   dans   l’environnement   (Piaget,   1963).  
Survenant   après   la   période   d’accalmie   relative   que   constitue   la   deuxième   moitié   de   l’enfance,   les  
changements   physiques   de   l’adolescence   font   remettre   en   question   la   référence   de   base   qu’est   le  
corps. La personne doit redécouvrir son corps qui devient un symbole du moi, et l'intérêt qui lui est
accordé contribue au mouvement d'affirmation de la personnalité. Or, ce qui se produit à
l’adolescence   vient   transformer   ce   référent   premier,   non   pas   à   la   discrétion   de   la   personne,   mais  
selon  une  programmation  indépendante  de  sa  volonté.  Il  faut  donc  s’y  adapter.  Par  là  même,  il  nous  
faut considérer   l’influence   conséquente   de   la   puberté   sur   la   représentation   de   soi   et   sur  
l’établissement  de  relations  sociales  à  l’adolescence.

2.1  L’accès  à  la  sexualité  adolescente.


C'est le retentissement le plus direct du phénomène pubertaire sur le comportement des adolescents.
L’accession   à   la   maturité sexuelle reste   pour   l’individu   un   des   moments   privilégiés   de   son  
existence  étant  donné  qu’elle  marque  une  étape  cruciale  dans  la  conquête  de  son  autonomie,  un  rite  
de passage dans la réalisation de son indépendance émotionnelle. La prise de conscience de la
sexualité comporte deux aspects : elle est vécue comme un phénomène physiologique, des
transformations physiques signalant le sexe et rendant possible de nouvelles activités ; mais elle est
aussi psychologique (identité sexuelle), sociale et culturelle (environnement culturel et religieux,
différences  garçons  et  filles).    La  poussée  de  croissance,  comme  l’atteinte  de  la  maturité  sexuelle,  ne  
se produit pas en même temps chez tous les individus. La maturité sexuelle   précoce   n’a   pas   la  
même incidence psychologique que la maturité tardive, et le rythme de maturation constitue un
élément   important   de   l’expérience   personnelle   à   l’adolescence.   Généralement les études
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s’intéressent  à la puberté précoce chez la fille, et la puberté tardive chez le garçon. « Sous l'angle
psychosocial, c'est surtout la puberté précoce ou avancée qui a été étudiée étant donné son
association avec diverses perturbations. En dépit de la prévalence moindre de ces problèmes dans
l'autre sexe, les répercussions psychosociales des pubertés précoces chez le garçon et tardives chez
la fille n'en sont pas moins réelles pour autant » (Glowacz et al. 2008, 1332).
Chez les garçons : Se  fiant  à  l’apparence  les  adultes,  y  compris  les  parents  attribuent  l’adolescent
précoce une  plus   grande  capacité  d’autonomie  qu’ils  ne  le  font   avec  un   jeune  du  même   âge  dont  
l’état   pubertaire   est   moins   avancé   (Charbonneau,   1994).   Généralement,   les   garçons   précoces   sont  
plus valorisés socialement que leurs pairs plus tardifs.
Chez les filles : Les  avantages  de  la  précocité  n’apparaissent  pas  aussi  nettement  chez  les  filles  que  
chez les garçons, au contraire la maturité sexuelle tardive avantagerait les filles. Les filles
paraissant plus jeunes seraient jugées plus favorablement par les adultes ou les pairs au chapitre de
la sociabilité du leadership ; les parents des filles précoces seraient plus craintifs en ce qui a trait
aux relations hétérosexuelles impliquant une surveillance excessive de la part des parents très
préoccupés par ce type de liaison (Jones, 1946 ; Steinberg, 1989 in Cloutier, 1996). La fille
«précoce» aurait moins de temps que la fille «tardive» pour se préparer aux changements
pubertaires.   L’image   qu’elle   a   d’elle-même serait moins positive notamment à cause d’une  
augmentation   de   poids   pubertaire   qui   l’empêcherait   de   correspondre   exactement   à   l’idéal   de  
minceur  proposé  aux  femmes.  Très  souvent  ces  difficultés  augmentent  les  risques  d’échecs  scolaires  
(Cloutier, 1994, 1996).

2.2 Le choix du sexe et la mise en place  de  l’identité  sexuelle.


L'adolescent est confronté à l'exigence d'assumer un corps sexué devenu adulte, à devoir affirmer
son identité sexuelle et sa pratique qui vont être ou non en conformité avec la réalité anatomique et
le vécu psychologique C’est à  la  suite  d’un  lent  processus  de  développement  et  de  différenciation   13
psychologique   que   l’on   devient   fille ou garçon (cf. Le Maner -Idrissi (1997) : distinction
terminologique entre identité sexuée, identité de genre, identité sexuelle).
Le choix du sexe à  l’adolescence  repose  pour  une  part  sur  des  composantes  bisexuées  ne serait-ce
parce qu'il a un parent homme et un parent femme et donc des modèles d'identifications qui
appartiennent aux deux sexes, et d'autre part, sur un plan biologique, il y a également des hormones
appartenant aux deux sexes dans chaque individu. Ce choix peut être également associé au
sentiment de manque, de déperdition, de perte des aspects appartenant à l'autre sexe. Ce qui fait
question pour le sujet à ce moment là, c'est l'identification aux idéaux de son sexe, à savoir ce qu'il
en est de sa position d'homme ou de femme.
De fait, on observe ordinairement au cours de cette période des oscillations et des tâtonnements
entre l'homosexualité et l'hétérosexualité qui finira le plus souvent   par  prendre  le  dessus.   L’âge  
des répondants, leur sexe, leur culture et la façon de recueillir les données sont autant de facteurs
susceptibles  de  faire  varier  les  taux  d’homosexualité (Choquet, Ledoux et Menke 1984 ; Cloutier et
al., 1994). Enfin,  l’orientation  sexuelle  ne  donne  pas  matière  à  une  démarcation  tranchée.

2.3 L’influence   des   manifestations   pubertaires   sur   la   représentation   de   soi   et   les   relations  
sociales.
Ces transformations pubertaires (accélération de croissance, maturité sexuelle, fatigabilité,
fragilité..) se  manifestent  à  travers  l’image  du  corps,  l’image  de  soi et  l’expérience  subjective  de  ces  
transformations (Coslin, 2002).
- le remaniement de l'image corporelle (= représentation et l'interprétation que chacun se fait de
son propre   corps).   L’adolescent   a   de   son   corps   une   image,   représentation   à   la   fois   syncrétique   et  
analytique.   Il   doit  s’identifier ;;   s’approprier  son  corps  tant  au  plan  proprioceptif  que  représentatif.  
L’accès   à   la   génitalité   lui   permet   d’avoir   une   vision   totale   de   son   corps.   L’image   de   soi   est   une  
image  du  corps  chargée  d’affects.  Elle  est  en  relation  avec  l’estime  de  soi,  appréciation  positive  ou  
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négative   que   le   sujet   a   à   l’égard   de   lui-même.   Elle   se   construit   à   travers   l’expérience   vécue et à
partir   de   l’image renvoyée par autrui. Cette image peut être approchée à travers le sentiment
d’attrait  que  le  sujet  a  de  lui-même, sa condition physique, son efficience et son identité sexuelle
(Coslin, 2002). Généralement les adolescents ont une image plutôt favorable de leur corps.
Cependant, les filles se déclarent moins efficientes et sont moins satisfaites de leurs apparence que
les garçons.
- l'attention au corps propre est corrélative   à   l’apparition   des irrégularités, des discordances de
croissance dès que l'équilibre morphologique est rompu. A  cela  s’ajoute  un niveau élevé d'anxiété et
d'insatisfaction à propos de l'apparence physique. Le développement de la morphologie n'étant pas
linéaire, les disproportions temporaires peuvent être perçues comme définitives. De nombreux
adolescents éprouvent une certaine inquiétude liée à un sentiment de dysharmonie, d'anormalité
corporelle non justifié. On parle alors de dysmorphophobie. Les perturbations subies par l'image
corporelle semblent atteindre des sommets aux alentours de 14 ans pour se restaurer
progressivement vers 18 ans (Simmons et Rosenberg, 1975). En 1981-82, Bruchon-Schweitzer
montrait toutefois que les adolescents éprouvaient des sentiments plus favorables que défavorables
vis-à-vis de leur corps. Toutefois, des remarques maladroites de l'entourage peuvent précipiter cette
attention corporelle.
Cet intérêt au corps propre (de  l’apparence  du  visage,  manifestation  de  coquetterie)  amène,  filles et
garçons à éprouver de l'anxiété à propos de leurs caractéristiques corporelles. Pour les garçons : une
taille trop petite peut être source de troubles, handicap dans les sports, dédain de l'autre sexe, qui au
même âge présente de surcroît une avance de croissance. Les filles, elles, s'inquiètent plutôt
lorsqu'elles sont trop grosses. Selon le niveau de développement pubertaire, les adolescent(e)s
éprouvent   un   sentiment   de   valorisation   de   soi   (plus   d’attrait perçus par garçons précoces) ou de
dépréciation de soi (filles précoces voient   leur   silhouette   se   modifier   sous   l’effet de la croissance
staturo-pondérale et   considèrent   qu’elles s’éloignent   des   standards   de beauté et de minceur 14
véhiculés par les médias).  La  sexualisation  change  leur  propre  regard  et  le  regard  d’autrui.  Ce  qui  
peut susciter des conflits et des inquiétudes au sein de la famille.
- L'intérêt à soi se double de l'intérêt à l'idéal du corps masculin ou féminin avec une recherche
anxieuse d'identification du moi réel à ce moi idéal symbolisé par le corps. D'après Coleman (1980,
citant une recherche de Lerner et Karabenik 1974), l'influence des médias fait que les adolescents
ont tendance à avoir et à se sentir mal dans leur corps si celui-ci ne correspond pas aux normes,
idéales concernant l'aspect physique ("le look) les amenant à se déprécier dans d'autres domaines
notamment les jeunes adolescents. D'après Lehalle (1985) ces inquiétudes concernant l'apparence
physique sont souvent de l'ordre du fantasme; "elles correspondent de façon plus profonde aux
difficultés de la restructuration du soi à l'adolescence" (p. 52).
- Les  répercussions  sur  l’image  sociale.
La   construction   de   l’identité   s’effectue   en   relation   avec   autrui.   Les pairs sont ainsi des points de
référence   pour   l’évaluation   de   soi.   Le   corps   est   vécu   comme   un   intermédiaire   dans   la   relation   à  
autrui, d’où  cette  centration  omniprésente  sur  lui.  Le  jeune  attend  des  changements,  les  surveille  et  
les évalue en se comparant à ses pairs. La nature des changements physiques influe sur le vécu de
l’adolescent.  Ainsi  la  beauté  physique  joue  un  rôle  de  premier  plan dans le processus de valorisation
sociale  et  d’élaboration  de  l’image  personnelle  des  adolescents.  Construite  principalement  d’après  
le  corps  de  la  personne,  l’image  sociale  semble  soumise  à  des  constantes  esthétiques  faisant  en  sorte  
que certains types physiques   seraient   d’emblée   considérés   comme   plus   attirant   que   d’autres.   Les  
jeunes   favorisés   physiquement   sont   perçus   par   les   adultes   et   leurs   pairs   comme   s’ils   étaient   plus  
aimables et plus doués que les moins beaux (Patzer, 1985). Mais l’adolescence a ceci de particulier :
elle  permet  la  découverte,  chez  soi  et  chez  l’autre,  de  l’interdépendance  de  l’apparence  physique,  de  
la popularité et de la condition sociale dans les relations interpersonnelles.
De   plus,   l’autonomie   accrue   de   l’adolescent   dans   le   choix de ses vêtements, de sa coiffure, etc.,
l’engage  plus  à  fond  dans  ce  jeu  social  de  l’élaboration  de  l’image  personnelle.  La  manifestation  des  
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pulsions   sexuelles   conjuguées   à   la   découverte   sociale   de   l’autre   sexe   demeure   selon   toute  
probabilité les déclencheurs  les  plus  puissants  de  cette  prise  de  conscience  de  l’effet  interpersonnel  
du  corps.  Ce  phénomène  psychologique  est  aussi  renforcé  par  une  sensibilité  plus  grande  à  l’égard  
des  réactions  des  autres.  La  difficulté  de  prévoir  les  effets  qu’exerceront les transformations de son
corps  sur  son  entourage,  la  recherche  d’une  identité,  le  manque  d’expérience  sociale  et  de  confiance  
en  soi  sont  autant  d’éléments  qui  concourent  à  entretenir  la  contrition  sur  soi.
- Les répercussions de la maturation sexuelle  de  l’adolescent(e)  sur  les  relations  familiales.
Le problème du choix du sexe se double de problèmes posés par la nécessité de s'autonomiser par
rapport à la famille et aux parents. Au moment de l'adolescence, la sexualité qui certes existe depuis
l'enfance, peut s'agir au niveau physique, et c'est ce qui exige l'autonomisation. D’où   la nécessité
absolue de renégocier l'espace familial et de reprendre les distances du fait que cette sexualisation
du corps provoque une sexualisation de l'ensemble des relations familiales avec un vécu incestueux
obligeant l'adolescent à entreprendre une mise à distance nouvelle des parents. Tout ceci sera bien
sûr plus ou moins durable et important, mais affecte tout adolescent et prendra chez ceux qui ont le
plus de difficultés à assurer leur autonomie (dépendance excessive à l'égard des parents) une acuité
toute particulière.
Ainsi, le corps seul n'est pas le moteur suffisant du développement mais il lui est nécessaire. La
restructuration de   soi   à   l’adolescence   s’opère   aussi à travers les relations interpersonnelles, la vie
sociale. Il est donc nécessaire pour comprendre l'adolescence d'étudier l'influence des normes
sociales, l'influence des relations interpersonnelles sur l'individu et de situer inversement comment
l'individu accepte ou refuse ces influences.

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Thème 4 :  La  construction  de  l’identité  à  l’adolescence.


Nous  avons  vu  que  la  puberté  n’est  pas  sans  répercussions  sur  l’élaboration  de  l’image  corporelle  et  
de   l’image   sociale   de   l’adolescent(e).   Par   là   même,   c’est   toute   la   question   de   la   construction   de  
l’identité  à  la  fois  personnelle  et  sociale  qui  se  trouve  ainsi  posée.  L’adolescence  est  avant  tout  une  
période   active   de   construction   identitaire   par   interaction   dialectique   entre   l’identité   personnelle   et  
l’identité  sociale.

1.  L’identité  personnelle  et  l’identité sociale.


L'identité personnelle concerne en un sens restreint, les caractéristiques temporelles de la
conscience   de   soi.   Elle   correspond   à   la   recherche   d’une   cohérence   personnelle   (personnalisation)  
qui intègre les représentations de soi dans une perspective  temporelle  d’évolution.

Représentation de soi :  terme  générique  rassemblant  l’image  de  soi,  les  images  sociales  et  l’estime  de  soi.   L’Image  de  
soi étant   l’ensemble   des   caractéristiques   que   l’individu   attribue   à   lui-même, l’image   sociale est la manière dont
l’individu  pense  être  perçu  par  les  autres.  L’estime  de  soi  correspond  au  degré  d’approbation  ou  de  désapprobation  de  
l’individu  à  l’égard  de  lui-même.

L’identité   personnelle,   c’est   la   façon   dont   nous   nous   sentons   dans   notre   peau,   l’image   que nous
avons de nous même, notre style personnel, évolue au contact de la réalité et ce pendant toute la vie.
C’est   « un système de sentiments et de représentations de soi, c'est à dire à l'ensemble des
caractéristiques physiques, psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à partir
desquelles la personne peut se définir, se présenter, se connaître et se faire connaître, ou à partir
desquelles autrui peut la définir, la situer, ou la reconnaître » (Tap, 1979, p.8).
L’identité   personnelle   est   fondée   sur   un   paradoxe   puisqu’elle   implique   à   la   fois   ressemblance   et   16
différence.   Il   s’agit   en   effet   d’être   semblable   à   soi-même (être identique à soi dans le temps :
permanence et continuité) et semblable aux autres (construction des nous familiaux, amicaux, etc..).
Mais  il  s’agit  aussi  de  se  différencier : tout développement implique un changement relatif de soi
dans le temps.
L’identité   sociale quant à elle résulte en grande partie des interactions avec les autres, des
appartenances à différentes catégories, fondées soient sur des caractéristiques physiologiques (sexe,
âge), soient relativement aux classes et groupes sociaux (profession, religion, nationalité),
catégories dont le contenu est associée aux représentations des rôles et aux normes de conduites
(Coslin, 1999 ; 2002).

