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"Transformation du travail des managers dans

un contexte de digitalisation du secteur bancaire"

Jacquemin, Chloé

ABSTRACT

Le contexte de digitalisation fait l’objet d’un intérêt croissant. Cet intérêt se retrouve dans les discours
managériaux qui lui attribue un caractère disruptif et nécessaire (Degryse, 2016; Hirsch-Kreinsen, 2016;
Mettling, 2015; Moatti, 2016; Valenduc & Vendramin, 2017). Le secteur bancaire est particulièrement
affecté par cette digitalisation (Gall, 2017; Jayawardhena & Foley, 2000), brandie comme une justification
majeure à la transformation du « business model » des banques et aux réductions d’effectifs conséquentes
(Bernar & Goethals, 2016; de Vauplane, 2015). Au niveau du travail et de l’emploi, la digitalisation
entraîne des changements dans les compétences requises pour les employés, le déclin et l’émergence
de certaines professions (Degryse, 2016; Flecker, Fibich, & Kraemer, 2017; Joseph & Stone, 2003).
À notre connaissance, aucune étude scientifique ne s’est intéressée au travail des managers dans un
contexte de digitalisation. Cette recherche propose d’explorer, à partir de la perspective des managers,
comment le travail des managers de proximité se transforme dans un contexte de digitalisation du secteur
bancaire belge. La revue de la littérature vise à caractériser le contexte de digitalisation dans le secteur
bancaire belge et la manière dont le travail des managers est étudié dans les études sur la gestion et
les organisations. Au terme de la revue de la littérature, les enjeux pour la digitalisation et le travail des
managers sont identifiés. La posture théorique est bâtie sur une double approche : 1) par l...

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Jacquemin, Chloé. Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation du


secteur bancaire.  Louvain Research Institute in Management and Organizations Working Paper Series ;
2018/07 (2018) 37 pages http://hdl.handle.net/2078.1/208464

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WORKING
PAPER

2018/07

Transformation du travail des


managers dans un contexte de
digitalisation du secteur
bancaire

Chloé Jacquemin
Louvain Research Institute in Management
and Organizations

LO U V A I N R E S E A R C H I NS T I T U T E I N MA NA GE ME NT A N D OR GA NI Z A T I O NS
Louvain Research Institute in Management and
Organizations
Working Paper Series
Editor: Prof. Frank Janssen
(president-lourim@uclouvain.be)
Transformation du travail des managers dans un contexte
de digitalisation du secteur bancaire
Chloé Jacquemin, Louvain Research Institute in Management and Organizations

Résumé
Le contexte de digitalisation fait l’objet d’un intérêt croissant. Cet intérêt se retrouve dans les discours
managériaux qui lui attribue un caractère disruptif et nécessaire (Degryse, 2016; Hirsch-Kreinsen,
2016; Mettling, 2015; Moatti, 2016; Valenduc & Vendramin, 2017). Le secteur bancaire est
particulièrement affecté par cette digitalisation (Gall, 2017; Jayawardhena & Foley, 2000), brandie
comme une justification majeure à la transformation du « business model » des banques et aux
réductions d’effectifs conséquentes (Bernar & Goethals, 2016; de Vauplane, 2015). Au niveau du
travail et de l’emploi, la digitalisation entraîne des changements dans les compétences requises pour les
employés, le déclin et l’émergence de certaines professions (Degryse, 2016; Flecker, Fibich, &
Kraemer, 2017; Joseph & Stone, 2003). À notre connaissance, aucune étude scientifique ne s’est
intéressée au travail des managers dans un contexte de digitalisation. Cette recherche propose
d’explorer, à partir de la perspective des managers, comment le travail des managers de proximité se
transforme dans un contexte de digitalisation du secteur bancaire belge. La revue de la littérature vise à
caractériser le contexte de digitalisation dans le secteur bancaire belge et la manière dont le travail des
managers est étudié dans les études sur la gestion et les organisations. Au terme de la revue de la
littérature, les enjeux pour la digitalisation et le travail des managers sont identifiés. La posture
théorique est bâtie sur une double approche : 1) par le travail vivant et 2) basée sur les pratiques. Cette
double approche implique de considérer le travail des managers comme une pratique et le recours à des
méthodes de recherche permettant de se rapprocher du travail en cours et d’être sensible à sa nature
incarnée. Dans ce but, démarche qualitative exploratoire et abductive est privilégiée. Une étude de cas
approfondie avec le recours à la méthode de recherche du shadowing et des entretiens semi-directifs
sont envisagés.

Keywords : travail des managers, digitalisation, practice-based studies, shadowing

This work is part of Chloé Jacquemin’s doctoral project

Corresponding author :
Chloé Jacquemin
Louvain Research Institute in Management and Organizations (LouRIM) / Campus LLN
Université catholique de Louvain (UCL)
Place des doyens 1, bte L2.01.02
B-1348 Louvain-la-Neuve, BELGIUM
Email : chloe.jacquemin@uclouvain.be

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President-lourim@uclouvain.be, LouRIM, UCL, 1 Place des Doyens, B-1348 Louvain-la-Neuve, BELGIUM
https://uclouvain.be/en/research-institutes/lourim
Louvain Research Institute in Management and Organizations (LouRIM)
Working Paper Series

TRANSFORMATION DU TRAVAIL DES MANAGERS DANS UN CONTEXTE


DE DIGITALISATION DU SECTEUR BANCAIRE

CHLOÉ JACQUEMIN*
Louvain Research Institute in Management and Organizations,

Université catholique de Louvain, 1 place des doyens,


B-1348 Louvain-la-Neuve, BELGIUM
chloe.jacquemin@uclouvain.be

Papier présenté au 7ème atelier doctoral sur les Approches Critiques en Management – « Sur le terrain :
conditions, valeur(s) et enjeux des enquêtes empiriques dans les recherches critiques »

Le contexte de digitalisation fait l’objet d’un intérêt croissant. Cet intérêt se retrouve dans les discours
managériaux qui lui attribue un caractère disruptif et nécessaire (Degryse, 2016; Hirsch-Kreinsen,
2016; Mettling, 2015; Moatti, 2016; Valenduc & Vendramin, 2017). Le secteur bancaire est
particulièrement affecté par cette digitalisation (Gall, 2017; Jayawardhena & Foley, 2000), brandie
comme une justification majeure à la transformation du « business model » des banques et aux
réductions d’effectifs conséquentes (Bernar & Goethals, 2016; de Vauplane, 2015). Au niveau du
travail et de l’emploi, la digitalisation entraîne des changements dans les compétences requises pour
les employés, le déclin et l’émergence de certaines professions (Degryse, 2016; Flecker, Fibich, &
Kraemer, 2017; Joseph & Stone, 2003). À notre connaissance, aucune étude scientifique ne s’est
intéressée au travail des managers dans un contexte de digitalisation. Cette recherche propose
d’explorer, à partir de la perspective des managers, comment le travail des managers de proximité se
transforme dans un contexte de digitalisation du secteur bancaire belge. La revue de la littérature vise
à caractériser le contexte de digitalisation dans le secteur bancaire belge et la manière dont le travail
des managers est étudié dans les études sur la gestion et les organisations. Au terme de la revue de la
littérature, les enjeux pour la digitalisation et le travail des managers sont identifiés. La posture
théorique est bâtie sur une double approche : 1) par le travail vivant et 2) basée sur les pratiques. Cette
double approche implique de considérer le travail des managers comme une pratique et le recours à
des méthodes de recherche permettant de se rapprocher du travail en cours et d’être sensible à sa nature
incarnée. Dans ce but, démarche qualitative exploratoire et abductive est privilégiée. Une étude de cas
approfondie avec le recours à la méthode de recherche du shadowing et des entretiens semi-directifs
sont envisagés.
Mots-clés: travail des managers, digitalisation, practice-based studies, shadowing.

*
Corresponding author

1
2 Chloé Jacquemin

1. Introduction
Le contexte de digitalisation fait l’objet d’un intérêt croissant. Cet intérêt se retrouve dans
les discours managériaux qui lui attribue un caractère disruptif et nécessaire † (Degryse,
2016; Hirsch-Kreinsen, 2016; Mettling, 2015; Moatti, 2016; Valenduc & Vendramin,
2017). Le secteur bancaire est particulièrement affecté par cette digitalisation (Gall, 2017;
Jayawardhena & Foley, 2000), brandie comme une justification majeure à la
transformation du business model des banques et aux réductions d’effectifs conséquentes
(Bernar & Goethals, 2016; de Vauplane, 2015). Au niveau du travail et de l’emploi, la
digitalisation entraîne des changements dans les compétences requises pour les employés,
le déclin et l’émergence de certaines professions (Degryse, 2016; Flecker, Fibich, &
Kraemer, 2017; Joseph & Stone, 2003). À notre connaissance, aucune étude scientifique
ne s’est intéressée au travail des managers dans un contexte de digitalisation.
Cette recherche propose d’explorer, à partir de la perspective des managers, comment le
travail des managers se transforme (ou ne se transforme pas) dans un contexte de
digitalisation du secteur bancaire.

