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HENRY DE GEYMULLER

SWEDENBOR6

ET LES

Phénomènes Psychiques

PRÉFACE
de L. B. de BEAUMONT, docteur ès sciences
ancien professeur à l'Université Royale de Dublin

LAUSANNE

LIBRAIRIE EDWIN FRANKFURTER

Grand-Chêne. a

l'J ") c.,....


g{ 9'vtonsieur fM.aurice de Chazal
qui m'a ait connaître cSwedenborg

g{ flrtonsieur 15héodore !Pitcairn


qui a bien voulu s'intéresser à la publication de ce livre

g{ommage reconnaissant
g{. de g.

1 a 2'"
PRÉFACE

«C'est icy un livre de bonne foy, Lecteur », dit Montaigne


au cO!IIJImencement de ses Essais et nous ne p{>urrions expri­
mer plus simplement ce que nous pensons du liwe et de
l'auteur du présent ,ouvrage. C'est un Hvre de bonne foi, parce
qu'il traite d'un ,sujlet fort difficile et sans parti pris, sans autre
but que celui d'élucider une question à laquelle aucun esprit
sage, aJUcun homme sérieux, ne saurai1 se montrer indifférent.
L'auteur a certainement des conviotions fermes sur le sujet
dont il s'occupe, mais il n'y a rien qui ressemble à du fana­
tisme dans sa façon de parler ou dans 'le développement dt'
sa pensée. Il ne soutient 'Pas une thèse; H analy,se simple­
ment et rationnellement les différents aspects - d'un grave
problè~e. Nouspouvons Sàns-doute ne pas partager ses vtÏês
sur quelques points plutôt secondaires, mais nous ne pouvons
pas refuser de reconnaître la sincérité, la probité scientifique
et philosophique, et le noble idéa!l religieux de l'auteur.
Qu~_ devo~ penser du spiritisme? Et d'a,bord que
devons-nous entendre par ce mot? Toute la question est là.
Pour beaucoup de pefsonnes assez superfkiellement rensei­
gnées, c'est une affaire de tables tournantes, de planchettes
qui se meuvent, de séances qui, dit-on, réUJssissent mieux dans
une discrète obscurité, de médiums qui énoncent des choses
plus extraordinaires que claires. Mais enfin qu'il y a-t-Ï'l der­
rière ou au-dessus de tout celà ? C'est là ce qu'il faudrait sa­
voir afin de pouvoir se prononcer sur le spiritisme. Sommes­
PRÉFACE
"
nous en présence de 'phénomènes purement subjectifs, ou
avons-nous là la manifestation de forces psychiques, analo­
gues peut-être à ceHes qui vibrent en nous, mai,s qui, néan­
moins, ne sont pas les nôtres? On dirait une nouvelle édition
.-~_.- _..
de la grave controvef'Se entre le réalisme et l'idéalisme absolu,
..
quand on se demande si ce que nos sens nous révèlent est
réellement en dehors de nous ou simplement relCpression psy­
chologique de ce qui se passe en nous~mêmes. Tiendrons-nous
pour Aristote et les modernes qui pensent encore comme lui,
ou pour Berkeley et ses disciples; ou encore, croirons-nous
plus prudent de penser avec Kant qu'il y a des « noumènes »,
bien qu'en fait nous n'aHeignions 'psychol,ogiquement que des
« phénomènes» ?
On le voi,t, le psychisme dont on s'occupe tani aujourd'hui
soulève les plus sérieux problèmes. Ce n'est qu'un aspect
d'une ,plus vaste question. Le mérite de 'l'auteur est de l'avoir
cïiirement comprisetde nous amener sans détours et sans
délais sur le terrain 'Philoso.P~9u~ où seulement la question
peut être sérieusement di,scuiée.
On ,lui reprochera peut-être d'avoir tranché la question en
cherchant un refuge dans le principe d'autorité. Mais H ne
l'a pas fait sans des raisons péremptoires, ct d'ailleurs, pour
lui et pour tous ceux qui partagent ses princûpes philosophi­
-.- - - - - -­
ques, autorité ne signifie pas le 'sacrifice de la raison. Comme
M. de GeymuHer le dit si franchement dans son introduction:
«L'idéal serait de pouvoir se p\lacer aux deux bouts du
psychisme du médium afin de contrôler ce qui y entre et ce
qui en sort On pourrait ainsi se rendre compte exactement
de ce que le médium absorbe, de ce qu'il digère, assimile,
transforme ou reproduit tel quel. Malheureusement, une
telle surveillance des frontières psychiques de l'homme est
impossible à réaliser SUT le 'Plan matériel où nous nou's
trouvons. Aussi ne voyons-nous d'autre soluhon que celle qui
consiste à interroger ceux d'entre les vivants qui ont franchi
avec leur esprit les Hmit~s- cL~ond; spirituel et qui OiitPu
. --- ­
PRÉfACE III

étudier le mental humain sur son propre plan et dans sa


propre lumière.
«Ma~s, dans la réalisation de ce desideratum, la p.lus grande
prudence s'impose. Où trouver ces voyants, et de queUes ga-
ranties faut-il s'entourer avant d'ajoll~er foi à leurs alléga-
tions» ?
En s'eX1primant ainsi, l'auteur va au devant des critiques
qu'on ne manquera pas de faire en lisant son livre. On ne
saurait toutefois se méprendre sur ce qu'il pense au sujet
d'Emmanuel Swedenborg, cet homme extraordinaire dont il
va- nous parler.DIïôus montre clairement que les états psy-
chiques mentionnés dans les ouvrages de Swedenborg n'ont
ri~es.s!!1tiellement ,commun avec les phénomènes dont
s'occupe le spiritisme. Swedenbor'g n'était pas suj'et à des
transes plus ou moins prolongées; son attitude ne saurait
être légitimement assimilée àceHe d'un médium. Il vivait
sur le p'lan naturel et sur le plan spirituel avec une entière
concience et une liberté inteHectueHe qui lui permettaient
d'observer, de olasser dans sa mémoire et de noter ensuite
les phénomènes qui se présentaient à lui. Personne n'avait à
intervenir pour le faire entrer dans ses états p,sychiques. Il y
entrait de lui-même, a1pparemment quand il voulait. Nous
comprenons ainsi la condamnation des pratiques du spiri-
tisme que l'on rencontre si fréquemment dans les ouvrages
de Swedenborg, car déjà de son temps, ces pr.atiquesll'étaient
pas entièrement inconnues. Ii ,les jugeait dangereuses pour
la santé ,physique et morale des personnes qui s'y livrent
'régulièrement. Quant à lui-même, pendant plus de trente
années que dura sa carrière psychique, sa santé fut toujours
excellente.
Les disdples du «Pmphète du Nord» seront reconnaissants
à l'auteur d'avoir également répondu à une singulière critique,
généra,lement soulevée par des gens qui ne connaissent guère
Swedenborg que de nom. Il est en effet assez à la mode
de le classer parmi les mystiques et cependant l'étude de sa
IV PRÉFACE

philosophie et de sa théologie montre fort clairement combien


ccite opinion est erronée. Ouvrons, 'par exemple, le chapitre
sur le mysticisme dans le célèbre traité de Victor Cousin sur
,< Le Vrai, le Beau et le Bien ». Que nous dit-il ?
« Le mysticisme commence par supprimer dans l'homme la
raison, ou du moins ilsubol'donne et sacrifie la raison au
sentiment... Le mysticisme va plus loin: il attaque jusqu'à
la liberté; il ordonne de renoncer à soi-même pour s'identifier
par l'amour avec Celui dont l'infini nous sépare. L'amour
tend à s'unir à son objet: le mysticLsme l'y absorbe. »
Or, peut-on dire que Swedenborg supprime dans l'homme
(la raison? C'est pourtant 1ui qui, résumant sa doc-trine
) théologiqu~, déclare ouveI1tement : «Nunc licet intel.leduq}it!'
l intrare in aroana fidei ». (Maint~pant il nous e?Ldon~de
l pouvoir entrer par l~on dans les choses v;oilées de la
foi.) Et peut-on dire qu'il attaque jusqu'à la liberté? Que
lisons-nous au commencement de son traité sur la Provi­
dence: «C'est une loi de la Providence divine que l'homme
\ doit agir avec liberÛ ~e~J'ÎI:afson ... Sans ces deux facul­
l tés, l'homme ne pourrait être ni réformé, ni régénéré en ce
l monde... Aussi le Seigneur maintient-il ces deux facultés en
nous dans une intégrité inviolable ».
Ainsi, quand Vidor Cousin nous dit que le remède à toutes
les folies du mysticisme est «une théorie sévère de la raison,
de ce qu'elle peut et de ce qu'elle ne peut pas; de la raison
enveloppée d'abord dans l'exercice des sens, puis s'élev;ant aux
idées universelles et nécessaires, les mpportant à leur prin­
cipe, à un être infini et en même temps réel et substantiel,
) dont elle conçoit l'existence », iLl10US semble entendre un écho
de cette sagesse qui parle dans les écrits de S\y~org et
) qw n'a tien decommun avec les données traditionnelles du
mysticisme.
Nous avons débuté en appelant ce livre «un livre de
bonne foy»; en finissant, qu'il nous soit permis d'ajouter
que ce travail est un
- travail
- - - -bien
-- _.--._--- - ­
nécessaire auj!<>urd'hui. Dans
PRÉfACE v
'1 J 'r l~ cri,se politique, sociale et_ re!igi~que. llQ~~ns,
en présence des diffioultés qui agitent et troublent ,si sér;ieu­
sement les égHses et jettent tant d'inquiétude dans les cons­
ciences, il est bien temps que les 'préjugés et les malentendus
au SiUjet d'Emmanuel Swedenborg cessent de fetmer au public
l'aœès à sa philosophie et à ses larges et hautes doctrines
religieuses. Il est temps que .l'on puisse enfin découvrir que
presque toutes les difficultés qui nous préoooUlpent ont leur
solution dans ses ouvrages et que c'est là qu'on peut trouver
ce que nous cherchons tous: l'union sacrée de la Religion
et de la Science. Ce livre, par le sujet qu'il traite, jette beau­
coup de lumière sur cette question suprême; nous l'avons lu
avec un vif intérêt tant au ,point de vue scientifique qu'au
point de vue philosophique et reHgieux ; le fait qu'il apparaît
à l'heure acluelle n'est peut-être pas le moindre de ses mérTites.
L. de Beaumont.
Liste des ouvrages de Swedenborg

(La plupart des titres sont abrégés)

Oeuvres Théologiques:

A.C. Arcanes Célest.es (18 va!., avec l'index).

Adv. Adversaria in Libros Veteris Testamenti (4 va!.).

Ap. Ex. L'Apocalypse Ex,pliquée (7 vol.).

Am.C. L'Amour Conjugal.

App. Appendice à la « Vraie Religion Chrétienne)l.

A. R. L'Apocaly,pse Révélée (3 vol.).

e. A. C. Du Commerce entre l'Ame et le Corp.s.

C.B. Du Cheval Blanc dont il est parlé dans l'Apocalypse.

C. E. Du Ciel et de l'Enfer.

C. J. D. Continuation sur le Jugement Dernier.

D.A.p. Du Divin Amour (posthume).

D.C. P. Doctrine de la Charité (posthume).

D. E. Doct.rine sur l'Ecriture Sainte.

D.F. Doctrine sur la Foi.

Diarium. Diarium Spirituale (5 vol.). Journal des Expériences

supranormales de l'Auteur.
D.M. Diarium Ylinus.
D.P. La Divine Providence.
D. S.p. De la Divine Sagesse (posthume).
D.V. Doctrine de la Vie.
Ex. S. Exposition sommaire des Doctrines de la Nouvelle
Eglise.
J. D. Du Jugement Dernier.
N.J. De la Nouvelle Jérusalem et de sa Doctrine Célest.e.
P.P. Exposition Sommaire des Prophètes et des Psaumes.
S. Doctrine sur le Seigneur.
S. A. La Sagesse Angélique sur le Divin Amour et la
Divine Sagesse
Te. Des Terres dans l'Univers stellaire.
V. R. C. La Vraie Religion Chrétienne (2 vol.).
Principales Oeuvres Scientifiques et Philosophiques:
Princ. Pl'incipia Re,r'um Natu- 1 Ces volumes constituent le début
l'rulium (2 vol.), de la série de traités intitulés
· M P' . . ~1' Opera PMlosophica et }ofineralia.
P rme.. l'mclpla ~v mara.

Œe.Reg.An. Œconomia Regni Animalis (2 vol.).

Fib. De Fibl'a.

Reg. An. Regnum Animale (2 vol.).

Gen. De Genel'atione.

Sens. De Sensibus.

Cer. De Cerebro (4 vol.).

De An. De Anima.

Inf. De Infinito et causa finali creationis : deque meeha­


nismo operationis animae et cor,paris.
Trem. On Tremulation. (De la vibrllition), traduit du suédois.
Psychol. Psychologia. (Essai sur l'llIpplication des lois de la
vibration aux phénomènes psychologiques).
Ont. Ontologia.
Sc. Ph. Tl'. Scientificand philoso,phical Treatises.
Part. 1. On Chemistry, Geology, Physics and
Cosmology.
Part. II. On Anatomy, Physiology, Psychology
and Philosophy.
Ps. Tl'. P.sychological Transactions. (Recueil de divers petits
traités sur l'harmonie entre l'âme et le corps,
l'origine et la propagation de l'âme, l'esprit ani­
mal, le sang, l'action, la sensation, la clef hiéro­
glyphique des choses naturelles et spirituelles, le~
correspondances et les représentations).

Oeuvres de Transition
Cult. De Cultu et Amare Dei.

Joum. Journa.l of Dreams (.Journal des rêves de l'Auteur).

Phil. N. B. A Philosopher's Note Book.

• otl. 81 l'on excepte une partie des Opera philo30phica et mineralia, traduite en
80n temps pour l'Académie des Sciences de Paris, ancune des œuvres scientifiques
de Bwedenborg n'a encore été publiée en français. Les extraits que nous en avons
donnés dans le présent volume, l'ont été d'après le texte de la version anglaise,
exceptionnellement d'après le texte latin original, que nous n'avons pu consulter
que rarement.
INTRODUCTION

L'exi'stence - supposée réelle - des phénomènes psychiques


soulève les plus sérieux problèmes. Ces problèmes ne sont
pas seulement d'ordre psychologiqiUe et scientifique, mais aussi
d'ordre phtlosophique, voi,re même d'ordre social et religieux.
L'eXipression phénomènes psychiques n'est ,peut-être pas très
heureuse, puisqu'elle ,sert communément à désigner un en­
semble de faits paranormaux dont une bonne parlie est
constituée par des manifestations d''Ordre physique, oomme la
télékinésie et l'ectoplasmie, poor ne citer que celiles-ci. Irl est
vrai que ces man.ifestations physiques ne s'observent que chez
les médtums en transe, au>trement dit chez certains sujets se
trouvant dans 'un éta't psychologique opamcu>lier, ce qui semble
bien indiquer qu'eHesdépendent d'rune manière ou d'une autre
de la pal'ltie spirituelle de notre être. On est même allé jusqu'à
dire que les phénomènes physiques de la médiumnité nous
révèlent ,l'ex'tstence de «pouvoirs inconnus de l'esprit sur la
matière ». Considérés à ce point de vue, œs phénomènes sont
donc bien des «phénomènes psychiques ».
Le professeur Charles Richet a 'pr.oposé d'appeler métapsy­
chique la «science nouvelle »qud s'occupe de tous les faits
paranormaux, qu'il sagisse de phénomènes parapsychologi­
ques ou de phénomènes eparaph)'lsiologiqu:es. Ce néologtsme a
été généralement adopté.
Il faut se garder de confondre les métapsychistes, qui se
bornent à étudier certains faits dans un but 'purement scien­
tifi.que, avec les spiriiesqui préconisent, au contraire, ,l'u1Jilli­
sa,tion sysféma,tique de la transe médiumnique pour entrer en
communication avec ,les trépassés.
On peut, toutefois, admettre théoriquement l'action des
esprits ou, tout au m'Oins, la possibi,lité d'une teUe action, sans
approuver, 'poUT cela, les 'pratiques spirites. On peut même
2 SWEDENBORG ET LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

estimer que celles-ci sont d'autant plus dangereuses pour la


santé morale et physique de l'homme qu'elles le mettent eitec­
tivement en rapport avec les trépassés.
Au point de vue purement théorique, l'hypothèse des esprits
est légitime comme le sont toutes les hypothèses. floumoy
aui-même avoue qu'elle «ne conüent rien d'aD9Uirde en soi ni
d'essentiellement antiscientifique ». Il serait, par conséquent,
peu conforme à l'espritscientifique de l'écarter a priori, et
le parti pris de certains savants contre el,le «ne s'explique
que par un re9te de dogmatisme latent» (1).
A l'attitude dogmatique de œlitains savants et de certains
croyants, F:1ourno,y 0p'po'se l'attitude oritique du vrai cher­
cheur :
Cette att,itude «implique Il'admission possible de tous les
fa,its même Iles plus a'braoadabranrts, quitte à en contrôler la
réamé, et la prise en considération de toutes les hypothèses
même les plus saugrenues, qui1te à apprécier leur proba­
bilité. Elle implique d'autre part, cela va sans dire, une sou­
mission absolue aux règles et principes de la méthode expé­
rimentale » (2).
Parmi ces règles, F,lournoy cite le principe de la raison
suffisante ou de 1'« économie des causes»: La méthode scien·
tifique exige que l'on ne fasse pas appel à des facteurs nou­
veaux, tant que ceux que nous connaissons suffisent pour L'ex­
plication des faits.
Mais sufftra-t-i1, par exemple, d'opérer un rapprochement
entre te'! ou tel fait paranormal et tel ou tel 'phénomène réputé
normal pour exc1u11e définitivement l'action du monde invi­
sible ?
Ce serait là, à mon avis, se fonder sur une péütion de prin­
cipe, à savoir que nous conna'Î'ssons la genèse exacte des
phénomènes psychiques normaux, et que nous en comprenons
vraiment le déterminisme. Or le moins qu'on pUÎ'sse dire,
c'est que noo-e ignorance ,est en'Core grande à ce sujet. Il se
pourrait fort bien que la cause véritable des phénomènes psy­

(1) Th. Fl'Üurnoy: Esprits et Médiums, Genève 1911, p. 235.


(2) Ibid., p. 238.
INTRODUCTION 3

chiques normaux doive, comme celle des phénomènes para­


normaux, être recherchée dans un milieu particulier, sui
gene!fils, échappant à nos sens physiques. En d'autres termes,
il se pourrait que l'ensembIede -i'aotivi,té et notre être spi­
rituel ne s'explique que par les rapports organiques qu'il
entretient avec le milieu immatériel qui l'entoure et dont il
tait, en quelque sorte, partie intégrante. S'il en est ainsi, il est
évident que nos mO)llens d',tnvestigation ou d'observation em­
pirique ne peuvent nous mener bien loin quand il s'agit de
déterminer l'origine 'réeHe et le mécanisme ca'ché de notre vie
menta'le.
R<uppelons à ce sujet l'amusante et vaine t>entative du cé­
lèbre inventeur américain Thomas Edbson, qui nous assurait,
vÜ'ici quelques années, qu'il allait construire un a'PP3ireiil d'une
sensibilité telile que, 'siIes esprits ne parvenaient pas à l'im­
pressj,onner, c'est qu'HIs n'existai,ent pas! - Voilà une preuve
négative qui, je l"imagine, ne conva'incra personne!
Nous ne connaissons qu'un seul «appareil physique» qui
nous mette effectivement en rapport avec le domaine de l'es­
prit: c'est notre cerveau. Or il semble de plus en 'Plus que
celui-ci do'ive être considéré comme un simple organe récepteur
et transformateur. D'après M. Henri Bergson, l'écorce céré­
brale ne constituerait pas ilac3JU'se première de notre adivité
psychique, mais serait simplement l'organe Ü'u l'instrument
que notre esprit utilise pour manifester son exi,stence sur le
plan :physique (1).
Nous pouvons même aller plus loin et dire que ri,en ne nous
permet d'affirmer que notre vie psychi'que soH produite par
l'activité spontanée de notre esprit. On peut admettre, en
effet, que notre esprit baigne dans une sorte d'« atmosphère
sp·irituelle », dans un «champ de forces psychiques », où il
puise normalement tous les éléments et toutes les énergies
nécessaires à sa vie et à son activité. Qui nous dit qu'en de­

(1) Dans Matière et Mémoire, comme dans l'Energie Spirituelle, le


célèbre philosophe démontre notamment que la mémoire ne réside
pas dans la matière grise. mais dans l'esprit.
4 SWEDENBORG ET LES PHEN0MÈNES PSYCHIQUES

hors de -l'immense gamme des ondes ph)'isiques, il n'en existe


pas d'autres, plus subtiles, qu'allicundé1!ecteur matériel ne sera
jamais capable de mettre en évidence ?
Une telle hypothèse n'a, en soi, rien d'irrationnel. E~le se­
rait même tout à fait conforme à notre conception moderne
de l'univers. Elle établirait l'existence d'une harmonie qui
répondrait au besoin d'unité qui constitue une des tendances
fondam~ntales de notre esprit. Henry Drummond a écrit sur
ce suJet 'un livre fopt intéressant: Natural Law in the Spiritual
World (la loi natuŒ11e dans le monde spirituel). L'idée fon­
damentale de cet ouvrage, que l'auteur a sans doute trouvée
chez Swedenborg, médte d'être repl'i1seet étudiée d'une ma­
nière plus complète à Ia lumière de nos connaissances .scien­
tifiques actuelles.
Si notre organisme spirituel est un appareil récepteur ca­
pable de oaipter des «ondes psychiques », la question qui se
pose est de savoir d'où proviennent ces «ondes ». Il paraît
raisonnable ,d'admettre qu'elles émanent d'êtres pensants;
toutefoi!s rien ne prouve qu'eUes proviennent exclusivement
d'êtres empir&quement donnés, c'est-à-dire d'êtres possédant un
cerveau matériel. III ·sepoulflrait parfaitement qu'elles fussent
émises pa·r des inteltlrigences que leur natuTe tmmatérieLle
soustrait à t'observaüon de nos sens.
Il est vrai que notre esp1"it n'est pas conscient nOI'ffia.Iement
des influences qui agissent sur lui. S'il en était autrement,
notre attention serait sans cesse accaparée par ileschangements
qui s'opèrent continuellement dans notre ambiance psychique.
C'est par le subconscient que nous sommes en rapport avec
le milieu sptfituel qui nous entoure et dont nous sommes tri­
butaires. Ce mi!lieu agit sur nous d'une manière ininterrompue
et provoque en nous certaines réactions que nous prenons
volontiers pour des manifestations spontanées et originales de
la vie de notre esprit, allors que œtte vie n'est ellIe-même que
la somme des réactions dont nous venons de parler. Le ca­
ractère libre et autonome de notre activité mentale provient
uniquement du faH que noUJs sommes totalement inconscients
INTRODUCTION 5

de ce qui s'opère dans les profondeurs de notre personna<lité


sublim~nale (1).
Certaines méthodes psychologiques nous 'permettent d'ex­
plorer dans une faible mesure notre subconscient, dont la ri­
chesse et les possibilités 'para'i,ssent prodigieuses (ce qui n'a
rien de sU'11prenant si l'on songe que par lui nous sommes
potent,ie}llemeIlJt en rapport avec la totalité des êtres pensants
dans ce monde-ci et dans l'autre!) Mais ici encor,e nous ne
possédons malheureusement pas les critères qui nous permet­
tra'ient de démêler l''Ûrigine exacte - endogène ou exogène ­
de tout ce qui s'agite sous leseuH de non-e conscienœ.
Les psychologues admettent que le subconsoient joue un
rôle prépondérant dans Ies phénomènes psychiques, mais
si n'Ûtre personnailité sublimtnale constitue en quelque sorte
le poste récepteur qui nousser1: à carpt'ef les infiluences psy­
chiques du dehors, son intervention directe pendant la transe
médiumnique semble devoir entraîner automatiquement celle
des personnalités étrangères avec lesquel:les, sans le savoir,
nou,s sommes 'Plus ou moins directement en rapport
Uidéal sem,it de ,pouvoir se 'P~acer aux deux bouts du psy­
chisme du médium afin de pouvoir contrôler ce qui y entre
et ce qui en sort. On pour:r~it ainsi se rendre compte de ce que
le sujet absorbe, de ce qu',j.] digère, assimile ou reproduit tel
quel. Malheureusement, une telle surveillance des frontières
psychi,ques de 'l'homme est impossible à réaliser sur le plan
matériel où nous nous trouvons... Aussi ne voyons-nous d'au­
tre solution que celle qui consi,ste à interroger ceux d'entre les
vivant,s qui ont fmnchi avec Ieu,r espr:it les limites du monde
spirit,uel et qui ont 'Pu étudier Ie mental humain sur son pro­
pre ptlanet dans sa propre lumière.
Mais dans la réalisation de ce désider:atum, la plus grande
prudence s'impose. Où trouver ces «voyants» et de quelles
garanties faut-il s'entourer avant de pouvoir ajouter foi à leurs
allégati'Ûns ?
Comme le dit Th. Darel, «l'iodéa'l serait de voir un savant

(') Le mot subliminal (du latin sub et limen) désigne ce qui se


trouve sous le seuil de notre conscience.
6 S\\OEDENBORG ET LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

doublé d'un psy.chiste, être lui-'même le sujet et ,l'ohjet du


phénomène à enregistrer» (').
Sans doute, mais un savant qui ne serait qu'un médium
ne fera}t pas notre affaire, étant donné que la transe méd~Uim­
nique est caradérisée par l'apparition d'un état second au
cours duquel l'introspection consciente n'est guère possible,
sans compter que les résultats éventuels en seraient fatale­
ment annulés pa:r l'amnésie qui suit toujours ce genre de
phénomène psychologique.
Pour cette raison, il me paraît préférable de recourir à un
voyant, c'est-à-dire à un individu dont les facwl,tés intellec­
tuelles ne subissent aucune éclipse, aucun désordre fonction­
nel, du fait de la olairvoyance. Somme toute, ~l s'agit de
mettre la main sur un homme que ses dons exceptionnels
mettent à même de posséder une connanssance eX1périmentale
du monde supérieur, que nous ne pouvons exp\lorer nous­
mêmes faute d'ou1Jils adéquats.
Ce qu'H nous iau1, c'est un homme calme ,et pondéré,sain
d'espri,t et de co11ps ; un savant posséda,nt une vaste Ciultuife
générale, un bon 'sens à toute épreuve ,allié à un Hair pey,cho­
logique très fin; un observateur rompu à tous les procédés
de l'analyse sci,entifique et doué d'un puissant pouvoi,r d'in­
trospedion; bref, ri nous faut un homme tout à fait exœp­
tionnel, arrivé au sommet de son développement intelleotue1
et psychologique. Cet être rema:rquable devra jouir, en outre,
de l'ouverture complète et constante de ses « sens spiifitueliS»
ainsi que d'une mémoire très sûre.
Le portmit de l'homme « providentiel» que je viens de tra­
cer, n'est Ipas, comme on pourrait être tenté de le croi,re,
r un portrait pmemel1it imaginaire ou idéal, mais bien un por­
I trait d'après nature. C'est celui d'un des hommes ,les plus
remarquables qui ai'ent vécu au XVIUffio sièoIe: j'ai nommé
Emmanuel Swedenborg (2).

(1) Th. Darel: Observations Métapsychiques (Vers l'Unité. W 8,


avril 1922).
(2) Swedenborg naquit à Stockholm en 1688 et mourut à Lond'!"es
en 1772. D~_d'un-!s'!?!!.~~entiell.eme~Plrat!q~, 11 se IrendH vi,te
INTRODUCTION 7

T(»utes les personnes qui se sont donné lia peine d'étudier


sa vie et ses éorits sont d'aocord pour voir en ,1'1.l!i «le plus
grand voyant qui ait jamais vécu ». Il est, en effet, incontes­
table que si ses visions reposent sur une base objective, et
non sur ,des haHucinaüons (1), eUes ont effedivement permis
à leur heureux bénéficiaire « de pénétrer infiniment plus pro­
fondément dans le my.stère des mondes sUlpérieurs que cela
n'a été donné même aux plus grandis parmi les fondéllteurs de
religions» (2).
Alfred Russel WaHace, ~'éminent néllturaihste anglais, a
prononcé sur lui le jugement su:ivant: «Nous avons eu de
grands savants, de grands philosophes et de grands théolo­
giens ; mais Swedenborg est ,le seul dans l'histoiore du monde
qui fut grand comme homme de science, grand comme philo­
sophe et grand comme théollogien ; c'est pourquoi il fut uni­
que ». Emerson en parle en ces termes: «Swedenborg ne
saurait être mesuré par des colilèges entiers d'érudits ordi­

célèb.re par ses IromaTQuables travaux soirentiHques qui lui valurent


l'honneur d'être élu membre de plusieurs corps savants dans son
pays et à l'étrang,er. Ses théorrLes sUlr ta cons,ti,tution de la matière
et le rôle des ondes conS/Htuent une prévision r,emarrquable de nos théo­
ries modernes. Swed.enborg é:tait membre de la chambre des Sei­
gneurs où H siégleait parmi les :représentants de l'ordire équestre. Ses
interventions à la haute assemblée étaient touiour,s suiv,i.es avec
attention et écoutées aViec défér,ence. Le mémoiJre su'r \'.j,nflaUon qu'il
présenta à ses co~lègues peu de temps '-avruut sa--moiCi1'â f1ioo p.erdu
de son actua,IHé et constH.ue un modèle dugenme. Il eut ,ses Pf,emièr,es
visions vers l'â~e de cinquante ans. A j)<lJf'Ur de ce moment, il ne
s'occupa plrus que de questions religieuses et théolog,iqulOS.
(1) L'hallucination sensorieLle est accompaglnée mdina,\<r,ement de
troubles g,raves de l'intJelililgence, v;oine même d'aJ,téra.tions profondes
de la personnalirté. Il est absol,wmenrtimpossibled'admettre que Swe­
denborg airt eu dies h·allucinations continueHes p.endant près de trente
années consécutives sans pré,senter des s'i,glnes manifestes de déséoui­
Jibr,e mental. Or S'a conduÎ'te fut toujours cene d'un homme raisonnable
et sa conversation celle d'un sage. Sa beBe intel!rig,ence est restée
intacte jusqu'à la Hn de ses jou.rs.
e) Richard Adolf Hoffmann, a.-o. ProfessoI an der UniversWlt
Konigsberg: Kant und Swedenborg (Gr,enZfnlJgen des Nerven- u·nd
Seelen.J.ebens, Helt 69), Wiesbaden 1909, p. 22.
8 SWEDENBORG ET LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

naires. Sa présence majestuetl!8e fleralt cvaquer les -robes d'une


université. Nos l,ivres sont foox 'Parce qu'fIs ,sont fragmentai­
res; mais Swedenborg est systémartJique, let chaJCUiIle de ses
phrases conceme le monde entier. Ses facultés agissent avec
une ponctualité astronomique et son admirable ;style est ,pur
de toute outrecuidance et de toUit égoï!sme. 'E!sprtt colossal, il
devance de loin son ,sièole. Ses contemporains ne le com­
prennent pas. P'Our le moesUlrer, tl fau~ être placé à une dis­
tance considér.able de lui ». - Qaant à Sir W. F. Barret, ,le
physicien et météllpsychiste angla:is bien connu, j,l conseille à
tous ceux qui désirent des informations sur l'Au-delà de con­
suIter les ouvrages de oe «voyant i!:ichement doué» que fut
Swedenborg, plutôt que d'tnterroger les médj,ums.
Le cas de Swedenborg est unique dans les annales de la
psychologie ,et même de la métapsychique. Sa caTl"ière de
psychiste ne commença qrue ,lorsqu'il eut franchi la cinquan­
taine, et 'dum 'près de trente annéesconsooutives. Il n'est guère
de phénomène par,anormalque le saiVant académicien de
Stockholm, n'ait eu l'occasion d'observer sur -lui-même, bien
que ,les manifestations du psychisme inférieu~ fussent excep­
tionneJ.leschez lui.
A ten croire, Swedenborg vivait consoiemment à la fois
sur le plan spirit:uelet sur le plan naturel, et sa mémoire
retenait, sans jamais ,les confondre, et avec une égale fidéJj.té,
les phénomènesqruise prodUli,sa'ient 'su'r l'un et Vautre de ces
plans. Considérées à ce point de vue, les eXlpériences supra­
normales du vOJiant suédots sont uniqraes dans l'histoire.
Saint Paal lui-même trouva qU'il était impossible d'exprimer,
à l'aide de la terminologie de la mémoire natu~elle, les im­
pressions qu'il ressentit quand ill fut dans un état de per­
ception spirituelle eX'ceptionnellement élevé (troisième ciel).
«]eprévois, ,dM Swedenborg, que beaucoup de ceux qui
liront ce qui va suivre, notammen,t les récits placés à la suite
des chapitœs ,de ce livre, croiront que ce sont là des inven­
tions de l'imagination. Toutefols, j"affi,r:me en toute vérité que
ce ne sont pas des choses inventées, mais des choses qui véri­
tablement ont eu lieu ,et ont été vues, non pas dans un certain
INTRODUCTION 9

état du mental assoupi, mais dans un état de pleine veille.»


(De Am. Conj. 1.)
Swedenborg e)Qplique ses visions d'une manière toot à faM
log,ique. C'est par 1'« ouverture des sens de son esprit» qu'il
a été mis en rapport avec le monde spi,rituel. En d'autres ter­
mes, il est entré en contact avec une réalité sui generis par
l'intermédiaire d'organes ad hoc. Ces organes nous les possé­
dons t'ous, ma'is nous ne savons pas nous en serviT.
A vrai dke,la faculté sensorieLle, considérée en elle-même,
appartient à notre esprit et non à notre corps. C'est notre
conscience qui 'perçoit ce q:ue nos sens lui présentent. Rien ne
nous autorise donc à rejeter a priori la possibiiLité d'impres­
sions sensorielles produites 'par des stimuli d'origine imma­
tér,ieHe. Nous n'avons pas non 'pt.us de motif pour affirmer
que ces impressions n'ont aucun trait commun avec celles qui
se forment dans notre conscience par suite de l'exdtation de
nos cent,res ne'Tveux.
Il convient d'ajouter que la différence qui ex:iste entre
le monde «immatériel» et le monde matériel ne réside pas
dans le faH que celui-ci est sensible alors que celuj~là ne l'est
pas. La notion du sensibl'e est somme toute une notion pure­
ment relat,ive. En effet, i,l est tout à fait évident que I.e ca­
radère plus ou moins sensible de La réa1itédépend du degré
de sensibUité de nos organes de pefceplJion. Il en résulte que
le monde suprasensible n"est «suprasensible» que pour' nos
sens matériels. 11 suffira que les sem de notre e9prit en:tTent
à leur tour en action ,pour qu'il dev1ienne lui aussi «sensible».
n n'y a rien d'étonnant à œla puisque Swedenborg nous
apprend que le monde spiilii4!uel n'est pas seulement le monde
inteUigihle et pUifementabs,kait des idées et des formes in­
formantes, mais a'ussi le monde conc'ret des formes subsis­
tantes. Bien que «spi,ritueHes », ceHes·ci jouissent d'une exis­
tence objeom.ve. Leur ,caractère non-appa1rent n'est qu'un' effet
de la portée extrêmement réduite de nos sens physiques.
Swedenbolfg a transfo'rmé le «su11TIaturel» en une réalité
parlai,tement «na<tu.rel1e », régie par des lois immuables. En
effet, il a su intégrer~e domaiine sumatun~l dans le schéma
généra.l de la création. Il nous a démontré que, loin de cons-ti­
10 SWEDENBORG ET LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

tuer une sorte de « monde à pari »,subsistant pour a~nsi dire


en marge du cosmos, le monde spirHJUel est, au contraire,
nécessaire à l'haI1moiüe universeUe. A vrari diŒ"e, lIa partie sp'iri.
tueUe et Ia partie naturelle de l'univers se supposent mutuelle­
ment. Elles sont étroi,t.ement unies par le pl'us fon et ,le plus
indi:ssoouble ·des liens: celui de la caulSa:1ité. Selon sa propre
expression, le monde spirituel est le nwnde des causes, tandis
que l'univers matériel est le théâtre des effets. A eux deux
Hs consti~uent la réalité totale, telle qu'eUe a été conçue et
réalisée pa'!" -l'Intelligence Suprême.
Entre ces deux aspects complémentaires du réel, ill ne sau­
rait y avoir la moindre antinomie, et si, dans cerltains calS,
l'univers sp:irituel manifeste la réal.ité de son existence et
l'ubiquité de son action par des interventions q'Ui nous paŒ"ais­
sent «miraculeuses », cela ne si'gnifie pélIsq:ue ces interven­
tions soient contrakes àla natuTe même des choses, mais
seulement qu'el,les s'opèrent suivant des moda1i<tés encore
ignorées 'par nous.
Swedenborg était un rationaliste. H cherchait à tout com­
prendre, à tout eX'pliquer. Ses v~sions elles--mêmes n'ont rien
de fantastique ou de mystéri,eux. Au rond, il est foo~le de voir
qu'elles constituent .effectivement un moyen parfaitement
« normal» pour entrer en communkaJtion avec le monde su­
périeur. men 'Plus, eHes sont un regard jeté SUŒ" ,le plan causall
de l'univers sensible lui-même. A œ doubletifuïe, elles me
paraissent devoir retenir toute notre affJention.
Les faits rapportés au dernier chapitre de cet oUVlI'age dé­
montrent que Swedenborg possédait incontestablement des
pouvoirs psyehi'ques remarquables. U ,est vrai q:ue l'authen­
ticité de ses peI1oeptions télesthésiques ou télépathiques ne
prouve pas nécessairement -l'objectivité de ses v,isions pUtre­
ment spiriJtueHes, mais elle démontre cependant que notre
auteur disposait de moyens de connaissance tout à fait excep­
tionnels (1).

(1) Telle est aussi la conclusiün à laQuelrle est arr'!"ivé le professeur


Hoffmann dans .J'étude citée p.Im haut. En cl,let, "ce Que nous savons
·de Swedenborg ne nous permet pas de metlr!"e en doute sa bonne
INTRODUCTION tt

Tant q1u'ü ne sera ,pas démontré 1) que les esprJ'ts n'existent


pas, 2) que le monde spiri,tuel n'e&t qu'une fictton, je crois
que la me~llIeure manière d'expl:iquer les Vli,sions de Sweden­
borg c'est d'en admettre l'obj,ectiVli1:é. En ,eHiet, si 'l'on accepte
la notion - même pUŒ'ement métaphysique - d'esprit, «H
devient arisé d'y faire entrer Ia possib~l~té d"une commuŒ1!ica1iion
extraordinaire avec le monde immatériel» (1).
Or, si une telle commwni,ca:tïon est possible, ~l est difficile
d'imaginer qu'elle ne se soit iamais encore réalisée depuis
qu'il y a des hommes sur terre, et si eUe ·s'est déjà réaHsée,
il semit absurde ,de ne pas attacher la plus grande importance
au témoignage ex auditis et visis de ceIui qui rut certainement
«le pllUs grand voyant qui ait jamais véou ».
NOUos pouvons résumer comme &wit la leçon psychologique
qui se dégage de ses eXipéri'ences supranorméllies :

foi peil'sonne\.le ». D'autre part, il faut bien av,ouer que «la critique
scienHfiqu,e, même ,la plus sévèrement objecHve, ne peut que s'incliner
de\'ant les faits et ,r,econnaître la ,réaJlité ·du don de claÏ'rvoyauce (des
Hellseherischen) qui constitue un des traits les p,IUis fl[app·ants de la
personnalité du penseur suédois ». Le ori·tique a,Llemand reproche à
son compatriote et concitoy;en Kant ,de ne pas avoir rendu pleine
et entièf.e justioe à S\vedenborg sur ce point et d'avoir cherché à
jeter un certain doute sm ,la réalité de ses .facultés supranormales,
après s'en être ·en quelque sorre porté gélJraut (cf. l,a lettre de Kant
à Ma,demois.eUe ·de KiI1oblooh). M. Hoffmann se déclCùre absolument
convaincu du fai,t que «Swedenborg possédaJit des moy,ens de con­
naissance qui font .défa,ut aux hommes org,anisés normalement ». (Cf.
K. R. Hoffma,nn : Loc. cil.)
Le lecteur trouv,em à la fin du présent o:uvmge (pP. 455-456) une
note dans laquelle nous avons essayé d'·expliquer l'a1:titude équivoque
et contradictoire de Kant à l'égClJrddes v.isions et des éor·i>ts de
Swedenborg. Nous avons surtout cherché à y corriger la ·fausse
impression Qui se dégage du texte de M. Matter cité au chap.itre IV
(P. 413) à propos des vis~ons de Swedenborg rapportées par Kant.
A l'époque où nous avons écrH ce chapitre, l,es savantes études de
Delacroix, Hoffmann et Paul Janet ne nous étaient pas connues. Je
m'empresse de les sig,naJler à tous ceux Qui s'intéressent à Kant et à
Swedenborg.
(') Delacroix, Kant et Swedenborg, Revue de Métaphysique et de
Morale. 1904, p. 5iO.
12 SWEDENBORG ET LES PHÉNOMÈNES PSYCHIQUES

1) L'esprit humain, conçu comme une sorte de champ clos,


c'est-à-dire comme une entité absolument autonome, subsistant
par elle-même et se suffisant à elle-même, n'est qu'une fiction
psychologique.
2) En réalité, l'activité de notre esprit provient de la vie
qui influe en lui, c'est-à-dire de l'énergie spirituelle qu'il capte
et qu'il transforme. Cette énergie lui est transmise par la col­
lectivité des êtres pensants qui peuplent le monde spirituel,
mais, en dernière analyse, elle émane de Dieu, qui est la
source de toute vie.
3) Les relations qui existent normaJlement entre les esprits
et les hommes sont celles d'une symbiose inconsciente, sym­
biose qui constitue un des facteurs principaux de l'activité
psychique dans les deux mondes.
4) Le caractère essentiellement inconscient de cette sym­
biose est la condition sine qua non du fonctionnement normal
de nos facultés mentales et nous met à l'abri des conséquences
funestes qu'entraînerait une intervention consciente des désin­
carnés dans notre vie psychique.
5) La plupart des phénomènes dits spirites peuvenrt effecti­
vement être provoqués, consciemment ou inconsciemment,
directement ou indirectement, par l'influx des esprits dans
l' homme, et c'est précisément ce qui constitue leur danger.
Peut-être eût-il mieux valu intiwler cette étude Swedenborg
et le Spiritisme, étant donné que œt ,auteur expLiquie la plupart
des «phénomènes psychiques », voire même l'activité normale
de notre esprit, par ,1' «irnlux» du monde spirituel. Quoi qu'il
en soit, j'ai cherché à démoI1ltrer, ,dans ,Les 'pages qui suivent,
pourquoi ·m ne f,aHait pas être sp~l1i,te même en admettant l'ex­
plication spirite des phénomènes médiumniques.
Un mot encore avant de alore œtte introduction. V,oilà. plus
de dix ans que il,es 144 IQremières pages de -ce .livre ont été
écrites et impliimées. EUes ,oonsmuent uii1iTage à pand'üi1e
iCi?_ séried'arrtic~0"pairUIS en 1921 dans une revue swedenbor­
1i ~ lr g;ienne. Ce fait e}Cplique feron qruelque 'Peu confessionnel et
dogmatique du début de cet ouvrage. M ne faut pas oublier
en effet qrue les disciples de Swedenborg 'se considèrent comme

'. "
INTRODUCTION 13

les membres d'une «nouvelle égHse »et que IPOUr-euX les


doctrines religieuses du «Prophète du Nord» 'possèdent le
caractère d'une véI1ité révélée (1 ).
Tel qu'il est, et malgré ses iJffiperfeotions, œ ,LiViI"e tr.aite d'un
suj'et intéressant à la lumière des e~péJ.1ienœs et des idées
d'un homme qui mt,sàiI1JS conteste, une des mgtJJres les 'plus
remarquables de l'histoire h<umai!I1e. L'engeIDble de l'œuvre
de Swedenbo~g a été mis à oonmbutioo dans les ohéllpiJtres qui
suivent. A peu 'près .tou:s ,les Ipa,ssages ex,traits de ses ouvrages
scientif,iques ,ou de son Diariam paraissent ici 'poW" la 'première
fois en français. Le lecteur jug~a 11li-mêmede ·t'ointérêtqu'ils
présentent.

(1) POlllr évLter tout m3llentlendu, je prie le lecteur de bien vouloir


prendre connaissance dès maLntenant de la note q.ui se trouve au bas
de la page 238.
CHAPITRE PREMIER

LE SPIRITISME PSYCHIQUE

Coup d'œil général

La science, naguère si réfTadaire à l'étude des faits dits


sllipranormaux, ne croit plus manquer à sa dignité en se
livrant à un examen objectif des phénomènes métapsychiques.
De nombreux savants - et non des moindres - estiment que
seule l'hy,pothèse spirite pe!I"met d'expliquer certains faits
constatés par eux. D'autres expérimentatettTs sont d'un avis
opposé.
La question reste donc ouverte, ce qu~ semble indiquer que
le problème est difficile, sinon impossiMe, à résoudre à l'aide
des seules données acoumulées 'par les métapsychistes et les
spirites. La question serait vite tranchée si nous pouvions
jeter un regard « de l'autre côté du vo~le» et constater ce qui
'f:,'y passe; mais'... non datum est caique.'

i
( Par bonheur, nous possédons dans la personne de Swe­
denbo.rg un ,témoin tout à faM désintéressé et remarquable­
1 ment bien placé pour savoilf de quoi iJ retoorne. Swedenborg
n'éltait pas un médium, mais un voyant - ce qui n'est pas du·
toot la même chose. Il vécut à une époque où nul ne se sou­
ciait des médiums et de leurs «messages ». Si donc il nous
parle des esprits et des relaiÉions qui peuvent s'établir entre
eux et les hommes, ce n'est manifeS'tement pas pom donner
raison aux thèses du spiritisme, mais uniquement parce qu'il
était à même, en sa quaHté de voyant, de se faire une opinion
motivée SUT ce point.
16 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

Voici en quels termes <il s'exp.rime :


Les âmes sont des espri,ts ; car, Cl<u<lJnd l'homme meurt, il devient
«
un esprit. Ainsi LI peut aussi ê·tre présent chez l'homme. Ceci me fut
démontré pair une ,longue expérience. En ef,fet, ·H y eut auprès de
moi beaucoup de personnes que j'avais connues sUlr 'tenr,e.. j'eus
l'occas~on de les revoLr tantôtpen'dant plu.sieu:rs joiUfs, tantôt pendant
des sem~lÎines et des mois. Oes es,prits étaient persuadés qu'Hs ,réin­
tégraient Jeurs CQll'pS et qu'Hs r,etournaJient aJinsi dans le monde. Si
la 'réflexion ne leur avait été accordée qu'j,ls ét<lJ!ent devenus
des esprits ,et qu'en réaiLité Hs étalent séparés des hommes, iLs n'eus­
sent pas été capaJbles de s'en rendre compte.» Diarium 1930.
« Les es.prits qui étaient avec moi fment souvent étonnés d'êNe
ainsi en contaot avec ·Ies hommes et op,lus pail"ffioul'ièr1ement avec moL·.
Les esp;rÏJts peuvent à pei'ne fa:ire autrement que de croire qu'US sont
eux-mêmes des hommes arup:rès desquels ils sont tant est petilne la
différence dont ils sont conscients. En effet, Hs entrent en possession
de tout ce q:ui appartient à 'la mémoi,re de 'l'homme, celui~ci étant
néanmoins laÏJssé à lui-mêm.e» Ibid. 1784.
« Au moyen de ,réI'lex'ions qui leu!!" furent oommuniquées, cer'tains
esprits pllJrent vok par mon ,inbel'médiaÏJfle. Du moins c'est ce qu'ils
affirmaient. En effet, chaque fois qU'til me fut accordé de ,les fal,re
réfléchir à cert<lJins objets, Hs déclam~e1lJt qu'ils ,les voyaient... toure­
fois c'était péllr mon intermédii,ai:re. Ma,is dans 'Ia, meswrle où les hom­
mes ne croient pas être gouvernés au moyen des espri,ts, une pa­
reille réflexion ne saUTa~t leur êtœ communiquée. Ceci p-fOuve que
les esprits ne voient ·pas Vtra~ment à travers ,l'homme; ils ne
font que percevoilr (ses i:mp,ressions) d'après ses intérieurs. Ceci me
fut très SOUVient œndu m<lJni,feste: les .espir:Hs voyaient distinctement
les divers objets de ce monde quand ils pouva,ient percevoir ce qu',H
y avait dans ,mon imag,LnMlon et dans ma pensée.» Ibid. 1905 1/2.
« Quand il fut p.ermis à des eS(Jifij,ts ,de m'i,nfluencer.,... il aniva. à
plus.ieurs !r1epriises que ce furlenten quelque sorte ,eux qui agissaient.
Telle étai.t leur impressIon. Je pus, enettet, constater ohaque fois que
cela provenaH d'eux et non pas de moi, ce que Iles esprits ,reconnais­
saient comme étant paTiÎaitement exact.» Ibid. 2421.
« ." j'ai p.arfois pu observer Qiue qUaJnd je pa;r,lai,s avec des .esl}[its
et que je me 'l'eg,rurdais alors d:ans Ia gLace, H m'rur,r,ivaH d.e 'revêtir
successivement la ,ressemblance de ceux qui étaient avec moi. A vrai
diTe, les trai>ts de mon vIsage restaient 1es mêmes, ma,is l,es change­
mentsde physionom:,e p.alT.aiss'aient ê1lre les leul['s.,. Ce phénomène se
produisit à div,erses ,rel}[,ises.. Les esplits se ,reconnUl['ent Darfaite­
ment, tantôt avec indignation, tantôt ,avec joie.» Ibid. 2205.
«Quand les esprits sont (consciemment) <lJupl['ès de :l'homme
et notamment quand Hs se tiennent denr.ière son dos, Hs s'ima­
ginent qu'ils sont eux"mêmes en toute réa\:itté des hommes et 51
cela leur était permis, ÜS pourraient alors communiquer leurs
COUP D'ŒIL GÉNtRAL t7
pensées oralement au moyen de l'homme, voire même par écrit. En ef.
fet, il est arrivé parfois, pour ne pas dire souvent, qu'ils ont conduit
ma main pendant que j'écrivais, comme si c'était la leur, au point
qu'ils étaient persuadés que c'était eux qui écrivaient. Ceci est telle'
ment vrai que je puis l'attester. Ils pourraient même, si la chose leur
était accordée, écrire dans leur propre style (écriture ~) ; je le sais éga·
lement d'après une courte expérience. Mais ceci ne leur est pas permis
(normalement). :0 Ibid. 557.
Ces déclarations de Swedenborg possèdent une grande
valeur psychologique; en tous cas elles prouvent que plu-
sieurs parmi les phénomènes spirites - notamment la fa-
culté elle-même de la communication, la personnification,
l'incarnation momentanée, la vision des esprits à travers
l'homme et surtout l'é~riture automatique - sont possibles
en pratique. Si Swedenborg certifie avoir à l'occasion écrit
automatiquement sous l'impulsion d'esprits qu'il voyait et
entendait aussi clairement qu'un homme voit et entend un
interlocuteur humain, tout nous porte à croire qu'au moyen
de l'écriture automatique le médium écrivain peut réelle-
ment entrer en contact avec l'Au-delà. Nous discuterons
plus loin la valeur intrinsèque de ces communications mé-
dianimiques; pour le moment, nous nous bornerons à faire
remarquer au lecteur que d'après Swedenborg de pareilles
communications ne sont pas permises et qu'elles consti-
( tuent par conséquent une forme illicite du commerce avec
) le monde supra-sensible. Il est néanmoins heureux que
~ Swedenborg ait pu avoir exceptionnellement la faculté de
vérifier expérimentalement la possibilité de ces modes
anormaux de contact avec les trépassés. Nous ver-
rons plus loin par d'autres citations ('inanité et le danger
des messages, délivrés dans de pareilles conditions.

2
18 LE SPIRITISME PSYCHIQUe

II

Objections religieuses.
Nous ne nous arrêterons pas longuement à examiner les
objections formulées d'habitude par les gens d'église. De
toutes les explications, celle du diable s'efforçant à séduire
les crédules, nous paraît de beaucoup la plus pauvre. Quant
aux autres réfutations théologiques, le plus qu'on puisse en
dire, c'est qu'elles sont faibles. Il y a, il est vrai, la défense
expresse de la Bible mise en avant par les protestants; mais
cette défense sonne faux dans la bouche de ceux qui, avec
leur Haute Critique, ont si bien réussi à saper l'autorité di­
vine de J'Ancien Testament!
De nos jours on ne saurait condamner l'activité d'une
personne et encore moins celle d'un groupe de personnes,
sans s'appuyer sur des raisons sérieuses. Or, la défense
qui fut faite aux Juifs de se livrer à la nécromancie, ne
constitue pas un motif suftisant pour intervenir contre la
propagande spirite moderne.
Si Ja vieille église (1) combat le spiritisme (sans grand suc­
cès d'ailleurs!) c'est avant tout parce qu'il oppose un
démenti retentissant à ses doctrines. (2) Or, il est malheu­
(1) La vieille Eglise catholique, orthodoxe et protestante est à la nou­
velle, ce que le juda'isme fut à l'Eglise chrétienne apostolique. «Evi­
demment, a dit Balzac, Swedenborg résume toutes les religions, ou plu­
tôt la seule religion de l'humanité". En proclamant l'Evangile d'une foi
vraiment rationnelle, ses écrits religieux inaugurent une nouvelle dis­
pensation de la Vérité et l'aurore d'un âge nouveau. Tout ce qui est con­
traire à l'esprit de cet âge, même le matérialisme scientifique, appartient
spirituellement à la «vieille Eglise ", à un échelon périmé de l'évolution
humaine.
(2) Après avoir énuméré les principales doctrines catholiques (l'infail­
libilité de l'Eglise, la résurrection du corps, le péché originel, les béati­
tudes et les peines éternelles, l'existence personnelle de Satan, etc.) le
Rév. Père Mainage, professeur à l'Institut Catholique de Paris, déclare
ce qui suit: «J'ai le regret d'observer que de tous ces points, il n'en est
pas un seul, si l'on excepte l'affirmation gén~rale de la survivance, qui ne
soit battu en brèche et catégoriquement nié par ce que l'on dit être la
OBJECTIONS RELIGIEUSES 19
reusement vrai que les vieilles doctrines, reposant sur le
seul sens littéral de la Parole de Dieu, sont rationnellement
plus contestables que les affirmations générales du spiri­
tisme! C'est l'insuffisance, c'est l'absurdité de l'ancienne
dogmatique qui a jeté bon nombre de personnes dans les
bras des esprits! De quel droit l'église condamne-t-elle une
tentative de connaître ce qu'elle-même est impuissante à
nous expliquer? Si nous n'étions pas persuadés que les
écrits de la Nouvelle Eglise contiennent la réponse divine
à tous les problèmes dont on cherche la solution dans le
spiritisme, nous hésiterions, fort à lancer, a priori, l'anathème
contre un effort honnête pour lever le voile qui enveloppe
notre destinée future dans un mystère aussi angoissant.

III

Le spiritisme devant la science.


L'attitude des hommes de science vis-à-vis des phéno­
mènes métapsychiques est très variable. Quelques-uns
rejettent tout, d'autres acceptent tout; d'autres encore ne
reconnaissent les faits indéniables que pour les expliquer
à leur manière.
Parmi les savants qui expliquent tout par l'illusion, la
suggestion, l'hallucination, la fraude, la prestidigitation, le
charlatanisme, le hasard ou le complot, on peut citer le
nom du Dr Gve Le Bon. L'auteur de la Psychologie des
foules a écrit les lignes suivantes dans l'introduction placée
en tête de l'ouvrage de C. Lombroso, paru dans la Biblio­
thèque de Philosophie scientifique:
«Les lecteurs au courant de mes recherches sur la Re­
révélation spirite. Non, la révélation catholique et la révélation spirite
n'employent pas le même langage et ne manient pas les mêmes idées.
Notre Dieu et les esprits de l'Au-delà se contredisent. Une fois pour
toutes, il faut le proclamer hautement:.. Th. Mainage: La Religion
Spirite, p. 16.
20 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

naissance de la Magie, s'étonneront peut-être de voir paraître,


dans une collection que je dirige, un livre destiné à justifier
l'existence des phénomènes spirites, alors que j'ai essayé
de montrer qu'ils étaient le produit d'illusions pures.
» Ces illusions ne sont pas seulement engendrées par
des fraudes, mais surtout par le pouvoir saggestif de cer­
tains médiums. Ce pouvoir varie avec la mentalité des
assistants et c'est pourquoi le médium produit, suivant les
observateurs, des effets fort différents. Celui (Eusapia Pa­
ladino) qui révéla de si merveilleuses choses à Lombroso,
ne put montrer rien de semblable (?) aux membres de
l'Institut Psychologique de Paris dans les nombreuses
séances consacrées à son observation" (1).
Il faut avouer que cette façon de luger est un peu sim­
piste. c( Bon gré, mal gré, a écrit le Prof. Thury dans son
célèbre ouvrage suries tables tournantes, il faudra que les
savants apprennent, par l'expérience de leurs erreurs, à
suspendre leurs jugements sur les choses qu'ils n'ont point
suffisamment examinées. >
« Doutez, dit Crookes, mais ne niez pas j montrez par la critique la
plus sévère, ce que dans mes épreuves expérimentales il faut considé­
rer comme des erreurs, et suggérez des essais plus concluants j mais ne
nou~ faites pas à la hâte traiter nos sens de témoins menteLlrs, parce
qu'ils auront témoigné contre vos idées préconçues. (2) ,.
Les observations les plus scrupuleuses des savants les
plus distingués, loin d'amener ceux-ci à nier l'existence des
phénomènes «supra-normaux ", les ont au contraire obligés
à en constater la réalité. (3)
(1) Hypnotisme et Spiritisme. Paris 1916. Ernest Flammarion, édi­
teur. - Introduction, p. 1.
(2) W. Crookes, Recherches sur les Phénomènes du Spiritualisme,
p.36.
(3) Voir en particulier, sur les phénomènes d'Eusapia constatés et
automatiquement enregistrés par des appareils au' laboratoire de Phy­
siologie de l'Université de Naples, les remarquables articles du Prof.
Bottazzi: Dans les régions inexplorées de la biologie humaine; obser­
vations et expériences sur Eusapia Paladino. Annales des Sciences
Psychiques, 1. XVII (1907) p. 553 et suiv. Ainsi que le rapport de
LE SPIRITISME DEVANT LA SCIENCE 21

« L'autorité et la répétition des témoignages et des preuves font qu'il


n'est plus permis de douter. La cryptesthési(), l'ectoplasmie, la prémo­
nition, me paraissent à présent établies sur des bases de granit, c'est-à­
dire sur plusieurs centaines d'observations précises, comme aussi sur
plusieurs centaines d'expériences rigoureuses (1). »
.. Pour croire que toute la métapsychique est une illusion, il faudrait
supposer que William Crookes, A. R. Wallace, Lombroso,· Zôllner,
Fr. Myers, Oliver Lodge, Aksakoff, Ochorowicz, J. Maxwell, Boutlerow,
du Prel, William James, Morselli, Bottazzi, Bozzano, Flammarion, A. de
Rochas, A. de Grammont, Schrenck-Notzing, William Barrett, ont été
tOIlS, sans exception, ou des menteurs ou des imbéciles. " Ibid., p. 762.
La science n'est pas parvenue non plus à donner une
explication naturelle des phénomènes spirites, puisque nous
trouvons des savants tels que Sir Oliver Lodge, Sir Wil­
liam Crookes, Lombroso, Wallace, Flammarion et Barrett
(pour ne citer que ceux-là), qui sont d'avis que seule l'hypo­
thèse spirite peut rendre compte de la totalité des faits
observés.
c 11 m'est absolument impossible, avoue C. Flammarion, de douter des
manifestations des défunts en certaines conditions, et de leur survi­
vance, au moins pendant un certain temps (2). »
c Je défie bien le plus sceptique de mes contradicteurs d'expliquer
l'observation suivante (rapportée par Myers dans Human Personality)
en refusant d'admettre l'action du mort.:> Ibid. p. 28.
Sir Oliver Lodge déclarait le 22 nov. 1914: Cl J'ai conservé avec mes
amis défunts exactement comme je pourrais causer avec une personne
quelconque. Etant des hommes de science, ces amis ont fourni la preuve

M. Courtier (nov. 1908) sur les séances d'Eusapia à l'Institut Général


Psychologique de Paris, où plusieurs de ces phénomènes ont aussi été
enregistrés sans qu'il y ait eu possibilité de fraude concevable.
Voir aussi C. Flammarion: Les Forces Naturelles Inconnues, L'In­
connu, etc. et La Mort et son Mystère,. Lombroso: Hypnotisme et Spi­
ritisme, p.63-72 j notamment le rapport signé par MM. Aksakoff, Richet,
Finzi, Ermacora, Brafferio, Gerosa, Schiapparelli, du Pre!, Lombroso,
p. 52 et 53. Richet: Traité de Métapsychique; Geley: De l'Inconscient
au Conscient j Crawford: The Psychic Structures of the Ooligher Cir­
cle; Barrett: On the Threshold of the Unseen j Crookes: Recherches
sur les Phénomènes du Spiritualisme; J. Bisson: Les Phénomènes dits
de Matérialisation.
(1) Ch. Richet, Traité de Métapsychique, p. 761,
(2) Après la Mort, p. 16.
22 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

de leur identité, la preuve qu'ils étaient eux réellement ct non point quel­
que personnification ou quelque autre chose émanant de moi-même (1):0.
La Psychical Research en Angleterre affirme avoir prouvé
la survivance- de la personnalité humaine au moyen de
ce qu'on appelle là-ba~ cross-correspondences, book- ou
newspaper-tests (2) et litterary puzzles. Cependant, le congrè;;
des sciences psychiques de Copenhague, qui tint ses assi­
ses du 28 VII au 2 IX 1821, se prononça à une assez forte
majorité pour les conclusions suivantes: 1 La réalité des
0

faits spirites est indéniable (3). 2 Rien ne peut prouver l' hypo­
0

thèse spirite d'après laquelle ces faits seraient dus à des


personnalités humaines désincarnées. Qui croire?
Les théories scientifiques ne manquent certes pas. On parle
de télesthésie, de cryptesthésie, de télépathie, de télergie, de
somnambulisme, d'hypnotisme, d'auto-suggestion, de con­
science et de mémoire subliminales (Myers), de sub­
conscience, de perméabilité du diaphragme psychique
(Myers), de dissociation et de désintégration de la per­
sonnalité, de personnalité multiple, de stratification du carac­
tère (Sergi), de cryptomnésie, de paramnésie, d'ecmnésie
(Lombroso), de télékinésie (Myers), de tachycinésie (Flour­
noy), d'extériorisation de la sensibilité et de la motricité
(de Rochas), de dépolarisations psychiques (Féré et Binet),
de psycho-dynamisme (Morselli, Geley), d'ectoplasmie, de
téléplasmes (Richet), etc. Mais tous ces termes expriment
des constatations et des hypothèses plutôt que des explica­
tions scientifiques. La majeure partie des néologismes
mentionnés ci-dessus ont été forgés dans le but de classer
logiquement les phénomènes admis et d'en rendre l'étude
plus précise et plus commode.
(1) Annales des Sciences Psychiques, janv. 1916. Revue Spirite, oct.
1921.
(2) Le Psychic Research Quaterly, par exemple, a publié dans son
numéro d'avril 1921, une série de newspaper-tests vraiment fort con­
, vainquants.
(3) Cependant le~ expériences faites tout ré~emment à la Sorbonne
avec le fameux médium à matérialisation Eva C., ont donné un résultat
entièrement négatif.
LE SPIRITISME DEVANT LA SCIENCE 23

Ce ne sont probablement pas les phénomèmes purement


matériels et physiques, observés avec de bons médiums,
qui militent le plus en faveur de l'hypothèse spirite, c'est-à­
dire en faveur de l'intervention des défunts. C'est évidem­
ment le caractère psychique, nettement accusé, des phéno­
mènes qui. fait penser à la manifestation d'intelligences
étrangères. Mais il est assez curieux de constater que la
généralité des psychologues restent beaucoup moins per­
plexes devant les aspects psychiques de la médiumnité,
que devant certaines de ses manifestations physiques. La
raison en est que quelques-uns des effets matériels du
spiritisme sortent absolument du cadre des phénomènes
connus aux physiciens, tandis qu'il y a une ressemblance
frappante entre la nature des caractères psychiques de la
médiumnité et la nature des phénomènes de la psychologie
normale et anormale.
« ... le spiritisme, écrit le prof. Th. Flournoy, pour au­
tant que j'en juge par mon expérience et mes lectures, est
une complète erreur. Les faits que j'ai pu étudier d'un peu
près m'ont tous laissé l'impression qu'en dépit de certaines
apparences superficielles, auxquelles les badauds se lais·
sent prendre, c'est se tromper lourdement que d'attribuer
aux Esprits des morts, aux désincarnés, comme on les ap­
pelle, les curieux phénomènes que présentent les médiums.
»La plupart de ces phénomènes s'expliquent facilement
et sans résidu par des processus inhérents aux médiums
eux-mêmes et à leur entourage. L'état de passiveté ou de
laisser-aller, l'abdication de la personnalité. normale, le
relâchement du contrôle volontaire sur les mouvements
musculaires et les associations d'idées, - toute cette dispo­
sition psycho-physiologique spéciale où le sujet se place
dans l'attente et le désir de communiquer avec les trépas­
sés, favorise chez lui la dissociation mentale et une sorte
de régression infantile, de rechute à une phase inférieure
d'évolution psychique, où son imagination puérile se met
tout naturellement à jouer au désincarné, dont l'idée le
24 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

hante, en utilisant pour ses rôles les ressources de la


subconscience (complexus émotifs, souvenirs latents, ten­
dances instinctives ordinairement comprimées, etc.). C'est
ce que l'on pourrait appeler la théorie ludique ou scénique
de la médiumnité, par opposition à la théorie diabolique
soutenue par les théologiens catholiques et à la théorie
spirite de l'intervention des défunts. (1)
»Quant aux incidents supra-normaux qui se mêlent si
souvent aux phénomènes médiumniques - et que le 5piri­
tisme interprète comme impliquant la participation d'intelli­
gences extra·terrestres - dans la mesure où ils sont
(1) M. Flournoy développe cette théorie plus spécialement dans SOI1
gros ouvrage Des Indes à la Planète Mars, dans lequel il étudie à fond
le cas si curieux de personnalité multiple, que présente Mlle Smith.
Voir aussi le cas de Miss Beauchamp, étudié en Amérique p.lr
M. Morton Prince, et publié dans son livre The Dissociation of a
Personality. (Longmans Ed.) On y assiste à la naissance successive
de quatre personnalités distinctes. Chose curieuse, et qui semble
confirmer la théorie ludique ou scénique de la médiumnité, c'est que
l'une de ces personnalités secondaires, qui s'est donné le nom de Sally,
a essayé de se faire passer, pour un esprit, en s'amusant à "jouer au
désincarné" (Cf. chap. XXII).
On peut consulter également le volume de MM. Si dis et Goodheart :
Multiple Personality (New.York, Appleton & C2, Ed.), spécialement la
seconde partie qui traite du cas de M. Hanna (Dissociation mentale
par suite d'amnésie totale).
Mais il faut ajouter que le Dr Mc Dougall, un des plus illustres psy·
chologes contemporains, ne partage aucunement l'opinion du Dr Prince
et des Ors Sidis et Goodheart au sujet de Sally. Pour lui, cette dernière
n'est pas une sous.personnalité de Mlle Beauchamp (comme B IV), ni un
état hypnotique (comme B Il, B V et B VI), mais un être distinct ayant
pris possession de l'organisme de Mlle Beauchamp. (En effet, tandis
qu'on a réussi à amalgamer en une Mlle Beauchamp normale les diffé·
rentes personnalités somnambuliques et hypnotiques, Sally- ou B III, qui
restait -Irréductible et autonome, a dû être complètement refoulée). Sir
W. f. Barrett se range à l'interprétation de Mac Dougall : c Je suis d'ac­
cord avec le Dr Mc Dougall qui ne trouve p~s satisfaisante l'explication
de Sally telle que la propose le Dr Prince. C'est utilis'er une hypothèse
- celle du moi subliminal -.:. qui n'est même pas acceptée par tous les
psychologues, pour s'en servir comme d'un manteau pour cacher notre
ignorance. Le Dr Mc Dougall Incline à croire que Sally était Ull être
psychique distinct qui contrôlait le cor.ps__de Mlle Beauchamp. Le cas
de Doris Fisher (étudié aux E. U. par le Dr Walter Prince) qui ressemble
LE SPIRITISME DEVANT LA SCIENCE 25

vraiment supranormaux et ne se ramènent pas à des erreurs


d'observation, etc., ils dénotent à la vérité tout un domaine
de forces ou de lo;s encore mystérieuses, mais où rien ne
prouve réellement jusqu'ici que les désincarnés aient une
part quelconque. Il serait évidemment téméraire de pré­
tendre en exclure a priori la possibilité; ce sera à l'avenir
de tirer les chose:; au clair. Mais, comme il y a nombre de
cas où les faits supranormaux (télépathie, clairvoyance,
télécinésie, etc.), se comportent visiblement comme ne re­
levant point des défunts, mais de facultés spontanées et
naturelles des vivants dans certains états spéciaux de leur
personnalité, il est logique de supposer - provisoirement
du moins - et jusqu'à preuve du contraire - qu'il en est
de même dans les autres circonstances plus obscures.
» ... J'ai relevp. bien des indices montrant que même les
matérialisntions (supposées admises) n'impliquent point
forcément une intervention de l'Au-delà; car l'analyse de
leur contenu psychologique les ramène à n'être que des
créations du médium, des élaborations ou produits de son
imagination subconsciente (1). "
Ces théories préconisées par M. Flournoy, ainsi que par
la majorité des psychologues, sont évidemment fort sédui­
santes. Elles sont d'ailleurs corroborées par la psycho-ana­
lyse de Freud, qui permet certainement de conclure à une
ressemblance frappante entre lè processus onirogène (c'est­
à·dire de la genèse du rêve) et Je processus spiritogène (2).
Nous pouvons ajouter que Swedenborg a établi la même
vérité bien avant la psychologie moderne. Dans le Journal
de ses Rêves, carnet dans lequel il a noté un grand nombre
sur beancoupde points au précédent, semble confirmer l'idée qu'occa­
sionnellement un corps humain peut devenir la victime d'une obsession,
le siège d'une réelle invasion venant du monde des esprits. Si nous
admettons l'hypothèse des esprits, cette façon de voir n'a rien d'impro­
bable ". W. f. Garrett, Oll the Threshold of the Uilseell, p. 138.
(1) flournoy: Esprits et Médiums, p. VI-VII.
(2) Cf. W. Lay, Ph. D. ll1an's UIlCOIlScious Passion: the Psycho-ana­
lysis of Spiritism. Kegan Paul, & C~.
26 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

de songes qu'il a fait suivre d'une véritable analyse psy­


chique, Swedenborg nous dit que «les esprits (ou les per­
sonnages oniriques) se présentent suivant l'amour de cha­
cun, car les affections sont représentées par des esprits» (1).
Mais le malheur veut que tous les faits de la psycho­
logie et de la psychopathologie auxquels on a parfaitement
raison de comparer les phénomènes psychiques de la
médiumnité, restent eux-mêmes très obscurs quant à leurs
véritables origines et quant à leur nature dernière. M. Flour­
noy avoue d'ailleurs que «cette activité subliminale eUe­
même, ou l'auto-suggestion, reste en somme capricieuse et
inintelligible dans SOn essence». (2)
Mais dénoncer l'analogie évidente qui se manifeste entre
la formation des personnalités «désincarnées", dans la
transe ou dans les automatismes, et la genèse des person­
nalités engendrées dans le rêve ou dans l'hypnose ­
genèse que les psychologues expliquent par le libre jeu de
divers complexus émotifs habituellement retenus sous le
seuil de la conscience et par l'association ou la dissociation
de certaines synthèses mnésiques - ce n'est pas trancher
le fond de la question! C'est encore moins réfuter l'hypo­
thèse qui admet l'action des esprits, car rien ne prouve
qu'il n'y ait pas combinaison des deux facteurs qu'on oppose
généralement l'un à l'autre, à savoir: l'action de la person­
nalité subliminale ou subconsciente et l'influence d'autres
(1) Swedenborg: Journal oj Dreams, No 252.
~2) Esp. et Méd., p. 251.
c Si, dit Mac Dougall, nous acceptons la description que le Dr Prince
nous donne de Sally Beauchamp (le subconscient devenant une person­
nalité alternante), nous ne pouvons nous expliquer l'existence de cette
dernière qu'en adoptant la théorie d'après laquelle la personnalité nor­
male' consiste en un corps et une âme agissant l'un sur l'autre, l'âme
n'étant pas dépendante du cerveau ou de quelqu'autre base physique,
pour ce qui concerne la mémoire, mais possédant au nombre de ses
facultés celle de retenir et de se souvenir... Cette conclusion confirme­
rait fortement l'explication spirite de cas tels que celui de Mme Piper et
contribuerait largement à justifier la croyance à la survivance de la
personnalité humaine après la mort du "corps.» Proceedings oj the
Society jor Psychical Research. Vol. XIX, p. 430, cité par Barrett.
LE SPIRITISME DEVANT LA SCIENCE 27

personnalités «extra-terrestres»! Selon nous, c'est tout à


fait à tort qu'on sépare et qu'on oppose entre eux ces deux
éléments. Ils ne sont absolument pas contradictoires. Nous
croyons même que ce n'est que dans leur combinaison ra­
tionnelle qu'on saurait trouver la clef de l'énigme spirite.
Les études métapsychiques ont déjà étendu considérable­
ment les limites de la personnalité humaine. Depuis la dé­
couverte de la personnalité subliminale (lat. sub, en dessous
et limen, seuil), notre royaume psychique a bénéficié d'une
vaste «extension territoriale ». Mais ce que les psycholo­
gues ne réalisent pas encore suffisamment, c'est que notre
psychisme se prolonge en quelque sorte en dehors de nous­
mêmes, en constituant une sphère mentale distincte autour
de chaque individu. Notre personnalité consciente, pour ce
qui concerne son extension par rapport à celle de notre per­
sonnalité subconsciente et de notre sphère mentale, peut être
comparée au spectre visible, qui n'est qu'une infime partie
du spectre total dont la plus grande portion est occupée
par l'ultra-violet et surtout par l'infra-rouge (1).
Or, la science est bien loin d'avoir élucidé le rôle et les
attributs du domaine subconscient et inconscient du psy·
chisme humain et d'en avoir démêlé les lois. Elle n'est donc
pas bien placée pour décider ce qui est normal et ce qui ne
l'est pas. Il est clair que lé supranormal est uni au normal
par les liens d'une parenté étroite. Le supranormal n'inpli­
que pas l'apparition de facultés inexistantes d'habitude, mais
plutôt un dérangement ou une inversion dans l'ordre habi­
tuel du fonctionnement des facultés déjà existantes.
C'est, en général, grâce à l'ohservation de phénomènes
anormaux que les savants sont arrivés à découvrir des fonc­
tions parfaitement normales en elles-mêmes, mais encore
inconnues. Il n'eût donc pas été illogique de conclure que
le spiritisme n'était qu'un cas particulier - anormal si l'on
(1) En établissant cette comparaison nous pensions être original i or,
nous venons de découvrir que Fred. Myers a déjà dit quelque chose
d'analogue...
28 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

veut - d'une sorte de symbiose (1) des esprits et des


hommes, parfaitement naturelle dans son essence ct indis­
pensable comme facteur de notre vie psychique. L'hypo­
thèse eût certes été hardie et peut-être non encore justifiée
dans l'état actuel des connaissances de la psychologie et
même de la métapsychie. Tout ce que nOLIs nous permet­
tons de suggérer, c'est qu'elle n'eût pas été contraire à la
logique ou aux leçons de l'expérience scientifique.
Mais il y a des choses que la science est impuissante à
découvrir, par définition; comme J'existence de Dieu et du
monde spirituel(2). Cependant il est clair que ce qui est in­
connu de la science ou inconnaissable par des moyens na­
turels, n'en existe pas moins et n'en exerce pas moins une
action constante et profonde sur la portion connue du cos­
mos. Si toutes les forces, si toutes les lois ignorées des sa·
vants venaient à disparaître subitement, l'univers serait ins­
tantanément changé en chaos et s'évanouirait comme un
son qui se perd dans l'atmosphère. Les concepts de la
science seront faux tant qu'ils resteront fragmentaires!
Une philosophie vraiment rationnelle et universelle doit
avoir pour « plancher» la connaissance exacte des faits
naturels, et pour «plafond » la connaissance exacte des
faits spiritLlels. C'est dire qu'elle doit tenir le milieu entre
la science et la révélation et leur servir de trait d'union. La
philosophie de la science (et l'on ne saurait de nos jours
être homme de science sans être philosophe) et la philoso­
phie de la religion sont complémentaires et ne peuvent
s'ignorer plus longtemps.
Cette union entre la religion, la philosophie et la science
a été accomplie dans les écrits de Swedenborg. Ce que

(1) Symbiose (gr. sun, avec, et bios, vie) association de plusieurs


organismes qui leur permet de vivre.
(2) «La science est athée par nature, dit M. H. Marion dans l'Ency­
clopédie, en ce qu'elle a ,pour objet unique d'étudier le comment des
choses, le mécanisme, la liaison des causes et des effets, sans s'embar­
rassér des questions d'origine première et de fin. ,.
LE SPIRITISME ET SWEDENBORG 29
la science ne saurait découvrir, nous y a été révélé, ce qui
nous permet d'arriver à une synthèse logique et philoso­
phique du domaine naturel et du domaine spirituel, consi­
dérés encore trop souvent comme antinomiques.

IV

Le Spiritisme et Swedenborg.
La solution que la Nouvelle Eglise donne au problème
qui nous intéresse est la suivante: Le spiritisme ne consti­
tue qu'un cas particulier d'un phénomène tout à fait général.
Donnons plutôt la parole à Swedenborg:
1. « L'homme est un esprit revêtu d'un corps. (A. C. 3342).
2. ,. Tout homme est un esprit quant à ses intérieurs.
(A. C. 432-444).
3. ,. Pour connaître les intérieurs de l'homme, il faut savoir
qu'il y a un homme Interne et un homme Externe. L'homme
Interne est dans le monde spirituel et l'homme Externe
dans le monde naturel; ainsi celui-là dans la lumière du
ciel, celui-ci dans la lumière du monde. Puis aussi il faut
savoir que l'homme Interne est tellement distinct de
J'homme Externe que celui-là, étant antérieur et intérieur,
peut subsister sans celui-ci, mais que celui-ci ou J'Ex­
terne, étant postérieur et extérieur, ne peut subsister sans
.celui-Jà. (A. C. 6055).
4. ~ L'homme, quant à l'Externe, ne peut subsister que
d'après J'Interne et au moyen de l'Interne. L'homme In­
terne ne peut non plus subsister que d'après le ciel et
au moyen du ciel; et le ciel non plus ne peut subsister
d'après soi, mais subsiste d'après le Seigneur qui Seul
subsiste d'après Soi. Il y a influx selon J'existence et la
subsistance, car toutes choses subsistent par l'influx ...
30 LI: SPIRITISME PSYCHIQUe

procédant du Seigneur... médiatement à travers le monde


spirituel. (A. C. 6056).
5. »Ils (les anges et les esprits) sont en même temps avec
l'homme, conjoints à l'affection et à la pensée de son esprit;
car l'homme est esprit, c'est d'après l'esprit qu'il pense
et veut. Le monde spirituel est donc là où est l'homme
et nullement distant de lui. En un mot, tout homme quant
aux intérieurs de son mental est dans le monde spirituel
au milieu des esprits et des anges qui y sont,. et il pense
d'après la lumière de ce monde et aime d'après la cha-·
leur de ce monde. (S. A. 92).
6. »Non seulement la vie dans le commun, mais ausssi l'en­
tendement et la volonté influent... car s'il n'y a pas chez
l'homme des esprits et des anges, par lesquels est trans­
mis l'influx, l'homme ne peut pas même vivre un seul ins­
tant, ni par conséquent penser et vouloir, comme on peut
le voir par les nombreuses expériences rapportées à la
fin de plusieurs chapitres où il a été traité de l'influx; voir
les articles cités N°s 9223, 9276f., 9682. (A. C. 10219. Voir
aussi 5986).
7. " Que toute vie vienne du Seigneur. c'est encore ce
qu'il m'a été donné de savoir par cela que tout esprit
pense et parle non d'après lui-même, mais d'après d'au­
tres et ces autres d'après d'autres et ainsi de suite (1).
(1) Le lecteur intelligent, en lisant ces lignes, n'en tirera évidemment
pas la conclusion que toutes nos pensées et nos paroles nous sont
dictées ou imposées. Swedenborg nous révèle ici ce fait capital que
notre esprit, n'étant qu'un organisme créé pour recevoir la vie, l'acti­
vité de cet organisme ne saurait être engendrée par lui-même, mais
qu'elle doit nécessairement résulter d'une force agissant extérieurement
sur l'.organisme. L'énergie n'étant pas créable, elle ne peut être que
transmissible. Toute activité, toute force, provient donc en dernière
analyse d'une source unique: Dieu, la Vie même. Notre individualité
ne réside donc que dans notre manière de recevoir et de transformer la
vie. Notre activité psychique et physique n'est en dernier ressort qu'une
réaction sur le milieu, tant spirituel que naturel, qui nous entoure et
qui nous transmet l'énergie' sous ses différentes formes, qu'il s'agisse
de nourriture corporelle, de chaleur physique ou de forces mentales.
(Camp. A. C. § 4526 et D. P. § 288·294).
ü: SPIRITISME ET SWEDENBORG :H
Cela a très souvent été démontré (dans le monde spiri­
tuel) à ceux qui croyaient que la vie en eux n'influait
pas; et de là, il m'a été donné de conclure que, puisque
nul ne pense ni ne parle d'après soi, mais d'après d'au­
tres, tous enfin pensent et parlent d'après un seul (mo­
teur) (1), ainsi d'après le Seigneur et que si tous ne pen­
(1) « Ce n'est pas moi qui pense, disait Lamartine, ce sont mes idées
qui pensent pour moi. »
«II faut que je mentionne ici une découverte étonnante, écrit le
Dr Brinton, à mon avis la plus étonnante des temps récents: C'est que
les lois de la pensée humaine sont terriblement rigides, qu'elles sont à
vrai dire automatiques et inflexibles: Le mental humain semble être une
machine... Un auteur moderne éminent est si frappé de ce fait, qu'il
pose comme une maxime fondamentale de l'éthnologie que nous ne
pensons pas, que c'est la pensée qui s'effectue en nous.» Religions of
Primitive People, p. 6., cité par S. Spi dei dans le journal of Religious
Psychology, vol. 5, N° 1, p. 19.
« En vérité, la faculté de penser peut être comparée à la faculté que
possèdent les viscères d'agir suivant leur composition (ou organisation),
faculté qui n'appartient pas aux fibres et aux vaisseaux eux-mêmes,
mais à la vie dans les fibres et dans les vaisseaux.» Diarium 2220. « En
un mot, chaque idée, la moindre perception et la plus petite affection,
existent dans un ordre qui leur est propre, c'est-à-dire qu'elles possè­
dent chacune leur ordre particulier d'après le principe commun qui
influe. Ceci peut sembler incroyable à tout le monde; c'est néanmoins
la vérité j car autrement, l'homme, l'esprit et l'ange, ne pourraient pas
même avoir la plus petite idée. Ceci me fut démontré par une expé­
rience manifeste. » Ibid 2268. Voir aussi sur la complexité, la hiérarchie
et la translation des pensées angéliques et humaines, les N0s 2265 -70,
2285,2211-20, etc.
«L'univers est gouverné par le Seigneur sans peine et même très
facilement. Il y avait un jour autour de moi un très grand nombre d'es­
prits et d'anges, quelques millier3 peut-être, à qui il fut démontré par
une expérience vivante combien facilement l'univers est gouverné par
le Seigneur. Il me fut permis d'influer dans leurs pensées et ainsi de
pouvoir en quelque sorte gouverner ceux qui étaient dans les alentours.
Ceci ne fut effectué qu'au moyen d'une seule pensée et de ses variations.
Toutes et chacune des choses furent disposées comme suivant mon
geste (mouvement de la tête). Il me fut donné ainsi de transmettre du
bonheur à quelques-uns ainsi que d'autres choses et de varier les
choses suivant ce que je pensais. Je pus conférer de pareiIles choses
indifféremment à chaque esprit qui était en société avec moi, voire
même à des esprits plus distants, suivant leur manière. De cette façon,
nous pûmes connaître combien facilement toutes choses, en général et
en particulier, sont ordonnées par le Seigneur, qui est dans les suprêmes,
32 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

saient pas et ne parlaient pas d'après un seul, il n'aurait


jamais pu exister aucun ordre de vies dans le ciel, où ce­
pendant il y a cet ordre, que le ciel est distingué en so­
ciétés selon la qualité du bien: Il en serait tout autrement
si chacun agissait d'après sa vie (c'est-à-dire d'après une
vie qui lui était inhérente). (A. C. 6470). (1)
8. »Quand les anges influent, iis adjoignent aussi des ~f­
fections et les affections contiennent en elles-mêmes des
choses innombrables. Mais de ces choses innombrables
il n'yen a que peu qui soient reçues par l'homme et seule­
ment celles qui sont applicables aux choses qui sont anté­
rieurement dans sa mémoire. Toutes les autres choses de
l'influx angélique entourent cel1es-I~1 et les tiennent comme
dans leur sein. (A. C. 6320).
9. »Que tout ce que l'homme voit, entend, adore, goQte et
sent, vienne par influx, on ne peut le nier, pourquoi n'en
serait-il pas de même de ce que j'homme pense et veut?
Est-ce qu'il peut y avoir d'autre différence, sinon que
dans les organes des sens externes ou Ju corps influent
des choses qui sont dans le monde naturel et que dans
les substances organiques des sens internes ou du mental
influent des choses qui sont dans le monde spirituel; que
par conséquent, de même que les organes des sens ex-
savoir dans les choses intimes, plus intérieures et intérieures... D'après
les suprêmes, comme d'après autant de centres, tout le circuit en
quelque sorte est très facilement dirigé et sans aucune peine.» Dia·
rium 2234.
(1) «Un progrès très important quant à l'utilité de la psychologie est
dû à la reconnaissance croissante de la mesure dans laquelle l'esprit
humain adulte est le produit de l'influence plastique (moulding) exer·
cée par l'environnement social, par la reconnaissance croissante du fait
que le mental humain strictement individuel, qui seul intéressait jus.
qu'ici la vieille psychologie introspective et descriptive est une pure
abstraction et n'a aucune existence réelle. ,. Mc Dougall: An Introduc­
tion ta a Social Psycltology, p. 16. L'auteur développe cette conception
dans son gros ouvrage The Group Mind, travail qu'il est intéressant
d'étudier à la lumière de la 1 doctrine du Maximus Homo de Sweden­
borg, à la condition que par «milieu social,. l'on entende aussi l'envi'
ronnement spirituel, les associations mentales ou l'ambiance psychique.
LE SPIRITISME ET SWEOENBORG 33

ternes ou du corps sont les réceptacles des objets natu­


rels, de même les substances organiqueS des sens internes
ou du mental sont les réceptacles des objets spirituels P. ~
(D.P.308).
Si ce qui précède est vrai, si notre esprit évolue dans un
milieu qui lui est homogène, c'est-à-dire un milieu spirituel,
mental ou psychique, il 'est évident qu'il nous faut de toute
nécessité connaître ce milieu et comprendre l'influence qu'il
exerce sur notre vie psychique, pour établir un système
rationnel de psychologie normale et anormale. Il y a long­
temps que les biologistes ont reconnu l'influence capitale
que le milieu exerce sur l'évolution des organismes vivants.
Il faut que les psychologues, de leur côté, arrivent à la
même conclusion dans leur propre domaine. Tant qu'ils
n'auront pas placé notre organisme mental dans le milieu
qui lui est propre et dans lequel il vit et se développe,
c'est-à-dire tant qu'ils ne posséderont pas des notions pré­
cises sur le monde spirituel, sur son organisation et sur les
lois qui y règlent l'échange et l'équilibre des forces, iis ne
pourront voir que l'ombre des réalités qu'ils cherchent à
découvrir.
Comme le prouvent les quelques citations ci-dessus, no­
tre vie psychique dépend d'un grand nombre de facteurs
qu'on pourrait appeler supra-naturels ou plutôt supra-phy­
siques, parce que situés en dehors du domaine des contin­
gences purement matérielles. Mais ils ne sont nullement
surnaturels ou extra-normaux pour cela, puisque c'est d'eux
que dépend en très grande partie le fonctionnement normal
de notre vie mentale.
C'est l'existence naturelle et indispensable de cette sorte
de symbiose inconsciente des hommes et des esprits, qui
nous autorise à considérer le spiritisme comme ne consti­
tuant qu'un cas particulier et anormal de l'action générale
et habituelle des forces spirituelles auxquelles nous sommes
toujours soumis.
Certàins spirites se réclament de Swedenborg et d'autre
3
34 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

part il n'est pas rare d'entendre parler du «spiritisme de


Swedenborg ». M. Flournoy lui-même emploie, à notre
grand regret, cette dernière expression (1). Or, rien n'est
plus faux que de traiter les adeptes de Swedenborg de
spirites. Toutes les organisations de la Nouvelle Eglise sont
unanimes à condamner sévèrement toute tentative illicite
de commerce avec l'Au-delà!
« Dans une lettre au Comte Bonde, Swedenborg dit: " Le
Seigneur pourvoit à ce que les esprits et les hommes con­
versent rarement ensemble. Ce commerce pourrait être plus
dangereux qu'on ne le croit, à moins que le Seigneur lui­
même n'introduise un homme dans le monde spirituel et ne
le protège spécialement; tout homme, dit-il ailleurs, pour­
rait jouir de ce commerce, comme dans les temps très an­
ciens. Mais les hommes aujourd'hui sont trop sensuels. "
» On pourrait faire de nombreux extraits des ouvrages de
Swedenborg où il insiste sur les dangers où se trouvent
ceux qui sont en communication avec les esprits. Son ami
Robsahm lui demanda un jour si d'autres que lui ne pou­
vaient pas jouir de ce commerce merveilleux avec les es·
prits: "Prenez garde, répondit Swedenborg, c'est un
chemin qui conduit à l'hôpital des fous. ,,» (2)
C'est précisément parce que nous croyons à la possibilité
de la communication avec les esprits, et parce que nous en
connaissons le caractère, que nous nous opposons avec
tant de conviction aux pratiques médianimiques. Notre op­
position est d'autant plus ferme qu'elle est plus raisonnée,
plus motivée et plus désintéressée.
En effet, il ne faudrait pas croire que c'est dans un but
intéressé que nous nous élevons contre les prétentions du
spiritisme. Les adhérents de Swedenborg n'ont pas le
même intérêt que les membres des autres confessions à
voir cesser ce remarquable phénomène; ils ne craignent
(1) Cf. flournoy: Des Indes à la Planète Mars.
(2) Ed. Chevrier: Emmanuel Swedenborg; Notice biographique et
bibliographique, p. 119 et 120.
LE SPIRITISME ET SWEDENBORG 35

pas comme eux de voir leurs doctrines religieuses réfutées


par l'authenticité des faits médianimiques. Au contraire, nous
pouvons affirmer que les phénomènes (non pas les dogmes)
du spiritisme soI]! en quelque sorte une _c9_':I_t~e-épre!-!v~_~x­
lJ~ri_mentaJe des affirmations contenues dans les écrits de
Swedenborg, ce qui ne justifie d'ailleurs en rien la qualifi­
cation de spirite attachée parfois au nom de ce dernier. Le
vOyant de Suède ne fut pas plus spirite, malgré ses con­
versations avec les trépassés, que Jésus ne fut magicien,
malgré ses miracles.
Si nous jetons un cri d'alarme, c'est uniquement pour dé­
charger nos consciences et pour donner un sérieux avertis­
sement à ceux qui pourraient se laisser tenter par les pro­
messes alléchantes de la nécromancie moderne. Ne serait-il
pas inconcevable que, renseignés comme nous le sommes
sur la véritable nature du spiritisme et conscients des dan­
gers et de la mystification qu'il représente, nous ne fassions
pas notre possible pour dessiller les yeux à ses victimes
inconscientes? Nous devons, en effet, déclarer à tous ceux
qui placent leur confiance dans le spiritisme, qu'ils sont
avant tout des dupes. Il y a d'inéluctables lois spirituelles
qui s'opposent à ce que l'on puisse communiquer avec qui
l'on veut et qui rendent ainsi tout contrôle illusoire. Les lois
de l'association spirituelle, en outre, sont telles qu'elles ex­
posent toutes les personnes qui se livrent aux pratiques
médianimiques, sans être réformées ou régénérées, à de très
grands dangers moraux. Nous sommes également obligés
d'affirmer aux spirites que les messages qui leur sont
adressés depuis l'autre monde, ne sont ni ne peuvent être
la plupart du temps que le reflet de leur propres idées, de
leurs propres connaissances, de leurs propres affections et
de leur. propre mémoire.
36 LE SPIRITISME PSYCHIQUe

La foi dans la vie future.


Les spirites proclament la nécessité d'une foi vivante dans
la survivance et l'immortalité de l'âme. Nous sommes plei­
nement d'accord avec eux sur ce point; mais nous diffé­
rons absolument quant aux moyens à employer pour réta­
blir cette foi dans l'entendement des hommes. Les spirites
veulent l'imposer par l'évidence des sens. Nous voulons
l'établir par la seule évidence de la raison éclairée par la
révélation. La doctrine de la vie future et du monde spiri­
tuel ne doit être acceptée que d'après le témoignage de sa
propre valeur rationnelle. .
L'expérience démontre d'ailleurs le peu de succès des
doctrines imposées par l'évidence des sens. La valeur'dou­
teuse de la «révélation» spirite apparaît en ceci, c'est que
depuis les temps immémoriaux que le spiritisme existe et
malgré la très grande diversité des races et des peuples
qui l'ont pratiqué, il n'a pas réussi à doter l'humanité d'une
religion commune (1). Il est vrai qu'Allan Kardec, le zélé
fondateur du spiritisme français, prétend que la doctrine
spirite était inconnue dans le monde avant que les désincar­
nés ne l'aient spontanément révélée vers le milieu du siècle
dernier. Ecoutons-le plutôt lui-même:
« La doctrine des esprits, écrit-il, n'est point de concep­
tion humaine; elle a été dictée par les intelligences mêmes
qui se manifestèrent, alors que nul n'y songeait et que l'opi­
nion générale même la repoussait. Or nous demandons où
(1) N'est·il pas singulier de constater que les Esprits ont gratifié le
public continental de la doctrine de la réincarnation, tandis que ces
mêmes Esprits nient carrém~nt cette doctrine quand ils s'adressent au
public anglo·saxon ~ - Ceci confirme ce que dit Swedenborg, à savoir
que les Esprits qui parlent avec l'homme ont toujours les mêmes idéel
reliiieuses et philosophiques que lui. (Cf. A. E. 1182).
LA fOI DANS LA VIE fUTURE 37

les médiums ont été puiser une doctrine qui n'existait dans
la pensée de personne sur la terre? » (1)
C'est tout de même aller un peu loin que de prétendre
que la doctrine des esprits n'existait dans la pensée de
personne sur la terre avant que M. Allan Kardec eût pu­
blié ses livres ou même avant que né débutât le spiritisme
moderne. La doctrine kardéciste « fut conçue par un esprit
éclectique qui prit ça et là les éléments de sa doctrine, pui­
sant dans les religions les plus diverses, dans la philosophie
pythagoricienne, dans les anciennes magies, dans Sweden­
borg et dans Mesmer~. (2)
César Lombroso, spirite convaincu, a consacré deux longs
chapitres de son ouvrage Hypnotisme et Spiritisme à l'étude
des pratiques médianimiques et des croyances spirites chez
les différents peuples tant anciens que modernes, tant civi­
lisés que barbares. Ces deux chapitres (V et XIII) prouvent
suffisamment l'uni versalité, dans le temps aussi bien que
dans l'espace, des phénomènes médianimiques et de la
croyance aux esprits des morts.
Allan Kardec n'était pas un ignorant et était au courant
de ces choses (3). Il est hors de doute que c'est dans sa
cervelle à lui que les esprits ont trouvé les matériaux, plus
ou moins classés et ordonnés, avec lesquels ils ont écha­
faudé leur doctrine! Nous avons en outre la preuve que
notre auteur connaissait Swedenborg. Cette preuve, c'est
lui-même qui nous la donne dans son Livre des Esprits. En
effet, il publia en tête de ce volume une déclaration, une
sorte de lettre de créance qui lui fut délivrée par un certain
nombre "d'esprits supérieurs" pour le confirmer dans sa
(1) A. Kardec: Le Livre des Esprits, p. XXXVIII.
(2) Dr Viollet: Le Spiritisme dans ses rapports avec la Folie, p. 33.
(3) Lire le chap. V du Livre des Esprits, ou Allan Kardec prétend
c n'avoir jamais dit que la doctrine spirite fût d'Invention moderne... et
.s'être toujours efforcé de prouver qu'on en trouve des traces dans ~a
plus haute antiquité... L'antiquité de cette doctrine serait donc plutot
une preuve qu'une objection ». p. 105. A. Kardec ne craint apparem­
ment pas de se contredire!
38 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

mission d'apôtre du spiritisme. Au bas de cet étonnant do­


cument, à côté de la signature de St-Jean, de St-Augus­
tin, de St-Louis, de Socrate, de Platon, de Fénelon, de
Franklin et de plusieurs autres illustres désincarnés (1), se
trouve aussi le nom de Swedenborg! Ce fait mérite de re­
tenir notre attention car il nous indique clairement l'une
des sources où Allan Karde~ a puisé certaines de ses no­
tions sur l'Au-delà. Il est d'ailleurs connu que parmi les
premiers spirites modernes il y avait quelques "Sweden­
borgiens dévoyés" (Swedenborgians gone astray)! Cela
explique la justesse de certains concepts philosophiques du
spiritisme, principalement du spiritisme anglo-saxon. Mais
en général la "doctrine spirite" - surtout en France - ne
nous paraît pas avoir une bien grande valeur philosophique
ou religieuse; elle est même souvent d'une platitude évi­
dente. D'ailleurs, ce n'est pas la doctrine qui gagne des
adhérents au spiritisme, ce sont plutôt ses manifestations
palpables. Les hommes, hélas, sont si sensuels et extérieurs
de nos jours, qu'une table qui divague en titubant a plus
de force persuasive que le système de doctrine le plus ra­

0) Ces glorieux personnages doivent vraiment être doués d'une en­


durance prodigieuse pour faire partie pendant des centaines, voire même
des milliers d'années, de cette «population invisible qui s'agite autour
de nous dans l'espace.. (op. cit. p. XV). On voit bien que ce sont des
sages! Ils trouvent plus raisonnable de s'instruire à distance du spec­
tacle peu édifiant (mais combien intéressant pour des philosophes) de
notre évolution planétaire, plutôt que de partager les risques et périls
de la tragédie humaine, en se réincarnant 1 Qui saurait blâmer ces êtres
de haute et sagace intelligence, de préférer les fatigues inhérentes à
l'état d'erraticité des désincarnés aux tristesses et aux turpitudes de la
vie humaine? Allan Kardec ne nous révèle-t-i1 pas ce fait consolant
qu'il existe dans l'espace des mondes servant de «stations de repos,
sortes- de bivouacs" pour les esprits errants, à bout de souffle? '" figu­
rez-vous, nous dit-il, des oiseaux de passage s'abattant sur une île, en
attendant d'avoir repris des forces pour se rendre à leur destination ...
(Ibid. No 234). Après la guerre mondiale et le Bolchevisme, il est à
craindre que le cygne de Cambray et les autres rarœ aves mentionnées
par A. Kardec, ne se soient' envolés vers quelque «station de repos'"
bien lointaine, afin de se livrer aux douceurs de l'oubli et se remettre
les nerfs périsprltaux en bon état.
LA fOI DANS LA VIE fUTURE 39

tionneI. Si les spirites ne voyaient pas de leurs yeux les


tables tourner, et les crayons écrire tout seuls; s'ils n'en-
tendaient pas de leurs propres oreilles de mystérieux cra-
quements et toute une cacophonie de Il raps" de coups et
de bruits divers dans les meubles, les murs et le plancher;
s'ils ne se sentaient pas parfois frôlés ou tirés par les che-
veux, la barbe ou le nez, il semble plus que probable que
leur foi s'évanouirait comme par enchantement! Mais une
telle foi n'est pas une foi! Elle n'est qu'une croyance im-
posée par des signes extérieurs, non pas le libre acquiesce-
ment de la raison et du sentiment. C'est une foi contrainte
qui n'a rien de commun avec la « reconnaissance intérieure
du vrai»! (Cf. D. F. 1).
Qu'on médite ces lignes tirées de La Divine Providence
de Swedenborg:
«Personne n'est réformé (i. e. n'acquiert la foi) par des
visions ni par des conversations avec les défunts, parce
qu'elles contraignent> (134). «Evoquer les esprits et les
âmes des morts devant les yeux de l'homme et ainsi le for-
cer à croire, est contraire à la Sagesse du Seigneur, qui ne
brise pas l'homme mais le plie» Diarium 2393. «Que per-
sonne ne soit réformé par des conversations avec les dé-
funts, on le voit par les paroles du Seigneur au sujet du
riche dans l'Enfer et de Lazare dans le sein d'Abraham. En
effet: "le riche dit: je te prie donc, père Abraham, d'en-
voyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq
frères. C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne
viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham lui
répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent.
Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts'
va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit: S'ils
n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront
pas persuader, quand même quelqu'un des morts ressuscite-
rait." Luc XVI 27-31. La conversation avec les morts pro-
duirait le même effet que les miracles, dont il vient d'être
parlé, à savoir que l'homme serait persuadé et serait con-
1
40 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

tra-int au culte pendant un peu de- temps; mais comme cela


prive l'homme de sa rationalité et renferme en m~me temps
des maux..., cette fascination ou lien externe se rompt et
les maux renfermés font irruption avec le blasphème et la
profanation. Mais cela arrive seulement quand les esprits
introduisent quelque point dogmatique de religion; ce qui
n'est jamais fait par aucun bon esprit, ni à plus forte
raison par aucun ange du ciel. ,. (134 bis).
Ceci nous fixe définitivement sur la valeur qu'il convient
d'attribuer à un manuel religieux tel que Le Livre des Es­
prits, dicté par des soi-disant «esprits supérieurs» ! Swe­
denborg, lui, n'est pas allé chercher sa sagesse chez les
esprits et s'il s'est souvent entretenu avec eux, c'est que
les esprits.. « ... qui parlent par permission du Seigneur ne
disent ni n'enseignent jamais rien qui enlève le libre de la
raison; car le Seigneur Seul enseigne l'homme, mais mé­
diatement par la Parole, dans l'illustration. Que cela soit
ainsi, continue Swedenborg, c'est ce qu'il m'a été donné de
savoir par ma propre expérience; car depl;lis plusieurs an­
nées jusqu'à présent, j'ai parlé avec des esprits et avec des
anges, et aucun esprit n'a osé, ni aucun ange n'a voulu me
rien dire, ni à plus forte raison m'instruire sur aucune chose
de la Parole ou sur aucun doctrinal d'après la Parole; mais
le Seigneur seul... m'a instruit et m'a illustré! ,. (O. P. § 135).
La véritable foi n'est jamais imposée à nos esprits par
des évidences concrètes et tangibles, car de cette manière
l'homme perdrait son libre arbitre et son jugement ration­
nel et par conséquent aussi sa spiritualité. C'est pour cette
raison que, même si le spiritisme était la preuve irréfutable
de l'immortalité de l'âme, il serait condamnable,. car la per­
ception rationnelle de l'existence du monde spirituel, et la
foi vivante dans la vie future, sont accordées à l'homme,
dans la mesure seulement où il devient spirituel par la foi
et par l'amour, et elles lui sont enlevées, dans la mesure où
il devient sensuel et mauvais. La perception intérieure de
la réalité de l'Au-delà est le baromètre le plus sOr et le
LA fOI DANS LA VIE fUTURE 41

plus exact de l'état spirituel des hommes. Le jour où l'im­


mortalité de l'âme deviendrait une certitude scientifique, re­
posant sur l'expérience positive, ce baromètre si utile à no­
tre progrès moral viendrait à manquer, sans que rien ne
puisse le remplacer. La foi dans la vie éternelle perdrait
ainsi toute sa vertu morale, toute sa qualité spirituelle, et
la religion, bien loin d'en retirer quelque bénéfice, serait
frappée d'une blessure, à laquelle elle ne saurait tarder de
succomber.
Mais, cette éventualité ne se réalisera pas de sitôt! Si quel­
ques savants, comme Sir Oliver Lodge, Flammarion et Lom­
broso, ont été convaincus de la vie après la mort par les ex­
périences qu'ils ont entreprises avec des médiums, il en est
d'autres, comme Flournoy, Richet et Morselli, qui déclarent
ne jamais avoir trouvé une preuve indiscutable de l'inter­
vention des défunts dans les phénomènes de la médium~
nité. Si la plupart des membres de la Nouvelle Eglise
croient à l'action des esprits dans certaines manifestations
spirites, ce n'est nullement parce qu'ils se sont rendus à
l'évidence de leurs sens, mais uniquement en vertu de con­
victions acquises antérieurement dans l'exercice le plus libre
de leurs facultés rationnelles. Il n'est pas contraire à l'Ordre
que l'évidence des sens confirme et corrobore l'évidence
de la raison, mais il est absolument contraire à l'Ordre
qu'une conviction intellectuelle - en matière de religion ­
soit imposée à notre esprit au moyen de témoignages ex­
ternes. L'interne peut s'appuyer sur l'externe, mais jamais
l'externe ne doit contraindre l'interne.
cc Personne ne peut être réformé par des miracles ni par
des signes, parce qu'ils contraignent. Il y a dans l'homme
un interne et un externe de la pensée; par l'interne de la
pensée, le Seigneur influe dans son externe chez l'homme
et ainsi l'enseigne et le conduit. Il est aussi de la Divine
Providence du Seigneur que l'hommme agisse d'après le libre
selon la raison. Or, l'un et l'autre chez l'homme deviendrait
nul s'il se faisait des miracles et si l'homme, par eux, était
42 LE SPIRITISME PSYCHIQUr.

forcé de croire» (O. P. 130). « Quand le miracle seul porte


l'homme à la reconnaissance, au culte et à la piété, l'homme
agit d'après l'homme naturel et non d'après l'homme spiri­
tuel; car le miracle infuse la foi par le chemin externe et
non par le chemin interne, ainsi d'après le tylonde et non
d'après le ciel; or, le Seigneur n'entre pas chez l'homme
par un autre chemin que par le chemin interne, qui est par
la Parole, par la doctrine et par les prédications d'après la
Parole; ... les miraclesferment ce chemin... » (131). «II en est
de même de toute chose confirmée, qui n'est pas examinée
d'après quelque rationalité avant qu'elle soit confirmée •
(130). « Les bons ne veulent point de miracles... ; et s'ils
entendent parler d'un miracle, ils n'y font autrement atten­
tion que comme à un faible argument qui confirme leur
foi, car ils pensent d'après la Parole, ainsi d'après le Sei­
gneur et non d'après le miracle» (132).
Que les membres de la Nouvelle Eglise se gardent donc
bien d'influencer le libre arbitre des personnes qu'ils dési­
rent convaincre de la vie future en leur parlant des «preu­
ves)) du spiritisme; car, comme dit Swedenborg (O. P. 138),
« personne n'est réformé (c'est-à-dire n'acquiert la foi) dans
les états de non-rationalité et de non-liberté». Une véritable
instruction rationnelle-spirituelle ne contraint jamais l'homme
à donner son acquiescement; c'est pourquoi la révélation
accordée à la Nouvelle Eglise, et par elle à l'humanité toute
entière, n'a été accompagnée d'aucun miracle. Il n'est pas
nécessaire d'allumer une lampe pour voir le soleil! En ou­
tre une foi librement acceptée fait partie de l'homme, tan­
dis qu'une foi imposée par la contrainte des sens, reste en
dehors de sa véritable personnalité. (Cf. A. C. 2875).
Maintenant que le lecteur connaît d'une façon générale
le point de vue de la Nouvelle Eglise, nous l'invitons à di­
riger son attention sur quelques aspects intéressants du
problème spirite, tels qu'ils apparaissent dégagés de leur
mystérieuse pénombre et exposés à la lumière, indiscrète
peut-être, mais loyale, de nos doctrines.
LE SPIRITISME ET LA BIBLE 43

Trois choses nous intéressent dans le spiritisme:


1 Son aspect psychique.
0

2° Ses phénomènes physiques. 1

3 Sa doctrine.
0

Si le spiritisme nous met vraiment en rapport avec l'au­


tre monde, c'est évidemment en vertu de son élément psy·
chique. Le lecteur a déjà lu que les membres de la Nou­
velle Eglise croient à la possibilité d'un commerce cons­
cient entre les hommes et les esprits; mais il aimerait sans
doute se familiariser davantage avec les raisons qui nous
portent à admettre une chose en apparence aussi invrai­
semblable.

VI

Le Spiritisme et la Bible.
Tout d'abord nous croyons à la Parole de Dieu. Or, per­
sonne ne songera à nier que la Parole nous parle à chaque
instant d'habitants de l'Au-delà, apparaissant à des habi­
tants de la terre. Elle nous parle même de pratiques spiri­
tes, qu'elle condamne d'ailleurs en termes draconiens (1).
Voyez plutôt:
« Tu ne laisseras pas vivre la magicienne. Ex. XXII, 18.­
Ne vous tournez pas vers ceux qui évoquent les esprits, ni
vers les devins, ne les recherchez point, de peur de vous souil­
ler avec eux. Lév. XIX, 31. - Si quelqu'un se tourne vers
ceux qui évoquent les esprits et vers les devins, pour se pros­
tituer après eux, je tournerai ma face contre cet homme et
je le retrancherai du milieu de son peuple. Lév. XX, 6. ­
Si un homme ou unefemme évoquent les esprits ou se lilJfent à
(1) Lucy Mc Dowell Milburn a publié un livre, The Classic of Spiri­
tism (Kegan Paul Trench & Cl?) dans lequel elle s'efforce - et avec rai­
son à un certain point de vue - de prouver que la Bible est l'ouvrage
classique, le chef-d'œuvre, de la littérature psychique.
.u LE SPIRITISME PSYCHIQUE

la divination, ils seront punis de mort,. on les lapidera: leur


sang retombera sur eux. Ibid. vers. 27.- Qu'on ne trouve
chez toi personne qui fait passer son fils ou sa fille par le
feu, personne qui exerce le métier de devin, d'astrologue,
d'augure, de magicien, d'enchanteur, personne qui consulte
ceux qui évoquent Les esprits ou disent la ,bonne aventure,
personne qui interroge Les morts, car quiconque fait ces
choses est en abomination à l'Eternel. Deut. XVIII, 10-12.­
De pLus, Josias fit disparaître ceux qui évoquaient Les es­
prits et ceux qui prédisaient l'avenir. II Rois XXIII, 24. ­
Saül mourut parce qu'il se rendit coupable d'infidélité envers
l'Eternel, dont,il n'observa point la parole, parce qu'il inter­
rogea et consulta ceux qui évoquent les morts. 1Chrono X, 13.­
On consultera les idoles et les enchanteurs, ceux qui évo­
quent les morts et prédisent l'avenir. Es. XIX, 3. Si l'on vous
dit: Consultez ceux qui évoquent Les morts et qui prédisent
l'avenir, répondez: Un peuple ne consultera-t-il pas son
Dieu ? S'adressera-t-il aux morts en faveur des vivants ?
Es. VIII, 19-20.» Voir aussi tout le chapitre XVIII du pre­
mier livre de Samuel où Saül fait évoquer l'esprit de Sa­
muel (soi-disant) par la magicienne d'En Dor (par le médium
d'En Dor, dirions-nous aujourd'hui). Un détail intéressant
- et qui prouve que ce fut un mauvais esprit qui se mon­
tra à SaUl et non pas l'esprit de Samuel - apparaît dans
les paroles mêmes du fantôme: « Pourquoi m'as-tu troubLé
en me faisant monter ». Un ange n'aurait-il pas dit: « en
me faisant descendre»? En effet, d'après l'apparence, ré­
sultant des lois de la correspondance, le ciel est en haut
et l'enfer est en bas, par rapport à l'homme. L'expression
« évoquer les morts» employée par la Parole est typique
à cet égard j car dans le sens spirituel, mort signifie privé
de la vie spirituelle, c'est-à-dire ce qui est mauvais et infernal.
Si la Parole Divine défend l'évocation des esprits au
moyen de pratiques spirites, c'est que la communication
qu'elle établit avec l'autre monde est contraire à l'Ordre.
Il en est tout autrement des visions,. leur mécanisme est
LE SPIRITISME ET LA BIBLE 45

entièrement différent, elles peuvent être tout à fait confor­


mes à l'Ordre.
Par visions nous entendons ici seulement l'ouverture des
sens spirituels telle que la connurent Swedenborg et les
« Très Anciens» et telle qu'elle devrait exister chez tous
les hommes, si ces derniers étaient régénérés, ainsi qu'il
résulte des passages suivants du Diarium:
c Le privilège de converser avec les esprits et les anges pourrait
être naturel et approptié à l'homme. Ce dernier a été créé de telle sorte
qu'il pût jouir du commerce avec les esprits et les anges, et que de la
sorte le ciel et la terre pussent être conjoints. Tel fut le cas dans la
Très Ancienne Eglise (ou humanité), dans l'ancienne et dans la primi­
tive, où il y avait aussi la perception du Saint.Esprit. Il en est ainsi des
habitants d'autres planètes, au sujet desquels j'ai parlé précédemment.
En effet, l'homme est homme parce qu'il est un esprit, avec cette seule
différence que l'esprit de l'homme sur la terre est revêtu d'un corps à
cause de ses fonctions dans le monde. Le fait que le ciel et la terre
sont actuellement séparés, en ce qui concerne notre planète, provient
de ce que la race humaine a passé ici, dans la suite des temps, des
- internes aux externes. " 1587.
c J'ai parlé avec des esprits en leur disant que si les hommes étaient
dans la foi en le Seigneur, le ciel leur serait ainsi ouvert, ou un chemin
intérieur communiquant avec le ciel, qui actuellement leur est fermé,
ainsi que par la miséricorde de Dieu cela m'est arrivé à moi·même.
Ainsi, il y aurait un commerce des âmes, des esprits et des anges avec
les hommes, et réciproquement, de sorte que les esprits sauraient ce
qui se passe dans le monde et les hommes ce qui a lieu dans le ciel.
Ainsi, ils vivraient ensemble des deux côtés. "
c Le Seigneur a ordonné de toute éternité les choses de telle sorte
qu'il y eût un tel commerce et une telle communion de façon à ce que
l'homme, quand il eût atteint la limite de son âge, fût ignorant de ce
qu'il vécut dans le corps et qu'ainsi il pût être élevé au ciel, immédia­
tement après le rejet de son corps. En effet, lorsqu'un pareil homme
devient un vieillard, il ne réfléchit plus à son corps quand il parle avec
ceux qui sont au ciel, ainsi qu'il m'advint à moi·même. Quelquefois,
il m'arriva d'oublier que j'étais dans le corps, car la réflexion sur les
choses qui appartiennent au corps me faisait défaut, tandis que j'étais
absorbé par ma conversation avec les esprits. Aujourd'hui, je perçus, aU
moyen d'une idée spirituelle, -que le corps n'est rien et qu'il n'y aurait
aucune différence, quant à la perception, s'il était rejeté." Ibid 2541.42..
Mais pour pouvoir bien saisir la différence essentielle qui
caractérise ces deux modes de communication avec l'Au­
delà, il faut d'abord être au clair au sujet de la véritable
nature du Monde spirituel.
46 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

VII

Où est le monde qufhabitent les esprits ~

Quelle est sa nature ~

Ce n'est que dans la Nouvelle Eglise que nous avons


trouvé la réponse rationnelle à ces questions. Il est parfai­
tement déplorable de constater la pauvreté des idées, tant
savantes que populaires, qui ont cours parmi les hommes,
sur la nature du monde spirituel et sur l'esprit en général.
Dire que ces questions ne nous regardent pas, que mieux
vaut ne pas nous en occuper, qu'« on verra bien» et don­
ner d'autres réponses du même genre, c'est vouloir ignorer
systématiquement la partie la plus considérable, la plus vi­
vante, la plus essentielle et la plus réelle du cosmos; c'est
en outre éliminer de la philosophie tout le domaine de l'es­
chatologie, c'est-à-dire la connaissance des choses dernières,
ce qui aurait pour résultat inévitable d'asseoir la pensée
rationaliste et scientifique sur des bases purement matéria­
listes et sensuelles. Inutile d'ajouter que ce serait aussi le
meilleur moyen d'encourager les pratiques spirites et d'y
pousser des hommes dont le seul tort pourrait bien n'être
que de désirer une foi bien fondée dans la vie future.
Il n'est pas nécessaire d'entrer ici dans un examen dé­
taillé des croyances populaires ou des théories savantes
qui ont trait à l'autre monde. Il est inutile de souligner par
exemple toutes les objections d'ordre scientifique, rationnel
et scriptural que soulève la doctrine de la résurrection des
corps et du ciel terrestre ou l'idée du paradis dans les profon­
deurs du firmament ou dans les étoiles. Quant aux notions
c. savantes:. ce sont parfois les moins justes de toutes, parce
qu'elles sont basées exclusivement sur le témoignage falla­
cieux des sens. Comme l'esprit est silencieux, invisible, in­
tangible, inodore et insipide, c'est-à-dire absolument im­
LE MONDE SPIRITUEL 47

perceptible pour aucun de nos sens corporels, beaucoup


d'individus, surtout parmi les personnes cultivées et les éru­
dits, en ont conclu que son existence n'était qu'une pure
fiction, tandis que ceux qui n'osent pas aller aussi loin se
représentent l'esprit comme une sorte d'entité très subtile,
impondérable, de la nature de l'éther ou de l'atmosphère et
cela... pour ne pas en avoir une idée matérielle (?)! Les
spirites eux-mêmes ne semblent pas avoir des notions bien
nettes au sujet des esprits et du monde spirituel. Seule,
l'école anglo-saxonne semble entretenir une conception à
peu près rationnelle de la nature et de la configuration du
monde suprasensible, conception qui dérive plus ou moins
directement des enseignements de Swedenborg. Quant à
Allan Kardec et à ses émules, c'est à peine s'ils admettent
un monde spirituel. Ils prétendent que les esprits habitent
les différents éléments naturels et même qu'ils agissent sur
eux. C'est ainsi que les «esprits supérieurs» logent dans
le soleil et les autres étoiles, d'où ils gouvernent une partie
de l'univers physique au moyen d'autres esprits moins
avancés qui planent dans l'atmosphère li - Ne croirait-on
pas, cher lecteur, entendre M. d'Astarac en train d'instruire
Jacques Tournebroche de la nature des sylphes et des sa­
lamandres?! (1) - Lombroso, après avoir accepté le spiri­
tisme, n'en est pas moins resté moniste matérialiste.
(, Avant que ma vue eût été ouverte, dit Swedenborg, je
pouvais à peine, au sujet des choses innombrables qui ap­
paraissent dans l'autre vie, me former une idée différente
de celle des autres hommes. Ainsi, je pensais que la lu­
mière et toutes les choses qui tirent leur existence de la
lumière, excepté les sensitives, ne pouvaient en aucune
manière exister dans l'autre vie; et cela, d'après l''idée'fan­
tastique que les érudits se sont forgée sur l'immatériel,
idée qu'ils appliquent si soigneusement aux esprits et à
tout ce qui concerne leur vie, qu'il n'a jamais pu en résul­
ter d'autre conception, si ce n'est que l'esprit, étant imma­
(1) La Rôtisserie de la Reine Pedauque, par Anatole France.
48 lE SPIRITISME PSYCHIQUE

tériel, était quelque chose de tel1ement obscur qu'il ne pou­


vait être saisi par aucune idée, ou que c'était quelque chose
de nul; car voilà ce que renferme cet immatériel, lorsque
cependant c'ëst absolument le contraire. En effet, si les es­
prits n'avaient pas des organes et si le~ anges n'étaient
pas des substances organistes, ils n'auraient pu ni parler,
ni voir, ni penser.» (A. C. 1533).
« Les esprits sont extrêmement indignés de ce que les
hommes n'ont aucune idée exacte sur la vie des esprits et
des anges, et de ce qu'ils pensent qu'ils sont dans un état
obscur qui ne saurait être que fort triste, et comme dans
le vide et le néant, tandis qu'ils sont cependant dans la
plus grande lumière, et dans la jouissance de tous les biens
quant à tous les sens et même quant à leur perception in­
time. Il y avait aussi des âmes qui étaient récemment ve·
nues du monde, et qui pensaient, d'après les principes
qu'elles y avaient puisés, que de telles choses n'existaient
pas dans l'autre vie; c'est pourquoi elles furent introduites
dans les habitations des anges. elles s'entretinrent avec eux
et virent ces choses. Lorsqu'elles furent revenues elles di­
rent qu'elles avaient perçu que cela était ainsi; que ces
choses étaient réelles; que dans la vie du corps elles ne
l'avaient nullement cru, ni pu croire, et qu'il est impossible
que ces choses ne soient point du nombre des merveilles
qu'on ne croit pas, parce qu'on ne les saisit pas; mais que
l'expérience appartenant au sens, mais au sens intérieur,­
et cela s'adresse à elles - elles ne devraient par consé­
quent jamais douter d'une chose parce qu'elles ne la sai­
sissent point; car si l'on ne croyait que ce que l'on saisit,
on ne croirait rien de ce qui appartient à la nature inté­
rieure, ni rien à plus forte raison de ce qui appartient à la
vie éternelle. De là vient la folie de notre siècle. » (Ibid. 1630).
« Dans le monde spirituel, ou dans le monde où sont les
esprits et les anges, il apparaît des choses semblables à
celles qui sont dans le monde naturel ou dans le monde où
sont les hommes, et tellement semblables qu'il n'y a au·
LE MONDE SPIRITUEL 49

cune différence quant à leur aspect extérieur. II y apparaît


des plaines, des montagnes, des collines et des rochers, et
dans leurs intervalles, des vallées. II y apparaît aussi des
eaux et plusieurs autres choses qui sont sur la terre. Mais
néanmoins, toutes ces choses sont d'origine spirituelle;
aussi, apparaissent-elles devant les yeux des esprits et des
anges, et non devant les yeux des hommes, parce que les
hommes sont dans le monde naturel. Or, les spirituels
voient les choses qui sont d'origine' spirituelle, et les natu­
rels celles qui sont d'origine naturelle. L'hom:ne ne peut
donc nullement voir de ses yeux les choses qui sont dans
le monde spirituel, à moins qu'il ne lui soit donné d'être en
esprit, ou à moins que ce ne soit après la mort, quand il
devient esprit. Réciproquement aussi l'ange et l'esprit ne
peuvent rien voir dans le monde naturel, 11 moins qu'ils ne
soient chez un homme auquel il a été donné de parler avec
eux. En effet, les yeux des hommes ont été appropriés à la
réception de la lumière du monde naturel, et les yeux des
esprits et des anges ont été appropriés à la réception de la
lumière du monde spirituel, et cependant les uns et les
autres ont, quant à l'apparence, des yeux tout à fait sem­
blables. Que le monde spirituel soit tel, c'est ce que ne
peut comprendre l'homme naturel, ni à plus forte raison
l'homme sensuel, c'est-à-dire, celui qui ne croit que ce qu'il
voit des yeux de son corps et touche de ses mains, par
conséquent que ce qu'il a saisi par la vue et le toucher, et
d'après quoi il pense, ce qui fait que sa pensée est maté­
rielle et non spirituelle. Comme telle est la ressemblance
du monde spirituel et du monde naturel, c'est pour cela
que l'homme après la mort sait à peine autre chose, sinon
qu'il est dans le monde où il est né et d'où il est sorti. C'est
pour cette raison aussi que la mort est appelée simplement
passage d'un monde dans un autre monde. » (c. E. 176).
Mais Swedenborg nous révèle moins des faits que des
lois. Son système est si admirable, parce qu'il ne s'est pas
contenté de nous fournir seulement un exposé objectif des
4
50 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

faits qu'il a observés; il a en outre indiqué le degré de pa­


renté qu'il y a entre les différentes catégories de phéno­
mènes, en établissant entre elles une coordination et une
subordination basées toujours sur le principe de la causa­
lité. Les relations causales sont, en effet, les seules qui
puissent nous éclairer sur le véritable rapport qu'il y a en­
tre les différentes réalités de l'univers. Si un rapport de
cause à effet ne pouvait pas être établi entre le monde na­
turel et le monde spirituel, nous devrions avoir recours à
un dualisme antiphilosophique ou alors nier l'existence de
l'un ou de l'autre des deux mondes, ce qui nous amène­
rait soit au matérialisme, soit à l'idéalisme.
Swedenborg enseigne que le monde spirituel est inter­
médiaire entre Dieu et le monde matériel. Il est la causa
ejjiciens de l'univers physique. Il est «le monde des cau­
ses» tandis que le monde naturel est « le théâtre des effets ...
Cette simple définition nous instruit davantage que ne sau­
rait le faire aucune description même la plus minutieuse,
de l'aspect extérieur de l'autre monde. En effet, notre esprit
peut maintenant situer le monde spirituel, car la notion de
causalité remplace la notion d'espace dans le domaine de
la pensée.
Le monde spirituel n'est pas dans un autre lieu, mais dans
un autre espace. Ce n'est donc pas pour exprimer un rap­
port spatial que Swedenborg dit que le monde spirituel est
dans, au-dessus et autour du monrle naturel, mais pour ex­
primer un rapport causal; car la cause est présente dans.
l'effet tout en lui étant supérieure et antérieure. De même
que l'effet subsiste continuellement d'après sa cause, de
même le monde naturel existe et subsiste continuellement
d'après le monde spirituel (1). Mais ce dernier ne subsiste
lui-même que d'après l'influx de la Divine Toute-Puissance.
Il ne peut y avoir qu'une seule source de vie et d'énergie:
le Divin. La vie ou l'énergie n'est pas créable, mais trans­
missible. Le sens du courant est toujours descendant, du
(1) Voir dans le chap. Il le paragraphe sur les degrés discrets.
LE MONDE SPIRITUEL 5t

potentiel plus élevé au potentiel plus faible. C'est pour


cette raison que l'influx se fait du Divin dans le spirituel et
du spirituel dans le naturel et non vice versa! Le spirituel
est une sorte de conducteur et de transformateur de l'éner­
gie procédant du Divin. Sans lui, il ne saurait donc y avoir
de création physique quelconque et, s'il venait à disparaître,
l'univers matériel s'évanouirait sans laisser derrière soi le
moindre résidu. La science moderne admet que la matière
n'est que de la force en mouvement. La Nouvelle Eglise va
plus loin encore et déclare que cette force provient de l'in­
fll}x continuel du monde spirituel, qu'elle n'est donc pas inhé­
rente à l'univers physique, mais qu'elle lui est transmise par
un monde se trouvant sur un plan supérieur (selon le prin­
cipe de la dégradation de l'énergie). Nous ne devons pas
nous étonner de ce que le monde spirituel soit substantiel.
Si l'éther impondérable, mis en mouvement giratoire par
l'influx de l'énergie, produit de la matière, pourquoi le mi.
lieu psychique, mis en mouvement par l'influx divin,
l'énergie primordiale, ne produirait.il pa5'(ï; la sub.
stance spirituelle? Le monde spirituel n'est imperceptible
pour nos sens naturels que parce que les mouvements vi­
bratoires spirituels sont trop rapides pour faire entrer les
organes corporels et en général les substances matériel·
les, En résonnance. 1\ y a bien des rayons lumineux phy­
siques que nos yeux ne peuvent pas voir, et des sons que
nos oreilles sont impuissantes à capter! (1) Ceci n'est d'ail­
leurs qu'une comparaison imparfaite, car ce ne sont pas
seulement la vitesse et la longueur des ondes qui entrent
en ligne de compte, mais aussi le milieu qui est mis en
mouvement. Il en est comme de la différence qu'il y a en­
(1) c Un mouvement vibratoire peut exister au.dedans d'un autre. Un
mouvement plus ample peut co.exister avec un autre moins ample. Au
dedans de ce dernier. il peut y en avoir de nouveau un autre encore
plus petit, et en fin de compte un dernier très subtil. Ainsi un mouve·
ment peut exister au dedans d'un autre et au dessus d'un autre, sans
que l'un ne dérange l'autre.» Swedenborg, De la Tremulation, édit.
angl., p. 13.
52 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

tre la lumière et le son. Les ondes lumineuses, outre


qu'elles sont plus rapides et plus petites que les ondes
sonores, sont engendrées dans un milieu différent: l'éther;
le son n'étant qu'une ondulation de l'air (1). Or, l'atmos-
phère spirituelle est totalement différente de l'éther, plus
différente encore que l'éther ne l'est de l'atmosphère res-
pirable (2).