2.  Les  enjeux  identitaires  à  l’adolescence.


La connaissance de son appartenance à un genre (vers 2 ans et demi) puis la constance du genre
constituent   deux   points   de   repères   fondamentaux   dans   la   genèse   d’une   identité   de   genre. Cette
connaissance   de   son   propre   genre   reste   une   étape   importante   dans   l’évolution   personnelle.  
Toutefois,   que   ce   soit   pour   l’identité   de   genre   ou   pour   tout   autres   aspects   identitaires,   la  
construction   de   l’identité   se   prolonge   bien   après   2-3   ans,   il   s’agit alors pour la personne de
construire   et   de   maintenir   une   représentation   cohérente   d’elle-même.   C’est   en   cela   qu’Erikson  
considère  l’évolution  identitaire  comme  une  construction  spécifique  de  l’adolescence.
Nous nous attardons ci-après principalement sur ses considérations théoriques propres à cette
période et sur les perspectives ouvertes par Erikson dans ce domaine en resituant les travaux de J.
Marcia (1966, 1989).

2.1 Les travaux d'Erickson (1968).


Erikson perçoit le développement comme une longue  quête  de  l’identité  au  cours  de  laquelle  chaque  
personne doit accomplir, dans un ordre établi, des tâches qui se présentent toutes sous forme de
dilemmes   provoquant   une   crise.   Chaque   tâche   est   axée   sur   le   développement   d’une   facette  
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particulière  de  l’identité. La période  de  l’adolescence  tient  une  place  cruciale  dans  la  vie  du  sujet  en  
ce  qu’elle  a  pour  rôle  de  préparer  l’adulte  en  définissant  son  identité.  L’adolescence  (12-18 ans) se
caractérise  par  la  remise  en  question  de  l’identité et la tentative de résolution des problèmes liés à la
sexualité   et   à   la   maturité.   L’adolescent   est   amené   à   faire   des   choix   personnels   qui   ont   des  
répercussions   à   long   terme   dans   des   domaines   aussi   variés   que   l’idéologie,   la   profession,   la  
sexualité,  la  religion…
Erikson (1968) appelle alors sentiment de l’identité  intérieure,  l’intégration  qui  doit  être  réalisée  à  
l’adolescence.   Pour   se   sentir   unifié,   intégré   l’adolescent   doit   ressentir   une   continuité   progressive  
entre  ce  qu’il  est  devenu  ou  cours  de  l’enfance  et  ce  qu’il  pense devenir dans le futur ;;  entre  ce  qu’il  
pense  être  et  ce  qu’il  sait  que  les  autres  perçoivent  et  attendent  de  lui ;;  l’identité  inclus  et  prolonge  
l’ensemble  des  identifications  antérieures,  lorsque  l’enfant  s’assimilait  à  un  modèle  par  imitation  et  
intériorisation  d’attitudes  et  de  comportements.  L’adolescent  reconsidère  ses  identifications  avec  les  
risques que cela comporte pour la cohésion personnelle, les identifications enfantines étant remise
en   cause,   par   la   personne   qui   s’est   elle-même construite selon ces identifications. Pour Erikson,
l’identité  fait  donc  face  à  une  crise  ne  pouvant  être  résolue  que  par  de  nouvelles  identifications  avec  
les pairs et les modèles extérieurs à la famille
« Le  développement  identitaire  dépend  alors  de  l’évolution  de trois  composantes  chez  l’adolescent :
- l’émergence  d’un  sentiment  d’unité  intérieure  qui  intègre  l’agir  en  un  tout  cohérent ;
- l’acquisition   d’un   sentiment   de   continuité   temporelle   reliant   passé,   présent   et   futur   individuel,  
l’adolescent  prend  ainsi  conscience  du  suivi  d’une  trajectoire  de  vie  qui  a  un  sens  et  une  direction
- l’interaction  avec  les  personnes  importantes  de  l’environnement  qui  guident  les  choix.
Intégrité,  continuité  et  interactivité  sont  donc  les  trois  composantes  de  l’identité  dans  la  perspective
d’Erikson » (cf. Coslin, 2002 p.114).
->  Erikson  appréhende  la  crise  de  l’adolescence  en  prenant  en  compte  son  aspect  psychosocial.
17
2.2  Les  statuts  d’identité  de  James  Marcia.
La  perspective  d’Erikson  continue  d’alimenter  les  recherches,  les  discussions et les pratiques. Les
travaux de James Marcia (1966, 1980) ont ainsi contribué à ce fait. D’après  la  perspective  de  cet  
auteur trois facettes  de  l’identité  sont  à  distinguer :
Facette subjective:   conscience   intime   d’être   une   personne   unifiée,   de   rester   la   même   dans  
différents contextes et rôles (fille, mère, psychologue, etc.)
Facette comportementale:   continuité   dans   l’agir,   dans   la   conduite   observable   (habitudes,  
motivations, attitudes, etc.)
Facette structurale:  organisation  personnelle  en  lien  avec  l’environnement;;  schèmes  plus  ou  moins  
complexes   découlant   de   l’expérience   mais   aussi   plus   ou   moins   connectés`à   l’environnement
(pêcheur versus universitaire).
Marcia a développé son  modèle  à  partir  de  la  théorie  d’Erikson  et  suppose,  comme  ce  dernier,  que  
deux   éléments   clés   sont   en   jeu   dans   la   formation   de   l’identité : un questionnement et un
engagement. Les choix antérieurs et les valeurs anciennes sont remis en question avant que
l’individu  n’opte  pour  de  nouvelles  décisions.  Cela  peut  se  faire  de  façon  brusque  (comme  le  veut  la  
notion classique de crise) ou se réaliser graduellement. Le résultat de cette réévaluation consiste en
une   forme   d’engagement   dans   un   rôle   spécifique   et dans   une   idéologie   particulière.   Lorsqu’on  
considère   ensemble   les   deux   éléments   clés,   on   constate   que   quatre   statuts   d’identité   ou   positions  
existent qui permettent de situer des niveaux de construction identitaire :
L’identité réalisée est le résultat d’une  prise  de  décision.  L’individu  a  connu  une  période  de  
conflits et a pris des engagements personnels
Le moratoire est  caractérisé  par  le  conflit  sans  prise  de  décision.  L’individu  est  engagé  dans  
la  crise  et  s’interroge  sur  son  identité,  mais  il  n’a  pas fait de choix.
La forclusion est  en  quelque  sorte  l’opposé  du  moratoire.  L’adolescent  n’a  connu  ni  crise  ni  
période de questionnement, mais il a réalisé des choix et des engagements (professionnel ou
14
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

idéologique) ; il a simplement adopté les valeurs de ses parents sans réexaminer ces valeurs
personnellement.
La diffusion   d’identité est   caractérisée   par   l’absence   d’engagement.   Le   plus   souvent,  
l’adolescent  n’a  pas  connu  une  période  critique  de  remise  en  question ;;  lorsqu’il  a  connu  une  crise,  
il   n’a   pris   aucune   forme   d’engagement.   Ainsi,   la   diffusion   exprime   soit   un   stade   précoce   de   la  
formation  d’identité,  soit  un  échec  dans  la  construction  de  l’identité  au  terme  de  l’adolescence.  

3.  La  connaissance  de  soi  à  l’adolescence.


La connaissance de soi évolue à  l’adolescence  sous  l’effet  des  transformations  physique  mais  aussi  
sociale   et   cognitive.   Selon   Erikson,   l’identité   du   Moi   se   constitue   à   partir   d’éléments   internes   et
externes. Le  sujet  va  s’évaluer  en  fonction  de  son  propre  jugement  vis-à-vis de lui-même mais aussi
en  fonction  de  la  croyance  qu’il  a  à  propos  du  jugement  des  autres  à  son  égard.
Les  progrès  cognitifs  permettent  à  l’adolescent  d’avoir  un  questionnement  plus  intense  sur  le  sens  
de son existence, sur lui-même dans son ensemble et le poussent à intégrer des images de soi en une
vision  cohérente  et  globale.  Il  a  conscience  d’une  certaine  instabilité  de  soi  qui  ne  lui  facilite  pas  la  
construction de représentations de soi solides.
La   connaissance   de   soi   s’appuie   à   l’adolescence   sur   le   déploiement des perspectives temporelles
(passé, présent, avenir) (Rodriguez-Tomé,  1987)  qui  permettent  au  sujet  d’éprouver  un  sentiment  de  
continuité de soi notamment au travers de la reconnaissance des autres et de la permanence de son
corps dans le temps. A   l’adolescence, la personne devient de plus en plus différenciée et
individualisée   tant   par   rapport   aux   autres   qu’aux   contextes   et   situations   dans   lesquelles   elle   se  
trouve  impliquée.  La  connaissance  de  soi  s’appuie  de  plus  en  plus  sur  des  traits  de  personnalité, des
manières  d’être  de  faire  et  de  penser.  

Conclusion 18
Les  points  de  vue  sur  la  construction  identitaire  au  moment  de  l’adolescence  évoluent.  Il  est  difficile  
alors  de  parler  d’une  construction  identitaire  globale,  générale  et  synchrone  dans  tous  les  domaines.
A   l’inverse   les   recherches   de   l’Archer   (1982,   cité   par   Lehalle,   1995),   ont   montré   que   l’identité  
pouvait être construite (avec un moratoire) dans un domaine (religion, idéologie) et pas forcément
dans  l’autre  (profession  ou  sexualité).  Il  est  donc  nécessaire de tenir compte de la variabilité intra-
individuelle pour en comprendre le sens. Par ailleurs en accord avec Marcia (1980, cité par Lehalle,
1995),   l’identité   est   moins   considérée   comme   liée   à   une   période   particulière   de   construction  
(aboutissant  à  des  choix  définitifs).  C’est  tout  au  long  de  la  vie  que  des  ajustements  identitaires  sont  
à effectuer.

Références bibliographiques :
Claës, M. (1982). L’expérience  adolescente. Bruxelles : Mardaga.
Cohen-Scali, V. & Guichard, J. (2008). L’identité : perspectives développementales. In
L’orientation scolaire et professionnelle, 37, (3), 321-345.
Côté, J. E. (2002). The role of identity capital in the transition to adulthood: The individualization
thesis examined. Journal of Youth Studies, 5 (2), 117-134. doi:10.1080/13676260220134403
Erikson, E.H (1968). Adolescence et Crise. La quête de  l’identité. Paris : Flammarion.
Lehalle, H. (1995). Psychologie des adolescents, Paris : PUF 4ème éd.
Malewska-Peyre H., & Tap, P. (1991). La  socialisation  de  l’enfance  à  l’adolescence, Paris: PUF.
Marcotte, J. & Ringuette, D. (2011). Étude exploratoire des liens entre l’identité et l’implication
scolaire des jeunes de 18 à 24 ans en formation générale des adultes. Revue de
psychoéducation.Vol. 40, 2, 241-260.
Documents à lire ou visionner en ligne pour travailler ce thème :
Kunnen, S.A. & et. Bosma, H.A. (2006). Le  développement  de  l’identité : un processus relationnel
et dynamique. L'orientation scolaire et professionnelle. 35/2, Varia, 1-18.
http://osp.revues.org/index1061.html
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Adolescence, la quête de l'identité - François de Singly (durée 76 minute(s) et 14 secondes)
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Thème 5 : Le développement cognitif à l'adolescence.


Les transformations physiques et physiologiques liées à la puberté ne sont pas les seuls phénomènes
qui marquent le tournant décisif que constitue l'adolescence. L'ensemble de l'activité mentale
connaît une restructuration importante. L'activité mentale de l'adolescent implique non seulement
des périodes de tumultes et de remises en question, mais aussi l'accès à une nouvelle capacité de
raisonnement permettant d'appréhender le monde réel avec des yeux d'adulte. C’est toute une
transformation   profonde   de   l’appareil   mental   qui,   à   son   tour,   modifie   l’ensemble   de   l’expérience  
subjective.   La   vie   affective,   l’estime   de   soi,   la   personnalité   sociale,   la   pensée   logique   sont  
directement influencés par le développement cognitif  à  l’adolescence.

I Le développement cognitif à l'adolescence selon Piaget.


Les recherches actuelles sur le développement cognitif sont très nombreuses et se réfèrent pour la
plupart à la théorie piagétienne du développement de l'intelligence qui permet de caractériser
l’adolescence  par  l’élaboration  d’une  nouvelle  forme  de  pensée, la pensée opératoire formelle.

1.1 L’accès  à  la  pensée  formelle :


La théorie du développement de la pensée formelle de Piaget se base sur les diverses modifications
de la structure de la pensée logique à l'adolescence (cf. développement des quatre stades de
l'intelligence).
Le stade de la pensée formelle (12 ans et +) se  caractérise  par  un  certain  nombre  d’innovations  dans   19
la façon   d’aborder   le   réel, par des gains qualitatifs, nouveautés (saut dans le développement) (cf.
Ricaud-Droisy et al., 2009).
La   perspective   piagétienne   met   en   avant   l’idée   que   l’adolescence   est   la   dernière   étape   de   la  
construction   des   opérations   intellectuelles.   Un   pallier   d’équilibre   serait   atteint   vers la quinzième
année (Coslin, 2002). Deux sous - stades sont à distinguer :
- le sous stade A : caractéristique   d’une   appréhension   formelle   des   problèmes   limitée   à   certaines  
situations  ou  à  certains  éléments  d’une  situation ; la découverte de la solution est lente est partielle.
Le sujet procède par tâtonnement ;;  formulation  d’hypothèses  et  de solutions plus ou moins proches
de la solution correcte.
- le sous stade B : le jeune est capable de; raisonner de façon hypothético-déductive ; formuler des
hypothèses verbalement sans recours à la manipulation   d’objets,   maîtriser la logique des
propositions, mise en place de schèmes opératoires nouveaux, la solution est découverte
rapidement.
L’accès  à  la  pensée  formelle  permet  de  traiter  plus  de  deux  variables  à  la   fois. Grâce à ce type de
pensée  le  sujet  a  la  capacité  de  raisonner  sur  des  propositions  abstraites  :  libère  l’intelligence  du  réel  
et la rend indépendante du contenu sur lequel porte la question. Le sujet a la possibilité de :
formuler des hypothèses, planifier des activités et des stratégies, tirer des conclusions
généralisables.

1.2 L'accès à la pensée hypothético-déductive.


La principale innovation de la pensée formelle (de 12 à 16 ans) concerne la capacité de raisonner en
termes d'hypothèses formulées verbalement et non plus en termes de manipulations d'objets
concrets. La pensée devient hypothético-déductive, elle va se manifester sur deux plans : le langage
et le raisonnement inductif.

16
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

- Au plan du langage, le raisonnement du jeune porte sur des propositions abstraites détachées de la
constatation concrète et actuelle.
- Au plan du raisonnement inductif, le jeune devient capable de raisonner sur des hypothèses. La
déduction ne porte plus sur les réalités perçues mais sur des énoncés hypothétiques vérifiables
systématiquement, les conclusions appropriées sont alors déduites d'après les résultats obtenus. Elle
permet de raisonner sur des hypothèses, faire des opérations sur des opérations, des combinaisons et
des permutations. Les opérations formelles consistent à classer, à sérier des propositions.
La manipulation des opérations formelles repose sur deux structures cognitives :
- la maîtrise de l'analyse combinatoire : envisager  toutes  les  combinaisons  possibles  d’un  problème  
donné  ou  d’une  situation  déterminée.
- l'accès à une forme plus complète de réversibilité du raisonnement, la proportionnalité, groupe
des deux réversibilités : le groupe INRC soit identité (opération initiale donnée), négation (simple
inversion de la première opération), réciprocité (opération réciproque) et corrélation ou
corrélativité (l’inverse  de  la  réciproque  de  la  première).  Exemple du voyageur :
Si un train entre en gare lentement, un voyageur marchant en sens inverse, l'enfant de 10 ans ne
peut prévoir que le voyageur reste immobile par rapport à un repère fixe placé sur le quai, puisque
les deux mouvements s'inversent. Le système des 4 transformations y trouve une application
évidente :
I = Le voyageur marche vers l'arrière du train, c'est l'activité principale.
N = L'inverse est représentée par son déplacement du dernier vers le 1er wagon. Le voyageur
remonte le train dans le même sens.
R = La réciproque est le mouvement du train qui entre en gare et qui compense le mouvement du
voyageur.
C = Le mouvement de l'inverse de la réciproque serait le recul du train qui sortirait de la gare.
20
1.3  Le  problème  de  la  généralisation  de  l’accès  à  la  pensée  formelle  à  l'adolescence.
• Question  de  l’universatité  des  structures  cognitives  piagétiennes…
Des études sur les stades du développement cognitif tendent à confirmer que la structure et les
séquences  d’apparition  sont   universelles   (Dasen,   1972)  mais  il  n’en   est   pas  de  même  quant   au  
stade hypothético-déductif. Piaget lui-même le reconnaît et précise que les observations ont été
effectuées auprès de populations privilégiées issues des meilleures écoles de genève.
• Des différences de rythmes du développement cognitif
Il admet également que les différences de rythmes du développement cognitif seraient reliées
à la fréquence et à la qualité des stimulations intellectuelles accessibles aux enfants au cours
d'activités spontanées dans leur environnement familier. Contrairement à Piaget, des recherches
interculturelles démontrent le rôle direct de l'expérience scolaire sur l'accès aux structures
formelles de pensée.
• Pour tout individu normal :
Cet accès au stade des structures formelles dépend : de l'environnement social, de l'expérience
acquise qui assurent la richesse des connaissances et de la stimulation intellectuelle. Ainsi, trois
facteurs semblent déterminants dans le développement et la maîtrise des structures cognitives
formelles :  l’origine  sociale,  les  acquis  antérieurs  et  la  qualité  de l'enseignement (Karplus, 1975).

