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Retrait et fluage
G. PONS, J.-M. TORRENTI
Résumé
Les déformations différées des bétons, qu’elles soient d’origine physico-chimique
comme le retrait d’hydratation et de dessiccation ou mécanique comme le fluage
sous contrainte peuvent mettre en cause la durabilité des ouvrages et ce pour plu-
sieurs raisons. Les déformations de retrait peuvent induire des risques de fissura-
tion et ainsi créer les conditions d’une propagation des éléments favorisant la
corrosion des armatures. Les déformations de fluage peuvent entraîner, dans le cas
des structures isostatiques, des déformations différées, notamment des flèches, in-
compatibles avec le bon fonctionnement en service des ouvrages. Dans le cas de
structures précontraintes ces déformations génèrent des chutes dans la tension des
câbles très importantes et difficiles à estimer précisément. Dans le cas des structu-
res hyperstatiques, particulièrement celles dont le phasage de construction est com-
plexe, le fluage va provoquer des redistributions d’efforts dont l’évaluation est
indispensable sous peine de mettre en péril la sécurité de l’ouvrage. Pour essayer
de cerner les paramètres gouvernant ces déformations différées nous avons, après
avoir précisé les différentes composantes de ces déformations, mis en évidence les
origines physico-chimiques de ces comportements différés. Nous avons ensuite re-
gardé plus en détail les déformations de retrait puis celles de fluage en les séparant
arbitrairement comme on a coutume de le faire pour les évaluer et ce bien qu’en tout
état de cause il existe un couplage indiscutable entre le retrait et le fluage. Nous
abordons ensuite l’aspect de l’évaluation expérimentale de ces déformations par les
essais de laboratoire. Pour terminer nous regardons la prise en compte de ces phé-
nomènes dans les calculs de structure au travers des aspects normatifs.
Mots-clés
DÉFORMATIONS DIFFÉRÉES, RETRAITS, FLUAGES, RELAXATION, DESSICCATION, AUTO-
DESSICCATION, EUROCODES, ESSAIS DE LABORATOIRE, BÉTONS, BÉTONS À HAUTES
PERFORMANCES.
167
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Ce phénomène avait été découvert de manière indépendante par Hyatt aux USA en 1907. Il avait
montré qu’une poutre chargée voyait sa flèche évoluer de manière significative (elle doublait !)
après deux mois de chargement.
2. La prévision du fluage du béton précontraint par un modèle ne date cependant que de 1965 dans
la réglementation française.
168
Retrait et fluage
L’objet des paragraphes suivants est de présenter les bases physiques des phéno-
mènes à la source des déformations différées, de décrire les paramètres influen-
çant ces déformations différées et d’éclairer l’ingénieur sur le pourquoi des
formules réglementaires.
Nous ne traiterons pas dans cette partie des phénomènes observables avant la pri-
se du béton tels le ressuage et le retrait plastique car, s’ils ont une importance dans
l’aspect architectural et dans la durabilité, ils n’intéressent pas directement le cal-
culateur de structure. Ces aspects seront abordés dans le chapitre 6.
En général, même si, comme nous le verrons au paragraphe 2, la réalité est plus
complexe, on convient en général de séparer les déformations différées εdif en
deux grandes familles liées à l’existence ou non d’un chargement :
169
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. Cette définition du fluage est une extension de la définition originelle du fluage pour laquelle la
charge est constante.
170
Retrait et fluage
dans la réalité car le matériau, en vieillissant, voit sa rigidité augmenter : ceci im-
plique que le fluage comprendra une partie de ce vieillissement.
Nous verrons au paragraphe 3 que, sur bien des aspects, cette décomposition sim-
plifie beaucoup trop la réalité et ne rend pas compte des couplages existants entre
les différents phénomènes.
La déformation totale d’un béton de structure est, à un instant donné et dans le
cas général, la somme de 6 déformations plus ou moins arbitrairement décou-
plées qui sont : la déformation élastique instantanée, celle de retrait thermique,
celle de retrait endogène, celle de retrait de dessiccation, celle de fluage endogène
(ou fluage propre) et celle de fluage de dessiccation.
171
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
172
Retrait et fluage
20 % plus faible que le volume du ciment anhydre et de l’eau de départ. Cette con-
traction d’origine chimique se prolonge tout au long de l’hydratation des grains
anhydres mais ralentit au fur et à mesure que la diffusion de l’eau devient plus dif-
ficile de par la densification croissante de la pâte due à la formation continue des
C-S-H. L’eau libre capillaire est ainsi consommée, l’humidité interne diminue ce
qui conduit à une tension interne de la pâte inversement proportionnelle au dia-
mètre des capillaires (loi de Kelvin-Laplace, cf. chapitre 3). Cette tension va pro-
voquer une variation de volume d’autant plus importante que le diamètre des
pores est faible. Ainsi le retrait endogène sera plus marqué pour les BHP que pour
les bétons courants dont les pores sont de plus grand diamètre. Ces tensions inter-
nes peuvent atteindre plusieurs MPa et, de par la présence des granulats, provo-
quer une microfissuration et une redistribution interne des contraintes.
Le retrait de dessiccation est lié à la différence d’hygrométrie entre le cœur du
béton et l’ambiance extérieure (figure 5.1a : répartition des pertes en eau dans une
éprouvette cylindrique). Il y a apparition d’un fort gradient hydrique qui tend à
créer des déformations de retrait différentielles incompatibles entre elles
(figure 5.1b). Dans le cas d’une structure élancée, les sections restent planes et ce
gradient hydrique entraîne donc un gradient de contraintes amenant, par auto-
équilibre, des tractions au voisinage de la surface et des compressions au cœur (fi-
gure 5.1c). Ces tractions en surface peuvent conduire à une fissuration en peau et
donc à une relaxation partielle des contraintes (figure 5.1d). La compression au
cœur amène un fluage de la pâte sous contrainte d’origine purement hydrique : le
retrait de dessiccation peut alors être modélisé en prenant en compte le fluage du
béton [SIC 96, BEN 05].