(1) «L'expérience démontre également que plus les particules (d'un


milieu en état de vibration) sont légères et subtiles, plus la trémulation
(l'ondulation) se transmet rapidement" lb., p. 12. «Plus l'atmosphère
est lourde, plus la vibration est lente, mais plus le milieu est léger, plus
le mouvement est rapide. Un cercle tremulatoire (autrement dit un train
d'ondes) se déplace lentement dans l'eau; dans J'air il se déplace plus
rapidement, dans l'atmosphère plus subtile, qu'on appelle éther, encore
plus rapidement... dans l'atmosphère (physique) la plus subtile (l'aura,
qui, d'après Swedenborg, constitue le milieu gravifique) il n'y a proba-
blement pas de temps (mesurable) qui puisse correspondre à l'ondula,
tion." (A plus forte raison dans les atmosphères spirituelles qui trans,
mettent la pensée et l'affection !). Swedenborg Daedalus Hyperboreus
NO VI, Oct. 1718, article cité au début de la version anglaise de son
petit traité De la Trémulation. p. 3.
(2) «La pensée... n'est pas consciente par elle,même de ce qui
. constitue son propre mouvement et sa propre vie. En tout cas, la
conclusion doit être la suivante, savoir que ces mouvements dans les,
quels réside la vie (or, d'après Swedenborg, la vie est essentiellement
d'origine spirituelle; l'amour et la pensée étant l'énergie créatrice
elle,même) sont les plus subtils de tous les mouvements, mouvements
dont la nature est telle qu'ils ne sauraient être vus ou compris au
moyen d'aucune comparaison tirée des autres formes plus grossières
du mouvement. » lb., p. 11.
Depuis la découverte de la télégraphie sans m c'est un lieu corn,
mun que de comparer ou même d'assimiler les phénomènes de la
transmission de la pensée, de la télesthésie, etc., à des phénomènes
vibratoires. Mais quand on pense que Swedenborg a formulé ses théo,
ries en 1718, on ne peut que rester en admiration devant son intuition,
aussi géniale dans la déduction que dans l'induction. Swedenborg fut,
sauf erreur, le premier à expliquer la télépathie par la vibration syn,
chronique de deux centres perceptifs au diapason (Cf. De la Trému-
lation, p. 6). Il fut également le premier à adopter la théorie ondulatoire
de la lumière, proposée par Huyghens dans son Traité de la Lumière
(1690), et parachevéë par Fresnel, et ceci contrairement au reste du
monde savant, encore partisan de la théorie newtonienne de l'émission.
IJ est vrai que Swedenborg ne mentionne nulle part le nom de Huy'
ghens i et comme dans ses Principia il cite les expériences ou les
L'AffINITÉ MENTALE 53

VIII

L'affinité mentale.
Dans l'autre monde l'espace est spirituel, car il n'est pas
déterminé, ni fixé, par des objets matériels et inertes. Il en
résulte que les esprits ne sont pas associés - ou consociés,
comme çlit Swedenborg ~ d'après la carte géographique,
mais selon les lois de l'affinité mentale. En effet, c'est
l'état psychique qui, dans l'autre vie, détermine le lieu, et
ouvrages de plus de 200 autorités scientifiques ou philosophiques, on
peut se demander s'il connaissait vraiment le traité de son illustre
prédécesseur. Quoi qu'il en soit, il est par contre certain que Sweden­
borg fut ('auteur de la théorie vibratoire de la chaleur (Cf. Principia,
vol. 11, chap. V, § 21, où Swedenborg établit en outre un rapport étroit
entre les phénomènes électriques, magnétiques, caloriques et lumineux).
11 faut également lui attribuer la découverte de la pression lumineuse
(Cf. Pri/lc. Minora; N° 130). Il serait peut·être intéressant de rapprocher
ce que Swedenborg nous dit de la pression de la lumière, de ce que
les relativistes modernes ont à nous apprendre sur le poids de la
lumière, de même qu'il pourrait être utile d'examiner en quoi les vues
de Swedenborg sur les vitesses limites qui séparent respectivement
l'ondulation de la trémulation et celle-ci de la contrémiscence (pour
employer sa propre terminologie), pourraient s'accorder avec la notion
de vitesse llmite introduite dans la science par Einstein. Mais la
ressemblance la plus frappante qui se manifeste entre les théories
relativistes et les principes philosophiques de Swedenborg réside sans
doute dans le fait que pour ce' dernier aussi le temps et l'espace sont
relatifs, étant indissolublement liés l'un à l'autre et constituant des
variables en fonction l'une de l'autre. C'est du moins dans ce sens
qu'il nous semble qu'il faille interpréter ce que Swedenborg nous
apprend de la relativité de l'espace, du temps et du mouvement dans
le monde spirituel (C. E. 162-9 et 191-9). Ces passages et d'autres
démontrent en tout cas que la notion du temps et de l'espace n'est pas
absolue mais subordonnée au système de référence que l'on emploie
(monde naturel ou monde spirituel dans le cas particulier) et que te
qui est vrai dans l'un de ces systèmes ne l'est pas dans l'autre. C'est
là un principe de relativité évident. Malheureusement, nous ne connais­
sons aucun artifice mathématique qui nous permette de passer de l'un
de ces systèmes à l'autre... Einstein a déclaré à la Société philoso­
phique, lors de son séjour à Paris, que pour rester vraies les diverses
philosophies devaient nécessairement se mettre d'accord avec ses
théories. Nous croyons que le système de Swedenborg s'accommoderait
54 LE SPIRITISME PSYCHIQUF.

ceux qui sont dans un même état habitent par conséquent


un même endroit.
Or, te lecteur s'en souvient, tout homme est, quant à son
esprit, dans le monde spirituel. Il en résulte évidemment
qu'il doit y occuper une place quelconque. Swedenborg nous
a démontré rationnellement que notre esprit est soumis
déjà avant la mort de notre corps matériel aux mêmes lois
spirituelles qu'après. Il n'y a, à ce point de vue, guère de
différence entre tes hommes et tes esprits. Il s'en suit que
nos âmes, sous l'empire de la loi de l'affinité psychique ­

plus facilement que tout autre des cadres tout nouveaux de la physique
moderne. D'après les Principia, «le mouvement crée l'espace:o (vol. l,
chap. Il, § 16), le temps (lb., § 13 et 21) et la substance (lb., § 24). La
substantialité des objets finis (qu'on ne saurait définir que par leur
masse), provenant de leurs mouvements constitutifs internes, est en
raison de la vitesse de ces mouvements (lb. 24, p. 76 de l'édit. ang!.).
La conception générale de Swedenborg peut se ramener à ceci: l'es,
pace, le temps et la matière sont engendrés par le mouvement relat~f
(c'est·l,dlre par des mouvements possédant des vitesses) i le mouve,
ment relatif est lui,même engendré par le mouvement absolu ou ['éner­
gie primordiale lib., vol. 1, chap. Il, § 21 et § 13).
Il faudrait un physicien professionnel, entièrement familiarisé avec
la théorie de la relativité et les traités de notre auteur, pour déterminer
avec exactitude jusqu'à quel point les doctrines swedenborgiennes sont
confirmées par les hypothèses einsteiniennes. N'étant pas physicien nous,
mêmes, nous ne présentons les suggestions qui précèdent qu'avec les
réserves que comporte notre manque de réelle compétence en la matière.
M. Stanley Redgrove, qui a publié plusieurs ouvrages de physique et de
mathématiques, trouve que, si passionnante que serait la tâche, il est
prématuré d'entreprendre une étude comparée des doctrines de Sweden'
borg et du relativisme d'Einstein, avant de savoir au juste toutes les con,
séquences qu'impliquent les théories de ce .dernier. Si l'on admet, par
exemple, que la T. R. abolit l'éther de l'espace (ce qui est très discutable
et très discuté), il est évident qu'elle est en opposition avec le système
cosmologique de Swedenborg. « Mais d'un autre côté, Einstein et Sweden,
borg sont étroitement d'accord en refusant toute réalité absolue à l'es'
pace et au temps, qu'ils traitent comme des éléments essentiellement
coordonnés d'une seule et même. réalité (manifold). Tout compte fait,
continue M. Redgrove, je crois que le verdict que prononcerait le rela·
tiviste au sujet de la philosophie de Swedenborg serait favorable,
parce que Swedenborg lui,même était si essentiellement relativiste ­
un relativiste dans le domaine de l'esprit:o (Purpose and Transcenden­
talism. p. XII).
L' AffiNITÉ MENTALE 55

qu'on pourrait dénommer la loi de l'attraction spirituelle -


sont conjointes aux sociétés d'esprits qui sont dans un même
état mental que nous (1). Ce fait capital pèse un poids con-
sidérable dans la balance qui nous sert à estimer le spiri-
tisme à sa juste valeur.
En effet, si nous entrons en rapport conscient avec l'au-
tre monde, nous nous abouchons nécessairement avec les
esprits dans la sphère desquels nous vivons à ce moment;
jamais avec d'autres. Il en résulte que nous ne retirons ja-
mais aucune aide morale de leur fréquentation, mais que
bien au contraire, ils nous confirmeront inévitablement dans
nos maux et dans nos erreurs, et en général dans nos affec-
tions et nos pensées. Sous ce rapport, le spiritisme est une
confirmation frappante de nos doctrines. On a toujours
constaté, en effet, en se basant sur le contenu des commu-
nications spirites, que les esprits ne semblent guère différer
des hommes. Ils ont les mêmes préoccupations, les mêmes
idées, les mêmes goûts, et en général la même mentalité
que ceux qui les interrogent. Mais il ya encore d'autres rai-
sons pour cela, raisons qu'il convient d'indiquer également.
(1) c A l'homme ont été adjoints des esprits qui sont tels qu'il est
lui-même quant à l'affection ou quant à l'amour, ..... toutefois, les
esprits sont changés chez l'homme selon les changements de ses
affections••••• Si les hommes s'aiment eux-mêmes, ou s'ils aiment le
le lucre, la vengeance ou l'adultère, des esprits d'un caractère sem-
blable sont présents et habitent pour ainsi dire dans leurs mauvaises
affections." C. E. 295.
c Il y a autour de l'homme certaines sphères provenant du monde
spirituel, qui s'accordent avec sa vie, et par ëes sphères l'homme est
en société avec des esprits d'une affection semblable. De là existent
un grand nombre de choses qu'un homme qui attribue tout à la nature,
ou nie, ou assigne à une nature plus occulte." A. C. 5179.
c La sphère spirituelle chez l'homme ou chez l'esprit est l'exhalaison,
qui émane de la vie de ses amours, et par laquelle on connaît à distance
quel il est. Tous dans l'autre vie sont conjoints selon les sphères,
même les sociétés entre elles; et tous aussi sont séparés selon les
sphères, car les sphères opposées se heurtent et se repoussent mutuel-
lement. De là, les sphères des amours du mal sont toutes dans l'enfer,
et les sphères des amours du bien sont toutes dans le ciel, c'est à dire
ceux qui sont dans ces sphères. " A. C. 6206.
56 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

Il ne faut pas penser que nous nous trouvions, spirituelle­


ment parlant, dans le ciel ou dans l'enfer. Nous ne sommes
ni assez bons, ni assez méchants pour cela. Le milieu spi­
rituel dans lequel nous vivons, est ce monde - ou cet
état spirituel - intermédiaire entre le ciel et l'enfer (1), que
Swedenborg appelle le monde des esprits, et dans lequel
tout homme se réveille après la mort. Ce sont les esprits
qui s'y trouvent qui nous transmettent l'influx - ou la
sphère - du ciel ou de l'enfer. Nos doctrines nous révèlent
que les esprits n'y restent guère plus longtemps que trente
années (terrestres). Ceci nous explique pourquoi ils n'ont­
rien de très sensationnel à nous apprendre et pourquoi ils.
semblent appartenir à notre monde plutôt qu'au leur. Voici
l'appréciation d'un théologien catholique sur la valeur des
messages volumineux, mais insipides, dont nous gratifient
les « désincarnés :0: «II faut reconnaître que, dans l'étude
des manifestations spirites, l'on piétine sur place. Les par­
tisans du spiritisme apportent toujours les mêmes messages
insignifiants, les mêmes phénomènes ridiculement vulgaires ".
« On ne conçoit pas une nouvelle religion qui n'apparaîtrait
que pour enregistrer les acquisitions réelles ou apparentes
qu'apporte le mouvement naturel de la civilisation et des
esprits. Or c' est tout le rôle du spiritisme doctrinal» (2). Com­
ment saurait-il en être autrement et quelle espèce de révéla­
tions pourraient bien nous accorder des êtres qui viennent de
quitter notre terre et qui n'ont rien perdu ni gagné par le
simple fait de leur mort? Les esprits qui nous parlent sont
encore, et ne peuvent être, que «dans l'état de leurs exter­
nes ». Ils sont par conséquent imbus des mêmes préjugés et
des mêmes opinions qu'ils avaient dans le monde. Le spiri­
tisme pratique en est la preuve.

(1) Par enfer, Swedenborg entend le mal ainsi .que l'état spirituel et
la sphère mentale de ceux qui aiment le mal. Cet enfer n'a rien de com·
mun avec les lieux de tourments et de supplices dont l'horreur a été
chantée par Dante dans sa Divine Comédie.
(2) L. Roure, Le Merveilleux Spirite, p. 385 et 390.
L'AffiNITÉ MENTALE 57

Donc, qu'ils se tiennent pour avertis ceux qui croient sur­


prendre les mystères de l'Au-delà et qui veulent, grâce à la
complicité des esprits, soulever le voile qui recouvre le secret
de leur destinée future. Qu'ils se tiennent sur leurs gardes
ceux qui acceptent comme vérité d'Evangile ce que leur
disent les défunts - pour la simple raison que ces derniers
ont franchi le seuil de la mort - et qui sont disposés à se
laisser guider par eux. Les esprits qui leur adressent des
messages sont à peine plus avancés qu'eux-mêmes, malgré
les airs d'oracles et de prophètes qu'ils se donnent. Sweden­
borg nous avertit à chaque instant de ne jamais ajouter foi
aux dires des esprits, car ils s'imaginent tout savoir et ils
affirment avec une assurance, une désinvolture et un aplomb
imperturbables des choses qu'ils ignorent absolument.
« Quand les e&prits se mettent à parler avec les hommes
il ne faut pas les croire parce que presque tout ce qu'ils
disent est inventé par eux et qu'ils mentent. S'ils étaient
autorisés à décrire la qualité du ciel et à exposer la façon
dont les choses du ciel sont constituées, ils diraient tant de
mensonges que l'homme en demeurerait stupéfait, d'autant
plus qu'ils diraient ces choses avec la plus parfaite assu­
rance, protestant qu'elles sont vraies. Pour cette raison, il
neme fut pas permis, quand des esprits parlaient, d'ajouter
la moindre foi à ce qu'ils disaient.
» Les esprits sont excf':ssivement désireux d'inventer des
histoires et quand une chose quelconque est prise pour
sujet de conversation, ils se figurent être au courant de
tout ce qui concerne cette chose et ils donnent tous, à tour
de rôle, une opinion différente comme s'ils étaient des au­
torités en la matière. Si J'homme les écoute et les croit, ils
le trompent et le séduisent de plusieurs manières... que
l'homme se garde donc de les croire. Pour cette raison
aussi il est excessivement dangereux pour les hommes dans
ce monde de parler avec les esprits, à moins qu'ils ne soient
dans la foi véritable. Les esprits introduisent (quand ils le
désirent) t!neteIfe pe~uasi9n que c'est le-Seigneur Lui-Même
58 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

qui parle et qui commande, que l'homme ne peut guère


s'empêcher de croire et d'obéir." (Diarium, 1622).
c Rien n'est plus commun pour les esprits, que de dire,
quand ils sont en conversation, qu'une chose est telle ou
telle, car ils s'imaginent tout savoir parfaitement; et ils dé·
clarent qu'une chose est telle, quand pourtant il n'en est
pas ainsi... Dès qu'ils observent quelque chose qu'Hs ne
connaissent pas, ils affirment tout de suite qu'elle est telle
ou telle. » (Diarium, 1902).
A beau mentir qui vient de loin, dit le proverbe. A com­
bien plus forte raison doit-on dire: a beau mentir qui vient
du royaume d'outre-tombe! Il est vrai que si les esprits sont
passés maîtres dans l'art de duper et de tromper, c'est
qu'ils ont toutes les facilités pour eux. Que le lecteur en
juge:

IX

La lecture de la pensée et de la mémoire.


Il est une loi spirituelle qui veut que dans l'autre monde
les pensées et les affections se communiquent de toutes
parts, à peu près comme les sons et les odeurs ici-bas:
c J'ai eu aussi connaissance que les esprits aperçoivent non seule·
ment toutes les choses de la pensée et de la volonté de l'homme, mais
encore beaucoup plus que l'homme lui·même n'en aperçoit... Par là on
peut voir qu'il n'y a absolument rien de caché, mais que ce que l'homme
pense et machine intérieurement est manifesté dans l'autre vie comme
à la clarté du jour. " (A. C. 6214).
c Dans l'autre vie, une chose étonnante, qu'à peine quelqu'un dans le
monde peut croire, c'est que, dès qu'un esprit vient vers un autre es­
pnt, et surtout dès qu'i! vient vers un homme, il connaît aussitôt ses
pensées et sesaffections, ce qu'il a fait jusqu'alors, ainsi que tout son
état présent, absolument comme s'il avait été longtemps chez lui. Telle
est la communication. Toutefois il y a des différences dans ces aper·
ceptions; il est des esprits qui perçoivent les intérieurs, et il en est qui
perçoivent seulement les extérieurs. Si ces derniers sont dans la cupi.
LA LECTURE DE LA MÉMOIRE 59

dité de savoir, ils explorent les intérieurs des autres de différentes ma­
nières." (A. C. 5383) Voir aussi 1931.
c Par les choses qui se manifestent dans l'autre vie, on volt claire­
ment comment la chose se passe; chaque esprit et plus encore chaque
société, a autour de soi la sphère de sa foi et de sa vie. Cette sphère
est une sphère spirituelle. D'après elle est distinguée la qualité de l'es­
prit ot plus encore celle de la société, car elle est perçue par ceux qui
sont dans la perception, parfois à une assez grande distance, et cela
quoiqu'ils soient dans un endroit caché et qu'ils ne communiquent point
par la pensée ou par le langage. Cette sphère spirituelle peut être com­
parée à la sphère matérielle qui entoure le corps de l'homme dans le
monde, sphère matérielle qui est la sphère des effluves émanant de lui
et qui est sentie par l'odorat subtil de certains animaux... D'après ce
qui a été dit... on peut aussi voir que rien absolument de ce que
l'homme a pensé, prononcé et fait dans le monde, n'est caché, mais
que tout est à découvert, car c'est là ce qui constitue cette sphère. Une
telle sphère émane aussi de l'esprit de l'homme quand il est dans le
corps, dans le monde. De là aussi il est connu tel qu'il est. Qu'on ne
croie donc pas que les choses que l'homme pense en secret et qu'il fait
en secret soient secrètes... ,. (A. C. 7454) Voir aussi le No 2548 du Dla­
rium sur la lecture de la pensée et de la mémoire.

Il ya plus. La mémoire elle-même se projette en quelque


sorte en dehors de l'homme, mettant ainsi à nu tous les
souvenirs de l'homme, même ses souvenirs latents.
c Lorsque les esprits viennent vers l'homme, ils entrent
dans toute sa mémoire, et par suite dans toute sa pensée. "
(C. E. 292). _
En effet «les choses qui appartiennent à la mémoire in­
térieure se manifestent dans l'autre vie, par une certaine
sphère, d'après laquelle à distance on connaît les esprits
tels qu'ils sont, c'est-à-dire, quelle est leur affection et leur
persuasion. Cette sphère existe par l'activité des choses de
leur mémoire intérieure.» (A. C. 2488).
« Avant d'avoir été instruit par de vives expériences,
j'avais cru moi-même comme les autres que jamais un es­
prit ne pouvait savoir les choses qui étaient dans ma mé­
moire, ni celles qui étaient dans ma pensée, mais que ces
choses étaient seulement en ma possession et secrètes.
Toutefois je puis affirmer que les esprits qui sont chez
l'homme, savent et remarquent les plus petites choses de sa
60 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

mémoire et de ses pensées, et cela bien plus clairement que


l'homme lui-même.» (C. E. 292).
Chose vraiment intéressante à savoir, l'esprit pense im­
médiatement d'après l'homme, et se figure même que les
souvenirs de l'homme sont les siens.
« Les esprits ne savent nullement qu'ils sont chez l'homme,
mais lorsqu'ils y sont, ils croient que toutes les choses qui
appartiennent à la mémoire et à la pensée de l'homme sont
à eux.» (C. E. 292).
c Les esprits jugent d'après les persuasions de l'homme. En conver­
sant avec les esprits, j'ai observé qu'ils avaient des opinions définies
au sujet de certaines choses qu'il;, ne pouvaient cependant nullement
cO:lnaître. Une telle persuasion chez les esprits provenait évidem­
ment de ce que j'étais moi-même persuadé de tout ce que je démontrais.
Ceci arrivait fort souvent, et à propos d'une foule de sujets, voire même
de sujets scientifiques dont ils ignoraient le premier mot, ainsi qu'à
l'égard d'une multitude d'événements particuliers. Je fus à même d'en
conclure - et j'en fis part aux esprits - qu'ils jugeaient et affirmaient
d'après mes propres persuasions. Il s'ensuit que si je voulais démontrer
quelque chose d'une manière fausse ils ne seraient pas moins persuadés,
car ils ne peuvent juger d'après eux-mêmes au sujet des choses maté­
rielles, quoiqu'ils supposent toujours que les connaissances qui meu­
blent ma mémoire leur appartiennent. Ainsi ils possèdent l'homme au
point de s'indigner quand je leur faisais remarquer que leur connais­
sance ne venait pas d'eux mais de moi.,. Diarium 1776.
c La malveillance des esprits ne consiste pas seulement dans le fait
qu'ils suggèrent des pensées et des paroles à l'homme, mais aussi des
réponses... Ils apprennent cela par l'usage; car ils savent comment sé­
duire l'homme très facilement, de façon à pouvoir tirer parti de l'homme
tout entier, tant en le faisant parler qu'en le faisant répondre. ,. lb. 1795.

La chose se passe d'ailleurs le plus naturellement du


monde, car, quand les idées spirituelles des esprits tombent
dans les idées naturelles de l'homme, elles en prennent la
Jorme malgré elles. En effet, l'influx des esprits est «dans
ce que l'homme sait et croit, mais non dans ce que l'homme
ne sait pas et ne croit pas, car il ne se fixe que là où il y a
quelque chose appartenant à l'homme.» (A. C. 6206). Ainsi
tout esprit qui cause avec un habitant de notre monde su­
blunaire, parle le langage de ce· dernier.
c Une des choses merveilleuses qui existent dans l'autre,
LA LECTURë DE LA MÉMOIRE 61

vie, dit Swedenborg, c'est que les esprits s'entretiennent


avec l'homme dans son propre langage, et qu'ils s'expri­
ment aussi clairement et aussi habilement que s'ils fussent
nés dans le même pays et eussent été' instruits dans la
même langue, et cela, soit de l'Europe, soit de l'Asie, soit
d'une autre partie du globe. Il en est de même de ceux qui
vivaient des milliers d'années avant l'existence de cette
langue. Bien plus, les esprits ne savent à cet égard autre
chose, sinon que la langue qu'ils parlent avec l'homme ~st
leur langue propre et maternelle. Mais à l'exception de ces
langues, ils ne peuvent prononcer aucun mot, appartenant
à un autre, à moins que cela ne leur ait été immédiatement
accordé par le Seigneur.» (A. C. 1637) (1).
Les communications spirites prouvent d'une manière
frappante la vérité de ce que Swedenborg nous dit de la
lecture de la mémoire par les esprits. En effet il ne s'y
trouve jamais rien qui soit entièrement inconnu soit du mé­
dium soit de l'un ou de l'autre des assistants (2). Si une
(1) "On sait que la prêtresse de Delphes parlait diverses langl,les au
moment de J'inspiration, tout comme nos médiums. L'oracle d'Ammon
parla grec à Alexandre; Mys reçut de l'oracle d'Apollon une réponse en
son idiome larien; d'autres oracles grecs répondaient aux Barbares
dans leurs propres langues." Lombroso, Op. cit., p. 110.
(2) Les spirites ont amassé dans leurs archives des collections de
poèmes dictés par voie médianimique, à ce qu'ils assurent, par des
poètes tels que Victor Hugo, Dante et Shakespeare. La beauté des vers
comparée à l'absence 011 à la médiocrité du sens poétique du médium
et des assistants, constitue à leur avis une preuve éclatante de la per­
sonnalité des désincarnés de haute marque qui se manifestent. - Cette
conclusion est-elle justifiée? - Nous ne le pensons pas; car sans vou­
loir, comme certains psychologues, attribuer au subconscient le pou­
voir presque miraculeux de pouvoir réaliser des tours de force intellec­
tuels dont même l'intelligence pleinement consciente serait incapable,
nous avons l'ohligation de faire remarquer que d'après Swedenborg
l'esprit le plus prosaïque devient poète quant à son langage. c Les esprits,
lisons-nous dans le Diarium, peuvent provoquer des représentations ti­
rées de la mémoire de l'homme, représentations qui tombent dans les
expressions du langage... Ils parlent vite, plus vite que les hommes,
dans une cadence mesurée ou dans un rythme auquel ils sont accou­
tumés » (85). c Ce qui est surprenant, c'est que le langage cadencé comme
le langage rythmique ou harmonique d·es cantiques est le langage na­
62 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

personne ne peut se rappeler une chose énoncée par les


esprits, il ne faut pas en conclure qu'on se trouve en pré­
sence d'une révélation surnaturelle, car les esprits entrent
même en possession de la mémoire intérieure de l'homme,
et peuvent en extraire des choses depuis longte'mps «ou­
bliées » par celui-ci.
«Dans la mémoire intérieure se gravent, nous en in­
forme Swedenborg, toutes les choses particulières, et même
les plus particulières, que l'homme a pensées, prononcées
et faites, même celles qui lui ont apparu comme une om­
bre, ainsi que les plus petites minuties, depuis sa première
enfance jusqu'à son extrême vieillesse." (A. C. 2474).
.. Si un homme ne fait que parcourir un volume avec ses yeux, sans
lire ce qui y est écrit, si ce n'est distraitement, les esprits savent immé.
dlatement ce qu'il renferme et quelles furent les pensées du lecteur au
sujet de chaque chose en particulier. Ainsi, quand l'homme lit, ne fût·ce
qu'une seule ligne, même écrite beaucoup d'années avant, ils savent des
choses Innombrables, savoir de quelle qualité furent ses idées alors,
d'où elles venaient, de quelles autres idées elles étaient précédées et
suivies; et tout cela d'un seul coup d'œil. » Diarium 2397•
.. Quand je lisais de l'Hébreux, je me souvenais de mots que j'avais
lus avec plus ou moins d'attention mais que néanmoins je me rappelais
dans une certaine mesure, quoique parfois d'une manière très vague (1).
Quand il plait au Seigneur, les anges peuvent savoir combien de fois
ces vocables furent jadis lus par moi, ce qui était alors dans mon es·
prit, ce qui était plus ou moins profondément ou légèrement gravé dans
ma mémoire, ainsi que beaucoup d'autres choses qui étaient alors dans
mes idées en association avec le mot en question.» Ibid. 2410.
Le fait que les esprits s'entretiennent avec l'homme
turel des esprits. Ils parlent ainsi entre eux quoiqu'ils l'ignorent. Les
âmes, aussitôt après la mort, contractent l'habitude de parler ainsi. J'ai
été initié dans un pareil langage, et il m'est enfin devenu familier. La
cause d'un tel langage vient de ce que les esprits parlent en société, ce
q",e le plus souvent ils ignorent; c'est un indice très manifeste que tous
ont été distingués en sociétés et que par suite, toutes choses y sont dans
les formes des sociétés" (A. C. 1649). «Pensant et parlant en société, la
forme de leur langage a une cadence selon la connexion et l'unanimité
de la société. Telle était autrefois la forme des cantiques, et telle est
celle des Psaumes de David. » (Ibid 1648). Voir aussi Adversaria vol./I,
7187 et vol. IV, 23, où Swedenborg nous fournit des renseignements à
peu près pareils.
(1) Cette observation de Swedenborg cadre fort bien avec certaines
LA LECTURE DE LA MÉMOIRE 63

d'après- sa propre mémoire, est de la plus haute importance


et nous permet de juger du peu de valeur du spiritisme.
Que deviennent, en effet, tous les avantages extraordinai­
res, tous les bénéfices, toutes les délicieuses consolations
même, qu'on attribue. avec une si étrange absence de sens
critique, aux pratiques spirites. Toutes ces merveilles ne se
réduisent-elles pas à de pures illusions, à de vains fantô­
mes? Comment contrôler par exemple l'identité des esprits,
puisque rien n'est plus facile aux esprits que d'imiter à la
perfection la personnalité des individus dont nous gardons le
souvenir? Ce qu'il y a de pire, c'est que les esprits peuvent
mentir et faire les imposteurs sans être nécessairement de
mauvaise foi, car ils s'imaginent le plus souvent qu'ils sont
les personnes dont ils jouent si parfaitement le rôle. Il est
fort rpossible d'ailleurs que les esprits eux-mêmes soient
dans un état plus ou moins analogue à celui des médiums,
c'est-à-dire dans un état hypnoïde, somnambulique ou
onirique (1). (Ce que Swedenborg dit des esprits sujets
(ou médiums) confirme plutôt cette hypothèse). Quoi qu'il
en soit, les esprits peuvent personnifier tous ceux dont
expériences de transmission mentale qUi tendent à démontrer que la
communication est plus facile de subliminal à subliminal que de cons­
cient à subliminal. Le Dr Wm Brown, conférencier de psychologie à
l'Université de Londres, s'est livré à d'intéressantes expériences de sug­
gestion de chiffres, expériences d'où il paraît ressortir clairement que
c'est le chiffre auquel l'expérimentateur vient de penser et « qui est à la
périphérie de son champ d'attention, en route vors son subconscient,
qui sera probablement celui qui ira se présenter à la subconscience du
patient ». Psycho-pathology in relation to psychical research. Psycho
Res. Quart. vol. 1. No 4, p. 363. Les observations de transmission men'
tale à effet retardé rapportées par Swedenborg dans son Dlarium nous
semblent mettre hors de doute l'objectivité de son commerce avec les
esprits j car où le penseur suédois aurait·i1 été chercher de pareils ren·
seignements, à une époque où l'on ne s'occupait pas de ces sujets et
où les expériences de suggestion et d'hypnotisme étaient choses in·
connues ~
(1) Swedenborg nous dit que les esprits sont généralement dans le
même état que l'homme quand il y a communication entre eux. Ainsi
les esprits rêvent en même temps que l'homme; cf. Diarlum 7, 664,
2436-7.
64 tE SPIf{ITISME PSYCHIQUE

nous gardons l'image au fond de notre mémoire. Nous


lisons dans le Diarium :
c Quelquefois il me fut montré par l'expérience, que les esprits
étaient amenés à s'imaginer qu'ils étaient Les personnes, dont j'étais à
même de connaître dans une certaine mesure, La vie et Le,s manières.
D'après cette connaissance dans ma mémoire, ils faisaient accroire à
d'autres esprits qu'ils étaient vraiment ces personnes. Ils parlaient de
la même manière, ils avaient les mêmes dispositions, et leur étaient
semblables par beaucoup d'autres choses. Ils s'efforçaient même de me
faire accroire à moi qu'ils étaient ces •personnes i mais comme j'avals
appris que d'autres individus peuvent être personnifiés de la sorte
par les esprits d'une façon parfaite, ils ne purent m'en imposer.» 2686.
c D'aucuns dans l'autre vie sont tels de caractère qu'ils agissent dans
la pêrsonne des autres et non pas dans la leur. Il y avait avec moi un
certain esprit qui ne pensait ni ne parlait si ce n'était au travers d'autres
personnalités (sub aLiis). En effet il représentait continuellement d'au.
tres individus qu'il avait eu l'occasion de connaître i ainsi il cachait sa
propre personnalité... Certains agissent aussi de la sorte afin de pouvoir
mieux se livrer à la tromperie. :0 Ibid. 2408.
c Que ceux auxqueLs il est donné de parLer avec Les esprits pren­
nent garde par conséquent de ne pas croire que les esprits sont ce.ux
qu'ils prétendent être; car ils sont capables de se revêtir de la ressem·
blance de tout homme qu'ils trouvent dans la mémoire de celui avec
lequel ils sont. » (2687).
c Il y a aussi des esprits qui sont incités à parler d'une manière qui
n'est pas la leur, à savoir par d'autres esprits qui les excitent à agir
ainsi au moyen de suggestions dirigées sur eux (lit. d'après des idées
"déterminées sur eux) de façon à les faire parler soit avec eux, soit au
lieu d'eux, soit dans un but de fraude, amenant ainsi une personne à se
substituer (à d'autres).» Ibid. 2419.
Si ce fait était reconnu par les spirites, personne ne pel'"
drait alors son temps à communiquer avec ses parents et
amis décédés et à s'attendrir sur leurs messag~s frelatés!
La vérité, la froide, la cruelle vérité, c'est que les spirites s'en­
tretiennent avec le fantôme de leurs propres souvenirs, ani­
més pour quelques instants d'une vie fûctice résultant d'un
contact illicite avec l'univers supérieur. Ils approchent le
monde spirituel du mauvais côté. Tel récipient, tel influx.
En descendant dans 'le naturel, le spirituel en prend la
forme et s'en revêt comme d'un masque.
La psychologie moderne semble avoir une certaine con­
naissance de la mémoire InÙrieure clont parle Swedenborg.
LA LECTURE DE LA MÉMOIRE 65

En tout cas, ce que les psychologues nous disent de la mé­


moire subliminale ou subconsciente, de la cryptomnésie, de
la vue périphérique, concorde avec ce que nos doctrines
nous enseignent sur la mémoire intérieure. Les psycholo­
gues n'ont pas tort d'expliquer les automatismes par l'acti­
vité de la mémoire subliminale et en général par l'interven­
tion du subconscient, mais ils n'ont pas pour cela réfuté
l'hypothèse spirite. Bien au contraire, puisque c'est d'après
la mémoire intérieure, dans la partie inconsciente ou sub­
consciente de notre être qu'agissent les esprits.
Normalement la symbiose des hommes et des esprits
produit une communication dont les effets restent toujours
sous le seuil de la conscience, pour les esprits comme pour
les hommes! II est même fort probable qu'il y a des au­
tomatismes où cette communication ne cesse pas de rester in­
consciente. Dans ce cas, les messages obtenus ne sauraient
être que des divagations sans queue ni tête, de véritables
rêves occasionnés par Je relâchement du contrôle intellec­
tuel chez le médium. Même à l'état normal et éveillénous rê­
vons continuellement dans les profondeurs de notre personna­
lité subconsciente. Nos pensées conscientes sont pour ainsi
dire greffées sur les images qui se succèdent, se juxtapo­
sent et se superposent sans cesse dans les couches sous-ja­
centes de notre moi subliminal. Nos facultés subconscientes
sont comme les racines de notre organisme psychique, elles
plongent et s'étendent au loin dans le milieu spirituel qui
nous entoure, et nous en transmettent les influences. Cette
influence de notre milieu psychique se combine tout natu­
rellement avec les matériaux qui se trouvent dans notre
mémoire intérieure et ainsi se produit l'activité mentale su­
bliminale, qui sert de canevas à notre activité mentale con­
sciente. Notre subconscient nous transmet sans distinction
toutes les suggestions qui concordent d'une manière géné­
rale avec la sphère de nos affections et qui sont retenues
au passage par quelque chose dans notre mémoire inté­
rieure. Cela constitue un premier triage grosso modo. Mais
5
66 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

ce qui parvient à notre pensée consciente est le résultat


d'un second tri, déterminé cette fois~ci par notre jugement
et par notre mémoire extérieure.
Le phénomène est très complexe d'ailleurs et il est mal­
aisé de l'exposer clairement, à défaut de termes adéquats.
Il n'est, par exemple, pas du tout certain qu'on puisse iden­
tifier la cryptomnésie avec la mémoire subliminale et cette
dernière avec la mémoire intérieure, quoique les trois soient
sous le seuil de la pensée consciente.
Bien que la faculté de penser vienne de la mémoire in­
térieure (1) et de l'influx de la vie transmis par le monde
des esprits, l'homme n'en est pas moins entièrement libre.
En effet, sa pensée consciente n'est jamais affectée directe­
ment par l'influx des esprits, elle est absolument auto­
nome. C'est dans cette autonomie des facultés réflectives par
rapport aux facultés affectives que réside le secret de la
conscience individuelle et du libre arbitre des hommes.
L'influx se fait uniquement dans nos facultés affectives. Or,
nous ne nous rendons compte d'un sentiment que quand il
donne naissance à une pensée correspondante; ce n'est
que quand une affection devient une idée (2), que nous
nous l'approprions et qu'elle fait partie de notre personna­
lité consciente. C'est donc uniquement en vertu de la sépa­
ration qui existe entre notre entendement et nos affections
que nous sommes des êtres libres, conscients et respon­
sables (3).
(1) En effet, c'est d'après la mémoire intérieure que l'homme et l'es­
prit peuvent communiquer avec tout l'univers spirituel, car c'est par la
. mémoire intérieure que l'esprit humain possède la langue spirituelle,
commune à tous les êtres pensants et qu'on peut appeler le langage
des idées ou la pensée parlante. (Cf. A. C. 2469-2494).
(2) c A son commencement, ou à son principe, une idée n'est en elle­
même qu'un effet de l'affection, ou qu'une affection dérivée (extériori­
sée). ,. Diarium 2227.
(3) « Puisque c'est non pas la pensée qui est introduite chez l'homme
par les esprits, mais seulement l'affection du bien et l'affection du mal,
il est évident que l'homme a le choix parce qu'il a la liberté (liberum),
c'est-à-dire qu'il peut par la pensée recevoir le bien et rejeter le mal,
LE DANGER D'OBSESSION 67

x
Obsessions spirites.
Le danger du spiritisme réside dans le fait que les rela­
tions entre les hommes et les esprits deviennent conscientes,
d'inconscientes qu'elles étaient et qu'elles doivent être. Ce
qui arrive alors c'est que les esprits pénètrent dans la par­
tie consciente du mental humain et dans sa mémoire exté­
rieure et qu'ils n'influencent pas seulement les affections
de l'homme mais aussi ses pensées (1), voir même son
corps. L'homme est réduit à l'état d'automate et avec son
jugement, disparaît aussi la souveraineté de sa personnalité.
Généralement, les esprits croient alors qu'ils sont l'homme
qu'ils « possèdent" parce qu'ils sont en possession de toute
sa mémoire (2); mais il peut aussi arriver qu'ils parlent
car il sait, d'après la Parole, ce que c'est que le bien et ce que c'est que
le mal. Ce qu'il reçoit par la pensée d'après l'affection lui est appro­
prié, mais ce qu'il Ile reçoit pas par la pensée d'après l'affection ne
lui est pas approprié. " C. E. 298. (Cf. A. C. 2877).
(1) « Plusieurs personnes croient que l'homme peut être enseigné par
le Seigneur au moyen des esprits qui parlent avec lui. Mais ceux qui le
croient et le veulent ne savent pas que cela a été conjoint avec le péril
de leur âme. Tant que l'homme vit dans le monde, il est, quant à son
esprit, au milieu des esprits, et cependant les esprits ne savent pas
qu'ils sont chez l'homme et l'homme ne sait pas qu'il est avec les es­
prits. Cela vient de ce qu'ils ont été conjoints immédiatement quant aux
affections de la volonté et médiatement quant aux pensées de l'enten­
dement. En effet, l'homme pense naturellement, mais les esprits pensent
spirituellement: or, la pensée naturelle et la pensée spirituelle ne font
un que par correspondance et l'union par la correspondance fait que
L'un ne sait rien au sujet de L'autre. Mais dès que les esprits commen­
cent à parler avec l'homme, ils passent de leur état spirituel dans l'état
naturel de l'homme et alors ils savent qu'ils sont chez l'homme et ils se
conjoignent avec Les pensées de son affection et parlent avec lui d'après
ces pensées. (Ap. Ex., 1182).
,(2) « Un certain esprit qui me parla affirma positivement ne pas perce­
voir autre chose sinon qu'il était moi-même, en particulier quand il ne
réfléchissait pas sur ce sujet... En u!'\ mot, sans réflexion, les esprits ne
savent pas autre chose... " Diarium 1852.
68 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

d'après leur propre mémoire externe, et alors l'homme ne


sait autre chose sinon que les souvenirs des esprits sont les
siens. C'est là une chose excessivement dangereuse pour la
santé mentale de l'homme, car il se produit de la sorte une
confusion entre sa conscience à lui et celle de l'esprit.
« Si l'esprit parlait avec l'homme d'après sa propre mé­
moire, ce dernier ne pourrait considérer que comme lui ap­
partenant les choses qu'il penserait nlors, tandis que cepen­
dant elles appartiendraient à l'esprit. Il y aurait comme
réminiscence d'une chose que cependant l'homme n'aurait
jamais entendue ou vue. C'est par expérience qu'il m'a été
donné de savoir qu'il en est ainsi, quand cela a lieu. De là,
chez quelques anciens, l'opinion .qu'après des milliers d'an­
nées ils reviendraient dans leur vie précédente et dans tous
ses actes et aussi l'opinion qu'ils y étaient revenu:;. Ils
avaient conclu cela de ce que parfois il leur était survenu,
comme un souvenir de choses que cependant jamais ils n'a­
vaient vues ou entendues. Cela était arrivé, parce que les
esprits avaient, d'après leur propre mémoire, influé dans les
idées de la pensée de ces hommes.» C. E. 256.
C'est indubitablement à des causes pareilles qu'il faut
attribuer les ~ souvenirs de vies antérieures» quelquefois
observés chez les médiums (1).
«S'il était permis aux esprits de se servir de la mémoire
extérieure, le genre humain périrait, car chaque homme est
gouverné par le Seigneur au moyen des esprits et des
anges. Si les esprits influaient dans l'homme d'après la mé­
moire extérieure, l'homme ne pourrait pas penser d'aprèS
sa propre mémoire, mais il penserait d'après celle de l'es­
prit, par conséquent l'homme n'aurait plus sa vie ni sa li­
berté à sa disposition, mais il serait obsédé. Autrefois les
obsessions n'avaient pas été autre chose.» (A. C. 2477).
(1) Voir le cas de Mlle Smith étudié par Flournoy dans Des Indes à
La PLanète Mars. - Léon Denys en donne également quelques exem'
pIes dans Après La Mort, ainsi que Mreterlink dans La Mort, mais
surtout A. de Rochas dans Les Vies Successives; voir aussi H. Sausse:
Des preuves ?? En voilà!!
LE DANGt:R D'OBSESSION 69

« Si les esprits faisaient usage de leur mémoire corpo­


relle, ils obséderaient l'homme à ce point, qu'il n'aurait pas
plus de contrôle sur lui-même et qu'il ne jouirait pas plus
de sa propre vie, qu'un véritable ·possédé. Ainsi la 'race hu­
maine périrait. » (Diarium 3783).
«Si les esprits jouissaient de la mémoire corporelle, au­
cun esprit ne pourrait ~tre présent auprès de l'homme, le­
quel par conséquent mourrait; car il ne saurait y avoir deux
mémoires agissant simultanément. Si pareille chose se pro­
duisait, la mémoire de l'esprit enlèverait celle de l'homme
et l'esprit penserait d'après sa propre mémoire. Si l'homme
parlait alors, ce serait une sorte de parler simultané, comme
dans le cas de l'obsession. II n'est d'ailleurs permis (norma­
lement) à aucun esprit d'enseigner l'homme et par consé­
quent de le diriger, autrement que par l'affection; le Sei­
gneur seul veut instruire l'homme et le diriger, ce qui ne
saurait s'effectuer, si la moindre chose de la mémoire cor­
porelle était à la disposition d'un esprit.» (Diarium 4001).
Voir aussi les Nos 2272-83.
« Il y a aujourd'hui un très grand nombre d'esprits qui
veulent influer non seulement dans les pensées et dans les
affections de l'homme, mais même dans son langage et
dans ses actions, par conséquent aussi dans ses corporels
et cependant les corporels ont été soustraits à l'influx par­
ticulier des esprits et des anges et sont régis par l'influx
commun, ce qui signifie que lorsque les choses pensées
(cogitata) sont déterminées en paroles et les choses voulues
en actions, la détermination et la transition dans le corps
sont selon l'ordre et ne sont pas régies par quelques es­
prits en particulier; car influer dans le corps de l'homme
c'est l'obséder (1).» (A. C. 5990).
(1) Swedenborg a noté le fait que les esprits qui veulent spéciale­
ment obséder ou posséder l'homme sont généralement d'une disposition
'lascive très prononcée. Nous connaissons des cas d'hallucination
sexuelle à teinte spirite et de véritable persécution érotique (cas trop
spéciaux pour être publiés dans ce volume) qui confirment d'une ma­
nière très précise l'observation de Swedenborg, et qui donnent à penser
70 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

« Quiconque est possédé, l'est au péril de sa vie.» (Diarium


3963).
c Certains esprits vagabondent en troupes et en bandes

et ne désirent rien plus ardemment que de pervertir l'hom­


me, voir même de le tuer. » Diarium 2394.
Ces quelques citations, qu'il serait facile de multiplier en·
core, exposent clairement combien il est dangereux d'en­
trer en rapport conscient avec les trépassés et d'abdiquer
tout contrôle et tout empire sur soi-même en leur faveur.
Les dangers de la possession ou de ['obsession SOllt très
réels. Swedenborg nous dit (Diarium 3781) que dans le
monde des esprits, il y a beaucoup d'esprits enthousiastes
et malfaisants qui ne demanderaient pas mieux que de
« posséder» les hommes, si seulement ils savaient comment
entrer en rapport avec eux. C'est pour cette raison que
"le Seigneur veille avec le plus grand soin à ce que les
esprits ne sachent pas qu'ils sont chez l'homme; car s'ils le
savaient, ils parleraient avec lui et alors les esprits mauvais
le perdraient, parce que ces mauvais esprits, ayant été con­
joints à l'enfer, n'ont pas de plus grand désir que de perdre
l'homme, non seulement quant à l'âme, c'est·à-dire quant à
la foi et à l'amour, mais encore quant au corps.» (C. E. 292).
Swedenborg n'invente rien et ses déclarations devraient
que tout n'est peut-être pas absurde dans l'antique croyance aux incu'
bes et aux succubes. Les faits rapportés par Swedenborg montrent en
outre qu'il faut être très prudent dans la psychanalyse du spiritisme et
ne pas attribuer au " eingeklemmter Affect" (Freud) de vulgaires sug.
gestions émanant uniquement de l'influx d'esprits libidineux. Les attou·
chements passionnels provenant du médium sont fréquemment consta·
tés au cours des séances médiumniques (cf. Lombroso, op. cit. p. 78). Il
n'y a là rien d'étonnant si l'on sait que co les adultères et les cruels (sa·
diques) ...ne désirent rien avec plus d'ardeur que d'obséder le corps des
hommes, et ainsi de vivre dans le monde au moyen de l'homme... Si le
Seigneur ne protégeait l'homme, chacun serait obsédé par de pareils
esprits, car il y en a une foule immense.» Diarium 2665. Voir aussi
3716. c Les esprits obsesseurs sont tous sensuels et corporels, quoi.
qu'ils ne paraissent pas de la sorte extérieurement. En outre, tous ceux·
là sont possédés du désir d'obséder, qui sont sensuels au point de ne
pouvoir être détournés des choses naturelles si ce n'est avec beaucoup
de difficulté." lb. 5981.
LE DANGER D'OBSESSION 71

être acceptées comme un avertissement miséricordieux de


la Providence. La science connaît d'ailleurs parfaitement les
attristants symptômes de la démonopathie, ou de la médium­
nopathie, pour employer le terme plus moderne. Les folies
spirites ou les tolies à teinte spirite sont fréquentes et ne
justifient que trop les paroles de Swedenborg à Robsahm.
.(Voir p. 34).
Il y a des médiumnopathies externes et des médiumno­
pathies internes, en d'autres termes de simples obsessions
et de véritables possessions. Leur caractère est toujours
désagréable. Les cas sont évidemment plus ou moins gra­
ves. Le plus souvent le malade est atteint du délire de la
persécutioll (1); il réagit par toutes sortes de moyens, quel­
(1) c Dans la rue, il a toujours peur d'être poursuivi. Chez lui il orga­
nise la défense: il se clôt, il se mure, il bouche sa cheminée. fréquem­
ment il déménage, pour dépister les esprits. Il s'entoure lui·même d'ap­
pareils de défense j il se bouche les oreilles avec de la cire pour ne pas
entendre, il imagine des casques de plomb qui recouvrent ses oreilles.
" s'efforce de lutter contre ses hallucinations, mais c'est en vain qu'il
agit, c'est en vain qu'il se casque: les hallucinations continuent. Elles
pénètrent de plùs en plus dans sa vie intime: elles commandent à ses
actes, s'emparent de sa pensée pour lui dire à l'avance les actes qu'il
veut faire, descendent dans le passe de ses actions secrètes et les lui
révèlent railleuses et menaçantes, les interprétant dans le sens le pire.
De plus en plus li se défend: de la voix et des actes. Dans le constant
énervement de sa vie bouleversée, Il répond aux injures par del'o injures,
aux menaces par des menaces, aux railleries par des railleries. " essaie
aussi des accommodements, de la prière. Il flatte ses persécuteurs, corn·
me autrefois les Grecs flattaient les Parques du nom d'Euménides. Il les
supplie, il avoue, il regrette, il promet j c'est en vain. Les voix rétor­
quent, insulte à flatterie, menace à prière, raillerie à promesse, jusqu'à
ce que le malheureux halluciné éclate en fureur et s'emporte à nouveau
en termes d'une grossièreté que rien dans sa vie antérieure ne permet­
tait d'attendre. J> - " Mais l'exaspération qui résulte de cette épouvan­
table vie, peut po lisser le malade à de pires réactions. Lassé de voir
son impuissance contre la persécution des esprits, le malheureux hallu­
ciné est tout porté à voir des complices de ces esprits dans les person­
nes qui l'entourent. Sa famille, ses voisins, son concierge, sont des
complices... On pourrait comprendre à la rigueur, que l'halluciné tue
son voisin de dessus, parce qu'il prête son appartemeut aux esprits
insulteurs; mais il peut arriver qu'il tue brusquement un passant quel­
conque ou avec préméditation une personne éloignée, étrangère à la vie
du malade, simplement parce que les voix lui ont révélé la complicité
72 lE SPIRITISME PSYCHIQUE

quefois même par le suicide. Tant que les hal1ucinations ne


sont qUE' sensoriel1es, le danger n'est pas très grand. Le
persécuté est bien hanté par des idées fixes, il est bien en
butte aux menaces et aux insultes des esprits, il entend
bien proférer les propos les plus grossiers et les plus ob­
scènes, mais il est néanmoins plus ou moins maître de ses
actions. Par contre, l'hal1ucination se fait psycho-motrice
chez les médiumnopathes internes. Le malade perd quel­
quefois tout contrôle sur lui-même. Il ressent des impulsions
irréfléchies et irrésistibles à commettre des actions contrai­
res à sa dignité et à son honneur; il peut être poussé au
meurtre et à l'assassinat. Sa bouche parle à son insu et ses
membres agissent involontairement. Il peut même être pos­
sédé à ce point qu'il perd la notion de l'existence de son corps.
Swedenborg nous apprend des choses surprenantes au
sujet du pouvoir suggestif des esprits. Il a décrit dans son
Diarium toute une série de troubles organiques engendrés
par l'influx des « fantaisies» (i. e. des suggestions menta­
les, conscientes ou inconscientes) venant des habitants de
l'Au-delà: inhibition des organes de la parole et paralysie
momentanée de la langue (3974,4614-15), hallucinations ol­
factives (2051, 2395), rages de dents (4419,4558-9,4658-60,
4348), céphalalgie (153, 3612, 4348, 4491, 4559), névralgies
ophtalmiques (2533) douleurs articulaires diverses (4660),
contorsions (870), claudication (4660, 153), goutte sciatique
(153), névralgies intercostales (5814), hémiplégie (4614,
4218), chaleurs, frissons (2392, 1855-56), rétention d'urine
(825, 867-70), vomissements (1278), indigestion (1272,4572,
Diar. Min. 4574), oppressions (4778), tremblements (2550,
1934), convulsions (3767), impulsions irrésistibles et envies
irraisonnées (817-18), états de torpeur et d'hébétude (6008),
douleurs dans l'abdomen et les parties sexuel1es (3997,.
3900-22-30,5767), automatismes divers (2421), etc., etc. (Viol­
let signale également des troubles analogues).
« Que de telles choses aient leur cause dans le monde
de celui-ci ou de celui-là.» (Dr Vionet, médecin des asiles.~ Le Spiri­
tisme dans ses rapports avec la Folie, p. 45 et 47).
LE DANGER D'OBSESSION 73

spirituel, c'est ce qu'il me fut donné de savoir d'après une


longue expérience", lisons-nous dans ce même ouvrage
(§ 4586). Ceci ne veut évidemment pas dire que toute rage
de dents ou tout point de côté soit produit par les esprits.
Swedenborg ne parle que des psychoses spirites, que des
troubles fonctionnels relevant de facteurs psychiques nette­
ment caractérisés, troubles dus à d'incessantes suggestions
mentales, amplifiées et exagérées, la plupart du temps, par
des auto-suggestions.
Il y a cependant une différence fort intéressante et très
importante entre les douleurs provoquées par suggestion
chez un sujet en état d'hypnose et les troubles engendrés
sous l'influence dés esprits. Ces derniers exercent leur pou­
voir suggestif « suivant leur nature et non pas (comme
les hypnotiseurs) suivant leur préméditation» (cf. Diarium
2238). Voici en peu de mots ce que cela signifie: tout le
monde sait qu'un psychiâtre, par exemple, choisit comme il
l'entend le genre de suggestions hypnotiques ou posthyp­
notiques qu'il impose à son patient. Tout autre est le cas
des esprits. Ils suggestionnent (1 suivant leur nature"; en
d'autres termes, les hallucinations sensorielles ou psycho­
motrices qu'ils provoquent (involontairement probablement,
quand ils entretiennent avec l'homme des relations parasi­
taires plus ou moins subconscientes) sont étroitement con­
ditionnées par leur propre état mental et surtout par l'en­
semble des caractères psychiques qui constituent leur indivi­
dualité tantôt personnelle, tantôt collective (en effet la plupart
du temps un esprit qui paraît agir isolément et de sa propre
initiative, opère inconsciemment sous l'impulsion du groupe
psychique auquel le rattache la loi de l'affinité mentale).
Swedenborg a pu constater expérimentalement, (en ob­
servant notamment les diverses réactions organiques provo­
quées par les différents groupes psychiques dans le monde
spirituel) les faits suivants:

1° Que le complexe organique spirituel conditionne rigou­


reusement le complexe organique physique.
74 LE SPIRITISME PSYCHIQUE

2° Qu'il n'y a pas de différence essentielle entre la struc­


ture du psychisme de l'individu et celle de l'hyper-psychisme
de la collectivité des êtres conscients.
3° Que par conséquent le monde spirituel dans tout son
ensemble n'est autre chose qu'un «Grand Homme", un
Maximus Homo,. ou, ce qui revient au même, que l'homme
n'est autre chose qu'un 4: petit ciel- un Micro-Urane. Or,
comme les différents organes du corps correspondent à au­
tant de facultés de l'esprit, il est possible de connaître,
dans le monde spirituel, les caractères psychographiques
des divers esprits, ou sociétés d'esprits rien qu'en obser­
vant les réactions organiques qui se manifestent sous leur
influence. Les innombrables observations sur ce sujet que
Swedenborg a consignées dans son Diarium sont ou seront
d'un prix inestimable pour tJUS ceux qui veulent travailler
à l'édification d'une psychothérapie ,rationnelle.
A la lecture de ce qui précède, l'on conviendra que Swe­
denborg ne parlait pas à la légère quand il dit à Robsahm :
«Prenez garde, (le commerce avec les esprits) est un chemin
qui conduit à l'hôpital des fous". En effet. si la symbiose
inconsciente entre les esprits et les hommes est pour eux
un facteur réciproque et essentiel d'équilibre mental et
de santé morale, le parasitisme psychique est au contraire
une cause d'irresponsabilité, d'aboulie et de psychasthénie
pouvant aller jusqu'à la folie caractérisée (1).
(1) c Tantôt le malade est persuadé que des esprits habitent en lui, tan·
tôt il a la sensation que les esprits partagent son corps avec lui·même
et qu'il constitue un être double dont les deux parties, animées par des
volontés différentes, sont en guerre acharnée l'une contre l'autre. (Ibid.
p. 58). Enfin, au sommet de l'échelle, la possession est complète: la
main écrit, la langue parle, les regards s'animent, la physionomie change,
les actes les plus intimes se perpètrent et c'est toujours l'esprit qui
agite tout cela. Le malade ne conserve que le profond désespoir de cette
intrusion si complète et se plaint dès qu'il rentre en possession de ses
organes (Ibid. p. 59)....l'hallucination devient à ce point générale, la
possession est si parfaite que le malade ne sait plus ce qui est lui et
s'il est encore quelque chose de lui, ne gardant même qu'un souvenir
imparfait de sa personnalité réelle antérieure. » (Ibid. p. 69).
LE DANGER D'OBSESSION 75

On appelle médiumnomanies les obsessions agréables qui


flattent le médium. On peut ranger dans cette catégorie la
mégalomanie spirite, le délire prophétique, le délire d'apos­
tolat, le délire d'immensité et de divinité. Le médium est
heureux d'être un « grand mérlium )}, d'être la réincarnation
d'un « grand initié)} ou de quelqu'autre personnage mar·
quant. II prend plaisir aux communications et aux messages
des esprits, il est content d'être l'instrument d'une révéla­
tion et s'enorgueillit de ses « pouvoirs », qui lui font croire
qu'il est spécialement favorisé du ciel.
D'une manière générale, la médiumnité produit, par les
automatismes qu'elle engendre, une sorte de désagrégation,
de dissociation de la personnalité, qui peut aller jusqu'à
une dépersonnalisation complète de l'individu. C'est pour
cela que la médiumnité est toujours dangereuse,. elle ouvre
toujours une porte aux obsessions et aux autosuggestions.
En tout cas elle favorise d'une façon alarmante le relâche­
ment du contrôle volontaire et intellectuel, ce qui désarme
la personnalité consciente contre l'irruption des impulsions
psychiques venant soit du dedans, soit du dehors. C'est
d'ailleurs pécher contre sa propre dignité de homo sapiens
que de renoncer - fût-ce pour. une minute seulement - à
l'usage de sa liberté et de sa rationalité, facultés c dans
lesquelles consiste l'humanité même»! (O. P. 281). Le spiri­
tisme est contraire à l'Ordre Divin parce qu'il tend à abolir
ces deux facultés, autant sur le plan intellectuel que sur le
plan moral.
Mais s'il est lamentable de perdre sa raison et son équi­
libre mental il est mille fois plus navrant de perdre sa liberté
spirituelle. Et pourtant c'est ce qui arrive nécessairement.
Voici pourquoi: L'homme est conjoint normalement aux es­
prits qui lui sont semblables, en vertu de la loi de l'affinité
spirituelle. Tant que cette association reste inconsciente
pour les esprits comme pour les hommes, elle est bienfai­
sante et sert à maintenir ces derniers dans l'équilibre men­
tal nécessaire à leur évolution morale. En effet, cette asso­
76 LE SPIRIT!SME PSYCHIQUE

ciation n'est nullement permanente, mais change au con­


traire dans la mesure où l'homme change lui-même. Les
hommes ne reçoivent que l'influx des esprits qui sont au
diapason, et non pas celui des autres, ils sont comme des
postes récepteurs de T. S. F. qui ne sont affectés que par
les messages des stations vibrant syntoniquement (1). Le
spiritisme, en rendant consciente l'association des esprits
et des hommes, la rend permanente. D'une relation qui de­
vrait être une symbiose, réglée automatiquement, il fait un
parasitisme tenace. L'homme est pour ainsi dire lié à une
société particulière d'esprits et ne peut que très difficile­
ment sortir de leur sphère; et comme cette sphère est aussi
sa propre sphère à lui, il a une peine infinie à évoluer mo­
ralement et à changer sa vie spirituelle.
c ... tous sont conjoints par une affection semblable, et par suite, par
une pensée semblable, et tous sont séparés par la différence de l'affec­
tion et de la pensée. De là résulte que l'esprit qui parle est dans les
mêmes principes que l'homme, que ces principes soient vrais ou qu'ils
soient faux, et qu'en outre il les excite et les conjirme.jortement par
son affection conjointe à l'affection de l'homme. De là il est évident
qu'il n'y a pas d'autres esprits, que des esprits semblables à lui, qui
parlent avec l'homme, ou qui opèrent d'une manière manifeste dans
l'homme, car l'opération manifeste coïncide avec le langage... D'après
ces considérations on voit clairement le danger dans lequel est l'homme
qui parle avec les esprits ou qui sent manifestement leur opél ation...
Quand l'esprit, d'après une affection semblable, est favorable aux pen­
sées et aux principes de l'homme, l'un conduit l'autre, comme un aveu­
gle conduit un aveugle, jusqu'à ce qu'ils tombent tous deux dans la
fosse. :0 (Ap. Ex. 1182).
c Il fut observé que quand il est permis à quelqu'esprit et à sa com­
pagnie de penser (cogitare) quelque mal ou quelque bassesse, d'autres,
qui sont d'un même genre, sont aussitôt excités à la malice et à la bas­
sesse, quelles qu'elles puissent être. De cette manière aussi la qualité
des âmes et des esprits est tlIise à nu ; car quand ils sont dans un état
(naturel) dépourvu de réflexion, état dans lequel ils sont pour ainsi dire
abandonnés à eux-mêmes (c'est-à-dire à leur nature instinctive) ils sont

(1) «11 arrive aussi fréquemment qu'une personne entre dans les pen­
sées d'une autre, qu'elle perçoive ce que l'autre fait et pense... exacte­
ment de la même manière qu'une corde est affectée par une autre, si
elles sont accordées au même ton.:o Swedenborg, Dœdalus Hyperbo­
reus, No VI.
LE DANGER D'OBSESSION 77

instantanément excités à commettre des choses semblables.... ce qui


permet de connaître de quelle nature ils sont. :0 Diarium 2237.
« Les esprits (et les hommes) sont associés suivant leur nature et
leur caractère, et de cette manière se forment des conjonctions. Les es­
prits mauvais désirent spécialement régenter l'homme.:o Ibid. 104.
Comme la plus grande partie de l'humanité n'est pas spi­
rituellement régénérée, il en résulte que le commerce cons­
cient avec les esprits qui sont dans la même sphère spiri­
tuelle que nous, risque fort de compromettre notre régéné­
ration et notre développement moral. Cette raison n'est pas
la moindre parmi toutes celles qui déterminent les membres
de la Nouvelle Eglise à condamner péremptoirement toute
pratique spirite comme dangereuse, immorale, irrationnelle,
inutile, et' à tous les points de vue contraire à la dignité et
à la liberté humaines.
Il est évidemment que ce qui a été dit plus haut sur les
dangers du spiritisme ne compte pas pour les hommes de
science qui étudient le spiritisme d'une façon froide et ob­
jective. Leur esprit critique les met à l'abri - plus ou
moins - des dangers exposés plus haut. Il est certain que
les phénomènes de la transe et les effets physiques de la
médiumnité méritent d'être étudiés par des savants compé­
tents, à l'esprit droit et avisé et sachant limiter le but de
leurs .recherches uniquement à ce qui est du domaine strict
de la science.
CHAPITRE II

LE SPIRITISME PHYSIQUE

Question de compétence.
Nous abordons le sujet des phénomènes matériels du
spiritisme en partie pour ne pas être incomplet mais surtout
parce qu'il soulève plusieurs questions qui présentent un
intérêt philosophique incontestable pour tout esprit cultivé
et spécialement pour les lecteurs de Swedenborg. C'est
dire d'avance que nous allons étudier les phénomènes phy­
siques du spiritisme plutôt au point de vue philosophique
qu'au point de vue scientifique, tâche que nous laissons à
d'autres.
Les doctrines de la Nouvelle Eglise expliquent-elles sans
résidu les étranges phénomènes physiques qui accompagnent
souvent la médiumnité? - A cette question nous sommes
obligés de répondre: non, ou plutôt en partie seulement!
En effet, les phénomènes en question impliquent une double
compétence pour être élucidés, car il ne s'agit pas unique­
ment de forces physiques, ni uniquement de forces spiri­
tuelles, mais bien d'une combinaison de ces deux facteurs.
Pour autant que nous avons affaire à l'action du monde
spirituel et aux lois générales qui régissent l'opération du
plan spirituel sur le plan naturel ou matériel, nos doctrines
philosophiques nous servent de critère et nous fournissent
QUESTION DE COMPÉTENCÈ 79

de précieux aperçus. Mais pour ce qui est des énergies


physiques qui servent de substrat aux forces spirituelles en
jeu, il nous faut nous tourner du côté de la science expéri­
mentale (sans en excepter les ouvrages scientifiques du sa­
vant assesseur au Collège Royal des Mines de Suède).
Malheureusement la science moderne n'est pas encore en
mesure de nous renseigner d'une manière bien précise. Elle
ne peut même pas nous donner à l'heure qu'il est (août 1922)
la certitude officielle de l'authenticité des phénomènes mé­
tapsychiques (1). Quand la psychologie, la physiologie et la
physique seront tout à fait à la hauteur de leur tâche, il
sera sans doute possible à quelque savant, au courant éga­
lement des lois du monde spirituel, d'élucider, à la satisfac­
tion de la religion, de la philosophie et de la science, les
grands problèmes posés par la médiumnité à effets phy~i­
ques. Dans l'état actuel de nos connaissances scientifiques,
l'intervention des esprits fût-elle même prouvée au delà de
toute contestation, le déterminisme ou le mode de produc­
tion des phénomènes n'en resterait pas moins assez mysté­
rieux, au point de vue strictement scientifique, et nécessi­
terait des études et des explications complémentaires ­
pour autant, bien entendu, que les dits phénomènes ne sont
pas le résultat d'une mystification.
Comme le lecteur le voit, nous nous efforçons de fuir
tout ce qui pourrait ressembler à de l'outrecuidance dans
l'affirmation de nos compétences. Que les savants fassent
d.e même et se gardent de prétendre «qu'il n'y a que du
naturel encore inconnu », si par naturel ils entendent ce qui
appartient au monde matériel seulement! (2). Une explica­
tion complète ne sera possible que quand l'union complé­
(1) Cf. Paul Heuzé: Les Morts vivent-ils? Enquête sur l'Etat pré­
sent des Sciences Psychiques. Paris 1921. La Renaissance du Livre; et
l'Opinion de 1922.
(2) Nous ne comprenons pas, par exemple, en vertu de quel raisonne­
ment scientifique M. Charles Nordmann croit pouvoir nous affirmer que
"les phénomènes métapsychiques... si leur existence était démontr~e,
n'entrainerait, à son avis, quoi qu'affirment certains, aucune contradtc­
80 LE SPIRITISME PHYSIQUE

mentaire entre la science et la religion sera pleinement réa­


lisée au moyen de cette merveilleuse philosophie contenue
dans les écrits tant scientifiques que religieux de Swedenborg.
tlOn avec les faits déjà établis par les sciences physiques. Si, continue
M. Nordmann, par un mécanisme à élucider, il était au pouvoir de cer·
tains individus de lire à travers l'espace, dans la pensée des autres
êtres, ou d'apercevoir des ol,jets cachés, je défie qu'on me montre en
quoi ces faits nouveaux seraient en contradiction avec les faits déjà in·
corporés à la science. Si certains individus avaient le pouvoir de dépla.
cer des objets sans contact, et par l'intermédiaire d'une force ou d'un
rayonnement non encore décelés et émanant de leur organisme, si ces
individus étaient d'ailleurs capables de produire des sortes d'efflores­
cences, des ectoplasmes émanés d'eux, et affectant des formes humai·
nes, en quoi, encore un coup, ces faits insolites renverseraient-ils les
données acquises par la science positive? Je défie qu'on le montre.»
Revue des Deux Mondes, 15 juin 1922, pp. 944·5. - M. Nordmann joue
sur les mots. On pourrait, à juste titre, demander à cet apôtre passionné
des théories Einsteiniennes si les résultats de l'éclipse de Sobral, et des
expériences de Michelson, ainsi que le déplacement des raies spectrales
- ces phénomènes étant supposés réels et non pas dus à des erreurs
d'observation - on pourrait demander, disons-nous, si ces phénomènes
sont oui ou non contraires "aux données acquises par la science posi·
tive» ?
Suivant Einstein et son disciple Nordmann, ils renversent cependant
à tel point « les faits déjà établis (ou qu'on croyait établis) par les
sciences physiques:> qu'une nouvelle théorie scientifique s'impose, celle
de la relativité généralisée. Il en va de même pour les phénomènes mé­
tapsYl.:hiques. Ces derniers sont même beaucoup plus révolutionnaires
que les faits sur lesquels s'est échaffaudé le gratte-ciel einsteinien. Les
défis du genre de ceux de M. Nordmann n'ont aucun sens à cause de
leur ambiguïté. Si le chroniqueur scientifique de la Revue des Deux
Mondes croit que les phénomènes métapsychiques ne sont dus qu'à des
forces purement naturelles (comme Flammarion le croyait autrefois, à
en juger d'après le titre d'un de ses premiers livres sur ce sujet) qu'il le
prouve. Cela ne sera pas facile. Les professeurs de la Sorbonne qui se
sont livrés tout dernièrement à des expériences, d'ailleurs infructueuses,
sur le médium Eva C., déclarent en effet dans leur rapport que l'ecto·
plasme (car ils n'ont pas eu à se prononcer sur les autres phénomènes
métapsychiques) serait "inexplicable au moyen des données actuelles
de la physiologie n. A combien plus forte raison les représentations
idéoplastiques de cette substance! Nous ne craignons pas trop nous
avancer en déclarant que la science n'expliquera ces curieux phénomè.
nes, supposés authentiques, que quand elle aura évolué dans un sens
non-matérialiste. C'est tout ce que l'on peut dire pour le moment et
c'est à M. Nordmann et à ceux qui pensent comme lui de faire la preuve
du contraire.
PHENOMÈNES MEDIUMNIQUëS 81

Il

Résumé des phénomènes médiumniques~

Le prof. Morselli, le savant aliéniste gênois, résume ainsi


en une courte synthèse (que nous abrégeons encore) les
phénomènes obtenus par Eusapia Paladino, le fameux mé-
dium napolitain, mort tout récemment (1).
Première classe. - Phénomènes mécaniques et mouve-
ments d'objets en contact avec le médium; Eusapia les pro-
duit facilement, aussi bien à la lumière que dans l'obscurité.
1. Oscillations et mouvements de la table, sans significa-
tion.
2. Mouvements et coups de la table, ayant une significa-
tion. Ils sont aussi très fréquents et constituent le langage
conventionnel dont se sert Eusapia (deux coups, non; trois,
oui, etc.). Ils règlent d'ordinaire la marche des séances.
3. Soulèvement total de la table, durant jusqu'à 78 secondes.
4. Mouvements d'objets divers, à peine touchés par les
mains et le corps du médium, par suite inexplicables par la
pression très faible qu'il exerce.
5. Mouvements, ondulations, gonflements des rideaux du
cabinet médianimique. Eusapia ne peut les produire avec
ses mains ou ses pieds sévèrement controlés.
6. Mouvements et gonflement des habits du médium.
Deuxième classe. - Elle n'est qu'un perfectionnement
de la première. Les effets mécaniques se produisent sans
aucun contact avec la personne du médium, et à une dis-
tance qui peut varier de quelques centimètres à plusieurs
mètres. Ce sont les plus discutés parce qu'une force méca-
nique doit agir directement sur la résistance opposée par
les corps matériels. Pourtant cette télécinésie médianimique
(1) Morselli: Eusapia Paladino et la réalité des phénomènes. Ann.
Psych., avril 1907.
6
82 Le SPIRITISME PHYSIQue

est des plus fréquentes dans les séances de la Paladino. Ci­


tons les phénomènes principaux de cette classe.
7. Oscillations et mouvements de la table sans contact.
S. Soulèvement spontané de la table. Nous avons vu de
vrais cavaliers seuls de la table, en pleine lumière du gaz,
le médium enfermé et attaché dans le cabinet.
9. Ondulations, gonflements, projections de rideaux du
cabinet. Tout ceci a lieu sans contact avec le médium soli­
dement attaché. On dirait que des personnes invisibles sou­
lèvent l'étoffe, l'écartent pour ouvrir, la resserrent pourfer­
mer, et ainsi de suite.
10. Mouvements imprimés à des corps matériels par les
mains tournées de leur côté, mais à distance. Ce phéno­
mène a lieu ordinairement en pleine lumière et à la fin des
séances. C'est là l'extériorisation de la motricité, étudiée
par de Rochas.
Il. Mouvements spontanés et déplacement d'objets divers à
différentes distances, même à 2 et 3 mètres du médium.
12. Transport sur la table d'objets éloignés.
13. Déplacement des chaises des contrôleurs.
14. Mouvements imprimés à distance à des machines, ins­
truments, etc. Par exemple mise en jeu de mandolines, gui­
tares, pianos, trompettes, carillons, métronomes, dynamo­
mètres, éloignés d'Eusapia.
Troisième classe. - Elle comprend les changements de
poids des corps, phénomènes les moins certains, bien que
des observateurs éminents en garantis&ent l'authenticité.
15. Changement spontané de poids sur une balance.
16. Changement de poids du corps du médium, 5à 10 kg.
17. Lévitation du médium lui-même.
18. Vent venant du cabinet noir. 1\ est très fréquent et on
le sent presque à toutes les séances. C'est un vrai courant
d'air qui vient de derrière le médium, de l'intérieur du ca­
binet. (1)
(1) Rapprocher cette déclaration (18.) de l'observation analogue faite
PHÉNOMÈNES MéDIUMNIQUES 83

19. Froid intense. Il est senti d'ordinaire par les deux con­
trôleurs et précède nombre de manifestations. (1)
20. Rayons lumineux partant de la tête et du corps du
médium.
21. Coups, chocs et autres bruits dans la table.
22. Coups, chocs, donnés à distance par le médium.
23. Sons d'instruments de musique. Pas très musicaux, si
de bons exécutants n'assistent pas à la séance; quelque
mesure cependant.
24. Bruits de mains et de pieds.
25. Sons de voix humaines. Ce sont d'impressionnantes
manifestations qui, d'après les spirites, révèleraient l'action
d'intelligences occultes, avec effets durables sur la matière
inerte. Eusapia, par son manque de culture, est plutôt pau­
vre en tels phénomènes.
26. Signes mystérieux tracés à distance. Ils consistent en
signes ou taches sur la table, sur la peau des assistants ou
le mur, et paraissent faits au crayon.
27. Ecriture directe. Elle serait faite directement par les
esprits, sans action visible des mains, avec instruments ma­
tériels visibles, tels que crayons ou sans eux.
par Swedenborg: c: li arrive très souvent que les esprits qui m'appro­
chent produisent un vent, qui caresse la figure, et même qui fait mou­
voir la lumière sur mon chandelier ct les papiers sur ma table. Le vent
est froid... " Diarium 479.
(1) Quelle que soit la raison physique de ce froid, il est significatif
que Swedenborg l'ait obselvé à l'approche d'esprits mauvais. c: Que
j'étais entouré d'une tourbe diabolique, c'est non seulement ce que j'ap­
pris des anges, mais aussi ce que je ressentis manifestement, tant par
un souffle glacial, chaque fois qu'elle se rassemblait, que par le froid
qui me pénétrait." Diarium 318. c Chaque fois qu'il fut permis à quel­
ques uns ou à plusieurs esprits de la tourbe diabolique, c'est-à-dire de
l'enfer, de m'approcher, je fus plus ou moins saisi de froid ... Par ce froid
et par leur souffle (afflatus) généralement froid, j'étais averti de leur
approche. ,. Ibid. 406. Quelle que soit l'origine et la nature de ces c vents ,.
et de ces c souffles", li faut bien se garder de les confondre avec les
esprits eux-mêmes, qui sont des êtres organiques et non pas des bouf­
fées d'air ou d'éther. Voir au sujet des impressions thermiques d'ori~ine
spirite les Nos 1855-02 du Diarium.
84 LE SPIRITISME PHYSIQUE

28. Empreintes sur terre à modeler. Ce sont des emprein­


tes de doigts, mains, pieds et même de figures, celles-ci,
ordinairement de profil ou de demi-profil. Elles donnent
l'impression d'une Eusapia vieillie, et représenteraient John
King, son père en une autre vie.
29. Apports. Apparition soudaine, sur la table et dans la
chambre, d'objets venus de loin à travers portes et murs,
comme fleurs, branches, feuilles, clous, monnaies, pierres, etc.
30. Matérialisations. Il s'agit de la création ex novo de
formes plus ou moins organisées, ayant les caractères phy­
siques assignés à la matière: résistance au toucher (tangi­
bles), lumière propre (lumineuses) et le plus souvent, pro­
priété d'arrêter les rayons lumineux du dehors en se ren­
dant visibles. La première sous-classe est ceBe des matéria­
lisations solides.
31. Attouchements, palpations, étreintes de mains invisibles.
32. Organisation de formes solides ayant les caractères
de membres humains. Ce sont ordinairement des mains, des
bras et même des têtes, que l'on peut toucher à travers le
rideau et qui semblent des fragments d'êtres en formation.
Ce n'est que rarement qu'ils donnent l'impression tactile
d'une personne entière. Saisies et serrées à travers le ri­
deau, ces formes se retirent le plus souvent; parfois, et c'est
le cas surtout des figures, elles se laissent toucher longue­
ment. La bcuche invisible fait même le geste d'embrasser,
de mordre, etc.; geste empêché toutefois par le rideau.
32 bis. Organisation de mains perceptibles au toucher. Par­
fois on se sent touché par des mains véritables, dont on
sent la peau, la tiédeur, les doigts mobiles. Lorsqu'on les
serre, on a l'impression qu'elles se dissolvent et fondent,
comme une substance semi-fluide. (1)
33. Actions complexes de formes tangibles invisibles. Ces
mains, ces bras, ces têtes, invisibles pour qui pénètre dans

(1) Voir plus loin te paragraphe où il est traité des phénomènes de


matérialisation.
PHÉNOMÈNES MÉDIUMNIQUES 85

le cabinet, derrière le rideau qui les couvre, s'avancent vers


les assistants, les touchent, serrent, repoussent, attirent, ca­
ressent, embrassent, avec tous les mouvements d'êtres réels.

Quatrième classe.- Je réunis en un groupe lesphéno­


mènes lumineux, visibles soit par eux-mêmes, soit par une
lumière extérieure.
34. Apparition de points lumineux. Ce sont là les célèbres
lueurs spirites... Ce sont des lueurs indéfinissables, ordinai­
rement sans formes précises... Eiles n'ont pas encore été
photographiées, que je sache, mais elles sont bien caracté­
ristiques, souvent mutt:ples et très mobiles. Impossible et
même absurde, pour qui les a aperçues une seule fois, d'y
voir de la phosphorescence artificielle.
35. Apparitions de nébulosités blanchâtres. Elles ne sem­
blent pas avoir de lumière propre.
36. Formation de prolongements du corps du médium. Vi­
sible à demi ou à faible éclairage, quand les mains visibles
du médium sont en pleine vue et bien contrôlées, ces ap­
pendices accomplissent nombre de phénomènes décrits ci­
dessus, comme attouchements et palpations, secousses don­
nées aux chaises, transports d'objets, etc.
37. Sortie du cabinet de formes ressemblant à des bras et
à des mains.
38. Apparition de mains. C'est un des phénomènes spiri­
tes les plus fréquents et les plus anciens.
39. Apparition de formes obscures de caractère indéter­
miné. Il s'agit de matérialisations incomplètes.
40. Apparition de formes ayant un caractère déterminé et
individuel.
A ces quatre classes de Morselli mes expériences me
font ajouter:

Cinquième classe. - 41. Action sur plaques photogra­


phiques enveloppées de papier noir.
86 LE SPIRITISME PHYSIQUE

42·43. (II s'agit de phénomènes psychologiques qui ne


sont pas à leur place ici).
44. Action sur les électroscopes, que le médium décharge
à distance avec la main. (Selon Lombroso, il s'agit en l'oc­
currence d'un phénomène de radio-activité).
Il va sans dire qu'en citant ce résumé de Morselli-Lom­
broso (1), nous n'entendons en aucune manière prendre la
responsabilité des affirmations qu'il contient. Cependant
nous n'avons pas de motif pour nous croire autorisé à dé­
clarer ex-professo "qu'il s'agit d'illusions pures », comme le
fait le Dr G. Le Bon. L'accord frappant qui se manifeste en­
tre les observations impartiales d'un grand nombre de sa­
vants, de différents pays, nous porte plutôt à croire qu'il
s'agit de faits authentiques et ceci malgré l'insuccès des 15
séances données par le médium Eva c., sous le contrôle
des prof. Piéron, Dumas, Laugier et Lapicque, dans un des
laboratoires de la Sorbonne (2). Quoi qu'il en soit, notre tac­
tique consiste à accepter pro argumento la réalité des phé­
nomènes et même des communications spirites, afin de les
juger à la lumière des écrits de Swedenborg.
Le résumé des phénomènes médianimiques que nous ve­
nons de citer ne m~ntionne pas les photographies transcen­
dantes, comme on les appelle; ces photographies n'ont rien
du tout de transcendant, car si les matérialisations sont des
phénomènes objectifs, et non des hallucinations provoquées
par le pouvoir suggestif des médiums, il n'y a aucune rai­
son qui s'oppose à ce qu'on les photographie. De pareils

(1) Cf. Lombroso: Loc. Cit., chap. Il.


(2) Comme le dit le Dr Geley, dans son commentaire à propos des
expériences de la Sorbonne (Rev. Métapsych. 1922, No 4): c Un résultat
négatif ne prouve jamais rien, et ne saurait, en aucun cas, être mis en
balance avec des résultats positifs. ,. Le jour où des savants comme Ri·
chet, Lodge, Flammarion et Geley découvriront et proclameront eux-mê­
mes leur erreur (car leur bonne foi ne saurait être suspectée), on pourra
nier l'existence de l'ectoplasme, mais pas avant. Jusqu'à ce que cette
éventualité se produise, les travaux de ces savants conserveront notre
confiance.
HYPOTHÈSES SUPRANORMALfS 87

clichés s'obtiennent d'ailleurs assez facilement et, pris dans


des conditions satisfaisantes, leur valeur documentaire et
scientifique est considérable, car on ne saurait suggestion­
ner une plaque photographique!
Avant de discuter le mécanisme des phénomènes physi­
ques de la médiumnité, nous désirons donner au lecteur un
très bref aperçu des hypothèses supranormales qui ont déjà
été formulées à ce sujet. C'est de nouveau d'après le prof.
Morselli que nous donnons le petit résumé qui suit.

III

Classification des hypothèses supranormales.


M. Morselli consacre 28 pages de son monumental ou­
vrage Psicologia e Spiritismo (1) aux 35 hypothèses qu'il
passe en revue.- Cette classification comprend dix classes
groupées en trois catégories, suivant leur rapport avec la
science actuelle.

a) Hypothèses extrascientifiques.
1. Théologiques: Satanisme, Diabolisme, Ames du Purga­
toire.
2. Métaphysiques: Hylozoïsme, Inconscient de Hartmann, etc.
3. Occultistes: Hermétisme, Magie, Entités diverses -non
humaines.
4. Théosophiques: Plan astral, images astrales.

b) Hypothèses ultrascientifiques.
5. Hyperphysiques: Espace à plus de 3 dimensions, Fluidisme.

(1) Morselll, Psicologia e Spiritismo. Impressioni e note critiche sui


fenomeni medianici di Eusapia Paladino. Turin t 908, Bocca frères,
éditeurs, t. Il, p. 528·556.
\

88 LE SPIRITISME PHYSIQUE

6. Métabiologiques : Polyzoïsme humain, Animisme, Spiri­


tisme.

c) Hypothèses présclentifiques.
7. Empiriques négatives: Fraude, Hallucination.
8. Empiriques psychopathologiques: Hystérie, Suggestion,
Désagrégation, etc.
9. Métapsychiques: Télépathie, Extériorisation de la motri­
cité, Productions psychocollectives, Conscience sublimi­
nale, etc.
10. Métadynamiques: Radioactivité, Energétique, Psycho­
dynamisme.
La place nous manque pour examiner une à une toutes
ces théories. Ce n'est d'ailleurs nullement indispensable. Il
y a sans doute du vrai dans beaucoup d'entre elles, mais
leur défaut à toutes est certainement d'envisager la question
sous un angle trop étroit et à un point de vue exclusif. Le
mérite des doctrines swédenborgiennes réside dans le fait
qu'eUes nous permettent de grouper les différents éléments
du problèmes sous des lois générales, ce qui nous met à
même d'établir une hiérarchie, en quelque sorte, des causes
multiples qui concourent à produire les effets constatés.
Grâce à elles, nous arrivons en outre à éliminer un grand
nombre d'hypothèses sans fondement.
Pour juger le spiritisme, nous nous appuyons sur des faits
révélés et sur des doctrines philosophiques d'accord avec ces
faits ainsi qu'avec les données de l'expérience; mais pour
cela, notre attitude n'est point une attitude dogmatique. En
effet, nos doctrinesnesont pas des dogmes qu'ilfautcroire,
mais l'énoncé de lois que l'on peut comprendre et confirmer
a posteriori.
UNE ERREUR A ÉVITER 89

IV

Une erreur à éviter.


Les phénomènes physiques, et surtout les matérialisations
obtenues avec des médiums à grande puissance d'extério­
risation, ne déconcertent pas seulement les savants pontifes
de la science officielle, mais même un certain nombre de
personnes qui admettent tout ce que Swedenborg nous dit
des esprits et de la substance spirituelle. En effet, ce der­
nier affirme que jamais œil matériel n'a vu, ni ne verra un
esprit et que ce n'est que par l'ouv"erture des yeux spirituels
qu'il est possible de voir les habitants et les phénomènes
de l'autre monde; car seul «le spirituel voit le spirituel"
Cc. E. 176). 1\ n'y a rien de très étonnant à ce que quel­
ques uns des adhérents de la Nouvelle Eglise, peu au cou­
rant des diverses manifestations de la médiumnité, pensent,
en se basant sur cet enseignement formel de Swedenborg,
que les spirites jouissent d'une vision momentanée des réa­
lités suprasensibles, et ceci grâce à l'ouverture artificielle
d'un ou de plusieurs des sens de leur esprit. Rien non plus
de moins étonnant, dans ces circonstances, que d'observer
leur ébahissement quand on leur présente des photogra­
phies, des moulages ou des empreintes "d'esprits ». Cette
stupéfaction serait assez plaisante, si elle ne risquait pas de
plonger ces âmes désabusées dans le doute quant à l'exis­
tence d'une substance et d'un monde spirituel distincts et
discrets de la matière, et de les faire tomber dans cette
énorme hérésie qui consiste à croire que «le spirituel n'est
qu'un naturel plus pur! »
Cependant une étude moins superficielle des phénomè­
nes en question montre tout de suite qu'il n'est pas permis
d'en tirer des conclusions du genre de celles que nous ve­
nons d'indiquer. L'objectivité des apparitions, matérialisa­
90 Le SPIRITISME PHYSIQUE

tions, etc., prouvée par des appareils enregistreurs, n'ap­


portera de déception qu'à ceux qui ont été assez naïfs pour
s'imaginer qu'on pouvait - que tout le monde pouvait ­
de par la grâce de quelque médium hystérique, être intro­
duit dans l'autre monde par l'ouverture des sens de l'esprit!
Nous pouvons cependant affirmer que, loin de contredire
en quoi que Ct soit les déclarations de Swedenborg, les phé­
nomènes physiques du spiritisme, supposés réels, confirment
au contraire plus d'une loi de l'économie spirituelle telle
qu'elle se trouve exposée dans ses écrits.
Ainsi, si les esprits étaient vraiment des organismes ma­
tériels, il semble qu'on devrait pouvoir se passer de l'inter­
médiaire d'un médium pour déceler leur présence. C'est,
parait-il, ce-' que M. Edison avait l'intention de faire; il vou­
lait construire un appareil tellement délicat que les esprits
ne devaient pas manquer de l'impressionner, si vraiment ils
étaient des entités physiques, si impondérables qu'elles fus­
sent. M. Edison a, dit-on, abandonné son projet vraiment
trop prétentieux (1). C'est dommage, parce que l'insuccès
retentissant de cette tentative de communication avec les
esprits au moyen d'appareils électriques ou autres aurait
démontré expérimentalement que, si les esprits existent, ils
n'habitent en tout cas pas notre monde naturel. La présence
d'un médium - et même d'un médium doué de facultés
assez exceptionnelles - parait absolument indispensable
pour la production d'apparitions objectivement discernables
avec les yeux du corps ou des instruments de physique.
Ceci compte également pour les phénomènes moins extraor·
dinaires, tels que lé l'itations, apports, chocs, bruits, etc. On
devrait en conclure que loin d'être matériels, les esprits
sont au contraire privés de tout contact direct avec la ma­
tière (2) sauf par l'intermédiaire des hommes, chez lesquels
(1) c Si ceux qui ont quitté la forme de la vie terrestre ne peuvent se
servir de mon appareil, la chance de leur survivance disparait. ~ Paro­
les citées par Heuzé dans Les Morts vivent-ils?
(2) Cette affirmation de principe comporte neanmoins une restriction.
UNE ERREUR A ÉVITER 91

l'esprit (l'âme) est uni à la matière (le corps), tant per con­
tiguum que par correspondance.
Il saute donc aux yeux que ce que les spirites voient, au
cours des séances, ce ne sont pas les esprits, tels qu'ils
sont en eux-mêmes, mais purement et simplement des sub­
stances naturelles, qu'elles soient ou non un masque dont
s'affublent momentanément les désincarnés. Il sera;t aussi
faux de dire que les spirites peuvent apercevoir ou photo­
graphier des esprits' que d'affirmer que certains hommes
peuvent voir ou photographier des sons, ou entendre des
. couleurs. En effet, le spirituel est sur un autre plan que le
naturel et ne peut être perçu directement que par un or­
gane qui lui est homogène, c'est-à-dire également spirituel.
Tout ce que peut faire un instrument physique tel que l'œil
ou la plaque photographique, c'est d'enregistrer l'action du
spirituel dans le naturel, ou au travers du naturel. Mais
dans ce cas ce n'est plus le spirituel proprement dit qui af­
fecte, mais l'effet, la correspondance du spirituel dans le
naturel. Or, l'effet n'est pas sa cause, quoiqu'il corresponde
à sa cause. De même que l'ombre d'un individu n'est pas
cet individu, de même les fantômes visibles pour les yeux
du corps ne sont pas les esprits, mais seulement une sorte
d'image ou de reproduction matérielle des esprits (1), ou de
leur champ imaginatif ou idéoplastique. (2)
Les esprits sont dans le monde des causes, tandis que les
fantômes visibles aux hommes sont dans le monde des
En effet, Swedenborg admet que l'esprit retient du monde physique une
sorte d'enveloppe ou de limbe l i tiré des substances les plus pures de
de la nature lI' Voir plus loin le paragraphe spécialement consacré au
limbe.
(1) Ceci compte aussi pour le limbe. A supposer que par un artifice
quelconque il puisse être rendu visible à l'œil matériel, ce ne serait pas
encore l'esprit que nous contemplerions, car le limbe n'est qu'une sorte
de dynamisme physique qui adhère à l'organisme spirituel à peu pr~s
comme un champ magnétique adhère à un aimant. Les esprits eux-me­
mes n'en ont aucune perception sensible, pas plus que nous-mêmes.
(2) En effet, les esprits sont vêtus, mais leurs vêtements ne sont que
des productions idéoplastiques de leur mémoire.
92 LE SPIRITISME PHYSIQUE

effets. Etant dans le monde des eauses, les esprits ne peu­


vent se manifester dans le monde des effets 'qu'au moyen
de forces et de substances tirées de la sphère du monde
des effets. Comme le dit Swedenborg:
«On sait par la philosophie que la fin précède la cause
et que la cause précède l'effet. Pour que la fin, la cause et
l'effet se suivent et fassent un, il faut que l'effet corres­
ponde à la cause et que la cause corresponde à la fin.
Mais cependant la fin ne se montre pas comme cause, ni la
cause comme l'effet " car pour que la fin produise la cause,
elle doit tirer de la région où est la cause des moyens di­
recteurs par lesquels la fin fera la cause, et pour que la
cause produise l'effet, elle doit aussi tirer de la région où
est l'effet des moyens directeurs par lesquels la cause fera
l'effet. Ce sont ces moyens directeurs qui correspondent et
parce qu'ils correspondent, la fin peut être dans la cause
et produire la cause et la cause peut être dans l'effet et
produire l'effet, conséquemment la fin peut, par la cause,
engendrer l'effet. » (A. C. 1531).
Ce passage nous indique clairement dans quelle direc­
tion il nous faut rechercher la solution du problème qui
nous occupe. Les esprits, parce qu'ils font partie du monde
spirituel qu'ils habitent et qui est le monde des causes, ne
peuvent produire de3 phénomènes dans le monde physique,
qui est le théâtre des effets, que par des «moyens direc­
teurs tirés de la région où sont les effets ». Ainsi, non seu­
lement les phénomènes physiques du spiritisme, mais éga­
Iement les causes immédiates de ces 'phénomènes, doivent
appartenir à notre monde matériel, tandis que leur raison
d'être, leur cause première, réside dans le monde spirituel!
Pour rendre ce sujet difficile plus clair, il convient d'ex­
poser d'une manière succincte les lois qui règlent d'une fa­
çon générale les rapports qui unissent la matière à l'esprit
et vice versa " car bien qu'il soit possible d'expliquer en par­
tie la production des phénomènes spirites par l'action de
forces physiques (force ecténéique, fluide électronèrveux,
LES DEGRÉS DISCRETS 93

radioactivité, magnétisme, extériorisation de la motricité,


etc.), ces forces physiques n'en semblent pas moins relever
du contrôle plus ou moins apparent d'agents purement spi­
rituels, tels que la volonté et la pensée.

La Relation entre l'Esprit et la Matière.


Les degrés discrets.
L'esprit n'existe pas à côté de la matière, sur le même
plan que la matière. Il n'est par conséquent point contenu
dans le même espace que la matière. Il coexiste avec le corps
dans l'homme, et quoiqu'il puisse exister avant la matière,
celle-ci ne peut exister avant ou sans lui.
L'existence d'une substance ou d'un monde spirituel a
été niée pour la raison surtout que les hommes n'ont pas pu
concevoir la co-existence du spirituel et du naturel autre­
ment que sur un plan continu. Sans aller aussi loin que Con­
dillac et sans vouloir nous rallier à son hypothèse de l'hom­
me-statue, nous ne pouvons nier que l'homme pense dans
le langage de ses sens et qu'il éprouve la plus grande dif­
ficulté à concevoir des idées qui n'entrent pas dans le sys­
tème de référence empirique que lui imposent les sens (1).
Mais en se basant sur l'expérience sensuelle, l'homme im­
pose à sa pensée des limites factices, ce qui fait qu'au lieu
d'arriver aux essences et d'embrasser par la pensée le do­
maine des causes en même temps que celui des effets, il
parvient tout au plus à se former une conception provisoire
et approximative des relations entre les choses.
Le système de référence empirique est constitué par le
plan des degrés continus, ayant pour axes de coordonnées
(1) Nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu.
94 lE SPIRITISME PHYSIQUE

l'espace et .le temps, lesquels sont les deux aspects géné­


raux que revêt dans notre esprit la notion de continuité
que nous imposent nos sens. Le système de coordonnées
espace-temps est identique aux degrés continus, parce que,
dans ce système, tout se traduit par des expressions quan­
titatives, étant donné qu'il ne saurait y avoir, par définition,
aucune solution de continuité ni dans le temps, ni dans
l'espace, tels que nous les connaissons dans ce monde-ci.
Il est évident que dans un tel système l'existence de l'es­
prit ne peut être admise qU'à condition de concevoir ce
dernier soit comme une matière très subtile ou comme une
force mesurable (expressions quantitatives), soit au con­
traire comme privé de toute espèce de substantialité (idée
empirique négative) car dans le continu espace-temps nous
ne pouvons nous représenter deux substances différentes
autrement que comme existant l'une à côté.de l'autre, mais
jamais comme co-existant l'une et l'autre dans le même es­
pace au même moment. Or, l'esprit ne s'étant jamais montré
comme substance distincte, même sous la forme de. matière
très volatile ou d'énergie mesurable, on n'a pu faire autre­
ment que de le concevoir comme une abstraction, un con­
cept métaphysique, une fiction religieuse, en un mot comme
un être de raison. (1)

(1) c Il n'est peut être pas aussi difficile de concevoir le désir et la


pensée, c'est-à·dire l'esprit comme existant en dehors de "espace, tout
en se manifestant dans l'espace, que d'imaginer l'esprit en dehors du
temps, tout en se manifestant dans le temps. Pourtant si l'esprit n'est
pas spatial, il doit être également non temporel, car l'espace et le temps
sont des notions coordonnées liées inextricablement l'une à l'autre. L'ex.
pérlence ne nous présente ni de l'espace pur, ni du temps pur, mais du
mouvement; et ce n'est que par une analyse du mouvement et pour les
besoins de la pensée que les concepts de l'espace et du temps sont ob.
tenus. Il est par conséquent évident que nous ne saurions attribuer à
l'esprit la temporalité si nous le privons d'extension. A la vérité, ce
n'est pas facile, mais, comme nous en avertit Swedenborg, il nous faut
nous débarrasser l'esprit des entraves que nous imposent les idées de
l'espace et du temps, si nous voulons atteindre une réelle compréhen.
sion des problèmes de la philosophie.» STANLEY REDGROVE, B. Sc.,
Purpose and Transcendentalism. An exposition of Swedenborg's
LES DEGRÉS DISCRETS 95

Swedenborg, par son admirable doctrine des degrés dis­


crets, discontinus, de hauteur ou d'ascension, doctrine dont
l'importance commence maintenant seulement à être recon­
nue par quelques hommes de science, nous permet d'élever
notre pensée au-dessus du plan de la continuité et de con­
cevoir des relations essentielles, des contacts ou des pré­
sences indépendamment de l'espace et du temps. En somme
il s'agit d'une sorte de troisième axe de coordonnées ver·
tical, d'un axe des z ou des degrés discrets, surajouté au
système de coordonnées planes, dans lequel l'abscisse re­
présente le temps, et l'ordonnée, l'espace. En d'autres ter­
mes, la notion des degrés discrets équivaut à l'idée d'une
nouvelle dimension, on devrait même plutôt dire à la con·
ception d'un nouvel espace (1). Nous lisons dans Swedenborg:
philosophical doctrines in relation to modern thought. London, Kegan
Paul, Trench, Trubner & C~, Ltd. 1920.
(1) En effet, Swedenborg démontre que deux choses ne peuvent co.
exister simultanément que si l'une est la cause, la source ou l'origine
absolue de l'autre, l'effet étant le contenant de la cause, ou la cause
habitant dans l'effet tout en restant essentiellement distincte de l'effet;
ce qui fait qu'on ne saurait établir aucune continuité entre elles, ni dans
le temps, ni dans l'espace, si ce n'est une continuité fonctionm:lle. En
effet, comme la cause ne se confond pas avec l'effet, on ne saurait lui
attribuer une extension spatiale dans l'espace qu'occupent les effets.
Ainsi l'espace matériel qui est déterminé par le rapport qu'il y a entre
les objets matériels, ne contient en aucune manière les objets spirituels;
car le rapport qu'il y a entre effet et effet ne donne aucune idée de
celui qu'il y a entre cause et effet; celui·ci est discontinu, celui.là con·
tinu. Le monde des causes tout entier possède un espace qui lui est
propre et dans lequel l'ic\ée de continuité qui donne naissance aux con.
cepts de l'espace et du temps n'a plus le sens que nous ,lui attachons
ordinairement. En effet, dans le monde spirituel, le mouvement n'est pas
comme ici continu, mais discontinu, ce qui fait que l'espace et le temps
spirituels sont quelque chose dont nous ne possédons pas l'équivalant
ici·bas.
Le système espace-temps-degrés discrets que nous avons ébauché
cl·dessus n'est qu'un pur symbole destiné à montrer que la lIotion du
degré discret affecte la connexion réciproque dans laquelle nous avons
l'habitude de placer l'espace et le temps. Sans doute y a·t·1I encore
d'autres symboles mathématiques qui pourraient représenter le concept
du degré discontinu avec plus d'exactitude. Laissons à d'autres le soin
de les découvrir.
96 LE SPIRITISME PHYSIQUE

« Cette dimension qui consiste en degrés discrets est ap­


pelée hauteur (axe vertical dans le système de coordonnées
trirectangles dont nous venons de parler) et celle qui con­
siste en degrés continus est appelée largeur (coordonnées
horizontales), leur position relative à la vue de l'œil ne
change point la dénomination.» «Sans la connaissance de
ces degrés on ne peut... absolument rien savoir de la diffé­
rence entre le spirituel et le naturel, ni par suite rien de la
correspondance. ». «Ceux qui ignorent ces degrés ne peu­
vent d'après aucun jugement, voir les causes. Ils voient
seulement les effets et jugent les causes d'après ces effets,
ce qui se fait le plus souvent par une induction continue
d'effets, lorsque cependant les causes produisent les effets
non par le continu, mais par le discret (ou discontinu) .. car
autre chose est la cause et autre chose l'effet. Ii y a une
différence comme entre l'antérieur et le postérieur, ou comme
entre ce qui forme et ce qui est formé.» S. A. 185. «Or,
voir d'après les effets (et non d'après les causes), c'est voir
d'après des illusions. De là les erreurs, l'une après l'autre,
qui, par des inductions, peuvent être multipliées à tel point
qu'enfin d'énormes faussetés soient appelées vérités.» Ibid.
187.
y a des degrés de deux genres, degrés d'ascension
« Il
(de hauteur) et degrés d'extension (de largeUl). La science
des degrés est comme une clef pour ouvrir les causes des
choses et pour y entrer. Sans cette science on peut à peine
savoir quelque chose de la cause (causatio), car sans elle
les sujets de J'un et de l'autre monde apparaissent univo­
ques,comme s'il n'y avait en eux que ce que l'œil y voit, tandis
que cependant cela n'est, relativement aux choses qui sont
intérieurement cachées, que comme un est à des milliers et
même à des myriades. Les intérieurs qui ne se manifestent
pas ne peuvent jamais être découverts, si l'on ne connaît
pas les degrés; car les extérieurs vont vers les intérieurs
et par ceux-ci vers les intimes par des degrés; non par
des degrés continus, mais par des degrés discrets. Sont ap­
LES DEGRES DISCRETS èJ7

pelés degrés continus les décroissements ou les diminutions


du plus épais au plus léger, ou du plus dense au plus rare,
ou plutôt les accroissements ou les augmentations du plus
léger au plus épais ou du plus rare au plus dense, absolu­
ment comme de la lumière à l'ombre ou de la chaleur au
froid (et vice versa). Mais les degrés· discrets sont tout à
fait différents. Ils sont comme les antérieurs, les moyens
et les derniers, ou comme la fin, la cause et l'effet. Ces de­
grés sont nommés discrets (ou discontinus), parce que l'an­
térieur est par soi, le moyen par soi et le dernier par soi,
mais néanmoins pris ensemble ils font un. Les atmosphères,
appelées éthers et airs, depuis le haut ju'squ'au bas... sont
distingués en de tels degrés, car elles sont comme des
choses simples, des assemblages de ces choses et de5 as­
semblages de ces assemblages qui, pris ensemble, sont
nommés un composé (1).
» Ces degrés sont discrets parce qu'ils existent distincte­
ment et ils sont entendus par degrés d'ascension (ou de
hauteur); mais les autres degrés sont continus parce qu'ils
croissent continuellement et ils sont entendus par degrés
d'extension (ou de largeur).» lb. 184. c: Les uns diffèrent
tellement des autres, qu'ils n'ont rien de commun, aussi
doivent-ils être strictement perçus et nullement confondus ».
lb. 199 (2).
(1) Voir sur ce sujet les Principia, où Swedenborg expose avec beau­
coup de détails sa conception de la genèse du règne élémental.
(2) M. Stanley Redgrove expose en termes heureux la différence es­
sentielle qui distingue les degrés discrets des degrés continus. Nous
citons une partie de l'exposé qu'il donne de la question dans son Pur­
pose and Transcendentalism: «La fin, la cause et l'effet constituent
ce que Swedenborg appelle" degrés discrets" et qu'il différencie d'une
manière très nette de ce qu'il appelle" degrés continus ". Cette dis­
tinction est d'une importance fondamentale dans sa philosophie. C'en
est une, j'ose croire, qui est d'une très réelle valeur pour la pensée mo­
derne. Les degrés continus sont ceux qui passent graduellement l'un
dans l'autre; par exemple, les degrés de lumière et d'ombre, de couleur,
d'extension, de densité, de température, etc. Il n'est pas possible de .sé­
parer de tels degrés par des lignes de démarcation tranchées. Il est Im­
possible, par exemple, de fixer une grandeur (sauf arbitraire) au·delà de
laquelle tout est grand, et en-dessous de laquelle tout est petit, ou une
7
98 LE SPIRITISME PHYSIQUE

« Le premier degrés est le tout dans toutes les choses des


degrés suivants. Cela vient de ce que les degrés sont ho­
mogènes. Ils sont homogènes, parce qu'ils ont été produits
par le premier degré. En effet, leur formation est telle, que
le premier, par des faisceaux ou des pelotons, en un mot
par des assemblages, produit le second, et par celui-ci le
troisième... de là, il est évident que le premier degré est le
principal et celui qui règne uniquement dans les suivants;
qu'ainsi il est le tout dans toutes les choses des degrés sui­
vants.» lb. 195.
« Qu'il en soit ainsi, c'est encore ce qu'on voit clairement
d'après ce qui est connu, savoir, que la fin est le tout de la
cause, et que la cause est le tout de l'effet. C'est même
pour cela que la fin, la cause et l'effet sont appelés fin pre­
mière, fin moyenne et fin dernière; puis ont voit que la
cause de la cause est aussi la cause du résultat de la cause
(causatum) et que dans les causes, il n'y a rien d'essentiel
que la fin, de même que dans le mouvement il n'y a d'es-
température au-dessus de laquelle tout est. chaud et au-dessous de la­
quelle tout est froid. Une pareille démarcation tranchée n'a pas de sens:
on passe graduellemcnt du petit au grand, du froid au chaud, du léger
au lourd, du rouge au jaune, etc. En outrc, deux degrés continus dans
une même série ne sauraient co-exister simultanément. Un corps ne sau­
rait avoir deux volumes ou deux températures à la fois, pas plus qu'il
ne saurait être rouge et jaune, lourd et léger dans une seule et même
de ses parties. Le cas est différent quand il s'agit de degrés discrets. Ils
ne passent pas l'un dans l'autre mais sont parfaitement distincts ou dis,
crets. En outre, ils co-existent toujours, car la fin n'existe pas autrement
que dans la cause, ni la cause autrement que dans l'effet. Comme le dit
Swedenborg: «Les degrés d'ascension sont homogènes, l'un étant suc'
cessivement dérivé de l'autre, comme la fin, la cause et l'effet." Le dé­
sir, la pensée et l'action dans I:homme constituent l'un des meilleurs
exemples de ce qu'il faut entendre par degrés discrets. Le désir ne de­
vient pas pensée comme ce qui est petit devient grand, pas plus que la
pensée ne se transforme en action comme le froid se change en chaud.
Le désir, la pensée et l'action sont toujours discrets et on peut tirer
entre eux une ligne de démarcation très nette. Mais pour que le désir
puisse exister en tant que fin, il doit exister dans la pensée j et pour
que la pensée puisse exister en tant que cause au service de cette fin,
elle doit exister, c'est-à-dire être manifestée, dans une action sous une
forme ou sous une autre. " pp. 8,13.
LÈS DEGRES DiSCRETS 9Q

sentiel que l'effort, et "enfin qu'il y a une substance unique,


qui est la substance en soi.» lb. 197.
«II est dit que tels sont les degrés entre eux, mais il est
entendu que telles sont les substances dans leurs degrés.
La locution par les degrés est une locution abstraite, qui
est universelle, par conséquent applicable à chaque sujet
ou à chaque chose, qui est dans des degrés de cette sorte. »
lb. 196.
c Il y a un ordre successif (de séquence ou de subordi­

nation) et un ordre simultané (ou de co-exitence, de coor­


dination). Dans l'ordre successif le premier degré fait le
suprême, et le troisième l'infime; mais dans l'ordre simul­
tané le premier degré fait l'intime et le troisième l'extime
(ou l'extrême). L'ordre successif de ces degrés est depuis le
suprême jusqu'à l'infime, ou depuis le haut jusqu'au bas.
Puisque les degrés discrets ou de hauteur sont dans un or­
dre successif, ils peuvent alors être comparés à une co­
lonne divisée en trois degrés pour monter et descendre.
Mais l'ordre simultané, qui consiste en de semblables de­
grés, est dans une autre appmence. Dans celui-ci, les su­
prêmes de l'ordre successif sont dans l'intime, les inférIeurs
dans le moyen, et les infimes dans le contour. Ils sont
comme dans un solide consistant en ces trois degrés, au
milieu ou au centre duquel sont les parties les plus subtiles,
autour de ce centre les parties moins subtiles, et dans les
extrêmes, qui font le contour, les parties composées de
celles-là et par suite les plus grossières (1). C'est comme
(1) Un tel solide est l'atome physique. Grâce aux produits de la dis­
sociation de la matière, la science est arrivée à croire que l'atome est
d'une structure triple. Les particules qui constituent son centre ou son
noyau sont en IIffet " les parties les plus subtiles" ; les électrons néga­
tifs ou particules bêta, qui gravitent autour de ce centre, sont "moins
subtiles,,; tandis que les ions positifs, ou particules alpha, "qui font
le contour" semblent bien" être composées des deux précédentes" et
sont certainement "les parties les plus grossières" de l'atome. Ces
trois zones concentriques de l'atome sont chacune le siège d'énergies
très distinctes, le centre étant le siège de la gravitation, la zone au­
tour du centre, le siège des phénomènes électro-magnétiques et la pé­
100 LE SPIRITISME PHYSIQUÈ

cette colonne dont il vient d'être parlé s'affaissant sur un


plan, de laquelle le suprême fait l'intime, le moyen fait le
moyen, et l'infime fait l'extrême." lb. 205. «Le dernier de­
gré est le complexe, le contenant est la base des degrés
antérieurs.» lb. 209.
riphérie, le siège des propriétés chimiques et mécaniques de l'atome
(Gustave Le Bon). (Comme" le premier degré est le tout dans toutes les
choses des degrés suivants" la gravitation et la masse appartiennent
par dérivation à chacune des parties de l'atome, à l'atome tout entier et
à tous les assemblages atomiques). Ces trois formes de l'énergie prises
séparément et selon l'ordre de leur importance et de leur universalité,
doivent être classées l'une après l'autre ou l'une au-dessous de l'autre,
comme les trois atmosphères auxquelles elles correspondent, la gra'
vitation étant antérieure à, et plus universelle que l'énergie électroma·
gnétique, et celle·ci antérieure à, et plus universelle que l'énergie mé.
canique et chimique. Mais prises ensemble, dans l'ordre simultané,
c'est·à·dire dans la matière, la subordination et l'interdépendance de
ces trois formes de l'énergie se manifestent par leur degré d'intériorité.
Comme dit Swedenborg le suprême de l'ordre successif (la gravitation)
correspond à l'intime ou au centre de l'ordre simultané (centre de l'ato·
me) et l'infinie (l'énergie chimique et mécanique) correspond à l'ex.
trême (zone périphérique de l'atome) et le moyen (énergie électro·ma·
gnétlque) au moyen (couche intermédiaire de l'atome).
L'atome n'est peut.être pas constitué exactement comme nous venons
de l'indiquer, mais l'exemple tient bon tout de même, dût·i1 se révéler
plus ou moins fictif dans la suite. Nous ne doutons d'ailleurs pas que
les découvertes futurés ne fournissent des confirmations expérimentales
encore plus précises et plus frappantes de la doctrine des degrés dis·
crets et des deux modes ou aspects sous lesquels ils se présentent.
Remarquons encore, au sujet de la structure atomique, que bien avant
Gve Le Bon, Rutherford et les autres physiciens modernes, Swedenborg
avait déjà avancé l'idée que l'atome était un petit système solaire cam·
portant un astre central et des planètes. Toute sa cosmogonie et toute
sa physique reposent sur cette identité de structure. Comme il nous le
dit lui·même : « La connaissance de la nature primaire, dans sa plus pro'
fonde simplicité, perfection et universalité, est identique à la connais­
sance de l'univers naturel (dans son ensemble) et constitue une véritable
astronomie physique (ou corpusculaire) et géométrique. ~ Œc. Reg. An.
1. 306. c Puisque les causes et les choses causées sont semblables, bien
qu'elles diffèrent en degré et en dimension, il s'en suit que la nature est
toujours semblable à eltc.même, et ne saurait être différente dans son
système le plus grand de ce qu'elle est dans son système le plus petit. »
Princip. p. CI. c ... de sorte que dans le grand univers, nous pouvons
toujours découvrir le caractère de sa substance minimale. Bref, comme
l'univers ou le système (vortex) solaire tourne dans son ensemble au·
tour d'un centre, il en fait autant dans son plus petit volume, son plus
LES DEGRÉS DISCRETS 101

Pour s'initier à l'utilisation pratique et au maniement phi­


losophique de la doctrine des degrés discrets, considérée
comme instrument analytique pour l'investigation et l'inter­
prétation des phénomènes de la nature, il est indispensable
d'entreprendre une étude approfondie des volumineux trai­
tés de physiologie philosophique ou de philosophie organi­
que de Swedenborg. Voici comment le Dr Wilkinson, de
son vivant membre de la Société Royale Chirurgicale de
Londres, résume brièvement la doctrine des degrés discon­
tinus telle qu'elle se présente dans l'application que Swe­

petit tourbillon (vorticule) ou sa plus petite partie... De même que le


système entier contient à son centre un soleil très actif, qui communi­
que le principe d'activité à l'univers, ainsi ses plus petits systèmes ou
ses plus petites particules contiennent des aubstances ayant respecti­
vement une activité et une gyration semblables. " Œc. Reg. An. loc. cit.
e Ainsi nous pouvons voir, tant d'après la terre que d'après les autres
planètes, quelle est la qualité d'un fini et d'un actif (termes désignant,
dans le système de Swedenborg, des subdivisions de l'atome ou des
particules subatomiques) dans leurs limites minuscules.» Princip. loc.
cit. Pour plus de détails, voir les Principia du commencement à la fin.
Voici comment le prof. f. Very apprécie les conceptions swédenbor­
giennes: «Les chimistes, à part quelques exceptions seulemenl, ont,
jusqu'à la fin du 1ge siècle, parlé des atomes comme s'ils étaient éter·
nels, et quant à l'idée d'une structure à l'intérieur des atomes, personne
n'en souffla jamais mot. Pourtant près de deux siècles auparavant,
une théorie détaillée avait été exposée au sujet de " particules élémentai·
res " engendrées par le mouvement et formées non pas" hors de rien"
comme le voudrait la scholastique, mais par de l'énergie conçue comme
quelque chose de spirituel, dans l'intime de son essence. Ce fut la pre­
mière fois que fut préconisé un système qui rendît compte d'une ma­
nière adéquate de la dérivation des structures matérielles. Lucrèce avait
proposé l'idée de formes fantasmagoriques dues à du mouvement; mais
ces mouvements étaient ceux d'une seule espèce de particules non dif·
férenciées. Newton n'en savait pas davantage. Ses "particules primiti.
ves " sont "solides, massives, indéformables, impénétrables... au point
de ne jamais s'user ni se fragmenter" (Op tics, pp. 375·6). Combien. in­
comparablement supérieure est la conception de Swedenborg, qui ad·
met des ordres successifs de mouvements tourbillonnaires au sein d'une
série d'atmosphères émanant en dernière analyse d'une substance spi.
rituelle, dont l'essence intime est le Divin Amour.» (Prof. f. Very, di·
recteur de rObs. Astrophysique de Westwood, U. S. A. : l'Harmonie in­
trinsèque entre la Religion et la Science. Rev. de l'Ere Nouvelle, N0 3,
p.225).
102 LE SPIRITISME PHYSIQUE

denborg en fait au cours de son Regnum Animale (9 vol.


en comptant aussi ses travaux posthumes sur la Génération,
les Cinq Sens, le Cerveau et l'Ame):
« La doctrine des Degrés expose les progressions distinc­
tes par lesquelles passe la nature quand il y a subordina­
tion et coordination d'une chose par rapport à une autre. Il
y a trois degrés discrets (discriminate) dans toutes les cho­
ses, tant spirituelles que naturelles, correspondant à la fin,
à la cause et à l'effet. Dans l'organisme humain il y a une
sphère des fins, une sphère des causes et une sphère des
effets. Le corps lui-même, comprenant les viscères de l'ab­
domen et de la poitrine ainsi que les sensoria externes de
la tête, constitue la sphère des effets. Le cerveau et l'en­
semble de ses annexes, constituent la sphère des causes.
Les substances corticales du cerveau constituent la sphère
des fins ou des principes. Ces sphères sont subordonnées
les unes aux autres depuis la suprême jusqu'à l'infime
(c'est-à-dire de haut en bas) La sphère suprême est active,
tandis que l'infime (the lowest) est passive et réactive. Les
degrés ci-dessus indiquent dans leur ordre, la progression
des universaux et des simples (singulars) vers les généraux
et les composés. Mais chaque organe implique de nouveau
la même triplicité de sphères; il consiste en effet en parties
minimes qui sont agrégées en parties plus grandes, les­
quelles sont à leur tour agrégées en parties maxima. Tou­
tes les perfections s'élèvent ou se dégradent suivant des
degrés, et tous les attributs, toutes les fonctions, toutes les
forces et tous les modes, en un mot tous les accidents, sui­
vent leurs substances et sont gradués d'une manière simi­
laire. Chaque degré est recouvert d'une enveloppe com­
mune et communique par elle avec les degrés sous-jacents.
Il n'y a pas de progression continue d'un degré inférieur à
un degré supérieur, mais l'unité de l'inférieur est le com­
plexe (compound, l'agrégat) du supérieur, et si nous dépas­
sons cette unité, nous passons d'une série dans une autre,
dans laquelle toutes les qualités (predicates) concernant la
LES DEGRÉS DISCRETS 103

force, la forme, la perfection, etc., sont changées et rehaus­


sées. La Doctrine des Degrés nous permet d'obtenir une
idée distincte des principes généraux de la création et d'ob­
server l'unité de plan qui règne dans l'e:lsemble de n'im­
porte quel complexe organique. En montrant que toutes
choses sont des représentations distinctes de la fin, de la
cause et de l'effet, cette doctrine met l'esprit à même de rap­
porter la variété à l'unité, comme l'effet à la cause et la
cause à la fin, et de reconnaître que la constitution de cha­
que série est homogène par rapport à ses principes. » (1)
C'est seulement en comprenant la différence qu'il y a
entre les degrés discrets, que nous pourrons saisir la diffé·
rence qu'il y a entre Dieu, l'esprit et la matière, ou entre
le Divin, le spirituel et le naturel. En effet, il n'y a aucune
continuité entre eux, mais ils dépendent successivement l'un
de l'autre comme la fill, la cause et l'effet.
Puisque telle est la relation entre ces trois termes de la
substance, il en résulte qu'il n'y a pas seulementcorrespon­
dance entre Dieu, Punivers spirituel et l'univers matériel,
mais aussi influx de Dieu, par le monde spirituel, dans le
monde matériel; car la relation qu'il y a entre ce qui est
cause et ce qui est effet est appelée correspondance, tandis
que l'action ou l'opération de la cause sur ou dans l'effet
se nomme influx.
Ainsi (sans vouloir ici remonter jusqu'à Dieu dans la
chaîne des causes) il nous faut nous graver dans l'esprit:
1. Que le monde matériel provient tout entier du monde
spirituel, non pas comme le dense provient, par continuité,
du moins dense, mais comme l'effet provient de la cause.
2. Que le monde spirituel est présent dans le monde maté­
riel sans être limité par la matière, ni contenu dans l'es·
pace qui lui est propre,. de même que la cause est pré a

(1) Or J. J. Wilkinson: Introductory Remarks to the Animal King­


dom of Swedenborg, pp. XIX.
104 LE SPIRITISME PHYSIQUE

sente dans l'effet, non par continuité spatiale, mais par


correspondance.
3. Qu'il y a influx du monde spirituel dans le monde na­
turel, c'est-à-dire opération du spirituel sur, dans et par
le naturel, de même qu'il y a opération de la cause sur,
dans et par l'effet.
4. Que cet influx à lieu selon la correspondance qui
existe en général et en particulier entre les deux mondes.
5. Que par conséquent le monde matériel subsiste continuel­
lement d'après (liJflux du monde spirituel, selon le rap­
port de corresponda~ëe:-ou- le parallélis7n; organique qui
leur est inhérent.

