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avec nous
La lutte contre la pauvreté dans la Bible
et dans l’histoire de l’Eglise
Jacques BLANDENIER
Les Éditions de la Ligue pour la Lecture de la Bible (LLB) souhaitent encourager et stimuler la réflexion
spirituelle chrétienne. Elles publient des ouvrages pour tous les âges et tiennent gratuitement à votre
disposition leur catalogue général, disponible aussi sur Internet.
Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la Nouvelle Bible Segond (NBS), sous la
direction de Henri Blocher, Jean-Claude Dubs, Mario Echtler (†), Jean-Claude Verrecchia
Coordination Didier Fougeras
@ 2002 Société biblique française
1re édition :
© Les pauvres avec nous - La lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de l’Église
Dossier Vivre 26, éd. Je Sème, Genève, 2006
2ème édition :
© Les pauvres avec nous - La lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de l’Église
Collection « Le Défi Michée »
Ligue pour la Lecture de la Bible, 2007
* les explications sur la campagne du Défi Michée sont données en fin d’ouvrage
Les pauvres avec nous
Patrick Guiborat
Directeur Général du S.E.L.
Membre du comité de pilotage du Défi Michée
Note de l’auteur : Les trois premiers chapitres ont pour source largement développée
un triple exposé présenté dans le cadre d’un Congrès Missionnaire Mennonite
Européen qui s’est tenu au Rimlishof (Haut-Rhin) en mars 1997. Ces conférences
avaient paru dans les cahiers de Christ Seul (2/1997) dont le titre était EVANGILE
ET PAUVRETE.
DIEU
ET LES
PAUVRES
Chapitre 1
«
C
e n’est pas parce que vous surpassez en nombre
tous les peuples que le Seigneur s’est épris de vous
et qu’il vous a choisis, car vous êtes le plus petit
de tous les peuples. C’est parce que le Seigneur vous aime,
parce qu’il a voulu garder le serment qu’il avait fait à vos
pères, que le Seigneur vous a fait sortir d’une main forte ;
il vous a libérés de la maison des esclaves et de la main du
pharaon, le roi d’Egypte. (...)
Lorsque tu mangeras et que tu seras rassasié, tu béniras le
Seigneur ton Dieu pour le bon pays qu’il t’a donné. Garde-
toi d’oublier le Seigneur, ton Dieu, de ne pas observer ses
commandements, ses règles et ses prescriptions, tels que je
les institue pour toi aujourd’hui. (…) Prends garde, de peur
que ton cœur ne s’élève et que tu oublies le Seigneur ton
Dieu, qui t’a fait sortir d’Egypte, de la maison des esclaves. »
(Deutéronome 7.7-8 ; 8.10-11, 14).
« Tu diras devant le Seigneur ton Dieu : mon père était
un Araméen nomade ; il est descendu en Egypte avec peu
de gens pour y séjourner en immigré... les Egyptiens nous
maltraitaient, affligés et réduits à un dur esclavage. Nous
Les pauvres avec nous
Avertissement :
L’approche proposée par ce premier chapitre étonnera
certains, puisqu’on abordera pas de front le problème de la
pauvreté économique et la façon dont la Bible l’envisage.
Ce sera le cas des chapitres suivants. Il a paru nécessaire
de commencer par tracer le cadre spirituel et théologique
dans lequel doit s’inscrire notre compréhension de tout
engagement dans la lutte contre la pauvreté.
Dieu et les pauvres... A l’ouïe d’un tel titre, nous avons tous
en mémoire la première béatitude du Christ : « Heureux êtes-
vous, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ! »
(Luc 6.20)
Le retentissement de cette parole a été grand, tout au
long de l’histoire de l’Eglise. Sans doute en raison de son
caractère insolite, paradoxal, qui contredit les données du
sens commun. Aussi, et surtout, parce qu’il ne s’agit pas
d’un propos isolé, mais du reflet d’une donnée traversant
Dieu et les pauvres
Les pauvres avec nous
mal sur quels textes se fonder pour étayer une telle approche.