Dans ce contexte, la question de recherche est la suivante : Comment les managers de


proximité dans le secteur bancaire belge perçoivent-ils les impacts/l’absence d’impacts
d’un contexte de digitalisation sur leur travail ?

Une ontologie non-essentialiste est adoptée à travers la conception que la réalité est
construite et non donnée. En concordance avec cette vision de la réalité, cette recherche
s’inscrit dans une orientation constructiviste et en particulier dans une perspective
interprétativiste. Cette perspective « suppose que la connaissance peut être créée et
comprise du point de vue des individus qui vivent et travaillent dans une organisation et
une culture particulières » (Hatch & Cunliffe, 2009, p. 35). Elle est cohérente avec
l’objectif de notre recherche qui est de partir des représentations et de l’expérience des
managers de la transformation de leur travail dans un contexte de digitalisation.
En lien avec cette conception de la réalité et pour pallier aux limites des études précédentes
sur le travail des managers et étudier celui-ci dans un contexte de digitalisation, nous
adoptons une double approche : 1) une approche par le travail vivant et 2) basée sur la
pratique (practice-based studies) (voir par ex. Gomez, 2013; Nicolini, 2012).
Premièrement, l’approche par le travail vivant s’inscrit dans la proposition de Gomez
(2013) de réhabiliter un travail vivant dans une société financiarisée en reconnaissant le
travail comme une triple expérience : collective, objective et subjective (Gomez, 2013).
Dans cette approche, la proposition de Taskin et Dietrich (2016) de considérer un
management humain et leur grille de lecture bâtie sur la perspective tridimensionnelle de
Gomez (2013) seront également mobilisées. Deuxièmement, les approches basées sur la
pratique étudient les habitudes individuelles ou les routines, prennent en compte les


Certains titres de revue de presse soulignent un caractère disruptif et nécessaire de la digitalisation tels que par
exemple « Le digital, une révolution sans précédent » Baratoux (2016) ou « La digitalisation c’est maintenant »
Van Campenhout (2016).
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 3

contextes sociétaux et s’intéressent aux règles sociales que les individus produisent et
reproduisent (Rouleau, Allard-Poesi, & Warnier, 2007; Vaara & Whittington, 2012). Elles
nous paraissent prometteuses pour mettre en lumière les réalités du travail managérial,
considérer le travail des managers comme une pratique socialement construite et insuffler
un aspect plus humain dans les recherches sur le management (voir par ex. Geiger, 2009;
Miettinen, Samra-Fredericks, & Yanow, 2009; Nicolini, 2012; Tengblad & Vie, 2012).
Afin de répondre aux questions de recherche, une démarche qualitative et abductive est
privilégiée. Une étude de cas approfondie avec le recours à une méthode
ethnographique (le shadowing) et à la réalisation d’entretiens semi-directifs est envisagé
pour la récolte des données. Dans une démarche interprétativiste, nous nous intéressons
aux représentations des acteurs sur la digitalisation et sur comment celle-ci redimensionne
leur travail. Le choix d’une approche basée sur les pratiques nécessite d’utiliser des
méthodes de recherche proximales qui permettent de se rapprocher du travail en cours et
d’être sensible à sa nature incarnée (Nicolini, 2012). Des entretiens semi-directifs‡ avec les
managers (voir par ex. Alvesson, 2003; McDonald & Simpson, 2014; Rouleau, Allard-
Poesi, & Warnier, 2007) et le shadowing§ (voir par ex. Czarniawska, 2007) permettront de
répondre aux questions de recherche et d’adopter une approche basée sur les pratiques. Le
secteur bancaire est particulièrement touché par la digitalisation et constituera le terrain
empirique.
Finalement, la recherche s’inscrit dans les travaux s’intéressant au travail des managers et
au phénomène émergent de la digitalisation dans le contexte organisationnel ainsi que dans
le champ des études basées sur la pratique. Elle vise à nourrir une perspective critique en
management sur deux dimensions principales : 1) le recours aux approches basées sur la
pratique comme alternative aux analyses dominées par la recherche de performance et
permettant de mettre en évidence l’importance du pouvoir, des conflits et des politiques
comme des éléments constitutifs de la réalité sociale (voir par ex. Gherardi, 2009; Nicolini,
2012; Vaara & Whittington, 2012) et 2) l’interaction directe et approfondie du chercheur
avec les acteurs de l’organisation via une étude ethnographique se basant sur un
raisonnement abductif guidé par les observations sur le terrain (voir par ex. Taskin, 2011).


Ces entretiens semi-directifs avec les managers se dérouleraient au début, au milieu et à la fin de la
période de shadowing. Ils permettraient une prise de recul des managers sur le shadowing.
§
Le shadowing est une technique de recherche ethnographique qui implique un chercheur suivant
(telle une ombre) un acteur d’une organisation dans ses activités et interactions quotidiennes pendant
une période de temps prolongée, tout en prenant des notes de terrain et en enregistrant par audio et/ou
vidéo (Czarniawska, 2007; McDonald, 2005; Vásquez, 2013; Vásquez et al., 2012).
4 Chloé Jacquemin

2. Revue de la littérature

2.1. Un contexte de digitalization dans le secteur bancaire


Peu de littérature scientifique s’intéresse aux impacts des transformations à l’œuvre, et en
particulier de la digitalisation dans le secteur bancaire sur le travail. Peu de travaux
académiques ont également analysé les conséquences des nouvelles technologies sur les
métiers financiers (Simon, 2015). Récemment, des contributions d’universitaires sur la
digitalisation dans le travail émergent et s’intensifient (Ilsoe, 2017). La tendance est
inversée pour les sources issues de la littérature grise, écrites par des consultants ou des
praticiens, dans lesquelles une pléthore d’articles existe au sujet de la digitalisation.
Parmi différentes forces externes auxquelles le secteur bancaire est soumis, le changement
technologique est probablement celui qui a le plus d’impact (Jayawardhena & Foley,
2000). Les développements technologiques ont transformé la manière de gérer et
d’analyser des données financières, permettant une réduction des coûts et une amélioration
de la qualité et de la diversité des services bancaires offerts aux clients (Wilson, Casu,
Girardone, & Molyneux, 2010). Récemment, les impacts de la crise financière ont accéléré
l’utilisation des technologies afin de remplacer des moyens plus conventionnels de
prestations de services financiers (Gall, 2017).
Historiquement, les banques ont été impactées par des changements technologiques tels
que « les communications électrifiées, l’apparition des cartes bancaires, les guichets
automatiques… » (Mieszala, 2015, p. 53). Dans les années 1970, les guichets automatiques
bancaires sont apparus et ont peu à peu remplacé le personnel de guichet des agences
(Audigier, 2016). Ces distributeurs ont permis aux banques d’étendre leur présence
géographique en dehors des agences (Jayawardhena & Foley, 2000). Les guichets
automatiques ont permis d’externaliser certaines opérations et marquent les débuts de
l’automatisation de certaines tâches et d’une banque de self-service (Skinner, 2007) dans
laquelle les relations personnelles avec les clients sont substituées par des rapports
impersonnel. Cette banque de self-service éloigne également les clients des agences
(Storey, Wilkinson, Cressey, & Morris, 1999). Dans les années 1980, les banques lancent
les services bancaires par téléphone. Dès les années 1990 et l’émergence d’Internet,
l’intérêt grandit pour la banque en ligne (Hanafizadeh, Keating, & Khedmatgozar, 2013)
et les banques proposent des applications bancaires en ligne (Hoehle et al., 2012; Storey,
Wilkinson, Cressey, & Morris, 1999). Finalement, les banques capitalisent sur la percée de
l’Internet mobile et de l’adoption croissante des smartphones et des tablettes** et
considèrent ces derniers comme des nouvelles portes d’entrée dans la banque, ce qui
favorise le développement des applications mobiles de services bancaires et l’utilisation de
technologies digitales (Audigier, 2016). Les technologies digitales sont définies comme
une « combinaison de technologies de l’information, de technologies informatiques, de

**
La percée de l’internet mobile en Europe (UE-28) est croissante : 36% des personnes âgées de 16 à 74 ans
utilisait l’internet mobile en 2012 contre 59% en 2016 (Eurostat, 2017).
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 5

technologies de la communication et de technologies de connectivité » (Bharadwaj, El


Sawy, Pavlou, & Venkatraman, 2013, p. 471).
Le contexte de digitalisation fait l’objet d’un intérêt croissant. Certains considèrent la
vague actuelle de digitalisation comme intégrée dans une 3 ème (e.g. Rifkin, 2012) ou une
4ème révolution industrielle (e.g. Schwab, 2017), à la suite de précédentes révolutions
industrielles marquées par des innovations technologiques telles que la machine à vapeur
ou l’électricité. D’autres caractérisent la digitalisation par « l’ère de l’industrie 4.0 » (par
ex. Kagermann, 2015) ou par « le deuxième âge de la machine – second machine age »
(Brynjolfsson & McAfee, 2014).
En l’absence d’une définition unique et opérationnalisable de la digitalisation dans un
environnement organisationnel, nous considérons la digitalisation comme un contexte qui
est caractérisé par quatre composantes : 1) une dimension temporelle de continuité, 2) une
dimension technologique, 3) le discours véhiculé autour de la digitalisation et 4) les effets
de la digitalisation sur les business model, sur le travail et sur l’emploi.