VI

Le périsprit et le corps spirituel.


Un des enseignements spirites qui causent le plus de dé­
ception et d'étonnement au lecteur des ouvrages de Swe­
denborg, est sans doute celui qui se rapporte à la nature
de l'esprit et à l'homme considéré comme être spirituel. Les
spirites nous parlent continuellement du périsprit, du corps
fluidique ou astral, du double éthéré, mais sans jamais faire
la moindre allusion au corps spirituel. Quand il leur arrive
d'employer cette dernière expression, c'est toujours pour
désigner l'enveloppe périspritale, jamais pour indiquer l'orga­
nisme hyperphysique ou spirituel grâce auquel l'âme possède
les attributs intrinsèques de substance et de forme. Ils ont
également bien des choses à nous dire au sujet des habi­
tants désincarnés de 1'« espace)}; mais c'est en vain qu'on
chercherait dans leur littérature la moindre indication sur le
monde spirituel proprement dit (1). Est-ce I.à un oubli?
(1) Voir ce que Allan Kardec nous dit des esprits errants dans l'es­
pace, Nos 234-5 du Livre des Esprits. Delanne appelle l'espace "la
vraie patrie" de l'esprit (Apparitions Matérialisées. Il, p. 768). Sweden·
LE PERISPRIT ET LE CORPS SPIRITUEL 105

Quelqu'invraisemblable que cela puisse paraître, il ne


s'agit nullement d'un oubli, mais bien d'une ignorance fon-.
damentale de la nature de la substance spirituelle! Les spi­
rites en sont encore à confondre l'esprit avec le périsprit,
c'est·à-dire avec la matière et l'espace. Ils ne savent rien
du monde spirituel. Pour eux, l'esprit est une sorte de ma­
tière fluidique, quelque chose d'aérien, une sorte de vapeur
éthérée excessivement subtile. Aussi, ne faut-il pas s'éton­
ner s'ils font évoluer leurs «désincarnés» dans un milieu
atmosphérique, qu'ils appellent 1'« espace », au moyen du­
quel ces derniers peuvent rester en contact avec notre pla­
nète et ses habitants. En effet, les esprits sont censés voir
tout ce qui se passe ici-bas, ce qui suppose nécessairement
qu'ils sont sensibles aux rayons de la lumière physique (2).
Le périsprit qui constitue leur organisme et au moyen du­
quel ils opèrent ne diffère du restant des substances phy­
siques que par le degré extrême de sa ténuité, de sa mobi­
lité et de sa force de pénétration.
Cette doctrine est typique, elle dénote chez ses adeptes
une ignorance profonde de ce qui constitue un degré discret
(voir le paragraphe précédent). Elle est d'autre part tout à
fait en harmonie avec les anciennes superstitions populai­
res qui voyaient dans les morts des «fantômes sans os»
comme dit Ronsard, des spectres plus ou moins vaporeux,
fluides comme le vent, et insaisissables comme la fumée!

borg nous dit au contraire de ne pas penser au monde des esprits d'a­
près l'espace physique, parce que les esprits n'en ont pas la moindre
notion. C'est le monde spirituel qui est la vraie patrie de l'esprit et non
pas le vide intersidéral ou les divers corps célestes.
(2) Léon Denys a exposé il ya quelques temps dans la Revue Spirite
l'effet répulsif exercé sur les désincarnés par la lumière. A en croire le
farceur d'outre-tombe sur lequel l'illustre spirite appuie ses dires, la vie
dans l'espace ressemble étrangement à l'existence que mènent dans
l'océan ces files de harengs qui luttent contre les multiples courants
marins, toutes choses restant égales d'ailleurs. Si la lumière exerce une
action répulsive, elle doit aussi exercer une action propulsive, et nous
aurions tort, dans ce cas, de nous moquer des fées qui chevauchent sur
des rayons de lune 1
106 LE SPIRITISME PHYSIQUE

L'homme naturel, qui ne juge que d'après ses sens est, en


effet, incapable de concevoir l'esprit autrement que comme
étant sur un plan continu par rapport à la matière, c'est-à­
dire qu'il est foncièrement incapable de distinguer une diffé­
rence de qualité d'une différence de quantité. Pour lui, J'es­
prit diffère nécessairement de la matière, comme le vide
diffère du plein ou comme le moins dense diffère du plus
dense. De là cette tendance à loger les esprits dans l'espace
comme des bulles de savon dans l'atmosphère. C'est pour­
quoi le sensualisme considère les âmes des morts soit comme
inexistantes (matérialisme), soit comme de «purs esprits» (ca­
tholicisme), soit comme semi-matérielles (spiritisme). La no­
tion de la substance spirituelle co-existant avec .Ia matière,
dont elle est la cause sans être néanmoins limitée par elle,
lui est totalement étrangère, pour ne pas dire qu'elle est
tout à fait en dehors de sa portée!
Combien supérieure est la doctrine de Swedenborg! Loin
d'identifier notre personnalité désincarnée avec quelqu'or­
ganisme semi-matériel flottant ~ans J'espace, il nous ré­
vèle que nous vivons dans un monde spirituel, d'un degré
discret supérieur au monde naturel, en vertu d'un corps
spirituel tout aussi substantiel, voire même relativement
plus substantiel, que notre organisme physique. L'esprit
voit, sent, entend et touche l'esprit, car il lui est homogène.
Pour cette raison aussi, la mort nous sépare, quant à la
perception de tous les sens, du séjour terrestre auquel elle
met fin. Mais ce n'est pas là une perte pour nous, puisque
nous entrons dans le monde de l'esprit, dans le monde des
causes, de la vie et de l'éternité.
De ce monde des causes, prototype du monde des effets
que nous habitons, le spiritisme ne souffle mot. Pour lui la
mort ne fait que nous ouvrir les portes géantes de l'espace
sans fin, d'où nous reviendrons nous incorporer à nouveau
dans un corps charnel pour revivre une nouveiIe vie plané­
taire conditionnée par les précédentes. Ceci nous amène à
la doctrine de la réincarnation ou de la pluralité des exis­
LE PÉRISPRIT ET LE CORPS SPIRITUEL 107

tences, doctrine que nous étudierons en détail dans le cha-


pitre consacré au spiritisme doctrinal.
Ce que nous reprochons au spiritisme ce n'est d'ailleurs
nullement de croire au corps fluidique, mais seulement d'en
faire l'unique organisme par lequel s'exprime toute notre
vie d'outre-tombe. En effet il semble certain, à en juger
d'après les écrits tant philosophiques que théologiques de
Swedenborg, que nous retenons, après la mort, aussi quelque
chose appartenant au plan physique, une sorte d'enveloppe
subtile que notre auteur appelle limbe (lat. !imbus, bord).
Mais avant d'exposer l'enseignement de Swedenborg sur
ce sujet, voyons d'abord comment Gabriel Delanne, la plus
haute autorité spirite, croit pouvoir démontrer expérimenta-
lement l'existence de notre doublure éthérée. Il va sans
dire que nous ne prenons la responsabilité d'aucune des
affirmations contenues dans le passage qui suit:
Remarques générales sur les fantômes des vivants.
« Une observation doit être faite d'abord, c'est que la vi-
sibilité du fantôme n'est pas indispensable pour affirmer sa
présence, à la condition toutefois qu'il laisse des traces in-
dubitables de son action, comme c'est le cas pour Eusapia,
dont la main dynamique n'est pas toujours visible, même
en pleine lumière, tout en s'imprimant dans la terre glaise.
Elle est donc matérielle, mais d'une manière inhabituelle,
c'est-à-dire sans ce caractère de visibilité qui est ordinaire-
ment attaché aux corps solides. On retrouve souvent cette
particularité dans le cas de maisons hantées où les auteurs
du tapage ne .sont vus par personne.
» Résumons, maintenant les caractères généraux du fan-
tôme de vivant:
» 1 La sortie de l'âme en dehors du corps s'effectue très
0

souvent pendant le sommeil. Il semble que l'arrêt momen-


tané des fonctions de relation favorise l'exode animique, et
celui-ci est indubitable lorsque le sujet prend connaissance
de faits exacts qui se passent au loin.
108 LE SPIRITISME PHYSIQUE

:0 2° Il se peut que l'âme soit vue (sic!) à l'endroit même

qu'elle visite, et cela par une personne influencée télépathi­


quement, ou bien par tous les témoins qui la décrivent iden­
tiquement, ce qui prouve qu'elle est assez matérialisée pour
être perçue oculairement. Notons aussi, comme un fait très
important, que le souvenir du dégagement temporaire peut
parfaitement n'être pas conservé au réveil, mais cela ne si­
gnifie en aucune façon que ce phénomène s'est produit in­
consciemment, mais, simplement, qu'il n'a pas laissé de trace
dans la conscience ordinaire, celle qui préside à la vie
éveillée.
,,3° La certitude de l'existence objective d'un fantôme
est constatée aussi par son action sur la matière. Il est évi­
dent qu'une image mentale n'a pas le pouvoir de déplacer
un objet quelconque. Si donc l'apparition ouvre une porte
fermée, tient un livre, écarte des rideaux, bouscule un fau­
teuil, tire des sons d'un piano, etc., cela démontre encore
qu'elle est matérialisée et que son pouvoir d'action physi­
que est analogue au nôtre. .
,,4° Les meilleures preuves de la présence réelle du double
sont, évidemment, celles qui nous renseignent sur la nature
physique du fantôme. j'ai signalé qu'on en obtient avec de
la farine, du noir de fumée, de la terre glaise, de la para­
fine, ou par la photographie. Dans ces cas convaincants, il
faut se rendre à l'évidence quand tout moyen de superche­
rie est écarté.
»5° L'observation la plus importante qui se dégage dela
nature des faits, c'est que le double d'un être humain, qu'il
soit visible ou non, reproduit avec une fidélité anatomique
le corps physique d'où il émane. Il n'existe aucun exemple
que l'âme ait revêtu une autre forme que celle de son or­
ganisme physique. En revanche, les accessoires de l'appa­
rition comme les vêtements par exemple, peuvent différer
de ceux que le sujet porte au moment où il se dédouble.
Jt 6° Non seulement c'est l'aspect extérieur, le type de
LE PERISPRIT ET LE CORPS SPIRITUEL 169

l'individu que le fantôme présente, mais l'observation nous


oblige de constater que cette similitude s'étend jusqu'aux
organes internes. C'est réellement un second corps qui
s'extériorise; il est la copie fidèle de l'organisme intérieur.
Les actions physiques produites par les fantômes des vi­
vants sont analogues à celles déterminées par les membres
matériels et nécessitent par conséquent des appareils phy­
siologiques analogues, temporairement matérialisés. Les
mouvements synchrones d'Eusapia et de son double sont
significatifs à cet égard, aussi bien que les paroles pronon­
cées par les apparitions exigent un appareil phonétique
identique à celui du corps humain de l'individu qui est dé­
doublé, puisqUE:: la voix entendue est la même que celle de
l'être vivant.
»7° La faculté télesthésique, c'est-à-dire celle d'entrer di­
rectement en relation avec le monde extérieur par la vue,
l'OUïe, le tact, etc., appartient à l'âme extériorisée. Elle est
indépendante des appareils sensoriels, car ceux-ci sont inuti­
lisés pour la clairvoyance, la c1airaudience, etc. Mais aus­
sitôt que le périsprit est matérialisé, de nouveau la percep­
tion s'effectue par les organes du fantôme, qui est affecté
comme nous par la lumière, le son, etc. C'est la raison pour
laquelle les apparitions tangibles se comportent comme les
êtres humains ordinaires et nous avons vu Mme d'Espé- .
rance dédoublée ne pas distinguer les détails du salon où
l'on attend sa visite psychique, précisément parce que l'ob·
scurité avait été faite. (p. 217).
JO 8° En raison du principe que tout effet intelligent a une

cause intelligente, nous pouvons affirmer qu'un fantôme


qui accomplit des actions coordonnées en vue de produire
un phénomène, est dirigé par une intelligence. L'origine de
celle-ci n'est pas douteuse: c'est celle qui anime l'individu
dont le fantôme reproduit les traits, d'abord parce que, sou­
vent, on peut l'identifier par des manifestations intellec­
tuelles: parole ou écrit, comme c'est le cas pour le passa­
itù LI: sPIRITISME PHYSIQUe

ger qui fut aperçu par Robert Bruce et dont l'écriture dans
la cabine fut reconnue identique à son écriture normale j
ensuite, parce que le sujet se souvient parfois de s'être
rendu à l'endroit précis où on l'a vu, la mémoire qui lui
reste de ce déplacement périsprital implique évidemment
que c'est lui qui fait cette excursion psychique. Enfin, les
cas photographiques du professeur Istrati et de la fiancée
du capitaine Volpi, prouvent irréfutablement que non seule­
ment l'âme s'est émancipée du corps comme elle se le rap­
pelle, mais qu'elle avait une forme physique, celle du corps
matériel, puisque la plaque sensible reproduit cette forme.
» 9° L'origine de l'énergie dépensée par l'apparition pour
se manifester physiquement n'est pas inconnue; elle pro­
vient de l'organisme matériel du sujet. Cette conclusion se
déduit des expériences de M. de Rochas où l'on voit les
relations intimes qui rattachent le fantôme au corps organi­
que du sujet, et aussi de la fatigue du médium après les
séances dans lesquelles se sont produites des extériorisa­
tions de la motricité. Nous l'avons observé avec Eusapia,
Home, etc. Mais il se peut également que la force néces­
saire soit empruntée, pour partie, aux assistants, qui sont
trés souvent obligés de faire la chame, c'est-à-dire de for­
mer une sorte de courant odique dont le médium se sert
pour suppléer à la force qui lui manque.
10 Le dégagement complet de l'âme semble ne pou­
»
0

voir se produire, d'une manière un peu durable, que lors­


que le corps matériel du sujet est plongé dans un sommeil
profond, léthargique, auquel on a donné le nom de trance...
Le périsprit absorbant les forces vives de l'organisme, ce­
lui-ci tombe dans l'état de sommeil où toutes les fonctions
sont ralenties, et même ramenées au minimum...
11 Parmi tous les faits anormaux cités jusqu'alors, il en
»
0

est un qui paraît tout à fait étrange, c'est celui où le fan·


tôme de M. Wilson absorbe un verre d'eau. Que devient ce
liquide alors qu'il a été ingéré par le fantôme? Si l'on ad·
· U: PERISPI<IT Ei LE CORPS SPIRITUEL 1j 1

met la matérialité du fantôme, c'est-à-dire qu'il est le cal­


que de l'organisme corporel, nous devons supposer qu'il est
introduit dans les voies digèstives et qu'il y reste jusqu'au
moment ou la dématérialisation se produit, c'est-à-dire jus­
qu'au moment où les éléments corporels retournent dans le
corps du sujet auquel ils étaient empruntés. je n'ignore pas
que ces phénomènes sont absolument incompréhensibles
pour nous à l'heure actuelle; mais de ce que nous n'arri­
vons pas à nous imaginer comment ils pourraient se pro­
duire, il ne faut pas en conclure qu'ils n'existent pas. Notre
incapacité à comprendre les choses n'empêche pas celles-ci
d'exister, témoin l'attraction universelle ou l'existence de
l'éther que jamais aucun physicien n'est arrivé à expliquer,
bien que la réalité de ces hypothèses soit admise univer­
sellement.
» t 2° L'esprit dégagé du corps franchit l'espace avec une
très grande rapidité et se dirige, pour ainsi dire magnétique­
ment, vers l'être auquel il doit apparaître, même lorsque
.l'âme ignore l'endroit exact où se trouve à ce moment ce­
lui auquel elle pense. Nous avons observé ce phénomène
dans plusieurs récits, et particulièrement pour Mme Wilmot,
qui se fait voir à son mari dans un vaisseau, au milieu de
l'océan. On dirait que la sympathie, l'amour, établissent une
sorte de rayonnement invisible entre les âmes, qui permet
à l'esprit émancipé de trouver son chemin à travers l'espace,
en suivant ce fil conducteur.
»Tant que le fantôme fluidique n'est pas matérialisé, la
matière ne lui oppose aucun obstacle. Il la traverse comme
la lumière le fait pour le verre ou les rayons X pour la plu­
part des corps. Il est évident que la substance dont est
formé le corps de l'esprit est non seulement impondérable,
mais dans un état physique qui diffère complètement de
tout ce que nous connaissions jusqu'alors. La propriété
pour le fantôme de s'objectiver jusqu'à la matérialité, et de
disparaître instantanément, est également caractéristique de
cet état spécial, que nous appelons fluidique, simplement
112 tE LIMBE OU PERISPRIT

pour le différencier des états physiques ordinaires, mais ce


mot n'implique aucune similitude avec les anciens fluides
des physiciens.
»Toutes ces remarques servent à définir les propriétés
de J'être extériorisé. Je crois n'avoir fait aucune hypothèse,
et cependant la certitude que l'âme est unie intimément à
une matière subtile, impondérable à l'état normal, reprodui­
sant J'apparence du corps matériel, s'est imposée à nous
comme un fait naturel que l'on ne peut plus ignorer. C'est
l'enseignement spirite donné par les esprits à Allan Kardec,
il y a un demi siècle, qui se confirme par l'observation et
l'expérience, et qui justifie la croyance trente fois séculaire
au Il corps de l'âme", que nos savants critiques qualifient
de superstition de "sauvages", mais qui n'en est pas
moins une vérité profonde, que l'analyse de nos jours re­
met en lumière après une éclipse de plusieurs siècles (1).»

La doctrine de Swedenborg au sujet du Limbe.

Voyons à présent ce que Swedenborg nous dit de l'in­


termédiaire entre l'âme et le corps. Notre auteur admet en
èffet l'existence d'une «enveloppe cutanée» fluidique en­
tourant l'âme, sorte de limbe, qu'avec Allan Kardec nous
pouvons appeler périsprit, (terme qui ne nous engage à rien
puisqu'il ne fait que désigner d'une manière tout à fait gé­
nérale ce qui enveloppe l'esprit). Il démontre, dans ses ou­
vrages scientifiques, la nécessité logique d'un nexus (d'une
connexion) ou d'un contiguum (d'un milieu contigu) entre
l'âme spirituelle et le corps matériel, J'existence indispen­
(1) G. Delanne; Les Apparitions matérialisées, Tome l, Les Appa­
ritions des Vivants, pp. 508-513. Voir aussi le chap. VI, «Actions physi­
ques exercées par le double des vivants" et le chap. VII, "Recherches
expérimentales sur l'extériorisation du double ", ainsi que le chap. VIII
« Le dédoublement de l'être humain démontre l'existence de l'âme. »
LE LIMBE OU PERISPRIT 113

sable d'une trame fluidique, d'un moule organisateur ou


dynamisme directeur et constructeur. Ce moule, il le con­
çoit comme une substance éminemment simple, éminem­
ment homogène, éminemment fluide et éminemment plas­
tique, servant de véhicule aux forces morphogéniques phy­
siques, forces qu'il considère comme étant rigoureusement
conditionnées par l'âme, "l'unique substance vitale qui (en
dernière analyse) préside à tout et dirige tout ». (Œcono­
mia Regni Animalis, vol. 1, N° 247). Par l'intermédiaire de
ce dynamisme ou de ce milieu plastique, l'âme peut façon­
ner l'organisme «à l'image de ses représentations et déter­
miner la forme de toutes les choses dans le corps". (Ibid.)
Mais avant d'exposer la synthèse par laquelle Sweden­
borg a couronné son étude analytique de l'organisme hu­
main - synthèse qui, bien que fondée sur l'observation di­
recte des phénomènes naturels, n'en appartient pas moins
au domaine de la spéculation scientifique ou même philoso­
phique -, nous désirons mettre le lecteur au courant des
quelques allusions au sujet de notre" corps fluidique ", que
l'on rencontre, très clairsemées d'ailleurs, dans la masse
imposante des Ecrits théologiques de notre philosophe, les
seuls qui fassent autorité dans la Nouvelle Eglise:
c L'ange ou l'esprit tient avec soi des intimes de la nature, un mé­
dium entre le spirituel et le naturel, médium par lequel il est fini pour
qu'il soit subsistant et permanent. Par ce médium, il a quelque chose
de relatif aux choses qui sont dans la nature, et aussi le correspon­
dant à ces choses." "Qu'il y ait un tel médium, les anges le savent;
mais comme il vient des intimes de la nature, et que les mots des lan·
gues sont dérivés des derniers principes de la nature, il ne peut être
décrit que par des abstractions. :t D. S. post. VIII 4.
c L'âme... est l'homme lui.même, et le corps n'est pas l'homme en
soi, mais il est d'après l'homme j c'est seulement son vêtement, tissé
des choses qui sont du monde naturel, tandis que l'âme est composée
de choses qui sont dans le monde spirituel. Tout homme, après la mort,
dépose le naturel... et retient le spirituel, et en même temps, autour de
ce spirituel, une sorte de limbe tiré des parties les plus pures de la
nature. :t V. R. C. 103.
c Le mental naturel de l'homme est composé de substances spiri·
tuelles et en même temps de substances naturelles. La pensée se fajt
d'après les substances spirituelles et non d'après les substances natu·
8
114 LE SPIRITISME PHYSIQUE

relies. Ces substances-ci s'écartent quand l'homme meurt, mais non les
substances spirituelles. C'est pourquoi ce même mental après la mort,
quand l'homme devient esprit ou ange, reste dans une forme semblable
à celle dans laquelle il était dans le monde. Les substances naturelles
de ce mental, qui s'écartent après la mort, ainsi qu'il vient d'être dit,
font l'enveloppe cutanée (limbe) du corps spirituel dans lequel sont les
esprits et les anges. Par une telle enveloppe, qui a été tirée du monde
naturel, subsistent leurs corps spirituels, car le naturel est le dernier
contenant. C'est de là qu'il n'y a pas un seul esprit ni un seul ange qui
ne soit né homme. ,. S. A. 257.
«La forme matérielle qui a été ajoutée et revêtue dans le monde,
n'est pas une forme humaine d'après elle-même, mais elle l'est d'après
la forme spirituelle. Elle a été surajoutée et revêtue, afin que l'homme
puisse faire des usages dans le monde naturel, et aussi emporter avec
lui, pour contenant des spirituels, quelque chose de fixe tiré des sub­
stances les plus pures du monde, et ainsi continuer et perpétuer sa vie.»
S. A. 388.
«L'homme revêt d'abord les choses les plus grossières de la nature,
son corps en est composé. Mais par la mort, il s'en dépouille et retient
les choses les plus pures de la nature, qui sont les plus proches des
spirituels, et ces choses sont alors ses contenants. En outre, dans les
extrêmes, ou les derniers, sont ensemble tous les intérieurs ou supé­
rieurs; c'est pour cela que toute opération du Seigneur a lleu par les
premiers et par les derniers en même temps, ainsi dans le plein. Mais
comme les extrêmes et les derniers de la nature ne peuvent pas rece­
voir les choses spirituelles et éternelles, pour lesquelles le mental hu­
main a été formé, telles qu'elles sont en elles-mêmes, et que cependant
l'homme est né pour qu'il devienne spirituel et vive éternellement, voilà
pourquoi l'homme dépouille les extrêmes et les derniers de la nature,
et retient seulement les naturels intérieurs qui cadrent et concordent
avec les spirituels et les célestes, et leur servent de contenant. Cela se
fait par le rejet des temporels et des naturels derniers, rejet qui est la
mort du corps.:o D. P. 220.
«Les extérieurs de l'homme, parce qu'ils appartiennent aussi au
corps, sont séparés après la mort, et les choses qui, d'après ces exté­
rieurs, sont adhérentes à l'esprit, s'assoupissent et servent seulement
de plan aux intérieurs. » C. E. 501.

De tout ce qui précède, il résulte clairement qu'il faut se


garder de confondre en aucune façon le «limbe » avec le
corps spirituel. Voici ce que Swedenborg nous enseigne au
sujet de ce dernier:
« Quand l'homme entre dans le monde spirituel, ou dans la vie après
la mort, il est comme dans le monde, dans un corps. Il n'existe en ap­
parence aucune différence, puisqu'il ne sent ni ne voit de différence;
mais son corps est spirituel, et par conséquent séparé ou purifié des
LE LIMBE OU PERISPRIT 115

choses terrestres, et lorsque le spirituel touche et voit le spirituel, c'est


absolument comme lorsque le naturel touche et voit le naturel. De là,
résulte que l'homme lorsqu'il est devenu esprit, ne sait autre chose,
sinon qu'il est dans le corps dans lequel il éta-it dans le monde, et par
suite ne sait pas qu'il est mort. L'homme esprit jouit aussi de tous les
sens externes et internes dont il a joui dans le monde. Il voit comme
auparavant, il entend et il parle comme auparavant, il a aussi l'odorat
et le goût, et quand il est touché, il sent par le touché comme aupara­
vant; il souhaite, il désire, il convoite, il pense, il réfléchit, il est afiecté,
il aime, il veut comme auparavant, et celui dont l'étude fait les délices
lit et écrit comme auparavant; en un mot, quand l'homme passe d'une
vie dans l'autre, ou d'un monde dans l'autre, c'est comme s'il passait
d'un lieu dans un autre." C. E. 461.
Comme le lecteur le voit, ce que Swedenborg nous dit
du limbe se ramène, au fond, à peu de chose: quelques
considérations d'ordre tout à fait général, un certain nom·
bre de données, aussi clairsemées que vagues, voilà tout
ce que l'on trouve dans l'immense masse des ouvrages
théologiques du Prophète du Nord. A eux seuls, ces rensei­
gnements fragmentaires ne nous permettent guère d'arriver
à une idée précise et correcte de cette « enveloppe cutanée,
tirée des substances les plus subtiles de la nature », que
notre esprit emporte avec lui, au-delà du tomheau. Par bon·
heur, nous possédons un précieux complément d'informa­
tions dans les œuvres scientifiques de notre auteur. A la vé­
rité, ce fut en tant qu'homme de science que Swedenborg
nous exposa sa merveilleuse philosophie des degrés discrets
grâce à laquelle il nous est désormais possible de remonter
de la sphère des effets à celle des causes, et de transfor­
mer ainsi, graduellement, notre connaissance expérimentale
du corps en une connaissance a posteriori de l'âme.
En effet, ce fut dans le but unique de découvrir l'âme,
que Je savant suédois accumula tout son prodigieux labeur
dans le domaine des sciences naturelles et plus particuliè­
rement dans celui de l'anatomie et de la physiologie hu­
maines. Il nous l'avoue lui-même en ces termes:
« '" je suis fermement persuadé que l'essence et la na­
ture de l'âme, son influx dans le corps et l'action récipro­
que de celui-ci, ne pourront jamais devenir des objets de
116 LE SPIRITISME PHYSIQUE

démonstration, sans ces doctrines (i. e. les doctrines philo­


sophiques de Swedenborg, telles que la doctrine des séries
et des degrés, celles de l'Ordre, des formes, des universaux,
etc.) conjointement à une connaissance approfondie de l'a­
natomie, de la pathologie et de la psychologie, voire même
des sciences physiques... A moins que nos travaux ne
soient conçus dans ce sens et ne se développent en se ba­
sant sur des phénomènes (concrets), il nous faudra, à l'avè­
nement de chaque nouvelle époque, échaffauder de nou­
veaux systèmes qui, à leur tour, tomberont à terre, sans es­
poir de résurrection.
" C'est là, et non pas ailleurs, la raison pour laquelle j'ai
étudié, par un travail patient et avec une application in­
tense, l'anatomie du corps, et plus spécialement celle du
corps humain, pour autant que ce dernier est connu expé­
rimentalement, et que j'ai également observé l'anatomie de
toutes ses parties... En ce faisant, Il se peut que j'aie dé­
passé les limites habituelles de la recherche scientifique, de
sorte que peut-être un petit nombre seulement de mes lec­
teurs seront capables de me comprendre distinctement.
Néanmoins, je me suis cru obligé d'avancer aussi loin, car
j'ai résolu, coûte que coûte, d' exposer la nature de l'âme hu­
maine. Or, celui qui désire la fin devrait également désirer
les moyens." Œconomia Regni Animalis. II. 213-14.
Voici maintenant comment Swedenb:>rg s'exprime sur la
façon de connaître l'âme en étudiant le corps, considéré
comme son expression ultime et son représentatif tangible:
c Nous ne saurions atteindre l'âme, dit-il, ni arriver à la
connaître, si ce n'est au moyen d'une investigation à la fois
particulière et générale des choses inférieures et accessi­
bles de son royaume. Etant donné qu'eIJe vit à ce point
retirée dans les intimes, elle ne saurait être mise à nu, à
moins que les enveloppes qui la recouvrent ne soient
successivement écartées et éloignées. Ainsi, il est né­
cessaire que nous montions à elle par les mêmes étapes ou
degrés et parla même échelle, par lesquels, au cours de la
LE LIMBe ou PERISPRIT 117

formation des choses de son royaume, elle descend, avec sa


nature, dans son corps.» Ibid. I. 579.
Swedenborg est-il parvenu à ses fins'? L'analyse patiente
de notre structure organique lui a+elle livré l'objet de ses
recherches et de ses espoirs? A-t-il vraiment découvert
l'âme?
A ces questions, on peut aussi bien répondre par un oui
que par un non. Cela dépend évidemment du sens que l'on
donne au mot découvrir. On peut découvrir sans dé-couvrir;
c'est-à-dire qu'il est possible de rendre certaine l'existence
d'une chose qui, bien que cachée elle-même, se révèle par
une série d'actions concrètes ou d'effets tangibles. Nous ai­
mons à penser que, comme savant, notre auteur nous a révélé
l'âme quant à son existere, quant à son existence, quant à
son image dans le miroir visible de ses effets, tandis que,
comme voyant,jl nous l'a dévoilée quant à son esse, ou quant
à son être même. Swedenborg s'est certainement Ibien ac­
quitté de la tâche qu'il s'était proposée comme philosophe
scientifique. Il a parcouru dans un ordre ascendant la série
des degrés par lesquels l'âme « descend" dans l'organisme
qu'elle élabore successivement et qu'elle gouverne simulta­
nément. Mais ayant donné la parole à la nature elle-même ­
de façon à ne pas s'égarer dans des opinions prématurées
(Ibid. I. 579) - notre philosophe ne pouvait logiquement lui
faire livrer un secret qui n'était pas le sien, lui faire trahir un
mystère qui la dépasse d'une manière aussi transcendante.
Malgré cela, Swedenborg n'a jamais manqué de découvrir
l'âme partout où elle était à découvrir, mutatis mutandis, c'est­
à-dire autrement comme savant, scrutant l'économie du rè­
gne animal (i.e. l'économie de l'organisme considéré comme
le royaume de l'Ame), que comme voyant, explorant les ar'­
canes célestes ou les mystères du ciel. Que ce fut avec l'œil
exercé de son corps, avec le regard pénétrant de son intel­
ligence, ou avec la clairvoyance sanctifiée de son esprit,
notre infatigable chercheur ne se fit jamais faute de voir ce
qu'il y avait à voir, et ce quelque chose fut toujours et par­
tout l'âme ou=l'esprit.
118 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Dans son étude, d'abord analytique puis synthétique, des


phénomènes naturels, Swedenborg a fait preuve d'une
clairvoyance intellectuelle qui équivaut presque à un don
de double vue dans le domaine de l'intelligible! En effet,
bien avant de jouir de l'ouverture des sens de son esprit,
il explora déjà le monde spirituel en tant que monde des
causes. En scrutant la structure du corps, il en fit surgir
l'âme. Ce fut en découvrant le rationale des phénomènes
naturels et l'ordre logique de leur enchaînement, que Swe­
denborg réussit à faire émerger la sphère des causes du do­
maine des effets. Comme il nous le dit lui-même: «Quand
le mental rationnel, d'après les effets présentés à son at­
tention, se livre à une investigation analytique de leurs
causes, il ne trouve celles-ci nulle part, si ce n'est dans la
subordination des choses et dans la coordination des choses
subordon,nées. Nous devons ainsi parcourir les ordres et les
degrés des choses, si nous désirolls, depuis la sphère des ef­
fets, atteindre la sphère des causes, ou même la dépasser.})
CEc. R. A. V. I. 67.

Comment Swedenborg fut.. i) initié aux choses


de l'esprit ~
Ici le lecteur nous permettra d'exposer une opinion pel­
sonnelle au sujet du développement graduel des facultés
supranormales qui se manifestèrent dans la seconde mvitié
de la carrière de notre philosophe. Cet épanollisse:l1ent
merveilleux de ses pou\"oirs psychiques n'a été, suivant
nous, ni miraculeux, ni spontané; mais au contraire naturel
et progressif, conformément aux lois universelles et immua­
bles de la croissance. Nous ne sommes à aucun titre un
disciple de Rudolf Steiner, le fondateur de l'anthroposophie,
mais nous croyons qu'il a peut-être raison quand il affirme
que «la préparation (en vue du développement des facultés
~ LE LIMBE - L'INITIATION DE sWeDENBORG 119

supranormates) consiste en une culture toute spéciale du sen­


timent et de ta pensée; et que, par cette culture se dévelop­
pent dans le corps "animique" et "spirituel" des sens et
des organes qui leur sont propres, de même que les forces de
la nature tirent de la matière vivante, informe, les organes
dont le corps physique est muni.:o (1) Il nous paraît vrai­
semblable que lorsqu'un chercheur est assez avancé pour
voir le véritable dessous causal, autremeut dit l'aspect spi­
rituel des phénomènes perceptibles à son œil physique, il
n'est pas très éloigné de percevoir des choses qui n'ont plus
aucune existence physique et qui, par suite, restent intégra­
lement voilés à ceux ,qui ne perçoivent et ne pensent que
d'après l'œil naturel. Or, Swedenborg nous dit que ~ la
pensée d'après l'œil ferme l'entendement, tandis que la pen­
sée d'après l'entendement ouvre l'œil b (l'œil psychique
aussi bien que l'œil physique). Il y eut cependant action
providentiellè.
En recherchant l'âme dans les merveilles de son écono­
mie et les harmonies de son royaume, Swedenborg a dé­
veloppé sa propre âme, avec ses :facultés supérieures de
perception spirituelle. Ayant découvert le comment et le
pourquoi des choses naturelles, il a mis à jour l'attribut fon­
damental, le caractère spécifique de l'esprit, savoir sa fonc­
tion causale, sa qualité de principe et d'agent morphogéni­
que universel.
Il faudrait composer tout un volume pour élucider ce der­
nier point, car il implique toute la métaphysique de la forme
ainsi qu'une foule d'autres questions connexes d'une impor­
tance philosophique primordiale. Il y aurait là tout un tra­
vail, merveilleusement intéressant et passionnant, à entre­
prendre pour celui qui aurait et la patience et le génie né­
cessaires pour s'attaquer, avec succès, à pareille besogne.
Il y a probablement peu de personnes qui se doutent de
l'importance capitale des problèmes qui se rattachent à la
(1) R. Steiner: L'initiation, ou la connaissance des mondes supé­
rieurs, p. 32. Paris 1912. Voir aussi E. Caslant: Méthode de développe­
ment des facultés supra-normales. Paris 1921. Editions" Rhéa ...
120 LE SPIRITISME PHYSIQUE

notion de la forme. Or, nous croyons qu'en étudiant et en


méditant l'œuvre de Swedenborg, sous son double aspect
scientifique et théologique, il sera possible de formuler une
nouvelle philosophie de la forme en général (1), et de la mor­
phogenèse en particulier. Cette nouvelle philosophie com­
plètera, et dépassera en profondeur et en universalité, tout
ce qui a été imaginé antérieurement, depuis les philo~ophes
de la Grèce, jusqu'à nos jours (2). Les quelquE's remarques
(1) En parlant de philosophie de la forme, nous ne faisons pas spé­
cialement allusion Ici à la doctrùze des formes, si souvent mentionnée
par Swedenborg et exposée longuement dans son gros ouvrage pos­
thume sur La Fibre; nous pensons plutôt aux concepts généraux de sa
philosophie concernant le monde spirituel, l'influx et la correspondance.
Ce que notre penseur appelait la doctrine des formes se rapporte à
l'hylogenèse, à la structure de l'espace et du règne élémental plutôt
qu'à la morphogenèse organique proprement dite.
(2) Il faut s'attendre à ce que d'aucuns, partisans attardés de la méta­
physique thomiste ou scholastique, ne veuillent à première vue recon­
naître dans la philosophie swédenborgienne qu'une réapparition de cer­
tains concepts fondamentaux du p~ripatétisme. Ils croiront notamment
y retrouver les idées aristotéliciennes de l'activité immanente, de la
puissance et de l'acte, de la matière ct de la forme. D'autre part, il est
possible que la doctrine des correspondances de notre auteur les fasse
penser à la théorie platonicienne des idées. Swedenborg a certainement
retiré un grand profit de son étude des anciens philosophes. Il suffit,
pour s'en convaincre, de lire les extraits qu'il en fit et qui viennent
d'être publiés dans la revue THE NEW PHILOSOPHY, sous le titre:
A Philosopher's Note book, (Le carnet de notes d'un philosophe). Il se­
rait toutefois absurde de ne voir dans son œuvre (plus vaste que celle
d'Aristote) qu'une réédition plus ou moins camouflée de concepts déjà
anciens. Swedenborg a fait œuvre originale non seulement en établis­
~ant toute une série de nouvelles doctrines philosophiques (notamment
celles qui se rapportent à la notion et à la structure de l'Ordre), mais
aussi en inaugurant une nouvelle méthode, grâce à laquelle plus d'une
ancienne notion acquit un sens nouveau et une portée plus profonde.
Ceux qui désirent se rendre compte de la place exacte qui revient à
Swedenborg dans l'histoire de la philosophie, feront bien de prendre
connaissance des remarquables introductions placées en tête des divers
ouvrages scientifiques de Swedenborg, plus particulièrement de celles
du Dr WiIldnson, essais dans lesquelles le préfacier compare Sweden­
borg aux principaux philosophes tant anciens que modernes, et fait res­
sortir la position unique que notre auteur occupe dans le développe­
ment de la pensée humaine. Il n'existe malheureu'lement encore aucun
ouvralle spécialement consacré à ce sujet.
LE LIMBE - L'INITIATION DE SWEDENBORG 121

que nous jetons sur le papier en ce moment, ne peuven t


en donner aucune idée adéquate et n'auront par conséquent
pas le mérite de convaincre le lecteur non averti du bien­
fondé de notre opinion; elles n'ont d'ailleurs pas cette pré­
tention, et nous ne voudrions pas, d'une manière générale,
que l'on jugeât du génie de Swedenborg d'après l'incapa­
cité du .jisciple à exprimer fidèlement les idées du maî­
tre. Tâchons néanmoins d'expliquer comment on peut" voir
l'esprit" sans jouir de "l'ouverture des sens de l'âme u'
L'on admet de nos jours que les faits observés s'inter­
prètent de la façon suivante: «L'énergie mécanique dirigée,
les mouvements dirigés (auxquels le Il phénomène de la ma­
tière " lui-même doit son existence et qui constituent, dans
la totalité de leurs degrés de complexité, l'élément forme de
l'univers différencié. - H. de G.) tendent à se dégrader en
énergie cin~tique particulaire, en mouvement diffus " et que
les forces vives particulaires tendent vers l'uniformité (1). »
Or, raisonnons-nous, si le monde est plus que de l'éner­
gie uniforme et du mouvement diffus, en d'autres
termes si l'univers différencié existe, c'est qu'il ne dépend
pas de lui·même quant à cette différenciation, c'est qu'il est
soumis à l'influence régulatrice d'un milieu situé en dehors
de lui-même, milieu dont il est tributaire en cè qui concerne
sa morphologie générale et particulière, bref c'est que l'uni­
vers n'est qu'un simple phénomène, dont les causes multi­
ples constituent, dans leur complexité, le véritable cosmos
(cosmos signifie, en grec, arrangement, ordre, harmonie,
beauté). Ainsi, le complexe harmonieux des formes spécifi­
ques et des usages distincts que nous appelons l'univers ­
par opposition au nullivers que serait un chaos non diffé·
rencié - c'est ici-bas déjà le monde spirituel. En effet, il n'y
a qu'un seul cosmos, qu'un seul monde essentiellement dlffé­
rencié et organique, savoir: le monde des causes et de l'esprit.
(1) Prof. H. Guilleminot: Vitalisme ou Physico-Chimie ?l re part.:
Dégradation de l'énergie et évolution cosmique, Scientia. oct. 1922,
p.234.
122 LE SPIRITISME PHYSIQUE

L'univers que nous habitons n'est physique que par le


substratum qui lui est particulier. Quant à sa forme, il est
spirituel. Ceci semblera forcément un paradoxe à ceux qui
ne pensent que dans le langage de leurs sens, à ceux qui
ne peuvent s'empêcher de croire que la forme découle de
la matière, et ne peut découler que de la matière. La raison
de cette erreur est bien simple à découvrir. Elle réside dans
le fait que l'œil ne nous montre pas la substance, mais des
substances physiques, réunies, la plupart du temps, dans
des assemblages complexes. Or, dès que nous avons affaire
à une diversité d'éléments ou à des substances composées,
la forme passe presque inévitablement pour un accident in­
hérent à l'hétérogénéité et à la multiplicité des éléments com­
posants. Mais, quand on remplace, dans son esprit, l'image
de la matière polymorphe, par celle de l'électricité ou de
l'éther non différencié, dont toute matière est issue, le pro­
blème change d'aspect. Comment expliquer, en effet, la nais­
sance de la diversité au sein de l'unité, de la complexité au
sein de l'uniformité, de la torme au sein de l'homogénéité ab­
solue? Le hazard des rencontres fortuites ne peut plus pas­
ser pour un facteur évolutif, i. e. pour un élément construc­
tif, dans un milieu diffus et uniforme; car ce milieu étant
exactement le même sur chacun de ses points, il n'y a au­
cune raison pour qu'il s'y passe jamais quelque chose. La
naissance de formes spécifiques, au sein d'un tel milieu, si
progressive qu'on la conçoive et si logique qu'elle paraisse,
doit pousser tout esprit philosophique à admettre le caractère
idéoplastique de l'élément forme se surajoutant en quelque
sorte à l'élément substratum ou substance (1). Forme spéci­
fique implique mouvement dirigé, et direction implique pou­
voir directeur conditionné par l'idée.
(1) Sans une connaissance approfondie de la doctrine des "degrés
discrets" et des" séries" il est impossible de se rendre compte du rap­
port tantôt intrinsèque, tantôt extrinsèque, qui subsiste entre l'élément
substance et ['élément forme. L'existence des degrés discontinus néces­
site le principe d'inversion, de sorte que la forme, d'effet ou d'attribut
de la substance qu'elte est dans te degré supérieur, devient cause de la
LE LIMBE - L'INITIATION DE SWEDENBORG 123

Nous voici enfin arrivé au milieu spirituel, considéré


comme monde des causes. La présence du monde des cau­
ses dans le monde des effets apparaît ad vivum dans l'exis­
tence de formes spécifiques réalisées au sein d'un milieu
primitivement amorphe (1). La raison pour laquelle le monde
des causes, ou de l'esprit, a échappé à l'œil des hommes,
c'est qu'il nous enveloppe de trop près, c'est qu'il est omni­
présent dans ses effets, effets auxquels notre esprit est rivé
par les sens. En cherchant quelque part, seulement, ce qui est
partout, on contemple continuellement en aveugle la réalité
qu'on s'efforce de découvrir. Dculos habent et non videbunt
pourrait-on dire de la presque totalité des hommes. Il est
des cas ou l'œil empêche l'esprit de voir. Mais ce fut le
contraire chez Swedenborg. Il pensa toujours «d'après
l'entendement", et en conséquence "son œil fut ouvert".

substance dans le degré inférieur. Ceux qui s'intéressent à ces problè­


mes, d'une haute portée philosophique et d'un intérêt pratique considé­
rable, malgré leur apparence scholastique, feront bien de se pénétrer
sérieusement de la doctrine des séries et des degrés, si lumineusement
exposée par Swedenborg dans son Introduction à une psychologie ra­
tionnelle, placée en tête du vol. Il de son Economie du Règn. An. L'ex­
posé de la doctrine des degrés tenté par nous au début de ce chapitre
est insuffisant à cet égard et trop abstrait dans sa concision. Il faudrait
lui consacrer tout un traité.
c Une théorie cosmogonique est contrainte (comme on le voit par
celle de Laplace et par toutes celles qui ont suivi) de supposer que la
ou les nébuleuses (et en fin de compte l'éther) contenaient implicite­
ment toutes les diversités ultérieures· du monde planétaire"
c Il est certain qnesi nous essayions réellement de nous figurer la
manière dont peut s'opérer cette inclusion... notre imagination s'arrête­
rait découragée... De sorte qu'en considérant les choses sans parti-pris,
on serait plutôt amené, quoi qu'on en eût, à conclure que la nature crée
bien du différencié à l'aide du non-différencié. Mais notre intellect est
autrement fait. Il ne comprend point et ne comprendra sans doute ja­
mais un tel devenir; tous les efforts d'Héraclite à Hegel et à Herbert
Spencer, qui tendaient à amener l'esprit à admettre que le divers pût
naître de l'uniforme, sont restés entièrement vains.» E. Meyerson:
Le sens commun vise-t-il la connaissance? Revue de Métaphysique ct
de Moraie; janvier·mars 1923, p. 16. - De ce qui précède, il résulte:
1° que le différencié a pour antécédent le non différencié et 2° que ja­
mais aucun philosophe n'a réussi à transformer cet antécédent en une
124 LE SPIRITISME PHYSI Q UE

cause suffisante et capable d'expliquer le phénomène ultérieur. La rai­


son de cette impasse est évidente. On a tout bonnement négligé d'in­
clure le facteur" forme" dans l'antécédent au même titre que le facteur
" substance" j or, ce qui revient au même, on a raisonné comme si le
monde des causes n'existait pas. En effet, quand la substance du monde
des effets était amorphe ou non-différenciée, l'existence de formes spé­
cifiques ne pouvait forcémer.t exister que dans le monde de l'esprit où
toute conception équivaut à une réalisation anticipée. Les anticipations
de l'esprit doivent être considérées comme des réalités positives au
même titre que la substance ou l'énergie diffuse qui servit de substra­
tum au futur univers, et constituent ce monde des causes dont il est
parlé dans Swedenborg.
L' " inclusion" de l'univers différencié dans la substance originale
non-différenciée n'est donc pas une expression spatiale, impliquant un
rapport mécanique de contenant à contenu, mais plutôt un terme figuré
et commode indiquant la coexistence, dans le temps seulement,de deux
éléments, la substance et la forme, que l'expérience nous a habitués à
considérer là tort) comme devant toujours être étroitement associées
également dans l'espace. Il serait d'ailleurs curieux de rechercher com­
ment l'avenir pouvait être inclus jadis mécaniquement dans une sub­
stance non-différenciée, cette dernière étant privée, par définition, de
tout avenir; tandis qu'en admettant l'existence séparée d'un monde des
causes formé par les anticipations de l'esprit, on transforme un "anté­
cédent" stérile en une cause féconde, apparaissant sous l'aspect d'une
préexistence de l'avenir, d'une préexistence spirituelle de l'avenir, car,
comme dit Swedenborg: «C'est le propre de l'esprit de considérer
ce qui doit être formé comme étant déjà formé:t. En un mot, le diffé­
rencié ou le complexe existe dans le non-différencié ou le simple non
pas mécaniquement ou organiquement, mais spirituellement en tant que
préexistence de l'avenir. Mais, comme rien ne peut être sa propre cause
et qu'on ne saurait ainsi faire de l'avenir sa propre cause, même en le
transposant dans le passé, l'expression "préexistence de l'avenir" si­
gnifie pour nous la conception mentale d'un certain état de choses fu­
tur qui ne deviendra l'avenir que parce qu'il sera la réalisation de cer­
taines fins préexistantes. Ici encore, les trois degrés discrets, ou la fin,
la cause et l'effet apparaissent comme les trois articulations univer­
selles de la réalité.
La cause étant le tout de l'effet, il est évident qu'elle précède l'effet
dans le temps comme dans l'espace. La substance de l'univers différen­
cié, a préexisté dans l'espace comme antécédent, mais sa forme a pré­
existé dans le temps seulement, en tant que cause contenue dans le
domaine spirituel qui, lui, n'est pas contenu dans l'espace. L'évolution
de l'univers commença avec le mouvement, qui représente ainsi dans
sa forme la plus universelle, le mariage du temps et de l'espace, ou de
la forme et de la substance, ou encore du monde des causes et du
monde des effets. Par le mouvement dirigé, l'esprit put en effet inter­
venir comme facteur morphogénique, et la forme de l'univers, préexis­
tant dans le temps sous forme de conception spirituelle, put devenir
graduellement une réalité dans l'espace.
LE LIMBE - L'INITIATION DE SWEDENBORG 125

D'abord vint le regard compréhensif et intelligent de son


corps, puis la vision supranormale de son esprit. Après avoir.
compris, après avoir vu, les choses de ce monde-ci dans leur
sens spirituel (l y en quelque sorte, il fut amené finalement à
contempler directement le monde spirituel, non plus dans,
mais en dehors ou au-dessus de la matière.
La relation qui existe entre l'esprit et la matière est celle
qui subsiste entre l'âme et le corps, et il est par conséquent
tout naturel que notre auteur ait découvert celle-là d'après
celle-ci. A force de scruter attentivement «les dégrés et les
échelons par lesquels l'âme descend successivement dans
son corps », Swedenborg munit sa propre psyché d'une sé­
rie correspondante de gradins, grâce auxquels il lui fut pos­
sible de pénétrer dans le monde suprasensible, de s'élever
à la contemplation directe de la réalité spirituelle, et d'étu­
dier finalement j'âme non plus telle qu'elle se présente dans
le microcosme qu'elle anime, mais face à face, telle qu'elle
(1) Swedenborg est arrivé d'une manière naturelle à sa doctrine des
correspondances. En étudiant les sciences exactes, il re~onnut de bonne
heure que le c monde physique était purement symbolique du monde
spirituel i à tel point même, que si nous exprimons en termes physiques...
une seule vérité naturelle quelconque, et que nous convertissons ces
termes en termes spirituels correspondants, nous obtiendrons alors à la
place d'une vérité ou d'une proposition physique, une vérité spirituelle
ou un dogme religieux j et ceci, bien que nul mortel n'eût jamais prédit
que pareille chose pût se produire par une simple transposition litté­
rale, vu que l'une de ces propositions, consiàérée séparément de l'autre,
ne semble avoir aucun rapport avec elle. » Reg. An. 293. Le lecteur qui
désire savoir comment Swedenborg réussit à transposer les faits natu­
rels en leur équivalent spirituel, feront bien de consulter entre autres sa
Clef hiéroglyfique des arcanes naturels et spirituels au moyen des re­
présentations et des correspondances (publiée en trad. angl. dans Psy­
chological Transactions). Ce fut en tant que naturaliste philosophe que
notre auteur formula dans ses grandes ligues sa doctrine des corres­
pondances parce que la nature elle-même enseigne cette doctrine. Mais
ce ne fut évidemment que comme voyant, théologien et exégète qu'il
nous l'exposa dans toute sa rigueur, et avec toute l'autorité que lui
conféra son expérience supranormale. Comme dit Emerson: "Sweden­
borg of all men in the recent ages, stands eminently as the translator
of nature into thought", Swedenborg, parmi tous les hommes des
temps récents, apparaît éminemment comme le traducteur des choses
de la nature en termes de pensée.
126 LE SPIRITISME PHYSIQUE

se montre objectivement dans l'Olympe qu'elle habite. C'est


ainsi que chez Swedenborg la perception psychique succéda
tout naturellement à l'aperception intellectuelle; c'est ainsi
que notre savant devint voyant et que notre philosophe se
doubla d'un prophète (1).

Nouvelles remarques au sujet des ouvrages


scientifiques de Swedenborg.
C'est donc aux écrits théologiques du Prophète du Nord
que nous devons nous adresser si nous. désirons connaître
l'âme et le monde spirituel, tels qu'ils apparaissent Je ['au­
tre côté du voile matériel qui les recouvre, tels que nous les
verrons après la mort. Mais si nous voulons faire pénétrer
ces réalités spirituelles dans le domaine scientifique, afin de
les étudier dans le mécanisme de leurs effets, sur le plan
objectif de la nature, il nous faut absolument recourir aux
œuvres de philosophie scientifique (2) du savant de Stock­
(1) Nous eûmes le privilège, lors d'un récent voyage en Irlande, de
discuter cette question avec W. B. Yeats, ce poète dont la réputation a
depuis longtemps franchi les frontières de sa petite île. Cet écrivain
éminent, qui vient de recevoir le Prix Nobel, s'intéresse en effet aux
sciences psychiques ainsi qu'à la philosophie et ne nous a pas caché
la haute vénération qu'il éprouve à l'endroit de Swedenborg. Lui aussi
fait dépendre l'initiation de ce dernier de la qualité de ses travaux anté­
rieurs. A son avis, tout mouvement poussé à beut dans une direction
donnée, engendre en fin dé compte Lill mouvement contraire. Les extrê­
mes se touchent parce qu'ils s'engendrent. C'est ainsi, par exemple,
qu'une extrême objectivité fait place à une subjectivité intégrale. Le cas
de Swedenborg en est un exemple frappant. Ayant poussé à fond sa
familiarité avec le monde extérieur, il vit finalement s'ouvrir en lui les
portes du monde intérieur. Nous sommes entièrement d'acord avec
Yeats sur ce point, à condition que le processus soit comparé à un phé­
nomène d'induction, plutôt qu'au rebondissement d'une balle élastique.
(2) c Comme les doctrines physiques de Swedenborg constituent la
réconciliation ou l'unification de la philosophie et de la science, on peut
désigner ses œuvres (non-théologiques) indifféremment d'après chacun
de ces deux termes. Que l'on se souvienne seulement, qu'elles ne sont
LE LIMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 127

holm. Il s'agit avant tout d'une question de méthode. Swe-


denborg, ne l'oublions pas, est le seul penseur qui nOlis ait
fourni un outillage philosophique, ainsi qu'une méthode
d'investigation rationnelle, basés sur l'essence même de
l'ordre, tel qu'il se manifeste dans la nature elle-même. Grâce
au novum organum imaginé et utilisé par notre auteur, il :nous
sera possible de découvrir la trame spirituelle qui se cache
sous le dédale apparent de contingences matérielles, et
d'atteindre la sphère des causes derrière celle des effets.
Swedenborg nous apprend - non seulement théorique-
ment, mais surtout pratiquement - comment on peut pas-
ser de la circonférence au centre, par induction a posteriori
ad priora, pour parcourir ensuite le chemin contraire, dé-
ductivement a priori ad posteriora. Il nous a démontré la
valeur pratique et le rendement positif de ces deux métho-
des (1), lorsqu'elles sont maniées par un esprit moulé lui-
même, en quelque sorte, sur le modèle de l'Ordre Universel.
Dans de telles conditions c l'esprit humain est philosophique
de sa propre nature » (2). En étudiant les principaux aspects
de l'Ordre, que Swedenborg nous montre inscrit partout,
dans le macrocosme comme dans le microcosme, nous ar-

pas philosophiques pour peu que l'on considère la philosophie comme


étant indépendante de la science, ni scientifiques pour autant que la
science n'est pas autorisée à recevoir lumière et vie d'une véritable phi-
losophie. " Dr Wilkinson: préface à l'Œcon. Reg. An. p. X.
c Les sciences empiriques, dit Swedenborg, ne nous fournissent pas
autre chose que des matériaux et des instruments, tandis que les scien-
ces théoriques nous procurent les lois et les règles suivant lesquelles
nous devons travailler. Ces dernières sont en quelque sorte architecto-
niques, et nous enseignent comment arranger en ordre convenable les
matériaux fournis par les données de l'expérience. Il n'y a, cependant,
aucune science, pratique ou théorique, qui n'ait pas dû tirer ses élé-
ments de la nature et du monde physique: les sciences n'en sont que
des descriptions et en quelque sorte des types." Reg. An. No 461 (m).
(1) Cf. le prologue du Règne Animal, où Swedenborg discute longue-
ment et avec une rare pénétration des mérites respectifs des méthodes
analytique et synthétique.
(2) Œc. Reg. An. Il § 21 1, 212; Reg. An. § 491.
128 LE SPIRITISME PHYSIQUE

riverons peu à peu à imposer à notre mental cette discipline


à laquelle la nature est elle-même soumise, et alors l'enchaî­
nement des causes et des effets se révèlera à nous sponta­
nément, pour ainsi dire. Comme le Dr Wilkinson le fait si
justement remarquer, « Swedenborg seul a proposé une
science constituée de principes qui sont physiques, en quel­
que sorte, dans l'univers physique, et philosophiques dans
l'esprit de l'homme, principes grâce auxquels nous pouvons
passer et repasser d'un de ces domaines à l'autre, de ma­
nière à pouvoir contempler la fin de la création en con­
nexion avec les moyens, et vice versa. La méthode ascen­
dante de Bacon et la méthode descendante d'Aristote, sont
en effet toutes deux réalisées par Swedenborg, et, étant
reliées l'une à l'autre à chaque extrémité, elles forment une
spirale légitime et sans cesse élargie, évoluant des sens
vers l'esprit, et de l'esprit vers les sens.» (1)
Il Y aurait évidemment beaucoup de choses à dire sur la
haute valeur philosophique des ouvrages scientifiques de
Swedenborg. Ils seront, sauf erreur, appelés à jouer un rôle
considérable dans la formation philosophique de nos futurs
savants. Leur influence pourrait même devenir profonde sur
l'avenir de la pensée humaine.
Ce jugement paraîtra peut-être trop enthousiaste, pour ne
pas dire trop audacieux. Nous n'en disconvenons pas. Il
nous eût sans doute étonné nous-même, à l'époque encore
récente où les travaux en question nous étaient inconnus.
Aujourd'hui, notre opinion est faite et nous parlons en con­
naissance de cause. Ajoutons - pourquoi ne pas l'avouer­
que pour partager cette manière de voir, il faut posséder
une mentalité quelque peu particulière, une mentalité en­
core assez peu répandue à l'heure actuelle, mais que nous
aurons sans doute l'occasion de rencontrer de plus en plus
souvent, à mesure que l'on ressentira toujours d'avantage
le besoin - ou plutôt la nécessité - de ramener à un en­
semble de lois homogènes les faits tant spirituels que natu­
(1) Dr J. ,. Wilkinson: préface à l'Economie du Règne Animal.
LE liMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 129

reIs que l'on persiste à tort à opposer systématiquement


les uns aux autres, sous prétexte d'incompatibilité et d'an­
tinomie.
Notre jugement n'est pas celui de l'homme de science
pur, uniquement à l'affut de faits nouveaux. En effet, Swe­
denborg, mal servi par la science comparativement peu dé­
veloppée de son siècle, ne saurait, malgré ses géniales an­
ticipations, compter comme une autorité scientifique, dans
le sens moderne de ce terme. Notre jugement est plutôt
celui du philosophe soucieux d'assimiler, en une synthèse
vivante et progressive, les matériaux accumulés par la
science. A ce point de vue, la philosophie de l'illustre aca­
démicien de Stockholm mérite un éloge sans réserve. De
l'avis unanime de tous ceux qui se sont donnés la peine de
l'étudier sérieusement, cette philosophie constitue, dans l'en­
semble de ses doctrines générales et de ses principes univer­
sels, «l'instrument le plus efficace que nous possédions pour
réconcilier entre elles la science et la religion ", c'est-à­
dire les choses de la matière et les choses de l'esprit. En
effet, Swedenborg consipère ces deux domaines comme fai­
sant un, comme faisant un, non pas grâce à un mélange
inopérant et détestable, mais en vertu d'une obéissance
commune, bien que distincte, à une loi unique. Cette unité
foncière, qui subsiste au sein du distinct (impliquant le de­
gré discret, c'est-à-dire la subordination ontologique, l'inter­
dépendance intrinsèque et la. coexistence nécessaire des
plans distincts) est la clef de voCHe de l'œuvre tant philo­
sophique-scientifique que théologique de Swedenborg.
Aussi, en le prenant pour guide, pourrons-nous méditer au
sujet du domaine réputé inaccessible de l'esprit, sans jamais
. perdre pied, ou plutôt perdre contact, avec les réalités tan­
gibles. Grâce à Swedenborg, les hommes sauront enfin
avancer d'un pas sOr et mesuré et penser avec logique et
bon sens là où, avant lui, l'on se contentait de c matagrabo­
liser> à qui mieux mieux, pour parler comme ce bon Ra­
blais! Conscient de l'homonomie, certain de l'unité de la loi qui
130 LE SPIRITISME PHYSIQUE

régit les plans discrets de l'esprit et de la matière, Sweden­


borg pensait que l'étude du corps devait forcément nous ini­
tier aux mystères de l'âme, et l'observation de l'univers visi­
ble nous instruire au sujet du monde suprasensible. «11 est
incontestable nous dit-il, que nous avons le droit de nous
livrer, d'après les sens, à des déductions concernant l'âme;
que nous sommes autorisés, d'après les vibrations grossiè­
res à conclure par déduction au sujet des vibrations plus
subtiles, car la nature est toujours semblable à elle-même.
Aussi est-ce par les sens que nous serons le mieux instruits
de ce qu'est l'âme, et, par l'examen de leur organisme, que
nous serons le miemr. renseignés au sujet de celui de
l'âme ". (1)
Nous sommes à tel point convaincus de la valeur unique,
et par conséquent de l'utilité pratique, de l'œuvre philoso­
phique et scientifique ctu penseur scandinave, que nous
n'hésitons pas à en recommander chaudement l'étude même
- ou plutôt surtout - aux adeptes du néovitalisme de
l'école de Driesch (2) et aux pertisans de la physiologie dite
supranormale, dont J'apôtre principal est le Dr Geley (3).
Comme Swedenborg, ces auteurs scrutent le terrain des
faits connus ou contrôlables, pour en dégager la «philoso­
phie de l'organisme»; car, en effet, l'entéléchie de Driesch
(1) Swedenborg: Psychologie Virbatoire § 39. Manuscrits photolitho­
graphiés, III p. 102-136 traduits en anglais par M. E. E. Junge­
rich, professeur à l'Académie de la Nouvelle Eglise à Bryn-Athyn,
sous ce titre: A Psychology of Tremulations, based on the Apothegms
of Christian Wolf. (En corrigeant les épreuves, nous apprenons que le
prof. Acton a publié cet ouvrage sous le titre de Psychologica, après
en avoir remanié la traduction).
Le prof. Henry Drummond, influencé par Swedenborg, dont il cite
l'Economie du Règne Animal, a reconnu la justesse du principe indi­
qué ci-dessus et nous en a exposé l'application dans un traité, désor­
mais classique, qui a pour titre: Natural Law in the Spiritual World
(la loi naturelle dans le monde spirituel).
(2) Prof. H. Driesch: La Philosophie de l'Organisme. Bibliothèque
de philosophie expérimentale. Paris 1921.
(3) Dr G. Geley: L'Etre Subconscient, Alcan,Paris 1919 et De l'In­
conscient au Conscient, 1920
LÉ LIMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 131

et le dynamo-psychisme de Geley sont des concepts philo­


sophiques plutôt que scientifiques, qui se rapprochent d'ail­
leurs assez de la conception psycho-mécanique de «l'âme»
ou du «fluidum spirituosum» que nous rencontrons dans les
ouvrages savants de Swedenborg.
Tout le monde est d'accord pour laisser la parole aux
faits, pour leur faire racconter leur propre histoire et leur
permettre de déposer librement leur témoignage vierge.
C'est déjà quelque chose; c'est même beaucoup! Mais ce
n'est pas tout! En Poffet, l'éloquence de ces faits sacro-saints
ne serait-elle pas infiniment plus grande, si les érudits sa­
vaient leur assigner, d'une main sOre, les places qui leur re­
viennent respectivement dans «la subordination des cho­
ses, et la coordination des choses subordonnées ", comme
dit Swedenborg? Isolé, un fait ne saurait guère attester
autre chose que sa propre existence. Dès que l'on rappro- .
che les uns des autres un certain nombre de faits, ils peu­
vent déjà s'expliquer mutuellement, pour autant que leur
disposition particulière contient la réponse à la question
comment. Mais leur véritable pourquoi n'apparaît que dans
la finalité que révèle le côté rationnel de leur dispo­
sition ordonnée. Aussi devons-nous «parcourir les ordres
et les degrés des choses, si, de la sphère des effets,
nous désirons atteindre celle des causes, voire même la dé­
passer.» (1)
Les sciences modernes devraient s'intéresser aux métho­
des d'investigation et aux principes philosophiques qui per­
mirent à Swedenborg de progresser d'une manière aussi
remarquable sur le sentier des plus hautes vérités. Avec la
masse imposante des connaissances précises dont elle dis­
pose actuellement, la science pourrait certainement accom­
plir des progrès théoriques considérables et défricher un
terrain encore entièrement vierge. Elle trouverait le moyen
alors de serrer de plus en plus près la réalité qui, actuelle­
ment, semble au contraire lui échapper toujours davantage.
(1) Swedenborg: CEe. Regn. An., 1 67.
132 LE SPIRITISME PHYSIQUE

En effet, nos savants paraissent prendre plaisir à se perdre


dans le dédale, de plus en plus embrouillé, des divisions
indéfinies qu'engendre, quand elle n'est pas contrebalancée,
l'analyse dissolvante. Ce qu'il s'agit d'obtenir, c'est que la
synthèse devienne, elle aussi, scientifique, de façon à pou­
voir compléter l'analyse, dont elle devra corriger le témoi­
gnage. Une minerve, ayant deux bons yeux, est, en effet,
un guide plus sUr à suivre sur les sentiers de la sagesse,
qu'un cyclope à l'œil unique, même s'il porte un monocle.
Nul plus que l'auteur de ces lignes ne reconnaît d'ailleurs
l'utilité de la discipline scientifique, basée toute entière sur la
valeur de la méthode expérimentale, et personne n'est moins
disposé que nous à proclamer que «la science n'est que le
catalogue de nos ignorances". Toutefois, nous pensons
que, sous peine de se voir à tout jamais exclue de certains
domaines, celle-ci devra forcément s'adapter aux nécessités
logiques et accepter, en connaissance de cause, l'aide a~
facultés dont on n'a pas encore su, ou voulu, tirer parti pour
la recherche scientifique. Pourquoi n'y aurait-il pas une cer­
titude métaphysique, basée sur les éléments de certitude,
renfermés dans les opérations mentales qu'impliquent les
sciences théoriques? En d~rnière analyse, la certitude hu­
maine est toujours une affaire d'intuition pure; car l'intui­
tion est le nec plus ultra de nos facultés, en même temps
que le représentant de l'absolu dans notre esprit. Les scien­
ces théoriques, basées sur les données de l'intuition, notam­
ment sur la logique, devraient donc être considérées comme
légitimes et nécessaires; car, comme le dit Swedenborg,
«les sciences empiriques ne nous fournissent pas autre
chose que des matériaux et des instruments, tandis que les
sciences théoriques nous procurent les lois et les règles
suivant lesquelles nous devons travailler. Ces dernières
sont en quelque sorte architectoniques, et nous enseignent
comment arranger en ordre convenable les matériaux four­
nis par les données de l'expérience", (1) Nous trouvons la
(1) Règn. An. § 461 (m).
LE LIMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 133

même idée dans Malebranche: «II est tout à fait évident,


nous dit-il, que nul ne saurait apprendre clairement et dis­
tinctement les phénomènes particuliers de la physique (ou
de l'histoire naturelle) à moins d'en connaître les principes
généraux et d'en arriver également à la métaphysique ». (1)
Malheureusement, la plupart des savants semblent persua­
dés du contraire et n'ont pas assez de mots pour décrier la
métaphysique ou les sciences théoriques. Ce qu'ils veulent,
c'est l'analyse pure et simple, la recherche indéfinie de
l'antécédent, la division sans fin. Malheureusement, l'on
peut affirmer sans paradoxe que plus la science divise pour
connaître, moins elle connaît ce qu'elle divise; car, s'il est
vrai que l'on peut toujours retrouver dans le plus complexe
les lois qui régissent le plus simple dont il est composé, il
n'en est pas moins vrai que l'on ne pourra jamais décou­
vrir dans le simple la cause du complexe auquel il sert de
point de départ. Ce n'est pas parce que la cause précède
invariablement l'effet, qu'un rapport de séquence invariable
doive toujours être pris pour une relation causale.
Post hoc ergo propter hoc constitué un raisonnement
simpliste dont on se contente trop souvent, hélas, et qui
dénote chez ceux qui en abusent une fâcheuse indigence
philosophique. Sans vouloir enfoncer une porte ouverte,
nous désirons cependant faire clairement ressortir combien
il est dangereux d'expliquer le plus uniquement par le moins,
comme tant de savants cherchent à le faire. En effet, divi­
ser le plus pour le ramener au moins, cela revient, la plu­
part du temps, à rechercher un rapport de séquence pur et
simple, dans l'intention, avouée ou secrète, de le transfor­
mer ensuite en une véritable relation de cause à effet. Il
est en effet bien difficile de se libérer l'esprit de cette ar­

(1) Malebranche: De Veritate, L l, P. Il, C. IX.


C'est également l'impression très nette qui se dégage des ouvrages
de philosophie scientifique du grand Henri Poincaré, notamment de ses
livres intitulés La Science et l'Hypothèse, la Valeur de la Science, et
Science et Méthode.
134 LE SPIRITiSME PHYSIQUÉ

rière-pensée, souvent inconsciente, qu'engendre le sédui­


sant post hoc propter hoc.
Rechercher l'unité dans la simplicité et s'efforcer d'attein­
dre cette simplicité par la division, voilà l'erreur philosophi­
que commettent tous, ou presque tous, les penseurs natura­
listes, dès qu'ils méditent sur le problème des causes.
S'ils connaissaient Swedenborg, ils prendraient garde sans
doute de ne pas tomber dans de pareilles aberrations, car
ils sauraient sur quelles illusions grossières elles reposent.
Swedenborg, en effet, ne cesse de mettre en évidence ce
principe que l'unité ne réside pas dans la simplicité, mais
qu'elle coéxiste, au contraire, avec la complexité, dont elle
est inséparable. Comme le dit M. Warrain, c l'œuvre de la
vie réalise une opération esthétique où l'unité synthétique
s'établit au sein d'une pluralité homogène, qu'elle classifie
pour solidari::;er les éléments et évanouir la quantité dans
la qualité» (1). L'unité dans le simple équivaudrait au néant.
La raison, la voici: c'est que dans notre monde relatif ({ il
ne saurait jamais y avoir d'unité absolue, mais seulement
une unité harmonique. Tel1e est l'harmonie, tel1e est l'uni­
té.» (Diarium 2016).
De même aussi que l'unité ne subsiste point dans la sim­
plicité, la simplicité ne réside pas non plus dans la division
poussée à son extrême. ({ Sachez, dit Swedenborg, que tout ce
qui est divisé devient de plus en plus multiple et non pas
de plus en plus simple, car ce qui est sans cesse divisé ap­
proche de plus en plus près ,de l'infini où toutes choses sont
infiniment. Je vous l'assure, bien que ce soit une chose
nouvelle, inconnue jusqu'ici.» (Am. Conj. 329. Voir aussi A.
C.6614).
Mais il est encore un autre sens dans lequel le simple
(ou ce qui nous paraît tel) doit être considéré réellement
comme plus merveilleux que le complexe. A mesure que
nous atteignons les unités apparamment de plus en plus
simples (en réalité de plus en plus complexes, voir ci-des-'
(1) Warrain': L'Espace, p. 8, Paris 1907, fischbacher.
\

LE lJMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 135

sus) et que\Jlous nous rapprochons ainsi de rinfini, d'où


tout émane, n~us pénétrons dans un milieu qu'en langage
ordinaire nous 'pourrions appeler simple et homogène. Ce
milieu sera cependant le plus merveilleusement complexe
qu'il nous soit donné de concevoir, puisque, placé à la fron­
tière même de l'infini, il est en quelque sorte «l'eau mère»
où se forment et se cristallisent successivement tous les
phénoménes, quels qu'ils soient, dans leur diversité et leur
multiplicité indéfinies. Si, en vertu de sa plasticité infinie,
l'on considère ce milieu comme étant en quelque sorte la
sphère efficiente de l'Imagination Créatrice de Dieu, l'on
concevra sans peine pourquoi le «simple» est plus parfait
que le multiple et comment la plus stupéfiante complexité
règne dans les sphères sereines de ce qui nous apparaît, au
contraire, comme l'uniformité. (1).
Swedenborg peut, lui, se permettre d'expliquer le «plus»
par le «moins» parce qu'il considère que le nombre des
merveilles, ainsi que l'universalité des unités augmentent à
mesure que l'on pénètre, par la division, dans l'intime des
choses.
En effet, l'on est alors sur le chemin de l'Infini, de la
Cause Première, qui ne saurait être simple, attendu qu'elle
contient en son sein le tout de l'ensemble de ses effets. En
dehors d'une telle philosophie, rechercher le pourquoi du
« plus» dans le «moins» serait se livrer à une tentative en­
tièrement vaine! (2).
Encore un mot, et nous aurons terminé cette longue pa­
renthèse.
Tout ce qui précède ne signifie pas, bien entendu, que
la science doive changer de méthode dans l'investigation
des faits. Sans expérimentation et sans la fragmentation
inhérente à l'analyse, aucune science exacte ne serait pos­
sible et la philosophie perdrait sa base indispensable et son
point d'appui le plus sûr. Nos observations ne s'appliquent
(1) Voir la Note importante à la fin de ce paragraphe.
(2) Voir la note p. 123.
136 LÊ SPIRITISME PHYSIQUe

légitimement à la science, que dans la mesure où celle-ci


quitte le terrain des faits objectifs, pour s'aventurer dans
des explications ontologiques ou se livrer à des essais de
synthèse.
Quand l'heure sonnera où des cerveaux puissants tente­
ront cette synthèse inévitable des connaissances humaines,
l'on entendra certainement parler d'Emmanuel Swedenborg.
En effet, «nos livres sont faux parce qu'ils sont fragmentai­
res, mais Swedenborg est systématique et chacune de ses
phrases concerne le monde entier » (l).
Note importante: Pour démontrer l'action d'un principe
idéoplastique au cours de l'évolution cosmique, nous avons
insisté aux pages 121 à 125 sur le caractère simple et
uniforme du milieu impondérable qui constitue la source
physique de notre univers différencié.
Ceci paraît contredire l'affirmation suivant laquelle plus
on divise, plus on atteint des unités complexes. Quelques
paroles d'explication ne seront pas hors de place ici. Le
lecteur ingénieux suppléera d'ailleurs, par son imagination
et son intuition, à la briéveté inévitable des quelques re­
marques qui vont suivre.
Comment concevoir l'unité composante comme étant
à la fois plus et moins complexe que l'ensemble com­
posé? Tel est le problème. Mais, en réalité, rien n'est
plus facile à résoudre que ce problème, en apparence si
paradoxal. Il suffit de ne pas confondre les deux ordres
distincts dans lesquels ces affirmations sont respectivement
vraies. Alors le sens relatif des expressions simplicité, unité,
multiplicité se révèlera spontanément d'une manière pré­
cise. En effet, pour que la relativité inhérente à ces ter­
mes ait néanmoins une signification claire et définie, il faut
qu'elle se détache sur le fond en quelque sorte absolu d'un
système de référence fixe. Dans le cas présent, nous avons
le choix entre deux systèmes, correspondant respective­
ment aux deux ordres qui coéxistent en toutes choses,
(1) Emerson: Loc. cït.
LE UMBE - LA PHILOSOPHIE DE SWEDENBORG 137

mals qu'il faut néanmoins se garder de confondre. Nous


nous trouvons de nouveau en face de cette sorte de sec­
tion d'or qui partage partout la réalité en degrés continus
et en degrés .discrets, impliquant la coéxistance né­
cessaire et universelle du relatif et de l'absolu.
Si. nous prenons pour système de référence les degrés
continus ou degrés d'extension, il est évident que
par la division nous passons du complexe au simple,
parce que dans ce système le tout est nécessairement
- et par définition - plus complexe que la partie.
Mais si nous transformons ce système, en y ajoutant .ce
qu'on pourrait appeler un nouvel axe de coordonnées, cor­
respondant aux degrés d'ascension ou degrés discrets,
alors nous constaterons que, si l'unité d'une série homo­
gène est simple par rapport à tous ses degrés d'extension,
elle devient complexe par rappport à ses degrés d'ascension.
(Voir au sujet de la différence entre ces deux sortes de
degrés les pages 96 et suivantes). En effet, si nous consi­
dérons successivement les degrés discrets, nous constate­
rons un fait bien suggestif: c'est que le complexe ou le
multiple du degré supérieur devient chaque fois l'unité ou le
simple du degré inférieur. Il en résulte le phénomène sui­
vant, savoir qu'en opérant par division sur une seule et
même série homogène, sur un seul et même plan d'exten­
sion continu, nous allons du complexe au simple; c'est à
dire de l'ensemble à l'unité, tandis qu'en quittant, au con­
traire, cette série pour atteindre la série antérieure et inté­
rieure ou le plan d'extension supérieur d'un degré discret,
nous rencontrons une complexité sans cesse croissante.
Prenons un exemple (réduit à sa plus simple expression) :
Voici un atome matériel. Nous pouvons le considérer par
rapport à deux plans discrets, à deux séries d'extensions,
discontinues, mais superposées en quelque sorte. Ces plans
~ont celui de la matière et celui de ('électricité (l'électricité
étant la cause immédiate de la matière). En vertu de ce qui
précède, l'atome est complexe sur le plan électrique, mais
138 LE SPIRITISME PHYSIQUE

simple sur le plan matériel. Par rapport à la série supé­


rieure, il est un petit système solaire, minuscule mais très
complexe, un composé de protons et d'électrons, tandis
que, par rapport à la série inférieure, il est l'unité maté­
rielle qu'il est impossible de simplifier: l'a-tome (ou l'indivi­
sible). Il est le commencement simple de cette série-ci, en
même temps que l'aboutissement complexe de celle-là.
Conclusion: En subdivisant une série homogène et con­
tinue, on atteint finalement son unité simple. Si l'on pro­
cède plus loin, et que l'on dissocie cette unité elle-même,
l'on pénètre dans un monde nouveau, dans une sé~ie supé­
rieure et plus intérieure, totalement différente de la précé­
dente, où la simplicité, apparemment atteinte précédem­
ment, se transforme en une complexité prodigieuse. Vo.ilà
pourquoi il est légitime de considérer l'unité composante à
la fois comme plus simple et comme plus complexe que
l'ensemble composé; plus simple en vertu des degrés con­
tinus; plus complexe, en vertu des degrés discrets. Qu'on
ne nous accuse donc pas de nous contredire. La « Doctrine
des formes» de Swédenborg (cf. De Fibra § 261-273) expose
la complexité croissante des mouvements géométriques
auxquels obéissent les diverses unités, à mesure qu'on pé­
nètre vers l'intérieur, vers l'infini. Chaque plan discret à sa
forme type, d'autant plus parfaite géométriquement qu'il
est plus élevé ou plus intérieur. La doctrine des séries, des
degrés et des formes constitue un tout invisible, qui éclai­
rera celui qui aura réussi à se rendre maître de ses diffi­
cultés.
Et maintenant quittons ces parages arides, où nous nous
excusons d'avoir entrainé si loin le lecteur patient, et reve­
nons, après ce long détour, à nos moutons, ou plutôt à no­
tre limbe.
DÉFINITION DU LIMBE 139

De l'intermédiaire entre l'âme et le corps

Définition du limbe.

Le lecteur a pu constater, d'après les passages que nous


avons cités plus haut à propos du limbe, combien sont pré­
caires les données que nous fournissent les Ecrits théolo­
giques de Swedenborg au sujet de cet organisme qui
r.onstitue le mur mitoyen, ou plutôt la cloison osmotique,
entre l'âme et le corps. Ces renseignements n'en possèdent
pas moins une valeur fondamentale, décisive. Ils nous per­
mettent, en effet, malgré leur caractère plutôt vague, de
tracer, avec une rigueur absolue, les limites précises de cet
organisme intermédiaire, organisme qu'ils nous font con­
naître dans ses attributions générales, sans toutefois en
détailler la nature exacte. On peut donc dire que ces ren­
seignements sont suffisants. sans être complets; suffisants
pour l'étude du limbe dans ses rapports avec notre esprit
désincarné, mais néanmoins incomplets, parce qu'ils passent
presque entièrement sous silence les relations intimes qu'il
entretient avec notre corps, durant notre vie charnelle. Par
bonheur cette lacune se trouve comblée par les informations
détaillées que notre philosophe a semées à profusion dans
ses nombreux traités philosophiques.
C'est en vain, il est vrai, qu'on chercherait le mot limbe
dans les travaux scientifiques de Swedenborg. Mais à dé­
faut du terme, on y trouvera la chose; la même chose sous
un autre nom, voire sous plusieurs autres noms. Notre pen­
seur, lancé à la poursuite de Psyché, y scrute avec patience,
et sous ses multiples aspects, le «mécanisme du commerce
entre l'âme et le corps ».
Le limbe étant précisément le médium entre le spirituel et
le naturel (O. S. post. VIII 4.), il s'en suit qu'il est aussi
- par définition - l'agent de leur «commerce» mutueL
i40 LE SPIRITISME PHYSIQUE

La logique nous contraint donc d'appliquer au limbe des


Ecrits théologiques de notre auteur, tout ce que les ouvra­
ges scientifiques de ce dernier enseignent au sujet des
substances intermédiaires entre l'esprit et la chair ou des
forces médiatrices qui relient les énergies psychiques aux
énergies physiques.
Nous nous servirons donc du terme limbe indifféremment,
soit pour désigner l'enveloppe subtile qui recouvre notre
corps spirituel, telle que nous la présentent les Ecrits théo­
logiques de notre voyant, soit pour caractériser l'agent
dynamique et morphogénique que Swedenborg nous décrit
dans ses traités savants comme étant « l'âme physique» de
notre économie animale. Ainsi, il devient un fait patent,
indiscutable, que dans la double série de ses ouvrages,
Swedenborg a traité d'une seule et même réalité sous deux
aspects complémentaires, mais différents, suivant qu'il la
considérait dans ses rapports avec l'âme, ou dans ses rap­
ports avec le corps.
Afin de ne pas nous fourvoyer dans de regrettables er·
reurs, ou de' ne pas altérer le sens précis que les Ecrits
théologiques de Swedenborg attachent au mot limbe, nous
commencerons par imposer d'emblée des limites infranchis­
sables à ce terrain vague. Ce sera le meilleur moyen d'en
éviter les brumes. Ces frontières comportent un double
tracé: une limite supérieure et un confin inférieur. La zône
intermédiaire, ainsi isolée, constitue à proprement parler le
sujet actuel de notre investigation.

Délimitation du Limbe.
Par définition, la frontière supérieure doit être placée à
l'endroit précis où commence l'âme, et la limite inférieure
là où commence le corps charnel. Ces limites acquièrent
tout leur sens si l'on s'en tient au double critère que voici:
a) Critère pour fixer la frontière supérieure:
Le limbe est physique. En effet. les Ecrits théologiques nous
enseignent qu'il provient des intimes de la nature (O. S.
DÉLIMITATION DU LIMBE 141

post. VIII 4. - V. R. C. 103); qu'il est d'essence naturelle (S.


A. 257), étant tiré des substances les plus subtiles du
monde (S. A. 388) ou de la nature (O. P. 2(0).
L'âme étant, au contraire, «composée des choses qui
sont dans le monde spirituel », il est de toute évidence que
la frontière entre le limbe et l'âme coïncide exactement avec
celle qui sépare le monde naturel du monde spirituel, ou, si
l'on préfère, le monde des causes du monde des effets.
b) Critère pour déterminer la limite inférieure:
Le limbe, bien que physique de nature, survit à la mort du
corps. En effet, il est «adhérent à l'esprit» (C. E. 501) étant
composé des substances naturelles «les plus proches des spi­
rituels» (O. P. 220). Au trépas, il se dégage du cadavre pour
rester définitivement annexé au corps spirituel, dont il cons­
titue « l'enveloppe cutanée» subtile (S. A. 257) (1) Ce fait nous
permet de situer le limbe parmi les substances invisibles et
les forces plus subtiles de la nature. Il doit se trouver sur
ce plan physique où la matière n'existe que sous forme
d'énergie. C'est donc 1,1n dynamosôme plutôt qu'un aéro­
sôme.
En résumé, nous n'avons à nous inquiéter que de deux
choses: c'est de n'empiéter ni sur le domaine de l'esprit ni
sur celui de la chair. Ce sera facile, si nous ne perdons pas
de vue d'une part le degré discrer qui sépare le monde
des causes du monde des effets, et d'autre part le phéno­
mène de la mort qui résoud, d'une manière naturelle, le par­
tage entre les substances physiques qui appartiennent au
limbe et celles qui appartiennent au corps proprement dit.

(1) D'après la doctrine des degrés discrets, extérieur est :>ynonyme


d'inférieur quand il s'agit de substances discontinues. L'enveloppe cu­
tanée ou périphérique de notre corps spirituel est constituée ici·bas
par notre organisme physique tout entier, mais, après la mort, seule·
ment par le limbe.
142 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Parenthèse sur la valeur des hypothèses


swédenborgiennes.

Quelques lecteurs trouveront regrettable peut-être qu'il


faille recourir aux Ecrits scientifiques de notre philosophe
pour élucider un problème aussi important que celui du
rôle ante mortem du limbe. Puiser à pareille source, c'est,
à leur avis, renoncer d'avance à tout espèce de certitude.
Ces ouvrages ne datent-ils pas en effet d'une époque où
leur auteur était encore privé des lumières dont il fut gra­
tifié plus tard, par l'ouverture de ses sens spirituels?
A cela nous pouvons répondre: 1) que l'existence et le
rôle du limbe dans notre économie animale ne sont pas des
questions de théologie, mais des questions de biologie, tout
au plus des questions de philosophie; 2) que Swedenborg
fut préparé depuis son enfance pour sa mission de révéla­
teur, mission qui fut presqu'uniquement intellectuelle;
3) que chez lui, le révélateur se trouve d'accord avec le
philosophe et le savant et 4) que l'observation et l'expéri­
mentation scientifiques, dans les limites 011 elles se montrè­
rent possibles jusqu'à présent, ont confirmé ses dires d'une
manière frappante.
1) L'expérience nous montre que la Révélation ne dé­
voile jamais aux hommes ce qu'ils sont en mesure de dé­
couvrir par eux-mêmes. Comme le "Prophète du Nord" ne
souffle mot des usages du limbe avant la mort, il faut
croire que c'est là un sujet qu'il avait déjà élucidé en tant
que savant, ou tout au moins que c'est un sujet qui peut
l'être à l'aide de l'analyse scientifique et de l'induction
philosophique. Admettons donc comme prouvé que les
hommes peuvent se tirer d'affaire tous seuls en cette ma­
tière.
2) Il faut que les vérités scientifiques servent de bases
aux vérités religieuses, du moins si ces dernières doivent
être perçues rationnellement. Or, comme ce fut le propre
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 143

des révélations de Swedenborg d'être rationnelles, il est à


présumer que son éducation et son évolution scientifique
ne furent, ni l'œuvre du hasard, ni l'expression d"une er­
reur systématique. Le vin de la nouvelle révélatiol) fut cer­
tainement versé dans des outres neuves, cousues exprès
dans ce but. Voilà ce qu'on peut dire a priori.
3) Une étude, même superficielle, des œuvres scientifi­
ques de notre auteur, nous convaincra a posteriori que nos
présomptions sont bien fondées. Elles sont de plus en plus
confirmées par les faits ... L'accord est vraiment étonnant
entre notre voyant et notre savant. Notre intention, à ce
propos, n'est naturellement pas d'ériger cette proposition
en dogme rigide et absolu. Il convient au contraire de lui
conférer un degré d'élasticité suffisant pour la mettre à
l'abri des démentis qu'il ne serait évidemment pas difficile
de multiplier sur certains Doints de détail. C'est précisé­
ment pour cette raison que nous ne saurions partager l'avis
de ces lecteurs trop enthousiastes de Swedenborg qui,
dans leur ferveur quelque peu exaltée, prétendent retrou­
ver toute la doctrine dl! théologien dans l'œuvre du savant.
Encore moins approuvons-nous l'audace de ceux qu'un
zèle exagéré et déplacé pousse à réclamer pour le compte
des ouvrages scientifiques de notre auteur une inspiration
surnaturelle, entraînant après elle une sorte d'infaillibilité!
On ne saurait, sans se contredire, parler de "sciences ré­
vélée"!
N'était-ce pas Renan qui s'irritait de voir certains apolo­
gistes " solliciter les textes au point de leur faire dire ce
qu'ils ne disent pas"? - Gardons-nous donc de prêter le
flanc à des critiques de ce genre. N'exagérons pas la portée
et n'amplifions pas la signification des étonnantes anticipa­
tiolls scientifiques ou théologiques qui se trouvent à profu­
sion dans l'œuvre philosophique de Swedenborg. Telles
quelles, ces anticipations frappent d'étonnement nos érudit~
contemporains; leur éclat ne saurait être rehaussé par des
exagérations outrées. Si l'on s'étonne de nos éloges, que,
144 LE SPIRITISME PHYSIQUE

du moins, l'on ne soupçonne pas notre bonne foi! N'ou­


blions pas que dans De Anima, l'ouvrage par lequel notre
penseur termina la longue série de ses travaux scientifi­
ques, nous trouvons l'aveu suivant, qui montre bien avec
quel effacement Swédenborg considérait ses propres méri­
tes: "Peut-être, jit-il, rirons-nous, quand nous vivrons
nous-même comme des âmes au souvenir des choses que,
sur terre, nous avions imaginées d'une manière aussi en­
fantine" - Toutefois, il serait profondément injuste de
nous saisir de la grande modestie de notre auteur comme
d'un prétexte pour dénigrer la valeur de ses spéculations
philosophiques. II est fort possible que Swédenborg ait ri,
une fois devenu citoyen de l'autre monde, au souvenir de
telle ou telle supposition à laquelle son esprit inventif
s'était livré ici-bas, mais son rire a sans aucun doute trouvé
sa contre-partie dans le sentiment de joie mêlée d'étonne­
ment qu'il a dû éprouver, en constatant combien les réalités
nouvelles correspondaient à ses anticipations théoriques. II
se peut même, qu'oubliant un moment sa modestie innée,
il ait pris à son propre compte ces célèbres vers, où
Horace s'écrie avec orgueil:
Exegi monumentum aT!re perennius
Regalique situ pyramidum altius,
Quod non imber edax, non Aquilo impotens
Possit diruere aut innumerabilis
Annorum series et Juga temporum.
Carmina Ill. XXx.

Supposons, un instant, qu'à la fin de ses jours, notre


philosophe ait voulu remanier ses œuvres scientifiques, en
vue d'une nouvelle édition. On serait alors en droit de
se demander si, après son extraordinaire introduction
dans le monde spirituel, introduction qui permit à son es­
prit de se familiariser avec la sphère des causes, il n'au­
rait pas franchement modifié ses points de vue précé­
dents. C'est là soulever une question intéressante, mais
qui n'a rien de troublant. II est, en effet, à présumer que,
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 145

prodigieusement enrichi intellectuellement par son expé­


rience de réalités supérieures, il eût modifié quelques-unes
de ses conclusions antérieures (peut-être même au point
de les rendre parfois méconnaissables); mais il n'en est pas
moins certain - nous en avons la preuve dans ses Ecrits
théologiques - qu'il n'aurait nullement renié, pour cela,
-cette armature philosophique, dans laquelle réside le prin­
cipal mérite de ses publications savantes. L'expérience
personnelle l'ayant instruit des choses de l'âme, il eût fait
ce qu'il ferait aujourd'hui dans d'autres domaines, s'il était
au courant des plus récentes acquisitions de la science mo­
,Jerne: il eût revisé les faits, sans toucher aux principes.
En effet, de même que les faits connus par nos savants
-contemporains s'accordent mieux - infiniment mieux ­
avec la philosophie de Swedenborg que les faits connus au
XVlIlm. siècle, de même les réalités spirituelles découvertes
par notre auteur, au cours de sa longue carrière de voyant,
remplaceraient avantageusement bon nombre de faits hypo­
thétiques, qu'il fut obligé de postuler, afin de donner corps
à son intuition métaphysique. En d'autres termes, la réalité,
Jant spirituelle, que naturelle n'a cessé de se montrer plus
swedenborgienne que Swédenborg.
Nous avons déjà fait ressortir à plusieurs reprises à quel
point les plus récentes conclusions de nos hommes de
science se trouvent anticipées pat les théories scientifiques de
l'illustre académicien de Stockholm; et cela qu'il s'agisse
de physique, d'astronomie, de physiologie ou de psycholo­
,gie. C'est tout juste, comme l'a dit un savant américain, si
la science contemporaine commence à le rattraper! (Le
lecteur aura sans doute assez de bon sens pour saisir ce
,qu'il faut entendre par cette affirmation).
Les découvertes de Swedenborg appartinrent. en effet,
pendant longtemps aux domaines inconnus, ou peu connus,
de la science. Mais à mesure que ces domaines furent dé­
-frichés par l'investigation moderne, la justesse des concep­
,tions de notre penseur se révéla avec un éclat tenant par­
146 LE SPIRITISME PHYSIQUE

fois du prodige. Ses idées sur la constitution de la matière


en sont un exemple typique, mais non pas unique. Or, les­
régions où nous nous ave'nturons en ce moment - un peu
imprudemment peut-être - sont toujours de celles avec
lesquelles la science actuelle ne s'est guère familiarisée­
encore.
Toute cette zône frontière entre l'âme et le corps ­
dont on ne sait pas toujours, au juste, si elle intéresse le
physicien, le physiologiste ou le psychologue - constitue­
une sorte de no man's land, de terrain vague, semé d'obs­
tacles. ,où nos savants ne se hasardent guère, habitués~
comme ils le sont, à se promener en toute sécurité dans­
le jardin tout tracé de la science officielle, où chacun cul~
tive, avec un intérêt amoureux, mais souvent quelque peu
exclusif, la seule plate·bande de sa spécialité. Swedenborg,.
lui, se laissait entrainer par la soif de l'inconnu. Non pas.
qu'il désirât se perdre dans l'inaccessible, avec la réputa­
tion, flatteuse mais vaine, de connaître des secrets cachés
au commun des mortels, mais, au contraire, parce qu'il'
avait la véritable curiosité scientifique, c'est-à-dire le vif
désir de ramener l'inconnu au connu et d'ouvrir par là de
nouveaux horizons à la science. Il répugnait à l'esprit posi­
tif de Swedenborg de recourir aux «qualités occultes JO
pour expliquer des phénomènes dont la cause n'était pa&
apparente. Il faut voir dans ses ouvrages scientifiques com­
ment il s'élève contre ce genre trop facile d'explication, qui;
fait penser à la «virtus dormitiva» de Molière, et plutôt
que d'y souscrire, il préféra admettre que la science de son.
époque ignorait tout des forces les plus présentes et les.
plus universelles de la nature; forces que cette uni­
versalité et cette omniprésence même avaient précisément
pour effet de reléguer dans le domaine du caché et de J'in­
connu. Notre auteur eut vite fait de réaliser cette vérité ­
évidente pour nous qui connaissons le rôle primordial de
l'électricité - que les énergies les plus puissantes et les­
plus universelles étaient en même temps les moins tangi­
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 147

bles, les moins apparentes pour les sens (privés d'instru­


ments appropriés). En effet, il ne croyait pas que la ma­
tière était la substance de l'univers, si l'on prend le mot
c substance" dans son sens étymologique, qui signifie, ce
qui sub stat, ce qui est en-dessous, ce qui forme le substra­
tum de l'univers. (1). Pour lui, la matière, bien loin de re­
présenter, comme pour Newton, J'ultime réalité physique (2),
n'était pas une essence irréductible, mais un simple phéno­
mène, comme la lumière, ou la chaleur; c'était une des
formes de cette énergie universelle, dont l'aspect est varié
suivant la nature des mouvements ondulatoires ou tourbil­
lonnaires qu'elle imprime aux diverses atmosphères impon­
dérables.
Il vaut la peine d'étudier la théorie cinétique de la matière
que Swedenborg a longuement et minutieusement exposée
dans son gros ouvrage Principia Rerum Naturalium. On se
rendra tout de suite compte que, dans son esprit, l'inconnu,
loin d'être l'irréel ou l'occulte, est au contraire d'origine, la
cause-même du réel et la condition sine qua non de sa sub­
sistance. L'inconnu (ou le non-apparent) était donc pour
notre penseur le réel par excellence! Or, ce fut le légitime
désir d'entrer en contact plus intime avec cette trame invi­
sible de la réalité, si j'ose dire, qui poussa Swedenborg à
monter à l'assaut de ces régions encore inexplorées et peu
hospitalières.
Qu'il fut sur la bonne voie, nous le savons aujourd'hui.
Voyez la révolution qu'a opéré dans les sciences physiques
la mémorable découverte du Radium. Les savants furent
contraints de marcher, sans le savoir, sur les traces de
Swedenborg. Ils abal}donnèrent, l'atome, qu'il avaient jusque
là considéré comme l'origine irréductible des structures
physiques (voire même les phénomènes mentaux !), et ac­

(1) En anglais on pourrait traduire littéralement: " That which un·


derlies the universe."
(2) Cf. Op tics pp. 375-6.
148 LE SPIRITISME PHYSIQUE

ceptèrent à sa place l'électron, l'énergie intra-atomique. L'éther,


la substance insaisissable par excellence, devenait subitement
le substratum même de l'univers matériel. Or, Swedenborg
avait fondé toute sa physique, sa chimie et même sa philo­
sophie sur des conceptions analogues. Près de deux siècles
avant Gustave Le Bon et Rutherford, il avait déjà parlé lon­
guement de tourbillons (vorticula) dans l'éther et comparé
les plus petites «particules de matière» à de minuscules
systèmes solaires, avec astre central et planètes (1).
Swedenborg a démontré par ses travaux théoriques ce que
la science a prouvé plus tard, à savoir que la substance et la
forme n'existent pas seulement sous l'aspect tangible de ma·
tière et de contour géométrique, mais aussi sous l'aspect plus
universel, bien que moins apparent, d'énergie et de mouve­
ment. C'est surtout sous cette seconde forme que Swedenborg
a voulu étudier la réalité. Il y est parvenu en grande partie
par une analyse pénétrante des phénomènes déjà connus de
la nature. Ajoutons, pour éviter toute confusion, que la « réa­
lité non-apparente» dont nous parlons ici n'est pas la réalité
spirituelle, mais seulement la région invisible du plan phy­
sique, région qui constitue ce monde «fluidique» (qu'on
excuse le terme) intermédiaire (2) entre la matière et l'esprit,
ces deux pôles relativement fixes de la réalité.

(1) Cf. Œc. Reg. An. I. 306; et Principia p. CI. (Vok aussi notre
note aux pages lOO-l).
(2) Ceci ne signifie nuHement Que l'état «fluidique» soit celui de
la ma,tière s'ur le ·point de devenir esprLt, à la manière de l'état pâteux
Qui ca,ractérise certaines substances sOlHdes entfalin de passer à .J'état
liquide. Il n'y a aucune continuité ,entr.e le matériel et le sptrituel. 1\
serait absurde de se représenter l'espdt comme lune sorte de «fluide»
infiniment s.ubtil. Aue-une a.tténuaJt-ion quantitative ·ne saurait nous
hisser sm un p.\an qualitativement supérieur. Voir ci-dessus .le cha­
pitre sur les Degrés Discrets. Il est vui néanmoins que la substa,nce
physique à l'état f1.uide est p.\,us -rapprochée de l'esprit, par sa fonc­
tion et son lisage, Que la matière pa,lpable. Elle est le premier ins­
trument physique dont s'e servent ·Ies énergies spi-ritueHes. Considérée
à ce point de vue, ,la partie inv;tsùble de l'univers physique est bien
intermédiaire entre la matière et ,l'esprit, mais ceHe position n"Lmp.li­
que aucune contuinité Quantitative entre ces .deux termes extrêmes de
la création. Nous reparlerons plus loin de cette intéressante Ques­
tion.
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 149

Dan$ les sciences physiologiques, notre auteur parcourut


un chemin en tous points semblable à celui qu'il avait suivi en
cosmologie. Il ne croyait pas que les tissus cellulaires visibles
à l'œil, aidé ou non de microscope, étaient le véritable substra­
tum biologique, la vraie «matière vitale », pas plus qu'il
n'avait admis autrefois que l'atome matériel pouvait être l'es­
sence irréductible de l'univers physique. Plutôt que d'attribuer
des « qualités occultes» anti philosophiques aux éléments con­
nus qui composent notre corps, il préféra penser que le secret
de la spécificité de la forme humaine devait être recherché
dans le pouvoir plastique d'un agent invisible, mais omni­
présent dans notre corps (1), jouant, par rapport à la partie
palpable de l'organisme, le rôle que jouent, par rapport aux
structures atomiques et moléCtl!laires, les énergies intra-atomi­
ques, électro-magnétiques, etc. n.
faute d'un terme plus ap­

(1) Voir sur ce sujet l'inté>ressante conférence du D' Rabagliati,


faite à Londres à l'occasion de 1'.lnternational Swedenborg·Cotigress»
en 1910 et publiée in extenso dans ,le compte~rendudu dit congrès.
Le savant oonférenoier insiste sm le fait que ,la cOJuse de la spéci­
ficHé des divers organismes v,ivants ,doit être recherchée avant tout
dans ·Ia spécificité d,u dynamisme vital qui les OJnime. C'est ainsi qu'il
faut disHng,uer .\'. anthropop,lasme» de l'. éq,uinoplasme », de l'. é>lé­
phantoplasme », etc.
(2) Dans son lime sur Swedenborg et dont il n'e~iste encore qu'une
traduction a'hiemande, Ile prof.. Ma,rtin La,mm afHrme que Swedenborg
a a'<1opté ·dans son Economie dll Règne Animal une théorie organique
néoplatonioi·enne à la place d'e la conception mécaniste et caJrtésienne
qu'il avait exposée auparavant dans ses Principes des Choses Natll­
relles. ,M. Lamm se donne beaucoup de peine pou,r établir comment
notre philosophe, après avoi.r subi l'inHuence de Desca.rtes, subit celle
des néoplatoniciens de l'antiquité, de ,la Renaissance et de l'école de
Cambridge. Ainsi présentée, l'œuViTe ,de Swedenborg ,risque de passer
pour le produit d'un ,immense syncrétisme. Or. rien ne serait plus
faux, Swedenborg ayant été un des penseurs ,les pl,us QIT,iginaux que
le monde ait connu. Comment méconnaître d'ai,Lleurs .\a palrfaite .unité
de la trame qui relie les uns OJUX a'utres les ouvrages de S\vedenborg?
Que sont à côté (\.'eHe !les diverses teintes qui calractérisent les mul­
tip,les jalons de sa gigantesque produotion philosophique? La con­
ception fondamentale que le visible provient de l'invisible est exac­
tement la même dans les Principia, ouvrage censément cartésien,
dans lequel not.re auteUir fait dériver les st.ruotures atomiques des
mouv,ements de .J'éther, que dans l'Œconomia, œuvre néo-platoni­
150 LE SPIRITISME PHYSIQUE

propne, et par analogie avec les fluides cosmiques, Sweden·


borg qualifia son agent biologique de «fluide», tout en faisant
les plus expresses réserves sur l'opportunité de ce terme. Mals
pour bien indiquer que cet agent était conditionné par l'esprit,
sans être lui-même spirituel, il ajouta au mot tluidum celui
de spirituosum. On pourrait rendre ce dernier terme par
« psychoïde» ou «spiritoïde », par opposition à «spirituel »,
que Swedenborg rend toujours par spirituale. Certains au­
teurs modernes, tels que Crooks, Flammarion, Thury et d'au­
tres encore ont obéi à une idée du même genre en appelant
les forces ou la substance qui se manifestent au cours des
phénomènes métapsychiques: force psychique, psychode,

cienne, au dire de M. Lamm, où Swedenborg attribue l'organisation


de notne corps visible au pouvoir plastique d'un dynamisme directeur
invisible. Ce Qui est encore plus .r,emarQuable, c'est Que cette idée se
trouve même être à la base d.e la doctrine psychol<>gique ·des ou­
vrages «mystiques» de notre auteur dans lesquels Us affirme Que
la pensée consciente a ses racines ·dans les profond:eurs de notre
inconscient, où vient de ,refléter l'universel rayonnement psychique
de tout ce Qui vit d'une vie. spLritueHe. Les divers éléments Que
Swedenborg s'est assimi,lés au cours de ses vastes lectures ont été
absorbés en une synthèse supér1eure Qui se 'retr,ouve toute entière
dans chacun d'eux et les différencie à jamais de ce qu'LIs ont pu
être dans d'autres systèmes. j,J serait manifestement absurde de croire
Que, depuis Qu"eHe existe, l'humanHé a pensé faux sur tous les pro­
blèmes fondamentaux de l'exhtence. Il n"est sans doute pas une vérité
Qui n'ait été déjà énoncée un jour ou-i'autre, dsolément. Mais n'ou­
blions pas non ·plus Qu~une vérLté, isolée dans un contexte faux, mé­
riterait souvent d'être blâmée ~omme une erreur de ,logique p~utôt
Que d'être vénérée' comme un miracle, Un individu Qui étudierait 36
systèmes phLiosophiQueserronés et Q;ui réussiraH à en extraire 36
idées justes (supposons en effe>t que chacun de ces systèmes con­
tienne exactement une idée juste) aurait incontestablement droi·t à la
paternité du 37 lDe système Qui se composerait de ces 36 Idées justes,
car ce n'est Que par la ,préexistence du système Iuste Qu'on poU!rrait
expliquer l'extraction et le groupement des 36 idées correctes. Le
seul moyen de priver notre penseur de la paternité de son nouveau
système consisterait à invoquer ie hasard Que J'e calcul des proba­
bilités permettraH d'ai.neurs instantanément de mettre hors de cause.
(Réfléchissez en effet au nombre d'idées Qu'il y a dans 36 systèmes.
philosophiques! Le hasard devra,it, 36 fois de suite, faire tomber le
choix sur l'unique vérité contenue dans chacun ,de ces systèmes !)
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 151

psychoplasme, etc. Swedenborg se sert aussi de l'expression


«esprits. animaux» ou «fluide animal », (<<animal» signi-
fiant animé ou, pour employer un terme cher aux occultistes,
animique).
Les doctrines de Swedenborg concernant le limbe sont-elles
confirmées par la science moderne? Disons tout de suite que
la science ne contredit pas Swedenborg, même si l'on admet
qu'elle ne le confirme pas. Dans la mesure où nos savants
'sont vitalistes, ils trouveront des confirmations scientifiques
aux théories de Swedenborg; s'ils ne croient, par contre,

Tel est, quelque peu schématisé, le cas de Swedenborg. Il a ,ressuscité


nombre de vérités anciennes qui serai,t oubl.iées sans 'Iui, en y ajoutant
.un nombre encor·e plus gra·nd de vérités nouvelles.
Il faut néanmoins .r.econnaî,hre que .le ,livre -de Lamm oomble la
lacune dont nous nous sommes déjà plaint, c:lJr H étudie soigneu-
sement ·et avec éI"udi·tion Ja place que Swedenborg occupe parmi les
phUosophes. C'est le pœmier ouv:r:lJge de ce genre qui ait péllTU. Mals,
malgré son ·impartiaUté (à laqueLle nous voulons croire), l'auteur
's'est laissé entraîner par certaines idées p.réconçues. Les deux ten-
dances qui semblent avoLr dominé son esp.rit le ,portent, l'une à
.priver Swedenborg de ria véritahle paternité de quelques-unes de ses
doctrines, ,l'autre à le présenter comme un mystique et un «pseudo-
halluciné ». Nous ne saurions, natUireHement, accepter les conclusions
auxquelles ces tendances aboutissent fatalement. Contrai:rement à ce
qu'alHrmaLt déjà 'Ie poète an~lais BlakJe, il est absolument impossible
de compiler une œuvore comme celle de Swedenborg d'après les
.ouvrages de Paracelse, de Bœhme et de van Helmont, même en y
ajoutant Plotin, Pic de ,la Mir.andole, More, Leibn~tz, Wolff, Descartes,
Malebranche. Lncke, MiJlton, Dante, etc., etc... Qu'on Lise tous ces
'auteurs, qu'on se plonge en outre dans l'œuv,re mervel:\.leus-e d'Mis-
tate et dans la Somme Théologique de S. Thomas .d'Aquin, et qu'on
essaye d'·en tÏirer ne fût-ce qu'un seul ,livre de Swedenborg! Je défie
bien qui que ce soit d'y réussir! Quant à faire passer Swedenborg
pour un mystique, c'est Ilà une eHeur évidente, dont M. Bergson 'Iui-
même s'est étonné en parlant à ,la personne de notre regretté ami,
le pasteur Ch. Byse. Nul ne fut moins mystique que le fils de J'évê-
Que de Skéllra. Enfin, .l'explication «psychanaliste» des expériences
supranormales de Swedenborg est encore plus hasardée. Nous lais-
'sons à d'autres le plaisiJr de suiv:re les divagations obscènes dans
lesquelles se complait l'esprit scatologique de Sigmund Freud et de
ses émules, sans compter que cette félJmeusepsychana.lyse n'est guère
prise au sérieux par aucun psycholo&,ue v,raiment qualifiié, du moins
en France; (voir à ce sujet le livre du prof. Blondel).
152 LE SPIRITISME PHYSIQUE

qu'aux forces physico-chimiques, ils déclareront que rien ne


prouve l'existence d'une sorte de plasma vital qui serait l'alter
ego de l'âme dans le corps. D'une façon générale, on peut
dire que les vitalistes ou finalistes gagnent du terrain de nos
jours, tandis que le mécanisme passe de mode. On s'est aperçu
que le simple jeu des causes efficientes ou matérielles ne suffit
pas à expliquer la morphogenèse, c'est-à-dire le miracle de
l'organisation des êtres vivants. Les faits, si on veut bien les
laisser parler, en dehors de toute idée préconçue, postulent
l'existence de causes formelles et de causes finales. Le prof.
Vialleton, qui vient de publier un remarquable ouvrage sur
l'origine des êtres vivants et l'illusion transformiste, termine
son livre en affirmant que la science (en l'espèce le trans­
formisme) est impuissante «à expliquer à l'aide des seules
forces naturelles la formation du monde vivant» (1), et il
cite ce passagè d'un article significatif de L. Cuénot: «La
vie est transcendante à la matière inerte. Et si elle est en
dérive en tant que substratum matériel, elle n'en peut pro­
venir en tant que vie; elle est elle-même un principe différent
de la matière» (2). La science actuelle marche donc sur les
traces de Swedenborg, quand elle se base sur le côté intelli­
gible de la morphologie animale pour postuler l'existence né­
cessaire d'un quid proprium, non-matériel, qui en serait la
cause. Claude Bernard lui-même, bien qu'il fût le père du
déterminisme scientifique, écrivait déjà dans ses Recherches
sur les problèmes de la physiologie: (3) {( ce qui n'est pas
du domaine de la physique et de la chimie, ni de toute autre
chose, c'est l'idée directrice de l'action vitale », et ailleurs, {{ il
Y a comme un dessin vital qui trace le plan de chaque être
et de chaque organe, en sorte que, si on les considère isolé­

(1) Louis Vialleton, prof. à la Fac. de Méd. de Montpellier. L'ORI­


GINE DES ETRES VIVANTS, l'Illusion Transformiste; Paris. Plon,
1929, p. 381.
(") Cuénot (L), Les deux conceptions moniste et dualiste de la vie.
Scientia, Vol. XLIV, sept. 1928.
(3) Cité par ,Je Co, Darget dans la Rev. scient. et mor. du sp.
Oct. 1922. Voir aussi Définition de la Vie, par M. Beruard, dans la
Science Expérimentale.
VALEUR DES HYPOTHÈSES SWEDENBORGIENNES 153

ment, les phénomènes de l'organisme sont tributaires de for­


ces générales ; ils paraissent révéler un lien spécial, ils sem­
blent dirigés par quelque condition invisible dans la route
qu'ils suivent. Ainsi les activités chimiques de l'organisme
et de la nutrition se manifestent comme si elles étaient animées
par une force impulsive gouvernant la matière... C'est cette
puissance d'évolution immanente qui constituerait le quid
proprium de la vie, en faisant une chimie appropriée à un
but, et qui n'est «ni la physique ni la chimie ».
Citons encore les travaux du prof. Hans Driesch et son
ouvrage sur la Philosophie de l'Organisme (Die Philosophie
des Organischen). L'auteur cherche à y démontrer l'existence
et le rôle morphogénique de 1'« entéléchie », ou pouvoir orga­
nisateur, qui dirige le développement organique d'après des
nécessités finales.
Nous parlerons plus loin des théories de Morselli et de
Oeley sur le «psycho-dynamisme» ou «dynamo-psychisme »,
par lequel ces chercheurs expliquent l'organisation des ma­
térialisations spirites et, d'une manière générale, la spécificité
morphologique de tous les organismes vivants. Ces théories
se rapprochent beaucoup de celles du savant suédois. Nous
citerons également plusieurs pages du gros ouvrage de Mor­
seUi, Psychologie et Spiritisme, dans lesquelles l'auteur nous
conduit «aux sources de la pneumatologie» et fait défiler
devant nous les principales hypothèses que les hommes ont
imaginées au cours des siècles pour expliquer le lien qui unit
entre eux l'âme et le corps. De cette étude, il ressort éga.
lement que la science actuelle s'engage peu à peu dans la
direction prise par Swedenborg.
Enfin, nous consacrerons un chapitre aux phénomènes de
la «physiologie supra-normale », autrement dit aux matéria­
lisations et à l'ectoplasme. Si ces phénomènes sont authenti·
ques, ils prouvent d'une manière péremptoire la justesse des
doctrines philosophiques et physiologiques contenues dans les
ouvrages savants de Swedenborg. Mais n'anticipons pas.
Contentons-nous de constater, pour l'instant, que, loin de
contredire notre auteur, la science tend plutôt à corroborer
ses assertions. C'est tout ce qu'on est en droit d'affIrmer,
actuellement du moins.
'354 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Le limbe conçu comme mécanisme.

