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no/studier/emner/hf/ilos/FRA1103/h04/undervisningsmateriale/FRA1103-
norme.html
1. Un peu d’histoire
L’enseignement de la phonétique/phonologie dans les langues étrangères a très longtemps été réduit
à sa plus simple expression. On peut même dire que jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’enseignement
de la prononciation passe toujours par la graphie (correspondance son-graphème) et se borne à la
répétition de mots ou de phrases. Cette mise à l’écart de la phonétique est due à la primauté de
l’écrit sur l’oral. Apprendre une langue, c’est avant tout maîtriser la grammaire, pouvoir traduire,
écrire. La fin du siècle est marquée par l’essor de la phonétique comme science et, tout
naturellement, les retombées des nombreuses découvertes se font vite sentir dans l’enseignement
des langues étrangères qui met l’oral au premier plan de l’apprentissage. S’amorce alors un grand
mouvement vers une meilleure pratique de l’oral et la phonétique[1] trouve une place de choix dans
l’enseignement qui développe aussi bien l’aspect discriminatoire qu’articulatoire des sons d’une
langue étrangère. Cependant, depuis les années soixante, on assiste à une érosion de la place de la
phonétique provoquée par le rôle dominant de théories de l’apprentissage qui minimisent
l’importance de l’acquisition d’une excellente prononciation. Il s’agit surtout de l’approche
communicative qui met l’accent sur la communication minimale mettant en exergue le critère
d’acceptabilité aux dépens du critère d’excellence de la performance. En d’autres termes, on ne
demande pas à l’apprenant, dans un premier temps, de s’exprimer sans aucune faute mais d’être à
même de communiquer. On comprend comment dans cette optique, la phonétique comme matière
d’enseignement se voit marginalisée et souvent ignorée. Parmi les idées reçues, il en est trois qui
ont beaucoup influencé cette absence d’intérêt pour une matière jadis populaire :
A partir de la puberté les contraintes physiologiques sont telles qu’il n’est plus possible de
maîtriser les habitudes articulatoires d’une langue étrangère.
Il suffit d’être exposé à une langue étrangère pour en acquérir une certaine maîtrise des sons.
La communication n’est pas affectée par la présence d’un accent étranger.
Nous ne nous étendrons pas à réfuter tous ces points systématiquement, mais remarquerons
simplement que les résultats de nombreuses recherches vont à l’encontre des ces affirmations. Il ne
fait aucun doute que l’acquisition d’une langue première est pratiquement impossible après la
puberté mais l’apprentissage des sons d’une langue seconde n’est pas exclu même si, pour certains,
il reste difficile d’envisager une compétence semblable à celle d’un locuteur natif. De nombreux
tests ont aussi montré que les aptitudes phonétiques des apprenants étaient de meilleur niveau si
l’apprentissage était systématique et si l’apprenant n’était pas laissé livré à lui-même. Enfin, qui ne
s’est pas trouvé un jour en face d’un Anglais, Français, etc., qui semble tout simplement refuser de
comprendre la question qui lui est posée sans autre raison apparente que le fait qu’il a détecté la
présence d’un accent étranger?
Une réflexion sur la phonétique/phonologie d’une langue ne doit représenter qu’une facette d’un
ensemble de réflexions sur l’oral. Les objectifs qu’un étudiant de français langue étrangère se
destinant à l’enseignement doit se fixer, sont en effet :
Nous ne pouvons cependant pas aborder ces différentes questions sans en évoquer deux autres tout
aussi capitales: Quel oral ? Quel français enseigner dans la classe de français langue étrangère (ci-
après FLE) ? Ces questions présupposent dans leur formulation qu'il n'existe pas un français, mais
plusieurs variétés de français. Les sociolinguistes s’attachent en effet à décrire les variétés
géographiques, stylistiques et sociales d’une langue. Au-delà de cet angle dit variationniste, force
nous est de constater que la situation est encore plus complexe du fait que l'expression langue
française recouvre trois interprétations:
(i) le français comme langue de communication à l'intérieur d'une communauté restreinte,
(ii) le français comme langue officielle
(iii) le français comme langue internationale.