2.1.1. Une dimension temporelle de continuité


Malgré le caractère disruptif qui lui est associé (voir par ex. Moatti, 2016; Olleros & Zhegu,
2016), la digitalisation se situe davantage dans la continuité des transformations du travail
passées (voir par ex. Degryse, 2016; Hirsch-Kreinsen, 2016; Moatti, 2016). Elle désigne
une transformation sociétale de fond, ce qui sous-entend qu’elle est « observée depuis plus
de deux décennies dans la plupart des secteurs d’activités, et dans la plupart des pays
industrialisés » (Taskin & Dietrich, 2016, p. 73). Elle a d’abord touché le secteur industriel
avant de récemment pénétrer dans le secteur des services (Degryse, 2016; Harteis, 2018).
Hirsch-Kreinsen (2016) identifie un processus de digitalisation en deux phases. Depuis les
années 1990, une première phase a débuté dans les secteurs de l’économie dont la
production, la consommation et la communication sont directement basées sur des
transactions intangibles et l’utilisation de données et d’information (par ex. les secteurs de
l’industrie musicale, des services financiers…). Récemment, une deuxième phase a émergé
et vise la digitalisation des objets physiques (Hirsch-Kreinsen, 2016). La digitalisation est
déclenchée par les évolutions technologiques, initialement adoptées par des nouveaux
acteurs au sein d’un secteur (par ex. start-ups) avant d’être adoptées par des organisations
plus traditionnelles (par ex. les banques) (Degryse, 2016). Cette dimension de continuité
et de mise en perspective historique est importante pour ne pas tomber dans le piège de la
nouveauté.
Au regard des changements technologiques antérieurs (voir par ex. l’évolution des guichets
automatiques bancaires vers les applications bancaires mobiles), la digitalisation dans le
secteur bancaire s’inscrit dans une continuité des transformations passées.

2.1.2. Une dimension technologique


Plusieurs définitions soulignent les fondations technologiques sur lesquelles repose le
contexte de digitalisation. D’après Hirsch-Kreinsen (2016, p.2, notre traduction), la
digitalisation est « un processus de changement socioéconomique déclenché par les
6 Chloé Jacquemin

technologies digitales, les applications basées sur celles-ci et particulièrement sur leur
production de réseaux ». Elle se rapporte aux évolutions technologiques qui transforment
les usages et les modes de fonctionnement (Rayna & Striukova, 2017). Selon Valenduc et
Vendramin (2017), l’apparition du Big Data générant des volumes exponentiels
d’informations et l’utilisation par les managers d’algorithmes puissants est un point de
rupture qui permet de caractériser la digitalisation comme un phénomène nouveau par
rapport aux transformations technologiques passées.

2.1.3. Le discours autour de la digitalisation


À travers le temps, le mot « digital » a peu à peu remplacé le mot « numérique » (Moatti,
2016). Moatti (2016, p. 68) indique que ce remplacement de mot n’est pas anodin et
s’interroge sur la nécessité dans un domaine à évolution rapide de ne pas s’installer dans
une sémantique arrêtée et viser une uniformisation terminologique mondiale. Moatti (2016,
p. 69) souligne également que l’adoption d’un nouveau vocabulaire vise à une forme
d’exhortation : « si les entreprises doivent passer au digital c’est parce qu’elles seraient
trop lentes à évoluer. Elles croyaient s’être enfin adaptées au numérique, mais d’aucuns
jugent cette adaptation non suffisante, et en viennent à utiliser le nouveau terme « digital »
à la fois de manière injonctive et de façon à insister sur le caractère forcément nouveau de
la situation ».

2.1.4. Les effets de la digitalisation sur les business model, sur le travail et sur
l’emploi
La digitalisation est un enjeu pour le business model des banques et a des effets sur l’emploi
et le travail.
À un niveau organisationnel, la digitalisation transforme les stratégies organisationnelles
et les business models (Chaniot, 2016; Eurofound, 2016; Riedl, Benlian, Hess, Stelzer, &
Sikora, 2017). Pour répondre aux nouvelles attentes des clients et à la menace des nouveaux
entrants dans le secteur bancaire, les banques traditionnelles belges modifient leurs
relations avec la clientèle et trouve dans la digitalisation un moyen d’élargir leur offre de
services et d’adopter une stratégie omnicanal en multipliant et en intégrant les points de
contact entre la banque et les clients (Bernar & Goethals, 2016; de Vauplane, 2015;
Degryse, 2016; Habets, 2017; Mani & Chouk, 2018). Les banques traditionnelles
diminuent le nombre d’agences et proposent la banque en ligne qui rend les dimensions
d’espaces et de temps non-pertinentes et qui permet de satisfaire à des nouveaux besoins
de connectivité des clients à chaque instant et de n’importe quel endroit (Audigier, 2016).
Elles innovent en proposant des applications bancaires pour les montres connectées ou la
possibilité de se connecter avec une empreinte digitale. Ces nouveaux services permettent
de proposer aux clients des possibilités d’accès étendues à leur banque.
Au niveau de l’emploi, les impacts sont difficiles à estimer car la digitalisation supprime
certains emplois et simultanément en crée et en transforme d’autres (voir par ex. Berger &
Frey, 2016; Degryse, 2016; Flecker et al., 2017; Hirsch-Kreinsen, 2016; Mokyr, Vickers,
& Ziebarth, 2015). Certaines réductions d’effectifs récentes sont justifiées par un tournant
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 7

digital pris par les banques†† (Kirov & Thill, 2018). Au niveau du contenu du travail, la
digitalisation du travail a entraîné : 1) des changements dans les compétences requises pour
les employés (voir par ex. Audigier, 2016; Degryse, 2016; Metge, 2015); 2)
l’automatisation, la robotisation, la dématérialisation et la déqualification du travail (voir
par ex. Arntz, Gregory, & Zierahn, 2016; Degryse, 2016; Ilsoe, 2017; Stiegler, 2015) ; et
3) une nouvelle organisation du travail et une réorganisation des processus (Castells, 2010;
Jemine, 2017; Loebbecke & Picot, 2015; Rubery, 2015).
Dans cette recherche, la digitalisation est donc considérée comme un contexte caractérisé
par quatre composantes : 1) une dimension temporelle de continuité, 2) une dimension
technologique, 3) le discours véhiculé autour de la digitalisation et 4) les effets de la
digitalisation sur les business model, sur le travail et sur l’emploi. Plus particulièrement,
au sein du secteur bancaire, la quatrième composante d’un contexte de digitalisation se
traduit par un changement dans les stratégies organisationnelles (par ex. extension de
l’offre de services, diminution du nombre d’agences), par des réductions d’effectifs
justifiées par le « nouveau tournant digital » et par des changements au niveau du contenu
du travail (par ex. changements dans les compétences requises pour les employés, nouvelle
organisation du travail et réorganisation des processus).

2.2. Une perspective historique sur le travail des managers


Une perspective historique permet de connaître comment le travail des managers a été
étudié théoriquement et empiriquement à travers le temps.

2.2.1. Vision normative – Que devrait-être le travail des managers ?


Antérieurement à l’étude de Carlson (1951), la plupart des études sur les managers (e.g.
Fayol, 1916; Taylor, 1911) adoptent la logique du management scientifique et se
concentrent sur une approche systématique et rationnelle du travail des managers. Leur but
est de proposer des dispositifs managériaux représentant un one best way managérial (seule
et unique manière de réaliser le travail) afin d’augmenter la productivité et l’efficacité
(Knights & Willmott, 2012). Knights et Willmott (2012) notent que les aspects humains
sont absents des travaux de Taylor (1911) et Fayol (1916) qui négligent les sentiments de
l’individu. Finalement, ces approches scientifiques donnent une vision normative sur ce
que devrait être le travail des managers (Knights & Willmott, 2012; Korica, Nicolini, &
Johnson, 2015; Taskin & Dietrich, 2016; Tengblad, 2012, 2017).