Swedenborg, nous l'avons vu, vit dans l'âme la «forme


informante », ou véritable cause formelle, du corps. En d'au­
tres termes, il reconnut dans le principe psychique le suprême
pouvoir organisateur ou morphogénique. Mais notre auteur
admettait en outre l'existence d'un dynamisme physique,
étroitement conditionné par les «représentations» de l'âme,
dont il est d'alter ego dans la sphère organique.
L'âme, cause formelle du corps, ne saurait agir sur la
matière brute, cause matérielle du corps, sans l'aide d'une
cause efficiente ou instrumentale. Cette dernière doit néces­
sairement obéir aux injonctions de l'âme tout en dominant
.elle-même la matière.
Cette cause instrumentale qu'est-elle au juste? Quelles sont
les modalités de son action ?
Le mieux, pensons-nous, sera de suivre la pensée de notre
.auteur dans ses stages successifs, sans oublier le caractère
hypothétique des conclusions auxquelles il est arrivé. Sweden­
borg, l'esprit encore tout imprégné de conceptions cartésien­
nes, s'appuie d'abord sur des considérations mécaniques pour
nous faire accepter l'idée d'un lien substantiel entre le psy­
chique et le physique. Plus tard, ce furent principalement des
considérations philosophiques, inspirées surtout par l'étude du
côté intelligible et du caractère finaliste de la morphologie
.humaine, qui l'amenèrent à compléter et à élargir considéra­
blement ses premières conceptions, d'apparence parfois sim­
pliste et somme toute encore assez peu convainquantes. Mais,
prises ensemble, toutes ces conceptions font un tout parfaite­
ment homogène et très séduisant, et forment un complément
utile aux vérités que Swedenborg nous a révélées, plus tard,
dans ses écrits théologiques. Voilà pourquoi nous allons en
présenter maintenant l'esquisse schématique. Mais laissons
parler notre philosophe lui-même:
Microcosme et macrocosme :
«Le microcosme, ou l'homme à l'intérieur de ses limites,
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 155

'est analogue au macrocosme à l'intérieur des siennes. Dans


le petit univers humain, il existe un nexus (ou lien connectif)
à la fois organique et élémentaire qui s'étend sans solution
de continuité jusqu'à l'âme, laquelle fait partie du monde
plus subtil. En d'autres termes, l'homme se trouve quant à
l'un de ses extrêmes dans le monde plus subtil et quant à
l'autre dans le monde plus grossier.» De !nfinito et causa
finali creationis deque mechanismo animœ et corporis. N° 157.
Les termes extrêmes ne sauraient communiquer sans l'aide
d'un terme moyen:
« Examinons maintenant, d'une manière générale, la nature
du lien (nexus) qui unit entre eux l'âme et le corps, ainsi que
le mécanisme grâce auquel ceux-ci agissent l'un sur l'autre...
Nous ne présentons ici qu'une idée générale, afin de permettre
au lecteur de juger si ce que nous disons est agréable à la
raison ou non, et ceci sans entrer dans aucune particularité et
indépendamment de toute démonstration :
«La première proposition générale que nous désirons for·
muler est la suivante, savoir qu'aucune connexion ne saurait
se concevoir ou s'établir sans contiguïté.
« Aucune connexion ne saurait être imaginée en dehors de
deux termes extrêmes qu'il s'agit de relier entre eux, et il ne
saurait y avoir de termes extrêmes sans termes intermédiaires.
Ce fait, savoir que toute connexion est inconcevable sans
contiguïté, est familièrement connu en mécanique appliquée.
Quant à la partie invisible de la nature dont on ne saurait
nier les rapports étroits avec la partie qui est visible, elle
suppose également l'existence d'un milieu contigu, ou inter­
médiaire, au travers duquel puisse s'établir le contact néces­
saire.
« La seule connexion que notre esprit puisse saisir ration­
nellement est une connexion au moyen de substances ou de
mouvements. Cette connexion consiste en des termes moyens
ou intermédiaires, reliés les uns aux autres d'une manière
ordonnée, de façon à mettre mutuellement en rapport les
termes extrêmes. Ceci reste universellement vrai même quand
il s'agit de choses qu'on ne saurait considérer d'une manière
aussi matérielle, mais qui dépendent néanmoins de sujets ma­
156 LE SPIRITISME PHYSIQUE

tériels ou substantiels. Chaque fois qu'il existe une connexion


entre ceux-ci, une connexion par contiguïté est immédiatement
supposée et, si nous poussons l'argument à ses dernières con­
séquences, celle-ci suppose en fin de compte une connexion
de substances ou une connexion au moyen de substances.
Mais laissons de côté ces détails et occupons-nous simplement
du fait que toute connexion implique un enchaînement de
substances contigües (litt. un contigullm de substantiels) ainsi
que des modes, et que toute connexion, en dehors de ces con­
ditions, est inconcevable en langage fini.» lb 134.

L'âme et le corps:
« Toute notre connaissance des choses nous pousse à for­
muler l'affirmation suivante - affirmation corroborée par la
raison autant que par l'expérience - à savoir qu'il existe
une connexion (nexus) entre l'âme et le corps, par laquelle
l'un peut opérer et opère effectivement sur l'autre. En effet, si
l'on admet la réalité d'une pareille opération, l'on ne saurait
nier l'existence d'une telle connexion, ni la présence de termes
moyens pour la produire et la rendre effective. Aussi affIr­
mons-nous l'existence d'un contiguum entre l'âme et le corps
au lieu d'une séparation irréductible ou d'un hiatus qui ne
sauraient exister.
« Le second point auquel nous devons être attentifs, c'est
que le nexus entre l'âme et le corps doit Rosséder des limites;
car dans la nature finie l'on ne saurait admettre quelque
chose d'illimité. En d'autres termes, il n'existe aucun nexus
infini. Or, comme nous remarquons que le nexus ou le con·
tiguum entre l'âme et le corps se termine d'une part dans
l'âme, et d'autre part dans l'organisme visible, il sensuit né­
cessairement que ce contiguum est limité, et que ses bornes
doivent être recherchées dans le corps ». lb. 134.

Aucune communication perceptible ne saurait s'établir entre


l'âme et le corps sans modification préalable:
«Il nous faut considérer maintenant le point suivant: si
quelque chose de sensible ou de perceptible doit passer d'un
extrême à l'autre, ou d'une limite à l'autre, cela ne peut se
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 157

produire qu'au moyen de quelque modification. Si aucune mo­


dification ne s'opérait au sein de ce contiguum animal, rieri
de sensible n'existerait, rien ne pourrait être perçu. En effet,
sans modification, il y aurait nécessairement immobilité des
parties, il n'y aurait rien de sensible, c'est-à-dire rien qui se
distinguerait du repos, parce qu'il n'existerait rien d'actif.
Supposez par exemple un milieu contigu; circonscrivez-le
dans des limites. Imaginez, maintenant, une simple connexion
de substances, sujette à aucune modification. Pouvez-vous,
dans ces conditions, concevoir de quelle manière quelque chose
pourrait se passer dans un tel milieu? - Mais il sera plus
facile, sans doute, d'illustrer ce point en prenant comme exem­
ples des objets plus grossiers et capables de frapper les
sens... Voici l'oreille: s'il n'y avait en elle aucune partie sus­
ceptible d'être mue, et s'il n'y avait pas non plus de mouve­
ment vibratoire dans l'atmosphère, il n'y aurait pas d'ouïe. Le
cas est semblable en ce qui concerne la vue, etc. D'autre part,
si les modifications (affectant les centres auditifs et visuels)
ne trouvaient pas le moyen de progresser, par contiguïté, plus
avant vers l'âme, l'élément sensoriel disparaîtrait tout à fait.
Il s'ensuit que tout ce qui est perçu d'un extrême'à l'autre du
{;ontiguum doit être causé par quelque modification affectant
ce dernier». lb. 135.

Sur le plan naturel, aucune modification n'est concevable


sans mouvement:
«Quand nous traitons des choses étendues ou finies, nous
pouvons être certains qu'aucune modification ne saurait exister
si ce n'est au moyen du mouvement. Peu importe qu'il s'agisse
du mouvement des parties ou de celui de l'ensemble, pourvu
qu'il y ait modification. Qu'elles soient grossières ou subtiles,
les parties finies, c'est-à-dire naturelles, ne sauraient subir de
changement sans être mues. Ces deux choses s'impliquent
mutuellement.
« Il en résulte, par conséquent, que dans la mesure où le
contiguum animal est fini et étendu - autrement dit naturel
- c'est le mouvement qui est la cause de toutes les modifi­
~ations qui l'affectent. Considérons, une fois de plus, le cas
158 LE SPIRITISME PHYSIQUE

des sens externes: Comment pourrions-nous entendre sans le


mouvement de l'air? Comment serions-nous sensibles aux
odeurs, si rien ne venait ébranler nos organes olfactifs?
Il en va de même pour le goût et la vue. En effet, l'élé­
ment formel ne saurait exister sans qu'il y ait quelque chose
pour le produire ou le causer, c'est-à-dire sans mouvement,
soit à l'intérieur des parties, soit à l'extérieur ou au dehors de
celles-ci... Si à l'un des termes extrêmes du corps animal, à sa­
voir dans les sens externes, tout existe en vertu du mouvement,
s'il existe, d'autre part, un lien( nexus) entre le corps et l'âme,
si, enfin, ce qui est ressenti à l'un des extrêmes l'est aussi à
l'autre, il en résulte que cette sensation ne saurait parcourir
ce contiguum de bout en bout, à moins que ce ne soit par
la transmission du mode régnant dans le premier terme, autre­
ment dit, par le mouvement. Il serait déraisonnable d'admettre
que la sensation soit provoqué à un bout par le mouvement et
de nier qu'il en soit de même à l'autre. Car un mouvement
imprimé à un milieu contigu se propage d'un extrême à
l'autre. S'il en était autrement, il y aurait soit immobilité, soit
absence de modification dans l'âme; or, l'existence d'un élé­
ment actif, mobile et efficient dans l'âme paraît indéniable.
Toutefois celui-ci ne saurait exister sans modification. Mais
puisqu'à une extrémité la modif~cation consiste daQs le mou­
vement, pourquoi dirions-nous que la modification à l'autre
extrêmité consiste en quelque mode différent n'ayant aucun
rapport avec le mouvement? Si vous prétendez qu'il existe
un genre de modification qu'on ne saurait appeler mouvement,
mais seulement changement d'état,' alors veuillez bien me faire
connaître quel est cet état dont la modification peut être appe­
lée changement d'état, mais non pas mouvement ». lb. 136-7.

Le nwuvement est transmis per contiguum vers l'âme:


«Il n'y a pas de mouvement sans quelque chose qui soit
mu. En dehors d'un sujet, le mouvement est un être de néant.
Si, donc, il y a mouvement, changement ou mode, allant des
sens externes vers l'âme, il doit y avoir également un sujet
grâce auquel ce mouvement, ce changement ou ce mode puisse
exister; en d'autres termes, il doit y avoir un milieu substan­
LE L1MdE CONÇU COMME MÉCANISME 159'

tiel, capable de recevoir le mouvement et de le transmettre ».


lb. 138.

Les éléments ou milieux cosmiques:


«Ce qui précède s'applique également aux éléments de
l'univers (ou milieux cosmiques). C'est-à-dire qu'il y a entre
eux connexion et contiguïté. Cette connexion existe précisément­
en vertu de cette contiguïté, et c'est ainsi que toutes choses,
quels qu'en soient la nature ou le nombre, sont en rapport
les unes avec les autres, dépendent les unes des autres et sont
reliées les unes aux autres, d'un extrême à l'autre, c'est-à-dire
du subtil au grossier, et vice versa ». lb. 139.
« Le lecteur doit raisonnablement nous concéder qu'il y a
un enchaînement, une connexité dans le monde des éléments
(ou règne élémentaire) s'étendant du plus petit au plus grand
ou du plus subtil au plus grossier, connexité existant en vertu
de la contiguïté (per contiguum). Sans nexus, en effet, ou
sans enchaînement, la nature est inconcevable. Bref, pour peu
qu'on veuille bien appliquer la raison à l'expérience et l'âme
aux sens, je ne vois pas comment on pourrait se refuser à
reconnaître l'existence d'un enchaînement dans la nature élé­
mentaire, la plus fluide de toutes, puisque rien de naturel ne
saurait être conçu sans nexus, ni comment on pourrait nier
que la cause et le principe de toutes les choses et de tous
les modes qui existent dans le monde plus grossier se trou­
vent dans le monde plus subtil ». lb. 140 (1).
« Quand l'Infini eut créé son entité première, il voulut, pour
parler en langage naturel, en faire le point de départ ou la
cause de la création subséquente et ne créa pas de second­
composé immédiatement comme le premier, mais il fit en
sorte que le premier fût le moyen pour produire le second,
et le second pour produire le troisième, et ceci à la fois dans
l'ordre successif et dans l'ordre simultané. Or, si l'origine
elle-même des éléments a eu lieu par enchaînement, toutes
les choses qui en dérivent dQivent subsister en vertu de la

(') Vok, au sujet des divers «éléments », ou atmosphères, le chap._


V des Princivia, part. III.
160 LE SPIRITISME PHYSIQUE

même cause. En un mot, il est rationnel d'affirmer une liai·


son connective entre les éléments, autrement dit l'existence
d'un contiguum élémentaire; car un élément ne saurait sub·
sister sans le lien connectif qui l'unit à l'autre, de même qu'une
fin ne saurait se réaliser et rester une réalité concrète sans
les moyens... autrement le monde plus grossier qui représente
la fin dernière tomberait en ruines, que dis-je, il serait an­
nihilé, si on le séparait du monde plus subtil ». lb. 142.
«Le principe de toutes les choses qui existent dans le
monde plus grossier provient du monde plus subtil. Leurs
modes également ». lb. 140.
«En effet, une infinité de faits nous mettent en face de
la vérité suivante, savoir, que toutes choses se modèlent
'sur la nature la plus élevée et la plus simple, à mesure que
celle-ci descend, par de nombreux degrés de composition, dans
l'univers ultime, où rien ne saurait l'empêcher de reproduire
son image pleine et entière. C'est donc une vérité éternelle
que le monde spirituel tient le monde physique et matériel
sous sa dépendance et son empire, tel un serviteur toujours
prêt à lui obéir en tout ». Reg. An. N° 334 (f).
«L'univers dérive de son terme premier et unique, au
moyen d'intermédiaires qui s'étendent, en une série connexe
ei contiguë, jusqu'à l'autre terme ». Principia 1 p. XCIII
(trad. angl. de Clissold.)
« Les éléments plus grossiers sont reliés aux plus subtils
par contiguïté. Mais nous avons traité ce sujet avec toute
l'ampleur voulue dans nos Principia, où nous avons posé en
principe l'existence de quatre éléments: l'élément aérien, le
plus grossier de tous; l'élément éthérique ; ensuite un autre
encore plus subtil auquel nous avons donné le nom d'élément
magnétique; enfin encore un autre, savoir l'élément le plus
subtil et le plus universel du monde. Ces quatre éléments,
dans leur ensemble, dépendent les uns des autres, et quant
à leur origine et quant à leur subsistance ». De Inf. 143 (1).

(1) Dans son opuscule posth'ume sur le Jugement dernier (N" 312)
'Swedenborg a réduit le nombrre des atmosphères à trois: l'aura.
l'éther et l'ai,r. Il a annexé à ,l'éther bmineux l'élément électro­
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 161

« A supposer que l'une des sphères inférieures vînt à dis­


paraître, les sphères supérieures n'en subsisteraient pas
moins; car la disparition de l'effet n'entraîne pas après elle
la disparition de la cause. Ainsi l'éther survit à la désintégra­
tion de l'air, le fluide anirruul à lia dissolution du sang
et l'âme à l'anéantissement du corps. Ce qui est supérieur
peut exister sans ce qui est inférieur, ce qui engendre peut
subsister sans ce qui est engendré, mais non pas le contraire...
Nous ne saurions pas non plus atteindre l'éther par aucun
procédé d'atténuation quantitative de l'air, (c'est-à-dire que
l'effet ne saurait jamais devenir la cause de sa propre cause;
il est toutefois possible d'atteindre la cause par une désin­
tégration qualitative de l'effet, de retrouver l'éther à la suite
d'une dissociation des atomes. H. de O.) Œc. Reg. An. 1 67.
« L'air se meut plus lentement que l'éther, l'éther plus len­
tement que l'élément plus subtil qui vient après, et ainsi de
suite. En effet, dans la mesure où les parties sont plus petites

magnétique. Nous avons tenté, au début de cet ouvrage, (cf. p. 93


«les de,grés discrets») d'établir une concordance entre ces trois atmos­
phères et l.a structure inUme de ,la matière. Le prof. F. W. Very,
dbœcteur de l'observatoire astIro-physique de Wes,twood aux E.-U.,
s'est attelé à la même besogne. Inutile d'insister sur la compétence
'scientifique d"un spécialliste de ces ques'tioons. Le :lecteur fera bien de
consulter son gros oUVITage An Epitome of Swedenborg's Science
(The Four Seas Company, Boston, Mass. 1927. Vol. l, 640 pages,
Vol. II, 395 pages). L'auteur a>Trive à des conclusions analogues aux
nôtr'es. Pou,r ,lui, les tIrois atmosphères de Swedenborg oorrespondent
aux ,trois états, électIrique, atomique et moléculake, de la matière.
L'« air », dont palr'ie Swedenborg, ,est une a'tmosphère g,azeuse qui, en
tant que cause de ,la matière so\.ide, n'a ·pu être, à .l'origine. notre
atmosphère respi.rable, mais plutôt le ou les ,gaz de ,la nébuleuse
primitive. IJ va sans dire que tout essai d'interprétation moderne
des théories cosm()logiques et physiques de Swedenborg se heurte à
certaines dWiouLtés, ,lnévHahles par suite des changements de dÙaU
apportés par Swedenborg à ses 'Propres ,théorIes, à mesure que cel­
les-ci se précisaient dans son esprH,et aussi par suite des lumières
nouveLles qui nous viennent ·des découv.ertes moder,nes. M. Very nous
··explique tout cela à merveille ,dans son .remalfQouable oUV'r·age. qui
·devrailÎ être entre ,les mains de tous ceux qui s~intéressent aUA spé­
·culations scientifiques, si profondes, de ,l'illustre savant suédois.
162 LE SPIRITISME PHYSIQUE

et plus voisines de leur premier milieu simple, elles sont aussi7


moindres en masse, leurs dissemblances s'estompent, leurs
imperfections décroissent et leurs formes sont plus parfaites;
elles sont également plus faciles à mouvoir et plus rapides
dans leurs mouvements. En un JIlot, plus elles approchent
de la substance primordiale simple, plus elles sont pures et
plus elles atteignent à une perfection superlative en ce quL
concerne tout leur mécanisme et toute leur géométrie. De /nf­
143-4.
Les ondes:
Nous avons vu, plus haut, que «-dans un contiguum, rien
ne saurait ébranler un point donné sans ébranler également,
dans une certaine mesure, tous les autres, et que ce qui se
passe à un bout tend immédiatement à se transmettre, per
contiguum, à l'autre bout ». lb. 144. Swedenborg va nous·
dire maintenant quelle sorte de transmission ou de mouvement
il a en vue:
« La forme du mouvement la plus générale, en même temps
que la plus naturelle, des éléments (c'est-à-dire des atmos­
phères élémentaires) est le mouvement ondulatoire. En effet,
le mouvement vibratoire d'un élément est le seul qui puisse
rendre compte de toutes les conditions capables d'expliquer
l'infinie variété des phénomènes. Parmi ces conditions, notons
celles-ci : un élément peut être affecté simultanément et suc­
cessivement par des ondulations innombrables ; des ondula­
tions d'une amplitude et d'une fréquence plus ou moins gran­
des peuvent coexister dans un seul et même milieu; des
ondulations plus courtes peuvent se greffer sur des ondes
plus longues; rien ne s'oppose, en outre, à ce que de nouvelles
radiations pénètrent constamment un même volume en état de
vibration et produisent, par leur coexistence, mille variétés
de mouvement au sein d'un même contiguum ». lb. 146.
Il existe une correspondance parfaite entre la série des
éléments organiques et la série des éléments cosmiques:
Comme nous l'avons déjà vu, « le microcosme, ou l'homme,
à l'intérieur de ses limites, est analogue au macrocosme à
l'intérieur des siennes ». lb. 157.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 163

« En effet, l'âme doit descendre, en vue de la constitution


de son organisme physique, par un nombre de degrés égal
à celui qui distingue entre elles les substances et les forces de
l'univers; elle doit, par conséquent, former un corps adapté
successivement à chacun de ces degrés. Les atmosphères sont
les forces de l'univers, ou plutôt, le milieu qui leur sert de
véhicule ». Œcon. Reg. An. II. § 272.
«Considérant toutes ces choses, nous ne pouvons faire
autrement que de conclure que tout mouvement dans l'homme,
d'une extrémité à l'autre du contigaam humain, autrement dit
des sens externes jusqu'à l'âme elle-même, est semblable à
celui des éléments cosmiques, et que l'homme constitue par
conséquent le véritable microcosme de l'univers». De lnt. 146.
« Les éléments, dans leurs divers degrés de subtilité, pos­
sèdent leur analogue dans la série des tissus dont se compose
successivement le corps humain.
«L'échelonnement des éléments, résultant de leur degré
de subtilité, trouve sa réplique dans la succession des tissus
dont se compose progressivement le corps humain. Grâce à
un enchaînement et à une contiguïté particuliers, allant du
grossier au subtil, le contigaam organique coïncide avec le
contigaam inorganique ou élémentaire. Il existe, de ce fait,
dans le corps et dans les éléments, une série de phénomènes
analogues, avec cette seule différence, que le contigaam orga­
nique est strictement limité, tandis que le contigaam inorga­
nique ne l'est pas, puisque ses bornes sont celles de l'univers
lui-même. Il existe par conséquent des substances organiques
(lit. des membranes) destinées à circonscrire les mouvements
élémentaires dans un certain espace et à les contenir à l'in­
térieur de certaines limites. Bref, un mouvement analogue à
celui des divers éléments du monde inorganique existe aussi
aux divers échelons de la trame organique, chacun de ces
échelons constituant une sorte de territoire nettement déli·
mité ». lb. 152.
«Les membranes (1) sont constituées de manière à pero

(1) Swedenbo'fg souJi,gne à maintes reprises. dans ses ouvrages


scientifiques, la diffiwlté presque insurmontab'le qu'il a éprouvée à
désigner par des termes appropriés certaines substances et certaines
164 LE SPIRITISME PHYSIQUE

mettre aux fluides cosmiques (litt. fluide élémentaire) de les


traverser librement, elles et leurs points de contact. En effet,
l'élément est la seule chose qui puisse transmettre le mouve­
ment, les membranes n'étant, par elles-mêmes, que passives.
Elles sont, toutefois, formées de façon à recevoir le mouvement
du milieu élémentaire qui les entoure, milieu dont elles repro­
duisent les vibrations par sympathie ou résonance. Ce qui
plus est, elles agissent, par réciprocité, sur la portion de
l'élément qu'elles circonscrivent ». «Ainsi l'âme peut à la fois
être ébranlée par cet élément et l'ébranler à son tour. Ce fait
constitue la base d'une très subtile sympathie et communion
des âmes ». Psychologica § 23 et 199.
« Voilà pourquoi les mouvements ondulatoires et vibratoires

forces Qui «transcendent totallement -la sphèr,e des sens et échappent


audqmaine de ,l'anatomie proprement dite ». (Cf. De Fibra § 252.)
Les termes Qu'il emploie doivent tous s'entendre «dans un sens
éminent» et non pas dans leur acception o,rdi.nalre. Ainsi. les «mem­
branes» dont il est question ici, de même Que ,les «fihres» dont il
sera Question plus ta,rd, sans parler des divers «fLuides» qui appar­
tiennent à ].a te.rminolo:gi,e «pneumatologique» de Swedenborg, ne
font pas pa;rtie du domaine famiHer a:ux histologistes, ce sont des
réailités beaucoup pIus subtiles, a·ppartenant .aux régions invisibles
de l'organisme. Nous avons renoncé à ,remplacer oes termes par
d'autres, de consonnance plus moderne et plus «scientifique», et nous
invitons le .lecteur à s'e pénétrer de la pensée exacte de norre auteur,
sans se .laisser rebuter parl'apPaJrente incong,ruité de son vocabulaire.
vocabulake dont i:l est d'aIlleurs le premier à signaler .J'insuffisance
et Il'ambiguïté. Il ne faut pas oubHer Qu'à .J'époque où éc:rivait
Swedenborg, la mode n'était pas encore au jargon scientifique à
racines gréco-datines, Qui <en impose ,teLlement à certaines ·personnes.
Nous avons néanmoins fait notre possible pour tr,aduire d'une ma­
nière aussi moderne et lLbre Qiue possible les passages des œuv,res
scientifiques de Swedenborg rapportés au cours de ce chapitre. Nous
ne nous serions pas p.ermis une teHe liberté s'H s'était agi d'une
traduction srrictement littérale de ces mêmes ouvrages...
Pour en ,revenk aux «membranes» dont partie Swedenborg, i:l est évi­
dent qU'i;! faut entend'f<e pair là un mili'eu organique ultra-microcospique
et même en partie ultra-atomique, qui constitue .le siège de cer,t,ains
phénomènes de résonance psycho-nerveuse, si j'ose dire. Nous ver­
rons, plus loin, ,l'importance .soudaine Qu'a pT'ise :en physiologie l'étude
des radiations et des phénomènes de résonance, consécutivement à
la d~couv,erte de la T. S. F.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 165

des éléments, vitalisés en vertu de leur inclusion dans les


limites de l'organisme, constituent, dans le sens le plus vrai,
ces «esprits animaux », qu'on dit obéir aux injonctions de
l'âme, et qui réalisent tout ce qui est désiré conjointement
par le corps et par l'âme. Mais tout ceci ne saurait donner
qu'une idée générale et forcément confuse de la manière dont
les choses se passent en réalité ». lnt. 154.
Au N° 50 du traité posthume intitulé Psychologica par son
traducteur anglais et dans lequel Swedenborg a cherché à
expliquer les phénomènes physiologiques et même psycholo­
giques au moyen des vibrations, ill nous est dit que la vitesse
de la vibration des «membranes» est proportionnelle à leur
subtilité, de même que la vitesse d'oscillation d'un pendule
est inversément proportionnelle au carré de sa longueur
(v = ~) Cette subtilité des membranes correspond à la sub­
tilité des atmosphères qui les affectent. «Une onde se meut
lentement dans l'eau; dans l'air elle se meut plus vite; dans
l'éther encore plus vite et dans la plus subtble des atmosphè­
res (l'aura) il n'y a probablement aucun temps qui puisse
correspondre à l'ondulation ». (Dœdalus Hyperboreus, N° VI,
Oct. 1718.)
«Tout vibre harmoniquement par octaves, ou d'une ma·
nière analogue, car la succession des membranes forme elle­
même une gamme de plusiems octaves.» (Psycho!. 25. Voir
aussi les N°" 24 et 27.)

Ces passages sont extrêmement curieux. Us prouvent qu'il


y a deux cents ans déjà Swedenborg avait reconnu l'impor­
tance primordiale des phénomènes vibratoires, à telle enseigne
qu'il en a fait le fondement de toute sa physique, de sa phy­
siologie et même d'une partie de sa psychologie. La physique
moderne ,tout entière Irepose sur des données semblables, mais
du temps de Swedenborg, on ne connaissait ni les rayons
infra-rouges, ni les rayons ultra-violets, ni les rayons X et
gamma, ni les rayons cosmiques ou pénétrants. Mais ceci
n'a pas empêché notre savant de formuler une explication
de l'univers basée sur l'immense gamme des ondes et l'en­
chaînement des mouvements tourbillonnaires. Swedenborg a
166 LE SPIRITISME PHYSIQUE

tout de suite compris que la hiérarchie des mouvements ren­


dait compte de la hiérarchie des phénomènes, la matière elle­
même n'étant qu'un !phénomène et non pa,s un être en soi.
Ce fait historique mérite d'être officie1lement reconnu et en­
seigné.
Les «membranes» dont parle notre auteur sont d'une
subtilité et d'une complexité croissantes. Le choix du terme
« memhrane» n'est peut-être pas très heureux; Swedenborg
ne l'emploie que «dans un sens éminent» et à défaut d'une
expression plus adéquate. En effet, il ne s'agit 'pas de véri­
tables membranes, de surfaces étalées et tendues comme des
peaux de tambour, à la manière du tympan, mais plutôt de
« petites tuni'ques» microscopiques, de tissusceHulaires, voire
même de simples filaments enroulés en spires de plus en plus
complexes, et dont la structure géométrique finit par défier
l'analyse mathématique elle~même. (Voir à ce sujet la «doc­
trine des formes» eX'posée dans De Fibra.) Ces membranes,
ou «fibres », semblent constituer une série d'unités de
substance vivante ou de particules organiques primordiales,
si j'ose dire. Leur fonction consiste à établir un lien entre
la vie de ,l'esprit, ou mieux entre la vie qui influe de l'esprit,
et la vie organi'que. Ce sont des résonateurs capables de vi­
brer en harmonie avec les forces 'Psychiques d'une part et
de capter d'autre part les radiations élémentaires ou cosmi­
ques, dont nous commençons à peine à entrevoir le rôle ca­
pital dans les ,phénomènes biologiques. Nous parlerons plus
loin des travaux et des théories si intéressantes de Georges
Lakhovsky, qui jettent un jour nouveau sur les spéculations
scientifiques de notre philosophe. En tout cas, il ne paraît
plus inconcevable, de nos jours, que l'énergie ,psychique 'puisse
donner .lieu à des phénomènes de résonance sur les plans
supérieurs du monde physique et ceci sans se transformer,
ou se convertir elle-même en énergie physique. L'âme n'agit
sur le coPps que d'une manière indirecte et médiate en con­
trôlant la captation des ondes cosmiques et autres qui consti­
tuent, d'après Lakhovsky, le réservoir inépuisable qui alimente
la vie biologique.
On a beaucoup discuté sur l'existence d'une« force vita1e ».
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 167

-Le prof. Vialleton, lui-même vitaliste, fait observer ·qu'il


·s'agit là «d'un terme impropre et qui doit être abandonné.
Il est dangereux de parler d'une force tant qu'on n'a pu
l'isoler ou tout au moins la caractériser nettement ». (1). Le
,Prof, f. Bottazzi, l'éminent physiologiste napolitain, a écrit
,de son côté (2) : «I-l se peut que l'Esprit soit la base de la
vie; mais alors il est aussi celle de tout événement naturel
du monde inorganique., ,la base de la gravitation universelle
et du plus simple équilibre chimique, comme de n'importe
quelle tendance affective humaine ou animale. Nous pouvons,
:si nous le voulons, adoptant le langage de la physique, appe­
ler l'esprit énergie, mais à ,condition d'avouer immédiatement
que nous sommes en dehors de l'énergétique, parce que nous
ignorons jusqu'ici de quel-les autres formes d'énergie celle-ci
peut naître et en quelles autres elle -peut se convertir, suivant
les principes de cette science. »
Nous parlerons plus loin du rôle de l'esprit en tant que
cause formeLle, ou forme informante, de l'organisme. Reve­
nons pour l'instant à la question de l'influx vital et de ses
-rapports avec les énergies physiques qui agissent sur notre
corps. Qu'est-ce que la Vie? QueIle est sa nature? Quelle
-est son origine ? On en a donné un grand nombre de défini­
tions. Vialleton a consacré à cette question un chapitre tout
à fait remarquable de son Origine des Etres Vivants. Nous
y renvoyons le lecteur (S).
Ce qui frappe l'esprit quand on considère le ,problème de
la vie, c'est le double caractère que celle-ci présente: D'une
part nous constatons chez les êtres vivants une action imma­
nante, spontanée, possédant en elle-même sa cause et sa fin.
«Vivre c'est se mouvoir soi-même », c'est «la causalité du
vivant sur soi-même », comme dit Via:lleton. D'après Sweden­
borg, cette causaHté immanante est d'origine spirituelle, c'est­
à-dire qu'elle n'est pas le fait de forces physico-chimiques,
mais le fait de l'influx du monde des causes, où chaque être

(t) OP. cit., p, 324.


(2) Le Finalisme de la Vie. (Scientia, N" du 1"' janvier 1921, p. 25.)
(3) Vialleton, op, citat. Chap. X.
168 LE SPIRITISME PHYSIQUE

a son «âme », sa «forme informante ». D'autre part, nous


savons par Swedenborg que la cause principale et la cause
instrumentale agissent conjointement, de sorte qu'elles ne
paraissent être qu'une seule et même cause. La cause prin­
cipale une fois reconnue et isolée (nous venons de dire qu'il
s'agit de l'élément psychique ou spirituel), il nous reste à
déterminer la ou les causes instrumentales.. Ces causes effi­
cientes de la vie organique, quelles sont-elles ? Ce sont évi-·
demment des causes physiques immédiates qui déterminent
le fait biologique. Swedenborg nous dit que pour que la cause
spiritueHe (cause finale et cause formelle) puisse engendrer
sont effet matériel, il est nécessaire qu'elle trouve dans la
région où est l'effet des causes efficientes ou instrumentales
au moyen desquelles eUe puisse opérer. «Les causes physico­
chimiques ont, donc, bien le rôle que leur attribuent les mé­
cani,stes, mais l'ordre de leur succession, la nature et les résul­
tats de leur intervention sont réglés d'avance par l'organi­
sation de l'être qui en est le siège. »(1) «L'organisation pro­
pre du type (fait spirituel d'après Swedenborg) intervient
comme forme ou comme cause finale, 'puisque ces deux choses
se confondent, si bien qu'il est impossible de les séparer.» (2)
Le type formel d'un être, nous le verrons plus loin, pro­
vient de son «âme », de son essence intelligible et non-maté­
rielle, qui intervient à titre de cause finale et de forme infor­
mante. Mais les forces qui opèrentdiredementsur les tissus
organi<}'U'es mettent en jeu des énergies physiques. L'orga­
nisme emprunte sans cesse aux miHeux qui l'entourent, mi­
lieux pondérables et impondérables. Si l'on ne tenait compte
que des forces et des substances matérieilles qui sont en jeu,
sans se soucier du -caractère d'autonomie et d'autorégulation
qu'elles revêtent chez les êtres vivants, on pourrait consi,dérer
ces derniers ,comme de simples appareils 'physiques, car nous
trouverons toujours une cause physique ou chimique pour
expliquer le mécanisme immédiat de chacun des changements
internes ou externes de l'organisme.

(') Vialleton, Of). cit., p. 324.


(2) Ibid, p. 325.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 169·

Si l'on veut donner le nom ·de «force vitale» à l'action


conjuguée de la cause instrumentale et de la oause principale,
c'est-à-dire à l'opération des forces ,physiques dirigées par'
l'élément formel ou spirituel, personne ne devrait trouver à
y redire ; car nous nous trouvons bel et bien en face d'une
force, ou d'un ensemble complexe de forces physiques, en
même temps que devant cet élément régulateur, autonome
et spontané quicaradérise la Vie. Dans ce cas, la notion
d'une force vitale devient une notion complexe résultant de'
l'unité apparente et ·de l'enchaînement indissoluble de deux
genres de causes. La cause 'principa:1e et la cause instrumen­
tale coexistent et coïncident in ordine ad operationem, mais
elles sont distinctes et se succèdent in ordine ad esse. La
notion de force vitale est donc légitime si on la considère
in ordine ad aperationem, tandis qu'elle prête à confusion
si on l'analyse in ordine ad esse.
On peut dire, à'une manière généra1le, 'que la vie influe'
de Fâme dans le corps; encore faut-il qu'il y ait un agent
de transmission pour établir le contact nécessaire. En effet,
ce n'est pas par ces propres moyens qu l'esprit agit sur l'or­
ganisme. L'âme opère indirectement, par personne interposée,
en quelque sorte. Il lui faut un alter ego, comme dit Sweden­
borg. Cet alter ego est le limbe (ou «dynamosome », si l'on
veut). Par limbe nous entendons en effet, tout le dynamisme
physique du corps, ou plutôt l'ensemble des substances im­
ponderables qui servent de véhicule aux énergies dont l'action
constitue le déterminisme physique de la vie. Pour Sweden­
borg, comme pour Lakhovsky, «le réservoir de toute vie
(ou du moins de toutes les forces nécessaires à ·la vie biolo­
gique) ne peut être que cette immense mer des ondes, source
de touie force, de toute activité, de toute énergie interas­
trale ». (1).
Nous ne saurons, sans doute, jamais exactement comment
la vie, spirituelle dans son essence (car toute vie est essen­
tieUement amour et sagesse, ou affection et pensée, ou fin

(1) G. Lakhovsky, La Science et le Bonheur. Paris 1930. Gauthier


Villars, p. 79.
170 LE SPIRITISME PHYSIQUE

.et idée) s'y prend pour contrôler ,les forces natureHes et leur
faire 'produire ces effets partkuliers que nous appelons êtres
vivants ou phénomènes biologiques. Mais cette action est
indubitable.
Noll's avons vu, par les passages ,de Swedenborg rapportés
plus haut, que le point de contact entre l'énergie ,psychique
et l'énergie physi,que se trouve dans -la région la .plus univer­
:seLle du cosmos, c'est-à-dire dans le milieu élémentaire, pOUT
parler comme notre ,philosophe. C'est le mO'tJlvement ondula­
toire de ce mtlieu impondérable qui offre prise à l'influx spi­
rituel par l'intermédiaire de ces «tissus» organiques invi­
sibles qui individualisent, 'pour ainsi dire, une portion du
milieu universelcorr~pondant à chaque être vivant. Cette
espèce de trame invrsible des êtres les «découpe» en quel­
que sorte du milieu ambiant et les en distingue, exactement
comme le fait la forme visible paT rapport au milieu matériel.
TeMe est le rôle ,des «membranes» dont i,l est question
dans De lnfinito, dans la Physiologie Vibratoire (on Tremu­
lation) et dans Psychologica, et que nous retrouvons sous le
nom de fibra simplex, tibra simplicissima, cortex simplex ou
simplicissimus dans les autres ouvrages physiologiques et
psychologiques de Swedenborg.
Nous savons d'une manière générale que «les mouvements
de l'éther et ceux des autres éléments impondérables,gueMe
qu'en soit la cau,se, agissent d'une manière immédiate sur les
organes ou les membranes les plus proches de l'âme et les
affectent en leur imprimant des vibrations ». (Psychologica,
N° 36.) Il se ,produit,par induction, un courant dans ces
membranes (courant appelé fluidum spirituosum par Swe­
denborg) accompagné d'une émission d'ondes se propageant
dans le milieu ambiant. Swedenborg avait, en effet, tout de
.suite saisi ce principe général que tout résonateur est en
même temps émetteur (Cf. lnt. 154 et Psychol. 23 et 199.)
Puisqu't! est question de vibrations de ,l'éther, il s'agit évi­
demment de 'phénomènes électromagnéhques et de toute la
.gamme des ondes actuellement connues ou encore à décou­
vrir. Swedenborg ignorait, bien entendu, tOll'tes nos décou­
vertes modernes dans le domaine radioélectrique, et les phé­
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 171

nomènes vibratoires qu'il nous décrit 'sont tous ,plus ou moins


conçus sur le modèle des vibrations sonores. Raison de ,plus
pour chercher à éclairer notre 'lanterne à l'aide des plus ré­
centes acquisitions de la physique. En ce faisant, nous ne
sortirons pas, d'ailleurs, du schéma tracé par le génie (vrai­
ment prophétique) de notre savant.
La lecture des travaux de Georges Lakhovsky (sur la va­
leur scientifique desquels je ne ,suis pas à même de me pro­
noncer) m'incite à formuler les quelques réflexions qui
suivent:
Gràce à la T. S. F., un grand nombre de lecteurs sera,
sans ,doute, au courant des 'principes généraux de la radio­
diffusion. Peu ,de ,personnes ignorent ,de nos jour.s que le
changement du champ électromagnétique d'un circuit ouvert,
qui s'opère sous l'influence d'un train d'ondes, produit dans ce
drcuit un courant électrique oscillant accompagné d'une émis­
sion d'ondes, car tout résonateur peut fonctionner également
comme émetteur. La longueur d'onde sur laquel,le oscille un
cir.cuit ainsi que sa fréquence d'oscillation sont fonction de
son champ magnétique. Celui-ci dépend lui-même ,de la ca­
pacité et de la self-inductance du circuit. L'oscillation est
d'autant 'plus fréquente et la longueur d'onde d'autant plus
courte que l'inductance est plus faible. Toute modification
apportée à ,la self-inductance (bobinage) change du même
coup la fréquence d'oscillation et la longueur d'onde du
circuit.
Les <~membranes» microscopiques dont parle Swedenborg,
peuvent être assimilées, grâce à leurs filaments entortillés et
polarisés (voir la figure qui accompagne le texte, dans Psy­
chologica) à de minuscules circuits osci:Hants, dont la fré­
quence et la longueur d'onde sont réglées par la contraction
ou la ddatation de leurs spires (self-inductance) ou par des
changements affectant leu'r ca'pacité (écartement des pôles).
Comme le milieu ambiant vibre à toutes les fréquences et sur
toutes les longueurs d'onde, nos résonateurs cellulaires et
ultra-cellUilaires sont capables d'y puiser toute l'énergie né­
cessaire à la production de ces ondes vitales ou courants vi­
taux que Swedenborg désigne du nom un peu démodé d'es­
172 LE SPIRITISME PHYSIQUE

prits animaux ou de flltidlJJm spirituosum. Les radiations


électromagnétiques consistent, en effet, en émissions de quan­
tités discrètes .d'énergie, ou quanta, d'après la théorie de
P'lanck. Cette énergie peut donc être captée et transformée..
L'énergie 'psychique n'est 'pas mesurable. EUe est sans.
doute infinitésimale; mais cette énergie suffit à régler la
captation et la canalisation d'autres énergies plus considéra­
bles. De petites causes ·peuvent produire ·de gTands effets.
Il suffit de 'peser sur un bouton pour mettre en bnanle toute
une immense usine ou pour faire éclater d'énormes rochers.
L'âme ne tient que les leviers de commande du conps. EUe
n'agit, par. ses radia,tions propres, ·que sur -l'élément cosmi­
que le plus universel, en modifiant le champ de force de ces
unités de substance vivante que Swedenborg élJPpelle tantôt
« membranes », tantôt fibrae simplicissimae ou cortex simpli­
cissimus. Les énergies qui animent notre organisme résultent
d'une amplification colossale de l'énergie primitive mise en
jeu par l'âme eUe~même. J,1 s'agit du déclenchement successif
(par un véritable système de relais) d'énergies de plus en
plus grossières à mesure que nous descendons vers les ré·
gions inférieures de la nature. L'énergie ,psychique libère
d'immenses énergies potentielltls sur le plan électro-magnéti­
que, lesquelles Hbèrent, à leur tour, les énergies potentielles
et les forces mécaniques et chimiques emmagasinées dans
l'organisme. L'énergie mise en jeu pour soulever un bras ou
une jambe peut se calculer, mais l'énergie dépensée par la
volonté qui a déterminé ce tr·avai:l mécanique ne ·saurait l'être;
parce que l'acte volitif n'entre pas comme coefficient mesu­
rable dans ,la formule mécanique. La volonté n'a fait que
déclencher ie proee.ssus par lequel l'énergie potentielle con­
tenue dans lecol1pss'est transformée en énergie cinétique et
mécanique. La voix de l'officier qui commande «feu» n'entre
pas non plus en ligne de 'Compte quand il s'agit de ,déterminer
la force explosive qu'il faut appliquerpoar lancer un obus
de tel ou tel calibre à telle ou telle distance. On ne s'occupe
que de la force d'expansion de la poudre en déflagration..
Mais le plus petit déolic comporte une dépenses d'énergie, si
petite soit-elle. Dans le cas de .J'âme, cette dépense est sans.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 173

·doute infiniment rpetite, c'est-à-dire pratiquement négligeable


au point de vue quantitatif. Le fait capital, qu'il ne faut pas
perdre de vue, c'est que, pour pouvoir agir sur le plan ma­
tériel, l'âme -puise, à l'aide des substances intermédiaires entre
eUe et le corps, des forces dans cet immense réservoir d'éner­
gie qu'est le milieu -cosmique. Swedenborg nous dit que
l'aura, ou l'atmosphère universelle, est «la forme des forces
de l'univers» et que, ,privée de .ce réservoir tLlimité d'énergie,
l'âme serait dépourvue de tout moyen d'action sur l'organisme
physique.
Il est intéressant de comparer les spéculations de Sweden­
borg avec les travaux de M. Georges Lakhovsky. Ce dernier,
en sa qualité de disciple du professeur d'Arl1sonval, poursuit
depuis une dizaine d'années, des recherches du plus haut
intérêt sur le rôle que jouent en biologie les oscillations élec­
triques et les ondes, recherches qui lui ont permis de recueiUir
un certain nombre d'observations et de faits eJCpérimentaux.
D'Arsonval a présenté à l'Aca,démie des Sciences les résultats
positifs obtenus par Lakhovsky et a fait ressortir, dans les
préfaces qu'il a écrites aux livres de ce dernier, tout l'intérêt
qui s'attache aux expériences et aux théories de l'auteur. Il se
déclare convaincu du rôle primordial que les forces électro­
magntüques jouent dans les 'phénomènes biologiques.
Nous conseiHons vivement la lecture des ouvrages de
Georges Lakhovsky à ceux qui s'intéressent à l'interprétation
moderne des théories de Swedenborg et, en général, aux
questions ayant trait à l'origine de la vie (1).
Voici quelquespa1ssages d'un rapport que le Professeur
D' Sordello Attilj, Directeur du Service Radiologi-que de
l'Hôpitwl de S. Spirito in Sassia, à Rome, a consacré aux
«théories et méthodes de M. Lakhovsky pour un nouveau
traitement -du cancer et des maladies en général ».
«Le grand mystère de l'unité a toujours été la constante

(1) Gea.rges Lakhavsky: L'Origine de la Vie, 1924. - L'Universion,


1927. - Le Secret de la Vie, 1929. - La Science et le Bonheur,
1930 (Gauthier ViLlars, Edit., Parris). - L'Oscillation Cellulaire, 1931
(Dain, Edit., Paris).
174 LE SPIRITISME PHYSIQUE

pensée de l'homme qui aoherché à déchirer le voile qui l'en­


toure dans tous les domaines de l'esprit et dans toutes les
branches de ,la Science; mais, quoique le problème soit loin
d'être résolu, on a, depuis .plus de <Cent ans, et surtout au
commencement de notre siècle, trouvé dans la physique l'ex,pli­
cation de nombreux points obscurs.
«Parmi les conquêtes les ·plus récentes dans ce domaine,
une des plus admirables est la ·découverte des rayons cosmi­
ques, découverte dont en 1903 Rutherford et Mac Lennan
ont eu l'intuition, qui fut confirmée ,par Oœckel, 'paT Kol­
heerster et, en 1922, par MiUikan et Bowen. Ces radiations,
selon MiUikan, proviennent en quantité uniforme de toutes
les directions de l'espace et elles ont, comme l'a vu Kol­
hœrster, dans ses recherchees sur les glaciers de la Jungfrau,
deux maxima de radiations: dans la direction de la Voie
Lactée et dans celle de la Constellation d'Hercule.
«Les radiations électromagnétiques connues - qui selon
les connaissances les plus récentes, ne sont ·pas des ondula­
tions transversales de l'éther, mais, d'après la théorie de
Plank, une émission de quantités déterminées très petites
d'énergie - comprennent, dans l'état actuel de la science,
les ondes électriques, les rayons de Nichols et de Tear, les
ondes infra-rouges ou calorifiques, les ondes lumineuses, les
rayons ultra-violets, les rayons X de Holweck, les rayons X
de Rœntgen, les rayons des corps radioactifs et enfin les
rayons pénétrants ou ultra-X et cosmiques.
«Or, toutes ces radiations ont la même vitesse dans l'unité
de temps (300000 kilomètres environ à la seconde). Mais
leur fréquence varie: par conséquent, l'onde sera plus ou
moins longue selon sa plus ou moins grande fréquence et,
par exemple, un petit nombre de 'périodes correspond à de
grandes longueurs d'ondes.
« C'est donc la longueur d'onde qui caractérise les diverses
radiations composant le spectre électromagnéti,que, et, de fait,
tandis que pour les ondes électriques (celles utilisées en
1. S. f.) on .dispose de longueurs d'ondes allant jusqu'à quel­
ques kiiomètres, 'Ces longueurs vont toujours en décroissant
jusqu'à mesurer pour les rayons cosmiques environ 0.0002
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 175­

angstrôm (l'angstrôm est le dix..mitlionnième de millimètre).


«On sait aussi que le pouvoir des ra.diations est en rap­
port direct avec la brièveté de l'onde; 'par conséquent, pour­
les rayons cosmiques, ce pouvoir est 200 fois 'plus grand
que celui des rayons gamma du radium et des rayons X les
plus durs. Les m<diations cosmiques peuvent traverser une­
couche d'eau de 54 mètres et une couche de plomb de 4 mètres.
« Après avoir mppelé ces très brèves notions de physique,
je voudrais résumer les récentes conceptions d'un 'physicien
français de valeur, M. Georges Lakhovsky, de Paris, concep­
tions qui impriment une nouvelle orientation aux connais­
sances sur les causes déterminantes et sur la thérapeutique
du cancer, .. _»
La question de l'étiologie et de la thérélJpeutique du cancer
n'ayant que des rapports lointains avec le sujet qui nous
occupe, nous laisserons de côté la partie du mémoire du Pro­
fesseur Attilj consacrée à ce 'problème, pour nous arrêter aux
considérations suivantes dont l'intérêt général n'échappera pas
au lecteur.
«Les données modernes de la physique ont permis à M.
Lakhovsky d'affirmer que les organismes vivants, constitués
par les cellules, sont susceptibles d'agir comme collecteurs
et émetteurs d'ondes. Cette propriété commence à être géné­
ralement admise, ·personne n'ignore la ,possibilité qu'ont cer­
tains organismes ou certains organes, animaux ou végétaux,
d'émettre des radiations lumineuses, ni la faculté qu'ils ont
tous d'émettre des radiationscalodques ; ces radiations sont
appréciatbles par ,tous les moyens physiques, et s'expliquent,
d'après M. Lakhovsky, par ce fait que la cellule, c'est-à-dire
l'organisme élémentaire constituant tous les êtres végétaux
et animaux, est un oscillateur électrique élémentaire, formé,
en effet, -par un fi>1ament conducteur isolé dans une masse
diélectrique, réalisant par conséquent un circuit oscillant doué
de capacité, de self-inductance et de résistance électrique.
Cette ,cellule vibre avec une fréquence très élevée susceptible
de changements.
«M. Lakhovsky croit pouvoir affirmer que tous les phé­
nomènes biologiques doivent être compris en se basant sur
176 LE SPIRIlISME 'PHYSIQUE

la propriété de la ce1lule d'émettre et de capter les ondes;


cet état oscillatoire de la cellule est la vie. Parmi les cellules
existe un équïl'ibre osciUatoire : une modification de cet équi­
libre donne lieu aux maladies. »
« M. Lakhovsky, par ses conceptions, explique très brillam­
ment certains faits jusqu'à présent -complètement entourés de
mystère, par exemple l'instinct -de l'orientation chez certains
animaux comme les pigeons voyageurs... »
«M. Lakhovsky qui, sur le terrain expérimental, a trouvé
un grand e.rnthousiaste, l'iHustre Professeur Besredka, de
l'Institut Pasteur, a voulu, sous le contrôle d'un éminent chi­
rurgien parisien, commencer à la Sa1pêtrerie, le grand temple
où veille l'ombre de Charcot, des expériences qu'il affirme
être très encourageantes.» (Cf. La Science et le Bonheur,
pp. 189 à 195.)
Citons maintenant quelques passages du même livre de M.
Lakhovsky. Ceux d'entre nos lecteurs qui désirent approfondir
les théo'ries de ce savant tireront grand profit de ses études
sur l'Origine de la Vie, l'Universion et l'Oscillation Cellulaire.
« Nous savons que dans la Nature tout est vie, parce que
tout est vibration.» (p. 76).
« '" l'essence de notre vie terrestre et supr.aterrestre est la
vibration qui anime notre corps, dirige notre pensée, préside
aux destinées de tout ce qui respire et existe, et même à celles
,de l'univers matériel.» ('P. 88).
«J'ai déjà exposé ce point de vue dans L'Universion, en
montrant que cet océan de vie universelle est la généraLisation
et l'extréllpolation de œt océan de vibrations, l'éther des phy­
siciens, avec :lequel il s'identifie. Le réservoir de toute vie ne
peut être que cette immense mer des ondes, source de toute
force, de toute activité, de toute énergie intemstrale.
« Nous ne pourrons rien savoir de la vie universelle et de
la survie tant que nous ne oparviendronspas à cette connais­
sance suprême de l'universion, rnHieu immatériel et infini dans
l'espace et dans le temps, monde lepll1s parfait, absolument
-exempt des contingences matérielles qui imposent les limites
des dimensions et de la durée, mervenleux résonateur de
l'harmonie des sphères astrales, de leurs vies et de leurs cons­
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 177

cienœs coLlectives, formidable symphonie du monde... » (p. 79).


« Les investigations entreprises depuis quelques années par
les a,strophysiciens montrent que tous les astres de l'univers,
loin d'être isolés dans un vide interplanétaire parfait, qui se-
rait le domaine de la mort, sont, au contr.aire, baignés par
un champ de radiations qui leur appo'rtent l'énergie et la
vie.
«Il est en effet évident que les théories de la gravitation
universeUe et de la relativité généralisée, pour autant qu'elles
puissent être vérifiées, supposent un agent de transmission
physique. Aucune liaison matérielle n'ayant pu être mise en
évidence pour expliquer les mouvements rédproques des
astres, nous sommes donc réduits à imaginer que le champ
de force interastral est d'origine électromagnétique et que le
support de ces forces, ce sont les ondes atmosphériques et
cosmiques récemment découvertes. C'est ce ,point de vue que
j'ai longuement développé, ainsi que ses diverses applications
dans mon ouvrage antérieur L'Universion.
« J'ai alppelé ce rnHieu l'universion (univers-ion) pour mon·
trer que tout œqui existe dans rl"univen;, la matière minémle
ou organique, les animaux et les végétaux, toutes Jes forces
et tous les mouvements de la terre, sur les ,astres et dans les
èspaces intersidéraux, provient des ondes cosmiques et des
corpusCU'les électriques élémentaires qui les accompagnent
(ions).
«C'esH'universion qui règne sur l'infiniment grand comme
sur l'infiniment petit. C'est lui qui règLe sans rouages et sans
ressorts le mouvement d'horlogerie si parfait des astres. C'est
lui qui règle les mouvementsextmoI1dinairement rapides des
atomes, des ions et des électrons qui composent la matière.
,C'est une substance 'immatérieHe, un milieu infiniment subtil,
intangible et impaLpable. Son rôle est d'émettre, de trans-
mettre, de recevoir et d'enregistrer toutes les ondes, depuis
les infiniment petites jusqu'aux inf-iniment grandes, cel:les que
nous percevons, comme celles que nous ne percevons pas.
«L'universion ,possède cette propriété remarquable d'être
en tout et partout, dans tout l'univers et jusqu'aux régions
les plui extrêmes de l'espace, dans l'infiniment petit comme
178 LE SPIRITISME PHYSIQUE

dans l'infiniment grand. C'est la 'protomatière idéaJ.e qui a crée'


le monde et dont tout procède.» (pp. 56 et 57).
Voyons maintenant ce que M. Lakhovsky nous dit de.
l'oscination cellulaire provoquée par les ondes cosmiques:
«Il apparaît immédiatement ,que, considérés du point de
vue non plus chimique, mais électrique, la -cellule, et particu­
lièrement son noyau, présentent les propriétés d'un oscilla­
teur de très courte longueur d'onde.
«On peut, en effet, ,constater que ,le schéma électrique du
noyau d'une cellule œ.t celui d'un résonateur de Hertz... Le
Hlament, isolé du reste de la masse de la cellule et ,qui ne se
referme pas, peut être assimUé à un résonateur à circuit ou­
vert du type 1 de ,la figure 7 ». (Voir les :Eigures qui accom­
pagnent le texte.)
« La constitution du filament est aUossi complexe que celle
de la cellule même. Il est donc certain que ,la tradudion élec­
trique de la morphologie ceUulaire pourrait conduilfe à des
schémas rompH'qués. Mais quel que soit le circuit ou le réseau
de circuits auquel on aboutit, il 'peut toujours être ramené au
type d'un des deux oscillateurs simples de la figure 7.
« Je puis donc ainsi établir que, ,dans tous les cas, la cellule
vivante doit se comporter comme un osoillateUT électrique de
très petite longueur d'onde propre, c'est-à-dire de très haute
fréquence.
« La dimension microscopique de ces circuits cellulaires ne
saurait constituer une objection au mécanisme de leur oscil,la­
tion. Jusqu'à présent, les nécessités ,de la radiotechni'que n'ont
condui,t à examiner que ,des osciBateuTsdont les dimensions
sont comprises entre quelques centimètres (bobinage des
oscillateurs sur ondes courtes) et quelques kilomètres (anten­
nes des grandes stations radiotélégraphiques), aucune raison
ne s'oppose à ce que l'on considère des oscillateurs dont les
dimensions soient ,de l'ordre de un micron ou même moins.
«Rappelons que les pmpriétés des antennes des grandes
stations ont été étudiées sur des modèles approximativement
mille fois plus petits, c'est-à-dire de 'l'ordre de 1 mètre environ.
La théorie indiqueetl'e1Q{'érience vérifie que les constantes
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 179

des antennes sont réduites dans le rapport de leurs dimensions


linéaires.
«On peut donc, pour les circuits microscopiques cellulaires,
procéder à l'inverse des antennes en construisant des modèles
électriques semblables, mais de dimensions plus grandes, grâce
à cette précieuse propriété de similitude des éléments corres-
pondants.
« Le princ~pe de 1'« oscillation cellulaiœ », que je viens de
poser, n'aurait qu'un intérêt théorique si les ondes qu'il sup-
pose n'existaient 'pas. Or, non seu.Jement rien ne s'oppose à
ce que ces ondes existent, mais nous avons longuement dé-
montré leur existence et leurs propriétés dans le chapitre pré-
cédent
« En verlu du prindpe que tout oscillateur peut fonctionner
en résonateur et réciproquement, il est évident que la ceUule
vivante peut aussi se comporter, éventueHement, en émetteur
ou en récepteur d'ondes.
« Il s'ensuit que tout être vivant, agrégat de cellules, est le
siège d'oscillations électriques. Toute cellule vivante, parce
qu'elle a un noyau, est le siège d'oscillations et rayonne des
radiations.
«Il n'est pas facile -de déterminer a priori ,la longueur
d'onde de la radiation cellulaire, parce que les éléments du
circuit cellulaire, self-inductance et capacité, ont des formes
compliquées qui ne se prêtent généralement pas au calcul
direct de leur valeur.» (pp. 97 à 101).
«On obtient d'ailleurs un ordre de grandeur de la longueur
d'onde en tenant compte de la longueur ,du filament du noyau
de la cellule. La fréquence d'oscit.lation la 'plus basse du fila-
ment nucléaire, i·solé à ses deux extrémi~és, est celle qui cor-
respond à l'oscillation d'un dipôle de Hertz qui aurait la
même longueur que ce filament. Mais il est bien évident que,
d'une 'part, la fréquence peut être notablement moindre, en
raison de l'accroissement de la self-inductance résu1f.ant de
l'enroulement du filament nucléaire en forme de bobine; d'autTe
part, cette fréquence peut devenir supérieure, parce que l'os-
cUlateur cellulaire peut vibrer sur de nombreux harmoniques
supérieurs de la fréquence fondamentale.» (p. 103).
180 LE SPIRITISME PHYSIQUE

«On sait que les cenules se reproduisent généralement par


karyokinèse, eest-à-dire gr✠à une succession de processus
au cours desquels les différents éléments de la cellule s'or­
donnent, s'assemblent et se séparent, se divisent et se soudent.
« Un fait domine tous les autres ,pendant la division cellu­
laire. Quel que soit le processus de ..la division - et H en
existe des millions - on observe toujours la présence de
champs de force dans la substance ceUulaire. Ces champs
appara+ssent nettement au microscope sous la forme d'une
sorte de matérialisation de lignes de forces ou de tubes de
forces, tels que ceux que Faraday a mis en évidence dans les
spectres éIeotriques et magnétiques.
«Je suis convaincu qu'il ne s'agit ,pas là d'une simple
h)'lpothèse. Chaque fois qu'on observe une telle figure, par­
ticulièrement avec des éléments infiniment 'petits comme le
sont les éléments cellu1lai1"es, on peut affirmer qu'on est en
présence d'un champ de forces électriques, magnétiques ou
électromagnétiques, Il est évident que la petitessse extrême
du circuit .cellulaire rend l'analyse de ce champ ·de forces des
plus délicates. Cependant, avant même de reconnaître sa
nature exade, il est facile de mettre en év~denœ les pôles,
qui sont les deux astéries prenant naissance dans le proto­
plasma et d'où rayonnent les lignes de forces. (p. 116).
«D'habiles expérimentateurs, tels que Henneguy, sont
parvenus à reproduire à l'a~de ,de courants électriques et d'ai­
mants, les figU1'es de la division ceUulai're. Mais aucun d'entre
eux n'a 'pensé qu'il 'pût y avoir là autre chose qu'une coïnci­
dence morphologique, à savoir ,l'explication même de la vie
de la cellule..
« Je suis pel'suadé, au contraire, que les ,phénomènes cellu­
laires qui mettent en jeu des infiniments petits ionisés avec
un perpétuel échange de biomagnomobiLes ne ,peuvent être
expliqués que par les lois de l'électromagnétisme. La théorie
de l'oscillation cellulaire permet de comprendre la rai,son d'être
de ces phénomènes et leur réalisa,tion au moyen de ces unités
de substance vivante, les biomagnomobiLes, qui s'orientent
spontanément dans les champs de forces électroma,gnétiques
de la cenule.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 181

« D'après ce qui précède, nous consta,tons que tout le tra­


vail cellulaire s'opère suivant un rythme oscillatoire, chaque
ceIlule agissant -comme un véritable résona,teur ou oscillateur,
susceptible de vibrer à très haute fréquence. D'aHleurs nous
venons de montrer que quelques-unes de ces oscillations cel­
tulaires ont déjà été identifiées ,physiquement par des biolo­
gistes avec les rayons ultra-violets.
«D'autre part, nous savons qu'aucun circuit osciHant ne
peut résonner sans être excité ,par une énergie rayonnante. Le
lecteur est donc en droit de se demander quelle est cette force
rayonnante qui effectue cet immense travail cellulaire dans
le monde entier, dont l'énergie est incommensurable, qui as­
sure la persistance de la vie à .la surface de 13 terre, et fait
surgir du sol incessamment des milliards de tonnes d'êtres
animaux et végétaux.
«Cette force gigantesque qui se trouve ,partout et en tout
dans l'univers entier n'est autre que les rayons cosmiques,
que j'ai présentés au lecteur au début de cert: ouvrage et dont
j'ai expliqué très complètement les propriétés et le mécanisme
dans un autre ouvrage: L'Vniversion.» (Loc. Citat., pp.121
et 122).
« L'anatomie nous offre maintes preuves de la nature élec­
tromagnétique et vibratoire des phénomènes nerveux et psy­
chiques. »
«Qui donc 'pourrait s'étonner que notre système nerveux,
véhicule de l'action et de la pensée, c'est-à-dire de la raison
d'être de la vie, soit en tous points -semblable à un réseau
téléphonique ou radioélectrique très développé?
« Le cerveau et ,le cervelet sont comme 'Un bureau central
automatique. Chaque dendri,te de la cellule nerveuse de ce
dédale de circonvolutions correspond à un numéro, autrement
dit à une fréquence de vibration déterminée. Par résonance
électrique des cellules convenables, s'opèrent dans le cerveau
l'arrivée, le départ, la centralisation, la répartition, l'analyse
et la synthèse de toutes les impressions et de toutes les actions,
circulant sous forme d'ondes, ,d'un bout à l'autre de notre
système nerveux.»
« La pensée n'est donc qu'une gamme de vibrations. »
182 LE SPIRITISME PHYSIQUE

{{ Ainsi donc, tout ce que nous pensons dans toute notre


vie n'est qu'une succession et un faisceau de v~brations, qui
.sont rayonnées ,par l'être vivant et se 'propagent éternellement
et indéfiniment dans l'universion, c'est-à--dire dans le champ
des ondes cosmiques interastrales que nous avons défini
ci-dessus.
{{ Ces ondes de la ;pensée sont enregistrées constamment
dans l'universion. (pp. 59, 61, 62 et 63).
«Seule la vibration de la pensée qui, dans l'universion,
se propage peut-être plus vite que la lumière (Cf. L'Univer­
sion,p. 161) peut explorer instantanément l'espace infini et
voyager dans le temps, ce que nous n'avons jamais encore pu
faire sur cette terre qu'en imagination.» (Ibid, p. 81).
Ces théories si intéressantes de M. Lakhovsky concordent
d'une façon vraiment remarquable avec ceHes émises il y a
déjà deux siècles par Swedenborg. On pourrait croire qu'il
ne s'agit que d'une simple transposition en langage scientifi­
que moderne des spéculations savantes de l'illustre philosophe
suédois. Swedenborg a consacré une série de travaux au rôle
des vibrations dans le domaine biologique, physiologique et
même psychologique. Ses premières hypothèses furent pu­
bliées dans la revue scientifique Dœdalus Hyperboreus. N° VI,
1°C oct. 1718. Les ouvrages suivants traitent du même sujet:
1. Arguments démontrant que notre torce vitale consiste
surtout en de minuscules vibrations ou oscillations. Ce tra­
vail fut présenté au CoHège Royal de Médecine, le 1er no­
vembre 1719. Il fut traduit du suédois par M. C. Th. Odhner
et parut en anglais à Boston, en 1889, sous ,le titre: On
Tremulation. Cette traduction contient également l'article du
Dœdalus Hyperboreus, mentionné plus haut. Selon nous,
le titre qui conviendrait le mieux à cet opuscule serait:
Physiologie Vibratoire, ou Le Rôle des Vibrations dans les
Phénomènes Physiologiques.
2. Psychologie et Vibrations. Cet ouvrage posthume a été
récemment traduit en angl,ais par le Professeur Alfred Acton
qui lui a donné pour titre: Psychologica. Dans ce travail
étonnant, Swedenborg a cherché à appliquer sa théorie des
vibrations à certains phénomènes psychologiques.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 183

3. De /nfinito.
4. De Fibra.
5. De Anima.
Nous retrouvons en outre le même sujet dans l'Œconomia
Regni Animalis, dans Regnum Animale, et même dans De
Sensibus, De Oeneratione et De Cerebro.
Si ,l'on compare œs ,livres avec certains travaux récents ­
ceux de Lakhovsky, paT exemple - on constatera tout de
suite que lesdécoU'vertes modernes, dans le domaine de la
radioélectricité, ont incité plusieurs ,savants contemporains à
formuler des théories très voistnes de celles .de Swedenborg.
Il est certain que si Swedenborg avait connu les principes
de 1'0sdUa1ion électromagnétique et toute la gamme des ondes
récemment découvertes, il en eût tiré .parti pour son explka­
tion des 'phénomènes vitaux et biologiques. A son époque
l'on ne c{)nnaissait guère que les ondes sonores et lumineuses.
Mais rien ne nous empêche d'interpréter les i,dées géniales
du savant suédois à la lumière des dernières acquisitions de
la science actuelle.
En somme Swedenborg a da~rement discerné toute une
série de prindpes dont nous trouvons à peu près l'équivalent
dans les ouvrages de O. Lakhovsky. Gitons quelques passages
de l'op'Usculeque Swedenborg a consaué au rôle des vibra­
tions dans les phénomènes vitaux:
« La vie consiste dans le mouvement; le repos ne saurait
participer à la vie.» (On Tremulation, p.p. 9 et 10.) «La vie
consiste dans le mouvement des particules, .la mort dans leur
repos.» (p. 10.) «Les mouvements dans lesquels réside la
vie sont les plus subtils de tous les mouvements, mouvements
dont la nature est telle qu'eIle ne saurait être déduite des
formes plus grossières du mouvement. La vibration est la
forme de mouvement la plus subtile qui existe dans la nature.
Elle possède des propriétés particulières et merveilleuses par
lesquelles elle se distingue de tous les autres mouvements.»
(p. Il).
«L'ensemble de notre nature vivante et subtile cherche à
s'exprimer au moyen de vibrations.» (p. 22). « La vie, ou ce
qu'il y a de \-Iraiment vivant en nous, .. ' consiste en viibra­
184 LE SPIRITISME PHYSIQUE

tions.» (p. 54). «La vie est vibration; tout ce qu'il y a de­
vivant en nous s'exprime par des mouvements vibratoires.»
(p. 52). «La vibration constitute la plus grande partie de
notre force vitale; en effet, elle est l'agent de 1a nature elle·
même dans notre vie.» (IP. 56). «La vibration est le fac
tatum pour tout ce qui concerne la vie dans notre corps», car
dès que nos cellulesperdent leur ,capacité oscillatoire «nous
perdons nos sens, notre Ipenséeet tout ce qui nous fait vrai·
ment vivre.» (p. 44). « ... la nature cherche partout à com­
muni'quer la vie au moyen d'une circulation, et ,plus particu··
Iièrement au moyen d'ondulations, c'est·à-dire au moyen de
mouvement vibratoires d'une amplitude plus ou moins
grande.» (p. 16). «Les mouvements Iplus grossiers de la vie
consistent en oscUlations plus grossières (mouvement cardia­
que, respiration, pulsation cérébrale, etc.), et, à l'instar de
ceux-ci, l,es mouvements plus subtils consistent en vibrations
plus subtiles.» (p. 22). «La natulfe doit s'exprimer par des
vibrations, dans les plus petites choses comme dans les plus
grandes.» (.p. 19) .
« Notre théorie est donc la suivante : chaque partie de ce'
qui est vivant dans notre corps, vit en vertu de petits mouve­
ments vibratoires qui affectent les nerfs et les tissus et pro­
voquent, 'par sympathie, une résonance dans le sy,stème entier.
Dès qu'une vibr,ation s'étend sur le COlipS entier, on peut la
désigner sous le nom de sens ou de sensation. Toutes les
vibrations des sens, prises ensemble, méritent d'être appelées,
nature ou vie.» (IP. 14). «Tout ce qui vit en noU!s -consiste
donc en vibrations, c'est-à-dire en mouvements extrêmement
subtils, et c'est par conséquent notre opinion que tout ce qui
vit -en nous est une vibration dans nos nerfs les plus fins,
dans les membranes les Iplus délicates (cellules), voire même
dans nos os.» (IP. 14).
«Le mouvement vibratoir,e n'est pas soumis aux lois qui
gouvernent ,le mouvement local (ou mouvement des objets
dans l'espace).» (p. 12). «Un mOUIVem~nt vibratoire peut
coexister avec un mouvement local. Un objet, par exemple,
peut être transporté d'un endroit à un autre, tout en étant
en état de vibration ,continueHe, cette vibration n'étant nulle­
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 185

ment gênée par le mouvement local... Bien plus, un mouve­


ment vibr,atoire peut se greffer sur un autre.» (p. 13).
« '" la vibration parcourt les membranes et les nerfs avec
la rapidité de l'éclair, 'produisant d'un bout à l'autre des ondes
qui affectent en un instant l'ensemble du territoire intéressé,
telle l'oscillation dans .l'eau ou dans les atmosphères... Ces
cndes sont si rapides, en effet,que nous ne ·saurions en con­
cevoir la vitesse d'après nos divisions du temps.» (pp. 31
ec 32).
Comme M. Lakhovsky, Swedenborg explique certains phé­
nomènes ·psychologiques par les vibrations: «Quelle est la
pensée, dit-il, quel est le souvenir dans lequel le mouvement
(vibratoire) n'effectue pas la première impression aussi bien
que la dernière?» (p. 9). « La ,pensée, ... n'est ,pas consdente,
eUe-même, de ce qui constitue son propre mouvement et sa
propre vie. En tout cas, la conclusion qui s'impose est la
suivante, à savoir que les mouvements dans lesquels réside
la vie sont les plus subms de tous les mouvements et que...
la vibration est la forme de mouvement la ,plus subtile qui
existe dans la nature.» (p. Il). Pour Swedenborg, la pensée
des animaux n'est qu'une forme de vibration. (Dœdalus Hy­
perboreus Oct. 1718. On Trem., p. 6.) Leur psychisme et
leur instinct trouvent leur cause déterminante dans les vibra­
tions de l'éther. M. O. LakhoV'sky, de son côté, nous a offert
une explication brillante de Finstind d'orientation de certains
animaux, en se basant sur le fait que les pigeons voyageurs
sont incapables de s'orienter quand ils se trouvent dans le
voisinage d'un poste émetteur de T. S. f. Il explique égale­
ment le sens de la di'rection chez les oiseaux migrateurs, chez
certains insectes, voire même ,chez quelques espèces de mam­
mifères, par l'adion des ondes électromagnétiques. (Cf. L'Ori­
gine de la Vie.) Inutile d'ajouter que les faits cités par Lak­
hovsky, ainsi que les hypothèses qu'il émet à leur sujet, con­
firment en tous points Iles théories du penseur scandinave. (1)

(1) « La natu,re des anima'ux est conforme à celle des atmosphères;


leur vie est soumise au gouvernement du cosmos et leurs instincts
en dérivent. En effet. leurs cellules nerveuses, ou ganglions corticaux,.
'186 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Nous avons déjà vu que pOUT Lakhovsky la pensée est


une manifestation vibratoire, La télépathie met en jeu un
proces&Us en tous points semblable à celui qui sert de base
à la radio-diffusion. En Fannée 1718, déj à, Swedenborg avait

se trouvent sous la dépendance des atmosphères en ce Qui concerne


bon nombre des modifica.tions Qui les .affectent.» Œconomia Regni
Animalis Il, N" 201.
«L'existence de cette atmosphère (magnétique) est également mise
-en évidence par l'instinct des animaux, car leUirs fluides les plus
subtils en dérivent et sont affectés par elle. En effet, les animaux
savent s'orienter et, sous l'empireexclusH d'une force naturelle,
retourner vers loeur gîte, même si celui-ci se trouve à une distance
de plusIeurs Uoeues et même s'il leur faut emprunter des chemins en­
tièrement inexplorés. Ils savent, en outre, sortir immédiatement d'un
dédale inextricable. Ainsi ils agissent à la manière de boussoles
vivantes, sans parler d'innombrables autres particuiarités.» Ibid. Il,
.272. Voir aussi Il, 338, 339, 342, 34ï, et De Anima 90.
Swedenborg revient à plusieures reprises sur l'analogie qui existe
ent,re l'a.iguille aimantée et ces sortes de «boussoles vivantes» Que
SOnt certains animaux. Ces derniers auraient donc la faculté de
s'orienter dans les innomorables champs de forces électromagnéti­
qu'es, a·insi Que dans le ch.amp des ondes Qui siLlonnent l'éther. Swe­
denborg affirme Que tous les objets émettent un rayonnement, rayon­
!. nement Qui constitue Jeu'r « sphère» paITti.culière. « Qu'une sphère
natureile émane continuellement du corps, non seulement chez l'hom­
me, mais aussi chez les animaux, que dis-je, même chez les aTbres.
les fruits, les fleurs, les métaux est un fait généralement admis.»
Am. Conj. lïi. «Tandis Que nous autres, créa,tures humaines, ne
possédons Que notre odorat pour percevoi,r les effluves Qui flottent
dans l'air, les animaux que nous avons mentionnés sont aussi cap.a­
bles de porcevoir celles Qui sillonnent j'éther. Il existe un véritable
océan de ces formes, car les atmosphères (impondérables) sont sa­
turées de telies émanations. » De Anima 48. « Les animaux perçoivent
d'après ,les sphères ce Qu'ils ne pourraient jamais sentir autrement.
Il existe ainsi dans la nature des sphères absolument inconnues de
l'homme, mais Qui gouvernent les animaux.» Diarillm 3339-3341. Or,
nous avons déjà vu que, pour Swedenborg, la vie psychique des
animaux dépend des vibrations de l'éther. Les sphères dont il est
Question ne peuvent donc être constituées que par le rayonnement
provenant des divers objets ou êtres Qui intéressent ),es animaux,
comme l'~_dmet Lakhovsky. Voir aussi l'intéressant artiole de W. B.
Caldwell, paru SOLIS le titre de Bird Migration, -dans le N" d'août
192ï du New Chllrch Lite. L'auteur y expose le problème de j'instinct
.migrateuT chez les oiseaux à J'aide des doctrines de Swedenborg.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 187

publié les lignes suivantes: «Il arrive souvent qu'une per­


sonne ,perçoive ce qu'une autre est en train de faire et de
'penser, c'est-à-dire que ses ceUules (membranes) vibrent sous
.l'influence des vibrat~ons des œllules cérébrales de l'autre
personne, à la manière de cordes accordées au même diapa­
son.» (Dœdalus tlyperboreus, Oct. 1718. VOiT aussi Psycho­
logica, § 199.)
Swedenborg a cru pouvoir .expliquer certains phénomènes
psychologiques et psychopathologiques au moyen ,de sa théorie
des vibrations. La tentative ne manquait 'pas de hardiesse, car
l'époque n'était pas mûre pour œ genre de recherches.
Même de nos jours, de ,pareilles spéculations n'offrent guère
qu'un intérêt théorique, car, p<>ur le moment, la psychologie
est très éloignée de la .physique et le restera, sans doute,
encore longtemps.
H existera d'ailleurs toujours un fossé infranchissable entre
la psychologie et la physique, si nombreux que puissent de­
venir, par la suite, leurs points de ,contact. En effet, l'expé­
rience subjective, -qui constitue le fait psychologique à propre­
ment parler, ne pourra ;amais être identifiée avec son déter­
minisme physique. Prenons un exemple: les couleurs sont à
la fois une impression psychologique et un phénomène phy­
sique. Mais l'un n'eX'plique pas l'autre. Le physicien aura
beau ind~quer au psychologue la longueur d'onde et la fré­
quence des ·différentes vibrations qui provoquent en nous
l'impression du rouge, du bleu, du vert, etc. ; cette impression
subjective n'en restera pas moins un fait sui generis, mysté­
.rieux et réfractaire à toute tentative d'explication quantitative.
L'analyse 'purement -quantitative d'un processus qui provo­
que dans l'esprit une réaction psychique déterminée, ne nous
apporte aucune ,lumière sur le -contenu qualitatif de cette
réaction elle-même. L'idée du mouvement, n'étant qu'une re­
présentation spatiale, ne saurait jamais s'identifier dans notre
esprit avec l'idée de «couleur », de «son », de «chaleur »,
etc. Les idées qui se rattachent à la notion de « mouvement»
(vitesse, amplitude, etc.) n'ont rien de commun avec les idées
qui constituent la notion de «couleur », de «son », ou de
« chaleur ». Le physicien et le psychologue parlent deux
188 LE SPIRITISME PHYSIQUE

langages différents et intraduisibles l'un dans l'autre. Corres-


pondance ne signifie pas identité.
M. Henri Berg,son a écri1 sur ce sujet des pages d'une
lucidité remarquable. Le lecteur fera bien de lire, à ce propos,
Matière et Ménwire et L'Energie Spirituelle, ouvrages d'une
por~ée phïlos()lphi'que considéraMe, dans lesquels l'auteur
prouve, d'une manière convaincarute, que la représentation
spatiale de nos expériences psychologiques n'ajoute rien à
riotreconnaissance de 'Ces expériences. Aurons-nous «expli-
qué» la colère, par exemple, quand nous aurons prouvé
qu'elle «consiste» en trépidations, mouvements ou vibrations
de telle ou telle nature? Tout au plus arriverons-nous à
expliquer ainsi certains de ses effets organiques, ce qui serait
déjà merveilleux!
Que les mouvements de l'âme se traduisent dans l'orga-
ni.sme, par une série de mouvements correspondants, nul n'en
doute. Que ,l'âme intervienne en tant que force active dans
dans la vie du COflPS, et ceci sous forme d'énergie vi;bratoire,
c'est plus que probable. Telle fut, en tout cas, la théorie de
Swedenborg. Mais si l'âme, vue du corps, apparaît comme
un compIexe de vibrations, il n'en reste pas moins vrai
qu'au Ipoint de vue introspectif, et considérée ,dans son es-
sence intelligible ou quaHtativ,e, elle ne se laissera jamais
ramener à un schéma .spatial ou représenter par une formule
purement quantitative. Les «vibrations ,psy,chiques» ne sont
pas l'âme eUe-même, maisseuloement l'alter ego de l'âme dans
le COl1pS, oomme Swedenborg ,l'a si bien vu. Dans ses ouvra-
ges théologiques, oelui-ci nous met en garde contre toute re-
présentation spatiaIe et temporelle des réalités spirituelles,
et nous ferons biend'écouier ce sage conseil.
Mai's revenons maintenant à notre sujet et soulignons, d'un
coup de ,crayon, un certain nombre de concol1dances frappan-
tes existant entre les idées de notre philosophe et ,certaines
théories modernes.
D'a'près Swedenborg, comme d'après Lakhovsky, ce sont
les atmosphères impondérables qui constituent l'inépuisable
réservoir d'énergie qui alimente notre force vitale.
Les radiations ou ondes cosmiques sont captées par des
résonateurs ad hoc.
LE L1M.BE CONÇU COMME MÉCANISME 189

Tout résonateur peut également fonctionner en émetteur.


Tout résonateur peut vibrer sur les nombreux harmoniques
de la fréquence fondamentale, (Swedenborg ne mentionne que
les octaves, mais le principe reste le même).
La fréquence d'oscillation d'une onde est d'autant plus
grande que sa longueur est plus petite. (Voir Psychologica
§ 50, et On Tremulation, p. 49, où Swedenborg indique la
formurle de ce rapport.)
La vitesse de propagation des ondes est différente dans cha­
que milieu. Une vague se déplace lentement à la surface de
l'eau; un son parcourt 420 m. à la seconde dans l'air; la
lumière et les radiations électromagnétiques voyagent dans
l'éther à la vitesse d'environ 300.000 kilomètres à la seconde;
dans l'ultra-éther, ou aura, la gravitation et les autres radia­
tions se ,propagent 'pour ainsi dire instantanément. Dans les
atmosphères spirituelles, la notion même de temps et d'espace
perd sa raison d'être et n'a plus aueu'n sens.
A l'échelonnement des miHeux capables de vihrer, et à la
gamme des ondes -qui les parcourent, correspondent des réso­
nateurs biologiques de plus en plus subtils et sensibles.
Tous nos tissus cellulaires et ultra-cellulaires baignent,
donc, dans un champ de radiations qui ieur apporte énergie
et vie. (La théorie des quanta, de Planck, rend cette hypothèse
fort plausible.)
Les maladies physiques et même mentales s'expliquent par
un affaiblissement de l'oscillation cellulaüre ou ,par un déran­
gement survenu dans le régime vibratoire de l'organisme.
(Cf. On Tremulation, ehap. IV.) Les causes que Swedenborg
assigne à ee dérangement, sont d'ordre purement mécanique
(état de ten'sion ou intoxication des tissus cellulaires, pression
artérielle ou lymphatique, etc.) et correspondent à l'image
purement mécanique que notre auteur se faisait des vibrations.
Quel dommage que Swedenborg n'ait 'pas 'COnnu les lois de
l'oscillation électromagnéfi,que! Un affaiblissement ou un
déséquilibre oscillatoire, 'provoqués par l'altération, momen­
tanée ou durable, de certains tissus, peuvent évidemment en­
gendrer des troubles dans d'autres organes et même com­
promettre la santé du corps tout entier. Toutefois, Swedenborg
190 LE SPIRITISME PHYSIQUE

a négligé de nous dire (à ma connaissance, du moins) si une


perturbation dans le champ des ondes cosmi'ques peut -causer
un dérangement dans le régime de nos vibrations cellulaires
et par suite engendrer des maladies, comme le veut M. La­
khovsky. D'a1près celui-ci, ce sont les interférences,provoquées
par la réfraction des ondes cosmi'ques, à la surface du sol,
qui causent -cet affolement cellulaire que nous appelons cancer,
et, en général, la mpture de l'équilibre oscillatoire nécessaire
à la vie normale de nos ceUules. A l'époque de Swedenborg,
les rôle des interférences n'était pas connu en physique, et de
nombreux passages des ouvrages de notre auteur semblent
indiquer que celui-ci n'a pas ,pressenti leur rmportance. On
ne saurait lui en faire un grief. Il est indéniable, par contre,
que la théorie de Lakhovsky sur le rôle des ondes cosmiques
dans l'étiologie des maladies est dans la logique du système
swedenborgien.
D'après Swedenborg, la cause (indirede, 'Sans doute) de
certaines maladies du corps doit être Techer'chée dans .t'âme.
Les mauvais sentiments, 'les pensées cOUipables et égoïstes,
peuvent devenir pathogènes. Certaines'sUlggestions ou auto­
suggestions peuvent également provoquer soit des troubles
pathologiques, soit des effets curatifs. Il ne faut pas trop
s'en étonner, si l'on considère que l'âme contrôle la captation
des ondes et la transformation de .J'énergie rayonnante des
atmosphères impondérables au moyen du réseau complexe des
tissus ultra-mkroscopiques ·qui constituent ;Je «limbe ». I.l
semble donc logique d'admettre que nos vibrations psychiques
peuvent occasionner un dérangement de ·l'équilibre osoillatoire
de nos -cellules, avec les conséquences pathologiques que com­
porte un tel dérangement. La résistance aux maladies infec­
tieuses serait due, d'après Lakhovsky, à la neutralisation et
à l'étouffement des radiations microbiennes ,par la vibration
normale ·des cellules de notTe organisme.
Il nous a paru intéressant d'établir un palfallèle entre les
idées de Swedenborg et celles de Lakhovsky. Ce 'parallèle ne
saurait, bien entendu, être toujours d'une rigueur absolue.
Bien que M. Lakhovsky parle de l'âme et même du Divin
dans ses livres, il me paraît tout à fait évident ,que ces mots
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 191'

cachent une conception quantitativiste et somme toute maté­


rialiste de la vie. Swedenbor.g s'est bien gaTdé d'adorer le
dieu Vibration, car la V'ibrartion n'est pas 'l'essence du spirituel
ou du divin, mais seulement une manifestation inférieure ef
très atténuée de leur activité immanente dans l'univers phy­
sique. Toute vie influe de Dieu, qui est la Vie Même. Les.
vibrations physiques ne sont que l'instrument dont se servent
les forces spirituelles 'pour atteindre l'organisme matériel. Les.
vibrations du monde matériel ne possèdent en elles-mêmes
aucun contenu spirituel. Pour qu'elles aient un sens quelcon­
que, il faut que l'esprit les déchiffre et les interprète; en effet,
eUes ne s'identifient pas avec la sensation psychique, elles ne
font que l'évoquer ou la provoquer, ce qui n'est ·pas du tout
la même chose.
Revenons, une dernière fois, aux théories de Swedenborg
sur la ,captation des radiations cosmiques 'par les tissus
ultra-atomiques de notre <.<. limbe ». Ces théories 'présentent
évidemment œrtaines difficultés. 11 n'est pas facile, par exem­
ple, dans l'état actuel de nos connaissances, de se représenter
clairement la captation de forces électromagnétiques, ou au­
tres, en dehors d'un support ou d'un appareil matériel. Or,
les <.<. membranes », <.<. fibres» ou cellules ultra-microscopiques,
qui servent de premiers résonateurs aux vibrations de l'âme,
ainsi qu'aux radiations de la première atmosphère, ne sont
pas des structures atomiques ou moléculaires. Ce sont plutôt
des strudures infra- ou ultra-matérielles, tirées de la même
protomatière dont se compose l'ultra-éther lui-même.
Nous lisons dans Psychologie et Vibrations (Psychologica):
<.<. D'accofd avec la 'série décrite dans les Principia (Cf. Vol. I.

chap II-VII) les membranes semblent être constituées comme


suit: 1) La membrane la plus petite est constituée par des
spirales du centre aux périphéries; elle provient de la dila­
tation de quelque <.< fini ». Celui-ci a dû être élargi en une
membrane de cette forme, conformément au flux de son mou­
vement interne (1). Les membranes (ou fibrilles) sont en­

(1) Swedenborg appelle « fini» la première particule de substance


créée p.ar le mouvement des « premiers points naturels ». Le «pre­
'192 LE SPIRITISME PHYSIQUE

roulées sur eI.1es-mêmes d possèdent, de ce fait, des cavités


polaires. Au dedans il y a des «acms » du premIer degré (1).
Les membranes elles~mêmes sont composées de «finis» du
-second degré. 2) EHes sont ouvertes d'un côté et, à cet en­
droit, le premier élément (ou atmosphère universelle) influe
dans les cavités coniq:ues et reçoit le mouvement vibratoire
propre aux membranes. Ainsi l'âme peut (en vertu des mem­
branes) recevoir le mouvement (vibratoire) de cet élément (ou
atmosphère) et mettre, elle-même, ce dernier en mouvement. »
(Psychologica N° 23.)
Les physiciens se demanderont, peut-être, comment des cor­
puscules sub-atomiques ou ultra-atomiques peuvent donner
naissance à des structures capables de fonctionner comme
résonateurs ou émetteurs d'ondes. Il y a là, évidemment, une
difficulté. Mais, bien que nous ne puissions, par la force des
choses, utiliser, dans nos ex,périenœs, que des structures
moléculaires, rien ne s'oppose a priori à la conception d'éohan­
ges ou de transfor;mations d'énergie sur un ,plan S'lllpérieur à
celui de l'atome. A~nsi le passage d'électrons à travers le
groupe des particules qui gravitent à la périphéI'ie de l'atome
-radioactif produit des chocs qui donnent naissance aux rayons
gamma, et les atomes eux~mêmes peuvent se réduke, en der­
nière analyse, à des charges d'énergie et à du mouvement (à
des ondes d'après de Broglie). Pourquoi n'y aurait-il pas des
particules ou même des strudures sub-aiomiques capables de
capter, de transformer, de transmettre ou d'émettre de l'éner­

mier point naturel", sorte de cha'rge d'énerg.ie primordiale, ou grain


d'éne·rgie, est à cheval sur l'infini, qu'il limite, et sur le fini, dont
il constitue le point de dépa.rt. D'après Swedenborg, c'est le mouve­
ment qui limite l'infini ,et qui donne naissance, successivement, par
l'accmissement de sa complexité, à toute la série des particules
finies aboutissant à la matière iner,te. A l'origine de toute substance
finie se trouvent, donc, J.es «premiers points naturels ». Tout mou­
vement, toute énergie en dérivent également, dans l'ensemble du
cosmos physique. (Cf. Principia I, chap. II.)
(1) L'« actif» constitue un nouveau stage de l'évolu'tian des paJI'm­
<cul~s élémentaires. Cette évolution résulte de l'involution progressive
,de j'infini.
LE LIMBE CONÇU COMME MÉCANISME 193

gie radiante? Le plus grossier semble toujours pouvoir servir


de conducteur au 'Plus subtil, et rten ne Iprouve qu'il n'existe
pas des formes d'énergie et de mouvement plus subtiles en·
core que celles que nous connaissons dans le domaine
radioélectrique. Celles~cipoulTaient servir de support à
celles-là. Quoi qu'il en soit, la notion d'undynamosome, ou
étherosome, (qu'on ,pourrait aussi appeler corps fluidique ou
électrique, malgré l'aspect occultiste de ces termes) n'a, en
soi, rien d'ahsurde ou d'inconcevable. Cet intermédiaire en1re
l'âme et le corps servirait, tout naturellement, à capter et à
transformer toutes les énergies et tous les mouvements qui
intéressent la région située entre le monde spirituel propre­
ment dit et le monde tangible. Ceci n'empêche d'ailleurs nulle­
ment les ceUuJes visibles de notre organisme de remplir à
leur tour le rôle que M. Lakhovsky ,leur attribue au point de
vue électromagnétique, loin de là.(i).

(1) Au cours d'un entretien, des plus intéressants, que M. La­


khovsky voulut bien m'accorder dans son laboratoire de J'avenue du
Bois de Boulogne, la conversaUon s'egagea sur le sujet de la capta­
tion des ondes par des résonat,eurs ultra-ma,térîels. Sans se prononcer
iormeilement sur J'existence effective d'un phénomène qui échappe
par sa subtWté à l'investigation et au contJrôle scientifiques, le dis­
ting.ué physicien ne fit aucune dHfioulté pour en admettre la possi­
bilité, voire même la probaüiHté,en vertu de la loi de la similitude
qui, dans ce domaine, semble régner à ,tous les degrés de l'échelle
des grandeurs. En d'autres t-ermes, la petitesse des éléments en cause
n'influe pas sur la nature d'un pr.ocessus qui apparaît comme univer­
sel et toujours identique à lui-'même. La notion de j'«universion» ne
repose-t-elle pas sur une c.onception similaire, car ce milieu impon­
dérable ne se compose pas, d'après Lakhovsky, d'une substance con­
tinue, mais de quantités discrètes, de véritables grains d'énergie,
servant de support aux ondes. Pour Swedenborg, .les premières
« membranes» impondérables ne sont que d-es gwuJ}ements particu­
liers de tels corpuscuies et aucune raison de principe ne s'oppose
il ce que ces ~roupements r,emplissent le rôl,e qu'i,! leur attribue.
194 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Le limbe conçu comme agent morphogénique.

Les écrits philosophico-scientifiques de Swedenborg n'attri­


buent pas seulement le rôle mécanique que nous venons de
voir aux substances et aux forces intermédiaires entre l'âme
et le COl1pS. Ils leur ,prêtent aussi d'autres fonctions d'une
importance capitale. D'après notre philosophe, ces subst.ances
et ces forces constituent le véritable alter ego, ou agent d'exé­
cution, de l'âme dans la sphère c011porelile. Si l'âme est la
cause formelle ou la forme informante du COl1pS, le limbe en
est la cause instrumentale ou la force nwrphogénique.
Les substances qui servent de lien entre l'âme et le corps
- ces deux pôles relativement fixes de notre être - sont
éminemment plastiques, c'est-à-dire qu'elles sont capables de
recevoir immédiatement l'empreinte des représentations for­
melles de l'âme et de façonner l'organisme conformément à
celles-ci. La morrphologie organique possède par conséquent
un caratère idéoplastique ou psychoplastique. Le type formel
réside dans ;l'âme, tandis ,que les forces mOl1phogéniques dé­
pendent du limbe. Par contre, les substances qui composent
la «forme informée» du COl1pS proviennent du monde ma­
tériel.
Nous attirons une fois de ,plus l'attention du lecteur sut: le
fait que Swedenborg n'emploie jamai's le terme limbus dans
,ses écrits scientifiques. Il ne s'en est servi que dans ses œu­
vres théologiques, pour désigner les substances Iles ,plus sub­
tiles de la nature qui servent à établir le' contad vital entre
l'âme et ~e corps, substances que l'âme emporte avec elle au
moment où elle quitte 'pour toujours ,le COflpS 'Physique qui lui
servait de demeure. Swedenborg ne 'flOUS a ,pas eX!pliqué le
rôle ante mortem du limbe dans ses traités religieux, mais
nous n'avons aucune raison de penser qu'il a modifié ses
conceptions antérieures sur ce point. Quant à celles-ci, nous
venons de voir, en partie, ce qu'elles étaient.
Récapitulons les brièvement:

La vie influe de l'âme dans le co11ps, principalement sous

LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQNE 195

forme de vibrations. Celles-ci sont transmises par une série


de substances (appelées membranes ou fibres) qui correspon­
dent aux différentes atmosphères intermédiaires entre le
monde spirituel et le monde matériel. Ces 'substances captent
l'énergie ,radiante du milieu ambiant et la transforment en
force vitale. Sans l'appoint des ondes cosmiques, captées par
les tissus ultra·microsc(}pi'ques du limbe, -l'âme ne saurait
atteindre directement lecol1ps, car toute cause pnncipale a
besoin d'une cause instrumentale pour produire son effet sur
le plande la matière inerte. Conformément à la définition
du limbe que nous trouvons dans les [·crits théologiques de
Swedenborg, nous aVions p["êté au limbe touts les fonctions
et touries :les qualités que noire auteur attribue aux «mem­
branes » et aux « fibres simples» dans ses œuvres antérieures.
Sous des noms différents, il s'.agit en effet d'une seule et
même réalité, à savoir des substances et des forces intermé­
diaires entre l'âme et le corps, et je ne voi's pas bien sur
quels arguments on ,pourrait se baser pour contester le bien­
fondé d'une identification exigée par la logique des choses
et la rigueur du raisonnement.
Une identiücation semblable s'impose en ce qui concerne
le «fluide animal» ou les «esprits animaux» (fluidum
animale, fluidum spirituosuin ou spiritus animalis) dont il
est question dans Œconomia Regni Animalis, dans Regnum
Animale, De Fibra, De Anima, De Sensibus, De Genera­
liane, etc.
Dans ces ouvrages, il n'est ,plus guère question de «mem­
branes» et de vibrations, comme dans De lnfiniio, la Phy­
siologie Vibratoire ou Psychologica ; par contre, Swedenborg
nous parle de «fibres» (fibra simplex, fibra simplicissima) et
de «fluides ». Simple changement ·de nom, correspondant à
une concepti'onplus étendue et 'plus complète. Notre auteur
attribue aux «fibres» le même rôle qu'aux «membranes »,
ce qui nous ,permet d'appliquer à .celles-là ce que nous savons
de celles-ci. Quant au fluide animal, tiré des atmo·sphères
impondéraMes, il convient d'y penser en gardant présent à
l'esprit le schéma des vibrations dont nous avons tracé l'es­
quisse à ,l'aide de nombreusescifa1ions, tirées des premières
196 LE SPiRITISME PHYSIQUE

publications 'physiologiques et psychologiques de notre phi­


losophe.
La principa,le notion nouvelle que Swedenborg a introduite
dans sa conception des substances et des fo'mes intermédiaires
est celle du rôle idéoplastique et mOI'lphogénique qu'il leur
attribue dorénavant. Cette notion nouvelle est absolument ca­
pitale. Mais avant de la failre connaître ,au lecteur, il sera pru­
dent de lui démontrer que Swedenborg est resté fidèle à ses
premières idées et que les «fibres» dont il nous entretient
dans ses dernieI'ls ouvrages philosophiques sont bien identi­
ques aux «membranes» dont il est question dans ses pre­
miers travaux. Leur fonction est la même, leur rang dans
l'échelle des substances est identique. Ce qui s'applique aux
unes s'appHque donc forcément aux autres. Les citations sui­
vantes en font foi:

La fibre simple.
«On ne saurait guère décrire les qualités de la fibre sim­
ple par des mots, car elles 'paraîtront forcément paradoxales.
N'aurait-on pas 1'.air de formu.Jer des 'paradoxes si l'on disait
que la fibre simple consiste en substanoes simples, c'est-à-dire
en autant d'unités ou de monades dépourvues de figure,
d'extension, de grandeur, de gravité, ,en d'autres termes
qu'eUes ne sont pas matérielles et qu'elles sont ,autant d'exem­
plaires représent,aiifs de leur univers ou mircrocosme, dont
elles contiennent, en puissance, toutes les qualités apparentes?
'" C'est 'pourtant de pareilles formes, natures ou deux que
provient la fibre simple, celle dont toutes les fibres composées
tirent leur origine. » De fïbra 279.
« Cette fibre échappe entièrement à la perception des sens.
Elle ne rentre pas, pour cette raison, dans le domaine de
l'anatomie. Il faut donc que notre premier souci soit d'ar­
river à connaître l'essence et la nature de cette fibrme. De
cette connaissance dépendent, en effet, la perception des cau­
ses et la compréhension profonde des phénomènes du noble
royaume organique. Sans eUe, à vrai dir,e, nous necompren­
driOons rien, notre science fftt-eHeparfaite quant au reste. En
effet, noUis ne ŒnnaÎt'rions que l'effet, que .Je produit de ces
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 197

forces illimitées contenues en 'puissance ·dans œtte 'petite


fibre... » Fib, 252.
«La fibre simple est produite tmmédiatement par des
substances de forme céleste... lesquelles ne sont pas maté·
rielles. » Fib. 279.
« L'œil le rphl'S exercé, même armé du mrcroscope, ne sau­
rait pénétrer assez loin pour pouvoir distinguer ne fût-ce que
les linéaments les plus simples de sa structure.» Ibid. 258.
«Car à mesure que nous nous élevons, par degrés, dans
l'échelle des forces et des substances, celles-ci sont d'une na­
ture et d'une puissance supérieures et plus parfaites. » Ibid.
259.
«Il s'ensuit que l'âme doit descendre par un nombre de
degrés égal à celui qui di,stingue et sépare entre elles les
substances et les forces de l'univers. Ble doit, par conséquent,
former un corps adapté successivement à chacun de ces de­
grés. Les atmosphères impondérables (aurae) sont les forces
de l'univers, car elles sont la forme des forces de l'univers,
(c'est-à-dir,e le milieu qui les transmet).» Œconomia Regni
Animalis, II, 272.
« Nous ne saurions donc connaître la fibre simple autre­
ment que 'Par voie analytique, c'est-à-dire en pa,ssant des phé­
nomènes visibles aux phénomènes invisibles et en suivant
l'enchaînement des causes... car la fibre simple est entière­
ment soustraite à l'observation de nos sens et constitue le
plasma fondamental (lit. la fibre intime) de son propre
royaume. » Fib. 256.
«Nous ajouterons seulement que si quelqu'un nie ces
choses sou,s prétexte que son œil, dans son impuissance, ne
les voit 'pas, il prive, par là même, de leurs causes tous les
effets que ,la nature produit dans son royaume.». Œeon. Reg.
An. 472. (Voir aussi les N°S 256 et 225.)
« La fibre simple est de nature céleste e). Chaque partie,

('-) «La ra,ison de ceHe appellation réside dans le fait Que la


forme céleste est la forme suprême parmi toutes les formes natu­
relles et constitue cette grande étendue Qui est appelée espace
céleste." Fib. 266.
198 LE SPIRITISME PHYSIQUE

ou unité indirviduelle, de cette substance première est de forme


céleste et correspond à la substance qui remplit l'espace inter·
sidéral, c'est-à-dire à l'atmosphère suprême et universelle.»
(Œc. R. A. II 35, 180, 298.) «Il en résulte qu'il n'y a rÎJe11
dans 'la fibre simple qui ne so~t une forme céleste. Or, ces
formes sont ,Les seules qui soient directement gouvernées par
les formes sptdtuelles. » De Anima 4.
«Puisque la fibre simple est engendrée directement par
des substances de forme céleste, il s'ensuit qu'elle n'est pas
de nature terrestre, son origine se trouvant dans l'éther le plus
subtil ou dans le ciel (i. e. dans l'espace intersidéral) et ceci
contrairement à l'opinion d'Aristote et de l'école pédpathéti­
cienne, selon laquelle cette fibre est d'origine terrestre. Mais,
à la vérité, combien n'en est-elle 'pas éloignée! Située au som­
met ou à l'origine même de la nature - de sorte qu'on pour­
rait l'appeler ,la nature eMe-même dans sa première enfance
- elle constitue la réalité dans laquelle réside le premier
prindpe des forces, des énergies et des mouvements naturels,
la source dont découlent toutes les autres fOlices. » Fib. 279.
«L'esprit (ou fluide) animal qui circule dans la fibre sim­
ple, est modifié selon la forme de son propre éther.» De
Sensibus 322-3. En d'autres termes, le mouvement du fluide
animal dépend des lois qui régissent les vibrations de l'éther
correspondant.
« La fibre simple n'est pas solide. Sa consistance est plutôt
celle d'un fluide.» Fib. 294.
«Ce qui est fluide en soi, ou en vertu de sa propre nature,
précède ce qui est solide (in ordine ad existereJ. Pour qu'un
solide puisse exister,subsister et être mû sous Il'imrpu;l'sion de
son principe simple, il faut qu'il soit déterminé et formé par
un fluide... C'est ainsi que tout ,solide doit avoir été fluide
à l'origine (1). La fibre simple est toujours dans son enfance

(1) «La matière pesante que nous connaissons, depuis la plus


ténue, constituant les comètes... jusqu'à la plus dense formant les
métaux, n'est rien d'autre que de l'univers ion condensé. Les atomes
et les molécules sont des édHices aussi parfaits que complexes, bâtis
avec cette matière première qui est immatérielle, avec cette substance
originelle qu'on nomme l'élecbron, corpuscule de l'universion.>>
Lakhovsky. L'Universion, p. 34,
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 199

.et ,dans la fleur de sa jeunesse, parce que toutes les autres


fibres et tous les aUTres tissus - c'est-à-dire l'ensemble de
l'organisme - existent, subsistent, se meuvent et vivent par
elle. Voilà pourquoi la fibre simple serait incapable d'agir, si
elle était solide, ce qui équivaudrait à la mort même du sys­
tème entier. » Fib. 295.
«La fibre simple, parce qu'eUe se trouve au-dessus de
toutes lesaut'res formes, ne saurait être touchée par ces der­
nières, à plus forte raison ne saurait-eUe être endommagée
par elles. Elle est p.lacée au-dessus de toute atteinte. En effet,
comment un composé pourrait-il agir sur les entités simples
qui le constituent ? Il en est trop éloigné et celles-ci lui
échappent.» De Anima, 4.
« Veuillez me dire, je vous prie, comment ce qui est intérieur
pourrait être détruit par ce qui est extérieur, ou ce qui est
suprême par ce qui est inférieur, ou ce qui ,est antérieur par
ce qui est postérieur, ou ce qui est, en soi, très imparfait?
En effet, l'imparfait ne ,subsiste lui-même qu'en vertu des
,qilalités parfaites qu'il contient. Ce qui subsiste en soi ne
saurait être détruit par ce qui ne subsiste pas en soi.»
De An. 501.
«Ce serait comme si l'on disait qu'une grosse poutre est
capable de couper en deux quelque parcelle d'éther, alors
qu'en réalité, une masse de matière aussi considérable est
entourée, voire même traversée, par des myriades de telles
particules. Ou, si l'on 'préfère, ce serait comme si l'on préten­
dait que la charpente d'une maison pourrait intercepter la
force attractive de l'aimant, alors que celle-ci traverse toutes
choses.» Ibid. 502.
«Il serait d'ailleurs contraire à la nature des choses que
ce qui n'est ni lourd, ni léger, et n'offre par conséquent au­
cune résistence aux matières pesantes, puisse être détruit par
celles-ci.» De An. 503. (Voir Œc. R. An. 180 et 298.)

La Fibre et le flaide animal.


« La fibrille sans un fluide, ou l'analogue d'un fluide, qui
la pan:ourt serait une entité incapable d'agir.» Fib. 253.
«Le fluide contenu dans la fibre et la fibre - ou petite
200 LE SPIRITISME PHYSIQUE

tunique fibreuse - contenant le fluide sont parfaitement


adaptés l'un à l'autre, de façon cl pouvoir agir comme une
seule et même cause ou force déterminante.» De l'Esprit
Animal (Psychol. Transactions, p. 77).
« La fibre et le fluide qui la. parcourt constituent, par leur
combinaison, une cause unique. La fibre en est l'élément pas­
sif et instrumental, tandis que le fluide en est l'élément adif.
L'esprit (,le fluide) et la fibre sont de nature élastique et
transmettent la totalité des forces 'captées d'une extrémité à
l'autre, exactement comme le font d'autres corps élastiques,
tels que l'air et l'éther, c'est-à-dire les atmosphères, et Ceci
pour ainsi dire instantanément.» De Sensiblls 658.
«Cette fibre est conductriœ et 'perméable. Elle transport't'
une certaine essence, extrêmement subtile, propre à l'animal.
C'est d'aiLleurs cette essence qui élabore la membrane infini­
ment délicate de la fibre elle-même... Ce fluide - en admet­
tant qu'on puisse parler d'un fluide --- et la petite tunique
(qui lui sert de support) sont formés ,de façon à s'adapter
parfaitement l'un à l'autre. L'existence même de la fibre dé­
pend de leur réunion.» Fib. 259.
«Par l'anatomie du corps animal, nous percevons claire­
ment qu'un certain fluide, extrêmement pur, pan::ourt les fi­
bres les plus subtiles, échappant à l'observation, aussi loin
qu'on la pousse.» Œc. II. 219.
« La fibre - c'est là un point c.apital -doit être constam­
ment alimentée en fluide animal (flllidllm spiritllosllm), car
les fibres effectuent, en général et en ,particulier, tout le travail
dans le corps. A vrai dire, ce dernier ne contient rien de
vivant en dehors du fluide animal contenu dans sa propre
fibœ. » Ibid. 1 340.
«Ce fluide - ainsi nommé par analogie et dans un sens
éminent - n'est autre chose que cetteessenœ première, infi­
niment pure et fluide, véritablement animaJe et vitale, qui
parcourt les fibres les plus subtiles à la vitesse de l'éclair
et que nous avons appelée essence animique (spiritllosa) ...
Or, comme il n'existe ·pasde fibre plus simple (que la «fibre
simple»), il s'ensuit que cette même essence forme la délicate
petite tunique de cette fibrille, ou l'analogue d'une tunique...
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 201

Une essence de cette nature est infiniment apte à subir des


mutations accidentelles (ces terme~ doivent s'entendre dans
leur sens scolastique), car telle est, en effet, la perfection des
entités supérieures. (Voir Fib. 241.) Une telle essence ne
saurait faire autrement que de revêtir, par quelque mode de
contraction, une nature moins fluide, et ceci conformément
aux diveI's degrés de composition qu'elle est susceptible d'as­
sumer... Ainsi rien ne saurait être plus aisé 'pour cette essence
que l'élaboration d'un tissus élémentaire (litt. pefite tunique)
tiré de sa propre substance.» Fib. 254.
«Premièrement noUiS apprendrons que la matière dont se
compose le tissu de la fibre primordiale n'est autre que la
substance même du fluide. Celui~ci en est l'élément procréa­
teur et nourricier, parce qu'il est la substance formatrice de
toutes les choses du corps. Deuxièmement, si nous désirons
nous rendre compte de la nature de la mutation ou de la
métamorphose en vertu de laquelle cette essence, de parfaite­
ment fluide qu'elle est, peut devenir en quelque sorte fixe et
susceptible de se transfof.mer en ti,ssucohérent, nous pouvons
nous baser SUT les données suivantes: La 'princtpalepuis­
sance naturelle du fluide consi'ste dans sa capacité de subir
des mutations aœidentelles, et ceci d'une manière indéfinie.
Autrement dit, le fluide est capable desuhir des expansions
et des contractions. Ce genre de modification constitue la
perfection même de sa ooiture (Œc. II 223 et le chap. X);
c'est grâce à œla qu'il est apte à répondre à toutes les
necessités et à tous les usages de l'organisme. Ainsi, plus la
forme à laquelle il est réduit est concentrée et compacte, moins
il est fluide, de sorte que, en fin de compte, il se trouve réduit
à un état où il tend vers une sorte decontuinité. Acceptons
donc, en premier Heu, pro argumenta, que la matière de la
fibre est tirée de la matière du fluide... Mais, bien que ses
modalités d'expression aient changé, celui-ci n'en conserve
pas moins ses attributs essentiels. Il en résulte que chaque
partie de la fibre est vivante, bien que d'une manière plus
atténuée.» CEe. II 296.
«La fibre simple est un produit animé engendré par son
essence première. Il s'ensuit qu'H n'y a rien dans l'ensemble
202 LE SPIRITISME PHYSIQUE

du système animal qui pourrait lui donner naissanœ si ce


n'est cette essence eUe-même, autrement dit le fluide animal. »
De Anima 2.
« La véritable doctrine de l'organisme repose sur les maxi-
mes suivantes: 1) Rien ne vit dans le corps excepté le fluide
animal (f. spirituosum). Les fluides qui en dérivent ne vivent
que dans la mesure où ils contiennent le fluide animal d'une
manière normale et déterminée... 2) Afin que ce fluide puisse
manifester sa vie d'une manière active, il faut qu'il soit con·
tenu dans une fibre, grâce à laquelle son adivité 'pourra être
correctement déterminée. Par conséquent, H n'y a Tien dans
l'organisme qui soit capable d'agir comme cause efficiente,
si ce n'est la fibre conjointement avec son fluide.» Œc. 1 503.
«Sans un fluide dans les fibres, rien, dans le royaume
animal, ne saurait ni commencer ni progresser suivant l'or-
dre, la loi, la forme et la vie qui lui sont propres... Or, H ne
saurait y avoir de doute qu'une sorte de fluide, ou quelque
essence supérieure, parcourt Iles fibres; il s'agit 'seulement
de savoir quel nom il convient de lui donner. D'habitude on
l'appelle esprit animal et on le compat'e à une humeur exces-
sivement subtile, d'une fluidité et d'une perfection telles
qu'eUe est capable de palfcourir les iibres invisibùes (avec ~a
rapidité de l'édair).» De l'Esprit Animal (Psychol. Trans.
p. 75).
« Le fluide le p1ll's subHl, étant la cause instrumentale (de
l'organisme), doit être ap;pelé l'esprit et l'âme de son corps...
c'est pourquoi, dans ce qui suit, nous l'appellerons fluide
animal (le texte ,porte fluidum spirituosum, expression qu'on
pourrait rendre, à la rigueur, par fluide animique). Œc. 245.
« Pour que cet e5'prit (fl.uide animal) ,puisse ·exi·ster, il lui
faut absorber une nourriture choisie, tirée des atmosphères
célestes; il lui faut, en quelque sorte, absorber les nectars
de l'éther. » Reg. An. 509.
«L'esprit (le fluide), ainsi modifié suivant la forme de
son propre éther, 'parcourt les fibres.» De Sensibus 323.
« Quand la fibre est ébranlée sur un certain pmnt, elle vibre
de part en part, jusqu'à l'e)Qtrémité opposée. Le mouvement
commencé se propage au moyen d'ondes subtiles et très ra-
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 203

pides, grâce à la .présence de l'esprit (fluide) dans la fibre. ~


De Sensibus 322.
Pour fixer la pensée du lecteur, citons à nouveau un pas-
sage capital de De lnfinito. L'identité des «membranes» et
des « fibres », d'une Ipart, celle des vrbrations et du «fluide »,
d'autre part, y apparaîtr:a :sans contestation possible:
«Les membranes <sont constituées de manière à 'Permettre
au fluide élémentaire de les traVeI1ser librement, elles et leurs
points de contad. En effet, l'élément est la seu,le ,chœe qui
puisse transmettre le mouvement, les membranes n'étant, par
elles-mêmes que passives. EUes 'sont, toutefois, formées de
façon à recevoir le mouvement ,du milieu élémentaire qui les
entoure, milieu dont elles reproduisent les vibrations par sym-
pathie ou résonance. Ce qui plus est, elles agi,ssent, par réci-
procité, sur la portion de l'élément qu'elles circonscrivent.
Voilà pourquoi les nwuvements ondulatoires ou vibratoires
des éléments, vitalisés en vertu de leur incorporation dans les
limites de l'organisme, constituent dans le sens le plus réel,
cet esprit animal (ou fluide animal) qui obéit aux ordres de
l'âme, et qui produit tout ce qui est désiré conjointement par
II! corps et par l'âme.» De Infinito 154.
On ne saurait être plus eX'plicite !

La fibre simple et le fluide animal doivent être considérés


comme la force morphogénique par excellence. Ils consti-
tuent le dynamisme directeur et organisateur du corps.
« La fibre la plus simple est la forme des formes (organi-
ques), car c'est elle qui forme les autres fibres, suivant leur
ordre. »
«La fibre est ,par conséquent (avec la première essence,
ou fluide vital, qui la parcourt) l'essence animale proprement
dite.» De Anima 1.
«Ce qui est homogène ou essentiel'lement déterminé dans
le cor,ps n'est autre chose que la fibre simple... Ainsi il n'y a
rien (de vital) dans l'ensemble de l'organisme en dehors de
cette fibre. Celle-ci en détermine ainsi la forme entière. Il
n'entre donc aucun élément continu et homogène dans la
structure du coPps si ce n'est la fibre qui en constitue l'uni-
204 LE SPIRITISME PHYSIQUE

que substance continue », (c'est-à-dire la protomatière invi­


sible, impondérable, simple et homogène). lb. 2.
«C'est donc la fibre simple, et non pas autre chose, qui
élabore la forme, tant interne qu'ex,terne du 'corps. » Fib. 314.
En d'autres termes, la fibre constitue l'élément plastique et
morphogénique de l'organisme.
«Chez les sujets appartenant au règne animal, cette fi­
brille simp.le mérite d'être appelée la fibre première et su­
prême, le p1asma le plus intérieur, le ,plus caché, le pius uni­
versel et le plus pa,rfait, voir même ,1a seule substance con­
tinue, c'est-à-di're celle dont toutes ,les ,autres substances conti­
nues, si nombreuses soient-elles, tirent leur existence, leur
nature et leur ca'pacité d'agir.» Fib. 250.
«Ces fibres constituent le principe déterminant et le point
de départ de toutes les autres ,substances de l'organisme.»
De Oeneratione 167.
«Il sera démontré, en outre, qu'en dehors de la fibre il
n'existe rien dans l'ensemble du coPps qui puisse lui donner
une forme organique... » lb. 329.
«Si l'on considère les premiers stages de la formation de
l'organi,sme vivant, il apparaît dairement que la fibre en a
été le premier principe -déterminant, c'est-à-dire celui qui a
mis en mouvement toutes les formes organiques et leur a
fou'fOi la for-ce active et mobile.» Reg. An. 456 (b). Voir
aussi 503.
« La fibre simple est la cause première de l'effet considéré
dans son ensemble. C'est cette fibre qui règne, en général et
en particulier, dans .]'ensemble du système corporel... Elle est
la forme dont dérivent toutes les autres formes.» Reg. An.
239 (f).
«Les fibres constituent la puissance essentielle et la force
vitale du corps. Par leur présence dans les éléments les plus
minuscules du COflPS, elles communiquent à ces derniers
leurs propres inspirations et donnent ainsi naissance à des
formes qui leurcor-respondent. De cette manière, tout s'en­
chaîne d'une manière ininterrompue, mnformément à l'ordre,
aux lois et aux conditions qui règnent dans la Nature.»
Ibid. 152.
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 205

« Il convient d'ajouter, en parlant de cette fibre, qu'elle sert


à réaliser et à transmettre les déterminations (1) de l'âme...
elle constitue, de 'Ce fait, la véritable force des forces et la vé·
ritable forme des formes de son royaume. De ces divers attri-
buts de la fibre, on peut conclure que la nature animale elle-
même est conditionnée, en premier lieu, par l'existence de
cette fibre, car cette dernière constitue l'élément nourricier de
la substance tant corticale que miduHaire, et atteint de ce
fait chaque point du corps.» De Fib. 251.

