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ENDODONTIE
DECEMBRE 199
Médico-Dentaire
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Cahier rédactionnel
Les urgences
endodontiques
Par définition, du latin urgens : pressant, une thérapeutique d’urgence ne
peut être différée et doit être conduite sans délai. De ce fait, le temps impar-
ti à l’acte opératoire est généralement court et non programmé, imposant
l’acquisition de réflexes sûrs et fondés, tant au plan de l’établissement du
diagnostic, que de la mise en place de la thérapeutique.
Les trois quarts des patients consultant en urgence pour des douleurs buc-
cales ou maxillo-faciales relè-
vent d’une thérapeutique endo-
dontique. C’est dire l’importance
SOMMAIRE
d’une parfaite maîtrise de la ges-
tion de l’urgence. Si l’évolution
des connaissances, associée à 2 Principes de base
la modernisation des concepts
endodontiques, rendent incon- 3 Objectifs thérapeutiques du
tournable pour le praticien de se traitement d’urgence
former aux nouvelles technolo-
gies, il est tout aussi pertinent de 4 Traitement d’urgence des
s’interroger sur ses attitudes, pulpites
voire ses habitudes, en matière
d’urgence. 7 Traitement d’urgence des
nécroses pulpaires
Dr Florence Toumelin-Chemla
M.C.U.P.H
Faculté de Chirurgie Dentaire de Paris V
10 Gestion des complications
Département d’Odontologie post-opératoires
Conservatrice et Endodontie
1, rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge
Les urgences endodontiques
Principes de base
Nous considérons ici les urgences douloureuses relevant d’une thérapeutique
endodontique en écartant volontairement les urgences traumatiques ainsi que les
pathologies endo-parodontales. Pour chacune des situations envisagées,
nous dégageons une attitude clinique : quels gestes précis préconiser en urgence,
quelles pharmacopées locale, voire générale conseiller.
Parler d’urgence oblige tout d’abord à tendue par des objectifs thérapeu- On considèrera ici les urgences
savoir de quoi on parle exactement : tiques spécifiques. appartenant aux catégories III et IV
pour cela la connaissance de la Dans cette perspective, il est utile de se de Baume et relevant donc d’un syn-
pathologie pulpaire, en particulier référer à une classification des pulpo- drome pulpaire irréversible. Les pul-
sémiologie et diagnostic, constitue pathies basée sur l’observation des popathies des catégories I et II, étant
un pré-requis incontournable que signes et symptômes cliniques et per- justiciables de traitements conserva-
nous ne développerons pas dans ce mettant d’orienter la thérapeutique en teurs de l’organe dentino-pulpaire
cahier. Néanmoins, J. de La Palice terme d’objectifs et de moyens. On vivant (syndrome pulpaire réver-
pourrait dire que, face à une situation retient encore aujourd’hui la classifica- sible), doivent être traitées dans des
clinique donnée, le praticien devrait tion de l’O.M.S, introduite par Baume séances programmées. D’emblée on
mettre en œuvre une thérapeutique en 1962 qui, si elle gagnerait à être notera qu’à l’intérieur des catégories
adaptée ; plus encore, dans les situa- revue dans une forme plus moderne, irréversibles (III et IV), qui nécessi-
tions d’urgence, le paramètre temps reste tout à fait compatible avec les thé- tent toutes deux un traitement endo-
impose une démarche précise sous- rapeutiques actuelles [fig. 1]. dontique, les objectifs thérapeutiques
devront tenir compte de l’état du
tissu pulpaire, vivant ou nécrosé : le
Classification symptomatique à but thérapeutique de l’O.M.S. maître mot qui dirige le traitement
d’une pulpe vivante est l’asepsie,
alors que le traitement d’une pulpe
• Cat. I Pulpes vivantes, sans symptomatologie, lésées accidentellement nécrosée est dominé par la notion
ou proches d’une carie ou d’une cavité profonde, susceptibles d’être d’antisepsie. Ces différences sont
protégées par coiffages. capitales à considérer et ce, même
• Cat. II Pulpes vivantes avec symptomatologie dont on tentera - surtout dans le cadre du traitement de l’ur-
chez les jeunes - de conserver la vitalité par coiffage ou bio-pulpotomie. gence, dans la mesure où l’on cherche
• Cat. III Pulpes vivantes dont la biopulpectomie et l’obturation radicu- à optimiser les résultats attendus de
laire immédiate sont indiquées pour des raisons symptomatologique, nos thérapeutiques. En effet, dans un
prothétique, iatrogène ou de pronostic. cas, l’absence présumée de bactéries
intra-pulpaires oblige à adopter une
• Cat. IV Pulpes nécrosées avec - en principe - infection de la dentine
méthode de protection vis-à-vis
radiculaire, accompagnée ou non de complications périapicales, exi-
d’une contamination secondaire,
geant un traitement canalaire antiseptique et une obturation apicale
dans l’autre la thérapeutique mise en
hermétique.
