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LA CONDAMNATION DE PRATIQUES TRADITIONNELLES DE

PRODUCTION DES CONFISERIES DE FRUITS À L’EXTRÊME SUD DU


BRÉSIL

Evander Eloi Krone, Renata Menasche, Lucas Braunstein Da Cunha

Presses de Sciences Po | « Sociologies pratiques »

2020/2 N° 41 | pages 39 à 51
ISSN 1295-9278
ISBN 9782724636635
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2020-2-page-39.htm
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La condamnation de pratiques traditionnelles
de production des confiseries de fruits
à l’extrême Sud du Brésil

Evander Eloi KRONE 1, Renata MENASCHE 2, Lucas Braunstein DA CUNHA 3

Résumé : Nous proposons d’examiner certains instruments de contrôle et para-


mètres de qualité mis en place par l’État, en analysant leurs impacts sur la pro-
duction alimentaire artisanale dans le contexte de l’agriculture familiale. Pour ce
faire, nous présentons le cas des familles productrices de confiseries de fruits à
Pelotas, une région située à l’extrême sud du Brésil, où la production de confiseries
de fruits est traditionnelle, inhérente au mode de vie et à l’identité locale. Malgré
l’importance économique et culturelle de cette tradition, elle subit des fortes pres-
sions résultant de l’action des organismes officiels de contrôle sanitaire qui jugent
inadéquates les recettes et les pratiques ancestrales d’une production qui, en 2018,
a été reconnue comme patrimoine culturel immatériel brésilien.
MOTS CLÉS : PRODUITS TRADITIONNELS, ALIMENTATION, QUALITÉ DES ALIMENTS, PATRIMOINE
CULTUREL, CONSOMMATION
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Pelotas, une ville de l’extrême sud du Brésil, a développé une riche production arti-
sanale de confiseries de fruits au cours des deux derniers siècles. Les « confiseries de
Pelotas » sont connues partout dans le pays et cette région est devenue ainsi un terroir
spécialisé dans la production de confiseries d’une qualité exceptionnelle. En 2018, elles
ont obtenu la reconnaissance de l’État, qui, à travers l’Institut du patrimoine historique
et artistique national (IPHAN 4), a enregistré les deux traditions sucrières locales – « pâtis-
series raffinées » 5 et confiseries de fruits – comme patrimoine culturel immatériel
brésilien 6.

1. PhD in Social Anthropology – Federal University of Pernambuco (UFPE).


2. PhD in Social Anthropology. Professor of the Anthropology Post-Graduation Program at the Federal
University of Pelotas (PPGAnt/UFPel) and of the Rural Development Post-Graduation Program at the Federal
University of Rio Grande do Sul (PGDR/UFRGS). Coordinator of the Group of Studies and Researches on
Food, Consumption and Culture (GEPAC).
3. Lawyer – Federal University of Rio Grande (FURG). Master’s degree student in Law – Federal University
of Pelotas (UFPel). Master’s degree student in Anthropology – Federal University of Pelotas (UFPel).
4. L’IPHAN est l’organisme gouvernemental brésilien dédié à la préservation et à la diffusion du patrimoine
matériel et immatériel du pays.
5. Tradition associée à la pâtisserie portugaise, apportés par les colonisateurs. Ces pâtisseries sont
fabriquées notamment à base d’œufs, de sucre et d’amandes.
6. Pour plus d’informations sur l’identification de ces confiseries en tant que patrimoine culturel imma-
tériel brésilien, voir http://portal.iphan.gov.br/pagina/detalhes/1767/

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RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

Figure 1 – Carte illustrative de la région d’étude


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Source : Adapté des départements et secteurs du Rio Grande do Sul, 2019.

La production de confiseries de fruits dans cette région a débuté au milieu du XIXe siècle
à partir de la mise en œuvre de politiques publiques destinées à la formation d’une société
paysanne poly-productrice, composée d’immigrants venant de nombreuses régions
d’Europe, notamment des Allemands, des Français, des Italiens, et des Poméraniens 7.
À partir de produits agricoles tels que la figue, la goyave, l’orange, la pêche et le
raisin, ces familles paysannes ont garanti le développement d’une industrie artisanale
de fabrication de confiseries de fruits, en produisant des confitures, des Schmiers 8,
des fruits confits, des pâtes de fruits, des fruits séchés, entre autres. Cette production
est issue d’une tradition d’origine paysanne, connue dans la région comme les confi-
series coloniales 9, les confiseries de fruits, les confitures anciennes ou les confiseries

