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PRÉFET DE LA RÉGION D’ILE-DE-FRANCE

PRÉFET DE PARIS

Les Rencontres
du Grand Roissy

24 et 25 janvier 2011 – Roissy-en-France


Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

SOMMAIRE 
 

1ÈRE PARTIE : DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL SOUS CONTRAINTE DE


BRUIT : EXEMPLES DE RÉGIONS AÉROPORTUAIRES MONDIALES ................. 3

Introduction par M. Daniel CANEPA, Préfet de Paris, Préfet de la Région d’Ile-de-France . 4

Introduction au débat par M. Hervé DUPONT, directeur-général EPA Plaine de France ..... 6

L’exemple d’Atlanta par M. Kasim REED, maire d’Atlanta ................................................... 7

L’exemple de Singapour par M. Ong Heng YAP, directeur général de l’aviation civile de
Singapour …………………………………………………………………………………………....13
L’exemple de Memphis par M. A.C. WHARTON, maire de Memphis ................................. 17

L’exemple d’Amsterdam par M. Arthur VAN DIJK, maire-adjoint d’Harlemmermeer......... 20

Questions – réponses .......................................................................................................... 24

2EME PARTIE : LES RENCONTRES DU GRAND ROISSY...................................... 28

Discours de M. Daniel CANEPA, Préfet de Paris, Préfet de la Région d’Ile-de-France ...... 31

Discours de M. Jean-Paul HUCHON, Président du conseil régional d’Ile-de-France .......... 36

Première table ronde : Développement économique et environnement ......................... 40

Deuxième table ronde : Organisation spatiale, Grand Roissy, Grand Paris ................... 70

Troisième table ronde : Comment travailler ensemble ? .................................................. 89

Conclusion par Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Ministre de l'Écologie, du


Développement durable, des Transports et du Logement ................................................... 104

   

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

1ÈRE PARTIE :

DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL SOUS CONTRAINTE DE BRUIT :

EXEMPLES DE RÉGIONS AÉROPORTUAIRES MONDIALES

Quelle stratégie de développement ? Quelle organisation institutionnelle ? Quelle


gouvernance ? Quelle gestion des nuisances ?

Lundi 24 janvier 2011

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Mot d’accueil
André TOULOUSE, maire de Roissy-en-France (Val d’Oise)

(…) Je remercie M. Daniel CANEPA d'avoir choisi la salle de L’Orangerie de Roissy en


France, dont la situation est au cœur du débat de ce soir – un développement territorial sous
contrainte de bruit – ,et de nous donner l'occasion de débattre avec des maires de grandes
villes étrangères et amies vivant la même expérience que nous, mais souvent avec plus
d'ancienneté. Je souhaite à l'assemblée une soirée conviviale et instructive.

Introduction
Daniel CANEPA, Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris

Merci beaucoup, monsieur le maire de Roissy, de nous accueillir.


Monsieur le député,
Mes chers invités,
Monsieur le maire d'Atlanta,
Monsieur le maire de Memphis,
Monsieur le maire adjoint d’Harlemmermeer
et Monsieur le directeur général de l'Aviation civile de Singapour,
Permettez-moi en premier lieu de vous remercier de votre présence, car nous sommes
véritablement honorés que vous ayez accepté notre invitation et que vous veniez d’aussi loin
pour participer à nos échanges de ce soir – et de demain. Si nous pouvions nouer des
relations suivies, en effet, cela montrerait qu'il existe une communauté internationale qui se
penche sur les problèmes qui nous interpellent en matière aérienne. Vous écouter est pour
nous ce soir un honneur et une chance.
Ces rencontres s'inscrivent dans la continuité d’une volonté marquée du président de la
République française, Nicolas SARKOZY, qui, en 2007, a impulsé un travail de réflexion
autour de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, en même temps qu'il a lancé le vaste projet du
Grand Paris. Après deux ans et demi de discussions et d'actions, ces premières Rencontres
du Grand Roissy sont l'occasion de faire le bilan du travail effectué et du dialogue engagé,
ainsi que de poser de nouveaux jalons pour un développement durable de l'aéroport et de ce
territoire.
Il s'agit à l'évidence d'un territoire stratégique pour la France. L'aéroport Paris-Charles-de-
Gaulle est l'un des rares lieux par lesquels Paris et la France échangent avec le monde
entier, pour les passagers, mais aussi pour les marchandises. Dans la compétition
internationale entre les métropoles, un aéroport de cette envergure est un atout majeur pour
notre pays, la région d’Ile-de-France et le Grand Paris. Mais son développement nécessaire

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

n'est possible qu'à la condition de respecter la qualité de vie des riverains et de faire profiter
du développement le territoire qui accueille cette infrastructure.
L'objectif de ces premières Rencontres du Grand Roissy – qui réunissent les principaux
responsables du territoire qu’ils soient élus, chefs d'entreprise, associations ou dirigeants
d'administrations – est donc de bâtir ensemble un projet partagé et durable, et de définir les
voies et les moyens d'une organisation qui reflète la pluralité des enjeux, qui soit plus
efficace et au service des habitants, de l'environnement et d'un développement équilibré.
La journée de demain sera entièrement consacrée aux enjeux relatifs à Paris-Charles-de-
Gaulle, aux territoires qui l'entourent et à la métropole qui en bénéficie. Cette journée sera, je
l’espère, dense et utile.
Toutefois, nous avons souhaité ne pas rester uniquement entre nous et avons désiré que ces
Rencontres soient précédées d'un échange à partir d'exemples d'autres territoires
aéroportuaires à travers le monde. Nous avons choisi Atlanta, Memphis, Singapour et
Amsterdam. Trois continents sont représentés ici par des intervenants qui sont en charge
directe des plus hautes responsabilités. Notre objectif est de prendre du recul – et de
l'altitude – pour apprendre et s'inspirer.
Il ne s'agit pas pour nous de chercher un modèle que l'on copierait aveuglément. Chacun
des territoires dont un représentant s'exprimera ce soir a une vision sensiblement différente,
une stratégie et une méthode particulières. Néanmoins, tous ont en commun d'avoir organisé
tout ou partie de leur développement à partir de leur aéroport. Les choix de développement
qui ont été faits ne sont pas identiques. Chacun cultive sa spécificité. Les environnements ne
sont pas comparables. Les moyens et méthodes pour prendre en compte les intérêts et la
qualité de vie des riverains sont différents ; les contextes politiques et institutionnels varient
de l'un de ces territoires à l'autre et sont différents du contexte français, mais chacune des
régions aéroportuaires concernées a su s'organiser pour poursuivre les objectifs qu'elle s'est
fixés.
Je vois pour ma part trois questions essentielles auxquelles des éléments de réponse seront
apportés ce soir et confortés demain : quelle stratégie de développement ? Quelle gestion de
l'environnement ? Quelle gouvernance ? Parce qu'il ne faut occulter aucun problème, je
pense qu'il est important de considérer aussi la répartition des retombées économiques et
fiscales pour le territoire qui jouxte l'aéroport. Voilà autant de questions sur lesquelles nous
sommes impatients d'entendre ce qu'ont à nous dire nos invités.
Permettez-moi de cesser là mon propos, que je reprendrai demain matin à l'ouverture de la
journée des Rencontres pour céder la parole à Hervé DUPONT, directeur général de
l'Établissement public d'aménagement (EPA) Plaine de France, société d'aménagement de
premier plan du Nord francilien que la plupart d'entre vous connaissent parfaitement, qui
aura ce soir la responsabilité d'introduire puis d'animer le débat.

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Introduction au débat
Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France

Merci, monsieur le préfet.


Je souhaite la bienvenue à nos invités : M. REED, maire d'Atlanta ; M. WHARTON, maire de
Memphis ; M. VAN DIJK, maire-adjoint d’Harlemmermeer et M. YAP, directeur général de
l'aviation civile de Singapour.
L'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle attire de plus en plus d'entreprises nationales et
internationales qui veulent profiter de l’accessibilité qu’il offre tout comme la gare TGV qui
relie Paris-Charles-de-Gaulle à toute l’Europe. Les autorités souhaitent rehausser son
attractivité en prenant à bras-le-corps les problèmes existants, tels le bruit et le chômage
dont souffrent beaucoup de riverains de l'aéroport.
Chacune de vos villes soutient un développement économique autour d'une plateforme
aéroportuaire importante et chacun d'entre vous a constaté que le développement de
l'aéroport ne suffisait pas à assurer un haut niveau de développement social et économique.
Vous avez donc entrepris de mettre en œuvre une stratégie spécifique de développement et
vous avez fait le nécessaire pour associer développement économique, attractivité,
développement social, accès à l'emploi et à la formation et réduction des nuisances. Nous
sommes ravis de profiter de votre expérience et d'échanger sur vos méthodes et sur les
difficultés que vous avez rencontrées.
Si vous le voulez bien, nous allons aujourd'hui nous focaliser sur les problématiques
suivantes : comment développer l'économie et attirer les entreprises internationales – et
quelles entreprises ? Quelle est votre stratégie pour atteindre cet objectif ? Comment faciliter
l'accès à l'emploi et à la formation des riverains ? Comment gérer le bruit ? Comment
concilier développement économique et respect de la réglementation aérienne ? Comment
faire en sorte que toutes les parties prenantes puissent profiter globalement du marketing de
la ville et du développement environnemental, économique et urbain ?

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

L’exemple d’Atlanta

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


La population de la métropole d'Atlanta est de 5,5 millions d'habitants ; l'aéroport Hartsfield-
Jackson a un trafic de 90 millions de passagers par an – il s'agit essentiellement de vols
intérieurs. Cet aéroport est le n°1 mondial en termes de trafic de passagers. Il compte
648 000 t de fret et 1 200 vols par jour. L’aéroport est situé à 16 km du centre-ville. 80 % du
marché américain est accessible à moins de deux heures de vol d'Atlanta. L'aéroport a créé
56 000 emplois directs et 331 000 emplois indirects. Il est le hub de Delta Airlines, membre
de l’alliance SkyTeam. Il est doté d'équipements intermodaux, d'autoroutes et d'un accès
ferroviaire. Il accueille le siège de nombreuses grandes entreprises.
La ville accueille des conventions et des expositions dans le secteur biomédical, ainsi que
l'organisme pour la prévention des maladies, les télécoms, l'éducation et la formation.
Merci de votre présence, monsieur REED. Je vous donne la parole.

Kasim REED, maire d’Atlanta


C’est un plaisir et un honneur que d'être avec vous ce soir dans cette belle ville de Paris.
J'apprécie beaucoup votre invitation et l'occasion qu'elle me donne de m'adresser à vous,
élus, chefs d'entreprises et représentants des autorités aéroportuaires. J'aimerais remercier
le Préfet de la région d’Ile-de-France, ainsi que tous ceux qui ont permis notre présence ce
jour. Nous allons tâcher de profiter de l'expérience des uns et des autres.
Au mois de novembre, la Ville d'Atlanta a accueilli un colloque très réussi, le France-Atlanta
Project pour l'innovation, reconnaissant la force des liens qu’ont toujours entretenus la
France et la ville d'Atlanta. Le projet France-Atlanta souligne notamment l'importance de
notre partenariat dans la science, les affaires, l’humanitaire et les arts. Le dialogue
d'aujourd'hui et les collaborations qui vont s'ensuivre signeront une relation réussie dans le
domaine vital du transport aérien.
Atlanta et Paris sont des hubs importants pour le transport dans le réseau mondial qui se
développe de plus en plus et ils vont continuer à croître en raison de l'importance
économique de nos régions respectives. Il en est d'ailleurs un symbole : Paris-Charles-de-
Gaulle est la première destination des vols internationaux vers l'Europe au départ de
Hartsfield-Jackson Atlanta. Atlanta et Paris se situent tous deux parmi les dix premiers
aéroports mondiaux pour le trafic de voyageurs.
90 millions de passagers transiteront par notre aéroport en 2011, soit 25 millions de
passagers supplémentaires par rapport à l'aéroport se situant juste après nous dans le
classement.
Pour créer le site de Hartsfield-Jackson, le maire d'Atlanta a décidé en 1920 de racheter une
piste de compétition automobile. Il est à noter qu'avant de porter son nom actuel, la ville
d’Atlanta se nommait Terminus. De fait, Atlanta a été la seule ville à avoir été complètement
rasée par le général SHERMAN lors de la guerre civile. Durant la guerre de Sécession, il
s'agissait déjà d'un hub logistique.
William Hartsfield a joué un rôle clé dans la construction de cet aéroport, mais il a fait
davantage. Il existait une petite compagnie aérienne appelée Delta, qui ne se portait pas très
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

bien ; le maire leur a donné un bail à long terme pour un dollar – ce qui lui a coûté les
élections.
Durant les années soixante, l'aéroport est devenu le sixième aéroport américain, puis le
troisième après New York et Chicago. Un autre maire d'Atlanta, M. JACKSON, a alors pris la
décision de bâtir un aéroport digne de ce trafic considérable.
Nous sommes actuellement en train de construire le terminal international Maynard
H. Jackson pour 1,4 milliard de dollars, qui sera inauguré au printemps 2012. Il desservira
151 destinations internationales et sera le siège de Delta Airlines.
Il est à noter que nous sommes la deuxième métropole en termes de développement,
derrière Dallas Fort Worth, ce qui s'explique notamment par la présence de l'aéroport.
Atlanta était autrefois une ville endormie ; elle est désormais l'une des villes comptant le plus
grand nombre de grandes entreprises cotées au classement des 500 plus grandes
entreprises américaines. Chacun s'accorde à penser que c'est l'aéroport qui a joué un rôle
clé dans le développement de la ville et qu'il demeure un élément essentiel pour notre avenir.
Nous avons 56 000 salariés sur l’aéroport, mais en réalité, 430 000 personnes bénéficient
indirectement de l'aéroport en termes d'emploi. L'impact économique sur l'ensemble de la
Géorgie est considérable. Ce sont 4,6 milliards de dollars de salaires qui sont versés par
l'aéroport. Il s'agit donc d'un actif énorme, non seulement pour la ville, mais aussi pour toute
la région Sud-Est des États-Unis. C'est la raison pour laquelle nous sommes très soucieux
de protéger et de conserver cette avance.
L'aéroport d'Atlanta est donc l’actif numéro un en termes d'attractivité pour les entreprises et
de création d'emplois – la création d’emplois aura toute son importance dans la décennie à
venir. Les collectivités nationales et locales, et les chefs d'entreprise doivent en effet créer
des emplois et cet aéroport est à mon sens l'un des meilleurs outils pour ce faire. Chaque
mois, sous forme de coûts de construction dans le BTP, nous contribuons pour 15 millions de
dollars dans l'économie locale.
Une question m'a été posée sur notre stratégie de croissance. Nous possédons plus de
2 000 ha de terrain et achetons du foncier dès que l'occasion se présente. Le maire d'Atlanta
a la maîtrise de l'aéroport Hartsfield-Jackson. Certes, un commissionnaire est responsable
devant le président de la société opératrice, mais cette société est elle-même responsable
des résultats devant le maire d’Atlanta et la collectivité locale.
Les résultats sont là pour le prouver ; nous avons connu une amélioration de notre notation
par les agences de notation pour les emprunts. Nous possédons des réserves d'un demi-
million de dollars et avons donc une saine gestion financière.
L'aéroport dispose de cinq pistes d'atterrissage et d'envol – la cinquième piste a coûté
2 milliards de dollars. Notre aéroport est à même d'accueillir tout type d'avion en vol aux
États-Unis et, à l'avenir, nous serons capables de gérer d'autres avions encore plus grands.
Notre aéroport est donc un véritable outil de travail.
Quelle est la situation pour les riverains ? Nous investissons dans toutes les collectivités
situées autour de l'aéroport. Les villes situées à proximité de l'aéroport profitent directement
de son rayonnement. Nous contribuons positivement à montrer notre solidarité avec les
riverains. Nous avons créé une ligne de chemin de fer reliant l'aéroport au campus, avec un
arrêt dans la collectivité locale, ligne que peuvent utiliser les riverains pour se déplacer sur le
site et ses alentours.

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous souhaitons devenir le centre de la logistique pour tout l'hémisphère occidental. Nous
sommes déjà numéro un pour le trafic de voyageurs ; nous avons les capacités de maintenir
cette situation. Nous construirons une sixième piste lorsque cela sera nécessaire.
A la différence de beaucoup d'aéroports, nous avons en effet préféré nous focaliser sur un
seul aéroport plutôt que d'en construire un deuxième. Lorsque la capacité doit être
augmentée, nous pouvons agrandir un aéroport qui fonctionne déjà. Des arguments
environnementaux entrent aussi en jeu dans la décision de ne pas construire un deuxième
aéroport. Nous sommes soucieux de protéger l'environnement et préférons développer le
site tel qu'il existe actuellement.
Nous avons un partenariat formidable avec Delta Airlines ; une compagnie régionale, South
West Airlines, va payer une somme importante pour avoir accès à notre hub ; notre modèle
commercial et d'entreprise fonctionne très bien ainsi. D'ailleurs, sans Delta Airlines, nous ne
serions pas devenus cet aéroport – il faut savoir que Delta Airlines a été à une époque la
compagnie la plus importante du monde. Notre relation avec elle est extrêmement solide.
Nous discutons notamment avec sa direction le financement du nouveau terminal. Ce
partenariat est à mon sens l'un des ingrédients du succès.
Depuis plus d'un an, nous nous focalisons de plus en plus sur le fret aérien, qui a augmenté
de 30 %. Neuf sur dix des principales sociétés de fret aérien sont présentes sur notre site.
En 2012, nous accueillerons d'ailleurs la conférence des sociétés de fret aérien.
Pour l'heure, notre aéroport est calme durant la nuit. À l’avenir, nous allons fonctionner
24 heures sur 24 : jusqu'à 23 heures, nous allons privilégier les trafics voyageurs ; entre
minuit et six heures du matin, nous allons devenir un aéroport pour le fret. Il ne faut pas
perdre de vue que nous pouvons atteindre facilement 80 % des centres industriels et
commerciaux des États-Unis en moins de deux heures de vol. Nous allons relier le port
fluvial de Savannah à l'aéroport. Lorsque le canal de Panama pourra accueillir des cargos
encore plus importants, nous pourrons les faire s'acheminer jusqu'à l'État de Géorgie et
Atlanta.
L'État possède rarement un outil pour favoriser le changement et la création d'emplois
n'ayant pas d'interaction avec beaucoup d'autres parties prenantes. Les progrès que nous
allons faire dans le fret aérien vont multiplier les emplois. Un Boeing 747 a 100 000 t de fret
dans ses flancs. Il me semble que c'est un lien essentiel pour notre avenir.
Nous allons rester numéro un pour le trafic voyageurs et allons investir de plus en plus pour
développer le fret aérien.
Le port fluvial de Savannah est le quatrième port fluvial des États-Unis. Nous allons veiller à
ce qu'il devienne le numéro un pour créer des emplois et améliorer la qualité de vie de nos
riverains et concitoyens. Nous allons le faire de manière durable, en respectant
l'environnement et le développement durable.
Projection d’une vidéo présentant le nouveau terminal international de l’aéroport Hartsfield-
Jackson.

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


Merci beaucoup pour cette présentation. Vous avez mentionné 1 200 vols par jour et un futur
fonctionnement de l'aéroport 24 heures sur 24. Comment allez-vous gérer la problématique
de l'environnement, en conformité avec la réglementation ?

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Kasim REED, maire d’Atanta


Nous écoutons les parties prenantes. L'approche de la communauté locale et des riverains
est plutôt positive, dans la mesure où ceux-ci sont très fiers de l'aéroport. Le premier élément
est l'écoute. Bien sûr, nous voulons qu'Atlanta devienne l'une des villes les plus favorables
au développement durable. Lorsqu'il y a des plaintes, nous invitons les personnes qui les
formulent à venir s'exprimer et essayons de mettre en œuvre les changements de manière
spontanée. Nous allons nous développer, mais il ne fait aucun doute que nous allons faire ce
qui est nécessaire pour veiller à ce que l'actif le plus important de la région fonctionne et se
développe.
Il faut écouter, mais il faut aussi être assez ferme et indiquer clairement les objectifs et
orientations. L'incertitude est une mauvaise chose ; plus il y en a et plus vous risquez de
nuire au développement et à la création d'emplois. Nous avons toutefois un bon historique
de performance dans ce domaine. Il faut que les populations sachent que nous allons aller
de l'avant et qu'elles connaissent nos objectifs et orientations.

André TOULOUSE, maire de Roissy-en-France (Val d’Oise)


Je tiens à vous remercier pour votre exposé brillant et impressionnant. Lorsque le maire
d'Atlanta a acheté le terrain de l'actuel aéroport en 1920, il ne pouvait sans doute pas
imaginer le développement que vous venez de décrire. Il serait intéressant de savoir
comment vous avez pu résoudre la problématique des accès au fur et à mesure de
l'agrandissement du traitement des voyageurs et du fret, que ce soit par la route ou le fer.
Nous avons bien compris que le maire d'Atlanta a beaucoup plus de pouvoir qu'un maire
français. Un terrain suffisamment vaste a-t-il été réservé dès le départ ou avez-vous eu les
moyens d'acquérir au fur et à mesure par le biais d'expropriations ?

Kasim REED, maire d’Atlanta


Nous avons eu une série d'excellents maires, qui étaient des leaders et ont établi des
partenariats robustes. Comme l'aéroport est devenu l'actif le plus important de l'État, les
républicains et les démocrates y sont favorables. La réponse la plus directe à votre question
réside dans les avantages en termes de création d'emplois de l'aéroport. Il est vrai qu'Atlanta
a un maire qui a beaucoup de pouvoir. Dans notre État, il est reconnu que la ville est le
principal créateur d'emplois et que l'aéroport doit soutenir cela.
Nous avons également bénéficié de l'aide de l'État fédéral. J'ai mentionné le développement
du port fluvial de Savannah ; je n'ai aucune autorité sur ce port, mais j'ai un rapport
personnel très fort avec le président OBAMA, à qui j'ai parlé de ce port et de la nécessité de
le développer.
Ce sont donc les partenariats qui permettent de remporter l'adhésion des différentes parties
prenantes. Il me semble que le partenariat est un élément clé du modèle d'Atlanta. L'ancien
maire d'Atlanta avait été membre du Congrès et ambassadeur ; il possédait donc un carnet
d'adresses et nous a beaucoup aidés pour obtenir les permis et autorisations nécessaires.
Nous considérons l'aéroport comme un joyau de notre État. À la question : « De quoi les
habitants de Géorgie sont-ils fiers ? », l’aéroport est toujours cité parmi les trois éléments les
plus importants pour ses habitants.
D'autre part, nous agissons rapidement lorsque le consensus émerge dans un groupe. C'est
la Ville d'Atlanta qui a financé la réalisation du terminal international et elle l’a fait dans le
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

cadre de sa gouvernance. Je vous incite tous à réfléchir à la rationalisation de votre mise en


œuvre des projets. La rapidité est très importante. Certes, il faut gérer les différents niveaux
de responsabilité, mais il faut aussi une bonne coordination, tout comme il faut mettre
l'accent sur la création d'emplois. Si vous êtes retardés par des questions
environnementales, il faut les affronter de front et faire les investissements nécessaires pour
préserver l'environnement.
L'aéroport Charles-De-Gaulle est un aéroport formidable et une ville comme Paris ne peut
pas se montrer lente. Elle doit être rapide.

Intervenant
Vous parlez d’aide aux riverains ; jusqu'à quelle distance considère-t-on les habitants comme
des riverains de l'aéroport ? Y a-t-il un plan de protection d'urbanisme autour de l'aéroport
comme cela existe dans le droit français et dans beaucoup de pays ? Vous avez également
mentionné la propriété de l'aéroport par une filiale ; y a-t-il d'autres partenaires ? L'État de
Géorgie est-il actionnaire de l'aéroport ? Comment le capital se compose-t-il ?

Kasim REED
L'État de Géorgie n'est pas partie prenante dans la propriété de l'aéroport. C'est le maire qui
a la responsabilité de l'aéroport et qui délègue la gestion à une entreprise. C'est ainsi depuis
le début et tous les investissements réalisés ont été faits par la Ville.
En réalité, c'est probablement Delta Airlines qui est la partie prenante la plus importante. La
relation entre le directeur de la compagnie et les maires des différentes communes a une
cinquantaine d'années. Delta Airlines est le plus gros employeur privé de l'État de Géorgie et
a tout intérêt à travailler avec le maire d'Atlanta, plutôt que de traiter avec de multiples
entités. C'est une relation gagnant/gagnant.
Il est vrai que nous n'avons peut-être pas autant de restrictions au pouvoir que vous, mais
nous devons tout de même tout faire approuver par différents organismes. Nous faisons ce
qu'il faut. Parmi les élus locaux, le maire d'Atlanta est le personnage le plus influent, mais
nous n'en abusons pas. Nous essayons de traiter avec toutes les parties prenantes.
Toutefois, nous devons faire ce qui est nécessaire pour protéger l'aéroport et, en dernière
analyse, nous allons convaincre tout le monde de nous soutenir, car la qualité des emplois
que nous créons est indéniable. Il n'y a pas d'autres outils à notre disposition dans le monde
tel qu'il est pour créer des emplois aussi rapidement que nous le faisons aujourd'hui par le
biais de cet actif qu’est l’aéroport Hartsfield-Jackson.

Intervenant
Vous avez mentionné dans votre exposé la richesse créée en termes de valeur ajoutée par
cette plateforme aéroportuaire. Cette richesse a-t-elle été répartie de façon concentrique, de
telle sorte que personne n'a été perdant sur le territoire ? A-t-elle au contraire été plutôt
répartie de manière linéaire, comme cela a été le cas pour l'aéroport Roissy-Charles-de-
Gaulle ? En l'occurrence, en effet, la richesse a été répartie de façon linéaire de Roissy
jusqu'à Paris et certains départements ont été les grands oubliés : le Val-d'Oise et la Seine-
et-Marne. Il est vrai que ces Rencontres du Grand Roissy sont l'occasion de gommer ces
disparités. J'aimerais connaître votre impression sur ce point particulier.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Kasim REED
Effectivement, nous avons eu quelques problèmes de ce type, mais en général, deux
personnes négocient : moi-même et le responsable de la gestion de l'aéroport. Lors de la
construction de la cinquième piste d'atterrissage et de décollage, il nous a fallu consulter de
multiples entités politiques et juridiques. Une importante partie du territoire de l'aéroport est
située dans un district voisin, mais nous avons négocié jusqu'à ce que nous parvenions à un
accord. Néanmoins, nous fixons des limites temporelles. Je veux respecter le programme de
dépenses que nous avons établi. Nous avons des objectifs à réaliser avec des échéances.
C'est à nous de veiller à ce que la richesse générée soit bien partagée. L'année dernière, un
milliard de dollars de contrats a été gagné pour les minorités parmi les riverains. Nous avons
un programme spécial pour les PME, qui dépasse le milliard de dollars. Nous sommes donc
constamment en train d’œuvrer pour répartir équitablement les richesses générées et les
emplois créés par l'aéroport.
Je connais les codes postaux des communes où travaillent les personnes impactées par
l'aéroport ; je peux dire aux maires des communes combien de leurs habitants sont
employés par l'aéroport. Tout cela a un effet certain sur la conversation.
Il faut un peu de carotte et de bâton. Nous travaillons beaucoup à identifier les avantages
que nous apportons aux communes riveraines. Nous avons beaucoup construit ; nous
donnons du travail à de nombreuses personnes et remplissons des fonctions importantes
pour toutes les communautés locales. Engager un dialogue avec les riverains et les
collectivités avoisinantes est une forme d'investissement.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

L’exemple de Singapour

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


La situation de Singapour, qui est à la fois État et Ville, est bien différente de celle d'Atlanta.
La métropole compte 5 millions d'habitants. L’aéroport Changi a un trafic voyageurs de
37 millions d'individus et un trafic fret de 1,66 million de tonnes. Le hub est celui de
Singapour Airlines. Dix-sept kilomètres séparent l'aéroport et le centre de la ville.
Les avions survolent la mer. Au cœur de l'Asie du Sud-est, Singapour a une situation
géographique privilégiée. C'est aussi un port maritime important. Il est en effet le premier en
termes de tonnage par an. 20 % des porte-conteneurs transitent par Singapour. L'économie
y est florissante pour les services financiers, l'électronique et la haute technologie. La
performance est très élevée en termes de logistique, avec un système de traitement
électronique des échanges et des zones spéciales. Singapour est très favorable au business
et aux entreprises en général.
Il existe un conseil pour le développement économique, ainsi qu'une société de gestion du
foncier urbain.
Voilà ce que je connais sur l'organisation de votre ville-État ; je vous laisse maintenant la
parole, monsieur YAP.

Ong Heng YAP, directeur général de l’aviation civile de Singapour


Monsieur le Préfet de la région Ile-de-France,
messieurs les maires,
mesdames et messieurs,
merci beaucoup de m'avoir invité à m'adresser à cet auditoire prestigieux pour vous faire part
de l'expérience de Singapour avec la construction de l'aéroport Changi comme un hub très
important, mais avec des moyens très limités.
Singapour fêtera cette année les cent ans de son aviation. Au fil des années, Singapour et
son aviation ont connu des taux de croissance extrêmement corrélés. Comme beaucoup de
grandes villes du monde, c'est pour nous un défi que de soutenir cette croissance durable de
notre hub aérien.
Singapour est à la fois un Etat et une ville. La superficie de cette petite île de l'Asie du Sud-
Est est de 710 km2 et sur cette superficie, nous devons satisfaire les besoins de l'industrie,
du commerce et du transport, et veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'espace pour le
logement et le divertissement d'une population de 5 millions d'habitants qui continue de
croître. L'occupation du sol est donc sujette à concurrence et l'aéroport est évidemment
partie prenante de cette concurrence.
La connectivité aérienne est cruciale pour le développement économique de Singapour. En
2009, notre PIB était de 156 milliards d'euros. Nous étions le cinquième pays sur 190 dans le
monde en PIB par habitant. Notre commerce atteint 440 milliards d'euros, ce qui signifie que
notre rapport commerce extérieur/PIB, est de l'ordre de 1 à 3. Nous nous situons dans les
dix premiers pays en termes d'export et d'import.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

La connectivité aérienne a certainement contribué au développement des échanges avec


Singapour et à son développement économique. Elle a toute son importance pour le
développement de Singapour comme ville mondiale. Nous possédons un réseau de
transport international vital pour attirer les investisseurs étrangers et les ressources
humaines les plus talentueuses. Singapour accueille 7 000 entreprises multinationales. Plus
de 30 % des entreprises du classement Fortune 500 possèdent des sièges importants à
Singapour. 460 entreprises françaises y sont implantées. Nous cherchons désormais à attirer
les entreprises asiatiques des marchés émergents afin qu'elles utilisent Singapour comme
tremplin pour bénéficier d'un élan de croissance.
Notre politique en matière d'aviation consiste à développer la connectivité aérienne.
L’aéroport Changi est un actif stratégique pour le développement de Singapour. Une
centaine de compagnies aériennes l'utilisent. En 2009, nous desservions plus de 200 villes à
travers le monde et avions 5 400 vols réguliers. En 2010, 42 millions de voyageurs utilisaient
l'aéroport et 1,8 million de tonnes de fret y transitait, la plupart du temps par le biais
d'avions passagers.
Nous sommes le septième aéroport international mondial, sans compter les vols intérieurs.
Nous sommes également le septième aéroport mondial pour le fret international. Par le biais
du développement du fret, Singapour est devenue le principal hub logistique régional. Il faut
compter l'aéroport, mais aussi notre connectivité aérienne supérieure. En effet, 17 des
25 principaux prestataires mondiaux de logistique ont leur siège ou leur hub à Singapour, ce
qui a probablement multiplié le nombre d'emplois créés non seulement dans le secteur de
l'aviation, mais également au-delà.
En 2009, nous étions le port le plus important du monde. En 2010, Shanghai nous a
légèrement dépassés.
Le secteur du transport aérien apporte une contribution significative à l'économie de
Singapour, à hauteur de 2 % du PIB, avec une valeur ajoutée de 2,6 milliards d’euros.
23 000 emplois ont été créés par l'aéroport. La plupart des compagnies aériennes génèrent
leurs bénéfices les plus importants dans leur pays d'origine, mais si vous considérez les
bénéfices indirects de l'aéroport Changi et les avantages qu’il induit, il apparaît qu’il contribue
à hauteur de 15 % du PIB. Nous avons en effet créé 83 000 emplois, emplois indirects
compris, soit 15 % de notre population active.
Quels sont nos facteurs de succès ? Nous avons d'abord une politique très libérale en
matière d'aviation. Pour nous, ce sont les compagnies aériennes qui font tourner l'aéroport et
contribuent à la connectivité, en termes de passagers et de fret. Nous accueillons Singapour
Airlines, bien sûr, mais nous accueillons aussi volontiers des compagnies aériennes
étrangères, même les concurrentes de Singapour Airlines. Nous avons conclu des accords
de service aérien avec plus de 100 pays et territoires, et avons signé plus de 40 accords
d’open sky.
Un autre facteur clé de succès est la planification de l'occupation des sols. En 1975, nous
avons décidé de déplacer l'aéroport de Paya Lebar à Changi. Nous avons donc dû récupérer
le foncier nécessaire. L'ancien aéroport était limité par les zones résidentielles alentours en
croissance rapide. En le déplaçant vers l'extrême est de l'île de Singapour, nous avons pu
disposer de beaucoup plus d’espace et mieux traiter les problèmes liés aux nuisances
sonores. Nous ne recevons chaque année que dix à vingt plaintes de riverains relatives aux
bruits liés aux mouvements d'avions. Les atterrissages et les décollages se font de et vers la
mer ; les avions ne survolent donc pas des zones résidentielles.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Disposer d'un aéroport de classe mondiale est également un facteur de succès majeur. Nous
avons trois terminaux conventionnels et un terminal low cost, ainsi que deux pistes
principales d'atterrissage et de décollage. En plus des équipements pour l'accueil des
passagers, nous disposons d'équipements pour le fret et la logistique. Nous possédons un
parc de logistique aéroportuaire qui est une zone franche. Nous disposons également de
lieux réfrigérés pour l’accueil de produits pharmaceutiques devant être maintenus à une
certaine température et de zones de stockage d'œuvres d'art devant également respecter
une certaine hygrométrie.
Jusqu'en juillet 2009, l'aéroport de Changi était géré par l'Autorité de l'aviation civile de
Singapour, c'est-à-dire par l'État. Depuis, l'aéroport a été privatisé et est désormais géré par
une entreprise privée. Pour veiller au respect des intérêts de tous les acteurs, nous avons
mis en place un cadre réglementaire en quatre volets que doit respecter l'entreprise de
gestion – l'un de ces volets est la maîtrise d'ouvrage, c'est-à-dire l'élaboration des schémas
directeurs et la régie des dépenses d'investissement de l'aéroport à long terme.
Nous nous tournons de plus en plus vers l'électronique, notamment par l'introduction de
systèmes de gestion du fret. 90 % des demandes de permis d'importation ou d'exportation
sont désormais traitées en dix minutes par l'électronique. Le système Tradenet permet des
transbordements très rapides du cargo. Nous sommes en train d'introduire e-Freight, un
système de fret électronique. Nous nous orientons donc vers la dématérialisation, éliminant
les documents papier pour travailler uniquement avec des messages électroniques. Bien
entendu, nous n'oublions pas la sécurité. Les expéditeurs connus sont soumis à un filtrage
aléatoire et les expéditeurs inconnus doivent subir des enquêtes extrêmement approfondies.
Nous avons également pris des mesures pour protéger l'environnement, car Singapour
importe toute son énergie. Lorsque nous avons créé le terminal 3, par exemple, nous avons
construit un plafond spécial permettant à la lumière naturelle d'inonder le bâtiment, d'où des
économies en matière de chauffage et de lumière, et une optimisation de la consommation
d'énergie.
Pour la construction de notre terminal low cost, ce sont 320 millions de watts par heure
d'énergie qui ont été générés par des panneaux solaires, avec un minimum d'émission de
CO2. Nous appartenons à ASPIRE, regroupement d'États d'Asie et du Pacifique s’étant fixé
pour objectif la mise en place d'indicateurs chiffrés de la réduction des émissions. Nous
travaillons également main dans la main avec Singapour Airlines pour lancer le premier vol
vert Los Angeles/Tokyo/Singapour. Nous avons réduit les émissions de CO2 de 33 t.
À Singapour, le développement durable a une autre dimension, puisque nous avons des
contraintes physiques importantes comme un manque de foncier et un espace aérien limité.
Cela a eu un impact sur la croissance de l'aéroport de Changi et du hub aérien de
Singapour. Néanmoins, nous avons des aspirations réalisables, avec une planification
stratégique à long terme. Nous avons une vision du foncier à cinquante ans. Les plans
d'aménagement foncier sont revus tous les dix ans afin de nous assurer que nous sommes
sur la bonne voie pour atteindre les objectifs économiques fixés dans le respect des
principes du développement durable.
Nous souhaitons développer les capacités de l'aéroport, même si le taux d'utilisation des
terminaux n’est actuellement que de 60 %. Nous comptons sur la technologie et les
meilleures pratiques pour augmenter la capacité d'accueil de notre espace aérien. Singapour
n'agit pas seulement au plan national ; nous travaillons main dans la main avec les pays
voisins pour la gestion de l'espace aérien. Nous souhaitons devenir le premier hub aérien
d'Asie.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


Merci beaucoup. Le niveau d'instruction est très élevé à Singapour ; cela est-il lié à la
présence de l'aéroport international ?