Les substances intermédiaires considérées dans leurs rap-


ports avec l'âme et le corps.
«Les choses supérieures influent dans les inférieures selon
l'ordre dans lequel les substances (organiques) ont été succes-
sivement formÉes et conf9rmément au mode qui préside à
le~rscommunications.» Œc. II. 301.
« L'âme doit descendre dans le COflpS en parcourant l'échelle
des degrés qui distLnguent, les unes des autres, les substances
et les forces de l'univer;s. Il lui faut, par conséquent, former
un corps adapté successivement à ,chacun de ces degrés. Les
atmosphères constituent par exellence le réservoir des forces
de J'univers. » Œc. II. 2'72.
« ... toutes choses s'adaptent successivement à la nature la
plus élevée et la 'plus simple, à mesure que celle-ci descend,
par des moyens appropriés, et de nombreux degrés de com-
position, dans le monde ultime. Rien ne sauratt donc l'em-
pêcher de·produire sur le plan inférieur une parfaite image
d'elle-même. C'est donc énoncer une vérité éternelle que de
dire que le monde spirituel tient le monde physique et ma-
tériel 'sons sa dépendance absolue, tel un serv.iteur toujours
prêt à obéir à ses ordres. » Reg. An. 334 (f).
«La formation des formes postérieures par les formes
antérieures implique un processus 'successif. En effet, ce qui

(1) Le mot détermination est employé ici a.u sens métaphysique


et scolastique du terme et non pas àans son acception psychologique
Déterminer, c'est conditionner, (flwliiier.
206 LE SPIRITISME PHYSIQUE

coexiste ne saurait voir le jour simultanément. Car, s'il en


était ainsi, les formes dérivées ne saurait naître des formes
immédiatement supérieures, ni celles-ci de leur forme pre­
mière. Par exemple, l'organisme ne saur.aitprovenirdu cer­
veau, ni celui-ci de 'ses cellules corticales, ni celles-ci de leur
cortex simplex (ou fibre simple), ni œlui·ci de son âme, c'est­
à-dire de sa forme première et suprême, éminemment simple
et parfaite.» Origine et Propagation de l'Ame 3. (Psych.
Trans. 'p. 69.)
« Car la nature animale forme 'partout des principes déter­
minants et construit de cette manière son organi,sme, en
d'autres termes, elle forme des fibres simples afin qu'elles
servent de prindpes déterminants à l'essence première (ou
âme). » De Oeneratione 237.
«Il n'y a rien dans la fibre simple qui ne soit gouverné
par des formes spirituelles.» De Anima 4.
« .,. l'âme n'est autre chose que la substance simple con­
tenant la forme spirituelle... Par cette forme ... la fibre simple
est engendrée et déterminée. C'est pourquoi cette fibre découle
immédiatement de l'âme et constitue le prindpal principe
animé de l'organisme; en d'autres termes, la fibre simple a
été dotée (par dérivation) d'une nature spirituelle. » De Fib.
291. Voir aussi le N° 285.
«La fibre simple, étant produite par des substances de
nature spirituelle, participe, de ce fait à la Vie... A côté des
formes purement naturelles du monde inanimé, il existe éga­
lement des formes qui possèdent, par partidpation, la Vie et
l'intelligence. Celles-ci sont également supérieures et inférieu­
res, antérieures etpostérieures,c'est-à~dire plus ou moins
parfaites. Toutes ces formes sont soumises à la forme spiri­
tuelle par excellence (l'âme) car elles ont été créées expres­
sément pour en recevoir la vie et l'intelligence. Bles ont
donc été organisées en conséquence, c'est-à-dire qu'eIles ont
été formées à l'image et à la ressemblance de l'âme et de
ses opérations. Telle est la raison pour laquelle elles ont éga­
lement reçu le nom de formes spi,rituelles.» Fib. 280.
«Telles sont les premières formes dans les sujets appar­
tenant au règne animal -plus parfaites chez 'l'homme, in­
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 207

férieures et p1utôt imparfaites chez d'autres animaux, moin!;


parfaites encore chez les insectes. Ces formes, exactement
comme celles du monde inanimé, descendent successivement,
par un processus de dérivation, jusque sur le plan inférieur
du monde. C'est là qu'elles élaborent, conformément à la
nature de leur être, le microcosme qu'on appelle leur corps. »
Fib. 281.
« Etant donné que ces formes apparfi,ennent aux premiers
principes de la nature et qu'elles constituent, en outre, le
point de départ des forces, ,des énergies et des mouvements
du système qu'elles animent, étant donné, d'autre part, qu'elles
se trouvent placées sous la dépendance immédiate de la forme
spirituelle dont elles reçoivent l'influx, il est évident que ces
formes sont celles-là mêmes dont nous avons déjà 'parlé, à
savoir ces formes célestes (correspondant à l'éther suprême)
par lesquelles I.a fibre simple est engendrée et déterminée. En
effet, si e11es étaient supérieures à ces formes célestes, elles
seraient situées au-dessus du plan de la nature et :se trouve-
raient au contraire sur le plan de la forme divine-spirituelle. »
Ibid. 283. (Voir l'exposé de l'intéressante doctrine des for-
mes, aux N°' 259-279 du même ouvrage. Nous avons déjà
vu que le terme «céleste» se rapporte à l'atmosphère suprême
et qu'il n'a aucunement le sens théologique que l'auteur lui
a donné ,plus tard, dans ses écrits religieux.)
«Les formes, dans le royaume animal, sont aussi nom-
breuses que celles de l'univers (voir doctrine des formes,
aux N°' indiqués ci-dessus). Elles en reproduisent les diver,s
types. Mais comme elles possèdent, en outre, au nombre de
leurs propriétés, celle d'être vivantes, ces f'ormes sont dites
vitales, la première d'entre eHes spirituelle, les autres orga-
niques. » Fib. 304.
«La tourte 'Première fopme, qui est également la première
forme de la nature et la première forme de la vie de son orga-
nisme, est une forme cé1este et spirituelle, à 'savoir, l'âme
proprement dite; celle-ci est la substance simple qui possède
en elle-même cette forme. Elle est en outre la forme organi-
que par exceHenœ et mérite d'être appelée l'organe par excel-
lence de 'Son co11ps. En effet, el,le est la forme (informante)
208 LE SPIRITISME PHYSIQUE

de tout,es les autres formes de son microcosme, car elle con·


temple en elle-même, comme étant dérivées d'eUe~même ou
comme devant être dérivées d'ôlle~même, ,les autres formes qui
lui sont ex,térieures et qui reproduisent son image. La farine
spirituelle elle-même est l'âme, tandis que les fibres les plus
simples (qui 0ndérivent) sont de forme céleste.» Ibid. 305.
« La forme spirituelle, ou l'âme, doit être considérée comme
étant au-dessus de tOlltes les autres formes.» fïb. 307.
« L'âme est l'essence animale la plus 'pure. Elle est céleste
et spirituelle et c'est elle qui engendre et modifie la fibre
simple.» (Remarquons que l'âme est supérieure à la fibre
simple, d01:t elle est le prindpe déterminant et informant
Les fibœs simples ne sont «célestes» et «'spirituelles» que
par dérivation et seulement dans ce sens qu'elles «ont été
formées à l'image et à la ressemblance des opérations de
l'âme. C'est pourquoi elles ont également (notez le mot «éga­
lement ») reçu le nom de formes spirituelles.» fïb. 280.
Mais ce terme est impropre et il est regrettable, 'pOUf la clarté
de l'exposé, que Swedenborg se ,serve si 'souventd'.ex;pressions
identiques 'Poor désigner ou pour qualifier des entités ou des
objets absolument distincts. Il est donc nécessaire d'attirer
l'attention du lecteur sur le danger de confusion résultant du
fâcheux manque de précision avec lequel notre auteur a établi
sa terminologie, tout mathéma<ti6en qu'il était Heureusement
que si le style de Swedenborg est incontestablement mauvais,
pour ne pas dire ObscUf,sa pensée et fort claire.)
«Tous ,Ies éléments de l'âme sont constitués par des formes
premières et suprêmes, éminemment 'parfaites et simples, les­
quelles se trouvent sous la ,dépendance immédiate de la forme
divine-spirituelle, car elles ont été crééespO'Ur en recevoir
l'influx et l'opération. Ces formes vivantes ,et intelligentes
constituent l'âme. Or, comme cette dernièreconstl'Uit l'ensem­
ble de la forme animale, teUe que nous l'a voyons de nos
yeux, il en résulte qu'elle réside toute entière dans chaque
partie (de l'organisme) et qu'elle est la seule et unique sub­
stance qui règne et vit dans l'ensemble du système.» Fib. 317.
« Mais qu'est, au juste, le corps? Ses éléments se compo­
sent, rigoureusement parlant, de particules d'origine purement
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 209

Jerrestre tirées des règnes minéral et végétal, ainsi que du


.sein des atmosphères. Ce sont -là des formes matérielles et
corporelles. Ce sont 'CeS fOI1mes qui consti1>uent, à proprement
parler, ce que nous appelons notre çorps.» (Autrement dit,
les éléments chimiques, tirés du monde matériel, constituent
la cause matérielle de notre organisme,pour paTter comme
les s-eolastiques, tandis que ;l'âme en est .la caase formelle, et
le limbe la cause instrumentale ou efficiente.) «Ces -substan­
ces matériel:1es ne contribuent en rien à l'élaboration de la
forme spécifique du corps, si ce n'est dans ce ·sens que, par
leur moyen, -l'âme peut descendre de son deI et habiter la
terre, ce qui .ser.ai1 impossible autrement.» Ibid. 318.
« S'il est vrai ·que la fibre simple... constitue la détermina­
tion essentielle de l'âme elle-même, il est évident que la forme
du corps, tant interne qu'eX'terne, découle d'un principe cé­
leste et spirituel, et qu'eIle -est l'âme eUe-même in altimis
(c'est·à-dire qu'e\;le est l'âme rendue concrète par I.a matière
tangible informée par el1e,caT -la forme informée n'est que la
forme ïnformante fixée et rendue viisihle paT les substa,nces
palpables qui lui servent de support).» Fib. 316.
«Comme c'est la fibre simple qui élabore (directement) la
forme du COI1pS, il n'y a rien de véritablement substantiel dans
cette dernière en dehors de la substance même de l'âme.»
Ibid. 314. Ceci ne signifie pas, bien entendu, que la matière
pondérable de notre corps ne soit, en dernière analyse, qu'une
sorte de concrétion de la substance impondérable de notre
âme, ce qui serait une absurdité. Swedenborg emploie le
terme «substantiel» dans :sonsens scola.stique. La notion
scolastique de «,subtance» est insépar.able de la notion de
qualité ; ce n'est donc 'pas dans le sens quantitatif qu'il nous
faut interpréter le passage ci-dessus. Ceci résUilte aussi du
fait qu'il s'agit non pas des éléments chimi'ques du COI1pS,
mais de sa forme, c'est-à-dire de son élément qualitatif par
excellence.
«Puisque c'est uniquement la fiooe ~parcourue par son
fluide) qui agit et vit, et Ipuisqu'elle est ,déterminée (ou con·
ditionnée) par chaque représentation ou intuition de l'âme,
.conformément àI.a nafure et à l'essence de cette dernière, il
210 LE SPIRITISME PHYSIQUE

s'ensuit que Ie p1'~ndpe des opérations dont nous .padons en\


ce moment réside dans l'âme, et non pasaiHeurs. » Reg. An•.
239 (f).
« La fibre simple est en quelque sorte la projection (radius)
universelle des déterminations de l'âme.» Ibid. 313.
«L'intention, ou le but final, qui préside à l'organisation
du corps, exige qu'il y ait un agent d'exécution ~apable d'agir
dans l'organisme conformément aux directives de l'âme. Cet
agent d'ex~ution opère en lieu et place de l'âme, tout en lui
restant soumis en toutes ohoses. » Ibid. 334.
«Le fluide animal est la cause 'première (de ,la vie orga­
nique). A vrai dire, c'est l'âme qui est la première de toutes
les causes, carelle oonstitue ,la vie et l'esprit du f:luide animal.
La détermination de ce fluide procède de l'âme comme de
son principe ,premier. Mais comme, par !suite de l'imper­
fection des termes dont nous di,sposons, c'est à 'peine si nous
pouvons parler d'une manière adéquate des attributs ·de l'âme,
il nous est 'permis de considérer ce fluide - qui, au point
de vue de l'unanimité, est 'l'alter ego de l'âme - comme
étant, relativement, le premier terme de Ia série des princiJpes
actifs.» Œc. I. 271.
« L'âme est ;la force et la substance informante par excel­
lence. Mais comme l'âme ne ,saurait descendre sans inter­
médiaires dans les u}times agrégats et les effets de son COJlpS,
il s'ensuit ,que, immédiatement après -l'âme, dans l'opdre des
forces et dessubstanoes, vient le Huide animal, ensuite le
fluide nerveux, puis le sangllis candidus et le sang rouge...
ce dernier étant, en quelque sorte, l'âme -corporelle dans son
petit univers particulier... Ainsi, toutes ces choses peuvent
être appelées substam:es formatrices, chacune dans sa propre­
sphère. Mais seule la véritable substance vMale, l'âme, pré­
side à tout et gouverne l'ensemble.» Œc. 1. 270.
« De même que la fibre simple, à elle seule, sans la fibre
composée, ne produit rien d'organique, de même l'âme est
incapable de ,produire quoi que ce soit dans l'organisme sans
}'instrumentalité du ~luide (lit. esprit) animail.» De l'Esprit
Animal N° 15, dans Psychol. Transact.
«L'esprit animal comprend, sous une forme 'plusconsis-­
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 21 t

tante, ,les ,principes ,Ies plus subtils du monde, ,c'est-à-dire de


la Nature (eles atmosphères) et, en outre, cette première
essence animale qui, en tant que substance, est appelée âme. »
De Oen. 330.
«Ce qui est appelé esprit animal consütue le lien qai anit
l'âme au corps. Il tire son essence principalement de l'âme
dont il est l'habitation.» Reg. An. 1. 163.
«L'essence médiatrice, qai se troave à mi-chemin entre
l'âme et le corps, est conditionnée par l'un et l'autre. L'âme
est spirituelle tandis ·que le cOITpsest maltérie1. li s'ensuit que
l'humeur animale est à la fois spirituelle et matérielle. S'il
en était autrement, le spirituel ne pourrait jamais agir sur
le matériel, ou vice versa.» De l'Espr. An. 5 dans Psycho
Trans.
«Ainsi, quand ,l'âme veut informer ou créer 'son corps, il
lui faut d'abord 'produire un esprit (fluide) intermédiaire.»
Ibid. 16. 17.
«Dans notre microsome, toat ce qai se troave aa-dessus
da flaide animal est appelé homme interne; toat ce qui se
troave aa-dessous, homme externe. - Aa-dessas de l'esprit
dnimal il y a l'âme; au-dessous, le sang rouge et les humeurs
plus grossières (et, bien entendu,le reste des substances cor­
porelles). L'âme est spirituelle; tandis que le sang est cor­
porel. Dans l'esprit animal se trouvent réunies les qualités
des deux, puisqu'il se rapproche, par sa nature, des deux
également... L'homme interne est au-dessus de l'esprit animal,
et plus parfait que lui, tandis que ,l'homme externe est au­
dessous et moins 'parfait. » Ibid. 21.
«L'âme ne saurait agir par le ~orpsou sentir par ses
organes sans -l'esp-rit animal. Il s'ensuit que l'action et la
sensation sont telles qu'est l'esprit animal qui les 'produit. »
Ibid. 19.

Le pouvoir idéoplasfiqae de l'âme s'exerce sur le corps aa


moyen des forces morphogéniqaes da limbe.
«La forme organique J1essemble à la fin inscrite en elle,
et c'est ainsi qu'elle produit des effets ou usages adaptés à
cette fin. Cette struclure organique correspond exactement à
212 LE SPIRITISME PHYSIQUE

la représentation qui constitue, comme nous l'avons déjà vu,


l'essence ou la nature de l'âme. Ladite représentation peut
être comparée à une idée de la penséee dans rwtre esprit...
D'une manière semb},able, la forme des idées qui constituent
la nature de l'âme est exactement représentée par la structure
organique du corps et de tous ses viscères. Il en résulte que
si l'effet est donné, la fin l'est également. En d'autres termes,
nous comprenons ce que la fin se ,propose en examinant la
structure à laqueltle elle a donné na'tssance; autrement dit l.a
fonction d'un organe se reoonnaît à la forme de ce ,dernier. »
Reg. An. I. 241 (i). -­
«Quand l'âme commence à former ou à créer son corps,
elle imagine en elle~même, sous forme d'idées, les diverses
opérations du COl1pS comme si elles existaient déjà actuelle­
ment, c'est-à~dire qu'eUe oonsidèr:e le corps comme si déjà
il voyait, entend.ait, goûtait, parI.ait, marchait, bougeait, etc.,
autrement dit, comme 'Si ses viscères, t,eIs que le cœur, l'es­
tomac, les intestins, ek, existaient déjà. De là résulte une
organisation ,coI'porelle confo.rme (à 'Ces représentations
idéales), à peu près comme la maI'que de naissance sur le
corp·s de l'enfant résulte de l'imagination de la mère. Car la
nature, pour POUVOiT jouer le rôle de cause instrumentale, est
équipée de façon à ,pouvoir servir, en toutes circonstances,
l'essence spirituelle, comme on peut ,le voir par les actions
du conps, une fois que celui-ci a été complètement formé. On
peut donc dire que l'âme contient virtuellement ce qui exi,ste
,actuellement dans le COflpS. Ainsi lecol1ps nous fournit à
chaque instant la ,preuve qu"il est fOmIé à ,l'image des opéra­
tionsde l'âme.» De l'Action, chap. XVII, in Psycho Tr.,
p. 130.
«Quand l'âme se contemple elle-même, elle se voit toujours
revêtue d'un OOl~pS... Ainsi ,l'âme humaine se représente né­
cessairement le COflpS comme déjà formé, bien qu'il ne le soit
pas encore. Une telle représentation existe perpétuellement
dans l'âme avec tous les effets qui en découlent, à savoir que
toutes choses se suivent en ordre, de façon à ce que, ,pendant
que l'âme revêt son COl1pS, tout puisse hû servir d'organe ou
de cause instrumenta,le.» Adversaria l, 1457.
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIOUE 213

«Ainsi l'âme, dans ses représentations, ne considère pas


seulement les effets qu"elle tend à produire, comme autant
de causes (formeHes),c'e8t-à~dire qu'elle ne considère pas
seulement ce qui est .conséquent comme antécédent, ou les
choses futures comme a priori ou antérieures, mais elle se
représente en outre les fins, en vertu ,desquelles toutes choses
se déroulent en ordre, car c'est le propre d'une entité intelli­
gente de considérer les fins. Voilà pourquoi les fins 'premières,
en même temps que les nns moyennes et dernières, en vertu
desquelles les causes ,se suivent dans un ordre prévu jusqu'à
ce qu'eUes atteignent l'effet dernier, paraissent comme ,pré­
sentes et inhérentes à l'âme, sirnultanémel1Jt et instantané·
ment. L'âme se représente l'état de ce qui doit être formé
comme un état déjà formé, et l'état déjà formé (idéalement)
comme un état devant être formé (matériellement).» Œc.
R. A., II, 276.
«La fibre et le fluide dont eHe est le véhicule... sont con­
ditionnés par l'ensemble des représentations et des intuitions
qui constituent la nature et l'essence de l'âme. lIen résulte
que le prindpe des opérations dont nous paIllons provient
de l'âme, et ceci d'une manière absolue. Car l'état du mental
détermine dans les fibres un état d'adaptation qui lui est
conforme. - La fibre la plus simple, lia ,plus pure et la plus
intérieure est donc la forme dont dérivent toutes l,es autres
formes, dans ce sens qu'eHeest la ,représentation déterminée
de l'âme. Il s'ensuit que telle est la nature de l'âme, telle est
inévitablement la série des causes jusqu'à l'effet dernier. Ceci
peut être démontré "par un exemple très simple : Les repré­
sentations de la faculté l''ationneBe détellminent, à 'l'aide de
la volonté, des actes correspondants ~dans le corps) ... ; si
donc le mental rationnel ,lui-même produit de pareils effets
et si chaque fibre motrice lui obéit, que ne doit, à ,plus forte
raison, accomplir la fibre simple sous l'influence de ,J'ensem­
ble des représentations du mental supérieur, ou âme, dont
l'action nous échappe! » Reg. An. l, 239 (f).
« Les fibres sont enqu,elque sorte les rayons de la lumièr~
intellectuelle de l'âme, lumière grâce à laquelle les choses qUI
effectivement sont encore inexistantesaJpparaissent comme
actuellement présentes.» De Fibra, 236.
214 LE SPIRI1ISME PHYSIQUE

« Les fibres s'adaptent avec empressement aux modes COf­


respondant à la nature et aux décrets- de l'âme, et ceci infini­
ment plus vite que la fibre musculaire ne s'adapte aux diffé­
rentes formes de l'action, sous l'empire des déterminations de
la volonté consciente, plus promptement que les nwts du lan­
gage ne se conforment aux pensées de celui qui parle, voire
même plus rapidement que l'oiseau ne prend son vol,... »
Reg. An. l, 185.
«Si l'âme (désincarnée) devait descendre du ciel sur la
terre, elle 'Pourr,ait revêtir en un instant la focme humaine, car
la nature universelle est formée de façon à servir de cause
instrumentale à la vie spirituelle, c'est-à-dire de façon à pou­
voir en adopter la forme, chaque fois que l'âme le commande...
La raison en est que l'ensemble de la forme (organ}que) ,pro­
vient de l'âme tandis que les éléments (nécessaires à la for­
mation du corps) sont empruntés immédiatement aux atmos­
phères ambiantes et disposés ensuite suivant la forme des
organes. » De Anima 523. «Dans l'air et dans l'éther ~l y a
une quantité departimles pouvant -servir à composer immé­
diatement la matière d'un tissu organique. Il y a là ·des prin­
cipes matériels peJ1pétuels qui rendent .possibles de pareHles
compositions.» Adversaria l, 1457.
Dans ces passages, Swedenborg 'pavIe de certaines appa­
ritions matérialisées décrites ,dans la Bible.M.ais bien qu'il
s'agisse en l'occurrence de phénomènes eXŒptionnels, le prin­
cipe qui est à leur base est i·dentique à celui qui règle le pro­
cessus involutif no'rmal par lequel l'âme «descend» dans
son organisme.
Ce principe, le voici: l'âme conçoit imméd}atement le corps
dans toute laplénirude de sa complexité et de sa perfection,
En d'autres termes, La forme du corps préexiste dans l'âme
à l'état qualitatif, c'est-à-dire sous forme de représentation
idéale; celle-ci est directement enregistrée par les substances
plastiques du :limbe, pour être tr.ansmise ensuite, 'par leurs
soins, aux éléments matériels qui, seuls, conféreront à l'or­
ganisme une existence quantitative stable et durable.
Il ne faut pas oublier, en effet, que les 'substances et les for­
ces du limbe (à savoir la fibre simple et le f-luide animal,
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 215

-provenant, tous deux,des a~mosphères impondérables) sont


immédiatement soumises à l'action idéoplastique de l'âme,
œ qui leur 'permet d'en reproduire instantanément les «re­
présentations ». E,tant éminemment p1astiques, ces ,substances
intermédiaires sont, en eUes-mêmes, neutres au point de vue
fonne1. En d'autres termes, elles sont indifférentes aux for­
.mes qu'eilles revêtent. En effet, leur nature consiste précisé­
ment à ne pas avoir de forme particulière, mais à 'pouvoir,
au contraire, revêti:r n'importe quelle forme 'imaginée paT
Pâme. Les éléments chimiques qui constituent le c011>s, au
point de vue quantitatif, n'ont pas non plus, en eux-mêmes,
la tendance à prendre une fopme Mterminée ou spécifique.
Les matières qui entrent dans la composition d'un corps
'humain, par exernple, peuvent tout aussi bien ,servir à former
quelque autre org.anisme animal!. Mais une fois qu'une cer­
taine synthèse fOI1meUe a été réalisée, les éléments quantitatifs
qui La composent matérielilement sont incapables de se dis­
socier instantanément pour se réunir spontanément en un
nouvel assemblage morphologique.
Si la matière ne se prête 'pas à de brusques méta­
morphoses, les substances du limbe s'y adaptent par contre
admirablement, en vertu de leur extrême malléabilité. Or,
comme ces subst,ances appartiennent au plan ,physique de l'uni­
vers, elles confèrent de ce fait une première existence quan~
titative aux représentatioOlls qualitatives et immatérielles de
l'âme. Toutefois, cette première existenee quantitative n'est
encore ni stable, ni définitive. Cette 'stabilité etcetie durée ne
.peuvent être assurées que par l'organisme visible, grâce à la
nature permanente et quasi-indestructible des éléments ma­
tériels qui le composent. En effet, ces éléments sont fixes en
eux-mêmes, malgré le caractère transÎ'toirede J'organisme
dans lequel ils sont groupés momentanément en une synthèse
vitale temporaire. Mais le fait que les matériaux chimiques
de notre corps se renouvellent,en attendant de se dissiper
définitivement après la mort, ne change rien à leur quasi­
immutabilité intrinsèque.
Nous avons dit que les substances du limbe, considérées
,en eLles-mêmes, étaient amorphes, ou .plutôtpolymorphes,
216 LE SPIRITISME PHYSIQUE

c'est-à-dire qu'elles étaient capables de prendre n'importe'


queUe forme. Mais si œs substances sont 'protéiques, le
limbe lui-même ne l'est pas. En effet, ce terme évoque non
seulement un certain ordre de substances et de forces, mai,s
encore un aspect formel 'parfaitement déterminé de ces sub­
stances, à' savoir celui de l'organisme humain. Cet aspect
morphologique humain du limbe provient de l'âme humaine,
car «la représentation (de la forme humaine) est perpétuelle
dans l'âme »', comme dit Swedenborg (cf. Adv., Loc. cit.).
« L'âme ayant adopté cette forme, elle la protège dorénavant
comme s'il s'agi·ssait d'elle-même; si le moindre élément de
cette forme venait à manquer, ou si, par un accident quel­
conque l'ordœ établi dans leoorps venait à être troublé, l'âme
tendrait avec l'ensemble de ses forces àrépar:er le dommage.»
(Œc. R. An. II, 351.)
Le limbe enregistre donc passivement les représentations
de l'âme; paT contre, il contribue activement à l,a formation
du corps. Il est donc à la fois ,passif et actif : .passif par
rapport à l'âme, adif par rapport au COI1ps, car il est en
même temps principe déterminé et prindpe déterminant. « Les
fibres les plus simples, dit Swedenborg, déterminent le reste
de l'orga.nisme, mais sont eJ,les-mêmes déterminées par l'âme.»
(De Sensib. 471.) En d'autres termes, l'idée, ou la cause­
formelle du corps appartient à l'âme, mais les forces mOl1pho­
géniques qui ordonnent les tissus de l'organisme conformé­
ment à cette idée, appartiennent au limbe. Celui-ci est donc
bien la véritable cause instrumentale du corps. La théorie
vibratoire de Swedenborg nous permet de nous faire une·
certaine idée très génémle du déterminisme qui ,préside à
l'action de la cause instrumentale sur la cause matérieHe
(autrement dit sur les substances chimiques) du COl1ps. Orâœ
à Lakhovsky, nous sortons -du domaine des généralités et
pouvons déjà saisir certains détails du 'processus générateur
de la vie oflganique. Il est ,probable qu'un avenir prochain
nous ,permettra de réaliser d'importants progrès dans ce do­
maine si intéressant.
Nous résumerons plus loin les ·différentes fondions du
limbe, mais ce qui précède nons permettra, sans doute, de
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 217

comprendre le mécanisme des matérialisations 'spirites, pour


autant naturellement que ces dernières ne sont pas Je produit
de supercheries habHes. En tout cas, l'existence du limbe,
avec ses propriétés étonnantes, noUiS 'permet deoroiTe, a priori,
me semble-t-il, à la possibilité de certains phénomènes, en
apparence incroyables, obtenus et décrits par les méta1psy­
chistes et les spirites.

La libre et le Iluide animal ne sont pas affectés par la mort


de l'organisme visible.
« (La fibre simple) n'est pas terrestre, ~omme ,J'enseigne
Aristote, mais célest,e de nature, d'essence et de forme.» ­
« Il s'ensuit qu'el-le est immorteLle et qu'elle ne saurait périr,
car elle ne saura~t être touchée.» - «Ce qui est terrestre
n'est pas la fibre.» De Anima 5, 6, 7.
Ci,tons encore une fois certains passages particu;lièrement
suggestifs déjà reproduits plus haut:
«Chaque partie ou unité individuelle de cette substance
première (la fibre simple) ... correspond à la substance qui
remplit l'espace intersidéral, c'est-à-dire à l'atmosphère su­
prême et universelle. » De Anima 4.
« .. , son origine se trouve dans l'éther le plussubtH ou dans
l'espace céleste Située au sommet ou à ,l'origine même de
la nature... eHe constitue la réalité dans laquelle réside le
premier principe des forces, des énergies et des mouvements
naturels, la sourœ dont découlent toutes les autres forœs.»
Fib. 279.
«La fibre simple, parce qu'elle se trouve au-dessus de
toutes les autres formes, ne saurait être touchée ,paT ces der­
nières, à plus forte raison ne samait-eble être endommagée
par elles. EHeest placée au-dessus de toute atteinte. En effet,
comment un composé !pouPr.ait-il agir sur ,les entités simples
qui le constituent ? Il en est trop éLoigné et celles-ci lui
échappent.» De An. 4. Voir aussi les N°' 501 et 502, où
Swedenborg démontre comment ce qui est intérieur, antérieur
et supérieur ne saurait êtIre supprimé 'Par Ia <lispariti<)U de
ce qui est extérieur, postérieu:r6t inférieur.
« Il est d'ailleurs contraire à la nature des choses que ce
218 LE SPIRITISME PHYSIQUE

'qui n'est ni lourd, ni léger, et n'offre par conséquent aucune


résistance aux matières pondérables, puisse être détruit par
celles-ci (ou en même temps que ceHes-ci !)>> De An. 503.
(Voir aussi Œc. R. A. 180 et 298.)
«Ce par quoi existe ·le sang du cOl'ps est uniquement de
nature cOI1porelle... cet élément cO.I1porel est mortel et retourne
à la terre q.uand ,les globules sanguins sont dissouts ; il n'en
est pas de même de lIa fibre qui s'échappe &pontanément (ex
se di/fluit) quand le corps est réduit à l'état ,de cadavre.»
De An. 7, 8.
Swedenborg se sert d'arguments analogues pour établir la
survivance du fluide animal :
« Le fluide animal humain ne saurait être endommagé par
aucun fait capable de troubler la région sublunaire. 11 est
donc indestructible et imnwrtel (toutefois non 'pas immortel
pe,r se) et subsiste comme tel après la mort du corps. Une
fois libéré des liens et des chaînes terrestres, H n'en conserve
pas moins l'exacte forme du corps humain.» Œc. R. A. II,
348.
«Il résulte clairement d'un examen a posteriori du fluide
animal humain, ou âme, que cette &ubstance ne saurait être
détruite par aucune chose créée. Ceci est oonfirmé par la
dooirine de l'ol1dre et des séries gr✠à laquelle nous 'pouvons
pénétrer à fond dans notre sujet. Cette doctrine nous enseigne
en effet, que les choses antérieures ,peuvent exister et subsis­
ter sans les choses ,po&térieures, alors que l'inverse est im­
posstble. » - « En un mot, le simple ,peut exister sans le com­
posé, la partie sans 'l'ensemble, l'antérieur sans ,le postérieur,
la cause sans l'effet, mais non ,pas le contraire, car le com­
posé, le général, l'universel, l'effet, sont constitués par des
simples, des parties, des singuliers et des causes... En outre,
les entités sU'Péfi.eures de la nature sont intrinsèquement }J'lus
parfaites que les éléments inférieurs et persistent avec plus
de constance dans ,leur essence et dans leur forme. » Ibid. II,
350.
« Ce fluide est donc indestructible et subsiste après la mort
du COl"ps. Aucune chose créée ne peut le priver de 'sa forme,
ni, par conséquent, de sa vie. Il ne peut pas, non 'plus, être
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 219

détruit par sa 'oause interne, celle-ci 'constituant, au (:ontraire,


la raison ·Ia 'plus essentielle de sa conservation. » Ibid.
A lire l'ensemble de ce paragraphe de ,l'Economie, para·
graphe dont nous n'avons cité que trois courts passages, on
pourrait se demander si Swedenborg entendait bien traiter
de la survivance des substances intermédiaires entre l'âme
et le COl1pS, ou s'il ne voulait pas, tout simplement, affirmer
l'immortalité de .l'âme elle-même. En effet, certaines parties
du texte semblent attribuer au ~luide animal (fluidum spiri­
tuosum) des qualités spirituelles et morales qui ne sauraient,
en tout état de cause, appartenir à un organisme ou à des
forces physiques, queLle ,qu'en soit la ,subtilité. Mais on aurait
néanmoins tout à fait tort ,d'enconclul'e que l'a'uteur a en­
tendu supprimer par là, une distindion essentielle, néces­
saire à la structure logique de son sy'stème. Swedenborg a
simplement désigné le tout par la partie, le contenu par le
contenant. Il n'y a den ,d'étonnant à cela, 'car, dans sa pen­
sée; l'âme est inséparable du ~luide animal, même après la
mort. En effet, on peut considérer qu'après la dispari.tion du
corps charnel, l'âme et son organisme fluidique constituent
une enti,té en quelque sorte unique. En tout calS, il serait vrai­
ment absurde de croire que Swedenborg ait jamais voulu
attribuer des qualités spirituelles à des substances et à deS
forces naturelles, si subtiles soient-e1les, ou, ce qui revien­
drait au même, qu'il se soit proposé de réduire les forces
spirituelles à des énergies purement physiques!
N'oubUons pas que «la cause principale et la 'cause instru­
mentale, prises ensemble, ne font plus qu'une seule cause,
de même aussi le spirituel et le naturel» (c. A. C. Il), ce que
nous pourrions paraphraser en disant que 1'« âme du coPps»
et l'âme spirituelle ne constituent plus qu'une seule âme.
Par «âme du corps, », nous entendons la fibre simple avec
son f,luide.
Une chose est certaine : si la fibre simple n'est pas affectée
par la dbssolution des éléments pondér:ables qui composent
notre enveloppe charnelle (cf. De An. 4, 5, 6), le fluide ani­
mal,dont elle dérive, l'est encore moins. Il est vrai que si
l'on s'en tenait à la seule lecture de 'certains 'passages de De
220 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Anima, tels que les par:agraphes 491, 492 et suivants, on


pourrait facilement encondure que le fluide an~mal finit,
lui aussi, par être dissipé et par faire retour à l'éther. Swe­
denborg nous expose, en effet, que la mort est un ·processus
successif, progressant de l'extérieur vens l'intérieur, de J'in­
férieur vers le supérieur. Voici comment il s'ex,prime à ce
sujet: «Les organes et les viscères du corps sont dissouts
de la même manière 'qu'Hs ont été formés, à savoir par étapes
successives. A l'or:dre successif de leur naissance correspond
l'ordre successif de leur dissolution. Les formes inférieures
sont ,les premières à mourir, 'parcequ'e}les sont changeantes,
inconsistantes, imparfaites et que leurs déterminations sont
moîns harmonieuses. La mort atteint ensuite les autres for·
mes, dans l'ordre inverse de leur formation originale.» De
An. 489. «Il s'ensuit qu'il faut 'plus de temps -pour ladi'sso­
lution d'une formesupérieul'e - que pour caMe d'une forme
inférieure... Ainsi la mort progresse de l'homme externe vers
l'homme interne, et ceci avec d'autant plus de ·lenteur qu'elle
approche des prindpe.& intérieurs. » Ibid. 490. « ... alors il ne
subsiste plus que l'esprit animal :proprementdit... celui-ci
n'est pas facilement dissrpé, parce qu'il est une forme céleste.
Ensuite vient l'âme purifiée de tout ce qui est terrestre.»
1bid. 491. «Ainsi, la mort rend à la terre ce ·qui a été tiré
de la terre... et à l'air ce qui a été tiré de ,}'air. Il en est de
même en ce quiconceme l'éther. M ne reste que ce qui est
purement animal et la propriété an~male, à savoir l'âme, qui
seule vit et anime le corps.» Ibid. 492.
Le lecteur peu au courant ,des idées de notre auteur pourrait
croire, en lisant ces 'passages, que Swedenborg croyait aux
«purs esprits », ch~s à 1.a scola·stiq:ue. Rien ne sera~t, ce­
pendant, pluscontr:aire à ses conceptions. Notre philosophe
a toujours proclamé que l'âme était organique. Il est même
allé jusqu'à dire qu'elle était «méœnique », ce qui doit s'en­
tendre évidemment dans un sens tout à fait spéoial. Ceci
prouve, une fois de plus, qu'il faut bien se gal1der de juger
ne fût-ce qu'un seul point de l'enseignement du penseur sué­
dois par des -passages Isolés, extraits de ses œuvres au ha­
sard. C'est l'ensemble de son -système qui doit déterminer le
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 221

sens et la portée de certaines affirmations ;particulières, sur­


tout quand ceUes-ci semblent se contredire.
Les arguments 'par lesquels Swedenborg établit par aiHeurs
l'indestructibilité 'de la fibre simple et du fluide animal sont
parfaitement probants, sans compter que l'enseignement de
ses Ecrits théologiques est formel en ce qui concerne la sur­
vance du limbe après la mort du corps charnel. Est-ce a dire
que les passages du De Anima, que nous venons de citer,
sont dépourvus de valleur ·et uniquement propres à nous dé­
router? - Loin de là. S'il est vrai ,qu'ils prêtent à équivo­
que d'une part, il n'en faut pas moins reconnaître qu'ils ren­
ferment, d'autre part, une grande vérité. E'n effet, ils posent
en principe que le phénomène de la mort ]mplique ledéga­
gement gmduelde l'âme. C'est 1à une idée nouvelle, d'un in­
térêt certain, qui vient ,compléter uti.lement ce que nous avons
appris des substances intermédiaires entre l'âme et le corps.
Il n'est, en effet, pas indifférent de savoir que notre enveloppe
physique n'est pas rejetée tout d'une pièce par notre âme, au
moment du trépas, mais que cette dernière en retient, au
contraire, une .partie,pour une durée qu'il nous est malheu­
reusement impossible de déterminer et qui v:aTie,sans doute,
suivant les causes qui ontentr,aîné le décès. A vrai .dire, l'âme
ne se sépare jamais de son limbe, mais œlui-ci n'atteint pas
tout de suite le degré de pureté qui caractérise son état final
Ce n'est que peu à peu qu'il se débarrasse des substances plus
grossières dont il reste comme alouI1di pour une période plus
ou moins 1ongue, immédiatement après avoir quitté le cadavre.
faut-il voir dans ce fait l'explication des observations curieu­
ses rapportées par deux expérimentateurs hollandais, MM.
Malta et Zaalberg van ZeIst, qui prétendent avoir «pesé
l'âme» et déterminé la dmée approximative de sa survivance
après la mort? (1)
(') ]. L. W. P. Malta et G. ]. Zaalberg van Zeist: Le Mystère de
la Mort. (Durvi,lle Ed., Pa.ris, 1912.) A raMe d'un appareil de leur
invention, baptisé dynamistographe, ces Messieurs croient « pouvoir
démontrer physico-mathématiQuement Qu'il existe dans la nature un
être invisible, matériel, pensant, ayant conscience de lui-même, in­
connu jusqu'à ce jOl1r ». Cet être est appelé « homme ·force» par les
auteurs. En voici les caractéristiques principales:
222 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Forme: vaguement ceLle d'un buste, comme on en a sur les che­


minées, mais aux contours très estompés, et pointu du bas. Volume:
52 1.. Poids: 67 g'r. (enviwn). Volume de la masse, en mesurant
l'espace ocoupé par les molécules ·de l'être: 36,70 mm3 • Volume du
corps par (JO et 760 mm. : 49,20 \.. «Une force (X) maintient l'attrac­
tion réciproque des molécules, ce qui ,rend possible la délimitation
de l'être. S'il n'en était pas ainsi, la matière de l'être se mélangerait
avec le milieu et l'agrégat serait gazéiforme.» «Les molécules de
l'être se meuvent dans les intervalles moléculaires de l'ak>> «La
matière, qua matière,est un gaz, mais l'agrégation de l'être est
très probablement fluidique.)} «Il a été déduit ·du volume de la
masse que la matière dont le corps est composé pèserait 360,12 mg.
dans le vide, qu',elle est 12,24 fois plus légère que l'hydrogène ou
176,5 fois plus légère que l'air. La matière de l'être n'est pas sépa­
rée de l'atmosphèr,e par une paroi imperméable à l'air (comme un
gaz dans un ballon), mais l'être tout entier est rempli d'air à la
même pression que les couches d'air env:ï.ronnantes. Son poids spéci­
fique est aussi égal, ce qui abolit toute tendance à s'élever dans
une atmosphère où l'air est rare. Il a été démontré que les molécules
de l'être sont fort petites, puisqu't\ se sert du carton (de l'appareil)
comme membrane osmotique. Il a été déduit du poids spécifique du
volume de la masse, que les molécules se composent d'unc espèce
de matière très lourde, et que les i·ntervaL!es moléculaires sont glo­
balement 176 fois plus grands que ceux d'un gaz ordinaire. L'être
peut se déplacer avec la vitesse du son (approximativement). Il peut,
comme les rayons X (sic), voi·r à travers certains corps solides et
même les traverser.. L'être est bipolai.re; il est chargé et déchargé
d'électricité par la nature, et plus ou moins énergiquement attiré par
la ter,re, suivant Qu'il est plus ou moins ~ortement chargé et induit
par la nature. L'être ne pourrait exister sans atmDsphère; mais
l'exi,stence de l'être est impossible dans les couches d'air raréfié.
L'être fluidique par une diminution de pression s'évaporera plus ra­
pidement et cette évaporation s'accompagne d'une déperdition de sa
force X (de cohésion). L'être vit dans les couches d'air les plus
basses. Il vit chez l'homme et avec lui. L'homme-force est un être
matériel; il doit donc, comme tous les autres C01rps, retourner à ses
éléments; il est donc un être morte\... Il (l'homme) meurt pour la
deuxième fois après à peu près une centaine d'années de vie d'outre­
tombe. » pp. 1,50-153. Nous ferons grâce au lecteur de la description
de cette vie d'ou1rr'e-tombe, telle qu'elle nous est rapportée par les
auteurs. Elle est lugubre. Si les expériences de IMM. Malta et Zaal­
berg signifient quelque chose (et pour acutant qu'elles ne reposent pas
sur des erreurs) eUes signifient tout au pLus qu'un certain laps de
temps est nécessaire pOur permettre au limbe de se débarrasser des
éléments pondérables qui l'alourdissent encore immédiatement après
la mort du corps chalrnel. Toute autre conclusion nous paraît arbi­
traire.
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 223

NOl1JS trouvons, dans -l'ensemble de l'œuvre de Swedenborg,


une série de concephons partielles, matsc~mplémentaires.
A chacune de ses conceptions correspond une série d'ex­
pressions pariiculièresdans lia ,terminologie de notre au­
teuT. Si celui-ci avait traité en une seule fots l'ensemble de
la question des substances intermédiaires, sans omettre aucun
des aspects qu'eille com~rte, l'unité et ,1aolarté régneraient
dans les termes. Mais, comme nous 'l'avons dit, Swedenborg
ne s'est 'Pas occu:pé de toutes ,les faœs du problème en même
temps. Il les a abovdées successivement au cours de ses
nombreux ouvrages. Il est évidemment regœttable qu'iJ ne
nous ait ,pas donné un résumé complet de ses spéculations,
une synthèse finale de ses travaux. Cette synthèse, il nous a
donc fallu la tenter nous-même; on y trouvera, je crois,
l'essentiel de la pensée de notre phHosophe. Il ne m'a pas
paru utile d'entrer ici dans des questions de détail qui res­
sembleraient fort à des subtilités privées de réalité objective.
Les idées maîtresses ,de Swedenborgprésenrtent un intérêt in­
contestable et projettent de vives clartés sur la constitution in­
time de notre être physique. Leur application pratique a des
questions de détail, 'par contre, nous 'paraît souvent moins
heureuse. En effet, elle n'est pas toujours d'une rigueur abso~ue
et donne lieu parfois à des équivoques. Le m'Oins qu'on puisse
dire c'est qu'elle est prématurée à certains égards. Les argu­
ments métaphysiques de notre auteur sont excellents; les prin­
cipes généraux de son sy.stème ne le sont pas moins; mais tout
esprit critique sera fr,appéde constater .combien souvent Swe­
denborg imagine l'existence de certains phénomènes ou de cer­
taines réalités, tout simplement parce que cette existence lui
semble commandée par quelque nécessité ,inhérente aux princi­
pes a priori qui servent de base à son raisonnement. S'étant
a'perçu des dangelis de la méthode 'purement déduotive, telle
qu'il l'avait appl,iqruée dans ,l'Economie da Règne Animal, i"i1­
lustre a{)adémkien de Stockholm s'est efforcé d'employer ,la mé­
thode coIlitraire dans Le Règne Animal et de remonter des
effets aux causes 'par la voie inductive ou analytique. On trou­
vera dans ce demier oU\T-mge ,des pages d'anthologie sur les
mérites de la méthode eX1périmentale ou à posteriori, mais .J'~m-
224 LE SPIRITISME PHYSIQUE

pression réconfortante qui se dégage de ta lecture de tels


passages est quelque peu mitigée par :l'étude du reste de l'ou­
vrage. En effet, il apparaH très vite que l'autem tourne par­
fois, sans le savoir, dans un cercle vicieux. Les «faits» qui
servent de point de départ à ses inductions, et qui lui per­
mettent de retrouver si facilement les prindpes théoriques qui
constituent la base a priori de ses précédents ouV'rages, ne
sont souvent, en réaHté, que ,les phénomènes que ,l'auteur avait
déduits précédemment des ces mêmes prinoipes ,théoriques.
Cette constatation noUiS prouve que Swedenborg était moins
un homme de science qu'un phHosophe s'occupant de ,pro­
blèmes scientifiques. Loin de mépriser ,la connaÏissance empi­
rique, il se tenait au courant des pTogrès accomplis dans
toutes les branches du savoir hUInain ; mais il aimait à sup­
pléer aux lacunes ,de la science de son époque, en postulant
certains faits sur Iesquels l'eX1périmentation 'Ou l'observation
des savants contemporains ne réussissait pas à projeter une
lumière suffisante. Voilà pourquoi nous trouvons dans l'œu­
vre de Swedenborg une quantité d'expressions nouvelles, se
rapportant à des réalités 'parfois purement hypothétiques.
Nous n'entendons pas affirmer, par là, que ces expressions
ne correspondent à rien de réel, car .l'intuition de notre phi­
losophe était prodigieuse et les déco:uvertes de la scienœ la
plus récente nous montrent qu'il a presque toujours deviné
juste. Mais il n'en reste pas moins vrai que seule la consta­
tation empirique compte dans le domaine des faits et que nous
aurions certainement tort de nous en tenir rigoureusement aux
affirmations ou aux eXJplications de Swedenborg, si ceUes-ci
devaient se montrer erronées ou insuffisantes par la suite.
En matière scientifique, il est toujours quelque peu témé­
raire d'établir un sy;stème ne varietur; on risque de fermer
ainsi la porte aux décou~ertes nouveHes susceptibles de mo­
,difier notre ,point de vue. Toutefois, les grandes lignes de
l'enseignement biologique et physiologique de Swedenborg
subsisteront, j'ensuis 'persoodé. Les proportions en sont si
vastes, les prindpes en sont si assuvés, que les faits nouveaux
accumulés par lascienœ depuis ,Ia mûrt de notre auteur, y
trouvent tout na1JureBernent leur ;place, p}<ace pour aini dire
LE LIMBE CONÇU COMME AGENT MORPHOGÉNIQUE 225

désignée d'avance. Montrons-nous donc souples et aooueil­


lants dans le domaine des ~aits, et ~achetons cette souplesse
par une intransigeance misonnable en maltière de principes.
Je doute que lIa scieI1œ moderne et oceLle de l'avenir con­
firment, jusque dans leurs moindres détails, .lesspécU!lations
swedenborgiennes, notammentcel1es qui ont trait aux fibres
et au fluide animal. C'est une des raisons pour lesqueLles
nous n'avons reproduLt,dans cet ouvrage, que l'essentiel des
théories de notre philosophe.
Cette question de l'intermédiaire entre l'âme et le corps a
toujours vivement préocoupé les penseurs qui 'se sont livrés
à ce genre de rocheftChes, et ceci depuis les temps les plus
anciens. Les biologistes modernes eux·mêmes se :sont vus con·
traints d',attribuer une spécificité 'paDti:culière au fadeur vital,
dans la mesure où Hsrefusent de l'assimil~ au fait psy­
chique ou mental lui-même. M. MOI'seHi, l'éminent psycho­
logue ita'lien, a consacré tout un -chapitre de son ouvrage
Psicologia e Spiritismo à ce sujet captivant. Il nous a paru
intéressant de reproduire - tantôt littéralement, tantôt en le
résumant - ce chapitre remarquable, intitulé Alle Fonti della
Pneumatologia. Le lecteur en appréciera nntérêt, malgré la
sympathie non dissimulée dont l'auteur fait preuve à l'égard
des thèses moni'stes très à la mode à l'époque où le Evre fut
écrit.

Aux sources de la pneumatologie. (1)

«En ce qui concerne la nature de l'homme et plus parti­


·eutièrement ses fonctions mentales, le doolisme ,pur n'a
jamais régné d'une ~açon absoIue : je veux dire que jamais,
même à la plus belle époque du spitituaHsme classique,de
Pilaton à s. Thomas d'Aquin, de Descartes à Cousin, de Kant
aux actuels «paraHélistes» ou, mieux encore, aux néovita-1istes
et néo-idéali-stes ultramodernes, jamais, dis-je, ,l'homme ne

(1) Morselli, Psicologia e STJiritismo, t. l, pp. 56-68.


226 lE SPIRITISME PHYSIQUE

fut constdéré oomme une dualité simple, constituée par un


COIlpS et une âme (<< matière» et «esprit.») Toujours, entre
ces deux termes opposés - que Jes philosophes dualistes
l'aient voulu ou non - il s'en est intmdudt, pluJS ou moins­
ouvertement, un troisième, et ce troisième teIlme est représenté
par la Vie.
«Chez l'homme,les dualistes les .p.lus exolusifs n'ont ja­
mais su ou ·pu assimiler les .phénomènes «'psychiques» véri­
tables - lesent1ment, l'idée et -la volonté - ,arux 'Phénomènes­
« vitaux », aux activités plus ou moins élevées de l'organisme;
ce qui fait que, ·donnant à ,l'âme l"attribution générale de ren­
dre a-ctif et de «faire vivre» ,le corps, -soit dans ses .parties.
singulières, soit dans son en-semble considéré comme uncom­
plexe de ·parties harmoniques, on a été obligé d'accorder une
âme semblable aussi aux organismes inférieurs, voire même
à ceux qui ne sont constitués que par un seul élément mc:mo­
cellulaire.» ... « Et de ces extrêmes gradins inférieurs de la
série animale, comment ne pas passer, sous peine de discri­
mination arbitraire, à ,la série végétale ? »
«Ce problème formidable s'est imposé depuis des siècles
à la métaphysique et à la 'psychologie, mais ne fut jamais
résolu d'urne manière décisive. Je crois même que de très
nombreux biologistes et psychologues ne se le sont jamais.
posé, où, s'il l'ont entrevu, qu'Hs l'ont écarté avec prudence.
Ce sontpartioulièrement les spiritualistes ·dualistes qui ont
cherché à éluder ce 'problème : ils ont été contraints de trou­
ver un compromis à courte vue (miope) en distinguant la
partie mentale, produite par une «enti,té spiritllel,le », de la
Vie, produite 'par une «activité vitale ». Evj.demment l'on ne
voulait pas reconnaître que, si un organisme était ca'pable,
en soi et par soi, de produire les 'phénomènes ( vitaux », il
pouvait bien être capable -de produire également les phéno­
mènes «·psychiques».
«Mais toutes ,les écoles duaHstes, improprement appelées
spiritualistes, ont fait preuve d'une grande incohérence: l'hom­
me, tel qu'eUes nous le ,décri\lent,ciu 'tel qu'eLles se le repré­
sentent, n'est pas, en effet, une dualité ou, en d'autres termes,
un composé corps + âme, mais plutôt une trinité, autrement
AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 227

dit un composé corps + vie + esprit. De cette manière, ce-


pendant, elles ont fait semblant de ne pas s'apercevoir que
les directions à observer sans con1Jradiction sont au nombre
de trois: organicisme (matérialisme) + vitalisme + spiri-
tualisme. En effet, la ,philosophie orthodoxe a toujours dis-
tingué les ,phénomènes «vitaux» des phénomènes «maté·
riels» ou phY'sico~chimiques, d'une part, et des ,phénomènes
« mentaux» ou psychiques, d'autre part. Or, la difficulté de
nous éolaiTer SUT une telle séparation n'.a 'pas été moins grande
que ceUe que ces mêmes philosophes ont prouvée à nous dé-
montrer l'indépendance des phénomènes 'psychiques et des
phénomènes organiq'ues. Les ;plus astucieux d'entre eux, tout
en se refusant à les unifier, ont fini par découvrir les théories
anodines dru «paralléHsme physic~psychiqiUe» et de l' « in·
teraction ou action rédproque du physique et du 'psychique »,
et laissent naturellement les ·choses au 'pollnt où ils les ont
trouvées, offrant tout au plus 'une satisfadion aux conscien-
ces timorées qui craignent de passer pour «ma,térialistes ».
Les ,plus 'logiques devraient, au contTaire, adhérer franche-
ment au spiritisme, ·comme Angelo Brofferio a fini par le
faire. En effet, le spiritisme, avec son «·périsprit », soutient
la constitution ternaire de l'homme, ,a,lors que l'occultisme en
est arrivé à laquinte-, voiire même à la hept-essence, c'est-à-
dire à 5 ou 7 élément,s ! » p, 56 à 58.
« La p,lupart des philosophes idéalistes de l'antiquité, s'étant
mis en opposition a'vec le grand courant moni,ste créé par
Héraclite, Parménide, Empédocle, Anaxagofle et Démocrite,
et ne sachant comment se tirer d'embarras, ay.aient fini par
admettre la 'pIuralité des «âmes»; en quoi ils s'étaient
montrés -plus honnêtes que certains spiritttaHstes-idéalistes
modeJ:1nes. Platon,par exemple, admet en nous l'exi·stence de
trois âmes: l'âme pensante, le «noûs », ·dont le siège est
dans la tête; l'âme sensitive, le «thumos », siégeant dans
~a poitrine et ,plus 'Pariioolièrement dans le cœur ; et l'âme
appétitive, 1'« épithumMiohon », ma,l définie et mal nommée,
loca,lisée dans le ventre a'll-dessous du diaphragme. Seule la
première est d'origine divine et. imm()rtel~e, les deux autres,
d'extraction inférieure, sont mortelles. » 'p, 58.
228 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Aristote changea cette conception. U garda l'âme pensante,


fit de l'âme sensitive et motrice l'âme animale et y ajouta
une âme végétative. Arm. de Quatrefages (1) ressuscita les
trois âmes aristotéliciennes pour distinguer les trois règnes
(forces physico-chimiques 'pour le règne minéral).
L'école d'Alexandrie, avec Eristmte et Rufus 'd'Ephèse,
simphfia ,ce schéma en réunissant l'âme végétale et animale
en un «pneuma vital», au-dessus ,duquel on plaça le «pneuma
psychique».
L'école de Pergame, avec Galène, distingua de nouveau
entre «'esprits vitaux» (végétaux) et «esprits animaux ».
«Or, ce sont ces «esprits animaux» de Galène - imagi­
nés pour expliquer les activités non encore psychiques ou spi­
ritueHes, mais pas non plus stmplement végétatives et orga­
niques - qui ont traversé le moyen-âge' sans changement
essentiel, et qui de la médecine se sont imposés aux philoso­
phes pendant des siècles. Ce sont ces mêmes «'pneuma»
qu'on rebapti'se du nom de périsprit. »
S. Thomas d'Aquin et Iles scolastiques les accueillirent. Les
médecins philosophes de ·la Renaissa'nce s'en servirent pour
expliquer les fonctions de l'innervation. Variolo (1572) les
faisait présider aux fonctions sUlpérieul'esdu cerveau.
Guy de ChauHac (1363) ,les faisait dériver d'une « distilla­
tion des esprits vitaux infér,ieurs au travers de la rete mira­
bile ».
Descartes ·les maintint. Il accoI1dait des « esprits animaux»
aux brutes. Quelque chose de plus fin que l'air, «vent très
subUl », flamme très pure et vive, cirulait à une vitesse ex­
trême du cœur au cerveau, le pénétrait et en sortaÎ't par les
nerfs pour aller aux muscles, exerçant non seulement une
activité naturelle (organique inférieure), mai·s aussi des fonc­
tions «animales» (sensibles, motrices, mémoire, imagination,
raison, etc.).
Borelli et H'Üffmann concevaient également d'une façon
assez matérieLle ces «esprits animaux ». Vieussens (1864)

(') Cf. Rapport sur l'anthropolagie 1867; l'Espèce humaine 1875.


cités par MorsellL
AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 229

voulut les spiritualiser en en faisant une «,substance immaté­


rielle très subtirle, très volatile », de nature éthérée. Mayow
(1681) les assimilait à l'esprit nitro-aérien existant dans l'air.
« In ne fait, 'pourtant,au<:un doute, pOUT qui étudie l'his·
toire des concepts phiJlosophiques et physiques concernant le
problème de la vie, que le «f,luide vital» des bi'Û'!logistes vi­
talistes à outrance, cette entité imaginaire mise àla place
des antiques personnifications mythologi.ques, ne soit la même
chose que les «esprits vitaux» ,de Galène et du moyen âge;
de même qu'il est évident que le Huide nerveux, remis en
honneur tout récemment oous le nom de «force neurique ra­
diante », ouautmsexpressions similaires, s'identifie, psycho­
généti,qruement, avec les esprits animaux dont j'ai ,parlé plus
haut. Malheureasement (?) il faut reconnaîtTre que .la ,science
par:courtsouvent ,le même chemin, ,croyant changer de con­
cepts alors qu'elle ne fait que changer :les noms ,par lesqueIs
elle les représente.» Morselli, Op. Citat.p. 61.
La conception d'urne force vitale spécifique, soutenue par
Bichat, MuIloer et Liebig, a fait place au couPant mécaniste et
déterministe qui camdél1ise la phitlosophie biologique du
XIX' siède.
« En effet, la «force vitaJe» a'wli:t été bannie des recoins
les plus reculés d'un organisme qu'on concevait et voyait
expérimentalement comme étant gouverné exc1usivment par
les forces ordinaires agissant dans ,la nature. On en était
arrivé à considérer 1<a vie et ,les forces physico-chimiques com­
me des modalités d'une 'seule et même énergie :cosmique. La
«force vitale» êta'it altlée rejoindre ainsi, pour -plusieurs dé­
cades, les «es'prits» et les «fluides ». Ma,is aujourd'hui,
après oles triomphes du mécanisme unitaire - triomphes qui
paraissaient pourtant si a,ssurés - la void qui ressuscite,
sinon sous forme d'« essence », du moins en tant quespéd­
ficité formelle des êtres vivants (l)dall!S l'acluel néovi1alisme
de Bunge et de A. Gautier, de Heidenhain et de PaUJlow, de
Reinke et de Driesch.

(1) Voir notamment le Iiv're de Vialleton dont nous avons donné


quelques citations dans ce chapj,tre à propos des théories de
Lakhovsky.
230 LE SPIRITISME PHYSIQUE

«Pour moi, l'enchaînement des concepts explkatifs de la


vie est évident: quand on veut donner au phénomène vital
une spécificiJté distincte du fait physique et du fait -psychique,
on retombe dans l'ant~que pluralisme 'pneumatologique, et on
est obligé d'intercaler entre ,l'organisme et la pensée, entre
le cerveau et ,!ta conscienc,e, entre !ta matière et l'esprit, un
« pneuma » quelconque, un «esprit vital », un « fluide vital »,
une «force vitale» ou... un périsprit.» MorseUï, p. 62.
En d'autres termes, on est obligé œadmettre l'existence
d'une cause instrumentale entre .la cause formelle et la cause
matérielle; ce qui revient à dire qu'à moins d'être matéria­
liste (c'est-à-dire purement quantitativiste), l'on est forcé,
qu'on le veuiltIe ou non, d',adopter un moded'explkation, dont
le type le plus oaradéristî'que et le plus convaiocant nous est
offert dans la philosophie de Swedenborg.
Morselli a tort, selon nous, d'appeler pluraliste la con­
ception «ternaire» de l'homme. La distinction entre la cause
et l'effet, pas 'Plus que l'affirmation d'une hiérarchie des
causes, n'impltiquent le pluralisme dans le sens ,philosophique
de ce terme. Swedenborg admettait l'unité de l'Ordre et de
la Loi; bien mieux, il admettait même l'unité de la substance,
t,ou,t en distinguant les substances, en ver:1lu des degrés discrets.
La conception du «,degré discret» est le seul moyen dont
nous disposions pour rejeter à la fois le panthéisme et le
dualisme absolu (ou la création ex nihilo).
La coexistence de la fin, de la oause et de ,l'effet, sur le
plan de l'effet, ne signifie 'pas leur identité substantielile. Le
monisme est absupde dans ,la mesure où H cherche à établir
l'unité de la substance sur le seul et unique plan de l'exten­
sion quantitative. L'unité ne doit 'Pas être recherchée dans la
continuité des substances, c'est-à-dire dans leur homogénéité
quantitative, mais dans leur dépenclia:nce hiérarchique, teUe
qu'elle se manifeste dans ,l'ordre de leur suœession, à partir
d'une cause 'première. L'unité règne entre les ,divers degrés
de la substance en vertu du lien causal qui en unit les éche­
lons. Si l'on nie ces échelons, l'unité profonde des choses
nous échappe du même coup, et l'on se trouvepa obligé de
baser son «monisme» sur l'élément essentie~lement amorphe
AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 231

~t multiple représenté 'par 1a matière, à laqueUe on se verra


contraint de tout ramener. Le monisme matériaJ1iste est donc
le pire ennemi de ·l'unité cons~dérée comme un complexe har­
monique, complexe qui sUJppose une diversité d'éléments; en
effet, le moniste croim avoir atteint l'UJnité quand il a'll'1"a
expliqué -le plus ,par une extension quantitative du moins, La
diversité qualitative par une identité quantitative. (1)

(1) Aux pages 146 et 147 de son ouvrage sur La SensibiliU Méta·
physique (Paris, Editions du Siècle), M. Jules de Gaultier prétend
QU'« identifier, c'est rédu~re le divers à l'un,.. «Ce vœu d'identité,
dit-il, constitue une tendance fondamentale de l'esprit huma'in. C'est
sous l'inspiration de cette tendance que le principe de causalité a
pour but, en présence d'un changement appa,rent, de susciter une
apparence contraire, de rendre manifeste, en ramenant l'effet à la
cause, Que l'unité et l'immobilité sont -respectées.,. M. de Ga'ultier
cite à l'appui de sa thèse les [Lgnes suivantes, tirées du célèbre essai
de M. Mey.erson sur l'Explication dans les Sciences, t. l, p. 182:
« Il est certain - on le voit aussi bien par la marche même du ,ra'i­
sonnement mathématique, tcl que nous l'avons amaly.sé, Que par la
conception qui dissout toute diversité en un tout indistinct - Que le
divers, Quel Qu'il soit, répugne au fond à not.re 'raison Qui cherche
à [oui imposerl'identi,té. l0­
I! me semble, toutefois, que ces deux philosophes se trompent en
assimilant l'unité à l'identité. L'. unification par la cause,. me paraît
impliquer ·un processus mentai très diffé.rent de celui auquel nous
avons recours pour identifier. N'est-il pas évident, en -effet, que pour
a-rriver à la ·notion d'unité par la cause, notre raison est obligée
de respecter la distinction essentielle qui existe entre la cause et
l'eflet, alors que pour identifier ce Qui est dams un -rapport de dé­
pendance génétique, notre pensée est forcée, par définition, d'abolir
ou de négliger purement et simplement cette distinction capitale?
En se plaçant à un certain point de vue. il peut êbre l-égitime d'iden­
tifier l'un avec la cause du dive.rs, ma'is non pas avec le divers en
tant Qlle divers! Autrement dit, pour .réduire le div-ers à l'lin, il faut
commencer par distinguer, par différencier, par « désidentifier» le
divers d'avec lui-même, si j'ose dire. Le bénéfice d'une telle opé­
ration se réduit donc à zéro. L'un peut se trouver à l'Qrigi,ne d'une
série descendante ·d'effets Qui s'·engendrent successivement l'un
l'autre, mais ceci ne nous autorise pas à idenUfi.er les termes ·de cette
série génétique. Dans la mesure où l'on identifie ,l'inférieur avec le
supérieur, on en supp.rime la Qualité intel,ligible. Finalement, il n'existera
plus que le premier terme de la série et tout ce Qu'on pourra dirre
alo'rs, c'est que A est égal à A, vérité évidente par elle-même, mais
232 LE SPIRITISME PHYSIQUE

La matière n'est d'aïHeurs pas une suhstance en soi, elle


n'est qu'un phénomène d'un opdre particulier. Supprimez
l'éther, dont eHe n'est qu'une manitestation cinétique, et la
matière s'évanoui,ra sans laisser de tmces. Ce seul fait suffi­
rait à montrer l'ineptie.du monisme matériaUste. Le «monisme»
n'est légitime que quand H se base ,sur l'unicité de la cause
première. POUT Swedenborg, la muse première, la substance
en soi n'est autre que l'infini. Les substances finies (esprit et
matière) n'en sont que des limitations successives (limitations.
conditionnées 'par la nature respective de leurs mouvements
constitutifs internes). Les choses .~ passent de telle sorte que
le milieu supérieur (spirituel) est antérieur et nécessaire au
milieu inférieur (matériel), auquel il donne naissance grâce
à la genèse d'une nouveHe série de mouvements. Ceux-ci se
manifestent par l',apparition de nouveaux «corpuscules d'éner­
gie», de nouvelles gammes de vibrations et, finalement, 'par
la constitution de particuîes matérielles proprement dites. On
peut voir par là que la fameuse unité de substance n'est pas.
une notion aussi simple qu'on aurait pu le croire au début.
Les savants contemporains ne sont arri'vés à l'unité de sub­
sance, sur le plan physique, qu'en abandonnant l'atome pour
l'électron ou 'pour l'éther. C'est un 'progrès considérable par
rapport à l'anoien monisme atomistique.
Les matérialistes modernes, en quête de monisme, -cherchent
donc à ramener le fait psychique à des phénomènes wbratoi­
res. Les ondes n'expliqueront pas seulement .ta constitution
interne de l'atome (d. les travaux du physicien Louis de Bro­
gUe), mais encore le mécanisme des divers processus mentaux
(d. les théories ,de Georges Lakhov,sky). On ira même jus-

de peu d'intérêt, mal~ré l'approbation Que n'eussent pas manqué de·


lui donner le méga:riQ'U'e Stilpon et l'Allemand HerbalTt, Q,ui voulaient
supprimer la copule «est", paTce Que, en fai,t d'identité, ils n'admet­
taient Que ceBe du suiet avec lui-même. Swedenborg me pa;raît beau­
coup plus raisonnable Quand il déclare Qu'unité et identité sont in­
conciliables, da:ns ce sens Que l'une ne produit pas l'autre, et Qu'une
pluralité d'éléments identiques, loin d'être une unité, seraH, au con­
traire, une multiplicité absolue. L'unité-identité pa'rménidienne est
inconcevable, comme M. de Galuhier lui-même l'a fait observer judi­
cieusement.
AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 233

qu'à dire que Dieu est la vibration universelle (Lakhovsky).


Or, nous n'avons pa,s encore atteint, avec Ies ondes «,imma­
térielles »,Ia ca'use commune du mental et du physique. Il
faut, pour cela, monter à 1'« étage supérieur~. En d'autres
termes, il faut s'élever jusqu'au milieu spkituel, jusqu'aux
« atmosphères spirituelles » dont parle Swedenborg, atmos­
phères dont l'éther lui-même est issu. Ce n'est que sur ce plan
supérieur qu'il sera possible de ramener à l'unité le fait psy­
chique et le fait physique, ,le «spirituel» étant lui-même la
cause du «matériel ». Cette unité n'est cependant pa,s une
identité, et rien ne serait moins justifié 'que de considérer la
matière comme un simple aspect du fait psychique. Il y a,
entre eux, un «degré discret », une discontinuité qui tient à
la nature du Hen causal qui les unit indissolublement tout en
les distinguant d'une manière absolue. III en est comme de la
matière et de l'électricité. Celle-ci est à l'origine de celle-là,
mais, la matière, une fois constituée, obéit à des lois qui lui
sont propres, lois mécaniques et chimiques, di,stindes des lois
éleotriques.
Swedenborg admettait qu'il faUa~t aller jusqu'à l'Infini,
jusqu'à Dieu,pour .atteindre l'unité de substance véri,table,
mais il s'est bien gardé de proolamer, ,pour cela, que tout
était Dieu ou que toute matière étai1 divine! Un tel panthéisme
eût été la négation même de la création, telle qu'il la <:once­
va,it. Le fait que Dieu n'a pas créé le monde ex nihilo, mais
de son 'propre être - en « finissant» son in~ini - ne détruit
nullement ,la notion de création, car il ya filiation (ou pro­
cession discontinue) et non pa,s émanation continue des 'sub­
stances.
Une chose est certaine,c'est que la matière ne saurait plus
être considérée comme une entité en soi, créée comme telle.
Elle doit se contenter de n'êtTeplus qu'un phénomène parti­
culier, l'aboutissement dernier de toute une ·série d'autres
phénomènes, à l'origine desquels se trouve ].a puissance créa­
trice. Celle-ci procède de Dieu, ma'is n'est pa's Dieu. La «pro­
cession» des forces et ,des substances ,implique précisément
l'ensemble des différencirations qualirtaiivesqui correSrpondent
à la noNon de création ,successive. L'Infini a beau être à
234 LE SPIRITISME PHYSIQUE

l'origine du fini, comme l'enseignait déjà Anx,agore, le fini


n'en sera ,pas moins «fini» pour cella. En effet, l'Infini cesse
d'être inHni dans lia mesur,e où il s'impose des limites. Il
reste donc élterneHement distinct du 'Premier élément fini
auquel il donne immédiatement naissance; à plus forte raison
restera-t·il distinct des éléments ultérieurs, qui se forment
successivement les uns ,aux dépens des autres.
Le processus créateur est, en effet, un processus de «corn·
posi,ti()Il », à partir du 'premier élément simple. Celui-ci est
à la frontière de l'Infini; il .le touche sans en faire partie
(ce qui impHquemit une contraddction dansl:es attributs). Bien
que leschainons de la création soient re1<iés les 'uns aux au­
tres par un Hen causall, ils n'en restent pas moins distincts
les uns des autres, à teUe enseigne que les derniers d'entre
eux ne possèdent ,plus aucun des attributs qui caractérisent
les premiers. Par mpport à l'lnf,inité du Oréateur, ,le monde
créé n'est qu'une sorte de «non-être existant », et,pour qu'il
puisse recevoir 1'« inilux » divin, ~l faut bien qu'il soit caracté·
risé essentieI.1ement par ce qu'on poumait appeler une sorte
d'absence de Dieu. Pour employer un métaphore plutôt gros­
sière, on pourrait peut··être dire que la matière, qui nous
apparaît comme un plein, est un vide 'par rapport à Dieu.
Cette idée exiMe d'ailleurs, sous une autre forme, dans 1<a
soience, qui considère volontiers l'éltectron, dont se compose
la matière, comme un «trou» dans ,l'éther, ce qui n'enlève
d'a;ü1euI's rien à sa réa>lité, ni à celle des édifiœs atomiques
ou moléculaires qui :en dépendent. Je ne crois pas être témé­
rai're en suggérant que 'Cette conception scientifique exprime
assez bien la Ipenséede Swedenborg en ce qui concerne la
genèse du fini par l'Infini, à condition de remplacer, bien
entendu, l'éther par l'Infini et l'électron par le premier point
naturel (c'est-à-dire le premier élément distinct de l'Infini).
Ceux qui s'intéressent à ce problème de haute philosophie,
feront bien de lire les Principia de Swedenborg, ainsi que
son essa.i sur L'infini et la Cause Finale de la Création, ou­
vrages qui n'existent malheureusement qu'en traduction an­
glaise. Voici, pour terminer, un passage des 'plus significatifs
AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 235

que nous trouvons dans La Sagesse Angélique sar le Divin


Amour et la Divine Sagesse:
~ L'univers, qui e~t l'image de Dieu, et par suite plein de
Dieu, n'a pu être créé que dans Dieu 'Par Dieu; car Dieu
est l' Hre même, et de l'Etredoit venir ce qui e~t. Du néant
qui n'est point, oréer ce qui est, cela est absolument contra­
dictoire. Mais néanmoins ce qui a été créé dans Dieu par
Dieu n'est point une continuité de Dieu, car Dieu est l'Etre
en soi, et dans les objets créés il n'y a pas quelque chose de
l'Etre en soi. Si dans les objets créés il y avait quelque chose
de l'Etre en soi, ce serait une continuité de Dieu, et une con­
tinuité de Dieu est Dieu.» § 55.
M. Stanley Redgrove fait à ce sujet que}.q'1les remarques
fort justes. «Tout ce qui existe, excepté Ia suhstance, est pour
ainsi dire une forme du non-être. Or, dire qu'une forme du
non-être ne saurait ex,ister, cela 'revient à dire qu'un effet ne
saurait exister sans sa cause, et rien de ,plus. Swedenborg
parle souvent de substances «créées» ; or, la seule différence
possible entre .la subtance incréée et la substance créée, c'est­
à-dire entre l'Etre absolu et l'être dérivé, c'est le non·être.
Comme Swedenborg le dit souvent, les substances créées sont
eiles-mêmes des réceptacles - de purs réceptacles et rien que
des réceptacles - existant, toutefois, non seulement poten­
tiellement, mais aduellement, dans l'eXlpérience sensible, et
ceci par le fait qu'elles reçoivent l'influx de l'être, procédant
de la source de tout Etre .» (1)
«Nous ne nions pas 'l'existence d'un trou dans une plan­
che de bois pour la raison que le trou est constitué par le
non-être du bois. Cet exemple est sans doute fort grossier,
mais Bpeut servir d'illu~tration. Comme j·e l'ai déjà indiqué,
on peut dire que la création est, en qu.elque sorte, une des­
truction, on ;peut-être mieux, une mntraciion de la Substance
Absolue ; pour papIer comme Swedenborg, Ia création est la
«finition du Divin ». J'ai ~ait ressorlir(voir § 49)oombien
cette idée de Swedenborg était en étroite harmonie avec la

(1) Stanley Redg.rove, PurTJose and Transcendentalism; Londres


1921, Kegan Paul, Trench. Tmbner &. Co., pp. 52-54.
236 LE SPIRITISME PHYSIQUE

pensée scientifique modeme, en ce qui concerne la relation


entre la matière et l'éther de l'espace. La matière est le non­
être de l'éther, de même que l'homme est le non-être de Dieu.
Dire que Dieu est un esprit ne sigJnifie pas qu'lI soit un
être aérien ou impalpable, mais ,plutôt le contraire; Dieu est
la Substantialité Absolue; l'homme ne possède l'être que
dans la mesure où il le reçoit de Dieu ; ce qui le constitue
essentieJlement, ce qui le ,différencie de Dieu, c'est le non-être,
J.a vacuité absolue.» (1).
Le lecteur aura soin, naturellement, de ne 'pas comprendre
ce qui précède d'une manière trop simpliste. Le monde créé
n'est pas Dieu vu en creux, ce qui serait encore une forme
de panthéisme. La réalité est plus compliquée et comporte
un aspect 'positif, même si cet aspect positif présuppose, à
l'origine, un certain processus «négatif». Pour pouvoir «affir­
mer» l'univers, Dieu a dû commencer par se «nier» Lui­
même, en quelque some. Seule cette création d'un pôle négatif
a permis la descente de l'influx divin dans ,l'univers créé.
L'existence d'un courant créateur implique une certaine pola­
rité, une différence de potentiel ou de niveau. Le non-être est
donc à la fois une négation et une affirmation, suivant le
point de vue où l'on sepl.ace. C'est même pour cette raison
que le non-être n'est 'pas le néant, car le néant n'est pas con­
ditionné 'par l'être, comme ·c'est le cas pour ;le non-être, dont
l'existence est aussi réelle que celle de l'être, puisqu'eUe en
dépend. En d'aut,res termes, le Mn-être suppose l'être comme
le fini suppose l"infini. Ces deux façons de s'exprimer sont
d'ailleurs équivalentes. De rien Dieu Lui-Même ne saurait
faire quelque chose. Le fini ou le non-être ne sont donc ,pas
rien, mais au contraire, une potentialité réelle, grâce à laquelle
l'iniiini Divin peut s'extét1ioriser~ 'c'est-à-dire se différencier
de lui-même. Cette différenciation se fait successivement, par
degrés discrets ou discontinus; or, comme ,le dit si bien M.
Stanley Redgrove, «aucune distinction n'est aussi absolue
que celle des degrés discrets ».
-- - _--­
Dieu est donc à la fois immanent et transcendant par rap­
•... ~-_ ..

(1) Ibid. pp. 157-8.


AUX SOURCES DE LA PNEUMATOLOGIE 237

port à la création. Si l'on remplaœ Dieu 'par cause, et création


par effet, on comprendlia plus facilement ce qu'il faut enten­
dre 'par ,là. Le panthéisme affirme l''immanencede Dieu, mais
nie sa transcendance. Voici en quels termes Swedenborg réfute
. le panthéisme: «Quoique le Divin soit dans toutes et dans
\ chaoune des choses ,de l'univers créé, il n'y a cependant rien
,1 du Divin en soi dans leur êfire, 'Car l'univers créé n'est point

\ Dieu, mais il est par Dieu ; et parce qu'H est par Dieu, il y a
) en lui l'image de Dieu, comme ill y a l'image de l'homme
dans un miroir, dans lequel l'homme .apparaît, il est' vrai,
mais dans lequel H n'y a rien de l'homme ». S. A. 59.
Pour retrouver substantiellement la Cause Première dans
ses effets derniers, pourati:eindre Dieu en partant de la ma­
tière, il f.audrait renverser le ;processus oréateur lui-même,
ou plutôt le reproduire à rebours; i.I faudrait dcme désinté­
grer d'abord la matièœ, 'puis .t'électron, puis l'éther avec ses
quanta d'énergie, puis Ies atmosphères spirituelles, et enfin
rendre à l'Infini le premier élément fini (en le débarrassant
des limites qui le constituent), bref, il faiU!dI'lait ,priver le non­
être .de son actualité et ,le réduire à une s~mplle virtUJalité.
L'univers créé aurait alors disparu, et nnfini resterait face
à face avec lui-même. 11 n'y a pas d'autre moyend''3:rriver
à la substance divine elle-même. Or, une ,philosophie basée
sur de tels principes ne mér,ite guère ,le nom de ,pan1'héisme !
Swedenborg n'est pas non plus un pluraliste, 'Car, d'a'près
lui, la suppression de la Cause Première entraînerait ipso
facto la disparition instantanée, et sans résidu, de tous ses
effets subséquents.
On peut dire que, grâce au concept du degré discret, la
philosophie du ,penseur scandinave révoncUie, en une synthèse
supérieure, le monisme et le pluralisme (le pluralisme étant
considéré ici comme un dualisme pIus explicite et non pas
comme la philosophie qui nie 1e principe causal ou l'existence
d'un univers homogène soumis à une loi universelle). C'est
là son principal mérite.
238 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Télékinesie et Matérialisations. (1)

Remarqaes sar le rôle de la physiologie paranormale.

Dans les pages qui précèdent, j'ai montré, d'après Sweden­


borg, que l'âme .dispose, sur ,le 'plan physique, de certaines
substances et de certaines énergies qui '~uipermettent de
façonner, de diriger et d'animer la matière palpahle du corps.
Ces forces ,et ces substances se manifestent par les effets
qu'eUes produisent, sans qu'on 'puisse dire, toutefois, qu'elles
en sont l,a cause évidente et indubitable. En effet, elles sont
masquées par la présence ·d'autres oauses plus immédiates
qu'une philosophie maitérialiste pourrait facilement considérer
comme étant les seulles qui enirent en :ligne de compte. Plus

(1) Je ne saurais continuer l'·impr·ession de ce volume sans mettre


le lecteur au courant de certains .faits Qui en ont interrompu la
publication pendant de longues années. Les premièr·es feui\:les de cet
Itt~( ouvrag,e ont été écrites (,et malheur:eusement imprimées) il y a une
dizadne d'années déjà. Mon état de santé et les continuels' déplace­
1~3!t ments- qUi-en-ont été la conséquence, m'ont, hélas, empêché de pour­
suivre régulièrement le travail commencé.
Le lecteur atœntif aura, sans doute, ,r,emarQuéQue certains événe­
ments passés sont traités en faits contemporains au cours des pages
Qui précèdent. A l'époque où celles-ci furent imprimées, Flammarion,
Geley, Schrenck-Notzing étaient encore vivants.
Il eût, sans doute, mieux valu réimprimer le début de ce volume,
car rien n'est plus pénible pour l'amour-propre d'un auteur Que de
laisser paraître un ouvrage dont il ne peut plus corriger les imper­
fections. Le lecteur aura la -cha·rité de ne pa,s m'en vouloir si j'ai
hésité, et finalement reculé, devant les frais d'une telle 'r_~lmpression.
Je me contenterai donc de failre appel à :s-ôh-iriduIgence-ét de-;;firiâier
moi-même dans Quel sens ie modifier.ais mon texte si la possibilité
m'en était offerte.
J'étais encore bien jeune Quand j'ai pris la plume. Cela se voit
et je glisse sur les défauts inhérents à presque toutes les œuvres de
jeunesse. Je regrrette le ton confessionnel Que j'ai cru devoIr adopter.
Cette attitude doctrinale - pOUirne pas dire doctrinaire - n'aura
évidemment pas été du goût de tout le monde. On peut s'intéresser
à Swedenborg sans en accepter le système religieux. Il était donc
naïf de faire intervenir dans le débat l'autarité dogmatique que les
éorits de Swedenborg possèdent aux yeux des adhérents de la « Nou­
velle Eglise ». En effet, j'ai _~c!i'Len swedenbOlI'gien convain,cu plutôt
TÉLÉKINESIE ET MATÉRIALISATIONS 239

un phénomène est connu, normal ou habituel, plus on hésite


à en faire remonter l'origine à une cause inconnue, ,située en
p}.ein mystère par l'effet de notre ignorance. On aura donc
toujours tendance à considérer une cause instrumentale com­
me une oause première, à moin5 que son insuffisance ne saute
aux yeux.

qu'en témoin indifférent... Il est vrai qu'il est plutôt difficile de rester
« indifîérent» en présence d'tUne personnalité aussi marquante que
celle de Swedenborg... surtout si l'on admet la réalité de ses expé­
riences supranormales ! Le penseur suédois pa'rle «comme quelqu'un
ayant de l'autorIté»; il nous présente son enseignement comme une
révélation providentielle destinée à inaugurer une ·nouvelle f.orme du
christianisme, une «Nouvelle Eglise-;;'éltrétienne. -- -
Toutefôls, le but du présent ,",orume n',est pas de faire un appel
en faveur des d.octrines théologiques du «Prophète du Nord ». Il était
donc inutil,e de lui donner un caractère apologétique aussi accentué.
Il importe, en effet, de ne pas confondre les différents gemes: un
ouvrage de sdence, de philosophie, de cdtique ou de simple docu­
mentation n'est pas un traité dogmatique. Si c'était à recommencer,
je me garderais de toute confusion de ce genre, et ceci, quelles que.
puissent être mes convictions personnelles, (lesquelles n'ont d'ameurs
pas changé).
D'une manière générale, je mai.ntiens à peu p.rès tout ce que j'ai
écrit. Je crois ne m'être rendu coupable d'aucune i-mprobtté intellec­
tuelIe, bien que mon jugement se soit forcément modifié sur certains
points, notamment à propos du thomisme. J'ai parlé, à la page 120,
des «partisans attardés de la métaphysique thomiste ». Une étude
approfondie de la philosophie scolastique m'a convaincu, depuis, qu'LI
n'existe pas de meilleure discipline intellectuelle. Chose curieuse,
Sw,edenborg ne mentionne jamais le docteur angélique qu'i,1 semble'
avoir peu ou mal connu; toutefois il l'appelle «le divin Thomas~,
divus Thomas, quelque part dans un carnet de notes. Dans ses glran­
des lignes, la métaphysique swedenborgienne nediffère pas sensible­
ment de la métaphysique thomiste, (avec cette ,réserve QUe le réa­
lism~_philosophique de ..§~~llJwrg ne se dément jamais, alws que
s. Thomas soutient quclques thèSes qui ,fJrisent le nominalisme). Par
certains de ces aspects, l'enseignement du voyant scandinave se
rapproche plutôt de ce1ui de s· BonaventUlre, notamment en ce qui
concerne la subtantialité des âmes. Sweëlenborg a toujours considéré
la théorie des «purs esprits », chère à s. Thomas, comme une absur­
dité. - En résumé, j'estime que ,les paJltisans du néo-thomisme sont
loin d'être dies esprits rétrogrades et je n'éprouve que de l'admira­
tion pour Les écrits d'un cardinal Mercier, d'un Gilson, d'un Pègues,
d'un .Sertillanges, d'un Peilhaube ou d'un Maaitain.
240 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Les savants notamment ne -s'occupent guère des causes


lointaines qui constituent .1edomaine de l'inconnu scientifi·
que; ils se contentent d'éludder le jeu des causes les 'plus
proches. Ce n'est d'ai1leu1isqu~à cette condition que ·la science
peut maintenir son ·caractère posÎltif ou empirique. J,1 seIiait
donr tout à fait logique qu'un sav-ant - même Hbre de toute
prévention à l'égard des inductions, plus hardies, d'une phi­
!losophie 'pour laqueUe le réel n'est pas nécessairement iden­
tique au visible ou au mesurable - ,raisonne à peu près com­
me su~t: «Les forces vitales et mOI1phogéniques dont parle
Swedenborg peuvent parfaitement exister, et il Y aura lieu
d'en indiquer et d'en situer l'exist-ence toutes les fois qu'il en
sera pif();du~t ou découvert de sures raisons. Mais il est im­
portant de ne pas se fourrerdJans l'espri1: une explication
passe-partout et purement verba,le, qui di,spenserait de voir
et d'approfondir les forces en action. Certaines de ces forces
sont viisibles, perceptihles. Si ,leur effort ne suffit 'pas à tout
expliquer, rien de meiUeuT que de mettre au jour des facteurs
plus profonds, mystérieux... Mais ce tmvail en ·profondeurne
doit pas ralentir, à la manière d'un sophisme paresseux,
l'indudion naturelle de la science ·positive. Il ne doit pas éga­
rer les esprits loin des réalités les plus importantes et les
plus efficientes ». (1)
Swdenborg :lui-même était un ennemi déo1aré des exJplica­
tions verbales et des «f,œ;ces ocmLtes» quJÏ ne son1 que le
masquede notre ignorance. Mais comme philosophe il a,vait
vite compris qu'il n'était guère poosiblte d'ex'piHquer d'une ma­
nière satisfaisante le connu Ipar le lseull connu; il fut donc
amené à 'postuler l'existence' d'un inconnu, non pas d'un in­
connu inconnaissable, ou occulte en saï, maissirnplement d'un
inconnu encore inexploré. Pa'f ses admirables anal~ses, aussi
bien que par ses déductions (toll1tesrigoureusement basées sur
l'existence d'un ordre universel et intelligible), notre penseur
a pu étahlir, avec une applf'oximation qui nOlUs paTaîtra un
jour étonnante, queUes étaient les régions ,phys~ques et orga­

(1) Paraphrase d'un article politique de Charles Maurras, transposé


dans le domaine physiologique.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 241

niques qu'il fallait sentir pour y découvrir les fadeurs encore


mystérieux de notre activité vitale.
Mais pour que la science officieHe, qui se cantonne dans
Je domaine des oauses «les plus efficientes» en arrive à ad­
mettre l'intervention de facteurs p1us profonds dans le régime
normal de l'économie organique, il lui faudra d'abord consta­
ter empiriquement la réalité d'une telle il1Jtervention dans
l'activité anormaLe ou paranormale de l'organisme, car l'excep­
tionnel offre seul certaines possibiHtés de découverte ou de
contrôle. En effet, il constitue une peI'turbation - sans doute
une simplification - du mécanisme ordinaire de la causaHté
et nous permet, à ce btre, d'étudier celui-ciœns ses éléments
individuels. Il sepotllllfaÏt très bien, en effet, que l,a présence
coUJtumière de œrtains facteul'lS efficients connus iasse défaut,
dans. tel ou tel 'cas exceptionnel, et que cette absenœ anormale
.mette bru,squement à nu l'action de causes médiates insoupçon­
nées, insoupçonnées ,parœ que masquées d'habitude par l'in­
terposition des causes intsmmen1lales immédiates qui nous
sont familières. II est évident que tant que les substances i,nter­
médiakesenfre l'âme et le corps se borneront à exercer leur
activité ordinaire, au sein de l'organisme, il sera scientifique­
ment impossible de Iès repérer etnpiil1iquement. L'idéal 'serait
donc de pouvoir constater leur présence en dehors des limites
anatomiques du cOJ:1)S ou tout au moins de pouvoir observer
leur action indépendamment du mécanisme habituel de l'acN·
vité physiologique.
Est-ce possible?
Tout dépend de ,l'authenticité de certains phénomènes para­
physiologiques dont l'existence nous est attestée non seule­
ment par les spi1:1ites - ,Jeulf témoignage étant a priori sujet
à caution - mais aussi par des savants nombreux, dont p,lu e

sieurs portent un nom illustre dans les sciences.


Il nous faut donc étudier brièvement et sans parti pris
ces phénomènes exceptiomels. - Ceux-ci prouvent-ils l'exis­
tence des espri,ts ? - Ce se:œit beaucoup dire, et cette ques­
iion ne nous intéresse d',aUleu,l'lS 'pas pour le moment. NO!ls
y reviendrons plus tard. Observons seulement, en passant,
que les «faits» qui semblent militer le plus obstinément en
laveur de l'action des désincarnés lparéllissent dûs, pour ia
plupart, à des supercheries plus au moins habiles. H n'est pas
douteux, par contre, que ,les ,phénomènes authentiques - car
il y en a, (ma~s comme de justes œsont aussi les moins
242 LE SPIRITISME PHYSIQUE

sensationnels) - mettent en lumière l'existence de pouvoirs


inconnus de l'esprit sur la matière, ou, si l'on préfère, l'exis­
tence d'une sorte de zone-fTontière entre l'esprit et la matière,
zone où les forces physiques paraissent étroitement condition­
nées ,par ,les forces psychiques.
Nous es..e:,ayerons ,plus loin d'interpréter ,les manifestations,
physiques de la médiumn1té à la ,lumière des théories et des
expériences supranorma,les de Swedenborg.
Voyons d'abord ce que sont ces 'phénomènes et dans quelle
mesure on peut les tenir pOUT authentiques.

Les phénomènes paraphysiologiques sont-ils authentiques?


Nul n'ignore les polémiques qui se sont élevées à ce sujet.
La presse s'en est mêlée à plus d'une reprise. Mais le public
est malgré toUit, assez mal infOO'mé, et les jugemen1s qu'on a
l'occasion d'entendTe ou de :l,i,re S()nt, pour la plUlpart, des
jugements tmp sommaires. La question n'est pas aussi sim­
ple qu'on 'POil1fl':ait le -croire et il n'est certes pas faoÏ'1e de se
faire, à son sujet, uneOipinioTI juste et raJisonnable.
En effet, il ne farut être nitfop crédwle, 11JÏ tmp sceptique.
Voici comment f,looffioy <léc.r.it la dÏiSlposililion d'espz;it la plus
propice à <l'étude de ces phénomènes exceptiorunels :
«Cette disposition peut se caractériser d'un mot par l'épi-,
thète de critique, prise, non dans le sens péjoratif de blâme,
mais dans son acception éthymologique et philosophique
d'examiner, discerner, trier. E,n présence des 'phénomènes.
qouteux ou obscurs du spiritisme (ou de la métapsychique·­
H. de O.), l'attitude C'l'i<tiqueexamine les données de ~ai:t et
les inteDprétations proposées, en s'efforçant, en chaque cas,
de discerner et de peser le pour ou le contre des diverses,
possibilités. EUe s'oppose d'une part à l'attitude sceptique,
qui lève les épaules et se désintéresse des ,problèmes qu'eUe
tient pour insolubles, et, ,d'autre part, à l'attitude dogmatique,.
qui tranche d'emblée et de haut, approuvant ou condamnant
sans autre forme de procès, en vertu d'une philosophie toute"
faite et de conceptions arrêtées d'avanœ.» (1)
Flournoy nous dit qu'il s'est inspiré de deux principes
complémentaires pour équilibrer son jugement. Le premier
est ,le «principe de Hamlet» qui consiste à admettre <~ qu'ii

(1) Th. FIournoy. Esprits et Médiums, p. 210.


TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 243

y ·a plus de choses au oie! et .sur la terre que l'imagine noire


philosophie » ; le second est le « ,prindpe de La'plaœ », se­
lon lequel plus un phénomène semble étrange ou exception­
nel, plus il faut exiger de preu'ves avant de le tenir pour
certain. Autrement dit, tout est possible, mais il ne faut rien
admettre sans preuves.
Le danger c'est qu'on s'habitue à tout, même au surnatu­
rel. flournoy lui-même l'avoue en ces termes:
« Il y a dix ans, j"ai eXlp,rimé monsceptici&me invincible à
l'endroit des apparitions de Katie King à. M. Crookes (Des
Indes p. 356). Je m'empresse ·de reconnaître que j'ai changé
d'avis depuis ,lors et que, sans me prononcer catégorique­
ment, cela va sans dire, ·sur des faits que le passé dérobe à
tout nouveau contrôle, je n'éprouve plusia même difficulté
instinctive à les admettre, en 'présence des phénomènes que
tant de savants nous racontent aujourd'hui. On s'habitue à
tout par la répétition, aux matérialisations comme à la télé­
graphie .sans fdil, ou 'la chute des coops, d'autaIlit plus qu'au
fond, quand on y réfléchit, on ne comprend pas plus celles­
ci que celles-là ». (p. 422, note).
Nous trouvons, à propos des chevaux d'Elberfeld, une
pensée analogue dans l'Hôte Inconnu de Maurice Maeter·
Iinck :
« Le plus étonnant, remarque l'FHustre écrivain, c'est qu'on
n'est pas longtemps étonné. Nous vivons tous, à notre insu,
dans l'attente de l'extraordinaire; et quand il se présente, il
nous émeut bien moins que son attente. On dirait qu'une
sorte d'instinct supérieur qui sait tout 'ft connaît les miracles
qui pendent sur nos têtes, nous rassure d'avance et nous aide
à entrer de pIein pied dans le surnaturel. Il n'est rien à
quoi l'on ne s'accoutume plus promptement qu'au merveil­
leux ; et ce n'est qu'après, à la réflexion, que notre intelli·
gence qui ne sait presque rien, se rend compte de l'énormité
de certains phénomènes.»
faut-i,l attribuer à cet effet d'accoutumance le faH que les
meilleurs expérimentateurs se sont laissés parfois berner par
les médiums ? Il est, en effet, avéré que même ,les médiums
authentiques ne ,se soot 'pas fa'it faute de 'P'f0f41:er du moindl-:e
relâchement du contrôle auquel ils sont soumis. Mai~ Il
arrive que les savants, ayant constaté à plusieurs r~pnses
l'existence réelle de certains faits extraordinair:es, et Ceci dans
des conditions de contrôle qui leuT semblaient exclure toute
244 LE SPIRITISM E PHYSIQUE

possibilité de fraude, ont été mbs en confiance et, s'étant ha­


bitués au merveilleux, ont continué leurs expériences avec
moins de rigueur scientifique, convaincus désormais que les
phénomènes étaient possibles.
Je m'empresse d'avouer que je n'ai jamais eu l'occasion,
personnellement, dassisier à des expériences médiumniques et
que je ne conn<üs ces dernières que. 'par mes lectures et les
conversations que j'ai eues avec certains eX'périmentaieurs,
notamment avec le Dr. Osty, .Je prof. Mc. Dougall, le Dr.
WaUer Pnince, ,le phiiosophe anglais W. D. f'awcett, le poète
irlandais W. B. Yead:s, ei le groope des e)(lpédmeniateurs de
l'université de Harvard aux Eiats-Unbs.
L'impression qui se dégage de ces lectures et de ces con­
versations est somme toute assez décevante. Les uns affir­
ment, les autres nient. Tous paraissent de bonne foi. Quand
tous les savants se seront mis d'accord, il sera possible de
proclamer la certitude scientifique des 'phénomènes en ques­
tion. Mais seront-i,l,s jamais d'accord?
En effet, il n'y a guère d'expérience qui n'a~t été contestée.
Chose surprenante, certains hommes de sdence font preuve
d'un admirable sens critique ,qùand il s'agit de juger les
résultats obtenus par leurs confrères, mais dès qu'ils par­
lent de leur.s propres observations ou de leurs propres tra­
vaux, cet esprit critique fait place à une confiance presque
aveugle et parfoiis même un peu naïve! Cet,te attitude - très
humaine - m'a particulièrement frappé au cours des quel­
ques entretiens que j'eus, en 1924-25, avec le Dr. Walter
Prince, de Boston. Ce savant psycholoque est l'auteur du
Doris Fisher Case, (ouvrage remarquable consacré à l'étude
d'un cas de dissociation de la personnalité) et son autorité est
souvent invoquée par les détracteurs de la métapsychique et
du spiritisme, parce que les médiums démasqués par lui ne
se comptent plus. Pourtant, non seulement M. Prince ne nie
pas la possibilité des 'phénomènes paranormaux, mais il af­
firme en avoir lui-même observé d'assez curieux.
Je suis toutefois obHgé d'avoller que certaines histoires bi­
zarres qu'il m'a racon1ées - notamment à prop()s de son
chien (animal sensible, à ce qu'il 'Pamît, à .Ja :présence d'êtres
invisibles) - m'ont laissé quelque 'peu rêveur... Ceci prouve
qu'il ne faut jamais perdre de vue les éléments 'subjectifs qui
influent forcément sur la psychologie des expérimenia1eur:s.
Le savant le plus objectif a beau être de la meHleure foi du
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIO!'<S 245

monde, il ne peut s'empêcher d'éprouver un secret plaisir à


narrer des fabts merveilleux, qui le placent, en quelque sorte,
dans une catégorie spéciale et privHégiée.
Camille Flammarion trouvait que les astronomes étaient
particulièrement qualifiés pour étudiJer les 'phénomènes phy­
siques de la médi;umnité, p<l'll["cette raas,on que ces phénomè­
nes ét,aient justiciables de l'observation ,plutôt ,que de l'expé­
rimentation. En effet, il est impossible de les reproduire à
volonté. - Il Y a quelque chose de juste ,dans cette remarque
du célèbre ast,ronome. En 'principe, l'authenticité d'un fait ne
dépend aucunement de la possibHité O'ude l',impossibilité dans
laqueMe nous nous trouvons de le reproduiI1e quand nous en
éprouvons le désir. Tout fait d'observation doit être réputé
exact dès qu'il a été dûment constaté. Il serait donc abso,lu­
ment injuste de tenir pour nuIs et non avenus les résuH,ats po­
si,tifs obtenus par certains observateurs pour la seule raison
que d"autpes chercheups ne ,peuvent ,pas en 'pTésenter de sem­
blables. Toutefois, si l'on admet - comme on en a le droit ­
qu'une ou plusieurs e~péfi.enœs négatives ne saul'laient pré­
valoir contre une observation 'positive, on devra se montrer
d'autant ,plus sévère dans l'examen des faits rapportés et
n'accepter que ce qui paraît vraiment indüscutable.
Or, il semble malheureusement hors de doute que la plu­
part des métapsychistes ont été victimes, une fois ou l'autre,
de supercheries plus ou moins grossières. J,1 est, en effet, ab­
solument établi que bon nombre des phénomènes qui nous
ont été présentés comme ayant été obtenus dans des condi­
tions de contrôle parfaites, n'ont été, en réalité, que des phé­
nomènes truqués. C'eSit ,là un fait infiniment regrr'ettable sans
doute, mais c'est un fait, je dirai même un fait d'une impor­
tance capitale.
Dans ces circonstances ,J'assurance avec laquelle un Char­
les Richet affirme ,l'absolue réalité de toute une série de phé­
nomènes, dont beaucoup ont été obtenus par des fraudes ma­
nifestes, a évidemment quelque chose de décevant, pour ne
pas dire d'inquiétant. Qu'on en juge:
« Quoique la chose fût extraordinaire, inVTaiÏsemblable,
Crookes, après des expériences rigoureuses, eut l'audace de
l'affirmer - je ne dis pas que c'est possible, di,sait-il, je dis
que cela est.
» Après Crookes, le phénomène inouï, prodigieux, absu~de,
de la matérriaHisatlion et: de lIa télékinésie, a été des centames
246 LE SPIRITISME PHYSIQUE

de fois constaté en toute rigueur, et il est un peu décevant


pour notre raison hUlIDaÎJI1e qu'en présence des constatations
précises qui ont été fa'ites, par Olivier Lodge, par MorselH,
par Bottazzi, par Schrenck Notzing, par E. Imoda, par Ocho·
rowicz, par j. Bisson, par Oeley, par W. Barrett, et tout ré·
cemment avec une précision remarquable, par l'ingénieur an­
glais Crawford, on regarde les matérialisations comme un té·
moignage de fraude pour les méd~ums, et de crédUilité pour
les observa'teurs.
»Eusapia Paloadino a donné à tous les savan1Js de l'Eu­
rope, curieux de ces phénomènes, des preuVies multiples, in­
discutables. Jamais peut-être aucun fait scientifiq:ue n'a été
soumis à un contrôle scientifique aussi rigoureux. Des com­
missions d'enquête se sont succédées, qui finalement ont con­
clu, avec lia timidité inhérente aux oomnlissions sdentifiques,
à l'authenticité du phénomène.
» O. Looge, qui avait douté, Myers, qui avait douté, Flour·
noy, qui avait douté, Feildi·ng, qui avait douté, Carrington,
qui avait douté, ont été en fin de compte convaincus que les
phénomènes de télékinésie et d'eotoplasmie étaient absolument
réels. Un sav,ant professeur de Gênes, E. MorseHi, a écrit un
livre exœHenrf: où il relate tourte les expériences faites sur Eu·
sapia. Ce sont deux gros voLumes qu'il faut lire, de même
qu'il falllt lire les ouvrages de Hyslop et de Hodgson pour
savoir ce que peut Mme Piper.
» Plus récemment, des livres ont pa'ru, très rkhement do·
cumentés, avec un grand luxe de photographies excellentes,
par E. Imoda en Italie, par Orawford en Angleterre, par
Mme Bisson et Schrenck Notzing en France (et en Allema­
gne), par Mme Frondoni-Lacombe de Lisbonne; de sorte
que la preuve de la matérialisation est faite et bien faite.» (i)
A propos de la lecture sans les yeux, l'illustre physiologiste
va jusqu'à dire «Pour moi, comme pour Geley, la certitude
qu'il n'y a pas de fraude est aussi forte que ceBe qu'il nous
faudTait pour condamner un homme à mort.» (")
De son côté, le Dr. GUlSt. Geley affirme au sujet de ses ex­
périences personnelles: «Je ne dis pas seulement: il n'y a

(') Cité par Chev.reuil dans la Revue Scient. et Morale du Spiri­


tisme, Mai 1923.
(') Cf. Article du Progrès Civique, 17 sept. 1921.
TÉLÈKINÉSIE ET MATRIALISATIûNS 247

pas eu de fraude. Je dis: il n'y avait pas possibHité de


fraude. Presque toutes les matérialisations se sont faites sous
mes yeux, et j'ai observé toute leur genèse et tout leur déve­
loppement. »
Voilà qui est oatégorique!
Pourtant, certains phénomènes, obtenus par Oeley, Richet,
Schrenck-N otzing, Mme Bisson, etc. avec le médium Eva C.,
ont été indubitablement truqués. D'autre part, il ne subsiste
exactement rien des fameuses e~périenœsde l'ingénieur an­
glais Crawford, eX'pél'ienœs dont Richet loue ,La «précision
remarquable ». Il est vrai qu'en lisant les trois volumes pu­
bliés par Cr,awford, (1) le lecteur non initié ne peut qu'être
impressionné par l'apparente rigueur des méthodes de con­
trôle qui y sont décrites, méthodes mallgré tout défectueuses
puisqu'elles n'ont pas protégé l'honnête ingénieur contre les
duperies du médium et de sa famille. En effet, toute la tribu
Oolligher était de connivarnœ et ,le maJlheUifeux Cr:àwford fut
vidime d"une véritable conspiration. Vktime est bien le mot,
car le pauvre homme, inconsolable, sans doute, de voir ses
patientes recherches réduHes à néant, s'est volontairement
donné la mort. Les expériences de Crawford furent reprises
par fournier d'Albe 'qui n'eut aucune peine à établir le ca­
racière fira'Utduleux des 'phénomènes 'pq'oduii's ,par la simu­
lairke irlandaise. (")
H serait fastidieux d'établir ici la liste de tous les médiums
fraudeurs. Je renvoie le lecteur aux trois volumes publiés par
M. Paul Heuzé. Ce journali'Stes'est fait une spécialité de ces
questions et ses diverses enquêtes ont fait pas mal de bruit
il y a quelques années. (3)

(1) W. I. Crawford, The Reality of Psychic Phenomena; - Expe­


l'iments in psychical science; - The Psychic Structures at the
Goligher Circle. (John Watkins, London.)
(2) Cf. The Goligher Circle: Experiments of E. E. Fournier d'Albe
D. Sc. (London, W.atkins). Les documents photog.raphiques contenus
dans ce livre ne laissent plus subsister le moindre doute quant à la
véritable nature de 1'« ectoplasme » produit par Miss Goligher.
(3) Cf. Paul Heuzé, Les Morts vivent-ils? 2 vol. (Rev. du Livre) ;
- Où en est la Métapsychique (Gauthier-Villars Ed., Paris 1926).
Signalons aussi la couragieuse campagne menée par M. Henri
Durville 'en 1914-15 corutre les phénomènes merveilleux de la Villa
Ca'rmen qui avaient si fortement impressionné Richet (cf. la collection
248 LE SPIRITISME PHYSIQUE

M. Heuzé n'est peut-être pas aussi impartial qu'il veut bien


le dire, et je ne sauiI'lais évidemment prendre ,systématique­
ment 'parti pcmr lui oontre -les savants dont il conteste le té­
moignage. Mails son enquête mérite cel1tainement d'être signa·
lée et de figUJrer au débat qui s'est élevé autour des phénomè­
nes métapsychiques. Je la mentionne d'autant plus volontiers
que les ouvrages de œrtaüns métapsychi&tes donnent Viliaiment
trop facilement l'impl'ession que Iles phénomènes qu'ils décri·
vent sont tous établis SUT une base de granit.
Richet a éŒ~t à la page 762 de son Traité de Métapsy.
chique que {( ;pour aroire que toute ~a métapsychique est une
illusi'Ûn, i.l faudrait sUipposer que William Crookes, A. R.
Wallac,e, Lombroso, ZôLlner, Fr. Myers, Oliver L'Odge, Aksa­
koff, Ochorowkz, j. Maxwe1l, Boutler()w, du Prel, William
James, MopseUi, Bottazzi, Bozzano, Flammaf'ion, A. de Ro­
chas, A. de Grammont, Schrenck.Notzing, WHliam Barret,
ont été, toUis, sans exception, ou des menteurs ou des imbé·
dIes. »
Ce dilemne - car il s~agit bien d'un dHemne - ne me pa­
.raH pas justifié. Je .suis absolument persuadé qu'aucun des
savants cités 'par l'éminent physiologiste français ne fut un
menteur ou un imbédle. Mais nul, ici-bais, n'est infailclible et
même le plus grand 'parmi les savants peut se tromper à
l'occasion.
Pour en avoir le cœur net, et en désespoir de cause, je me
suis directement adressé au Dr. Osty, le diTecteur actuel de
l'Instiotut Métapsychi.que. L'éminent ex:périmentateUJr n'a fait
aucune diffi,cuMé - ,au contmke - pOUT reconnaître le ca­
ractère frauduleux d'une grande 'P'aTtie des phénomènes
produits par Eva C. (son cas m'intéressaoit particulière­
ment). Si l'on examine à l"a,~ded'une bonne loupe les clichés
obtenrus pair Mme Bisson, Schrenck-Notzing 'et Geley, on verra
que les visages «matérialisés» portent en eux-mêmes la preuve

de Psychic Magazine 1914-15). L'argumentation de Durville n'est


pas basée sm des supPQsWons, des déductions ou des on dit, mais
sur des renseignements précis et des aveux émanant d'une complice.
Durville n'a d'ailleurs pas consenti à pubU,er les documents les plus
éorasants qui étaient en sa possession. De toute manière, il ne sub­
siste pLus ll'ien de ces fameuses matérialisations de la Villa Carmen.
Ajoutons que le médium kaudellJr étalit cette même Eva C. dont if
est question plus haut.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 24~

de leur truquage. On peut y voir, en effet, des grains de si­


mili caractéristiques, ce qui démontre péremptoirement que le
médium a util<isé des photogr;aphi,es parues dans des revues
illustrées, pour produire certains de ses ectoplasmes!
On a d'ailleurs tout de suite l'impression qu'on se trouve
en présence de kaudes a'ssez grossières quand on examine
avec un peu d',atJtenüon certaines photographies publiées par
les expérimentateurs ·que }e viens de nommer. e) Les maté­
rialisations sont 'PTesques toujours plates. On les dirait décou­
pées dans du papier. Cette impression devient irresistible
quand on constate la ·trace 'car-actéristique de froÈssements ou
la présence de plis ou de déchirurres, comme c'est ·souvent le
cals. (2) Les ombres des visages fantomatiques necorrespon­
dent pasioujours aux autres ombres du clichés. Enfin, les
ecto'pla91Jles paraissent soit accrochés au ddeau ou au médium
lui-même, soit ma,intenus en ,l'air à l'aide de fUs de fer. Toutes
ces constatations ne sont 'Pas faites pour inspker confiance, H

(') Cf. J. Bisson, Les Phénomènes dits de Matérialisation (Paris,


Alcan). Von Schrenck-Notzing, Materialisationsphtinomene (Munich,
Reinhardt). Gust. Geley, L'Ectoplasmie et la Clairvoyance (Paris.
Alcan).
(0) Les photol!iraphies publiées par le Dr Imoda dans son livre
Fotografie di Fantasmi (Turin, Bocca F,rères) nous ,révèlent égaie­
ment des formes plates, de glrandeur naturelle; mais celles-ci ne
montrent aucune tra.ce de pl[s ou de froissements. Toutefois elles
donnent égaJement l'impression d'être truquées. Le médium a presque
toujours les mains libres. Les fantômes produits pas Linda Gazzera
l'ont certainement été à l'aide de photographies, ,entourées de chiffons
d'étoffe et ornées de colliers et de boucles d'o:reilles. On distingue
nettement sur certains clichés la petite décMrure qu'il a fal1u prati­
quer dans le p.apier ou le ca.rton pour fixer la boucle au lobe de
l'oreille. L'ombre projetée par la boucle est normale mais ne cor­
respond pas aux autres ombres du visage «matérialisé ».
Même remarque quant à l'ombre du collier. Celui-ci a été assez
maladroitement fixé, sur la photographie utilisée par le médium, à
l'aide d'un trou pratiqué entre le cou et la chevelure du «fantôme ».
Le trou est placé un peu trop haut, ce qui fait que :le cardon du
pendentif a l'air d'être suspendu dans le vide au lieu d'adhérer nor­
malement au cou de 1'« apparition» (cf. pp. 211, 213, 215). Ces faits,
et d'autres du même genre, permettent d'afHrmerque les «fantômes»
photographiés par le Dr Enrico Imoda portent en eux-mêmes la
preuve flagrante de leur origine frauduleuse.
250 LE SPIRITISME PHYSIQUE

faut l'avouer... II est Vl"ai ·que les procès-verbaux des séances


insistent s.ur ies mesures -de wntfôle qui ont été p~ises ; celles­
ci semblent, en effet, si rigoureuses, qu'on ne voit pas corn·
ment le médium aurait pu manipuler toot l'attira~l nécessaire
à ,la production des phénomènes sans être immédiatement
.suI1p.risen flag1fant dél'it de lmrude.
« Les médiums ne sont pas des sorciePS, di-s-je au Dr. Osty ;
or il faudrait être sorcier ou thaumaturge pour réussir le
mo'indre phénomène frauduleux dans les candit,ions de con~rôle
décrites par certains autel.lJl1s ». - «j'en demeure d'accord;
mais sommes-nous vraiment sûrs que ces conditions ont tou­
jours été scrupuleusement observées pendant tOUJte la durée
des séances? Tel procès-verbal déclare que le médium a les
deux mains tenues, alors que les photographies pdses au cours
de la même séance nous révèlent que le médium avait les
mains parfaitement libres au moment où se sont produits les
phénomènes. De telles contradÎICtions enlèvent toute va'leur
scientifique à une expér-ience»! - «Mais alors, docteur, quelle
confiance peut-on avoir dans le ,témoignage humain? C'est
.absolument désespérant»! - «-En effet, c'est désespérant,
comme vous dites, et j'avoue que je comprends fort bien l'at­
titude de œux qui ont fini par se désintéresser tota,Jernent des
phénomènes métapsychiques à la suite des nombreu'ses frau­
des qui ont été découvertes. Tenez, je ne perdrais pas moi­
même mon temps à pOl1Jrsuivre l'étude d'un sujet aussi ingrat,
si je ne savais de science certaine qu'il ex;iste, malgré tout,
quelques phénomènes réels. Ceux que j'ai eu l'occasion d'ob­
server sont plutôt modestes si vou·s les comparez à ceux d()nt
nous venons de ,parler; par contre, la technique de contrôle
(au moyen des rayons infra-rouges) que j'ai réussi à mettre
au point exclue toute possibilité de fraude. C'est pour cette
raison que je n'admets comme prouvés que les phénomènes
enregistrés automa'tiquement par -les a'ppéllfeÏ'1s de mon labo­
ratoire.» - «Que pensez-'vous, docteur, des moulages de
mains obtenus 'PM votre prédécesseur avec le médiumfranek
Kluski ? Il me paraît bien difficile d'en produire de pare~ls
par des moyens ordinaires. Ne tenons-nolts pa's là une preuve
irrécusable de l.a réalité des mains matérialisées? » - «Tout
ce que je pUi,s vous dire, c'est qu'en eUet '~l n'a pas encore
été possible de reprodruiœ les gants ,de paraffine obtenus paT
Oeley, mailgré les efforts combinés des techniciens et des ex­
perts qui en ont tenté l'essai. Avec un peu d'ex,périence et
TÉLÉKINÉSIE RT MA.TÉRIALISATIONS 251

une certaine habileté, VOUIS obtiendrez, il est vrai, des « gants ~


assez semblables, en 1Jrempant à plusieures reprises votre
main, p,réallablement huilée, dans un bain de paraffine liquide,
et en ,la retirant ensuite, au bon moment, ·de l'enveloppe qui
se sem formée aJutour d'elle. (1:1 fault, en ef~et, ,q:ue o1'a couche
de paraffine ne son ni trop moUe ni :trop oUlre.) Ce procédé
produit,toutefoi,s, des déf.ormations caraotéristiques, qu'il est
tmpossdMe d'évtter, et dont on ne ,trouve pas l'éq'U1ivalent, il faut
l'avouer, dans les spécimens produits 'par Kluski, comme vous
pourrez vous en convainûTe vous.Jffiême tout à l'heure en exa-
minant la collection que nous possédons à l'instit,wt. P<lur moi,
les moulages en question constituent ,la 'parlie la pJus sérieuse
et la plus intéressante des traViaux de mon prédécesseur. J'en
ai d'aDlleul1s obtenus moi-même de ,tout à ~aM 'semblables, voire
de plus beaux, a'vec le même médium; mais, bien qu'ils fu-
rent produits en ma présence etavee la pat"affine que j'avais
apportée, je n'en fais pas état,parce que j'ai adopté pour
principe de ne tenir compte que des expér,iences faites dans
mon Iaboratoire, sous le contrôle automatique et irIléfutable
des inst-ruments que j'y a'i instal,lés. J'attends toujours que
M. Kluski veuille bien honorer noire institut de sa visite. »
Cette conversation da'te du mois de ,septembre 1931, et
j'ignore si le direci:eur de l'lnstitwt métapsychi,que a finale-
ment réussi a soumettre M. Kluski au -contrôle des rayons
infra-rouges. Quoiqu'il en soit, il m'a paru intéressant de
rapporter, le pl,ll's fidèIement po&&ible, une partie des rensei-
gnements que le Dr Osty a bien vouLu me fOUlrnir. J'espère
n'avoir rien écrit qui 'Puisse le comp,romme a'Ux yeux de ses
confrères! J'ajoute que l'esprit critique de l'éminent méta-
psychiste m'a causé une impiression tout à fait réconfortante,
et je me féHoite d'être allé le déranger, d'autant plus que les
résuMa1JS ,positifs obtenus à l'aide de ses nO'Uvelles méthodes
d'investigation ooostiJtuent, à n'en pas douter, une réelle et
importante acquisition pour ;la 'soience.
Nous verrons 'Plus loin en quoi ,oonsi'stent les nouvelles mé-
thodes du Dr Osty. Pour l'insant, il suffit de dire qu'il a été
possible de constater l'ex,istence d'une substance invisible
(quasi opaq'ue aux rayons infra-rouges), émanant du conps du
médium et capable de déplacer des ohjets. Cette substance, ou
cette forœ, pas&epar des degrés de concentration ou ~e con-
densation divers, et il ne semble pas exclu qu'elle pUisse se
transformer finalement en «ectopI.asme» visible..., si ecto-
252 LE SPIRITISME PHYSIQUE

plasme il Y a! En tout ros, elle semble nous fourniŒ" la clef


des phénomènes de télékinésie dont ,nous allons parler main­
tenant. (Nous établiJ:1ons plus loin un ,rapPJ:1ochement entre
cette substance et le fluide animal de Swedenborg.)

Nous avons déjà donné, d'après MOliseUi, un résumé des


phénomènes obtenu'savec le fameux médium Eusapia Palla­
dino. 'En voici un second, dû à Ilia plume de M. Jean La­
badie. ,(1) L'auteur s'est basé sur les documents rassemblés
pa,r M. Jules Courlier, à l'Insti,tut Oénéml P,sychologique, en
1905, 1906 et 1907,auoours des séances données par la cé·
lèbre Italienne, en présence de savants qui s'appel,aient Pierre
Curie, d'Arsonval, Branly, Mme OUl'ie, Debierne, Langevin,
pour ne nommer que les plu1s notoires :

Eusapia Pal/adino.
Les g1rands médiums capabl'es de réaliser des phénomènes d'ordre
physique tels Que des matérialisations et des mouvements d'objets
à distance (télékinésie) sont extrêmement rares. Le Dr Osty me
confiait ·n'en avoir connu personnellement Que trois ou Quatre. Eusapia
Palladino figure en bonne place dans cette catégorie, mais dans la
génération précédente.
Nous n'entrerons pas dans sa biographie, ni dans l'histoire des
conversions à la sCÎ'ence métapsychique dont ses manifestations fu­
rent l'occasion, entrre autre celle de Césa,r Lombroso, Je célèbre
criminaliste italien, son compatriüte.
On l'a accusée de «frauder ». Nous consacrerons un a:rticle spé­
cial à la f,raude et à son dépistage. Aucun médium n'a échappé à
cette accusation pas plus Qu'aucun observateur, fût·il William
Crookes, n'est indemne ,de la suspicion de jobardise.
Or, nous ne croyons pas que sans leur outillage coutumier, truqué
jusque dans ses plus petits détails, le roi des prestidigitateu'rs puisse
réaHser le quart des «'phénomènes» que nOus allons rapporter,
JesQuels relèveraient tour à tour de l'exercdce athlétique (soulève­
ment complet d'une table chargée d'un poids de dix kilogrammes)
ou d'un exercice lentement accompli auquel jaméil~s aucun p,resNdigi­
tateur ne se prête, à aucun prix (transport sans contact d'un gué­
ridon du sol sur une table pardessus la tête des personnes assises,
phénomène dûment photographié.)

(') Jean Labadie, La Science à l'Assaut du Surnaturel; 6mo article:


Quand en' 1905 les plus grands savants français contrôlaient Ellsapia
Palladino; dans «Science et Monde ", 3me année, W lOS, 8 juin 1933.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 253

Le plan des recherches exécutées de 1905 à ]907


à l'Institut général psychologique.
Eusapia PalladiM a d'Ûnné trois séries de séances à l'Institut:
la première, en 1905, a compté 13 séances; la seconde, en 1906, 16
séances; la troisième, en 1907, 14.
Le plan général .des recherches que dr,essèrent M. Courtier et son
coMaborateur M. Yourievitch, comportait plusieurs chapItres dont nous
ne retiendrons qu'un seul: l'observation, le contrôle et l'enregistre­
ment des phénomènes.
Eusapia Palladino, tout comme Rudi Schneider, avait besoin d'une
« cabine » obscure pour agir.
Les expérimentateurs se proposaient:
1° Le contrôle des mouvements et soulèvement d'objets avec ou
sans contact (ta:ble, guéridon, objets pesants placés à pmximité du
su}et ou de la cabine).
2° De substituer g,radueMement à ses oblets des dispositifs enre­
gistreurs fixés à demeure au voisinage du sujet ou de la cabine.
Utiliser des objets réclamant une action intelligente: crayons, ins­
truments de musique.
3° De rechercher s'il y a action à distance du sujet sur des instru­
ments de physique: balance, boussole, électroscope.
4° De rechercher s'il y a action particulière du sujet sur la ma­
tière vivante (plantes, animaux).
5° Le contrôle des apparitions de formes noires ou lumineuses et
des contacts exercés sur les assistants: enregistrements photogra­
phiques, bassins de tenre glaise et papiers enfermés pour enregistrer
les empTeintes.
La disposition des choses et des gens au cours des séances res­
sort des dessins schématiques ci-joints. Un croquis valant un long
rapport, nous n'insisterons pas sur cette descripHon. Sachons seu­
lement que la table à l'extrémité de laquelle s'asseyait Eusapia,
spécialement construite, n'avait pas de r,ebords saillants.
L'éclairement de la salle était obtenu pa'r un hec de gaz entouré
d'un volet mobile en bois qui reflétait la lumière sur les muraiLles et
Je plafond. Le robinet du gaz était muni d"un index permettant de
graduer la lumière. Les appaJ1'eils d'enregistrement étaient tous pla­
cés dans une salle contigüe en liaison avec les appareils récepteurs
par des canalisations électriques ou des tubes à aktraversantles
murai1les. En sorte que le sujet ne pouvait rien savoi·r de ce qu'on
observait.
Eusapia étant assise à l',extrémité de la table, on débutait en
général avec le maximum de lumièr.e. «C'es,t alors q·ue se produi­
saient des bruits divers dans la table: coups frappés comme avec
l'articulation d'un doigt, grattement d'ongles. Puis on diminue l'éclai­
Z54 LE SPIRITISME PHYSIQNE

rement d'un degré: la table se soulève alors de deux, trois, des


quatre pieds. On baisse de nouveau la ,lumière: le rideau de la cabine
se gonfle ·et s'agite; les contrôleurs ressentent des contacts. On
baisse encore l'éclairage: les objets placés dans la cabine (un gué­
ridon par ex,emple) sont déplacés. On baisse de plus en plus: c'est
alors qu'on voit des formes mal déiinies ou comme des mains et des
membres noirs ou luminescents s'avancer hors de la cabine, au
voisinage ,d'Eusapia, par les fentes médianes ou latérales du rideau.
On observe aussi parfois des points lumineux et des étinoelles ana­
logues aux étincelles électriques.»
Tel est .j'aspect général d"une séanoe-type, d'après le ,mpvort de
M. Courtier.