Le retrait est qualifié d’endogène ou d’autodessiccation en l’absence d’échange
hydrique (sans perte de masse) avec le milieu ambiant, et le retrait est dit de des-
siccation ou de séchage lorsqu’il y a déséquilibre hydrique entre l’intérieur du
béton durci dont l’hygrométrie de départ est de l’ordre de 75 à 100 % selon le
rapport E/C et celle du milieu ambiant.
173
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0
1
2
3
4
%
(a) Répartition des pertes en eau (b) Raccourcissement virtuel
compression
compression
fissuration
traction traction
traction traction
D’un point de vue cinétique, le phénomène se traduit d’abord par une fissuration
de peau puis par une phase de déformation d’ensemble et enfin par une phase de
refermeture des fissures.
La figure 5.2 illustre l’évolution du retrait de dessiccation en fonction de la perte
de masse liée au départ de l’eau libre du béton.
174
Retrait et fluage
400
300
200
100
0
0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50
Perte de masse (%)
Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte qui
vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées mais qui
est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors de
leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exothermi-
que du ciment.
Celui-ci n’a que peu d’influence sur les éléments de faibles dimensions mais peut
devenir très sensible sur les pièces massives. Il faut alors faire intervenir les gra-
dients de température et les effets de structure comme pour le retrait de dessicca-
tion. Son intensité dépend du degré d’exothermie du ciment employé et du
coefficient de dilatation du béton qui peut varier en fonction de la nature des gra-
nulats employés [ACK 04], il varie aussi durant l’hydratation car il est fonction
de la teneur en eau de la pâte.
Le retrait thermique est une déformation différée de durée relativement courte
qui vient se superposer aux déformations de retrait précédemment analysées .
Elle est due simplement à la contraction de la pâte de ciment et des granulats lors
de leur refroidissement après l’élévation de température lors de la prise exother-
mique du ciment. Il doit être impérativement évalué dans le cas des structures
massives.
175
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
appelée fluage εc(t). La réalité physique est plus complexe, car il y a une interac-
tion du chargement sur la valeur du retrait.
Déformation
Hi (Wd)
recouvrance instantanée
Hr (t – Wd)
retrait
Hrecd (t – Wd)
recouvrance différée
Hsc (t)
Hc (t) déformation
fluage sous charge
Hres (t)
déformation résiduelle
Hi (Wc)
Hi (Wc)
retrait
Temps
Wc t Wd
176
Retrait et fluage
177
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
compression
compression
traction traction + =
Figure 5.4 : effet d’un chargement sur un béton en dessiccation [PON 98].
178
Retrait et fluage
3. DÉFORMATIONS DE RETRAIT
Ainsi que nous venons de le voir, en l’absence de chargement, la pâte de ciment,
et donc le béton, subissent des variations dimensionnelles. Celles-ci sont d’autant
plus évidentes aux yeux de l’ingénieur qu’elles provoquent souvent des fissura-
tions précoces qui peuvent mettre en péril la durabilité de l’ouvrage. Ces phéno-
mènes précoces seront développés dans le chapitre 6.
Elles peuvent aussi être la cause de fissuration plus tardive ainsi que d’effets
structuraux qu’il faut prendre en compte dans les calculs. Dans le paragraphe pré-
cédent nous nous sommes attachés à décrire les causes microstructurales des dé-
formations différées de retrait et de fluage.
179
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans ce paragraphe, pour les déformations de retrait, et dans le suivant, pour cel-
les de fluage, nous nous intéresserons aux différents paramètres influant sur ces
déformations différées afin de sensibiliser l’ingénieur aux conséquences du choix
des matériaux utilisés dans la composition du béton et de la nature du milieu am-
biant indépendamment de tout aspect de calcul réglementaire qui sera abordé au
paragraphe 6.
3.1. Les retraits à court et moyen termes
Dans un premier temps ces retraits sont principalement dus à l’hydratation du ci-
ment (retrait endogène ou d’autodessiccation) et au retrait thermique déjà décrits
au paragraphe 2.
Pour ce qui a trait au calcul des structures, le retrait qui nous intéresse est unique-
ment celui qui intervient après la prise de la pâte de ciment c’est-à-dire que l’on
fera abstraction du retrait plastique. Après la rigidification du squelette, on assiste
à un gonflement d’origine chimique dû à la formation et à la transformation de
gros cristaux (ettringite). Cette déformation différée endogène n’est généralement
pas considérée dans le cas de la modélisation du comportement différé du béton
d’une structure, ceci pour des raisons liées à la complexité de sa prise en compte
par rapport à son amplitude.
À partir du moment où le squelette de la pâte de ciment durcit, le retrait endogène
va être pris en compte par le mécanicien.
L’intensité de ce retrait dépend principalement du rapport E/C.