Ong Heng YAP, directeur général de l’aviation civile de Singapour


Il y a deux volets en matière de formation. Il est vrai que nous avons des niveaux très élevés
dans le domaine de l'éducation. Nous sommes conscients de l'importance de disposer d'une
force de travail de haute qualité, car nous avons des activités de toutes sortes qui
nécessitent un personnel très qualifié, y compris dans l'aviation. Singapour veut être un
centre mondial d'éducation. Pour attirer les étudiants du monde entier, il faut que nous ayons
une très bonne connectivité aérienne.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

L’exemple de Memphis

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


Monsieur WHARTON, vous êtes le maire de Memphis, dont la métropole compte 1,3 million
d'habitants. Son aéroport international a un trafic voyageurs de 10 millions d'individus ; le
trafic fret est de 3,3 millions de tonnes. Vous êtes l'aéroport de fret le plus important au
monde et FedEx possède son hub chez vous.
Votre aéroport est situé à 5 km seulement du centre-ville. Il a créé 30 000 emplois directs et
166 000 emplois indirects. Vous disposez d'équipements intermodaux très importants et d'un
chemin de fer fédéral. N'importe quelle ville des États-Unis peut être atteinte en 24 heures à
partir de Memphis, qui dispose également de voies fluviales navigables. Memphis est un
véritable modèle pour l'aéropolis. Vous avez développé le tourisme et le biomédical. Vous
avez également créé un comité de pilotage pour le marketing de votre aéroport.

A. C. WHARTON, maire de Memphis


Merci, monsieur. Je souhaite remercier tous les autres organisateurs, dont FedEx. Je
remercie M. CANEPA pour son invitation à venir faire partager l'expérience de Memphis
devant un auditoire si prestigieux.
Depuis plus de vingt ans, Memphis est le centre de distribution des États-Unis. Nous
connaissons une croissance considérable au fur et à mesure que notre capacité de
distribution et de logistique s’accroît. De centre de l'Amérique du Nord, nous sommes
devenus centre mondial.
Deux avantages expliquent notre capacité logistique. Il s'agit de notre position centrale au
milieu des États-Unis et de nos infrastructures de classe mondiale dans tous les modes de
transport. Nous sommes le numéro un du fret aérien mondial depuis dix-neuf ans. Cinq villes
américaines seulement disposent de cinq voies ferrées de première catégorie ; nous en
faisons partie. Notre port fluvial est le quatrième des États-Unis et des autoroutes fédérales
relient notre ville à toutes les frontières américaines.
Il a été dit que nous étions le meilleur exemple d’une aérotropolis. Gérer l'aviation va bien
au-delà de la maîtrise de l'atterrissage et du décollage d'avions. Nous avons deux hubs :
celui de FedEx, mais aussi celui de Delta. Nous pensons que cela donne aux entreprises
locales un avantage concurrentiel dans l'économie mondiale. Nous sommes reconnus
comme étant un grand exportateur. Nous sommes en effet la 28e ville exportatrice sur plus
de 400 aux États-Unis. Memphis affirme sa disponibilité pour aider l'aéroport Paris-Charles-
de-Gaulle à mettre en œuvre sa stratégie de développement dans un intérêt commun.
Les représentants de l’Agence française pour les investissements internationaux tiendront
bientôt à Memphis une présentation sur les opportunités à saisir dans le commerce franco-
américain. Des questions écrites m’ont déjà été posées auxquelles je vais répondre ; je
répondrai ensuite volontiers à vos questions orales.
La première question était celle-ci : comment avez-vous développé l'économie à Memphis et
comment avez-vous attiré les entreprises internationales ?
Nous avons créé un partenariat public/privé avec nos collectivités locales et nos entreprises
privées pour élaborer un plan de développement économique. Nous avons privilégié les
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

industries de logistique, de bioscience et de tourisme. Notre ville accueille en effet le siège


mondial de FedEx et 14 millions de mètres carrés dédiés à la distribution. Smith & Nephew
et Medtronic figurent parmi les grandes entreprises médicales. On trouve également non loin
de la ville Graceland, la résidence d’Elvis Presley.
Nous travaillons constamment à la réduction des nuisances pour les riverains et contribuons
par tous les moyens, y compris judiciaires, à contrer l'influence des entreprises qui nuisent à
l'environnement. Nous soutenons les efforts de la collectivité locale pour embellir les zones
autour de l'aéroport, ce qui profite à toute la région – nous avons contribué à hauteur de
2,5 millions de dollars à rendre plus vertes les rues de Memphis.
Nous avons privilégié les entreprises de haute valeur ajoutée, qui ont besoin d'accéder
rapidement aux marchés mondiaux. Il s'agit d'entreprises mondiales comme Johnson &
Johnson, Medtronic, GlaxoSmithKline ou Pfizer. De manière générale, le fret entraîne des
retombées extrêmement positives. Des centaines d'entreprises liées à la logistique
soutiennent les mouvements de marchandises par le rail, la route, le fleuve et les voies
aériennes.
Lorsque les entreprises investissent dans des équipements de distribution, elles sont plus
susceptibles d'investir dans des unités de production à proximité. Medtronic, l'une des plus
grandes entreprises de systèmes médicaux du monde, est un excellent exemple. De la
même manière, Electrolux va construire un grand centre de distribution et de fabrication
dans la ville de Memphis.
La deuxième question était la suivante : comment avez-vous facilité l'accès à l'emploi des
habitants de Memphis ?
Nous sommes conscients du fait que, sur le marché mondial, il est fondamental d'avoir du
personnel qualifié. Nous avons donc une stratégie pour attirer les ressources humaines les
plus talentueuses et les mieux qualifiées. Nous avons même créé un poste de directeur
permanent dont le seul objectif est d’essayer de capter ces ressources.
Un autre facteur est le développement de la qualité de vie. L'aéroport est la porte d'entrée de
la ville de Memphis. Aucune ville ne peut se contenter de recruter de nouveaux habitants ; il
faut aussi « recycler » les habitants actuels. Nous accordons par exemple beaucoup
d'importance à l'éducation et à la formation : nous disposons d'un collège technique dont le
département aviation est situé sur le campus même de l'aéroport.
La question suivante était celle-ci : la ville aéroportuaire est-elle un aspect important de la
métropole ? Comment traitez-vous les nuisances, en particulier les nuisances sonores ?
Nos études ont montré que l'aéroport de Memphis contribuait à hauteur de 28 milliards de
dollars à l'économie locale et qu'il créait plus de 100 000 emplois dans la métropole. Comme
notre aéroport est à la frontière de deux autres États, l’Arkansas à l’Ouest et le Mississippi
au Sud, nous recrutons aussi dans ces États, qui bénéficient donc également du
rayonnement de l’aéroport.
D'un point de vue organisationnel, nous faisons le maximum pour améliorer nos relations
avec toutes les parties prenantes. Nos grands partenaires aériens partagent nos objectifs et
nos engagements en faveur des nouvelles technologies, notamment en faveur de moteurs
d'avions plus silencieux afin de réduire les nuisances sonores.
En quoi nous distinguons-nous des autres aéroports américains ?
Nous avons très peu de plaintes pour nuisances sonores. L'aéroport a en effet racheté
250 ha de terrain et rasé les logements situés sur cette zone, en indemnisant les foyers. Par

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

ailleurs, nous indemnisons les riverains selon le degré de nuisances sonores. Nous avons
obtenu il y a déjà quelque temps une servitude aéronautique de dégagement permanent
nous permettant des vols de nuit et sans restriction, en échange du versement de ces
indemnités. L'adoption du concept aérotropolis nous a conduits à prêter davantage attention
à l'aménagement du territoire, à des projets d'embellissement et à l'amélioration des
transports publics.

Alain VIDAL, délégué général de l’Airlines Operators Committee (AOC) de Paris-


Charles-de-Gaulle, qui représente les quelque 90 compagnies qui y sont basées.
Atlanta nous a démontré que le dialogue permettait un développement économique positif,
ce que nous ne vivons malheureusement pas à Paris. Pour ce qui nous concerne, nous
avons l’ACNUSA : nous avons d'abord des amendes ; nous discutons ensuite. Avec les
autorités ici présentes ce soir, il serait intéressant de déterminer s'il y a possibilité de copier
ce relationnel qu'ont les aéroports américains. Il est en effet admirable de voir que
l'économie des aéroports est prise en compte en premier lieu, avant de faire de la
pénalisation et des restrictions.
Je souhaiterais également savoir si les aéroports américains ont des couvre-feux tels que
l'on veut nous en imposer en France.

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


Il me semble qu'il faut que l'on s'en tienne aux questions à nos invités, sans entrer dans un
débat sur l'organisation française, sujet qui sera débattu demain.

Intervenant
Je représente des associations de riverains. Ma question porte sur le long terme : intégrez-
vous d’éventuelles taxations sur le kérosène ou liées à l'environnement dans vos
planifications à long terme ? Quelles conséquences cela aurait-il pour votre activité
économique ?

A. C. WHARTON, maire de Memphis


Au Tennessee, c'est l'État qui a la haute main sur la fiscalité du kérosène. Les taxes sont
collectées au haut niveau de l'État et sont ensuite proportionnellement distribuées aux
différentes collectivités territoriales. L'un des moyens qui nous a permis de minimiser les
conflits avec les riverains a été d'intégrer leurs représentants dans toutes les instances de
gestion et de concertation, aux côtés des représentants de l'aéroport et des compagnies
aériennes.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

L’exemple d’Amsterdam-Schiphol

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France


Monsieur VAN DIJK, Vous êtes le maire-adjoint d’Harlemmermeer, ville qui accueille
l'aéroport de Schiphol. La métropole d'Amsterdam, de 2 millions d'habitants, appartient à la
conurbation de la Randstad, qui compte 5,5 millions d'habitants. L'aéroport accueille
44 millions de voyageurs par an. Il est le siège d'Air France KLM avec Paris-Charles-de-
Gaulle. L'aéroport et le centre-ville sont séparés de 15 km. La métropole dispose
d'équipements intermodaux. On connaît également le port d'Amsterdam, sans parler de celui
de Rotterdam.
Vous disposez du réseau des autoroutes d'Europe du Nord, à destination de la Scandinavie,
de l'Allemagne, de la Belgique et de la France. Votre système de transports en commun
public est extrêmement puissant. Vous accueillez plus de 2 000 entreprises étrangères, dont
beaucoup de sociétés américaines. Vous accueillez également des clusters de logistique
dans la maintenance. Votre politique de taxation est faible. Vous avez un ambitieux projet
d'aménagement du territoire dans le district de Zuidas, entre l'aéroport et le centre-ville. Il
existe des relations fortes entre l'autorité chargée de l'aéroport et l'autorité chargée de
l'aménagement du territoire. Un organisme est chargé du marketing de Schiphol.
On parle aujourd’hui de culture du consensus ; comment parvenir à trouver des compromis
entre les différents acteurs de l'aéroport ? Vous êtes passés maîtres dans cet art, dans la
grande tradition néerlandaise de la culture démocratique des polders.

Arthur VAN DIJK, maire-adjoint d’Harlemmermeer chargé du développement


économique et des affaires aéroportuaires
Bonjour, mesdames et messieurs. Je voudrais d'abord remercier le Préfet d'Ile-de-France de
m'avoir invité. Je remercie également mon ami M. PATERNOTTE ; nous travaillons
ensemble depuis un certain nombre d'années sur des projets de logistique et de train à
grande vitesse.
La municipalité d’Harlemmermeer occupe une position unique au sein de la région de
Schiphol, non seulement de par la création d'emplois, mais également en termes de
connectivité. Nous desservons en effet plus de 260 destinations à travers le monde.
Accueillir un aéroport sur sa commune offre bien sûr des occasions uniques qu'il faut saisir.
En matière de commerce international, cela permet la tenue de réunions et d'échanges de
connaissances, ainsi que des innovations de haute qualité.
Toutefois, cela a également un impact sur le développement local et régional en termes de
qualité de vie. Dans les zones aéroportuaires, les collectivités locales et régionales ont donc
une responsabilité politique pour assurer une qualité de vie satisfaisante aux riverains. Il est
urgent d'équilibrer le développement de l'aéroport, l'économie et la qualité de vie dans notre
région – et je crois qu'il en va de même pour votre région.
Projection de diapositives.
L'aéroport s'appelle Amsterdam-Schiphol, mais, pour l'essentiel, il est situé sur la commune
d’Harlemmermeer. Je me présente comme maire-adjoint de la métropole d'Amsterdam, mais
je suis également maire-adjoint d’Harlemmermeer.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Dans les années cinquante, l'aéroport était fort petit. Toutefois, il s'est agrandi très
rapidement et est devenu dans les années quatre-vingt le principal aéroport de la région.
La diapositive suivante fait valoir que l'aéroport est considéré comme faisant partie de la
région métropolitaine d'Amsterdam, alors qu'il se trouve tout à fait dans la limite de la
commune d’Harlemmermeer. C'est la raison pour laquelle Schiphol et Harlemmermeer sont
devenus des deux entités intimement liées. La population est passée de 70 000 habitants à
140 000 habitants. On compte 26 villages et Harlemmermeer est aujourd'hui l'une des
20 communes les plus importantes des Pays-Bas.
Comme cela a déjà été dit, bénéficier d'un aéroport sur son territoire offre des occasions à
saisir pour développer l'emploi. La ville aéroportuaire joue un rôle important dans le
commerce et le développement économique.
Je vais maintenant vous donner quelques chiffres. On compte près de 400 000 mouvements
d'avions et plus de 45 millions de passagers. Nous sommes le troisième aéroport européen
pour les correspondances, le cinquième pour les passagers et le troisième pour le fret. Nous
avons créé 65 000 emplois directs et accueillons 550 entreprises sur le site même de
l'aéroport, ce qui a des incidences importantes sur la commune.
Il est nécessaire de concilier les intérêts des différents acteurs et cela demande beaucoup
d'efforts de la part des collectivités territoriales et de l'autorité chargée de l’aéroport. Le
triangle que je vous projette met en lumière l'interaction entre le développement
aéroportuaire, le développement économique et spatial, et la protection des riverains. La
qualité de vie dépend d'une forte collaboration entre ces trois dimensions et il faut trouver un
équilibre. Notre loi protège les riverains des nuisances, notamment sonores. Ils sont même
en mesure d’immobiliser tout aménagement qui ne respecterait pas la réglementation ou la
loi.
Il faut aussi trouver un équilibre entre les avantages qu'offre un aéroport international et les
aspects négatifs qu'il suscite. Il faut agir à différents niveaux ; il faut intervenir au niveau
local, régional et métropolitain, national et même européen, d'où la nécessité d'avoir des
objectifs politiques clairs et de créer des alliances avec les différentes parties prenantes –
plusieurs types de partenariats ont déjà été évoqués. L'échange de savoir et la collaboration
entre métropoles européennes sont essentiels.
En 2006, nous avons pris la décision d'améliorer la qualité de vie dans les régions
aéroportuaires et d'établir un équilibre par le biais d'initiatives et de politiques régionales, en
permettant néanmoins à toutes les régions aéroportuaires européennes d'avoir leur chance.
Il existe des règlements spécifiques à l'Europe et il est très important que les conditions de la
concurrence soient égales, de la même manière qu'il ne faut pas perdre de vue les principes
du développement durable. Le projet réunit les collectivités et politiques territoriales et
locales, ainsi que les experts à l'interface du transport aérien.
Il y a quelques années, le gouvernement néerlandais a demandé à un ancien ministre
d'élaborer un plan pour la maîtrise de la croissance future de l'aéroport, en tenant compte
des intérêts de toutes les parties prenantes. Un accord a été trouvé en 2008 entre les
communes, l'aéroport, les compagnies aériennes, les représentants des riverains, la
province du Nord, la Ville d'Amsterdam et le ministère des Infrastructures et de
l'Environnement. Il s’est agi d'essayer de mettre en place un processus permanent
d'interaction en vue de maîtriser la croissance et le développement de l'aéroport de Schiphol.

Un objectif ambitieux d'augmentation des mouvements a même été fixé : nous souhaitons
connaître 10 000 mouvements d'avions par jour, mais simultanément, nous voulons réduire
les nuisances sonores et améliorer la qualité de vie. Nous avons donc dédié un fonds de
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

30 millions d'euros pour financer des mesures de développement de ceintures vertes et


d'équipements de loisirs, et pour faire bénéficier d'aide les particuliers qui veulent
déménager. Cet accord consensuel sur l'avenir de l'aéroport a donc été un événement
historique au niveau local, régional et national.

Pour développer une région concurrentielle, il faut avoir un accès direct aux autres villes et
régions du monde – nous desservons déjà 260 destinations. Quels sont les éléments clés de
la compétitivité des régions ? Il s'agit de la spécialisation économique, de la diversité
culturelle, d'un cadre de vie attractif, d'une économie du savoir, de l'innovation et de l'esprit
d'entreprise. Il faut aussi privilégier la connectivité mondiale et mettre l'accent sur les
secteurs économiques forts. Schiphol n'était à l'origine qu'un aéroport ; il est maintenant
intégré dans la métropole régionale. Il ne faut pas oublier le rôle des entreprises locales et
régionales, qui sont nécessaires pour faciliter le développement d'un aéroport international.

Il faut avoir une approche intégrée du développement de l'aéroport et de la région pour


assurer une diversité qui tienne compte de l’économie, de la qualité de vie, du transport et
des partenariats. Le plan intégré doit relier l'aménagement et la gestion des territoires, et
concilier les intérêts divergents. Par exemple, la Schiphol Area Development Company
(SADC) vise à renforcer la compétitivité de la région en prévoyant des équipements pour les
bureaux. Elle a été fondée avec plusieurs actionnaires – la municipalité d’Harlemmermeer, la
province et le groupe Schiphol en charge de la gestion de l'aéroport – et cette diversité
permet qu'elle se focalise sur l'aménagement local en vue de concilier les intérêts publics et
privés. Bien entendu, l'aéroport est responsable de la plateforme aéroportuaire, mais c’est la
SADC qui a en charge le marketing international.

La gestion économique et spatiale de la région aéroportuaire de Schiphol est placée sous la


responsabilité du gouvernement, et des collectivités régionales et locales. Toutefois, les
acteurs du secteur privé jouent un rôle de plus en plus important. Le Forum a élaboré une
vision économique et spatiale dont l'objectif est d'aborder les enjeux de développement de
Schiphol entre 2009 et 2030. Nous avons donc une vision partagée des moyens de
développement du territoire de Schiphol, par le biais des clusters.

Amsterdam Connecting Trade (ACT) vise à assurer un transport multimodal efficace, car les
solutions conformes aux principes de développement durable sont absolument essentielles
pour le développement de la zone. Nos parcs d'affaires peuvent accueillir toute forme de
logistique et sont donc bien davantage que de simples parcs d'affaires. Il me semble qu'il
s'agit là d'un hub logistique très innovant, avec une vision à horizon de dix, vingt ou trente
ans. Tous les acteurs publics et privés participent à ACT, qui est en partie géré et
subventionné par l'État. Une liaison TGV entre Amsterdam et Paris est l'un des éléments du
projet. ACT s'est donc focalisé sur l'intermodalité et le développement d'un secteur
économique fort et durable.

La dimension environnementale est importante et les représentants des mouvements pour


l'environnement font partie de nos équipes.

Enfin, nous avons créé un conseil pour le développement économique de la région


d'Amsterdam qui représente les chefs d'entreprise, les responsables scientifiques et les
universités. Ce conseil a pour vocation de stimuler l'innovation, l'esprit d'entreprise et
l'emploi, en encourageant l'acquisition de la connaissance et en renforçant la compétitivité.
Sept groupements ont été identifiés, dont les industries créatrices et les services financiers,
de la logistique et du tourisme. Une stratégie spécifique a été élaborée pour chaque
groupement.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous travaillons également sur la question du marketing avec les autres communes. Nous
avons créé un organisme, Amsterdam in Business, par lequel nous traitons l’ensemble du
marketing de toute la métropole d'Amsterdam.

Il est fondamental de renforcer la compétitivité des régions dans lesquelles le


développement économique innovant et durable est nécessaire. Il existe un besoin de
coopération accrue entre les différents acteurs au niveau local, régional et national. Il faut
établir des stratégies conjointes qui mettent en avant les forces nécessaires pour atteindre
un haut niveau de développement.

Les grands aéroports sont beaucoup plus que des aéroports. Ce sont des hubs au sein des
zones métropolitaines, qui jouent un rôle important pour le développement régional.
L'aéroport est devenu la porte qui donne accès au monde, et non plus seulement à la ville.
Désormais, Schiphol fait partie de la région d'Amsterdam.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Questions – réponses

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France

Afin de gagner du temps et de ne frustrer personne, je vous propose de poser les questions
que vous auriez de poser à nos quatre invités.

Intervenant

L’aéroport de Singapour a été déplacé en 1975. Pouvez-vous nous dire quel usage est
désormais fait du foncier de l'ancien aéroport ?

Ong Heng YAP, directeur général de l’aviation civile de Singapour

L’ancien aéroport existe toujours. Il est devenu une base de l'armée de l'air de Singapour et
cette base est également utilisée comme centre de maintenance et de réparation des avions.

Léa BODOSSIAN, secrétaire générale de l’Airport Region Conference

Je suis très intéressée par l'équilibre entre les impacts positifs et négatifs – et c'est l’objectif
de notre organisation. J'aimerais connaître la manière dont vous identifiez les besoins en
matière de formation et de développement aéroportuaire.

Kasim REED, maire d’Atlanta

Nous avons des partenariats avec les élus et les représentants des riverains, et en formons
également avec des organismes qui ont un bon historique de performance et de bons
résultats. Notre méthode, encore une fois, est l'action directe auprès des personnes ayant
bonne réputation. Nous veillons à recruter dans les communes impactées par l'aéroport.
Nous créons des forums d'emploi et faisons de la publicité chaque fois qu'il y a des
opportunités de recrutement. Nous sommes donc constamment en train de favoriser l'emploi.
J'appelle cela le jardinage humain : si vous laissez un jardin dépérir, vous n'irez pas loin.

A. C. WHARTON, maire de Memphis

Nous avons à Memphis un conseil de gouvernance autonome au sein duquel des comités
ont comme unique responsabilité de veiller à la participation de tous les secteurs de notre
ville et de tous les quartiers impactés. Nous avons des relations très suivies avec les
institutions éducatives et accueillons volontiers les groupes scolaires. La clé est d'établir de
bons rapports avec tous les acteurs avant que les problèmes ne surviennent. Ainsi, quand un

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

problème surgit, le dialogue est grandement facilité. Heureusement, comme nous avons
acheté les zones proches de l'aéroport, nous avons très peu de conflits avec les riverains.

Intervenant

Vous rachetez des propriétés et gelez en quelque sorte des terrains dans les axes
d'approche pour éviter les nuisances. Comment financez-vous ces investissements ? Allez-
vous les chercher dans des redevances ou s'agit-il de finances propres ?

A. C. WHARTON, maire de Memphis

Notre autorité aéroportuaire peut émettre des obligations et nous avons également des
accords de concession qui génèrent des commissions. Il y avait à l'origine des subventions
fédérales, qui ont ensuite diminué. Les choses ont parfois été difficiles – il y a même eu des
procédures judiciaires au niveau fédéral. Le tribunal a jugé que notre système d'expropriation
était juste et toutes les contestations juridiques ont été surmontées. Nous avons négocié des
prix justes que nous avons versés aux propriétaires.

Patricia LEMOYNE DE FORGES, président de l’ACNUSA, Autorité de contrôle des


nuisances sonores aéroportuaires

Je suis présidente de l’ACNUSA – qui a tout de même d'autres fonctions que de délivrer des
amendes. Ma question s'adresse au maire d'Atlanta, qui nous a fait savoir que l'aéroport était
pour l’heure calme la nuit, mais qu'il serait ouvert 24 heures sur 24 à l'avenir et qu'il y aurait
du fret entre minuit et six heures. Comment comptez-vous gérer les nuisances sonores que
vont subir les riverains ?

Kasim REED, maire d’Atlanta

C'est actuellement calme la nuit, dans la mesure où le trafic voyageurs se déploie plutôt
dans la journée. Nous souhaitons que l'aéroport tourne 24 heures sur 24 pour créer des
emplois, développer l'économie et disposer d'un aéroport de nuit pour le fret et de jour pour
les voyageurs. Notre stratégie est la même que celle de Memphis. Nous avons acheté les
logements situés sous les zones d’approche des pistes. Nous l'avons fait de manière
humaine, mais déterminée. Nous payons de solides indemnités et le faisons ouvertement,
car l'aéroport a une bonne réputation et de bonnes performances. Notre aéroport est une
entreprise ; tous nos revenus doivent être utilisés pour l’améliorer.

Nous finançons également le développement local. Je vous ai montré notre ligne de chemin
de fer ; la construction d'un arrêt spécial pour que la ville puisse profiter de l'aéroport nous a
coûté 15 millions de dollars. C'est là un exemple concret de l'aide que nous apportons aux
communes riveraines, pour leur montrer notre volonté de les aider et réduire ainsi
l'opposition à nos projets de développement.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

A. C. WHARTON, maire de Memphis

Il ne faut pas penser qu'il n'y a jamais de riverains mécontents. Ce qui nous aide beaucoup
est que FedEx, notre principal locataire, est totalement intégré au plan communal et civique.
Delta et FedEx sont deux entreprises très bien intégrées localement et considèrent qu'il est
important d'agir dans l'intérêt du public. Nos entreprises ont un grand sens de leurs
responsabilités sociales et sont en dialogue constant avec les communautés locales.

J'habite moi-même sous une zone d'approche de piste. Je suis prêt à tolérer un certain
niveau de bruit, car, tout compte fait, je profite beaucoup de la présence de l'aéroport. Je suis
donc à même de mettre en balance cet inconvénient avec tous les possibles avantages.

Intervenant

Quel est votre périmètre d'intervention autour de l'aéroport pour l'acquisition des logements ?
Dans ce périmètre, par ailleurs, est-il toujours possible de construire des logements ?

A. C. WHARTON, maire de Memphis

En collaboration avec l'administration de l'aviation fédérale, nous achetons ce que l'on


appelle une servitude aéronautique de dégagement permanent. Nous pouvons imposer des
limites de hauteur sur les nouvelles constructions dans un rayon d'un certain nombre de
kilomètres autour de l'aéroport, ce qui n'empêche pas leur développement. Ces bâtiments
n'ont souvent qu'un seul étage.

Kasim REED, maire d’Atlanta

Nous achetons du foncier lorsqu'il est nécessaire de le faire et nous restons un bon voisin
une fois le terrain acquis. Il est à noter que notre aéroport est à un ¼ d’heure du centre-ville.

Paul SCHWACH, directeur du transport aérien (DGAC/DTA)

L'une des particularités françaises est la présence de nombreux maires autour d'un aéroport.
En l'occurrence, j'ai l'impression que nos interlocuteurs sont les seuls maires concernés par
l'aéroport. Y a-t-il d'autres municipalités concernées que celles qui sont ici représentées ? Le
risque existe-t-il qu'il y ait parfois les richesses dans une commune et les nuisances dans
une autre, avec une difficulté à créer un système de vases communicants ?

Arthur VAN DIJK, maire-adjoint d’Harlemmermeer chargé du développement


économique et des affaires aéroportuaires

Bien entendu, la situation est la même à Schiphol, où un certain nombre de maires sont
concernés. Nous collaborons à l'intérieur d'un groupe spécial. Nous nous rencontrons
régulièrement et discutons des problèmes de réduction du bruit et de développement de
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

l'aéroport. J'ai évoqué la table ronde à laquelle sont réunis tous les acteurs ; deux ou trois
maires représentent tous les autres. La question de savoir qui va profiter de quoi ne se pose
donc pas. Il est très important d'avoir les mêmes objectifs.

Le plan de développement économique est le point de départ pour l'aéroport, mais le plus
important est de calquer nos objectifs sur ceux des municipalités avoisinantes.

Intervenant

Une des questions qui se pose à nous est celle de la liaison ferroviaire entre le centre de la
capitale et l'aéroport. Comment ce lien est-il assuré ?

A. C. WHARTON, maire de Memphis

Nous n’avons pas cela à Memphis : nous dépendons beaucoup des véhicules automobiles.

Kasim REED, maire d’Atlanta

À Atlanta, le système est en place depuis vingt-cinq ans et a été financé par la ville capitale
de l'État et les deux départements concernés.

Ong Heng YAP, directeur général de l’aviation civile de Singapour

Nous n’envisageons pas de lien ferroviaire, mais nous avons déjà une ligne de métro qui
relie l'aéroport au réseau de métro de Singapour. Nous envisageons d'étendre cette ligne de
l'aéroport jusqu'à la ville, mais actuellement, notre transport est essentiellement assuré par la
route – de manière assez efficace.

Arthur VAN DIJK, maire-adjoint d’Harlemmermeer chargé du développement


économique et des affaires aéroportuaires

Une gare est située juste sous l'aéroport de Schiphol, qui le relie à Amsterdam et à d'autres
capitales d'Europe. Nous envisageons d'autres modes de transport, car nos autoroutes sont
saturées. Nous avons absolument besoin de nouveaux moyens de transport. Nous
développons des trains gratuits pour le fret entre les centres d'activité et l'aéroport, car nous
souhaitons devenir l'aéroport le plus rapide d'Europe.

Hervé DUPONT, directeur général de l’EPA Plaine de France

Cette soirée s’achève. Je remercie vivement nos intervenants pour leurs présentations très
utiles pour la poursuite de nos discussions qui reprendront demain.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

2EME PARTIE :

LES RENCONTRES DU GRAND ROISSY

Mardi 25 janvier 2011

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Mot d’accueil

André TOULOUSE, maire de Roissy-en-France


Monsieur le Préfet de région,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président de la région Île-de-France,
Mesdames et messieurs les maires et chers collègues,
Mesdames et messieurs,
J'ai une fois de plus l'honneur de vous accueillir à l'Orangerie afin de poursuivre les travaux
des rencontres du Grand Roissy. Pour cela, je renouvelle à tous et à toutes mes souhaits de
bienvenue.
Le nombre et la qualité des intervenants nous font espérer des débats éclairants afin de
mieux maîtriser le développement économique, tout en respectant l'environnement et
l'organisation spatiale du Grand Paris. Enfin et surtout, il s'agit de déterminer comment
travailler ensemble pour exploiter au mieux la chance offerte à notre secteur – qui ne
manque pas d'atouts, mais n'a pas les structures adaptées – pour en faire bénéficier le plus
grand nombre d'habitants du nord et de l'est de l'Île-de-France.
Je souhaite à tous les intervenants et invités de cette rencontre de nous donner des raisons
d'espérer, car nous avons le privilège de participer à l'élaboration d'un aménagement
territorial offrant un bel avenir à notre jeunesse.