Les phénomènes méthodiquement classés.


La relation officielle détaillée des phénomènes a fait l'objet d'un
classement méthodique et non plus chronologique - avec référence
au procès-verbaJ sténographié de la séance où ils se sont produits
(année, suivie du numéro de la séance en chiffres romains et de la
page du procès-verbal en chiffres arabes).
1° Les coups frappés:
1905. IV.. 6. M. d'A'rsonval contrôle la main gauche et les genoux
d'Eusapia; M. Ballet, la main droite.
Eusapia frappe des coups en l'air, des coups répondent dans la
table. M. Ballet frappe tr.ais coups sur la table: on entend trois coups
répétés; M. d'Arsonval gratte la table à deux reprises: des gratte­
ments répondent dans la tabIe.
1905. X. 4. Eusapia frapvc avec sa main gauche s'ur l'épaule de
M. Curie 'et des coups correspondants sont entendus dans la table.
(Contrôleurs: à gauche, M. Yourievitch; à dmite, M. Curie).
1905. X. 8. Eusapi,a gratte la main de M. Curie et des grattements
sont entendus dans la table (mêmes contrôleurs).
1905. V. 4. Eusapia donne un coup de poing sur le plateau de la
table ,et prie M. Charpentier d'y poser sa main. M. Charventier sent
sous sa main comme un coup de poing frappé dans le pla,teau de la
table. (Contrôleurs: à gauche, M. Charpentier; à Moite, M. Bergson).
2° Les mouvements et soulèvments de la table d'expériences.
1907. VII. 12. Sur la demade d'Eusapia, M. Yourievitch s'est mis à
genoux s'Ulr la table, face au rideau de la cabine. .
M. Yourievitch. La table se soulève (pieds 1 ,et 2), alors que je suis
dessus. (Contrôleurs: à gauche, M. Courtier; à dr'oite, M. Debierne).
1906. III. 3. Les volets des deux fenêtres de la salle d'expériences
sont ouverts. C'est le 3 avril à 5 h. 34 du soir. (Contrôleurs: à gau­
che, M. YourievHch ; à droite, M. d'Arsonval). Eusapia demanda si
M. B-ergson (qui est en dehors de la chaI,ne) voit ses deux genoux.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 251)

M. Bergson. - Très bien.

La table est soulevée des Quatre pieds, brusquement.

M. Yourievitch. - Je suis sûr de n'avoir pas lâché la main.


M. d'Arsonval. - Moi aussi.
1905. IX. 4. Eusapia tient une de ses mains en l'air et l'autre sur la
main de M. d'Arsonval posée sur la table. ·M. Yourievitch contrôle
les genoux. La table se sou,lèved'abord des pieds (1) et (2), puis des
4 pieds.
1905. IX. 13. La table est soulevée des quatre pieds et frappe cinq
coups en se soulevant cinq fois des quaJtre pieds.
1905. X. 4.5. (9 h. 58). La table est soulevée des Qiuatre pieds à
environ 30 centimètres du sol et reste en l'air sept secondes. Eusapia
n'avait qu'une main sur la table : une bougie, sous la table, éclaLre
les genoux.
(Le phénomène se répète, lumière éteinte. Eusapia ayant les mains
en l'air et M. Curie posant sa main sur les genoux d'Eusapia).
1905. IV. 9. Eusapta demande qu'on mette sur la table un g·ros
poids. On y met unpoidsœ 10 kilo~rammes. Mnsi chargée, la table
est soulevée des qUClJliœ pieds. M. Ballet ,et M. d'Arsonval contrôlaient
absolument (outre les mains) les pieds et les genoux d'Eusapia.
Tous ces soulèvements sont enregistrés automatiquement par des
contacts électriques vissés aux pieds de la table. A certain moment,
on enfonce les pieds de la table dans des g,aines sur la suggestion
de M. d'Arsonval afin d'accentuer l'impossibilité d'agir sur eux. La
table se soulève.
10 h. 53. On dit : « Plus haut ! hors des gaines ». La table monte
très haut et retombe hors des gaines.
Soulevée complètement, la table se balance d'une manière rythmée
quand on oompte les secondes.
SUir la suggestion de MM. Branly et d'Arsonval on installe une
balance de Marey (spirale de tube à air en caoutchouc recouverte
d'une planche) sous la chaise ·d'Eusapia. Si le médium perd du poi<is
une capsule de Mar.ey l'enregistrera par la décompression de l'air.
Or, il se trouve que chaque fois que la table se soulève, le médium
augmente de poids. Il y a compensation mécanique exacte. Wi1Iiam
Crookes avait déjà observé cela sur son médium Home.
Les esprits forts diront que « puisqu'il y a compensation mécani­
que », il existe une liaison mécanique, un « levier » matériel, entre
le médium et la table, c'est-à-dire fnude. Pourtant la photographie
montre bien la table flottant en l'arr, durant 4 secondes '/2 sans au­
cun contact...
Si l'on est of.fusqué de tels pand.oxes, il f3llJitrester chez soi dans
son laboratoire de physiq,uepuré.
3° Le rideau de la cabine et la robe du sujet.
Le rideau de la cabine est ouvert de haut en bas, derrière la chaise
256 LE SPIRITISME PHYSIQUE

d'Eusapia... C'est ordinakement après plusluers soulèvements com­


plets de la table que le 'rideau commence à gonfler.
1905. X. 7. Eusapia tenant la main de M. Curie (qui contrôle à
droite), la tend vers Le rideau, de même la main de M. Komyakoff
(quI contrôle à gauche) et le rideau s'approche de 1uI.
. On voit parfois la robe d'Eusapia se gonf.ler sm les côtés. Parfois
cette robe (n'oublions pas que Mme Courtier l'a visitée intérieure­
ment) en se gonflant semble se dtriger vers des objets p:roches.
M. Curie avait été frappé de ce phénomène et avait pensé qu'on
pourrait canaliser pour ainsi dire La for,oe émammt d'Eusapia.
1906. IV. 10. A la séance suivante, M. Curie apporte donc un dis­
positif oomposé d'un cadre ,en bois de 40 centimètres carrés et
d'un second ca<i're de 20 centimètres caTrés placés aux -extrémités
d'une planche fOTmant socle ; une étof.fe noire était tendue de l'un
à l'a'utre cadre et formait ainsi ,un tuyau au bout duquel il avait
placé un petit guéridon. Eusapia décla're que la toile est trop tendue.
On la faH flotter. L'ruroeau du d,isposiHf le plus voisin de la chaise
d'Eusapia fut secoué fortement sans contact apparent, puis démoli.'
(Contrôleurs : à ga'uche, M. Curie; à droite, M. Richet; M. Yaude­
vitch contrôlait les deux pi'eds).
4° Les. mouvemen.ts et translations d'objets.
Des objets légers ont été placés dans la cabine : soucoupes, bOέ
tes en bois ,recouvertes de noir de fumée, une cith·are, un violon.
1905. VI. 8. Eusapia fait des gestes aVlec sa main et la cithare
résonne à l'intérieur de la cabine. Eusapia gTatte sur la main de
M. d'AJ1"sonval ',et ùa cHharerésonnne de nouveau pincée. (Contrôleurs:
à gauche, M. d'Arsonval ; à droite, Mme BrîncaJrd).
1905. VII. 17. On avait tendu des HIs de laine derrière le rideau
de la cabine en mailles assez serrées pour empêcher d'y introduire
le bras. On entendit les fils se casser et une pelote de ces fils était
jetée dans le cercle. (Contrôleurs : M. d'Arsonval et M. Yom'ie­
vitch.)
Un tabour,et, haJut d'un mètre, chargé d'une cuvette de g,laise fut
a,PPol"té s'Ur lIa talb~e. Elle y v,int. Le tabouret futensu'ite hissé sur
l'épaule de M. Cur,ie.
Pier,re Curie avait obs-ervé comme tout le monde (comme je les
ai moi-même sentis autour de Rudi Schneider) les « souffles koids "
qui se dégageaiellJ1: de la tête d'Eusap-ia. M. Courtier m'a confié que
c'était l'une des préoccupations du grand physicien d'établir un ané­
momètre assez sensible pour les mesurer. Il est probable q,ue c'est là
le problème expérimental qui occupa le dernier le puissant cerveau
- puIsque CUlri,e fut empoTté en 1906 pa:r le stupide' accident que
]'on sait.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 257

Deux observations des deux plus grands expérimentateurs


de notre temps.
1906. IV. 10. Le guéridon (placé à gauche d'Eusapia à 50 centi-
mètres environ ·de sa chaise) est complètement soulevé, alors que
les pieds d'Eusapia sont attachés aux pieds de sa chaise par des
lacets et que ses poignets sont attachés aux poignets des contrô-
leurs. Arrivé dans son ascension à la hauteur des épaules de M.
Curie, il est retourné les pieds en l'air puis posé plateau contre pla-
teau sur la table.
« Ce qui est étonnant, dit M. QUl'ie, c'est la précision avec laquelle
le guéridon a;rrive sans toucher personne ; il a fait une jolie courbe
en venant se poser sur la table, mais il ne m'a pas touché du tout. »
1905. IV. 16. M. Ballet tient les deux mains d'Eus,apia. M. d'Arson-
val a posé son bras sur le guéridon. Busapia dM à M. d'Airsonval
d'essayer de soulever le guéridon: il se trouve très lourd. Eusapia
s'accoude sm le guéridon puis elle se relève et prie M. d'Arsonval de
le soulever à nouveau. M. d'Arsonval ne peut y parvenir: « On le
croiTait cloué au p.arquet, di,t-il. »
Eusapia dit : « Sois léger» et M. ,d'Arsonval soulève le guéridon
avec aisance.
1905. IV. 12. Le guér,idon est soulevé sous la main de M. d'Arsonval
qui exerce encore une pression contraÏ!re.
. M. d'Arsonval. - Ma pression corirespondait à un poids de 2 à 3
kilogrammes.
Le guéridon est porté jusqu'à la table. Il est brusquement soulevé
à 30 centimètres de hauteur. MM. d'Air,sonvalet BaU~ s'efforcent de
le repouss·er et éprouvent une grande -résistance.
M. d'Arsonval. - C'est absolument la !fés,Ï!stance du champ ma-
gnétique.
Voilà le fait observé que M. d'Arsonval a bien voulu évoquer dans
notre récente conversation touchant les phénomènes.
6° Les contacts sur les assistants.
Les personnes placées dans le voisinage de la cahine ressentent
fréquemment des attouchements.
1905. IV. 11. j'élJi senti une pres'sion sur la tempe. C'était un con-
tact CO'tonneux, dit M. d'Arsonval.
En 1905. VI. 11. j'ai senti une p,ress'ion faite sllJr mon bras gauche
comme avec une boule de coton, dit M. Krebs, contrôleur.
Ajouterai-je que j'ai senti moi-même exactement cela, voilà trois
semaines, tandis que je « contrôlais » Rudi Schneider et que M. Bra-
vais, mon voisin de gauche, aocusait presque aussitôt le même attou-
chement. Cependant mes deux jambes ensenra'ient ceILes du médium
'et mes mains bloquaient ses poig1nets.
7° Les lueurs, les étincelles, les points brillants.
1905. VI. 15, « j'ai vu comme une étincelle de ruptu'l"e dans la
258 LE SPIRITISME PHYSIQUE

gaine des pieds de ,la ~aJb}e, observe un jour M. d'ATsonval. C'était


une lueur qui n'avait pas tout à fait l'aspect d'une étincelle de rup­
ture. Elle était beaucoup plus étalée. »
1907. X. 10. Les assistants voient distinctlement au.c1essus de la
tête d'Busapia deux points lumineux très brillants qui appauissent
par trois foj.s.
Eusapia demande qu'on aille chercher la machine électrique et que
l'on en tire trois étinceLles. On exécute l'ordre. On voit successive­
ment à la hauteur de la tête d'Eusapia tr.ois petits pOints lumineux
imitant les étincelles électriques et l'on entlend même le bruit sec Qui
les accompagne dans la réalité.
Singulier pouvotr <l'imilta,tion !
8° Formes diverses.
1905. VI. Il. On voit une ma,in appa,raÎtre au-dessus de la tête
d'Eusapia à l'écartement ·du rideau.
M. Courtier. - Les doigts se sont avancés puis !se sont relevés et
j'ai vu une paume.
M. d'Arsonval. - J'ai vu une main fermée qui s'est ouverte.
L'Institut de Franœ a honoré le ;rapport <le M. Courtier de l'une
de ses récompenses omcielles.
Ce rapport se !liar,de bien de d~lre à aucun moment : « Croyez­
moi », H dit 0: JUgez ».
Il est inoroya!b.le que certains esprits t1entent d'annuler d'aussi
vastes acquisitions expérimentales par oe seul mot: prestidigitation!
Car jamais aucun Dickson, Benevol et éliutres Pickman, n'a jamais
produit l'lien d'approchant. Il faud.1'ait en outre Que le .roi des presti-­
d.igitateurs, Quel qu'il soit, consentît à laisser son attirail profes­
sionnel à la POl'te. Nu sous ,la robe Que lui prêterait le médium, le
J)l'estidigita;teur serait paralysé.

M. Paul Heuzé fait observer qu'« on a appelé le rapport


de l'InstitutpsycholQgique sur EiUsapia «un chef-d'œuvre
d'imprécision ». Voilà, dit~il, qui est donc bien insuffisant, on
le reconnaîtra, pOUirse faire une opinion ! »
Les savants que M. Heuzé a pu interroger sur -les ex;pé­
Tiences aux'queLles ils avaient prispart,se sont montrés très
réservés. L'un d'eux, le professet1Jf Bl1anly, IS'est ffioniJréparti­
culièrement sceptique :
«Tenez, un soir, naus caus.ions avec Eusapia, quand un verre, Qui
se trouvait à une petite distance de no'llS, se br'isa. Je vis bien les
débris du verre; je demandai à Eusapia de ,refaire cette expérience:
elle n'a jamais voulu. C'était toujouTs ainsi,.. Demandez donc à
Debierne si les expériences avec Eusapia ont été menées avec· une
méthode soientifique. Aucunement: ce fut impossible! Il y a bien
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 259

eu là aussi d'Arsonval: mais il a été oblj,gé de ne s'en occuper


Qu'avec beaucoup d'indulgence scientifique. On me cite bien, moi
aussi, p8lrbleu, comme ayant constaté des fa'ÎJts et l'on reproduit des
photoglraphies! En ,réalité, je n'ai rien constaté.»

Mme Ourle, ,le Dr Roux, M. LapiJCque, M. Langevin, M.


Jean Perrin, M. Broca, <l'awtJres enrore, ont dit à ,peu près
la même ;chose à M. Heuzé. (1)
Ces mises au point talrdives ont une va1et1T s1.liI"tout psycho­
logique : elles nous révèlent chez œl"tains savants une peur
intense de se cOOlpromettfe. D'Hne part, on n'ose pas se ré­
tracter tout à fait, d'autre part il f'élut se ménager une porle
de sortie, ,pour le cas où il serait défini~ivement prouvé que
les phénomènes qu'on a cru observer relèvent <le .la fraude
pure et simple. On s'arrange, ainsi, 'pOUT gagner sur les deux
. tablea,ux. Passe ou manque,c'est tout un ! N'a-t-on pas pro­
noncé un oui qui peut passer 'pour un Mn, et un non qui
n'efface pas ,tout à fait -le oui... ? Alors on est couvert, quoi
qu'il arrive, et l'on ne risque pas de passer pour un jobard!
- Ma~s 'pourquoi ne pas avoir <lit tout de suite : «il est im­
possible de se prononcer, parce qu'H est impossible de pro­
céder à un ex,amen scientifique des phénomènes?» F,aire
un rapport SUT ce qui a été observé dans <ies conditions dé­
fectueuses, me paraît le comble de l'inconséquence. Si les
illustres savants ,qui ont contrôlé Eusapia ne sont pas capa­
bles de nous dire d'une manJière catégorique «les phénomènes
ont été indubitablement truqués» ou, ,au contPaire, «les phé­
nomènes sont authentiques », il ne leur reste qu'une chose à
faire, c'est de ,dédarer sans ambages qrue les expériences aux­
quelles iLs se 'Sont livrés sont dépourvues de toute espèce de
valeur scientifiqrue et qu'elles doivent être tenues par consé­
quentpour nuLles et non avenues.
Le compte-rendu officiel des expériences, publié par M.
Courtier dans le Bulletin de l'Institut général psychologique,
après avoir rappelé des faits qui avaient paru Iprobants sur
le moment, n'ose pa,s affirmer que ,les phénomènes soient
vrais.
«ESlt~ce de notre faute si les fraudes dûment constatées risquent
de jeter la suspkion SUT tous les phénomènes? Nous n'éprouvons

(1) P. Heuzé, Où en est la Métapsychique; p. 92-4.


260 LE SPIRITISME PHYSIQUE

nul lJ.esoin d'être plus afHrmatifs, nous n'avons pas hâte de l'être à
ce compte.»
En encore:
«Nous ne cherchons aucune explication concernant les phénomè­
nes: les doutes Qui subsistent sm leurs orig,ines nous en d'i·spensent.»
(p. 546)

C'est vraiment dommage. Il eût été intéressant de savoir


comment les savants en question eussent tenté d'expliquer
les mouvements sans contact. Peut-être ont-ils manqué ainsi
l'occasion d'enrkhir la ,science de quelque beUe découverte
biologique ou physique. En effet, les phénomènes de téléki­
nésie ne sont pas intéressants en eux-mêmes; leur importance
éventuel'le réside uni,quement dans le mécanisme de leur pro­
duction, méoanisme grâce aJuquel on pourrait sans doute obte­
nir de nouveaux aperçus SUif Ies relations qui existent entre
le psychique et Ie physi'q:ue.
Diverses expJ1Ïcaiions ont ·d'a,iMeurs été mises en avant:
D'après le Dr Richardson, une atmosphère nerveuse d'in­
tensité variable enveloppe 'leeo:rps humain. (1) Le Dr Kilner
a constaté, dans ses eXlpériences, que la triple aura, qui émane
de tout organisme humain, disparaît quand on pla.ce le suj-cl
sur un tabouret isolant et qu'on le chaTge d'électridté, mais
réapparaît ensuite environ deux fois plus intense, ce qui sem­
ble bien 'Prouver que la sphère nerveuse. est de nature électri­
que ou é-\eotro-nerveUJse. n
Comme le dit M. Errrüle Longuet, en parlant des phéno­
mènes de télékinésie : (3)
«Ces manifestations de la puissance mécanique du fluide nerveux,
bien Qu'encore peu étud'iées scientifiquement, n'en existent pas moins,
comme n'existaient p.as moins toutes les modalités d'action des unités
énergétiques: électricité, radio-activité, etc., avant Que ('on ne se fût
aperçu de l.eur existence; et ce ser.ait le manque de ces manifesta­
tions qui deV'rait nous étonner et non leurs effets. Car, ainsi que
nous l'avons vu, toute libération d'énergie Quelle qu'elle soH, engen­

(1) The Medical Times, 6 mai 1871, cité pa'r Crookes.


(2) Dr W. I. Kilner : The Human Atmosphere, Londres 1920. (Kegan
Paul &. Co.) .
(3) Emile Longuet, De la Nébuleuse à l'Homme, Pa.ris 1920. (Alcan).
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 261

dre des phénomènes de rupture plrus ou moins violente ou momen­


tanée de la puissance de compression qu'exerce l'éther sur les ma­
térialités atomiques; elle entraîne en ,un mot la suppression ou
j'amoindrissement de ce que nous nommons la pesanteur et l'attrac­
tion, qui ne sont que ,les dénominations des apparences que nous
donne la pression de l'éther agissant sur les masses astrales» (No­
tons er- passant que Swedenborg avait également songé à expliquer
l'a,ttraction par la pression de l'éther, quoiqu'il nous en ait donné
plus tard une autre explication). «Une projection ecténéique dans
une direction donnée, pounrait bien, si elle était assez puissante,
servir de conducteur électpique; cette protection n'étant ,en somme
que l'élongation du champ magnétique de l'être qui l'extériorise et
qui, lui-même, est conducteur du mode d'action électriique.» (pp. 407
et 473.)
Pour le Dr Ge1ey «les phénomènes de télékinésie ou de mouve­
ments sans contact, sont explicables par l'actJion du dynamisme vital
extéri·orisé et obéissant à une impulsion subconsciente. Les expér,ien­
ces d'Ochorovicz (Annales des Sdences psychiques) ont établi net­
tement la genèse du phénomène. Elles ont démontré l'importance, à
ce point de Viue, de matérialisations élémentaires ,et ébauchées, des
Wsde substance, des ,rayons rigides, parfois visibles, paTtais invi­
sihles, sortant des doigts ·du médium et servant de substratum à
son dynamisme extérJo:nisé».
Les observations obtenues à l',aide du 'magnétomètre de
Fortin, notamment par .le Dr Bamduc et les professeurs Luys
et Richet, ainsi que les expériences plus récentes du Dr W.
Ki'lner, de Londres, ,semMent bien prouver que la main, et
'partioU'lièremenrt .les pointes digita,les ,servent à l'extravasion
de ce que le Piroi. Thury alppeHela force edénéique (force
psychique de Flammarion et de Crooks, fluide odique de
Reichenbach), M. Emile Longuet nous donne, dans son gros
ouvrage déjà cité, -de nombreuses preuves de cette extr.avasion
de force ecténéique qui, ,selon lui, n'est qu'un développement
du champ magnétique du fluide éleotronerveux. Ce fluide
électronerveux provient, dit-il, de l'éleotrogenèse protoplas­
mique qui s'opère dans tout organisme vivant La cause du
dynamisme de ,la médiunmité et des .phénomènes qui en dé·
pendent, télékinésie, apports, chocs, éti11'ceUes, etc., devrait
donc être rechen:hée dans ia projeotion de lignes de force
ecténéiques, notamment par les extrémités digitales, très in­
nervées et 'pointues.
A ce 'propos, nous llisons daΠSwedenbol1g:
« La communication se fa[t par le toucher des mains pour
cette raison que la vie du mental et par conséquent du corps
262 LE SPIRITISME PHYSIQUE

protlue dans les bras, et par les bras dans les mains. De là
vient que le Seigneur a tOUiChé de Ia main ceux qu'il a rappe·
lés à la vie, et ceux qu'~la guéris.» A. R. 55.
« Par les « maul1JS» soni signifiées coHectivement les choses
qui procèdent de .t'homme, var les torees de son mental et par
suite celles de son corps sont déterminées vers ses mains et
s'y terminent.» A. R. 457. VoN- éliussi 463.
« Si les communications du mental se foni aussi par ce sens
(le ~oucher), c'est parce que les mains sont les derniers de
l'homme, et que les premiers sont ensemble dans les derniers;
par là aussi tourtes les ,choses du mental, qui ,sont intermé­
diaires, sont contenues dans un enchaînement indissoluble.»
Am. C. 396. Cf. A. C. 1001, 10130. S. A. 220.
«Les (princiJpes)SUpériOOl1S duco~ps se prolongent dans
les mains et s'y terminent. Cest pool'quoi (dans la Parole)
les mauns signifient ,tout ce qui est chez l'homme et aussi la
puissance de l'homme.» A. C. 10241.
C'est au D' Osty que revient le mévite d'avoir pu établ,Lr
nettement et sans contestartion possibIe, Ia genèse et le méca­
nisme des phénomènes de télékinés'Ïoe. Avee seseX'périences,
rigoureusement scientiJfiques, nous sortons pour lia première
fois du domailne des hypothèses 'et des eXJp1iœtions verbales,
pour pénétrer dans celui des réalités concrètes. Grâce à l'em­
ploi d'un réseau de Payons infra-rouges, Osty a pu constater
que tous les mouvements « sans contact» sont dûs, en réaHté,
à l'action d'une ,substance, invisi!ble à la lumière blanche,
mais «opaque» à la lumière infra-rouge. La présence, la
concentration -et 1es mouvements de œtte substance X ont été
automatiquement emegistrés à ,l'aide d'appareils spéciaux et
très sensibles. Il s'agit bien d"un ,phénomène physiologique
(ou pamphysiologique si l'on préfère) puisque les oscilla­
tions dans l'absorption du 1iarsceau d'infra-rouge par la sub­
stance invisible correspondent aux périodes respiratoires du
sujet.
MM. Ost y, père et fils, ont publié les résu1<tats de leurs
patientes recherches dans un livre qui devrait être dans la
bibliothèque de ,tout homme mltivé. (1) Je cède la parole à
M. Jean Labadire qui nous a donné un excellent résumé des

(1) D'Eugène Ost y et Marcel Osty, Les Pouvoirs Inconnus de


l'Esprit sur la Matière; Paris 1932 (F. Alcan).
TÉLÉKINÉSIE RT MATÉRIALISATIONS 263

expenences du D' Osty da1llis les N°' 106 et 107 de la revue


Science et Monde (2) :
L'objet de la mesure: les pouvoirs physiques de l'esprit.
Avant de décrire les dispositifs scientif<iques étabtis dans le 1000­
ratoilre de il'Institut métapsychiique, paJr .~e D' Osty .et son ms Marcel,
ingénieur de l'Ecole Centrale, définissons le but qu'Hs se sont pro­
posé.
Voici un « médium» qui produtt des «phénomènes» de «téléki­
nésie », c~est-à-dilre des mouvemeonts ,d'objets à distance. C'est Rudi
Schneider. Il accepte toutes les précautions de contrôle qu'on veut
bien imaginer et nous verrons, p.ar no·tre prochain article, dans
quelles condMions iil a Iréalisé, au laooratoilre, sous l'objectif photo­
graphique, phusieurs de ces tr<llnspollts d'objets sans aucun contact
physique. Mais, aJliin delcm conserver toute leUir homogénéité dé­
monstrative, nous nous bannerons aux .expériences cûmportant non
pas tant la constataJtion brute ·du phénomène que ba détection et la
mesu:redans le temps comme dans l'espace de l'(\Jgent inconnu
« secrété» par le médium pour a,tteindre le but. Sa « force» comme
il dit.
Le falot à constater étant une « action à distance », MM. Osty se
sont demandé - en supposant le ,fa,it acquis - s'il .n'y aurait pas
comme une «substance» impalpable, inViisibl'e, à .déceler entre Le
sujet quJ agdt et l'objet qui est mû. Impalpablie, invi,sible.,. ajoutons
«inodore et' sans saveUir », oomme on dit au 'bachot pour définir
l'azote, e.t cela \l'evient à déHniÏJr « une substance qui échappe abso­
lument à tous les sens de l'homme ».
A ses sens, maJis non peut-être à ses montages physiques les pIus
modernes!
Que diriez-vous si lasubs,tan<:e inconnnue que nous appellerons
«substance X» - avouons qu'eUe ne mérite pas pour l',instant de
nom pl'Us sensattonnel et nous examinerons plus tGlJ1"d si eNe a droit
au nom plus ['·onf1ant, mais non plus clair « d'eotoplasme» - que
diriez-vous si la s'Uostance X éta,it plus ou mo.ins opaQiue aux rayons
infra-rouges, et si cette opaoité var,iaH à certain rythme, à certaine
fréquence N?
- Dans ce cas, me répondrez-vous, rien n'est p~us simple que de
la déceler. Tendez un fais-ce<lJu de rayons ,inflra-roug,es entre un
projecteur et une de ces oellules photo-électriQues très spéciales,

(2) J,ean LOOacLiie, La Science à l'Assaut du Surnaturel; article IV:


Les Pouvoirs Physiques de l'Esprit sous le Contrôle du Laboratoire;
artide V: Des Phénomènes de Télékinésie vérifiés par le Contrôle
Automatique; (<< Science et Monde », 25 mai et 1°' juin 1933).
264 LE SPIRITISME PHYSIQUE

toutes récentes, qui sont sensibles à cette lumière obscure: la cellule


enregistrera non seulement le passage éventuel de la substance X à
travers le faisceau infra-rouge occulté, IDil'is encQr-e (si le galvano­
mètre commandé par la ceHule ,est suffisamment sensi:l>le) les va­
riations éventuelles de son opacité et le rythme de ces variations.
C'est exactement 'le régllage qu'o-l1t imag-iné et utilisé MM. Osty
dans leurs expériences swr Rudi Schneider. Avant de montrer com­
ment il a fonctionné .en dépassant même l'ordre d',inrormations
mébriques qu'on en attendait, -il nous oreste à Le ,décr1re sOI1Upule.use­
ment avec quelque détail.

Le traquenard automatique dl! réseau de rayons infra-rouges

L'installation peut légèrement va'nier avec le gellire des investiga­


tions powrsuivies, mClJis elle se ramène toujours au pT-incipe appliqué
de nos joulfs dans toutes les banQUes .importantes powr donner
l'ala,rme en cas de VlisilJe de cambrioleurs.
Un projecteur de 1umière illiÎlra-,rouge ressemble à tous les appa,reils
du même geme concer,nant la lumière vis'ible, à cela près que le
fHament de la lampe est caloulé pour brûler au ,rouge sombre,
accentuant ainsi 'la « chaleur .rayonnante» au détmiment de la lumière
visIble. De plus, un écran spécial, opaque à cette dernière ne laisse
passer ,que les ,rayons ,inf,[a-irQuges. Ceux-oi concentrés par une
lentnle sUir un diaphragme réglaible forment, finalement, au sortir
du projecteUlr, un faisceau lumineux invisible aussi ténu qu'on peut
le souhaiter. Après un parcours aussi compliqué qu'on le désire (par
réflexions success,ives sur des mi!roirrs convenClJblement disposés) ce
faisceau aboutit à une cellul,e photoélectr,ique qui, impressionnée par
'lui, donne un courant électrique. Ce cOU!raJnt, vient tendre (par
électro-a'imant) un système de sonnerl<e. Tant que l'alÎmant est tendu
la sonnerie demeure silenoieuse. Dès qu'-ùl >se détend, la sonnerie
entre en biranLe. Et ceci aJl'nive chaque fois qu'un corps opaque tra­
verse, en un point quelconque de son -tr,ai<et com{l'lexe, le faisceau
il1lka-rou.ge. Ainsi tout comme pour un cambrioleur kanchissant un
passage consigné, '1'alanme est donnée Ici dès que la substance X
créée palf le médium - si substance ,il y a - vient à traverser
la gl[iHe invis'ib-Ie ·disposée où l'expédmenrtateur a bien voulu l'installer.
M.ais s,i le corps occul,ta,nt le faisceClJu n'est paos totalement opaque
aux ,rayons inka-rouges, ceux-ci ne seront qu'atténués et leur faisceau
pou-rra, mal~réll'ocoll'ltation, mail'lteh~r la sonner,ie tendue et par
conséquent silenoieuse, tant que 'le degré d'opacité du corps occultant
n'aura pas atteint un certain «seuLl». LI résuHe de là que Palf le
sys tème «tout ou rien» de ,la sOllioorde électrique, le médIum pourra
créer Iréel!lement une substance X insu'Îlfis-amment opa,que PO'llü être
sig,nalée par le Irés'eau ,infIra-l1"ouge.
C'est très certa:in. Ma,isil sufHt de dériver sur un galvanomètre
le courant de la oebl,ule photo-éleotrique pOllirque (ceJoui-oi étant
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 265

proporNonne1 au ta,ux de lumièr·e inka-.rouge ,reçu pa,r la cellule) le


galvanomètre indique non seulement que « Quelque chose passe dans
le faisceau» dès que son aiguille accuse la moindre oscillation mais
encore mesure, par l'amplitude de cette oscillation, le degré d'opacité
de ce «quelque chose ».
En outre, la cellule photo-éleotrique p:eut être remplacée avanta­
geusement (dans le cas des mesUlres délica,tes) par ce que les phy­
sic!ens appeUent un «couple thermo-électrique}) - deux a:igu.i:lles
de méta,ux dif1érents juxtaposées et soudées à .lem pointe. La cha­
leur apportée par le f~sceau in,f'ra-lroug-e s'Ulr cette ·pointe suffit à
donner encore, un COUirant électr>ÏCJlUe proponti,onnel à la quantité <lu
rayonnement infra-rouge que laisse pass'er l'écran inconnu, plus ou
moins opaque.
Cest ce dernier disposiUif branché sur un gahr,anomètr'e de très
haute précision et sans «-inertie}) (Mioro Moll\) qui permit d'enre­
gistrer, à f,institut métapsycMque, .les prodigieux g['aphiques dont on
trouvera plus loin un simple échantiUon.
QueHe que soit :l'aJridité -de ces déta,i1s nécessa'i,res, H conv'ient de
préciser enwre les p.ositionsrespectives des ap,palfei.ls du médium
et des assista-nts a,u coms de certe constatation si simple de la
création pClir le médium d'une substance X, extél1ieme à lui.
La condW,on primordiale de contrôle veut que Ile médium, et m!eux
encore, absolument personne Ire puisse :toucher au COUirs de l'expé­
r,j~>noe, ni au réseau inf,ra..,r,ouge lUne fois celui-ci tendu, ni aux
apPaJreHs <le mesure branchés sur ,les cellules (galvanomètres ins­
cripteurs de g.raphiq.ues).
L'apPClir,eillage de mes'ure est facilement mis hms de portée de
qui que ce soit: on l'enferme à clef dans une Clirmoke munie d'une
fenêtre à travers 'laqueNe on observe son fonctionnement qui est
au tomati-que.
L'aJrmoire est 'reHée aux celliules emegistreuses pa,r des câbles bien
isolés. Le système «projecteur-cellQljles» constituant le réseau infra­
rouge est enfi.n placé, dans la plupa'ft des cas, der,rière un rideau
de gaze rendu, sm 2 mètres 50 de ha:uteUlr" entre les deux murs du
laboratoire. Le médirum et tous les assistants 'restent en deça du
rideau.
D'autr,es disP<lsitifs peuvent être adoptés. Il suff.it qu'en aucun cas
le sujet ne soit libre de sa personne ni de ses membres. Et, d'aHieurs,
le régl,age -de cette ,instal~lation est si délicat, que le moindre déran­
gement au dispositif automatique d'ensemble e~ige J',inteflfuption de
la séance pour tout ,remettre au point..
En sorte que, si on voula,it en truquer le fonctionnement, J'i,nstal­
lation de truquage exigerait une complication ClJU moins ég.Clile à celle
du montag.e J)1"imitif. Et cela se sCliuraÏit. On v.el1f-aitentrer un tel
attirail.
266 LE SPIRITISME PHYSIQNE

CM le labo.r:ato.ïme n'a qu'une Pû'l'te avec des fenêtres à ri{{eaux


·de fer qui se cadenassen t.

La «séance »: préludes.
Void donc ,le médium R,u{\i Schneider sUir son Siège.
Devant LUli est .assi,s 'un contrôleur QuiLUli ,ensenre les jambes dans
les siennes, qui .Lui ptfend les poignets àplcines mains. Et la main
de ce p:r:emlJer conbrôloor (côté ,dies awasreils) est ten'lle à son tour
pal\" un secondoonbrôleUir - tand.:is QUe Iles chaises suivantes sont
ocoupées 'pasr les aJutr:es assistants «f,aisant ·la chaîne ».. Nul ne
.peut bouger sans que ses voisins le sentent.
Suprême précaution: le pyjama Qiu'on a faH revêbi!r a,u médium
est iUummé pa:r un enduit de mel!tière phosphorescente. Chacun peut
sui\"re le moind1re ,de ses gestes.
Que va-t-il se passer?
Dans l'obsoul\"lité .et dans un siJeiloe absoilu exigé .de l'assist.mce,
Rudi Schne~der met enVUfoOn dix mimlJ.lJtes à entrer «en transe ». A
ce moment, éclate birusquementchez ,lui un rythme 'respiratoire
accéléré à l'e~trême 'et, s'U PaJrle, on consbate qU'iÏ! a perdu sa per­
sonnaHté powr en endosser Uine seconde; (tout ceci n'·a d'aHlewrs
aucune importance pour ·nnstClJnt; ces phénomènes psycholQgiques
seront .examinés à p.aJrt). Dès cet instant, le médium est secoué de
spasmes continus. Et cela dUire sans amrêt pendant deux heures!
Il faudr<lJit un sing.u1lier oomag·e à un simula,teur pom maintenir ce
train, SiUJ1"tOut quand plu·sieurs séances sont Hnrulement négClJtives.
Une foi·s te médium en transe, J.a oonversa,liion générasle peut re­
prendre dans l'assistance, et Riuodi répond (PaJr la voix <l:esa nouvelle
personnalJ.ité) à toutes les demano.,es Q;u'on 'lui f.aitet qu'il oublie
ensuite radicalement, au révei'\'
Laissons ,en suspens tous les phénomènes qui peuvent se produire
(nous les examinerons dans nobre prochain Cl!rticle) hormis celui
qui nous occupe aujourd'hui et S'ulr Iequel nous allons insisteJ1":
l'occultation du faisceau infra-rouge.
La «technique» - eh! comment appeler d'un aJUbre nom une
suite de procédés toujou'rs identiques - ·Ia techniq.ue du médium
consi5te à prendre leur «,force» (?) aux assistants. La «force»
c'est, dans sa bouche, une chose que son eSI:Jmit semble tout occupé
ft concen'brerd'ooord et à localiser ensuite. Cette «force» semble
lui donnelf hien du tH à retord're. Ma'i's ill parv,ient, -dit-il, à la diriger,
àla conduÏJre vers le lieu qu'on lui tix·e. Ce .lieu, vous l'avez deviné,
n'est autre (en l'occunence) que l'espace occupé par le réseau de
lumière infm-rouge - -c'est-à-dir·e ,le «traquenard» cha.rgé d'enre­
gistrer automatiquement ,le passage d'.une substance X.
Le faisceau infrra-irouF;.e ,est parfaitement ·délimité, nous l'avons dit.
Donc, si les ~raphiQiues révèlent des nuances très différentes, ceBes­
ci deV!ront être attribuées à une vaJr,Lation de la constitution physi­
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 267

Que de la subs,tance X; vaJrl<tUon d'épaJissellir, ou va,ri,ation de


dens'i té, sach<>lls à ce IJU'Ol)OS que les ~hiilnjstes usent <de èe disposi·tif
à celllUlles photo-électrliques POUJr meSIUlrier tnsta,ntanément ·les densités
des produits transparents. (On ne peut, cependant, élliminer l'hypo­
thèse d',une occu~t:ation pa,rtielle pair la substance X le pénétrant
plus ou motns par .la tranche. Mai5 ceci est, .après tout, secondaüe).
D'ail~leU!rs, en diisposant sünul,tanément un fai,sœau .i'ntira-lI'·ooge très
fin, juste en avallt d'un f.aisceau plus ,large, ayant chacun ,leur dis­
pos,iti.f ga,lvanométri,que enregistr,ellir sépa,ré, il ,est éViDdent que le
faisceau fin fOIilTJe comme une haJrJ,ière q,ue '1a substance ,pourra tra­
Vlerser :sans l'occuLter suffisamment pour f'<thre v,tbr& Ile galvano­
mètre Q:ui lui est .af,férent (si lia substance est trop 'tr,amspaœnte) et
puis élI11er tmpresslionner le f.a,isceau plus large ddsposé à l'arrière.
Par contre, un objet mat6riel (une main paJr exemptle) ne peut tra­
verser le faisceau fin de g<IJrde sans le couper net et sigmaler ainS1
une fraude possible. EiI sorte que ,la suoota,noe X occultant le second
faisceau Oalrge) sans toucher au .premier (.fin) travaŒe avec la
même ri~ueuret la même habiJleté (sans pa'rler de l'outiUage) qu'il
faut à un chLTlUJrgien pour travailJ,(er des cha'Drs autollir du plus ténu
des nerfs s·ans bilesserceLui-oi.
Q,uelles 'J1uses le pLus exp.er! des physiciens poul'rait-ii imaginer
encore?
Les résultats positifs
Si, ma'i,ntenant, je n',ai den laissé dans l'omb.re et réussi à «vi­
sualiser» dans l'es'prM du lecteur Ile très minutieux ,dJispOsi:tif expé­
rimental, il est temps de montrer quels Iré~ulta,ts posItifs il a pu
fournir.
Nous ahlons pour cela p:ÎC()\rer .l'u,n de ces longs pwcès-verbaux
qui sont rédigés à l'Insti,tut ,m6tapsychique, sténographiquement sui­
vant les moindlres péripéties des séances au laboratoire, les seules
tenues pour valables.
Séance du 26 mai 1931, 20 h. 50, Rudi 5ctllleider est assis à sa
place ordinaIre.
2û h. 51. L'enregistreur est mis en marche.
20 h. 55. Ru.di entre en hypervnée (c'est-à-diJre en ce sommdl
spécial qu'est la flranse). Immédiatement, une déviaHon galvanomé­
trique s'insorit sur 6 centimètr,es.
21 h. 01. Rudi:« SerJ1ez les mains!» (ceci à l'adresse des assis­
tants qui font «,la chaîne »).
L'observateUir-vig.ie (préposé à l'a,rmoiTe) annonce une déviation
de 4 centimètres enviJron, qui s'est graphiquement enr-·egisbrée.
21 h. 02. Rudi: « Ser,rez les mains! ».
Nouvelle absorption d'une minute envkon de durée.
21 h. OS. Rudi :« Je vais al,1er (c'est-à-dLre je dirige la « force»
dans Le deuxième ,rayon (fais,oeau laJrg.e). Compbez jusqu'à 10",
268 LE SPIRITISME PHYSIQUE

A 10, la substance ,invisible manifeste sa présence dans le faisceau


par une absorption s'inscrivant à son maximum sur 6 centimènre,
et d'une durée de plus ,(j'une minute.
Et ainsi, ,minute paT minute, sont notés les inoidents que, d'aunre
paJf't, la bande photo&,raphique enregistre dans l'a,rmoire.
La bande de pap:Ler sensible (,longue de plusieurs mètres) se dé­
roule, en effet, à une vitess~e constante, pendant que les « spots»
lumineux la,ncés parles miroirs osovllants des galvanomètres enre­
gistreurs,' tracent tout le ,long de sa course les ,moindres variations
du courant photo-électr,ique.

La première expérience établissant une «relation» entre


un fait métapsychique et un fait biologique.

Mais voici qui est plus inattendu. Inattendu des expér,imentateurs


eux~mêmes. .
Au cours des expériences, le D' Osty en observation der,rière la
vitre de son rurmoire, orut constater que iesimpulsions galvanomé­
tTique marquant les occultations, n'étaient pas sans Quelque rapport
avec le 'rythme H~spi.r,at()iire - sUIl'-accéléré avons-nous dit - du sujet.
Le spot galvanométrique sUIl'veillé des yeux semblait hésiter, et le
galvanomètre trop inerte ,pour dire tout ce qu'il avait à dire.
C'est aolors que le Dr Osty remplaça ses p,romiers galv;anomètres
par un autre modèle bien connu ,des physiciens comme dépourvu
d'inertie, c'est-à-dd're commeoapable de suiVife les impulsions,ryth­
mées à trèsgJrande f,réQiuence.
En outr,e, .nentoUira la poitrine de Rudi Schneider d'une chambre
à air comprimé reliée par ,un tube à une « capsule» de Marey,
l'ensemb,le cons,tituant ce qu'on nomme en phy,siolog,ie un «pneu­
mogTaphe »,traçant un nouveau &,rapMque,ce.lui du rythme respi­
ratoire.
Avec ce nouvel équipement, les occulota'tLons du ,f,aisœau infra-rouge
se révélèrent d'une « Îlréquence" ,iinsoupçonnée.Mais le pneumogra­
phe indiquai,t a'ussi la '~réquence conrespondante ,des mouvements du
tholl'ax d,u médium. Or, en conf,rontant les deux courbes, quelle ne
fut pas la surprise du Dr Osty, de consta'ter que «les oscillations
dans l'absorption du faisceau d'infra-rouge par la substance invisible,
étaient ci fréquence double des cycles respiratoires, c'est-à-dire exac­
tement au Ifythme des deux temps du travail muscula,ilre de la
'respiration: inspiration, expiration".
Et cette observationlrécompense l'expérimentateUJr au delà de tout
ce qu'il pouv,aH espérer - car, pom la première fois, ,eLle décè·le
une « f'elatioon» entre un fait physiolog,ique hi,en connu, la Il"espiration,
et un fait « méta~psychi,que", l'acculta,Hond'un faisceau in~ra-rouge
par une substance X.
Quand cette 'solution s'era devenue >une «.loi" sous l'effort d'ana­
lyse des savants de l'aven~r, nous espérons qu'elle ,port,era le nom
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIO!'ïS 269

du Dr Osty. Mals cette récompense, hélas! nous .aq>:paraît assez


lointaine (1).

Des phénomènes de «télékinésie» vérifiés par le


contrôle automatl:que
Des expérie'nces eff.ectuées paJr ,le Dr Osty à ,l'Institut Métapsychi­
que, H résulte, il est prouvé, que «quelque .chose», une ~ubs1anc.e X,
se forme d,ans l'esp.ace à ,ta volonté du médtum Rudi Schneider et
que cette s-ubsrtance invisible oCCUl1te La ,lumière invisible infra-muge.
Les appa,reHs de me$lUlre automatique ont enreg,istré ,le rythme de
ces occulta1tÎlons, qui s'effectuent à ce Qu'on peut appele<r (du po,int
de v,ue biO'lo,g,i'Q'1le) une haute fréquence, c'est-à-,dire à :raison de
plusieiUrs centaines de fois pan- minute. D'autre paJrt, ce rythme
d'occultation s'.est révélé «synohrone» du rythme respiJraroùre, éga­
lement très accéléré, du sujet en tr·a:nse.
Mieux enco,re! l'aJffiPJ.itude des dév,ia·tions du galvanomètre mesu­
rai,t, à c~aQ:ue occultation, le degtré d'opadté de cette substance X.
Et cette opacité aux raYüns inf'ra-r,ouges, les g'raphiQues montrent
Qu'.elle est extrêmement instable. EUe va:rie à chaque pér.iode d'occul­
tation (.les a;mplHudes du gaolv.anomètre sont, ,en effet, fOort inéga.Jes)
On est tenté de l'imaginer comme un «souffle» en 'PerpétueLle pul­
sation d'un fluide p.lus lowrd que taus les gaz connus.
Quand j'observation d',un phénomène se tr·ouve poussée à un tel
degré de plrécision expér,imel1!tale, ü semble Q:ue .l'objection d'une
fraude possihle n'ait p,Lus ·aUOUTI ·sens. Ce sont l·es apparebls Que
l'.expérimentateur dev.rait truquer, d'accmd avec 1e médium et en
synchronisme avec la comédoi,e Que ceLui-ci deV'rait ·donner aux
spectateu'1's étrangers. Et ceux-ci f.urent innombrahles Qui assistèrent
aux 77 séances de Rudi Schneider, à l'Institut MétapsychiQ1ue, en
1931.
Que dlis-je! c'est le laboratoire tout entier Qui devrrait être ma­
chiné pom exécuter ,la kaude, car tout physicien habitué à manier
des instrouments aussi sensibles Que les ceJ,I,ules ·~nf·ra..,I'ou&'eS montées
sur g<IJlvanomètres, Sél!is 'f.ort bien que ·le réglag·e préJ.iminaire des
spots ,lumineux enlregistreUirs est extrêmement déLicat et Qu'une fois
ce rég.lage obtenu, au début de la séaonce, on ne peut plus y toucher.
En sorte que, les appa;r·eHs 'em,egistreurs étant enfer:més dans l'ar­
moi:re, le Dr Osty P·eiUt défier n'importe Quel physicien de reproduire
les graphi.Ques obtenus - s'il ne superpose, comme nous le disons,
un second labOITatoire « de truquage» à l'instaLlation eXJistante.

(1) Nous 'l'evdendrons sur ce synchronisme entrelapUilsation du


flu.ide et la res·pira:U,on Quand nous parlerons des théorIes de Swe­
denborg sur le mouvement du cervea:u ,et le ry.thme c.Lrc'llllatoire du
fluide animal. H. de G.
270 LE SPIRITISME PHYSIQUE

En l'état actuel oe la technique expérimentale, il est donc humai­


nement impossible d'atteindre une pIus g;rande ,rigueur scientifIq.ue.
Mais justement v,oHà le point le pI,us troublaJnt de la métapsychi­
que: la rigueur d'observation métrique déployée à girands trais n'est
applicable qu'à ce phénomène élémentaire 0'" une substance inconnue
formée à ·d'istance p<lJr le méddum ».
Or, en rega\l'd de tous ceux qui font la ma'tière de la science
nouvel~e, ce phénomène ne constitue qu'un petit fait, abso,lument
minime, et ,qui tire seu,lement son impoI'tanoe oe son ca;ractère de
simplicité. Répété dix fois de sui,te qua.>nd le médium est bien «en
train» i,l s'appa,renteaux faits physiques class.iques - à cela près
qu'aucune énergie spéciale, 3'uoun r'ayonnement, paJrmi tous .Jes
agents physi,ques connus, ne sauraient l'.expUquer. Tant et si bien
qu~H faut l'atbriDueT au «pouvoir ,inconnu de l'esprit », suivant l'ex­
pression du Dr Osty - à 1'« énergie spi;r,ibuelle» comme nous auto­
riserait peut-être à :le dMe M. Bergson, pail' opposition avec «.l'éner­
gie matérielle »des physiciens.
Rudi est le hère cadet d',un autre médium «à phénomènes ma­
tériels », WiHy Schneider, dont il fut beaucoup parlé. Avant de se
prêter aux expériences du Dr Osty, Rudi servi,t de suje,t au docteur
Schrenck-Notz·ing, de Munich, et à M. HaJrry Price, de Londres,
qui constatèrent tous les deux en de nombreuses séances la ré<lJlité
des phénomènes métapsychiques qu'il produisait.
«Très sensitif et d'âme fière, écrit ·Ie Dr Osty, Rudi Schneider a
horreur de la suspidon, laquelle est nécessairement .de tout instant
chez les assistants à ces sortes de séances. Sa pensée est cel'l.e-ci :
"Instituez tous les mo,yens de contrôle que vous voudrez, je les
accepte tous. Malis imaginez-<les si pleinement satisfaisants que si -les
phénomènes paranormaux se produisent, vous ayez la totale certi­
tude qu'Hs l'ont été sans alftHice de ma part.» Nous devons à la
vérité de d,tre, ajoute M. Osty, qu'après n'avoir eu à examiner à
l'Institut Métapsychique de PaJris, en six ans, que des « médiums» à
phénomènes matériels fTaJudés - sauf Gusik - bientôt pris en fla­
grant délit de simulation, Rudi Schneider (observé d,ans les con­
dimons que nous connaissons maintena,nt) s'est ~mposé à nous comme
un sujet doué véritablement de !pouv()lirs pSlychi<l.ues paranormaux».
(J'omets le 'récit de l'histoire du médium, rapporté par LabadIe
d'a,p'1"ès Osty.)
Voici donc Rudi à l'Institut Métapsychique, installé sur le siège
qui lui est réservé face au «con~rôleU!T» bénévole (vous ou moi)
qui consent à lui tenir les membres. Son pyjama, tout galonné de
sulfure de z.inc phos-phorescent, ,pel1met à tous les assistants de
suivre ses gestes.
li entre en transe et, perdant sa personna.l,ité, ne s'appelle pl'us
qu'Olga. },J respitre à un rythme v,iolemment s-accadéqu'j,1 interrompt
seulement pour annoncer où se trouve sa <<force», où H la concentre.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 271

On diJrait qu'en cet état, le méd.i'llm f.aH des efforts tra,giques pour
manier un «Huide» qui 1ui échappe et qu'il .ressaisit sans cesse. Sa
musculature se maLntient «dans un hypertonus très prononcé, véri­
table contrac,tUlre à exacerbations momentanées »,.
Un détaLi Que nous n'avons pas encore .précisé : dans le labo.ra­
toire, un «cabinet noir» formé p.ar ,deux ,rideMlx forme un coin
sorrrbre Que Rudi affi·rme être nécessaiJre à la concentration de sa
« force ». Ce cabinet noir ·pLacé ,de11I1ière ·leparavent de gaze est
hors de p()rtée des assistants et du méd.ium. Pour nous, cette mise
en scène n'aur,ai,t auoun sens si nous ne savions combien est bizarre
la psycholowie des médoiums. Ce coin sombre dans leQ!Uel ne pénètre
même pas la lumière ,rouge 'de ·plus en ;plus atténuée qui seule con­
vient aux séances, ni ,les éclats de magnésium des proises de vue
photog,raphiQues inop,inées, ce coin somb,re est-iH v.raiment nécessaire
a,u sujet pour concentrer à dis,tance ce Qu',~1 appelle la «force ». ou
n'est-il Qu'un support de son attention dans ,l'état p<lJranormal de la
transe? Ceci n'est, 'pour \'.instant, que seoondad,re.
Les résultats seUils ,impor.tent. Voici ceux qrui furent obtenus au
cours de deux séances partioulièrement fécondes dont nous allons
pour plus de précision reproduitre les procès-verbaux textuels (aJ)rès
les avoir écou'rtés):
Séance du 23 février 1931. Une table placée a·u-devantdes ridea,ux
et vissée au pa,rQuet est recouverte d'un voile noi,r et porte trois
objets: une fleur artificielle, un harmonica, un mouchoir plié.
A quatre centimètres au~dessus du p,lan de la table passent des
faisceaux d',inf,ra-fouge, venant de gauche et y retournent a,près
réflection 5'Uir miJroiiTs.
Rudi Schneider, comme à l'o'rdinadre, est revêtu ,d'un pyjama et
sÎi1houetté par des bandes .lumineu-ses a,u col, aux poignets, aux
ja,mbes, et tenu p<lJr deux contrôleurs. La table .porte-objets est
éclaitrée pa,r une lampe rouge à .luminosité v<lJriahle au g,ré des ex­
périmentatewrs.
Commencée à 20 h. 40, la séance se déroule en donnant de nom­
breuses constatations d'absorptions de if,ayons inka-<TOuges paif la
substance. P'l'enons-la près de sa fin.
(La ·1umière a été amenée au rouge sombre S'ur la demande du
sujet.)
22 h. 39. RJudi: «Ser'rez ,les m<lJins ».
L'aiwullle du miUiampère passe de 70 (sa position d'éQ'1IitUbre) à 55.
22 h. 41. R'udi: «Sel1rez les mad'ns ! »
L'aiguHle descend à 5 et .la sonnerie se fait entendre une seconde.
22 h. 43. Rudi: «Comptez dix.»
On compte. A 10, exa,ctement, l'ajg.uiHe dévie jusqu'à 15; la son­
nerie se fait entendre brièvement.
22 h. 44. Rudi: « S€lrrrez hien Iles ma,ins, Olga a rrélmi toute la
force, elle va fa,ire quelque chose avec la ~leur et le mouchok.))
272 LE SPIRITISME PHYSIQUE

22 h. 45: «Serrez, setrez ,les ma:ins ! »


(Depuis 22 h. 43, rai~uDHe du milliampère est ,immob~le et le
restera jusqu'à la ·fin de la séance.)
Rudi: Vous pouvez donner p:l,us de ~umière ,rou~e ma:intenant.»
Au moment où,pa:rle rhéostat, nous éc1aLr,ons nettement la table,
on entend le bruit de chute d'un objet au~devant du mHieu dru pore­
mier rang des assistants.
Rudi dit alors: «Olga a lancé la rose par-dessus les assistants.
On la retrouvera à côté de ,la porte. Eile a mis le ,mouchoi,rdans
l'intérieur du cabinet. L'ha:rm0nica, qu'chie voulait bncer aussi .pa'r­
dessus les assistants, est tombé en route, pa,rce qu'il était trop lourd.»
22 h. 55. Rudi sort de transe.
Il est demandé a:ux assistants de rester àleu,r place, et aux con­
trôleurs de continuer à tenir le sujet.
Lumière blanche est faite.
La table est v~de d'objets. On voit ·l'haJrmonica à 1 m. 20 de la
table aux pieds des assistants du p,remier rang.
En nous r!etournant, nous voyons La rose sur le pa1rquet, près de
l'unique porte, à 3 m. 50 de la ta:ble. Le D' Osty ouwe les rideaux
du cabinet noir et les assistants voient sur ,le pa'rquet, dans le
petit es'p;ace resté Hbtr.e entre ,les apPaJrei.ls enregistreurs, à un mètre
envhron de la ta:1J.le, le mouchoÏir arrangé en fo,rme de cravate dite
r~a~ .
Le sujet a exactement signalé ~es lieux de chute.
Séance du 23 mars 1931. Au début de la deuxième partie, 5 minutes
ap1rès Que R'udi est enMê en hy;perpnée, à 22 h. 30 alors que la
lumièr'e wug;eest encore voisine du sombr,e, pour favor,iser la pre­
mière ocoultation, le contrôleu<r, M. }ean Ripert, docteur ès-sciences,
dit Que quelque chose est venu se placer sur s'a tête.
Rudi: «Patience. Il y aJura ,plus dans un ,instant.»
Aucune occultation de l'infra..roug,e ne s'·est inscrite.
Puis la séance s·e poursuit avec des manifestations fréquentes de
!:a présence de la substance inv,isible dans [',inf!ra-lrouge. A 23 h. 05,
Rudi, a,près de longs efforts, dU: «Olga a pu PIl'.endre SUir la table
.le mouchoiT, eHe n'a pas eu la force de prendre la r,ose et le oollier.»
Séance Hnie,tlfut consta1:é Que Jean Ripert avait ia tête recou­
verte du mouchoLr manquant sur la table.
Séance du 10 mai 1931. Pas de o~binet nok.
Un pair,avent et un v<C!lum en étoffe à maHles fines séparent les
assistants et le sujet du Lieu de manifestaJtion de ,présence de la
substance invisible.
Aiu delà du paravent, une table basse 'et IOUTdeest vissée au par­
quet.
Sur la tCtble est une toile noire, pl'1lsiieu,rs fOÎspliée, de 547 g;ram­
mes de poids. Sont posés dessus: Uine tlerur a>rUfkieHe, un bloc­
notes, un crayon, un bouquet de muguet.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 273

Entre le plateau de la table et .le plan ,inférieur du faisceau infra­


rouge, il y a 5 centimètres d'intervalle.
Le récepteur c()mmande un galvan()mètre dans l'alrmoke d'enre­
~istrement graphique.
Déhut à 21 h. 58.
De 22 h. à 22 h. 45, des occultations s'eHectuent.
22 h. 49. Rudi: «Maintenant, je vais travailler.» Ce disant, LI
a.ccblère fortement son rythme respiratoi1re.
Le spot lumineux du gaJlvanomètre est ma,intenant fixé au zéro
d'absorption.
22 h. 50. Rudi: «Comptez dix.»
On compte. Immobilité du spot.
Rudi: «J'ai pris la rose POUT vous l'envoyer, elle est tombée à
terre. »
22 h. 59. Nos buts, autres que la télékinésie ayant été atteints,
ROUS demandons à Rudi d'enlever le mouch()ir de la table.
U ré~ond: «Quand je préviendrai, j'enlèvera,i tout ce Qu'il y a
sur la table.»
23 h. Rudi: « J'ai voulu prendre le mouchoir, la force l'a laissé
tomber. »
23 h. 05. Rudi: « j'ai enlevé tout ce qu'il y avait sur la table.»
23 h. 16. Réveil.
Lumière blanche faite, on constate Que tous les objets et la toile
ont disparu de la truble. La toile (547 g,rammes) est à cheval sur le
bord du velum à environ 1 m. 50 de sa place. Le bloc-notes, le
crayon et le mouchoitr sont sur ,le pa·rquetentre la table et le velum.
La rose et le bouquet de muguet sont au pied du paravent, ma,is
du côté des assistants.

M. Labadie termine sonarliole par les considérations sui­


vantes (dont nous ,lui laissons l'entière responsabilité):
Nous ne saurions ajouter qu'un seul mot de c()mmentaire à ce
compte rendu: ces transports d'objets par une force inconnue, Que
le médium (ou plutôt sa personnalité seconde) semble manier à
volonté mais non sans efforts prolongés sont du point de vue de la
physique moderne «des miracles ». Non seulement ils sont inexpli­
cables par l'intervention d'aucun «champ de force» classé, mais on
peut d.ire qu'aucun «champ de force» nouveau encore à découvrir
paT les physiciens, ne les expliquera jamais. Le motif? La physique
moderne a dém()ntré, g.râce à M. Einstein, Que toutes les forces
physiques se ,ramènent et se ramèneront toujou.rs à trois espèces
et trois seulement: la. gravitation, l'électricité, le magnétisme, Qui
n'ont rien à voir ici.
TeUe est la contradiction fondamentale qui oppose ces phéno­
mènes métapsychiques paranormaux aux phénomènes purement
physiques.
274 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Je ne partage pas tout à fait l'opinion de M. Labadie


quand il nous dit qu'« une contradiction fondamentaLe oppose
les phénomènes métapsychiques paranormaux aux phénomè­
nes purement physiques ». D'abord, qu'entend-il par «phé­
nomènes purement physiques»? Faut-il, par exemple, ran­
ger parmi ceux-ci l'action mécanique exercée par un corps
vivant sur un objet matériel ? Mais que devient, dans ce cas,
le facteur psychique (pensée, volonté) ,qui détermine cette
action? Si le déplacement de l'objet .}ui~même s'explique faci­
lement par les lois ,de la mécanique, l'action de l'esprit sur
le corps reste par contrepaTfaitement mystérieuse dans son
essence. C'est bien là que se trouve le véritable miracle, si'
miracle il y a !

Il n'y a pas de différence de nature entre le normal ei Le


paranormal.

L'intérêt des phénomènes de télékinésie réside dans le fait


que l'esprit s'y trouve aux 'prises avec la matière inerte sans
utiliser la voie ordinaire qui est celle des mouvements COf­
porels. L'esprit est, en quelque sorte, obligé d'agir avant
d'avoir atteint sa base d'opération habituelle; autrement dit,
il ,doit se passer du concours de quelques-unes parmi les cau­
SIes les plus efficientes dont il dispose normalement pour
atteindre le milieu matériel. Le fait, -cependant, que .J'esprit
arrive néanmoins à ses fins (dans certains 'Cas exceptionnels),
ne prouve nullement, à mÛ'navis, qu'il agit d'une manière
radicalement nouvelle, et en quelque sorte miraculeuse (c'est­
à-dire en violation de toutes les lois connues et inconnues de
ta nature), mais plutôt -qu'i.} sait utiliser certaines énergies
physiques que nous considérons, à tort, 'COmme soustraites
à son influence, alors qu'en réalité elles échappent si peu à
50n emprise, que œsont précisément elles qui lui servent
normalement de causes efficientes.
Nous ne saurions jamais admettre, en effet, que la natuTe~
crée du nouveau, je veux dire de l'abso(ument nouveau! En
effet, si dans certains cas J'esprit peut agir sur la matière au
moyen d'énergies physiques dont J'intervention nous SUT­
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 275

prend, c'est qu'en réalité il ena l'habitude. On ne ,peut légi­


timement parler des «pouvoirs inconnus de l'esprit sur la
matière» que par opposition à ses ,pouvoirs connus. Or, je
voudrais bien qu'on me dise ce que sont les pouvoirs connus
de l'esprit sur la matière! La science peut-elle vraiment se
flatter de connatire la manière dont l'esprit s'y prend pour
se faire obéir par son corps? Qui nous dit que les modalités
de l'aotion «normale» de ,l'âme n'~mpliquent pas précisément
l'intervention constante de -ces mêmes fol'ces dont ·l'entrée en
jeu nous étonne dans les phénomènes qua>lifiés de 'paranor­
maux? En effet, œs derniers ne 'sont pas contre nature
puisqu'ils existent. On devrait même pouvoir en prévoir l'ap­
parition, à condition, bien entendu, de ne 'pas ignorer le côté
cach,é et la genèse exade des phénomènes normaux eux-mêmes.
Mais c'est précisément le nonmal que nous connaissons le
moins bien, du moins au point de vue étiologique, parce que
nous sommes toujours tentés de 'prendre des causes secondes,
ou efficientes, pour ,des causes premières. Or, les causes effi­
cientes limitent successivement ,le pouvoir intrinsèque de la
cause première. En effet, à mesure qu'on remonte vers la
cause première d'un phénomène, on découvre des principes
efficients de plus en plus généraux. S'il s'agit de farces phy­
siques, on se trouvera suocessivement en présence d'énergies
de plus en plus universelles, capables d'une action de plus
en 'P,lus étendue et variée.
L'apparition de l'« anormal» ne constitue donc pas un
phénomène sui generis, d'un ordre absolument nouveau et
original; elle coïncide plutôt avec la disparition momentanée
de certains facteurs déterminants normaux. Un processus
anorma,l est un processus fiO'rmal dont les dernières phases
sont supprimées {)U remplacées par d'autres modalités. Mais
cette disparition des facteurs déterminants les plus immédiats
bisse subsister les causes médiates et plus un i versellles. Celles­
ci sont comme libérées de certaines de leurs entraves et
acquièrent (ou plutôt retrouvent) de ce fait une plus grande
liberté de mouvement et une plus grande latitude dans le
choix de leurs moyens d'adion. C'est pour cette raison que
l'étude du pal~anormal nous paraît si intéressante. En effet,
'1.76 LE SPIRITISME PHYSIQUE

elle ne peut que nous éclairer SUT l'étiologie réelle des phé­
nomènes réputés nonnaux. Quand ce résultat réjouissant sera
atteint, nous ne serons plus disposés à assimiler l'anormal à
l'inconnu et l'inconnu au «miraculeux ». Je suis persuadé
que si Swedenborg vivait, il ne s'étonnerait pas outre mesure
dçs phénomènes paranormaux de la métapsychique et qu'il
serait peu enclin à ,les considérer comme des miracles. Tous
ses travaux physiologiques et psychologiques n'ont-ils p~
précisément pour but de mettre au jour ,les pouvoirs «in­
connus »de l'esprit sur la matière?
Mais Swedenborg était un esprit logique. Il n'admettait pas
que le spirituel pût agir directement sur le matériel, pas plus
à -l'intérieur des limites du corps qu'en dehors de celles-ci.
En présence d'un phénomène de télékinésie, H eût sans doute
raisonné comme suit: «Une volonté intelligente a provoqué
le déplacement sans contact d'un objet matériel. Soit. Je me
pennets toutefois de faire observer que la volonté et l'intelli­
gence sont des facultés de l'âme et que cette dernière ne
jouit .d'aucun ,contact direct -avec les structures a10miques que
perçoivent nos sens. Je veux bien croire que l'âme n'a pas
déplacé -l'objet en faisant tout .simplement exécuter certains
mouvements à son corps, mais elle n'a pas non plus agi
directement, 'sans inteI1médiaire. EHe s'est tout naturellement
servie des forces et des substances physiques qui 'sont toujours
àsa disposition et ,sans lesquelles elle serait incapable d'ani­
mer son organisme matériel. Cela vous étonne de constater
que l'âme peut se servir d'une substance X, invisible et im­
palpable, pour ,produire certains phénomènes sur le -plan
matériel; vous me dites même qu'il n'est pas exclu que cette
substance inconnue se matérialise au ,point de donner nais­
sance à des formes organi,sées et vous criez au miracle!
Mais, mes amis, "ces faits n'ont rien ·d'essentiellement mysté­
rieux! Us prouvent clairement, me semble-t-il, que j'avais
rai.son d'imaginer un nexus entre l'âme et le corps, nexus
organique, bien qu'impondérable (sous sa forme normale, car
j'ai, moi aussi, admis la possibilité d'une matérialisation plus
complète, - voyez mes Adversaria, vol. 1. 1457) N'avais-je
pas aussi raison d'étab.lir un paraLlélisme rigoureux entre ce
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 277

nexus OU contiguum organique et le nexus inorganique qui


relie le monde spirituel au monde matériel? En effet, ils sont
animés par des forces de même nature, à cette exception près
que dans le contiguum animal, les forces physiques sont en
quelque sorte «vitalisées» par l'influx incessant de l'âme
individuelle, ce qui n'est pas le cas des forces qui règnent
dans l'univers inorganique. Voilà pourquoi vos phénomènes
de télékinésie ne supposent pas seulement l'existence du
contiguum inorganique qui relie le monde matériel au monde
spirituel, mais encore la présence d'un contigum organique,
siège des phénomènes vitaux. Ce qui «agit» dans vos phé-
nomènes, ce sont, à vrai dire, des forces et des substances
physiques conditionnées par la présence de facteurs vitaux et
psychiques. Toutefois vous auriez tort de négliger l'étude des
facteurs physiques qui sont en jeu et d'attribuer tout mou-
vement paranormal à la seule intervention des «pouvoirs
inconnus de l'esprit ». Sans l'aide de causes efficientes ma-
térielles ou physiques, l'esprit serait absolument incapable de
mouvoir la matière. Cette incapacité est totale et absolue, car
elle tient à la nature même des choses. Rien ne serait donc
plus faux que ,d'attribuer les phénomènes physiques de la
médiumnité à l'action directe de l'esprit sur la matière. Cher-
chez plutôt à déterminer la nature exacte des forces physi-
ques dont l'esprit se sert; cela ne doit pas présenter de
difficultés insurmontables et, en cas de succès, vous aurez
enrichi la science de connaissances fort précieuses. »

La substance X et le fluide animal.

Acceptons donc comme un axiome que l'esprit ne saurait


mouvoir directement la matière et qu'il se sert des substances
et des forces intermédiaires entre l'âme et le corps pour pro-
duire les phénomènes matériels qu'on peut observer chez cer-
tains médiums.
Est-ce à dire que nous nous trouvons en face d'une exté-
riorisation pure et simple de ces forces et de ces substances?
En d'autres termes, pouvons-nous identifier la «force» du
médium et la «substance X» qui semble en être la matéria-
278 LE SPIRITISME PHYS1QNE

lisation, avec le «fluide animal» et la «fibre simple », que


Swedenborg considère comme constituant ensemble la cause
instrumentale de toute action de l'esprit sur ,le corps?
Il est impossible de ne pas poser ,cette question; mais il
est impossible également d'y apporter une réponse précise.
Il existe évidemment un rapport assez étroit entre les forces
extériorisées par le sujet et les énergies du «Hmbe» ; celles-ci
sont manifestement à l'origine de ceUes-là; mais leur inter­
vention ne me paraît pas suffisante. D'autres facteurs, d'un
ordre plus matériel, viennent probablement s'y ajouter.
L'influx de l'âme ne saurait atteindre la matière qu'en sui­
vant l'enchaînement normal des substances et des forces de
l'univers. Chaque 'plan de la nature (invisible ou visible) doit
donc être l'eprésenté par les causes efficientes qu'il met à la
disposition de l'âme. Le choix de cel1e~ciest réduit en ce
qui concerne les plans supérieurs, ces pllans étant constitués
par des forces de nature 'llniverselJe; maisi,l n'en est plus de
même sur le plan de la matière elle-même. Ce dernier consti­
tue, en effet, le domaine des moyens multiples, car les moyens
d'action matériels, ou les causes matériel'les, possèdent un
caractère accidentel ou contingent,et non plus le caractère
nécessaire propre aux causes instrumentales supérieures et
universelles. Ceci revient à dire que l'âme peut théoriquem'ent
agir sur ;Ia matière inerte au moyen de toutes sortes de causes
matérielles pourvu, bien entendu, qu'elle puisse s'en emparer.
Or, ,l'esprit n'entre en rapport avec le milieu matériel que
par l'intermédiaire du contiguum organique dont le corps
charnel constitue le dernier terme. Telle est la raison pour
laquelle un esprit «désincarné» ne saurait, même à l'aide
de son limbe, agir directement sur ,les structures atomiques
ou moléculaires de lIa «matière morte ». L'instrumentalité de
la «matière vivante)} constitue donc la condition sine qua
non de toute adion du psychique sur le physi,que.
Normalement, notre volonté déplaœ les objets qui nous
entourent en 'Utilisant l'énergie musculaire de notre corps
selon les lois bien connues de la mécanique; mais rien ne
s'oppose a priori à ce que noire ,psychisme subconsc,ien.t tire
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIOf\;S 279

parti des autres énergies dont notre corps est le siège ').
Une extravasion éventuelle de notre fluide nerveux ou élec­
tronerveux n'aurait, en soi, rien d'inconcevable. Dans ce cas,
je serais assez disposé à parler d'une extériorisation du
«limbe », ou du moins du tluidum spirituosum qui en est
l'élément actif. Il serait même assez tentant d'expliquer ainsi
les phénomènes de télékinésie. Malheureusement, comme dit
Labadie, aucun ,champ ·de forces connu ne semble pouvoir
«expliquer» ces phénomènes bizarres. En effet, Iles propriétés
électriques et magnéüques des objets déplacés «sans contact»
n'exercent pas la moindre inHuence sur la réussite du phé­
nomène. D'autre part, il saute aux yeux que certains mouve­
ments télékinésiques sont beaucoup trop complexes pour pou­
voir être attribués à l'action d'un champ de forces électro­
magt'étiques. L'intervention d'une force mécanique peut seule
expliquer un phénomène comme celui du mouchoir déplié et
noué en forme de cravate. (Osty, Op. cit., fig. 36.)
Il me semble donc que ,les mouvements dits «sans contact»
(sans contact corporel ou visible, évidemment) sont en réalité
pmduits par l'action mécanique d'une substance dont la na­
ture exacte nous est encore inconnue, mais dont le comporte­
ment est (en parti,e ou à certains moments, tout au moins,)
celui d'une substance matérielle,
Or, la «fibre simple» dont se compose notre ,limbe (ou
notre « double », pour parler com.'me les o-ccultistes), n'est pas
àIJifOlprement parler une 'substance matériel,le, puisque Swe­
denborg nous dit qu'« eHe n'est ni lourde ni légère» et qu'elle
échappe à l'observa'tion de nos sens. Il est vrai que la «subs­
tance X » de Rudi Schneider lui ressemble SUif ce point, mais
le fait que cette dernière exerce une action mécanique sur les
()bjets matériels et que les expérimentateurs peuvent parfois
en ressentir Ile contact comme s'il s'agissait d'une structure
matérielle quelconque, ne nous permet pas de conclure à leur

1) Swedenborg admet ['existence d'un «plan cryptique)} de notre


psychisme. Son organe est le cervelet. II s'agit de notre vie invo­
lontaire ou inconsciente qui est «infiniment supérieure en sagesse à
notre vie sensible.. (De Cerebro II 683, Q.)
280 LE SPIRITISME PHYSIQUE

identité ahsolue. La substance X ne constitue d'aHleurspas


une structure matérielle stable et ses propriétés semblent va­
fier considérablement suivant le degré de consistance qu'elle
parvient à atteindre. Le terme «substance X» est donc émi­
nemment élastique et ne représente Tien de bien défini. Tel
qu'on l'emploie, il désigne au fond une substance en perpé­
tuel état de devenir et d'évanouissement, ou, si l'on préfère,
en perpétuel état de matérialisation et de désintégration. A
vrai dire, l'unité substantielle lui manque, puisqu'elle n'est
jamais la même si on la considère à deux moments sucœssifs.
Il est donc probable que la substance X n'existe pas comm,
telle. A son état observable, elle est moins une substanu
qu'un phénomène de variation substantielle, si j'ose dire, au
cours duquel une substance, impondérable en soi, oscille entre
l'état «immatériel» et l'état «matériel ». 1)

') « ... la substance invisible, portée au vOlsmage de l'objet Pœf


le sujet en effort de télékinésie, est en modification de densité ou
de volume de tout instant, et cette modification se fait suivant des
p6riodes oscillatoires de fréquence et ampJitude variables.» D' Eu­
gène et Marcel Osty, Op. Cit. p. 116.
«Les choses se passent comme si elle (la substance) y arrivait
à des degrés divers de condensation.. Une fois, nous l'avons vue,
sous la forme de brouillClJrd dense, aller jusqu'à une table et la
déplacer comme sous une poussée élastique. Mais à part cette uni­
que fois, toutes ses manifestations constatées l'ont été à l'état in­
visible. Dans bon nombre de séances stériles pour nos appareils,
elle a très probablement été en œuvre, mais à densité trop faible
pour absorber !'infra-rouge employé.»
«Sur la nature matérielle de cette substance au stade invisible
et absorbant l'infra-rouge (longueur d'onde 1 micron), nous ne sa­
vons encore rien. On serait tenté de la supposer à l'état dit gazeux,
c'est-à-dire constituée de molécules peu :rapprochées Toutefois, elle
ne se comporte pas à la manière d'un gaz libre, lequel se dilaterait
dans tout l'espace disponihle. Ses molécules, si elle en a, doivent
être soumises à un système gravitatif particulier, tendant à une
condensation progressi·..e, à succès variant suivant les dispositions
physiologiques du sujet, peut-être aussi suivant les conditions d'am­
biance. »
«Chaque corps est caractérisable par ce qu'on appelle son spectre
d'absorption. La spectographie de la substance invisible apporterait
donc des indications précises SUT sa constitution matérielle. Elle
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 281

A l'état primaire et impondérable, la substance X est sans


doute plus ou moins identique à la «fibre simple », voire
même au «fluide animal », car Swedenborg nous dit expres­
sément que « la substance de la fibre provient de la substance
même du fluide ». Il nous dit aussi que «dans l'air et dans
l'éther, il y a aussi des fleuves de particules (c'est-à-dire
d'électrons, d'atomes et de molécules) pouvant servir immé­
diatement à la composition d'un tissu ultérieur. Il y a là des
principes matériels perpétuels, au moyen desquels touie com­
position est possible». (Adversaria 11457.) Une grande
partie de ces «particules» proviennent 'sans doute aussi des
assistants et surtout de l'organisme du médium.
Il me semble que nous tenons là ladef des phénomènes
de télékinésie, voire même ,des phénomènes de matérialisation
(pour autant que 1'« ectoplasme» représente un stade p,lus
avancé de la matérialisation de b substance X, comme Osty
a l'air de l'admettre avec raison).

Le rythme respiratoire et les variations oscillantes


de la substance invisible.
Le Dr Osty a constaté un synchronisme curieux entre les

aurait pour autre résultat probable de déoeler et de cataloguer ses


stades évolutifs et de faire remonter l'étude du processus générateur
au plus près de son commencement.» - «Nous n'avons pas encore·
tenté ni d'établir ni de faire établir le spectre d'absorption.... » Ibid,
p. 148.
«(La substance) semble se rendre au lieu d'action à la manière
de vagues plus ou moins nombreuses et plus ou moins rapp.rochées,
~ moins Qu'elle ne se comporte en s'ubstance pulsatile, c'est-à-dire
rythmiquement expansive» (p. 149). Le Dr Osty envisage égaie­
ment l'hypothèse, selon laquelle les variations oscillatoires de la
substance dans les faisceaux d'infra-rouge seraient dues à l'cffet
destructeur de la lumière, «auquel cas cette substance ne prése,n­
terait pas ces variations Q'uand elle est à l'abri de la lumière »,
Quoi qu'il en soit, il est prouvé Que l'émission de la substance est
intermittente et Qu'elle pénètre dans l'infra-rouge «à la manière de
vagues ». Nous verrons plus loin Que les émission de substance se
succèdent à la cadence des temps moteurs respiratoires, fait des
plus intéressants dont nous chercherons à établir la cause.
l8Z LE SPIRITISME PHYSIQUE

variations de la densité de la substanœ invisible et les mou­


vements respiratoires du médium.
«Tandis que s'aœomplissait, dans la séance du 9 juin 1931, l'ins­
oription de l'occultation (du faisceau inÎ'ra~rouge) de 2 minutes de
durée p'récédemment cité (fig. 42), l'un de nous, en vigie comme à
l'ordinaire devant la fenêtre à verre rouge donnant vue, dans l'ar­
moire d'enregistrement, sur le spot lumineux du galvanomètre, re­
marqua, pour la première fois, g,râce à l'emploi du ga,lvanomètre
Micro-MoLl rapide, que les mouvements du spot suivaient la cadence
de la bruyante respi.ration du sujet. L'importance de cette consta­
tation fit consacrer exclusivement à sa vérification bon nombre des
séances qui suivirent ». .
« Les séances qui se succédf'rent dans la suite de notre recherche
en 1931 mirent presque toutes ·en œuvre l'enregistrement synchrone
des oscillati.ons de l'absorption et des mouvements respiratoires, ce
dernier bientôt rendu, comme il a été dit, mécanicophotographique
et Joe tout s'inscrivant sur une seule bande de papier. La constatation
du même rapport de fréquence entre la respiration et les oscilla­
tions de l'absorption fut constante. Toujours il s'avéra que .chaque
temps moteur de la Iresptration - inspiration, expiration - cor'res­
pondait à une poussée de "absorption, poussée cédant aussitôt.
«Accessoirement, l'examen compélJratif des graphiques nous :il
appris qu'il n'y a pas de rapport entre la firéquence ou l'ampleur des
respi'rations et le taux ou la durée des absorptions. Des présences
de la substance invisible dans l'infra~rouge à longue dmée et forte
absorption peuvent se produire à des moments où les mouvements
respiratoires sont peu fréquents et peu amples, et vice-versa. Cela
indique que la genèse de la substance invisible, sa condensation
et sa commande mentale, varient POUT d'autres motifs physico­
physiologiques que le travail musculaire rythmé qui semble con­
ditionner directement les mani.festations dans l'nfra~r.ouge de la.
substance» 1).

Il faut qu'on sache que, pour produire la substanceinvisi­


ble, Rudi Schneider a recours à 1'« hyperpnée », autrement
dit à une respiraiionextrêmement rapide, exigeant «un em­
ploi forcené de la muscu:la~ure»!). «Il n'a certes, comme

') D'Eugène Osty et Marcel Osty : Op. CU., pp. 117, 128-130.
') Osty a pu observer une ~réquence respirato~re pouvant aller
jusqu'à 35û (au lieu de 14) et une amplitude de 5-10 mm. (au lieu
de 10 mm.) pendant la transe de Rudi. C'est cette hyperventilation
pulmonaire qui constitue l'hyperpnée. (Cf. p. 121.)
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 283

dit Ost y, qu'une conscienœ très confuse de ll'usage qu'il fait


de ses muscles, mais il affirme que ce sont leurs fortes con­
tractions qui expulsent «la force ».» (p. 133).

«II faut s'inspirer de cela si J'on veut avoir chance de poursuivre


eificacement l'exploration du processus générateur de la substance
Invisible, premier stade, sans doute, d'une extériorisation d'énergies
plus condensées si souvent signalées chez d'autres sujets par des
gens de science qui n'ont vraisemblablement pas été tous et toujours
trompés; le cas de Rudi ne peut pas être unique ».
({ Les constatations faites dans le cours des séances nous propo­
sent particulièrement trois hypothèses :
«L'une serait que l'énergie extériorisée viendrait du système ner­
veu.x central mis en excitation fonctionnelle par l'hyperpnée, auquel
cas la sur activation musculaire ne serait que la manifestation de
l'excès de l'influx nerveux.
«L'autre~erait que ,]a musoula,uue du corps est l'usine biologique
fournissant la matière que le psychisme ramène aux modes élémen­
taires d'énergie et qu'il recondense à l'extérieur soL1Js des modes
nouveaux adaptés à des fins inhabituelles.
« Une autre enfin, réunirait ces deux hypothèses en une seule,
imaginant que la conscience cryptique emploie l'hyperpnée pour
porter le sYlstème nerveux centrai à une surexcitation capable de
produÏire dans la musculature des libérations d'énergies utilisables
impunément hors du corps.» (p. 134.)
«Considéré dans son ensemble, le corps humain est un réservoir
et un transfmmateur de l'énergie puisée dans l'ambiance. Quand un
être, comme Rudi Schneider, produit une modalité de l'énergie d'uu
genre biologique exceptionnel, j,j faut penser qu'il ne fait alors rien
a.utre chose qu'une transformation, elle-même exceptionnel1e, de
l'énergie en réserve dans ses tissus.» (P. 134.)

Ces hypothèses du D' Osty - simples hypothèses de :fTa­


vail, cornme il le dit lui-même -- sont des plus intéressantes.
EUes ouvnmt la voile à toute une série de nouvelles expérien­
ces qui exigeront « le travaH il!1dépendant ou concerté de nom­
breux et ,compétents chercheurs ».
Je me demande tootefois s'il ne semit pas ume d',accorder
plus d'attention au comportement da cerveau pendant la
transe. Son rôle doit pouP1!ant être capital. Il 'COnstitue, avec
le cervelet, le siège œntml du système nerveux et la demeure
de ce psy:chisme oryptique qui est censé pifoduire toutes les
merveLUes de la physiologie paranormale.
284 LE SPIRITISME PHYSiQUE

Swedenborg attribue au cerveau certaines fonctions capi­


tales, inconnues des physiologistes modernes, bien que déjà
entrevues par certains auteurs plus anciens. Les savants mo-­
dernes ne paraissent attacher aucune importance particulière
aux mouvements du cerveau. C'est tout juste s'ils en admet­
tent la réalité. Or, Swedenborg a non seulement démontré
que le cerveau est animé d'un mouvement rythmique, mais il
a pu établir encore que ce mouvement coïncide rigoureuse­
ment avec le mouvement respiratoire. Mais, bien que synchro­
nes, ces mouvements s'effectuent en sens contraire. En effet,
le cerveau se contracte quand les poumons se dilatent et vice­
versa 1). Ces mouvements alternatifs d'expansion et de res­

') "Ii est prouvé: 1) Que les mouvements du cerveau existent


à l'intérieur de la boîte cranienne fermée; 2) Que ces mouvements
sont d'origine cardiaque et pulmonaire; 3) Que ,les rapports entre
le cervea,u et la pression veineuse générale sont si étroits Que, nor­
malement, la pllis grande expansion du ::;erVéau coïncide avec
l'expiration et non pas avec l'inspiration j 4) Que du fait de la dimi­
nution du liquide cérébro-spinal dans le canal vertéb:ral moins .rigide,
et de la diminution du calibre des veines cérébrales et des sinus,
~ cerveau peut se dilater dans une certaine mesure; 5) Que toute'
tension accrue de la dure-mère :rend l'observation de la pulsation
cérébrale p,lus difficile; 6) Que le mouvement cérébral est réduit au
minimum Quand la tension intracranienne est normale.» Prof.
Leonard Hill M. B., The physiology and pathology of cerebral cir­
culation, Londres 1896, 1. &. A. Churchill, Ed. (P. 15).
Swedenborg analyse l'origine, ,la nature et les effets du mouvement
cérébral dans les deux premiers chapitres de son volumineux ou­
r vrage sur le cerveau: (The Brain considered anatomically, physio­
\ logically and philosophically, traduit du latin et annoté par R. L.
Tafel, A. M., Ph. D.; James Speirs, Ed., Londres 1882; vol. 1­
Chap. 1 et II, pp. 1 à 158). Les deux premiers chapitres de la se­
l conde partie de l'Œconomia Regni Animalis traitent également du
( cerveau et de son mouvement. De nombreux passages du Regnum
Animale sont eux aussi consacrés à ce suiet si cher à Swedenborg.
Cette Question, si intéressante, du mouvement céréhral fait l'objet
d'une étude très approfondie du prof. R. Tafel. Elle figure à la fin
du 1" volume du De Cerebro de Swedenborg (cf. Op. Cft., pp. 645­
700). J'en recommande la lecture attentive aux médecins Qui me
font l'honneur de me Ure. Tafel cite les écrits de 107 auteurs et
savants Qui se sont occ.upés de la Question, de Galien (131-20I) à
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 285

serrement du cerveau ne peuvent guère être sans rapport avec


l'activité nerveuse et psychique. Chacun peut ·oonstater, par
exemple, que tout effort d'attention ou de réflexion se traduit
ordinairement par un ralentissement considérable de la res­
piration (synchrone, comme nous venons de le dire, avec le
systole et le diastole cérébral). D'après Swedenborg, l'action
conjuguée du mouvement Tespiratoire et du mouvement céré­
braI exerce une influence profonde sur l'ensemble de l'orga­
nisme. Cette influence est aussi importante que celle du mou­
vement <:al'diaque, car elle affecte non seu,lement la circulation
du sang (indirectement), mais encore la cirwlation des
autres humeurs, voire même celle du fluide animal ou vital.
"La respiration, tout comme la nutrition, affecte l'ensemble du
système... ~,a fonction universelle du mouvement respiratoire du
corps consiste à stimuler chaque organe dans l'accomplissement de
son havail particulier, au moyen de la force de traction exercée
<:xtérieurement sur ses membranes communes. La légère expansioD
Qui en résulte permet à l'Olrgane... de ,respirer ou d'attirer à lui la
Quantité de sang ou de fluide nécessaire à l'accomplissement de sa
fonctiün ou à la satisfaction de ses besoins, et oette quantité seule­
ment. Chaque organe, cependant, se dilate et se contracte différem-

Richet et à François Franck. Cette liste ,pourra'it, sans doute, être


considérablement allongée, si on y ajoutait tous les travaux parus
dans les divers pays depuis 1882.
Quant <LUX études consacrées plus pa;rticui'ièrement aux théories
de Swedenb()lfg, citonsenoore la remarquable conférence du Dr
Rahagliati, publiée dans Ile compte-rendu du Congrès International
réuni à Londres en 1910, à l'occasion du centenaire de ia fondation
de la Swedenborg Society (cf. Transactions of the International
Swedenborg Congress, Lünd.on 1912; The Motion of the Brain, with
special reference to the views of Em. Swedenborg by A. Rabagliati
M. O., p, 100.) Au cours d'une autre séance d'e ce même congrès, le
Dr Max Neuburger, ·prof. de l'histoire de la médecine à l'Université
de Vienne, aparllé des théories de Swedenborg sur la mœlle épi­
nière (Ibid. p. 50) tandis que le Dr Ramstr5m, prof. d'anatomie 'à
l'Université d'Upsale, a traité des idées de Swedenborg sur la subs­
tance grise considérée comme le siège de l'activité psychique (p. 56),
Il ressort de ces diverses études que les travaux de Swedenborg
contiennent toutes sortes d'idées nouv·elles et intéressantes. Le lecteur
pourra s'en convaincre ,lui-même en utilisant les données bibliogra­
phiques que nous venons de fournir.
286 LE SPIRITISME PHYSIQUE

ment, selon sa structllJre, sa situation, ses relations avec les autres


organes, etc.... Toujours le mouvement coïncide avec la respÏifation
des poumons... Ceux-ci, toutefois, ne fournissent que la vie motrice
extérieure du corps; sans eux, l'organisme tout entier n'existeqlit,
en quelque sorte, qu'en puissance... Le sang régnerait pour ainsi
di-re sans contrôle dans tous les viscères, supprimerait leur indivi­
dualite et .Jesempêcherait de donner libre COUTS aux forces dont ils
sont les formes. En un mot, l'homme entier serait en permanence
dans une sorte d'état fœtal, inJiibé et languissant... Aucun auteur,
avant ou après Swedenborg, n'a jamais reconnu l'importance capi­
tale de cette fonction des poumons dans lee corps humain. "t)

Voici maintenant un passage du Regnarn Animale de


Swedenborg :
«Non seulement les poumons respirent eux-mêmes, mais ils font,
en outre respirer avec eux l'ensemble du système organique; à
savoir la région moyenne où ils sont situés eux-mêmes, la région
supérieure qui est celle de la tête et du cerveau, et la région infé­
r.ieure ou abdominale, vo~re même les membres reliés au tronc,
c'est-à-di-re les bus et les mains, les jambes et les pieds... de sorte
que dans les diverses provinces du corps il n'y a pas un recoin Oil
la respiration pulmonaire ne pénètre avec sa force active.» Reg.
An. II 395.
«La ,respiration des poumons n'affecte pas seulement le tronc,
mais aussi la tête avec ses organes de mouvement et de sensation;
à vrai dire, elle atteint le cerv-eau lui-même; .... et s'associe à ses
mouvements alternés. Ainsi les mouvements du poumon et ceux du
cerveau, de la mœlle a.Jlongée et de la mœlle épinière, sont sy n­
chrones; et DCci afin que les causes puissent a.gïr en harmonie et
en coopération avec les 'effets, les choses antérieures avec les cho­
ses postérieures, 1'« esprit» de l'âme avec 1'« esprit)} du corps; afin
aussi qu'il s'établisse entre eux un flux et un reflux.» Ibid. II 398.
« L'effet (du mouve.ment du cerveau) est de propulser le fluide
le plus pur ou spiritus animalis des substances corticales dans les
fUJTes médullaires et, par cel'Ies-ci, ·dans les fibr'es nerveuses; ainsi
l'ensemble du territoire organique est animé ou vivifié à chaque
instant successif par (l'émission et) la transmission de ce fluide.»
(Ee. Reg An. II 8; De Cerebro 1 112.
«Le cas s'erait différent si le mouv·ement du cerveau ne coïncidait
pas avec celui des poumons, mais avec celui du cœur. ca'r le cœur

') D' ]. G. Wilkinson, membre du Collège Royal des Chirurgiens


de Londres, Préface au «Regnum Animale» de Swedenborg (trad.
anglaise), pp. XXVI et XXVII.
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS 287

n'agit Que sur le sang rouge, tandis Que le cerveau, agit, conjointe­
ment avec les poumons, d'une manière plus universelle, c'est-à-dbre
sur le «sang» plus pur et sur 1'« esp,rit» de ce sang, autrement dit
sur l'essence infiniment subtile qui p<lJrcourt les nerfs.» Œc:. Reg.
An. II 9 et De Cerebro 11113.
«L'âme a établi dans le cerveau un merveilleux l.vboratoi,re chi­
mique .., au moyen duquel elle distille et élabore une «lymphe» ani­
mée pa!!' l'esp,rit animal.. Grâce à cette lymphe, l'âme infuse au sang
sa propre essence intime, sa nature et sa vie... En effet, l'esp,rit
animal doit être dans le sang, afin de pouvoir se comporter en
"âme corporelle» ou, ce qui revient au même, afin de pouvoir iouer
le :rôle de l'âme dans le corps~. ')
« Etant excessivement subtil, l'esprit animal ne saurait être déversé
directement dans le courant sanguin si ce n'est par par l'intermé­
diai,re d'une lymphe. C'est pourquoi celle-ci constitue ce que j'a,ppelle
le • sang plus pur" (aussi nommé sanguis candidus par Swedenborg
et qu'il ne faut pas confondife avec le sérum sanguin, c'est-à-dire
avec les leùcocytes qui font partie de ce que Swedenborg appelle
d'une manière générale le «sang rouge ,,). De Cerebro 190.
«Le sang possède deux natures: l'une spirituelle, l'autre cor­
porelle. Il doit donc exister deux sortes de laboratoires distincts
pour sa pJoduction: l'un dans la sphère supérieure, c'est-à-dire
dans ;le cerveau, l'autre dans la sphère inférieure ou dans le corps
(où il y en a d'ailleurs plusieu,rs). A v,rai dire. il y a également
plusieurs laboratoires de la «lymphe plus pure", mais le cerveau
en constitue en quelque sorte la source commune, les autres sont
comme des affluents, car chaque fibre transmet son propre «esp:rit"
(ou fluide) dans le corps.» Ibid. 92.
«Le cerveau joue donc 'le rôle d'intermédiaire entre l'esprit
animal et le sang, ca'r il fournit cette lymphe très pure qui enrobe
en quelque sorte l'esprit (animaÜ plus subtil et lui permet de péné­
trer dans le sang ou parmi les globules sanguins.» Ibid. 69.
«Tandis que le cerveau et le cervelet, par leur expansion et leur
resserement, approvisionnent les nerfs en esprit vital, les poumons,
de leur côté, leur communiquent, par leurs propres mO'llvement~

') « Des observations sur le mouvement cérébral se trouvent déjà


consignées dans les traités de médecine les plus anciens. Galien et
ses disciples pensaient que ,le diastole du cerveau avait pour effet
d'aspirer le pneuma ou esprit vital à travers la lame criblée et de
le mélanger avec le fluide vital déversé par les artères venant du
cœur... A l'aide de ce mélange, les esprits animaux étaient élaborés
dans le laboratoire des ventricules céréb:raux et ensuite expulsés
dans les nerfs par .le systole du cerveau,» p.rof. L. Hill MB" Op.
Citat., p. 5.
288 LE SPIRITISME PHYSIQUE

d'expansion et de resserrement, c'·est-à-dire par leu-r respiration, la


faculté d'agir et de coopérer... C'est ainsi que les poumons contri­
buent, d'une manière secondaire, à mettre en mouvement ct à fai·re
circuler le fluide nerveux, ou l'esprit animal comme on l'appelle.»
Reg. An. II 399 et De Cer II p. 783 (de l'éd. angL)
«C'est ainsi que l'énergie respiratoire externe des poumons et
J'énergie animatrice interne du cerveau... agissent 'ensemble sur les
centres de tous les viscères et poussent toutes leurs parti'cs, si mi­
nimes ou imperceptibles soient-elles, à exécuter les opérations spé­
ciales qui correspondent à leur stmcture et à leur nature particu­
Iières.» Reg. An. II 422.

Il est inutile de multiplier les citations des ouvrages de


Swedenborg. La théorie de notre auteur semble être la sui­
vante, du moins dans ses lignes générales: Le mouvement
est une loi générale de ..l'organisme. A côté du systole et du
diastole du cœur, nous observons dans tous les organes un
mouvement d'expansion et de ,contraction d'origine respira­
toire. Le cerveau lui-même se dHate et se resserre à la cadence
des temps moteurs de la respiration. Par sa contraction, il
« expulse» le fluide nerveux et le 'projette en quelque sorte
dans l'organisme dont les tissus sont en état de réceptivité
parce qu'en état d'expansion. En effet, le resserrement céré­
bral coïncide avec l'expansion thoracique et abdominale,
comme nous l'avons déjà vu. Ce flux centrifuge de 1'« esprit
animal» est suivi d'un reflux centripète, provoqué touTnatu­
rellement 1) par le resserrement des organes dû à l'expira­
tion des poumons et 2) par l'expansion concomitante du
cerveau. A chaque temps moteur de la respiration correspond
donc une ~mpu,lsion distincte du fluide anima,l véhiculé par
la «lymphe» très subtile qui lui sert de support ,matériel;
cette impulsion est atiternativement centrifuge et centripète et
constitue ·le 'principal facteur de ce «cyCle vHal» dont Swe­
denborg nous parle dans son ouvrage sur ·le cerveau (cf. De
Cerebro l, 97 et ailleurs).
N'<lJurions-noos pas là l'exp>1ication du ,rap'port si curieux
que le Dr Osty a pu observer entre les pulsations de la subs­
tance invisible et les mouvements respiratoires du médium en
état d'hyperpnée ? Osty nous dit, en effet, que «les émissiona
TÉLÉKINÉSIE ET MATÉRIALISATIONS Z89

de substance se succèdent à la cadence des temps moteurs


respiratoirres ».
Si l'expulsion du fJruide psychi·que était due exclusivement
à la contraction rythmi-qlue du cerveau, on s'eX'pHqruerait assez
difficilement, malgré la concordance des mouvements céré­
braux avec ceux de la respira1ion, que la -projection de la
substance invisible fût «à fréquence double des cycles res­
piratoires, c'est-à-dire exactement au rythme des deux temps
du travail musculaire de la resp~flation: inspkation, expi­
ration ». - Maris n'oublions pas qu"H y a égaJlement un reflux
du fluide animal vers le cerveau (cf. Reg. An. II 398), reflux
occasionné par l'affaiiSSeIl1ent de la cage thoradque et par le
resserrement des Ü'rganes et des tissus qui en est la consé­
quence.
Quant à l'extériorisation du fluide nerveux,psychique
ou animal (appelez-le comme vous voudrez), elrle est due soit
à un excès de f.1uide, soit à une aciiNité paroxysméille des orga­
nes capables d'exercer sur celui-ci une action propulsive ou
expuliSive, soit encore à l'influence combinée de ces deux
causes. Mais de toute manière nous devrons observer la per­
sistance de l'aetiÜ'n des facteurs qui conditionnent normale­
ment les modalités de la «circulation» du fluide vital. Ces
facteurs effkients nous sont fournis par les mouvements du
cerveau et du poumon qui impriment alternativement des im­
pulsions au fluide. A chaque «vague» d'origine cérébrale doit
donc succéder une vague d'origine musculaire. Rudi a dit
que la contraction de ,ses mU60les l'aidait à «eX!pulser sa
force ». C'est en effet probable.
Quant aux modaHtés de l'extériorisation elle-même,
nous ne savons malheureusement rien, paJS plus que
nous ne connaissons, poulr Ire moment, la nature physique
exacte de la suhstaJUce émise par le sujet en état de transe.
Si nous avons affaire à une libéraJtiQn d'énergie, et non pas
à l'extravasion d'une substance atomique ou molécuJaire, on
s'explique mal son «expulsion» à l'aide des mouvements
mécaniques du corps, de même qu'on conçoit a.ssez diffidle­
ment comment l'action mécanique du cerveau et des 'poumons
petl't avoir une inHuence qruekonque sur les mouvements du
290 lE SPIRrtlSME PHYSIQUE

fluide nerveux ou animat Swedenborg ne nous dit-il pas que


ce ~luide est impondér,able et qu'il résulte de la captation de
l'énergie radiante de ,l'espace ?
n est vrai que notTe philosophe nous parle d'une sorte de
« lymphe », très subŒe, qui sert de véhicule à 1'« esprit ani­
ma'l ». C'est donc cette lymphe pl'lltôtquele iluide psychique
qui circule sous l'influence des mouvements cérébraux et pua.
monaires et c'est sans doute œite même «lymphe» qui s'ex­
tériorise chez ,les médiums, sous une forme ou sous une autre.
Quant au f,luide animal proprement dit, il vibre lui-même
à la fréquence,--non--pas-"du mouvement respiratoilfe, mais des
osciHationsceHulaires de l'écorce cérébrak III :possède donc
une fréquence propre, indépendamment du rythme auquel se
suivent ses projections, soit dans le COllp5, soit en dehors de
celui-ci. En soi, i,l se propage « à la vitesse de l'éolair », selon
l'expression de Swedenborg. Or, la vitesse de l'éC'lair (c'est-à­
dire ceUe de l'éleclricité) est constanrte; si donc il y a des
variations, des pUlJ.sations plus lentes, celles-ci ne peuvent
évidemment provenir que de Fintermitience des émissions,
c'est-à-dire du rythme al\1!quelse suœèdent les trains d'ondes,
eux-mêmes constants dans leur vitesse de propagation.
Il n'est d'aiUeurs pas exclu que la contraction cérébrale
modifie dans une certaine mesure l'enroulement des fibres
simpJes dont se compose ce que Swedenborg appelle le cortex
simplex. Nous Lisons, en effet, dans l'Economie du Règne
Animal (l, 273) que «le mouvement est bien plus padait
dans les substances plus simples, et que celles-ci non seule­
ment se dillatent (et se contifactent) , mais s'enroulent et se
déroulent comme des spirales ». Si nos œlilules (voilfe même
nos «ultra-cellules») cérébrales se comportent comme des
circuits oscillants, toute modification de leur self-inductance
(bobinage) doit retentir nécessairement sur leur fréquence
d'osdilbtion et ta longueur d'onde des radiations qu'elles re­
çoivent et émettent. N'étant ni physkien, ni biologiste, je
laisse à d'autres le soin d'établir si ce fait présente un intérêt
quelconque pom 'l'étude des phénomènes qui nous occupent.
Quoi qu'il en soit, il m'a paru intéressant de faire connaître
au lecteur la concordance assei curieuse qui se manifeste
LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 291

entre certains faits constatés empiriquement et certames théo­


ries physiologiques de Swedenborg. H n'est pas exclu que,
dans un avenir 'plus ou moins lointatn, la science officielle
en arrive à formu'ler des hypothèses assez voisines des con­
clusions auxquelles notre auteur a abouti à l'aide du raIson­
nement pur.
Quant aux phénomènes de téléki1nésie, nous en aurons cer­
tainement l'explication oons un aV1en~r rapproché, car un
nombre sans œsse croissant de savants de valew- s'adonne
à l'étude des propriétés encore mystérieuses de la matière
vivante et notamment à l'examen du rôle que joue l'électricité
dans les phénomènes biologiques. A mesure d'aHleurs que les
différentes branches de la science se développent, elles ten­
dent tout naturellement à se rejoindre par leurs sommets.
Abordons maintenant ,les phénomènes de matérialisation.

Les phénomènes de matérialisation.

Nous avons déjà vu que ces phénomènes ont donné lieu à


d'innombrables fraudes. Il est donc inutile de revenir ici sur
les interminables polémiques qui se sont élevées à leur sujet.
Il n'est pas absolument prouvé que les matérialisations exis­
tent, mais il n'est pas non plus absolument prouvé qu'elles
n'existent pas. Il semble difiiiciJle d'a,dmettJre que tous les
expérimentateurs se soient toujours trompés. En tout cas, il
serait intéressant que ces phénomènes fussent vrais, non pas
parce qu'·Hsprouveraient. d'une manière irrévocable l'inter­
ventiondes désincarnés, comme certaines personnes pour­
raient être tentées de le croire, mais parce qU'LIs établiraient
l'existence d'un pouvoir 'plastique de 1',espdt sur la matière,
avec toutes les conséquences 'philosophiques que comporterait
une IpareiHe constatation. La métaphysique réaliste, qui admet
la préexistence idéa,le de l'élément formel ou qualitatif, rece­
vrait, en quelque sorte, une consécrati'on empirique. Nous
assisterions à vrai dire à la fin de la fameuse querelle des
univeTlsaux qui débuta au temps de Platon, atteignit son apo­
gée à l'époque deloa scolasüque médiéva~e et se pOUTsuit de
292 LE SPIRI1ISME PHYSIQUE

nos jo'urs encore, bien que sous une autre forme, entre spiri­
tualistes et matérialistes, finalistes et transformistes. C'est pour
cette raison que j'ai dit qu'illserait intéressantqrue les maté­
rialisations fussent vraies.
Accordons donc le béqéfice du doute à un genre de phéno­
mènes dont l'aU'thentioité, dûment établie, pourrait avoir
d'aussi heu'feux effets sur l'orientation philosophique de no­
tre époque. j.e le répète, il n'est guère probable que tant d'ob­
servations concordantes reposent toutes sur des fraudes. Un
avenir prochain noU's fixera sans doute sur ce point. En
attendl:mt ert jusqu'à plus ample informé, noliis sommes obhgés
de prendre notre bien où ~l se trouve, fû'ke dans des -ouvrages
en parti·e cadu·cs. En effet, la majeure partie des expérimenta­
teurs peuvent parfoi,s être accuOOs de négLigence ou d'incom­
pétence, car Oeley (qui a cru au médium imposteur Eva c.)
nous dit lui-même que «la fraude consciente est toujours le
frait de la négligence ou de l'incompétence des expérimen­
tateurs» ! ')
C'est pourtant aux ouvvages de ce même Oeley (décédé il
y a quelques années au cours d''llJn accident d'avion) que je
vais faire les quelques emprunts qui permdtront au lecteur
de se faire une idéeexaote de ce qu't! faut enrtend'fe par phé­
nomènes de matérialisation. Je laisse à Oeley, bien entendu,
l'entière responsabiüté des faits qu'il affirme.

«Dans l'ectoplasmie, le déclanchement des phénomènes est néces-·


sairemcnt provoqué par ,une extériorisGl!tion dynamique et matérielle
d'une portion de l'organisme du médium. Mais si tout se borne à
cette extériorisation élémentak'e, les phénomènes obtenus restent
très médiocres, à peine perceptibles, presque nUlls. Au contraire, si
l'ambiance fa",orable rend possible oomme un appel, par tes fQrces
émanées du médium. aux for-ces latentes des eX'périmentateurs, tout
change.
« Immédiatement les facultés du médium se trouvent ,renforcées et
multipliées par cette assoCÎGl!tion; son extériorisation dynamique et
matérieHe elle~même devient ,incomparablement plus ma,rquée et les
p.hénomènes de télék,inésie et de matérialisation sont immédiats.

1) Dr Gustave Geley, ['Ectoplasmie et la Clairvoyance, Paris 1924,


chez Alcan; p. 22.
LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 293

Ochorow.icz, se baISant sur de nombreux essais dynamométriques,


avait calculé qu'après chaque séance, les assistants ava,ioot perdu
une partie de leurs forces. «La somme des pertes individueUes,
concluait-il, correspoTUI ci la force moyenne d'ml homme, comme
s'il s'agissait de créer un organisme dynamhwe à part, aux dépens
des assistan1Js, y compris le médium.» ')
« Le processus des matéria,/isatiom; peut se 'résumer ainsi: du corps
du médium sort, s'extériorise une substance d'abord amorphe ou
polymorphe. Cette substance se constitue en représentations diverses,
généralement représentations d'organes plus ou moins complexes.
La substance s'extériorise soit sous la for'l11e gazeuse nu vapGreuse,
soit sous la forme liquide ou solide. La forme vaporeuse est la

') Ibid., pp. 2 et 3.


Morsel!i a, de son côté, noté, à la fin d"une séance, une diminution
de 6 kg. il dlroite et de 14 kg. à gauche, chez cinq assistants.
Crawford a même observé une diminution de poids plus consi­
dérable chez les assistants que chez le médium au cours d'une
séance de «voix directes». Experiments in Psychical Science, p. 181.
Quant à Lombroso, il nous dU que la perte de poids du médium
est en rappor.t avec le poids des fantômes:
« L'étude physique la plus impÜ'rtante, peut-être, est celle d'li poids
des médiums et des soi-disant esprits. Crookes a noté que la femme
médium Cook perdaitP'fesque ,la moitié de son poids, dès l'apparition
du fantôme, et qu'elle le récupérait en entier à sa disparition. Ce
fa.ït, d'atllewrs coruf.Ï1rmé d'autres fois, mQnbre que les fantômes se
forment au dépens du corps du médium. Aune séance avec Miss
Fairlamb, le médium fut pour ainsi dire cousu dans un hamac, dont
les points d'attache étaient pourvus d'un appareil permettant d'en­
registrer les oscillations de son poids. A,u bout de quelques minutes
de transe, le po,ids diminua grad'llellement et, au moment de l'ap­
parition du fantôme, on enregistra une per,te de 60 liv:res dans le
poids du méd.ium, soit la moi,tié de s'on poids normal. Lorsque le
fantôme se dématérialisa, le poids du médium se remit à augmenter
et, à la fin de la séance, il ne lui manquait plus que 3 à 4 liy,res.
Morselli a noté chez Eusapia, après la transe, une diminution de
plus de 2 kg.; en dehors de la transe et en p.leine lumière, une
chute de 50 à 60 kg., puis une montée de 56 à 60, et ainsi de suite
à plusieu.rs reprhses, sans qu'i! fut possible de découvrrir la moindre
fraude. En d'autres expériences, au lieu des médiums, on pesa les
fantômes. C'est ainsi que l'on constata, à une séance avec Miss
Wood, que le ,poids des fantômes se matérialisant sous son influence
variait de 34 à 176 liv.res, ce dernier nombre représentant son poids
normal. - Lomb<roso, Hypnotisme et Spiritisme, pp. 165-7.
294 LE SPIRITISME PHYSIQUE

plus fréquente et la plus connue. Auprès du médium se dessine 011


s'agglomère une sorte de vapeur visible, de b,rouü1<lJrd souvent
relié à son organisme par un lien tenu de la même substance.
Puis, il se produit comme une condensation, en divers points de ce
lnouHiard, par un p.rocessus Que M. Le Cour a comparé ingénieu­
sement à la formation de nébuleuses. Cespaints de condensation
prennent enfin l'apPaJrence d'organes, dont le développement s'achève
très rapidement.» ')
«La substa,nce gazeuse se présente sous l'a,pparence d'lin brouil­
lard plus ou moins visible, pa'rfois vaguement phosphorescent, qui
semble se dégager surtout de la tête du médium. Dans ce brouilla'rd
se forment des points de condensation brillants, dont la luminosité
rappelle celle des vers luLsants.,,')
~ Sous sa forme liquide ou solide, la substance p.roouctrice des
matéralisations est plus accessible à l'examen. S<m organisation est
pa,rfoisplus lente. EUe !reste relativement longl>emps à l'état amorphe
et permet de se faire une idée précise de la genèse même du phé­
nomène. »
« La substance, proprement di Ile, se dégage de tout le corps du
médium, mais spécialement des orifices naturels et des extrémités
du corps, sommet de La tête, bout des seins, extrémité des doigts.
La substa.nce se présente sous un aspect variable. Tantôt, et c'est le
plus caracté.rtstiQue, cel,ui d'une pâl>e maUéoole, véritable masse pro­
toplasmique; tantôt celui de fils nombreux et menus; tantôt celui
de cordons de glrosseur diverse, de rayons étroits et rigides; tantôt
celui de bande large et étalée; tantôt celui de membrane; tantôt
celui d'une étoffe, d'un tissu miJnce, à contours indéfinis et Irréguliers.
La plus curieuse de ces appalrences est celle d'une membrane la·r­
gcment étalée, pourvu'e de fra.nges, de bourrelets et dont l'aspect
général .mppelle tout à fatt celle de '!'épiploon. En somme la subs­
tance est essentiellement amorphe, ou plutôt essentiellement poly­
morphe. L'abondance de la substance extéroiorisée' est des plus va­
riables, tantôt infime, ta,ntôt considérable avec toutes les transitions.
Dans certains cas, eUe recouvre entièrement Ile médium comme d'un
manteau. La substance peut présenter trois couleurs différentes:
blanche, noire et grise. Laoouleur blanche est la plusf,réQuente,
peut-être palfce Qu'elle est ,la plus facile à observer. Il y a pa.rfois
issue simultanée de substance des trois couleurs. La visil>i1ité de la
substance est très variable. Cette visibilité peut s'accentuer ou di­
minuer lentement à diverses reprises. Au contact, la substance donne
des impressions très variables, impressions généralement en rapport

') Geley, De l'Incansâent au Conscient. Patis 1920. Alcan: p. 53.


') Geley. L'Ectoplasmie, etc., p. 194.
LES PHÉNOMÉNES DE MATÉRIALISATION 295

aveç la forme momentanée qu'elle revêt. Elle semble molle et un


J)eu élastique quand elle s'étale; dure, noueuse ouf,ibreuse quand
'-elle forme des cordons, (exactement ce qu'on devrait constater en
cas de fraude! H. de G.). La substance est mobile. Tantôt elle
évoiue lentement, monte, desœnd, se promène sur le médium, ses
'épaules, sa J}<litrine, ses genoux, par un mouvement de reptation
Qui rappelle celui d'un reptile; tantôt ses évolutions sont brusques
·et -rapides; elle a,pparaît et disparai.t comme un éclair» 1).
Toutes ces manifestations de l'ectopla,sme sous sa forme
.solide me paraissent franchement suspedes. La 'plupart ont
été observées avec Eva C. passée maître ,dans l'art - moins
difficile qu'on ne croit - de duper ~es savants. L'examen mi­
croscopiq'ue des résidus d'ectoplasme sol'ide ou -liquide est peu
favorable à l'hypothèse de sa nature paranormale. Il s'agit,
sans doute, d'excrétions physiologi'ques restées aocrochées aux
habits ou 'aux instrUJments ayant servi à la fraude. L'Lngé­
nietlr LébiedzÎJnski, ayant analysé quelques 'orn3 d' «ecto­
plasme», découvrit des cellules apparlenant à l'organtsme
humain et des matières albumiJnoïdes. Schrenck-Notzing lui­
même trouva des celilules de nature indéterminée, des débris
épithéliaux, de la graisse, des formes bactéridiennes et des
rÉsidus organiques d"aJPparence végétale. VOLci encore le
résultat de l'analyse pratiquée par le Dr Dombrowski au
laboratoire bactériolog~que du Musée de l'Industrie et de
l'Agriculture de Varsovie) : Aspect macroscopique: écume
de blanc d'œuf battu. Aspect microscopique: celilules épithé­
liales, leucocytes très nombreux, globules de graLsse, micro­
organismes, badlles et zooglées. (Médium Stannslava; ma­
térial·isation obtenue par Lebiedzinski.)
Parions qu'un juge d'instruction aurait su tirer un parti
très intéressant de ces constata1ions matérielles, si l'ectoplas­
mie frauduleuse constituait non palS seu.lement un crime
contre la science, maÎJS un crime tout court! Ma~s passons...
Geley fait resswtir certaines analogies «entre ces phéno­
mènes si étranges en apparence et certains phénomènes bien
C"Onnus en biologie ».

1) Geley, De l'Inconscient, etc., pp. 53, 56 et 57.

') Revue Métapsychique, juillet-août 1921.

296 LE SPIRITISME PHYSIQUE

« Une première ana'logie, que j'ai exposée et développée se ren­


contre dans l'histolyse de certains insectes dans la chrysalide, la
dématérialisation partide de leu,r organisme, la réduction des tissus
histolysés à un magma amorphe et la matérialisation consécutive
d'un organisme nouveau (Voir la Physiologie dite supranormale,o ­
de l'Inconscient au Conscient; - Revue Métapsychique N" 2, dé­
cembr,e 1920.)
« Une deuxième analogie frappante est cel\e que l'on peut relever
entre certains phénomènes lumineux du processus ectoplasmique et
la lumière froide émise par divers insectes et divers mic'fObes. Dans
les deux cas, on observe la transformation d'énergie biologique en
énergie lumineuse sans développement de chaleur.
«L'appa'rence des luminosités, leur faible puissance d'éclairage,
leur peu de rayonnement, la couleur de leur lumière sont tout à
fait compa,rables dans les deux cas.
« Une troisième analogie 'est celle des pseudopodes émis par cer­
tains protozoah"es.
« Une quatrième analogie est cel\e du processus idéoplastique de
l'ectoplasmi·e avec les divers prooessus idéoplastiques constatés à
tous les degrés de 'l'échel\e animale.
« Une cinquième a,nalogie est cel\e de l'ectoplasmie et de la géné­
ration normale, toutes deux faisant surgir, du pTOtoplasme simple,
soit celui de la substance émanée du médium, soit celui de la cellule
œuf, la forme si diversifiée et complexe qu'est un organe ou un
organisme. Enfin, une sixième analogie ·est cel\e des matérialisations
incomplètes ou déf,ectueuses avec le contenu organique des tumeurs
appelées kystes dermoïdes.)} ')

Une expérience de Swedenborg.


Ce qui me fait admettre lIa possibilité de l'ectoph~smie,
c'est le fait que Swedenborg a, lui aussi, observé un phéno­
mène du même genTe, et ceci à une époque où l'on ne son­
geait ,pas iplu:s à 'l'edopla,sme qu'à la télégraphie sans fils ou
aux rayons X. Le récilf de cette ourieuse expéri,enœ du voyant
scandinave se trouve d'ailleurs dans deux ouvrages que l'au­
teur n'a :pas publiés ,lui-même et qu'il n'ava'it, sans doute,
pas l'intention de :publier. Ce sont des notes ·que Swedenborg
a écrites pour son usage personnel, comme il en avait l'ha­

') L'Ectoplasmie, etc., pp. 194-5.


LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 297

bitude. On ne saurait donc prétendre qu'ill a voulu mystifier


'le public!
L'expérience dont il s'agit constitue lJIne des toutes pre-
mières manvfestatiollispsychiques de notre philosophe. Elle
semble ne s'être jamai,s reproduite alU cours de sa longue
carrièr'e de voyant, et f,aitpartie, sans doute, d'un de ces
états excepl/'ionnels par lesquels «i'l Ilui fut donné» de passer
«afin qu'il pût savoirqu'i1ls existent et connaître quels ils
étaient ». Quelques-uns de ces états psychiques peuv·ent être
qualifiés de médiumni'qilles, mai,s leu,r appa1ntion excepiionneHe,
jointe au fait que Swedenborg nous en donne lui-même la
description, avec une sûreté d'observation qui dénote un état
de parfaite lucidi,té, ne nous ,permet guère de considérer ce
dernier COf!1!Il1e un médium dans le sens ofrdinai're de ce terme.
Les médiurnssont en transe, en ·sommeil hypnotique ou dans
un état second, tandis ,que Swedenbo-rg conservait toujours
sa conscience normale et le souvenir parfait de ce qui lui
arr~vait.
Voici maintenant le double récit de l'événement qui nous
intéresse :
«Vers le milieu du jour, à diner 1 Ull ange me parla et me dit
Ile Ile pas trop manger à table. Pendant qu'il était aveç moi, j'a-
perçus très distinctement une sorte de vapeur qui sortait de mes
pores. C'était une vapeur acqueuse très visible, qui tomba ci terre
sur le tapis, où ,elle se concentra et se changea en divierses sortes
de vermiss'eilJux, qui s'e réunirent sous la table et en un instant dis-
parurent avec une détonation ou un bruit... 1745 avtril ». Diarium 397.
« Un jour, dit Swedenborg, des glrenouHles de div,erses tailles me
sont ap,pGl'rues, et si nettement que je les voyais ramper devant moi.
Elles ne tardèrent pas toutefois à se réunk en tas et à prendre
l'appa1renœ d'un feu qui fit explosion avec un bruit qui frappa
mes o'reilles comme une crépitation; après quoi, la place fut pu-
rifiée. Cela se passait à Londlres, a,u mois d'avril 1745. Une sorte
de fumée sortait de mes pores, mais sur le sol il y avait l'aTJ{)o-
rence d'ull grand Ilombre, de vers qui rampaient.» Adversaria II. 1597.