1.4 Impact de la pensée formelle sur la problématique de l'adolescent.


Piaget et Inhelder (1957) s'interrogent sur une conception globale de l'adolescent en fonction des
modifications cognitives de sa pensée. Ils considèrent que le caractère fondamental de l'adolescence
concerne l'insertion de l'individu dans la société des adultes. Cette insertion signifie trois choses à
leurs yeux :
1- l'adolescent commence à se considérer comme l'égal des adultes ;
17
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

2- il commence à penser à l'avenir et à élaborer des "programmes de vie" ;


3- il se propose de réformer cette société des adultes dans laquelle il est appelé à vivre.
Grâce à l'hypothèse, l'adolescent découvre le domaine des possibles et dépasse la réalité présente
pour s'engager dans le possible de l'avenir. A 11 ou 12 ans, le problème est de trouver le moyen de
passer d'un point de vu personnel à un autre sans se contredire (accepter la notion de relativité).
La pensée hypothético-déductive suppose deux facteurs:
- l'un social : pouvoir sortir du point de vue propre pour se placer à tous les points de vue;
- l'autre conduisant à imaginer derrière la réalité concrète ce « monde possible », objet du
raisonnement. La pensée réfléchit alors sur son propre fonctionnement. L'adolescent devient
sensible à la contradiction logique, son   raisonnement   s’ouvre   à   un   grand   nombre   de   possibles.   Il  
cherche à créer ses propres critères, ses propres normes.

II Métacognition et cognition sociale.


2.1- La métacognition : au stade formel, les adolescents sont capables de penser leurs pensées,
connaissance  ou  activité  cognitive  concernant  ou  contrôlant  l’activité  cognitive  (Flavell, 1985), qui
les amène à analyser ce que pensent les autres. Dégagé   du   concret   l’adolescent   à   désormais   la
possibilité  d’avoir  conscience  et  connaissance  de  son  activité  mentale.  Ce  qui  aura  des  conséquence  
sur bon nombre de conduites de communication : persuasion et compréhension orale, lecture,
écriture,   langage   mais   aussi   sur   l’attention,   la   mémoire,   la   résolution   de problèmes la cognition
sociale  et  les  diverses  formes  d’auto-instruction et de contrôle de soi (Flavell, 1985).
La métacognition concerne à la fois les personnes, les tâches et les stratégies.
- On peut rattacher aux personnes, les connaissances et les croyances acquises (relatives
aux différences cognitives inter et intra individuelles, aux ressemblances cognitives entre individus)
- La catégorie tâches renvoie à la nature des informations reçues et traitées et à la nature des
exigences de cette tâche. 21
- Les stratégies sont soient cognitives (permettent de réaliser les objectifs), soit
métacognitives   (informent   sur   les   progrès   dans   l’activité   engagée).   A   l’adolescence   ces   capacités  
métacognitives   sont   favorisées   par   la   tendance   adolescente   à   l’introspection : réflexion sur les
émotions, élaboration de grandes théories et analyse des relations sociales.

2.2- La cognition sociale est une autre sphère importante de l'activité intellectuelle entre 12 et 18
ans : compréhension du point de vue des autres, de leurs pensées, de leurs sentiments, de leurs
intentions,   de   leurs   attitudes   (Cloutier   et   Renaud,   1990   ;;   Flavell,   1985).   Elle   désigne   l’étude   des  
processus   cognitifs   à   l’œuvre   dans   la   perception   d’autrui   et   le   rôle   du   contexte   social   dans   cette  
perception (Askevis-Leherpeux, Baruch et Cartron, 1998). Tout comme la pensée morale, la
cognition sociale présuppose donc la compréhension des conduites humaines, mais elle ajoute à
cette  lecture  sociale  un  jugement  sur  la  valeur  des  conduites  observées.  L’intelligence sociale porte
sur  la  connaissance  de  l’autre,  des  modes  de  relations  interpersonnelles  et  des  règles  qui  règnent  au  
sein des groupes. Les contacts sociaux représentent ainsi des « situations problèmes » que
l’adolescent  ne  peut  résoudre  qu’en  mobilisant les moyens intellectuels appropriés (Coslin, 2002).

Conclusion : les progrès intellectuels à l'adolescence.


Les observations psychométriques confirment l'existence de progrès intellectuels importants à
l'adolescence, notamment, la capacité de mémoriser les contenus, l'aptitude à rechercher de
l'information face à un problème et à poser des hypothèses, la capacité de se représenter
mentalement l'espace physique et d'opérer des transformations sur ces représentations, et la capacité
générale de résoudre des problèmes complexes (Newman et Newman, 1979, Steinberg, 1989).

18
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

Thème 6 : L'évolution de la pensée morale à l'adolescence.


L'adolescence est la période, au cours de laquelle le sujet découvre les principes et les valeurs qui
gouvernent les individus et la société ; il doit effectuer des choix, chercher la cohérence et
l’équilibre  entre  les  aspirations  et  ce  qui  est  possible.
La pensée morale se développe parallèlement aux structures cognitives ; ensemble des critères
utilisés par une personne pour juger de ce qui est juste ou injuste, bon ou mauvais dans les
comportements.
Le jugement moral fait appel au raisonnement logique, à la capacité d'intégrer de l'information et
de réfléchir sur différentes possibilités : processus  par  lequel  l’individu  pense  et  émet  un  jugement  
sur le bien et le mal dans une situation déterminée. Cette théorie, développée par Kohlberg vient
compléter la conception piagétienne.

I Les travaux de Piaget.


Piaget (1932) a été l'un des premiers auteurs à décrire le développement de la pensée morale chez
l'enfant. Il avait identifié deux grands types d'attitudes morales en proposant aux enfants différents
récits notamment celui bien connu, de « l'enfant qui brise accidentellement une quinzaine de tasse
et de cet autre enfant qui brise une tasse en tentant de voler des confitures. L'enfant devait se
prononcer sur la culpabilité des protagonistes et expliquer son jugement ».
- Dans le 1er stade de la moralité hétéronome ou objective jusqu'à 7 ans : l'enfant croirait en la
valeur inconditionnelle des règles imposées celles-ci constituant ce qui est juste. L'enfant tend à
évaluer le comportement d'un acte sur la base des conséquences matérielles de l'action. Il croit en
une   justice   immanente.   C’est   le   stade de la passivité face à la loi : la loi et les règles seraient
« sacrées ».
- Dans le 2ème stade de la moralité autonome ou subjective à partir de 7 ans jusqu'à la pré- 22
adolescence, l'enfant peut considérer l'intention de l'auteur lorsqu'il porte un jugement sur ses actes.
La loi n'est plus une convention immuable mais une convention utile pouvant faire l'objet
d'interprétation. La loi est le fruit d'un consentement mutuel qui peut être révisé si tel est le voeu
général, la transgression et la punition sont définies en fonction de ce qui est juste et possible et
compte tenu des circonstances particulières. C'est le principe de l'équité.

II Les travaux de Lawrence Kohlberg (1984)


Ces travaux s'inscrivent dans la perspective piagétienne et ont tenté de cerner l'évolution du
jugement moral de l'enfance à l'âge adulte en développant un modèle d'identification des stades de
la pensée morale plus étendu et plus discriminatif. C'est à partir de "dilemmes moraux
hypothétiques"6 qu'il a cherché à évaluer le raisonnement des individus. Dans ces dilemmes des lois
et des règles entrent en conflit avec les besoins et le bien-être des personnes, il n'y a pas de solution
complète.
Kohlberg (1958) s'intéresse moins à la réponse en soi qu'à la qualité du jugement moral,
révélé par les raisons mises en avant pour justifier le choix de la réponse.
Il a identifié six stades dans le développement du jugement moral, regroupés selon trois
grands niveaux, qui correspondent à des façons successives de justifier le choix d'une conduite sur
la base de principes éthiques nouveaux. Chaque stade constitue un ensemble structuré et tous les
stades forment une hiérarchie en progression continue, chaque nouveau stade intégrant et
consolidant le précédent.
Deux processus seraient impliqués dans la progression d'un stade à l'autre :
6
Exemple de dilemme : "une femme est atteinte d'une maladie mortelle. Un médicament mis au point par un pharmacien de la
ville peut la sauver, mais ce médicament est très cher. Le mari tente vraiment de réunir la somme demandée et le pharmacien
refuse de baisser son prix ou de faire crédit. Une nuit, désespéré, le mari entre par effraction dans la pharmacie et vole le
médicament. Le mari a -t'il tort ou raison ? et pourquoi ?"
19
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

- le déséquilibre cognitif : l'évolution du jugement moral résulte de la confrontation de l'individu


avec un niveau de raisonnement moral légèrement supérieur à son niveau actuel, ce qui entraîne
conflit, déséquilibre et tensions le poussant à sortir de la contradiction et le font accéder à une forme
supérieur d'équilibre.
- la capacité de prise de rôle : capacité de pouvoir adopter le point de vue d'autrui.
2.1 Les stades du développement moral selon Kohlberg.
Niveau I: niveau prémoral ou préconventionnel : enfance (2 à 10 ans). La pensée morale est
préconventionnelle c'est-à-dire qu'elle n'a pas encore atteint le niveau des conventions relatives aux
bases sociales de la justice. Les normes sont dictées de l'extérieur et les motivations relèvent de la
conformité aux impératifs du pouvoir : éviter la punition et obtenir des récompenses.
Stade 1 : moralité hétéronome de 2 à 6 ans environ :  stade  de  l'obéissance  simple.  L’enfant  évité  de  
rompre les règles afin de ne pas encourir de sanction.
Stade 2 : individualisme et échange instrumental de 7 à 10-11 ans environ: les actions jugées
correctes   sont   celles   qui   servent   les   intérêts   du   sujet,   éventuellement   d’autrui :   présence   d’une  
réciprocité utilitariste "Je te prête ma bicyclette parce que j'aimerais bien que tu me prêtes la
tienne".

Niveau II: moralité de conformité conventionnelle (niveau conventionnel) : l'adolescence.


Il y a intégration de conventions servant à régir les rapports interpersonnels. C'est la période de la
morale conventionnelle : entretenir de bonnes relations et avoir une image publique favorable sont
jugés comme des valeurs en soi. La moralité des actes : faire de bonnes actions et maintien de
l'ordre social.
Stade 3 : conformité aux attentes mutuelles, relations interpersonnelles de 12 à 16 ans environ.
Maintien de bonnes relations, volonté d'être considéré par l'entourage, agir en conformité avec cet
"autrui généralisé". Les valeurs collectives (de l'entourage immédiat et non toute la société) passent 23
avant les intérêts particuliers.
Stade 4 : système social et conscience de 17 à 20 ans environ : stade du respect de la loi et de
l'ordre  dans  le  but  d’éviter  la  sanction  et  le  mal-être qui en découle. Le sujet endosse les règles, les
lois sociales : outils collectifs servant à faire respecter avec justice les droits des personnes
considérées comme égales. Le jugement moral s'intériorise et l'opinion des autres est moins
importante que les principes auxquels la personne adhère au delà des situations particulières. La
moralité conventionnelle atteint sa maturité.

Niveau III: principes moraux autonomes (niveau postconventionnel). 20 ans et + (âge adulte).
Selon Kohlberg (1969, 1981), tous les individus ne se rendent pas à ce niveau dans leur évolution.
Le jugement moral est fondé sur le contrat social, les désirs et le bien-être de la majorité.
Stade 5 : contrat social et droits individuels. Ce ne sont plus les lois elles-mêmes qui représentent
les références morales, mais les principes moraux à l'origine des lois et des règles sociales. Le
respect des règles, par exemple de la vie, de la liberté des personnes, des valeurs démocratiques,
fonde le contrat social. La personne prend conscience du caractère relatif des lois de leurs
contradictions potentielles par rapport à des principes de justice sociale.
Stade 6 : principes éthiques universels. Il  n’est  plus  question  d’agir  en  fonction  de  règles  sociales  
imposées mais de respecter avant tout des principes éthiques liés au respect des autres par exemple
et à des valeurs universelles telles la liberté.

2.2  L’Après  Kohlberg  et  les  critiques  de  son  modèle.


La théorie de Kohlberg ne présente pas d'appuis empiriques des principes énoncés. Plusieurs
critiques s'imposent portant sur :

20
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

1- Les différences culturelles : si l'on considère que les principes éthiques sont relatifs à une
société donnée, à une époque historique, se pose alors le problème de la généralisation du modèle
de Kohlberg à d'autres sociétés autres qu'occidentales (de part d'importantes différences culturelles).
2- L’éducation   familiale : pour la psychologie contemporaine, la psychanalyse et les
théoriciens de l'apprentissage social, le système de valeur individuel est le fruit de l'intériorisation
des normes et des valeurs de la culture au cours de l'éducation familiale. Les affirmations de
Kohlberg  n’en  tiennent  pas  compte.
3- La   possibilité   d’abstraction: les principes d'égalité et de justice caractéristiques des
stades 5 et 6 supposent une possibilité d'abstraction. D'où la question de la distinction entre
développement cognitif et développement du jugement moral.
4- Différences entre jugements moraux et conduites morales : Il y a des différences entre
ce   que   l’on   pense   et   ce   que   l’on   fait.   Il   a   été   reproché   à   Kohlberg   de   ne   s'intéresser   qu'à la
formulation de jugements moraux sans avoir de réelle pertinence sur le plan des conduites morales.
5- Remise en question de la progression continue du développement du jugement moral.
Une étude d'Hoffman (1980) montre qu'un pourcentage important d'adolescents classés au stade 4 à
16 ans s'est vu relégué au stade 2 lors d'un nouveau test effectué 4 ans plus tard. Kohlberg explique,
que ces sujets auraient été confrontés entre 16 et 20 ans à une diversité de points de vue moraux
contradictoires, découvrant des inconsistances entre le discours moral des adultes et leurs actions
=> un repli transitoire vers une moralité individualiste.
6- Le comportement moral est perçu différemment selon les sexes: Ecarts du
développement moral reliés au sexe : les filles atteignent le stade 3 et s'y maintiennent plus que les
garçons. On y voit là un effet des pratiques de socialisation particulières aux filles dans les sociétés
occidentales, où l'on valorise chez elles la conformité et la recherche de l'approbation sociale.
Gilligan (1982) considérant que les valeurs sur lesquelles s'appuient les travaux de Kohlberg sont
typiquement masculines, a mis au point un matériel spécifiquement destiné au sexe féminin, non 24
plus fondé sur une éthique de justice, mais plutôt sur une morale de sollicitude ; Selon elle, les
hommes conçoivent la moralité en termes de principes (acception plus large comme la justice),
alors que les femmes la conçoivent en termes de responsabilité envers les autres. Tout problème
moral pourrait être appréhendé selon ces deux perspectives qui seraient adoptées alternativement.
Certains auteurs sont en désaccord avec Gilligan, notamment Rest (1979) qui ne note pas de
différences entre les scores obtenus par les garçons et par les filles et Bègue (1998) pour qui cette
opposition des deux orientations est discutable ;;   il   s’agirait   plutôt   d’une   différence   de   degré,   en  
référence aux travaux relatifs à l'empathie, qui suggèrent plus une possibilité d'intégration qu'une
réelle disjonction des composantes. Il n'en est pas moins vrai que différents outils ont été mis au
point dans les années 1990 pour évaluer chacune des « deux morales ».
7- La problématique des conduites déviantes et délinquantes : selon Coslin, (2002), bien
que très intéressant, le modèle de Kohlberg est en partie contredit, tant par des faits expérimentaux
que par des faits de vie réelle, tels que la généralisation des conduites déviantes et délinquantes à
l'adolescence. Plusieurs études montrent en effet que la norme de responsabilité sociale est bien
intégrée, dès l'âge de six ans, lorsqu'il s'agit de porter des jugements, hors de toute situation réelle,
par exemple, quand on lui demande s'il serait prêt à accorder son aide à un camarade dans le besoin
sans rien en attendre de retour. Mais, si l'on place le sujet dans une situation expérimentale où ses
propres demandes d'aide ont été préalablement rejetées, il ne se réfère plus à la norme de
responsabilité sociale et subordonne au contraire ses conduites pro-sociales à la réciprocité (Bryan
et Walbek, 1970; Hanis, 1970; Coslin, Denis-Pradet et Selosse, 1972 -, Peterson, Hartmann et
Gelfand, 1977).
Turiel (1 974, 1977) fait l'hypothèse que le passage du niveau 2 au niveau 3 de Kohlberg ne
serait pas continu lors de l'adolescence. Il comporterait une phase de déséquilibre au cours de
laquelle les modes de jugement et les modes de conduite seraient réévalués. L'origine de ce