Yannick PATERNOTTE, député de la 9ème circonscription du Val d’Oise


Mes chers collègues parlementaires,
Monsieur le Président de la région,
Monsieur le Préfet de région,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et messieurs,
Initiative, volonté et dialogue sont les trois mots que l'on pourrait choisir pour illustrer cette
journée.
Merci d'abord avoir pris cette initiative de faire se tenir les assises du Grand Roissy. Cette
initiative tombe au bon moment, au moment où nous avons porté cette loi sur le Grand Paris
qui, au début, n'était pas aisée à faire passer. Elle permet de renouer des dialogues ouverts,
ce qui est une chose très importante, car les instances où l'on peut se parler ne sont pas très
importantes et ne se tiennent pas très fréquemment.
J'ai été très frappé par le discours tenu hier par nos amis étrangers d'Atlanta, de Memphis,
de Singapour et d'Amsterdam. Au fond, deux philosophies s'opposaient : une philosophie
anglo-saxonne, où le développement et la création d'emplois sont le point d'entrée, avec une
gestion de l'environnement ; une philosophie plus européenne où la dimension personnelle
et environnementale est une porte d'entrée équivalente à celle du développement
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

économique – la tradition culturelle et commerciale de la Hollande fait que le développement


est au moins à égalité.
Au fond, la véritable question est celle-ci : quelle est la stratégie et quelle volonté avons-
nous ? S'agit-il de faire du développement ? Ce développement est-il économique ou
durable ? Je vous souhaite à tous de trouver les voies du dialogue pour arriver à définir notre
stratégie, car, avant toute chose, il faut savoir où l'on veut aller. Il faut ensuite savoir
comment l'on dialogue et, en dernier lieu seulement, nous pourrons tester des modes de
gouvernance.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Discours de M. Daniel CANEPA, Préfet de Paris, Préfet de la Région d’Ile-de-France

Messieurs les parlementaires,


Monsieur le Président du conseil régional,
Mesdames messieurs les maires et conseillers généraux,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je suis très heureux d'ouvrir cette journée de
rencontres territoriales du Grand Roissy. Ce soir, nous aurons le plaisir d'accueillir
Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Ministre de l'Écologie, du Développement durable,
des Transports et du Logement, qui viendra clore les travaux que nous ouvrons ce matin.
En premier lieu, merci, monsieur le maire, de nous accueillir une nouvelle fois dans votre
commune et dans cet espace propice au dialogue. Permettez-moi de remercier aussi
MM. DUPONT et REBUFFEL, qui sont les artisans de l'organisation de ces rencontres.
Si l'Île-de-France veut rester une place financière qui compte et un grand centre scientifique ;
si elle veut rester au coude à coude avec Londres pour l'implantation des sièges sociaux,
elle doit développer Roissy. La question est finalement simple : veut-on que Paris joue dans
les vingt ans qui viennent en première ou en deuxième division des métropoles mondiales ?
Si l’on vise la première division, il faut développer Roissy et vous ne pouvez pas développer
Roissy sans tenir compte des intérêts des riverains et du respect de l'environnement. C'est
cette vision fondatrice qui a prévalu dans les travaux qu’a conduits le président DERMAGNE,
puis dans le cadre des missions qui m'ont été confiées il y a maintenant vingt mois sur le
Grand Roissy et le Grand Paris.
Sommes-nous arrivés à concilier cette double ambition – développer et protéger ? Chacun
en jugera, notamment au vu des débats de ces rencontres. Ce que je peux dire ici, c'est que
j'ai toujours eu la volonté d'associer toutes les parties et de permettre toutes les
confrontations. Je suis persuadé de l'importance de l'écoute et de l'expression de tous les
points de vue, même si cela peut conduire à des processus de décision que certains peuvent
considérer comme exagérément longs. De nombreuses réunions se sont tenues sur des
sujets difficiles et complexes, sur lesquels les vérités ne sont jamais définitivement acquises,
sur lesquels les positions sont souvent tranchées.
Permettez-moi de dire ce matin que je remercie toutes celles et tous ceux qui ont accepté de
participer à cette démarche, dans un souci de dialogue qui n'excluait pas les divergences,
mais qui exigeait le respect de toutes les opinions. Je remercie aussi monsieur le Président
du conseil régional qui, par sa présence, témoigne de la volonté commune de l'État et de la
région de trouver des réponses adaptées aux enjeux de notre métropole. C'est une
recherche que nous connaissons dans d'autres situations.
Les rencontres avec la pluralité des intervenants et participants illustrent cette détermination
collective avancée. Le simple fait qu'elles se tiennent est déjà un signal fort. Les débats
seront probablement riches, comme toujours, et sans aucun doute animés. S'il a été possible
d'avancer sur la majeure partie des trente-cinq propositions du rapport de M. DERMAGNE, il
reste encore des progrès à faire. Ces rencontres sont pour moi une étape importante ; elles
ne sont pas un aboutissement.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Aujourd'hui, l'État est attendu. Il n'est pas dans son rôle de se substituer aux responsables
politiques locaux ou aux acteurs économiques et sociaux, mais il peut donner du sens,
inciter à la cohérence, contribuer aux réflexions constructives et faciliter les regroupements
pour une meilleure gouvernance. Il exerce également des prérogatives régaliennes qui
s'expriment tout particulièrement dans le domaine aérien. Il est porteur de propositions qui
seront débattues lors des trois tables rondes. Les représentants de l'État dans ces tables
rondes pourront les détailler, mais permettez-moi de vous en fixer quelques grandes lignes.
Je n'ai pas souhaité, en introduction de cette journée, vous remettre un document précisant
les orientations qu'il serait souhaitable à mes yeux de retenir pour le Grand Roissy. Cela
aurait sans aucun doute modifié la nature des échanges et ça ne correspondait pas au sens
de notre rencontre. Certains pourront le regretter, mais, fidèle à la démarche conduite
jusqu'alors, je serai attentif aux débats et aux propositions qui seront apportées. Je vous
communiquerai rapidement un document de synthèse, qui constituera une sorte de feuille de
route pour le développement durable du Grand Roissy.
La première table ronde aborde le cœur du sujet, la question sensible et centrale du
développement des activités aéroportuaires et de ses impacts sur l'environnement. Le choix
a été fait de consolider les activités de la plateforme caractérisée par l'existence de deux
hubs étroitement complémentaires pour les voyageurs et pour le fret. Ce modèle est un atout
pour l'économie francilienne et pour l'économie nationale. C'est un atout pour la compétitivité
du Grand Paris dans un contexte de concurrence accrue entre les grandes métropoles
mondiales. Ce choix de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi est une nécessité
absolue si nous voulons continuer de jouer en première division, comme nous y incite le
président de la République.
Comme les ports et les routes pendant des siècles, comme les voies ferrées depuis cent
cinquante ans, les aéroports sont des fenêtres ouvertes sur l'économie mondiale. Ce sont
des facteurs indispensables de développement et de rayonnement international, mais ce
choix de la compétitivité implique que des mesures soient prises pour diminuer les nuisances
sonores subies par les populations les plus exposées.
Ces mesures relèvent d'abord de l'exploitation aérienne. Elles ont été longuement étudiées
par la DGAC et largement débattues. Beaucoup de souhaits se sont exprimés ; tous ont fait
l'objet d'examens attentifs dans la plus grande transparence. Tout n'est évidemment pas
possible dans un ciel francilien rendu compliqué par la présence de trois aéroports et par la
multitude des destinations desservies, mais les avancées qui vous seront présentées seront
significatives dès lors que c'est bien leur complémentarité qui en fera l'efficacité.
Après la période d'évaluation engagée, une généralisation dans les meilleurs délais possible
des descentes sans paliers en période nocturne sera notamment engagée. Cette mesure
très attendue est d'un impact significatif pour des dizaines de milliers de foyers de la Seine-
et-Marne, des Yvelines et du Val-d'Oise.
Une autre amélioration très demandée par les associations de riverains est une meilleure
utilisation, plus équilibrée et soucieuse de la réduction des nuisances sonores, des doublets
de pistes
Ces mesures figuraient dans les propositions du président DERMAGNE, mais le groupe de
travail a voulu aller plus loin en recherchant des trajectoires nocturnes évitant les secteurs
les plus densément peuplés. C'est un point délicat, car il faut éviter de simples transferts de
nuisances. À cet égard, la DGAC a mené sur cette question des études très précises.
Les compagnies résidentes prennent aussi leur part. Air France, FedEx et Europ Airpost ont
déjà consenti des efforts importants pour renouveler leur flotte, plus particulièrement durant
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

la période nocturne. En dépit des multiples difficultés rencontrées par le transport aérien ces
dernières années, elles sont prêtes à poursuivre et amplifier l'adaptation de leur flotte.
L'environnement des riverains, c'est aussi l'isolation phonique des bâtiments. De
nombreuses améliorations techniques et financières ont pu être mises en œuvre. Autour de
la même table ronde, les élus et les acteurs économiques pourront nous donner leur vision
du développement et évoquer les conditions de la réussite. Ce développement s'appuie sur
une économie des échanges sans doute plus sélective, qui monte en gamme en donnant
plus de place aux activités à haute valeur ajoutée, qu'elles soient tertiaires, de
commandement, de recherche/développement ou de tourisme d'affaires.
Ce développement doit profiter à tous. Nous ne pouvons continuer d'accepter des taux de
chômage de jeunes qui dépassent 30 % dans les quartiers proches d'un pôle d'emploi aussi
puissant. À cet égard, nous aurons l'occasion de revenir sur la question prioritaire et centrale
de la formation au cours de la dernière table ronde. Ce sera un enjeu fondamental pour les
contrats de développement territorial qui sont en cours de négociation.
Le Grand Roissy a de multiples atouts. Des projets de grande qualité sont en cours de
réalisation ou de montage – je pense au World Trade Center, à Aéroville, à la ZAC Charles-
de-Gaulle ou à Europa City. Ce dernier projet en particulier sera un atout considérable pour
le Grand Roissy, pour sa notoriété, son attractivité et pour créer aussi des emplois très
diversifiés.
Toutefois, le cumul de projets, aussi intéressants soient-ils pris individuellement, ne peut
satisfaire à une nécessité de cohérence et à un souci de développement durable. Si l'on n'y
prend pas garde, une concurrence débridée et une saturation des réseaux conduiront à une
véritable embolie. Il faut maîtriser ce développement et valoriser son apport au territoire et à
ses habitants.
Le Grand Roissy est un territoire ambivalent. Des secteurs à très fort potentiel de croissance,
très attractifs, côtoient des zones en difficulté, handicapées par l'enclavement ou par des
déséquilibres sociaux. Cela n'est plus soutenable à terme. Cela n'est plus admissible. Le
Grand Roissy doit donc conforter son image, inventer son futur et trouver ses outils de
régulation interne.
Cette référence à Roissy et à la nécessaire valorisation d'un pôle de forte croissance ne
signifie pas que tout doit se définir dans un rapport univoque avec la plateforme. Les
différentes parties du Grand Roissy doivent trouver aussi leurs propres leviers de
développement et affirmer leur place dans le contexte francilien, tout en s'appuyant sur le
moteur économique du hub aérien et en cherchant leur complémentarité. Les nécessaires
solidarités entre les territoires doivent s'affirmer.
C'est l'enjeu de la démarche qui est engagée. Une étude-cadre sur le grand territoire se
donne pour objectif de donner du sens et de la cohérence à l'action collective et, dans le
même temps, ensemble, nous préparerons des contrats de développement territorial aux
objectifs plus ciblés et plus opérationnels.
L'État et les collectivités locales ont commencé à avancer sur deux contrats. Il y a d'abord
celui du cluster des échanges autour de la plateforme aéroportuaire avec une question
centrale : comment mieux organiser le développement, les déplacements, les espaces
publics et les centralités sur le pôle moteur de la croissance régionale ? Le second contrat,
celui du Val de France-Gonesse, porteur de potentialités de développement importantes,
connaît aussi de grandes difficultés urbaines et sociales. Il faut désenclaver ce territoire, le
rendre plus attractif et lui permettre de développer des projets au profit de l'insertion de ses
habitants, et tout particulièrement des jeunes.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Dans le cadre de ce contrat, la question de la gestion de la zone C du PEB sera de nouveau


posée. C'est un sujet délicat, source de controverse, sur lequel nous devrons être à la fois
ouverts, raisonnables et pragmatiques. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe du
dispositif aujourd'hui en vigueur, mais d'imaginer les quelques souplesses marginales et
encadrées qui permettront de conduire des opérations de renouvellement urbain
ambitieuses.
La deuxième table ronde reviendra sur l'étude du Grand Roissy avec les premières
orientations qui semblent recevoir un large accord. La suite des travaux permettra de les
préciser et d'envisager les moyens de leur mise en œuvre. Un temps sera également
consacré à la question des transports, abordée à quatre niveaux : national, international,
métropolitain et local.
Le débat sur le métro automatique va se clore dans quelques jours. Il a démontré les fortes
attentes pour le Grand Roissy, territoire éclaté, dans lequel les besoins de mobilité très
importants sont aujourd'hui beaucoup trop souvent encore satisfaits par la voiture. Mettre en
relation rapide le pôle de Roissy et son territoire avec les autres pôles majeurs du Grand
Paris reste pour l'État un enjeu prioritaire. C'est bien dans cet objectif qu’est proposé un
tracé de métro et l'implantation de gares. Le territoire du Grand Roissy devrait être bien doté
parce que l'enjeu y est très fort.
La réalisation de ce réseau structurant devra aussi s'accompagner des aménagements qui
permettront à tous d'en tirer profit. Nous devons continuer d'y travailler avec la région et le
STIF, que ce soit pour le barreau de Gonesse, le bus à haut niveau de service ou pour des
mesures d'exploitation. Il s'agit de mettre en place un réseau irriguant tout le territoire, afin
de sortir d'une situation marquée par la congestion, l'enclavement et les freins à l'accès à
l'emploi.
Les réflexions conduites sur les questions d'aménagement et de transport posent aussi la
question de la gouvernance. Ce sera le thème de la troisième table ronde. Les différentes
réunions de travail qui se sont tenues depuis plus d'un an, avec une participation importante
et diverse, ont montré un véritable souci de résoudre ensemble les difficultés d'aujourd'hui et
de construire l'avenir ensemble.
L'État partage cette préoccupation, mais, dans les réflexions qui ont été conduites, je n'ai
pas souhaité poser d'emblée la question de la gouvernance, avec le risque de radicaliser les
positions. J'ai préféré que soient posées les fondations d'un projet partagé. Les conditions
me semblent aujourd'hui réunies. Les projets communs, les initiatives de collaboration et les
rencontres se multiplient. Il s'agit de ne pas laisser retomber la dynamique qui se crée, et
cela justifie que soient posées les bases organisationnelles qui permettront de porter les
projets, d'harmoniser les actions des uns et des autres et de mieux répartir les ressources.
Mieux s'organiser, c'est aussi la condition d'une plus grande compétitivité et une meilleure
visibilité pour les investisseurs étrangers. L'organisation très morcelée du Grand Roissy et la
présence de multiples institutions et d'interlocuteurs membres nuisent à son image et à sa
promotion, et ce, même si d'heureuses initiatives ont été prises ces dernières années.
Nous devons réussir ce qu'ont réussi les territoires dont les représentants ont débattu hier et
forger une identité de la ville aéroportuaire. Nous avons aujourd'hui une occasion unique de
le réussir ; ne la manquons pas.
Aujourd'hui, l'État vous propose de poser les fondations d'une nouvelle gouvernance,
fondations sur lesquelles il nous appartient de bâtir ensemble un dispositif robuste et
pérenne. Les principes que l'État vous soumet reposent sur trois niveaux. Tout d'abord, dans
l'esprit de ce que nous faisons aujourd'hui, une conférence territoriale réunissant des élus,
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

dont tous les maires du territoire, les représentants du monde économique et les
associations, serait mise en place. Une conférence présidée par une haute personnalité
serait un lieu de débat, d'expertise et d'interpellation. Elle organiserait notamment les
rencontres annuelles du Grand Roissy.
En second lieu, un conseil de pôle restreint à une quinzaine de responsables définirait,
animerait et préparerait la mise en œuvre d'une stratégie de développement sur le territoire,
comprenant l'aménagement, les déplacements et la formation. Véritable conseil de stratégie
du territoire, il aurait quatre collèges – élus, État, entreprises et associations. Nous devons
définir ensemble les compétences et le statut de ce conseil, et préciser ses ressources et
son mode de fonctionnement, en sachant qu'il n'a pas vocation à se doter de services, mais
qu’il devra s'appuyer sur les structures existantes, probablement par voie conventionnelle.
D'où un troisième niveau de gouvernance : le Comité opérationnel permanent des
opérateurs, qui associerait l'Établissement public d'aménagement, le GIP Emploi revisité,
une délégation générale au développement en charge de la promotion nationale et
internationale, et ADP dans sa composante aménagement. Ce comité mettrait en œuvre les
orientations décidées par le conseil de pôle, dans le respect des règles de fonctionnement
de chacun de ses membres.
Pour aller plus loin, nous vous proposerons avec les Préfets des trois départements
concernés une préfiguration du pivot du dispositif, le conseil de pôle, et un programme de
travail. C'est dans le cadre de cette préfiguration que des modalités précises d'organisation
seront proposées au cours de l'année. Dans le même temps, nous allons travailler avec
monsieur le président du conseil régional à une refonte du périmètre d'intervention et à une
précision du rôle de l'Établissement public d'aménagement Plaine de France, ainsi qu'à une
évolution des missions du GIP Emploi Roissy pour répondre au souci plusieurs fois exprimé
d'une plus grande efficacité opérationnelle.
Permettez-moi de céder maintenant la place au président du conseil régional. Après son
intervention s'engageront les travaux des tables rondes sous la houlette des animateurs en
charge de la redoutable responsabilité de gardiens des horloges.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Discours de M. Jean-Paul HUCHON, Président du conseil régional d’Ile-de-France

Monsieur le Préfet de région,


Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les conseillers régionaux, mon vice-président, Jean-Paul
PLANCHOU,
Mesdames et messieurs les conseillers généraux,
Mesdames et messieurs les représentants d'Aéroports de Paris, et particulièrement Pierre
GRAFF,
Hervé DUPONT, directeur de l’EPA Plaine de France,
et mesdames et messieurs les participants,
Merci d'être présents aujourd'hui pour cette réunion importante. Beaucoup de maires sont
présents et très attentifs. Pour la plupart, ce sont d'ailleurs des administrateurs de
l'Établissement public d’aménagement Plaine de France.
Je remercie d'abord Daniel CANEPA, notre Préfet de région, pour l'initiative et les risques
qu'il a pris. J'ai apprécié ce qui a été dit tout à l'heure sur les modifications à intervenir en
termes d'approche de l'aéroport – je crois que cela déjà été un peu commenté par la presse
et qu'il y a une certaine attente, même si, ici ou là, on discute l'effet des mesures. Pour ce qui
concerne la gouvernance, le Préfet a fait des propositions dont il faudra discuter dans la
période à venir.
Ce débat vient à point nommé puisque, normalement, nous devrions pouvoir, dans quelques
heures ou quelques jours, conclure les travaux avec M. LEROY, le ministre chargé du Grand
Paris, et le Préfet de région, avec un projet de transport qui porte beaucoup plus que nous
n’avons jamais porté en matière de transports en Île-de-France. C'est un tournant
stratégique et pour la région et pour l'État ; c'est la raison pour laquelle je pense qu'il fallait le
prendre en commun.
Le territoire du Grand Roissy est le territoire stratégique par excellence, le premier pôle
économique d'Île-de-France et la porte d'entrée de la France sur le monde. In fine, s'il ne
devait y avoir qu'un seul territoire stratégique dans l'ensemble de notre métropole, ce serait
celui-là. D'ailleurs, en tant que président de l'Établissement public, je note qu'environ 35 %
des crédits affectés par le contrat de projet vont se dérouler dans l'ensemble du territoire de
l'établissement public, dont Roissy est évidemment le cœur.
Je vais donc essayer de vous parler aujourd'hui des actions que nous avons menées
ensemble, parfois sans bruit, mais avec succès, et de celles qu'il nous faudra mener ensuite
tous ensemble.
Il s'agit donc d'un territoire stratégique en termes de création de richesses et d'emplois – il
suffit de prendre le RER ou l'autoroute pour s'en rendre compte. Le Grand Roissy aura une
place particulière dans la stratégie territoriale que prépare Jean-Paul PLANCHOU, dans le
cadre de la stratégie régionale de développement économique et d'innovation, dont les
travaux ont commencé et devraient se conclure au printemps.
La région accompagne par ailleurs le développement économique de ce territoire, avec neuf
pactes territoriaux pour l'emploi, financés et appuyés par la région. C'est aussi un territoire
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

stratégique en termes de rayonnement international, car, comme on le sait, Charles-de-


Gaulle est l’un des tout premiers aéroports mondiaux. À cet égard, je crois qu'il faut saluer
l'accord de rapprochement intervenu entre Hubstart et Aérotropolis. Je souhaite donc saluer
l'action de l'agence régionale du développement et de son président Robert LION.
Le territoire est également stratégique en matière sociale, avec un accès à l'emploi par la
formation et par les transports en commun. La question lancinante qu’il nous faudra traiter
dans les mois ou années à venir est celle de l'accessibilité à Roissy et à la plateforme pour
les jeunes du secteur. La quantité d'emplois est en effet considérable sur Roissy, mais il faut
que les entreprises disposent d'individus formés, qui soient capables d'être à l'heure et de
travailler dans des conditions normales. Il est évident que ceci constitue un enjeu
fondamental pour la plateforme.
Un travail été mené par le GIP Emploi, présidé par mon vice-président chargé de la
formation, Emmanuel MAUREL. Je pense que nous avons encore des progrès à faire en
termes d'efficacité – le Préfet l'a dit et je partage son point de vue. Je connais le succès de
certains dispositifs innovants pour améliorer les déplacements, mais cela n'est pas encore
suffisant.
C'est enfin un territoire stratégique en termes d'environnement – et c'est là que la question
devient plus délicate. L'enjeu de la réduction des nuisances, le bruit comme la pollution
aérienne, est d'une grande importance. La préservation des terres agricoles est par ailleurs
pour nous un enjeu économique sérieux. Il n'est pas admissible que des communes situées
à 15 km de Roissy – voire moins, comme dans le Val-d'Oise – cumulent autant d'inégalités
sociales et environnementales sans bénéficier suffisamment de la richesse créée par la
plateforme aéroportuaire.
Je connais bien sûr les enjeux d'accessibilité en transport en commun ; plusieurs débats
publics ont d'ailleurs eu lieu récemment. Je crois que nous sommes à l'aube d'un accord
historique sur les transports. Pour ce qui concerne le territoire du Grand Roissy, je peux vous
dire que la région a pris, prend et prendra ses responsabilités, d'abord par l'amélioration du
RER B. Au mois de décembre, avec les présidents de la SNCF et de la RATP, nous avons
lancé les nouvelles rames rénovées et climatisées. Elles arrivent maintenant à cadence
accélérée.
Il faut aussi compter la réalisation vraisemblablement à portée de main du barreau de
Gonesse, qui ira au cœur des élus du secteur. Nous avons également inscrit dans le réseau
du Grand Paris la liaison Pleyel/Roissy, avec un arrêt prévu à Gonesse dans le triangle.
C'est un élément positif qui montre que ce territoire est vraiment devenu un élément
essentiel de la stratégie de liaison. Enfin, aux yeux de l'État, la liaison CDG Express
conserve un intérêt et ne peut qu'enrichir la palette des transports – le STIF a en effet été
déconnecté de ce projet, qui a été remis entre les mains d'un partenariat public/privé sous
l'égide de l'État.
L'aménagement de ce territoire nécessite une véritable cohérence à grande échelle, plutôt
qu'une réflexion autour de quelques pôles. Le schéma directeur de la Région du
25 septembre 2008 devrait sous peu être débloqué au bénéfice de tous. Ce schéma n'est
pas muet sur le développement urbain autour de la plateforme aéroportuaire. Une cohérence
doit être trouvée entre tous les projets de développement urbain, les projets de zones
d'activité et de logistique et les projets commerciaux.
Le territoire doit participer, là où cela est possible sans nuisances, à la construction de
logements, ce qui est prévu dans le schéma directeur. Il doit préserver les terres agricoles
cultivées. Pour le moment, c'est l'Établissement public que j'ai l'honneur de présider qui est

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

le garant de cet enjeu de cohérence. Désormais, un représentant du conseil général de


Seine-et-Marne assiste à nos travaux et une réflexion est en cours pour intégrer les
territoires seine-et-marnais du Grand Roissy au conseil d'administration de l'Établissement
public, avec l'accord de l'ensemble des élus du Val-d'Oise et de la Seine-Saint-Denis.
Vous constatez donc que les élus locaux agissent et ne déméritent pas, mais il nous faut
bien sûr aller plus loin et nous saisir de la question de la gouvernance – le Préfet l'a fait de
manière prudente, en disant que rien ne devait se faire trop brutalement. Les rapports et les
réflexions successifs n'ont pas permis de traiter cette question centrale.
Les rencontres de Roissy d'aujourd'hui seraient sans doute en partie un échec si la question
de la gouvernance était à nouveau mise de côté. Jusqu'ici, cette question a été plutôt
écartée de la réflexion que l'État a souhaité mener dans la foulée du rapport DERMAGNE.
Pour ma part, je ne me satisferai pas du spectacle d'un attisement de la concurrence entre
les territoires autour de Roissy, à travers le débat sur le Grand Paris et via la surenchère sur
les gares et les contrats territoriaux, sans qu’une cohérence globale ne soit vraiment
assurée. Il faut donc que les collectivités locales elles-mêmes y soient parties prenantes. Je
crois que cela est possible et que cela s'annonce.
Puisque nous sommes là et qu'il faut faire des propositions, avec les conseils généraux de
Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise, nous prenons l'initiative, à leur
demande et avec la Région, de créer une mission de préfiguration d'une communauté
aéroportuaire, établissement public créé par la loi. Je pense en prendre l'initiative et y
associer le Préfet et les services de l'État. Il faut que cela soit le lieu d'un travail vraiment
partagé entre les élus locaux, les acteurs économiques, les entreprises, Aéroports de Paris
et l'État.
Cette mission devrait se réunir et commencer à travailler rapidement. Il nous faudra débattre
des sujets de fond : aménagement, emploi, transports, environnement et information des
riverains. Il nous faudra aussi parler d'un périmètre pertinent, de la représentativité de
l'ensemble des acteurs, des financements et des ressources fiscales, ainsi que des
modalités de coordination des outils opérationnels qui existent, afin que chacun y trouve son
intérêt.
Jean-Pierre BLAZY a beaucoup travaillé et a formulé des propositions qu’il va falloir
développer, comme d'habitude, notamment en matière de financement, de pouvoir propre et
de coordination des outils. Nous avons laissé passer un peu de temps ; maintenant, les
choses sont prêtes, même si je mesure que la présidence ou l'animation d'une communauté
aéroportuaire n'est pas nécessairement un objet de plaisir constant et que cela présente,
pour celui qui l'anime, plus de difficultés que de satisfactions. Toutefois, je crois que nous
sommes là au cœur de ce qui pourrait faire sens dans la gouvernance du Grand Roissy.
Je souhaiterais que la communauté aéroportuaire puisse être installée formellement dès
2012. Cela nous laisse un peu de temps – très peu – pour préfigurer l'ensemble ; ce temps
ne peut qu'être nécessaire. L'État doit nous accompagner. Je pense en effet qu'il doit
prendre sa place dans ce processus.
Par ce projet que je vous annonce, la Région et les trois départements prennent leurs
responsabilités quant au développement de ce territoire stratégique. Nous solliciterons très
vite l'ensemble des élus locaux pour y participer. Je sais qu'ils y seront sensibles ; je mesure
leurs attentes. Il s'agira pour nous dans cette instance de relever le défi d'un développement
économique durable – le Préfet soulignait la lourde contradiction entre les obligations
environnementales et les nécessités de l'action économique.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Il faut donc un développement économique durable, la création massive d'emplois, une


réduction des inégalités sociales et territoriales, l'amélioration de l'environnement et la
réduction des nuisances. La tâche paraît colossale ; elle est importante, mais le fait que ces
journées aient pu être préparées pour déboucher sur des propositions concrètes et que les
collectivités locales soient prêtes à s'investir aux côtés de l'État me paraît le gage d'un
succès possible.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Première table ronde :


Développement économique et environnement

NDLR : Les échanges sont animés par deux animateurs : Philippe COME et Olivier PIA.

Philippe COME
Comment faire en sorte aujourd’hui de conjuguer le développement du hub passagers, le
développement du hub fret, le développement de l'ensemble de la zone aéroportuaire et la
plus grande tranquillité possible des riverains ?

Olivier PIA
Nous allons tout de suite poser cette question à Jean-Paul PLANCHOU, vice-président du
conseil régional d'Île-de-France. Comment concilier le développement économique de la
plateforme aéroportuaire et la limitation des nuisances pour les riverains ?

Philippe COME
Quel est le point de vue de l'élu régional ?

Jean-Paul PLANCHOU, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France chargé du


développement économique, de l’emploi, des nouvelles technologies de l’information
et de la communication du tourisme, de l’innovation et de l’économie sociale et
solidaire
Il faut avoir un cadrage urbain. C'est ce que nous avons essayé de faire jusqu'alors avec le
schéma directeur. Cela suppose, à partir du moment où l'on a une planification, d'avoir une
programmation, qui ne peut être amenée, comme l'ont dit MM. le Préfet et le président du
conseil régional, que par une gouvernance publique forte. Voilà pour moi les conditions ; il
faut tout simplement savoir ce que l'on veut et où l'on va, avec la volonté de résoudre le
nœud : savoir si l'on veut véritablement qu'un espace aéroportuaire comme celui de Roissy
soit effectivement un espace d'excellence et contribue à l'attractivité ; savoir si l'on admet
que nous sommes dans une économie de flux, que le différentiel croissant aujourd'hui entre
la production des biens et la croissance du commerce international est bien le deuxième
facteur d'accélération du premier. Il faut d'abord que toutes les sensibilités et toutes les
forces se mettent d'accord sur cette question. Ce n'est qu'à cette condition que nous
pourrons aborder la question environnementale.

Philippe COME
Vous êtes vice-président du conseil régional chargé, entre autres, de l'emploi. Parmi les
préoccupations les plus importantes, l'emploi est bien au cœur du problème.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Jean-Paul PLANCHOU, vice-président du conseil régional


À l'évidence. Il y a aussi la compétitivité. Jean-Paul HUCHON évoquait la question de la
formation ; elle est bien sûr en question, mais les élus du secteur et au-delà savent
pertinemment que c'est aussi une question d'aménagement. Le concept de compétitivité
relève d’une approche globale, liée aux équipements publics et au service public.

Olivier PIA
Alain LEIKINE, vous êtes président du conseil général du Val-d'Oise et président du Comité
d'expansion économique du Val-d'Oise. Hier, un certain nombre de représentants de
plateformes aéroportuaires se sont exprimés. Le maître mot a été de dire qu'il ne le fallait
pas oublier que ces plateformes créaient de très nombreux emplois. Quel est votre point de
vue sur cette question ?

Alain LEIKINE, vice-président du conseil général du Val d’Oise chargé du


développement économique
Nous avons eu l'occasion, avec les préliminaires de la formation d’Hubstart, de visiter ces
plateformes aéroportuaires. La concurrence est la même partout. Par définition, la
plateforme est un outil économique majeur pour les territoires. En ce qui concerne le Val-
d'Oise, il est évident que, pour l'ensemble des entreprises étrangères installées sur notre
département, l’un des éléments déterminants de leur installation a été le fait que la
plateforme aéroportuaire permettait un accès direct pour leurs clients à leur entreprise.
C'est donc un fait économique majeur incontournable. La difficulté est d'allier ce fait
économique créateur d'emplois aux nuisances du territoire environnant. Le débat montrera
sans doute cette difficulté, qui a été traitée ici ou là par des anticipations au moment de la
construction des aéroports. Notre aéroport est relativement ancien à l'échelle du
développement aéronautique et n'a pas tenu compte de ces difficultés en amont. Comment
faire coïncider aujourd'hui cette situation aéroportuaire avec l'évolution naturelle de nos
territoires en matière de développement économique ? Nous ne pouvons pas prendre le
risque de faire penser à ces entreprises, notamment aux entreprises internationales, que
nous avons la volonté de les voir partir de notre territoire.

Olivier PIA
En tant que président du Comité d'expansion économique du Val-d'Oise, quel rôle souhaitez-
vous voir attribué à cette plateforme pour les années à venir ?

Alain LEIKINE
En synthèse, il s’agit d’un rôle de dynamiseur du territoire. Par définition, les potentialités
d'emplois créées par l'aéroport sont extrêmement importantes, à condition de pouvoir
accéder à la plateforme le plus simplement possible, mais également de pouvoir accéder
aux pôles d'emploi ou de développement économique de nos départements à partir de
l’aéroport. Les liaisons les plus simplifiées seront garantes d'un meilleur développement
économique, au service des habitants du département.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Monsieur LISSORGUES, vous êtes le nouveau président de la délégation de Seine-Saint-
Denis de la CCI de Paris. Quels sont d’après vous les besoins fondamentaux, compte tenu
de l'ensemble des retombées économiques que l'on attend du grand Roissy ?

Gérard LISSORGUES, président de la délégation de Seine-Saint-Denis de la Chambre


de Commerce et d’Industrie de Paris, représentant la conférence permanente
interconsulaire du territoire de Roissy-Plaine de France
Avant de vous parler des besoins fondamentaux, je souhaite rappeler que les organismes
consulaires ont été un peu précurseurs, puisqu'il y a maintenant plus de deux ans que nous
avons travaillé avec la Seine-et-Marne et le Val-d'Oise à l'établissement d'un rapport sur le
Grand Roissy.
Le hub aéroportuaire est un moteur ou une locomotive, mais cela est insuffisant. À côté de
Roissy, le parc des expositions de Paris-Nord Villepinte est un autre élément économique du
secteur, et tout cela a besoin d'être essentiellement maillé par des structures de transport
performantes. Si nous ne disposons pas de ces structures, le hub de Roissy restera
seulement un hub. Il faut donc diversifier les activités économiques pour créer un territoire
économique majeur.

Philippe COME
Cela veut-il dire que la valeur créée en ce moment sur l'ensemble du territoire doit elle aussi
prendre de l'essor ?

Gérard LISSORGUES, président de la délégation de Seine-Saint-Denis de la CCIP


Tout à fait. À côté du hub, il existe des activités logistiques qui ne sont pas suffisantes non
plus. Il faut essayer de monter en gamme et de créer des industries apportant de la valeur
ajoutée.

Olivier PIA
Comment allez-vous attirer de nouveaux logisticiens ?