Il est exclu d’exalter la pauvreté en prônant l’ascétisme,
comme si les biens terrestres étaient porteurs en eux-
mêmes d’un vice créationnel. Selon le récit de la Genèse,
c’est l’homme qui a chuté, et non pas le monde matériel
en tant que tel – bien que la création tout entière en porte
les conséquences (cf. Rm 8.19-22). La Bible ne nous incite
nullement au mépris des réalités terrestres au nom d’un
dualisme désincarné. Plus subtil serait la tendance à donner
à la pauvreté un caractère vertueux, comme si la souffrance
provoquée par le dénuement avait une valeur expiatoire.
Ce genre de dolorisme n’a pas sa source dans l’Ecriture.
En outre, ce serait une erreur de perspective de ne pas tenir
compte de la différence évidente entre pauvreté choisie et
pauvreté subie.
Dieu et les pauvres
Les pauvres avec nous
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Dieu et les pauvres
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Les pauvres avec nous
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Dieu et les pauvres
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Les pauvres avec nous
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Dieu et les pauvres
15
Les pauvres avec nous
Ce texte débouche sur le thème de la centralité de la croix du Christ pour la
prédication chrétienne, pour l’exercice des ministères et pour l’orientation de nos
relations mutuelles dans l’Eglise.
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Dieu et les pauvres
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Les pauvres avec nous
celui qui a les mains vides pour recevoir ce que son Sauveur
veut lui donner. C’est parce que nous avons conscience
de notre dignité et en même temps de notre pauvreté que
le thème « Heureux les pauvres » nous rejoint sans cesse
lorsque nous lisons la Bible. Thème étroitement lié à celui
de la grâce, et en aucune façon périphérique. L’expérience
de notre pauvreté est fondatrice. Elle précède et conditionne
tout discours et toute action – du moins s’ils se réclament
de l’Evangile – à l’égard de la pauvreté d’autrui. « D’après
la tradition spirituelle de l’Ancien Testament, nous sommes
tous des « mendiants » de Dieu. Tout ce que nous avons,
nous le recevons de lui, aucun bien ne nous appartient en
propre. C’est pourquoi nous sommes appelés à partager ce
que nous avons et ce que nous sommes avec nos semblables,
particulièrement avec ceux qui sont socialement faibles (les
veuves, les orphelins, les étrangers). »
Doris Pella « Le souci des pauvres résume-t-il la diaconie de l’Eglise ? »
Perspectives Missionnaires no 21 (1991), Genève, p. 51.
18
Dieu et les pauvres
La parabole dite du “serviteur impitoyable” (Mt 18.23-35) évoque sous une forme
caricaturale un comportement humain généralisé. Si elle traite du gracié qui refuse
de gracier à son tour, son application peut s’étendre à d’autres domaines.
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Les pauvres avec nous
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ISRAËL
ET LES
PAUVRES
Chapitre 2
N
otre première étude a mis en évidence la grâce de Dieu
comme fondement de la relation entre lui et nous :
aucun homme n’est en mesure de mériter la bonté du
Seigneur et de gagner son salut. Tous sont pauvres devant
lui, et il offre à tous son pardon, sans contrepartie. Le risque
de cette approche, nous l’avons signalé, est de banaliser la
notion de pauvreté en la spiritualisant. Dire que tous sont
pauvres, pourrait être une façon d’évacuer la réalité concrète
du dénuement matériel et de la précarité économique. Si
tous sont pauvres, alors il n’y a plus de « pauvre » au sens
habituel du terme – or nous savons bien que tel n’est pas le
cas. George Orwell a écrit (dans La ferme des animaux) :
nous sommes tous égaux, mais il y en a qui sont plus égaux
que d’autres ! On pourrait dire de même avec la pauvreté...
Pourtant cette première étape était nécessaire pour
comprendre le regard de Dieu sur la condition humaine, en
sorte que, autant que possible, ce regard devienne aussi le
nôtre. Nous en mesurerons les conséquences pratiques dans
la suite de cette étude.