En effet, plus la quantité de ciment sera élevée plus l’hydratation fera appel à
l’eau libre des pores du béton et augmentera l’autodessiccation et, inversement,
plus la quantité d’eau libre sera grande moins l’autodessiccation se fera sentir car
les besoins en eau pour l’hydratation seront toujours immédiatement satisfaits et
ne créeront pas de dépression capillaire. Compte tenu de cela on peut déjà imagi-
ner que les bétons « courants » de résistance peu élevée (25-30 MPa) qui ont des
rapports E/C élevés, supérieurs à 0,5, auront des retraits d’autodessiccation qua-
siment négligeables alors que les bétons à hautes performances (BHP) de résis-
tance supérieure et de teneur en eau beaucoup plus faible (rapport E/C voisin de
0,3) auront des retraits d’autodessiccation significatifs. Ces retraits sont d’autant
plus accentués que ces bétons présentent des pores plus fins que ceux des bétons
ordinaires et permettent des développements plus importants des dépressions ca-
pillaires. La figure 5.5 montre l’évolution en fonction du temps de l’humidité re-
lative interne dans les bétons sans échange hydrique avec l’atmosphère pour
différents rapports E/C et met en évidence l’autodessiccation des bétons de rap-
port E/C < 0,5. La figure 5.6 montre l’évolution du diamètre des pores en fonction
du même rapport. La figure 5.7 illustre l’évolution la relation entre la déformation
180
Retrait et fluage
100
95
90
n° 0 E/C = 0,75
HR (%)
n° 1 E/C = 0,59
85 n° 2 E/C = 0,44
n° 3 E/C = 0,39
n° 4 E/C = 0,39
80 n° 5 E/C = 0,33
n° 7 E/C = 0,27
75
70
0 50 100 150 200 250 300 350 400
Temps (j)
Figure 5.5 : évolution en fonction du temps de l’humidité relative interne des bétons
sans échange hydrique avec l’atmosphère pour différents E/C [YSS 95].
À l’équilibre, au bout de plus d’un an, les bétons de E/C > 0,5 (bétons courants) ont toujours une
hygrométrie maximale de 100 % alors que l’hygrométrie des BHP peut descendre aux alentours de
75 %.
E/C
0,4
Volume empli (cm3/g)
0,3
0,4
0,5
0,3
0,6
0,7
0,8
0,2
0,9
0,1
0,0
0
0
0
40 0
0
5
5
0
10
0
0
30
40
80
50
60
20
7
15
60
20
00
50
80
15
4,
12
10
30
1
181
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
100 100
99 95
97 85
96 80
95 75
94 70
50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 100 120 140 160 180 200 220
Microdéformations Microdéformations
182
Retrait et fluage
Retrait (μm/m)
Hr50
600
Hrse
400
200
Hr98
0
0 200 400 600 d
– 200 Hreau
Figure 5.8 : évolutions comparées des déformations différées de retrait d’un BHP
dans différentes conditions d’ambiance : se, sans échange, 50, 98 degré hygrométrique
de l’ambiance, (eau) pour immergé [SIC 92].
4
D 11
3 D 16
D 21
2
0
1 4 9 16 25 30 49 64
t
7j 14 j 28 j 56 j
Figure 5.9 : évolution de la perte en eau mesurée dans des éprouvettes de diamètre 11,
16 ou 21cm en fonction de la racine carrée de la durée de séchage [ACK 88].
183
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2
28 jours
Variation de masse (%)
1 3 mois
Référence t = 0 4 ans
0
–1
–2
BC
–3
–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)
2
28 jours
Variation de masse (%)
1
3 mois
Référence t = 0 4 ans
0
–1
–2 BTHP
–3
–4
–8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 7 8
Rayon (cm)
184
Retrait et fluage
1 600
grès
gravier
basalte
1 200
granite
calcaire
quartz
Retrait 10–6
800
400
0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
Jours Années
Temps (échelle log)
Figure 5.11 : influence de la nature minéralogique du granulat
sur le retrait de dessiccation [NEV 96].
1,0
0,8
Retrait relatif
0,6
0,4
0,2
0 20 40 60 80 100 %
Volume relatif des granulats
Figure 5.12 : influence du volume relatif des granulats d’après Pickett cité dans [NEV 96].
185
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4. DÉFORMATIONS DE FLUAGE
Dans le paragraphe 2 nous avons détaillé les causes microstructurales des défor-
mations de retrait et de fluage. Regardons maintenant à une échelle plus globale
les paramètres influant sur ces déformations de fluage qui peuvent être, comme
indiqué précédemment, divisées en fluage endogène ou « propre » et en fluage de
dessiccation.
4.1. Les facteurs d’influence
4.1.1. Le chargement
Quelle qu’en soit la cause microstructurale la déformation de fluage est liée à l’in-
tensité de la charge constante appliquée.
Si à l’instant t0, on applique un échelon de chargement en compression au béton,
le comportement rhéologique change et on a une accélération importante de la dé-
formation différée (figure 5.13).
186
Retrait et fluage
H (μm/m)
700
600
Hdiff
Déformation
500
400
Hfse
300
Hrse
200
j – t0
100
V (MPa)
Contrainte
40
V = 37 MPa
30
20
10
187
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
V0
0 t
`
H
Retard
Déformation instantanée
0 t
8 28 60 91 120 Jours
Figure 5.14 : échelons de contrainte de même intensité appliqués sur un même béton
à des âges croissants.
Plus l’éprouvette est soumise tardivement au fluage moins la déformation différée est importante.
On constate que plus l’éprouvette est soumise tardivement à une charge moins la
déformation différée est importante. Cela est dû au comportement « vieillissant »
du béton, le « vieillissement » étant pris dans son sens le plus noble.
On dira ainsi que le comportement en fluage du béton est viscoélastique vieillis-
sant.
Sous contrainte permanente modérée (c’est le cas de la plupart des ouvrages) la
déformation différée de fluage du béton est proportionnelle à la contrainte per-
manente appliquée. Il peut donc être classifié comme matériau « viscoélastique
linéaire ». De plus, si l’âge du béton augmente sa réponse en déformation dimi-
nue, il est donc « viscoélastique linéaire vieillissant ».