2.2.2. Vision statique – Quels sont les éléments constitutifs du travail des managers ?
À partir des années 1950, le courant anglo-américain du Management and Work Behaviour
(MWB) souhaite étudier le travail des managers en s’éloignant de la vision normative
véhiculée par le management scientifique. Au lieu de s’intéresser à ce que devrait être le

††En 2016, c’est la banque ING qui annonçait la suppression de 7000 emplois dont 3158 en Belgique
d’ici 2021 afin d’investir dans sa transformation digitale et de faire face aux taux d’intérêts bas et
aux contraintes réglementaires.
8 Chloé Jacquemin

travail des managers, les auteurs pionniers dans ce courant (i.e. Carlson, 1951; Dalton,
1959; Sayles, 1964) s’intéressent à la question suivante : « Que font vraiment les
managers ? ». Leur but est de comprendre le travail des managers tel qu’il est pratiqué au
quotidien (i.e. ce qu’est le travail des managers en opposition à ce qu’il doit être). Ils
identifient les éléments constitutifs du travail des managers : par exemple, les différentes
activités des managers, le nombre d’heures de travail, la taille des réunions et le but de
l’activité ainsi que les facteurs les influençant (Matthaei, 2010; Noordegraaf & Stewart,
2000; Shenkar, Ronen, Shefy, & Hau-siu, 1998).
En 1951, Carlson est le pionnier de l’étude empirique des managers. Malgré la volonté de
Carlson (1951) de s’éloigner des approches classiques, son étude se situe dans la tradition
des approches par le management scientifique. Elle est basée sur une recherche de
rationalité, de techniques systémiques de prise de décision et de planification et l’étude est
présentée avec le but d’augmenter l’efficacité du travail des managers (Arman, Vie, &
Asvoll, 2012; Tengblad, 2003). Par contre, en contradiction avec l’approche normative
véhiculée par le management scientifique, elle apporte une sensibilité empirique et montre
que le travail des managers est fragmenté et constitué d’interruptions constantes, ce qui
éloigne les managers des fonctions telles que la planification ou la prise de décision (Korica
et al., 2015). Ensuite, l’étude de Dalton (1959) est la seule étude ethnographique des années
1950 (Korica et al., 2015). Ses résultats proposent une description empirique des côtés non-
officiels et informels du travail des managers (par ex. les luttes de pouvoir, l’interprétation
et l’implémentation des politiques de l’organisation, les interactions entre les vies
professionnelle et privée, …) (Tengblad & Vie, 2012; Willmott, 1987). Finalement, Sayles
(1964) s’intéresse à une dimension peu étudiée du travail des managers dans les années
1960 : les relations horizontales entre les managers. Elle est la première à considérer et à
étudier le management comme un processus interpersonnel et interactif (Mintzberg, 2009).
Sa vision localise le travail des managers dans des processus organisationnels. Cela
implique que les managers n’agissent pas de manière isolée mais sont au cœur d’un
processus social construit en interaction avec d’autres acteurs de l’organisation (Hales,
1986; Tengblad & Vie, 2012).
D’un point de vue méthodologique, les premières recherches du courant MWB sont
qualitatives et majoritairement inductives. Elles tentent d’éviter les conceptualisations
théoriques ou normatives et développent des catégories, des concepts et des théories sur
base de preuves empiriques (Noordegraaf & Stewart, 2000). La méthode du journal est
utilisée par plusieurs auteurs (par ex. Carlson, 1951, Burns, 1954, 1957). Par la suite, cette
méthode sera critiquée sur la prédéfinition des catégories, ne laissant pas l’espace à des
découvertes qui pourraient émerger des données empiriques (e.g. McDonald, 2005;
McDonald & Simpson, 2014; Mintzberg, 1973).

2.2.3. Vision dynamique – Le travail des managers comme un processus


Le début des années 1970 marque un tournant dans les approches adoptées pour étudier le
travail des managers : des approches statiques vers des approches dynamiques. Les
approches statiques, citées dans la section précédente, visent à l’identification des éléments
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 9

constitutifs du travail des managers. Les approches dynamiques considèrent le travail des
managers comme un processus (Hales, 1986). Ce tournant implique : 1) la prise en
considération de la diversité et de la variation dans le travail des managers et 2) l’abandon
de catégories prédéfinies au profit de la découverte de catégories issues du terrain.
Dans les années 1970, le travail de Mintzberg (1973) participe à un regain d’intérêt pour le
travail des managers. Mintzberg (1973) s’inscrit dans la tradition du management
scientifique en défendant l’idée que les pratiques traditionnelles de management devraient
être remplacées par des pratiques développées par des scientifiques du management
(Tengblad & Vie, 2012). Ses observations amènent Mintzberg (1973) à constater que les
managers ont en commun d’être investis d’une autorité formelle leur conférant un statut
particulier au sein de l’organisation. Dix rôles découlent de cette autorité et sont classés en
trois catégories de rôles découlant les unes des autres : 1) les rôles interpersonnels, 2) les
rôles liés à l’information, et 3) les rôles décisionnels. Outre cette contribution, Mintzberg
(1973) décrit aussi treize caractéristiques du travail de manager groupées en six
ensembles : 1) la quantité et le rythme de travail du cadre (par ex. une grande quantité de
travail à un rythme soutenu) ; 2) la structure des activités (par ex. des activités caractérisées
par la brièveté, la variété et la fragmentation) ; 3) les dynamiques de travail entre l’action
et la réflexion (par ex. le manager est tourné vers l’action) ; 4) l’utilisation des différents
moyens de communication (par ex. le manager préfère la communication orale) ; 5) les
relations de travail avec d’autres personnes (par ex. le manager passe la majorité de son
temps en relation avec des personnes extérieures à son organisation et avec ses
subordonnés) ; 6) l’interaction entre les droits et les devoirs (par ex. le manager est
responsable de ses engagements initiaux qui lui imposent ensuite un flux d’obligations).
Mintzberg (1973) montre que le manager n’est pas toujours un individu rationnel et un
décideur orienté vers la planification. Ses résultats montrent que le quotidien des managers
est marqué par un grand nombre de tâches courtes, non-reliées les unes aux autres,
fragmentées et entrecoupées d’interactions orales (Martinko & Gardner, 1990). De plus,
les résultats de Mintzberg (1973) révèlent la dimension interactive et sociale du travail des
managers.
Ensuite, Korica et al. (2015) identifient que les années 1980 sont traversées par quatre
grands thèmes qui dominent l’étude du travail des managers : 1) l’étude du travail des
managers dans un contexte interculturel, 2) le lien entre l’étude du travail des managers et
la performance, 3) Le troisième thème aborde l’étude des changements dans le travail des
managers et 4) l’étude du travail des managers en tant que pratique non-neutre
politiquement et véhiculant des relations asymétriques de pouvoir et des structures de
domination.

2.2.4. Intégration des aspects émotionnels, politiques et symboliques dans le travail


des managers
Les années 1990 marquent le début des critiques sur les études antérieures et d’un intérêt
pour les aspects émotionnels, politiques et symboliques du travail des managers (Tengblad
& Vie, 2012).
10 Chloé Jacquemin

Les études antérieures sont également critiquées sur quatre types de lacunes : (1) un
manque d’élaboration théorique, (2) un manque de normativité (i.e. un manque d’attention
pour l’efficacité), (3) un manque de prise en compte du contexte dans lequel les managers
agissent et (4) des lacunes méthodologiques (à mettre en lien avec les préférences de
l’époque pour des méthodologies quantitatives) (Noordegraaf & Stewart, 2000). Malgré
les préférences de l’époque, Watson (1994) publie une ethnographie sur le travail des
managers intitulée In Search of Management : Culture, chaos and control in managerial
work. Avec celle de Royrvik (2013), l’ethnographie de Watson (1994) est encore
considérée comme l’une des plus récentes sur le travail des managers. Il s’intéresse à
l’expérience vécue par les managers dans un contexte qui pousse les organisations à la
poursuite de l’excellence à travers la responsabilisation (empowerment) des employés et
des changements culturels. Les résultats de Watson (1994) contribuent principalement à
considérer le côté émotionnel du travail des managers en mettant en avant différents
aspects : un sentiment d’insécurité, des doutes, de l’incertitude, des conflits de valeurs avec
les objectifs de l’organisation et des attentes contradictoires. Hill (1992) s’intéresse
également aux aspects émotionnels du travail des managers et identifie les interruptions
fréquentes ; les besoins incessants des subordonnés ; la gestion du stress, des conflits et des
émotions… Selon Hill (1992), devenir un manager ne s’apprend pas en assistant à des
cours de management mais plutôt grâce à l’expérience qui permet de faire face à la
complexité, l’ambiguïté, la fragmentation, le stress…Ce processus est également étudié à
la suite de Hill (1992) par Watson et Harris (1999) qui indiquent que les individus
deviennent des managers par un apprentissage ce qui implique qu’il ne suffit pas qu’un
individu en accepte le statut pour être manager. Elle identifie aussi des aspects
symboliques : l’exercice de l’autorité par le manager et l’impact de ses décisions sur
l’atmosphère générale de l’équipe.
Finalement, la tendance de globalisation pousse les recherches, dans la lignée des premiers
travaux de Doktor (1983, 1990), à s’intéresser au travail des managers dans un contexte
interculturel.