21
Les pauvres avec nous
Doris Pella, Perspectives Missionnaires, p. 50.
22
Israël et les pauvres
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Les pauvres avec nous
C’est le terme utilisé en Genèse 41.19 pour designer les vaches maigres.
10
Voir l’étude du sens du mot ebyon dans Paul Humbert : « Le mot biblique
ebyon », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuse no 1, Strasbourg,
1952, p. 1-6.
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Israël et les pauvres
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Israël et les pauvres
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Israël et les pauvres
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Les pauvres avec nous
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Israël et les pauvres
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JESUS
ET LES
PAUVRES
Chapitre 3
P
armi nos contemporains, nombreux sont ceux qui
admirent Jésus, cet homme rayonnant de bonté, proche
des plus humbles, et dont l’enseignement se résume
dans l’amour du prochain. N’est-il pas celui qui a inspiré ces
figures emblématiques de la charité que furent des Martin de
Tours, des François d’Assise, des Vincent de Paul, des Mary
Slessor, des mère Teresa et tant d’autres, y compris hors des
frontières du christianisme, comme le mahatma Gandhi ?
Dès lors, il est malaisé de traiter du sujet : « Jésus et les
pauvres » sans avoir l’impression de rabâcher des faits
connus de tous. Entrons tout de même dans un parcours au
travers des textes du Nouveau Testament… ne serait-ce que
pour en donner un aperçu.
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Les pauvres avec nous
Souvent nomades avec leurs troupeaux, ils étaient considérés comme marginaux et, à
tort ou à raison, soupçonnés de nombreux larcins.
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Jésus et les pauvres
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Les pauvres avec nous
Jésus le rabbi
Voyons tout d’abord l’enseignement de Jésus – un
enseignement dont l’autorité a frappé ses auditeurs,
précisément parce qu’il était étroitement lié à ses actes et à
sa personne.
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Jésus et les pauvres
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Les pauvres avec nous
Craig Blomberg, op. cit., p. 137.
« Le salut a en fait six dimensions : économique, sociale, politique, physique, psychologique
et spirituelle. Luc semble s’être particulièrement intéressé à la première. Ici apparaît un
élément majeur du modèle missionnaire de Luc qui décrit la nouvelle relation entre riches et
pauvres. Là-dessus, il y a un parallèle entre Matthieu et Luc ; la différence est que Matthieu
s’attache à la justice en général tandis que Luc semble s’intéresser particulièrement à la
justice économique. » (David J. Bosch, Dynamique de la mission chrétienne, éd. Haho,
Karthala, Labor & Fides, Lomé, Paris, Genève, 1995, p.157).
52
Jésus et les pauvres
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Les pauvres avec nous
La seule fois où un nom est attribué à un personnage dans une parabole, c’est
au pauvre Lazare. Ce nom est l’équivalent grec de Eliézer, nom hébreu signifiant
« Dieu aide ».
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Jésus et les pauvres
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Jésus et les pauvres
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Jésus et les pauvres
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Jésus et les pauvres
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Le terme « les dispositions » (ou « la pensée », selon Colombe, « les sentiments »,
selon l’ancienne Segond) n’est pas exprimé en grec où figure seulement un article
neutre singulier (ho, ce que). TOB et Français courant traduisent : « comportez-
vous entre vous comme on le fait quand on connaît Jésus-Christ. »
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Jésus et les pauvres
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Perspectives Missionnaire no 21, p. 55ss.
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Jésus et les pauvres
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Ptôchos dérive du verbe ptôchô, se blottir, se cacher, être courbé. Dans Luc 4
(Jésus dans la synagogue de Nazareth) il traduit l’hébreu ani d’Esaïe 61. C’est aussi
le terme qui figure dans la première béatitude. Le mot évoque l’attitude physique du
mendiant, l’attitude morale de celui que la vie a brisé, la position sociale de celui
que les puissants écrasent. Le ptôchos est le pauvre qui a honte de sa condition
et tend à se cacher. « Le mot décrit quelqu’un qui n’est pas juste en dessous du
seuil de pauvreté mais qui est dans la misère » (Blomberg, p. 136). Un autre terme
fréquent définit le pauvre : tapeïnos : humble, de basse condition, modeste, sans
orgueil (le verbe tapeïnoô signifie abaisser, humilier, amoindrir, ou vivre dans le
dénuement). Penès, pauvre, indigent, ne se trouve qu’en 2 Co 9.9. (d’après Carrez,
Morel, Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament, Delachaux & Niestlé /
Cerf, Neuchâtel 1971).