jeu doit en outre préserver contre
Fig. 1 - Classification symptomatique à but thérapeutique des pulpopathies l’infection en détruisant les micro-
(Baume 1962) organismes toujours présents. •
L’objectif princeps étant de soulager le patient, 3 mots clés vont diriger l’urgence :
temps, diagnostic et efficacité du traitement.
Le problème du temps, déjà évoqué et non spécifique à l’Endodontie, réside dans le fait
que le problème se pose au praticien de façon inopinée, souvent intercalé au sein de ses
consultations programmées. Ceci lui impose d’être capable de poser un diagnostic immédiat
(positif et différentiel) et de réaliser un traitement efficace rapidement
(mais néanmoins avec rigueur) permettant la sédation de la douleur.
cas de carie importante, la reconstitu- 2,5% qui constitue un bon compro- cès à plus de 95% mais demande tout
tion pré-endodontique, difficile à mis entre propriétés antibactériennes de même suffisamment de temps.
réaliser en urgence, peut être avanta- et toxicité tissulaire. Pour pallier cet inconvénient, elle
geusement remplacée par des maté- peut être envisagée en faisant appel à
Le pansement médiat, inter-séances
riaux de calfatage (Oraseal®, Bisico) des formes commerciales du produit,
comprend à la fois l’éventuelle médi-
[fig. 5]. Le plus souvent, le temps plus rapides d’emploi mais plus oné-
cation locale intra-pulpaire et l’obtu-
nécessaire à l’isolement du champ opé- reuses (Calxyl® France OCO,
ration provisoire coronaire, la qualité
ratoire est inférieur au temps requis Calasept® Scania Dental, Hy-Cal®
de cette dernière ayant sans doute
pour l’obtention de l’anesthésie : ne Pierre Rolland, Endocal® Septodont).
beaucoup plus d’importance.
pas poser la digue pour des raisons de Dans la mesure où l’acte chirurgical a
temps n’est pas acceptable ! Pour une pluriradiculée, une fois la pu être correctement mené, on peut
A ce stade déjà on peut évaluer d’éven- pulpotomie réalisée, la mise en place également opter pour un pansement
tuelles contre-indications locales au d’un hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) plus simple associant un coton sec
traitement endodontique : dents non dense dans la cavité pulpaire coronai- stérile ou imbibé de ClONa placé
restaurables, non fonctionnelles, sup- re présente l’avantage de concilier sous une obturation coronaire
port parodontal déficient. propriétés anti-bactériennes et bio- étanche (IRM).
compatibilité. La médication est pré- En cas de manque de temps réel ou de
parée à partir d’une poudre de difficulté d’anesthésie, le recours à
• Quelle médication Ca(OH)2 pure (Prolabo) mélangée à une médication sédative, Eugénol ou
locale ? un véhicule stérile, sérum physiolo- spécialité type Pulperyl® (Septodont),
Concernant la solution d’irrigation, gique ou solution anesthésique. Pour utilisée avec parcimonie sur un coton
qui doit être utilisée dès l’accès pul- une monoradiculée, une fois la pul- exprimé, au contact de la pulpe expo-
paire, un consensus est aujourd’hui pectomie réalisée, le Ca(OH)2 est uti- sée après curetage de la carie, peut se
établi autour de l’hypochlorite de lisé sous forme fluide et injecté au justifier. Toute autre médication est à
sodium. Classiquement on retient moyen d’un bourre-pâte. L’efficacité proscrire, l’utilisation d’anhydride
une concentration de la solution à de cette procédure est garante de suc- arsénieux étant condamnable. Dans
g h
a b
c d
Fig. 8 - Cas clinique : nécrose sur 16
a, b : vues cliniques pré-opératoires. Noter la présence de tartre et l’inflammmation parodontale en rapport avec la région
concernée, la dent ne pouvant supporter le moindre contact.
c, d : après nettoyage du site d’intervention, drainage et désinfection canalaire sont réalisés sous digue et sous irrigation continue
COMITÉ ÉDITORIAL : Jean-Jacques Lasfargues, Franck Decup, Dominique Guez, Charles-Daniel Arreto