Remarquons en passant que ces deux extraits ne nous disent


rien d'une apparition du Christ au moment des événements
qu'ils réÎatênt.'·Nous mentionnons la chose ,p.arce que, d'après
un récit de Robsahm, Swedenborg alUmit prétendu que le
m LE SPIRITISME PHYSIQUE

Seigneur s'était manifesté à liui ~mmédi.atement après cette


expérience paranormale 1). Mais il est à peu près 'Certain qu'il
s'agit .là d'une confusioo de deux récits diJstinC'ts. Swedenborg
n'aurait pas manqué de noter dans les Adversaria ou dans
son Diarium un fait aUJSSi important que celui de l'apparition
du Christ. D'ailleurs le compte-rendu de cette apparition ne
nous est pas fourni par Swedenborg lui..même, mais par un
de ses amiJs qui ,l'a sans doute confondu avec l'expérience
que noUIS avons citée plus haut .Qu'on sépare donc une fois
pour tootes deux rédts qui n'ont rien de commun et qui, par
leur amalgame hybride, ont choqué plus d'une personne!
C'est en partie l'appaTÎttion des «grenou:Œes» qui a exposé
Swedenborg aux accusations de folie ou d'hallucination qu'on
n'a pas manqué de porter contre lui. Heureusement que ses
défenseurs purent obj·ecter aux railleurs la vision de l'apôtre
Pierre, qui présente en effet quelque analogie avec l'eXlpé­
rience de notre auteur (d. Actes X. 11-16). Mais le phéno­
mène de l'ectoplasmie, dès qu'il sera admis scientifiquement,
réussira sans doute mieux que le récit du livre des Actes, à
convaincre les sceptiques non seulement de la parfaite luci­
dité d'esprit de Swedenborg, mais encore de son absolue
probité scientifique.
Cette «edoplasmie» de Swedenborg est remarquable à
plusieuŒ égards: 1) EUe se produtsit alors que Swedenborg
était à l'état de pleine vente; 2) d'abord amorphe, eUe ne
tarda pas à prendTe l'aspect de formes idéoplastiques anima­
les; 3) ellese termina brusquementpalf un phénomène à
la fois lumineux et acousüque. Rkhet a eu l'occasion d'obser­
ver lui aussi un ectoplasme qui semblait reproduire la forme
d'une sorte d'escaJI"got ou de quelque autre animal inférieur').
Quant à la crépitation entendue par Swedenborg, nous avons
peut-être son analogue dans le ,( snap» que Mme Prper
entendait à la fin de chaque séance. Comme chez cetJte der­
nière, il s'agit peut-être d'un phénomène purement subjectif,

i) Cf. Dr R. Talel, Documents concerning Swedenborg, pp. 35-36.


') Charles Richet, Traité de Métapsychique, pp. 656-64.
LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 299

mais ü est impossible de l'affirmer d'une manière certaine,


étant donné qu'Eusapia apToduit à l'Instüut Général Psy­
chologique des étincelles aœompagnées d'un crépitement ca­
ractér~stique. Swedenborg parle, lui aussi, d'« un feu q,ui fit
expJosion avec un bruit ». Quoi 'qu'H en soit, l'eXipérience du
voyant suédois présente un intérêt documentaire considérable
et donne à réfléchir.

Les formes organisées.


C'est encore au livre du Dr Geley que nous empruntons
les descriptions qui suivent :
«La substanoe a une tendance imm6d.iate, krésistible à l'organi­
sation ». - «Les représentations sont des plus diverses. Quelquefois,
ce sont des formations inorganiques indéterminées; mais le plus
souvent ce sont des formations organiques, va:r.iables comme com­
plexité et comine perfection.
»On sait Que différents observateurs, Crookes et Richet entre
autres, ont décrit des matériaLisations complètes. Il s'agissait non
pas de fantômes, dans le sens propre du mot, mais d'êtres ayant
momentanément toutes les pa:rtkularités vitales d'êtres vivants,
dont le cœur ba:ttait, le poumon respiTait, dont l'a.pparence corpo­
relle était parfaite.
»Je n'ai pas observé, hélas, parei:! phénomène; par contre, j'ai
vu assez fréquemment, des .représentations complètes d'un organe,
par exemple d'un visage, d'une main ou d'un doigt.
» Dans les cas les plus parfaIts, l'organe matérialisé a toutes les
appar-ences et propriétés biologiques d'un organe vivant. J'ai vu des
doigts admtrablement modelés, avec 'leurs ongles; j'ai vu des mains
complètes avec os et ar'ticulations; j'ai v:u un c'I"âne vivant dont je
palpais l<ls os, sous une épaisse chevelUire. J'ai vu des visages bien
formés, des visages vivants, des visages humains!
»Dans de nombreux cas, ces représentations se sont faites, déve­
loppées entièrement â mes yeux, du commencement à la fin du
phénomène. J'ai vu maintes fois, par exemple, de la substance sortir
des doigts, reliant entre eux 'les doigts de chaque main; puis, le
médium écartant ses mains, la substance s'allonger, fmmer d'épais
cordons, s'étaler. constituer des franges semblables à des franges
épiploïques. En.fLn, au milieu de ces fmuges, apparaJtra, paer une
r,eprésentation progressive, des doigts, ou une main, ou un visage,
parfaitement organisés ».
« Quel que soit son mode de formation, le phénomène ne reste
'pas toujours en contact avec ,le médium. On l'observe souvent tout
300 LE SPIRITISME PHYSIQUE

à fait en dehors de lui. L'ex'emple suivant est tYpiQue à cet égard:


Une tête appa:raît tout à coup, à environ 75 cm. <le la ·tête d'Eva,
au-dessus d'elle et à sa droite. C'est une tête d'homme, de dimen­
sion normale, bien formée, avec ses reUefs habituels. Le sommet
duorâne et le front sont pa:rfaitement ma,térialisés. Le front est
la1rge et haut; 'Ies cheveux tailllés en brosse et abondants, châtains
ou noLrs. Au-dessous des alrcades sourcilières, les contours s'estom­
pent; on ne voU bien que le front et le crâne... j'avanoe ma main,
je paSSe mes doigts à trav,ers les cheveux touffus et je palpe les
os du orâne.... Un instant après, tout avait dispa·ru.
«Ces manifestations manifestent donc une certaine autonomie
physiologique autant qu'.anatomiq,ue. Les organes matérialisés ne
sont pas inertes, mais hiologi,quement vivants. Une main bien consti­
tuée, pair exemp'le, a les capacités fonctionnelles d'une main normale.
.l'ai été maintes fois intentionnellement touché par une ma,in ou
sa,isi par des doigts ».
«Les formes matérialisées, dont les photog'raphies ont été pré­
sentées dans ma conférence sur la physiologie dite supranormale,
éta,ient ,remarquab1les à diversp.oints de vue.
1" Elles avaient toujours les trois dimensions, j'ai pu m'en assurer,
dans le cours des séances, ,par 'Ia vue et plusieurs fois par le tou­
cher. Le relief est d'ailleulrs évident dans ,les clichés stéréoscop.iques
que j'ai pu Iprendre.
2" Les divers visages de cette série présentaient quelques analo­
gies avec de grandes variétés: Variétés dans les traits de la
p{lysionomie; variétés dans les dimensions de la forme, plus petites
que nature mais de g,randeur valriable d'une séance à l'autr,e, et
dans le cours d'une même séance; variété dans la perfection des
traits, talltôt très réguli'ers, tantôt défectueux; variété dans le degré
de matérialisation, parfois complet, pa;rfois incomplet, avec T,udiments
de substanoe, pa,dois seulement ébaluché ».
«Les formes avaient d'autant plus d'autonomie qu'elles étaient
mieux matérial,isées. Elles évoluarent ruutour d'Eva, prurtois assez
loin d'elle. L'une des Hgures se montra en p,mmier lieu à 'l'ouverture
du rideau,doe glranoour naturelle, avec une apparence de vie remar­
quable et 'une ~ran<le beauté» '.
J'ai déjà mentionné, à p'ropos de l'authentitoiié des phéno­
mènes paraphysiO!logiqœs, ,les moulages de mains obtenus
pa,r Gelley et j'ai cité l'opinion du D' Ost y, pour -lequel ces
moulages constittuent la partie la plus 5<J1lid!e des t1"avaux de
son prédécesseur à l'Instiotwt Métapsychique. Voyons donc
comment ces moulages ont été obtenus.

') De /'Inconscient, etc., pp. 58-62.


LES PHENOMENES DE MATERIALISATION 30t

«Nous avons dit que nous avions consacré ,la majeu,re


partie de nos séances avec Franek Kl-uski à l'obtention de
moulages de membres humains maténiaJli5és. Ces membres,
tels que nous 'les perœvions par la vue et le contact, étaient
tellement padaits que nous décidâmes de tenter d'en obtenir
l'enregistrement dans des conditions de cont,rôleindi'SCutable.»
« NGUS eûmes reWUfS au vieux procédé de la paraffine
fondue, décrit Ilonguement par Akisakof (Animisme et Spiri­
tisme). -- Lia méthode a été inventée en 1875, en Amérique,
par Ivl. Denton, professeur d~ géologie. Le procédé fut uti­
lisé ,ensuite à Londres par MM. Reimers et Oxley. Depuis
lors, à ma connaissance, aucun médium, jusqu'à ces derniers
temps, ne s'était r-évéJlé capa,ble de produiTe ces mOllilages. ­
Ce procédé est le seul, à notre conna,issance, qui permette
d'obteni!I" des mout.ages très rapides et en même temps com­
plets. C'est aussi l'esavl qui soit bien adapté aux conditions
si S'péciales de la matériaJlisation métapsychi,q,ue. Les autres
procédés ,sont bi,en inférieurs: l'emploi de substances plasti­
ques, de noir de fumée, peut ,donner de bons roou,l,tats, mais
des résultats forcément ,partiels. Le plâfu'e est inurrilisable,
parce qu'on ne peut prévoiT d'avance à quel moment se pro­
duira le 'phénomène et p,aree que la «prise» du plâtre est
beaucoup trop lent,e.
« Rappelons en quoi consistent les moulages de paraffine:
Un baquet contient de ,La paraffine fondue flottant surr de l'eau
chaude. g est placé près du médium 'pendant ,les séances. L' «en­
tité» matéri'alirsée est priée de placer une matn, un pied, ou
même une paiI'tie de son vi'sage, à plusiewrs reprises, dans
la paraffine. Il se forme ;presque instantanément un moule
exactement appliqué sur ce membre. Ce mOll~e durcit rapide­
ment au contact de l'eau froide contenue dans un baquet
voisin. Puis la partie organique en jeu se dématérialise et
abandonne le gant aux expérimentateurs. Plus tard, il est
loisible de couler du plâtre dans ce gant, puis de se débar-'
rasser de \la 'par.affine en p,longeant le tout dans l'eau bouill­
lante, Il reste alors un plâtre reproduisam tOUiS les détails
de la partie matédaHsée. » ')

') D' Gust. Geley: L'Ectoplasmie, etc., pp, 239 et 240.


302 LE SPIRITISME PHYSIQUE

«D'accord avec le ,professeur Richet, j'avais décidé d'in­


COl'porer à la paraffine une suoot3lllce wluble dans ce corps
et décelable pa'r une réaction ch}mi'que. Après de nombreux
tâtonnements, je choisis la cholestérine.» (,p. 244.)
Après avoir exposé les résultats obtenus par cette méthode
de contrôle, Geley 'condut :
« La prreuve est donc ahsolue: ,les moules ont été faits avec
notre paraffine et pendant la séance.» (,p. 246.)
« Les moules étaient d'une mincetl'r extrême. L'épai,sseur
de leurs parois était partout inférieure à un miHimètre. Cette
minceur était telle que, une fois les moules rempHs de plâtre,
il fut possiMe d'apercevoir les plus lions déta,ils anatomiques
à travers la couche de paraffine, compa,rable à Ulne feuilHe
de papier transparent. Il est certain que l'organe matérialisé
(au cours de cetie séance) ne s'était plûngé qu'une seu'le fois
et très rapidment dans le récipient.
« Lesdétail.s anatomiques sont ,tous extrêmement nets. Les
lignes de la main, les si:l,lons de la peau, ont la;jssé une em­
preinte aussi p.arfaite que celle d'organes vivants normaux. »
(Voi,r les photographies qui accompagnent le texte.) (p. 251.)
«Le lecteur peut répéter lui~même l'expérience que nous
avons faite (pour voi[' s'il était possible d'obtenir un gant
de paraUine par moulage et démoulage d'une main vivante):
i:l est possible de sortir la ma,in d"un gant de piar,affine ne
prenant que les do,igts; mai,s à cette condition sine quo. non
que le gant soit assez épais pour être résistant. Quand le
gant est mince, le dégagement est impossible: à la moindre
tentative, le gant se brise eJt éclate en menus f,ragments.»
(p. 253.)
Un grand nombre d'organes maltériaJisés obtenus par
Geley «réaHsent une forme qu'il eût été impossible de sortir
d'un moule d'une seul\e pièce, quel que soit ce moule. »
« N ons avons poUossé p,lus à fond nos investigations. Nous
avons tout d'abord constaté que les siLlons et les lignes (des
mains mouilées) n'ont auoun trai,t commun avec ceux de la
main du médium.»
«Cette constatation faite, il nous a 'Paru intéressant de
soumettre à M. Bayle, le très distingué chef de l'identité ju­
lES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 303

diciaire à la Préfecture de PoHce, qucl'ques-uns de nos mou­


lages, en même temps que ,les empa-eintes des mains du
médium et celles de mes propres mains. »
«Il a faUu éliminer tous ceux de nos moulages qui pré­
sentaient les doigts repdiés, en crochets, etc., c'est-à-dire la
plupart. M,a1lgré ces difficultés, l'examen anthropométrique a
été concluant. Il n'y a aucun rapport entre les empreintes
digitaJles ,du médium et celles des moulages.» (Suit la note
de M. Bayle.) ('PP. 248-9.)
« Nous avons obtenu, à diverses reprises, dans nos séan­
ces, des m011'la.ges de maiTIJS d'enfant. Or, ,iJ n'y avait pas
d'enfant 'pa'rmi nous.» «Certains de nos mouJages ont à 'la
fois lescaradères anatomiques de ma,ins d'adultes et la taHle
de mains d'enfants. D<mc, notre certitude de la réaildté méta­
psychique de nos mOUilages est et reste absolue.» (p. 274.)
Geil.ey a consac'fé 40 pages de son ouvrage au moulage
'de membres matéria!Hsés. La question de l'imitation fraudu­
leu,se des mowlages y est longuemenif discutée. Des expertises,
qui paraissent concluantes, sont jointes au dossier. Bref,
toute cette partie des travaux et des recherches e~périmen­
taJes de l'ancien directeur de 1'1. M. 1. me semble assez con­
vaincante pour mériter qu'on s'y arrête. Si Gedey s'est trompé
q.u'on le prouve. S"~l est possible d'obteniil" des mouilages
semblables à l'aide de moules de collodion ou avec de la
paraffine élastique, qu'on en produise qUell,ques échantiHons !
L'eXJpérience mérüe d'être tentée. Que di&je, nntérêt de la
science l'exige. E'spérons que des recherches ultérieures per­
meM:ront soit d'homologu~, soit d'écarter définitivement les
résultats obtenus par Geley.

Esprits ou idéoplasmes?

D'où viennent les formes que revêt l'ectoplasme? Sont-œ .


les esprits qui couVTent momentanémenif leur corps spiriJuel
de substances na:turel>les, à ,la manière des mo~J'Usques qui
peuvent extraire de l'eau la substance de leur coqu!Ï'l'le, selon
la comparaisOO1 de Lodge? Ou s'agit-id d'images mentales
pTojciées dans l'espace et concrétées au moyen de certaines
304 LE SPIRITISME PHYSIQUE

forces -plastiques dont jouirait not.re esprit? En d'autres


termes, avons-nous à faire à des «matéPia!hsations» d'êtres
spirituel,s, ou sommes-nous en présence de formations idéo­
plastiques dues à l'adion d'une forme encore inconnue, ou
mal connue, du dynamisme psychique?
Ce fut Morrse1li, sauf enreur, qui préconisa le pTemier
l'hypothèse d'un dynamisme organisateur et directeur, con­
ditionné par l'idée, pour échapper aux conclusions des spi­
rites, pour lesquels il ne saura,it être question que d'esprrits
matériahsés.
Nous reviendrons p1us loin sur la valewr phiJlosophique de
la théorie psycho-dynamique ou dynamo-psychique, théorie
qui confirme en tout point le prindpe fondamental de la
philosophie. de Swedenborg. Bornons-nous pour l'instant à
quelques réflexions de moindre importance. A -notre avis,
les deux hypothèses qu'on oppose l'une à l'autre, l'hypo­
thèse spirite, qui -admet la manifestation 'physique des défunts,
et l'hypothèse psycho-dynami1que, qui suppose l'action de
forces téléplastiques obéissant à des idées et à des impulsions
consci'entes ou inconsci:entes, sont à peu de chose près d'une
égale vraisemblance. BUes peuvent toutes deux se soutenir
à la lumière des écrits de Swedenborg. Di'80ns même qu'eUes
pourraient fort bien être appelées à se compléter, car rien
ne s'oppose à ce que l'on considère l'intervention des esprits
comme un cas p'artimlier de l'activiJté ,psycho-dynamique.
Malgré cela, nou-s sommes obHgés de constater ,que Ja preuve
scientifique de l'exi'stence des esprirts, et rpar conséquent aussi
de la vie après la mort, fuit <ievant noUiS, au moment où nous
croyons la saisir. L'hypothèse des esprits n'est jamais la seule
en présence, 'Pour rendre compte des faits même les p~us
incroyables en app.arence. Or, tant qu'elle aara des rivales,
elle res,tera ce qu'elle est: ane théorie, une sUippositi-on, une
hypothèse, à peine une probabi,Hté.
C'est p,récisément en sa quailité de rival du spiifitisme que
nous salluons le 'Psycho-dynamisme -de MOf'seIH, ca'r il a le
grand mérite de rendre la théorie spkite,sinon inutile, du
moins non indispensable. Il rend ainsi un service si·gna,lé à
la religion. Ilperrmet, en effet, à quiconque le désire, de nier
LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 305

l'existence des esprits et de reléguer ,la croyanœ à la vie


future parmi les supel"stitions. A ,la vérité, la religion n'a que
faire d'une preuve expérimentale de la survie. Ce qu'eUe
demande, c'est une foi librement oonsentie et raisonnée en
la vie éterneHe. Or, la foi doit jaùUir du tréfonds de ,pâme
humaine. EHe ne ,saurait provenir des impressions superfi­
ciel:les produites sur 'les sens et l'imagination par des phéno­
mènes sortant de l'ordinaire.
Voici comment le prof. Th. Flournoy décrit Slucdnctement
la théorie psycho-dynamique de MorseUi :
« ... le médium aurait la faoulté d'émettre hors de Iui une force'
susceptible de revêttr les formes de son imagination; qu'on y joigne
['action de la transmission mentale, par laquelle il subit et iI"eflète
au-dedans de lui les pensées des assistants, ,et l'on conçoit que
celles-ci puissent, par cet intermédiaire, façonner et modeler à leur
image sa force plastique extériorisée, de manière à donner naissance
à des «téléplasmes» ou matérialisations, dont la substance se
trouve ainsi provenir du médium, et la forme extérieure des specta­
teurs ".
«En deux mots, télépathie et téléplastie. Le propr'e du médium à
effets physiques, et particulièrement à matériaJlisations, c',est ce pou­
y{li'r exceptionnel de donner une réalité objective momentanée aux
créations de son imagination, lesquelles à leur tour, peuvent n'être'
que la cop,ie de ce que se représentent intérieurement les personnes
de l'entowrage» 1).

La .théorie psycho-dynamique, imaginée par MorselIi pour


expliquer la formation des télép,lasmes ou ,des formes orga­
nisées transitoires qui appara'issent à une distance ,plus ou
moins grande du médium, suppose, comme oon nom l'indique,
l'ex~stem.'e de forces psychiques capables de façonner, de
m()uler, d'organiser œrtaines substances à distance. flam­
marion admet que «;toute pensée agit vi11tuellernent avec plus
ou moins d'intensité, comme un agent dit naturel, comme un
projectile, une pierre, un morceau de métal et peut se 'pro­
jeter au loin »2). Ma~s il faut distinguer entre .les apparitions
matérialisées et celles qui ne ~e sont 'pas.

') Esprits et Médiums, p.. 416.

") Flammarion: La Mort et son Mystère, II, p. 97.

306 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Pour fllammalrion, ces dernières «paraissent être bien sou­


vent des rories depToj-ectioos, de téléphotographies animées,
de cinéIDa!tographies ». (Ibid.) Mais quand i'l s'agit de véri·
tables apparitions matériaHsées, ayant une réalité objective,
on devrait parler, non plus de CÎtflématographies, mais de
cinérnatoplasties ou même de télécinérnatoplasties. Mais ne
nous payons pas de mots et voyons si leS! ouvrages de
Swedenborg nous disent quelque chose de l'existence d'un
pouvoir organisateur de notre esprit capable d'agir au :loin
et de donner naissance soit à des idéographies soit à des
idéoplasties.
Considérons en premier Heu ,les images mentales projetées
à distance. Elles existent en effet et cons.tituent même, suivant
le voyant suédois, l'une des formes les plus usuelles de
l'échange des pensées dans le monde suprasensible :
«Tout langage des es:pritset des anges se fait aussi pa'r des re·
présentatifs. En effet, c'est :pal' d'admirables variations de lumière
et d'ombre Qu'ils présentent les choses Qu'ils pensent, et cela d'une
manière vivante devant la vue interne et en même temps devant la
vue externe de celui avec lequel ils parlent.... Les représentations qui
existent dans ·Ies conversations... sont aussi :p'romptes et aussi instan­
tanées que les idées de la conversation. C'est comme si l'on décrivalt
Quelque chose -en une longue sér,ie et qu'on le présentât en même
temps en image devant les yeux. C(l;r - ce Qui est admirable ­
les choses spirituelles eUes-mêmes, Quelles Qu'elles soient, peuvent
se montrer d'une manière re:pifésentative :par des es:pèces d'images
incompréhensibles POUT l'homme ». A. C. 3342.
«Il y avait auprès de moi certains esprits Qui essayaient de me
communiquer des pensées obscènes. Dans ce but, ils 'rendaient leurs
pensées ViÎs,ibles devant moi. Pareille chose arrive souvent dans
l'autre vie; autr,ement dit, les idées :peuvent y être -rendues visibles.
Il est même possible que les esprits fassent paraître Quelque chose
comme visible dans un autr.e lieu, alors qu'il ne s'agit en réalité
Que d'une «fantaisie ». C'est ainsi Qu'un certain esprit du sexe fémi­
nin fit apparaître devant moi l'idée d'un enfant; mais il me fut
accordé de pel!'cevoir Qu'il ne s'agissait Que d'un mirage, provoqué
par l'objectivation d'une pensée de l'imagination.» Diarium 3869.
« Au nombre des facultés éminentes Que l'homme a en lui, Quoiqu'il
ne le sache pas, et qu'il emparte avec lui dans 1'autre vie, Quand il
y passe après avoiT Quitté le corps, est celle de percevoLr ce Que
signifient les représ-entatifs Qui se montrent à la vue dans l'atitre vie;
et aussi celle de pouvoir paT une faculté du menbl (sensu animij
LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 307

exprimer aussi pleinement en un instant ce que, dans le corps, il n'a


pu exprimer en pLusieurs heures, et cela par des idées provenant
de ia lumière du ciel, secondées et rendues comme ailées {Jar des
formes représentatives de la chose sur laquelle il y a conversation,
formes convenables qui sont telles qu'il est impossible de les déca'ire,
Comme l'homme après la mort vient dans ces facultés, il n'a pas
besoin d'être instruit dans l'autre vie Sur ce qui les concerne; on
peut voi'r par là que l'homme est en elles, c'est-à-dire Qu'elles sont
l'Il lui, Quand il vit dans le corps, Quoiqu'il ne le sache pas". A. C.
3226, voh aussi 1643, 1764, 3213, 3337, etc.
Void maintenant une expérience de Swedenborg qui prouve
que les eGprits ne sont pa,s seulement capables de projeter
des «pensées-formes», mais encore d'imprimer à la substance
spirituelle un aspect formel en rapport avec les idées et les
affections de leur mental.
«J'ai ent'endu deux pTésidents d,c la Sociêté Anglicane, Sioane et
Folk1es, dans le monde spirituel, parler entre eux sur l'existence des
semences et des œufs, et sur les productions qui en Tésu1ltent sur les
terres. Le pr,emi'er les attribuait à la natuT,e, et disait que par la
oréation il a,vait été mis en elle la puissance et ia force de produire
de teHes choses a,u moy,en de la chaleur du soleil. Le second d,isait
que cette forc,e venait continuellement du Dieu Créateur dans la
natupe. POI1'r, que cette contestation fut vidée, un b~1 oiseau fut vu
par Sloane, et il lui fut dit d'examiner si cet oiseau différait en la
moinc\'re chose d'un sembla!J.le oiseau sur la terre, li le prit dans
sa main. J'examina et dit qu'il n'y avait point de différence. Il savait,
en effet, que cet oiseau n'était autre chose que l'affection d'lin ange,
représentée hors de lui comme oiseau, et qu'il s'évanouirait 011 cesse·
l'ait d'être avec l'affection de cet ange. C'est même ce qui aniva.
Sloane, d'après cette expérience, fut convaincu que la nature ne
contribue absofumenten rien aux productions des végétaux et des
anima,ux, mais seulement ce qui influe du monde spirituel dans le
monde naturel. Il disait que si cet oiseau dans ses plus petites
parties était rempli de matières correspondantes tirées de la terre
(i. e. du monde physique) et ainsi fixé, ce serait un oiseau durable,
comme sont les oiseaux sur la terre. Il ajouta que s'il eût connu
ce Qu'il connaît ma,intenant du monde spi'rituel, il n'aurait attribué
à la nature que ce qui doit servir au sDi1r,ituel, Qui vient de Dieu,
pour fixer les choses Qui influent continuellement da,ns la nature ».
S, A. 344» 1).

') On sait que certains expérimentateurs prétendent avoiT observé


des ma;térialisations d'animaux ou de formes idéoplastlques animales.
Geley a p'ublié la photographie .(j'un superbe oiseau de proie et celle
308 LE SPIRITISME PHYSIQUE

Les matéri,ahsa<îions observées aViec les médiums réalisent


'précisément la supposition de S'1oane au sujet de la fixation
de FidéO'plasme spirituel 'par des substances ,physi'ques. La
citation ci-dessuls ,prouve en tout cas que notre esprit est
doué de fOI1ces télléplastiques, conditionnées par nos affections
et nos pensées. IiI ya plus. Dans le monde ,spirituel, toutes
les choses sont créées instantanément selon l'affection des
esprits, et comme cette affection et les pensées qui en décou­
lent varient sans cesse, «la création y est continue ». (Voir
le « Mémor,able» V. R. C. 78.) Puisque tous les objets exté­
riell:foS dans l'autre vie sont détenminés par l'état psychologi­
que, 'Soit inconscient soit conscient, des esprits, «il n'existe
même rien qui ne soit représentatif et significatif à lIeur vue»
(A. C. 1619). «Les représentatifs dans l'autre vie se présen­
tent selon les états des intérieu<rs chez les esprits, car ce sont
des corrœpondances... ainsi ,le monde spirituel s'y présente
visible ». A. c.' 10194. Il est cependant ceIia,in que,d'une
manière généralle, les paysages sp~ituels sont permanents,
car ,le caractè:re humain ne se modifie pas d'une manière
appréciable d'un instant à l'autre. n ser,ait donc faux d'ima­
giner l'autre monde comme unetmmense fantasmagorie kalé­
idoscopique. Il faut 'sans doute .l'intelwention de la volonté
pour que les :pensées conscientes donnent naissance, dans le
monde suprasensible, à des idéopJa,smes temporaires, c'est-à­
dire à des représentations objectives et di!sœmahles par tous
-les sens, cac, quoique SUtr Ile plan de l'esprit l'obj,ectif soit
conditionné par le subjectif, U est néanmoins nécessaire
d'étahHr entre les deux ttne dilstinction bien tranchée.
Il apparaît olairement, d'après ce qui précède, que l'orga­

d'une sorte de g-rand singe apparus au cours de cerotaines séances


avec le médium Kluski. (Cf. L'Ecto(Jlasmle, etc., planche XLVI, fig.
95 et 96.) Swedenborg nous dit que l'âme désincamée peut, dans
certaines drconstances, se manifester sur terre en revêtant l'appa­
rence de f-ormes animales. (Cf. Adversaria 1456 et De Anlma 5Z3.'
Il va sans dire Que les esprits - Qui ont tous la forme humaine ­
ne sauraient se transformer eux-mêmes en oiseaux, singes, chiens
ou pouTceaux; mais Ils peuvent PToduire des représentations idéo­
plastiq,ues possédant la forme de ces animaux.
LES PHÉNOMÈNES DE MATERIALlSAïlON 309

ni8ation -des téléplasmes, formés aux dépens du médium,


peut être justement aittribué au pou.v:oir Iplastiq:ue de
l'énergie menta1le, mais H n'est paiS .ceria,in pour cette raison
que les habitants du monde ,spirituels soient entièrement
étrangers à la production du phénomène. Nous trouvons en
effet dans le Diarium !le cas d'une femme qui apparut pal­
fois à un célèbre phi,losophe de Il''antiquité. Cette femme,
remarque Swedenborg, était une représentation produite par
les esprits... qui étaient autoU[' de lui et qui s'emp~aient de
lui comme d'un sujet (médium, dirions-nous) de sorte que
la femme n'était pas un esprit mais la représentation d'um
femme ». 3952. «Les esprits 'peuvent présenter très habile­
ment divers visages qu'ils façonnent et par lesquels vIs eJrpri­
ment toutes Ies variations d'une affection, et ced par un
changement continuel de la forme ». Ibid. 528. «Au cours
des visions et desrepréseniations qui ont lieu dans ,le monde
des esprits, rien n'est plus fréquent que l'apparition de per­
sonnages (fictifs) symbolisant certaines choses (ou représen­
tant certaines qualités). J'eas souvent l'occasion de constater
de telles représentations du caractère d'un individu que je
connaissais... L'apparence externe des personnes ainsi repré­
sentées était à ce point réu:ssie, que de prime abord je suppo­
sai qu'elles étaient effectivement présentes. C'est de cette
manière qu'un individu lpeut vok apparaître devant lui des
personnages connus de ,lui ('personnages 'féels ou fictifs).
(Quant a'1lxpersonnages fictifs ou symboliques), ils sont aussi
divers que Iles choses qu'·ils représentent.» Diarium 1636.
Le contenu psychologique des matérialisations, comme ce­
lui des communications spirites, 'semble bien prouver toutefois
que nous sommes surtout en 'présence d'élaborations sub­
conscientes du médium ou des expérimentateul"S. flournoy,
qui s'est .tivré à une étudeodtique de ,l'élément psychologique
se rattachant à plusieurs matériaHsations célèbifes, s'exprime
à ce sujet en ces termes :

«En somme, lorsqu'on analyse au point de vue pu.rement psycho­


logique les tr.ois cas de matêrialisation les plus célèbres et qui
présentent les meilleures apparences de garantie scienti.fique, ils
parlent moins en faveur d'une intervention réelle des dêsincarnés
310 LE SPIRITISME PHYSIQUE

que de l'action de processus spiritogènes, de formations hypnoïdes


ou de sous-personnalités faisant PaJrtie du médium ,lui-même. Le
phénomène objectif de la mat6rialisation, suppOsé réel, dépasse, (f
est vrai, t{)utes nos notions physiologiq'ues 'reçues, et nous oblige­
rait à des hypothès'cs entièrement nouvelles; mais ici encore, si
l'on veut rester fidèle aux p-rincipes de la vraie méthode expé.ri­
mentalle, on {].cVlfa cmnrnenœr par ne ,recourir, pOur l'explication
forcément obsoure de faits aussi extraordinaires, qu'à des forces
ou des facultés (encore inconnues) d'être empiriquement données et
observables, comme le médium et les assistants, plutôt qu'à celles
(non moins inconnues) d'agents purement hypothétiques et insai­
sissables, tels que les désincarnés ».1)
H est à remarquer d'ailleurs que '1'ex,pl.Ï'cation qui voit dans
les télép>lasmes :le résultat d'élaborations subconscientes du
médium ou de son entourage, doit presque inévitablement
rester vraie même dans ,le oas où il s'agirai~ de matérialisa­
tions d'esprits; car, ainsi que nous l'avons déjà appris .par
les citations du Diarium de Swedenborg, les esprits peu­
vent revêtir, même dans le monde spirituel, l'apparence
externe, le geste, Ile langage, la physM>nomie, ek., des per­
sonnages sans nombre, réels ou fictifs, dont nous gardons
le souvenir dans notre mémoire intérieure. En effet, quand les
esprits entrent en rapport avec l'homme, ills perdent momen­
tanément presque 'toute notion de lIeur 'personnaIHé, étant
donné qu'en pénétrant dans ,la mémoire de l'homme, Hs se
figurent qu'H,s sont, soi{ (et homme, soit les individus que
cet homme a oonnus. Dans ces conditions, ils ne peuvent
fai're autrement q1\le d'en jouer le rôle, consciemment ou
inçonsciemment. Il nous semble donc que c'est se tromper
lourdemoot que d'attribuer une valeur documentaire quelcon­
que aux «'photographies transcendantes» qui sont supposées
nous révéler la physionomie d'outre..fombe de nos connais­
sances défuntes, car en admettant même qu'eUes ne soient
pas h"uquées et qu'dIes soient dues à [l'action d'un esprit,
rien ne 'sa'UTa'Ï,t nous .prouver qu'il s'agisse réellement de
l'individu dont nous oroyons reconnaître si bien les traits
familieJ:1s. Swedenborg nous dit en effet qu'il existe des «re­
présentations iHusoires ». Quand elles se produisent, «,les

1) Flournoy : ESf). et MM., p. 491.


LES PHÉNOMÈNES DE MATÉRIALISATION 31 t

~prits s'ünaginent qu'ils ont affaire à un personnage réel,


alors qu'en réalité H ne s'agit que d'une fantasmagorie,
fantasmagorie que les témoins ,prennent 'pouT une réalité
quand ils ne sont pas au courant de la vérité. Mais quand
le Seigneur le leur acrorde, ~ls se rendent cOIO'pte qu'ils n'ont
afiailfe qu'à un fantasme issu de l'imagination des esprits,
fanta·sme qui revêt l',apparence du personnage en question.
En effet, ce dernier n'est nUillement présent ; il ne s'agit que
d'une reproduction imaginaire de celui-ci.» Diarium 3797.
Cvtons encore le 'passage suivant du même ouvrage, qui
montre à qUe!1 !point Swedenborg était sur ses gardes quand
il s'agissaitd'établi!r l'identité d'un esprit:
«Afin que ceci me fût démontré d'une manière vivante, un esprit
s'approcha de moi, auquel toutes tes suggestions pouvaient être
imposées, car de tels espr-its existent en Quantité. En effet; ils ne
savent pas autre chose, sinon qu'ils sont la personne dont ils adoptent
la pensée. Ils fJeuvent ainsi représenter d'autres personnes d'une
manière fJresque vivante. Toutefois, afin qu'aucun de ceux auxquels
de tels esprHs s'adiressent, ne soit induit en erreur, il faut Qu'on
sache, une Jais pOtlr t()utes, Que de pareils ,phénomènes sont cOllJfants
et très connus dans la sphère des esprits. L'esprit en question fut
examiné .de plusioW'rs manières, afin Qu'on .pût reconnaître de la­
Quelle parmi l'es personnes Que je connaissais de plus près dans
la vie tenrestre il pouvait être ques,tion. Finalement ce fut un certain
individu, dont je ne saurais dire s'il est déjà mort; en tout cas il
\'ivait encore il y a six mois. On pensait Que ce fut lui, ca~ cet
esp:rït pouvait revêtLr ta ,personnalité <ie cet homme d'une manière
très exacte... Les esprits ont la connaissance de l'intérieur (i. e. de
la mémoire intérieur-e); pour cette raison, cette personne fut repré­
sentée d'une manière si vivante, qu'on aurait dit qu'el1e était même
présente. Les esprits (qui avaient assisté à la scène) sont d'a1l1ewrs
encore persuadés qu'il s'agit bien du dit ,indivi<iu... Quant à moi je
m'en tiens à :l'explication s'uivante, savo~r Qu'il est possible que
ce soit lui. mais Que je ne saurais néanmoins m'en convaincre, étant
donné la possibilité de fJareilles formations imaginaires ». Diarlum
890.
Nous avons cité œpassage remaI"quable pa,rœ qu'il arfive
parfois qu'on observe avec les médiums, des matérialisations
de personnes encore vivantes. L'expérienœ de Swedenborg
rapportée ci-dessus nous montre que, s'ill est injuste d'allé­
guer les cas ,de matérialisation de personnages vivants pour
réfuter d'une manière décisive l'hypothèse des désincarnés,
312 LE SPIRnlSME PHYSIQUE

il est tout aussi téméraire de vouloir tirer des phénomènes


de matériaHsation des arguments probal11!ts en faveur de la
présence rédIe des esprits qui paraissent se manifester.
Quant à nous, nous adopterons l'atütude réservée et vraiment
scientifique de Swedenborg, la seule Iégitime, en nous gardant
de trancher une question que des difficultés presque insur­
montables soustl'aient à toute enquête efficace.
Considérons encore brièvement >l'intéressant problème sou­
levé par les matérialisations incomplètes:
"Le docteur de Schrenck-Notzing, en prenant des photographies
stéréoscopiques simultanément de face, de profil et de dos, a vu
que, généralement, les premières sont seules à révéler une matéria­
lisation complète; la région dorsale restant à l'état d'amas de
substance. - J'ai fait personneHement la même remarque. - Le
relief manque fréquemment et les formes sont plates... Les dimen­
sions, dans le cas de formations incomplètes, sont quelquefois plus
petites que nature. Ce sont parfois de véritables miniatures» 1).
Voilàquisernbile mettre la théorie spirite mail en point!
Eh bien non, pas nécessairement! Il est olair que ceux qui
voient, dans les télépla<smes, des souvenirs ou des images
mentalles matériallisées dans Il'espace, pourront expliquer la
stmoiure lacunaire ou partiel·le des fantômes, en alléguant
par exemple la quasi-impossibilité dans laquelle se trouve
notre esprit, d'imaginer ou de se représenter un être simulta­
nément sous toutes ses faces. C'est là un argument que nous
suggérons et qui nous semble logique. Cependant les faits
n'excluent pas l'hypothè<Se d'une intervention de l'Au-delà.
En effet, Swedenborg nous dit que la «sphère» ou l' «aUJ:a»
e:sy_c!!}que quL éE.J:aI1~ ducol'ps spirituel des esprits ~~es
hommes, est d'une intensité très variable, selon les diverses
l"êgions organiques. C'est là un fait d'une importance pri­
mordialle, car, comme nous l'avons déjà laissé entendre,
'l'ectoplasme se condense autour des zones d'« efflux» ou
d'extravasion d'énergie psychique, à peu près comme la li­
maille se dispose autour d'un aimant suivant ,les <lignes de
force de sonchamp magnétique. Selon Swedenborg, la
sphère humaine s'extériorise avec plus d'intensité par devant

1) Geley, De l'Inconscient, etc., p. 63.


LES PHÉNOMÈNES DE MAlÉRIALISATIOi"ï 3i3

que pail" derrière; elle émane surtout des mains et: de la face.
Ce fait suffit à eX'P'Hquer, me semble-t-il, pourquoi ce sont
surtout les mains et, ensuite, le visage qui se matériatlisent si
facilement. Pour ce qui est des formes plates ou réduites à
une petite échelle, nous ne croyons pas non plus qu'eUes
conrtredisent nécessairement la théorie spirite. En effet, le
spirituel, projeté sur ,le pIan matériel, pourrait éventuellement
perdre une oUplhl:sieurs de ses dimensions, à la manière d'un
COTpS projeté géométriquement sur un plan ou une surface.
Swedenborg nous dit d'aillleurs que tout ce qui existe dans
le monde matériel existe également dans le monde spirituel,
«avec cette différenœ que c'est dans une effigie plus petite ».
S. A. 52. Ces paiwles ne doivent évidemment s'entendre que
dans un sens rr-elatif. Au point de vue absolu, la notion de
grandeur est dépourvue de toute espèce de signification.
Swedenborg mentionne aussi «une représentation dans la­
queHe (certains esplrits) étaient en quelque sorte dépouillés
de leur cnrps. Ce qu'i,l en restait était réduit à des propor­
tions insignifiantes. Ceci fut représenté par une figure hu­
maine en miniature. » Diarium 1764.
Encore une foi's, il ne faut pas exolure a priori l'hypothèse
qui suppose l'action des esprits dans les phénomènes dits de
matérialisation'). il n'y a rien non plus, 'pour autant que nous
1) Swedenborg sembie admettre que les esprits peuvent se maté­
rialiser, à en ilu.ger par certains passag·es de ses Adversaria; "Les
esprits, nous dit-il, en parlant des apparitions bIbLiques, ne diffèrent
pas des hommes (sauf qu'ils ne possèdent 'p·as de corps charnel),
car ils ne <revêtent que la .forme humaine (non aliam formam quam
humanam) quand il leuif est donné de se rendre visibles sur le
plan de la nature... Les tissus arganiques quI composent la chair,
les muscles, etc., sont produits en un moment quand oela plaît au
Seigneur, car dans l'air et dans l'éther il y a une quantité de pa.rti­
cules qui peuv,ent servir à composer un tissu ultérieUlJ"; il y a là
en permanence des principes matériels quoi rendent toute composition
possible.» Adversaria, l, 1457;. VOiT aussi De Anima 523. Swedenborg
ne spécifie pas de quels particules il s'agÎ't. A mon avis, il ne peut
guère s'agLr que d'effluves psychiques et physiques émanant d'êtres
humains ou d'animaux,. Aioutons que, dans ses derniers ouvrages,
Swedenborg nie le caractère matériel des apparitions rappo'rtées
dans la Bible et les attribue, au contraire, à l'" ouverture des sens
spirituels» de ceux qlÙ en ont été les témoins.
314 LE SPIRIllSME PHYSIQUE

pouvons en juger d'après nos rlectures, ,qui nous permette de


rejeter œtte hypothèse a posteriori. P'l"obablement que ·le pour
et le contre se feront équilibre enrore longtemps.

Considérations philosophiques
N OU6 avons exposé la théorie ,psychodynamique pour
montrer qu'H est possible d'ex'pHqruer ,les phénomènes de
matérialisation autrement que par l'intervention des désincar­
nés. Au point de vue humain, il n'est, en effet, .pas indiffé·
rent de savoir si nous avons affaire à des esprits matéria­
lisés ou à des ,créations idéoplastiques de notre espTit. Mais
au point de vue purement philosophique, il n'existe aucune
inc<mlpatibilité entre l'interprétation Jpsychodynamique et l'ex­
plication spirite des phénomènes métapsychiques. Au con­
traire, on pourrait presque dire que, loin de s'exclure, elles
s'impliquent mUltuel1ement. En effet, le 'Psychodynamisme ad­
met que notre esprit exerce un pouvoiT morphogénique sur
la matière; de là à admettre que notre corps n'est Ilui.,même
qu'une représentation idéoplasiique de notre âme, i:l n'y a
qu'un pas. Or, si l'esprit orée ,le co11ps à son image, il est
forcément antérieur au corps au point de vue causall, et s'il
est antérieur aucOPps, il en est également indépendant, dans
te sens que la disparition éventuelle de celui-ci ne saurait
entraîner sa propre d~sparition. Autrement dit, l'esprit est
non seulement une «forme intormante », mais aussi une
«forme subsistante ».
Le psyochodynamisme nous fournit donc un excel:lent argu­
ment en f,aveur de ,la survivance de l'âme, c'est-à-dire de
l'exi&tence des esprits. Swedenborg ne ,s'est d'aiLleurs pas
fait faute de Il'employer, comme nollJS l'avons déjà vu. Le
philosophe Henri Bergson ra~sonne d'une manière analogue
œns Matîère et Mémoire '), liv're remarquable où l'auteur

') Henri Bergson: Matière et Mémoire, 26" édition. BibliothèQue


de Philosophie contemporaine, Paris, Aican. Voir aussi L'Energie
Spirituelle et Les deux sources de la Morale et de la Religion,
r édition, J)p. 338-342.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 315

s'efforce de prouver que ,la mémoire réside non pas dans la


matière du cerveau, mais dans l'esprit, 'Ce qui nous permet
d'admettre qu'elle .peut subsister même après la désagréga­
tion de l'écorce cérébra!le, ~onolusion logique qui implique la
survivance de l'âme humaine.
D'autre 'part, s'il est avéré que notre esprit possède effecti­
vement un pouvoir idéoplastique, .pourquoi refuser œpouvoir
aux âmes désincarnées? Si donc les esprits ont une part
quelronque dans la produdion des matérialisatioI15, œ ne peut
être qu'en vertu des facu!Hés ou des qualités inhérentes à
.leur nature ou à ,leur être, facultés qui doivent être intrinsè­
quement les mêmes que œ1les de 'l'esprit encore incarné.
L'importance philosophique des phénomènes de matériali­
sation est donc ,la même, qu'il s'agisse de ,l'action des esprits
ou de faotion de notre esprit. Le fait est que nous nous trou­
vons en face d'un facteur déterminant Mn matériel, d'un
élément formel ou spirituel qui s'impose à la matière. Le
reste est somme toute socondake.
Mais avant d'examiner les conséquences ,philosophiques
du principe psychodynamique, arrêtons-nous un instant aux
conclusions que ,le Dr Oeley croH pouvoi'r tirer de ses obser­
vations métapsychiques :
«Plus de doute, d,i't-i!, plus de discussion possible; les faits prou­
vent que les molécules constitutives du complexus organique n'ont
pas de spécificité absolue; que leur spécificité relative vient uni­
quement du moule dynamique ou idéa'l qu,i les condItionne, qui en
fait de .la substance viscérale, musculake, nerveuse, etc., et leur
attri~ue une forme, une situation et une fonction définies.
» Tout se passe en un mot, dans la physiologie normale ou supra­
normale, comme si le comp'I.exus organique était édifié, arganisé,
dirigé et maintenu pa'r un dynamisme supérieur. C'est I.à le deuxième
terme du problème hio.loglque.
• Il est un troisième terme, et c'est le plus important: le dyna­
misme directeur obéit lui-même à une idée directrice. Cette idée
directrice se retrouve dans toutes les créations biologiques, soit
qu'il s'agisse de la constitution norma,le d'un organisme, soit qu'il
s'agisse d'une matérialisation anO'rmale, pI.us ou moins complexe.
El1e révèle un but bien défini.... Cela est tel1ement évident que le
mot Juste a été trouvé. d'instinct pour ainsi dire, pour s'appliquer
aux phénomènes de matérialisation; c'est le mot « idéoplastie» au­
316 LE SPIRITISME PHYSIQUE

quel on a joint le mot de télêplastie impli4uant le phénomène en


dehors même de l'organisme décentralisé ou dématérialisé.
»Que veut dire ce mot «idéoplastie» ? Il veut dire modelage par
l'idée de ,la matière vivante. La notion de \'.jdéoplastie imposée paa­
les fa.its est capitale; l'idée n'est plus une dépendance, un produit
de la matière. C'est au contraire l'idée qui modèle la matière, lui
procure sa forme et ses attributs.
»En d'autres termes, .la ma,tière, la substance unique, se résoud,
en dernière analyse, dans un dynamisme su.périeur, qui la condi­
tionne et ce dynamisme est lui-même sous la dépendance de l'Idée.
»Or, cela, c'est le renversement total de la physiologie matéria­
liste. Comme le dit Flammarion dans son Liv're admiralJ'le Les Forces
Naturelles Inconnues, ces manifestations «confirment ce que nous
savons d'autre pa.rt: que l'expllication purement mécanique de la
nature est insuffisante; et qu'il y a dans l'univers autre chose que
la prétendue matière qui régit le monde: c'est un élément dynami­
que et psychique ». Oui, les matérialisations idéoplastiques démon­
trent que l'être vivant ne saurait plus être considéré comme un
simple complexus cellulaire. L'être vivant nous apparaît, avant tout,
comme llll dynamo-psychisme et le comp\exus cellulai.re Qui constitue
son corps n'appa'raît plus que comme un produit idéoplastiQue de
ce dynamo-psychisme. Ainsi les formations matérialisées dans le~
séances médiumniques relèvent du même processus biologIque que
la génération. Elles sont ni plus ni moins miraculeuses, ni plus ni
moins supranorm,l'les; où, si l'on veut, elles le sont également:
c'est le même miracle ·idéoplastiqu.e qui forme, aux dépens du corps
maternel, les mains, le v-Ïsage, les viscères, tous les tissus, l'orga­
nisme entier du fœtus ou, aux dépens du corps du médium, les
mains, ,le visage ou l'organisme entier d'·une matéirialisation» ').
« On .le voit, le mystère qui régnait sur toute la physiologie nous
apparaît quelque peu éclakci. La triple notion, déduite naturellement
et logiquement des faits: celle de l'unité de substance, du dynamisme
organisateur et du conditionnement de ce dynamisme par l'idée nous
ont fait faÏire un pas décisif dans la marche vers la vérité» ').

') Swedenborg ne nous dit pas aubr.e chose: «Si l'âme (désin­
carnée) pouvait descendre su·r terre, elle revêtiuit immédiatement
la forme humaine, voire même n'.importe Quelle forme animale si
les circonstances l'exigeaient, car il suffirait qu'elle 'le veul1le... Il
ne s'agirait pas là d'un miracle, car lin tel phénomène ne serait pas
plus contre nature que l'élaboration de la forme humaine à l'aide
d'un œuf, ou la p.roduction de taches (idéoplastlques) sm la peau
de l'enfant (à la suite d'une émotion de la mère).» De Animll 523.
Voir aussi Adversaria 1456.
2) D' Gustave Geley: De l'Inconscient, etc., pp. 65, 69, 75.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 317

Ces théories nQU's les connaissons déjà. Ce sont, à peu de


chose près, celiles de Swedenborg. Sur un 'point, toutefois,
la pensée de Oeley ne me paraît pas très daire. Quelle est
œtte «substance unique» qui est censée réad,i'ser ce que l'auteur
apelle 1'« unité biologique»? «Tout se passe, en biologie,
nous dit Oeley, comme si l'être physique était essentiellement
constitué par urne substance primordiale unique dont les for-
mations organiques ne sont que de 'simples représentations ».
Que :'lignifie cette 'phrase? L'auteur veut~H ditre que l'âme
et le COI1pS ne sont que deux aspects d'une 'seule substance,
simple, primordiale et apparemment éternelle? Une forme
(organique ou non) ne peut être que la représentation d'une
idée, et non pas la représentation d'une substance. La ma-
tière ne saurait être à la fois pa'ssive et active, forme informée
et fOI1me intormante, à moins d'admettre, avec ,les ,partisans
de l'idéalisme ahsolu, que la matière elJ1e-même n'est qu'une
représentation ide l'Esprit, une pUT'e idée. Dans ce cas, pour-
quoi pallIer de substance pl"imordiaile, d'unité de substance,
de matière unique? Ces eX'pressions n'ont plus aucun sens!
Peut-être Geley a-t-i:! vou!lu ,parler de laprotomatière qui
échappe à toute analyse chimique parce qu'eUe précède dans
le temps et dans ol'espace les éléments que nous prenons pour
des COTlpS simples. «Mai,s la substance unique, nous dit Ca-
mUle Flammarion, est immatérielle et inconnaissable dans
son essence; nou's n'en connaissons que les condensations,
les agrégations, les arrangements, c'est-à-dire les formes
produites par le mouvement: matière, force, .vie, pensée ne
sont qu'un» 1). Disons tout de suite que Swedenborg n'eût
jamais souscrit à la dernière 'partie de cette phrase, du moins
pas sous cette forme. Matière, f()t1ce, vie, pensée ne sont pas
11n (un quoi ?), mais procèdent de l'UN. Admettons qu'on
puisse les considérer comme des modalités de l'être ou de
la réalité, il ne s'ensuit pas que ces modalités soient identi-
ques et interchangeables; au contraire, elles restent distinctes

') C. F'Iammarion : Les Forces Naturelles Inconnues, pp. 571-2.


318 LE SPIRITISME PHYSIQUE

et ne se laissent réduire à l'unité que si l'on remonte à leur


principe commun, à leur cause première 1).
Quoi qu'il en sott, lIa thèse de Geley sur l'unité de subs­
tance prête à équivoque. Si, au lieu de nous dke qu'en bio­
logie tout se passe «comme si l'être ,physique était essen­
tiellement constitué par une substance :primordia1le unique »,
il avait dit «comme si l'être physique était conditionné par
une substance primordiale unique », sa pensée serait plus
daire. Dans ce cas~ Geley serait plus ou moins d'accord avec
Swedenborg qui admettait, lui aussi, l'existence d'une subs­
tance primordiale, éminemment simple et homogène, condi­
tionnée par les représentations de l'âme, et conditionnant, à
son tour, l'aspect formel ou morrpho1logique du COI1pS 2). Mal­
heureusement, ce n'est sans doute pas ce que Geley a voulu
dire. J'aï l'impression que sa théorie repose exclusivement
sur le comportement supposé de ,l'ectoplasme! «La matière,
la substance unique» à laqueHe 'pense Geley, c'est évidem­
ment l'ectopla.sme, ni plus ni moins! Avouons que voilà une
base biôn fragile pour bâtir tout un nouveau système biolo­
gique, voir même phnlosÜlphique. Oeley a beau dire que «la
phiIo'So'phie ex'posée dans De ['inconscient au Conscient ne
repose pas sur les faits métapsychiques; que ces faits con­
firment sa .philosophie, lui apportent un appui, à son avis
dédsif ; qu'ils ne la conditionnent nullement; que s'jlls étaient
faux ou inexistants, sa phi'losophie pourrait subsister entière­
ment en tant que métaphysique et même en tant que système
scientifique» 1), ii me paraît néanmoins incontestable que
seules les propriétés de l'ectopl,asme, telles que Geley a cru
les observer, ont pu lui suggérer sa conception si partimlière
de l'unité de substance. En effet, nous n'avons pas affaire
ici à une conteption métaphysique a priori, mais plutôt à

1) Voir, au début de ce chapitre, nobre exposé de la doctrine des


degrés discrets. Relire également les pp. Z30 à Z37 consacrées aux
théories pluralistes, monistes et panthéistes.
2) Voir plus haut Le Limbe considéré comme agent morphogéniqlle,
Pp. 194 et suivantes.
') L'EctoTJ/asmie, etc., p. 111.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 319

l'affirmation d'un fait, incompréhensible en soi, malS Imposé


par J'observation empirique. Si Ocley ne peut pas nous dire
en quoi consiste cette matière unique, c'est qu'il ignore la
nature exacte de l'eotoplasme, qu'~l n'est même 'pas capable
de nous dire si cette «substance primordiale» se compose
des coops simpiles que nous conaissons, carbone, oxygène,
azote, phosphore, etc. Or, s'il n'est pas fixé sur ce point,
comment peut-ill pal"ler d'une matière unique?
Que signifie d'afl:leurs cet adjectif quaHficatif: unique?
L'unité ne peut s'opposer qu'à la muIH})Ilidté, à ,la complexité
ou à la différenciation. Oeley a-t-tldonc voulu dire que la
substance primordiale de l'organisme ne comporte aucune
mulüplicité d'éléments, qu'eHe n'est, par conséquent, ni corn·
plexe, ni différenciée? - D'où provient alors la spécificité
des nombreux COl'pS chimiques qui oomposent notre être phy­
sique ? Cette spécificité résulte-t-eNe d'un processus de diffé·
renciation qui s'opère au sein de la «matière unique}} sous
l'inf,luence du 'pouvoir idéoplashque de l'e&pfÎlt ? Si tel est le
cas, quels peuvent bien être l'utilité et le rôle de la nutrition
qui permet à l'organisme d'assimi'ler les différents corps chi­
miques dont il ne sau,rait se passer? - Si, d'autre part, notre
auteur n'entend pas opposer l'unité de la «matière unique» à
la mulHplicité de ses éléments constitutifs, mais uniquement à
la spécifioité des formes organiques qu'elle revêt dans les
êtres vivants, alors sa terminoIogie est défectueuse, et les
expressions «matière primordia'le unique» et «unité de subs­
tance >} n'ont plus aucun sens. Tout le monde sait, en effet,
que les éléments chimiques qui composent notre corps ne
possèdent aucune spécificité formelle, autrement dit qu'ils
peuvent servir à former -les organes ou les organismes les
plus divers. Mais cette neutrallité de ,la matière .par rapport
aux formes qu'elle est su,sceptible de revêtir' n'implique pas
son «unité >}. Simple ou muJtiple, la matière est passive par
rapport aux forces qui la qualifient au point de vue formel.
J'aime mieux la conception <le Swedenborg. Lui aussi nous
pade d'une protomatière organique, d'une substance éminem­
ment simple et homogène, soumise au pouvoir idéoplaSitique
de l'âme; mais cette substance est immatérielle et impondé­
320 LE SPIRITISME PHYSIQUE

rable et ne comprend pas la matière chimique de notre corps


visible. EUe est essentieLlement sépaŒ:able des structures ato­
miques qui composent ,la partie pondérable et éminemment
hétérogène de notre être physique. Galey, par contre, néglige
cette distinction essentielile, paflce que sa conception de l',ecto­
plasme lui permet d'admettre que les tissus organiques
peuvent se dématériaJliser et se rematérialiser sous forme de
substance amoliphe et non différenoiée. Oeley a tout simple­
ment pris cette dernière forme substantielle (dont H faudrait
d'abord établir l'existence et déterminer l'origine et la nature
réeLles) pour la forme primaire (parce que plus simple) de
la matière organique. Or, je me demande s'i,l est légitime
d'établir toute Ulne phi,losophie sur une intel1prétation aussi
simpHsted'un phénomène qui ne peut être qu'extrêmem.ent
complexe. De toute manière, ,la oonception de l'unité de subs­
tance, teUe que nous ila trouvons dans l'essai de Geley, ne
projette aucune o1arté nouveHe 'SUIr le 'problème biologique
et morphologique. EUe ne fait qu'embrou~Ller une question
déjà suffisamment compliquée, en y ajoutant toute une série
de difficultés ,su'Pplémenta,ilfes et parfaitement inutiles.
Mais les théori,es du D' Oeley ont, ma1gré tout, ,le mérite
de démontrer que ,la constatation empirique de l'existence
d'un ,pouvoir idéopl,astique de t'œp[:it do.it nécessairement
amener des changements 'profonds, 'pour ne pas dire révo­
lutionnaires, dans les conceptions c1a,ssiques de ,la physiologie
et de la bio!logie.
Je n"ignore nuMement les objeot'ions qu'on peut faire à la
théorie de Ia mOflphogénèse idéopla.stique au nom des phéno­
mènes et des ·lois de ;1' hérédité. Les expériences de Morgan
sur les mutations de la mouche à vinaigre ont démontré le
rôle capital des chromosomes dans la transmission des ca­
ractères héréditaires. Toutes les pa'rticullarttés morphologiques
ou autres de notre organisme sont indépendantes les unes des
autres parce que chacune d'eUe est liée à un chromosome
particulier. Or, l'indépendance des chromosomes explique
l'indépendance des factews héréditaires.
«La cellule sexuelle contient un certain stock de chromosomes,
CONSI DÉRATIONS PHI LOSOPHIQUES 321

tous de sorte ddfférente. C'est en eux que se répartit le 'patrimoine


héréditaire, ils sont la base physique de l'hérédité (Morgan).
«L'œuf fécondé résu,ltant de la fusion des deux ceUules sexuelles
contient un double stock chromosomique, constitué par deux cluo­
mosomes de chaque sorte: un p,aternel, un -maternel. Chaque cellule
du corps aura cette même composition chromosomique. Quand se
formeront les ceHules sexuelles, les paÎJres chromosomiques se dis­
joindront, et chaque ceUule recevra, au 'lieu du double stock, un
stock unique, constitué d'un élément de chaque sorte, soit ,le pater­
nel soit le materne1..• Il peut se farmer autant de sorbes d,i.fférentes
de cellules sexuelles qu'il peut se former de combinaisons chromo­
somiques ùifférentes. Le nombre des combina.isons s'élève naturel­
lement avec celui d,es chromosomes (chez .l'homme ces derniers sont
au nombre de 47, chez la femme de 48)>> 1).

Si nos faoteu'l"s héréditaires sont indépendants les uns des


autres et qu'Us proviennent vraiment des chromosomes (dont
celui-ci nous vient de tel ancêtre, celui-Jà de tel autre, appa­
remment au haoooo) , on peut se demander dans quel sens il
est vrai que ,la forme du COl1pS 'provient de l'âme. U y a là
un problème dont l'importanœ ne sa'lJtrai~ échapper à per­
sonne. Je me propose d'enparlerpl,us ,loin à 'Propos de la
théorie sp.irite de la réincamation. Je me 'Pennetsseulement
de faire rema,rquer ici que nulle théorie matérialiste ne sau­
rait expliquer la genèse du complexe par le simple. Or, un
caTactère hérédiJtaire est une chose infiniment 'cOOliplexe; sa
production implique un devenir d'ol1dre éminemment quali­
tatif, puisque le «facteur» matériel qui en est ,le porteur se
compose d'uJO simple grain de ITIatière vivante dépourvu de
toute espèce de ,struciure interne. Au point de vue de leur
constitution 'Physique, tous les chromomères dont se compo­
sent les chromosomes se ressemblent; H,s sont peut-être
mêmes abso1ument identiques au point de vue q:uantitatif. En
tout cas, j,1 n'y a rien en eux qui ressemble ne fût~ce qu'à
l'ébauche des futurs organes qu'ils conditionnent d'une ma­
nière ou d'une autre. H est évidemment très difficile de se
représenter l'inclusion d'un effet complexe et qualitativement
différencié dans une cause matérie1:1e quantita,tivement simple.

1) Jean Rostand, Les Chromosomes, pp. 72-3. P.aris 1928, Hachette.


322 LE SPIRnlSME PHYSIQUE

Une telle indusion est impensable si l'on n'a pas recours


à l'intervention d'un élément pur,ement qUaJlitatif ou spirituel
mystérieusement uni au substrarium matériel qui en est
le porteur. Je pense donc que l'âme, qui est la forme
Dnformante universeUe du corps, oriente ,le développement
organique vers la reproduction fidèle des 0aractères morpho­
logiques héréditaires dontelle trouve la formuile, sinon dans
la struoture matériel,le des chromosomes eux-mêmes, du moins
dans il'éJlément 'spirituel ou qualitatif qu'ils contiennent par
immanence. Notez qu'il ne s'agit, en somme, que de carac­
tères acddentels et pUl'ement individuels. Rien ne nousper­
met donc d'affirmer que Swedenborg s'est trompé quand il
nous dit que lIe corps est une représentation de l'âme. Tout
ce que Fon est en droit de dire, c'est que l'individualité de
l'âme est en partie conditionnée par Ile caractère particulier
qu'elle est obligée de donner à ses représentations organiques,
caractère qui ne dépend pas de son choix, mai's de la pré­
ex'i,stence d'une formule qualitative ,liée aux chromosomes. En
d'autres termes, It'âme 'prend à soo compteIe patrimoine hé­
rédi.taiŒ1e mystérieusement ,contenu dans Fœuf fécondé, d'au­
tant plus qu'elle esteHe~même incluse, à l'état de germe spi­
rituel, dans le plasma germinal. Comme l"âme n'est pas la
vie, maisseUilement un organe de la vie, et que d'autre part
eHe se compose el<le-même d'éléments orgiéllniques distincts,
rien ne s'oppose, en Iprincilpe, à ce qu'on la considère à la
rigueur comme étant eHe~même constituée par la réunion des
caractères qualitatifs, c'est-à-dire par r,ensemble des fadeurs
spirituels ,liés aux chromosomes, du moins en ce qui concerne
les régions subalternes de son être.
Quoi qu'ÏJl en 'soit, nous ,touchons id à toute une série de
problèmes dont la solution exacte nous échappe par su~te de
notre ignorance presque totale des secrets les plus importants
de la vie. 1,1 y a en nous de l'un et du multiple, mais l'unité
de Il'ensemble n"est pas une simple résulifante, un simple
composé, mais, au contraire, un facteur composant. Ceci est
vrai même au point de vue strictemenif biologique et en dehors
de toute considéraifion métaphysique. En effet, «il ne faudrait
pas croire non plus que le facteur (c'est-à-dire 'le ohromosome
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 323

ou le chromomère) à lui tout seul, conditionne le caradère


qui en dépend. C'est avec l-a co1laboration de l'ensemble du
matériel germinal qu'Ï'} produit son effet. Le moindTe carac­
tère procède du 'Patrimoine héréditake envisagé dans sa tota­
lité. Lorsque tel fadeur se présente sous tel état (état pure­
ment qualitatif à mon avis, H. de G.), Pl oriente de telle façon
le développement de tout l"œuf. Comment? Nous il'ignorons:
entre ,le fadeur et 1eCélJfactère, «il y a ,le monde du dévelop­
pement ». Rostand: Op. dt., pp. 41-2. Ceci revient à dire
que ie caractère préXÎ'ste qualitativement dans le fadeur et
que 1e développement est orienté vers une fin déterminée, à
savoir vers la reconstitution d'un caractère donné. Or, seul
l'esprit peut ({ considérer ce qui doit être comme existant
déjà ». Le matérialisme est .incaipable d'e~p}j,quer un déve­
loppement téléologique. L'inrerventionde l'âme reste donc
plus que jamais nécessaire et son pouvoir idéoplastique ne
. saurait être mis en doute.
Or, le «fait idéoplastique» comporte des conséquences
philosophiques considérables, puisqu'iJl porte SlUr le problème
le plus important de 'la métaphysique qu,i est, comme chacun
sait, celui. de la «matière» et de ~a ({ forme ».
En effet, toute 'ph~1osophie comporte explicitement ou im­
pl1dtement unesOllution du ,problème que pose l'association
ou la coexistence de lia matière et de la forme. La pluparl
des philosophes sesonrt demandés s'il existait un rappo-rt
causal, une 'Priorité ontologique, entre l'élément formel ou
qua1itatif et l'élément matériel ou quantitatif. Les penseurs
qui ne se sont 'pas préoccupés de ce ,problème métaphysique,
l'ont fOifcément considéré comme résolu d'avance dans un
sens ou dans ,l'autre, calr tout système d'idées implique né­
cessairement une solution quelconque du problème de la C'au­
salité. Il est donc toujours possible de ranger un philosophe
dafl.S tla catégorie des nominahstes ou dans celtle des réa:lïs1es.
Qu'U s',agisse des discussions des anrciens penseufis grecs
de :l'école éléate SUif l'un et le mUiltipl'e, ou des querelles entre
part.isans de Blaton et d'Antisthène à propos de la préexis­
tence des idées ou de ,la réaUté de l'individuel, qu'il s'agisse
des luttes moyenâgeuses entre réallistes et nominalistes au
324 LE SPIRI1ISME PHYSIQUE

sut;'et du oamctère objectif ou conceptuel des «universaux »,


ou du désac,cord entre finalistes et déterministes modernes,
c'est toujours l'éternel problème de 'la forme et de la matière
qui réapparaît, sous une forme ousou's une autre.
Le réahsme, c'est le qualitativisme, parce qu'H admet la
réalité de 1"« universel », ante multiplicitatem, c'est-à-dire la
préexistence objective de l'élément fOlimel ou quali;icateur.
Or, comme la qualité formeHe d'un objet ou d'un être ne
saurait .préexister qu'à l'état d'« idée », le réalisme fait sien
l'adage virgHien : mens agitat molem, en d'autres termes, j.}
admet qu'un principe spkituel anime .l,e monde.
Le nominalisme, par contre, est quantitativiste. En effet, il
rejette la notion de lia «forme informante ». Pour lui, il n'y
a pas de formes universelles (déterminantes ou quaHfiantes)
qui viennent s'imposer à la matière ,particuHère (déterminable
ou qualifiable) ; il n'y a que des formes individuelles; ce qui
revient à dire que la forme n'est qu'un aocident de la matière.
Le nominalisme explique la spécificité des formes par les
changements quantitatifs qui se produisent au sein de la ma­
tière sous l'action de œu,ses purement oontingentes, que dis-je,
il prétend expliquer l'esprit ,lui-même au moyen des forces
aveugles qui conditionnent le comportement de la matière.
Pierre d'AiHy (1350-1420) enseignait déjà que «l'effet pro­
vient d'une manière purement contingente de laoause seconde,
et que la cause seconde précède son effet d'une manière pu­
rement 'contingente (eftectus pure contingenter sequitur ex
secunda causa, ei secunda causa pure contingenter antecedit
etfeetum suum) ». Quant à Robert Grœseteste (1175-1253),
il croyait. plusieurs siècles avant Descartes, pouvoir expli­
quer tous les phénomènes naiureIs «paT des lignes, des an­
gles et des figures (omnes enim causae etfeetuum naturalium
habent dari per lineas, angalos et fig aras » 1).
Comme on peut Ile voir, t'empirisme nominail.iste coïncide
avec le déterminisme matériali·ste, tandis que J'ontologisme

1) E. Gilson, La Philosophie ail Moyen Age. Paris 1925. Payot,


pp. 280 et 208.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 325

réa·liste constitue l'essence même de la phi·losophie spiritua­


liste. Il est impossible d'être nominaliste et de voir, en même
temps, dans l'ordonnance et l'harmonie de l'univers le reflet
d'une IntelHgence Créatrice!
Je ne saurais ex'poser ici l'histoire de ,la querelile des uni­
versaux. L'aspect qu'el1le a 'revêtu est, la 'pl'Ulpa,pt du temps,
beaucoup trop abstrait 1), J'ai ramené la question au pro­
blème de ila matière et de la forme, pour que le .recteur puisse
s'en faire une idée concrète. Ce n'est d'aiiUeuTS que cet aspect
partioulier de la question qui nous intéresse ici, puisque la
théorie psychodynamique s'occupe :prédsément de la possi­
bilité de l'idéopl,astie et que cette dernière ne représente qu'un
cas particuilier de ,la qoolification de la matière par la forme.
De prime abord, nous pouvons divi,ser les objets en deux
catégories : la première comprend ceux dont la forme change
parce que la matière change,. ,la seconde comprend ceux
dQntla forme ne change pas, bien que leur maNère change,
s'altère ou se remplace continueHement.
La forme des objets de ,la première catégorie peut s'expli­
quer - s'expHquer uniquement - 'par des changements
quantitatifs, c'est-à-dirre par des apports, des soustractions
ou des combinaisons de matériaux. Leur nature est entiè­
rement connue quand on sait l'étendue et -le sens de ces chan­
gements purement quantitatifs et !leul's causes mécaniques
ou physiques. Ceci revient à dire que la causeetficienie ou
instrumentale suffit, à eHe seule, à nous Evrer leur secret.
Ainsi ,le dessin d'une côte, la s~lhouett:e d'une montagne, les
méandres d'un fleuve, l'arêted"uneroche n'ont d'autre cause
que l'action méc,aniqued'agenf.s 'physiq,ues - marée, vent,
pluie, gel, chaleur, etc. Ces causes, toutes contigentes, n'obéis­
sent à aucune idée préconçue, ne réa,Jisent aU~U[l but déter­
miné d'avance, mais agissent aveuglement d'après les lois
immuablesq'l1'i les gouvernent. Avec des objets de cetteso.rte,
j;1 est facile de voir que l'élément quantitatif ou matériel prime,
détermine et explique l'élément qualitatif ou formel. Les for­

1) Voi:r mon article: Les Bases llolliillaUstes du Modernisme, dans


La Nouvelle Jérusalem, tome VI, W' 3-4, 1926.
326 LE SPIRITISME PHYSIQUE

mes que nous rencontrons ici ne jouissent d'aucune perma­


nence. E.Lles n'ont rien de fixe ni d'absolu, eHes ne sont rien
en eLIes-mêmes; si elles existent, c'est uniquement parce que
la matière ne saurai.t exister sans forme. Or, la matière obéit
aveuglement à ses lois, indifférente aux formes qu'elle revêt
et à l'aspect extérieur qu'eLle 'Présente. C'est ,le règne absolu,
tyrannique et aveugle de la quantité. Appliqué à cette sorte
d'objet,s, le vers de Ronsard exprime une vérité incontestable
quand il dit: «la matière demeure et ,la forme se perd».
TeIlle est, en effet,la devise du nomfnaHsme.
Mans il existe -d'autres objets -où les choses se passent tout
autrement. Ce sont ceux que nous avons placés, plus haut,
dans la seconde catégorie, et dont la forme reste essentielle­
ment la même, malgré l'altération, Ile changement ou le re­
nouveLlement continuel des substances dont ils se composent.
D'où vient cette 'Persistanoe ? Pepsistance d'autant plus trou­
blante qu',elle appartient à l'élément formel, à cet élément que
le jleu brutal des forces purement 'physi.ques nous montrait,
tout à l'heure, s'ifraglle, si soumis aux changement.s quan­
titatifs des masses maltéri,eiHes? - Mais il y a mieux : En
vertu de quel mirac:1e certaines matières, chimiquement très dif­
férentes, ou absolument sépail"ées dans le temps et dans Il'es­
paœ, 'Peuvent-eLles 'présenter des ressemblances teUes dans
leurs formes qu'on .peut Ilégi,timement ,les désigner par un
même nom ?
Si ·ces objets se ressemblent, n'est-ce 'Pas parce qu'ils exté­
riorilSent une même réa1lité inteltligH):le ou parce qu'ils réalisent
une même idée, une même fin ?
Quand il s'agit d'objets fabriqués parr l'homme, et non pas
d'êtres vivants, 'Poser la question c'est lia résoudre. En effet,
les ressemblances intrinsèques, visibles dans les objets fabri­
qués, ceHes qui font qu'on 'Peut désigner ces derniers immé­
diatement ,par des noms commulO.s, soot évidemment dues à
l'inteUigeooe de l'homme et non pas au ha'sard. C'est ainsi
que Ile nom d'un objet exprime avant tout sa qualité, et quand
cooe qUailiité est ode natu1re intel:lrigible, le nom qui sert à la
désigner exp'rime nécessairement une réaHté d'ordre inteHec­
tuel Olt spirituel. TeUe est b thèse réCllliste ou ontologique.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 327

Cette dernière est incontestablement vraie quand nous avons


affaire à des objets sortant ·de Ùl main de ·l'homme. L'expé­
rience Je prouve ; car l'influence plastique du génie humain
ne s'exerce qu'à hon ~t; La forme est, en effet, le sceau
qui marque d'une manière indélébHe les matières qui ont subi
le contact modifÎ!Ca1teur de l'bnteiLligenœ humaine.
Mais q:uand ,il s'agit d'objets que nUlI mortel ,n'a façonnés?
faut-il aussi, dans ce cas, attribuer une origine spirituelle ou
intel:lootuelile aux formes stables qU'ÎlI,s r:eYêtent? La morpho­
logied'une plante ou d'un animal ,proy,ient-eLle de forces mor·
pho'géniques idéoplastioques ou est-eHe due à des causes pu­
rement mécaniques ou 'ChWHIues? - Le nominalisme
n'admet que ces dernières. Le réaJlisme, tout en TeConnéiJissant
le rôle instrumental de cel·les-ei, insiste sur l'action prépon­
dérantede œl'les·<1à, c',est-à·dir:e sur l'action plastique d'un
élément spiriJtuel.
Nous avons déjlà iillsisté 'SUlf .le fait que les cor'ps chimiques
qui composent notre organisme, tels que Ile carbone, l"oxygène,
l'azote, le phosphore, etc., n'ont auoune spécifiâté formelle
ou intelligible, c'est-à-dire aucune tendance partkUJlière à réa­
li·ser la forme humaine plutôt ,qu'une autre. Si, donc, ces
éléments se 'présenkmtsous cette fOffile 9pécia'le, c'est que
celle-ci leur a été imposée, à J'exclusion de toutes les autres
formes qu'Hs 'poUTraient Pevêtm-. Alibstote appelait entéléchie
ïe 'pouyoi:r diirecteUJr, organisateur et plastique qui impose
une forme spécifi,qu,e aux éléments am()lflphes dont les êtres
vivants se composent au point de vue quantitatif. Le pwfes­
seur Hans Driesch, un ·des chefs de ,l'école néovitaHste actu­
elle, a 'remis à Il,a mode ce terme ,péri,patétiden. Son livre Die
Philosophie des Organischencontient des choses excellentes
et sera lu avec profit 'Par ceux qui s'tntéressent à l'inteIlJré­
tation tphillosophique des faits biologiques 1).

') Professeur Hans Driesch, La Philosophie de l'Organisme, tra­


duction française, Paris 1921, Bibliothèque de philosophie expéri­
mentale.
Consulter également le rema.rQllable ouv,rage du P1"ofesseur Vial­
leton que nous avons déjà cHé à plusi,eurs ,reprises.
328 LE SPIRITISME PHYSIQUE

6'fef, pour Swedenborg comme pour Platon, pour Aristote


comme pour s. Thomas d'Aquin et tO'U!s les réalistes, l'été­
. ment formel représente 'l'élément spécifique, inteUigible et

causal qui maintient ,te ~lux perpétuel de la matière dans des

assemblages 'particuiHers, assemblages dont .tes caractères

sont fixes et se retrouvent invariablement chez tous les indi­

vidu,s d'une même espèce.


Le nomina!lisme, par contre, nie l'identité fonc.jère des for­
mes ,semblables. II la nie parce que c'est ,le set1Il moyen de
nier :l'action, incontestable ,autrement, de l'esprit. Or, comme
pour ,le nominaliste les formes ne préexiistent pas, l'être même
des objets ne réside plus dans l'ensemble ·de .}euTS qualités,
mais uniquement dans leuif matière, dans leuTsubstratum
quanNtatif. Les changements de qu~liJté qui caractérisent
l'évolution des êtres ne sont, 'POOl[ l'ui, qu'une succession de
changements quantitatifs.. L'être est ce qu'il devient.
C'est ainsi que ,le nominalisme est amené à voir dans le
changement 'l'essence même ·des choses, comme dit Bergson.
A laphHosophie de l'être il 'Substitue celJ1e du devenir, aux
causes formeilles et finales ilPlféfère les causes efficientes ou
instrumentales, c'est-à~dire l'antécédent pm. Ainsi la seule
explication que nous puissions avoir des choses et des êtres
réside dans l'histoire de leur évolution ou de leur devenir.
Le réalitsme admet, lui aussi, que les choses deviennent
et même qu'elles évoluent, mais ce devenir, cette évolution, il
les conçoit comme la réalisation graduelle d'essences préexis­
tantes, comme le passage de l'être à l'exister (de l'être idéal
à l'exi,ster matériel), bref comme les phases sucœssives d'une
involution. Un réaliste peut donc parlaitement être «évolu­
tionniste », mai's à condition de ne voir dans 1'« évolution na­
turelle» que la cont're-partie visible d'une «involution spiri­
tuelle» invisible.
Time is the moving shadow of eternity, a dit avec beau­
coup de justesse je ne sais plus qUlel 'Poète anglalis. Le temps,
qui meSUife le devenir, est, en effet, l'ombre mouvante de
l'éternité, au sein de Jaquel'le bril~lent les êtres-archétypes, les
formes subsistantes, les idées éternel,les en1:lfevues par Platon,
le poète phitlosophe. Cetie ombre s'avance et se précise dans
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 329

la mesure où les choses transitoires deviennent - ne fût-ce


que pour un temps - de plus en plus ce qu'eHes sont, et
ont toujours été, dans la pensée immuable de Dieu.
Chose curieuse, Geley, qui admet le rôle idéoplastique de
l'esprit, et par conséquent l'existence des causes formelles,
ne croit pas,pour cela, à révolution providentieIle, comme il
l'appelile. L'idée directrice, l'être préexistant qui conditionne
le devenir matériel, n'est pour lui qu'un être relatif, un être
qui devient. Voici comment le professeur L. B. de Beaumont,
qui a bien voulu préfacer mon livre, résume l'étrange philo­
sophie de Geley :
«L'Etre c'est le dynamo-psychisme inconscient original. Nous
avons d'abord comme un océan d'inconscience dans lequel peu à
peu émergent des Hots de conscience. Graduellement, la poussée
évolutive continue, s'accroît, jusqu'au moment où se forment de
vastes continents dont le sommet rayonne dans la conscience. Cette
poussée évolutive est anarchique et désordonnée, jusqu'à l'heure où
elle se régularise sous l'influence obscure d'un besoin, au milieu de
bien des tâtonnements et d'erreurs, car l'instinct aveugle n'est pas
infaillible.
«Toutefois, le subconscient apparaît; c'est l'inconscient éclairé
déjà par le ,reflet du conscient réalisé. Dès lors, l'évolution des
es'pèces, même inférieures, se trouve guidée dans une certaine me­
sure par une influence supérieure qui les fait participer au progrès
général réalisé. Ainsi la nature aHive à obéir apparemment à une
sorte de flnaHté; mais c'est une finalité non pas primitive mais
acquise. La création d'une espèce apparaît donc comme une réaHsa­
tion de l'inconscient évoluant vers le conscient.
«Ainsi l'idée «directrice" surgit «des profondeurs d'un incons­
cient mystérieux et impénétrable»; inconsciente elle-même, elle dirige
tout ce que les anciens, admkant la beauté et l'ordre de l'univers,
appelaient le Cosmos. L'inconsdent produit le conscient. J'avoue que
je ne com'PTends pas, car au fond c'est la théorie du poète Lucrèce
que je ne comprends pas non plus." 1).

D'après Swedenborg, ce n'est pas l'Inconscient qui est la


cause première du monde, mais Dieu, la conscience suprême!
L'univers spkituel - qu'on peut appeler, si ron veut, l'«âme

1) L. B. de Beaumont: De l'Inconscient au Conscient, étude cri­


tique du livre du Dr Gve. Geley, Revue de l'Ere Nouvelle, vol. III,
pp. 332-3.
330 LE SPIRITISME PHYSIQUE

du monde» - est intermédiaire entre Dieu et la nature 'phy­


sique. n joue ,le rôle de cause instmmenta1e. Or, une cause
instrumentale n'a 'Pas besoin d'être cOIlSCientedu but pour­
suivi paT la cause .première donrt:eltle dépend. Les formes
informantes qui existent dans le monde spirituel 'Peuvent donc
parfaitement oonditionner 1\1 matière sans· 'posséder elles­
mêmes de nwi ronscioo<t, mais eilles ne saUifaient subsister
indépendamment de l'IntelHgence Créatrice qui ,les a ,conçues.
«Dans 'les cieux, toutes choses existent paif le Seigneur, selon les
états des intérieurs chez les esprits, caJr ce sont des correspondan­
ces... S'il en est atnsi, c'est parce que tous les représentatifs y sont
des externes figurés selon l'état des intérieurs, car ainsi le monde
spirituel S'y présente visible ». A. C. 10194.

En d'arutres termes, les form:es qui apparaissent dans le


.monde 'spirituel dépendent des états de consoience de ceux
qui l'habiten1 à moins qu'eUes ne 'Proyj'ennent directement de
l'Influx Divin.
Dans le monde spÎlrituel, toutes les choses sont créées instanta­
nément selon l'aHection des esprits, et comme ces affections et les
pensées qui en découlent vatrlient sans cesse, «ta création y est
continue ». (Voir V. R. C. 78.)
« (Dans le monde spirituel) la création est instantanée et la durée
(des objets créés intantanément) est tantôt d'un jou,r et tantôt d'un
moment. Ces choses existent... sans les forces supplémentaires et
auxiliaires du monde. C'est à c<ruse de ces dernières forces, que
dans les ter:res de notre globe les matières sont fixes, et les germi­
nations constantes. Mais dans les terres qui sont dans les cieux, les
matières ou substances ne sont pas fixes, et de là, les germinations
Qui en proviennent ne sont pas non plus constantes. Là, toutes les
choses sont spirituelles dans une apparence natureHe... La différence
(entre le monde spirituel et le monde naturel) c'est que là les terres
y sont spkituelles par arigine, et qu'ici les terres y sont naturelles;
et que les productions de nos terres se font ·d'après le spirituel au
moyen de la nature, tandis Que dans les terres des cieux, elles se
font sans la nature». Ap. Ex. 1211.
« Il ne faut attribuer à la nature que ce qui doit servir au spirituel,
qui vient de Dieu, pour fixer les choses qui influent continuellement
dans la natUire ». S. A. 344.
«Toutes les choses qui sont vues dans la nature ont lieu en vertu
de l'influx du monde spi:rituel dans le monde naturel. En elles-mêmes
elles sont des merveilles; mais à ca,use de leur aspect familier et
CONSIDÉRATlONS PHILOSOPHIQUES 331

de leur retour continuel on ne les consklère pas comme des mira­


cles ». De Miraculis.
«J'ai eu avec les anges 'une conversation au suiet des 'représen­
tatifs. Je leur disais que sur la terre, dal15 le règne végétal (par
exemple) il n'y a rien qui ne :représente en quelque manière le
Royaume du Seigneur. Ils me répandirent que toutes les choses
ma.gnifiques et 'ravissantes qui sont dans le règne végétal tirent
leur origine du Seigneur par le clel; que de telles choses s'établis­
sent en actualité Quand les célestes et les spirituels du Seigneur
influent dans la nature, et Que c'est de là Que provient t'âme ou la
vie végétative. C'est de là que ces choses sont des représentatifs.
Comme cette vérité est ignorée dans le monde, elle est appelée
arcane céleste ». A. C. 1632.
« Il est de fait que dans toutes et dans chacune des choses Qui
sont dans les trois règnes, il y a intérieurement un agent Qui pro­
vient du monde spirituel. Si un tel agent n'y était pas, rien absolu­
ment dans le monde naturel ne dirigerait la cause et l'effet, et par
conséquent aucune chose ne serait produite. Ce qui agit du monde
spLrHuel dans les choses naturelles est appelé force insitée dès la
première création, mais c'est un effort (conatus), lequel cessant,
l'acti<>n ou le mouvement cesse. De là vient que tout le monde visi­
ble est le théâtre représentatif dll monde spirituel ». A. C. 5173.

Camille fllammarion semble avoir compris cette vérité


capitaile, à en juger par le passage qui suit:
«L'univers est un grand organisme régi paT un dynamisme d'or­
dre psychique. L'esprit est dans tout. Il y a un milieu psychique;
il Y a de l'es.prit dans tout, en dehors de la vie humaine et animale,
dans les plantes, dans les minéJraux, dans l',espace. Ce n'est pas le
corps qui produit la vie; c'est plutôt la vie qui organise le corps» 1).

U y a de l'espr,it dans 'tout, parœ que l'esprit est la cause,


directe ou indirecte, de tout. Comme le di,t si bien Bottazzi :
« Il se peut -que l'E,sprit soit la base de la vie,. mais alors
il est aussi celle de tout événement naturel du monde inor­
ganique, ,la base de la gravitation universeUe et du plus sim­
ple équilibre chimique, comme de n'importe quelole tend.ance
affective humaine ou animale. Nous 'pouvons, si nous le vou­
Ions, adopt-ant ,le langage de la 'physique, appeler .l'E8prit
energie, mais à condition d'avouer immédiatement que nÜ'us

1) C. Flammarion, Les Forces Naturelles Inconnues, p. 572.


332 LE SPIRITISME PHYSIQUE

sommes en dehors de l'énergétique, 'parce que nous ignorons


jusqu'ici de quelles autres formes d'énergie celtle-d peut naître
et en quel,les autres eUe peut se ronvertir, sui'vant 1es ·principes
de cette science» 1).
Swedenborg précise:
« Dans tout prindpe spirituel, que ce soit dans ,le ciel ou
dans le monde, iil y a les trois forœssuivantes: la force
d'agir, ,la force de créer et ta force de former. Ces forces ten­
dentcontinuelilement vers leur dernier terme (ou effet natu­
rel), où eMes se terminent et subsistent.» Ap. Ex. 1211.
L'énergie créatrice et organisatrice est donc .spkituelle.
C'est elile qui engendre et conditionne la réalité 'physique.
Ainsi ,l'univers naturel dépend de l'univers spiTituel, et quant
àsa substance et quant à sa forme. A supposer que l'influx
des fo,rees plastiques ou organisatrices du monde spirituel
vînt à cesser, itl en résulterait, ·pour l'univers matériel, la perte
de son être intelligible, qualitatif Olt formel ;ce serait le chaos
informe. Mais si nous supprimons, par hytpothèse, l'influx
de l'énergie créatrice spiritueHe, nous aurons wlors le néant
physique, le vide matériel absolu, car Ile monde naturel serait
privé de son existence quantitative.
Dans la mesure où nous comprenons le carr-actère idéop'lasti­
que, ou tout 'simplement intelligible, des objets qui nous tom­
bent sous Iles yeux, nous conterruplons donc ,le monde spirituel
dans le monde naturel, ou, si l'on préfère, la correspondance
ou l'effet dru spirituel dans le naturel.
Evidemment, tant que nous sommes id-bas, itl nous est à
peu près impossible de connaître -la «'correspondance» spi­
ritueHe exacte des diverses formes naturelles, mais dans l'Au­
delà l'expérience quotidienne ne ta,rdera guère à nous ins­
truire sur la signification des correspondances. En effet, tout
ce qui apparaît à la vue des esprits constitue en quelque
sorte une projection; une objectivation, de leur état psycho­
logique, voire même de leur caractère.

') P,rof. F. Bottazzi, Le Finalisme de la Vie, «Sciencia », 1er ian­


vier 1921, P. 25.
CONSIDÉRATlONS PHILOSOPHIQUES 3J3

Quant à sa'voir pourquoi telle affection> teLle pensée, tel


état d'esprit, engendre teLle forme animée ou inanimée, c'est
là un mystère qui dépasse de beaucoup l'entendement fini
des hOmmes. C'est le secret du Créateur. La réalitésensib1e
correspond à la réalité purement ::>pimtueHe ,dont elle est une
représentation, voilà tout ce que nous 'Savons. Les anges, eux­
mêmes, aux yeux desquel'S «i,l n'existe rien qui ne soit re­
présentatif et signifkaüf» (A. C. 1619), ignoreront toujours le
véritable pourquoi du r:apport qui exs~te entre Ile signe et la
chose signifiée. Dans l'univers ûréé, ce rapport n'est pas con­
ventionnel, comme c'estie cas 'Pour ,Les signes inventés par
les hommes (voc,abulaire, alphabet) ;ill est nécessaire. Dieu
étant ce qu'H est, les lois de l'Ordre sont ce qu'elles sont.
Nous ne saurons donc jamais pourquoi ,l'être est ce q'lt'il est.
Une teHeque91:ion n'a même auoun 'sens, car «:l'être contient
en lui toutes choses: ,les c}i,stinotions entre la réalité et l'ap­
parence, entre 'l'intelHgibleet ,le sensible, sont des distinctions
que Il'on 'peut faire entre 'ses modalités, mais qui n'atteignent
pas .J'indivi,sibilité de son essence... Le sujet et sa représen­
tation sont des réalités quaLifiées et font partie de la réalité
totaJ1e. .. C'est le caractère exc1usif de l'être, si .J'on distingue
en lui des parties, de requérir aussitôt leur impLication réci­
proque absolue» 1).
La réalité ,extérieure, dans le monde suprasensible, est une
• so,rte de peinture expressionniste de la réalité intérieure,
tandis que dans ,le monde 'sensihle ,c'effi le ûontraire; c'est la
réalité intérieure et subjective qui est une image imp·ression­
niste de la réalité extérieure. Mais ,dans ,les deux oas, il y a
entre ces deux sortes de réaHtés une concordance, une COf­
respondance, que nous pouvons constater, mais non pas
ex'pliquer. Prenon'S un exemple concret: saurons-nous jamais
pourquoi telles vibrations produisent en nous l'impression du
fOUge, tel1.es autres l'impression du jlaulfie, du vert ou du
bleu? li y a là un mystère : celui de lIa correspondance ou
de l'équivalence qui existe entre certains étarts physiologiques

t) Louis LaveIle, De l'Etre, Bibliothèque de philosophie contempo­


raine, Par,is 1932, Alcan, pp. 14, 15, 3.
334 LE SPIRITISME PHYSIQUE

et certains étJats psychologi.ques, entre l'impression ,purement


quantitative et la ,perœp,tion ,puŒ"ement 'qualitative. C'est l'as­
pect binaire de,la création qu'il faudrait 'pouvoirr elGpliquer,
la conversion de :la quantité étendue en quaHté non étendue,
le passage du contenant concret au contenu abstrait et vice­
versa. Cette eX'plica:tion personne ne nous la donnera jama~s,
car l'être est ineXiplkable en soi.
Pour en revenir à l'aspect formel de ,la création, je crois
que l'on peut dire que celui-ci est à la fots nécessake et con­
tingent: entièrement nécessaire dans le monde spirituel (où
la réahté extérieure constitue une projection immédiate de la
réalité intérieure ou psychique); en partie nécessaire et en
partie contingent dans ,le monde naturel (où la réalité exté­
rieure est liée à l'existence d'une matière durable, soumise à
un ensemble de lois qui rendent son organisation excessive­
ment complexe et lente).
En effet, le monde spirituel n'a :pu informer le monde
matériel en un instant, la matière ne SIe 'Prêtant pas à des
modifications formelles aussi brusques. L'intervention, forcé­
ment prolongée, de toute une série de causes secondes ou
instrumentales a été nécessaire pour amener la matière aux
formes stables que nous rencontrons dans le règne végétal
ou animal, et dû11t le prototype idéal et définitif se trouve
dans le monde S1pirituel. Nous sommes donc obligés d'admet­
tre l'évolution des formes vivantes. Mais nous n'acceptons
pas, pour cela, ,les postulats du transformisme, qui admet,
avec le caTdina'l d'Ailly, que «,l'effet procède d'une manière
purement contingente de la cause seconde ». et nie par con­
séquent l'intervention des causes finales ou spirituelles 1).
L'évolution, teille que nous .la concevons, n'est pas un de­
venir pur. Elle ne. constitue 'pas, à proprement parler, un
processus créateur, mais seUllement un processus réalisateur,
dans ce ~ns qu'el1le réallise peu à 'Peu radéqua1ion de la forme

L) «.Je ne donnerais rien de ma théori:e, dH Oa1rwin, s'il lui faHait


des additions mÏiracu!euses à n'importe quel degré de la descen­
dance." Vie et Correspondance de ClI. Darwin, t. Il, p. 44. cité par
Via,J!eton.
CONSIDÉRATlO:\S PHILOSOPHIQUES 335

informa.rnte et de la forme informée, del"être qua'l,itatif et de


l'exLster quantitatif. En d'a'ooes termes, l'évolution constitue
le processus pa'l" ,leq.uel la matière vivante devient de plus en
plus conforme au type idéa·l qui cherche à se réaJliser en elle.
L'évolution n'est donc pas aveugloe, et les ,soi-di'sant ,tâtonne-
ments de 'Ia nature ne prouvent rien. Il est vrai que Oeley
leur attribue au contrai're une très grande importance. Pour
lui, ces tâtonnements prouvent que l'esprit qui «dirige»
l'univers agi,t lui~même en dehofls de toul1Je dkective, de tout
plan préconçu. En effet, Oel,ey admet que les vicissitudes du
devenir matériel ,reflètent fidèltement ,les avatars d'un psycho-
dynamisme inoonscient s'achemtnant lentement vers la cons-
cience...
Cette théorie ne me semble 'Pas rationnelle, car la «nature»
se montre aussi inteHigente dans les formes inférieu'l"es de la
vie que dam ses formes supérieures. Je préfère admettre, avec
Swedenbocg, qu'~l existe une hiérarchie dans les formes in-
fotmantes qui constituent le ty,pe idéal des êtres vivants.
« Le monde vivant est ordonné, hiérarchisé, bâti sur un cer-
tain nombre de plans, modifié d'une manière parfaitement
inteHigible. H n'a pas toujours été tel qu"il est et n'a pas
toujours comporté toutes l'escaJtégories systémati,ques qui
l'occupent aujourd'hui. Il a donc présenté une évolution ou
une série de changements successifs. Mais loin d'être pour
chaque groupe Je simple résuMat de changements opérés sous
l'adion des milieux, de la lutte et du 'temps, et pour l'en-
semble, lIa somme de ces évolutions partielles, cette évolution
est au contraire, à chaque époque, transcendante à ces faits
par'ticu!}ier:s qu'elle dépasse et qu'elle arrange dans un en-
semble cohérent, conforme SOUfSseS divers alspects aux néces-
sités génémles, toujour:s ,les mêmes, d'un monde vivant com-
plet.
«Comment cette évolution s'est-eUe opérée? Nous avons
vu qu"elle n'est ni régulière ni continue, que les groupes
actuels ne sont pas les rameaux 'plus jeu:nes de branches
p:lus andennes. faut-il imaginer qu',~l y eut à différentes épo-
ques créa,tion .de toutes pièces des formes nouveHes? Nous
n'en savons rien.
336 LE SPIRITISME PHYSIQUE

«Voudrait-on que la création des êtres vivants ait été faite


en une seule fois, les souvees de toutes les fonnes ayant ap­
paru au même moment, sous des aspeots qui nous sont incon­
nus, et s'étant différenciées par ,la suite? Il est impossible
de le dire, mais ce qui est certain c'est que cette différencia­
tion ne s'est pas faite conformément au transformisme classi­
que, que tout ce développement, au Heu d'être le résultat de
forces aveugles et du hasard témoigne au contraire d'une
activHé intelligente UJtilisant de la manière la plus rationnelle
les choses existantes pour construire le monde à partir d'un
petit nombre de plans initiaux ».1).
Je crois que les choses peuvent s'expliquer grosso modo
de la manière ,suivante :
Les diver:s plans initiaux qui président au développement
successif des formes vivantes, correspondent aux ca,tégories
générales ,du monde spirituel ou «monde des causes ». Celui­
ci consti{ue, en effet, un tout hiérarchisé et différencié.
Ces célltégories générales .sont subd~visées en une infinité
de classes particulières, compoctant chacune une série de
degrés discontinus dont les chaînons ·sont subordonnés les
uns aux autres parce qu'il'ssont reliés entre eux par un rap­
port de dépendance génétique.
Comme le monde spirituel est le monde des formes idéales,
le complexe peut y précéder - et y précède effectivement ­
le simple, car c'est le prop.rede l'esprit de concevoir ce qui
doit être avant de concevoir ce qui peut être, c'est·à-dire la
fin avant les moyens. Quand l'esprit oherche à réaliser une
forme supérieu,re, il commence donc par se la représenter
dans toute sa perfection et cette représentation constitue le
point de départ de ,La série des formes informantes inférieures
qui seront nécessaires ,pour donner peu à peu à cette forme
initiale une existence quantitative sur le pl'an de la matière.
Nous avons donc une série de formes idéa,les de moins en
moins parfairtes à mesure q:ue nous «descendons »d'échelon
en échelon vers le domaine des réalisatiQns concrètes. Chacune

1) Louis Via,Heton, L'Origine des Etres Vivants, pp. 377-8.


CONSIDÉRAT10NS PHILOSOPHIQUES 337

de ces formes contient virtuellement, ou par immanence, la


forme suprême quicoIlistitue :Ie ,point de dépal'lt de ,la série
formelle, bien que ,les formes iIliférieures en soient proportioon­
nelilement plus éloignées que les fOIimes 'Plus éloevées.
On peut donc dire qu'à mesure que la qual,né (spirituelle)
se réaHse au sein de la quantité (matérieHe), eUe devient
suücessi'vement de ,p,lu:s en 'Plus comp'lex1e.
Il y a invoLution de la qua~ité ,dans !la quantité, de la forme
dans la matière, de la caUise darils il'eHet, de l'être dans le
devenir; tandis qu'B y 'a évolution de la quantité vers la
qualité, du devenk vers l'être, de la ma'tière vers la fonne.
Or, l'involution est la cause de l'évolution. En effet, nous avons
d'une part le domaine de l'être inteNigible où le parlait 'Pré­
cède l'impa,rf,ait in ordine ad esse ou in ordine ad intentionem,
et, d'autre part, le domaine de -l'existence ,concrète où l'im­
parlai,t précède le parf~'it in ordine ad operationem. On Ipeut
aussi s'eXJpliimer d'une manière diHéreilite et dire que le moins
proViient d'une limitation du plus oons l'ol1dre iIllteUigible,
tandis que le plus 'P'l1ovien1 d'une augmentafiion ou d'undéve­
loppeme[1lt du moins dans l~ol'ldre seœible. En d'autres termes,
i:I ne faut pas confondre la préexistence idéalle avec l'antécé­
dent matériel. B s'ag.i1 là de deux domaines distincts, où l'or­
dre dans lequel appa'raissent l,e simple et le complexe est
différent, voire même renversé.
I,l en 'résulte f.élItallement que les ,premières formes de la
série onto'log<i,que ou idéale sont effeotrvement ,les dernières
à faire leur élIpparition au mUI1S du devenur temporel. La
forme humaine ou suprême qui consfutue le ,point de départ
de la série des fa l'mes invoIutives, doit donc f.orcémeilit appa­
raître la c\erinière dans l,a 'série des fomm~s évolutives ').
Encore un mot sur la correspondance qui se ~nifeste entre
l'ontogénèse et la 'Phylogénè'Se, c'est-à-dÎire 'entre .t'évolution
de l'individu et cehle de l'espèce. Cette concordanœcurieuse
est COOf1!UJesous Ile nom de loi biogénétique. D'après Via!~leton
cette «,l'Qi» possède une va!leUir pilutôt métaphorique que

1) C'est pourquoi SwedenboTg apu dilre Que «toutes les formes


tendent vers la iorme humaine »,
338 LE SPIRITISME PHYSIQUE

réeNe, et Œ"epose surtout sur ,des analogies incomplètes. N'étant


pas bio,logiste, je nesaura]s me prononcer sur ce point. n
est toutefois évident que l'embryon humain, par exemple, ne
prend à aucun moment l'aspect d'un poisson ou d'un reptile
adulte, et -qu'il ne présente successivement que des ébauches
d'organes Icomparables aux formes embryonnaires des ani·
maux inférieurs 1). Mais ce fait curieux ménite qu'on s'y
arrête. Il coucordesi bien avec ce que Swedenborg nous dit
du mécanisme de :l'influx et de la loi des ,degrés et des séries,
que je ne puis m'empêcher de le considérer comme une con·
firmation ,des principes philosophiques de cet auteur.
Nons avons vu, au début de ce 'charpitre,que Swedenborg
distingue entre les degrés continus ou quantitatifs et les de­
grés discontinus ou quaHtams. Toute différenciation réelle­
ment qualitative - c'est-à-dire qui ne provient pas d'une
augmentation, d'une diminution ou ·d'une modification d'or­
dre purement contingent ou ·quanMatif - suppose l'inter­
vention de causes formelles distinctes, autrement dit l'inter­
vention des degrés diserets ou ·discontïnuls. Il nous faut donc
imaginer la hiérarchie des formes ,selon celle des degrés
di,screts.
Or, d'après ce schéma, les formes ïnfonmantes ou détermi­
nantes d'une même série constituent une sorte d'échel,le idéale·
dou,t les échelons inférieurs sont issus généti,quement de
l'échelon supérieur. Mais c'est l'échelon inférieur qui, le pre­
mier, prend conact avec le sol, autrement dit avec la matière
déterminable. C'est de lui que part -Finflux qui donnera nais­
sance aux premières formes organisées, lesquelies devien,dront
pa.r ce fait les formes anœstmles ou primaires de la future
série anima,le ou végétale. Ces ·premières formes vivantes une
fois constituées, le terrain est :prêt pour .l'élaboration d'une
nouveHe espèce. A ce moment, le second échelon de .la série
causale (ena:lllànt de bas en haut) peut intervenir à son
tour et devenir ,le point de départ d'un nouvel influx mor­
phogénique et 'par conséquent d'une nouvelle espèce ou d'une

') Von Baer. Ueber Entwicklllngsgescllichte der Tiere, Teil l, p. 224,


cité parr- ViaJ.1eton.
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 339

nouve1le f,a'ID~He. Toutefois, aVlant d',atteindre le plan des effets


matériels, ce nouvel influx devra traveflSer l'échelon précé­
dent et opérer d'abord par ,son intermédiaire. N OtiS assisterons
donc à ,la réapparition momentanée du premier stade ancestral
dans ,le développement ontogénique ou embryongénique de la
nouvelle espèce et ensuite seulement à l'apparition des carac­
tères morphologiques afférents au deuxième échelon de la
série des formes informantes. Tant qu'une nouvel:le cause
foomeMe ne viendra ,pas ,sesumjouter aux deux précédentes,
l'espèce n'« évoluera» PalS; eLle subira peu,t-être quelques
modifications. Mais dès que l'~n~lux créateur partira du
troisième échelon cau&ail, nous observerons une nouvelle mu­
tation, c'est-à~d~re l'apparition d'une troisième espèce, ou d'un
troisième groupe d'espèces plu!s «évoluées ». Comme toujours,
l'influx créateur traversera Ies écheIons inférieurs de la série
idéale et en utilisera ,les possibiiHtés mor.pho'logiques avant
de réaliser son propre contenu formel. Le développement
embryogénique de tous les individus de la nouvelle espèce,
ou du nouveau groupe d'espèces, en portera le témoignage.
Il en sera de même pour toutes tes mu.tations de la série
phylogénétique, parœque tous les échelons (de -la série des
fo,rmes informantes) qui sont intervenus dans la production
des espèces ,successives continuent d'intervenir, chacun à son
tour, dans la fOl1mation des individus de la dernière espèce
considérée, et ceci jusqu'à ce que le suprême échelon causal
ait lui aussiproduiJtson effet.
Tel est, en effet, sous forme schématiq.ue, l'or:dre qui pré­
side aux opératiosn ou aux manifestations des degrés discrets.
Ils apparaissent successivement en tant que causes finales
ou formel:1es, mais coexistent simultanément dans l'effet
formé. Cest pourquoi celui-d reproduit, dans son devenir,
il'ordre dans 1,equel ilis se 'sont succédés in ordine ad opera­
tionem.
TeIlle est la raison pour laqueLle t1 me 'paraît logique d'ad­
mettre que le développement ontogénique résume le ,dévelop­
pement phy,logénique. Quand je dis qu'il -le «résume »,
j'emploie évidemment une métaphore, car 'les ébauches d'or­
ganes qu'on peut observer dans les embryons des espèces
340 LE SPIRITISME PHYSIQUE

supérieures ne cheflchent jama~s à devenir ce que sont ces


mêmes organes chez les individus ,achevés ,desElspèœs précé­
dentes ; 'en effet, l'influx c-réateur tend constamment vers -la
réaltsation de 'l'aspect formel 'propre au degré ou à l'échelon
d'où ~lest parti et ne s'attarde pas à ,Ia réaHsation complète
des formes afférentes aux échelons inférieufls,
On pouroait, ,pour employer une image, représenter le
déveIOlp;pemenrt: phy.logénétilque au 'parcours d'une série de
trains sur une voie ferrée en voie de oonstrud~on. Les pre­
miers convois ne ,pourront pas dépasser l!a 'limite du premier
tronçon, tand}s qu,e les suivants 'pouflfont atteinc1rel'ex'trémi,té
du tronçonnoU!v,eau, et ainsi de suiJte jusqu'à l'achèvement
de la .}igue. Les évapes à franchur seront toujours les mêmes;
seul J.e point terminas des div.ers voyages aura ohangé.
Quant à 'l'évolution ontogén~que, elle correspondra à un
voyage sans arrêt du po~nt de départ au point d'arrivée. Cha­
que point d'arrivéel1eprésenteœ ;\e svade dé~iniltif ou lia forme
achevée de chaoU!ne des espèoes successives.
Je n'ai .paIllé que des 'espèces, mais iil se peut que toat ce
que je viens de dire ,s'applique IpltUtôt ·élJUX f,amUles et aux
genres, cair les tI"la'its qlui d~Sitinguent -une espèce d'une autre
sont parfo}s si peu importants qu'on ferait mieux ,de les
cons~dérer comme étant ,Le résul\itatde développements .paral­
lèles, 'pLutôt que <oornme 'netfet d',une procession génétique. Un
échelon 'Siu;périeuT de l'écheUe des degrés discrets peat, en
effet, donner naissance à toute une série para!Hèle d'~helons
inférieurs, car, en descendialnt, Il'in~ltux méateurse diversifie
en même 'temps qu"~ls'inrdtV"iduailiise et ,se simpHfie. U y a donc
toute une série de développements 'parallèles qui correspondent
à ,la différenciation indéfini,e des ,divel1s plans généraux.
Tout œ qui précède ne représente évidemment qu'un sché­
ma extrêmement ~mpa'rfaH et simpHfié des priifldpes univer­
sels qUii 'Président, d'après Swedenborg, au devenir des for­
mes, et je m'empresse d'ajouter 'que notre phLlosophe n'a pas
conçu sa doctrine d~ séries et des degrés en vue d'une expli­
cation des faits évolutiFs. L'évOII'utionni-sme proprement dit n'a
fait son apparition qu'à ·une époque très r~enteet Sweden­
borg n'a pas eu à ,s'en occuper. Ajoutons toutefois que nous
CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 341

trouvons dans 'le dernier de 'ses ouvrages scientifiques une


théorie «évoIUltioonDste» d'un genre assez spécial, selon la­
que~le le règne aniJmall différencié serait ,i,ssu tel quel du règne
végétaa différencié, 'Sous -l'iniluenœ de formes informantes
«animales» '). Cette théorie curieuse ,ne semble pas corres­
pondre aux faits établis. Par contre, sa théorie des degrés, des
séries et de l'in~lux, me parailt is'adapter merveHlleusement
aux données foUlt'lniespar -la 'sCÎienœ 2) .
Si je me suis ,permis cel1te !longue digression sur J'évolu­
tion, c'est qu'on ,peut 'légitimement Ise demander comment
l'évolut'ion des êtres v'Dvants est conoH'iable avec la ;pré­
existence idéaJle des types formels qU"ilstfi(:ament ;c"est aussi
parce que le tna.nsformilsme, imaginé pair Darwin pour expli­
quer J'évolution, est censé nous ,appol1ter la preuve du caractère
purement contingent des changements qui s'opèrent dans le
monde vivant et l'inUitillité d'une intervention providentielile ou
spirituetle. En effet, le transformisme niel"aotion causale de
l'eSlprM et faü de .l'univoos un mécaniJsme aVeUJglle. La doc­
trine swooenborgienne et ,la docwine transformiste ne sau­
raient doncsubsiJster côte à côte, ,car e~les reposent sur des
principes phillosophilques inconcHi1abiles, sur des interpréta­

') Cf. Swedenbopg, De Cu/tu et Amore Dei.

2) J'ai consacré 'Une assez longue étude à l'ouVITage de John B.

Swanton Ph. D., intitulé Swedenborg, ProTlhet of the Higher Evo­


lution (New York 1928, «New Church Aress »).. Le lecteur la trou­
vera dans les W' 9, 10 et 11 du Messager de la Nouvelle Eglise (1929).
M. Swanton démontre que la théor,ie cosmologique de Swedenborg
est «évol'Utionniste» paJrce qu'eHerejette l'idée d"une création ex
nihilo ou ex abruTlto. En effet, le ,penseur scandinave es't l'auteur
inoontestable de 'la première théori:e de l'évolution de la matière. Ses
cone,eptions biologiqUes, parr contr,e, n'orit rien de darwinien, bien
qu'elles fassent une laJPg,e place à la succession et à la hiérarchie
des formes. Les faits mis au jour pa.r la scienoe contemporaine
s'ha,rmonisent admIrablement avec les principes généraux énoncés
par Swedenborg il y a environ deux sièoles. On pour;rait presque
dire Que la réa'lité s'est montrée plus swedenborgienne Que Sweden­
borg! En effet, ce dernier n'est pas toujours resté dans la log,i,que
de son système, tandis qu'auc,un fait découvert pa.r la science depuis
son époque n'a jamais opposé de démenti a:ux généralités dircct,rices
de sa philosophie.
342 LE SPIRITISME PHYSIQUE

tions opposées de la ICélIusaJlïté. Le rwansfol1misme rejette l'idée


d'une involution ,de l''espritdans ,la matière, H nie 'l'existenœ
des causes formeliles et fiooles, et ,se com{)lait dans une ex'pli­
cation grossièrement matooi!a!liste de lIa vie. Heuret1Jsement que
les hommes de science eux-mêmes commencent à se rendre
compte de l'insuffisance de ce ,que Via11eton appelle ,l'illusion
transformiste:

« La g-ranoo objection au monisme (et par conséquent au trans­


formisme matérialiste), éorit Cuénot, c'est Que 'l'ensemble de la vie
est si .particutier qu'il est séparé du non vivant par un fossé infran­
chissable ; ce ne sont pas les mat6riaux Qui dUfèrent, mais la façon
dont ils sont organisés et comme dirigés ». « La vie est trasncen­
dante à la matière inerte. Et si elle en dérive en tant que substratum
matériel, ,eUe n'en peut provenir en tant Que vie; eUe est elle-même
un principe différent de ,la matière» 1).

En résumé, les doctliines de Swedenborg nous pennettent


de cono1ureque «,le monde vivant est inteHigible et qu'il se
réaUrse d',une manière intelligible» 2); qlU'~lsedévelQqJ'pe con­
formément à un certain nombre de plans, «suivant un dérou­
lement, qui !s'opère toujours flal1:ionnel,lement dans les grandes
lignes, ne laissant ,au hasard que Iles innombrables acci­
dents» 3). EUes rendent avn'Si 'la théorie de révolution raltion­
neUe, car celle-oi «ne ·devient rationnelle qu'à partir du
moment où e~le SUpelipose une inteI1prétation finaliste à il'ex­
plication mécaniste ooU'rante» 4).
M. ThOffiélJS ChHrd a consacré un volume remarquable à
l'inte.rp["étation ,des phénomènes évolUltif.sd'après les 'princi­
pes de la philQsophie swedenborgienne. Ailfred Russel Wal­
lace, qui fut, avec Darwin, ·l'auteurdel:a rthéorie de 'l'évolu­
tion, a dit de ce ,Livre: «il expose urne conception nouvelle

') L. Cuénot, Les deux concevtions moniste et dualiste de la vie.


c( Scientia», v,oi. XLIV, sept. 1928, dté par Vialleton.
2) ViaUeton, Op. cit., p. 376.
3) Ibid., ,p. 380.
4) Cahiers de Philosophie de /.(j Nature, « Le Transformisme »,
par divers 3!uteurs.. Vrin, édit., PaJris, 1927. Avertissement par R.
Co'lltu, cité par ViaJlletoll.
CONSI DÉRATIONS PHILOSOPHIQUES 343

,et très rel11a!l'qlOOble de tou'OOs ,les gnndes ideés et des prin­


cipes qui sont à ,la base de Il'univers et de ,l'homme. Pour
autant que je sache, noUis y 1!rouvons ,la théode If! plus com­
pilète et la IplussatisfaiJsa1lJte de la Il:aiture de lia matière et
de l'esprit - de ,l.a force et de la vie - de l'âme, de l'im­
mortalité et du ,libre arbitre, qui ait jaJma~s été donnée au
monde » 1).
Quant à ViaLleton, il conCl1>tlJt 'son étude en ces termes :
«En résumé, ,soixante-dix ans ,après le livre retentissant

J) Thomas ChBd, Root-Principles, Londres, H. L. Allenson, Ltrl.


Il ressort de la communication suivante de M. F. A. Gardiner que
Wallace avait songé avant de mourIr à écr:ire un exposé des idées
de Swedenborg sur l'origine de sa vie:
«Un jour j'eus un interview fort intéressant avec Sir Alfred
Russel Wallace, .l'éminent savant qui fut jadis le collègue de Darwin.
Le rédacteur en chef d'une ,revue l'avait prié d'établi<r la liste des
vingt hommes qui, à son avis, furent les plus grands qui vécurent
jamais. Je remarquai qu'il avait inclus Swedenborg dans leur nom­
bre.
« Je lui en fis 'la ,remarque et il m'expliqua ce qui l'avait amené à
choisir Swedenborg: «Vous eûtes, dit-LI, un congrès international
consacré à Swedenborg, à Londres en 1910, et je reçus un exem­
plaire du compre ,rendu des séances. Je vis, ,pa'r 'le contenu de ce
lÏ\'11"e, que Swedenborg fut unique. Ii fut grand comme homme de
science, g.rand comme :philosophe, et ~ra'nd ,comme théologien. Nous
avons eu de grands savants, de grands phHosophes et de grands
théologiens, mais Swedenborg est le seul dans l'histoLre du monde
qui fut grand dans chacun de ces trois domaines. POUT cette raison.
H fut unique ».
«Je 'lui demandai s'il éta,it disposé à éorLre une thèse sur la
philosophie de Swedenb.();rg au sujet de ({ l'origine de la vie ». Il
répondit qu'il venait d'entr,eprendre la composition d'un autre ou'­
vragc (il avait alors 93 ans) ,et qu'i'l devait concentrer son esprit
SUT cette publication, mais que, ce livre terminé, il se ferait un plaisir
de considérer la question et ,d'écrire un exposé à ce sujet, si possible.
({ Malhellireusement il vécut juste assez longtemps pOur terminer,
la j)ublication de son liv:re, ce qui fait que nous fûmes privés de
son exposé de la phi'losophie de Swedenborg, exposé qui n'eût cer­
tainement pas manqué d'excroer une grande inHuence sur le public
cultivé, en faisant ressortir les principes lumi,neux qui se trouvent
,-dans le-~ ouvrages de cet auteur.»
F. A. GARDIKER.
344 LE SPIRITISME PHYSIQUE

de Darwin, ,les reoherches et ,les réflexions qu'i'l a suscitées,


bien aoin de confirmer !les espoins dumaî~re et de combler
les lacunes de s.a doctri'llJe, n'ont liait que montrer '!'irréceva­
bilité des ,preu'ves dont cel1lle-ci s'était contentée tout d'abord
et son impuissance à expliquer à l'<liide des seUlles. forces
naturelles la fOl1mation du monde vivant; ·1'HIUlsion transfor­
miste e&t mise en pleine lluiffii蜻 1).
j'ai di,t,au début de ce pamgmphe, qu'il serait intéres,sant
que les phénomènes paranormaux fussoot vrais, et je ,le ré­
pète ici. En effet, les thèses vit.élIlistes, téléologiques et finalis­
tes trouveraient en eux une confirmahon expérimentale, car
il ne serait plus 'Permis aux savants de nier l'action prépon­
démnte de l"esprit dans l'organ~sation des formes vivantes.
D'autre part, il est olair que -l'ét,ude de ces phénomènes
apporterait des lumières nouva1Jles sur ILes pouvoirs latents
ou simplement non apparents de notre esprit, ainsi que sur
les liens q:ui unbssent l'âme et le CO<l1pS. Je croi,s que, dans
cette éventuaHté, ,les thèses biologiques de Swedenborg appa­
raÎ'tront comme exactes dans ·leurs gmndes ,l.ignes, voire même
sur un grand nombre de 'points de détail. Non seUilement la
biologie et la psycho-phy,siologiJe 'ProfJ~teraient des données
nouvelles que nous offre la métapsychique, mais même la
philosophie y trouverait 'son compte, c-omme noUis l'avons vu.
Le nom~naHsme devra céder le 'pas au réallisme. La théo,logie
eUe-même 'ressentira le contre-coup de ,la vidoire réatHste,
car le nominahsme est àla base du subjeotiv~sme, de ,l'indi­
viduaili'sme et du relativisme qui c.aractérisent .certaines ten­
dances religieuses dites «Hbéral,es », notamment le moder­
nisme anti-intel1edualiste protestant. En effet, tout se tient
dans le domaine de la pensée et tOUite conception d'ordre
généra'l est forcément réa!HiSte ou nominaH,g,te.
Il serait évidemment ridicule d'exagérer l'importance des
phénomènes mé~a'Psychi'ques en bi,sant dépendre de leur
authentidté le sort des grands courants qui se manifestent
dans les différents domai:nes de la 'pensée humaine. Telle

') Vialleton, O/J. cil., p. 381.


