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Henri Maldiney
2003/2 - no 21
pages 9 à 21
ISSN 1370-074X
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ARGUMENT
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RENCONTRE ET
PSYCHOSE
Henri MALDINEY*
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distinguent celui qui parle, celui à qui il s’adresse et ce dont il est parlé,
qu’ils nomment, l’absent. Le propre de la parole est d’amener l’absent
à la présence que constitue la co-présence des interlocuteurs. Or, dans
les cas évoqués par WYRSCH, l’absent n’est pas présent, parce que la
personne du patient, dont celui-ci ne cesse de parler, ne se présente
jamais, pour cette raison simple qu’il n’y a pas de co-présence, faute
de rencontre entre les interlocuteurs. L’incapacité de rencontrer est au
fondement de la psychose. C’est pourquoi, tout événement étant une
rencontre, il n’y a pas d’événement pour un psychotique.
L’impossibilité de rencontrer alimente indéfiniment la plainte du
mélancolique, qui est sa seule façon d’exister. Elle détermine le
maniaque, pour en éviter l’épreuve, à en court-circuiter la possibilité
dans une existence en fuite. Le mélancolique se plaint de ne pouvoir
rejoindre les autres, de ne pouvoir, comme dit une malade de KUHN,
« accompagner ». Elle n’y réussit que parfois, lorsqu’elle participe à
un ballet et que son existence est suspendue au rythme générateur de
l’espace-temps de la danse. Alors il lui est possible d’accéder ou de
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temps que nous songions à rendre la langue au langage. Or, tout ce que
nous avons entendu ces dernières années au sujet de la langue n’est pas
fait pour y conduire.
En quoi suis-je impliqué dans une rencontre ? Me voici en présence
d’un autre, un autre qui se présente en tant qu’autre, c’est-à-dire tel que
je ne peux pas l’inventer. Si je peux l’inventer, il se dissout. Et qu’est-
ce que je ne peux pas inventer ? Au sens propre, un visage, qui n’est
pas une image. Une image est la thématisation du visage que je mets
à ma disposition. Mais dans une rencontre, l’expression de l’autre est
un visage qui parle. Même un visage qui se ferme exprime en lumière
noire sa propre fermeture, qui m’éclaire, en lumière noire, douloureu-
sement. Mais lorsque l’autre reste ouvert, son visage rayonne l’espace
où s’ouvre mon regard. En ce regard que je porte sur l’autre et qui se
tient dans cette ouverture, je ne rencontre l’autre qu’à m’y trouver moi-
même. L’épiphanie d’un existant dans le regard d’un autre exige
l’autophanie de celui-ci dans ce même regard.
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lui correspond est une pure construction et non pas un sujet réel ». Son
accomplissement « en réalité » est irréalisable. Cette situation a un
analogue dans la schizophrénie : l’Oberbegriff (supra-concept) de
BLEULER, dans lequel « tous les projets sont suspendus, annulés, en
faveur de la représentation d’un seul concept-objet », à quoi tout se
ramène et où, désormais, l’expérience est prise dans un système
d’associations dont elle ne peut plus sortir. Il a bien son équivalent,
dans ce qu’on appelle intégrale des propositions vraies. La conscience
transcendantale n’est la conscience de personne. Jamais dans la
connaissance théorique, je m’éprouve réellement Moi.
C’est seulement dans le comportement esthétique que je suis en
présence : en présence d’une œuvre d’art, en co-présence avec elle. Je
me surprends à exister d’une existence propre, insubstituable. Je parle
d’une œuvre d’art qui en est une : un losange de MONDRIAN ou une
Sainte-Victoire de CÉZANNE ou Sainte Sophie de Constantinople. À
ce moment, cette œuvre, unique, et moi, unique, nous sommes frappés
de réalité. Parce que sa présence est insurmontable, que je ne peux pas
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