Dans tout ce qui précède nous avons supposé implicitement que le chargement de
fluage était modéré, c’est à dire qu’il ne dépassait pas la moitié de la charge de
rupture sous chargement instantané σR. Si l’on applique des charges plus élevées
(au-delà de 0,7 σR par exemple) le comportement viscoélastique change de
nature: la vitesse de fluage qui était décroissante (fluage primaire) peut devenir
constante (fluage secondaire) et pourra amener à terme à la rupture après accélé-
ration de la vitesse de fluage (fluage tertiaire) (figure 5.15).
188
Retrait et fluage
fluage
rupture
tertiaire
Déformation de fluage 2
fluage
secondaire
fluage
primaire
1
fluage primaire
t
0
Durée de chargement
Nous venons de voir que le comportement rhéologique des bétons sous charge
semblait être du type viscoélastique vieillissant. Nous verrons (§ 6.2.1) que le trai-
tement mathématique du caractère viscoélastique n’est aisé, pour le calcul des
structures soumises à des histoires de chargement complexes, que dans le cas de
la viscosité dite « linéaire ».
La linéarité suppose, d’une part, que la réponse en déformation à un échelon de
contrainte soit proportionnelle à l’intensité de cet échelon et d’autre part, que le
principe de superposition soit vérifié, i.e. si l’on superpose deux histoires de sol-
licitations, la réponse est la superposition des réponses.
Qu’en est-il de ces deux principes pour le béton ?
Acker et Barral [ACK 83] ont confirmé (figure 5.16) que la proportionnalité de la
déformation à la contrainte appliquée était respectée tant que la contrainte appli-
quée ne dépassait pas 40 % à 50 % de la charge de rupture. La valeur exacte de ce
seuil dépend de l’âge du béton au chargement et augmente avec celui-ci.
189
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Déformation
différée
totale
H(t)
h
0 Domaine
00
Domaine 00 de rupture
s5
de proportionnalité rè
ap
0h
0 00
rè s1
ap
h
00
10
ès
apr
Retrait pur
^ Contrainte appliquée
V0/Vrupture
Le domaine de linéarité des bétons à hautes performances paraît être plus impor-
tant que celui des bétons ordinaires. Cette linéarité se poursuivrait jusqu’à des
taux de contraintes voisins de 60 % à 70 % même pour des bétons chargés aux
jeunes âges.
On verra, ci-dessous lors de l’étude de la recouvrance, que ce principe de super-
position est caduque dans le cas de déchargements.
Tant que le chargement stationnaire est modéré, environ 50 % de la charge de
rupture en compression, la déformation de fluage est proportionnelle à la con-
trainte permanente appliquée. Pour l’Eurocode 2 la valeur limite est de 45 %.
190
Retrait et fluage
1,8
1,6
Fluage HR/fluage 75 %
1,4
1,2
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0 50 75 99
Humidité relative (HR)
191
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Retrait Fluage
Humidité relative 0 0 + ++ 0 0 + ++
Effet d’échelle 0 0 ++ + 0 0 ++ +
Âge au chargement 0 0 = = ++ ++ = ++
192
Retrait et fluage
Plus le volume relatif des granulats est grand, plus le fluage est faible (comme nous
l’avons illustré pour le retrait). Mais tout doit être relativisé car la marge de fluctua-
tion de la quantité de granulats dont l’ingénieur dispose pour réaliser un bon béton
de structure n’est pas très grande. On peut retenir comme ordre de grandeur que pas-
ser de 65 à 75 % de granulats en volume amène une diminution de fluage de 10 %.
De par la grande variété des granulats utilisés en génie civil, variété liée à leur na-
ture minéralogique et qui a des conséquences à la fois mécaniques (rigidité varia-
ble) et physiques (porosités différentes), il est, à l’heure actuelle, très difficile de
tirer des conclusions sur l’effet des granulats.
Toutefois, il faut signaler que l’influence de la nature des granulats est très nette, les
déformations de fluage peuvent être, pour des bétons de compositions semblables,
mais de granulats différents dans un rapport de 2, voire de 5 pour certains auteurs.
D’après Rusch cité par Neville [NEV 96] l’ordre de qualité décroissante pour les
granulats vis-à-vis du fluage du béton serait le basalte, le quartz, le marbre, le gra-
nit puis le grès (la figure 5.18 donne un exemple de ces variations). Mais cet ordre
n’est valable que pour la variété des matériaux qu’il a effectivement testée. En ef-
fet on peut trouver deux granulats de même nature minéralogique entraînant des
comportements totalement différents [CUB 96].
10–4
16
grès
basalte
gravier
Déformation de fluage
12
granit
quartz
calcaire
0
10 28 90 1 2 5 10 20 30
jours années
Durée de chargement
Figure 5.18 : déformation de fluage en fonction du temps pour divers types de granulats.
Ce diagramme montre toute l’importance du choix du granulat
pour optimiser le comportement, d’après [NEV 96].
La déformation finale de fluage serait 4 fois plus forte pour des bétons de granulats de grès que pour
ceux de calcaire. L’ordre décroissant de performance vis-à-vis du fluage étant, pour ces granulats tes-
tés, le grès, le basalte, les granulats roulés, le granit, le quartz et le calcaire.
193
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure 5.19 (travaux de Hummel et al. cité par [CEB 90]) traduit nettement la
liaison entre la déformation totale de fluage, la cinétique et la résistance en com-
pression du béton. On peut imaginer de faire abstraction des autres paramètres de
composition des bétons (rapport E/C, nature du ciment, etc.) pour ne conserver
que ce paramètre traduisant le fluage de la composition utilisée.