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Les pauvres avec nous
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Jésus et les pauvres
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R. Gmünder, Evangile et développement pour rebâtir l’Afrique, éd. Clé, Yaoundé,
2002, p. 66s.
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Jésus et les pauvres
L’un d’eux, se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu
à pleine voix. Il tomba face contre terre aux pieds de Jésus
et lui rendit grâce. C’était un Samaritain. Jésus demanda :
N’ont-ils pas été purifiés tous les dix ? Et les neuf autres,
où sont-ils ? Ne s’est-il trouvé que cet étranger pour revenir
donner gloire à Dieu ? Puis il lui dit : Lève-toi et va ; ta foi
t’a sauvé.
(Luc 17.11-19)
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Les pauvres avec nous
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Jésus et les pauvres
celui dont ils ne savent peut-être que le nom, et dont ils ont
vaguement entendu dire qu’il avait le pouvoir de guérir les
maladies ? Dans son style laconique, le texte n’en dit rien.
Comme il ne dit quasi rien de la manière dont le miracle se
produit : « Alors qu’ils étaient en chemin, il arriva que... »
Cette sobriété devrait inspirer la nôtre. Face au miracle,
on n’explique pas, on n’analyse pas doctement, on ne fait
pas de la publicité, on ne manipule pas. On fait silence, on
ôte ses chaussures comme sur une terre sainte, et on adore.
Effroi devant une puissance qui est au-delà de nos références
humaines, jubilation devant l’intervention qui restaure et
libère. La puissance de Dieu, parce que c’est celle d’une
semence, n’est pas écrasante : elle relève et communique vie
et dignité.
71
Les pauvres avec nous
tant par ce qu’ils ont fait – puisque, justement, ils n’ont rien
fait, sinon se conformer aux prescriptions d’un Testament
qui pour eux n’était pas encore Ancien ! Ils attirent notre
attention en raison de ce que Jésus leur a fait.
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Jésus et les pauvres
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Jésus et les pauvres
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LES
APÔTRES
ET LES PÈRES
DE L’ÉGLISE
FACE À LA
PAUVRETÉ
Chapitre 4
«
L
’Evangile (eu-angelion), c’est littéralement une Bonne
Nouvelle. Et en effet, en tant que proclamation de la
vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ
comme irruption des « réalités dernières » au beau milieu de
l’histoire humaine, il est un message prodigieux pour tous les
malheureux, laissés-pour-compte et désespérés de la terre19. »
Qu’ont fait de ce message les multitudes qui, au cours des
siècles, se sont réclamées de Celui qui l’a proclamé ?
L’Eglise et les pauvres... Il faudrait parcourir vingt siècles
d’histoire pour évaluer dans quelle mesure la préoccupation
du pauvre a existé dans l’Eglise. Citer des textes de chaque
19
Reto Gmünder, Evangile et développement, Pour rebâtir l’Afrique, p. 39, coll. Foi
et Action, CLE, Yaoundé.2002
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David J. Bosch, op. cit., p. 55.
21
Eschatologique : qui concerne les réalités dernières, l’avènement du Christ et de
son royaume éternel.