7. Les Poméraniens sont originaires de la Poméranie, région côtière de la mer Baltique qui, au cours
de l’immigration au Brésil (seconde moitié du XIXe siècle), était une province du royaume de Prusse.
Aujourd’hui, le territoire de l’ancienne Poméranie est devenu une partie de la Pologne et de l’Allemagne.
8. Le Schmier est une pâte à tartiner produite à partir de pulpe de fruit cuite avec de l’eau et du sucre.
9. Chaque famille immigrante recevait un morceau de terrain, appelé colônia (colonie), ce qui leur a
valu le nom de colon et, par conséquent, les sucreries produites par ces familles étaient connues sous le

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La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

au chaudron. Malgré une histoire longue et la tradition économique et culturelle de


cette production, les familles productrices de ces confiseries coloniales sont
aujourd’hui menacées par des organes gouvernementaux de contrôle qui condam-
nent les méthodes de production traditionnelles et jugent ces confiseries impropres
à la consommation. Dans ce contexte, un groupe d’acteurs de la société civile locale 10
déploie des efforts pour élaborer un plan de sauvegarde de la production de sucreries
traditionnelles de la région de Pelotas. Ce plan en cours de rédaction en dialogue
avec l’IPHAN 11 fait suite à la reconnaissance de cette tradition confiseuse en tant que
patrimoine culturel immatériel brésilien. Cette initiative, prise début 2019 dans la
commune de Morro Redondo est une première dans la région. En effet, la présence
d’agriculteurs familiaux et leur production de confiseries de fruits y est particulièrement
significative.
La question qui guide cet article est de savoir comment les critères actuels d’hygiène
et de qualité, adoptés par l’État, impactent les pratiques traditionnelles de production
de confiseries. Notre hypothèse est que l’État, en établissant des normes d’hygiène et
de qualité fondées sur des normes industrielles, contraint les modes de production
traditionnels.
D’une part, cet article cherche à comprendre comment les organisations du sys-
tème agroalimentaire – entreprises et institutions, publiques ou privées, qui participent
à la production, à la réglementation et à la commercialisation de produits agroalimen-
taires – contrôlent cette production. D’autre part, nous essayerons d’analyser les
effets et les contradictions de ce processus dans le contexte étudié. En démontrant
que la conception moderne de qualité des aliments intrinsèquement liée à l’industria-
lisation oblige les producteurs artisanaux à appliquer ces normes, nous cherchons à
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souligner une situation qui condamne les pratiques de production traditionnelles. Les
données figurant ici ont été obtenues lors de recherches ethnographiques menées
entre 2014 et 2018 (Krone, 2018). Puis, en 2019, lors de la préparation du plan de
sauvegarde susmentionné, à Morro Redondo. Nous avons privilégié, dans cette étude,
les points de vue des familles paysannes. À travers l’observation participante, nous
avons cherché à mettre en lumière les interactions sociales et les modes de pensée
des familles. Nous avons également mené quinze entretiens. De plus, nous avons
analysé des documents, issus de médias, relatifs à la sécurité sanitaire des aliments.
Tous ces matériaux ont été intégrés dans un journal de terrain comprenant observa-
tions, entretiens et enregistrements d’images. Nous avons pu ainsi catégoriser et
analyser les données recueillies.

nom de sucreries coloniales. Les ingrédients de ces confitures sont des fruits de saison, souvent cuits
dans des chaudrons en cuivre.
10. Entre autres, des associations d’agriculteurs, des églises, des écoles, des centres culturels, un
musée historique et des entreprises associées à l’itinéraire touristique, avec le soutien des autorités muni-
cipales et d’une entreprise de recherche agricole, d’un organisme d’assistance technique et d’une uni-
versité de la région et avec la participation des familles paysannes qui produisent des confiseries coloniales.
11. Institut national du patrimoine artistique et historique du Brésil, Rio de Janeiro, Brésil.

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RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