Fonction fluage (10–4/MPa)
2
19 MPa
26,9 MPa
1 35,3 MPa
43,1 MPa
0 Jours
1 10 102 103 104
Durée de chargement
Figure 5.19 : valeur de la fonction fluage (ou fluage spécifique) en fonction de la durée
de chargement pour des bétons de résistance croissante, d’après [CEB 90].
La fonction fluage est le coefficient multiplicateur de la contrainte appliquée pour obtenir la déforma-
tion différée de fluage. On constate que ce coefficient décroît de manière importante avec la résistan-
ce du béton.
Nous avons vu lors de l’étude sur le retrait que le rapport E/C avait une grande
importance sur l’intensité de la déformation différée. Il en est de même pour le
fluage. Comme pour le retrait, les bétons fermes (de rapport E/C réduit) présen-
tent un fluage de dessiccation plus modéré.
La nature du ciment a une influence minime sur la valeur finale du fluage qui di-
minue très légèrement avec les ciments de type R. C’est donc un comportement in-
versé par rapport au retrait. Cependant, le type de ciment influe sur la valeur finale
du fluage à cause du degré d’hydratation au moment d’application de la charge.
L’influence de la nature du ciment est forte pour les bétons chargés jeunes alors
que pour les bétons chargés plus tard l’influence s’atténue.
En conclusion, on peut constater que les paramètres de composition influencent
la valeur finale du fluage. Toutefois, ils ne peuvent pas être pris en compte par le
calculateur qui n’en est pas maître (du moins c’est encore exceptionnel). C’est
pourquoi nous verrons que les codes font généralement l’impasse sur ces para-
mètres lors de l’établissement de leur modèle de retrait et de fluage. Toutefois, si
le nombre d’ouvrages pour lesquels le projeteur ou le concepteur pense à utiliser
194
Retrait et fluage
les potentialités des bétons et l’intègre à sa démarche est encore faible, celui-ci
croît très vite car il s’agit d’une voie de progrès de plus en plus utilisée.
Les paramètres de composition influencent grandement l’amplitude du fluage,
l’utilisation de certains granulats peut multiplier la déformation différée par 2
voire 3, la nature du ciment influe sur le comportement des bétons chargés jeunes.
195
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
ce, on peut donc affirmer que les BHP présentent en dessiccation des fluages
totaux beaucoup plus faibles que les bétons courants.
Cette diminution du fluage de dessiccation est intéressante pour des pièces mas-
sives, et surtout pour des ouvrages à zones d’épaisseurs différentes, car elle va at-
ténuer grandement l’effet d’échelle.
Pour les BHP, la vitesse de développement du fluage propre est beaucoup plus
grande que pour les bétons courants, la stabilisation étant, dès lors, plus rapide.
Le fluage de dessiccation est très atténué, l’utilisation de fumée de silice augmen-
te encore cette atténuation.
Cas des bétons autoplaçants (BAP)
Les résultats du projet national BAP ont montré que ces bétons n’avaient pas une
sensibilité particulière vis-à-vis des déformations différées. Ils se comportent
donc comme les autres bétons.
4.2. La recouvrance
Si l’on cesse l’application de la charge stationnaire (le programme de chargement
est dit alors en créneau) on constate que, d’une part, il y a diminution instantanée
de la déformation du matériau due à son élasticité et, d’autre part, cette diminution
peut se poursuivre dans le temps avec plus ou moins d’intensité. Ces déformations
correspondent à la recouvrance instantanée et différée (figure 5.20).
V H
1
V0
2
0 u0 u1 t 0 u0 u1 t
1 - Recouvrance instantanée
2 - Recouvrance différée
3 - Déformation résiduelle
196
Retrait et fluage
1 000
E2
E1 800
15
E2 600 E3
11,25 E4
E3 400
7,50
E4 E5
200
3,75
E5 0
0
72 272 472 672 872 1 072 1 272 Âge (heures)
Figure 5.21 : cinq bétons ont été soumis initialement à un palier de charge commun E3
ensuite de quoi 2 ont subi des échelons de contrainte positifs E2 et E1, et 2 négatifs E4
et E5, E5 amenant au déchargement complet. Les échelons de contraintes
étant tous égaux en valeur absolue.
Pour les échelons de contrainte positifs la réponse en déformation est proportionnelle. On constate,
a contrario, que les réponses en déformation pour les échelons négatifs ne suivent plus le principe de
proportionnalité.
197
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
198
Retrait et fluage
– et, enfin, une phase 3 qui traduit le comportement à très long terme et qui n’est
visible que pour des taux de charge importants. Cette phase 3 n’est en aucun cas
un fluage tertiaire, elle signifie simplement que la déformation sous charge con-
tinue de progresser alors que celle de retrait s’arrête faute d’un potentiel interne
trop faible.
Cette décomposition est validée aussi bien pour les déformations totales que pour
le conditionnement sans échange hydrique.
3 500
Déformation sous charge (1.e-6)
3 000
2 500
2 000
1 500 B1
B2
1 000 B3
B4
B5
500 B6
Déformation de retrait (1.e-6)
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
La première phase de comportement sous charge présente une similitude avec les
déformations de recouvrance ce qui tend à indiquer son caractère réversible. Ces
déformations suggèrent un mécanisme diffusif de l’eau libre dans les espaces ca-
pillaires induit et amplifié par l’application de la contrainte due au chargement.