2.2.5. Regain d’intérêt pour l’étude du travail des managers et étude de son évolution
Les années 2000 marquent un regain d’intérêt pour les questionnements sur le caractère
stable ou non du travail des managers dans un contexte qualifié de post-bureaucratique
(thème débuté à la fin des années 1980) et pour ce que font les managers (approche
mobilisée dans les années 1950-1970). Le travail des managers est étudié du point de vue
de son évolution : comment il a changé et comment il se positionne dans une société
moderne (Adrian Wilkinson, Armstrong, & Lounsbury, 2017). Le travail des managers est
également fortement questionné (Hassard, McCann, & Morris, 2009; Wilkinson et al.,
2017). Certains prédisent la fin du management et de la figure paternaliste et autoritaire du
manager (par ex. Carney & Getz, 2009; Hamel, 2007) ou considèrent les managers
intermédiaires comme du surplus dans l’économie digitale en réseau et soulignent la
nécessité de les éliminer (Hassard et al., 2009; Robertson, 2015).
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 11

En 2010, Emilio Matthaei réplique l’étude de Mintzberg (1973) sur 12 top managers de
grandes organisations et durant 4 semaines. Il se concentre sur l’allocation du temps entre
différentes activités. Il comble finalement une lacune dans la recherche sur le travail des
managers en s’intéressant aux défis et aux conflits dans les pratiques quotidiennes de
travail. Ses résultats montrent différents changements et des nouvelles directions dans le
travail des managers dont quatre liés aux TIC : 1) les top managers travaillent plus que par
le passé, 2) les frontières entre vies privée et professionnelle se dissolvent, 3) les top
managers passent plus de temps en dehors de leur bureau et 4) les managers font face à
une utilisation inadéquate des moyens de communications par d’autres personnes.
Cette perspective historique permet de comprendre comment le travail des managers a été
étudié empiriquement et théoriquement à travers le temps. Plus récemment, il est identifié
que le concept de « travail » est peu abordé au sein des sciences de gestion (Grimand et al.,
2017). Différents auteurs (par ex. Gomez, 2013 ; Detchessahar, 2013) appellent à replacer
le travail au centre des recherches en sciences de gestion.
12 Chloé Jacquemin

3. Question de recherche
Les éléments soulevés dans la revue de la littérature permettent d’éclairer des domaines
inexplorés dans la littérature académique existante à la fois sur la digitalisation et le travail
des managers.
Nous identifions trois limites des études existantes sur la digitalisation : 1) l’absence du
point de vue des acteurs dans un contexte de digitalisation, 2) la rareté d’études sur les
enjeux de la digitalisation sur le travail et 3) l’absence de définition de la digitalisation.
1) Le point de vue des acteurs est négligé au profit des aspects technique et
stratégique dans un contexte de digitalisation. Lorsque les managers sont
considérés, c’est dans une visée prospective avec le but de leur recommander des
compétences à développer afin de mener une transformation digitale avec succès
et de contribuer à la performance de leur entreprise (McAfee et Brynjolfsson,
2012). Pourtant, Harteis (2018) souligne qu’au-delà des aspects techniques, la
digitalisation du travail soulève différents enjeux, notamment en termes de
contrôle et de gestion des processus de travail. Qui gère le contrôle et les
processus ? – Les systèmes digitaux ou les travailleurs ? De plus, Harteis (2018)
appelle les sciences sociales à analyser des processus de transformation de
digitalisation selon la perspective des individus afin de pouvoir contribuer à une
conceptualisation responsable de l’avenir du travail (Harteis, 2018).
2) Les études sur les effets de la digitalisation s’intéressent surtout à
l’automatisation, la robotisation, la dématérialisation et la déqualification du
travail, majoritairement dans le secteur industriel (voir par ex. Arntz, Gregory, &
Zierahn, 2016 ; Autor, 2015 ; Ilsoe, 2017 ; Loebbecke & Picot, 2015 ; Stiegler,
2015). Dans le secteur bancaire, c’est surtout le travail des gestionnaires
d’agences qui est étudié : prise de décision automatisée et centralisée avec un
éloignement des centres de décisions (voir par ex. Vik, 2016) et diminution de la
nécessité de connaître les pratiques de prêts pour prendre des bonnes décisions
d’octroi de ces prêts car l’utilisation d’outils de cotation est privilégiée sur le
jugement humain (Frame & White, 2014). Les incidences de la digitalisation sur
le travail demeurent peu abordées (Benedetto-Texier, 2017), en particulier dans
le secteur bancaire (Simon, 2015). À notre connaissance, il n’y a pas d’études qui
se sont intéressées aux enjeux de la digitalisation sur le travail des managers dans
le secteur bancaire.
3) L’absence de définition de la digitalisation paraît surprenant et questionne sur le
fait que personne ne définit vraiment la digitalisation. À ce sujet, Moatti (2016, p.
70) souligne que le concept de digitalisation est devenu « englobant, sans que l’on
sache très bien sur quoi il porte » et qu’il est mobilisé par les entreprises de
manière injonctive et de façon à insister sur le caractère forcément nouveau de la
situation. Pourtant, la digitalisation revêt un caractère normatif puisque c’est au
nom de celle-ci que des réductions d’effectifs ou des nouvelles stratégies digitales
sont menées.
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 13

Trois autres limites ont trait au travail des managers : 1) l’aspect « travail » est négligé en
sciences de gestion, 2) il y a une rareté d’études sur les managers de niveaux hiérarchiques
autres qu’élevés et 3) aucune étude sur le travail des managers en Belgique n’a été
effectuée.
1) Les recherches en sciences de gestion sur le « travail » des managers sont rares
(Mallard, 2011). Grimand et al., (2017) indiquent que lorsqu’elles s’y intéressent
c’est souvent à travers d’autres disciplines que la gestion (par ex. sociologie,
psychologie du travail, etc.).
2) La plupart des études classiques sur le travail des managers se sont intéressées à
des managers à des niveaux hiérarchiques élevés (par ex. Carlson, 1951 ;
Mintzberg, 1973 ; Matthaie, 2010). Dans le secteur bancaire, c’est également la
catégorie des senior managers qui est étudiée (voir par ex. Tengblad, 2004) ou le
cas particulier des managers d’agences (voir par ex. Vik, 2016). Jusqu’à présent,
les études n’ont pas considéré les managers de proximité dans les banques (autres
que les managers d’agences).
3) Les études sur le travail des managers sont ancrées dans les contextes nationaux.
La plupart des études portent sur le travail des managers américains (voir par ex.
Mintzberg, 1973) avec quelques exceptions (par ex. l’étude de managers suédois
par Tengblad (2006) et Carlson (1951)). Des comparaisons entre les différents
pays existent (par ex. Doktor, 1983) et sont importantes puisque les spécificités
du travail des managers diffèrent selon les contextes. À notre connaissance,
aucune étude ne s’est intéressée au travail des managers en Belgique.
Ces éléments permettent d’amorcer la proposition d’étudier le travail des managers dans
un contexte de digitalisation et de choisir en particulier le secteur bancaire. Notre de
question de recherche est la suivante : Comment les managers de proximité dans le secteur
bancaire belge perçoivent-ils les impacts/l’absence d’impacts d’un contexte de
digitalisation sur leur travail ? Par cette question, nous nous intéresserons davantage à la
philosophie gestionnaire et aux transformations dans le travail découlant de la digitalisation
qu’à l’architecture technique de la digitalisation. Afin de répondre à cette question, une
posture théorique basée sur double approche est proposée et fera l’objet de la section
suivante : 1) une approche par le travail vivant, 2) basée sur les pratiques.
14 Chloé Jacquemin

4. Posture théorique : une double approche

4.1. Une approche par le travail vivant


Depuis récemment, différents auteurs en gestion (par ex. Detchessahar, 2013 ou Gomez,
2013, Taskin & Dietrich, 2016) proposent et appellent à replacer le travail au centre des
recherches en sciences de gestion.
Pour Gomez (2013), le « travail réel » est devenu invisible suite à sa financiarisation car il
a disparu derrière des ratios, des résultats ou des écrans de données financières… Ce
constat est partagé par Aubert (2012) qui indique que dans le secteur bancaire, le travail
réel disparaît au profit de la seule visibilité d’activités désincarnées (par ex. le nombre de
rendez-vous planifié, le nombre de produits financiers vendus). Le travail devient abstrait :
les processus de travail et les reportings augmentent et simultanément les collaborateurs
ne voient plus que des morceaux de processus. Gomez (2013, 2016) suggère de réhabiliter
un travail qui est vivant dans une société financiarisée. Il propose de considérer que le
travail est une triple expérience de vie : (1) une expérience subjective car le travail est
réalisé par un sujet, (2) une expérience objective car le travail revêt des dimensions
objectives (le bien ou le service produit, le lieu de travail, les horaires) et (3) une expérience
collective car le travail n’est jamais réalisé seul et s’inscrit dans une communauté sociale
dans laquelle il est réalisé avec d’autres ou pour d’autres (Gomez, 2013, p. 173). Taskin
et Dietrich (2016) proposent un management humain et bâtissent une grille de lecture sur
base de la proposition de Gomez (2013) de considérer le travail comme une triple
expérience. Le triptyque de Gomez (2013) est illustré dans la figure 1. La grille de lecture
de Taskin et Dietrich est présentée dans la figure 2.