Gérard LISSORGUES, président de la délégation de Seine-Saint-Denis de la CCIP


Pour ce faire, il faut déjà qu'il y ait du foncier disponible – ce qui est le cas – et il faut que l'on
ait des bâtiments sous douane utilisables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, offrant ainsi
des possibilités agrandies.

Philippe COME
Dans tous les cas, les intérêts des uns et des autres sur ce plateau constituent bien cette
complémentarité que les organisateurs ont voulu montrer aujourd'hui. Un certain nombre
d'intérêts divergent, mais vous êtes d'accord sur le fait qu'il y a un réel besoin de
développement de la plateforme.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Gérard LISSORGUES, président de la délégation de Seine-Saint-Denis de la CCIP


Oui, mais nous voulons faire de Paris une ville-monde. Or, Paris ne sera pas une ville-monde
si elle ne dispose pas d’une importante composante économique. Le territoire de Roissy doit
permettre de valoriser cette composante économique. Cela impose bien sûr un certain
nombre de contraintes, mais je voudrais rappeler cette phrase célèbre : « On peut regretter
la douceur des lampes à huile, le temps des diligences et de la marine à voile, mais
malheureusement, les choses étant ce qu'elles sont, il faut faire avec » (sic).

Olivier PIA
Nous allons nous tourner vers l’ADVOCNAR, Association de défense contre les nuisances
aériennes, dont vous êtes, Alain PÉRI, vice-président. Vous venez d'entendre un certain
nombre de discours sur la propension de cet aéroport à créer des emplois. Pour tous les
intervenants que nous venons d'entendre, il faut continuer à développer la plateforme. Quel
regard portez-vous sur cette situation ?

Philippe COME
Nous allons parler des nuisances et du bruit. Fondamentalement, pensez-vous qu'un outil
comme la plateforme est indispensable au développement économique de la région ?

Alain PÉRI, vice-président de l’ADVOCNAR


Pour rebondir sur ce qui a été dit, ce qui est sûr, c'est que nous n'avons pas l'intention de
revenir à l'âge de pierre ni aux zeppelins. En juin 2007, le président de la République a
ouvert un certain nombre de perspectives, proposant de concilier développement
économique et respect de la santé et de l'environnement des populations. Cela a suscité
beaucoup d'espoir chez nous. Il s'agit d'abord d'un espoir de gouvernance, pour que l'on
puisse enfin travailler ensemble, parler de conciliation et être respectés et écoutés, afin
d’aboutir à des compromis intelligents.
À cet effet, nous avons le sentiment que l'État doit jouer son rôle d'arbitre au nom de l'intérêt
général, sans nécessairement relayer un certain nombre de positions. Nous sommes en face
de deux parties prenantes, avec des puissances et des poids extrêmement différents : d'un
côté, l'activité du transport aérien ; de l'autre, les riverains.
Les attentes des riverains sont simples : nous souhaitons une réduction significative et
durable des nuisances, à commencer par la nuit. L'adjectif « durable » a ici toute son
importance ; il ne s'agit pas d'utiliser un mot à la mode, mais de signifier que nous ne
voulons pas que les gains en réduction de nuisances soient annihilés par la croissance du
trafic. C'est à l'aune de ces critères que nous allons apprécier les propositions d'amélioration
de la situation qui seront faites.
On parle d'emplois, mais il ne faut pas oublier que les nuisances aériennes doivent être
corrélées aux problèmes de santé liés au bruit et à la pollution, aux problèmes sociaux de
paupérisation à proximité de l'aéroport, de spoliation dans certaines zones par des décisions
d'État, de pertes de valeur immobilière et d'apprentissage pour les enfants. Tout cela n'est
pas pris en compte sur le plan économique.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous souhaitons simplement qu'il y ait un peu de considération pour les riverains, leur santé
et leur qualité de vie dans le modèle tout économique du transport aérien.

Philippe COME
Philippe HOUBART, vous êtes président du CIRENA, Collectif interassociatif du refus des
nuisances aériennes. Vous avez organisé un comité d'accueil sympathique à notre arrivée ;
avez-vous besoin de montrer fondamentalement la différence ?

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Il s'agit d'un document recto verso simple, qui se lit facilement et pose les termes de l'enjeu –
comme le président de la République les pose d'ailleurs fort bien. Dans son discours du
26 juin, il évoque en effet « un développement durable, un développement qui ne sacrifie pas
les intérêts de notre planète et les intérêts de notre santé ».
J'entends beaucoup parler d'emplois sur Roissy ; permettez-moi d'émettre un doute. Roissy,
comme toute industrie, utilise les nouveaux moyens techniques : le modèle économique low
cost ou l'automatisation du tri des bagages.

Olivier PIA
C’est peut-être quand même une bonne chose qu'il y ait automatisation et que l'on ne soit
pas obligé de porter les bagages.

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Tout à fait, mais cela veut peut-être dire qu'auparavant, on n’utilisait pas ce moyen robotisé.
Il y avait donc des personnels qui s'occupaient de la distribution des bagages et des colis.

Philippe COME
Pour aller dans votre sens, le maire de Memphis nous expliquait hier que le développement
de sa plateforme avait apporté des milliers d'emplois. Comment expliquez-vous que l'on
puisse avoir cette image d'emplois minimisés chez nous alors que l'on arrive ailleurs à créer
des emplois ?

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Je crois qu'il faut mener une étude sérieuse sur la création d’emplois sur Roissy. Cela nous
manque à tous. Il faudrait que l'on considère cette question avec l'État et les représentants
de l'exploitation de Roissy. Nous sommes prêts à lancer une véritable enquête sur ce thème,
en tenant compte bien entendu de l'aspect négatif des choses, ce qui n'est jamais fait.
Roissy crée des emplois, mais des emplois sont aussi détruits du fait de Roissy. On ne prend
pas en compte les emplois créés par les solutions alternatives au transport aérien, comme
on ne prend pas en compte les destructions d'emplois liées au transport par avion de
produits issus de pays à moindre coût de main-d'œuvre, produits venant directement
concurrencer la production locale.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Je crois donc qu’il faut faire un véritable bilan avec le positif et le négatif.

Philippe COME
D'après vous, par qui et avec qui ce bilan doit-il être fait ?

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Nous, associations, avons l'intention de mener une vraie étude sur ce sujet avec tous les
maires et élus qui voudront bien y participer.

Philippe COME
Que l'ensemble des acteurs soit réuni aujourd'hui pour la première fois, n'est-ce pas déjà un
point particulièrement positif ?

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Tout à fait. Depuis un an, nous travaillons avec les représentants de la DGAC et des
compagnies aériennes, et ADP. Toutefois, je pense qu'il faut que l'on aille plus loin sur la
problématique de l’emploi.

Olivier PIA
Je vais maintenant donner la parole à Sébastien MEURANT, vice-président de l’ALPELNA et
maire de Saint-Leu-la-Forêt. Comment conciliez-vous ces deux fonctions a priori
potentiellement contradictoires ?

Sébastien MEURANT, vice-président de l’APELNA, maire de Saint-Leu-la-Forêt


Je pense qu'il ne faut pas négliger la composante économique du développement durable,
qui soutient les deux autres composantes, écologique et sociale. Il est fondamental de parler
d'économie et de la place de Roissy pour le Val-d'Oise et pour la France.

Olivier PIA
Que vous apporte cette plateforme aéroportuaire pour votre commune en particulier ?

Sébastien MEURANT, vice-président de l’APELNA, maire de Saint-Leu-la-Forêt


16 % des personnes travaillant sur Roissy viennent du Val-d'Oise – ce n'est pas assez. À
Saint-Leu-la-Forêt, la plupart des habitants travaillent dans les Hauts-de-Seine ou à Paris,
mais pas suffisamment dans le Val-d'Oise. Il existe des problématiques de transport,
notamment avec la région.
Il y a quarante ans, bien sûr, il y avait beaucoup moins d'emplois à Roissy et dans la région.
C'est évidemment une chance d'avoir développé un aéroport, qui est une fenêtre sur le
monde, sans oublier la conciliation avec le développement durable. Qu'est-ce qui va faire la
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

différence entre notre plateforme et nos concurrents allemands, chinois ou indiens ? C’est
notre capacité à transformer ces contraintes en atouts.
Une prise de conscience a eu lieu, notamment grâce au Grenelle de l'environnement. Nous
sommes conscients de ce que nous ne pouvons pas continuer à multiplier le nombre de
mouvements sans prendre en considération les attentes légitimes des habitants.
Évidemment, nous sommes gênés, mais je pense que nous touchons enfin des bénéfices.
Un certain nombre d'éléments qui vont voir le jour cette année, comme la descente continue
ou l'augmentation des mille pieds, vont permettre aux habitants de prendre conscience de ce
que le combat mené par les associations amène concrètement quelque chose. Nous
commençons à voir les choses changer dans le bon sens. Le développement de Roissy a
été très affecté par la crise économique, ce qui est indépendant des associations.
Pour finir, je me tourne vers les exploitants, car certaines choses sont simples et relèvent du
bon sens, comme les approches courbes ou les atterrissages par vent arrière. À Saint-Leu-
la-Forêt, par exemple, les avions passent juste au-dessus de la vallée. S'ils passaient 500 m
plus loin, nous serions beaucoup moins gênés.

Philippe COME
Les exploitants vont avoir une place importante dans nos débats aujourd'hui et vont répondre
à ces questions.
Monsieur TOURNAY, je rappelle que vous êtes président de l’AREC, l'Association pour le
respect de l'environnement et du cadre de vie. Vous serez le dernier des nombreux
représentants des associations à vous exprimer sur ce sujet.

Michel TOURNAY, président de l’AREC


Je suis également le premier à avoir organisé une association de riverains, il y a maintenant
trente-trois ans. Je ne pensais pas avoir aujourd'hui les mêmes questions à poser.

Philippe COME
Avez-vous l'impression que la problématique n’a pas changé depuis ?

Michel TOURNAY, président de l’AREC


Si, bien sûr. Depuis, les nuisances ont augmenté, mais déjà à cette époque-là, on se rendait
compte qu'il y avait un danger qui existe toujours. On parlait déjà du plafonnement du trafic
et d’une réduction des nuisances, mais on ne parlait pas du transfert des nuisances puisqu'il
n'y avait qu'une seule piste.
Je voudrais revenir sur la place de l'aéroport de Roissy en France et en Europe, pour les
vols de nuit en particulier. Pour reprendre la métaphore utilisée, si la France n'a pas brillé ces
derniers temps sur le plan sportif, nous sommes au moins assurés que, sur le plan de
l'activité aéronautique nocturne, nous sommes sur la plus haute marche du podium, comme
le montre le tableau que je vous produis, réalisé par l’UECNA. En 2008, on comptait 152 vols
de nuit. On en comptait 165 en 2009 ; cette année, nous devons être à 170. Viennent ensuite
Francfort, Madrid, Istanbul, Cologne, Barcelone, Athènes, Bruxelles, Schiphol et Gatwick
Heathrow.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Peut-être avez-vous des petits-enfants ; que leur diriez-vous si l'un d'entre vous disait qu'il
avait envie de travailler à Roissy, car il y a là du travail ?

Michel TOURNAY, président de l’AREC


J’essaierai peut-être d'intervenir pour le faire embaucher le jour, en souhaitant qu'il puisse se
reposer la nuit.

Philippe COME
Nous allons maintenant passer la parole à Patricia LEMOYNE DE FORGES, qui préside
l’ACNUSA. J'aimerais connaître votre réaction, madame, sur tout ce qui vient d'être dit.
Comprenez-vous les attentes de ces associations ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, président de l’ACNUSA, Autorité de contrôle des


nuisances sonores aéroportuaires
Bien entendu, je comprends tout à fait leurs attentes puisque, depuis plusieurs années,
l’Autorité se fait quand même un peu leur porte-parole en relayant leurs demandes,
notamment de réduction du bruit la nuit. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire
que l'on ne peut pas casser le bel outil qu’est Charles-de-Gaulle et qu'il faut donc partir de ce
constat.
Quelqu'un a dit que l'on n'avait pas su anticiper et que les choses s'étaient passées
différemment à l'étranger – cela m’a paru aussi très intéressant. Nous avons par exemple
beaucoup trop traîné sur la question de l'aide à l'insonorisation. Dans l'ensemble, les
solutions ne sont pas aussi rapides qu'elles pourraient l'être, mais je pense néanmoins que
nous sommes sur la bonne voie.
Dans sa lettre de mission à M. DERMAGNE, le président de la République avait dit qu'il
fallait faire en sorte que l'État respecte ses engagements de croissance du trafic, sans
augmentation du volume sonore. Il disait qu'il fallait que cela se fasse par le biais d'une
amélioration du dispositif de mise en œuvre de l'insonorisation, la révision des modalités
d'approche et de décollage des avions, le renforcement des contraintes apposées au trafic
nocturne et la gestion de l'urbanisation autour de l'aéroport.

Philippe COME
Je voudrais rebondir sur ce que disait M. TOURNAY il y a quelques instants. D'une certaine
façon, on a l'impression que l'on n'a pas beaucoup avancé depuis trente-trois ans.

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


On a tout de même avancé, car les avions d'il y a trente-trois ans étaient infiniment plus
bruyants qu’aujourd’hui. Nous avons avancé, mais probablement pas suffisamment vite.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Pensez-vous qu'à partir de maintenant l’on va pouvoir réussir à avancer s'il y a une volonté
commune de travailler ensemble ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Je l'espère vraiment, car ce que j'ai entendu ce matin sur la gouvernance et le partage des
retombées économiques est de nature à favoriser une meilleure appréhension du territoire et
du rôle de l'aéroport sur ce territoire. S'il y a plus d'argent, cela peut aussi permettre d'aller
plus vite dans certaines réformes.

Philippe COME
Plus d'argent ou plus de volonté politique affichée ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Les deux.

Olivier PIA
Vous publiez tous les ans un rapport dans lequel vous faites un certain nombre de
recommandations. Quelles sont les recommandations les plus importantes que vous
aimeriez formuler aujourd'hui ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


La recommandation la plus importante que nous avons formulée l'an dernier et que nous
réitérons cette année – et que j'espère vraiment voir aboutir – est la recommandation sur les
vols de nuit, pour faire en sorte que ne soient autorisés à voler la nuit que les avions les plus
performants dits de chapitre 4, c'est-à-dire les avions moins bruyants. Cette question n'est
pas uniquement liée à Roissy, mais se pose sur l'ensemble du territoire, car il ne faut pas
croire que les riverains ne se préoccupent pas aussi des vols de nuit sur les autres
plateformes.

Olivier PIA
J'ai lu aussi que, grâce à votre travail, les propriétaires étaient désormais mieux remboursés
quand ils engagent des travaux d'insonorisation dans leur logement. Que faites-vous dans ce
domaine ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Dans le domaine de l'aide à l'insonorisation, nous avons beaucoup travaillé pour que ce
chantier qui devrait être terminé depuis longtemps avance, et notamment pour que les
riverains soient remboursés à hauteur de 95 % du plafond des dépenses engagées.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Cela est-il effectif aujourd'hui ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Oui, c'est effectif depuis 2009. Depuis 2010, il y a également une avance de frais à
débourser. À mon avis, toutefois, le chantier n'est pas fini, car il y a encore un certain nombre
de logements à insonoriser.

Olivier PIA
Sont-ils nombreux à bénéficier de cette mesure aujourd'hui ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts que nous ne connaissons pas encore bien,
mais ils sont nombreux. Il faut aussi savoir qu'il y aura toujours des propriétaires qui ne
souhaiteront pas être aidés, soit parce qu'ils ont déjà fait les travaux eux-mêmes, soit parce
qu'ils ne veulent pas faire les travaux. Les enquêtes de satisfaction montrent en tout cas que
tous ceux qui ont fait ces travaux sont très contents.

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Je voudrais revenir sur deux recommandations précédentes de l’ACNUSA, qui ouvrent un
peu le débat qui va suivre. En 2000, l’ACNUSA recommandait un relèvement de l’ILS en
atterrissage face à l'Est à 1 800 m. Aujourd'hui, onze ans après, nous parlons d'un
relèvement face à l’Est de 1 200 m côté doublet nord et de 1 500 m côté doublet sud. En
2003, l’ACNUSA recommandait la mise en place de la descente continue généralisée à
Roissy. Cela fait donc huit ans que cette recommandation a été faite ; M. GANDIL va
sûrement nous dire tout à l'heure où il en est sur ce point.

Philippe COME
Nous allons passer la parole à M. LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France,
chargé de l'organisation et du développement durable. De manière générale, en introduction,
j'aimerais savoir qui sont les clients d'un aéroport.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France chargé de


l’organisation et du développement durable
On estime que 3 000 personnes à 5 000 personnes rejoignent chaque minute le rang des
classes moyennes, ce qui représente entre 20 millions et 50 millions de personnes à travers
le monde. Ces personnes prendront un jour l'avion. Les Chinois constituent une cohorte
importante de ces personnes et lorsque ceux-ci décident de faire leur premier voyage au
loin, la destination qu’ils privilégient avant tout est Paris. Traditionnellement, nos clients sont
avant tout des Européens. On trouve ensuite l'Amérique du Nord et, de plus en plus, les
personnes des pays émergents qui viennent pour des raisons de loisirs ou pour des raisons
professionnelles.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

En termes de composition sociologique, nous trouvons des touristes ayant économisé


pendant des années pour s'offrir un beau voyage, des hommes d'affaires et des personnes
parmi les plus aisées de la population. À ce titre, nous avons inauguré il y a deux ans un
salon Première à Roissy, qui est l'un des salons Première les plus appréciés au monde. Il
s'agit en quelque sorte d'une vitrine de Paris au sein de l'aéroport Charles-de-Gaulle que
nous avons pu mettre en place grâce à nos amis d’ADP. Je crois que c'est aussi le signe de
la diversité de la clientèle que nous accueillons.

Philippe COME
Des outils de communication existent maintenant, dont on parlera aujourd'hui pour présenter
les atouts de l'aéroport. Vous avez entendu les critiques formulées par les associations ici
présentes, qui ne sont pas sans savoir elles-mêmes qu'il y a de contraintes très fortes liées
aux hubs.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


On comprend bien qu'une ville comme Paris ait besoin d'avoir un aéroport international qui
nous relie au monde, mais quel est l'intérêt pour Paris et la région parisienne de faire
transiter des passagers de toute l’Europe une heure à Roissy avant de les renvoyer à travers
le monde ? Cette question est tout à fait légitime et nous n'avons peut-être pas donné
suffisamment d’explications autour de ce phénomène. Notre métier est bel et bien de donner
à tout Européen la possibilité d'avoir accès au monde et à toute personne au monde d’avoir
accès à l'Europe.
Pourquoi le faisons-nous à Paris ? Pour avoir une desserte quotidienne Paris/Shanghai, par
exemple, comme il n'y a pas suffisamment de Parisiens qui souhaitent aller à Shanghai tous
les jours, il y a nécessité d'avoir des Chinois qui viennent en Europe, mais aussi des
Européens qui souhaitent aller à Shanghai. C'est le rôle du hub d'offrir cette possibilité de
connexion. Cela offre finalement à Paris les meilleures dessertes long-courriers. Paris est
l'une des destinations les mieux desservies au monde ; dire cela joue sur l'attractivité
touristique, mais aussi sur le choix des grandes entreprises qui implantent des
établissements dans les grandes villes mondiales.
Le rôle capital des très grands hubs dans le développement des villes-mondes a été évoqué
tout à l'heure. Paris, selon les estimations, et à leur actuelle la quatrième ville-monde. Si
nous souhaitons rester parmi les premiers, le développement du hub de Roissy est
incontournable.

Olivier PIA
Développement est-il synonyme d’amplitudes horaires par rapport aux vols ?

Philippe COME
Comment se fait-il que des avions décollent à 23 h 30 et que d'autres atterrissent à 5 h 20 ?
C’est la question que posent les riverains.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Les avions font du bruit, c'est indéniable. Chez Air France, nous abordons ce sujet avec les
pouvoirs publics et les associations depuis très longtemps. Nous le prenons très au sérieux.
Vous savez qu'Air France a supprimé ses vols dans la plage minuit-cinq heures. Il est vrai
que les associations disent que c'est insuffisant et que la plage de hub se situe vers
23 heures, avec un certain nombre de vols à destination de l’Asie et de l'Amérique latine.

Olivier PIA
Pourquoi faut-il faire décoller ces vols vers 23 heures ?

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


D'abord, les clients, et notamment les clients affaires, veulent avant tout des vols de nuit
pour arriver le matin à destination. Ensuite, les clients européens que nous faisons venir à
Roissy aiment pouvoir prendre l'avion après leur journée de travail pour minimiser le temps
de déplacement, car, finalement, le transport aérien vend du temps utile pour les gens qui
ont à se déplacer. Il y a donc des contraintes opérationnelles et commerciales. Je sais que
les vols de la dernière plage et de la première plage de hub sont ceux qui posent le plus de
problèmes en termes de nuisances.
Comme le disaient hier les autres intervenants – et le cas de Schiphol est intéressant de ce
point de vue –, je pense qu'il faut trouver des solutions qui allient l'intérêt général et les
différents intérêts particuliers.

Olivier PIA
Avez-vous des propositions à nous faire ?

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


Nous n'allons pas changer les horaires de nos vols. Nous allons travailler avec les services
de la navigation aérienne pour essayer de trouver les meilleures solutions en matière
d'approche. Sur la modernisation de la flotte, je crois qu'Air France a été assez exemplaire –
mais pas uniquement pour satisfaire les riverains ; je n'aurai pas cette démagogie. Il était de
notre intérêt économique de le faire et d’avoir une flotte moderne que nous allons continuer à
moderniser.
J'ai participé aux travaux sous l'égide de Patrick GANDIL et de la DGAC, qui visent à
développer les avions du futur, que l'on espère moins bruyants.

Olivier PIA
À quelle hauteur estime-t-on la réduction sonore sur ces avions plus modernes ?

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


Je ne suis pas spécialiste des chiffres en matière de réduction de bruit ; je crois d'ailleurs
que l'un des problèmes en la matière est que les indicateurs sont tellement nombreux que
les gens s'y perdent un peu au bout du compte. Avec les outils modernes de modélisation, je
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

crois que l'on pourrait donner la possibilité à chacun d'avoir la trace bruit à laquelle il est
soumis et de savoir comment cette trace se situe par rapport à d'autres lieux et aux normes
internationales en matière de santé.

Olivier PIA
Si j'ai bien compris, vous êtes en attente de ce genre d'outils.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


Je crois qu'il y a beaucoup de perception dans ces problèmes de bruit et qu'il est très difficile
d'objectiver les débats. J'entends ce que disent les associations. On ne peut pas mettre dans
un fléau de balance le bruit que subissent les riverains et le développement économique de
la région Île-de-France ; ce sont des choses de nature un peu différente. Je crois qu'il faut
prendre en compte ces problèmes de nuisances sur lesquels nous travaillons avec les
différents acteurs économiques, associatifs et de l'administration. Il y a encore beaucoup de
progrès à faire. Le problème est surtout, à mon avis, de trouver les voies du dialogue et,
encore une fois, de trouver des solutions qui puissent allier l'intérêt général et les intérêts
particuliers.

Philippe COME
Les élus dont vous venez de parler connaissent un double problème. Je ne vais pas vous
présenter votre voisin, M. le maire de Gonesse.
Jean-Pierre BLAZY, votre tâche est particulièrement dure. D'un côté, l'aéroport apporte du
travail à vous administrer et de l'autre, en tant que maire, vous êtes tout de même obligé
d'entendre leurs plaintes. Comment faites-vous l'équilibre ?

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


C’est précisément l'équilibre qu'il faut rechercher et il est difficile, car, entre l'exigence
économique et l'impératif environnemental, il existe de plus en plus de conflits d'intérêts très
forts.
J'ai entendu le Préfet de région et le président de la région ; aujourd'hui, nous avons un
dialogue qui est forcément difficile et, de ce point de vue, la tâche de M. REBUFFEL n'était
pas aisée. Notre dialogue a été de qualité, mais nécessairement difficile. En tant que maire
et élu du territoire aéroportuaire, c'est une évidence.
La commande présidentielle était une charte du développement durable pour Roissy. Si l'on
veut appliquer le développement durable au transport aérien, il faut dire d'emblée qu'il ne
doit pas y avoir d'antinomie entre l'économie et l'environnement. Une fois cela posé, il faut
déterminer la manière dont progresser et concilier, afin qu'il y ait une sorte de
rapport gagnant gagnant.
Il y a aujourd'hui des avancées incontestables, notamment sur les possibles retombées pour
le territoire. Pendant longtemps, l'aéroport s'est développé sans que l'on ne s’en préoccupe.
On parle maintenant de 100 000 emplois ; d'ailleurs, on parle toujours de l'emploi en termes
quantitatifs, mais il faudrait aussi en parler en termes qualitatifs. La précarité est aujourd'hui
une réalité dont il faut parler.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Trouvez-vous que vos administrés sont exclus de cette zone aéroportuaire ?

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il n'y a pas assez de Val-d’Oisiens qui bénéficient des
emplois directs de l'aéroport.

Olivier PIA
Pour quelles raisons ? S'agit-il d'une inadéquation entre la formation des jeunes et les
emplois proposés ?

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


Il y a aussi la question de la qualification et de la formation qui, comme l'a dit tout à l'heure le
Préfet de la région, est une question majeure.
Je souhaiterais revenir sur la problématique de l'environnement. L'association d'élus Ville et
Aéroport essaie de trouver ce que pourrait être une approche équilibrée. Nous sommes tous
d'accord pour jouer en première division, mais cela ne s'oppose pas à la nécessité de
réduire les nuisances, la question essentielle étant la question nocturne. Je crois que, dans
les propositions qui ont été discutées par la DGAC, le compte n'y est pas. Depuis l'abandon
du troisième aéroport et depuis la création de l’ACNUSA, dont les recommandations ne sont
pas toujours suivies d'effet, il y a encore beaucoup à faire.
M. LEBEL parlait du trafic de nuit, justifié sur le plan économique. L'avion qui décolle pour
Rio de Janeiro à 23 h 34 ne pourrait-il pas décoller une heure plus tôt ? Y a-t-il là un impératif
économique ? Au-delà des propositions qui sont faites – et qui sont insuffisantes de notre
point de vue –, ne pourrait-on pas poursuivre la discussion ? Le Préfet de région a dit que le
débat ne s'achevait pas aujourd'hui et que le processus pouvait se poursuivre.
Je propose que, sous l'égide de l'Autorité indépendante, vous puissiez vous-même, madame
la présidente, conduire la discussion sur la question des vols de nuit pour qu'il y ait un
véritable débat mené en toute indépendance, avec des marges de progrès possible dans les
semaines ou mois à venir.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


Notre proposition est d'essayer de mieux expliquer la manière dont est construit le
programme des vols d’Air France et ses contraintes.
Je voudrais ajouter une chose. Air France développe les emplois industriels et, cette année,
deux investissements seront réalisés sur la plateforme de Roissy, grâce à notre collaboration
avec ADP. Il y aura d'abord la réalisation d'un second hangar d'entretien A380 pour les
avions d'Air France, mais aussi pour les avions d’autres flottes. Il y aura également un banc
d’essai de très gros moteurs qui sera le seul concurrent du banc d'essai moteurs de General
Electric en Europe. C'est un investissement industriel de première ampleur ; ce sont des

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

emplois extrêmement qualifiés qui seront créés par le biais de ces investissements
industriels de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Olivier PIA
François PUPPONI, député-maire de Sarcelles, chez vous, vit-on l'aéroport comme une
triple peine : peu d'emplois, du bruit et des inconvénients urbanistiques ?

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


C’est tout à fait cela. Nous n’avons pas les emplois. Je suis gêné d'entendre dire que, si nos
habitants n'ont pas accès aux emplois, c'est parce qu'ils sont mal formés. C'est faux. 80 %
de nos habitants sont en capacité de prendre un emploi du jour lendemain sans problème.
Nous avons des jeunes qui vont à l'école, respectent les codes scolaires et sortent de
classes préparatoires, de lycées professionnels ou de l’IUT.
Depuis hier, personne n'a prononcé le mot de « discrimination ». Pourtant, en France, quand
vous venez de Sarcelles ou de Villiers-le-Bel, l'entreprise ne vous embauche pas. Nous
avons un problème de discrimination ; c'est une réalité nationale et il n'y a pas de raison que
ce ne soit pas le cas à Roissy.
Il faut ajouter à cela la difficulté du transport : on ne peut pas se rendre à Roissy quand on
habite Sarcelles ou Villiers-le-Bel. Les sociétés de transport ont décidé unilatéralement de
modifier les horaires, de telle sorte que les populations concernées arrivent avec trois quarts
d'heure de retard. Une personne a même été renvoyée pour cette raison.
Enfin, pour travailler sur la plateforme, il faut avoir un badge et l'on sait que les conditions de
son attribution ne sont pas favorables à nos populations.
Cela fait donc bien longtemps que l'on a arrêté de croire que Roissy sera l'Eldorado qui nous
permettra de trouver des emplois. Je suis président de la mission locale de l'est du Val-
d'Oise qui intègre Roissy ; 80 % des jeunes que nous faisons embaucher sont embauchés
hors Roissy.

Olivier PIA
Votre discours est-il définitif ?

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


Si l'on nous ouvre la porte demain, nous viendrons, mais cela fait quarante ans qu'elle est
fermée. Nous n'avons pas le temps d'attendre ; si les gens ne veulent pas de nous, nous
allons chercher l’emploi ailleurs. Ce n'est pas dramatique et nous nous débrouillons
autrement.
Par contre, ce que je n'accepte pas, c'est que, parce qu'il y a un aéroport, l'on ne puisse plus
développer nos territoires à cause du PEB : non seulement nous n'avons pas accès aux
emplois, mais en plus, nous ne pouvons pas créer nos propres emplois. L'article de loi en
question dit que nous ne pouvons pas construire le moindre logement. Or, quand une ville ne
peut pas construire un logement, elle a vocation à disparaître. Nous ne pouvons même pas
construire des équipements qui favoriseraient l'arrivée de populations.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous avons à Sarcelles en projet de dôme de 20 000 places, qui serait le plus grand stade
couvert de France. Les investisseurs sont d'accord, mais la loi pourrait nous empêcher de
construire ce dôme à cause de Roissy. Non seulement ce n'est pas juste, mais nous ne
sommes même pas indemnisés. Le territoire devient inconstructible du jour au lendemain et
c'est tant pis pour nous.
Je pense que notre demande est juste et nous avons en face de nous des gens qui ne nous
répondent pas. Nous n'avons pas les emplois, nous ne pouvons pas construire et nous
devrions nous taire. Non, nous n'avons plus envie de nous taire. Les élus de la majorité
comme de l'opposition déposent des amendements à l'Assemblée nationale pour faire
évoluer les choses, mais nous avons en face de nous des ministres qui nous répondent par
la négative et je trouve cela d'une injustice terrible.

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Autant je suis d'accord avec vous sur la question de l'article L.147-5 du Code de l'urbanisme,
qui ne permet effectivement pas de construire en zone C, sauf à ce que la population
augmente de manière très raisonnée, autant je ne suis pas d'accord quand vous dites que
vous ne pouvez pas réaliser d'équipements.
Depuis plusieurs années, l'Autorité s'est aussi intéressée à cette question et est d'accord
pour dire que cet article devrait être réécrit. On ne devrait plus raisonner en mètres carrés,
mais en termes d’augmentation de la population. Il y a vraiment une réforme à faire en la
matière pour réécrire ce texte qui est devenu totalement incompréhensible.

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


Je connais l'article presque par cœur et je peux vous dire qu'il parle aussi des équipements.
En revanche, nous avons par exemple la possibilité à Sarcelles de construire une maison de
retraite et une résidence étudiante. Je remercie les services de M. le Préfet du Val-d'Oise qui
essaient de trouver une solution, mais si l'on applique littéralement le texte, on ne peut
même pas construire une maison de retraite ou une résidence étudiante.
Par contre, sur la commune de Roissy, au bout des pistes, on a construit une résidence
étudiante et un foyer de jeunes travailleurs. Roissy a droit à tout et nous, qui sommes à
quelques kilomètres, nous n'y avons pas le droit. Cette injustice n'est plus acceptable. Pour
faire venir des classes moyennes dans ces quartiers où il y a 80 % de logements sociaux et
pour faire de la mixité sociale, il faut bien construire des logements. Nous n'en avons pas le
droit, alors que nous avons le foncier nécessaire, dans un pays et une région qui
connaissent une crise du logement sans précédent. Il faut que l'aéroport ne nous empêche
pas de développer.

Sébastien MEURANT, vice-président de l’APELNA, maire de Saint-Leu-la-Forêt


Je voudrais évoquer les discriminations en tant que spécialiste du recrutement. En France,
les discriminations ne sont pas localisées sur Sarcelles et Villiers-le-Bel. L'accès à l'aéroport
est effectivement difficile pour les Val-d'Oisiens et il y a effectivement davantage de
personnes de Paris qui viennent y travailler, ce qui est une vraie discrimination.
Je ne crois pas que l'on puisse soupçonner FedEx ou Air France de discrimination à
l'embauche. Il y a en France des problèmes de discrimination pour les jeunes et pour les

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

plus de cinquante ans. Il existe ensuite une discrimination sur le lieu de résidence, par
rapport au temps que l'on met pour aller travailler.

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


J’ai interpellé la semaine dernière le gouvernement à l'Assemblée nationale sur ce thème. Le
gouvernement a créé un Observatoire national des zones urbaines sensibles, qui a remis un
rapport qui dit qu'il y a deux fois plus de chômage pour les jeunes hommes dans les zones
urbaines sensibles et que, dans ces quartiers, un jeune homme sur deux est au chômage.
C'est donc un fait de notoriété publique.

Olivier PIA
Patrick GANDIL, directeur général de l'Aviation civile, vous avez entendu les associations
s'exprimer. Elles ont un certain nombre de récriminations à formuler, que vous connaissez.
Nous allons vous écouter.