Le pivot de ces trois types est bien évidemment le français comme langue officielle et la plupart des
locuteurs font l'adéquation langue française = langue de l'Etat = langue standard. Nous nous
intéresserons en 2. et 3. à la langue standard, implicite ou explicite dans tout enseignement, avant
d’aborder en 4. le français comme langue de communication à l’intérieur d’une communauté
restreinte, langue qui varie selon la région dans laquelle elle s'est développée.
L'existence d'une langue standard n'est pas l'apanage du français mais représente un processus
constant dans le développement de toute langue. Dans les interactions quotidiennes, les variations
langagières quoique toujours présentes ne sont pas toutes porteuses de 'sens', il en va tout autrement
lorsqu'une communauté linguistique tente de se démarquer, de s'affirmer. C'est en effet grâce à la
variation et à travers elle que chaque communauté va pouvoir faire état de son identité. Pourtant
lorsque les besoins d'interaction se font sentir, deux communautés linguistiques s'efforcent de
s'entendre sur une forme neutre. On appelle véhiculaire, la langue neutre qui sert à la
communication entre plusieurs communautés, et le véhiculaire s’oppose au vernaculaire, la langue
propre à une seule communauté linguistique. Le vernaculaire est investi de deux fonctions, tout
d'abord d'assurer la communication interne au groupe et ensuite de promouvoir l'identité
linguistique. La langue véhiculaire, de son côté, rassemble plusieurs communautés et, pour garantir
son efficacité, elle se doit d'être normalisée. La langue véhiculaire est alors la première étape vers
l'établissement d'une norme. Dans un premier pas vers une définition du standard, nous dirons que
le standard constitue la norme. Notre définition de la langue standard sera donc générale et pas
uniquement valable pour le français.
Un examen des manuels d'enseignements à l'intention des collèges et des lycées norvégiens montre
sans surprise que le français enseigné est un français dit standard et cela bien que ce choix ne soit
pas explicitement discuté par les auteurs des manuels. Mais quel est en fait ce standard ? Comment
en est-il venu à dominer complètement le paysage linguistique français ? Voilà les questions
auxquelles nous tenterons maintenant de répondre.
Depuis 1992, l'article 2 de la constitution française a été enrichi de la phrase suivante: "La langue de
la République est le français." Cette situation est unique au français et rappelons qu’aux Etats-Unis,
par exemple, il n’existe pas de langue dite officielle. En France au contraire, l’association de
‘République’ et de ‘français’ remonte à la Révolution qui encourageait l'unification linguistique
dans un but égalitariste. En effet, sous l'Ancien Régime, c'étaient principalement les nobles et les
bourgeois qui parlaient un français 'officiel' (langue de la cour, de l'administration). Sur 25 millions
d'habitants, 3 millions seulement parlaient uniquement ce français, 6 millions parlaient une autre
langue et le reste de la population parlait un dialecte et possédait quelques rudiments du français
'officiel'. Pour les révolutionnaires, de même qu'il était nécessaire d'abolir la corvée (travail qu’un
paysan devait effectuer gratuitement pour son seigneur) comme symbole d'un régime féodal, de
même il était essentiel de débarrasser la France de tous ses dialectes et autres langues.
« L'imposition de la langue légitime contre les idiomes et les patois fait ainsi partie des stratégies
politiques destinées à assurer l'éternisation des acquis de la Révolution par la production et la
reproduction de l'homme nouveau. » (Bourdieu, 1982 : 31).
La mainmise de l'Etat sur la langue remonte à 1539 avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts par
laquelle François 1er impose le français dans tous les actes officiels, puis s'institutionnalise en 1634
avec la fondation par Richelieu de l'Académie. L'Académie n'a pas un rôle de législateur mais de
protecteur et elle enregistre l'usage "pourvu que celui-ci soit bien formé et bien installé" (Bertrand
Poirot Delpech de l'Académie française, nov. 2000), c.-à-d. pourvu qu'il soit conforme à la norme,
couramment appelée le français standard. Mais peut-on définir ce français standard? La réponse à
cette question passe par une discussion du code écrit et du code oral, deux notions que nous
envisagerons maintenant.
