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La dépossession économique de la Kabylie

(exemple de l’oléiculture)
Contribution au débat sur la Kabylie : Etat des lieux et projet d’autonomie régionale

Par : RACHID OULEBSIR


Ecrivain, essayiste, chercheur en Culture populaire.
Diplômé d’études approfondies en Economie politique des universités Paris-13-Villetaneuse et Paris-1- Panthéon
Sorbonne (1978)

Introduction

L’Etat algérien, de par son essence jacobine, a pour réflexe vital de centraliser tous les pouvoirs
de décision, de l’élaboration à l’exécution, de toutes natures, politique, financière, judiciaire,
militaire, policière, culturelle, cultuelle… Mais c’est sans doute dans la sphère économique qu’il
arrive à asseoir son hégémonie de sorte à s’assurer, de façon pérenne, la dépendance de la
population de ses principaux réseaux monopolistes de distribution de biens de consommation
importés, grâce à une importante rente pétrolière, traditionnellement des marchés occidentaux et
tout récemment des économies d’Extrême-Orient.
Reproduisant les pratiques et les réflexes du colonialisme français, il installe une suprématie sans
partage, luttant sans merci contre toute autonomie économique régionale en se rendant maître
des activités économiques et sociales qui constituent le socle identitaire et l’expression de la
personnalité culturelle de nombreuses régions d’Algérie. C’est le cas de la viticulture pour l’ouest
du pays, de l’agrumiculture pour la Mitidja, de la culture des dattes pour les oasis, de l’alfa pour
les régions steppiques, de la céréaliculture pour les hauts plateaux et de l’oléiculture pour la
Kabylie.
Prenant en étau l’activité économique par la monopolisation du financement en amont, et de
l’achat du produit final en aval, il se rend maître de l’activité s’adjugeant le segment de
l’exportation qui réalise la valeur ajoutée de toute la branche. Quand les acteurs économiques
d’une branche donnée résistent à cet accaparement de la richesse qu’ils ont produite, l’Etat
n’hésite pas à détruire l’activité économique en question et anéantir les savoir-faire qui
transmettent, perpétuent et pérennisent socialement la pratique économique visée.
L’oléiculture en Kabylie est l’exemple même d’une politique de dépossession planifiée et exécutée
assidûment par l’Etat pour soumettre une population fière de ses particularismes culturels et de
ses réflexes de résistance à la pénétration des multiples colonisateurs.
La présente contribution au débat sur la Kabylie ne prétend pas à l’exhaustivité, mais exprime
tout l’intérêt de la question économique, centrale dans la construction d’un projet d’autonomie
régionale. Aussi l’oléiculture considérée comme « le pétrole de la Kabylie », doit-elle être située à
sa juste mesure, par un état des lieux sans complaisance, loin de l’image d’Epinal idéalisée et
répandue par de nombreux romantiques éloignés du dur combat populaire pour le pain
quotidien.