Figure 1: Le travail comme une triple Figure 2: Le contenu de travail du management


expérience de vie (Gomez, 2013) humain (Taskin et Dietrich, 2016, p. 92)

Les études classiques sur le travail des managers appartenant au courant du Management
and Work Behaviour (MWB) (voir section 1.2) sont réparties selon les trois dimensions du
travail proposées par Gomez (2013) et selon la grille de lecture proposée par Taskin et
Dietrich (2016). Les tableaux qui ont permis de construire la répartition sont repris en
annexe. La répartition (voir tableau ci-dessous) éclaire sur le constat que les trois
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 15

dimensions n’ont pas été considérées simultanément dans l’étude du travail des managers
(à l’exception de l’étude de Matthaie, 2010). Les dimensions objective et collective sont
les plus représentées. Certaines études s’intéressent davantage à la dimension objective du
travail en objectivant des éléments constitutifs du travail des managers et en mesurant le
temps passé à différentes activités ou encore le nombre de réunions. D’autres études
prennent davantage en considération la dimension collective du travail en représentant le
travail des managers comme un processus social. Finalement, quelques études privilégient
l’angle de la dimension subjective en considérant les aspects émotionnels, symboliques et
politiques du travail des managers. Face à ce constat, nous proposons de dépasser une
vision unidimensionnelle ou bidimensionnelle du travail des managers en adoptant la
proposition de Gomez (2013) de considérer une vision tridimensionnelle. Le tableau ci-
dessous reprend les études classiques sur le travail des managers selon les dimensions et la
grille de lecture.
Dimension objective Dimension subjective Dimension collective
Taylor (1911) Dalton (1959) Taylor (1911)
Fayol (1916) Willmott (1987) Fayol (1916)
Carlson (1951) Hill (1992) Sayles (1954)
Sayles (1954) Watson (1994) Burns (1954, 1957)
Burns (1954, 1957) Morris, Hassard et Dalton (1959)
Stewart (1967) McCann (2008) Stewart (1967)
Gulick et Urwick (1973) Matthaie (2010) Gulick et Urwick (1973)
Mintzberg (1973) Mintzberg (1973)
Alexander (1979) Kotter (1982)
Kurke et Aldrich (1983) Kurke et Aldrich (1983)
Kotter (1982) Luthans, Hodgetts et
Luthans, Hodgettes et Rosenkrantz (1988)
Rosenkrantz (1988)
Hales (2001, 2002)
Matthaie (2010)
Cette perspective tridimensionnelle est également intéressante pour étudier les enjeux de
la digitalisation. La digitalisation aurait un effet sur la dimension objective (par ex.
influence l’espace et le temps du travail, les compétences des managers), la dimension
subjective (par ex. le sens que les managers réattribue ou redonne au travail) et la dimension
collective (par ex. la collaboration accrue ou les frontières entre vies privée et
professionnelle qui s’atténuent).

4.2. Une approche basée sur les pratiques


En complémentarité à cette approche par le travail vivant, il est proposé d’étudier le travail
des managers dans un contexte de digitalisation à travers l’approche basée sur les pratiques.
Cette proposition permet d’appréhender plus en profondeur les dimensions collective
(l’approche par les pratiques s’intéresse aux pratiques comme résultantes d’un construit
16 Chloé Jacquemin

social) et subjective du tryptique afin de positionner le « travail réel » au cœur de notre


analyse.

4.2.1. Les théories de la pratique


Il n’y a pas de théorie unifiée sur les théories de la pratique (Miettinen et al., 2009; Nicolini,
2012) car le terme « pratique » est polyphonique (Gherardi, 2009, 2017). Il est donc
important de revenir aux bases épistémologiques des différentes théories (Schatzki, Knorr
Cetina, & von Savigny, 2001). Malgré cette absence d’unification, des caractéristiques
communes aux différentes approches sont souvent citées pour définir les théories pratiques
(Schatzki et al., 2001). Elles ont en commun de se concentrer sur des habitudes
individuelles ou sur les routines, de prendre en compte les contextes sociétaux et de
s’intéresser aux règles sociales que les individus produisent et reproduisent (Tengblad,
2012). Pour les sociologues, les approches basées sur la pratique mettent en avant des
aspects co-constitutifs entre l’action et la structure. La pratique est un concept qui lie un
système de croyances culturelles et de structures sociales à une action organisationnelle et
individuelle (Schatzki et al., 2001). Les théories pratiques soulignent l’importance de
considérer des pratiques contextualisées et donc de s’intéresser à comment les structures
sociales et la capacité humaine sont liées entre elles dans l’explication de l’action (Rouleau
et al., 2007; Vaara & Whittington, 2012; Whittington, 2006). Malgré un focus sur l’action
humaine pour comprendre le fonctionnement des groupes et leurs relations avec
l’organisation et la société, l’étude des pratiques va au-delà de l’intérêt pour l’action : elle
montre également des activités pour donner du sens, pour former une identité ou pour
contrôler et produire qui sont situées dans un contexte de relations sociales, de
significations, de règles, de routines, de savoir-faire, d’objectifs ou de conditions
historiques qui donne du sens à l’action (Feldman & Orlikowski, 2011; Rouleau et al.,
2007).
Pour certains, la perspective pratique consiste à observer les activités au quotidien, pour
d’autres à observer les actions en contexte (Rouleau et al., 2007). Feldman et Orlikowski
(2011) identifient trois manières d’étudier la pratique : (1) empiriquement, (2)
théoriquement et (3) philosophiquement. (1) L’approche empirique s’intéresse à comment
les personnes agissent dans un contexte organisationnel. Elle reconnait l’impact des actions
individuelles sur l’organisation et étudie les activités quotidiennes aussi bien prévues
qu’imprévues. Il s’agit d’une réaction aux théories qui se concentraient uniquement sur des
aspects structurels en négligeant la capacité de l’action humaine. (2) L’approche théorique
se concentre sur la compréhension des relations entre les actions menées par les personnes
et la structure de la vie organisationnelle. Elle ne se focalise donc pas uniquement sur les
activités quotidiennes mais également sur leurs explications. Cela implique d’étudier
comment les pratiques sont produites, renforcées et changent tout en analysant les
conséquences. (3) L’approche philosophique prend comme postulat que la réalité sociale
est constituée de pratiques et s’intéresse au rôle constitutif des pratiques dans la production
de la réalité organisationnelle. Récemment, le rôle joué par des non-humains (e.g. les objets
naturels ou les technologies) dans la construction de la vie sociale a également commencé
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 17

à être analysé. Les perspectives pratiques mettent au défi les trois niveaux d’analyse selon
lesquels un phénomène est traditionnellement étudié. Elles s’intéressent au niveau micro
(les individus) mais ne délaissent pas pour autant les niveaux méso (les routines
institutionnelles) et macro (les institutions, la gouvernance) (Miettinen et al., 2009; Vaara
& Whittington, 2012).
Les théories pratiques nécessitent aussi de relever certains défis comme par exemple de
trouver le langage approprié pour rendre compte de la nature relationnelle et récurrente des
pratiques quotidiennes ou d’avoir une tolérance pour la complexité et l’ambiguïté
puisqu’elles requièrent de s’engager avec les réalités quotidiennes de la vie
organisationnelle, riche d’imprévus (Feldman & Orlikowski, 2011). Malgré ces défis, elles
offrent également des opportunités : les théories pratiques fournissent par exemple des
bases solides pour des généralisations théoriques qui sont certes influencées
contextuellement mais qui offrent la possibilité de comprendre d’autres situations et
contextes. Chaque contexte est différent mais les dynamiques et les relations identifiées
dans un contexte en particulier sont utiles pour comprendre d’autres contextes. Les
généralisations théoriques diffèrent des généralisations statistiques puisque les premières
expliquent des dynamiques dans un contexte particulier et non pas des variations
universelles (Gombault, 2005; Miles & Huberman, 1994, p. 27‑ 28). Ensuite, les théories
pratiques ont la capacité d’offrir des implications pratiques pour les praticiens. Par
exemple, la perspective de la pratique amène les praticiens à plus de réflexivité puisqu’elle
les amène à s’interroger sur leur propre pratique (Rouleau et al., 2007).