Un des problèmes posés par l'oral, que ce soit lorsqu'on l'étudie ou qu'on l'enseigne, provient de ce
que l'oral n'a pas été soumis à la même codification systématique que l'écrit.Tous les travaux des
linguistes s’attachent plus à en comprendre les mécanismes, à démontrer son autonomie qu’à
développer un code (Blanche-Benvéniste (1997), par exemple). L’écrit, particulièrement à travers la
grammaire, est codifié depuis longtemps. Cette grammaire est prescriptive et normative et les
variantes sont saisies comme des écarts qui sont tolérés, au pire considérés comme des fautes. La
norme de l’écrit est aisément circonscriptible. C’est essentiellement la langue des grands écrivains
et ce rapport constant avec des textes qui peuvent être consultés et vérifiés lui confère un aspect
d'impartialité. Définir une norme orale, en revanche, s’avère plus complexe pour un ensemble de
raisons dont nous envisagerons uniquement les principales. Certes on opère depuis longtemps avec
une norme orale mais on entend par là une norme écrite projetée sur l’oral. Ceci se reflète dans le
système scolaire qui valorise un oral entièrement codifié sur la base de l’écrit et ‘parler
correctement’ devient synonyme de ‘parler comme dans les livres’. Pour établir une véritable norme
orale, il faudrait codifier non seulement la syntaxe, la morphologie et le lexique de l’oral, mais aussi
la prononciation, domaine qui nous concerne plus particulièrement dans ce cours. La norme orale ne
dispose pas de support objectif si ce ne sont les enregistrements, les enquêtes, mais elle passe alors
obligatoirement par le filtre auditif de l'enquêteur-auditeur. L’enquêteur, à moins de soumettre ses
enregistrements à des études acoustiques, croit souvent entendre les sons qu’il possède lui-même, ce
que nous illustrerons par un exemple. En Normandie, les voyelles sont souvent allongées, et cet
allongement permet de faire la distinction entre le masculin (‘il est né’ sans allongement) et le
féminin (‘elle est née’ avec allongement). Certains Normands, si on leur pose la question de la
longueur, répondront que c’est une caractéristique du français en général et qu’elle permet de faire
des oppositions morphologiques, et pourtant la longueur a disparu dans la plupart des régions
françaises...De plus, si on reconnaît à l’écrit une grande stabilité, la construction d’un corpus de
l'oral s'avère bien plus problématique du fait de la constante évolution de l'objet étudié.
On aboutit ainsi à une norme d’usage que l’on peut caractériser de politique, voire d’idéologique. Il
suffit de faire un tour d'horizon historique de la définition du ‘français standard’ en matière de
prononciation pour s'en rendre compte (Laks, 2002):
Estienne (1582) : L’usage du Parlement plutôt que celui de la cour. Il est suivi par les
protestants mécontents de leur sort.
A l'époque moderne, les orthoépistes se disputent encore sur le groupe social de référence:
S’il y a débat sur la norme orale, ces définitions indiquent qu'il existe toutefois un consensus sur la
prévalence du français parlé par les Parisiens éduqués (norme géographique et sociale). On parlera
de bourgeoisie parisienne éduquée, de la langue soignée des Parisiens éduqués ou de celle de la
classe dirigeante. Le français standard (FS) représente ainsi une norme d’usage dont la définition
suit:
Observons cependant pour conclure que cette définition perpétue les faiblesses déjà mentionnées :
‘langue que l’on attribue’. On ne dispose jusqu’à présent d’aucun corpus.[2]
‘Parisiens’. Doit-on être né et avoir toujours vécu dans la capitale ?
‘éduqués’. Selon quels critères ces personnes sont-elles choisies, bac + 2, 3 ?