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Je ne dirais pas non plus que je les connais par cœur. Si l'on part du principe que l'on sait ce
que va dire son interlocuteur, il n'y a pas beaucoup de progrès. Or, je crois que l'on peut faire
un certain nombre de progrès – je suis là pour cela.
Mon objectif est clairement d'essayer d'améliorer la situation, sans supprimer d'activité et
sans supprimer d'emplois. Même si j'ai entendu sans ambiguïté une attente de suppression
des vols de nuit, je ne vais pas vous dire que nous allons le faire. En revanche, nous
pouvons prendre une mesure rigoureuse imposant l'amélioration des flottes et ce, non pas
seulement sur le cœur de nuit, mais sur toute la nuit.
La première mesure que nous allons proposer est d'imposer, à partir de l'année 2012, que
les avions fassent au plus 8 dB de moins qu'aujourd'hui et que l'on passe à 10 dB à partir de
2014. Concrètement, 8 dB éliminent de nombreux avions bruyants que l'on peut supprimer
rapidement parce qu'ils ne représentent pas des cœurs de flottes. Si je ne propose pas de le
faire de suite, c'est parce qu'il existe une contrainte réglementaire d'étude d'approche
équilibrée qu'il faut mener à bien.
En revanche, 10 dB suppriment des avions importants, dont la totalité des A320 et A321 de
première génération, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas été remotorisés, les anciens
Boeing 737 et quelques avions plus petits, qui existent toutefois de manière importante sur
Charles-de-Gaulle. Cette mesure nécessite un peu de temps ; un horizon à 2014 n'est donc
pas exagéré par rapport au niveau de contraintes que cela représente pour les compagnies
aériennes.

Philippe COME
Cette mesure nécessite du temps et de l'investissement.

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Oui, car cela veut dire que ces avions achèveront leur vie plus tôt que prévu.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
C’est une première proposition ; en avez-vous d'autres à nous faire ?

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


J'en ai d'autres – je pense aussi que cette première proposition devrait répondre à ce que
disait Mme LEMOYNE DE FORGES tout à l'heure sur les problèmes d'amélioration des
flottes.
La deuxième proposition n'est pas une proposition de la DGAC, mais est venue d'élus locaux
en particulier. Nous l'avons étudiée et elle apparaît faisable – cela montre bien qu'il faut
écouter et non partir du principe que l'on sait ce que va dire l’interlocuteur. Nous avons
intitulé cette proposition « réseaux stratégiques la nuit ». Nous allons faire partir tous les vols
vers le nord, quelle que soit leur destination finale, et les réorienter ensuite, une fois qu'ils
seront sortis des zones urbanisées. C'est un changement important du dispositif de
circulation aérienne. Comme pour tous les choix publics, la situation est extrêmement difficile
et il faut établir un compromis. On ne peut pas imaginer de solution parfaite qui ne gênerait
absolument personne et améliorerait la situation de tous.
Une autre proposition a trait au relèvement de l’ILS et à la descente continue. L’ILS est un
rayon électromagnétique qui guide les avions jusqu'au seuil de piste, et matérialise à la fois
leur axe et leur descente. Lorsque l'avion est sur l’ILS, il est en descente et suit une
trajectoire imposée. À ce moment-là, il est normalement beaucoup moins bruyant puisque
ses moteurs sont réduits. Pour intercepter l’ILS et avant d'entamer la phase de descente, il y
a une longue phase de vol horizontal. Cette phase est appelée phase de palier et,
aujourd'hui, le palier le plus bas se fait à 3 000 pieds. Nous allons le remonter à 4 000 pieds
au minimum – en réalité, les avions pourront être à 5 000 pieds selon le doublet sur lequel
nous allons arriver. Cela change la trace au sol puisque, pour intercepter plus haut, nous
interceptons plus loin. Et comme nous interceptons plus loin, les virages ne sont pas faits au
même endroit.

Olivier PIA
Voulez-vous dire par là que les nuisances vont être reportées sur d'autres territoires ?

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Les nuisances sont réduites, puisque l'on est plus haut, mais, elles sont effectivement
reportées et la question est de savoir comment les reporter le mieux possible. Il est certain
que, dans le premier projet que nous avons étudié, nous avons probablement fait une
bévue ; j'ai entendu les réactions de nombreuses associations. Nous allons finalement
réviser ce projet en faisant le virage au-dessus d'un endroit nettement moins peuplé, en
dégageant le secteur Cergy-Pontoise/Conflans-Sainte-Honorine.
Nous faisons des vérifications actives sur ce sujet depuis une semaine et je peux vous dire
que cela fonctionne. Il va y avoir une enquête publique importante, puisque ce projet de
relèvement des trajectoires est mis à l'enquête. Je pense que nous pourrons proposer
quelque chose qui, sans ne provoquer aucune nouvelle nuisance, devrait améliorer très
significativement la situation actuelle.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Y a-t-il d'autres propositions ?

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Il y a également la descente continue, que cette affaire va créer en partie avec une descente
depuis le niveau minimum de 4 000 pieds ou 5 000 pieds. Ce que l'on qualifie à Londres de
descente continue et que tous recherchent, ce sont des descentes depuis le niveau de
6 000 pieds. Nous allons comptabiliser le type de descentes que nous faisons ; je suis à peu
près sûr que nous allons pouvoir en faire autant qu'à Londres, au regard de la situation
concrète.
Cela dit, mon objectif de descente continue n'est pas uniquement cela, car l'important est
que nous parvenions à faire des descentes continues depuis des niveaux beaucoup plus
élevés. En revanche, c'est extrêmement difficile à faire avec les outils de navigation aérienne
que nous avons aujourd'hui. Ce n'est qu'avec l'arrivée des systèmes CESAR que nous
arrivons à développer cela, entre 2015 et 2020.
Une autre mesure est le décollage en début de piste entre minuit et cinq heures. Au nord,
par exemple, des décollages se font sur la piste longue et des atterrissages sur la piste
courte. Le problème est qu'un avion situé au bout de la piste courte émet une très forte
turbulence qui pourrait perturber gravement les opérations sur la seconde piste. Il faut donc
avoir un trafic suffisamment faible afin d'éviter les interférences entre les deux pistes. C'est la
raison pour laquelle nous nous orientons pour faire cela la nuit.
La dernière mesure que je voulais signaler est le rééquilibrage des doublets – qui est
également nocturne. Aujourd'hui, on peut arriver sur le doublet nord et avoir une aérogare
vers le sud, et inversement. Cela mène à des situations croisées, où l'on peut survoler une
quantité de territoires plus importante qui pourrait être évitée. Là encore, le trafic doit être
suffisamment faible pour que ces réductions puissent être faites.
A été évoquée la question des contraintes à l'urbanisation. Je crois que nous devons
rechercher un certain nombre de compromis sur ce point. Un stade est un équipement
bruyant ; le problème n'est pas de protéger le stade contre le bruit, mais les riverains contre
le bruit du stade. Il est paradoxal d'interdire la construction d’un stade pour des raisons de
plan d'exposition au bruit.
Il me semble qu'il y a également des choses à faire sur une logique d'extension modérée
quant aux problèmes de modernisation des logements qui, généralement, imposent une
superficie un peu plus grande.
J'ai entendu très clairement ce qu'a dit M. PUPPONI, en étant plutôt d'accord avec lui. Nous
devons faire un travail dans ce sens, car nous ne pouvons pas rester dans la situation de
blocage que nous connaissons aujourd'hui.

Philippe COME
Nous allons maintenant donner la parole aux associations, aux élus et à la salle.

Michel TOURNAY, président de l’AREC


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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Je voudrais réagir sur la proposition qui vient d'être confirmée quant à la trajectoire aérienne
spécifique qui, pour être spécifique, se superpose à la trajectoire actuelle. Par conséquent,
ceux qui vont bénéficier de ce nouveau transfert nocturne auront déjà tout le trafic de jour.
L'augmentation actuelle du nombre de vols, sans transfert, se fait à dose homéopathique. Le
riverain réveillé vingt fois, par exemple, ne se rend même pas compte de cette progression
insidieuse et continue. Pour ce riverain, le trafic sera donc multiplié par deux. L’OMS stipule
que tout le monde doit dormir huit heures par jour, mais elle n'a jamais dit que cette
préconisation s'adressait à toutes les communes, sauf à celles de moins de 1 000 habitants.
L’AREC continuera à être présente et à participer à des dialogues constructifs. Comme le
disait le philosophe, celui qui se bat n'est pas sûr de gagner, mais celui qui ne se bat pas a
déjà perdu.

Olivier PIA
Alain PÉRI, vous avez entendu les propositions de la DGAC. Qu'en pensez-vous ?

Alain PÉRI, vice-président de l’ADVOCNAR


M. GANDIL ne nous a pas donné tous les détails, notamment sur un point : les résultats que
nous avons obtenus en préambule se situaient tous entre minuit et cinq heures du matin.
C'est un dialogue de sourds, car c'est une période sur laquelle nous n'avons strictement rien
demandé et qui fait l'objet d'une réglementation. Une ordonnance de 2003 fixe la limite des
créneaux et les règles d'élimination de ces créneaux s'ils ne sont pas utilisés.

Olivier PIA
Néanmoins, les propositions qui sont faites vous conviennent-elles ?

Alain PÉRI, vice-président de l’ADVOCNAR


Je ne sais pas sur quelles périodes elles sont faites ; M. GANDIL ne nous l'a pas dit.

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Je suis désolé si je n'ai pas été audible. La suppression des 8 dB et 10 dB n'est pas pour la
période minuit/cinq heures, mais sur la période vingt-deux heures/six heures.

Alain PÉRI, vice-président de l’ADVOCNAR


Qu'en est-il des autres mesures et de l'équilibre des doublets, par exemple ?

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


La plupart des autres mesures sont aujourd'hui garanties sur la période minuit/cinq heures,
ce qui ne veut pas dire que l'on s'arrête là. Je n'ai aucune raison de ne pas essayer d'aller
plus loin, sinon celle de la complexité du trafic et du nombre d'avions. Ma réponse est donc
de dire que l'on commencera aussitôt que nous le pourrons. La difficulté est bien que,
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

comme on le voyait tout à l'heure avec Air France, il y a trop de trafic au moment de la
dernière plage et de la première plage de hub.

Alain PÉRI, vice-président de l’ADVOCNAR


S'agissant des avions les plus bruyants, nous sommes encore très en deçà des propositions
de l’ACNUSA.

Philippe COME
Gérard EUDE, vous êtes vice-président du conseil général de Seine-et-Marne, en charge du
développement économique, de la recherche et de l'emploi. Qu'avez-vous envie de retenir
du débat maintenant ?

Gérard EUDE, vice-président du conseil général de Seine-et-Marne chargé du


développement économique, de la recherche et de l’emploi, président de Seine-et-
Marne Développement
Je souhaiterais d'abord revenir sur la question de la fonction d'un aéroport comme celui de
Roissy. Sur le fond, il me semble que cet aéroport a au moins deux fonctions. La première
n'est pas seulement de pouvoir desservir les habitants alentour, mais aussi d'être un élément
indispensable au rayonnement de la région Île-de-France, voire au rayonnement du pays. Il
n'y aurait pas La Défense et le développement économique des Hauts-de-Seine s'il n'y avait
pas un aéroport tel que celui de Roissy. Cela pose donc la question de la solidarité que les
uns doivent avoir avec les autres dans la répartition des richesses.

Olivier PIA
Vous sentez-vous oublié pour la Seine-et-Marne ?

Gérard EUDE, vice-président du conseil général de Seine-et-Marne


Non – et je ne parlais pas que de la Seine-et-Marne. Je dis que, globalement, avec cette
fonction aéroportuaire qui apporte un certain nombre de nuisances, il y a aussi la question
du retour dans la création de richesses.
Il est bon que l'on parle de la création de richesses que l'on va faire sur ce territoire, mais la
création de richesse est d'abord faite sur l'ensemble du périmètre de la région Île-de-France.
On ne peut pas considérer que la ville de Paris puisse dire que la question de l'aéroport, de
ses nuisances et de la péréquation n'est pas la sienne. C'est aussi la sienne dans la
répartition des richesses.
Dans le passé, l’on a mis l'aéroport à un certain endroit parce qu'il n'y avait pas grand monde
autour et que l'on n’envisageait pas un aménagement urbain avec des habitants autour
d'une plateforme aéroportuaire. C'est à mon sens ce qui a fondamentalement changé.
Aujourd'hui, il faut concilier la présence d'un aéroport tel que celui de Roissy avec la
présence d'habitants, voire avec un développement urbain dans un certain nombre de
secteurs.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Pour vous, c'est donc un changement positif.

Gérard EUDE, vice-président du conseil général de Seine-et-Marne


C’est en tout cas un changement radical. On ne peut plus se situer dans une logique
d'isolation des nuisances de la production de richesse et de l'accueil d'habitants. C'est un
changement qui nous impose de considérer la question de la gouvernance de l'aéroport, et
du rapport entre activité économique et aménagement d'une manière différente.
La pression urbaine sur les secteurs qui entourent l'aéroport va être de plus en plus forte
pour tout un tas de raisons. Il y a d'abord un problème de logements. Ce sont ensuite des
territoires qui ont l'ambition de vivre comme les autres.
La Seine-et-Marne a réalisé un travail important sur le terrain et a voté à l'unanimité du
conseil général un plan stratégique avec un certain nombre d'orientations qui n'ont pas
vocation à régler l'ensemble des questions, mais qui offrent des positions assez équilibrées
entre développement économique, aménagement et environnement. Je vous engage à en
prendre connaissance.
Comme l'a dit tout à l'heure le président de la région, jusqu'ici, avec la Seine-et-Marne, nous
étions un peu dans un no man's land, avec peu d'habitants – cela me permet d'ailleurs de
réaffirmer qu'il n'est pas question de transférer des nuisances d'une population vers une
autre. La Seine-et-Marne sera très claire sur cette question. Il faut trouver un équilibre juste
quant à l'ensemble des nuisances induites.
Enfin, en termes de nuisances, il n'y a pas que le bruit, mais aussi d'autres nuisances.
Fondamentalement, je pense que deux éléments sont pris en compte dans l'acceptation de
ces nuisances par nos habitants : l'équité de traitement des uns et des autres, et les
retombées.
Il existe aussi un problème de qualité de la plateforme – et je m’adresse là à ADP. Il faut
absolument que l'on sache améliorer la qualité globale de l'image de l'aéroport, qui ne donne
pas vraiment l'impression d'un pôle d'excellence.

Philippe COME
Je voudrais remercier Gilbert ROGER, vice-président du conseil général de Seine-Saint-
Denis, chargé du développement économique, de l'emploi, et des relations européennes et
internationales d'avoir eu la gentillesse d'accepter que je ne lui donne le micro que
maintenant.

Gilbert ROGER, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis chargé du


développement économique, de l’emploi, des relations européennes et internationales
Je suis aussi maire d'une commune de territoire populaire ; je partage donc ce qui a été dit
par François PUPONNI, mais la plateforme aéroportuaire est pratiquement, pour la ville de
Bondy que j'ai l'honneur d'administrer, le principal employeur. L'énorme difficulté réside en ce
qu’il y a très peu de transport pour des horaires différents. Les annonces faites par le Préfet
de région et le président du conseil régional vont donc plutôt dans le bon sens, à la condition
que cela ne se fasse pas dans vingt-cinq ou trente ans, sinon, nous ne serons peut-être
même pas là pour inaugurer.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous pouvons avoir un chemin utile ensemble sur la plateforme de Roissy. Dans ma ville, il y
avait une usine qui fabriquait des blocs moteurs pour les voitures et camions diesel – le
dernier propriétaire étant Peugeot –, qui polluait beaucoup. Beaucoup d'associations de
riverains se plaignaient, et j'en étais aussi. L'usine est partie du jour au lendemain et ce sont
1 100 emplois industriels qui ont disparu de la commune, d'où une désespérance sociale
énorme, sans accompagnement de l'État, qui ne s'occupe pas de ces coins-là. La société
Peugeot a reconstruit une usine ultramoderne loin en province, un peu après Tours.
Je crois qu'il ne faut pas que l'on soit dans ce système pour Roissy, qui est une plateforme
de développement économique. Soyons exigeants.
Prenons l'exemple des sociétés low cost ; tant que l'on sera laxiste avec cette société où l'on
peut gagner de l'argent en faisant le minimum d'investissements et le minimum d'efforts,
Roissy sera vécu comme extrêmement pénalisant pour les concitoyens qui habitent autour.
En revanche, si l'on s'oriente vers le positif, on doit pouvoir marier environnemental et
économique, ce que je souhaite, puisque je suis pour le développement économique de la
plateforme aéroportuaire de Roissy.
Je suis modeste client d'Air France. La dernière fois que je suis rentré de Shanghai, il m'a
fallu attendre 1 h 40 pour les bagages et parce qu'un seul douanier faisait le contrôle de cinq
avions. L'État dira qu’il n'a pas assez d'argent pour payer ses douaniers ; Air France dira que
c'est la faute d'ADP ; ADP dira que la faute incombe à l'avion d'Air France. Nous n'avons pas
besoin d'arriver à six heures le matin si c'est pour attendre 1 h 40 après onze heures de vol.
Ensuite, il faut peut-être embaucher un peu plus. 50 % de mes jeunes sortent parfois des
universités ou de centres de formation et n’ont pas de travail, parce que l'on ne veut pas faire
confiance au premier emploi des jeunes. Il faut essayer d'accepter l'idée que les jeunes
peuvent faire des erreurs au cours de leur premier emploi et il faut les accompagner pour
qu'ils soient notre richesse de demain.
Les techniciens évoquent de nombreuses améliorations ; si cela est possible, pourquoi faut-il
attendre cinq, six ou dix ans pour les mettre en place, en suscitant la non-confiance des
concitoyens et la réserve des élus ? Je souhaite moi aussi que nous nous situions dans la
gouvernance, pour refuser l'idée que les techniciens et technocrates travaillent ensemble
d'un côté, et que l'on trouve de l'autre les associations et les élus locaux.
Air France, FedEx ou d'autres grandes entreprises disent qu'elles ont envie désormais de
s'inscrire dans une notion d'entreprise citoyenne et responsable ; prenons-les au mot et nous
pourrons avancer très vite.

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


Je souhaiterais réagir aux propositions de M. GANDIL. Bien évidemment, toute proposition
est bonne à prendre, même si elle ne va pas suffisamment loin. Nous regardons donc avec
intérêt ces propositions. Le problème est qu'elles sont difficiles à mettre en œuvre et que l'on
s'interroge sur leur ampleur s'agissant de la nuit.
L'effet pervers des mesures qui ont été prises en 2003 par le ministre DE ROBIEN a été le
report sur ce que l'on appelle pudiquement les marges de la nuit, c'est-à-dire avant minuit et
après cinq heures, d'où la difficulté que vous avez aujourd'hui à pouvoir nous assurer que
l'on va progresser sur l'ensemble de la nuit, c'est-à-dire sur huit heures consécutives selon la
définition de l'OMS.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

La difficulté réside aussi en ce que nous avons un système aéroportuaire francilien


déséquilibré. Je ne propose pas de remettre en cause le couvre-feu sur Orly, mais le fait que
nous ayons un aéroport totalement fermé la nuit, à la différence d'autres grandes métropoles
européennes, et un autre aéroport qui doit accueillir tout le trafic – Roissy – est aussi une
contrainte.
S'agissant de la gestion des zones C de PEB, j'attends de cette journée qu'un progrès réel
soit annoncé. J'ai entendu le Préfet de région tout à l'heure ; il y a une ouverture, mais il va
falloir, monsieur le directeur général de l'Aviation civile, qu’on l’énonce plus clairement. À
mon avis, cela doit passer par la voie législative.

Olivier PIA
Nous ouvrons la parole à la salle.

Patrick KRUISSEL, président de l’ADVOCNAR


Je suis président de l’ADVOCNAR. Je souhaite revenir sur la question des vols de nuit.
Comme l'a dit M. BLAZY, il y a un déséquilibre entre les aéroports. On a décrété un couvre-
feu à Orly et on l’a plafonné ; je crois qu'il y a là discrimination d'une population par rapport à
une autre. Ne croyez-vous pas que cette discrimination est juridiquement attaquable ?

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


Je partage votre avis, d'autant plus qu'il y a une autre discrimination : comme il n'y a pas de
vol de nuit à Orly, les communes ont droit de construire en zone C du PEB. Je suis d'accord
avec vous ; je pense que, juridiquement, cela ne tient pas et qu'il n'y a pas de raison qu'il y
ait des différences entre les aéroports. Une nuisance de jour est aussi discriminante, en
particulier pour les élèves.

Patrick KRUISSEL, président de l’ADVOCNAR


Les nuisances de Roissy induisent des baisses de valeur immobilière. Pensez-vous qu'il est
normal que celles-ci ne soient pas indemnisées ?

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


Les Américains nous ont expliqué hier qu'à Atlanta et Memphis, l'aéroport a racheté le
foncier pour dédommager les propriétaires ; cela me paraît la moindre des choses.

Philippe HOUBART, président du CIRENA


La décote est importante, de l'ordre de 15 % à 20 % – des études ont été faites par
l'université Paris XII –, et, pour certaines villes, à plus de 30 km de Roissy.

Olivier PIA
Que proposez-vous ?
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Je propose qu'un fonds soit créé pour compenser cette décote immobilière au moment de la
revente.

Jacqueline BONHOMME, secrétaire général de l’ADVOCNAR


Je voudrais demander à M. GANDIL si son dernier mot est de ne pas pouvoir réduire le
nombre de mouvements la nuit.

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


La nuit est plafonnée en nombre de mouvements, mais, effectivement, je n'envisage pas que
nous réduisions encore ce nombre. Cela consiste à supprimer de l'activité et de l'emploi. Le
cadre de notre débat est bien de concilier l’activité économique et les nuisances.

Philippe HOUBART, président du CIRENA


Le problème est que, pour M. GANDIL, la nuit va de minuit à cinq heures quand, pour les
associations, elle va de vingt-deux heures à six heures ou de vingt-trois heures à sept
heures. C'est donc un dialogue de sourds. Entre vingt-trois heures et minuit, les riverains
sont réveillés dans leur premier sommeil ; entre cinq heures et six heures, ils sont réveillés
dans leur dernier sommeil, ce qui laisse très peu de temps pour dormir.

Bénédicte AGOUDETSÉ, journaliste au Parisien


Je voudrais apporter une précision à M. MEURANT ; je ne parle pas à l'élu, mais au
professionnel des ressources humaines. Le 11 août, Le Monde a sorti une brève sur cette
fameuse étude sur la discrimination à l'embauche selon le lieu de résidence. Dès le 12, nous
publiions une enquête très sérieuse qui m'a valu le Prix du journalisme européen 2010 de la
Commission européenne.
Par ailleurs, j'ai publié il y a deux ans une enquête sur la discrimination pour Sarcelles à
l'embauche à Roissy du fait des badges. Il me semble donc que, lorsque l'on est à la fois élu
et responsable des ressources humaines, il est bien de se documenter sur la réalité de son
territoire.

Sébastien MEURANT, vice-président de l’APELNA, maire de Saint-Leu-la-Forêt


Il y a effectivement une discrimination sur le lieu de résidence par rapport aux moyens de
transport permettant de se rendre sur le lieu de travail, que ce soit Roissy ou La Défense.
C'est incontestable et c'est ce que montrent les rapports que vous citez. Le Grand Paris vise
d'ailleurs à desservir des territoires qui sont peu ou pas du tout desservis.

Mireille LOPEZ, administratrice de Nature Environnement 77


Je suis administratrice de Nature Environnement 77, fédération d'associations
environnementales de Seine-et-Marne. Je souhaite évoquer un sujet qui n'a été traité
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

aucunement : la pollution de la rivière la Beuvronne par le glycol, ainsi que les inondations
sur la commune de Claye-Souilly. Nous avons envoyé une lettre à Mme KOSCIUSCO-
MORIZET à ce sujet.

Gérard EUDE, vice-président du conseil général de Seine-et-Marne


Nous n'avons effectivement pas eu le temps de parler de beaucoup de choses. J'ai dit tout à
l'heure qu'au-delà des nuisances sonores, il y avait un certain nombre d'autres pollutions. Le
conseil général de Seine-et-Marne est bien conscient de cette problématique de la
Beuvronne. Nous allons essayer de travailler dans le cadre d'une convention avec ADP pour
déterminer ce que l'on peut faire pour améliorer les choses.

Jean-Baptiste CERVERA, président de l’ADERA


Si j'ai bien compris, une communauté aéroportuaire va être créée sans associations ;
j'aimerais avoir une réponse à cela.
Lors de la dernière Commission Consultative de l’Environnement de Roissy, nous avons
demandé qu'apparaissent les relevés de bruit de la période volcan en annexe. Nous ne les
avons pas eus. Nous avons également demandé que les élus et les associations figurent
dans le calcul de l’IGMP, qui est le calcul moyen de bruit. Cela est bien acté dans le procès-
verbal, mais il n'y a pas eu de réponse.

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Le calcul de l’IGMP est fait à partir de mesures. Toutefois, si certains ont des doutes sur la
manière dont ce calcul est réalisé, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’il y ait une sorte de
comité de supervision. Cela dit, tout est déjà supervisé par l’ACNUSA et toutes les garanties
de qualité de ce calcul sont apportées.

Jean-Louis DURAND, maire de Marchémoret


Il se trouve que je suis aussi douanier et je ne peux pas laisser passer ce qui a été dit sur la
douane. La douane de Roissy est un vrai partenaire qui travaille au développement de
l'aéroport. Un travail est fait en matière de procédure pour faciliter le dédouanement du fret.

Gilbert ROGER, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis


Je me suis trompé ; je pensais à la Police de l’Air et des Frontières

Gérard GRÉGOIRE, conseiller municipal de Gonesse


Une question d'importance n'a pas été traitée et les réponses de M. GANDIL sont
significatives de ce point de vue. Les vols de nuit de Roissy représentent 10 % du trafic. Il y
a 1 500 à 1 600 vols par jour ; cela fait donc 150 à 160 mouvements la nuit, ce qui est
important. Toutefois, on ne précise pas la nature de ces vols.
Les êtres vivants n'ont plus accès aux vols de nuit. Il n'y a plus que le colis, le paquet, la
matière inerte qui a droit à ce vol. Entre le respect du sommeil des citoyens et le transport
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

plus confortable du paquet, n'y a-t-il pas un choix à faire ? Je m’étonne que M. le
représentant d'Air France n'ait pas saisi la question pour dire qu'Air France n'a plus de vol de
nuit, sauf peut-être pour l'Asie.
Par conséquent, faisons attention. Les hommes se respectent plus que les paquets. Je
demande donc que l'on supprime le vol des paquets la nuit.

Olivier PIA
Gérard LISSORGUES, vous qui présidez une CCIP, j'aimerais que vous réagissiez à un
argument comme celui-ci.

Gérard LISSORGUES, président de la délégation Seine-Saint-Denis de la CCIP


J’entends l'argument. C'est dommage qu'il n'y ait pas un représentant de FedEx. Il vous dirait
qu'ils vont aller à Francfort pour implanter leur hub. À Memphis, par exemple, les avions
atterrissent 24 heures sur 24.

Philippe COME
Monsieur GANDIL, pouvez-vous nous rappeler précisément le nombre de mouvements
nocturnes ?

Patrick GANDIL, directeur général de l’aviation civile


Les chiffres donnés sont les bons. La question n'est pas celle des chiffres ; la question est de
savoir que le transfert colis express fret et poste se fait forcément la nuit pour être rassemblé
le soir et être distribué le lendemain – c'est en ce sens que c’est express. La question du vol
de nuit est aussi celle-ci : cette activité existe-t-elle à Paris ou se fait à ailleurs ? Cela
représente environ 10 000 emplois et FedEx en direct doit représenter pas loin de
5 000 emplois. Ce n'est pas une question de réglementation ou de décision simple, mais une
question de choix dans le système de développement économique.

Intervenante
Je suis urbaniste et socioéconomiste spécialisée dans les questions d'emploi en Île-de-
France. Je voudrais évoquer le contenu de ces emplois. D'abord, contrairement à ce que l'on
croit, Roissy n'est pas un pôle d'emploi, mais un pôle d'activité. Il existe en effet 224 familles
professionnelles et Roissy est positionné sur 10 d’entre elles. Pour trouver la main-d’œuvre
correspondant à ses activités, la plateforme a donc besoin de drainer sa main-d’œuvre et
son attraction sur deux régions. Cela ne s'arrangera pas par les transports ni par la
formation. C'est une raison structurelle.
Par ailleurs, il faut considérer le coût extrêmement élevé de ces emplois en matière
d'investissement. Le projet World Trade Center représente 650 millions d'euros et
2 300 emplois, soit un coût sept fois plus élevé qu'un coût en emploi dans le tissu urbain.
Nous avons donc des masses d'emplois avec un certain nombre de zéros qui empêchent
d'avoir un esprit critique sur leur coût très élevé, alors que l'on pourrait faire sept fois moins
cher dans le tissu urbain en intensifiant la ville et en développant les fonctions urbaines à
l'intérieur des communes existantes.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

François PUPPONI, député-maire de Sarcelles


Il est vrai que les emplois de Roissy peuvent parfois être onéreux, mais, en tout cas, ils
existent. Ce qui est sûr, c'est que l'on ne peut pas continuer à avoir des emplois qui se
créent, même s'ils sont très chers, à côté de poches de pauvreté. La vraie question est de
savoir comment mettre en équation l'offre et la demande d'autant plus que, sur Roissy, les
emplois ne sont pas toujours ne sont pas très qualifiants, si bien que l'on peut tout à fait faire
en sorte que les populations environnantes puisent y avoir accès.
Il s'agit en réalité de savoir comment organiser le service public de l'emploi autour de Roissy.
Comment faire en sorte que les emplois créés sur Roissy bénéficient aux populations
environnantes ? Cela fait quarante ans que l'on fait n'importe quoi dans ce domaine.
Arrêtons d'être mauvais et devenons un peu intelligents.

Gérard EUDE, vice-président du conseil général de Seine-et-Marne


On dit qu'un aéroport est une fonction exceptionnelle pour le tertiaire. En France, on n'a pas
su, on n'a pas pu ou l’on n'a pas voulu attirer d'autres fonctions à forte valeur ajoutée sur ce
territoire. Je crois qu'il ne faut pas réduire la question de l'aéroport de Roissy à celle de la
logistique ou du fret.
Pour revenir sur FedEx et les vols de nuit, certes, des emplois sont créés directement par
l'activité, mais je vous engage tout de même à nous interroger sur la perte de compétitivité
de l'ensemble de la région Île-de-France, voire du pays, si un certain nombre de fonctions, y
compris le transport des paquets, ne sont pas assurées dans des conditions équivalentes à
ce qui se fait à Londres ou à Francfort.
Il ne s'agit donc pas que de la compétitivité autour du territoire de Roissy, qui doit être
évidemment forte, le contraire étant inacceptable pour les riverains, mais aussi de la
compétitivité de l'ensemble de la région et de la métropole.

Bertrand LEBEL, directeur général adjoint du groupe Air France


Air France est le premier employeur privé d'Île-de-France. Nous avons donc une
responsabilité particulière. Je voudrais néanmoins apporter un bémol à ce qui a été dit.
L'attractivité d'Air France se manifeste dans tous les types d'emplois que nous proposons,
des emplois les moins qualifiés aux emplois les plus qualifiés. Nous sommes capables
d'offrir des emplois de qualité et recherchés à la fois par des gens très diplômés et des gens
peu diplômés.
Il est vrai que l'on a lancé des opérations de recrutement sur le territoire chez Air France.
Peut-être que ces opérations méritent d'être renouvelées et amplifiées. Nous sommes
évidemment prêts à en discuter avec les élus et les acteurs économiques.

Alain LEIKINE, vice-président du conseil général du Val d’Oise


D’une certaine façon, la situation reste un peu figée. Nous, élus au développement
économique, sommes dans une situation un peu complexe. L'aéroport par lui-même génère
de l'emploi, mais il faut voir l'ensemble des emplois induits sur l'ensemble des territoires. La
place aéroportuaire est un outil industriel comme une autre industrie. Tous les aéroports
d'Europe sont en train de s'interroger sur la manière dont développer leurs capacités
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

d'accueil de fret ou de passagers. Cela signifie que notre outil industriel va perdre de sa
compétitivité. Comme Gérard EUDE le disait tout à l'heure, nous avons en France un
problème de compétitivité.
Le mérite de ce colloque est de répondre enfin à ces questions. Avant de donner des
dividendes aux actionnaires, il faut d'abord participer à la méthode de fonctionnement de
l'outil. En clair, les acteurs aéroportuaires doivent indemniser sur leurs résultats ceux qui
permettent le fonctionnement de cette activité. Ils doivent investir encore davantage sur la
formation et les transports de proximité qui doivent permettre l'accès à l'emploi. On pourra
ensuite parler d'une communauté aéroportuaire. Je crois qu'il y a là une action à porter, non
pas dans le discours, mais d'une façon réelle.

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


Je pense qu'il faudra aller plus loin que le débat que nous avons eu. Nous sommes tous
d'accord pour dire que l'on doit rester en première division sur le plan économique, mais
qu'en même temps, il n'y a pas antinomie entre l'économie et l'environnement. Il faut donc
progresser sur le volet environnemental. Je pense d'ailleurs que les propositions de
M. GANDIL relèvent largement d'une répartition des nuisances plutôt que d'une réduction
des nuisances, même s'il faudra expertiser beaucoup plus.
Pour aller plus loin, je vous invite à relire le rapport de la Cour des comptes de 2008 qui
interpelle l'État : depuis plusieurs années, on ne sait pas dans quelle direction va la politique
aéroportuaire de la France. Faut-il un complément d'infrastructures ? La question de Vatry
doit par exemple être posée.
Nous sommes d'accord pour le développement du transport aérien, mais nous sommes
aussi d'accord pour réduire les nuisances. Il faut donc trouver des solutions et je crois que
l'on ne les recherche pas suffisamment.