Le pouvoir de l’hygiène

À partir du XIXe siècle, les découvertes scientifiques ont permis de connaître la compo-
sition des aliments, ce qui a ouvert la voie à des innovations dans le secteur de l’indus-
trialisation agroalimentaire (Mennell ; Murcott ; Otterloo, 1994). Des études dans les
domaines de la chimie, de la biologie et de la physiologie alimentaires ont favorisé
l’émergence de techniques de conservation, comme la pasteurisation des aliments,
créée par le chimiste Louis Pasteur. Ces innovations ont augmenté la durée de vie des
aliments, de sorte que le temps de la nature s’adapte au rythme de l’industrie. Les
nouvelles lois sur la production alimentaire favorisent les modèles de production indus-
trielle considérés comme le seul modèle qui garantisse la qualité des aliments. Des
structures et des équipements de taille industrielle, ainsi que l’utilisation de matériaux
inoxydables et d’intrants industriels, sont désormais imposés pour garantir la fiabilité et
la qualité des aliments. Cette alliance entre l’État, l’industrie et la science a conduit à la
constitution d’un réseau institutionnel et à l’élaboration de normes, de lois et d’instru-
ments de contrôle de la production alimentaire.
Le conflit entre les pratiques traditionnelles et les paramètres industriels de la pro-
duction alimentaire est ancien. Après la Seconde guerre mondiale, avec la prolifération
de nouvelles technologies pour la production et la conservation des aliments, ce secteur
a été soumis à une réglementation accrue par l’État et par des entreprises agroalimen-
taires. De cette façon, l’État a développé tout un appareil bureaucratique de normes
dans le but de contrôler et de surveiller la production alimentaire. La qualité des aliments
est un sujet soumis à des conflits et des négociations où des acteurs puissants de la
chaîne agroalimentaire cherchent à imposer leurs normes de production, ce qui crée
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des obstacles à d’autres acteurs, ici les familles paysannes qui produisent des confi-
series coloniales.
Des travaux tels que ceux de Schottz et al. (2014), Cintrão (2016) et Krone (2018)
démontrent que les disputes sur les règles de santé cachent des intentions politiques
et économiques qui visent à favoriser les secteurs de l’industrie. Schottz et al. (2014)
signalent qu’à présent la réglementation concernant les risques sanitaires a suivi ce qui
est établi dans les circuits internationaux, affaiblissant la souveraineté des pays en déve-
loppement. Dans ce contexte, les pays sont obligés de s’adapter aux règles en vigueur,
ce qui impose des contraintes aux cultures alimentaires locales qui suivent des logiques
de production différentes.
Garcia-Parpet (2004), dans son travail d’analyse des certifications de produits alimen-
taires, met également l’accent sur les efforts des grandes entreprises pour imposer des
règles de production destinées à imposer leur pouvoir politique et économique. Enfin, ils
créent des barrières technologiques et sanitaires limitant l’entrée d’autres acteurs sur le
marché. Il convient aussi de mentionner le travail de Bérard et Marchenay (2004) qui avertit
de la présence de représentants des industries nord-américaines dans les comités de
normalisation du Codex Alimentarius 12. Cela démontre qu’en plus des problèmes sani-
taires, l’enjeu est de pouvoir réguler le marché, tout en privilégiant les secteurs industriels
et en posant des barrières aux producteurs artisanaux (Dias et al., 2018).

12. Pour en savoir plus, voir http://www.fao.org/NOUVELLE/1999/codex-f.htm

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La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

Dans le cas du Brésil, ce processus s’est traduit par la consolidation du premier Code
hygiéno-sanitaire pour l’inspection industrielle des aliments, en vigueur depuis 1952. En
1999, l’Agence nationale de surveillance de la santé (Anvisa) a été créée. Il s’agit d’une
agence fédérale responsable de la coordination du Système national de surveillance de
la santé (SNVS), qui intègre des actions à différents niveaux gouvernementaux. L’Anvisa
établit des règles de production alimentaire applicables à l’ensemble du pays.
Le gouvernement fédéral a le pouvoir d’établir des normes générales, mais les États
et les municipalités peuvent également édicter des normes spécifiques. C’est ainsi que,
dans la législation sanitaire brésilienne, se trouvent des normes qui cherchent à contrôler
minutieusement chaque étape du processus de production. Le système brésilien de
surveillance de la santé est ainsi composé d’un réseau complexe de règles, décrets et
lois fédérales, régionales et locales, constamment mises à jour. À titre d’exemple, le
Service brésilien de soutien aux micros et petites entreprises (SEBRAE), entité privée, a
été créé pour optimiser le développement de celles-ci. Il énumère, sur son site officiel,
quatorze réglementations sanitaires nationales applicables au secteur de la production
de confiseries. À ces réglementations s’ajoutent celles créées par les gouvernements
des États et des municipalités 13.
Les gouvernements des États et des municipalités sont les principaux responsables
de la supervision de la production pour le marché local, comme celle des confiseries.
Les équipes de surveillance de la santé sont constituées d’agents publics qui ont reçu
une formation technique ou supérieure en sciences de la santé. Elles sont donc quali-
fiées pour réaliser des actions d’inspection. Leurs agents sont chargés d’autoriser ou
non le fonctionnement des établissements commerciaux, de saisir les produits non
conformes, d’infliger des amendes voire fermer des restaurants, magasins ou usines
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qui ne respecteraient pas l’ensemble des réglementations en vigueur.
Pour le montrer, le travail de Cintrão (2016) analyse la controverse entourant les
fromages au lait cru à Minas Gerais, Brésil. Bien que les analyses de laboratoire indi-
quent que des fromages artisanaux dits impropres à la consommation abondent dans
le commerce local, il n’y a aucun cas d’intoxication alimentaire dû à leur consommation.
Cintrão (2016) affirme qu’il existe un effet circulaire entre les normes sanitaires et la
science, puisque les connaissances techniques et scientifiques sont placées dans des
« boîtes noires » (Latour, 2000) en tant que vérités indiscutables et entraînent l’établis-
sement de paramètres de qualité, qui, à leur tour, deviennent des paramètres légaux.
La controverse concernant les fromages artisanaux du Minas Gerais est un cas signi-
ficatif, car il met en évidence la réalité vécue par les familles paysannes d’autres régions
brésiliennes qui, comme les familles produisant des confiseries à Pelotas, sont obligées
d’adopter des paramètres industriels de production au détriment des processus
traditionnels.
L’argument principal des agences de surveillance avance que les méthodes tradi-
tionnelles présentent des risques pour la santé de la population, car elles ne seraient
pas opératoires en termes de sécurité, d’hygiène et de stérilisation des processus de
production. Pelotas, cependant, n’a jamais signalé de cas où des personnes seraient