1- La situation actuelle de l’oléiculture en Kabylie

Tazemourt, l’olivier, est l’une des armoiries du blason identitaire de la Kabylie, à ce titre il
symbolise les valeurs du montagnard kabyle faites d’endurance, de fidélité, d’hospitalité, de
générosité, de solidarité et d’éternelle résistance. De par sa rusticité, l’olivier est l’arbre adapté au
climat capricieux et au relief difficile de la montagne kabyle. Aussi constitue-t-il, depuis la nuit des
temps, la principale richesse agricole de la région. De nos jours, sur les 20 millions d’oliviers
constituant le verger algérien, 12 millions sont cultivés en Kabylie. (Voir tableau 2)
Ces chiffres, importants dans l’absolu, doivent être relativisés à deux niveaux :
- Le verger oléicole n’a pas évolué depuis l’indépendance ! Nous avions le même verger en
1962 ! Aucune plantation nouvelle de cette culture stratégique n’a été enregistrée depuis
l’indépendance. Bien au contraire, les milliers d’arbres emportés par les incendies et le
vieillissement n’ont pas été remplacés. Ce n’est que durant la dernière décennie que les paysans
de Kabylie ont repris en mains l’oléiculture malgré la perte des savoir-faire et des conduites
culturales ancestrales.
- La seconde remarque concerne l’importance relative de cette richesse naturelle. A titre
comparatif, la Tunisie possède un verger estimé à 55 millions d’oliviers, le Maroc à 40 millions
d’arbres alors que la Grèce dont la surface est comparable à celle de la Kabylie cultive plus de
70 millions d’oliviers ! Nous sommes donc très loin de nos voisins, et sans aucune commune
mesure avec les gros producteurs d’olives et d’huile d’olive que sont l’Espagne avec plus de 250
millions d’oliviers, l’Italie et ses 200 millions d’arbres. (Voir tableau 1). Le conseil oléicole
international (COI) a recensé plus de 900 millions d’oliviers dans le monde, dont 90% sont
complantés sur le pourtour méditerranéen et 10% entre le Moyen-Orient et l’Amérique. En
conclusion, la situation de l’olivier en Kabylie n’est pas florissante comparée à celle de la Tunisie,
de la Grèce ou du Maroc. La quantité d’olives récoltée annuellement ne cesse de diminuer
rapportée à la population, tandis que le savoir-faire se perd à grande vitesse et que la qualité de
l’huile laisse à désirer en regard des paramètres et des standards du marché mondial. La leçon à
tirer de ce déclin est qu’en l’état actuel des choses, la population de Kabylie ne peut vivre des
seuls revenus de l’oléiculture. La sauvegarde des savoir-faire en matière d’oléiculture constitue la
première condition de la relance urgente de cette noble profession.