Olivier PIA
Patricia LEMOYNE DE FORGES, qu'avez-vous envie de retenir de ces échanges ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Cette table ronde a été extrêmement riche. J’en retiendrai que, évidemment, elle ne peut pas
à elle seule résoudre les divergences entre les tenants du tout économie ou les partisans
purs et durs de l'environnement – il faut bien entendu un compromis entre les deux.
À mon avis, il y a tout de même des avancées. Je considère notamment que la proposition
de Patrick GANDIL sur l'amélioration des flottes va dans le bon sens, d'abord parce qu'elle
est sur la période vingt-deux heures/six heures, période que l'Autorité et l'OMS ont toujours
préconisé comme devant être retenue, même si elle est en deçà de ce que l'on proposait.
J'espère en tout cas que ce n'est qu'un début et que, dans un calendrier plus resserré, on
pourra aller plus loin que les 10 dB. Nous sommes bien entendu tout à fait d'accord pour
travailler sur cette question des vols de nuit.
Je retiens aussi la proposition sur laquelle tout le monde a l’air d'être d'accord sur
l'assouplissement des règles d'urbanisme. L’ACNUSA est un peu partagée sur le sujet, car il
ne faudrait pas que cela se traduise par trop de nouvelles populations sous le bruit. Cet
assouplissement doit donc se faire de manière mesurée.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Je retiens enfin le mot « dialogue ». Il a été difficile, mais il s'est instauré tout au long de
l'année, avec des groupes et des réunions sous la houlette de M. REBUFFEL. Il faut
absolument que ce dialogue, qui a été interrompu pendant trop longtemps sur Roissy,
continue. Nous sommes repartis sur de bonnes bases et il serait dommage que cette table
ronde n'ait pas de suite. J'ai cru comprendre que ce n'est pas le cas et que ce n'est qu'un
début.

Philippe COME
Vous nous avez parlé tout à l'heure de votre rapport annuel, dans lequel se trouvent un
certain nombre de recommandations. Le prochain rapport sortira en avril de cette année ;
allez-vous être en mesure aujourd'hui d'apporter des informations concrètes ? Existe-t-il
encore des tabous ? Sommes-nous aujourd'hui suffisamment transparents sur le sujet qui
nous réunit ?

Patricia LEMOYNE DE FORGES, présidente de l’ACNUSA


Je pense qu'il y a eu beaucoup de transparence et d'efforts. Nous sommes extrêmement
directs dans le rapport ; nous disons chaque année ce que nous pensons, bien que cela ne
fasse pas toujours forcément plaisir à nos partenaires. Nous continuerons à le faire et nous
ferons un certain nombre de propositions peut-être plus avancées sur les vols de nuit, l'aide
à la sonorisation, l'urbanisation et les effets du bruit sur la santé.

Olivier PIA
Merci, mesdames et messieurs.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Deuxième table ronde :


Organisation spatiale, Grand Roissy, Grand Paris

Philippe COME
Nous cherchons aujourd'hui, d'une façon ou d'une autre, à avoir avec vous une démarche
constructive et positive. Cette journée est constitutive du grand groupe de travail que vous
êtes en train de mettre en place.

Olivier PIA
Nous avons décidé de consacrer ce début d'après-midi à ce que l'on appelle la stratégie
spatiale autour du Grand Roissy. Pour cela, nous passons la parole à Yannick
PATERNOTTE, député-maire de Sannois et président de l'association Eurocarex. Il est
d'autant plus intéressant que vous preniez la parole en premier que le projet Eurocarex,
projet de fret à grande vitesse, a été récompensé.

Yannick PATERNOTTE, député-maire de Sannois, président de l’association Eurocarex


Tout à fait. Le projet a été récompensé par une Marianne d’Or et nous sommes
labélisés Grenelle de l'environnement.
J'ai entendu hier et ce matin un consensus sur l'idée de croissance et sur le développement
économique comme moteur du territoire. J'ai également entendu hier deux types de
stratégies différentes sur les aéroports. Depuis 1994 et la stratégie du groupe Air France de
faire de Roissy un hub, il n'y a pas eu beaucoup d'études stratégiques sur le développement
des plateformes et du territoire. Un aménagement a eu lieu à l'initiative de FedEx, qui a induit
une stratégie passive. Il y avait en effet une stratégie européenne du groupe, mais au fond,
l’on ne trouvait pas de volonté globale et stratégique.
Atlanta mise tout sur le passager interne au continent américain, mais a maintenant
l'ambition de développer le fret la nuit ; Memphis, qui a tout basé sur FedEx et le fret, a tout
de même une compagnie basée, NWA, alliée à KLM, mais marginale sur la plate-forme, et a
envie d'attirer un hub secondaire de Delta.
Ces plateformes ont des stratégies. De par notre histoire et notre structure, la stratégie est
plus difficilement lisible à moyen et long terme. C'est donc peut-être un premier effort que
d'avoir une stratégie avec tous les acteurs économiques et environnementaux pour savoir où
nous voulons aller et comment nous le faisons.

Philippe COME
Pourquoi la stratégie est-elle plus difficilement lisible ?

Yannick PATERNOTTE, député-maire de Sannois, président de l’association Eurocarex


Parce que, par exemple, beaucoup d'entreprises s'interrogent sur l'évolution de la
réglementation. Leurs stratégies sont toujours alternatives. Les entreprises se sont
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

organisées stratégiquement pour faire face à des fluctuations politiques et/ou


réglementaires, mais au fond, sur le territoire, nous n'avons pas de vision stratégique de
l'avenir.
Cela est lourd de conséquences en termes de développement économique. Si l'on favorise
le passager, c'est le tourisme et le congrès d'affaires qui sont les voies de développement ; si
l'on favorise le fret, c’est la R&D, et donc la création de filières de recherche/développement
et de segments industriels favorisés dans des clusters que l'on va mettre en œuvre, avec les
filières de formations qui vont avec.
Carex est donc un projet stratégique de développement durable, car il offre une alternative
au tout avion ou tout camion la nuit, en disant que l'on peut utiliser des infrastructures
existantes pour faire le report modal d'un mode polluant, en bruit et en émission de carbone,
vers un mode plus durable, celui de l'utilisation de l'énergie électrique des TGV la nuit.
Aujourd'hui, nous fédérons Londres, Amsterdam, Roissy et Lyon, qui est le hub secondaire
d’Air France, ainsi que Liège. Notre ambition est plus difficile à faire déboucher en
Allemagne, malgré plusieurs tentatives, mais le projet est mûr et calibré

Olivier PIA
Quel est le principal avantage de ce projet ?

Yannick PATERNOTTE, député-maire de Sannois, président de l’association Eurocarex


Comme nous l'avons dit ce matin, le fret occupe environ 80 % des slots la nuit. Il s'agirait de
permettre la réduction du nombre de vols de nuit liés au fret et d’offrir un déplacement
interconnecté beaucoup plus durable.

Olivier PIA
C'est donc un transfert vers le rail.

Yannick PATERNOTTE, député-maire de Sannois, président de l’association Eurocarex


Pas uniquement. C'est une vision stratégique de développement, car, autour de cela, on peut
sans doute augmenter le développement du fret de manière intelligente et pertinente, en
utilisant aussi les compagnies basées. En effet, 50 % à 60 % du fret transporté l’est dans des
avions de passagers. Spécialiser des aéroports est donc sans doute très difficile, voire
impossible.
En termes de développement économique, le fret et la logistique sont en train de sombrer
avec Internet. Je suis frappé de voir que tout le Nord-Pas-de-Calais va être sinistré par la
vente par correspondance et qu'avec l'effet TGV, l'aéroport de Lille n'a plus beaucoup de vols
passagers et n'est déjà plus le hub secondaire d'Air France. En revanche, Lille est au
carrefour des LGV de Londres, de Bruxelles/Francfort, d'Amsterdam/Paris et sur le cordon
stratégique Air France/KLM. Je suis frappé de voir qu’au sein des autorités locales politiques
et environnementales, il n'y a aucune volonté de stratégie alternative de développement
économique en utilisant Carex comme moteur industriel.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Merci beaucoup. Nous allons passer la parole à Jean-Claude RUYSSCHAERT. Vous êtes
directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement ; comment
envisagez-vous le développement du Grand Roissy ?

Philippe COME
Quelle est la place de l'État dans ce développement ?

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
La question est un peu différente. Les axes ferroviaires et les axes routiers sont les vecteurs
essentiels d'un développement économique très dynamique. On constate en revanche que
cette dynamique, si elle n'est pas maîtrisée et organisée, a pour conséquence une
consommation excessive de l'espace, des déséquilibres entre l'emploi et l'habitat, une
saturation des axes et une transformation des paysages.
Le Préfet de région nous a demandé de conduire une étude et de proposer une mise en
cohérence de ce développement. Il apparaît que c'est le rôle de l'État local que d'aider à
développer le territoire en cohérence sur l'ensemble du site. L’un des éléments fédérateurs
de cette mise en cohérence réside sans doute dans les projets de transport collectif, et
notamment celui du Grand Paris.

Olivier PIA
Pourriez-vous nous dire deux mots de cette étude ? À partir de quel constat êtes-vous
partis ?

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
Nous nous sommes inscrits dans le dispositif que Jean REBUFFEL avait mis en place, dans
les suites du rapport DERMAGNE. Nous avons cherché à proposer un schéma
d'aménagement, ce qui ne va pas de soi. Je crois que le processus d'élaboration collective
est plus important même que le résultat.
Il a donc s'agi d'un processus de travail itératif avec les collectivités, les élus et les
techniciens, partant de l’idée selon laquelle le pôle de Roissy est un bien commun et que
l'ensemble des acteurs doivent partager la même vision sur la manière de gérer cet espace
commun dans un territoire plus vaste que celui que l'on connaît aujourd'hui. Pour
information, le périmètre de l’étude est assez vaste, puisqu’il est à cheval sur les trois
départements concernés.

Olivier PIA
Cette étude a été confiée au groupement Acadie, Portzamparc, Güller & Güller ; est-ce bien
cela ?

72

 
Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
Oui, à la suite d'un appel d'offres et de manière tout à fait classique. Cette équipe a fourni à
nos yeux la meilleure réponse en abordant la stratégie territoriale avant de projeter
spatialement et de manière urbaine les éléments de réflexion.

Philippe COME
Il faut dire que cette étude était tout à fait différente de ce qui avait été fait au préalable.

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
C'est effectivement un peu différent, car, pour être franc, il y a eu beaucoup d'études sur ce
territoire. Nous tenions beaucoup à ce que cette étude se concrétise de manière très
visuelle. Le groupement retenu nous a proposé une démarche un peu originale, qui
consistait à regarder autour de la plateforme à 360°, en qualifiant à chaque fois un scénario
en train de se jouer sur chacun des territoires environnants.
Aujourd'hui, cette phase d’identification des pétales – pour reprendre un jargon que nous
avons utilisé dans cette étude – est maintenant terminée. Nous nous situons plutôt dans une
phase prospective, où le groupement d'études va esquisser de possibles scénarios destinés
à amener les différents acteurs à réfléchir collectivement sur le scénario souhaitable, un
scénario souhaitable, ou une synthèse de scénarios souhaitables.

Olivier PIA
Daniel BEHAR, vous représentez le groupement Acadie, Portzamparc, Güller & Güller. Vous
avez travaillé sur cette étude ; que signifie travailler au niveau spatial et à quelle question
répond-on alors ?

Daniel BEHAR, groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Pour nous, ce grand territoire, avec une échelle de minimum 1 million d'habitants ou
1,5 million d'habitants, au-delà de la frontière régionale, pose un triple défi. Le premier est
celui de la performance économique. La situation est un peu paradoxale. Ce territoire a le
moteur le plus puissant d'Île-de-France, plus de 100 000 emplois sur le cœur de la
plateforme et une dynamique de croissance qui est plus du double de la moyenne de l'Île-de-
France. Par ailleurs, ce moteur structure un territoire d'une taille incomparable. Il n'y a pas un
autre pôle en Île-de-France qui structure un territoire de cette taille. À l'évidence, c'est donc
un moteur territorial extrêmement puissant.
Toutefois, il faut reconnaître que ce n'est pas une locomotive pour la métropole. Les
fonctions économiques sont avant tout de back-office. Or, par rapport à ce que l'INSEE
appelle fonctions locomotives, nous sommes toujours largement en dessous de la moyenne
de l'Île-de-France.
À mes yeux, Roissy présente une double singularité dans le système parisien. La première
singularité réside en ce qui il n'y a pas seulement la plateforme : Roissy est à l'interface entre
la métropole parisienne et l'Europe, d'où une capacité de développement bien plus forte que
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

d'autres régions aéroportuaires. Néanmoins, il s'agit d'une très grande métropole et il y a


donc d'autres moteurs économiques que Roissy dans la région parisienne.
Cela pose le deuxième défi : si l'on veut exploiter le potentiel de développement économique
de ce territoire, il faut monter en qualité urbaine. Quand on se promène sur ce territoire, on
n’a en effet pas vraiment une impression de pôle d’excellence. Cela se voit par la question
de l'habitat, et pas uniquement au sens de la question des contraintes du PEB.
Que se passe-t-il depuis les années 2000 ? On observe un décrochage radical entre la
dynamique économique et la stagnation. D'une certaine manière, ce territoire est de moins
en moins habité et attractif du point de vue résidentiel.
En outre, ce territoire est un peu le far-west de l'Île-de-France en matière de foncier : lorsque
l'on a fini de consommer une zone d'activité, on en crée une autre un peu plus loin. Voilà le
deuxième défi : la performance économique passe par la qualité urbaine.
Enfin – et tel est le troisième défi –, il faut avoir conscience que, plus l'on fera de la qualité
urbaine, plus le risque d'embolie sera grand. Aujourd'hui, l'efficacité fonctionnelle est
extrêmement fragile et c'est pourquoi ces trois défis n'en font qu'un : comment monter en
performance économique par la qualité urbaine et ce faisant, comment garantir l'efficacité
fonctionnelle ?

Olivier PIA
Une fois ce débat posé, qu'avez-vous proposé ?

Daniel BEHAR, groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Nous avons proposé de réfléchir à ce que cela voudrait dire en termes de scénarios
prospectifs. Que veut dire la combinaison de ces trois défis pour Roissy dans vingt ans ?
Nous avons mis quatre scénarios en débat.
Le premier scénario est d'une certaine manière ce qui se jouera si l'on pousse l'amélioration
des infrastructures. On organise davantage les infrastructures et la fluidité du territoire, de
telle sorte que de plus en plus de territoires du Grand Roissy vont être reliés au
faisceau nord, par le biais de meilleures articulations avec Marne-la-Vallée ou Cergy-
Pontoise. Le territoire sera toujours fondamentalement économique, sans doute avec ce que
réclament bon nombre d’élus, soit une meilleure accessibilité entre la population et l'emploi.
Le deuxième scénario est celui de la qualité urbaine. Lorsque l'on considère tous les projets
des collectivités territoriales, qui veulent toutes jouer la carte de la montée en qualité urbaine
et d'un développement durable plus équilibré sur leur territoire, on voit bien qu'il y a place
aujourd'hui pour un développement plus polycentrique du territoire. Ce scénario présente
énormément d'atouts et l’on sait que toutes les conditions sont réunies pour se diriger vers
lui. Le risque est la concurrence entre les territoires et les conflits dans l'usage de l'espace.
Le troisième scénario est celui de la performance économique au sens strict, que l'on voit
porté par les grands opérateurs. Il s'agit de jouer la carte de la ville aéroportuaire entre le
Bourget et Roissy, avec le développement de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler sur
le Grand Roissy la montée en gamme de produits plus tertiaires. Le risque est ici celui du
décrochage.
Nous avons voulu rappeler le quatrième scénario pour montrer que le Grand Roissy n'était
pas isolé. De très grands territoires et des dynamiques extérieures à la plateforme peuvent
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

interagir avec ce territoire. Il s'agit par exemple de la dilatation de la centralité parisienne sur
la Seine-Saint-Denis, qui fait que Roissy est coupé d'une partie de ses bases, ainsi que de
l'émergence d'une grande couronne verte entre l'Oise, le Val-d'Oise et la Seine-et-Marne.
Plus largement, il s'agit de toutes les grandes fonctions logistiques. Ce scénario serait donc
celui des grands territoires et réduirait Roissy.

Philippe COME
On pourrait imaginer mélanger ces scénarios.

Daniel BEHAR, groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Tout à fait. Ces scénarios n'ont pas pour but de choisir l'idéal, mais de faire valoir les
questions que l'on doit se poser collectivement et les risques que l'on veut gérer. Vers quoi
veut-on aller ensemble ? Vous nous avez dit que vous vouliez, grosso modo, une
combinaison des scénarios B et C. Il faut assurer le développement du moteur de Roissy et,
en même temps, chaque territoire doit trouver sa place et jouer son propre jeu. Comme le
disait ce matin François PUPPONI, ce qui ressort des débats avec vous est qu'il faut d'une
certaine manière se désintoxiquer du rapport à Roissy. Toutefois, il faut aussi que nous
prenions en compte les éléments des deux autres scénarios, qui sont présents.
C'est avec ce cahier des charges que nous sommes maintenant en train de passer à la
phase de propositions, qui repose d'abord sur le principe qu'il faut regarder à 360° autour de
Roissy, afin que chacun se retrouve dans cette double dimension de contribution à Roissy et
de capacité à jouer sa propre carte.
Nous avons d'abord défini une question par pétale, autour de laquelle il nous semblait que
l'on pouvait travailler ensemble. Le premier pétale est le moteur, c'est-à-dire ce territoire qui
va du Bourget jusqu'à la Seine-et-Marne où s'établit l'enjeu de montée en gamme et
d'intensification urbaine. La question première est pour nous celle de la montée en gamme
par la cohérence des projets. Il va falloir faire un tri, ce qui ne signifie pas que l'on va en
abandonner certains au profit des autres, mais que l'on va les prioriser et les faire travailler
ensemble.
Il existe trois enjeux de montée en gamme. Autour de la plateforme, de Carex jusqu’au
Mesnil-Amelot, il s'agit d'assurer le développement des activités directement liées à la
fonction aéroportuaire. Du musée de l'air du Bourget jusqu'à la ZAC de Tremblay Paris Sud,
en passant par le triangle de Gonesse et le parc d'exposition de Villepinte, les activités sont
fondamentalement tournées vers la métropole. C’est ce que nous avons appelé la vitrine
métropolitaine du Grand Roissy. Je crois enfin que le pôle du Bourget constitue une forme de
rotule entre la zone dense et le Grand Roissy.
Pour la zone sud et donc la Seine-Saint-Denis, la question en filigrane est celle de la
réciprocité. Ce territoire a aujourd'hui un potentiel de développement urbain et résidentiel
extrêmement fort qui n'est pas lié à la plate-forme. Comment contribue-t-il au développement
de la plateforme et avec quelle contrepartie ? La contrepartie est la manière dont la
plateforme diffuse du développement économique vers le sud et la zone dense. La question
est là celle de la porosité urbaine.
Nous avons beaucoup parlé ce matin de l'est du Val-d'Oise, pour laquelle l'idée simple est
celle de diversité. C'est le territoire le plus hétérogène du Grand Roissy, celui qui peut jouer
sur l'ouverture vers Paris, vers la Seine-Saint-Denis et vers le reste du Val-d'Oise.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous avons choisi le terme de « sérénité » pour le nord, car il s'agit du territoire de tous les
développements d’où de plus en plus de conflits d'usage et de concurrence. C'est à la fois le
territoire de la grande logistique européenne, de l'installation résidentielle et des séminaires
d'affaires.
Le cinquième pétale correspond à la Seine-et-Marne et le terme de « visibilité » lui a été
attribué dans la mesure où, jusqu'à maintenant, la Seine-et-Marne correspondait au territoire
un peu oublié dans le système, mais qui se développe aujourd'hui le plus vite en parts
relatives.
Sur cette base, les équipes de conceptions de Mathis GÜLLER et de Christian DE
PORTZAMPARC travailleront à fabriquer des illustrations concrètes.

Philippe COME
André SANTINI, je ne rappelle pas qui vous êtes ; je rappellerai seulement que vous êtes ici
au titre de président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. Merci d'être là.
Pour ouvrir les débats de cette table ronde, vous allez situer le Grand Roissy dans le
contexte global du Grand Paris.

André SANTINI, président de la Société du Grand Paris


Le général de Gaulle avait pensé la création de l'aéroport de Roissy en même temps que
celle de celui du district de Paris. Vous êtes donc déjà dans le schéma que le général avait
anticipé. Ce schéma devait porter la naissance des RER et des villes nouvelles. Dès lors,
comment s'étonner qu'au XXIe siècle, l'ambition d'un développement durable, équilibré et
créateur de richesses s'accompagne d'un puissant projet de transport et d'aménagement
comme celui que porte le Grand Paris ?
Le pôle économique de Roissy est le deuxième bassin d'emplois francilien après Paris-La
Défense, dit-on. Ce sont donc 3 400 établissements et 280 000 emplois – dont 90 000 pour
la seule plateforme.
L'aventure de Roissy-Charles-de-Gaulle a été une remarquable réussite économique. Il
appartient maintenant à l'ensemble des acteurs concernés de lui inventer un avenir plus
dynamique et plus respectueux des exigences du développement durable et de qualité de
vie des territoires.
C'est le sens des propositions faites par le président Jacques DERMAGNE à la demande du
président de la République. Construire des infrastructures pour cinquante ans ou deux cents
ans n'exige pas seulement des matériaux solides ; il fallait anticiper les besoins et les
fonctionnalités de demain, et c'est la grande force de ce rapport DERMAGNE. Cette
intégration harmonieuse passera par des transports efficaces, propres et confortables. La
question des transports n'est pas seulement celle d'une commodité. Le transport est ce qui
crée des liens entre les lieux.
Dans le projet de métro du Grand Paris, l'aéroport de Roissy occupe une place essentielle.
Ce métro relie le territoire du Grand Roissy au cœur de Paris par un métro automatique à
grande capacité. Il permet des connexions directes entre le Grand Roissy et la Plaine-Saint-
Denis, le nord des Hauts-de-Seine et de Paris-La Défense. Il ouvre l'accès de cet immense
bassin d'emplois franciliens à tout son secteur sud, de l'est de la Seine-Saint-Denis au nord
du Val-de-Marne, mais aussi au sud du Val-d'Oise par la gare de Gonesse qui permet des
correspondances efficaces. Il reclasse des communes comme Chelles, ville la plus peuplée
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

de Seine-et-Marne, à vingt minutes de Roissy, alors qu'elle était jusque-là largement privée
de l'accès à ce grand pôle d'emploi.
L'amélioration de l'accessibilité de Roissy est un enjeu à la fois économique et social. Il est
économique par l'attractivité de la plateforme multimodale. Cette amélioration non seulement
impacte directement la qualité de service offerte aux passagers aériens, mais elle permet
aussi aux salariés et à tous les Franciliens de profiter pleinement de la compétitivité des
plateformes parisiennes, portes d’entrée internationales de la France. L'enjeu est aussi
social, car le métro du Grand Paris doit ouvrir les emplois et la croissance économique de la
plate-forme aux habitants des territoires qui en sont souvent exclus.
À ma demande, une étude non publiée a été réalisée, qui était la copie du Cross railway de
Londres – il est en effet intéressant de savoir quel a été son impact. Ce projet a coûté à peu
près 20 milliards d'euros ; le prix est tout à fait comparable. À Londres, l'impact est de 1 pour
3 : pour une livre investie, il y a eu trois livres de rendement – création d'emplois,
développement, et amélioration du confort et de la qualité de vie.
Pour le Grand Paris, l'impact serait de 1 pour 5 d'après les premières études. Il y a d'abord le
premier effet, appelé effet keynésien, puis ce que l'on a du mal à imaginer.

Philippe COME
Comment peut-on imaginer ces chiffres à ce jour ?

André SANTINI, président de la Société du Grand Paris


Nous sommes partis des mêmes paramètres que Londres. Je vais diffuser cette étude. Il y a
encore trop de gens qui doutent. L'amusant est que c'est à l'étranger que l'on intéresse
beaucoup.

Olivier PIA
Voyez-vous une réelle complémentarité entre le Grand Paris et le Grand Roissy ?

André SANTINI, président de la Société du Grand Paris


Tout à fait. Il n'y a pas de Grand Roissy sans le Grand Paris et sans Roissy, le Grand Paris
ne sert à rien. J'avais été un peu choqué par le débat sur la liaison des aéroports, que
certains voyaient comme une infrastructure pour privilégiés. Or, aujourd'hui, ce n'est pas du
tout incompatible. Les deux éléments sont complémentaires et synergiques.

Philippe COME
Merci beaucoup, monsieur, pour cette présentation.

Philippe COME
Patrick RENAUD, président de la communauté de communes Roissy Porte de France,
quelle est votre réaction sur la marguerite présentée par Daniel BEHAR ?

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Patrick RENAUD, président de la communauté de communes Roissy – Porte de France


Ma communauté fait partie de plusieurs pétales ; nous interviendrons donc avec vous sur
ces sujets. Je fais tout de même remarquer que nous existions avant vous et avant
l'aéroport, auquel nous avons donné son nom. Nous sommes un grand nombre d'élus autour
de Roissy à nous être donné du mal depuis longtemps. Il ne faut pas oublier ces personnes
qui ont souvent été toutes seules à essayer de se débrouiller.
Mon travail est difficile, puisque tous les gros projets surviennent sur la communauté de
communes que je préside. Le World Trade Center représente 2 500 emplois qui vont coûter
cher, mais qui vont peut-être rapporter à la France tous les congrès que nous avons perdus
depuis des années. Je crois donc que cela ne se chiffre pas uniquement sur un coût par une
division. Il ne faut pas non plus oublier que 2 500 emplois directs induisent 5 000 emplois
indirects.
Nous avons d'autres projets, dont une ouverture à la Chine. Cela fait dix ans que nous nous
battons avec la ville de Le Thillay pour que les Chinois viennent s'occuper chez nous de
développement durable et faire, peut-être, de notre pays le premier pays européen de
bourse d'échange de CO2. Paris et Roissy sont connus dans le monde entier ; nous avons
donc des atouts exceptionnels.
Il faut aussi compter Aéroville, que nous allons partager avec la ville de Tremblay, et des
projets importants comme le développement du savoir-faire français à côté de Roissy.

Philippe COME
Vous êtes du cru depuis un bon nombre d'années ; comment avez-vous vu progresser tout
cela ?

Patrick RENAUD, président de la communauté de communes Roissy – Porte de France


Remercions d'abord les élus d'avoir été patients et d'avoir eu la sagesse d'attendre pour
utiliser leur foncier des projets d'envergure nationale ou internationale. Nous avons aussi
essayé de travailler ensemble. Je ne voudrais pas oublier non plus le triangle de Gonesse,
dont 200 ha sont situés sur Roissy.
Comment nous sommes-nous organisés ? Nous avons d'abord créé une communauté de
communes, qui est la deuxième d’Île-de-France, dont M. TOULOUSE a été à l'initiative. Il y
avait au départ 7 communes ; nous sommes aujourd'hui 18 communes – et nous serons
bientôt 19 avec Goussainville.

Philippe COME
Vous êtes obligé de vous ouvrir vers l'extérieur d'une manière ou d'une autre.

Patrick RENAUD, président de la communauté de communes Roissy – Porte de France


Le fait est qu'aujourd'hui, certains n'ont pas encore fait leur choix, quand d'autres n'ont pas
envie de s'unir. Nous avons l'atout de l'ancienneté d'un travail ensemble sur un territoire
difficile. Nous avons également un syndicat commun avec toutes les autres villes du Val-
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

d'Oise, soit 25 communes réunies. L'État nous a par ailleurs demandé de travailler avec
Tremblay et Villepinte à la création d'un contrat de territoire, que nous avons lancé avec le
Préfet de région. Nous serions évidemment d'accord pour travailler sur un territoire plus
vaste avec d'autres communes qui pourraient se joindre à nous.
Tous ces élus réunis peuvent et doivent travailler ensemble. Je pense qu'il ne faut pas
oublier le poids que nous aurons face aux futures communautés. Nous ne nous laisserons
pas effacer par d'autres élus qui pourraient prendre la majorité à notre place. Nous serons
tous unis pour maintenir notre travail collectif.

Olivier PIA
Yves ALBARELLO, vous êtes député-maire de Claye-Souilly. Quel regard portez-vous sur
l'étude portait par le groupement Acadie, Portzamparc, Güller & Güller ?

Yves ALBARELLO, député-maire de Claye-Souilly


Au-delà de mon mandat de député-maire, j'ai été le rapporteur de la loi sur le Grand Paris. Il
faut quand même le préciser. Si nous arrivons demain à un accord entre l'État et la région, j'y
serai un peu pour quelque chose. Les choses n'étaient pas gagnées au moment de la
commission mixte paritaire. J'ai rapproché les points de vue entre l'État et la région – j'ai
notamment fait tomber par un amendement la mise à mort d'Arc Express. J'ai rétabli ce
geste démocratique, qui consistait à être attentif à ce que les élus, toutes majorités
confondues, avaient souhaité. Nous avons aujourd'hui Arc Express et le débat public, d'une
manière concomitante et coordonnée.
J'observe aussi que, si tous les points de vue se rapprochent aujourd'hui, c'est un peu grâce
à la commission nationale du débat public qui, depuis quatre mois, statue, parle et échange,
et qui a vu le jour grâce à moi puisque je l'ai réintroduite dans la loi.
Je souhaiterais dire quelques mots sur la gouvernance. Nous avons évoqué ce matin la
communauté aéroportuaire. Je rappelle que la loi date de février 2004 et que M. HUCHON
est président du conseil régional depuis 1994. S'il avait voulu constituer la communauté
aéroportuaire, il aurait donc pu la faire bien avant. J'ai trouvé durs les propos à l'encontre du
gouvernement, car j'estime que depuis que le Préfet CANEPA a été saisi du projet du Grand
Paris et du Grand Roissy, les choses ont avancé à grands pas. Le 7 novembre 2007, à
l'Assemblée nationale, j'ai moi-même posé à Dominique BUSSEREAU la question de la
création d'une communauté aéroportuaire.
L'aéroport a été inauguré en 1974. Depuis, son développement s’est fait de manière linéaire
plutôt que concentrique. Or, il faut veiller au contraire pour qu'il n'y ait pas de perdants. En
l'occurrence, des départements ont été les grands oubliés, notamment le Val-d'Oise et la
Seine-et-Marne. À travers ce magnifique projet de loi, nous avons aujourd'hui l'occasion de
rétablir un peu ces inégalités.

Olivier PIA
Ces cinq pétales vont donc dans le bon sens.

Yves ALBARELLO, député-maire de Claye-Souilly

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Tout à fait. Il faut que nous puissions nous aussi récupérer de la richesse à travers les
emplois, la valeur ajoutée créée et les entreprises.

Philippe COME
Vincent CAPO-CANELLAS, vous êtes maire du Bourget. Nous aimerions connaître votre
réaction en tant que voisin de la plateforme. Comment vivez-vous ce débat au quotidien ?

Vincent CAPO-CANELLAS, maire du Bourget, président de la communauté


d’agglomération de l’Aéroport du Bourget
Le Bourget est-il dans Roissy ? Nos destins sont forcément liés, même si nous sommes
différents. Avec Christian DE PORTZAMPARC, Roland CASTRO et Jean-Marie
DUTHILLEUL, nous avons eu le plaisir de mener ce travail en partant du contexte territorial
et de l'élaboration d'un plan de développement territorial avec une vision à vingt ans.

Philippe COME
Vous avez réalisé votre propre étude.

Vincent CAPO-CANELLAS maire du Bourget, président de la communauté


d’agglomération de l’Aéroport du Bourget
Voilà. Nous avons effleuré la question de la relation au Nord. Nous connaissons aussi tout le
travail qui est mené autour du triangle de Gonesse et avec Val de France. Nous avons aussi
des relations avec toute l'équipe des élus du pôle de Roissy. La relation entre les deux
aéroports a donc du sens et, comme le disait à l'instant André SANTINI, la relation de Paris à
ses aéroports est l'une des grandes questions du Grand Paris. Je crois qu'il faut réfléchir à la
question de l'axe Paris-Le Bourget-Roissy, mais aussi à l'axe La Défense-Pleyel-Le Bourget-
Roissy.
Nous avons produit un certain nombre d'études qui ont été mises en débat. Avec la
bénédiction de l'État, nous allons passer aux travaux pratiques sur la manière de faire en
sorte que ce territoire central puisse être aussi un territoire vivifiant qui crée le lien à la ville.

Olivier PIA
Quand commenceraient ces travaux pratiques ?

Vincent CAPO-CANELLAS maire du Bourget, président de la communauté


d’agglomération de l’Aéroport du Bourget
Entre la vision globale d'aménagement partagée que nous avons maintenant et la réalité de
la décision, il se passe toujours quelque mois. Nous y sommes presque ; nous allons créer
un outil d'aménagement et de développement qui va travailler sur ces questions de manière
pratique. Nous attendons aussi avec beaucoup d'intérêt la conclusion du débat sur les
transports, qui sont souvent la base.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Quel a été à vos yeux le plus important dans les études que vous avez réalisées ?

Vincent CAPO-CANELLAS maire du Bourget, président de la communauté


d’agglomération de l’Aéroport du Bourget
D'abord, nous avons conduit une démarche qui était celle que la communauté
d'agglomération que j'ai le plaisir de présider a travaillé avec des communes membres et
autres, qui ont choisi de porter ensemble ces études. Ce qui nous intéresse est d'avoir une
vision d'aménagement qui soit le Bourget dans le Grand Paris, parce que nous avons une
fonction métropolitaine, mais nous voulons aussi que le Grand Paris serve aussi à partir des
besoins des habitants et de ce que l'on semble pouvoir construire ensemble.
Les collectivités ont lancé un appel d'offres et nous avons fait travailler des architectes. Nous
avons mené des groupes de travail pendant un an pour avancer dans la réflexion. Nous
avons séquencé cela par des séminaires en commun où nous avons validé des hypothèses.
Nous avons également travaillé avec le monde économique – ADP, le parc des expositions
et le salon du Bourget.
Je ne prétends pas que cela est transposable ici ; chaque territoire a sa vérité et sa
méthode, mais nous sommes en tout cas disponibles pour travailler avec vous comme avec
l'ensemble des partenaires.

Olivier PIA
Nous allons passer la parole à Christian DE PORTZAMPARC.