13. Pour en savoir plus, voir https://www.sebrae.com.br/sites/PortalSebrae/ideias/como-montar-


uma-fabrica-de-doces-e-geleias,be587a51b9105410VgnVCM1000003b74010aRCRD

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RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

tombées malades en consommant ces confiseries, ce que font valoir les familles pro-
ductrices, qui affirment que les risques sont surestimés.
Ainsi, les discours scientifiques sur l’hygiène, prétendument fondés sur la neutralité
scientifique, camouflent souvent des agendas politique et économique. Le contrôle de
l’hygiène est devenu une forme de pouvoir (Foucault, 1997) qui crée des privilèges pour
certaines entreprises et des obstacles économiques, technologiques et juridiques pour
d’autres acteurs désireux d’entrer sur le marché.

La confrontation entre industrie et tradition

Au Brésil, la législation sanitaire a été élaborée à partir du modèle des grandes ins-
tallations industrielles, en mettant l’accent sur les exigences technologiques pour
répondre aux normes industrielles. Les équipements et les méthodes traditionnelles
employées par les familles paysannes productrices de confiseries à Pelotas sont donc
considérés comme inadaptés à ladite qualité alimentaire.
Il est commun d’utiliser le terme informel pour décrire les produits qui ne respectent
pas les normes légales de production ou qui ne sont pas enregistrés auprès des organes
officiels de l’État. Dans ce contexte, les producteurs travaillent en dehors des canaux
de commercialisation légaux et conventionnels. D’un autre côté, les produits formels
sont ceux qui adoptent les normes réglementaires de l’État.
Les confiseries réglementées sont des exceptions puisque la plupart des familles
productrices de confiseries coloniales travaillent de manière informelle. Ainsi les confi-
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series artisanales sont généralement cuites au brûleur à bois ou à gaz, dans des chau-
drons en cuivre, avec des pales de cuillères en bois, toutes choses interdites par les
agences de contrôle sanitaire. Sous la pression des agences sanitaires, madame
Brenda 14, une célèbre productrice de confiseries de fruits de la région, a jeté ses anciens
chaudrons en cuivre et les a remplacés par des marmites industrielles en acier inoxy-
dable. De même, la réglementation interdit la méthode traditionnelle de séchage des
pêches au soleil, qui doit être remplacée par des serres chaudes industrielles. Ces
changements et adaptations aux systèmes de production semi-industriels demandent
des investissements élevés pour les producteurs.
Selon plusieurs familles productrices, l’obligation de changer leurs méthodes de pro-
duction a fait baisser la qualité des confiseries coloniales. Monsieur Manuel, propriétaire
d’une petite confiserie affirme que les technologies et les pratiques de production impo-
sées par les agences sanitaires ont entraîné une dégradation de la qualité des sucreries
et, dans certains cas, la disparition de certaines recettes.

La pêche, la goyave, la figue doivent forcément être séchées au soleil. Vous pouvez les
sécher dans une serre, mais elles doivent encore aller au soleil pour être bonnes. Sinon,
les fruits ne créent pas cette croûte qui les protège. Donc, le soleil aide à créer ce sucre
autour, et à l’intérieur, les fruits sont encore tendres. Ils maintiennent l’humidité interne,
alors que dans la serre, ils se déshydratent et flétrissent. Et qu’est-ce qu’ils nous disent,

14. Puisque des situations décrites dans cet article pourraient exposer les familles, nous avons choisi
d’utiliser des noms fictifs.