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22
L’expression traduite par « service des tables » en grec diakonia trapezais ne
désigne pas nécessairement une « soupe populaire », mais peut-être la gestion
financière des secours. Trapeza désigne la table où l’on mange - mais on ne se mettait
pas forcément « à table » pour les repas en ce temps-là, du moins dans les milieux
modestes. Et le mot signifie aussi banque, ou comptoir pour le change ou les dépôts
d’argent (le banquier de Mt 25.27 est un trapezitès). Notons que le terme diacre ne
figura pas dans Actes 6, mais seulement celui de diaconie et le verbe « diacrer »
(servir !). Mais il ne fait pas de doute que c’est bien du ministère des diacres qu’il
est question ici.
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Les pauvres avec nous
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23
Jean Calvin, Commentaires bibliques, tome VII, ép. à Timothée ; éd. Kerygma,
Aix-en-Provence, 1991, in loc.
24
Le ministère diaconal est très bien attesté et honoré dès les premiers textes des
Pères de l’Eglise et aux siècles suivants. Ainsi Ignace d’Antioche (vers l’an 115)
dit des évêques qu’ils représentent Dieu le Père, des anciens qu’ils personnifient le
collège des apôtres, et des diacres qu’ils représentent Jésus-Christ, le Serviteur. La
Didaché, l’un des plus anciens textes chrétiens non canoniques, dit aussi (XV.1) :
« Elisez-vous des épiscopes [c’est-à-dire des évêques ou anciens] et des diacres
dignes du Seigneur, des hommes doux et désintéressés, véridiques et éprouvés. »
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Les Apôtres et les Pères de l’Église face à la pauvreté
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En fait, la lettre rédigée à l’issue de cette Conférence (Ac15.23-29) ne mentionne
pas cette recommandation. Elle a dû être faite oralement, et Paul en a gardé un vif
souvenir.
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Les pauvres avec nous
Cet appel à donner son argent n’a pas, dans la pensée paulinienne,
de motivation ascétique et n’a rien à voir avec l’exaltation d’une
pauvreté vertueuse (une tendance qu’on rencontrera plus tard
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Les Apôtres et les Pères de l’Église face à la pauvreté
26
Cette absence de contrainte est déjà présente dans le « communisme » de l’Eglise
de Jérusalem après la Pentecôte. En effet, Pierre dit à Ananias : « Lorsque ce champ
était encore à toi, ne pouvais-tu pas le garder ? Et même quand il a été vendu, son
prix ne restait-il pas sous ton autorité ? » (Ac 5.4) Le crime d’Ananias et Saphira
n’est donc pas d’avoir conservé une part du produit de la vente, mais l’hypocrisie
et le mensonge d’avoir prétendu donner la totalité. On verra plus loin que cette
liberté dans le don est également soulignée par des Pères de l’Eglise comme Justin
ou Tertullien.
27
Ce qui est en plein accord avec l’esprit des commandements de l’Ancienne Alliance,
sans cesse fondés sur le souvenir de la libération de l’esclavage en Egypte.
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Actuellement Constantine, Algérie.
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Si la mention des braises amassées sur la tête devait signifier faire du bien à l’autre
par ruse et pour aggraver son cas, elle serait fort peu compatibles avec le contexte,
notamment le v. 17 : « Ne rendez à personne le mal pour le mal, efforcez-vous de
faire ce qui est bien devant tous. » A. Maillot explique : « Ton refus de vengeance
planera certes comme une menace sur ton ennemi, mais il peut alors être interloqué
et comprendre ; ainsi tu auras gagné un frère ! Sinon tant pis pour lui ! Mais en tout
cas, laisse faire Dieu. » (Epître aux Romains, Labor & Fides, Genève, 1984, p. 314).
D’autres commentateurs soulignent que ces « braises » seront une incitation à la
repentance face au jugement, voire un acte de bonté destiné à pousser autrui à une
remise en question salutaire.
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Onzième homélie sur l’épître aux Hébreux.