21
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

déséquilibre est double: d'une part, les rapports nouveaux s'instaurant entre les exigences et sociales
et d'autre, part, la mise en question des prescriptions morales universelles.
Une  autre  façon  d’aborder  le  développement  moral  consiste  à  analyser  les  attitudes  des  jeunes  face  
aux comportements déviants (Cf. travaux de Turiel (1974) Rest (1980) Coslin, (1999) qui
considèrent que le développement moral est soumis à des variations interpersonnelles, à des
régressions et doit être abordé dans le contexte des relations sociales.
Conclusion : les travaux contemporains
Les  principes  d’une  morale  appuyée  sur  des  considérations  interpersonnelles et sociales émergent à
l’adolescence  mais  peu  d’adolescents  accèdent  au  stade  4  (principes  moraux  prosociaux)
A 18 ans : 1/2 des ados se situent au stade 3. Enormes variations dans le développement du
jugement moral  au  cours  de  l’adolescence : - importantes différences inter-individuelles - et intra-
individuelles - dictées par les situations et le contexte
Est-ce  une   «   fable   »   idéalisée  de  l’évolution   de   la  pensée  humaine  (l’accès  au  stade  supérieur  est  
rarement observé) La théorie soulève de multiples problèmes sur le plan conceptuel et
méthodologique, mais le modèle reste une référence incontournable
Les travaux menés autour du développement du jugement moral offrent des pistes de réflexion qui
favorisent   l’accès   à   des   niveaux   supérieurs   du   jugement moral : Participation à la vie sociale,
Information sur le fonctionnement de la société: éducation civique, Expérimentation de la diversité
culturelle

Références bibliographiques Développement cognitif et moral :


Bideau, J. (1979-80). Développement moral et développement cognitif. Bulletin de psychologie, 33,
589-601.
Claës, M. (1982). L'expérience adolescente. Bruxelles : Mardaga. 25
Coslin, P.G. (2002). Psychologie  de  l’adolescent. Paris : Armand Colin.
Inhelder, B. & Piaget, J. (1955). De la logique de l'enfant à la logique de l'adolescent, Paris: PUF.
Lehalle, H. & Mellier, D. (2002). Psychologie du développement. Enfance et adolescence. Cours et
exercice. Paris : Dunod.
Not, L. (1993). Le développement cognitif. In L. Not (Ed.). Le développement psychologique de
l'enfant et de l'adolescent. Toulouse, Edition Universitaire du Sud, 91-148.
Piaget, J. (1932). Le jugement moral chez l'enfant, Paris: PUF.
Piaget, J. & Inhelder, B. (1966). La psychologie de l'enfant. Que sais-je ? n° 369. Paris: PUF,
11ème éd.
Ricaud-Droisy, H. Oubrayrie-Roussel, N. et Safont-Mottay, C. (2009). Elements de base sur le
développement. In H. Ricaud-Droisy, N. Oubrayrie-Roussel et C. Safont-Mottay. (Eds.).
Psychologie du développement. Enfance et Adolescence. Chap.2 (pp.45-112). Paris : Dunod. Coll.
Manuels Visuels de Licence

Thème 7 : Le développement socio-affectif à l'adolescence.


L'adolescence est la période de remise en cause des rapports intellectuels, affectifs et sociaux que
les sujets établissent avec eux-mêmes et autrui. L'évolution sociale change ainsi de rythme à
l'adolescence sous l'impulsion des transformations physiques et mentales. Doués de nouvelles
capacités, les jeunes s'aventurent dans l'espace social avec le désir d'être reconnus au travers d'une
identité propre. L'adolescence est ainsi le temps de l'expérimentation", à un niveau plus conscient,
de la communication, voire de la socialisation du sujet et de la conquête de son autonomie.

I.  Le  développement  de  l'autonomie  à  l’adolescence.

22
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

L’autonomie  s’avère  être  un  processus  fondamental  dans  la  socialisation  de  l’individu.  L'autonomie  
à conquérir est indicative de "maturité sociale" mais les progrès à réaliser sont lents de part la
résistance  du  milieu  aux  nouvelles  conquêtes  des  jeunes.  L’autonomie,  c’est :
- Apprendre à vivre par soi-même, soit acquérir les habiletés nécessaires pour vivre de
façon indépendante (Cloutier, 1996).
- Capacité (potentiel) et pouvoir (liberté de décider) du sujet de prendre lui-même les
décisions qui le concernent et d'assumer la responsabilité de ses décisions (Charbonneau,
1994).
Le sujet peut avoir la compétence nécessaire pour prendre une décision mais ne pas en avoir la
liberté, au contraire, il peut avoir la liberté de décider mais ne pas avoir la compétence nécessaire.
Cette acquisition peut être considérée comme l'un des défis les plus importants du développement
psychosocial   caractérisant   la   période   de   l’adolescence   (Hill   et   Holmbeck,   1986 ; Turner et al.
1993).   Elle   correspond   à   une   tâche   développementale   critique.   L’accomplissement de cette tâche
étant irrémédiablement modulé par les rapports qui caractérisent la relation parents-adolescents. On
distingue généralement trois types d'autonomie émotionnelle, comportementale et idéologique :
1.1 L'autonomie affective ou émotionnelle.
Elle concerne la maîtrise des affects, des pulsions, des sentiments, des frontières personnelles.
L'accès à une indépendance émotionnelle à l'adolescence suppose une différenciation personnelle
sur le plan émotionnel et une rupture avec les liens de dépendance affective établis durant l'enfance.
Le développement émotionnel est souvent associé à celui de l'identité car il repose sur la capacité de
prendre de la distance par rapport aux autres.
Selon Steinberg (1989), l'indépendance émotionnelle dépend de quatre conditions :
• 1- d'une désidéalisation des parents,
• 2- de la capacité de percevoir ses parents comme des êtres indépendants, pouvant jouer des
rôles autres que celui de parents. 26
• 3- de la capacité à se débrouiller par soi-même et de ne plus se fier aux parents.
• 4- du besoin de préserver son intimité personnelle (vie à soi, secrets).
1.2 L'autonomie comportementale.
Elle est définie par la maîtrise des actions et de leurs conséquences. L'émancipation de la tutelle
parentale peut se repérer concrètement à travers les actes posés et les décisions prises par les
adolescents sans se référer à l'autorité parentale et en dépit des pressions exercer par le milieu. Le
choix personnel des vêtements, de la façon de se coiffer, de manger ce qui plaît et la quantité
désirée, de sortir le soir ou de partir seul en vacances, .... sont des exemples de la prise d'autonomie
qui est le plus souvent source de conflit entre les adolescents et leurs parents. Les travaux de
recherche sur l'accession à l'autonomie comportementale ont abordé en priorité deux dimensions :
les habiletés décisionnelles et la sensibilité aux pressions des autres.
1.1.1- Les habiletés décisionnelles qui sont favorisées par les progrès cognitifs (pensée
formelle) réalisés à l'adolescence. Lewis (1981) met en évidence que les jeunes de 18 ans analysent
différemment la situation avant de prendre une décision importante comparativement aux
adolescents de 12 ans. Ils prennent plus en compte les risques, ils se préoccupent plus des
conséquences de leurs choix, ils sont plus enclins à demander l'avis d'un spécialiste, ils sont
davantage conscients des partis pris dans les opinions de certaines personnes. Ces indices relèvent
d'un niveau de raisonnement plus complexe.
1.1.2 - La sensibilité aux pressions des pairs et des parents qui correspond à une
disposition mentale à se laisser influencer dans ses prises de décisions. Cette dimension est liée à
l'autonomie émotionnelle et à l'identité personnelle (prise de distance émotionnelle / un avis
contraire, habiletés de communication pour expliquer les motifs de son choix et éviter que les
divergences nuisent à la relation). La capacité d'affirmer ses choix implique le respect de soi-même,
qui repose sur l'image que le jeune a de lui-même. La sensibilité aux pairs (au quotidien) serait plus

23
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

forte entre 12 et 16 ans et diminuerait par la suite, il en va de même pour les pressions parentales
(décisions, choix de carrières, principes moraux) (Cloutier, 1996).

1.3 L'autonomie idéologique appelée autonomie des valeurs personnelles.


Elle se caractérise par la maîtrise des valeurs et des idées. Elle concerne l'indépendance du jeune
dans la formation de ses jugements et de ses opinions dans le domaine religieux, politique ou
idéologique. Sans forcément être en désaccord avec ses parents, il est nécessaire que le jeune puisse
construire son propre scénario mental, ses théories personnelles de façon à pouvoir les modifier, les
perfectionner au fil de ses expériences. L'accès à cette autonomie est conditionné par l'influence de
la famille, des pairs, des éducateurs, de toute la culture d'appartenance. Les idées et les croyances
sont des outils essentiels dans l'interprétation du monde que le jeune doit s'approprier en le
démontant et en les remontant lui-même en tant qu'acteur social.

1.4 Considérations théoriques actuelles  de  l’autonomie.


La pensée psychanalytique a largement influencé les théories modernes sur l'autonomie à
l'adolescence (Beyers et Goossens, 2003). Selon cette conception, l'autonomie est définie comme
une séparation d'avec les parents (Blos, 1967). Du fait de la puberté, le besoin de séparation et
d'indépendance émerge au début de l'adolescence. La prise de distance interpersonnelle entre
l’adolescent   et   ses   parents   peut   ainsi   aller   jusqu’à   un   détachement radical et conflictuel ou un
désengagement des figures primaires infantiles des parents (A. Freud, 1958). Autonomie ou
séparation sont envisagées comme opposées ou en contradiction avec la communication ou les
relations avec les parents. Les travaux les plus contemporains sur l'indépendance émotionnelle
remettent en cause la vision psychanalytique du conflit structurant entre parents et adolescents et
l'idée de la rupture nécessaire (Blos, 1979 ; Ryan et Lynch, 1989 ; Lamborn et Steinberg, 1993 ;
Steinberg, 2001). Ces approches insistent sur le rôle de la sécurité de l'attachement dans la 27
facilitation de l'autorégulation des adolescents, de l'individualisation et des comportements
exploratoires (Baumrind, 1991).   Ainsi,   l’autonomisation   de   l’individu   est   envisagée comme étant
dépendante du contexte relationnel dans lequel il évolue (Bomar et Sabatelli, 1996 ; Garber et
Little, 2001). C’est  une   réorientation vers une représentation plus souple du rapport existant entre
les parents et les adolescents caractérisée par le maintien du lien affectif (Ricaud-Droisy, Oubrayrie-
Roussel et Safont-Mottay, 2009). D'après les enquêtes effectuées, deux constats ont contribué à
cette remise en question :
1- la grande majorité des adolescents ne vivent pas de conflits majeurs avec leurs parents
(Choquet et Ledoux, 1994 ; Cloutier et coll., 1994 ; Palmonari et Speltini, 1994 ; Steinberg, 1989).
2- ce sont les jeunes qui ont les meilleures relations avec leurs parents qui atteignent
l'autonomie émotionnelle. Le développement de l'autonomie pour la majorité des adolescents
n'implique pas une rupture avec leur famille (Hill et Holmbeck, 1986 ; Grotevant et Cooper, 1986,
Fize 1992, Franck et al., 1988). En accord avec ces observations, les approches plus socio-
cognitives   de   l’autonomie et de la satisfaction des besoins, conçoivent l'autonomie terme de
compétence (agence) (Beyers et Goossens, 2003 ; Guay, Sénécal, Gauthier et Fernet, 2003).
D’après  cette  conceptualisation,  l’autonomie,  la  compétence  et  l’attachement  sont  les  trois  besoins
psychologiques qui doivent être satisfaits pour aspirer au fonctionnement optimal (Ryan et Deci,
2000 ; Guay et al., 2003).   Cette   représentation   de   l’autonomie   s’apparente   à   celle   de   l’autonomie  
comportementale (Steinberg, 1989) par son emphase mise sur les choix et, donc, sur les habiletés
décisionnelles   de   l’individu.   Greenberger et al. (1975) ont quant à eux proposé un modèle
psychosocial   du   développement   de   l’autonomie   qui   intègre,   en   plus   du   fonctionnement  
psychologique optimal, les desseins de la socialisation : la   capacité   d’interagir   efficacement   avec  
autrui  et  d’occuper  une  place  porteuse  de  satisfaction  au  sein de la société, la capacité à contribuer à
la cohésion sociale. L’autonomie  est  ici une composante de la maturité psychosociale (Greenberger,
1982, 1984 ; Deslandes, 2000) dont l’atteinte  est  la  réussite  ultime  des  processus  de  socialisation  et  
24
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

d’éducation  auxquels sont soumis les adolescents (Deslandes, 2002 ; Steinberg, 1989). Le caractère
problématique de l'émancipation de la tutelle parentale serait donc à relativiser. En fait, si la
présence de désaccords entre parents et adolescents n'est pas rare et semble plutôt constituer la
règle, le passage progressif vers l'autonomie se fait dans la plupart des cas sans heurts violents. La
présence de conflits majeurs s'inscrit le plus souvent dans une histoire familiale perturbée et n'est
pas à rattacher spécifiquement à la problématique adolescente (Laterrasse et de Léonardis, 1993).
En résumé, il existe autant de taxonomies entourant la notion   d’autonomie   qu’il   existe  
d’approches   théoriques.   De   façon   générale,   l’autonomie   est   perçue   comme   un   acquis  
développemental  majeur  de  l’adolescence  qui   comporte  des  aspects   affectifs,  sociaux  et   cognitifs,  
lesquels permettent au jeune de se préparer et de  s’ajuster  aux  exigences  et  aux  responsabilités  qui  
incombent  au  monde  adulte.  Premier  lieu  de  socialisation  de  l’enfant  et  de  l’adolescent,  la  famille  
est plaçée  à  l’avant  plan  des  transformations  résultant  du  développement  de  l’autonomie,  les  parents  
jouent donc un rôle prépondérant dans la réalisation de cette tâche.

II. Le développement des compétences sociales à l'adolescence.

Les compétences sociales sont les produits psychologiques du processus de socialisation


(Cloutier, 1996). Elles permettent au sujet d'avoir un pouvoir réel sur les situations. Entre 12 et 18
ans face aux attentes du milieu, le jeune doit accomplir des actions qui favoriseront l'acquisition de
compétences, mais il ne doit pas forcément attendre d'être sollicité pour répondre ou ne pas
répondre à son entourage. Le sujet doit mettre en place de nouveaux comportement sur tous les
plans, physique (façon de se déplacer..), intellectuel (façon de résoudre les problèmes de réfléchir,
de porter des jugements), affectif (façon de se situer par rapport aux autres, de maîtriser ses
pulsions, d'assumer ses frustrations..). Ces comportements aboutissent à l'acquisition de
compétences sociales, c'est-à-dire les capacités de mettre à profit les ressources personnelles et 28
environnementales nécessaires à l'atteinte des objectifs désirés dans les situations interpersonnelles
(Waters et Sroufe, 1983, cités par Cloutier, 1996, 205). Selon Cloutier (1996), deux facteurs
déterminent plus particulièrement les compétences sociales : les caractéristiques individuelles et
l'apparence physique.