2- Les étapes de la dépossession

L’Etat algérien est responsable de ce déclin de l’oléiculture de Kabylie et du reste du pays. Nous
donnerons dans cette partie les jalons de cette politique de dépossession de la paysannerie
kabyle entreprise sciemment par les pouvoirs publics.
Durant la colonisation française les gouvernements militaires et civils avaient rivalisé dans les
techniques de spoliation et de dépossession des paysans algériens de leurs meilleures terres. Un
arsenal juridique impressionnant (Sénatus-consulte de 1863, loi Warnier de 1881, lois
d’expropriation de 1899…) organisait et exécutait le transfert des terres indigènes vers les
propriétés des colons, même les terrains de parcours collectifs et les terres des Zaouias
n’avaient pas échappé au séquestre. Démanteler la propriété collective, base économique de la
tribu et saper ainsi la cohésion de son tissu social, telle était l’objectif de l’Etat colonial.
L’introduction du salariat et de la monnaie était conditionnée par la désintégration de la propriété
collective, libérant ainsi la main-d’œuvre paupérisée et corvéable dont avaient besoin les colons
conquérants dans leurs grosses propriétés de la Mitidja, de l’oranais et des hautes plaines
intérieures dont les monocultures alimentaient le marché de la métropole.
En Kabylie le lien social, particulièrement solide avait tenu jusqu’à la fin du 19 ème siècle. La défaite
qui avait suivi la grande insurrection de 1871 avait sonné le glas pour les tribus kabyles qui se
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disloquaient libérant les individus qui n’avaient plus d’autre choix que vendre leur force de travail
aux colons ou dans les usines de la métropole, ce fut le début de l’émigration vers la France
après le grand exode vers les grandes villes de l’est et de l’ouest.
A l’indépendance, l’Etat algérien, optant pour l’idéologie socialisante, a continué dans la logique
centralisatrice jacobine coloniale pour s’assurer la main mise totale sur toutes les régions
d’Algérie, uniformisant culturellement la mosaïque sociale, normalisant les conduites par
l’unification de la langue et la neutralisation de la diversité par une école tournée vers le moyen-
âge.
Le pouvoir algérien, pour des raisons historiques, avait un contentieux à régler avec la région
kabyle qui avait gardé son autonomie même durant la guerre de libération ( Wilaya trois).La
rébellion de 1963 ,connue sous le nom de maquis du FFS, lui offrit le prétexte de la répression et
de la mise en pratique d’une politique de soumission de la région par l’organisation de la
dépendance économique des populations vis-à-vis des circuits étatiques de distributions des
biens de consommation importés. Pour garantir le succès de cette entreprise funeste, le pouvoir
de Benbella s’attaqua dés 1963 à l’autonomie économique de la région qu’assuraient les apports
en devises fortes de l’émigration et la richesse tirée de l’oléiculture, activité structurante et colonne
vertébrale de l’économie locale. (La production d’huile d’olive de toute l‘Algérie provenait de la
Kabylie)
Ne pouvant réduire de son importance ou l’interdire, le Pouvoir d’Alger décida de mettre la main
sur cette richesse, en nationalisant dés 1964 le transport et la commercialisation de l’huile
d’olive, principalement son exportation, de sorte que toute la région produise pour les caisses de
l’Etat ! Après avoir soumis les rentes de l’émigration à la ponction (Les mandats envoyés en
Francs français, étaient perçus en dinars avec une parité qui ne reflétait nullement le pouvoir
d’achat réel des sommes envoyées), le pouvoir algérien entama un processus de dépossession
des fellahs de Kabylie de leur principale richesse : l’huile d’olive !
Le premier effet de la nationalisation de l’activité d’exportation fut l’exclusion des oléifacteurs
(Producteurs d’huile) du marché mondial espace où la Kabylie avait conquis ses lettres de
noblesse (médaille à l’exposition universelle de Bruxelles en 1910 pour l’huile de la Soummam,
multiples distinctions dans les nombreuses foires agricoles de Paris durant l’époque coloniale). Le
métier de négociant d’huile d’olive sur les places internationales fut donc interdit aux
professionnels de Kabylie dés 1964, interdiction non levée à ce jour ! Cette mesure d’apparence
anodine a enclenché le processus d’abandon de l’olivier qui a duré près d’un demi-siècle,
conséquent à l’impossibilité d’écouler l’huile d’olive produite alors en grande quantité que le
marché national ne pouvait absorber. L’Etat étant le seul acheteur, il fixait le prix qu’il voulait et
faisait des marges substantielles sur le dos des producteurs qu’il était censé protéger ! Il organisa
ainsi la paupérisation de la paysannerie kabyle et son exode vers les grandes villes réduisant la
transmission des savoir-faire vitale pour le maintien et le développement de l’activité oléicole.
Poursuivant dans cet élan de déstructuration de la branche oléicole, le pouvoir algérien créa un
parc de transformation étatique par l’importation et l’installation dans les zones oléicoles les plus
importantes de Kabylie, de moulins modernes pour concurrencer les paysans sur le terrain des
coûts de production ! Ces machines automatisées à forte capacité de transformation sont entrées
en rivalité avec les vieux pressoirs d’Aristée encore en fonction en Kabylie ajoutant une touche à
la politique de dépossession des paysans de leur principale richesse.
Dés 1970, l’olivier de Kabylie est réduit au statut d’arbre décoratif ! La mise en place du modèle
Boumédiéniste dit des « Industries industrialisantes » avait notablement accéléré l’exode des
paysans vers les grandes villes emportant avec eux le savoir-faire et les compétences dont se
nourrissait l’activité économique locale. L’importation de l’huile d’olive de Tunisie vint compléter
cette mise à mort voulue de l’oléiculture de Kabylie !

3- Tentatives populaires de relance et blocage de l’Etat

L’oléiculture, principale activité structurante de l’économie locale, a connu un déclin programmé


qui a duré une cinquantaine d’années, de sorte que la moitié du verger actuel, à l’abandon, est
improductif. Les pratiques rituelles de production ancestrales et les savoir-faire perdus n’ont pas