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La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

les législateurs ? Qu’on ne peut plus les sécher au soleil ! Aujourd’hui, presque plus per-
sonne ne le fait. Si vous demandez aux autres là-bas, ils vous diront : ces jours sont
comptés. (Monsieur Manuel)

Les serres sont des structures coûteuses et leur fonctionnement demande des inves-
tissements et du travail, parce qu’elles fonctionnent en brûlant du bois, ce qui produit
la chaleur qui déshydrate les fruits. Alors que dans la méthode traditionnelle, le soleil
déshydratait des fruits, dans ce nouveau mode de production imposé par l’État, les
agriculteurs dépendent d’intrants et d’équipements coûteux, ce qui a rendu plus difficile
l’atteinte des résultats souhaités.
Nous voyons le paradoxe de l’action de l’État qui, tout en reconnaissant la tradition
de la confiserie locale en tant que patrimoine culturel, impose des modèles industriels
de production et réprouve les méthodes traditionnelles. Les familles paysannes luttent
afin de perpétuer leur patrimoine culturel en maintenant les recettes originales et leurs
modes de production. C’est ainsi que, lors des entretiens réalisés, elles manifestent leur
indignation face à l’interdiction d’équipements traditionnels tels que chaudrons en cuivre,
cuillères et pelles en bois.

Figure 2 – Méthodes de production de fruits séchés


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Source : Collection Evander Krone, 2016.


Légendes : (1) serre. (2) pêches séchées en serre. (3) structure désactivée utilisée pour le séchage au
soleil. (4) étagères en bois abandonnées.

Même s’ils ont été l’objet d’amendes et de saisies de produits, les producteurs ne
manifestent pas publiquement leur opposition aux réglementations hygiéno-sanitaires,
peut-être parce qu’ils craignent des représailles des pouvoirs publics. Cependant,

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RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

l’opposition des familles productrices s’exprime dans leurs actions de résistance visant
à contourner l’inspection sanitaire, comme en témoigne Krone (2019). Beaucoup de
producteurs cherchent à rester anonymes et vendent leurs produits directement à des
amis et des parents qui vivent au centre-ville et ainsi esquivent le réseau de surveillance
de l’État.
Les chaudrons en cuivre appartiennent aussi bien à la culture de cette région, qu’à
la culture et à la cuisine de différentes régions du Brésil. Leur utilisation a toutefois été
interdite par l’Anvisa sous prétexte que les aliments pouvaient absorber les traces métal-
liques et donc causer des problèmes de santé aux consommateurs. Depuis lors, dans
les confiseries agrées, les chaudrons en cuivre ont été remplacés par des marmites en
acier inoxydable, comme l’exigent les agences sanitaires.
Selon Ferreira, Cerqueira et Rieth (2008), certains chaudrons en cuivre utilisés par les
confiseries locales ont été importés d’Europe par les premiers immigrants, tandis que
d’autres ont été achetés sur le territoire national. Parmi les familles étudiées, on a trouvé
des chaudrons en cuivre hérités, patinés par le temps, dont beaucoup sont conservés
comme des reliques. Ces chaudrons sont plus que des équipements de travail, car ils
sont porteurs d’une vie sociale et d’une mémoire affective, liée aux ancêtres. Cela peut
expliquer pourquoi les familles continuent à les utiliser, malgré les pressions des agences
sanitaires.
Le fait que le cuivre libère des produits chimiques qui menacent la santé ne semble
pas être ignoré par les familles productrices, puisque la plupart d’entre elles ont
démontré une connaissance approfondie du sujet. C’est le cas de madame Brenda,
qui a expliqué que « les chaudrons en cuivre produisent le vert-de-gris 15, une couche
verdâtre toxique qui se forme à cause de l’oxydation du métal ». Au fil du temps, les
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familles productrices de confiseries ont pris des mesures visant à assurer l’hygiène des
chaudrons et la qualité des confiseries qu’elles produisent. Voici un exemple de ce
savoir-faire

Le chaudron en cuivre, quand on fait le Schmier, on le lave avec quatre citrons et du


vinaigre. Il devient tout jaune et alors, on met les fruits et on les fait cuire. (Madame Irena)

