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Eléments biographiques
Introduction générale de l’œuvre
Résumé rapide des épisodes précédents
INTRODUCTION :
Entrés en Eldorado au chapitre XVII après un voyage qui rappelle celui des contes initiatiques
(nombreuses difficultés d’accès, nécessité de franchir des étapes successives et de passer une
véritable frontière symbolique cf chap 17), Candide et Cacambo découvrent un univers
fabuleux qui pourrait bien être « le meilleur des mondes ». Les richesses sont immenses et
accessibles à tous, l’accueil est chaleureux. Les deux personnages se trouvent donc tout à fait
déconcertés et obligés de revoir constamment leurs propres critères de jugement. L’Eldorado
est à ce titre un contexte qui oblige à la relativisation. Après avoir rencontré un vieillard qui
les renseigne sur la religion du pays (un déisme tolérant comme celui que prônait Voltaire), ils
sont conduits auprès du roi et découvrent la réalité politique du pays.
Annonce du plan :
1. Une utopie
2. Une lecture critique
3. La fonction de l’utopie
1. Une utopie
Cet épisode du conte présente les caractéristiques de l’utopie. Ce mot a une double
étymologie grecque : eutopie, le pays où tout est parfait, et outopie, le pays qui n’existe pas.
Ce mot a été inventé par l’Anglais Thomas More qui publie un livre en 1516 intitulé
l’Utopie. Cet ouvrage rapporte le récit d’un voyageur qui visite un pays imaginaire où un
régime politique idéal gouverne un peuple heureux. Tout est passé en revue dans le moindre
détail : institutions, mœurs, religion, organisation du travail…
A. La composition du passage
La structure est chronologique. Tout se passe en une journée :
- La matinée sert au voyage : en moins de quatre heures on arriva au
palais
- L’après dîner (l’après-midi) comporte la toilette des voyageurs :les
conduisirent aux bains, les vêtirent de robes…, le salut au roi
Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, la découverte
de la ville et le souper chez le roi. Le passage d’un épisode à l’autre
est bien marqué dans le texte par des expressions temporelles : après
quoi, en attendant, après avoir parcouru.
Or, ce type de composition, où un voyageur découvre peu à peu un monde nouveau, est celui
des livres nombreux à l’époque qui décrivent une utopie.
B. La description politique
La structure politique de l’Eldorado est décrit comme une monarchie de type libéral. Le roi
n’a rien d’un souverain autoritaire. Il est facile de l’aborder et de s’entretenir avec lui. Il reçoit
les voyageurs avec toute la grâce imaginable. Il est simple et courtois dans ses rapports avec
ses invités : qui les pria poliment à souper. Il est gai et agréable puisqu’il fait des bons mots,
plaisanterie subtile qui nécessite la complicité des interlocuteurs. Par ailleurs, c’est un
monarque qui ne fait peser aucune tyrannie sur ses sujets, puisqu’il n’y a ni palais de justice ni
prison.
C. La description sociale
Cette absence d’appareil judiciaire répressif montre aussi qu’il n’y a pas d’antagonismes
sociaux et pas de délits. Les habitants de l’Eldorado vivent dans le respect des autres et de la
morale.
En effet, l’harmonie semble régner entre les gens. Il n’y a pas de différence entre les sexes :
on trouve vingt belles filles dans la garde du roi et les femmes n’ont pas que des rôles
subalternes : les grandes officières siègent à côté des grands officiers. Il n’est pas fait mention
de classes sociales, il ne semble pas y avoir de noblesse.
L’Eldorado apparaît ici comme une civilisation essentiellement urbaine. Le principe est,
comme il est dit au chapitre XVII, de joindre l’utile à l’agréable. Pour cela, l’espace est
agrandi par de longues perspectives horizontales et verticales : édifices publics élevés
jusqu’au nues, grandes places, galerie de deux mille pas… Les relations commerciales
prennent une forme esthétique : les marchés sont ornés de mille colonnes. Les fontaines et les
pavés odoriférants créent en outre un climat de fraîcheur et de propreté, confirmé par
l’existence des bains.
La richesse est le bien de tous.
D. La place de la culture
L’Eldorado consacre de grands moyens à la science et à la recherche. On peut y voir une
galerie de deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathématique et de physique.
L’intelligence et la culture semblent régner à la cour du roi : jamais on n’eut plus d’esprit à
souper.
Cette civilisation semble avoir atteint une forme de perfection. Elle permet à Voltaire
d’exprimer, par le moyen de la fiction, ses propres aspirations : monarchie libérale, urbanisme
harmonieux, développement des sciences. Mais Candide, surpris agréablement à travers les
merveilles qu’il découvre, peut être conduit à penser qu’il se trouve dans « le meilleur des
mondes possibles ».
E. Un monde merveilleux
Le texte se présente à première vue comme un épisode de conte merveilleux. Les visiteurs
vont d’étonnement en étonnement.
- Tout ce qu’ils voient leur paraît grand : les grands officiers et les
grandes officières, les édifices publics élevés jusqu’au nues, les
grandes places.
- A l’impression de grandeur s’ajoute un sentiment d’abondance rendu
par l’exagération des nombres : 220 pieds de haut, et 100 de large, 2
files, chacune de 1000 musiciens, 1000 colonnes, une galerie de 2000
pas, la 1000ème partie de la ville.
- Cette magnificence est soulignée par l’usage constant du pluriel et par
le procédé de l’accumulation : on leur fit voir la ville, les édifices
publics…, les marchés…, les fontaines…, les fontaines…, celles de
liqueur…
- L’emploi du superlatif et des expressions à valeur superlative mettent
en évidence la perfection : supériorité prodigieuse, avec toute la
grâce imaginable, élevés jusqu’aux nues, continuellement, le plus de
plaisir, toute pleine, jamais on ne fit…, jamais on n’eut plus d’esprit.
- La richesse et le luxe sont omniprésents : richesse de la matière dont
est fait le portail du palais (supériorité par rapport à l’or et aux
pierreries), richesse des costumes dont sont revêtus les deux
personnages (tissu de duvet de colibri), richesse des éléments
urbains : places pavées d’une espèce de pierreries…
Voltaire empêche cependant son lecteur d’adhérer naïvement à la fiction de ce conte ; il
l’incite à prendre une distance à l’égard de l’émerveillement béat de ses héros. Tout est trop
beau, trop parfait. Cette surenchère se traduit par des redondances (grands, fontaines, emploi
systématique du nombre 1000, clichés…). L’aveu d’une incapacité de rendre les choses telles
qu’elles sont : il est impossible d’exprimer.., et le décalage entre cette incapacité et
l’affirmation on voit assez bien, concourent également à suggérer au lecteur qu’il s’agit d’un
monde dans lequel tout est exagéré et donc inacceptable tel quel.
3. La fonction de l’utopie
La présence d’une utopie au chapitre XVIII a une double fonction : critique et narrative.
CONCLUSION :
L’épisode de l’Eldorado constitue une pause régénératrice pour Candide. Il n’a pas encore une
vision exacte des choses qu’il découvre : son apprentissage n’est pas terminé. Ainsi, sur le
plan de la structure du conte, il n’est pas pensable que Candide s’enferme dans l’Eldorado,
qu’il va quitter et qui va devenir pour lui une nouvelle référence après Thunder-ten-tronck.
Sur le plan de l’idéologie voltairienne, l’Eldorado est une manière de jeter les bases d’un
monde qui transcrit les options religieuses, politiques et sociales du philosophe. Le fait que
l’Eldorado soit présenté comme une utopie rappelle que c’est un contexte idéalisé, qu’il n’est
pas réel. Ce n’est pas la solution.