2.1 Les caractéristiques individuelles.


De nombreux facteurs expliquent ces différences : aspects biologiques, tempérament et
personnalité, rendement intellectuel, famille, école, amis, contexte socioculturel, médias... en tant
qu'ils influencent la façon dont les jeunes apprennent à se comporter de façon socialement adaptée.
Selon Peterson et Leigh (1990), trois groupes de caractéristiques individuelles soutiennent le
développement des compétences sociales :
2.1.1 Les ressources internes dont les adolescents disposent à des degrés divers :
- l'estime de soi : afin d'établir des relations avec les autres et d'y participer activement.
- le sentiment d'efficacité personnelle = l'impression de pouvoir agir, de pouvoir atteindre les buts
que l'on se fixe (Bandura, 1986). Très  lié  à  l’estime  de  soi.
- la cognition sociale = la capacité à se mettre à la place des autres et de comprendre leurs
sentiments, leurs attitudes et leurs intentions, permet au jeune de faire une interprétation appropriée
du contexte interpersonnel et d'ajuster sa conduite d'après celle-ci (Shantz, 1983).
- la capacité de résoudre des problèmes interpersonnels facilitent les relations interpersonnelles (=
capacité à proposer des solutions, aptitude à déterminer des objectifs sociaux, habileté à prévoir les
conséquences de leurs actions sur le plan de l'efficacité et de l'acceptabilité sociale, capacité à
percevoir les relations de cause à effet dans un contexte social donné (Shure, 1981 Peterson et
Leigh, 1990) (Cité par Cloutier, 1996).
2.1.2 L'équilibre entre la sociabilité et l'individualité.

25
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

Cet équilibre est assuré par le rapport de force qui s'établit entre les exigences du monde privé du
jeune et celles de son monde social. Une focalisation marquée sur l'une des deux pôles déstabilise
les compétences sociales du jeune : le jeune qui ne pense qu'à lui ne sera pas intéressant pour les
autres, mais celui qui ne pense qu'à autrui ne le sera pas davantage car il manque de respect pour
lui-même.
2.1.3 Les habiletés sociales avec les pairs.
Elles consistent dans la capacité de transposer les ressources internes et l'équilibre individuation-
sociabilité dans les rapports avec les pairs. Ces ressources peuvent se transformer selon les
contextes sociaux en popularité, en statut social, en acceptation ou rejet par les pairs chez la fille
comme chez le garçon. L'adaptation du sujet à un groupe de jeunes plutôt qu'à un autre, est fonction
du répertoire des habiletés qui sont privilégiées à l'intérieur de ce groupe.

2.2 L'apparence physique.


Les adolescents de 12 à 18 ans, constituent le groupe social pour lequel l'apparence physique
occupe une place considérable notamment dans la formation de leur image personnelle ou dans le
choix de leurs idoles. L'apparence physique peut jouer un rôle dans l'établissement des interactions
sociales entre jeunes et être source de disparité dans le vécu des relations : une adolescente dont
l'apparence satisfait aux critères d'attirance physique ne vivra pas les mêmes interactions qu'une
adolescente dont le visage et le corps ne répondent pas aux exigences de la mode et des canons de
beauté. Cependant, cette disparité quant à l'attirance physique, que l'on pourrait appeler la grande
injustice biologique ne suffit pas à expliquer les variantes observées dans les compétences sociales
des adolescents et plus généralement dans le processus de socialisation. Bon nombre de jeunes aux
qualités physiques conformes aux stéréotypes sociaux ne connaissent pas forcément un succès
gratifiant.
29
III. Les relations familiales.

Pendant l'enfance la famille constitue le principal agent de socialisation. Entre 12 et 18 ans, elle
garde son importance bien que l'adolescent doive prendre ses distances par rapport à ses parents.
Les rapports familiaux sont le prototype des rapports ultérieurs. La façon d'entrer en contact avec
autrui, de chercher la présence des autres ou de les fuir, de s'exprimer verbalement ou non, de
donner et de recevoir, de gagner et de perdre, sont autant de comportements acquis dans le famille
pour être expérimenter et adaptés à l'extérieur du cercle familial. L'enfant apprend dans la famille à
comprendre et à connaître les motifs qui poussent les autres à agir, la place de chaque individu dans
la hiérarchie sociale, les liens d'affection ou d'hostilité interpersonnelle. A l'adolescence, le jeune
doit sortir du cadre familial et se construire une vie sociale autonome. Cependant, le milieu familial
continue de modeler et d'encadrer les apprentissages sociaux encore incomplets, il est aussi le
principal cadre de l'individuation. La famille doit doser le soutien à fournir au jeune et le non-
interventionnisme qu'exige l'exercice de son indépendance. Pour faciliter l'autonomisation du jeune,
l'adulte doit être à même de constater le besoin de soutien, de limites clairement définies, de
participation active aux prises de décisions qui la ou le concerne (Cloutier, 1996).

3.1 La modification des relations familiales à l'adolescence.


L'accès au statut d'adulte passe par un remaniement de la personnalité, axé sur la quête d'autonomie.
Il implique donc un renoncement à un statut de dépendance et de subordination aux adultes en
général et aux parents en particulier. Nombre de recherches ont mis en évidence des changements
dans les relations familiales qui sont liés au développement pubertaire des adolescents. Le
développement pubertaire apparaît associé à une distanciation émotionnelle accrue et au
développement de l'autonomie des conduites (flirt, tenue vestimentaire, rapport à l'intérieur de la
famille, participation aux activités familiales quotidiennes). Il apparaît également que le niveau de
26
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

conflit avec les parents est plus élevé lorsque l'enfant, garçon ou fille, se trouve au moment de
changement maximum. La communication est à la fois plus différenciée et plus conflictuelle avec la
mère qu'avec le père. Malgré cela, la mère ressort comme le parent principal : il semble que les
jeunes des deux sexes abordent un plus grand nombre de sujets avec elle, lui prêtent une influence
plus grande dans leurs prises de décisions et lui accordent une meilleurs capacité de coopérer
comparativement au père dont l'autorité est perçue comme plus unilatérale (Cloutier et Groleau,
1988 ; Youniss et Smollar, 1985).

3.2 L'évolution des échanges vers une mutualité relationnelle entre parent et adolescent.
"Le passage de l'enfance à l'âge adulte se traduit dans la famille, par une diminution de l'asymétrie
et une augmentation de la mutualité entre parent et adolescent" (Cloutier, 1996, 222). Les relations
parents adolescent reposent davantage sur la réciprocité et la coopération. L'adolescent prend
conscience des limites de ses parents, de leur force, de leur faiblesse, de leurs qualités, de leurs
défauts en même temps qu'il découvre ses propres limites, qualités et défauts. Il devient apte à
comprendre les émotions, les craintes et espoirs de ses parents, et qu'il peut contribuer de façon
appréciable à leur bonheur, ne le réduisant pas ainsi à leur seule condition de parents. De façon
réciproque, les parents en arrivent à comprendre que leur adolescent(e) n'est plus un enfant mais
une personne qui doit construire son monde indépendant.

IV. Les relations entre pairs à l'adolescence.

L'étude des relations entre pairs et  des  groupes  d’adolescents, loin de se limiter au phénomène de la
délinquance ou des activités à risque, nous fournit de nombreuses indications sur le développement
de la socialisation des jeunes. En effet, la dynamique sociale à l'extérieur de la famille est différente,
l'adolescent doit se faire une place par ses propres moyens et se référer dans chacun de ces échanges 30
à un répertoire de comportements appropriés pour bien réagir. Ces codes reliés à chacun de ces
types relationnels ne naissent pas subitement, mais c'est au cours de l'adolescence qu'on s'attend à
plus, de la part des adolescents et que ceux-ci sont plus exigeants pour eux-mêmes et pour les
autres. Le groupe de pairs représente l'autre possibilité, lorsque l'adolescent cherche à s'éloigner de
ses parents pour trouver un idéal de substitution : la bande, le groupe des adolescents constituent
fréquemment l'expérience intermédiaire entre le vécu familial et le vécu affectif de l'âge adulte
('expérience de nouveaux rôles sociaux, première relation de couple, difficultés scolaires,
implications dans une situation de travail). Il peut ainsi vérifier avec les autres les découvertes qu'il
fait dans la réalité qui l'entoure. De ce point de vue, les parents sont loin d'être les mieux placés
pour êtres les dépositaires des confidences de l'adolescent.

4.1. Les relations amicales.


Entre 12 et 18 ans, l’adolescent  s'inscrit dans un réseau social de pairs choisis qui vont le considérer
pour ce qu'il est. Désireux de prendre ses distances par rapport à ses parents, les amis deviennent
alors les personnes les plus importantes dans le monde social de l'adolescent (Steinberg, 1989).
Mais l'amitié n'est pas toujours simple.   L’adolescent va faire aussi l'expérience de la rivalité, des
jalousies, de la captivité dans la fausse fidélité, et assumer les trahisons, les moments de tristesse.
4.1.1 Les bases de l'amitié.
La réciprocité et l'engagement entre les individus qui se perçoivent comme égaux, sont les deux
conditions de l'amitié (Hartup, 1989). Dans le réseau social de l'adolescent, il faut distinguer "les
connaissances", soit les personnes que l'on connaît bien mais qui ne sont pas vraiment proches, et
"les intimes" peu nombreux, personnes avec qui la relation est ouverte aux confidences et fondée
sur un engagement mutuel (Youniss et Smollar, 1985). L'amitié permet une rétroaction importante
sur soi-même. L'appréciation et la valorisation par les autres de ce qu'il est et ce qu'il fait,
renseignent le jeune sur l'image sociale qu'il projette, l'aident à négocier les ententes avec les autres
27
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et à faire sa place dans le respect d'autrui. Les relations d'amitié favorise   l’exploration   des
dimensions comme la tolérance, la rivalité le tact, la justice, la résistance aux influences des autres...
4.1.2 La validation consensuelle.
Selon Youniss et Smollar (1985), cette notion illustre la réciprocité et la mutualité qui sous tendent
la relation d'amitié. Elle renvoie au processus selon lequel deux personnes travaillent ensemble à
comprendre leur situation à partir d'échanges mutuels, d'idées, de sentiments discutés et évalués en
vue d'un accord.. Cette réflexion commune est une dimension importante de l'amitié entre bons
amis à l'adolescence, elle donne lieu à une production dans laquelle chacun se reconnaît sans avoir
peur de reconnaître l'autre. Cette expérience de nature cognitive, dépend aussi des capacités mais
aussi affective et sociale réalisées à l'adolescence,.
4.1.3 L'amitié et la résolution de conflits.
Grâce aux progrès intellectuels, l'adolescent peut aller plus loin dans la compréhension des autres et
dans l'explication des contradictions qu'une personne peut afficher dans sa conduite d'une situation
à l'autre. Lorsqu'un lien d'amitié s'est développé entre deux jeunes, leur solidarité peut dépasser les
conflits temporaires. La coopération l'emporte sur la compétition, c'est le propre de la relation
d'amitié de transcender les intérêts en particulier au profit de l'intérêt commun. Selon Hartup
(1989), la résolution de conflits entre amis se fait de façon plus douce qu'entre pairs ordinaires, les
accrochages sont moins graves et la situation qui en résulte est plus équitable. Cette gestion des
conflits entre amis contribuent à protéger leurs relations.

4.2 L'évolution des relations amicales pendant l'adolescence.


Douvan, Adelson et Coleman, (1966) et par la suite Coleman (1980), 3 stades d'évolution de
l'amitié sont distingués au cours de l'adolescence :
- l'amitié-activité : au début de l'adolescence (11 à 13 ans environ), plus centrée sur les
activités communes possibles que sur l'interaction elle-même. Ce sont des relations duelles 31
privilégiées, constituées dans la majorité des cas par des individus de même sexe. Les sentiments
associés à la relation d'amitié (réciprocité, engagement, loyauté...) sont encore mal différenciés.
- l'amitié-solidarité : vers 14 à 16 ans, = une intériorisation des fonctions sociales ainsi que
d'un besoin plus intense de soutien interpersonnel face aux expériences vécues, elle suppose le
besoin de confiance réciproque, de loyauté et de sincérité sur la sécurité du lien. L'amitié est
(surtout pour les filles) une relation de soutien moral et d'échange sur les nouvelles situations de vie
comme les premiers rendez-vous hétérosexuels. Elle répond au besoin d'un double de soi-même
confronté aux mêmes problèmes d'identification = > une dépendance par rapport à l'autre, et de
l’angoisse s’il  y  a  manque de loyauté ou une séparation.
- l'amitié-réciprocité : à la fin de l'adolescence (17 ans et plus) : les relations amicales
deviennent moins passionnelles, moins hantées par la peur d'être abandonné ou trahi car plus de
confiance  en  soi  et  de  prise  d’autonomie. Recherche de partage d'expériences. L'intimité est fondée
sur la compréhension mutuelle. Les qualités personnelles de l'ami sont distinguées et les différences
individuelles sont appréciées telles quelles. L'expérience croissante de liens hétérosexuels entraîne
la diminution graduelle de celle des amis de même sexe.
Ces descriptions reposent sur des observations d'ensemble, il est possible que prise individuellement
l'expérience d'un adolescent donné ne reflète pas fidèlement cette évolution.

4.3 L'évolution de la structure du groupe de pairs à  l’adolescence.


Les relations interpersonnelles s'inscrivent simultanément dans deux groupes :
- "le groupe élargi des amis" (15 à 30 membres) fréquentés occasionnellement, sa fonction tourne
autour de l'organisation des activités sportives, de soirées (Cloutier et al, 1994).
- "le groupe restreint" (2 à 5 membres) correspond à celui des amis intimes, il est le plus permanent
et constitue un lieu d'échanges, d'idées, d'intérêts et de sentiments. D'après les recherches effectuées

28
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

(Claës, 1982 ; Crockett, Losof et Petersen, 1984 ; Hartup et Overhauser, 1991), les adolescents ont
généralement un ou une ami intime et cinq bons amis.
Le degré d'intimité indiqué par les jeunes dans ces enquêtes semble un bon prédicteur de la stabilité
de leur amitié. Cloutier (1996) distingue cinq composantes de l'intimité relationnelle entre
adolescents : l'empathie (capacité à se mettre à la place de l'autre et à percevoir ce qu'il ressent),
l'ouverture aux confidences, l'adhésion aux mêmes conceptions, la solidarité et la loyauté. Les
amitiés des filles sont plus intimes (évocation des sentiments amoureux) que celles des garçons
(Hartup et Overhauser, 1991). Les amis sont souvent à peu près du même âge (Cloutier et al, 1994),
généralement du même sexe (moins vers la fin de l'adolescence selon Epstein, 1983), la
consommation d'alcool et de drogue est la même pour les bons amis (Cloutier et al. 1991), ils ont
des aspirations scolaires et professionnelles comparables. C'est surtout vers 14 à 16 ans que les
adolescents sont en groupe pour se divertir, mais le groupe est aussi un lieu : pour rencontrer des
camarades, de partage des expériences, où l'on grandit et une alternative à la solitude. Le groupe de
pairs fournit un cadre de référence et un système de valeurs pour remplacer ceux de l'enfance.
L'expérience du groupe informel à la fin de l'adolescence va se modifier progressivement pour
céder le pas aux relations de couple et à d'autres expériences de groupe plus finalisées. La mixité
favorise ainsi la différenciation sexuelle et facilite la transition vers l'hétérosexualité. Le
groupement amical centré sur « l'être ensemble » ne semble plus fonctionner comme seul point de
référence (Palmonari & Pombeni, 1989, 312).