Une autre mesure de sécurité mentionnée par les interlocuteurs pour assurer la qualité
des confiseries cuites dans des chaudrons en cuivre est de les enlever du feu dès
qu’elles sont prêtes. Les familles coloniales productrices de confiseries considèrent que
les sucreries cuites dans des chaudrons en cuivre sont meilleures que celles cuites
dans des marmites en acier inoxydable ou en aluminium. Monsieur Jairo en témoigne :

Ma mère a un chaudron en cuivre. Ici, il n’y a que de l’aluminium et de l’acier inoxydable,


parce on peut laisser les confiseries en poêle du jour au lendemain, contrairement au cuivre.
Mais les bonnes confiseries, elles, sont cuites au cuivre. Ma mère le fait et ça fait la diffé-
rence. Les recettes sont les mêmes, [...] la différence n’est que le chaudron. (Monsieur
Jairo)

C’est ainsi que monsieur Jairo, pour se conformer aux ordres de l’inspection sanitaire,
a remplacé les chaudrons en cuivre par des contenants industriels en acier inoxydable.
Cependant, comme on l’a souligné précédemment, peu de producteurs ont suivi la voie

15. Couche verdâtre qui se forme sur les objets en cuivre, à cause de l’oxydation.

46 Sociologies Pratiques no 41/2020


La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

de la réglementation. Les familles qui ne s’y sont pas conformées continuent à utiliser
des chaudrons en cuivre. Néanmoins, en raison de la pression de l’inspection sanitaire
et du coût élevé pour acquérir des chaudrons en cuivre – rendus plus chers à cause
de leur côté décoratif – on voit une tendance à remplacer les chaudrons en cuivre par
d’autres, en aluminium ou en acier inoxydable, ce qui pourrait conduire à la disparition
de l’utilisation du cuivre dans la région.
Une autre controverse entre les agences sanitaires et les producteurs de confiseries
concerne les ustensiles en bois, également interdits par l’Anvisa. Leur interdiction est
fondée sur l’allégation que ces ustensiles sont difficiles à nettoyer contrairement à ceux
disposant de surfaces lisses. Par conséquent, les agences sanitaires recommandent
l’utilisation de matériaux tels que le plastique, le polyéthylène, l’acier inoxydable, etc.
Dans la région de Pelotas, des pelles et des cuillères en bois sont souvent utilisées
pour mélanger et remuer les confiseries cuites au chaudron. Dans certaines recettes,
les confiseries doivent être remuées d’un mouvement constant pour ne pas accrocher
au fond du chaudron. C’est pourquoi les familles productrices préfèrent les pelles en
bois, car leur long manche permet de travailler à une distance confortable de la cas-
serole, loin de la chaleur produite par le feu.

Figure 3 – Pelle en bois et chaudron en cuivre


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Source : (1) GEPAC, 2012. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 02/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 200.50.217.54)
Légendes : (1) pelle en bois. (2) chaudron en cuivre.

Le bois se retrouve aussi à d’autres étapes de préparation des confiseries coloniales,


comme dans les boîtes pour emballer des pâtes à tartiner aux pêches, aux figues, à la
banane et à la goyave. Les agences sanitaires ne cessent de faire pression sur les
familles productrices pour qu’elles remplacent les boîtes en bois par des emballages
en plastique ou en polystyrène. Les agriculteurs les rejettent, car les confiseries doivent
être moulées à chaud : en effet, elles durcissent lorsqu’elles refroidissent et leur mani-
pulation devient alors difficile. Selon les agences sanitaires, les emballages industriels
en plastique et en polystyrène sont supérieurs, plus hygiéniques et plus sûrs que les
emballages en bois, mais les agriculteurs ne les apprécient pas, car contrairement aux
boîtes en bois, il est impossible d’y emballer les confiseries à chaud. L’imposition de
matériaux industriels altère les confiseries réglementées, comme dans le cas de
madame Pamella, qui rapporte :

47
RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

Autrefois, on travaillait avec un chaudron en cuivre, un plateau en bois. Ce n’est plus


possible. Nous avons une chaudière, le chaudron, tout est cuit à la vapeur, tout en acier
inoxydable. Les bols sont en plastique ou en aluminium. Les cuillères en bois ne sont plus
utilisées... aucune de ces choses. Il ne sert à rien de vouloir garder cette tradition [...] car
on ne peut pas le faire. Au moment où les agences sanitaires arrivent, elles interdisent
beaucoup de choses. Même les boîtes en bois, elles ne veulent pas qu’on les utilise. J’ai
eu du mal à les convaincre [les inspecteurs] que je ne pouvais pas utiliser l’emballage en
polystyrène. Mais comment je pourrais emballer les confiseries chaudes dans ces embal-
lages en polystyrène ou en plastique ? Ça va tout fondre. Donc j’ai suggéré de mettre de
la cellophane à l’intérieur de l’emballage en bois, pour ensuite les rouler en film PVC. Mais
c’était dur de les convaincre.