Nous avons aussi spécifié dans notre définition le registre car même les Parisiens éduqués utilisent
dans la conversation courante, des formes syntaxiques considérées comme déviantes (‘voilà l’outil
que j’ai besoin’).
Le français standard, ou l’image que l’on s’en fait, constituera, en dépit de ces faiblesses, notre
référence et il est d’ailleurs, depuis le travail de Morin (2000), de plus en plus souvent qualifié de
français de référence.
Dans le cadre du FLE, comme nous le montrerons en 5., ce français de référence représente la
norme pédagogique, une norme où une certaine variation est tolérée par tous les Français, (taie
prononcé comme thé, mais qui exclut la prononciation de mère avec une voyelle fermée, comme
dans thé). Toutefois cette variation ne doit pas trahir les origines du locuteur, qu'elles soient
géographiques et/ou sociales. C’est ce dernier type de variarion que nous aborderons maintenant
sachant que la place donnée à l’aspect communicatif de la langue dans l’enseignement exige,
qu’une fois le standard maîtrisé, l’on introduise la langue telle qu’elle est parlée dans toute sa
diversité.
4. La variation
Dans cette section, nous nous attacherons principalement à la variété géographique, sachant que
chacune des variétés géographiques décrites est soumise à des variétés sociales et stylistiques.
Depuis les XVIe siècle, la variété parisienne gagne petit à petit du terrain, mais ce français n’a
commencé à s’imposer véritablement qu’à la révolution pour se généraliser après la première guerre
mondiale, aidé en cela par l’enseignement obligatoire. Pourtant, malgré tous les efforts faits pour
diffuser le FS sur le territoire de l'Hexagone (où il s'est vu remplacer plus ou moins partiellement
d'autres langues comme les dialectes occitans, le catalan, le basque, le breton, le flamand, l'alsacien
et a fait reculer les dialectes et langues régionales) et dans le monde francophone, la variété
linguistique reste présente en France et hors de France. Il existe en effet une multitude de variantes
de français parlées aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Hexagone qui se distinguent du FS
parfois de quelques sons, ou de quelques termes, mais qui parfois peuvent être difficilement
compréhensibles pour une oreille non initiée. On trouve ainsi toute une gamme de français allant du
FS aux créoles à base lexicale française en passant par les français régionaux, le français populaire
et les français dialectaux.
A l'intérieur même de l'Hexagone et comme le montre le livre p. 1à 3, sont parlées d'autres langues
que le français qui côtoient ainsi les dialectes et parlers régionaux issus de la langue d'oïl dans le
Nord du pays et de la langue d'oc, dans le Sud. La situation s'avère d'autant plus complexe que l'on
y trouve en plus de ces variétés géographiquement circonscriptibles (français normand, franco-
provençal, etc.) toute une gamme de français s'écartant plus ou moins du FS, liées soit à différentes
classes sociales soit à différentes situations de communication. Ces variations relèvent du domaine
de l'oral, l'écrit étant traditionnellement très normalisé comme nous l’avons vu en 3. A la dimension
géographique il faut donc superposer la dimension stylistique. On va ainsi trouver tout un éventail
de français parlés à l'intérieur de l'Hexagone, situation qui se reflète dans un foisonnement de
termes bien souvent employés les uns pour les autres : français parlé, français ordinaire, français
familier ou encore français populaire.
Variation géographique
Les français régionaux représentent les variétés les plus proches du FS. Ce sont des parlers
dont l'emploi est géographiquement limité et qui sont constitués d'un noyau proche du FS,
mais qui se distinguent de ce dernier par une série d'écarts sur le plan phonologique et
lexical. La grammaire des français régionaux est donc identique à celle du FS. D'après
Tuaillon (1983) 95% des régionalismes sont d'ordre lexical et 5% seulement d'ordre
grammatical. Il faut distinguer les français régionaux des français dialectaux qui
correspondent eux aussi à des régions géographiques mais qui s'écartent beaucoup plus du
FS.