4.2.2. Une perspective pratique pour étudier le travail des managers dans un
contexte de digitalisation
La perspective pratique est prometteuse pour étudier le travail des managers dans un
contexte de digitalisation.
Concernant le travail des managers, il est suggéré par certains auteurs (e.g. Nicolini,
2012) que le practice-turn est une approche prometteuse pour comprendre et théoriser le
travail des managers. Dans ce sens, différents auteurs appellent à rejoindre le tournant
pratique afin d’étudier le travail des managers (Korica et al., 2015; Tengblad, 2012).
L’adéquation d’une approche basée sur la pratique pour étudier le travail des managers
n’est pas nouvelle. Pourtant, il n’existe pas encore d’études montrant comment une
approche basée sur la pratique permet de combler les limitations des études précédentes
(Korica et al., 2015). Aussi, une conception théorique de l’action managériale selon cette
perspective est encore à construire (Tengblad & Vie, 2012).
Selon une perspective pratique, « les aspects les plus importants du management portent
sur la manière dont le management est accompli à travers des pratiques professionnelles
quotidiennes » (Tengblad, 2012, p. 5, notre traduction). Etudier le management selon une
perspective pratique permet de changer de grille de lecture : d’une vision se focalisant sur
les techniques de management formelles vers la mise en lumière de modèles
comportementaux et de règles générales. Cette approche est également animée par le désir
d’éviter de construire des catégories abstraites et de prendre en compte les réalités du travail
18 Chloé Jacquemin

managérial (e.g. la surcharge d’information et de travail, la complexité, l’incertitude, les


pressions à la performance, les surprises, les attentes contradictoires…) (Miettinen et al.,
2009; Tengblad, 2012). D’ailleurs, Geiger (2009, p. 129) indique que la perspective
pratique s’est développée en s’éloignant des approches traditionnelles caractérisées par une
analyse formelle, statique, rationnelle et réductrice des organisations. Le tournant pratique
souhaite aller au-delà des modèles prescriptifs pour proposer un regard plus humain dans
les recherches sur le management et les organisations (Geiger, 2009).
La perspective pratique permet aussi de prendre en compte le management comme une
pratique socialement construite et évoluant au cours du temps, notamment lorsque des
nouvelles connaissances, des nouvelles technologies ou des nouvelles compréhensions
émergent (Berger et Luckmann, 1966, cités dans Tengblad, 2012, p. 9). Il s’agit donc de
s’orienter davantage sur des pratiques relationnelles qui permettent de comprendre
comment la vie sociale est incarnée à travers les relations interpersonnelles ou d’objets
dans des réalités multiples et situées plutôt que vers des individus ou des métiers (Feldman
& Orlikowski, 2011; Korica et al., 2015). Jusqu’à présent, les recherches sur le travail des
managers ont d’ailleurs privilégié l’individu plutôt que les groupes ou l’environnement
organisationnel (Wooldridge, Schmidt, & Floyd, 2008). Un exemple récent de l’étude du
travail des managers en tant que pratique est celle de Cloutier, Denis, Langley et Lamothe
(2015). Les auteurs ont étudié les activités et les pratiques des managers à un niveau méso ‡‡
dans le contexte d’une large réforme dans le secteur des soins de santé au Québec.
Finalement, le contexte de digitalisation est appréhendé dans cette recherche au sein d’un
contexte organisationnel à travers les relations et les processus sociaux. Ces approches
permettent également d’étudier le rôle joué par les non-humains (e.g. les technologies) dans
la construction de la vie sociale (Corradi, Gherardi, & Verzelloni, 2008; Feldman &
Orlikowski, 2011; Orlikowski, 2000, 2007). Les transformations passées ont également
montré l’importance des stratégies de management, des relations de pouvoir et des
processus sociaux en lien avec les évolutions technologiques (Valenduc & Vendramin,
2017).

‡‡
Dans cette étude, le niveau méso concerne les managers impliqués dans l’implémentation de la réforme et qui
jouent le rôle d’intermédiaires entre les politiciens qui ont pensé la réforme et les professionnels du terrain qui
appliquent la réforme.
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 19

5. Méthodologie envisagée
Afin de répondre aux questions de recherche, une démarche qualitative et abductive est
privilégiée. L’étude de cas approfondie avec le recours à une méthode de recherche en
ethnographie organisationnelle (le shadowing) et à la réalisation d’entretiens semi-directifs
est envisagé pour la récolte des données. L’ethnographie est particulièrement
recommandée pour les chercheurs qui s’intéressent aux pratiques (Watson, 2011) et est
rarement mobilisée dans les études sur le management (Mats Alvesson & Willmott, 2012;
Birkinshaw, Healey, Suddaby, & Weber, 2014; Korica et al., 2015; Watson, 2011; Ziliak
& McCloskey, 2008). Elle permet de contextualiser et d’incarner les activités que le
chercheur/la chercheuse observe. Une méthode d’ethnographie organisationnelle
particulière est adoptée : le shadowing.

5.1. La technique du shadowing : méthode d’ethnographie organisationnelle


Le shadowing est une technique de recherche associée à l’ethnographique
organisationnelle (Grosjean & Groleau, 2013). Cette technique implique un chercheur qui
devient l’ombre d’un acteur d’une organisation dans ses activités et interactions
quotidiennes pendant une période de temps prolongée, tout en prenant des notes de terrain
et en enregistrant par audio et/ou vidéo (Bourion, Bournois, Grosjean, & Groleau, 2013;
Czarniawska, 2007; McDonald, 2005; Vásquez, 2013; Vásquez, Brummans, & Groleau,
2012). Jusqu’à présent, elle a rarement été utilisée dans la recherche sur les organisations
et en management mais elle gagne en popularité (Gill, 2011; McDonald, 2005; Vásquez,
2013; Vásquez et al., 2012).
McDonald (2005) identifie 3 types différents de shadowing en sciences sociales : 1) le
shadowing comme une première expérience d’apprentissage, 2) le shadowing comme un
moyen d’enregistrer des comportements et 3) le shadowing comme un moyen de
comprendre la réalité organisationnelle à partir du point de vue des acteurs qui la vivent.
Dans cette recherche, nous mobiliserons ce troisième type de shadowing qui est « une
méthode privilégiée pour comprendre les pratiques de travail et les interprétations qu’en
font les acteurs à partir de leurs propres expériences » Vásquez (2013, p. 72). Le shadowing
se révèle particulièrement approprié pour étudier le travail des managers et capturer la
brièveté et la fragmentation inhérentes au travail managérial (Arman, Vie, & Asvoll, 2012;
McDonald, 2005; Noordegraaf, 2014). Le shadowing a d’ailleurs été utilisé antérieurement
dans les études classiques sur le travail des managers (Matthaei, 2010), parfois sous le nom
d’observations structurées/semi-structurées (e.g. Mintzberg, 1973) ou d’observations non-
structurées (e.g. Watson, 1994). Le type de shadowing mobilisé dans ces études se
rapproche plus d’un moyen d’enregistrer des comportements que de comprendre la réalité
à partir du point de vue des acteurs (McDonald, 2005). Ensuite, le shadowing présente
l’avantage de favoriser l’accès à des facettes invisibles de l’organisation, de comprendre
les changements affectant la manière dont le travail est accompli (tels que des changements
technologiques), d’étudier le travail de personnes très mobiles dans l’espace et de donner
une compréhension holistique de la complexité de l’environnement de travail d’une
20 Chloé Jacquemin