La seconde phase peut s’expliquer en assimilant le retrait à un fluage sous con-
trainte hydrique. Acker [ACK 01] a montré que le fluage, dans sa partie visqueu-
se, ne dépend que des C-S-H. La partie réversible est due à l’élasticité des autres
constituants. Il a introduit la notion de « potentiel de fluage ». Ce potentiel est une
donnée intrinsèque au matériau une fois que celui-ci est fabriqué. Il est fonction
des C-S-H. Mais, ce potentiel peut être consommé par le retrait qui est considéré
comme un fluage sous charge hydrique. C’est pour cette raison qu’à même taux
de chargement, l’âge de mise en charge influe : plus on repousse la date de char-
gement, moins les déformations de fluage seront importantes. En fait, cela traduit
le fait que le béton aura épuisé un peu de son « potentiel », puisque le retrait aura
été plus grand.
199
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les déformations de retrait et celles de fluage ont, pour partie, la même origine
physique, c’est pour cela que certains modèles réglementaires (i.e. l’Eurocode 2
partie ponts [EC2 04-2]) proposent de déduire les unes des autres (fluage de des-
siccation exprimé en fonction du retrait de dessiccation).
200
Retrait et fluage
La mise en place des moyens de mesure doit être rapide pour éviter toute pertur-
bation de l’équilibre hygrothermique de l’éprouvette.
La première mesure de retrait sera généralement effectuée immédiatement après
le moulage.
On utilisera trois échantillons pour mesurer la résistance en compression au jour
de l’application de la contrainte de fluage. Si l’appareillage de fluage n’est pas
équipé pour mesurer les déformations instantanées ces trois éprouvettes serviront
aussi à déterminer le module d’élasticité du béton.
Les mesures après le chargement de fluage doivent être très rapprochées : durant
le début du chargement stationnaire, on pourra adopter une échelle de temps lo-
garithmique (par exemple 0,5 ; 1 ; 2 ; 4 min, puis 1, 2, 4, 2n jours).
On doit également effectuer des mesures de perte en eau pour les essais de retrait
et de fluage en dessiccation.
Les dimensions des éprouvettes recommandés sont : diamètre 7,5 ; 10 ; 15 ; 20 cm
et longueur 37,5 ; 50 ; 75 ; 100 cm.
L’âge d’exposition au séchage peut être de 1, 3, 7, ou 14 jours.
Les âges recommandés pour le chargement sont 1, 3, 7, 28, 90, jours et 1 an, la
contrainte de compression σ = k.σR, ou σR est la résistance en compression à l’âge
du chargement, avec k = 0,20 ; 0,40 ; 0,60. Les valeurs en italique sont les plus
usuelles. La durée des essais comparatifs est de 6 mois en endogène et n ans en
dessiccation avec n = (d/0,16)2, où d représente le diamètre en mètre. Pour une
extrapolation à long terme 1 an en endogène et 2n années en dessiccation. Les bâ-
tis d’essais peuvent être munis de ressorts, de systèmes oléopneumatiques ou de
systèmes hydrauliques.
Il est à noter que les mesures des déformations différées des bétons, retraits et
fluages, présentent généralement des dispersions importantes. La dispersion esti-
mée par rapport aux valeurs habituelles déterminées à partir des règlements est de
+/– 30 %. Sur un même béton les mesures présentent, malgré tous les soins ap-
portés à la réalisation des manipulations des variations de l’ordre de +/– 10 %.
Une méthode d’estimation statistique peut être utilisée [CLE 01].
201
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
202
Retrait et fluage
centrale en acier supportée par deux fléaux en béton précontraint et qui présentent
un fluage inhabituel [SET 04].
Un autre type de structure sensible au fluage est constitué par les enceintes de con-
finement des centrales nucléaires. En effet, l’enceinte interne de ces centrales est
constituée de béton précontraint biaxialement (figure 5.24). La précontrainte est
dimensionnée afin que, en cas d’accident et de montée en pression de l’enceinte,
le béton en zone courante reste comprimé et que le niveau d’étanchéité de l’en-
ceinte soit préservé. Cette propriété est mesurée régulièrement et est une condi-
tion sine qua non au redémarrage des centrales. On voit donc ici l’intérêt d’une
modélisation correcte du phénomène.
6.2. La modélisation
Nous avons vu aux paragraphes 4.1 et 4.2 que, si l’on fait abstraction du phéno-
mène de retour de fluage, le béton avait un comportement viscoélastique vieillis-
sant. Intéressons-nous au modèle correspondant.
203
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
204
Retrait et fluage
t t
ε(t) = ∫0 J ( t – u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t – u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire sans vieillissement, et
t t
ε(t) = ∫0 J ( t, u )dσ ( u ) et σ(t) = ∫0 R ( t, u )dε ( u )
en viscoélasticité linéaire avec vieillissement.
Compte tenu du comportement expérimental du béton décrit précédemment, ce-
lui-ci est viscoélastique vieillissant, il ne pourrait être considéré comme non
vieillissant que dans le cas d’un chargement à un âge élevé. De plus, si nous avons
vu que l’hypothèse de linéarité entre la déformation différée et la contrainte ap-
pliquée pouvait être raisonnablement admise pour des bétons chargés à moins de
50 % de la charge de rupture, ce qui est souvent le cas, par contre elle n’était pas
vérifiée lors des déchargements.
L’application au béton du formalisme de la viscoélasticité linéaire avec ou sans
vieillissement donnera, sauf cas très particuliers, des résultats approchés du
comportement réel du béton. Toutefois, les modèles actuels les plus courants
sont, pour des raisons évidentes de simplification, du type linéaire.
205
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Contrainte de
B
compression (MPa)
10 A C
B D
D
5
A
0
4 10 20 40 100 200 400 1000 4 000
Âge du béton (j)
J ( t, τ ) = J 1 + ∑ Js [ 1 – exp ( –λs ( t – τ ) ) ]
s=2
Cette méthode respecte le principe de superposition et ne nécessite pas de stocker
toute l’histoire des sollicitations, l’état de déformation de chaque élément étant
suffisant pour représenter cette histoire [BAZ 82, GRA 97, BEN 05].