Les francais dialectaux sont souvent associés aux français régionaux puisque leur emploi
est géographiquement délimité. Ils s'en distinguent toutefois en ce sens que, tout d'abord,
l'écart entre eux et le FS est nettement plus grand sur le plan phonologique et lexical et
qu'ensuite leur grammaire diffère en plusieurs points de celle du FS, aussi bien dans le
domaine de la morphologie que dans celui de la syntaxe. Un français dialectal sera donc plus
difficile à comprendre pour un locuteur d'une autre région qu'un français régional.
Variation stylistique
Le français soutenu
Le français soutenu est le français employé dans certains contextes de communication où
l'on se doit de soigner sa prononciation. C'est le cas pour le style de la conférence ou d'un
entretien avec un supérieur, par exemple. C'est un français qui calque plus ou moins l’écrit et
qui s'avère difficile à définir. Il se caractérise par le choix lexical, une élocution lente, une
certaine complexité syntaxique et, à un moindre degré, par des particularités
morphologiques et phonétiques.
Le français populaire est maintenant le plus souvent défini comme "l'idiome parlé
couramment et naturellement dans le peuple". Gadet (1992:26), par exemple, le définit d'un
point de vue sociologique comme le français parlé par des locuteurs ayant les
caractéristiques suivantes: "profession ouvrière ou assimilée, niveau d'études réduit, habitat
urbain, salaire peu élevé, niveau de responsabilités limité...", et linguistiquement comme "un
usage non standard stigmatisé caractérisé par une grande variation".
Le français populaire, tout comme le français ordinaire ou familier, se retrouve dans toutes les
variétés géographiques et se distingue du standard dans les domaines de la phonologie, du lexique,
de la morphologie et de la syntaxe, mais l'écart entre le standard et le français populaire est plus
important que celui entre le standard et le français ordinaire. Plutôt que de parler d’opposition entre
ces différentes variantes, on utilisera de préférence la notion de continuum linguistique:
français soutenu - français ordinaire (ou français familier) - français populaire.
Cette notion de continuum est fort bien illustrée par une situation d’enregistrement public où les
locuteurs ne s’en tiennent pas à un seul registre. Comme le remarquent Léon et Léon (1997) :
« Il suffit d’écouter une émission littéraire, comme celle de Bernard Pivot qui parle en public, mais
de manière très naturelle, pour s’apercevoir de toutes les « fautes » que commettent les Français par
rapport à une norme pédagogique. »
Il faut noter en parallèle avec ces deux grandes catégories de variation que d'autres types qui se
retrouvent dans toutes les variétés géographiques, il s'agit de la variation en fonction de l'âge et du
sexe et de la variation sociale.
Si la situation sur le territoire métropolitain s'avère complexe, elle l'est encore plus à l'extérieur de
l'Hexagone. Le monde francophone offre toute une diversité de variétés allant du FS aux créoles à
base lexicale française. La carte ci-dessous donne un aperçu des régions du globe où l'on utilise le
français sous une ou plusieurs de ses formes. L'ensemble de ces territoires est souvent désigné sous
le nom de francophonie.
Le terme francophonie a été forgé en 1887 par le géographe français, Onésime Reclus, pour
désigner les personnes et les pays qui utilisent la langue française à des titres divers. L'idée même
de la francophonie est relativement neuve, en revanche, puisqu'elle remonte aux années 1960, c'est-
à-dire à la décolonisation lorsque des dirigeants de pays africains (Sénégal, Côte d'Ivoire, Tunisie)
envisagent la constitution d'une communauté francophone dont l'impulsion est donnée en 1962 par
un article de Léopold Senghor, Président du Sénégal, dans la revue Esprit où il parle de ce
"merveilleux outil trouvé dans les décombres du régime colonial: la langue française." Le mot
Francophonie recouvre aujourd'hui trois sens différents (Ager 1996):
Il recouvre une réalité linguistique lorsqu'il désigne les pays et régions du monde où le
français est une langue utilisée pour communiquer, qu'il ait ou non le statut de langue
officielle.