personne en particulier (Czarniawska, 2014; Gill, 2011; McDonald & Simpson, 2014).
Cette technique permet également, à l’inverse des méthodes de recherche uniquement
basées sur des entretiens, de prendre en compte le langage corporel des managers et
d’étudier le management comme une pratique incarnée (Noordegraaf, 2014) ainsi que
d’accéder à ce qu’il se passe réellement au travail plutôt qu’à ce qu’il devrait idéalement
se passer au travail (Quinlan, 2008).
Ensuite, notre perspective interprétativiste nous amène à considérer la réalité sociale
comme construite « au travers du jeu des intentions et des interactions des acteurs qui
construisent le sens de cette réalité par la confrontation et le partage de leurs
représentations » (Allard-Poesi & Perret, 2014, p. 26). Comme cette perspective « suppose
que la connaissance peut-être créé et comprise du point de vue des individus qui vivent et
travaillent dans une organisation et une culture particulières » (Hatch & Cunliffe, 2009, p.
35), nous considérons le shadowing afin de comprendre les enjeux de la digitalisation sur
le travail des managers en prenant comme point de départ le les managers eux-mêmes,
leurs interactions et le sens qu’ils en donnent (Vásquez, 2013). Il s’agit d’une double
interprétation : l’interprétation du chercheur des interprétations des acteurs (managers dans
cette recherche). Cette dimension réflexive du shadowing est peu théorisée (Vásquez,
2013).
Finalement, le shadowing est cohérent avec la posture théorique basée sur une double
approche 1) par le travail vivant et 2) basée sur les pratiques. Les théories de la pratique
invitent à considérer de nouvelles méthodologies (Vaara & Whittington, 2012). Le
shadowing est particulièrement appropriée pour étudier les interactions dans des situations
quotidiennes qui sont au cœur de l’étude du management en tant que pratique (Tengblad,
2012). Le choix d’une approche basée sur les pratiques nécessite d’utiliser des méthodes
de recherche proximales qui permettent de se rapprocher du travail en cours et d’être
sensible à sa nature incarnée (Nicolini, 2012). La méthode du shadowing permet de
s’immerger dans l’action et d’étudier le travail des managers comme une pratique incarnée
(Czarniawska, 2007; Noordegraaf, 2014). En suivant les praticiens (les managers dans cette
recherche), il est possible d’accéder à une vision privilégiée des types de relations entre les
différents acteurs, des perspectives et des différents enjeux (Nicolini, 2012).

5.2. Réalisation d’entretiens semi-directifs et analyse documentaire


Le shadowing sera couplée secondairement à d’autres méthodes de recherche (e.g. la
réalisation d’entretiens semi-directifs et l’analyse documentaire). Les entretiens semi-
directifs et l’étude des documents internes permettront aussi d’avoir accès à des
informations appartenant au passé qui ne sont peut-être pas directement observables à
travers le shadowing. Les entretiens semi-directifs se dérouleraient au début, au milieu et
à la fin de la période de shadowing et permettraient une prise de recul des managers sur
cette période. L’analyse documentaire « permet de reconstituer des actions passées
transcrites dans les écrits qui ont influencé les évènements, les décisions et engagé les
individus » (Baumard & Ibert, 2014, p. 290) et d’avoir accès à des informations qui
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 21

n’émergeraient pas spontanément lors des périodes de shadowing ou des entretiens semi-
directifs.
22 Chloé Jacquemin

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Working Paper Series

Annexe
Tableau 1: Classement des études classiques sur le travail des managers selon les 3 dimensions proposées par Gomez (2013) et la grille
de lecture proposée par Taskin et Dietrich (2016)
Légende :
[O] = Prise en compte de cette dimension du travail des managers.
[X] = Non-prise en compte de cette dimension du travail des managers.
Références Dimension objective Dimension Dimension collective
subjective
Taylor (1911) [O] [X] [O]
Management scientifique - Vision

Les managers suivent des best practices dans un but d’augmenter Pas de prise en compte des Il y a une action collective dès qu’un groupe d’acteurs se fixe des
la productivité des organisations. aspects humains et négation des tâches et des objectifs à réaliser (Dumez, 2016).
Fayol (1916) [O] sentiments des individus dans
Gulick et Urwick Le management est une capacité « générale » dont les tâches ne ces études (Knights & Willmott,
(1973) dépendent pas de l’activité de l’organisation. Les managers ont 7 2012).
responsabilités: responsabilités : planifier, organiser, recruter,
diriger, coordonner, contrôler et budgétiser.
normative

1
2 Chloé Jacquemin

Carlson (1951) [O] [X] [X]


Début du courant du Management and Work Behaviour (MWB) – Vision

Les managers doivent suivre des techniques systématiques de


planification et de prise de décision afin d’augmenter l’efficacité
de leur travail.
Le travail des managers est défini par un ensemble d’éléments
constitutifs (nombre d’heures de travail, activités, endroit de
travail).
Burns (1954, 1957) [O] [X] [O]
Le travail des managers est un ensemble d’activité qui peuvent être Les études s’intéressent aux personnes avec lesquelles les managers
mesurées en fonction du pourcentage du temps alloué par les interagissent et à comment ils interagissent avec celles-ci.
managers à ces activités. Exemples d’activités : activités avec le
personnel, activités de recherche et développement, activités
d’organisation, etc.).
Comment les exec passent leur temps, champs d’interactions,
distribution du travail. 2 questions de recherche : Comment les
exec passent leur temps ? Avec qui ils communiquent ?
Enregistrement du temps et des activités. Estimation du
pourcentage de temps passé à différentes activités (exemples
d’activités : activités avec le personnel, activités de
développement et de recherche, activités d’organisation, etc.).
statique

Dalton (1959) [X] [O] [O]


Dalton (1959) s’intéresse aux S’intéresse aux situations sociales que rencontrent les managers et qui
enjeux politiques et aux côtés sont utilisées par ceux-ci pour réaliser leur travail.
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 3

non-officiels dans le travail des


managers (par ex. solutions
mises en place pour résister à
l’imposition de règles
formalisées, luttes de pouvoir,
interactions entre les vies
professionnelle et privée).

Sayles (1954) [O] [X] [O]


Proposition d’activités et d’interactions pour les managers afin Le management est étudié comme un processus interpersonnel et
d’être efficace dans leur travail et faire face à des environnements interactif. Les relations horizontales entre les managers sont
complexes. considérées. Le travail des managers est situé dans des processus
organisationnels qui implique que les managers n’agissent pas de
manière isolée mais sont au cœur d’un processus social construit en
interaction avec d’autres acteurs de l’organisation.
Stewart (1967) [O] [X] [O]
Le travail des managers est un ensemble d’activités menées par les Le travail des managers consiste majoritairement à interagir avec
managers et qui peuvent être mesurées. d’autres personnes.
4 Chloé Jacquemin

Mintzberg (1973) [O] [X] [O]


Kurke et Aldrich Les managers s’engagent dans des activités qui sont caractérisées À travers la proposition de rôles interpersonnels, en particulier les
(1983) par des temps (par ex. selon Mintzberg (1973), 49% des activités rôles de leader et d’agent de liaison.
Alexander (1979) des managers durent moins de 9 minutes) et des lieux (par ex. À travers la proposition de rôles liés à l’information, en particulier les
salles de réunions, bureau personnel). rôles de diffuseur et de porte-parole.
Le travail des managers est caractérisé par 10 rôles et 13 Les résultats de Mintzberg (1973) révèlent la dimension interactive et
Le management comme un processus – Vision dynamique

caractéristiques. sociale du travail des managers.


Kotter (1982) [O] [X] [O]
Luthans, Hodgetts et Les résultats de Kotter (1982) pointent les compétences les plus Autant Kotter (1982) que Luthans et al., (1988) indiquent que les
Rosenkrantz (1988) importantes pour être un manager performant (par ex. managers les plus performants sont ceux qui mobilisent des activités
compétences interpersonnelles et de réseautage). de réseautage.

Willmott (1987) [X] [O] [X]


Le travail des managers et une
pratique non-neutre
politiquement qui véhicule des
relations asymétriques de
pouvoir et des structures de
domination.
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 5

Hill (1992) [X] [O] [X]


Intégration des aspects émotionnels, politiques et symboliques dans

Aspects émotionnels du travail


(par ex. besoins incessants des
subordonnés, gestion du stress,
conflits et émotions).
Aspects symboliques (par ex.
Pourquoi les managers font-ils ce qu’ils font ? –

exercice de l’autorité du
manager et impact de ses
décisions sur l’atmosphère
générale de l’équipe).
Watson (1994) [X] [O] [X]
Les résultats de Watson
contribuent à considérer
l’aspect émotionnel du travail
le travail des managers

des managers (par ex. sentiment


d’insécurité, doutes, conflits de
valeurs avec les objectifs de
l’organisation).
6 Chloé Jacquemin

Hales (2001, 2002) [O] [X] [X]


Dans un contexte qualifié de post-bureaucratique, des nouvelles
Regain d’intérêt pour l’étude du travail des managers

compétences sont pointées pour les managers (par ex. le leadership,


l’entreprenariat, faciliter l’apprentissage organisationnel).

Morris, Hassard et McCann (2008) [X] [O] [X]


Intensification du travail,
augmentation des tâches,
insécurité d’emploi et dans la
carrière, loyauté réduite envers
l’organisation, réduction de
l’engagement et de la motivation
envers l’organisation, impacts
négatifs sur les vies
professionnelle et privée.
Transformation du travail des managers dans un contexte de digitalisation 7

Matthaie (2010) [O] [O] [O]


Matthaie (2010) propose 12 rôles pour les top managers. S’intéresse aux défis et aux
conflits que rencontrent les
managers dans les pratiques
quotidiennes de travail (par ex.
dissolution des frontières entre
vies privé et professionnelle, plus
longues heures de travail que par
le passé).

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