La pression exercée pour l’utilisation de matériaux industriels s’exprime aussi dans


les injonctions arbitraires des autorités. Madame Pamella a raconté que, sous la pres-
sion de l’agence sanitaire, elle est en train de remplacer ses étagères en bois (utilisées
pour sécher les fruits) par des étagères en acier inoxydable. Cependant, aucune règle
n’interdit l’utilisation d’étagères en bois pour conserver les aliments à condition qu’ils
ne touchent pas directement le bois. Cruz (2012) a identifié une situation analogue lors
d’une étude réalisée au sud du Brésil auprès de producteurs du fromage Serrano.
L’auteur souligne que même si rien dans la législation n’empêche le stockage de fro-
mage sur des étagères en bois, les producteurs sont tenus de les remplacer.
Confrontés à des discours affirmant que les produits, les équipements et les formes
de production traditionnels constituent une menace pour la santé publique, les familles
productrices réagissent souvent avec ironie, voire moquerie. C’est ainsi que madame
Brenda remet en question la supériorité supposée des pelles en plastique requises par
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les agences sanitaires, soulignant l’existence d’une véritable « paranoïa hygiénique »
des inspecteurs. Dans ce sens, sur un ton d’ironie, monsieur Manuel commente :

Si le cuivre et le bois faisaient du mal, la colonie serait déjà décimée, on serait tous morts
[rires]. Je ne connais personne qui soit mort de manger des confiseries coloniales. Mes
arrière-grands-parents, mes grands-parents, mes parents, tout le monde a grandi comme
ça, en mangeant ces confiseries. [...] Alors je ne crois pas que ça fait du mal, je n’y crois
pas.

Il est vrai que les nouvelles connaissances mises en évidence par les recherches
biomédicales et épidémiologiques ont contribué à renforcer le sentiment d’insécurité,
puisque les gens sont devenus de plus en plus conscients des incertitudes quoti-
diennes. Comme le soulignent Castiel, Guilam et Ferreira (2010), les discours technico-
scientifiques sur les risques pour la santé reposent souvent sur des prédictions
catastrophistes. Pour défendre la nécessité d’une vision plus critique de la prolifération
de ces discours, ces auteurs soutiennent que les mécanismes de contrôle des agences
sanitaires s’appuient sur une exagération dans la définition des risques, ce qui entraîne
un processus d’hyperprévention ou « riscophobie », c’est-à-dire une normativité exces-
sivement préventive, dans le but de contrôler toutes les variables et tous les risques
possibles.
C’est précisément ce point de vue critique qu’on perçoit chez des producteurs de
confiseries coloniales qui, remettant en question les normes sanitaires qui auraient eu
pour but de garantir la sécurité et la qualité des aliments, semblent se rendre compte

48 Sociologies Pratiques no 41/2020


La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

que ces normes ne sont qu’un reflet des conflits politiques et économiques visant à
privilégier les grandes industries. Ainsi, plusieurs interlocuteurs ont fait observer que,
tandis que les règles sanitaires imposées par l’État interdisent l’utilisation d’ustensiles
traditionnels, ce même État permet l’application d’intrants qu’ils considèrent comme
nuisibles ou suspects. Les réflexions de monsieur Matteus en rendent compte :

Ces bonnes pratiques ne bénéficient qu’aux grandes entreprises. Si les agences sanitaires
arrivent et me voient produire des confiseries, je ne peux pas. Ils me confisquent tout. Mais
si je veux appliquer [le pesticide] « Roundup », qui tue même les oiseaux, alors ça, je le
peux. [...] Alors, comment pouvons-nous prendre cela au sérieux ? Par exemple, je ne
peux pas utiliser de pelle en bois, mais je peux empoisonner ma ferme de pêches !

Le discours de monsieur Matteus montre le discrédit et la méfiance des fermiers


quant à la manière dont les critères d’hygiène sont établis par l’État. Pour ces fermiers,
le plus alarmant est le modèle de l’industrie agroalimentaire, qui a été à l’origine de
nombreux cas de contamination au cours des dernières décennies. Comme le note
monsieur Jairo, les agences sanitaires semblent plus préoccupées par l’adoption et
l’utilisation d’équipements industriels que par la qualité des confiseries produites :

Ils [les inspecteurs] parlent de qualité, mais ils ne voient pas la qualité de mon produit. Ils
ne s’intéressent qu’à savoir si j’ai un tel équipement, ce que la loi dit que je dois avoir. Et
vous devez le faire comme ils le veulent. Donc j’ai dit : « Pourquoi vous [inspecteurs] venez
ici, vous ne regardez pas mon produit ? » [...] « Oh, d’accord, vous avez l’étiquette, vous
avez un gant, un toque cuisinier, une poêle en acier inoxydable, des tuiles au mur... » Mais
si ce produit est endommagé, mais qu’il a été fabriqué dans une poêle en acier inoxydable,
dans une cuisine toute en tuile, avec l’étiquette sur le produit, rien ne se passe. Ce sont
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des conneries.