Il prend un sens politique lorsqu'il désigne l'organisation officielle des pays et des régions de
langue française dont les chefs d'État se réunissent régulièrement dans le but d'aligner leur
politique linguistique et culturelle.
Le troisième sens du mot couvre une certaine conception de la culture dont la langue
française serait le véhicule.
Comme nous l'avons déjà signalé, la communauté francophone est bien loin d'être homogène d'un
point de vue linguistique. On y trouve toute une gamme de français allant du FS aux créoles à base
lexicale française en passant par ce que l'on pourrait caractériser de variétés régionales et
dialectales.
En Europe
Dans tous les cas, nous avons affaire à des régions de tradition française, où le français, tout comme
dans l’Hexagone, trouve sa source dans des formes latines. Il s'agit de la Belgique, de la Suisse et
du Luxembourg. Les variétés de français qui y sont parlées sont des français régionaux, mais il faut
également souligner l'existence de variétés dialectales. La présence du français en Europe ne se
limite pas toutefois à ces trois pays. Il faut également mentionner le cas du Val d’Aoste où une
petite communauté francophone de Valdôtins se battent pour conserver leur langue.
Dans toutes les autres régions, le français a été importé par des colons français ou à la suite de
conquêtes militaires.
En Amérique
Le français dit québécois est sans aucun doute la variété nord-américaine qui a su faire le plus parler
d'elle. La situation du français au Canada reflète celle de l’Hexagone dans toute sa complexité: à
côté d'une certaine variété de québécois qui a réussi obtenir un statut officiel et qui fait figure de
standard, on trouve toute une gamme de français canadiens, comme par exemple l'acadien, une
autre variété de français parlée dans les Provinces Maritimes. Il est intéressant de noter dans le cas
du Canada, que l'attitude des Québécois vis-à-vis de leur variété de français n'a pas toujours été
celle que l'on connaît aujourd'hui. Ce n'est que dans les années 60 que le complexe d'infériorité qui
les marquait a fait place à un sentiment de fierté linguistique qui se fait aujourd'hui sentir dans tous
les domaines et qui mène à un emploi de plus en plus généralisé de leur variété au dépens du FS.
L'emploi du français en Amérique du Nord ne se limite pas au Canada et l'on doit noter la présence
de communautés françaises le long de la côte Est des Etats-Unis dans le Maine ou encore le
Missouri et surtout dans le Sud du pays, dans l'État de Louisiane où l'on ne parle pas moins de trois
variétés différentes de français, le FS, le cadien (un parler ayant la même source que l'acadien des
Provinces Maritimes canadiennes, descendant des dialectes de l'Ouest de la France, Poitou et
Vendée principalement) et finalement le créole louisianais.
En Afrique
En Afrique, le français a été typiquement imposé à la suite de conquêtes militaires mais il convient
de distinguer entre les pays du Maghreb et l'Afrique subsaharienne.
Dans les pays du Maghreb, l'arabe est la seule langue officielle mais le FS continue d'être employé
principalement par une certaine élite culturelle bien que sa survie soit sérieusement menacée pour
des raisons politiques entre autres.
En Afrique subsaharienne, le français est la langue officielle d'un grand nombre de pays (voir carte
p.8) où il maintient sa place en raison de la multiplicité des ethnies et de l’absence de langue locale
pouvant rassembler les populations et constituer ainsi une langue standard. Par ailleurs le français
est l'une de deux ou plusieurs langues officielles dans les pays suivants:
Burundi, Cameroun, Maurétanie, Rwanda et Tchad.
Dans tous ces cas il s'agit du FS, et il faut noter, à côté de ce français officiel, la présence d'une
multitude de variétés régionales, plus ou moins créolisées, comme c'est le cas du français parlé
d'Abidjan en Côte d'Ivoire par exemple.
En ce qui concerne la situation du français dans ces zones, nous mentionnerons spécialement le cas
fort intéressant de Haïti où se trouvent les 3/4 des créolophones du monde (Valdman 1978:31). Le
créole y a par ailleurs un statut tout à fait privilégié. En effet, si le FS est considéré comme la langue
de l'administration et de l'éducation, il n'en reste pas moins que seulement 10% de la population, la
bourgeoisie citadine, le parle alors que les autres 90% sont créolophones unilingues.