4.4 Les fonctions du groupe de pairs.


Une des principales fonctions du groupe de pairs selon Lutte (1987), c'est qu'il procure un soutien
affectif (/ à l'éloignement d'avec les parents => incertitude, anxiété et culpabilité). Les amis sont les
meilleurs partenaires de jeu et confidents de l'adolescent. Le sentiment d'être soutenu par les amis
est en lien avec le sentiment de bien-être personnel, l'amitié faciliterait le développement socio- 32
affectif des enfants et des adolescents (Cloutier et al, 1994). Le maintien de bonnes relations
favorise le sentiment d'efficacité personnelle du jeune et l'impression qu'il peut créer son propre
monde social. Le partage de sa réalité intime avec quelqu'un permet une augmentation de la qualité
des analyses, des jugements, de la résolution des problèmes. Le partage, le sentiment de ne pas être
seul, l'objectivation des préoccupations procure une confiance affective à l'adolescent (Cloutier,
1996). Toutefois, l'amitié présente des exigences, et le sujet peut se retrouver rejeter par les pairs.
Le fait de ne pas réussir à se faire d'amis est un indicateur des risques d'inadaptation sociale voire
durable (Parker et Asher, 1987). Un milieu familial défavorable à la socialisation dès l'enfance, a
des effets concrets sur les relations d'amitié qui se prolongent à l'adolescence et à l'âge adulte,
notamment par la mauvaise réputation sociale du jeune, qui va s'inscrire dans son image de lui-
même et l'amène à s'affilier à des groupes qui partagent les mêmes caractéristiques antisociales que
lui. Selon Selman (1980), ces jeunes comprendraient moins bien les enjeux de la réciprocité et de
l'intimité. Par ailleurs, des jeunes socialement compétents peuvent être rejetés par les pairs
notamment par la présence sur leur chemin de pairs qui les agressent et organisent leur rejet (abus
envers le jeune => perte d'estime de soi, anxiété, cauchemars, phobie des situations sociales,
absentéisme scolaire, difficultés relationnelles avec les parents...). Ce rejet de la part des pairs va se
répercuter sur les relations parents-enfants. L'adolescent victime d'abus vit une situation de stress et
est très malheureux, ce qui peut altérer ses relations avec ses parents surtout lorsque l'abus n'est pas
dévoilé.
En conclusion, nous pouvons dire que le groupe de pairs assure un rôle prépondérant dans les
procédures de socialisation des adolescents car les relations avec les partenaires du même sexe et de
sexe opposé offrent un prototype des relations adultes à réaliser sur le plan professionnel, social et
sexuel. Le groupe assume une fonction centrale auprès des adolescents qui vivent une même
problématique sur le plan de l'émancipation de la tutelle parentale, de la recherche d'un statut, et de
l'identification sexuelle. Le groupe de pairs offre l'occasion à l'adolescent de développer des
29
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

relations nouvelles avec autrui, un sens de sa valeur, de prendre des risques et de se confronter à des
réalités compétitives.

Références bibliographiques :
Bidart, C. (1997). L’amitié  :  un  lien  social. Paris: La découverte.
Claës, M. (2003). L'univers social des adolescents. Presses de l'Université de Montréal.
Claës, M. (2004). Les relations entre parents et adolescents : un bref bilan des travaux actuels.
L’orientation  scolaire et professionnelle, 33, n°2, 205-226.
Cloutier, R. (1996). Psychologie de l'adolescence. Montréal, Gaëtan Morin.
Coleman, J.C. (1980). Friendship and the peer group in adolescence. In J. Adelson (Ed.). Handbook
of Adolescent Psychology, New York, Wiley.
Douvan, E., Adelson, J. & Coleman, J.C (1966). The adolescent Experience, New York: Wiley.
Fize, M. (1987). L'adolescent dans sa famille. Revue des affaires sociales, 125-130.
Fize, M. (1990). La démocratie familiale. Evolution des relations parents-enfants. Presses de la
Renaissance, Paris.
Laterasse, C. & De Leonardis, M. (1993). Le développement socio-affectif de l'enfant et de
l'adolescent. In: L.Not (Ed.). Le développement psychologique de l'enfant et de l'adolescent.
Toulouse : EUS. 149-206.
Malrieu, P., Baubion-Broye, A. & Hajjar, V. (1991). Le rôle des oeuvres dans la socialisation de
l'enfant et de l'adolescent. In H.Malewska-Peyre et P. Tap (Eds.). La socialisation de l'enfance à
l'adolescence. Paris: PUF. 163-191.
Palmonari, A. & Speltini, G. (1994). Aspects psychosociaux de la préadolescence. In M. Bolognini,
B. Plancherel, R. Nùnez & W. Bettschart (Eds.). Préadolescence, Théorie, recherche et clinique,
Paris: ESF. 35-40. 33
Rodriguez-Tome, H. (1972). Le moi et l'autre dans la conscience de l'adolescent. Neufchâtel :
Delachaux et Niestlé.
Ricaud-Droisy, H. Oubrayrie-Roussel, N. et Safont-Mottay, C. (2009). Les relations
interpersonnelles   et   la   construction   de   soi   de   l’enfant   et   de   l’adolescent.   In   H.   Ricaud-Droisy, N.
Oubrayrie-Roussel et C. Safont-Mottay. (Eds.). Psychologie du développement. Enfance et
Adolescence. Chap.5 (pp.167-212). Paris : Dunod. Coll. Manuels Visuels de Licence.
Steinberg, L. (1989). Adolescence, 2e éd. New York: Knopf.
Zazzo, B. (1966). Psychologie différentielle de l'adolescence. Paris: PUF.

Thème 9 : Dynamique personnelle et adaptation

Tout individu est, amené à vivre, à un moment ou à un autre, des situations conflictuelles, des
crises, pouvant générer du stress. Face à des événements perçus comme stressants, il ne reste pas
passif et met en place des stratégies lui permettant de faire face à l'événement ou d'en éviter les
effets.

I. Adaptation et changement.
En   Sciences   Humaines,   l’adaptation   signifie   un   maintien   de   l’équilibre,   voire   un   retour   à   l’état  
antérieur quels que  soient  les  changements  de  l’environnement.  

1.1  Qu’est-ce  que  l’adaptation ?


L'adaptation est "l'acte consistant à inventer la réaction appropriée à une situation nouvelle,
appropriation des moyens adéquats à une fin donnée" (Morfaux, 1980, p.10). Selon Nuttin (1967),
« L’individu  n’est  adapté  à  son  milieu  que  dans  la  mesure  où  il  parvient  à  construire  ce  milieu  en  
30
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

fonction   des   conceptions   qu’il   s’en   fait   lui-même » (p.127). A travers la transformation des
situations  selon  ses  propres  conceptions,  l’individu cherche à se réaliser dans le monde.

1.2.  Etudier  l’inadaptation :


L’inadaptation  peut  être  un  moteur  de  l’élan  vital.  Elle  provoque  le sentiment de décalage entre soi
et les autres, entre notre perception intérieure, notre conception de la vie et l’image  que  les  autres  
nous renvoient de nous-mêmes,  l’image  que  le  monde  nous  renvoie  de  sa  complexité.  Ce  décalage  
fonctionne  comme  source  d’inspiration,  de  curiosité,  de  recherche,  de  création.  

Adaptation Inadaptation
Sciences Humaines : - Dans la vie on est toujours inadapté à quelque
- Maintien de l’équilibre chose, en déséquilibre,
- Retour à un état antérieur - Cela  peut  être  un  moteur  de  l’élan  vital  (se  
dépasser, faire des choses, etc..)
Nuttin (1967):
- ajustement fonctionnel entre 2 pôles du processus - décalage entre soi et les autres
vital :  l’organisme  et  le  milieu - décalage entre notre perception intérieure et le
- toutes   les   formes   d’interaction   qui   assurent   le   monde réel, etc,..
fonctionnement   d’un   organisme   ou   d’une   personnalité  
et du milieu
Piaget (1954): - ce décalage : peut  être  source  d’inspiration,  de  
- l’intelligence :  une  forme  d’adaptation (résulte de curiosité, de recherche, de création, ..
l’équilibre  entre  deux  processus  l’assimilation  et   - mais aussi, source de stress intense, de conflit,
l’accommodation) etc..

Mais  l’individu  est  toujours  inadapté  dans  certains  domaines  de  son  existence.  La vie du sujet peut 34
être   ponctuée   d’événements   (maladie,   deuil,   échec...)   qui   remettent   en   cause   son   équilibre  
psychique social et biologique.

1.3. La mise en jeu de la notion de changement


Le changement peut signifier le passage d'un état à un autre, ou le passage d'une transformation à
une autre, impliquant un changement de comportement. "Tout changement implique la
transformation plus ou moins brusque et profonde d'un certain système d'équilibre, donc une phase
de rupture jusqu'à l'apparition d'un nouvel équilibre. " (Maisonneuve, 1982, p.236). Le changement
quel qu'il soit, révèle la présence et l'interdépendance de phénomènes d'ordre cognitif, affectif et
comportemental à la fois, permettant au sujet de s'adapter ou de s'ajuster au mieux, à toute situation
difficile.

1.4 Adaptation au monde ou adaptation à soi ?


On se demande comme Nuttin (1967) si l'adaptation n'est pas plutôt à considérer comme un
mécanisme secondaire. Secondaire en ce sens qu'il est au service d'un dynamisme plus fondamental.
Ce dynamisme fondamental n'est pas de s'adapter au monde, mais de se réaliser dans le monde. Se
réaliser même en étant gravement malade. L'adaptation est perçue par lui comme un sous-système,
comme  une  phase.  Car  même  lorsqu’un  équilibre  est  atteint,  à  travers  de  nouveaux  projets,  le  sujet  
va le rompre. L'inadaptation fondamentale de l'homme, au niveau psychologique n'est pas tant une
inadaptation au milieu qu'une inadaptation à soi-même (op. cit.). Nuttin (1967) dit que l'adaptation
de l'homme à soi-même implique qu'il s'adapte à l'exigence fondamentale de son mode de vie
psychique, à savoir celle de ne pas se contenter de l'adaptation acquise.

31
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

II. L'approche stratégique


Le sujet confronté à une situation totalement nouvelle, en crise, en conflit ou en rupture, va devoir
abandonner ses stratégies habituelles (son style de faire face). . Le style (conformité personnelle,
cadre personnel de référence) est remis en question. Il ne suffit plus à assurer son adaptation. Ne
pouvant plus utiliser les processus assimilateurs ou accommodateurs, il va prendre des risques,
chercher des solutions nouvelles, adopter ou inventer de nouvelles stratégies plus adaptées.

2.1 Du style aux stratégies


L’approche   stratégique   est   donc   dynamique   dans   le   sens   où   l’adaptation   est   une   constante  
nécessité ; elle implique des choix successifs liés aux phases de la conduite.
Le style est fondé sur le sujet (conformité personnelle, certitude, mêmeté), les stratégies
elles, s'articulent dans le rapport que ce sujet établit avec la situation (exigences situationnelle,
incertitude, nouveauté). L’activation  du  processus  stratégique  implique  l’articulation  dynamique  de  
trois éléments sont indispensables et indissociables; les acteurs (individuels ou collectifs) avec leurs
ressources, leurs contraintes et leurs potentialités, la situation avec sa nature, ses contraintes, et ses
enjeux et les finalités poursuivies par les acteurs.

2.2 La diversité des stratégies : les stratégies de personnalisation


Le  sujet,  en  situation  difficile,  va  tenter  de  s’en  sortir  en  mettant  en  place  des stratégies de relance.
A travers une dynamique stratégique, il se donne des objectifs à atteindre, lui permettant  d’espérer  à  
nouveau dans des projets. A travers eux, il reconstruit un itinéraire. Les stratégies s'inscrivent dans
un processus plus large, processus de personnalisation, qui englobe la gestion de la situation présente
(stratégies de coping), l'affirmation ou la défense de l'identité, actuelle et passée (stratégies
identitaires), la quête de reconnaissance d'une position sociale (stratégies de positionnements et
d'engagements sociaux) et l'orientation vers un devenir, impliquant des stratégies de projets. 35

Identité Reconnaissance Positions sociales


Passé
Ancrage Engagement

Légitimation

Identisation S ens Contrôle Présent


Action

Orientation

Futur Dégagement Mobilisation

Projet Anticipation Coping

Figure 1. Les quatre stratégies de personnalisation (d’après  Tap,  Esparbès,  Sordes-Ader, 1995)

L’effet  de  sens,  facilite,  l’articulation  entre  les  quatre  processus  stratégiques.  
- L'identité, s'ancre sur un système de significations à partir duquel le sujet s'évalue, s'estime. En
s'estimant, le sujet se donne à lui-même du sens. La position sociale prend sens en termes
d'engagement et de prise de position, de conviction à défendre. Le projet donne du sens en termes
d'orientation et de prise de  direction,  c’est  la  réalisation à travers un projet de vie. Le coping prend

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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

sens en relation avec l'évaluation de la situation, la signification, la valeur que le sujet lui accorde.
De cette évaluation vont dépendre les stratégies mises en place.

Conclusion : de l'importance de la signification


Les conduites, les actions et les réactions du sujet vont dépendre de la signification (ou de la dé-
signification),   de   l’interprétation   que   le   sujet   va   faire   de   la   situation   dans   laquelle   il   se   trouve  
engagé ou dans  laquelle  il  s’engage.  L’importance  du  contexte  où  se  place  l'événement  dans  la  vie  
du  sujet  n’est  plus  à démontrer, mais c'est surtout l'appréciation qu'en fait le sujet lui-même qui est
centrale. La représentation permet à l'individu ou au groupe, d'appréhender son environnement et
constitue donc un moyen d'appropriation et de maîtrise du monde extérieur (cf. travaux de Lewin,
Moscovici, Nuttin). D'autre part, si elle joue un rôle majeur dans la formation des conduites, c'est
parce que, par elle, le sujet recherche un sens au contexte pour orienter sa propre action.

Références Bibliographiques :
Esparbès-Pistre S. (1997). Représentation de sa maladie et stratégie de faire face à l'adolescence.
Une approche interactionniste de sujets atteints de cancer ou de diabète. Thèse de Doctorat
Nouveau Régime sous la direction de P. Tap.
Esparbès-Pistre, S. et Tap. P. (2001). Identité, projet et adaptation selon les âges de la vie.
Carriérologie. Vol.8, n°1 et 2.
Lazarus, R. S., (1966). Psychological stress and the coping processes, New-York: Mc Graw-Hill.
Lazarus, R. S. And Folkman, S., (1984) Stress, appraisal and coping. New-York: Springer.
Publishing Company.
Safont, C. (1992). Orientation de soi à l'adolescence : ses relations avec l'estime de soi et la
compétence sociale, Doctorat Nouveau Régime de Psychologie, soutenue à l'Université Toulouse le
Mirail, sous la direction du Pr. P. Tap. 36
Tap, P., Esparbès-Pistre, S., & Sordes-Ader, F. (1997). Identité et stratégies de personnalisation.
Bulletin de Psychologie. Tome 50, n°428, 185-196.

Thème 10 : Crises et dynamique des transitions à l'âge adulte


Pendant  longtemps,  l'étude  de  l’âge  adulte  a  été  laissée  au  second  plan,  car  l’adulte  était  considéré  
comme   l’âge   de   l’évidence,   celui   de   la   norme,   du   modèle   de   référence ;;   il   constituait   l’aune   à  
laquelle les autres âges de la vie étaient ramenés et appréciés. L'âge adulte était considéré comme
un  état,  celui  d’une  maturité  acquise.  L’adulte  se  définissait  alors  comme  un  statut.  Cette  conception  
normative et traditionnelle   de   l’adulte   vu   comme   un   accomplissement   définitif,   comme   un   adulte  
statique ne reflète plus l'âge adulte en ce début de 21ème siècle.

I Conceptions de l'Age adulte


De nos jours, dans nos sociétés occidentales et postindustrielles, la vision de la vie adulte est en
constante  évolution  sous  l’effet  des  changements  psychologiques,  politiques,  socio-économiques et
culturels.  Le  terme  adulte  n’a  plus  du  tout  le  même  sens.  La  conception  même  de  l’adulte  a  changé.  

1.1 Une double mutation de perspectives conceptuelles


Selon   Boutinet   (1995,   1998),   la   conception   normative   et   traditionnelle   de   l’adulte   vu   comme   un  
accomplissement définitif, été remise en cause au moins à deux reprises au cours du 20 ième siècle.
* Une première mutation conceptuelle est déjà repérable dans les années 1960 :
En référence à Rogers (1961) et Lapassade (1960), les changements de la société industrielle en
expansion   sont   vécus   individuellement   comme   un   défi   permanent,   l’adulte   se   pense   alors   comme  
perspective,  celle  d’une  maturité vocationnelle jamais acquise, toujours à conquérir.

33
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

* Une  nouvelle  mutation  s’opère  de  nos  jours :  l’avènement  de  la  société  postindustrielle  implique  
la   précarité   et   transforme   l’âge   adulte de perspective en problème,   celui   d’une   immaturité  
engendrée par des circonstances frustrantes qui rendent vulnérables et risqués les itinéraires de la
vie adulte, mais aussi les trajectoires de vie.
La mutation de perspectives conceptuelles évoquée plus haut à propos de l'âge adulte interroge par
là même les autres âges  de  la  vie  dans  leurs  propres  changements  et  incertitudes.  L’adulte  gagne  à  
être  intégré  dans  une  perspective  évolutive,  dans  un  ensemble,  c’est-à-dire dans le life-span7.
Notre culture postmoderne amène avec  elle  le  passage  d’une  société  de  production à une société de
communication ; incertitude radicale sur nos modes de vie, brouillage des âges, contestation des
repères et cadres de références à partir desquels les adultes auparavant pouvaient penser leur
existence. Nous sommes pris dans un tourbillon  de  changements  qui  laissent  l’adulte  seul  face  à  lui-
même.