Christian DE PORTZAMPARC, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Il est tout de même extraordinaire de se dire que le Grand Paris est en train de fédérer les
énergies de l'État, de la Région et des maires, acteurs essentiels. Nous pensons donc
localement en même temps que nous avons une idée métropolitaine.
Sur le schéma que je vous montre, vous voyez apparaître Paris : le centre est rouge, la
première couronne rouge plus pâle et plus pâle encore l'au-delà. En termes d'urbanisme, la
ville est classique, avec rues et îlots, et forme une nappe assez homogène. Elle est en train
de devenir une nappe assez dense ; au-delà, elle est disloquée et on ne peut plus parler de
nappe urbaine. Il faut raisonner avec les discontinuités, les zones d'équipement, les zones
pavillonnaires, les zones tertiaires ou les zones gaspillées.
Apparaît en bas à gauche la pieuvre ferroviaire et autoroutière, qui part du centre, va vers la
province et a permis l'étalement urbain. Cette pieuvre a le défaut de couper les territoires,
puisqu’à la différence du centre de Paris, les moyens n'ont pas été donnés de construire des
tunnels et des ponts. Ces coupures freinent le développement urbain et la liberté
d'entreprendre, de construire, d'acheter et de vendre. Les endroits les plus défavorisés sont
souvent enclavés. Un deuxième schéma à droite fait apparaître les liaisons périphériques
existantes.
Qu'est-ce que cela signifie ? Depuis quinze ou vingt ans, les grandes villes du monde ne
sont plus sur un modèle centripète ou centrifuge et tournent avec des grandes fonctions
autour, qu'elles soient économiques ou logistiques. Cela s'explique aussi par ce que, de
l'habitat au travail, on ne passe pas nécessairement par le centre. C'est une nécessité à
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

cause du grand nombre et cela est favorisé par les échanges virtuels. Cela est même en
train de changer le destin de nos villes, car je crois que le modèle métropolitain est un
modèle de fonctionnement urbain. Chaque ville a son centre de congrès ou sa zone
d'activité.

Olivier PIA
Est-ce que la grande majorité des métropoles se construisent aujourd'hui ainsi ?

Christian DE PORTZAMPARC, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Chacune a une identité particulière par la géographie et par l'histoire, mais il y a des
phénomènes récurrents, dont cette formidable activité de ce qui n'est pas le centre. La
périphérie, pour des villes comme Mexico, São Paulo, Rio de Janeiro ou Istanbul, représente
70 % – voire parfois plus – de l'activité et même des habitants.
Avec Daniel BEHAR et Didier MARTIN, nous avons parlé dans notre étude de rhizome pour
qualifier cette structure de la ville métropolitaine qui n'est plus en nappe. Il ne faut pas
essayer de faire du Grand Paris une copie de Paris avec îlots et rues ; il faut penser que
certains points ont des raisons de se lier, même si cela est difficile matériellement. Nous
avons identifié à un rhizome Nord et un rhizome Est-Ouest. Le premier constitue un rameau
économique de richesse et de pauvreté, où il y a développement. Il n'est pas possible de se
contenter de tracer des lignes, car on mettrait certains territoires dans une forme déchéance.
Nous allons éviter que cela ne devienne un contraste d'inégalité.
Avec quelques-unes des équipes du Grand Paris, depuis le mois de septembre, nous nous
sommes attachés à essayer de faire un travail de maillage entre ce qui existe et les projets.
Le grand métro est formidable ; l'importance de l'Arc Express doit être prise en considération.
Il faut arriver à mailler les lignes de province ; il faut même mailler le fer et la route.

Philippe COME
Le maillage est l'un des problèmes les plus importants.

Christian DE PORTZAMPARC, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


C’est le problème essentiel pour arriver à raisonner cette métropole en maille et non plus en
îlots et rues. Cela peut paraître moins vivant, mais si l'on travaille bien, les jonctions vont
devenir des lieux de vie. Il ne faut pas négliger le fait que certains vont trouver des qualités
au fait d'être plus loin, car ils bénéficieront de davantage de campagne et de calme, et
choisiront un pavillon ou une maison plutôt qu'un immeuble.
Projection de schémas.

Olivier PIA
Nous allons passer la parole à Mathis GÜLLER. Que pouvez-vous nous dire ?

Mathis GÜLLER, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

L’enjeu majeur aujourd'hui est ce changement de donne. Nous ne sommes plus dans le
schéma d’une plateforme d'infrastructure en dehors de la ville. L'enjeu majeur est de savoir
comment intégrer cette plateforme dans la métropole, d'où la nécessité de considérer plus
spécifiquement les potentialités de tous les territoires autour de la plateforme, mais aussi des
territoires à proximité, ainsi que l'intérêt de sortir un peu de l'amélioration de l'existant.
Après trente-cinq ans d'existence de la plateforme, en effet, j’ose dire qu'il faut aujourd'hui
introduire un nouveau modèle d'aménagement pour la plateforme et ses alentours. Nous
ouvrons aujourd'hui la porte à la deuxième génération d'aéroports, que nous sommes en
train d'envisager ensemble et pour laquelle il faut cette approche stratégique.

Olivier PIA
C’est donc une vraie rupture. Nous allons demander à Bernard CORNEILLE, conseiller
général de Seine-et-Marne, chargé des relations avec la plateforme aéroportuaire de Roissy-
Charles-de-Gaulle, de nous donner son point de vue.

Bernard CORNEILLE, conseiller général de Seine-et-Marne délégué aux relations avec


la plate-forme aéroportuaire de Roissy, maire d’Othis
Je voudrais faire entendre la voix de la Seine-et-Marne, même s'il n'est pas très audible.
J'aimerais que la Seine-et-Marne soit entendue et pas seulement visible, comme cela
apparaît sur le cinquième pétale. Pour tout le territoire qui vit à proximité de l'aéroport, nous
sommes à la croisée des chemins. Depuis deux ou trois ans, tout laisse à croire que, si l'on
ne prend pas le bon chemin, nous n'aurons pas ce que nous souhaitons faire de ce Grand
Roissy, c'est-à-dire une région dans laquelle on est capable de vivre avec et près d'un
aéroport.

Olivier PIA
Quelles sont vos attentes les plus pressantes ?

Philippe COME
Et combien de Seine-et-Marnais travaillent sur la plate-forme de Roissy ?

Bernard CORNEILLE, conseiller général de Seine-et-Marne délégué aux relations avec


la plate-forme aéroportuaire de Roissy, maire d’Othis
Pour exprimer mes attentes les plus pressantes, il me faudrait beaucoup de temps, car elles
sont nombreuses. Par ailleurs, ce sont à peu près 13 500 Seine-et-Marnais qui travaillent à
Roissy, soit environ 16 % de la population. Toutefois, je ne pense pas qu'il faille considérer le
Grand Roissy uniquement comme un lieu où les Seine-et-Marnais vont travailler. Pour
l'heure, le bassin qui vit à proximité de l'aéroport de travail, mais il utilise aussi la plateforme
à d'autres fins.
Depuis 1968, la population a augmenté de 70 %. Quant au seul canton de Dammartin, il a
quintuplé. Ceux qui sont venus s'installer là ne sont pas tous venus pour travailler à Roissy.
La plupart travaillent à Paris ou en banlieue et utilisent l'aéroport comme un lieu où l'on peut
prendre le RER.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Il y a donc un vrai problème seine-et-marnais. Depuis le début, la Seine-et-Marne et


l'aéroport se tournent le dos. La Seine-et-Marne a vécu longtemps à la marge, comme un
département qui subit et qui dépend, et je crois que le territoire nord seine-et-marnais et
dans la même situation par rapport à l'aéroport de Roissy.
Si des dispositions ne sont pas prises aujourd'hui pour améliorer la situation, cela en sera fini
pour longtemps. Je crois qu'il est nécessaire de prendre l’attache des élus et des
associations, mais il ne faut pas négliger non plus de prendre l'attache de ceux qui y vivent.
Vouloir faire venir toujours plus d'habitants en Seine-et-Marne est sans doute une bonne
chose, mais il y a un territoire protégé et des espaces agricoles importants. Or, en cinq ans,
500 ha ont été perdus – cela va donc très vite.
Il faut donc faire attention et, surtout, privilégier les transports, puisque c'est ce qui pose le
plus de problèmes à nos populations.

Philippe COME
Le métro automatique peut-il être une bonne opportunité pour vous ?

Bernard CORNEILLE, conseiller général de Seine-et-Marne délégué aux relations avec


la plate-forme aéroportuaire de Roissy, maire d’Othis
Il peut l'être, mais si cela ne se réalisait pas, il ne faudrait pas pour autant abandonner la
Seine-et-Marne. Il y a un plan de mobilisation pour le transport, des travaux à réaliser sur la
ligne K et le RER B, et la francilienne à terminer. Pour autant, il serait évidemment une
excellente chose que la gare automatique s'installe véritablement au Mesnil-Amelot. Tous les
élus le souhaitent. Cela permettrait évidemment aux habitants du nord Seine-et-Marne de
prendre le métro pour se rendre en banlieue, à Paris ou à la Défense.
Le Grand Roissy ne sera grand que s'il privilégie le développement durable. M. BEHAR a
parlé d'un triple défi : performance économique, qualité urbaine et efficacité fonctionnelle – il
s'agit évidemment des transports, mais pas seulement. J'ai entendu parler de contrat de
développement territorial, mais pas de service public. Or, si l'on fait venir de la population, les
services publics devront nécessairement apporter un accompagnement.

Philippe COME
Cela signifie-t-il que la plateforme doit être en quelque sorte beaucoup plus poreuse pour les
habitants de Seine-et-Marne ?

Bernard CORNEILLE, conseiller général de Seine-et-Marne délégué aux relations avec


la plate-forme aéroportuaire de Roissy, maire d’Othis
Une simple branche se dirige vers chez nous sur le rhizome présenté ; il serait bien qu'elle
se ramifie davantage.

Olivier PIA
Nous avons vu en travers de la présentation du projet, Jean-Claude RUYSSCHAERT, qu'il y
avait beaucoup à faire dans le domaine des transports en commun.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
C’est effectivement l'ensemble du système viaire qui est à reprendre autour du pôle de
Roissy, au regard, non plus seulement des déplacements Paris/province, mais de tout le
maillage.

Olivier PIA
Vers quoi doit-on maintenant se diriger ?

Jean-Claude RUYSSCHAERT, directeur régional et interdépartemental de l’équipement


et de l’aménagement
Certaines choses sont engagées. Nous avons cité le plan de mobilisation ; sur le plan routier,
le bouclage à l'est de l’A104 est l'une des priorités de l'État que nous allons mettre en œuvre
très rapidement. Dans les trois ans à venir, nous devrions pouvoir démarrer au moins une
première phase.
Ce ne sont pas seulement les infrastructures État qui sont à prendre en compte. D'autres
éléments, comme l’avenue du Parisis sont des éléments fondamentaux dans la structuration.
Tous les projets d'aménagement évoqués, si l'on prend simultanément en compte la nouvelle
conception que l'on doit donner aux autoroutes en milieu urbain dense, doivent
impérativement être pensés et structurés en fonction du transport collectif.
Un certain nombre d'améliorations ont été engagées, comme pour le RER B, le RER D ou le
réseau de bus à haut niveau de service, qui précède le barreau ferroviaire de Gonesse, qui
sont indispensables à la structuration.
Le maillage entre le transport collectif et le routier doit absolument être réalisé. Nous
souhaiterions une intermodalité au Mesnil-Amelot, de façon à pouvoir assurer cette liaison
entre l'autoroute et le réseau ferré structurant du Grand Paris.

Philippe COME
Hervé DUPONT, vous êtes directeur général de l'Établissement public d'aménagement (EPA)
Plaine de France. Où en est aujourd'hui l’EPA en tant qu'opérateur principal et organisme
d'aménagement en matière de construction de logements ?

Hervé DUPONT, directeur général de l’Etablissement Public d’Aménagement Plaine de


France
Je rappelle que l'Établissement public d’aménagement fait de la stratégie globale sur la
Plaine de France, stratégie dans laquelle la dimension logement est importante, et qu'il est
aussi aménageur d'un certain nombre de sites.
Daniel BEHAR a parlé de panne résidentielle ; le mot est peut-être un peu fort, mais il est
vrai qu'il y a un déficit de logements dans l'ensemble de l'Île-de-France. Aujourd'hui, on
produit 35 000 logements par an quand il en faudrait 60 000, voire 70 000.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Avec l'appui de l'État et de la Région, nous avons réuni l'ensemble des communes de la
Plaine de France pour définir un plan qui va nous permettre de passer de 4 000 à
6 000 logements par an dans les deux années à venir. Ce plan sera bien sûr accompagné
d’équipements publics.
Toute une partie du secteur de Roissy est située dans la zone d'exposition au bruit de
l'aéroport. Il n'est donc pas possible de construire de logements neufs, sauf à détruire
l'équivalent. Au nord, en revanche, on se situe en dehors des zones de bruit. La
communauté de communes de Roissy Porte de France a adopté un plan local de l'habitat
très ambitieux, qui prévoit la construction d'un certain nombre de logements d'ici dix ans
quinze ans, dont l'écoquartier de Louvres-Puiseux, qui sera une greffe sur un village existant
à proximité d'un lycée international.
Deux points me paraissent importants dans le débat sur le Grand Roissy, qui ont été en
partie soulignés tout à l'heure, mais peut-être pas suffisamment. D'abord, si l'on veut
développer le logement, la question de l'accès à la plateforme est évidemment
fondamentale, puisque si l'on développe des logements si près de cette plateforme, c'est
notamment pour y loger ses salariés.
Pour cela, le transport collectif doit suivre. Nous avons beaucoup parlé des transports ferrés
lourds, essentiels au sud de la plateforme. C'est un peu différent au nord et, manifestement,
le réseau de bus doit être réorganisé. En outre, la liaison avec le barreau de Gonesse va
permettre cet accès.
Par ailleurs, on trouve au nord des terres agricoles très riches, que ce soit en Seine-et-
Marne ou dans le Val-d'Oise, qu'il faut aussi préserver. Or, elles sont menacées par la
pression du développement économique et du développement de logements. Il n'est pas
question d'arrêter l'un ou l'autre ; la seule solution est de faire des réalisations compactes –
c'est ce sur quoi nous travaillons avec cet écoquartier. C'est dans ces voies qu'il faut
s'orienter si l'on veut préserver l'avenir du secteur autour de Roissy.

Philippe COME
Je suppose que la soirée d'hier vous a intéressé. Y avez-vous appris des choses ?

Hervé DUPONT, directeur général de l’Etablissement Public d’Aménagement Plaine de


France
C'était effectivement passionnant. Il y a eu en quelque sorte un choc de culture. Ees
personnes qui nous ont expliqué que leur approche privilégiait d'abord le développement
économique, qui apporte richesse et emploi, sans mettre l'environnement de côté, comme l'a
très bien dit le maire d'Atlanta qui a une volonté de dialogue avec les populations.
Dans le système américain, les centres de décision sont beaucoup moins nombreux que
chez nous, ce qui facilite la relation. Le site qui nous est le plus proche est Amsterdam, qui
est confronté aux mêmes difficultés que nous, dont la multiplicité des acteurs qui complexifie
la gestion globale.
Il ne faut pas oublier que s'il n'y a pas de développement économique pour la métropole et le
pays, tous nos beaux rêves de construction de logements et d'équipements d’espace public
ne pourront pas voir le jour. Il faut donc combiner les deux – et c'est faisable, à condition que
tout le monde travaille ensemble.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Nous avons eu le sentiment hier soir que, finalement, la gouvernance était beaucoup plus
simple aux États-Unis que chez nous. Pourrons-nous arriver à cette même simplicité ?

Hervé DUPONT, directeur général de l’Etablissement Public d’Aménagement Plaine de


France
Quand la question lui a été posée, le maire d’Atlanta a répondu que la tâche était quand
même plus compliquée que ce qu'il y paraissait. Il n'est jamais simple pour un élu de gérer le
développement économique d'un aéroport et les nuisances. Ce qui semble plus simple est
que le nombre de centres de décision est plus restreint.

Philippe COME
Daniel BEHAR, comment vous sentez-vous interpellé sur le projet du groupement,
humainement parlant ? Que représente dans votre carrière le fait de travailler sur un projet
aussi extraordinaire ?

Daniel BEHAR, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Il s'agit pour moi de la mise en œuvre du Grand Paris comme défi de la complexité de la
métropole. Effectivement, si l'on s'arc-boute sur la question de la gouvernance, une
singularité française va apparaître. Pour moi, c'est la question métropolitaine qui est la
complexité ; la gouvernance est simplement l'une des facettes de la complexité
métropolitaine. La gouvernance est l'une des conditions d'un défi beaucoup plus global qui
se pose en ces termes : comment traiter la métropole ? La gouvernance est finalement la
capacité collective à arbitrer ou maîtriser des contradictions.

Olivier PIA
Si j'ai bien compris, il va falloir avancer vite et faire un vrai saut.

Daniel BEHAR, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Je vais alors vous renvoyer sur la question de la gouvernance. On parlait il y a quelques
années de l'État animateur, c'est-à-dire l'État qui donne le socle d'une démarche collective.
Ce n'est pas dans le cadre de cette première étape que l'on va tout régler et produire tous
ces arbitrages.
La question est celle-ci : le travail que nous faisons permet-il de constituer le cadre de
cohérence autour duquel, ensuite, vous allez produire progressivement toute une série
d'arbitrage.

Philippe COME
Le travail que vous faites correspond-il aux attentes que les élus ont exprimées sur ce
plateau cet après-midi ?

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Daniel BEHAR, Groupement Acadie-Portzamparc-Güller&Güller


Dans le travail que nous faisons sur les grandes lignes de cohérence, nous essayons d'être
attentifs à ce que tous les points de vue, nécessairement contradictoires, puissent converger
dans un premier temps. Ensuite, il sera évidemment nécessaire de procéder à des
arbitrages.

Philippe COME
Merci beaucoup, messieurs. Je salue M. REBUFFEL, qui est à mes côtés et dont nous
avons beaucoup parlé depuis ce matin. Je vous propose de l'applaudir pour le travail qu'il a
fait. Merci, monsieur SANTINI, d'être venu passer quelques instants avec nous.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Troisième table ronde :


Comment travailler ensemble ?

Philippe COME
Monsieur MARTIN, je sais que vous intervenez ici en tant que président de Paris Métropole.
Toutefois, nous sommes allés visiter le site Internet de la mairie de Nogent-sur-Marne et les
premiers mots que l'on y lit sont les suivants : « Les gens heureux sont ceux qui privilégient
l'essentiel par rapport à l'accessoire, l’être à l’avoir, l'utile à l'agréable, le durable à
l'éphémère, le suffisant au trop, le nécessaire au superflu ; en fait, les besoins aux désirs ».
Est-ce sur cette base que vous animez cette année Paris Métropole ?

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris-Métropole


Ce n'est pas pour cette raison, mais c'est un peu grâce à cette manière de jeter un œil sur
l’environnement que je suis arrivé à cette fonction. Pour y arriver, il faut bien sûr avoir
également le soutien de ses collègues. J'ai mis cette phrase d'un auteur anglais sur le site
de ma Ville pour qu'elle s'inscrive dans le concept de développement durable, qui n'est pas
la rupture, mais la vigilance permanente.
La réunion de ce jour est particulièrement importante, non seulement pour le territoire sur
lequel nous sommes, mais aussi pour l'Île-de-France, le Grand Paris et le pays, car, comme
vous le savez, ce territoire est emblématique et a des potentialités particulièrement
importantes. Nous avons un intérêt particulier à le voir se développer dans l'harmonie et,
simultanément, à profiter au plan régional et à plus grande échelle de ses potentialités. Il y a
donc à la fois des responsabilités au plan local et au plan national.
Nous devons parler de gouvernance. Lorsque nous avons créé Paris Métropole, nous
sommes partis en arrière-pensée du principe de gouvernance, considérant que Paris et la
banlieue se regardaient en chiens de faïence. Nous avons considéré qu'il fallait commencer
à penser organisation de nos relations.
La première des choses est d'abord de bien poser les principes et les projets, comme cela a
été dit tout à l'heure. Au sein de Paris Métropole, nous considérons que la gouvernance sur
laquelle nous réfléchissons en permanence, et à laquelle nous travaillons parfois sans le
savoir au travers des projets que nous développons, doit partir des projets. La gouvernance
est au service d'un projet, et non l'inverse.
Nous pensons qu'il faut d'abord poser les problèmes et les partager, avoir une idée précise
de ce que sont les logiques, les spécificités et les potentialités d'un territoire, puis
commencer à raisonner sur ce que doit être l'outil au service de ces projets que nous
appelons gouvernance.

Olivier PIA
La gouvernance que vous évoquez montre-t-elle encore des limites des carences
aujourd'hui ?

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris-Métropole


Un certain nombre d'expériences menées à l'étranger nous démontrent que la gouvernance
doit rester au service des projets au gré de leur évolution. Par conséquent, il faut qu'elle
évolue en fonction des problèmes que nous pouvons être amenés à découvrir. Au sein de
notre syndicat, nous avons commencé à être confrontés à la multiplicité des acteurs – et non
des moindres, puisqu'il s'agit d'élus d'intercommunalités et de grandes villes. Nous comptons
aujourd'hui 180 villes, ce qui signifie que nous représentons plus de 9 millions d'habitants.
Il faut absolument bien poser le problème. Pour ce faire, nous avons l'habitude de nous
mettre autour d'une table et de réfléchir à la manière dont le faire. Nous partons des réalités
et de nos diversités politiques, territoriales, de richesse et de potentialités de développement.
C’est le premier pas pour véritablement comprendre les logiques auxquelles nous devons
asservir la gouvernance, qui ne doit pas être un principe a priori.
Notre principe est de partir des habitants d'un territoire, des collectivités et des élus qui
représentent ces habitants, avant de les enfermer dans une structure qui pourrait ressembler
à ce dont ils ont besoin, afin de réellement comprendre leurs attentes et leurs besoins, et de
mettre à leur service une dynamique de territoire.

Philippe COME
Je vais rebondir sur ce terme de « besoins » que vous venez d'utiliser pour passer la parole
à Pierre GRAFF. Quel est le point de vue de l'autorité aéroportuaire ? Quels sont vos besoins
par rapport au territoire qui vous entoure directement ? Pouvez-vous nous expliquer en
quelques mots la manière dont vous souhaitez vous ouvrir sur le territoire ?

Pierre GRAFF, président directeur général d’Aéroports de Paris


Je ne sais pas si j'ai beaucoup de légitimité et de compétences pour parler de gouvernance.
Mon objet est de servir l'intérêt social d'une entreprise, Aéroports de Paris, et je prendrai la
gouvernance telle qu’elle est. Pour autant, ce dont nous avons besoin en tant qu'entreprise,
est d’un ou plusieurs lieux d'écoute respectueuse, de dialogue, de concertation et, si
possible, de décision, sachant que les décisions peuvent rarement être prises dans un lieu
de concertation.
Effectivement, à mes yeux, la gouvernance est un outil et non un objet en soi. On ne
gouverne pas pour gouverner, mais l’on gouverne au service de notre nation, en
l'occurrence. J'ai besoin de ces lieux pour parler du court terme, du moyen terme et du long
terme. J'ai été frappé ce matin de constater que, si l'on parlait beaucoup des moyens et
longs termes, on parlait moins du court terme, qui prévaut pourtant souvent dans la vie de
tous les jours.
J'en ai besoin également pour que les choses soient plus claires. Aéroports de Paris est une
entreprise d'infrastructures et un acteur parmi d'autres. Il faut que chacun comprenne, parmi
nos partenaires, ce que nous pouvons apporter et ce qui n'est pas dans notre champ de
compétences, ni même dans notre objet.
J'en ai besoin pour dire ce que je sais de cette industrie du transport aérien. L'aéroport est
un lieu de connaissance, au croisement de beaucoup d'acteurs. Notre vision est peut-être un
peu différente de celle des compagnies aériennes et je pense qu'elle peut être
complémentaire. J'ai besoin de le dire et cela n'est pas toujours facile à exprimer.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Cela m’est aussi nécessaire pour dire quels sont les dangers. J'ai entendu ce matin un long
débat sur la création d'emplois, qui est à mon sens la clé de nos débats d'aujourd'hui. Il est
vrai que nous avons des ratios – je me réfère seulement aux chiffres de l'Observatoire de
l'emploi, qui sont des chiffres officiels. Nous avons aussi des corrélations. Nous savons qu'un
million de passagers supplémentaires représente 1 500 emplois directs et cette corrélation
fonctionne malheureusement à la hausse comme à la baisse, comme nous en avons fait les
frais en 2009.
J'en ai besoin pour parler du devenir de cette industrie et affirmer que rien n'est gagné,
même si nous avons là un réservoir considérable de création de richesses pour la région et
le pays tout entier. Les compagnies aériennes sont en concurrence les unes avec les autres,
tout comme les plateformes internationales. Il ne faut en effet pas oublier que les transits
représentent la moitié de notre trafic. Les concurrents sont extrêmement agiles, ambitieux et
agressifs, et n'hésitent pas à dépenser des moyens considérables. En quelques années,
Francfort aura investi 4 milliards d'euros ; à Heathrow, la construction du seul terminal 5 a
coûté 6 milliards de livres, quand nos propres terminaux coûtent environ 500 millions
d'euros. Voilà les efforts que ces gens consentent dans un consensus général. La
compétition n'est donc pas gagnée ; tous veulent être la première porte d'entrée en Europe
dans les cinquante ou cent ans à venir. J'aimerais que Paris soit parmi ces trois ou quatre
grandes portes qui subsistent en Europe.
Voilà ce que j'ai envie de dire. Au-delà de ces propos, je souhaite entrer dans le détail avec
tous les partenaires pour que l'on puisse ensemble se défendre et bâtir quelque chose qui
soit utile à l'Île-de-France et à notre pays, mais qui nous permette aussi de rester dans la
course.

Philippe COME
Vous, Aéroports de Paris, avez intérêt à vivre en symbiose avec l'ensemble du territoire.

Pierre GRAFF, président directeur général d’Aéroports de Paris


Cela va de soi. Comme cela a été dit ce matin, nous ne pouvons pas nous développer contre
le territoire. Cela n'a pas de sens. Toutefois, je pense que nous n'en sommes pas ou plus là.
Ce que j'ai entendu aujourd'hui me laisse penser qu'il existe une communauté d'intérêts,
avec des avis divergents, qui seront irréductibles. Il n'en reste pas moins que tous nos
concurrents ont su ou savent surmonter ces différences.
Évidemment, des positions extrêmes ne seront jamais satisfaites, mais il faut être assez
sage pour trouver des compromis raisonnables. Les propositions de Patrick GANDIL, par
exemple, m'ont paru d'une intelligence extrême, puisqu'elles sont de court terme, concrètes
et faisables, qu'elles vont dans le bon sens et qu'elles sont complémentaires avec un
développement de l'activité.
Il faut évidemment faire cela ensemble et c'est là que nous rejoignons le problème de la
gouvernance, en imaginant plusieurs organisations. Pour moi, il existe deux solutions : soit
nous imaginons un territoire à part et bouleversons les lois de la République spécialement
pour Roissy, ce qui me semble une solution radicale et peu féconde ; soit nous conservons
les institutions telles quelles, les faisons fonctionner et plaçons les bons rouages là où il faut
pour que ces institutions puissent mieux fonctionner et pour que les lieux de dialogue
auxquels j'aspire existent. La voie est peut-être plus modeste, mais elle est pragmatique et
tout à fait à notre portée.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Cette journée correspond-elle pour vous à un lieu de dialogue important ? La réunion de
l'ensemble des acteurs est en effet une première.

Pierre GRAFF, président directeur général d’Aéroports de Paris


Effectivement et c'est pour cela qu'elle est très importante. Toutefois, ne nous y trompons
pas, c'est un début. Nous ne partons pas d'une page blanche. Évidemment, Aéroports de
Paris est au service – servir est d'ailleurs notre devise – des institutions, des organismes ou
des lieux de dialogues qui se mettront en place. Je suis moi-même à la disposition de tous
pour apporter ce que je peux faire, seulement ce que je peux faire, mais tout ce que je peux
faire.

Olivier PIA
Didier VAILLANT, vous êtes président de la communauté d'agglomération Val de France et
maire de Villiers-le-Bel. Quel est votre regard ? Peut-être avez-vous envie de réagir aux
propos de M. GRAFF ?

Didier VAILLANT, maire de Villiers-le-Bel, président de la communauté


d’agglomération Val de France
La question à laquelle vous m'avez demandé d'apporter un éclairage est la suivante : est-ce
que la péréquation financière est indispensable pour une bonne gouvernance sur le
territoire ?
Quarante ans après la création du Val-d'Oise et d'Aéroports de Paris, on nous dit que nous
sommes à côté du plus beau et plus efficace moteur du territoire. Or, ce moteur n'a pas les
mêmes effets sur tout le territoire. Je vais vous donner quelques chiffres relatifs à la
commune, non pour que l'on nous classe parmi les pleurnichards comme on le fait souvent,
mais parce que telle est la réalité.
Villiers-le-Bel compte 27 000 habitants. 40 % de la population a moins de 25 ans, ce qui est
plutôt un atout. En sixième, 25 % des enfants ont déjà un an de retard. 32 % sortent du
système scolaire sans diplôme. 55 % des familles sont non imposables sur le revenu. En
moyenne, les dépenses de fonctionnement d'une ville dans la région sont de 1 291 € par
habitant. Elles sont chez moi 1 026 € par habitant, soit 270 € de moins, ce qui est
extrêmement important. Le constat est le même en matière d'investissement.
Si nous voulons que l'ensemble des habitants partagent ce qui est en train de se passer – et
cette volonté existe bel et bien au niveau de Val de France –, et pour faire en sorte que la
puissance du moteur évoqué bénéficie à tous, il est indispensable que le sujet des moyens
financiers et de la péréquation financière entre les uns et les autres soit également traité.
Je partage l'avis de M. GRAFF ; bouleverser les institutions risque d'être compliqué. Il faut
des lieux de rencontre et de décision à plusieurs niveaux et, avec des outils qui existent, il
faut appliquer la péréquation financière à l'échelle du territoire du Grand Roissy et de la
métropole de la région Île-de-France, pour éviter de tels écarts.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Nous allons poser la même question à Didier ARNAL, président du conseil général du Val-
d'Oise.

Didier ARNAL, président du conseil général du Val d’Oise


Mon sentiment général est que, sur tous ces sujets, les différentes parties concernées –
avec les élus et les actions qu'ils mènent depuis de nombreuses années, avec le monde
économique, avec Aéroports de Paris et avec les riverains – ont fait valoir la nécessité
d'avoir une instance se manifestant régulièrement.

Philippe COME
Vous êtes en train d'évoquer là une gouvernance collective.

Didier ARNAL, président du conseil général du Val d’Oise


Je crois que c'est ce que l'on entend depuis des années sur des sujets majeurs comme les
transports, la formation, la protection des riverains, la péréquation ou l'emploi. Je suis
heureux que les organisateurs de ces journées aient invité le maire d’Atlanta, qui a cette
capacité de mettre tous les acteurs autour de la table, avec une autorité reconnue. Il me
semble que nous abordons une nouvelle étape et qu'il faut considérer le sujet de la
gouvernance sans remettre à plus tard un certain nombre de décisions, y compris sur le
périmètre. Il existe aujourd'hui un seul périmètre, mais on voit bien que nos voisins picards
sont intéressés par ce qu'il se passe à Roissy. Une interrogation sur le périmètre de ce grand
Roissy mériterait donc d'être tenue.

Olivier PIA
Robert LION, vous êtes président de l'Agence régionale de développement Paris-Île-de-
France. Je présume que vous avez également envie que tous les acteurs parlent d'une seule
voix sur ce grand Roissy.

Robert LION, conseiller régional d’Ile-de-France, président de l’Agence Régionale de


Développement
Je ne suis pas naïf ; je ne pense pas que tout le monde parlera d'une seule voix. Je pense
en revanche qu'il faut une direction. J'ai vu se faire le schéma directeur de 1965, dialogue
direct entre un homme et un seul autre homme au-dessus de lui, le président de la
République Charles DE GAULLE, avec une autorité considérable et la mise en place très
rapide de toutes sortes de projets, qui donnent aujourd'hui le RER, les infrastructures
routières de l'Île-de-France et les villes nouvelles, de manière très autocratique, avec des
patrons à la tête de ce qui est devenu très vite des établissements et des pouvoirs
dérogatoires qui se sont révélés utiles, car efficaces.

Olivier PIA
Regrettez-vous cette période ?
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Robert LION, conseiller régional d’Ile-de-France, président de l’Agence Régionale de


Développement
Je regrette cette période non dans l'architecture, l'organisation ou la répartition des pouvoirs,
car la décentralisation a fait des progrès depuis, mais je crois comprendre qu'il y a ici des
problèmes de gouvernance et de multiplicité des décideurs et que la société s'est
complexifiée à tous égards, notamment sur des projets complexes comme celui-ci. La
société s'est aussi internationalisée – lorsque l'on parle d'attractivité, on est plongé dans la
réalité économique internationale.
Je pense qu'il faut un patron sur ce projet, qui soit au service non de projets, mais d'un projet
démocratiquement, mais rapidement clair, qui dispose des armes pour mettre en œuvre ce
projet, armes à tous niveaux, comme, par exemple, l'interdiction de construire ici ou là ou
l'exigence d'arriver à certaines performances environnementales.
Aujourd'hui, nous sommes dans une période de décentralisation et je ne crois pas qu'il soit
nécessairement à l'État d'avoir le rôle directeur. Il faut en tout cas qu'il y ait un patron – le
président de région s'est exprimé ce matin ; je me rallie à sa position.

Olivier PIA
Quelles sont les armes dont dispose votre Agence régionale de développement Paris Île-de-
France ?

Robert LION, conseiller régional d’Ile-de-France, président de l’Agence Régionale de


Développement
Notre agence est très modeste. Il s'agit d'une équipe d'une soixantaine de personnes qui,
pour le moment, est principalement concentrée sur le métier de l'attractivité. À travers nos
contacts avec des entreprises à l'étranger, nous essayons de contribuer, sans être les seuls
à faire cela, à faire venir des investisseurs et des entreprises, et à créer des emplois de cette
manière. Toutefois, et c'est un peu novateur, nous allons aller de plus en plus vers l'appui à
la transition écologique, à mettre les entreprises qui s'adresseront à nous mieux en mesure
de faire face à des avenirs qui vont être différents. Une mutation est donc en cours.
Sachez que la R&D a été fondateur, pilier et animateur de Hubstart Paris, groupement de
partenaires économiques qui sont intéressés au développement du volet économique, c'est-
à-dire l'implantation d'activités sur cette zone.

Olivier PIA
Alain CHAILLÉ, vice-président opérations Europe du Sud pour FedEx, faites-vous partie
d’Hubstart ?