Les Antilles françaises présentent une situation que l’on retrouve dans tous les DOM-TOM
(départements et territoires d’Outre-Mer) où le FS côtoie le français régional plus ou moins créolisé
et le créole. Ces régions sont caractérisées par un continuum linguistique qui inclut un bilinguisme
français-créole.
En Guyane, finalement, le créole guyanais est parlé par 45000 Guyanais, mais a lui aussi le statut de
langue infériorisée.
Nous concluerons cet aperçu sur la variété en soulignant le fait que toutes ces variétés ne se
distribuent pas uniformément sur une échelle d’intercompréhension. La plupart des variétés non
hexagonales sont sous-titrées à la télévision, par exemple lors d’interviews au journal télévisé. C’est
souvent aussi le cas pour la langue des émigrés vivant en France et pour les films canadiens même
si la langue utilisée est le canadien standard, assez proche du FS. Nous nous pencherons maintenant
sur la place de cette variation dans l'enseignement
Il est clair qu'il n'est pas question ici de proposer d'introduire une norme régionale dans ce genre
d'enseignement. Avant de se prononcer sur la place des variétés dans l'enseignement du FLE, on
pourrait être tenté de comparer de ce point de vue cet enseignement avec celui de l'anglais. Les
manuels d'anglais langue étrangère accordent depuis longtemps une place substantielle aux
différentes variétés d'anglais parlées aussi bien sur le territoire de la Grande Bretagne que sur le
reste du globe, comme en Australie, en Inde, en Afrique ou encore en Nouvelle Zélande. Ceci dit,
cette pratique est très probablement liée à l'attitude traditionnellement beaucoup plus libérale de la
Grande Bretagne vis-à -vis des différentes formes d'anglais. Ainsi la position prestigieuse qu'occupe
la fameuse RP (received pronunciation) n'a pas conduit à la dévalorisation des variantes régionales
et dialectales ainsi que cela a été (et est toujours en partie) le cas pour le français. L'attitude de la
France à l'égard de ses variétés dialectales et régionales est bien connue: il suffit de se rappeler à ce
propos le titre de l'enquête réalisée par Grégoire entre 1790 et 1794 sur les patois français: Sur la
nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française. Cette
absence de tolérance vis à vis de la variation s'est vue renforcée par la volonté de codification de la
langue française qui semble avoir existé de tout temps. F. Brunot (1966:III,4., cité dans Lodge
1993:157) va même jusqu'à dire que le "règne de la grammaire... a été plus tyrannique et plus long
en France qu'en aucun pays".
L’anglais se distingue aussi du français en ce qu’il n’a jamais tenté d’imposer une ‘norme
internationale’. En effet un locuteur australien, indien ou américain ne fait pas l’objet de pressions
pour adopter le standard RP. La situation est bien différente pour les locuteurs belges ou québécois,
par exemple, qui doivent toujours se battre pour faire respecter leur variété aussi bien à l’oral qu’à
l’écrit, le français international étant pour beaucoup synonyme de français standard.
Cet objectif peut sembler bien ambitieux si l'on prend en considération le niveau élémentaire des
élèves et la relative brièveté de la période d'apprentissage, 3 à 5 ans, selon que les élèves ont choisi
ou non le français comme matière optionnelle au collège et qu'ils continuent ou non le français
comme matière d'approfondissement en classe de terminale. On ne peut donc s'attendre à ce que
l'apprenant soit en mesure d'acquérir une réelle compétence communicative dans le seul cadre de la
classe de langue. Vu sous cette optique, l'enseignement du FLE ne peut qu'apporter un degré de
compétence communicative relativement limité et l'on peut défendre dans ce cadre le choix d'une
norme qui corresponde soit au FS, soit à une sorte de koîné, un français dénué de tout
particularisme dialectal ou sociolectal puisque cette norme, bien qu'abstraite, nous l'avons vu, est
comprise dans la plus grande partie du monde francophone. Elle va fonctionner comme une sorte de
français passe-partout qui permettra également une certaine variation dans l'expression puisque l'on
peut opérer avec différents niveaux de style.