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Les Apôtres et les Pères de l’Église face à la pauvreté
limites de propriétés39. »
La sévérité de ces prédicateurs contre les riches n’est pas
tant une condamnation de la richesse en elle-même qu’un
plaidoyer pour le sort tragique des plus démunis. La
pauvreté n’est pas admissible, elle doit être éradiquée, et pas
uniquement dans la communauté du Christ. Souscriraient-
ils, ces Pères de l’Eglise, à l’engagement des Nations Unies
d’éliminer d’ici 2015 la moitié de la pauvreté sur la terre ?40
Non, ils en voudraient bien davantage, et pourtant ils vivaient
dans un monde qui était très loin de disposer des ressources
que nous connaissons de nos jours. En tout cas, leur message
reste d’actualité. Quand Ambroise vise les nantis, les
accusant de faire comme si la planète leur appartenait, nous
autres Occidentaux modernes, spoliateurs des ressources
naturelles non renouvelables et gloutons en énergie, nous
nous trouvons au centre de la cible !
39
Prédication sur Naboth le pauvre (cité par A. Hamman, Riches et pauvres dans
l’Eglise ancienne, p. 219s.)
40
Voir à ce propos l’appendice, p. 143-144
101
Les pauvres avec nous
41
Résumé de la citation de G. Hammann, L’amour retrouvé, p. 90.
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L’ÉGLISE ET LES
PAUVRES
DE L’ÉPOQUE
MEDIÉVALE
AUX RÉVEILS
PROTESTANTS
Chapitre 5
D
u 7ème au 10ème siècle, la misère est tragique en
Europe. On ne songe même plus à combattre les
fléaux. On pense que la fin du monde est imminente
et que l’Apocalypse est à la porte. Beaucoup fuient dans la
superstition et l’occultisme : le seul refuge est le surnaturel
dans cette Europe que les invasions barbares ont déstructurée
et fortement repaganisée. Parallèlement, le courant
monastique exalte l’ascèse et la pauvreté. Le but n’est pas
forcément de distribuer ses biens pour les pauvres, mais une
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Les pauvres avec nous
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
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Les pauvres avec nous
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
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Les pauvres avec nous
Ulrich Zwingli
Le Réformateur suisse Ulrich Zwingli, préconise lui aussi
de confier à l’Etat la charge du secours aux indigents. Mais
pour lui, ce n’est pas un pis-aller comme c’était le cas de
Luther. En effet, dans sa vision marquée à la fois par le
multitudinisme et le sacerdoce universel, il lui paraît normal
que les magistrats de Zürich, censés être de pieux chrétiens,
soient les serviteurs de Dieu pour cette tâche : à ses yeux,
l’Eglise et la patrie sont quasiment confondues. G. Hammann
écrit à ce propos : « Formé à l’humanisme, [Zwingli] est
dans ce sens l’un des pères de l’Etat social moderne, l’un des
initiateurs du système des « œuvres sociales », cet héritage
« républicain » et sécularisé de la diaconie « laïque » dont il
se veut le prophète. »
Op. cit., p. 203. Hammann prend soin de mettre entre guillemets des termes
évidemment anachroniques !
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
Martin Bucer
Bucer, le Réformateur de Strasbourg, a particulièrement
réfléchi sur la question de l’Eglise. Il est le premier à avoir
restauré une doctrine biblique de la diversité des ministères,
parmi lesquels le diaconat occupe une place importante. Se
référant au Nouveau Testament (Ac 6, 1 Ti 3), il rappelle que
l’Eglise primitive a institué deux ministères indispensables :
le pastorat et le diaconat : « Il conviendrait, selon la coutume
prise dès les temps apostoliques, d’instituer des hommes et
des femmes dans les Eglises pour le service des malades et
des miséreux. » Ce vœu, exprimé au début de son ministère
strasbourgeois (1523), se réalisera en partie. Il put écrire
Extrait d’une prédication de Zwingli sur Marie, cité par G. Hammann, op. cit., p. 197.
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Les pauvres avec nous
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
Jean Calvin
Calvin a une pensée économique et sociale très complète
qui s’enracine dans ce qu’il appelle la « grâce générale »
(à ne pas confondre avec la « grâce spéciale » qui concerne
le salut éternel), accordée à l’humanité par la Providence
divine en vertu de l’alliance en Noé. Les institutions sociales
de la Genève de Calvin étaient en avance sur leur temps.