6.2.3. Le modèle incrémental
L’application du principe de superposition lors d’un déchargement conduit à une
déformation de retour de fluage beaucoup trop importante par rapport aux obser-
vations expérimentales. Bien sûr, on pourrait imaginer avoir une fonction de com-
plaisance de déchargement différente de celle du chargement. Mais ceci violerait
le principe de superposition et l’application de cette méthode à une succession de
charges-décharges conduirait à des résultats erronés.
206
Retrait et fluage
C’est pourquoi a été développé la méthode du temps équivalent [ACK 89] ou mo-
dèle incrémental [ACK 92]. Supposons que nous ayons un chargement constitué
de deux paliers de contraintes σ1 appliquée à l’instant τ1 et σ2 à l’instant τ2. La
fl ϕ ( t, τ eq )
déformation de fluage, pour un instant t > τ2 sera ε ( t ) = --------------------- σ 2 où τeq est
E ( τ eq )
fl ϕ ( τ 2, τ eq ) ϕ ( τ 2, τ 1 )
le temps équivalent tel que ε ( t eq ) = ------------------------ σ 2 = ---------------------- σ 1 .
E ( τ eq ) E ( τ1 )
La déformation de fluage du béton est celle qu’elle aurait pu être si l’on avait char-
gé le béton directement avec la contrainte σ2 à un instant τeq. L’évolution de la
déformation de fluage ne dépend alors que de cette unique variable et de l’état de
contrainte et de déformation à l’instant τ2.
La méthode du temps équivalent présente bien sûr aussi des défauts. Lors d’une
décharge totale ou au moins importante, il peut ne pas y avoir de temps équivalent
solution. Dans ce cas là, la méthode initiale prévoyait un retour de fluage nul, ce
qui n’est pas la réalité non plus. Une amélioration de la méthode est possible en
utilisant des résultats d’essais de recouvrance pour compléter l’espace des solu-
tions [ACK 92].
La méthode du temps équivalent consiste à substituer à une histoire de charge-
ment complexe et non modélisable simplement un temps de chargement équiva-
lent tel que le béton aurait, à cet instant donné, la même déformation différée
que s’il avait été soumis à un chargement d’intensité constante égale au charge-
ment présent.
207
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
–6 0 ,5
avec ε ca ( ∞ ) = 2 ,5 ( f ck – 10 ) ⋅ 10 et β as ( t ) = 1 – exp ( – 0 ,2t ).
Le retrait de séchage est, de plus, fonction de la géométrie de la pièce (h0) et de
l’humidité relative de l’environnement (RH) : ε cd ( t ) = ε cd, 0 β ds ( t – t s )k h .
⎛ f cm ⎞ –6
ε cd, 0 = 0 ,85 ( ( 220 + 110α ds1 )exp ) ⎜ – α ds2 ----------⎟ 10 β RH étant le retrait de
⎝ f cm0⎠
référence.
3
Avec β RH = – 1 ,55 ( 1 – ( RH ⁄ RH 0 ) ) ,
( t – ts )
la fonction β ds ( t, t s ) = ------------------------------------------- représente la cinétique et kh est
3
0 ,04 h 0 + ( t – t s )
fonction de h0, rayon moyen :
h0 kh
100 1,00
200 0,85
300 0,75
>500 0,70
208
Retrait et fluage
On peut constater que l’amplitude du retrait de séchage décroît très fortement en fonction de la résis-
tance du béton (elle est divisée par plus de 2) et que, bien évidemment elle est grandement dépen-
dante de l’hygrométrie ambiante.
6.3.2. Le fluage
L’Eurocode 2 permet d’obtenir le coefficient de fluage φ(t – t0) = εcc(t, t0)/εci(t0),
rapport des déformations de fluage à l’instant t d’un béton chargé à t0 par rapport
à la déformation initiale élastique. La déformation initiale élastique εci(t0) est le
rapport entre la contrainte appliquée au béton σc et le module d’élasticité tangent
du béton Ec qui peut être pris égal à 1,05 Ecm. Si l’on ne recherche pas une préci-
sion extrême l’EC 2 propose un abaque pour déterminer le coefficient de fluage
(figure 5.26) Dans ce cas ne sont pris en compte que la résistance du béton,
l’hygrométrie de l’ambiance pour RH = 0 ou 80 %, l’âge au chargement et le
rayon moyen.
Ainsi la déformation de fluage pour t = ∞ sera donnée par εcc(∞, t0) = ϕ(∞, t0) (σc/Ec).
209
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40
C45/55
20 C50/60 C55/67
C60/75
C70/85
30 C80/95
C90/105
50
100
7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
MW0) h0 (mm)
(a) Environnement intérieur : RH = 50 %
Note :
1 – le point d'intersection des droites 4 et 5
4 peut également se situer au-dessus du point 1 ;
– pout t0 > 100, il est suffisamment précis
5 de supposer t0 = 100 (et d'utiliser la tangente).
3
2
t0
1
R
2
N
3
S
5 C20/25
C25/30
C30/37
10 C35/45
C40/40 C45/55
C50/60
20 C60/75 C55/67
C70/85
C80/95
30 C90/105
50
100
6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0 100 300 500 700 900 1 100 1 300 1 500
MW0) h0 (mm)
(b) Environnement extérieur : RH = 80 %
Figure 5.26 : abaque pour la détermination du coefficient de fluage, d’après [EC2 04-1].