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été remplacés par des techniques agronomiques modernes, ce qui en soi est une autre preuve
de la volonté de détruire une activité génératrice de richesse qui fait la fierté de cette région et qui
sous-tend son autonomie économique et sociale. Aucun centre de formation professionnelle
n’enseigne la spécialité « Oléiculture » dans ses programmes, la modernisation de la branche
oléicole est mise en veilleuse par son « oubli » dans la recherche appliquée dans les écoles
d’agronomie.
Malgré cette déchéance programmée et exécutée sur une longue durée ; la Kabylie a conservé
quelques oasis de savoir-faire, sauvegardant des rituels et des compétences essentielles à même
de relancer la pratique oléicole dans toute la région. Dans quelques communes, les paysans
résistant au rouleau compresseur de l’Etat, ont pu moderniser le parc de transformation et
produire une huile de qualité qui s’exporte, certes en petites quantités, mais qui rivalise avec les
meilleures huiles européennes. Cette renaissance autonome est mal vue par l’Etat, qui ne
renonce pas à ses réflexes hégémoniques d’accaparement de toute initiative autonome. L’Etat
encourage le marché informel de l’huile d’olive en laissant faire les pratiques de frelatage qui
sanctionnent l’huile de qualité qui a un coût de production élevé.
Dés 1995, les oléiculteurs de la Haute Soummam, se regroupent pour conjuguer leurs efforts et
relancer leur branche d’activité en l’orientant vers la reconquête d’une place sur le marché
mondial. Cette tentative de renaissance sera vite avortée par les services du ministère de
l’agriculture qui créent avec des moyens colossaux une association rivale avec à sa tête d’anciens
apparatchiks de l’Union Nationale des Paysans Algériens (UNPA) inféodée au parti unique. Cette
seconde association, organise chaque année, une fête folklorique durant laquelle viennent
parader les officiels, repartant avec leurs véhicules chargés de bouteilles d’huile et de sachets de
figues sèches !
En 2003, une jeune génération d’oléiculteurs, reprend l’activité en mains et se lance dans le
conditionnement de l’huile pour son exportation. Alerté, l’Etat propose aux oléiculteurs de signer
une convention avec le conseil interprofessionnel de l’oléiculture nouvellement crée pour honorer
les accords passée avec l’union européenne. Alléchés par la perspective de pouvoir enfin exporter
leur huile, et reconquérir sur le marché mondial l’espace que l’Etat à interdit à leurs aînés, les
jeunes oléiculteurs organisés en association se retrouvent finalement bloqués, le ministère de
l’agriculture ayant gelé la convention passée avec les paysans !
En 2010, L’Etat programme, à l’insu des paysans, la plantation d’un million d’hectares d’oliviers
en dehors de la Kabylie, avec une subvention de 50 millions de centimes à l’hectare ! Si le projet
en lui-même est une bonne chose pour le pays, les paramètres choisis pour le financement
(Hectares au lieu de jours de labours) exclue les piémonts et les zones de montagnes. Ce projet
exprime à lui tout seul, toute la hargne mise par l’Etat à achever l’oléiculture en Kabylie.

Conclusion

L’Etat algérien hyper centralisé, tel qu’il a été imposé à la nation par un pouvoir usurpateur de
l’initiative historique, ne peut tolérer le moindre espace d’autonomie économique, soubassement
de l’indépendance sociale et culturelle, qui remettrait en cause son hégémonie politique sur la
société. Il déploie une intense énergie à s’assurer la dépendance alimentaire de la population vis-
à-vis de ses circuits de distribution des biens manufacturés importés grâce à la rente pétrolière
qu’il monopolise par tous les moyens modernes de coercition. Pour survivre, l’Etat jacobin algérien
préfère travailler pour les économies étrangères, se transformer en organisateur des circuits de
distribution des biens manufacturés importés que de garantir à sa population la liberté
d’entreprendre et de produire localement les richesses, synonymes d’autonomie économique et
sociale, base de toutes les libertés culturelles et politiques.

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Annexe : Tableaux comparatifs sur l’oléiculture en Kabylie

Tableau 1 : comparaison des vergers oléicoles de quelques pays

Pays Espagne Italie Grèce Tunisie Maroc Algérie Reste


Kabylie Autres du monde
Millions d’oliviers 250 200 70 55 45 12 08 260

Tableau 2 : Répartition du verger oléicole en Algérie

Wilayas Bejaia Tizi-ouzou Bouira Setif Bordj Autres Total Algérie


Millions d’oliviers 05 03,5 01,5 01 01 08 20

Tableau 3 : Localisation et qualité du parc de transformation des olives

wilayas Bejaia Tizi-Ouzou Bouira Bordj Autre Total Algérie


Huileries 175 320 90 90 240 915
Traditionnelles
Huileries 255 80 90 15 100 540
Automatiques
Total 430 400 180 105 340 1455

Takerbouzt, le 15 Avril 2011


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