1.2 Immaturité de l'âge adulte


Selon Boutinet (1995) la maturité ne saurait être un acquis pour l'adulte, c'est un construit, un
processus marqué par l'instabilité. C'est une maturité qui pourra être entrevue à de courts instants de
décisions prises opportunément, pour aussitôt s'évanouir à l'approche de nouvelles crises. Boutinet
(1993) parle alors d’immaturité.

II. Crises et transitions au cours de la vie adulte


Tout au long de sa vie, le sujet est constamment soumis a des pressions, des défis, des agressions,
qui  peuvent  être  stressantes  pour  lui  (tâches  développementales  imposées  par  l’éducation,  la  famille,  
le milieu, la société ex :  l’entrée  à  l’école,  un  nouvel  emploi,  la  maladie,  etc…- auquel il doit faire
face) (cf. Cours sur les notions d'adaptation et de changement). Les événements marquants de la vie
37
et les crises constituent un des facteurs qui influencent le développement (Baltes, Reese et Lipsitt,
1980).

2.1 Crise existentielle


Parler de crise c'est indiquer que le temps vécu n'est pas linéaire. Il ne se développe pas sur un
continuum monotone. Il s'agit plutôt d'une temporalité en spirale avec des moments de structuration
de l'expérience, des moments de déstabilisation, des moments de rupture impliquant à leur suite des
prises de décisions opportunes, enfin des moments de recomposition.
Deux types de recomposition : avec intégration ou non de l'expérience de la crise et ses effets,
- dans le premier cas, il y a intégration de la crise ; la recomposition va alors s'opérer sur un
mode plus complexe qui assurera à l'adulte une autonomie renouvelée parce que devenue plus
subtile en prenant en compte les aléas du trajet réalisé jusqu'ici ;
- dans le second cas, la recomposition se fera sur un mode simplifié, au moindre coût de
l'économie psychique, autour de l'une ou l'autre dépendance que la crise n'aura pas su juguler
mais au contraire contribué à installer; c'est ainsi que l'adulte se recomposera autour d'une
débine, celle de l'alcoolisme en lien avec un événement contrariant, de l'oisiveté par suite de
chômage, de l'isolement ou de la débauche après une séparation conjugale ou autre situation
problématique; certes un équilibre va toujours se refaire mais à un niveau de précarité plus
grand que le niveau délaissé.
Le phénomène de crise exprime une incertitude existentielle sans pour autant prendre forcement la
dimension dramatique.

7
ainsi dénommée par les anglo-saxons,  soit  l’étendue  des  âges  de  la  vie  pris  dans  leur  ensemble.

34
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

2.2 Trajectoire de vie / cours de la vie (ou life-course)


- Modèles théoriques : analyser le développement humain dans le cadre de sociétés changeantes :
(Elder, 1994). Les travaux sur le "cours de la vie" (Super, Elder) et sur les cycles transitionnels
(Nicholson, Fisher, Ruble) décrivent les transitions comme des périodes de passage fondamentales
et normales dans la vie de tout individu. Ils s'interrogent sur les sources de variation de l'ampleur et
de l'intensité des affects liés à chaque étape des différentes transitions.
- Importance de la dimension évolutive des identités de la personne tout au long de la vie.
Importance  d’une  conception du changement personnel et social où l'individu peut garder prise sur
son devenir.
- Le concept de « Cours de la vie » se situe dans une double perspective développementaliste et
interactionniste des conduites humaines. A l’intérieur  des  contraintes  de  leur  monde,  les  personnes  
font des projets, effectuent des choix qui construisent le cours de leur vie.

2.3 Transition
Le concept de transition est intéressant dans sa dimension spatiale évoquant cette obligation dans
laquelle se trouve l'adulte d'avoir à se construire un trajet, un itinéraire fait d'étapes. La transition
est donc cette aire intermédiaire d'expérience, grosse d'instabilité et de tâtonnement, que nous
pouvons situer entre les deux phases qui encadrent la crise, la phase antérieure de structuration, la
phase ultérieure de résolution.
La transition correspond à la période durant laquelle on s'initie au changement, on apprivoise ses
contenus et on expérimente "les nouvelles façons de faire". On se retrouve alors en plein processus
de transformation : il faut abandonner les anciennes habitudes et en acquérir de nouvelles (cf. le
modèle du changement de Lewin).
Avec Houdé (1989) nous identifierons quatre paramètres à toute transition :
38
- son moment : chez le jeune adulte en début de carrière professionnelle, au mitan de la vie, à
l'approche  du  désengagement  de  la  retraite…;;
- sa zone : au niveau du travail, du style de vie, des relations d'intimité, de la famille, de l'image
de  soi….;;
- sa durée et son rythme ;
- les moyens utilisés pour gérer la transition.
Dans la transition se jouent en condensé les trois expériences fondatrices de toute expérience
humaine, telles que ces expériences ont été rapportées par Bowlby (1978) : l'attachement que la
crise va transformer en détachement, la séparation, et la perte.

III. Cycle de vie et temporalité de la vie adulte


Lorsqu'on  étudie  l'âge  adulte,  on  doit  se  demander  comment  circonscrire  différentes  périodes.  L’âge  
adulte   recouvre   la   majeure   partie   de   la   vie   d’un   individu,   une   quarantaine   d’années,   dont   il   est  
difficile  d’opérer  un  découpage  en  stades  se  rapportant  à  différentes  classes  d’âge.  

3.1 Les transitions comme périodes de développement intensif.


Considérées soit à l'échelle sociétale soit à l'échelle individuelle, les transitions correspondent, en
général, à des événements et des moments significatifs, intenses, cruciaux de développement et de
changements. En sorte qu'il faut y voir, non pas des états mais des processus (Parkes in Baubion-
Broye, 1998).
Cycle de vie (Bühler, Erikson, Levinson), tâches developpementales (Havighurst), les approches de
la temporalité adulte proposées jusqu'ici font toutes l'objet de critiques car trop normatives pour
rendre compte de la complexité des processus en cause ou encore trop caricaturales (comme par
exemple celles d'Havighurst). Plutôt que de cerner des tranches d'âge, les chercheurs du XXI siècle
doivent s'efforcer de décrire une dynamique psychologique, une logique de progression
développementale dont les paliers varient selon les individus
35
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

3.2 Les âges de la vie adulte


Boutinet (1998) propose trois formes temporelles de vie adulte aux contours flous, mais
correspondant à trois avancées différentes mais caractéristiques dans la structuration de
l’expérience : le jeune adulte, l’adulte face au mitan de la vie, l’adulte  accompli.
- Le jeune adulte.
Il   sort   de   sa   formation   initiale,   entre   dans   une   période   dite   d’insertion,   période   plus   ou   moins  
prolongée   (attente   et   recherche   d’emploi).   Le   jeune   adulte   se   retrouve   confronté   à   des   tâches  
développementales ou vocationnelles et doit faire preuve de créativité dans deux secteurs : la
construction  d’une  vie  de  couple,  d’une  famille   et   l’engagement  dans  un  travail  professionnel.   Le  
jeune adulte manifeste momentanément sa maturité vocationnelle : capacité à se réaliser soi-même
à  travers  ce  que  l’on  fait.  Elle  implique  cinq principaux indicateurs :  la  résolution  de  l’indécision,  
l’adaptation   à   de   nouveaux   rôles,   la   modification   d’attitudes   trop   exclusives   d’attraction   ou   de  
répulsion,  l’acquisition  de nouvelles  compétences,  l’acceptation  positive  de  l’incertitude.  
- L’adulte  face  au  mitan  de  la  vie.
Le  mitan  de  la  vie  relève  lui  aussi  plus  du  mythe,  de  repères  imaginaires  que  de  l’expérience  réelle  
de  la  personne  à  un  moment  bien  précis.  C’est  un  mitan  psychologique,  beaucoup  plus  qu’un  mitan  
arithmétique. Ce sentiment survient entre 40 ans et 55 ans et dépend surtout des histoires
personnelles mais aussi des environnements culturels de chacun: prise de conscience du temps qui
passe et des « possibles » qui peuvent être encore exploités (bilan de vie).
- L’adulte  accompli.
Il  s’agit  ici  de  considérer  l’adulte  au-delà  du  mitan  de  la  vie  et  dont  l’accomplissement  prend  sens  à  
travers un vécu, des trajets réalisés précédemment et qui sont déterminants pour le temps qui reste à
vivre.  Cet  adulte  a  pu  ainsi  progressivement  se  structurer,  s’accomplir  par  des  situations  vécues  très  
contrastées. Certains adultes ont su trouver une résolution satisfaisante de leur vécu ;;  d’autres  vont  
éprouver le remords, le regret,   la   nostalgie   d’un   temps   et   d’événements   trop   vite   passés,   la   39
résignation   voire   l’ennui   ou   le   dépit.   Ce   redéploiement   est   communément   appelé   force   de   l’âge,  
point  d’acmé  qui  peut  être  suivi,  dans  la  période  dite  du  3ème âge  d’une  attitude  existentielle  dite de
sagesse. De nos jours, la remise en question de la retraite ou pré-retraite anticipée ou la perspective
d’une  retraite  redoutée  peut  provoquer  des  remises  en  questions  et  des  réorganisations.

Conclusion
Ainsi, les étapes de la vie adulte (définies plus haut) se révèlent de moins en moins uniformes et
automatiques.  Elles  sont  jalonnées  de  choix,  de  perspectives  sans  cesse  à  redéfinir,  d’accidents  de  
parcours à conjurer ou à assumer. Boutinet (1998) leur préfère le concept de trajet intégrant lui-
même  une  pluralité  de  trajectoires  avec  sa  part  d’incertitude  et  d’imprévisibilité  voire  de  ce  qu’il  y  a  
de plus chaotique. Au-delà   des   aspects   cycliques   liés   à   l’âge,   il   s’agit   de   prendre   en   compte   des  
itinéraires expérientiels, singuliers face à un environnement   de   plus   en   plus   aléatoire.   C’est   donc  
dans  une  approche  dynamique  et  évolutive  de  la  vie  adulte,  qu’il  nous  faut  penser  le  cours  de  la  vie  
à  travers  ses  étapes,  ses  séquences,  ses  crises,  la  trame  d’une  histoire  personnelle.
Ce qui compte en définitive:  ce  n’est  pas  tant  l’âge  que  l’on  a,  mais  la  façon  dont  nous  interprétons  
notre   âge   dont   nous   le   percevons,   le   ressentons,   l’estimons   (Riverin-Simard, 2001, p.82). En
psychologie du développement nous sommes donc passés de l'âge-critère de normalité à l'âge-indice
de maturité. Nous devons alors garder présent à l'esprit la question de la perception subjective que
chacun se donne de son âge, cette "interprétation" personnelle (Houdé, 1999).

Références bibliographiques :
Bee, H. (1997). Psychologie du développement. Les âges de la vie. Paris : DeBoeck Université.
Boutinet, J.P. (1995). Psychologie de la vie adulte. Paris: P.U.F. Coll. Que sais-je ?
Boutinet, J.P. (1998). L'immaturité de la vie adulte. Paris : P.U.F.
Deleau, M. (1999). Psychologie du développement. Paris : Bréal.
36
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

Vandenplas-Holper, C. (1998).  Le  développement  psychologique  à  l’âge  adulte  et  pendant  la  
vieillesse. Paris : PUF.

Thème 11 : La vie adulte : le développement des rôles sociaux


Intimité, Education, Travail.
Les principaux rôles que doit assumer une personne au début de l'âge adulte se situe sur trois plans :
celui  de  l’intimité  (vie  de  couple,  mariage),  de  l’éducatif  (prise  en  charge  et  responsabilité  à  l’égard  
des enfants) et du travail (rôle professionnel, actualisation des compétences).   L’acquisition   et   le  
contenu   de   ces   rôles   présentent   évidemment   des   variations   d’une   culture   à   l’autre   et   d’une  
population  d’étude  à  l’autre.  Mais  quelle  que  soit  l’évolution  des  normes  culturelles,  toute  personne  
doit ainsi assumer différents rôles qui supposent des relations interpersonnelles complexes.

I. Vie intime et vie sociale


Le   processus   d’acquisition   des   rôles   est   généralement   marqué,   voire   déclenché,   lorsque   le   jeune  
quitte la maison familiale pour vivre de manière autonome, soit pour poursuivre des études, soit
pour effectuer un travail à temps plein. Le jeune adulte traverse alors une période de transition
durant  laquelle  il  ne  vit  plus  avec  sa  famille  tout  en  n’étant  pas  encore  mariés  ou  vivant  une  vie  de  
couple.
 La prise de distance par rapport aux parents
La tâche développementale du jeune adulte consiste à se libérer émotionnellement de ses parents,
tout en leur restant attaché en tant que fils ou fille. 40
 L’établissement   de   la   relation   intime   chez   le   jeune   adulte   :   le   stade   de   l'intimité vs
l'isolement dans la théorie d'Erikson.
Le  début  de  l’âge  adulte  est  une  période  importante  à  la  fois  sur  le  plan  social  et  sur  le  plan  affectif.  
Erikson  met  l’accent  sur  l’engagement  dans  l’intimité  à  cette  période.
Selon   cet   auteur,   l’opposition   entre   intimité   et   isolement   constitue   la   tâche   clé   du   début   de   l’âge
adulte.   La   personnalité   du   jeune   adulte   continue   à   se   définir   en   s’appuyant   sur   l’identité   établie  
durant  l’adolescence.  L’intimité  « c’est  la  capacité  de  fusionner  son  identité  avec  celle d’une  autre  
personne sans craindre de perdre un peu de soi-même » (in Evans, 1969). Celle-ci  n’est  possible  que  
si deux les jeunes personnes sont déjà parvenues à définir clairement leur identité.
L’accomplissement  de  cette  tâche  repose  ainsi  sur  l’établissement  d’un  lien  d’attachement  intime  et  
fort  avec  un  partenaire.  Cette  relation  va  constituer  une  base  de  sécurité  à  partir  de  laquelle  l’adulte  
peut  prendre  confiance  et  entrer  dans  le  monde  du  travail  de  façon  assuré.  A  l’inverse,  selon  cette  
conception, le jeune qui ne parvient pas à établir une relation intime suffisamment forte pourra se
sentir seul ou isolé. Tous  les  jeunes  adultes  bien  que  partiellement  éloignés  des  parents   n’ont   pas  
encore noué de liens intimes avec un partenaire. Les difficultés d’insertion  sociale  tendent  à  différer  
dans  le  temps,  l’établissement  de  relations  de  couple  ou  de  vie  à  deux.  L’accès  à  un  premier  emploi  
reste  une  préoccupation  majeure  et  détermine  pour  une  part,  les  conditions  de  l’installation  dans  une  
vie de couple. La mobilité personnelle devient un « pré-requis »  dans  une  recherche  d’emploi  et  par  
là même tend à restreindre les possibilités de vie commune, pour un temps.
 L’importance  du  réseau  social  et  les  relations  d’amitié
L’établissement  d’une  relation  de  couple est peut-être  l’enjeu  principal  du  stade  de  l’intimité  mais  
c’est  n’est  pas  le  seul  indicateur  de  ce  processus  de  base.  Au  début  de  l’âge  adulte,  chacun  de  nous  
établit une sorte « d’escorte   sociale » (Antonucci, 1990, 1991) soit une couche protectrice
constituée par les membres de la famille, les amis et le partenaire ou le conjoint le cas échéant, qui
entourent  le  sujet  et  l’aident  à  surmonter  les  difficultés  qu’il  peut  rencontrer.  Ce  réseau  de  personnes  
37
PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

demeure assez stable tout au long de la vie. Même s’il   ne   comprend   pas   toujours   les   mêmes  
personnes,   la   taille   de   ce   réseau   et   la   satisfaction   ressentie   à   l’égard   du   soutien   qu’il   apporte,  
semblent relativement constantes (Antonucci, 1990). Le réseau social peut être défini comme
l’ensemble des relations interpersonnelles qu’une   personne   entretient   avec   les   personnes
significatives de son entourage (Claes, 2004).
Evolution  avec  l’âge des  relations  d’amitiés (Claës, 2004) :
• Jeunes adultes (20 - 30 ans)
– Réduction  légère  du  nombre  d’amis  par  rapport  à  l’adolescence
– Évolution  des  qualités  :  plus  de  partage,  moins  d’exclusivité
– Importance des amis reste très forte
• Âge adulte (30 - 65 ans)
– Réduction   de   l’importance   des   amitiés:   investissement   dans   la   vie   familiale   et
professionnelle
– Réduction  du  nombre  d’amis  intimes (particulièrement chez les hommes)
• Vieillesse
– Perte de contacts sociaux
– Restauration  des  amitiés  à  l’âge  avancé
Les relations que nous entretenons avec nos semblables sont un  élément  essentiel  de  l’existence
car elles organisent et structurent la vie quotidienne, donnent un sens à la vie et sont la source des
émotions   les   plus   profondes   (positives   :   joies   de   l’amitié, exaltation amoureuse ; négatives: les
relations interpersonnelles sont la principale source de stress quotidien ; souffrance lors des pertes et
des séparations). Le réseau social apporte certains bénéfices : de nombreuses études établissent des
liens entre le réseau de support (famille immédiate, famille élargie, conjoint, amis proches), la santé
mentale, la santé physique et le bien-être   psychologique.   Ce   n’est   pas   la   taille   du   réseau   qui   est   41
importante (nombre de personnes) mais la qualité des rapports entretenu avec ces personnes (même
si elles sont peu nombreuses). Le bien-être psychologique et la santé mentale sont plus
particulièrement  liés  à  la  satisfaction  à  l’égard  du  support  perçu  (réalité  subjective).