Sur le diagramme de gauche, en partant de t0 âge du béton lors du chargement on trace l’horizontale
1 qui coupe la courbe caractéristique du ciment employé (S lent, N, normal, R rapide). On trace en-
suite la droite 2 reliant l’origine 0 à ce point d’intersection. On passe ensuite au diagramme de droite,
partant du rayon moyen h0 on remonte verticalement par la droite 3 qui coupe la courbe caractéristi-
que de la résistance du béton. À partir de ce point d’intersection on trace, vers le diagramme de gau-
che, l’horizontale 4 qui vient couper la droite 2 précédemment tracée. En redescendant verticalement
à partir de ce point d’intersection par la droite 5, on coupe l’axe des abscisses en un point qui donne
la valeur recherchée du coefficient de fluage ϕ(∞,t0).
210
Retrait et fluage
Dans ce cas des paramètres complémentaires sont pris en compte : l’humidité am-
biante est prise à sa valeur réelle estimée , on prend en compte la maturité du béton
au moment du chargement (β(t0)), les caractéristiques du ciment employé etc.
φ ( t, t 0 ) = φ 0 β c ( t, t 0 ) où φ 0 = φ RH β ( f cm )β ( t 0 ) est le coefficient de fluage à
⎛ 1 – RH ⁄ 100-⎞
long terme avec φ RH = ⎜ 1 + ----------------------------- ⎟ pour fcm ≤ 35 MPa et
⎝ 0 ,1 3 h ⎠ 0
⎛ 1 – RH ⁄ 100 ⎞
φ RH = ⎜ 1 + ------------------------------ α 1⎟ α 2 pour fcm > 35 MPa, β ( f cm ) = 16 ,8 ⁄ ( f cm )
⎝ 0 ,1 3 h ⎠
0
2A
tient compte de la résistance du béton, h 0 = --------c- est le rayon moyen de l’élément
u
en mm, avec Ac aire de la section droite et u périmètre en contact avec l’atmosphère.
0 ,2
β ( t 0 ) = 1 ⁄ ( 0 ,1 + t 0 ) tient compte de l’âge du béton au moment du chargement.
0 ,3
( t – t0 )
β ( t, t 0 ) = ------------------------------ donne l’évolution du fluage dans le temps. Il dé-
( βH + t – t0 )
pend de βH qui fait intervenir la résistance mécanique par le biais de α3 :
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250 ≤ 1500 pour fcm ≥ 35 MPa;
βH = 1,5(1 + (0,012RH)18) h0 + 250α3 ≤ 1500 α3 pour fcm ≤ 35 MPa.
Les différents coefficients α dépendent de la résistance moyenne en compression
35 0 ,7 35 0 ,2 35 0 ,5
du béton à 28 jours fcm : α 1 = ------- ; α 2 = ------- ; α 3 = -------
f cm f cm f cm
L’influence du type de ciment et des conditions de maturation sur le coefficient
de fluage peut être pris en compte en modifiant l’âge du chargement t0 par :
⎛ 9 ⎞α
t 0 = t 0, T ⎜ ------------------ + 1⎟ ≥ 0 ,5
⎝ 2 + t 1 ,2 ⎠
0, T
n
– ( 4000 ⁄ 273 + T ( Δt i ) ) – 13 ,65 )
avec, pour t ou t0, t T = ∑e ⋅ Δt i avec t0,T âge du bé-
i=1
ton « ajusté » en jours, α = – 1 ciments à prise lente (S), 0 normaux (N), 1 rapides
211
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
800
Déformations différées (μm/m)
700
600
500
400
300
200
100
0
0 5 10 15 20 25
Temps depuis la fin de mise en précontrainte (années)
212
Retrait et fluage
L’analyse de ces bétons montre que ceux pour lesquels les déformations différées
sont les plus importantes ont un module d’élasticité faible, ceci provenant de gra-
nulats plus déformables. Il convient donc pour des structures dans lesquelles le
fluage sera un critère important vis-à-vis de leur durée de vie de réaliser des essais
de fluage sur éprouvette lors de l’étude de formulation des bétons.
7. CONCLUSION
Si les causes extérieures des déformations différées des bétons, les retraits et flua-
ges, sont maintenant bien connues, il s’agit principalement de la dessiccation et
du chargement permanent, les mécanismes microstructuraux dictant leur cinéti-
que et leur amplitude ne sont toujours pas parfaitement élucidés. Si les hypothèses
sur le comportement visqueux des C-S-H sont établies, les paramètres régissant
l’évolution de ce comportement sont encore inconnus puisque à même matrice ci-
mentaire de base on peut avoir une très grande variété de réponses différées.
Il en résulte une grande difficulté à proposer des modèles de comportement adap-
table à tous les bétons réalisables. En effet pour une résistance mécanique en com-
pression donnée à l’instant t (28 jours) il existe une variété quasi infinie de
comportements différés.
Les points permettant de penser que les modèles proposés par les différents règle-
ments, normes ou recommandations donneront des valeurs proches de celles du
béton utilisé (et encore à +/– 30 % comme on l’a mentionné) sont d’utiliser des
granulats de bonne compacité (porosité faible), de module élevé et d’avoir des
compositions de béton élaborées soigneusement. Dans le cas contraire, il faut,
dans les formules réglementaires, toujours utiliser le module de déformation ins-
tantanée mesuré expérimentalement sur le béton pour avoir une estimation un peu
plus précise des déformations différées. La quantité de pâte est aussi un facteur
d’amplification des déformations différées.
Dans le cas de doute, et sans recourir à de longs essais de fluage, des mesures de
retrait des bétons réalisés couplées avec des essais de fluages de durée réduite (1 à
3 mois) peuvent donner des indications précieuses sur le comportement futur du
béton.
213
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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