D’ailleurs, avant même sa venue, le Conseil de la ville
avait adopté la Réforme le 21 mai 1536 – or, dans la même
séance mémorable, le Conseil décréta l’instruction publique
obligatoire, gratuite pour les enfants des familles pauvres, et
le contrôle du prix du pain pour que les indigents ne soient
pas réduits à la famine en temps de pénurie. Bientôt après
s’ouvrira l’Hospice Général, hôpital accueillant gratuitement
les nécessiteux, financé par la vente des propriétés de l’Eglise
catholique.
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Les pauvres avec nous
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
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Les pauvres avec nous
Le piétisme
Le mouvement piétiste, né en Allemagne durant la seconde
moitié du 17ème siècle, a eu une forte influence dans le
domaine social. Plus particulièrement grâce à l’influence
d’Auguste Hermann Franke (1663-1727), successeur de
Spener, l’initiateur du mouvement. Pasteur, pédagogue et
scientifique, il fut appelé à fonder, en 1691, l’Université de
Halle, au sud de Berlin, conçue selon une vision très moderne
pour l’époque. Ce fut une pépinière de prédicateurs et de
missionnaires qui marquèrent profondément la vie religieuse
et sociale de l’Allemagne du 18ème siècle. Franke créa les
fondations de Halle, destinées à soutenir des écoles pour
les pauvres. Il accueillit des enfants de tous milieux sociaux
pour leur assurer une formation professionnelle. Pasteur
du quartier de Glaucha où régnait la misère, il y ouvrit un
orphelinat, un asile pour vieillards, une maison de santé pour
les indigents et diverses autres œuvres sociales.
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
Le mouvement morave
Le mouvement morave, fondé par le comte Nicolas de
Zinzendorf (1700-1760) est issu du piétisme. Le comte
accueillit sur ses terres des réfugiés de Bohême et Moravie,
descendants des Hussites du 15ème siècle persécutés pour leur
foi et vivant dans la misère et la clandestinité depuis des
siècles. Après avoir fondé pour eux le village de Herrnhut,
en Allemagne orientale, où se pratiquait le partage intégral
des biens, Zinzendorf fonda d’autres communautés. Sur une
colline de la Wetterau près de Francfort, les autorités avaient
rassemblé, dans un lieu plus ou moins protégé, marginaux
et persécutés de tout bord. C’était, selon un rapport d’un
collaborateur de Zinzendorf, « le siège de la misère, de
la saleté, fourmillant de voleurs, de tziganes, de juifs, de
14
J. Blocher, J. Blandenier, Précis d’Histoire des Mission volume 1, L’Evangélisation
du monde, éd Groupes Missionnaires et Institut Biblique de Nogent, Lavigny et
Nogent, 1998, p.326.
115
Les pauvres avec nous
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Un pasteur luthérien estonien me disait il y a quelques années : les moraves furent
les premiers à nous considérer, nous les Baltes, comme des être humains !
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
John Wesley
Un des premiers et sans doute le plus grand parmi les
revivalistes, John Wesley (1703-1791) était un prédicateur
de l’Évangile, et non un réformateur social. Mais sa
prédication a contribué à réformer profondément la société
dans l’Angleterre de la seconde moitié du 18ème siècle en
proie aux drames dus à l’urbanisation et l’industrialisation
naissantes. Sa sensibilité à la dimension sociale de l’Évangile
s’est manifestée dans sa manière de vivre pauvrement alors
que le nombre croissant de ses amis aisés lui aurait permis
de s’enrichir –il donnait aux pauvres tout ce qu’il recevait.
Certains hivers, la famine fut telle que vieillards et enfants
moururent en nombre effrayant. Dans un tel contexte, il ne
pouvait que se dépouiller et appeler, au nom de l’Évangile, les
possédants à faire de même : « Dans la main des enfants de
Dieu, l’argent est du pain pour celui qui a faim, un breuvage
pour celui qui a soif, des vêtements pour ceux qui sont nus...