Le choix du FS comme norme enseignée n'implique pas toutefois le rejet total de la variation dans
l'enseignement du FLE, et cela à un stade même relativement précoce. Il n'est bien sûr pas question
de prôner l'apprentissage actif des différentes variantes du français à ce stade, mais d'introduire la
variation implicitement dans le cadre du deuxième but de l'enseignement du FLE. Nous pensons en
effet, à la suite de Valdman (1975 et 2000), qu'il est nécessaire de redéfinir le but de l'enseignement
des langues étrangères: il ne doit pas se limiter uniquement à l'acquisition d'un certain degré de
compétence communicative, mais doit aussi contribuer à l'éveil de la conscience linguistique de
l'élève. L'introduction de la variation très tôt dans l'apprentissage permettra d'insérer dans
l'enseignement des langues vivantes une dimension essentielle: la prise de conscience du
comportement langagier, l'apprentissage de la tolérance linguistique et par là de la tolérance d'une
façon générale, prenant ainsi le relais de l'enseignement de la langue maternelle. Il est clair donc
qu'il ne s'agit pas d'exiger de l'apprenant la maîtrise des différentes variantes. Il est plutôt question
ici d'introduire cette variation de façon implicite, par le choix de textes (c'est déjà le cas
actuellement en Norvège, mais de façon très limitée), de documents sonores et audiovisuels
donnant aux élèves une certaine connaissance passive de ces variantes, qu'il s'agisse de registres de
langue ou de variétés régionales ou dialectales. Les élèves pourront ainsi par la seule observation
prendre conscience de la variation, ce qui leur permettra de comprendre à l'occasion un locuteur les
employant et d'avoir vis-à-vis de celui-ci une attitude dénuée de préjugés linguistiques. L'attitude de
l'enseignant quant à ces variantes jouera un rôle primordial. Il devra éviter toute survalorisation de
la norme enseignée et amener les élèves à distinguer entre variation et infériorisation. Ils devront
ainsi réfléchir sur le rôle de la variation linguistique dans nos sociétés de plus en plus hétérogènes et
seront plus en mesure d'acquérir une attitude plus objective vis-à vis des langues et de leurs
locuteurs d'une façon générale.
Résumé
L’enseignement de la prononciation a pendant très longtemps été basé sur la graphie. L’approche
communicative ne met pas l’accent sur une prononciation sans faute.
Dans une langue une norme se développe pour faciliter la communication entre plusieurs
communautés linguistiques.
Norme orale : difficile à cerner. Sa définition reste floue. Elle ne correspond pas à un corpus précis.
On la conçoit non pas comme un code mais comme reflétant un usage.
Français standard : la langue enseignée en français langue étrangère. C'est la langue que l’on
attribue aux Parisiens éduqués dans un registre soigné. Elle reflète les normes. Son imposition se
fait aux dépens des variétés régionales qui se sont maintenues.
Norme pédagogique :elle reflète le français standard. Elle autorise une variation limitée.
Savoir le français, c’est aussi savoir apprécier la variation dans toute son ampleur.
Quel français enseigner ? La norme pédagogique suppléée par une exposition à la richesse de la
variation.
Références
Valdman, A. 1982 "Francais standard et français populaire: sociolectes ou fictions?" French Review
56:2, 218-227.
[1]On entendra ici par phonétique tout ce qui touche à l’enseignement de la prononciation du
français. Il s’agira donc de phonétique articulatoire, d’orthoépie (règles mettant en relation la
graphie et la prononciation) et du système des sons et leurs interactions.
[2]Les dictionnaires de prononciation témoignent de cette absence de corpus. Ils se disent refléter la
norme alors que les transcriptions trahissent souvent les origines linguistiques de leurs auteurs et
font état d’un ensemble de traits régionaux.