La qualité des aliments est associée à la modernisation technologique et, surtout, à


l’industrialisation agroalimentaire. De cette façon, les familles productrices des confise-
ries sont contraintes d’abandonner les pratiques traditionnelles et de s’adapter aux
normes sanitaires, ce qui crée un conflit entre les pratiques de production traditionnelles
et les réglementations de l’État. Plusieurs familles productrices préfèrent rester ano-
nymes, comme le dit madame Maristela qui vend des confiseries sur un marché fermier
à Pelotas. Elle préfère ne pas révéler le nom de son fournisseur : « En fait, je ne peux
pas vous dire son nom, c’est un homme qui vit à la colonie, mais je ne peux pas vous
le dire, car il ne veut pas beaucoup de publicité. »
Pour certains producteurs de confiseries, l’invisibilité devient une forme de résistance
aux actions de normalisation des agences sanitaires, puisque le modèle industriel est
présenté comme un dogme.
Les producteurs de confiseries coloniales qui cherchent à maintenir le modèle de
production traditionnel ont du mal à s’adapter aux exigences légales, notamment parce
qu’ils sont forcés d’adopter des structures industrielles coûteuses, qui ne deviennent
viables qu’en augmentant l’échelle de la production. Toutefois, la plupart de ces pro-
ducteurs maintiennent l’activité sucrière à petite échelle, car il s’agit d’une activité parmi
d’autres réalisées par les familles paysannes. Le non-respect des règles les laisse
soumis à la police des agences sanitaires qui peuvent infliger des amendes et opérer
des saisies. Dans ce contexte, nombre de pratiques traditionnelles et de savoir-faire

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RÉPONSES SOCIOLOGIQUES

sont devenues illégales. Ainsi, l’informel n’est pas seulement un moyen de préserver
les caractéristiques originales des sucreries, mais c’est peut-être le seul moyen de laisser
vivante la production.

Conclusion

Dans cet article, nous avons cherché à montrer que, malgré l’importance de la tra-
dition des confiseries coloniales, des centaines de producteurs de la région de Pelotas
voient leurs pratiques de production traditionnelles rendues illégales par l’État, bien que
ce dernier reconnaisse également ces pratiques comme un patrimoine culturel imma-
tériel du pays.
Ainsi, la situation entraînée par les tensions entre les normes d’hygiène et les politi-
ques publiques de valorisation des pratiques et du savoir-faire traditionnel brésilien est
paradoxale. C’est dans ce contexte polémique que les entités locales de la société civile
sont au défi de construire, au cours des prochaines années, un plan de sauvegarde de
la production de la confiserie traditionnelle. Celui-ci devra garantir la sécurité alimentaire
tout en préservant les modes de vie et de production traditionnels des familles
paysannes.
N’existe-il pas une logique de « modernité » imposée par le pouvoir de l’État, faisant
dépendre la qualité des aliments de l’introduction de technologies dites modernes ?
Dans ce contexte, les pratiques traditionnelles de production alimentaire sont dites obso-
lètes, car elles ne se conforment pas aux standards technologiques de l’industrie, qui
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sont les critères de qualité contemporains et la base de la législation des productions
alimentaires.
Finalement, même si l’objectif de cet article n’était pas d’analyser les formes de résis-
tance des familles paysannes étudiées, il convient de noter que, malgré la pression qui
vise l’industrialisation, la surveillance imposée par l’État se confronte aux formes de
résistance paysanne, car la production de confiseries est profondément enracinée dans
le mode de vie, l’identité et la culture locales. L’informalité, l’anonymat et la vente directe
aux consommateurs sont des moyens trouvés par les familles paysannes pour
contourner le réseau de surveillance de l’État, permettant ainsi la vente de confiseries
qui se conforment aux critères de qualité socialement construits attendus par les familles
paysannes et les consommateurs locaux.
evanderkrone@gmail.com
renata.menasche@gmail.com
bc_lucas@live.com

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La condamnation de pratiques traditionnelles de production...

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