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Oui, nous en faisons partie à travers Aérotropolis. Roissy est une formidable plateforme
assez unique en Europe, qui accueille deux acteurs majeurs, Air France et FedEx. Il y a donc
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

deux hubs : un hub passagers qui est le plus important d'Europe et un hub de fret qui est
également certainement le premier d'Europe. Pour FedEx, d'ailleurs, Roissy est le premier
hub en dehors des États-Unis. Tout cela est formidable pour Roissy et les territoires autour
de la plateforme.
Beaucoup d'initiatives ont été prises. Nous n'avons pas attendu d'avoir une gouvernance en
place pour lancer un certain nombre d'actions pour développer l'activité autour de la
plateforme. Il faut compter tous les postes créés sur la plateforme ; FedEx y contribue et
nous avons d'ailleurs créé 338 emplois nouveaux à Roissy en 2010 et nous en recrutons une
centaine en ce moment.

Olivier PIA
Vous avez évoqué Aérotropolis ; de quoi s'agit-il ?

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Il existe tous ces acteurs économiques comme Hubtart, Pays de Roissy ou Aérotropolis qui
agissent peut-être différemment, mais avec un objectif commun qui est la promotion de la
plateforme. Comme le disait tout à l'heure M. GRAFF, toutes les plateformes sont aujourd'hui
en concurrence. Nous avons entendu hier les maires de Memphis et Atlanta. Leur
préoccupation première est la création d'emplois. Je connais bien Memphis, qui est la base
de FedEx. Il est vrai que FedEx participe du succès de Memphis. Si cela est peut-être dû au
départ à FedEx, d'autres entreprises sont venues s'installer et Memphis est devenu un hub
multimodal.
Roissy a les mêmes atouts. Je suppose que Yannick PATERNOTTE a parlé ce matin du
projet Carex, qui est un projet fantastique ; nous avons l'aéroport avec les deux hubs que j'ai
cités et un réseau routier assez unique en Europe.

Olivier PIA
Que vous manque-t-il, s'il vous manque quelque chose ?

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Il nous manque plusieurs choses. La première est effectivement que tous soient d'accord
autour de la table et que tous les territoires profitent des retombées de cet aéroport.

Olivier PIA
Êtes-vous conscient de ce que cela n'est pas toujours le cas ? Que pouvez-vous faire sur le
terrain, vous, acteurs économiques ?

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Je crois qu'Atlanta et Memphis ont donné certaines clés hier : une gouvernance relativement
simple et une redistribution des retombées de l'aéroport sur les communautés.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Olivier PIA
Souhaitez-vous vous-même une gouvernance plutôt simple ?

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Tout à fait. Je souhaite que la Région et l'État s'entendent. L'originalité du projet Aérotropolis
est de créer des ponts entre certains aéroports. Le hasard veut que Paris, Memphis et
Canton soient des hubs de FedEx, mais également de SkyTeam. Un certain nombre
d'entreprises installées à Memphis, comme les biotechnologies, pourraient venir s'installer
autour du pôle de Roissy.
Nous allons commencer à échanger des informations et faire travailler tout le monde, et pas
seulement les membres d’Aérotropolis. Il est très important que nous ayons cette unité
d'action pour développer l'activité autour de l'aéroport de Roissy.

Philippe COME
De l’EPA que l'on pourrait imaginer étendu à la Seine-et-Marne, à EupStart, en passant par
Aérotropolis et autres, on ne part finalement pas du tout d’une page blanche.

Alain CHAILLÉ, vice-président de FedEx


Aérotropolis est assez modeste, qui compte 12 membres : des entreprises, mais aussi la
communauté de communes de Roissy et la communauté d'agglomération de Tremblay, qui
sont des acteurs majeurs puisqu'ils font eux-mêmes de la prospection à l'étranger.
Aérotropolis vise à connecter ces trois hubs et à tirer profit de ce qui est déjà réalisé à
Memphis – soit 35 000 emplois directs chez FedEx, mais aussi 200 000 emplois indirects en
dix ans, pour une ville dont la communauté d'agglomération compte 2 millions d'habitants.

Philippe COME
François ASENSI, vous êtes député-maire de Tremblay-en-France et président de la
communauté d'agglomération Terres de France. Une autre forme de gouvernance locale est
la coopération intercommunale. En deux ans, monsieur, de maire d'une commune isolée,
vous êtes devenu président d'une intercommunalité en coopération avec la communauté de
communes Roissy Porte de France. Comment avez-vous réussi à faire cela ? Avez-vous
déjà des retombées et, si oui, quelles sont-elles ?

François ASENSI, député-maire de Tremblay-en-France, président de la communauté


d’agglomération Terres de France
Il est vrai que l'on ne part pas de rien en matière de gouvernance. Par ailleurs, les cultures
communales ont bien évolué. Les villes se sont rapprochées et ont considéré qu'il fallait
travailler ensemble sur un certain nombre de grandes orientations. Tout autour de Roissy, on
observe donc un mouvement irréversible et positif vers des intercommunalités.
Je m'interroge sur le besoin d'avoir une supracommunalité ex-nihilo, qui pourrait avoir un rôle
contraire à ce que ses créateurs veulent. Cela ne m'inquiète pas, mais je me pose beaucoup
de questions sur ce sujet.
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous parlons de la communauté aéroportuaire depuis longtemps ; nous, État et région,


n'avons pas réussi à la mettre en place. Les élus souhaitent pouvoir bénéficier des fruits de
la croissance de l'aéroport. Pour ce faire, en premier lieu, il ne faut pas tuer la poule aux
œufs d’or. Cet aéroport international doit se développer. Se posent naturellement des
questions de développement durable et de réduction des nuisances au maximum, mais il ne
faut pas oublier que, sans cet aéroport, il n'y aurait pas tous ces emplois.
Par ailleurs, je comprends mal que l'on se focalise uniquement en Île-de-France sur
l'aéroport international. Il y a d’autres pôles de richesse en Île-de-France qu'il faut
développer et partager, comme La Défense, Marne-la-Vallée, la Plaine-Saint-Denis et Paris.
Dans tous les cas, je ne vois pas comment l'on peut partager s'il n'y a pas de croissance et
de richesses supplémentaires. Je pense qu'il faudrait considérer la manière dont apporter en
Île-de-France des réformes fiscales qui corrigent les inégalités et produisent une certaine
forme d'égalité entre les territoires. Depuis un certain nombre d'années, il s’est pratiqué une
sélection des territoires, avec d'un côté les grandes places financières et, de l'autre, des
territoires en difficulté, notamment comme ceux de la Seine-Saint-Denis, du nord-est ou du
Val-d'Oise. Que va-t-on partager si l'on agrandit le périmètre du Grand Paris ?
Je ne suis pas un étatiste convaincu, mais j'estime quand même que l'État a son rôle à jouer,
même s'il y a aujourd'hui, au-delà de la décentralisation, les citoyens et les collectivités
aspirent à participer à la diversité. L'État ne peut pas se tenir à l'écart du développement de
Roissy.

Philippe COME
J’ai le sentiment que vous souffrez de tous ces antagonismes qui existent dans le système.
La population, elle, est bien loin de tous ces problèmes.

François ASENSI, député-maire de Tremblay-en-France, président de la communauté


d’agglomération Terres de France
Ma ville est longtemps passée pour une ville très riche, mais pas une ville de riches. Il faut
aussi prendre en compte le revenu médian des habitants, qui n'est pas le même à Neuilly ou
à Sevran. Dans les années soixante-dix, l'État a construit des logements, dont la chaîne des
grands ensembles, en partie, mais dans ma ville, c'est la Caisse des dépôts et consignations
qui a conçu 3 000 logements. Par ailleurs, malgré le fait que nous avons un potentiel fiscal
élevé, nous n'avons pas réduit la fracture sociale de la ville. Nous avons naturellement pu
construire des équipements de qualité, mais nous n'avons pas pu réduire la fracture sociale
malgré le potentiel fiscal de la ville.

Olivier PIA
Vincent EBLÉ, vous êtes président du conseil général de Seine-et-Marne. Quel est votre
regard ? Quelle est la gouvernance que l'on retrouve du côté de votre département ?

Vincent EBLÉ, président du conseil général de Seine-et-Marne


La Seine-et-Marne est peut-être celui des acteurs territoriaux qui s'est le plus récemment
inscrit dans ces réflexions et débats autour du pôle de Roissy. Je n'en fais reproche à
personne, si ce n'est à nous-mêmes, puisque nous nous sommes mobilisés tardivement sur
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

ces questions. Nous infléchissons progressivement nos propres politiques publiques de


façon à rattraper le retard – je citerai notamment le transport à la demande. Il a été pris en
charge par le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis depuis de nombreuses années. La Seine-et-
Marne ne voulait pas en être ; nous avons changé cet état de fait et, désormais, les
systèmes de mobilité à la demande, singulièrement importants sur la plateforme de Roissy
pour l'accès aux emplois à horaires décalés, bénéficient également à des Seines-et-Marnais.
Jacques Jean-Paul MARTIN disait tout à l'heure qu'avant de définir l'outil de la gouvernance,
il fallait avoir un projet. Je partage évidemment cette réflexion de bon sens. Néanmoins,
nous avons posé le diagnostic ensemble. Nous sommes capables de décrire le projet à
l'essentiel. Dans un travail assez approfondi, nous avons élaboré des intentions seine-et-
marnaises et avons délibéré en septembre dernier sur un document d'orientation stratégique,
voté par l'assemblée départementale.
Nous affirmons un certain nombre d'intentions et, notamment, celle d'accrocher la Seine-et-
Marne dans une logique de gouvernance qui doit être à 360°. C'est bien l'ensemble du
territoire qui doit réfléchir et agir ensemble.

Olivier PIA
Regardez-vous le Grand Roissy comme une opportunité pour votre territoire ?

Vincent EBLÉ, président du conseil général de Seine-et-Marne


Bien entendu, c’en est une, mais c'est aussi une source de nuisances et nous voulons tenir
les deux éléments. Nous voulons surtout que l'outil de gouvernance nous permette de
travailler demain tous ensemble, de façon active et concrète. Il ne s'agit pas simplement
d'échanger et de se concerter. D'une certaine manière, la concertation n'a déjà que trop
duré. Nous sommes devant une exigence de vitesse supérieure, du point de vue des
dynamiques économiques et du partage des richesses, mais aussi du point de vue de la
réduction des nuisances pour tous. Je pense qu'il est possible de construire cela ensemble.
Pierre GRAFF disait que sa responsabilité est de porter les intérêts sociaux du groupe qu’il
préside – évidemment. La nôtre est d'abord de porter les intérêts des populations. Nous
devons d'abord faire ce travail avec les collectivités, qui sont les représentants des
populations, et avec un certain nombre d'acteurs économiques et associatifs. Nous en avons
beaucoup parlé ; maintenant, il faut vraiment que nous le fassions.

Philippe COME
Nous allons parler un peu du GIP dont nous n'avons pas encore parlé. Nous demanderons
ensuite à Laurent FISCUS quelles sont les propositions autour desquelles l'État réfléchit
aujourd'hui.

Laurent FISCUS, Préfet, secrétaire général aux affaires régionales à la Préfecture de la


région d’Ile-de-France
Vous faisiez tout à l'heure l'inventaire d'un certain nombre d'outils qui participent de près ou
de loin au développement des territoires liés au Grand Roissy ; le GIP a un peu plus d'un an.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Visiblement, la salle estime plutôt qu'il existe depuis une douzaine d'années.

Laurent FISCUS, Préfet, secrétaire général aux affaires régionales à la Préfecture de la


région d’Ile-de-France
L’outil GIP est là pour utiliser au maximum les atouts de ce territoire puisque, depuis une
dizaine d'années, nous constatons de façon régulière qu'il s'agit du territoire qui crée le plus
d'emplois sur l'ensemble non seulement de l'Île-de-France, mais aussi du territoire national.
Le taux de chômage est aujourd'hui de 5,1 % sur la zone d'emploi de Roissy. Juste à côté,
dans le périmètre du Grand Roissy, certaines zones ont un taux de chômage de 11,4 %.
L’outil GIP a donc vocation à améliorer l'ensemble des acteurs – entreprises, collectivités
locales, État, syndicats et organisations patronales – dans le domaine de la formation.

Philippe COME
Qu'est-ce que l'État propose concrètement aujourd'hui ? Jusqu'où veut-il ou peut-il aller ?

Laurent FISCUS, Préfet, secrétaire général aux affaires régionales à la Préfecture de la


région d’Ile-de-France
Nous avons rencontré hier les élus de Memphis, d'Atlanta, de Singapour et d'Amsterdam.
Leur expliquer le fonctionnement français a été un bon exercice, dans la mesure où nous
nous rendons compte que nous avons quelques difficultés à expliquer notre dispositif
institutionnel commun de gouvernance.
Néanmoins, nous disposons déjà de briques pour permettre la gouvernance, qu’elles soient
liées à l'emploi ou à la formation professionnelle à améliorer, à l'intercommunalité qui a
beaucoup progressé en Île-de-France, ou qu'elles rassemblent les acteurs économiques en
liaison avec les collectivités territoriales. Comme le disait le président de Paris Métropole,
avant de parler seulement institutionnel, nous avons l'obligation de faire la synthèse entre un
et plusieurs projets.
Sur le territoire du Grand Roissy comme pour l'ensemble des projets en Île-de-France, il
existe une nécessité de faire la synthèse entre les projets locaux sur les préoccupations
quotidiennes de nos concitoyens, les projets à l'échelle départementale, les projets
régionaux et les projets de l'État.
Nous sommes à un moment particulier, où le projet du gouvernement du Grand Paris est en
train de converger avec celui de l'ensemble des acteurs. Nous devons pouvoir concilier les
différentes échelles de territoires et de temps, à court terme et à long terme, sur ce projet. Il
me semble que les projets liés au contrat de développement territorial, prévus par la
loi Grand Paris et sur lesquels l'ensemble des élus ont déjà commencé à travailler, devront
permettre de décliner territorialement les projets locaux et les projets départementaux ou
régionaux, tout en ayant une cohérence avec le projet global du Grand Paris à l'échelle de
l'Île-de-France, qui est un projet d'attractivité de l'ensemble de la région.

Olivier PIA
Concrètement, quelle organisation voulez-vous mettre en place ?
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Philippe COME
Nous avons entendu parler de votre proposition d'organisation à trois étages ; peut-on en
savoir un peu plus ?

Laurent FISCUS, Préfet, secrétaire général aux affaires régionales à la Préfecture de la


région d’Ile-de-France
En premier lieu, les rencontres d'aujourd'hui doivent permettre de définir une suite, y compris
sous l'angle institutionnel. Il me semble qu'il y a trois préoccupations pour l'État en région : la
nécessité de poursuivre la concertation, la nécessité d'avoir un niveau d'orientation pour les
territoires qui composent le Grand Roissy afin de donner un cap et de synthétiser les
différentes échelles de temps, et un niveau plus opérationnel, avec les opérations
d'aménagement et de promotion.
L'un des fruits de ces rencontres pourrait être un comité de préfiguration pour définir ces trois
niveaux. Les outils fiscaux ou juridiques seront ensuite un autre élément ; en tout cas,
l'orientation que l'on peut proposer est de bien réussir à concilier les trois niveaux de
concertation, d'orientation et d'opérationnel.

Vincent EBLÉ, président du conseil général de Seine-et-Marne


Je suis un peu interrogatif, car j'entends une multiplicité de propositions dont je ne suis pas
certain qu’elles nous offrent un cadre suffisamment précis pour agir. Nous avons fait
beaucoup de concertation et les positions sont à peu près connues aujourd'hui. Ce dont
nous avons besoin à ce jour, ce n'est plus de la poursuite de ce dialogue. La multiplication
des instances de réflexion et la multiplicité des interlocuteurs finissent par obscurcir le débat
plutôt que l'éclairer. Je crois que nous avons aujourd'hui à construire les choses de manière
plus opérationnelle, d'autant plus qu'il y a une forme d'impatience. Nous voulons maintenant
construire des choses très concrètes et très précises au bénéfice des territoires.

Didier ARNAL, président du conseil général du Val d’Oise


Il y a quelques mois, un grand personnage de l'Île-de-France a été nommé pour réaliser un
rapport. Nous avons eu de nombreux échanges, des discussions, des débats et, aujourd'hui,
d'excellentes assises sur deux jours. Je partage le souci de l'État de donner une suite à ces
initiatives, mais il ne faudrait pas que l'on en conclue : tout ça pour peu de choses. Avoir un
comité de pilotage structuré, puis un comité opérationnel est une bonne chose. Toutefois,
gouvernance veut dire projet, structure et moyens pour concerter, engager des études et
s'appuyer sur des outils.
Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un stade où il y a nécessité d'avoir une structure
juridique reconnue qui soit capable de porter une concertation et d'arrêter une position, puis
d'avoir les moyens de répondre en termes de propositions de réponse aux enjeux de ce
territoire, allant ensuite à la concertation. Il y a trente-cinq ans que nous expérimentons la
bonne volonté, les bonnes intentions et les bons discours. La réalité est un peu différente sur
ce territoire.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Nous sommes aujourd'hui à un rendez-vous et il ne pourrait rien y avoir de pire que de


monter à la hâte quelques propositions pour se retrouver dans quelque deux ans.
La loi n'est peut-être pas bien faite et peut-être faut-il la corriger, mais il existe aujourd'hui
une structure appelée communauté aéroportuaire. Pourquoi ne pas examiner concrètement
et sérieusement cette proposition ?

Olivier PIA
Merci beaucoup. Nous allons donner la parole à la salle.

Jean-Pierre BLAZY, maire de Gonesse, président de Ville et Aéroport


Laurent FISCUS a dit tout à l'heure qu'il existait les briques pour construire les matériaux de
la gouvernance. Ce qui nous manque, c'est le ciment. Si la loi qui existe depuis 2004 n'est
pas parfaite et peut être améliorée, elle constitue en tout cas un outil qui peut être
rapidement opérationnel. Bien entendu, il y a également Paris Métropole et, plus
modestement, l'intercommunalité qui va s’achever.
L'originalité de la communauté aéroportuaire est d'avoir tous les acteurs autour de la table.
Le président d'Aéroports de Paris rappelait tout à l'heure sa disponibilité. La communauté
aéroportuaire lui offre la possibilité de se tenir à cette table aux côtés de la Région, des
départements, des intercommunalité et des communes.
Yves ALBARELLO déplorait tout à l'heure que la loi n'ait pas été appliquée à l'initiative des
présidents de région. Je rappelle que le décret d'application dit que le Préfet de région peut
prendre une initiative si le président de la région de l'État. Il ne s'agit pas pour moi de faire de
la polémique, mais d’affirmer que nous pouvons ensemble mettre l'outil en place. J'ai bien
entendu les diverses propositions. Je crois qu'il faut maintenant examiner ensemble ce qui
peut converger.

André TOULOUSE, maire de Roissy-en-France


Le maire de Gonesse a utilisé la métaphore des briques et du ciment. Contrairement à ses
propos, le ciment existe par les élus du terrain, comme cela a été rappelé par M. le président
du directoire. En revanche, ce ciment n'est pas forcément là pour lier toutes les briques qui
voudraient rejoindre l'édifice. J'estime que les élus, tout autour de la plateforme, ont le droit
de savoir avec qui ils veulent travailler.
Je suis persuadé que dans cette salle même, on trouve les personnes toutes désignées pour
faire partie de cet ensemble. Nous sommes prêts à amener le ciment du terrain. J'ai entendu
le discours du président d'Aéroports de Paris et celui de M. CHAILLÉ, qui a parlé au nom
des entreprises ; avec de telles alliances à haut niveau et des élus qui ne demandent qu'à
travailler les uns avec les autres, notamment avec nos amis de Seine-et-Marne, le ciment est
donc bien réel et prêt à lier tout cela.
Toutefois, il faudra bien sûr en avoir les moyens. À ce moment-là, nous aurons besoin de
l'État. Un périmètre doit être défini et, sur le terrain, nous n'avons pas la prétention de le
faire. Dans tous les cas, si les élus du terrain sont consultés, ils auront des choses à dire.

Philippe COME
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Non loin de chez vous se trouve l'aéroport d'Orly, organisé autour d'un pôle de compétence.
Que pensez-vous de ce modèle, monsieur MARTIN ?

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris Métropole


En tant que conseiller général du Val-de-Marne, je connais très bien Orly. La démarche
entreprise n'a pas été de mettre l'organisation en préalable, mais de proposer d'abord de
créer une entente intercommunale et de faire en sorte que cette entente associe la plupart
des acteurs économiques, sociaux et culturels du territoire, à cheval sur deux départements.
C'est seulement maintenant que les acteurs d'Orly commencent à réfléchir à l'étape suivante
qui consisterait à avoir une approche un peu plus organisée.
Je souhaiterais rebondir sur ce qui a été dit à l'instant. Il est clair que le diagnostic est a priori
connu et partagé, avec la volonté de partager un destin commun, qui est fonction de
l'évolution d'un territoire qui ne s'est pas faite comme l’auraient souhaité les habitants actuels
du territoire.
Au sein de Paris Métropole, par le biais de notre démarche appel à initiative, nous avons
tenté de relier tout cela, de libérer les usages et de donner ce que j'appelle du tissu
intracellulaire entre tous les pôles de ce territoire. Je crois qu'il faut penser à deux choses –
et ceci est valable pour l'Île-de-France, le Grand Paris, Paris Métropole et ce territoire du
Grand Roissy. Il existe des spécificités qu'il faut reconnaître. Dans les années à venir, nous
n'allons pas continuer à plaquer sur l'ensemble des territoires qui ont leur spécificité des lois
et organisations valables pour tout le territoire. La République est capable d'adapter son
organisation au territoire quand l'enjeu est très important.
Dans la mesure où la plupart des élus qui sont intervenus font ou feront partie de
Paris Métropole, nous pouvons, au sein de notre syndicat, apporter une aide pour valider
ensemble le diagnostic et réfléchir à ce que pourrait être l'organisation qui en découlera.
Par ailleurs, il me semble que ce sont les habitudes prises au quotidien de partage et de
réflexion à un avenir commun au sein des intercommunalités qui seront le fondement de la
suite. Comme le processus est enclenché au travers de ces intercommunalités, il y a peut-
être matière à créer d'abord un tour de table intercommunal avec les partenaires principaux.
S'agira-t-il de la communauté aéroportuaire ou une autre structure ? Je ne le sais. Je me
demande seulement si certains dispositifs auxquels nous avons recours périodiquement
pour traiter les problèmes de cette taille ne pourraient pas évoluer pour répondre à la
véritable question posée aujourd'hui, c'est-à-dire partir de ce qui existe en système de
gouvernance, mais en l’adaptant à un élément particulier du territoire qui le restera.

Philippe COME
Nous avons évoqué un mot important lors de la préparation de cette table ronde, celui
d'expérimentation. Vous êtes pour l'expérimentation. Vous êtes pour vous donner du temps
pour définir les choses.

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris Métropole


Je ne souhaite pas que l'on se donne trop de temps. Il n'en reste pas moins que
l'expérimentation a un avantage : elle peut créer de nouvelles voies. Elle permet surtout de
dépassionner la démarche et de construire un système nouveau et adapté. Nous partons
des réalités, qui sont les habitants, les entreprises et les acteurs d'un territoire. C'est à partir
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

d’eux qu'il faut construire ce qu'ils attendent de ce territoire. Le droit à l'expérimentation a été
reconnu au niveau national ; il faut l'utiliser, mais pas trop longtemps.

Philippe COME
Pensez-vous que tous ces acteurs qui créent des réseaux dont le seul objectif est d'être
positifs peuvent ou doivent se considérer comme des pionniers ?

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris Métropole


Nous sommes tous des pionniers à un moment de notre vie, lorsque nous essayons de
trouver des solutions aux problèmes qui nous sont posés. Le problème de tous les acteurs
de ce territoire est passionnant. Il me semble seulement, de ma position, qu'il n'y a pas de
temps à perdre. S'il ne sort pas une orientation concrète et rapidement mise en œuvre à la
suite de ces assises, il me semble que nous aurons manqué une occasion qui nous fera
encore perdre un peu trop de temps.

Philippe COME
Pouvez-vous nous faire partager très rapidement votre regard sur ce que vous avez vécu
avec nous cet après-midi ?

Jacques Jean-Paul MARTIN, président de Paris Métropole


J'ai vécu quelque chose de merveilleux – nous sommes un certain nombre à vivre des
moments intéressants au sein de Paris Métropole. Au sein de ce territoire d'Île-de-France, il
faut aussi compter les problèmes généraux que nous vivons. Il ne faudrait pas que chacun
réfléchisse séparément à la dynamique de ce territoire que nous appelons Grand Paris. En
tant que président de Paris Métropole, la seule chose que je souhaite est que, au sortir de
ces journées, nous ne nous arrêtions pas ou ne nous donnions pas rendez-vous plus tard.

Philippe COME
Merci beaucoup, messieurs.

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

Conclusion par Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET,


Ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement

Monsieur le Préfet de région,


Messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs,
Ces rencontres s'achèvent. J'étais aujourd'hui à Saint-Nazaire pour le lancement de
l'éolien off shore ; je n'ai donc pas pu participer à vos travaux, qui se préparent depuis
quelques mois, mais j'ai été un peu informée de ce qui a été dit. Il me revient de vous dire ce
que l'État retient des trois volets sur lesquels vous avez travaillé.
Je voudrais d'abord remercier la préfecture de région et son patron, Daniel CANEPA, qui
conduit depuis presque deux ans les travaux de mise en œuvre du rapport, ce qui n'est pas
toujours facile. Je connais l'implication personnelle de Daniel CANEPA et je tiens à saluer
son travail et celui de ses équipes. Je sais d'expérience que ce sont des sujets difficiles.
Je voudrais saluer particulièrement le député Yannick PATERNOTTE. En 2006, vous aviez
conçu les treize propositions de la charte pour le développement durable de Roissy et le
président de la République avait tiré profit de vos travaux dès juin 2007, à l'occasion de
l'inauguration du terminal S3. Il avait alors expressément demandé que l'on fasse de « la
question de la pollution sonore l'exemple même d'une stratégie de développement durable ».
Aujourd'hui, les rencontres réunissent tous les partenaires intéressés par ces sujets, dans un
esprit très grenellien, et par ce que vous êtes tous réunis, et parce que vous ne vous
découvrez pas les uns les autres à l'occasion d'un colloque qui serait un moment suspendu
et forcément exceptionnel dans une année organisée autrement. En réalité, vous travaillez
depuis longtemps sur cette réflexion et cette journée est l'aboutissement de longs travaux au
cours desquelles vous avez acquis, j'en suis sûre, une meilleure compréhension de vos
différents enjeux, même si cela ne permet pas toujours de tomber d'accord.
Je voudrais maintenant vous dire quelles leçons je tire de ces travaux et comment j'envisage
leur poursuite de manière très opérationnelle.
Se pose d'abord la question de l'accès aux aéroports et de l'intermodalité. Nous avons
besoin de développer une politique d’intermodalité opérationnelle exemplaire. Le
gouvernement soutient de longue date le projet Carex pour relier Charles-de-Gaulle au
réseau à grande vitesse. Le projet de desserte de Roissy par Charles-de-Gaulle Express est
lui aussi en cours d'élaboration. Il permettra de relier Paris et son premier aéroport en quinze
minutes de trajet. J'entends faire avancer l'ensemble de ces projets pour offrir de nouvelles
possibilités de combinaisons des trajets au service d'une meilleure mobilité des biens et des
personnes. Un aéroport doit être le mieux accessible possible, par tous les temps, dans
l'esprit qui est celui du Grenelle de l'environnement. Dans la suite des travaux que nous
avons menés après les événements neigeux de décembre, il a en effet été décidé de
déclarer un certain nombre de lignes d'accès à Charles-de-Gaulle prioritaires dans le
déneigement et l'affectation de bus équipés. Cela est important pour l'accès des passagers
et des équipages.
L’intermodalité est une garantie importante, mais qu'en est-il de l'activité elle-même ?
Comment faire pour qu'elle s'inscrive elle aussi dans l'esprit du Grenelle de

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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

l'environnement ? Vous pouvez attendre de moi une exigence sans faille sur le respect de
l'environnement et du cadre de vie. J'ai une petite expérience locale en matière de nuisances
aériennes, puisque j'ai tenu à rencontrer personnellement une grande association de
protections des riverains avant cette réunion. Je suis assez sensible à leurs attentes ; ma
circonscription et ma ville, Longjumeau, sont situées au bout des pistes d'Orly. Avant même
d'être ministre en charge, j'ai eu l'occasion, en tant qu'élue locale, de rentrer dans les
questions techniques. Il n'est pas question de mettre un terme à l'activité aérienne, mais on
peut bien s'assurer qu’à chaque étape, tout a été fait pour limiter les nuisances sonores.
Lorsque l'on veut bien entrer avec bonne foi dans les détails techniques, on trouve des
solutions.
Je sais également l'importance décisive de la période nocturne. Le sommeil n'a pas de prix
et ceux qui en sont privés le savent bien. En 2003, le gouvernement avait mené des
réflexions pour réduire les nuisances sonores nocturnes. Depuis cette date, un indicateur de
bruit a été mis en place et leur nombre de créneaux de circulation a été réduit. Il y a eu des
abandons volontaires par plusieurs compagnies, dont Air France. Aujourd'hui, il est question
d'aller plus loin et, dans le cadre de la charte DERMAGNE, la demande prioritaire est
d'obtenir une véritable nuit de huit heures.
Je redis clairement que nous n'avons pas l'intention de fermer Roissy la nuit, mais j'indique
aussi clairement aux opérateurs que la contrepartie de cette non-fermeture est des mesures
très significatives, et non symboliques, dont les effets seront considérables et clairement
perçus.
Si l'on veut que les riverains entendent moins de bruit, la première condition est de réduire le
bruit émis. On court parfois trop facilement à l'insonorisation. L'insonorisation est une bonne
chose, mais il s'agit du dernier recours. En matière de bruit, comme en matière d'efficacité
énergétique, il vaut mieux réduire à la source. Ces démarches de progrès peuvent profiter à
tout le monde. À cet égard, il me paraît essentiel de ne plus accueillir la nuit les avions les
plus bruyants et de le faire tout de suite. Pour commencer, les avions dont la marge est
inférieure à 8 dB seront interdits entre vingt-deux heures et six heures dès la fin 2011, soit
pour la saison aéronautique d'hiver 2011-2012. Après le délai incompressible de la
communication de cette mesure aux compagnies, les avions de la catégorie suivante, ceux
dont la marge acoustique est comprise entre 8 dB et 10 dB, seront interdits à leur tour pour
la saison aéronautique d’hiver 2013-2014.
Une fois le bruit émis réduit, il faut s'intéresser aux trajectoires empruntées et s'éloigner des
zones les plus denses. Je suis fortement engagée sur le relèvement de 300 m de toutes
trajectoires en Île-de-France. Pour plus de 80 000 personnes, ce projet permet de limiter les
nuisances sur l'ensemble de la journée et de la nuit. Toutefois, pour apporter du bénéfice au
plus grand nombre, il faut accepter de faire reculer le point de virage et quelques
modifications. Le point de virage se fera donc plus haut, mais au-dessus de riverains
différents. J'ai demandé à la Direction générale de l'aviation civile de revoir son projet pour
que ce mouvement soit gagnant au maximum.
L'engagement du Grenelle de l'environnement est d’optimiser les trajectoires en fonction de
la consommation de kérosène aux altitudes de transition. En dessous de l'altitude de
transition, on optimise les trajectoires sur le bruit. Cela signifie que l'on accepte de faire un
virage un peu plus large, même si la consommation en kérosène est un peu supérieure.
C'est de bonne politique.
Une autre mesure porte sur la nouvelle trajectoire de décollage la nuit pour éviter les zones
très urbanisées de l'est de Roissy et doit sa naissance aux travaux de la mission du
Préfet CANEPA et à la force de proposition de plusieurs parlementaires, dont Jérôme
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Les Rencontres du Grand Roissy – 24 et 25 janvier 2011
 

CHARTIER et Yannick PATERNOTTE. Cette trajectoire sera mise en œuvre par la Direction
générale de l'aviation civile dans les meilleurs délais. Je crois que nous pouvons envisager
un passage en commission consultative de l'environnement en mai 2011, ce qui permettra
une mise en œuvre en 2012 au plus tard.
Les procédures de descente continue vont elles aussi pouvoir être multipliées. Cette mesure,
qui intéresse directement les populations pour le bruit, permet aussi de réduire les émissions
gazeuses. L'effort engagé devra se poursuivre sur des descentes continues commençant
plus haut, à plus de 3 000 mètres. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur les
doublets ; sans entrer dans le détail, je demande au service de l'Aviation civile de mettre en
œuvre avec la plus grande diligence l'ensemble des mesures d'amélioration des procédures
qui paraissent de bon sens, comme l'utilisation du doublet Nord lorsque l'on part sur une
trajectoire Nord ou que l'on atterrit à partir d'une trajectoire Nord – et le Sud de manière
symétrique –, le tout afin de minorer les survols.
De la même manière, semble de bon sens l'établissement d'une configuration préférentielle
à l'ouest, en deçà d'un seuil de vent arrière, pour éviter le survol des zones les plus
urbanisées à l'atterrissage. Ceci doit pouvoir être mis en œuvre rapidement dans la
tranche minuit/cinq heures, qui est la plus facile pour mettre en place une mesure de ce
genre.
Cette première expérimentation n'exclue pas une extension ultérieure et c'est ce que l'on
peut d'ores et déjà faire pour les décollages en début de piste, qui permettent de faire moins
de bruit. Ces décollages existent déjà sur la tranche minuit/cinq heures et je crois que nous
allons pouvoir les étendre dans certaines configurations lorsque les conditions de trafic le
permettent sur les tranches vingt-deux heures/minuit et cinq heures/six heures.
Il existe donc de belles pistes de progrès. Il nous reste à les mettre en œuvre le plus
rapidement possible, sans évacuer les périodes obligatoires de consultation et d'enquête
publique pour le relèvement des trajectoires. Il nous reste aussi à les expliquer et j'insiste sur
cela. Le relèvement des trajectoires, notamment, est un projet d'intérêt général et une
pédagogie est forcément indispensable.
Pour finir, permettez-moi de saluer la qualité de ces travaux et de vous remercier encore
pour le temps que vous y avez consacré, et la technicité que vous y avez développée. Je
suis entrée un peu plus que prévu dans le détail de ces questions, mais je crois que c'est en
procédant ainsi que l'on trouve des solutions. Merci à tous.

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