(L’argent) nous permet en quelque sorte, de tenir lieu de mari
à la veuve, de père à l’orphelin. Il nous fournit le moyen
de défendre l’opprimé, de ramener à la santé le malade, de
donner du repos à celui qui souffre17... »
Cinq mois avant sa mort, Wesley écrivit Le Danger
d’accroître ses richesses — c’est son dernier sermon
rédigé : « Employons notre âme, notre corps, nos
biens, selon la volonté du Maître. Après avoir gagné
16
Pour les Missions moraves et leur influence parmi les esclaves et les populations
déshéritées, voyez : Jacques Blocher et Jacques Blandenier, op. cit., p. 336ss.
17
Sermon sur l’Emploi de l’argent (1760), cité par Mathieu Lelièvre, La Théologie
de Wesley, Publications évangéliques méthodistes, Nîmes, 2ème éd., 1990, p. 79.
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L’Église et les pauvres de l’époque mediévale aux Réveils protestants
L’Armée du Salut
Parmi les œuvres consacrées à l’aide aux démunis, l’Armée
du Salut occupe une place à part, et cette place est éminente !
Numériquement très minoritaire au sein du protestantisme,
elle en est pourtant une des manifestations les plus
universellement connues et respectées. Depuis plus d’un
siècle, l’Armée du Salut a conservé un remarquable équilibre
entre la dimension spirituelle (surtout l’évangélisation) et
la dimension sociale, selon le slogan bien connu : Soupe,
Savon, Salut. William Booth (1829-1912) était un pasteur
méthodiste anglais zélé pour l’évangélisation qui constata
que les Eglises traditionnelles étaient inaptes à accueillir
les gens de la classe ouvrière répondant à son appel à la
conversion. Il fut amené à fonder une Association chrétienne
pour le Réveil à laquelle il donnera bientôt, dans un souci
d’efficacité dans la guerre contre la misère, la structure d’une
armée (1878). L’action en faveur des sans logis se développa
rapidement en Angleterre et bientôt sur le continent. Sa
femme Catherine, « la Maréchale » qui prêchait en public
au grand dam des milieux ecclésiastiques, fit en travail
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Les pauvres avec nous
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C’est surtout suite aux interventions réitérées des officiers de l’Armée du Salut,
tant en Guyane qu’en métropole, que la décision de supprimer le bagne colonial fut
prise par le gouvernement français en 1938. Elle ne devint effective qu’entre 1950
et 1953.
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PISTES DE
RÉFLEXION
POUR
L’ÉGLISE
Chapitre 6
C
oncernant le 20ème siècle et le début du 21ème, il est
impossible de poursuivre, comme nous l’avons fait
pour les périodes précédentes, une énumération même
fragmentaire des personnalités et des œuvres témoignant de la
sensibilité du peuple de Dieu envers les pauvres. En effet, pour
éviter que ce dernier chapitre prenne la forme d’un annuaire
des œuvres caritatives chrétiennes, il faudrait donner à notre
ouvrage une ampleur dépassant notre projet, ou alors encourir
le reproche d’une sélection inévitablement subjective ! C’est
l’heureux signe d’une multiplication des initiatives, qu’il
s’agisse de l’engagement auprès des personnes fragilisées
dans nos pays ou du travail en contexte missionnaire.
Il saute aux yeux qu’en mission, l’évangélisation est allée
constamment de pair avec le travail médical et la santé
communautaire, la scolarisation, la formation professionnelle,
l’amélioration des cultures pour une alimentation plus
équilibrée, etc. Pour s’en faire une idée, nous renvoyons
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Pistes de réflexion pour l’Église
L’attitude très réservée des évangéliques à l’égard de la lutte contre l’apartheid en
Afrique du Sud illustre, je crois, ce « réflexe » de crainte plutôt qu’une mentalité raciste.
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PRESENTATION SUCCINCTE
DU DEFI MICHÉE
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occasions qui se présentent à nous pour affirmer clairement
le message biblique de la création de l’homme en image de
Dieu et de l’amour du prochain.
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