II. Le rôle de conjoint et le rôle de parent


Au début de l'âge adulte, le rôle de parent constitue le second rôle majeur qui est acquis. La
majorité des parents tirent de ce rôle une profonde satisfaction, il semble donner plus de sens à leur
vie, les valorise et leur permet de se sentir pleinement adulte (Hoffman et Manis, 1978; Umberson
et Gove, 1989). Cependant, la naissance du premier enfant marque une série de modifications dans
la vie adulte, particulièrement dans les rôles sexuels et les relations conjugales, et ces changements
ne se font pas sans difficulté.
 La transition parentale
Bien que la vie conjugale et la parentalité soient généralement considérées comme étant
complémentaires, plusieurs nouveaux parents trouvent difficiles de remplir les deux rôles
simultanément. En effet, la période où les époux essaient de redéfinir leur rôle de conjoint, et
souvent aussi celui de travailleur, pour y inclure leur nouveau rôle de parent est stressante pour
nombre  d’entre  eux  (Houts   et al., 2008). Les travaux classiques de LeMaster (1957) définissaient
d’ailleurs  l’arrivée  d’un  premier  enfant  comme  étant  une  période  de  crise  pour  les  couples.  De  nos  
jours,   la   naissance   d’un   premier   enfant est perçue, non plus comme une période de crise, mais
comme   étant   l’une   des   transitions   les   plus   difficiles   et   les   plus   importantes   du   cycle   de   la   vie  
familiale   On   s’entend   généralement   pour   dire   que   la   transition   parentale   s’étend   de   la   première  
grossesse   jusqu’à   la   première   année   de   vie   de   l’enfant   (Lachance-Grzela & Bouchard, 2009). La
transition parentale a été associée à des changements négatifs dans la vie des parents et ce, tant au
niveau individuel que conjugal. Les données de recherche indiquent cependant qu'il y a une
variabilité importante entre les individus dans la façon dont la parentalité les affecte. Étant donné
que la manière dont les nouveaux parents font face à la transition parentale a été associée à la
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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

qualité de la relation parent-enfant et au fonctionnement de l'enfant, il est important de comprendre


pourquoi certains parents vivent plus positivement que d'autres cette transition. Selon la théorie
intergénérationnelle du développement personnel (Guttmann et al., 1999) nos façons d'interagir en
relations intimes, ou de façon plus générale notre niveau de fonctionnement, prendraient racine dans
la   famille   d'origine.   Les   expériences   dans   la   famille   d’origine   ainsi   que   la   personnalité   des   futurs  
parents interagissent les unes avec les autres   afin   d’influencer   le   développement   prénatal   de  
l’identité  de  parent,  lequel,  à  son  tour,  exercera  son  influence  sur  le  bien-être et le fonctionnement
des parents à court et à long terme (MacKinnon & Fairchild, 2009; Muller, Judd, & Yzerbyt, 2005).
 L’intensification des rôles sexuels et affectation de la satisfaction conjugale
La naissance du premier enfant semble provoquer une intensification des rôles sexuels au sein du
couple parental. L'anthropologue D. Gutmann (1975) parle d’impératif parental pour décrire un
modèle «inné» de l'intensification de la différenciation des rôles sexuels après la naissance du
premier enfant.

 Rôles sexués de père ou de mère, traditionnels ou plus actuels :


S’inscrire   dans   un   rôle   sexué   de   père   ou   de   mère,   implique   certaines obligations privées, des
charges publiques, voire même des missions éducatives. Des droits et des devoirs, des conduites et
des attitudes sont alors attachés à la paternité et à la maternité, mais plus que des données fixées une
fois pour toutes, ils modèlent des conceptions de rôles parentaux, évoluant avec les époques. Ainsi,
la traditionnelle division sexuée des attributions, faites à chacun des deux parents, évolue
actuellement vers une répartition plus égalitaire et asexuée des rôles de père et de mère. Notre
société postindustrielle, véritable société de consommation et de communication, véhiculent de
nouvelles normes et valeurs sociales ainsi que de nouveaux modèles culturels qui entraînent par là-
même un bouleversement dans les pratiques familiales et une nouvelle modélisation des rôles
parentaux. 42
 Modèle   traditionnel   d’une   division   sexuée   des   attributions paternelles et
maternelles :
Le modèle traditionnel des rôles parentaux se caractérise par une répartition établie sur la base des
représentations sociales  de  l’homme  et  de  la  femme,  inscrites  dans  un  principe  perpétuel  d’inégalité,  
répartition  des  rôles  qui  s’impose  depuis  la  naissance  du  patriarcat.
- La mère se voit attribuer traditionnellement le rôle affectif et émotionnel car elle adoucit
les disputes,   résout   les   difficultés,   témoigne   de   l’affection   réconforte   et   se   montre   indulgente   à  
l’égard  des  enfants.  En  ce  sens,  la  femme  se  voit  attribuer  un  rôle  expressif.
- Le père   quant   à   lui   s’inscrit   plus   particulièrement   dans   un   rôle éducatif, de leader
instrumental, comme juge final et exécutoire de la punition en cas de conflit, il doit maintenir une
certaine discipline et un contrôle auprès de ces enfants (Michel, 1971). Il a encore de nos jours un
rôle   d’éducateur,   rôle   fondé   sur   la   transmission   des   règles   et   des   valeurs   sociales.   C’est   un   rôle
socialisateur et régulateur. Il doit stimuler les enfants leur faire pénétrer la sphère sociale, les
orienter dans leur vie future en affaiblissant progressivement leur lien unique à la famille, domaine
plus particulièrement maternel.
- Quant au rôle ménager, domestique et économique, traditionnellement, inscrit dans un
« rôle de chef de famille », le père a un rôle économique, il se doit, grâce à son activité
professionnelle de subvenir aux besoins de la famille  (il  règle  les  factures,  gère  l’argent  de  poche  
des  enfants  et  supervise  les  dépenses  familiales).  La  mère  quant  à  elle,  s’affaire  aux  travaux  
domestiques et ménagers pour maintenir un certain confort de vie (cf. travaux de Ariès, 1982).
 Modèle actuel d’une   répartition   plus   égalitaire   et   asexuée   des   attributions
paternelles et maternelles :
A  l’heure  actuelle,  il  appartient  aux  deux  parents  de  tenir  un  rôle  éducatif  à  l’égard  de  leurs  enfants,  
rôle faisant appel à la fois aux aspects affectifs et émotionnels, mais aussi à des pratiques

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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

socialisantes,   stimulantes   et   régulatrices.   Ils   doivent   également   s’inscrire   dans   des   rôles   ménager-
domestiques et économiques qui s'imposent différemment aux deux parents.
- Le rôle éducatif du père et de la mère :
Le discours psychologique sur le développement de l'enfant et sur la puériculture, permet au travers
de ses énonciations un bouleversement de l'inscription du rôle affectif en tant que dimension
traditionnellement et essentiellement maternelle. Les théoriciens de l'attachement tels que
Ainsworth ou Schaffer, inspirés des travaux initiaux de Bowlby, réfutent les vues de ceux qui
accordent à la mère biologique une place privilégiée aux premiers moments du développement
social de l'enfant. L'attachement, lien affectif qui unit une personne à un autre sujet, se traduit par la
recherche de proximité entre le sujet et l'objet d'attachement. Agrippement, sourire, approche,
pleurs en sont la réalisation, et le père, au même titre que la mère peut s'inscrire en tant que figure
d'attachement. Bien que Bowlby (1969) et Ainsworth considèrent le père comme une figure
d'attachement auxiliaire, les avancées plus récentes de la psychologie du développement, le
définissent comme une figure d'attachement aussi efficace que la mère. En ce sens, les pères
deviennent les partenaires du bébé, émotionnellement compétents. Un véritable bouleversement de
l'identité masculine et paternelle s'instaure, les pères bercent, portent et nourrissent leurs enfants.
Ils assument des rôles considérés comme traditionnellement féminins, qu'ils trouvent de plus,
agréables et gratifiants. Leur investissement progressif dans un rôle de "caregiver", au même titre
que la mère voit désormais le jour. La mère, quant à elle, se voit alors contrainte de symboliser à
son tour la "grosse voix" traditionnellement paternelle. Elle interdit et sanctionne, sait se montrer
contraignante et autoritaire.
Affectivité, socialisation, stimulation et régulation, soient les soins et l'éducation des enfants,
s'inscrivent désormais en tant qu'activités aussi bien maternelles que paternelles.
- Le rôle ménager-domestique et économique.
Au cours de ces quarante dernières années, la remontée du travail féminin reste l'un des facteurs 43
principal d'évolution des attributions de rôles quant aux activités ménagères et domestiques ainsi
qu'économiques. La division   traditionnelle   de   ces   rôles   tend   à   s’estomper   également   de   part   les  
conditions de vie des ménages qui ont changé, par une augmentation de leur niveau de vie et leur
engagement dans des dépenses à crédit (pour un logement, une voiture, un appareil
électroménager...). Le père n'est plus seul à assumer son traditionnel rôle de pourvoyeur
économique, la mère y contribue maintenant à son tour et dans une même mesure. La gestion
économique de la famille tend donc en ce sens vers une asexuation caractéristique du modèle plus
actuel des rôles parentaux.
 Satisfaction conjugale
La naissance du premier enfant tend ainsi à affecter la satisfaction conjugale. Elle diminue, au
moins au début (Glenn, 1990) après le mariage. Les travaux de Rollins et Feldman (1970) en
sociologie de la famille, ont montré dans une approche longitudinale et transversale que le degré de
satisfaction atteint un sommet avant l'arrivée des enfants, puis diminue et demeure relativement
faible aussi longtemps que les enfants demeurent à la maison, puisqu'il augmente de nouveau quand
les enfants quittent la maison et au moment de la retraite.
 Pratiques éducatives parentales
Les recherches sur les pratiques éducatives familiales, qui se sont multipliées à partir des années
cinquante (cf. Pourtois & Desmets, 1989), proposent trois ou quatre stratégies familiales.
L’hypothèse   triadique   s’appuie,   explicitement   ou   non,   sur   les   travaux   de   Lewin   concernant  
l’animation   des   groupes,   et   se   trouve   ainsi   fondée   sur   le   style   d’autorité : démocratique,
autocratique ou laisser-faire.   L’hypothèse   quaternaire permet   d’introduire   l’articulation   maximum
entre  l’autorité  et  l’affectivité (cette dernière étant définie en termes de sensibilité, de réponse aux
besoins,   de   sécurité)   aboutissant   à   l’existence   de   quatre   stratégies articulées à partir de deux
dimensions : la sensibilité (aux besoins des enfants/adolescents) et le contrôle (actif ou passif). Par
exemple les quatre styles éducatifs parentaux sont pour Maccoby et Martin (1983) et Baumrind
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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

(1991) : autocratique, désengagé, permissif et exigeant/chaleureux (autoritative). Les stratégies


éducatives sont orientées par le passé des parents et par le présent de la famille. Mais elles orientent
aussi  le  futur  de  l’enfant  et  la  dynamique  familiale,  (Kellerhals  &  Montandon,  1991).
 La  question  de  la  transmission  des  modèles  d’attachement
La   théorie   de   l’attachement   constitue   une   théorie   marquante   et   dominante   aujourd’hui   en  
psychologie du développement, en psychologie des relations interpersonnelles et en
psychopathologie. Elle apporte un éclairage sur les relations interpersonnelles et plus
particulièrement les relations amoureuses et les amitiés. On ne peut plus aborder la question des
relations   parents   enfants   sans   s’y   référer.   Le   débat   s’oriente   en   effet   sur   la   transmission  
intergénérationnelle des modèles  d’attachement.  Ainsi,  Mary  Main (1985) a développé un modèle
d’entretien  mettant  en  évidence  l’attachement  chez  l’adulte.  L’Adult Attachment Interview (ou AAI )
qui explore  les  représentations  de  l’attachement  de  l’adulte  et  permet  d’étudier  le  lien  éventuel  avec  
le comportement de ses enfants. Sur le modèle de la « situation étrange » de Mary Ainsworth quatre
comportements  d’attachement  chez l’adulte sont différentiés :
- le comportement Sécure où  la  cohérence  et  la  fluidité  des  paroles  priment,  ainsi  qu’un  accès  facile  
aux  souvenirs  d’enfance ;
- le comportement appelé Démission   d’attachement   caractérisé   par   l’incohérence   et   par  
l’inconsistance des propos ainsi que par une remémoration  pauvre  de  l’enfance ;
- le comportement Préoccupé où les paroles sont confuses et incohérentes. Ce groupe indique
également une préoccupation continue par rapport aux parents ;
- la catégorie de la Non-Résolution/désorganisés où les sujets ont vécu pendant leur enfance des
expériences   de   rejet,   de   maladie   grave,   de   perte,   d’abus   ou   de   séparation.   Les   personnes   de   ce  
groupe  restent  focalisées  sur  l’explication  de  leur  passé  et  des  relations  avec  leurs  parents  (Fonagy
et al. ,1991).
Hazan  et  Shaver  (1987)  estiment  qu’il  y  a  beaucoup  de  proximité  entre  les  modes  d’expression  des   44
liens  d’attachement  mère/enfant  et  l’attachement  amoureux.
Les   travaux   sur   l’attachement   soulèvent   un   certain   nombre   de   questions   quant   au problème de la
persistance  des  types  d’attachement  durant  la  vie.   Le  mode  d’attachement  construit au début de la
vie va t’il  se  maintenir  toute  la  vie  ?  Peut-on échapper à ce destin ? La tendance générale indique le
maintien. Pourtant certains adultes qui ont connu des relations gravement perturbées avec leurs
parents parviennent à développer des relations harmonieuses avec leur partenaire et leurs propres
enfants. Pour cela, il faut pouvoir se reconstruire, ce qui implique un important travail sur soi
(reconnaissance et acceptation).

III. Le rôle professionnel.


Le troisième rôle assuré par les adultes est celui de travailleur. Ce rôle adopté en partie pour
subvenir au besoin économique est également important pour une autre raison. Un travail
satisfaisant semble êtes un facteur important de bonheur ou de satisfaction dans la vie, autant pour
les hommes que pour les femmes.
Selon Sainsaulieu (1977), l'identité professionnelle se caractérise par le sentiment de permanence et
de continuité que l'individu éprouve dans ses rapports sociaux. Elle n'est pas une acquisition
définitive et peut se dégrader ou se perdre. L'intégration de l'expérience vécue transforme sans cesse
l'individu. L'identité professionnelle suppose un processus dynamique par lequel l'individu tente lui-
même de se faire reconnaître. Cette reconnaissance s'obtient dans un jeu de pouvoir avec d'autres
interlocuteurs, qu'ils soient personnes ou structures sociales.
Le lieu de travail est l'endroit où s'inscrit et se produit pour l'individu la construction de son identité
psychosociale. Les images qui lui sont renvoyées de lui-même à travers son travail et ses relations
avec les autres, collègues, supérieurs ou subordonnés, sont innombrables et sont source constante de
différence, de cohérence, de valorisation ou dévalorisation, toutes dimensions essentielles de

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PY0120X - Psychologie du développement II:  de  l’adolescence  à  l’âge  adulte.

l'identité personnelle (Aubert, 1989). L'identité professionnelle permet une différenciation vis à vis
d'autrui.

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Lectures conseillées : consultation des revues en ligne à partir de votre connexion ENT
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