CONSIDÉRATlONS PHILOSOPHIQUES 345

n'est d'aiLleurs pas mon intention avouée ou secrète. Les


réalistes ipOssèdent d'autres argtlJments, d'ordre théoliique et
praüque, pour défendre ou fa~re 'triompher leurs thèses. Je
dis seulement qu'un phénomène tel que l'idéoplastie, pour ne
parler que ,decelui~là, apporterait la preuve scientifique d'une
des thèses les plus impolitantes de la philosophie réaliste ou
sp~rituaHste, en démontrant péremptoi'rement la réalité d'un
fait qui n'entre pas ,dans le cadre ,des 'possibi,lité'S admises par
le moniisme matérialUste. Les positivi,stesseront obligés d'ad­
mettre l'existence d'un domaine entièrement nouveau pour
eux et de reconnaître le mail fondé de leurs négations les plus
obstinées; ,car Iles positi:vi,stessont avant tOUIt des négativistes,
pour ne palS dire des négateurs.
Ajoutons que si l'ay;enir deviait prouver ,le ca:mctère spirite
d'un certain nombre de faits Iparanor:maux, t'aspect philoso­
phique de la question ne s'en trouverait pas modifié. Les
désinoarnés et ,leur influx entrel,ont dans ,le domaine de la
psychologie, voillà tout. De nouvel1les théories psychologiques
devront être formulées et la tpsychiâtrie se venra contrainte
de faire une place Jégiüme aux obsessions spirites et aux
possessions plus ou moins «démoniaques ». Dans ce cas, le
Diarium Spirituale de Swedenborg devi,enŒ-a sans doute le
livre de chevet de tout psyohologue ou psychiâtre qui se res­
pecte, œr il constitue, à .lui ,tout seul, un trésor presque iné­
pui,sable de documents sur la symbiose psychique des esprits
et des hommes, sans compter qu'Ul nous fournit un nombre
vraiment incroyable de renseignements de toute espèce sur la
véritable nature de notre psychisme, sur les modalités de son
aohon dans la sphère suppasensible et d'autres sujets simi­
laires. De toute manière, l'expérience supranormale de Swe­
denborg constituera une source féconde de connaissances à
laqueUe on n'hésitera plus à recourir au nom de je ne sais
quel préjlugé suranné.
CHAPITRE III

LE SPIRITISME DOCTRINAL

Considérations générales

Nous avons paJ.1lé, dans la première ,partie de notre essai,


des dangers moraux, psychiques et physiques auxquels nous
expose la pratique du spiritisme expérDmental. Nous avons
d'abord fait ressortir ,le caractère subjeo1:if ·des communications
médian~miques, qu'elles viennent ou non de l'Au·delà, et ,la
valeur illusoire des consolati'ons qu'on croit trouver dans :le
commerce conscient avec ,les Itrépassés. NOUiS avons aussi attiré
l'attention du lecteur sur ,le manque de vertu morale inhérent
à un enseignement qui s'impose àl'inteHigence par des «si·
gnes» extérieul's et ,prive ainsi l'homme de son Hbre arbitre
dans ·les choses spil'ituelles. Léon Denis s'abuse en écrivant
que «les enseignements des E'~flits ,supérieurs (avec un
gTand E !), h~soonseliliS de nos ami,s d'oUltre·tombe, exercent
sur nous une impression plus ,profonde que toutes les exhor·
tations tombées de la .chaire, ou les ileçonsde .la plus haute
phiilooophie » 1). Mais ,si ces paroles >sont 't'elCpression de la
véniJté, elles prouvoot une ohose: c'est que la génération
actuelle n'est guère plus avancéespirifuellement que celle
dont Jésus disait: «Une génération méchante et adultère
demande un miracle! »
Swedenborg nou>s recommande de cultiver notre raison
à la lumière des vérités spiritueLles, 'Plutôt que de nous laisser

') Christianisme et Spiritisme. Pal1"is, Leymarie édit., p. 349.


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 347

influencer par des visions ou des ,communications avec l'au­


tre monde! D'ailleurs la certitude scientifique de la survie,
supposée possible, n'a rien de commun avec la foi en la vie
éterneLle. celile-ci lpeut sauver l'homme, ceMe-là ne ,le pourra
jamais!
Dans cette dernière 'paI1tiede notre travail, nous désirons
jeter un coup d'œil surU!n côté quelque peu différent de la
nécromancie contemporaine. Nous voulons parler du spiri­
tisme dootrinal. Il sera sans doute utile de comparer ses
prindpes philosophiques et religieux avec ceux du grand phi­
losophe et voyant ,suédois.
A vrai dire, c'est à peine si ·le spkit~sme peut être considéré
comme une religion. li! n'est 'pas non 'Plus embarrassé d'un
loord bagage -philosophique. L'oncheI1cherait en vain dans
toute la littérature à laquelle il a donné naissance un principe
d'ordre métaphysique suoceptil>le d'enrichir réel1ement notre
patrimoine intellectuel ou d'exercer une inHuence heureuse
sur ,les autres branches du savoir humain. Le s.piritisme
doctrinall et IphLlosophi.que n'est au fond ni créateur, ni inno­
vateu-r. On 'Peut dire de Joui, sans injustice, qu'il ·se traîne à
la remor,que du progrès naturel de J.a pensée et de la science,
dont ill enregistre à sa façon ,les idées et ,les acquisitions.
faute de conceptions assez générales et de principes univer­
sels, s'U ne réussit même IpaS à grouper en une synthèse
logique et complète les éléments muJ1Hples et épars qu'il a
absorbés. La «doctrine des espri,ts» nous présente un amas
caractéristique d'aliments à ,peine digérés et mal assimilés.
D'aiLleurs, ~l ne saurait en être autrement, pULsque Swe­
denborg nous enseigne que le monde des esprits est
comme une sorte d'immense estomac qui reçoit ses aliments
intellectuels ·de notre monde pour oles digérer et les trans­
mettre ensuite soit aux régionssU!périemes, soit aux régions
inférieures. IJ est ,donc évident que ce qui nous revient tel
quel du monde ·des esprits ne saurait nous parvenir qu'à
l'état non digéré.
348 LE SPIRITISME DOCTRINA[

Christianisme et Spiritisme.

Ce qui peut 'paraître bizarre, c'est que le spiritisme se pose


en restaurateur du Christianisme. M. Léon Denis, en tout
cas, lui attribue cette mission, à en juger par les quelques
lignes qui suivent: «Le Spidtisme, di,t-il, nous apportant
les p,reuves natuŒ'eIJes et tangibles de l'immortalité, nous
ramène aux pures doctrines chrétiennes, au fond I1Ûme de
l'Evangile, que l'œuvl'e du cathoHcisme et la lente édification
des dogmes ont recouvert de tant d'éléments dispa,rates et
étrangers» C). Plus loin, cet auteur nous assu~e que «les
voix d'oulre-tombe viennent par miUier,s et sur tous les points
de la terre,mppeler les hommes aux :purs enseignements du
Christ, ,rétablir sa ,doctrine, rendre compréhensible pour tous
les véTités supérieures, ensevelies sous l'ombre des temps» 2).
Or, quiconque est au courant des plaHfudes Lntellectuelles
ou des niaiseries ,sentimenta,les qui ont été recue~,lhes jlusqu'ici
par les spirites, verra tourt de suite ce que ces prétentions
ont de rpuétdl. Les esprits qui padent avec ,l'homme repro­
duisent toujours Iles idées de ce dernier, au point de perdre
momentanément 'Presque tout sentiment de leur propre per­
sonnalité.
Que le Christianisme soit déchu de sa pureté primitive,
rien de plus exa()f. Mais loin de nourrir la pensée impie que
Dieu ait pu confier la régénération de son E~lise à la nuée
d'esprits bavards et fri:voles qui infestent de :leurs sotUses
un public curieux et avide de merveH,leux, nous pensons que
le Seigneur seuil a quailité pour accomplir cette œuvre.
Il suffit d'ailleurs de jeter un coup d'œil sur la doctrine
spi1rite pour mesurer ,la distance qui la sépare de la vérité
chrétienne. Le spkitisme, qui se dit une nou'VeUe révélation,
est basé ,sur lIa négation de la divinité de notre Seigneur et

') Léon Denis: Clzristiallisf'le et Spiritisme, p.5.

2) Ibid. p. 50.

LA DOCTRINE SPIRITE DE LA RÉINCARNATION 349

rejette sa Parrole. U repousse l'idée ·de ,ha Rédemp,tion et fait


de l'homme son propre sauveur. Finalemellit, ùl enseigne la
doctrine a:nti.biblrique de ,Ia ré~noarnaJtion.
Arrêtons-nous aux dootrines plus spécifiquement spirites.
Comme il faJ1laH s'y attendre, 1'« enseignement des esprits»
porte p,lus spécialement sur les questions de ,l'Au-detlà, et
sur les problèmes de la destinée humaine. Sur ·des sujets pa­
reils, ~l sembler,ait qiU'onpu~sse accorder un -certain crédit
aux désincarnés, même en ,leur r~UiSél'nt toute compétence en
matière théologique. Hélas, il n'en est rien! Les âmes des
morts ne paraissent 'paiS très informées au sujet de leur pro­
pre sort et des conditions spéciales où el,les se trouvent pla­
cées. TeLle semble être du moins -la condiU'Sion lIa plus charita­
ble qu'il faible ti'rer de ce schisme ét!r:ange qui divise, sur des
points fondamentaux, la population -du monde sUiprasensible.
Pour un système qui se base entièrement sur les affirmations
in<:ontrôlables de. témoins insaisissables, une pareŒe diver­
gence des témoignages devrait se montrer fatale. Si les
esprits n'arrivent pas à se mettre d'acooI1d su'r la nature de
leur propre être, sur l'aspoot du monde qu'Hs habitent et sur
l'avenir immédiat qui les attend, nous ne voyons 'pas de quel
droit on vient nous pader d',une «doctrine des esprits» plus
ou moins inf.aiblible et à laquelIe on attribue l'alutorité de la
véri,té la phJls indiscurtable. Mais, si l'on ne fait rentrer dans
la «doctrine des esprits» que les témoignages absollument
concordants qui nous viennent de l'au~re monde, alors la
do-ctrine de ,la réincarnation n'est plus une dootrine, puis­
qu'elle est niée par une bonne moitié des désincarnés qui com­
muniquent avec les habitants de cette terre. Or, laréincama­
tian nous est présentée .par le spidtisme français comme étant
le demier mot de ,la sagesse céleste, et le pivot du spiritualisme
moderne!

La Doctrine spirite de la réincarnation.

Comme je viens de le dire, -le dogme des vies successives


n'est pas admis ipa!!" l'ensemble du m'Onde spirite. Une très
g;rande pa,rtïe des esprits eux~mêmes en nie l'exaditude. C'est
350 LE SPIRI1ISME DOCTRINAL

ainsi que nous avons sous les yeux une vieme brochure
française intitulée: Le Livre des Esprits spiritualistes réfutant
la Réincarnation 1). C'est un recueil de communications obte­
nues paT plusieurs médiums et publiées par M. A. Barthe.'
«Trois centres d'études médianimiques, nous dit ce dernier,
l'un à Nantes, l'autre à Angers, le troisième à Paris, ont
étudié la ,doctrine spirite; leurs travaux réunis nous sont tom­
bés en~re les mains. frappés de ,la dialectique serrée qui
éclaire ces réfutations, nous en avons extrait ce qu'on va lire,
en demandant à la réinoamation, de meiHeurs ,parchemins ».
Les communications de l'Au-delà renfermées dans ce petit
livre ne sont en effet pas tendTes pour les réincarnistes et leurs
«dogmes absurdes ». Quoiqu'i,1 en soit, le fait demeure, que
la maison spirite est divisée contre eUe-même sur ce point, ce
qui est fait pour nous remplir de scepticisme à l'endroit de
la valeur doc~inale des messages d'outre~t(}mbe.
Les témoins de ,l'Au-deIà n'étant pas d'accord entre eux,
il nous faut sotliffiettte leurs dépositionscontradietoires à un
examen rationnel. D~sons le d'emblée: les écrits de Sweden­
borg (l'homme qui fut le mieux placé 'pour juger une telle
question) nous apportent à ce sujet un vt\I1dietabsolument
négatif! En outre, les .lois générales et partimlières qui s'y
trouvent exposées ,s'opposent d'une manière irréductible au
principe même de la réincarnation.
Les spirH'es voudraient absolument appuyer ,leur doctrine
de la plm,alHé des existences sur FEvangiile. Ils se rencon­
, trent sur ce ,point avec leurs cousins les théosophes (en effet,
n'oublions pas que Mme mavatzky, la fondatriœ de la théo­
sophie, a commencé sa carrière de 'prophétesse ;par des expé­
riences spirites). «La loi de la réincarnation est indiquée
dans plusieurs passages de ,l'Evangile », nous dit M. L.
Denis. «EUe doit être considérée sous deux aspects diffé­
rents : le retour dans la chair des esprits en voie de perfec­
tionnement, la réincarnation des esprits. envoyés sur terre en
mission» 2). Voic.i les 'principaux passages sur 1esquels se

') Chez E. Dentu. Pa,ris 1863.

2) Léon Denis, Christianisme et SPiritisme.

LA RÉINCARNATION ET L'ÉVANGILE 351

baisent ,les spirites: tout d'aboJ1d les ,paroles de Jésus à Nico­


dème:
«En vérité, je vous le dis, si quelqu'un ne naît de nouveau, i,l ne
peut voir le ,royaume de Dieu ». Nicodème lui objecte: «Comment
un homme p.eut-il renaître, étant devenu vieux? ». Jésus répond:
«En vérité, je vous dis que si un homme ne naît d'e·au et ,d'esprH,
il ne peut entrer dans le ,royaume de Dieu. Ce quI est né de la chair
est chaitr, et ce qui est né de l'esprit est esprit.. Ne t'étonne pas
de ce que je t'aI dit: il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent
souffle où il veut et tu en entends le bruit, mais tu ne sais ni d'où
il vient, ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né
de l'esprit ». (Jean III 3-8).
Ces paroles du Christ ne font pas l'ombre d'une aHusion
à la doctrine de lIa transmigration des âmes. ElNes traitent de
,la régénération qui est une seconde naissance spirituelle, et
non pas du retour cent fois répété dans la chair, car « ce qui
est né de la chair est chair ». Cette deuxième naissance doit
être une chose de l'esprit, car «ce qui est né de l'esprit est
esprit» ; c'est un enfantement ,spi,rituel qui a 'pour but non
pas de nous faire réintégrer le monde terrestre que la mort
nous a fait quitter, mais d'introduire notre âme dans le ciel dès
ici-bas. En effet, cette seconde naissance doit s'accomplir de
notre vivant, afin que «<le royaume de Dieu soit en nous »,
selon les paroles du Christ. Quant au vent qui souftle où il
veut et dont nous ignorons les moovements exacts tout en
en subissant les effets, il représente l'opération secrète de
-l'influx divin qui nous pénètre quand nous nous régénérons
sans que noUis soyons à même d'en saisir intelilectuellement
les arcanes. Le «rené» perçoit la paix de l'âme et les joies
célestes comme étant en ,lui tout en sentant qu'eLles ne pro­
viennent 'pas de lui. « Le vent souffle où il veut, tu en entends
le bruit, mais tu ne sais ni d'où il vient, ni où i'1 va. Il en
est de même de tout homme qui est né de l'esprit» (et non
pas «'qui est réincarné»).
Le second passage cité par Léon Denis se t~ouve dans
l'Evangile selon 5t-Jean (IX l, 2). J,1 s'agit de la guérison
d'un aveug;le de naissance.
«Maître, qui est-ce qui a 'Péché? E,st-cecet homme, ou
son père, ou 'sa mère, pour qu'i,lsoit ainsi né aveugle?» ­
352 LE SPIRITISME DOCTRINAL

« Ni celui-ci n'a péché, ni ses parents, mais c'est afin que les
œu,vres de Dieu soient maJnifestéesen ,lui ».
Nous ne songeons 'pas à nier que quelques-uns parmi les
Juifs croyaient 'au -retour de certains individus chargés d'une
mi·ssion providentieUe 1). Mais il me semble que la réponse
du Seigneur contient ·la réfutation implicite de cette croyance.
(<< Ni celui-ci n'.a péché, ni ses pa'rents, et<:. »). Le sens spi­
rituel de ce passage noUis donne la clef de l'énigme, si énigme
il y a. L'aveugle de naissance représente ceux ,qui sont dans
l'ignorance du vr:ai, par opposition à ceux qui sont dans la
falsification du vrai. Le Seigneur - ·le V,erbe fait chair ­
est venu éclairer le monde plongé dans l'ignorance. Cette
ignorance n'était pas imputable aux dîverses nations qui
n'avaient pas eu l'occasion de connaître la révé1-ation divine,
eHe n'était pas la conséquence de leurs ~u'11piltudes morales.
La Providence a voulu qu'à l'avènement de notre Seigneur,
il y eût des hommes qui n'aient -pas eu la possibilité de
connaître et de profaner la «Parole », et ceci afin qu'ils
pussent l'accepter quand elle se manifesta en Jésus-Christ.
S'il en avait été autrement, le monde entier eût rejeté no~re

1) Nous lisons en effet dans Swedenborg;


« Qu'un fils de Dieu engendré de toute éternité soit descendu et
ait pr.is l'humain, cela peut être compa:ré aux fables des andens,
Que les âmes humai·nes ont été créées dès le commencement du
monde, et Qu'elles entrent dalns des corps et deviennent hommes;
puis aussi à ces rêveries Que l'â.me de l'un passe dans un autre,
comme plusieurs dans l'Eglise juive l'ont cru; pair exemp'le que
l'âme d'Elie était passée dans le corps de Jean-Baptiste, et que
David reviendraH dans son corps ou dans le corps d'un autr'e, et
régnerait ~u;r Israël et sur Juda (voir Ezechiel XXXIV 23-25 et
ailleurs enoore) ne sachant pas que dans ces passages par Davkt
est entendu le Seigneur ». (V. R. c. 171.)
Ma,is cette oroyance à la 'réincaJrnation étaH contraire à J'ensei­
gnement· des livres saorés des Juifs. Nous trouvons les déclaJ1'ations
suivantes dans Job: «L'œil qui me ,regaJi'de ne me regardera plus;
ton œH me cherchera et je ne serai plus. Comme la nuée se dissipe
et s'en va, celui qui descend au séjour des morts ne remontera pas;
il ne reviend!J'a plus dans sa maison, et le lieu Qu'il habitait ne le
reconnaîtra plus ». VII 8-10. PJus loin nous lisons: «Je m'en Irai
par un senNer d'où je ·ne rev.iendra·i pas ». XVI, 22.
LA RÉINCARNATION ET L'ÉVANGILE 353

Sau,veUT, c'est-à-dire «la P.arole qui ~t venue habiter parmi


nous et dont nous avons vu la gloÏ're» et <41es œuVifes de Dieu»
n'eussent pas pu «être manifestées! »1). C'est ,là, en peu de
mots, ce que signifie le sens sprrituel -de ce passage de Jean
que d'aucuns voudraient travest~r en une profession de foi
spi,ri,te ou théosoph~que.
Les deux autres te)(ltes du Nouveau Testament qu'on cite
pour défendre la thèse de la réinc~nation se trouvent dans
1'Evangi,le de Maithieu :
« Qu'êtes-vous aHés vok ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare,
plus qu'un ,prophète... Et si vous voulez comprendre, il (Jean-Baptiste)
est lui-même Elie qui devait venk. Oue celui qui a des oreilles pour
entendre, entende ». (XI, 9. 14. 15) et plus loin: «EHe, en effet,
devait veni:r et IrétaJb!k toutes choses. Mais }e vous le dis: Elie est
déjà venu, ils ne l'ont pas connu et ils lui ont fait ce qu',fils ont voulu.
Alors ses disciples comprirent qu'il parlait de Jean-Baptis-te ». (XVII,
Il, 12. 15),

Si ces choses siglüfiaioot Vim:iment ce qu'eUes veUJlent dire


dans le sens de la -lettre, Jésus aurait-lil dit «si vous voltiez
comprendre» et ,plus loin, «que celui qui a des oreilles pour
entendre, entende»? Ces mots ne nousdonnent-Hs pas à en­
tendœ qu'il faut a;ttribuer un sens plrus profond - non
.évident - à I.a déolar-ation du Christ ? Le sens spilfituel de
-ces deux passages nous montre le caractère représentatif du
prophète Elie et de Jean Baptiste. Sans vOUiloir noO's attarder
sur ce potnt, noO's ferons s~mplement rema!l'quer que si Jean
était vraiment la réi'O'camation d'Hie, la scène de la transfi­
guration de notre Seigneur deviendrait inexpHquable. En
effet, nI nous est dit qu'à cette oocasion Moï,se et Elie appa­
rurent SUif la montagne et conversèrent avec Jésus. N OUtS ne
voyons pas comment Ellie, après être devenu Jean-Baptiste,

1) L'exactitude de notre interpréta'tion ressort des p<llfoles mêmes


de notre Sauveur: «Et Jésus dit: Je suis venu dans le monde pour
ce iugement: que ceux Qui ne voient pas voient et qù'e ceux qui
voient deviet'inent aveugles ». - «Si aveugles 'Vous étiez, vous n'in­
riez P'Ointpéché; mais maintenant vous dites : N'oos 'VOyonS ; c'est
pourquoi vOtre péché demeure ». Jèa'll IX 39 et 41.
354 LE SPIRITISME OOC1RINAL

aurait pu redevenir Ellie et apparaître comme tel sur le mont


de la transfiguration 1). Nous ferons la même objection au
sujet de la réponse .des disciples à la question du Seigneur
qui leur avait demandé «que dit-on du fils de l'lwmme ». Ils
répondirent que les uns croyaient que c'était jean-Baptiste,
d'autres Elie, Jérémie ou 'l'un des prophètes. Or, tout le monde
savait parfaitement que Jésus était un contemporain de Jean­
Baptiste, ce qui rend inadmissible l'hypothèse selon laqueLle
cette identification doive être prise au rpied de ~a rlettre.Même
si les Juifs admettaient la réincol1poration, l,e Seigneur n'avait
pas à la combattre dans le cas présent 'pour la bonne raison
que ses disciples, par la voix de Pierre, se séparèrent nette­
ment de l'opinion .des Juifs en affirmant que Jésus était le
Christ.
D'une manière générale, il est à remarquer que le Seigneur
n'auraitcer1:ainement ,pas manqrué d'enseigner ,la doctrine des
vies successives si cene~ci était vraie, surtout quand on pense
qu'une telle doctrine, déjà 'Plus ou moins populaire, aurait
sans ,doute trouvé unaocueirl favorab~e auprès du public
israélite. D'autre part, les enseignements les plus explicites du
Christ sont en opposition flagrante avec la doctrine de la
réincorporation, sans compter que si les âmes des hommes
pouvaient être sauvées par des incarnations répétées, il eût été
inutile que le «fils de l'Homme» vînt ,lutter et souffrir ici-bas
pour accomplir l'œuvre de la Rédemption.
Il est vrai que les spirites nous parlent de doctrines éso­
tériques secrètes chez les rpremiers chrétiens, au nombre des­
quelles ils placent naturellement la croyanœ à la réincar­
nation. Cette affirmation n'est 'pas absolument busse puisque

1) Notons, pour le bénéfice de ceux Qui interprètent IHtéra'lement


le texte biblique, Qu'Elie n'est pas mort d'après 'le ,récit du 2''''
Livre des Rois (Il. 11). Or, n'étant pas mort, comment se serait-il
réincarné. La Parole de Dieu est p~eine de contradictions pour ceux
Qui n'ont pas <<l'espr.it ouvert pour cQmporend,re les Ecritures! ».
LES RELIGIONS DE L'ANTIQUITÉ ET LA RÉINCARNATION 3~

l'Eglise a cru devoir jeter l'anathème contre les adeptes de


cette croyance 1) .

Les religions de l'antiquité et la réincarnation.


Les ocoultistes, comme Ed. Schuré, ainsi que les spirites
attribuent une grande importance à l'universalité supposée
de la croyance aux vies suocessives dans l'antiquité. A les
entendre, toutes Iles religions anciennes ont pour base com-
mune la doctrine de la plurwlité des existences.
POUif autant que je puis en juger par mes lectures, rien
n'est moins certain qu'une te1le universalité. Nous aurions
to,rt d'attribuer aux anciens Egyptiens, par exemple, toutes
les conceptions ésotériques des ocCUiltistes modernes. Les ha-
bitants de la vallée du Nil ne croyaient pas plus à la trans-
migration des âmes qu'ils n'aàmettai'ent l'existence d'une
multitude de dieux et de déesses. Métempsychose et poly-
théi·sme étaient, au début, de purs symboles représentant
l'évolution spifi,tueHe de l'âme et ,les attributs de l'unique
divinité. Swedenborg nous apprend que les Egy;ptiens culti-
vaient de préférence aux autres nations ,de ll'Orient la science
des «cor,respondances» et des «représentations» symboli-
ques, par 'lesqudles ils eX'primaient les doctrines spirituelles
que leur avaient léguées ·les «T'l'ès Anciens» (qui avaient
l'intuition du vrai, parce qu'ils possédaient l'amour du bien)
et que les mystères hiéroglyphiques n'étaient autre chose que
des «rcorrespondances». Ce ne fut que plus tard, quand les

1) «QuiconQue dit ou pense Que les âmes humaines ont préexisté...


QU'bl soit anathème.» (Pcr-emière des Propositions contre Origène.)
«Si Quelqu'un afHrme la préexistence fabuleuse des âmes, qu'il
soit anathème.» (Premier des 15 Anathèmes contre Origène.)
S. Basile n'était guère plus tendre poU[" les partisans de la palin-
génésie et de rIa métempsychose: «Evitez, dit-il, l'arrogance de ces
philosophes qui ne rougissent pas de comparrer l'âme (huma.ine)
à celle d'un chien et qui prétendent avok eux-mêmes été des fem-
mes, des buissons ou des poissons! Ont-Us été des poissons? -
Je l'ignore, mais je ne crains pas d'affirmer que dans leurs écrits
ils font preuve de moins <l'esprit qu'un poisson.» S. Basile, Library
of Nicene and Post-Nicene Fathers.
356 LE SPIRITISME DOCTRINAL

symboIes furent 'pris au 'pied de La ,lettre, 'que le culte repré­


sentatifse transforma en· idolâtrie et que ,la doctrine des
cocrespondances dégénéra en magie et en ,sUlpersiitions 1).
J'empmnte les lignes qui suivent à l'intéressant ouvrage
d'E. ]. CheVirier sur Les religions de l'antiquité:
« Quant au dogme de la bransmigoration des âmes dans des corps
d'hommes et d'animaux, sur cette terre, qu'on a attribué aux Egyp­

1) Voici quelques paSSélJges des Arcanes Célestes de Swedenborg:


« L'anoienne église qui fut instaurée paJr Ile Seigneur... était une
église représentaüve. ELle était telle que ,tous les extemes du culte,
en général et en particulier, repifésentaient les choses célestes et
spiritu.elles qui appartiennent au ,royaume du Seigneur, et dans le
sens suprême les Divins Mêmes du Seigneur; mais les choses inter­
nes de son culte se référaient toutes, en général et en particulier,
à la charité. Cette église était répandue dans une grande partie de
l'Asie et là dans un g1rand nombre de royaumes.... M,ais cette église,
dans la suite des temps, tourna en idolâtrie, et en Egypte, à Baby­
lone et ailleurs, en magie; calr ils oommencèrent à adorer les
externes sans les inter,nes, et a'i'TISi, comme ils s'éloignèrent de la
charité, :Ie ciel aussi s'éloigna d'oox, et à sa place il vint l'enfer des
esprits qui les conduisaient.)) A. C. 4680.
« La magie n'était autre chose qu'une perversion et une application
abusive des choses quiappa,rtenaient à l'or,dire, dans le monde spi­
rituel; de là est descendue la magie.» « Les mages de ce temps-là
avaient connaissance des choses qui sont dans le monde spirituel;
il les apprenaient ·par les correspondances et par les représentatifs
de l'église. Aussi un grand nombre d'entre eux communiquaient-ils
avec les esprits, et par suite ils afJprirent les artifices illusoires par
lesquels ils firent des miracles magiques.» « L'Egypte avait été du
nombr,e de ces royaumes où existait ,l'Eglise Ancienne représentative;
mais en Egypte étaient particulièrement cultivées les sciences de
cette église, qui concernaient les correspondances, les représentatifs
et les significatifs.)} A. C. 5223.
«La magie égyptienne aeJ.le-même Uré ode là son origine. car les
Egyptiens ont connu les correspondances du monde naturel avec le
monde sfJirituel, et après que l'Eglise .eut cessé chez eux, ils ont
abusé de ces corresfJondances en les afJ1Jliquanf à des opérations
magiques.)} A. C. 4964. Voilr aussi: Arcanes Célestes, W' 1462, 1195,
1186, 3991, 7779, 1OZ52, 4163; Apocalypse Expliquée, W 69, etc. Un
savant de la Nouvelile Eglise, M.., Ohdner, a écrU ,tout un llv;re sur
les CorresfJondances d'Egypte, ouvrage dans lequel fi nous dl()nne
le sens des symboles é,gYiPtiens, telqru:'U se dégage de la connais­
sance des c()prespond·ances ,r'évélées d,ans ~es écII"its de Swedenborl!.
LES RELIGIONS DE L'ANTIQUITÉS ET LA RÉINCARNATION 357

tiens, H n'yen a pas de traces dans les textes hiéroglyphiques, saul


peut-être dans le livre des migrations, Qui se trouve dans les tombes
des derniers temps.
Et encore, il est probable Que l'on a pris pour des migrations
sur le globe terrestre, des épreuves, des allées et des venues Qui
ont lieu dans le monde 5pi'r'i,tue\. La même ob5ervaüon peut s'appli­
Quer à la religion des Gawlois et des Indiens.
lorsque le rituel funéraire dit Que l'âJme a été translormée en
serpent, en porc, en agneau, cela sig>ll'ifie Q,u'elle a revêtu des états
spirituels Qui conrespandent à ces animaux. Dans la lan~ue popu.laire,
on dit d'un homme oruel, c'est un tig>re; d'un g,louton, c'est un
cochon; d'un fouTbe, c'est une vLpère. Dans les psaumes, l'âme
pénitente confessant ses l'a'utes a'u Seigneu,r dit: Je suis comme une
bête devant Toi.
Lorsque l'âme subit des tentations et succombe, elle semb.le re­
vêtir l'appa'rence de l'animal Qui correspond au vice Qui l'a dominée.
Le mythe des compagnons d'Ulysse, transformés en pourceaux, a
cette signification.
L'âme traversant des états intmméd1aires entre .Je bien et le mal,
revêt l'appa:rencede l'inoffensiViC hirondelle, du lotus. Mais quand
eHe est devenue oomme semb.lable à Osi,r,is par la subjugation des
maux et des faux, elle revêt la p,arfaite forme humaine, Qui est
celle de Dieu ùui.Même» 1).

M. Maurice MreterHnck partage ll"op1nion de Chevrier:


«Et la réincarnation? On croit généralement Que l'Egypte est par
excellence le pays ,cte' la palingénésie et ,de la métempsychose. Il
n'en est ,rien. Pas un texte égyptien n'y fait allusion. Il est vrai Que
l'âme devenant Osiris pouvait pf'endre toutes les formes; mais ce
n'est pas là la réincarnation proprement dite, la réinca!TDation expia­
tolre et purificatrioe des Hindous. Tout ce Qu'on nous dit à ce sujet
repose principaJlement sur un texte d'H6wdote qui note Que « les
Egyptiens furent les p1'em~ers à affirmer q.ue l'âme de l'homme est
immortelle. Sans cesse, d'un vivant Qui meurt, elle passe dans un
vivant qui naît, et Quand elle a parcouru tout le rrnonde terrestre,
aQuati'Que et aérÎ'en, el1e rev,ient a'iors s'introduire en ce corps hu­
main. Ce voy:age droulaLre dure 3000 ans. C'est ,là une théorie que,
plus ou moins p.rès de nous, plusieurs Grecs se sont appropriée; je
sais leurs noms et ne les écris point.» (Her.odote II 123') 2).

') Ed. Chewier.. Etudes sur les Religions de l'Antiquité, p. 139,


Paris 1880.
2) M. MœterUnck, Le Grand Secret.
358 LE SPIRITISME DOCTRINAL

M. Hewi Guénon écrit de son côté :


« .... nous dirons seulement, pourrédu~re à leUir iuste valeur les
prétentions des théosophistes, Qu'aucune ,religion traditionnelle n'a
jamais admis la ,réincarnation et Que cette idée fut complètement
étrangère à toute l'antiquité, bien Qu'on ait voulu l'appuyer PM" une
interprétation tendancieuse de Quelques textes plus ou moins sym­
boliques ; dans le bouddhisme même, il est seulement question de
changements d'états, ce Qui, évidemment, n'est pas du tout la même
chose Qu'une pluralHé de vies successives, et ce n'est que symboli­
Quement. nous le répétons, Que des états différents ont pu être par­
fois décrits comme des «vies» Dar analogie avec l'êta.t actuel de
l'être humain et avec les conditions de son existence telirestre. La
vérité est donc tout simplement ce1Ie-ci: c'est (1IUX milieux socialistes
dont nous avons ·padé, qu'apparrtenaient les premiers spirites de
l'école d'Allan Kail"l(lec, c'est là Qu'ils prirent, comme Quelques écri­
vains de .la même éDOque, .\',idée de réincarrnation, et c'est dans
l'école spkite fiTançaise Que ,Mme Blavatzky, comme, un Dell plus
tard les ocoultistes de l'école Papusienne, trouva cette idée à son
tour; ce Que nous savons de la première période de sa vie ne nous
permet aucun doute à cet égard.» ')

Les honneUifs ,que Iles Egy;ptiensrendaient à lieurs moris et


l'importance qu'ils a,ttribuaient à la décoration et à l'aména­
gement des chambres funéraires, semhleraient devoir exclure
toute croyance à la réincarnation des âmes. En effet, ~ls ad­
mettaient que des liens .puissants et bienfaisants unissaient
les hommes à ,lems p.élIfents décédés, ,et Iles ,rites ,qu'il accom­
plissaient dans ;lemcuH;e domestique et dans leul's tombeaux
de famiLle avaient pour but ,depeI1pétuer ce contact uttle entre
les vivants et les morts. Les objets que les Egyptiens pla~
çaient dans les tombeaux ainsi que les bas-reliefs dont
Hs les ornaient ,avaient un doublespirittuel qui servait à l'usage
du défunt. Pour que ce dernier pût jouir du double de toutes
les choses qu'il avait aimées SUif terre, rI suffisait que ces
choses fussent représentées paT des dessins, des sculptures.
C'est ainsi par exemple qu'on finit ,par ne ,plus offrir de la
nour:rirtJure rée~le aux morts, mais seulement des ,pierres
sculptées ou gravées représentant ,},a for.me extérieure des

') Henri Guénon: Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-reli­


gion. Paris 1921, Nomnelle Libraill'ie Nationale, p. 118.
LA RÉGRESSION DE LA MÉMOIRE 359

'victuaiUes qu'on souhaitait aux trépassés de l'A'u-delà 1).


Quant aux religions de l'Inde, -ce ne fut que dans la suite
des temps qu'elles adoptèrent la dootrine de lIa métempsychose.
Les Aryens de l'Inde croyaient au Paradesa, monde dans
lequel ils devaientcontinruer, en la 'Perfectionnant, l'existence
humaine d'ici-bas. «On voit d'après le Ramayana, qu'iJ.s
croyaient qu'après lla mort, le Soudra ou 'l'homme de condition
vile pouvait devenir grand et noble ».
« La théorie de la transmigration des âmes ne se trouve point
dans les Vedas, Bairthélemy-Salnt-Hilake le ,reconnaît. Ce dogme a
été inventé par les Brahmanes, Qui ne l'adoptèrent, ainsi Que la cré­
mation des corps, Que longtemps après Que les Aryens eurent Quitté
la vailléede l'Indus pouor pénétrer dans celle dou Gange.
«Les hommes primitifs disaient, dans leur langage figuré, Qu'un
homme Qui s'abandonnait à ses penchants mauvais, devenait sem­
blable aux bêtes. C'est ainsi Que dans le Mahabarata, un prince est
changé en bête à cause de son orgueil. Les AJryens dégénérés, pri­
rent ces expressions figurées au pied de la lettre. De même le dogme
hindou, Qui attribue ·Ia condition malheureuse d'un homme à un
·orime commis dans une existence antérieure, est une dégénérescence
<le cette doctrine antique, d'après IlaQueHe les ·fautes des pères sont
. visitées sur leurs enfants ». ')

La Régression de la Mémoire.

Ce qui semble ,donner une aipparence de vérité à !l'hypothèse


des vies successives, ce sont certaines expériences pratiquées
SUif des sujets magnétisés ou hY'Pnot~sés, expériences qui nous
font assister à une curieuse régression de la mémoire chez
ces derniers. Cette irégn-ession dévoile à rebours tout le COUŒ'S
de leur vie, jusqu'à ses premiers débu~sd:ans le ,gein maternel,
voire même au-delà de cette vie, jusqu'aiUx vies antérieures
qui l'ont précédée, si nous ajoutons foi à l'explication spirite.
M. Alh. de Rochas a décrit -ses mrieuses expériences dans
SOTlouvrage sur Les Vies Successives 3) . La pilupart du

1) D'après Alb. Gayet: Trois Etapes d'Art en Egypte.


!) Ed. Chevrier, Op. cit., p. 75.
3) A. de Rochas, Les Vies Successives, Chacomac 1911.
360 LE SPIRITISME DOCTRINAL

temps, le sujet ne fait 'qu'accepter le rôle qui lui est suggéré.


Mais il est certains cas où J'.on la 'Pu constater l'exactitude'
du passé révélé dans la kanse. T-a'1ltqu"il ne 's'agit que de la
vie présente, il n'y a rien d'extr,aordinaire à ce qu'on obtienne
la reronstlÜtution fidèle du paesé en interrogeant le sub­
conscient. Nous ,savons en effet que la mémoire subHminale
- la mémoire intérieure, comme l'appelile Swedenborg ­
n'oublie jamais rien. Quelques psychologues expliquent même
certains rêves (rêves de chute, vols pilanés, étouffements,
etc.) par -la rémini,scenœ momentanée et obscure de notre vie
fœtale, dont le souvenir s'est conservé au plus profond de
notre subconscient 1), li! n'y a donc rien d'étonnant à ce que
le sujet hypnotisé, ramenécontinueHement en aHière dans
le passé, par un système de «passes Jongitilldinailes », finisse
par reprendre la position du fœtus, à moins que ce phéno­
mène ne s'e)(lplique, lui aussi, par le pou'voir suggestif de
l'opérateur.
Ce qui semble pLus curieux, par cont,re, c'est le souvenir,
évoqué chez ,Le sujet, de vies qui ne sont pas les siennes et
qui se sont ·apparemment déroUllées avant sa naissance. M,
de Rochas cite le cas d'une ceIiaine Mme j. .. (observé par
M, Bouvier) qui nous met en présence d'une succession de
onze vies! Les quelques maigres renseignements (de caractère
historique et tout à fait généra'l) fournis par ce sujet au
COUTS de sa longue «régression» mnésique sont à peu près
exacts, mais de là à conclure à l'authenticité des vies relatées,
il y a un abîme! M. L Chevreuil, spirite convaincu, nous
dit lui-même, dans son livre On ne meurt pas 2), que «pour
ce qui est des vies antérieuTes, eliles sont à peu près incon­
trôlables, les déc1antions des ,sujets contenant des éléments
d'erreurs et de vérités» (p, 71), Or, c'est à de tels faits « in­
contrôlables» et à de teIlles déclmations «-contenant des élé­
ments d'e11Teurs et de vérités» que se réduisent les soi-disant
«-preuves scientiHques »de la survie et de la réincarnation.

') Cf. Dr Bonjour, Les Rêves, Lausanne 1920.

') L Chevreuil, Oll ne meurt pus, Pa'ris, Jouve &. Co.

LA RÉGRESSION DE LA MÉMOIRE 361

Notre intention n'est pas, 'Cependant, de nous livrer à l'exa­


men critique du wntenu psychologique des «vies antérieures»
qu'on cite volontiers du côté spirite 'pour prouver l'hypothèse
de la pluralité des exi'stences terrestres. Ceux que ce sujet
intéresse liront avec profit ,les ouvrages de MM. fllournoy 1),
Morton Prince 2), Walter Prince :l), Sidis et OoodheaTP).
Tous ces savants se passent ,très men de lia théorie
réincarniste pour «expliquer» le phénomène si étrange de
la personnalité multiple. Mais si les faits devaient nous faire
attribuer ces mémoires -d'« autres vies» à des causes occultes,
nous préférerions nous en teni,r à l'eX'plication plausible et
vraiment psyohologiquede Swedenborg, plutôt que de nous
arrêter à la théorie spirite. J'ai déjà dté, au début de ce
volume, quelques passages des éorits du voyant suédois qui
montrent que ces soi-disant réminiscences de «vies passées»
sont dues à la oonfusion des personnalités ,qui se produit dès
que les esprits suggestionnent l'homme -d'après leur propre
mémoire. Ajoutons qu'il pourrait même s'agir d'une trans­
mission de souvenirs émanant de tout un groupe, de toute
une société d'esprits, communiquant avec l'homme par l'inter­
médiaire d'un espI1it «sujet ». Les ressources du monde spi­
rituel sont incommensurables et les facuMés latentes de notre
esprit sont étonnantes. Il faudrait d'abord épuiser toutes les
possibilités du domaine spirituel avant de recouI1ir à une hy­
pothèse aussi antinaturelle et anhpathique que celle de la
réincorporation, poure;lCpliquer les quelques cas, tout à fait
exceptionnels, de «régression» mnésique ou de «xénoglossie»
qu'on a pu observer ci et là.
«Si l'esprit parlait avec l'homme d'après sa propre mémoire,
l'homme ne po>umait failre autrement que de s'attrribuer les choses
qu'il penserait alors, tandis qu'en réalité elles appwrtiendraient à l'es­
prit. Il y aurait comme ,réminiscence d'une chose que cependant
j'homme n'aurait jamais .entendue ou vue» (C. E. 256). « Il ne sau­
rait y avoir (normalement) deux mémoires agissant simultanément.

1) Des Indes à la Planète Mars.


2) The Dissociation of a Personality.
3) The Doris Fisher Case.
4) Multiple Personality.
362 LE SPIRITISME DOCTRINAL

Si pareille chose se produisait, ,la mémoke de l'esprit eIlilèverait celle


de l'homme, et ce serait l'espr,it Qui penseraH d'après sa mémoire
à 'lui _. Diarium 4001. « C'est ,pair expérience Qu'il m'a été donné de
savoir Qu'il en est ainsi quand cela a lieu. De Ilà, chez quelques
anciens, l'opinion qu'après des milHers d'années Hs reviendraient
dans leur vie précédente et dans tous ses actes, et aussi l'opinion
Qu'ils y étaient ,revenus. Us avaient conclu cela de ce que pa,rfois
il leurr était survenu comme un souvenir des choses que cependant
jamais ·ils n'avaient ni vues ni 'entendues 1). Cela était a!l'rivé, parce
que les esprits avaient, d'aplrès leur propre mémoire, influé dans les
idées de la pensée de ces hommes ». (C. E. 256). «J'avais d'ailleurs
déjà appris paof e~périence que quand les esp,rits étaient oréduits à
un état pareil, ils se mettaient à me communiquer des choses qui
leur appaJrtenalent, de sorte que je ne savais autre chose sinon que
moi-même je les avais 'oonnues autrefois et me .les n,ppelais ainsi;
je sus cependant .plus 'tard que cela provenait de l'opération des
esprits en moi, opération qui était semblable à l'action que les hom­
mes exercent stlJr les esprits qui croient connaître tout ce Que
l'homme connaît. L'effet est ainsi rêciproQ·ue ». Diarium 2021. Voir
aussi A. C. 2477 et Diarium 3783.
En matière de 'conolusion, il convient d'insister sur le fait
que rien ne semble justifier la mUiltiplicité des incarnations
dont on nous narre les péI1ipéties. Ces différentes vies se
ressemblent trop et démentent cetteaffirrnatfion d'AHan
Kardec contenue dans le Livre des Esprits: « La marche des
e~prits est progœssive et jamais :rétrogifade; Hs s'élèvent
graduelilOOlentdans la hiérarchie, et ne descendent point du
rang auquel ils ·sont parvenus ». Comment condlier aussi
cette déclaration avec le phénomène historique de la décadenœ
des races? Il semble bien que, sans ,l'·a()tion continuelle et
l'intervention quelquefois retentissante de la Divine Provi­
dence, l'évolution humaine aurait ,la tendance à s'accomplir
à rebours 'plutôt qu'en av,ant. Quant ·aux spirites, théosophes
et occultistes, qui se consolent de ,la médiocrité de leur vie
présente en songeant aux splendeurs de leurs vies antérieu,res,
font-iJls autre chose que de nous offrir le spectatle peu con­
S():lant d'un 'progrès à reot1Jlons? Mais n'anticipons pas et
considérons brièvement le mécanisme de ,la réincoI1poration
eLle-même, après quoi nous aborderons ·le côté mor:al de la
doctrine spirite.

') Pythagore, pM exemple, prétendait avoir été un certain Eu­


phorbe, Grec qui prit part jadis au siège de Troye.
LE MÉCANISME DE LA RÉINCORPORATION 363

Le Mécanisme de la Réincorporation.

Pour commencer, voyons ce que les spirites ont à nous


diTe à ce sujet :
«D'abord, avant la naissance, H (l'esprit) se voit dans l'espace
sous la forme d'une boule ou d'un hrouillard légèrement 1'llmineux,
et errant ,autour des organes de la mère; tous voient dans le ventre
de la mère le corps da.ns lequel ils vont s'incarner. Ainsi la con­
ception précède la prise de possession du fœtus par le corps spirituel
qui n'ent're que peu à peu, «par bouffées» dira l'un des sujets, dans
le petit corps. Jusque là, le sujet se voit comme s'i,1 était placé à
l'extérieur.
«Un autre sujet, Joséphine, se dépeint ainsi entourant le corps
de la mère ·et n'entrant qu'assez tard, et peu à peu dans le corps
de l'enfant. Tous fixent à sept ans environ l'inOOil1lOTaHon com­
pIète» '),
Cet enseignement mérite à 'peine d'être réfuté d'une manière
détaillée. Nous nous bornerons à faire ressortiT l'opposition
irréductible et flagrante qui se manifeste entre lui et cer­
tains principes d'ordre universel qui ne 'sauraient souffrir ,la
moindre infradion.
Tout d'abord, rappelons"nous que, d'après Swedenborg,
fâme humaine n'est 'pas lIa vie, mais seulement un réceptacle,
un récipient ou,!!n organe die la vie"). Or, qui dit organe,
dit nécessairement substance organisée. Notre âme -est donc
un o1"'ganii5me substantiel-spirituel créé pour recevoir ,conti­
nueIaement la vie qu~ influe sans cesse de Dieu, Source de
toute vie.
Si réincarnation il y a, il s'agit donc nécessan-ement de la
réincarnation d'organismes spirituels. Pour peu, cependant,
que nous ayons la moindre notion de la nature de notre
organisme suprasensible, il nous sera impossible d'admettre
que ce dernier .puiSJSe, une fois débarrassé ·de son enveloppe
charnelle, revenir en animer une autre.

') Chevreuil, OP. cît. pp. 70-1.


~) «L'âme n"est point la vie, mais eFle est le pLus proche récepta­
ole de la vie procédant de Dieu 'et ainSi l'habitacle de Dieu.»
Am. C. 315.
364 LE SPIRITISMe DOCTRINAL

Contrairement à .t'idée que les spir,irtes se font de l'esprit '),


Swedenborg nous enseigne à maintes reprises q'ue ce dernier
a la forme humaine et que c'est de lui que notre corps tient
son QŒ"ganisation et ses 'Pf"Oporrtions.
«L'âme est la forme humaine, de laquelle ,rien ne peut être re­
tranché, et à laquelle Tien ne peut être ajouté. Elle est la forme
intime de toutes les fo.rmes dru corps entier. Les lormes qui sont au
dehors, reçoivent de ,la forme intime et ,\'essence et la forme. En un
mot, l'âme est l'homme lui-même, parce qu'elle est l'homme intime.
C'est pourquoi sa forme est pleinement et parfaitement la forme
humaine ». V. R. C. 697.
«L'âme de l'homme est son essence intérieure. EI;le crée ou .forme
pour ainsi dire le corps selon son image, et même au point que par
lui elle agit et sent absolument comme eUe veut et pense, de telle
sorte que .Je oor·ps est comme l'effet et l'âme comme la cause dans
laquelle est la fin. Pa,r conséquent, l'âme est le tout dans le corps
comme la cause de ,[a fin est le tout de l'effet ». A. C. 4727.
«Le CO,flPS sans j'âme ne vit pas. Le tout du co.rps est produit
d'ap,rès l'âme, ainsi à ['.instar de fâme, afin que cette dernière soit
dans un éta.! adéquat, et qu'elle soit ,accommodée aJux fonctions da·ns
les derniers (degrés) de Il'o:rd:re ». A. C. 10125.
Si ce qui précède est exact, la réincarnati:on est une im­
possibilité... nous aLlions dire matérieUe! Une âme d'adulte,
étant un organisme ,psychique pleinement ·développé, ne sau­
rai,t revenilf s'inconporer dans .le <:onps d'un noU[fi,sson.
Il n'y aurait ,aucune correspondance entre ,le contenant et le
contenu. Cette cor1respondance est cependant ,la condition
sine qua non de ,la vie du ICoOI"PS. Nous lisons -dans Sweden­
borg:
«La substance de l'esprit a été ad,jointeà la matière du corps
avec tant de justesse et d'union, qu'H n'y a pas une IibrHle, la plus
légère trame ou l.a plus petite membrane où l'humain de l'espr·it ne
soi,t avec l'humain du corps ». D. S. VII 4. «L'esprit de l'homme
n'est pas une substance sépa.rée des viscèr·es, des orga·nes et des
memhres de l'homme, maisH leu,r est étroitement adhérent, car le

') «L'oesprit n'a pas de forme.·." c"est une f,iamme, une lueur ou
une étincelle éthérée... qui varie du sombre à ,J'éclat <iu rubis, selon
que l'esprit est plus ou mo.ins pm »" Le Livre des Esprits, N° 88.
Compa,rer ce passage avec le N" 695 de la V. R. c., où Swedenborg
dénonce l'enreur d'une paTeiHe conception.
LE MÉCANISME DE LA RÉINCORPORATlüN 365

spk,i-tuel suit tou,te leur chaîne, depuis ,les extimes, jusqu'aux intimes.
Cest pourquoi 10000sqllle ~e Hen entre le corps et l'esprit est Irompu,
l'esplrït est dans la même forme dans laquelle était I\'homme pré­
cédemment ».. lb. VII 2.
,,(Une fois ,qu'elle a q,uitté le cor'ps, l'âme) ne peut pIus attirer
le moi'ndre élément des trois règnes de ,la nature, ni Irevêtir une
nouveHe enveloppe ohamelle, paJreHle à celle qui ~ui aiv,ait servi de
demeure dans ,Iepassé~. L'âme ne saurait pas non plus ,réintégrer
la vie terorestre alu moyen d'un ovule comme les anciens 'philosophes
se l'étaient imaginé d,ans .\oors ·rêveries. En effet, le volume du
fluide animal est considérable et ne sau,rait Ir,ecommencer (une nou­
ve\;\e existence) e minimo. L'âme ne peut donc faire autrement que
de viwe perpétuel,lement dans l'état qui lui est ,prop,re à l'exclusion
de tout autre ». Œc. Reg. An. N" 351, in fine.

Quant à admettre que -l'organisme spirituel qui se réincarne


change de forme et de 'proportion, c'est admettre l'annihila­
tion de la personnalité de l'esprit. Un pareil changement
équivaliodraiten effet à transformer un homme en un autre,
ce qui est impossible, car «l'homme est un organe et son
essence intéri.eure est constituée par des formes organiques,
qui ne peuvent en aucune façon être occupées par les formes
organiques d'lion autre, ni ê1Jre changées en ceUes d'un autre.
D'aucuns SUipposent 'Peut-être q'lleleur essence intérieure est
seulement l.a vie, 00 une sorte de flamme; mais Hs s'abusent
immensément ». Diarium 1750.
"Qui est-ce qui ne croit pas que l'âme est l'intime et très subtile
essence de l'homme? Mais une essence sans forme, qu'est-ce autre
chose qu'un être de raison? L'âme est donc une forme; mais quelle
forme? - C'est ce que je vais dire: C'est la forme de toutes les
choses qui appartiennent à l'amour et de toutes celles qui appartl.en­
nent à la sagesse. Toutes celles qui appall'tiennent à l'amour sont
appelées affections, et toutes ceHes qui appartiennent à ia sagesse
sont appelées perceptions. Les perceptions proviennent des affections,
et ainsi font avec elles une seule forme, dans laquelle des choses
innombrables sont dans un tel1e ordre, une teHe série, une tel1e
cohérence, qu'elles peuvent être nommées un; et elles peuvent être
nommées un, pa,rce que, pour qu'elle soit teHe, H n'en peut être rien
retranché, et id ne peut Y être rien ajouté. Qu'est-ce que l'âme, sinon
une telle forme? Toutes les choses qui apPall'tiennent à l'amour et
toutes cel1es qui appartiennent à la sagesse ne sont-elles pas les
essentiels de cette forme? Ces essentiêls chez ,l'homme sont dans
l'âme, et d'après l'âme dans la tête et dans le corps. Vous avez cru
·que les esprits et les anges étaient des menta,ls (mentes et animiJ,
366 LE SPIRITISME DOCTRINAL

et ainsi comme des vents ou des éthers, mais maintenant vous voyez
clairement qu'ils sont véri,tablement, réellement et en actualité des
hommes ». Am. Con}. 315.
La 'personnalité humaine et l'individualité de l'esprit résul­
tent exolusivement de la forme spécifique que chaque orga­
nisme spirituel possède en ,pf()pre, en vertu de son sexe, de
ses hérédités, de sa mémoire et de son 'caractère. La différence
qui distingue entre eux ,les divers individus n'est donc pas
imputable à ,des différences dans la vie elle-même, mais à des
différences dans la façon de recevoir la vie. En effet, l'influx
dépend de la réc'eption et ,la réoeption est déterminée 'par la
qua1lité des formes réceptrices.
Le fait que Il'h~mme est un esprit revêtu d'un COI1pS a été
mal interprété par les spirites. Il est vrai que ces derniers
ne semMent guère connaître Ies principes généraux qui sont
à la base de toute philosophie vraiment spiritualiste. Ils igno­
rent appMemment l'existence du monde spirituel considéré
comme monde des causes et 'paraissent méconnaître l'impor­
tance et le rôle du monde physique considéré comme monde
des enets. Pour eux, la matière est une entité en soi, aucun
ra;ppo,rt de cause à effet ne la rattache à l'esprit 1). Ils con­
sidèrent le monde naturel avant tout comme un lieu, sans
se douter qu'il remplit, en vertu de la stabHité de ses éléments,
une fonction indispensable dans la formation objective et la
fixa1ion définitive des formes spiritueJ,les. La seule fonction
que le spiritisme reconnaisse à 'l'univers matériel, ou plutôt
à la terre, c'est d'être un lieu de passage où les esprits vien­
nent se perfectionner au cours d'une longue série de vies
su:ccessives,

1) «Nous voyons un P1\'incipe intelligent, indépendant de la ma­


tière. L'origine et la connexion de ces de-ux choses nous sont in­
connues. Qu'elles aient ou non une sO'lllI'ce commune, des points de
contact nécessai'l'es; que l'intelligence ait son existence propre, ou
qu'elle soit une propriété, un effet; qu'elle soit même, selon l'opinion
de quelques-uns, une émanation de la Divinité, c'est ce que nous
ignorons; elles nous appa,raissent distinctes, c'est pourquoi nous
les admettons comme fO'!'mant les deux principes constituants de
l'univers ». A. Kall"dec, Liv. des ESf). N° 28.
LE MÉCANISME DE LA RÉINCORPORATlON 367

. A part quelques conceptions vagues se rapportant à cer­


tains « fluides» plus ou moins mystérieux, la « philosophie»
spirite ne nous présente aucun enseignement clair et cohé­
rent au sujet de la création. EUe semble ignorer que le natu­
rel est Qféé et formé continuellement :par Dieu au moyen du
spirituel, et qu'en revanche ,le spirituel dépend sans cesse,
quant à l'objectivité et à 1a permanence de ses formes, du
plan naturel qui lui sert «de base, de contenant et d'affer­
missement », comme di1 Swedenborg.
S'11 n'en était ,pas ainsi, les spirites ne croiraient pas que
les esprits ont été oréés dkectement comme tels en dehors
de tout organisme naturel. Mais étant donné les idées qu'ils
professent sur ce sujet, r« incoliporation» ne joue au fond
qu'un rôle tout à faita<ccessoire dans la formation origineUe
des esprits. Dans ,la 'philosophie spitrite, le monde physique
ne remplit que le ifôled'tm vaste champ d'expériences dans
lequel les esprits «issus de ,l'élément inte},}jgent universel,
s'essayent à la vie », en parcourant su'Ccessivement l,es divers
chaînons de l'écheMe animaile jusqu'à ce qu'ils soient finale­
ment tout à fait individualisés, œ qui a lieu quand Hs ont
atteint l.e stage humain, au cours duquel ils continuent d'ail­
leurs à se perfectionner ,par une longue suite d'incarnations,
soit sur cette planète, soit sur d'autres ') .
D'après Swedenborg, aucun esprit ni aucun ange n'aurait
jamais pu être créé comme tel dans le monde spirituel.
En effet, ce dernier monde, étant œlui des causes, ne saurait
donner naissance à des formes de vie ,permanentes, à moins
que celles-ci n'aient existé auparavant en tant que réalités
objectives sur ,le Iplan des effets. Une cause (au sens philoso­
phique de ce tenme) n'existe pas actuellement, d'une manière
sensible, avant qu'elle ne s'objective par son effet coneTet.
Un artiste qui ne créemit un chef-d'œuvŒ"e que dans sa pen­
sée ne créerait rien en aduallité, ou plutôt il créerait bien
quelque chose, mais rien d'objectif ni de 'Permanent. Il lui
faut concréter sa pensée, en matérialisant son œuvre d'art
pac le ciseau, le pinceau ou la plume.

1) Cf. A. Kardec, Le Livre des Esprits, W' 6O~7.


368 LE SPIRITISME DOCTRINAL

Le monde spiTilmel possède cet avantage sur .le monde


matériel que ,la pensée y crée intantalnément ,les formes qu'eUe
conçoit. En revanche, les «~déoplasmes» ainsi formés ne
jouissent d'aucune stabillité, mais sont évanescents dans
la mesure où lia 'pensée oréatrice s'arrête ou revêt d'autres
aspects. Il n'y a que les organismes 'spirituels, ayant pos­
sédé une forme ma,tél'ielile objective et ayant évolué sur le
plan inférieu1r de la création, qui jouissent d'une individualité
réelile et d'une stabilité effective. Donnons encore la parole
à Swedenborg:
« Il n'y a et il ne peut y avoir aucun ange, ni aucun esp,rit, qui ne
soit né homme dans le monde ». - «Le mental an,gélique ne peut
être prooréé, ni être multiplié par de,s procréations Que dans ('homme.
Celui Qui connaît quelles sont les substances dans le monde spill'i­
tuel, et Quelles elles sont relativement à la matière dans le monde
naturel, peut facilement voir Qu'il n'y a de procréation de menta,ls
angéliques Que dans ceux et d'après ceux Qui habit~.mt la terre,
œuvre dernière de la création. Les substances dans le monde spi­
rituel apparaissent comme si elles étaient ma'tériel1es, mais toujours
est-il Qu'elies ne le sont pas; et comme elles ne sont pas matérielles,
c'est pourquoi elles ne sont pas constantes. Elles sont les correspon­
dances (ou sous la dépendance) des affections des anges (et des
espr.its) et continuent d'exister avec les aHections ou avec les anges,
et se dissipent avec ses affections., Il en aunÎt été de même des
anges (ou des esprits) s'ils eussent été créés dans le monde spiri­
tuel. En outre, chez les anges, la procréa'tion et la multiplication
qui en provient ne sont et ne peuvent être Qu'une p:roc:réation et une
multiplication spiritue\lles, Qui appartiennent à la sagesse et à l'amour,
telles que sont aussi celles des hommes Qlui sont engendrés de
nouveau ou régénérés. Dans le monde naturel, au contraÎlre, H y a
des matières PM lesQueHes et d'après lesquelles peuvent être faites
des procréations et ensutie des formatioos, par conséquent des mul­
tiJ}lications d'anges (et d'esprits). D. S. VIII 1 et 3. Voir aussi C. E.
W' 312 à 318.
Il résulte de tout ce qU'i pr&ède que la doctrine spirite fait
fausse route en admettarH <la for;mation de ,l'âme humaine en
dehors de l'organisme humain. Pour être juste, il faut ce·
pendant reconnaîm-eque, par aiUeurs, les spirites avouent ne
pas connaître l'origine exacte des esprits. «L'origine et le
mode de aréaNon des esprits nous sont inconnus» confesse
AHan Ka'fdec 1).

1) A:llan Kardec: Le Spiritisme à sa plus simple expression.


LE MÉCANISME DE LA RÉIN'CORPORATION 369

.Comme Ile lecteur peut s'en rendre compte, le dogme ·de la


réincarnation ne peut logi,quement se défendre que si l'on
méconnaît systématiquement la relation qui existe entre l'es­
pri,t et le corps.
La citation du livre de M. Chevœuil, que nous avons
rapportée plus haut, nous en fournit la preuve la plus ma­
nifeste. L'auteur y affirme que la conception précède «la prise
de possession du fœtus :par le corps spirituel» et que tous les
esprits «fixen1 à sept ans environ l'incorpomtion complète ».
Allan Kardec écrit de son {;ôté: «L'union de l'esprit et du
corps n'étant complète et définitivement ,consommée qu'après
la naissance, peut-on considérer le fœtus comme ayant une
âme? - L'esprit qui doit l'animer existe en quelque sorte
en dehors de lui, il n'a donc pas, à proprement parler, une
âme,puisque l'incamation estseUilement en voie de s'opérer ;
mais il est lié à ceLle .qu'il doit posséder» 1). Voilà qui seran
pour le moins étrange, si c'étai·t exact, et qui mettrait le
spiritualisme mail en point! En effet, le développement de
l'embryon a toujours, et à juste titre, été considéré par les
spiritualistes comme une des 'preuves les ·plus convaincantes
de l'exi·stenced'un principe spirituel orga'lli·sateur et direc­
teur.
« L'âme, nous dit Swedenborg, est, pa.r excellence, la substance
créatrice et formatrice du corps; en d'autres termes, elle est là
forme informante de toutes les formes organiques dont le corps
(charnel) constitue le dernie.r terme. En effet, les formes organi­
ques ne sauraient jamais être engendrées ni exister indépendamment
d'une forme première ou âme ». Orig. et Prop. de l'âme, II, 2. « L'âme
est l'unique principe de mouvement pendant la vieembryonnaiTe.»
Reg. An., Il, 456. «La nature, dans son travaill, p.rocède de l'intérieur
vers l'extérieur. Ce principe serait violé si l'âme était int1'oouite (dans
l'organisme) après la formation des parties qui lui sont subordonnées.»
De Gen. 358.
. « Si l'âme, nous dit encore Swedenborg, n'influait pas uni­
verseHement et singulièrement dans les viscères du corps,
fiende dis.posé en ordre ni de régulier ne ,pourrait exister
dans le corps.» Mais ne voilà·t-i,l pa'8 que les spirites nous

') Allan Kardec. Le Livre des Esprits, N" 353.


370 LE SPIRITISME DOCTRINAL

donnent à entendre qu'il peut se former des embryons, voire·


même des enfants, sans âme, ou sans que ce développement
soit dû à l'âme! C'est tout simplement revenir à l'ancienne
physiologie matérialiste qui attribue à la matière le pouvoir
de s'organiser eHe.,même.
li est intéressant de constater que le spiritisme a tenté de
parer à cette objection f.atale en alléguant l'existence d'une
«vie animale» qui est censée rendre compte du développe­
ment fœtat «Comment expliquer la vie intra-utérine?»
demanda Allan Kardec à ses instrudeuŒ's d'outre·tombe ; et
ceux-ci de répondre: «C'est celile de la plante qui végète.
L'enfant vit de la vie animale. L'homme possède en lui la
vie animale et la vie végétale, qu'il complète à sa naissance
par la vie spirituelle» 1).
Nous nous trouvons ici en face d'une équivoque qu'il s'agit
de dissiper. Il est vrai que, dans un certain sens, nous avons
et une vie «végétale» et une vie animale. Mai-s l'erreur c'est
de croire que nous sommes de ce fait en présence de deux
vies ou -plutôt de trois vies (,si nous comptons aussi la vie
spiritueHe) différentes et distinctes. E'n réalité, il ne s'agit
que de trois aspects, de troi-s manifestations d'une même vie.
A bien considérer le problème, l'on ne manquera pas de
s'apercevoir qu'il ne saurait y avoir à la fois trois vies in­
dépendantes: la vie végétale, ,la vie animale et la vie de
l'esprit H n'y a qu'une vie: celle qui influe du CréateUr
dans la creation tant spiritueHe que naturelle. Les êtres
vivants n'en sont que des récipients plus ou moins complexes
et parfaits. La vie qui procède de Dieu, contient en elle­
même toutes les perfections et toutes les possibHités. La va­
riété indéfinie de ces manifiestations ne dépend que de la
variété indéfinie des formes qui la reçoivent.
La vie, étant l'énergie oréatrice du monde, infllue toujours
du haut en bas, de l'échelon supérieur dans l'échelon inférieur;
elle se dégrade en quelque sorte. Or, l'ord-re universel est

1) AHan Kanlec, Le Livre des Esprits, N" 354.


LE MÉCANISME DE LA RÉINCORPORA TION 371

ainsi fait que les degrés supérieurs sont aussi les degrés
intérieurs. Tout être vivant reçoit donc lIa vie dans ses «su­
prêmes» et dans ses «intimes ». De là, elle s'écoule dans ses
« inférieurs» et dans ses «extérieurs ». Ce qui est supérieur
conditionne donc ce qui est inférieur, ou, ce qui revient au
même, l'intérieur con(iitionne l'extérieur, comme la cause
conditionne etquaEfie l'effet. Ainsi, un être dont l' «intérieur»
est spirituel, comme l'homme, commence forcément par rece­
voir la vie dans sa 'partie spiri~ueUe, puisque la vie influe
du haut en bas ou de l'intérieur vers l'extérieur et que toute
création procède ainsi du cen1re vers la circonférence ou du
sommet vers la base. L'animal, dont le « 'Sommet» est ani­
mall), est formé par une vie animale ('Pui,sque c'est le réci­
pient qui quahfie ,l'influx) mais l'homme, dont le «sommet»
ou « l'intime» est spirituel, est formé par une vie spirituelle.
Celle-ci devient animale ou corporeUe quand eHe atteint les
régions psychiques et physiologiques que l'homme possède en
commun avec les animaux ~).
Sans âme, il n'y aurait donc aucune vie pour l'homme. Ce
demier n'aurait même pas pu être conçu, car « l'âme est

1) Le «sommet» ou 1'« intéi"ieur» de l'animal est également une


« âme» et a,ppartient au monde spirituel, mais c'est une âme natu­
relle et animale par opposition à la nôtre qui est spirituelle et
humaine. En effet, cla différence entre l'animal et l'homme ne réside
pas dans le fait que celui-ci a une âme, tandis que celui-là en est
dépourvu, mais dans la qualité spiri~ue\le du principe psychique qui
les anime tous deux. Ce pTinci.pe est animal dans un cas, tandis qu'il
est humain dans l'autre.
') Nous p,rions le lecteur d'excuser l'emploi que nous avons fait
de certa,ines expressions plutôt latines que hançaises. Mais comme
le fond doit l'emporter sur la forme, nous n'avons pas cru faire
out.rage à la langue en employant substantivement certains adjectifs
tels que intérieur et supérieur. Cette terminologie swedenborgienne,
si elle n'a pas l'avantage d'être élégante, a au moins celui d'être
brève et d'éviter les périphrases compliquées. Nous désirons en
outre rendre le lecteur attentif au fait que les termes intérieur, su­
prême, centre, circonférence, etc., ne s'appliquent pas à des mesures
spatiales mais expriment des deg,rés divers dans la hiérarchie de
l'ordre universel et dans l'enchaînement des causes. Voii" à ce sujet
notre exposé des degrés discrets au début d,u chapitre II de ce livre.
372 LE SPIRITISME DOCTRINAL

l'esse (ou l'être) même de l'homme et ,le COflpS en est l'exister


(ou la manifestation)>> A. C. 2621. «La vie de l'âme est la
vie du corps, et il y a ce qui est mutuel entre eux» Am. Conj.
112. « L'intime de la vie, qu'on nomme âme, .. ,influe et opère
continuellement dans l'externe qui vient de la mère (i. e. le
COflpS) et s'efforce de le flendre semblable à soi ». A. C. 6716.
Quant à penser que l'homme possède deux âmes, l'âme
animade et l'âme spiritueHe, et que, s'H n'availpas cette der­
nière, il pourrait vivre, mais comme la brute, ainsi que le
prétendent certains sp.irites et comme semble le suggérer
le N° 203 du Livre des Esprits, c'est là une pure sottise!
Allan Kardec lui-même, ou plutôt ses maîtres désincarnés,
nous en fournissent la réfutation: «Non, l'homme n'a pas
deux âmes. H n'y a en lui qu'une double na,ture: la nature
anima~e et la nature spiritueLle; par son col'tps, il participe
de la nature des animaux et de leurs instincts, ,par son âme,
il participe de la nature des esprits ». Ibid. N° 605.
Prétendre qu'il y a dans l'âme humaine des degrés. rien
de plus juste! Il serait même légitime d'étahlir une distinction
par la pensée, c'est-à~dire par un procédé d'abstraction. entre
les degrés inférieurs et les degrés supérieurs; mais cette dis­
tinction ne doit, sous aucun prétexte, faire renaître dans notre
esprit l'idée d'une séparation ou d'une indépendance réelle,
ce qui équivaudrait à admettre l'existence de deux ou mê'nu
de plusieurs «âmes» dans l'homme. Ce qui contient le plus,
contient également le moins et c'est ainsi que notre âme 'pos­
sède éga,lement un degré naturel en commun avec ,les animaux.
Mais H y a cette différence énorme entre l'homme et la brute,
que ce qui constitue ,le degré suprême chez celle-ci, ne consti­
tue que Je degré inférieur chez ce1ui-là. Ainsi, ce qui est
cause de la vie chez l'animal, n'est qu'un effet ,de ,la vie chez
l'être humain. Ce qui est essentiel chez la bête, n'est qu'aoces­
soire ou dérivé chez l'être humain. Il exi·ste en effet chez nous
une hiérarchie de degrés (ou de pl,ans) subordonnés les uns
aux autres. Or, par le seUil fait de cette surboroination, les
degrés inférieurs ne sauraient ex~ster avant et indépendamment
des degrés supérieurs ou plutôt du degré suprême qui, étant
la cause 'pTemière de tout ce qui dépend de lui, existe inté­
LA PROCRÉATION DE L'ESPRIT 373

rieurement dans toute la chaîne dont il est le pnnclpe et


l'origine. On ·peut voir,par ces queIques considérations, à
quel point il est absurde d"admettre que 'la procréation des
enfants pofOvient de .la transmission de la p,art des paren,ts
d'une «vie animale» à laquelle viendra s'aj'Outer, plus tard,
une «âme moule ». Or, tel est censé être le mécanisme de
la réincarnation d'atprès le système spirite ! Un co11ps engen­
dré par une.« âme» ou une «vie» animale provenant des
parents, que vieilt animer ,plus tard (dans un laps de temps
d'environ sept années) une «âme morarle» autrement dit un
« désincarné» fatigué 'probablement d'une trop longue «erra­
ticité dans l'espace» !

La Procréation de l'Esprit.

Les erreurs spirites au sujet de la conception et des ques­


tions qui s'y rattachent proviennent, à notre avis, du fait que
pour Allan Kardec et ses émules l'esprit ou l'âme, s'identifie
avec l'élément inteliligent, avec la pensée et la raison. «Qu'est·
ce que l'eSiprit? lisons-nous au numéro 23 du Livre des
Esprits. - C'est le principe intelligent de l'univers ». Il est
vrai qu'au paragra'phe suivant, l'auteur reconnaît ou semble
reconnaître, que «l'intelligence est un attribut de l'esprit»;
mais toute la 'portée philosophique de cette admission est
annulée par la phrase qui vient immédiatement après, phrase
où il est affirmé que l'intelligence et l'esprit «se confondent
dans un principe commun, de sorte que pour nous c'est la
même chose» (Ibid. N° 24). Ce «prindpe commun» n'est
sans doute que cette «matière inteUigente» dont il est ques­
tion un peu plus loin. (N° 28.)
B s'agit ici d'éviter toute équivoque. Distingons ce qui est
distinct et identifions ce qui est identique, mais gardons.nous
des distindions arbitraires et des identifications abusives.
L'intelligence est éVÉdernment tliée à l'esprit, mais l'intelli·
gence n'e&t pas la setJ!le manifestation de l'esprit. Je ne fais
pas seulement allusion ki aux facUlltés menta!les non-intellec­
tuelles, teHes que la volonté, le sentiment, l'émotivité, etc.,
mais aussi au travai,l inconscient de l'esprit, aux manifesta­
374 LE SPIRITISME DOC1RINAL

tions presque mi,raculeuses d'une haute sagesse, sorte de


science infuse, on pourraii presque dire d'()mniscience, que
nous ne saurions raisonnablement a'ttribuer à la perspicacité
intel'lectuelle, au jugement ou à la réflexion d'aucun enten­
dement individuel. En effet, nmaginationoréaltrice (comment
appeler autrement ,le 'P0uvok morphogénique de l'âme?) ne
constitue 'pas, à pl'oprement 'parler, 'Une ao1Jivitépsychologi­
que, car elle ne fait pas partie de l'intellex::t conscient, ni par
conséquent dru mental. Ses manifestations c(morètes portent la
marque d'une intelligence sUipérieUl'e, capable de ,poursuivre
une fin déterminée et de choisi!r ,les moyens les mieux adaptés
pour y panenir, sans qu'on pu,j'sse dire, cependant, que le prin­
cipe psychique, qui porte en soi cette «imagination créatf'ice»,
soit nécessairement intelligent lui-même, ou, si ,l'on préfère,
sans que l'on puisse dilfe que -c'est au moyen de son intelli­
gence individuelle qu'il produit les mervei1les organi'ques dont
nous admirons l'infinie sagesse.
Toutefois, toute manifestation d'un pouvoir organisateur
implique l'action d'une « forme informante », d'une «cause
f()rmelle », qui ne peut être quespiritueUe. Au,trement dit,
l'existence de l'âme n()us est attestée non seulement par les
manifestations psychologiques de notre esprit, mais aussi ­
j'allais dire surtout - par son action sur notre corps qui
n'est qu'une représentation matérialisée de notTe âme. Peu
importe que ce pouvoir représenta'tif, idéoplastique ou icono­
graphique (ap.pelez-Ie comme vous voudrez) s'exerce en dehors
du champ de notre consoience et qu'il ait même commencé
à se manifester bien avant ,péveill de nos facultés mentales !
Ce pouvoir" existe et f,ait pa,rtie de notre psychisme, lequel,
sans en être l'auteur volontaire en est tout au moins le por­
teu;r inconscient. Notre âme n'est pas seulement constituée
par notre mental, mais aussi par l'ensemble des f01"Ces psy·
chiques qui échappent à notre intellect et à n()fre volonté.
Quand notre mental conscient acoompHt une action intel­
ligente, il sait ce qu'H fait, tandis q1ue notr,e âme exécute, sans
le savoir, des prodiges d'inteHigence. Comment œlase fait-il?
- Je crois que la réponse à cette question réside dans le
fait que notre âme est un réceptacle, un organe récepteur,
LA PROCRÉATION DE L'ESPRIT 375

de la vie. Comme le dit si bien Swedenborg, l'âme «ne vit


pas d'une vie qui lui est propre, encore moins est-elle intelli·
gente par eUe-même. Sa vie et son inrel-ligence proviennent
de Celui qui est la Vie et l'Intelligence même. En vain cher-
-cherons-nou,s en nous-mêmes une âme intelligente en soi.
Pour en trouver une, H nous faudrait aUer la chercher au
delà et au-dessu.s de la natu.re créé, et, même là, nous ne
la trouverions ,pas, ca,r, à vrai dire, au delà de la création, il
.Y a la Vie et l'Inteliligenœ pure (c'est-à~dke Dieu), et non
pas une âme commune.» Œc. R. A. II 310.
« L'âme reçoi,t son inte1Hgence (inteUigence qui n'a rien à
voir avec notre intellect) dès l'animarHon de l'ovule (c'est·à-
dire dès la conception), al'Orsque celui-ci n'est encore qu'un
punctum saliens, et >Ceci en dépit du fatt que son mental est
incapable d'agiter ne fût-ce qu'une seu'le idée (la firadudion
anglaise por'te: although Us mind is not born so mach as
into a single idea) ». Ibid. II 294. «L'âme est accommodée,
dès les premiers stages de la conception, '" à la réception de
la vie: eNe possède de ce f.ait, tou'te l'intuition et toute
l'intelligence qui en découlent.» Ibid. «La force qui dirige
et élabore le C0I1p5, appelé à être gouverné pair l'intelHgence
du futur mental, doit préexister au sein d'une intelligence
située au-dessus du mental.» Ibid.
C'est donc ,la vie (qui atteint ,le corps par l'intermédiaire
de l'âme) qui iIDP'I"iITJe à la matière ,le sceau de la Sagesse
Divine, car, considérée dans son essenœ intime et à sa source,
la vie est amour et sagesse, ou l'Amour Divin qualifié par
la Sagesse Divine. L'intelligence su'prême constif1ue de ce fait
l'élément formel, la quaHté qualifiante de la vie. L'âme, qui
est le 'premier organe de la vie, est ,donc nécessairement le
siège d'une inteUigence «située au-dessus du menta!», comme
le dit Swedenborg.
Quant au révell 'progressif de ,l'inteHigence individuelle chez
l'enfant, nous ne saurions admettre qu'il ré~mlte de la «prise
~ possession» graduelle de l'organisme infantile par quel-
que esprit en ma:lde réincarnation. Pou1rquoi, je vous le de·
mande, attribuer ce développement, qui est dans la nature des
choses, à la mystérieuse incorporation d'une « âme morale»
376 LE SPIRITISME DOCTRINAL

ou d'une « âme spirite », alors que nos autres facultés psychi­


ques et physiques s'épanouissent et ·s'affirment en vertu des
lois normales de la oroissance et sous l'influence de leur'
exercice quotidien ? Si le caractère progressif de noke déve­
loppement. mental prouve quelque chose, il prouve tout au
plus le caractère organique de notre esprit, car, comme le
fait très justement remarquer Swedenborg:
«La volonté n'est pas un principe spirituel abstrait, mais un sujet
substantiel formé pour la réception de l'amour qui procède du Sei­
gneur; et l'entendement n'est pas non plus un principe spirituel
abstrait, mais un sujet substantiel formé poulr la réception de la vie
procédant du Seigneur. En effet, la volonté et l'entendement existent
en actualité, quoiqu'Us ne paraissent pas devant "a vue.» D. S. p. § V.
«Tout homme consiste en trois choses qui se suivent en ordre
chez lui: l'âme, le mental et le corps. Son intime est l'âme, son
moyen est le mental et son ultime est le corps» Am. Conj. 101.

Tel est l'ordre de ces trois éléments considérés au point de


vue statique ou in ordine ad esse; mais cet ordre change si
nous considérons leur apparition ,successive dans le temps
ou in ordine ad operationem. Nous trouvons alors en premier
lieu l'âme, en second lieu ·le corps et en dernier lieu le men­
tal. En effet, le moyen terme résulte de l'action du premier
terme sur le dernier et de la réaction de celui-ci sur celui-là.
« L'inHux divin, nous dit Swedenborg, va des premiers dans
les derniers, et par connexion avec les derniers dans les
moyens ». D. S. VIII 2.
La chose n'est pas difficile à saisir: dès l'instant de la
conception, l'âme commence à former un corps à son image.
A la naissance de ce ·dernier, elle entre en contact avec les
objets de ce monde. Ce contact (c'est-à-dire l'éldion et la
réaction mutuelle) de l'essence spirituelle et du miHeu physi­
que) forme le mental, c'est-à~dire l'ensemble des facuItés
intellectuelles et affectives. Il ne saurait en être autrement.
En effet, l'âme est un tout organique. Les deux organes es­
sentiels de son activité consciente sont l'entendement ou l'in­
tellect, l'organe de la pensée, et la volonté, l'organe du sen­
timent. La pensée intelHgen1e n'est donc que l'activité de
l'entendement considéré en tant qu'organe psychique. La
LA PROCRÉATIOfli DE L'ESPRIT 377

même chose est vraie. du sentiment qui n'est, lui aussi, que
l'activité de l'organe spi'rituel appelé «volonté ».
Or, il est évident que l'organe précède la ;onction dans le
temps, c'est-à-dire in ordine ad existere. C'est pourquoi la
personnalité humaine ne se développe qu'après la naissance,
quand les fonctions organiques de l'âme ont l'occasion de
s'exercer. Il 00 est de l'esprit comme du corps: celui-ci pos­
sède des yeux comme embryon avant de pouvoir jouir de la
vue, et des oreil,lesavant de pouvoir entendre, et ainsi de
suite. A vrai dire, Ile «mental» humatn (i. e. l'ensemble des
facultés qui composent notre personnailité) n'est pas une
substance inteI1Illooiaire entre 'l'âme et le COJ1pS, entre l'esprit
et la matière, mais seulemen la partie de notre âme réservée.
à la vie intellectuelle et affective, c'est-à-dire à la vie cons­
ciente. Comme le mental possède une conformation héré­
ditaire distincte et un contenu psychologique différent d'un
individu à l'autre, il y a forcément autan1 de caractères qu'il
y a d'individus.
Nous avons déjà vu que les spiri,tes disent ignorer l'ori­
gine véritabJe des esprits. Néanmoins, ils affirment sans hé­
si.fer que «les parents ne transmettent pas à leurs enfants
une ressemblance morale puisqu'ils ont des âmes ou des es­
prits différents. Le corps procède du cocps, mais l'Esprit ne
procède pas de l'Esprit. Entre descendants d'une même race,
il n'y a que consanguinité ». 1)
Swedenborg nous dit au contraire que ce qui se passe sur
le plan physique n'est que la correspondance - parce que
l'eUet - de ce qui a lieu sur le plan spirituel. Rien n'est
donc moins conforme à la vérité que d'affirnler, comme le
fait A. Kardec, que « l'Espri,t ne procède pas de l'Esprit» et
que « les parents ne font que donner la vie animale à laquelle
une âme nouve};le vient plus tard ajouter la vie morak .. l'âme
étant indivisible» 2).
Nous avons déjà essayé de réfuter la seconde partie de
cette étrange affirmation en montrant que l'âme et le corps

1) Livre des Esprits, W 207.

2) Ibid. N" 203.

378 LE SPIRITISME DOCTRINAL

ne sont pas des éléments indépendants qui peuvent venir


s'«ajouter» l'un à -l'autre à un moment donné, pour la simple
raison que leur union implique un rapport de cause à effet,
autrement dit un lien de dépendance génétique.
Remarquons en outTe que les paTents, n'étant eux·mêmes
que des récipients de la vie, ne sauraient créer la vie, mais
seulement procréer des substances, tant spirituelles que na­
tureHes, capables de recevoir la vie et de se développer plus
tard sou's son infduence. Comme le dit très bien SwedenbOt"g :
«Puisque l'homme n'est pas la vie, mais est récipient de la vie,
il s'ensuit que la conception de l'homme n'est pas la conception de
la vie, mais seulement la conception de la première et de la plus
pure forme ca,pable de recevoir la vie, for,me à la.q.uelle, comme à
un canevas, ou à un commencement, se joignent successivement dans
l'utérus les substances et les matières adaptées dans des formes pour
la réception de la vie suivant leur ordre et leur degré ». S. A. 6.
« Comme le premier rudiment de l'homme est la semence et qu'elle
est un double réceptacle de la vie, il est évident q.ue l'âme humaine
n'est pas la vie par la vie, ou la vie en soi, c~r il n'y a qu'une vie
unique et cette vie est Dieu.» D. S. III 2.

Si nous examinons de plus près les lois qui président à la


multiplication des êtres vivants ainsi que les lois qui régissent
le développement de l'e:sprit, nous ne saurions manquer de
conclure que l'esprit humain, étant une substance spirituelle
organisée pom recevoir la vie, se propage suivant la loi com­
mune de la reproduction, c'est-à-diTe en donnant naissance
à des germes spirituels qui, après s'être adjoint des matières
appropriées, se développent au point de reproduire l'être hu­
main dans sa double na'ture spirituelle et naturelle. Au
numéro 238 du traité sur L'Anwur conjugal, Swedenborg
nous parle cail'rément de la faculté propagatrice insitée dans
les âmes par création.
Voici un passage du Livre des Esprits Spiritualistes réfu­
tant la réincarnation qui reflète très fidèlement l'enseignement
de Swedenborg :
« L'âme 'procède de l'âme, ce qui ne veut pas dire que
Dieu n'en soit pas le Créateur; Dieu ,crée les âmes comme il
crée les corps, suivant les ,lois préalablement étabties par lui,
lois aussi simples que sublimes. En effet, Dieu est-il moins
LA PROCRÉATION DE L'ESPRIT 379

le Créateur des m'Ondes et des êtres que ces mondes renfer·


ment, parce qu'il a donné à ces êtres la vertu de se repro­
duire indéfiniment? Vous voyez le plus faible grain se re­
produire sans nombre et sans fin, et vous ne voudŒ"iez pas
que l'homme, la plus parfaite image du Oreateur, eût la vertu
que Dieu a donnée même à l'herbe des champs? Vous vou·
driez limiter (par la réincarnation, car cela s'adresse aux
spirites) le nombre des créatures humaines quand vous ne
pouvez pas limiter ,la production d'un grain de moutarde?
« Dieu a dit à l'homme comme à tous les êtres: Croissez
et mll'lti.pliez chacun selon votre espèce, et tous les êtres ont
produit des êtres semblables à eux. Or, si l'homme ne multi­
plie que son enveloppe matérielle, non seulement il ne produit
pas des êtres selon son espèce, puisqu'il est un être intelligent
et que l'intelligence appartient à l'âme,. mais de plus il est
moins bien doué que les anima,ux et que les ,plantes eUes·
mêmes. Une autre preuve: Vous savez que le Seigneur est
venu sur la terre, et vous savez aussi de quelle manière H est
venu, c'est-à-dire qu'B n'a pas été conçu comme les autres
enfants des hommes. Si l' Iwmme ne donnait à son fils que le
[Orps seul, pourquoi le Seigneur n'aurait-il pas été conçu.
comme tout homme, Dieu pouvant y introduire une âme di­
vine? Là est justement la preuve que .t'âme procède de l'âme.
L'homme ne pouvant engendrer qu'un homme vicié comme
lui-même, cet être eût été incapable de régénérer le monde;
il a fa Hu que Dieu introduisît dans la création un germe PUf,
lequel pût recevoÏir la vie divine ,sans l'altérer. Voilà pourquoi
le Christ n'est pas né comme ,les autres hommes, mais de
Dieu, ou plutôt Dieu Lui-Même est descendu jusqu'à l'homme
déchu en se revêtant d'uu corps matériel, -pour relever jus­
qu'à lui l'humanité déviée de 'sa nature primitive, en lui ensei­
gnant par ses paroles et pa,r ses exemples, la loi sublime de
la régénération. Dans ce plan divin, conçu par l'amour et
exécuté par la sagesse de Dieu, vous avez une preuve de la
procession des âmes ». NO> 51-53.
Cette doctrine que l'âme vient du père n'est évidemment
pas nouvel:1e. Swedenborg l'a, sans doute, trouvée dans
Aristote qui nous dit que «le cor;ps procède de la mère, tandis
380 LE SPIRITISME DOCTRINAL

que l'âme procède du père, car l'essence de chaque torps est


constitué par son âme» 1). Nous retrouvons, en effet; le mêmè
argument dans Ie:sécrits du phiJlosophe suédois :
«Que l'âme à ses débu,ts 'procède de .l'âme du père (paren­
tis) constitue une affirmation à ,laquelle nul ne contredira (?)
s'il considère: 1) que l'âme est le tout du corps, 'pris dans
son ensemble et dans ses pa,rties; 2) qu'elle est une essence
si réelle, qu'el'le seule subsiste, vit, ressent, agit, etc.; 3)
qu'elle constitue 'PaIr exceHence lIa sub:?tance créatrice et for­
matrice de son corps ». Swedenborg complète son argument
en faisant ressorti'r la ressemblance qui existe entre les mem­
bres d'une même famille.
« L'âme consiste en d'innombrables substances simples ou
formes premières (dont chacune, nous dit Swedenborg, con­
tient Il'image représentative du microcosme organique, sans
doute comme chaque cel'lule du CO'l'pS contient ,la même for­
mule chromosomi,que, à savoir œBe qui détermine la spéci­
fidté morphologique du corps tout entier). Ainsi l'âme du
père (parentis) est transmise à la ,progéniture, toutefois non
pas dans sa totalité, mais seUllement dans lIa mesure stricte­
ment nécessaire à il'ébauche des formes organiques ou cor­
porelles.» Origine et Propagation de l'Ame, 1. 2.
Il serait trop long d'ex.poser les théories de nO'tre phi­
losophe sur la procréation. Le lecteur que ce sujet intéresse
fera bien de consulter les ouwagesscientifiques de Sweden­
borg, notamment De Oeneratione, volume spécialement con­
sacré à cette ,question. Les théories de notre autetllf sont assez
compliquées et difficiles à saisir pour celui qui n'est 'pas très
au courant de ,ses idées philosophiques et 'physiologiques. La
procréation constitue un problème mystérieux entre tous, et
même la science moderne a bien peu de lumières à nous offrir

1) Arist{)te: De Generatione Animalium, Lib. II, cap. IV. - Voir


aussi Diodore de Sicile, I. 80. - Euripide dit dans Oreste (541) que
le père seul est l'auteur de l'existence du fils.
«D'autres, comme Tertullien et les évêques occidentaux de son
éPQque, prétendaient que l'âme du HIs était engend:rée par l'âme du
père, comme le corps du fils l'est par le corps du père ». Œe. Reg.
An. II.310.
LA PROCRÉATION DE L'ESPRIT 381

en cette matière, excepté, bien entendu, en ce qui concerne


le rapport certain qui exi'ste entre les chromosomes et la
transmission des facteu'rs héréd:itaif'es. Les théories deSwe­
denborg auraient besoin d'être complétées dans ce sens, car,
à première vue, elles pourraient paraHre incondliables avec
les dernières découvertes qui ont été faites dans le domaine
de l'hérédité. Les choses paraissent, en effet, beaucoup plus
compliquées que ne l'avait imaginé Ile savant académkien de
Stockholm. Toutefois, je suis persuadé que les principes gé­
néraux de sa philosophie organique rest,ent vrais. A nous de
voir comment Hs peuvent s'adapter à nos connaissances
nouvelles. Ce n'est pas ici :le lieu d'en tenter l'essai, la solution
que je ,po'U'f'rais suggérer ne me paraissant d'ailleurs pas suf­
fisamment au point 1).
Quoi qu'il en soit, Swedenborg nous dit que l'âme vient
du père, et nous retrouvons cette idée ·dans ses ouvrages théoc
logiques, dont voici quelques citations car.adéristiques:
«Les premiers réceptacles, qui sont les commencements de
l'homme sont du père, mais la ,formation é\JU complet est de la mère.
En effet, la semence vient de l'homme... sa réception est faite par
la femme ». D. S. III. 2.
« L'intime de la vie de chaque homme, Qu'on nomme âme, vient
du père, et ce Qui enveloppe cet 'intime, et Q,ui est ap.pelé corps,
vient de la mère. Que j'intime de la vie, Qui vient du père, influe et
opère continuellement dans l'externe, Qui vient de la mère, et s'efforce
de le rendre semblable à soi, même dans l'utérus, c'est ce Qu'on
peut voi·r d'après les fils en ce Qu'ils naissent avec le caractère du
père et padois les petits-fils et a:rrière-petits-fils avec le caractère
de l'aïeul et du bisaïeul. Cela vient de ce Que l'âme, Qui est du
pèr·e, veut continuellement rendre l'externe, Qui est de la mère, sem­
blable à soi et image de soi. » A. C. 6716.
«L'â'me est dans la semence du père et elle est revêtue d'un corps
dans la mère ». V. R. C. 92. «Une mère ne peut concevoir une âme».
V. R. C. 110. Voh aussi A. C. 10125, D. P. 717, V. R. C. 584, ainsi
Qu'une fou.le d'autres passages.

1) Si,gnalons un article plein d'érudition de M. E. E. Jungerich,


intitulé Evolution and Heredity. (<< Journal of Education », Bryn­
Athyn, Pa., U. S. A. 1926.) Le ·Iecteur y trouvera tous les textes de
Swedenborg se rapportant à cette Question si complexe, ainsi Qu'un
essai d'interprétation extrêmement intéressant.
382 LE SPIRITISME DOCTRINAL

Swedenborg nous explique au numéro 245 de son traité


sur l'Amour conjugal (voir aussi O. S. III 2) les raisons
pour lesquel1les la procréation de l'âme se fait par le père.
Il nous serait impossible de les énumérer sans exposer toute
la philosophie de notre auteur, à savoir ses idées sur l'aspect
binaire de la création, sur les degrés, les séries, l'influx, etc.

Les problèmes de l'hérédité

Le fait qu'« une mère ne saurait concevoir une âme» ne


signifie nullement que l'enfant n'hérite pas les qualités intel­
lectuel>1es ou morales de sa mère ou de ses ancêtres maternels.
Swedenborg nous dit expressément que «de la mère provien­
nent diverses diispositions qui modifient le premier principe
dérivé du père, principe qui sert de base aux choses qui pro­
viennent de la mère ». (Adversaria, 1 1507; cf. 903·<) 12.)
«Nuel ne peut savoir comment la disposition qui constitue la
base de la vie morale et spirituelle est elle-même acquise, car
cette disposition provient du père et également de la mère,
et, ensuite, de l'éducation et de ce que l'homme y ajoute lui­
même... voire d'ancêtres ayant vécu il y a des sièoles.» (Ibid.
1 1059.) «La disposition (provenant du père) appelée «in­
clination », est modifiée de diverses manières pendant les
stages de la .conception et de la grossesse chez la mère.»
(Ibid. 3188.) Il Y a donc des hérédités paternelles et des
hérédités maternelles; mais les paterneUes sont plus intérieu­
res que les maternelles. (Cf. A. C. 1573, 4963.)
Ces deux types d'hérédité constituent ce que Swedenborg
appelle « l'invo'lontaire dérivé du père et de la mère» (A. C.
3599). Les hérédités parterneHes forment le plan intérieur,
en quelque sorte, de cet «involontaire », autrement dit le
facteur qui détermine directement la manière dont l'individu
réagit à l'influx de la vie qui le pénètre. Les hérédités mater­
neUes sont accidentelles, dans ce sens qu'elles constituent une
modification fo~meHe de l'âme en voie de développement. En
effet, une spécificité formeHe (d'ordre purement quaiHtatif ou
spirituel) réside dans les chromosomes de l'ovule fécondé,
LES PROBLÈMES DE L'HÉRÉDITÉ 38J

que ceux-ci soient d'origine paternelle ou maternel>le. L'âme


travaiHe avec les matériaux mis à sa disposition sur le plan
matériel, matériaux dont eUe ne saurait modifier la qualité
intr,insèque.Dle crée bien le COIipS à son image, mais el,le
ne peut savoir ce que sera cette image, avant de connaître
les facteurs qualitatifs, mystérieusement «indus» dans le
plasma germinatif. N'oublions 'pas que l'âme eUe-même subit
toute une évolution ontogénique, évolution qui constitue la
cause du développement embryogéni'quesur Ie plan corporel.
En effet, la «forme initiale », ou ,le germe spirituel, décrit
par Swedenborg (5. A. 432, D.5. III 4) n'est qu'une ébau­
che extrêmement rudimentaire, des deux facultés spirituelles
qui sont -les premiers «réceptacles» de 'la vie, et nullement
un organisme spirituel complet en minia'tUlfe! Ceci prouve
que notre ,philosophe ne pa1rtageait 'pas Perreu'r de certains
de ses contempOJ'lains qui admettaient volontiers que la cellule
mâle contenait l'homme entier à l'état microscopique ').
Swedenborg nous dit en toutes .lettres que «c'est une erreur
de oroire que l'homme est dans la plénitude (de sa forme)
dès son premier (commencement) ... et qu'ensuite il est per­
fectionné en croissant, (c'est-à-dire ,par un simple accroisse-.
ment de vo:lume) » 5. A. 432. Comme je l'ai déjà fait obser­
ver, le développement embryogénique est un véritable pro­
cessus évolutif, SUif le plan ·de l'esprit comme sur celui de la
matière. Ce n'est qu',au point de vue qualitatif que la forme
du corps «préexiste» dans l'âme sous forme d'idée (dans
le sens platonicien de ce terme), et dans le plasma germinatif
sous fOl'me de spécificité formelle liée aux chromosomes.
Quoiqu'ill en soit, on peut voir par tout ce que nous avons
dit sur l'origine de la vie, ,la nature de -l'âme et l'influx du
spirituel dans le naturel, que la réincarnation se heurte à
des impossibilités pratiques provenant du caractère même des
lois de l'ofldre qui président à la transmission de la vie. Le

t) On peut voi.r dans les dictionnairres de médecine des reproduc­


tions assez plaisantes d'anciens dessins représentant une sorte
d'homunculus accronpi, les coudes sur les genoux, dans sa cellule,
comme une grenoulHe conservée dans un bocal d'alcool!
384 LE SPIRITISME DOCTRINAL

dogme de la pluralité des existences, loin de nous éclairer


en quoi que ce soit sur les questions si complexes qui touchent
à la reproduction de l'espèce et à l'origine de l'âme, ne fait
qu'y ajouter de nouveHes difficultés insurmontables. C'est
ainsi que la doctrine spirite embrouilille tout le problème de
l'hérédité pour e'Cpliquer quelques cas exceptionnels ,de dissem·
blance frappante entre enfants et parents. Parce qu'ils sont
persuadés que «,l'esprit ne procède pas de l'esprit », les spi­
rites sont obligés 'Soit de nier 'l'hérédité, soit d'attribuer la
transmission des qualités mentales et spi'fituelles à ce qu'ils
appellent la vie animale (qu'il considèrent comme absolument
distincte de la vie psychique): deux suppositions difficilement
soutenables. En effet, comme le dit Ribot dans son ouvrage
sm l'Hérédité, «toutes les formes de l'activité mentale sont
transmissibles: instincts, facultés perceptives, imagination,
aptitude aux beaux.arts, raison, aptitude aux sciences et aux
études abstraites, sentiments, passions, énergie du caractère;
et les formes morbides aussi bien que les autres: folie, hallu­
cination, idiotie ». Allan Kardec nous dit qu'« un père stupide
peut avoir des enfants d'esprit et vice-versa ». Nous en
demeurons d'accord, mais nous aimerions bien savoir com­
ment une telle dissimilitude est compatible avec le f.ait que
les esprits s'incarnent dalns un milieu qui concorde avec leur
propre nature? Le Livre des Esprits ne' nous dit-il pas que
la ressemblance morale entre .parents et enfants provient
«d'esprits sympathiques attirés .par la simiHtude de leurs
penchants». N° 207. Ainsi, qu'au sein d'une faJmH1e il y ait si­
rnilitudeou dissemblance, sympathie ou anüpathie, nous n'en
tiendrons .pas moins dans chaque cas la «preuve évidente»
ck la réincamati<m... ! En effet, un .père médioore a-t-il pour
fils un génie : on nous diifa que rien ne samait f.aire ressortir
avec plus d'éclat l'incorporation d'un esprit supérieur, car
un sot ne samait engendrer un génie (ce qu'il s'agirait d'aÎi1­
leurs de prouver!) Se manifeste·t..rl dans une famille de
l'union ou une simiHt'l1'de dans -les aptitudes inteUectueHes,
on prétendra qu'H s'agit «d'esprits sympathiques heureux
d'être ensemble )). Mais assistons-nous par contre à de l'aver­
sion et de l'inimitié, on nous assurera alors que nous sommes
L'UNITÉ DE LA MÉMOIRE 385

en présence «d'e&prits mauvais voulant lutter ensemble sur


le théâtre ,de la vie! ». N° 213. Décidément, la dialectique des
adeptes de la réincarnation sait fau-e f,lèche de tout bois!
Mais en ce faisant, elle est également obligée de distinguer
entre cas normaux et casanormaux,d'étahlir des règles qui
ont leurs excepti:ons, ce qui fait qu'en fin de compte l'hypo­
thèse spirite se borne à interpréter les phénomènes qu'eUe
prétendait expliquer! Mais alors, où est la valeur probante
de l'argumentation réinœrniste? Obsourités pour obscurités,
nous préférons ceLles de l'hérédité 1) à celles de ,la 'pluralité
nes existences !
L'unité de la mémoire.

La réincarnation se présente avant tout comme un instru­


ment de progrès. L'accumulation de Il'expérience acquise au
cours de nos mUl1tËples existences terrestres, le jeu pour ainsi
dÎlre automatique des peines et des récompenses, grâce auquel
«notre vie présente est pour chacun de nous l'héritage du
passé et l'enfantement de ,l'avenir », sont censés nous amener
graduellement à la perfection. Nous jetterons tout à l'heure.
un rapide coup d'œil sur le côté moral de la question; exa­
minons pour 'le moment son aspect psychologique.
On peut dire d'emblée que les spirites n'enseignent vrai­
ment la survivance de l'âme après 'la mort, et à plus forte
raison son immortaLité, que dans la mesure où ils réussissent

1) La découverte de :nmportanoe des chromosomes au point de


vue de l'hérédité constitue un fait dont on ne saurait exagérer la
portée. On peut dke que l'ensemble du problème de la transmission
de caractères héréditaires s'en trouve modifié. L'hérédité se pré­
'sente à nous comme un fait inéluctable, obéissant à des lois d'une
rigueur mathématique.
Les travaux de Winiwarter, de Morgan et d'autres chercheurs
confj,rment, soit dit en passant, la doctdne de Swedenborg, selon
laquelle le sexe est déterminé PM" le germe paternel. Cf. 1- Rostand :
Les Chromosomes, Paris 1928, Hachetœ; Les Problèmes de l'Héré­
dité et du Sexe, PM"is 1934, Rieder; aussi Conklln: Heredtty and
Errvironment, cité p:IJr Jungerlch.
386 LE SPIRITISME DOCTRINAL

à prouver que la pluralité des existences corporeHes est com-­


patible avec l'unité de la vie iIidividueUe. Autrement leur
doctrine des vies successives ferait mieux de s'appeler: la
doctrine des nwrts successives!
Hélas le spiritisme paraît impuissant à nous accorder l'as­
suranie que nous demandons, à nous donner la garantie de
l'intégrité de notre 'Propre être, de notre nwi, au cours des
incarnations nombreuses que nous avons à parcourir. Nous
sommes en présence d'un certain nombre d'existences dis­
tinctes sans qu'il nous soit possible de découvrir ce qui les
enchaîne et en fait un tout,. c'est comme si nous avions de­
vant nous un tas de perles qu'aucun fil ne relie entre elles.
Ce fil n'est et ne saurait être que la conscience du moi, le
sentiment que nous avons de notre propre individuamé. Or,
ce fil, les spü-ites sont impuissants à nous le procurer. Il
n'existe tout simplement pas. L'ex'périence négative est là et
baue fla route à toutes les spéculations théoriques, à tous les
arguments idéOllogiques par lesquels on cherche à dénaturer
la réalité psychologique.
Pour que notre vie présente soit ,la suite naturelle de nos
existences antérieures, il faudTait que notre «moi» actuel
fût la continuati'on logique, le 'prolongement consdent de'
nos personnalités précédentes. Or, ce n'est pas le cas. L'am­
nésie totale qui précède et qui surit chacune de nos renais­
sam~es constitue une intermption, une solution de continuité,
absol1.lJl11ent incompatible avec l'unité de notre 'psychisme.
C'est pourquoi la doctrine de l,a réincarnation inspÎire d'ha­
bitude ,plus d'appréhension que d'attrait. Chacun sent instinc­
tivement que chaque renaissance équivaut à une mort. En
effet, «si la mémoi,re se 'perd à chaque transformation, la
suite de ces existences ne constiotuepas Ulne immol"fiaJ1ité véri­
table, et l'on a moins un même être, dont le nwi persiste et
dure, que des êtres distinot,s qui se succèdent sans se con­
tinuer » 1).

1) L. Bourdeau: Le problème de la Mort, ses solutions imaginaires


et la science positive. Alcan, édtt., Paris 1904, p. 167.
L'UNITE Df LA MÉMOIRE 387

Tout le monde éprouve une répugnance bien compréhen­


sible à l'idée de devenir un jou:r quelqu'un d'autre. Or, c'est
à cela que nous condamneJ1ait la -palingénésie, à supposer
qu'elle fM possible. En effet,
«je ne cesse jClJmais d'être 'la même personne au cours de l'exis­
tence que je mène ici-bas. La vie éternelle consiste à rester la même
personne pendant toute l'éternité. Ma,is .la doctrine <le la métempsy­
chose commence par embrouiller cette notion élémentaire: un homme
devient plusdeurs hommes successivement. Mais l'identité personne'lle
ne saurait subsister au cours de la caorrière d'un individu Qui est
en même temps une foule innombrable d'a-utres in<lividus et la notion
même d'une vie éternelle se trouve ainsi viciée à sa base. Serai-je,
moi Qui vis actuellement, le même indiv,idu Que celui Qui vivra dans
une existence fut'ure, ou s'agira-toi! d'un autre individu, différent de
moi? - Si je orois à la métempsychose, je ne vois pas comment
je pourra,i être cet individu, et s'il s'agit d'une autre personne, la
Question de la vie éternelle ne m'intéresse plus du tout» 2).

Mais ce ne sont 'pas ,seulement nos i,fioarnations futures


qui nous transformeront successivement en d'autres person­
nes, c'est aussi le fatt qu'après la mOfit nous commencerons
par redevenir ceux que nous avons .été Iprécédemment en ré­
cupérant le souvenir de nos extstences 'passées. Le terme «ré­
cUlpérer » est d'ailleurs impropre, car la conscience ne saurait
récupérer ce qu'elle n'a Ipas ,le senttment d'avoir perdu. Or,
je n'ai jamais eu l'impression - même conf·use, même fugace
- d'avoir perdu le souvenir de quelque e)Qistence précédente
et à plus forte raison de toute une gépie de vies antérieures.
A vrai dire, je n'ai pais du tout le sentiment d'avoir vécu soit
sur cette terre, soit sur une autre. Un tel sentiment est anti­
naturel et ceux qui prétendent l'éprouver sont ceIi!ainement
victimes soit d'une autosuggestion, soit d'une aUuSJion para­
mnésique.
Quoi qu'il en soit, j'ai la wnvictilOn qu'aucune mémoire ne
sal\Jifait venir se surajouter à ,la mienne sans 'provoquer ipso
facto une altération profonde de ma persoonalité, altération
qui équivaudrait à une véritable dépersonnaJlisa.tion.
J'éllplpelle mien ce qui m'app·a,rtient, ce que mon moi actuel

2) Dr Mozley: Lectures and other Theological Papers, pp. 31·32.


388 LE SPIRITISME DOCTRINAL

possède ou croit posséder. Ce quiapparltient à un autre moi,


et à plus forte raÏiSon ce qui constitue un autre moi, m'est
étmngerpar définition. Je ne ,saUifais donc reconnaître com­
me étant «miennes» toute une série de vies distinctes de
celle de mon moi aduel, même en sUipposant que j'entre
brusquement en possession des mémoires afférentes à ces
vies, car mon unique point de repère, mon_ seul système de
référence, est constitué par mon ilndividualité ou ma person­
nalité 'Présente. Le je suis moi implique forcément un j'étais
moi et un je serai moi.
Si donc je dev:iens quelqu'un d'autre, je cesse d'être moi­
même, autrement dit je cesse d'exister. Si, pa'r contre, d'autres
personna1lités viennent 'se surajouter, ,se superposer ou se
juxtaposer à ,la mienne sans ia supprimer, leur assemblage
constituera une enti,té nouvelile et distincte, un être psychique
multiple, qu'on ne saurait en aucune manière concevoir com­
me une simple extension de mon moi norma:l. II s'agira au
contraire, une véritablecohabi:ta.tionde personnaHtés diffé­
rentes, d'un cas typique de personnalité multiple, voire même
de ,démonopathie, oomme on en ['encontre palffois oons les
annades de lapsychopathologlie 1).
Certains spirites et théosophes ont cherché à éluder ces
conséquences en 'Postulant l'existence d'une super-mémoire
subliminale, c'est-à-dire d'une sorte d'ultra-moi formé par la
synthèse des individoo'}Més successives. Cette hypothèse me
semble purement gmtuite. EHe ne se ,laisse lQgiquement
déduire ni de ce que la psychologie nous dit de l'a mémoire
cryptique, ni de ce que Swedenborg nousenseiogne au sujet
de -la mémoire intérieure. CeUe-ct es1:parfaitement compatible
avec le sentiment que nous avons de notre identité, car elle
ne contient rien qui soit étranger à notre expérience person­
net.1e; tan<iis que l'hy;pothèsed'une sorte de moi collectif,
suppose nécessairement l'existence d'une série d'expériences

1) Cf. on Skiis et Goodhea,rt. Multiple Personality; Dr Morton


Prince, The Dissociation of a Personallty; Dr VIQMet, Le Spiritisme
dans ses RarJTJorts avec la Folie; Dr Walter Prince, The Doris Fisher
Case.
L'UNITÉ DE LA MÉMOIRE 389

préexistantes qui n'ont absolument rien de commun avec no­


tre vie aotueMe. Il s'agi1t là d'une théol1ie plu1s ou moins ingé­
nieuse dont la valeur explicative est somme toute ,purement
verbale, si tant est qu'elle en ;possède une, car, même en ad­
me#ant que notre nwi aotuel 'puj.sse fadlement s'intégrer ou
se résorber dans notre ulltra.moi, il est diffici,le de voir com­
ment ce dernier ,pouprait s'ajou:ter à notre moi norma;} sans le
dissoudre. Or, la continuaTion de notre identité personnel,le,
c'est-à-dire de notre moi actuel, est la seule chose qui nous
in~éresse.
Qu'on le veuille ou non, notil'e nwi ne peut être identique
qu'à lui-même et s'H existe vraiment un moi collectif, qui le
contient, cet hypel1psychisme dépasse infiniment les limites
de notre personnaHté et s'en distingue comme le tout se dis­
tingue de la partie, ou le contenant du contenu. Peu importe
donc la soi-dj.sant unité de la mémoire colilective, car ceUe-ci
ne peut apparteni:r par définition qu'à un être dont on ne sau­
rait dire qu'il est le nôtre et dont les vicissitudes nous laissent
indifférents. C'est comme si on voulait baser l'immortalité sur
l'existence d'une conscience universelile ou sur l'existence
d'une wrlede «mémoire du monde ». Une teIle immortalité
serait pour nous sans valeur, car elle équivaudrait au nirvâna,
c'est-à-dire à la dissolution de notre personnalité et à loa perte
de notre identi4é.
Quand on fai,t observer aux spirites ou aux théosophes que
le passage d'une vie terrestre à lline autre implique une solu­
tion de continuité en même temps qu'une transforma11iDn
incompatible avec l'unité de notre personnalité, i:ls répondent
que même au cours de notre vie actuelle il se produit des
blancs dans notre conscience et des changements importants
dans notre vie psychique et morale. Cet argument est spé­
cieux palfce qu'il est basé sur de fausses analogies. L'·existence
normallede blancs dans notre conscience n'a aucun ra.p.port
avec la di,scontinutté radicale qui sépare deux incarnations
suœessives. Le sommeil est un exemple, d"a:i:Heu<fS très relatif,
de «trou» dans notre conscience; mais il existe cette diffé­
rence radica,le entre lui et l'intervaMe qui sépa're deux de nos
avatars terrestres, qu'au réveiil nous nous souvenons de ce
390 LE SPIRIlISME DOCTRINAL

qui a précédé le sommeü en même temps que nous nous ren­


dons compte d'avoir dormi, tandis qu'en commençant une
nouvelile existence terrestre, nous ne gal'oons'Pas le moindre
sOuvenir de nos vies passées ni celui de nntel1J:uptiQn qui
nous en sépare d'une manière àussi complète. C'est là une
différence essentielile ,qui prouve ,préci'sémern que ce qui sé­
pare deux incorporations successives n'est 'pas seulement un
blanc, une discontinuité dans les états de conscience d'une
seule et même âme, mais bien une alltéra:tion fondamentale de
l'espdt, entraînant l'anéantissement du moi et son remplace­
ment par un moi différent.
Quant à l'argument qui consiste à étahHr un paraLlèle
entre les changements graduel,s qui s'opèrent nOlimalement
dans notrepersonnaHté sans l'altérer et les différences radi­
cales qui distinguent nos divel1ses viescoI1pore11es au point
d'en faire des existences parfaitement distinctes, ~l est égale­
ment sans valeur. Comme le dit fort bien M. John Hyde dans
son livre consacré aux doctrines de Swedenborg :
« Quoique mon moi, ou la conscience Que j'ai de mon identité,
ait pu passer par une suite de transformations quant éWX formes
de la pensée, aux manières, aux principes moraux et aux doctrines
religieuses, cette conscience de mon identlté a néanltlQlns persisté
sans être aifectée par de tels changements seconda~res. En effet, ces
transformations normales s'opèrent au-dedans de ma personnalité
consciente sans l'altérer. Le sentÎ'roont de mon existence est la per­
sistance de mon moi, la conscience de ma pr·opre i<Ientité; car afin
de 'rester le même individu, j.e dois poss6cter cette conscience inal­
térable de mon identité» ').

La continuité substantielle.
Les spirites 'pourront peut-être objecter que le lien qui relie
entre eLles nos diver'ges renairssances ,surr le 'plan physique
est une continuité substantielle ou plasmique. Ce seflaient 1'3.
substance de l'âme, le substratum même de l'esprit ou même le
fluide du 'périsprit qui resteraient les mêmes et assu['eraient

') John Hyde: Our Eternat Homes. Londres 1886, James Speirs,
p. 116.
LA CONTINUITÉ SUBSTANTIELLE 391

l'unité de la vie i,ndividuelle au cours de ses métamorph~


variéeS,.
M.ais de deux choses, -l'une: ou bien il'individualité réside
dans le ,plasma psychique, dans ,l'élément quaIlitiiatif de l'es­
prit, ou bien il réside dans l'élément qUaJlitatif, dans la forme
.spécifique de -l'organi,sme spiri~uel. Dans ,le premier cas, l'on
est obligé d'admettre que ,l'âme vit par soi en tant que 'subs­
tance vivante in se, ce qui contredit le 'pdndpesel-on .lequel
il ne saurait y avoir de vies au 'pluriel, mats seulement une
vie unique qui se communique: Dieu, la Vie même. En outre,
l'on est obligé de postuler ,l'existence d'autant d'essences vi­
vantes diverses q1u'il y a d'indtvidus. Dans ce cas, il nous
faut admettre que NélIpoléon diffère de Pt3Steur et de tout le
reste de l'humani·té, ;parce que l,a «·substance vivante» napo­
léonienne diffère essentiellement de la «substance» pasteu­
rienne et de ceUe de tous les autres êtres humains; ce que est
grotesque. NélIpoléon n'est pas NélIpoléon péllrœ que son âme
se compose de «substance mapoléonienne », ni Pasteur
Pasteur 'Parce qu'il est fait de «ffilbstance pasteurienne »,
quoique les âmes de Napoléon et de P,asteur soient toutes
deux substantieliles comme ceLles de tout ,le monde.
L'immortalité qu'on ·poul"fait établk ,sm la 'seule base d'une
continuité ou d'une i,dentité substantielle, ne diffère pas beau­
coup de 1'« immortalité plasmique» ou de 1'« immortalité du
protoplasme », set\Jle forme de ,survivance admise par certa,ins
sa\"ants. En effet, on peut di:re ·que -le ,plasma germinatif ou
les ceLlules reprodudriœs «n'ont 'pas d'ancêtres morts» tout
comme les 'protozoaires qui se multiplient 'par div~sion cellu­
la.ire. C'est au fond la conception de la surviv,ance dans les
de&eendants; en d'autres termes, c'est une plaisanterie. La
doctrine ·de la réi'ncarnation n'est guère ·plus sérieuse. A sup­
poser qu'eUe se réalise par continuÎlté 'plasmique, la «survi­
vanœ» qui en résuMerait ne différerait 'Pas essentiellement
de la survivance dans la .progénitu,re; nQUS aurions moins
une série de ·renaissances individueLles ·qu'une filiation, qu'une
procréation ou prolifération successive.
La différence q1ui distingue un esprit d'un au'nre est pure­
ment et stmplement une différence formelle, une différence
392 LE SPIRIlISME DOCTRINAL

dans la façon de recevoir la vie. En effet, la vie, étant une,


influe, et l'âme qui lIa reçoit l'individualise, la quailifie et la
modifie selon sa nature. Voyons maintenant le second terme
de nof.re dHemme: L'individualité réside dans le caractère
spécial ou la forme spécifique de l'organisme psychique. Telle
est, comme nous alloos le voir, l-adootrine de Swedenborg:
«L'homme ne vit pas 'Par lui-même, mais il est un réci­
pient de la vie» A. C. 3318. «Tous vivent de lIa vie unique
et chacun autrement ,qu'un autre» A. C. 4321. «La vie existe
chez l'homme teUe qu'eLle est reçue ,par lui» A. C. 6467.
« Dieu donne à l"homme de ;sentir la vie comme étant sienne,
et Dieu veut qU'bl en soH ainsi afin que, selon les lois de
l'ordre, l'homme vive Gomme de lui-même» V. R. C. 504.
Si Swedenborg dit vrai, il est absmde de vouloir baser la
continuité du nwi SUŒ" la continuité substantielle ou quantita­
tive, à moins d'y ajouter égalemeIlit !la continuité fonctionnelle
ou qualitative qui dépend ·de la conservation de l'élément for­
mel et qui constitue la vér-itable unité individuelle et person­
nelle. Or, s'i'l était martérieHement .possible qu'un organi.sme
spirituel pleinement évolué ou adulte vînt s'incorporer dans
un ·phœtus ou dans ,le corps d'un nourrisson, il faudrait que
ce dernier en reproduise les traits distinctifs. Ainsi nos corps
physiques se ressembleraient étrangement d·une vie à l'autre,
ce que le Livre des Esprits nie expressément (N° 217). En
effet, AMan Kardec n'admet :pas l'organisation des esprits
(Ibid. N° 200) et par ce fait même, il nie la conservation de
cette organisation d'une vie terrestre à Il'autre, ce qui équivaut
à l'anéantissement de l'identité psychique.

L'unité de notre être moral.


Nous avons examiné le problème de la continuité de notre
personnalité au point de vue psychologique et «anatomique»
(si l'on peut désigner par ce terme 'Ce qui a trait à l'organiJsa­
tion des .substances immatérieHes qui servent de substratum
à notre activité mentale). Voyons maintenant comment la
réincarnation tend à supprimer l'unité de notre être moral.
Quelle est tout d'abord la base de notre ·personnalité morale?
L'UNITÉ DE NOTRE ÊTRE MORAL 393

La réponse de Swedenborg ne prête à aucune équivoque:


«L'amour de ,l'homme fait l'homme» A. C. 10153.
« L'homme, !l'esprit et l'ange sont absa.lument comme est leur
amour» oar «l'amou'r est l'être même de ,J'homme et forme
l'homme selon son image» Ibid. 6872 et 4727. «Tel est
l'amour, te1leest ,la vie (lb. 33) et tel est l'homme même
quant à 'Son entendement» lb. 10284. «La volonté de l'homme
est l'être même de sa vie, et l'entendement en est l'exister»
lb. 3613. « Les choses qui sont reçues -par Ja volonté devien­
nent choses de la vie (lb. 9386) car -la vie de la volonté (ou
de ',l'amour) est la principale vie de l'homme et la vie de
l'entendement en procède» lb. 585. «Chacun a donc la vie
selon la forme des intérieurs (de son esprit), forme qu'il
s'est acquise par le vouloir et le fai're, le penser et le paTler »
lb. 4904. Voir aussi V. R. C. 35, 39, 399, 778.
D'après ces 'passages, il est évident que la continuité de
la vie réside dans la continuité de l'amour - considéré comme
contenu autant que comme contenant. Sans une continuation
logique des innombrables affections qui loompœent notre être
affectif et volitif, il ne saurait y avoir d'unité ni dans no,tre
vie ni dans notre être intime, il ne saurait y avoir persistance
de notre moi moral. L'homme se reconnaît lui-même dans ce
qu'il aime et ensuite dans ce qu"il sait,. c'est de là que lui
vient la conscience de sa propre idenHté et le sentiment de
la continuité de sa vie à lui. Changer quoique ce soit à la
natUire de .J'amour de l'homme, sans qu'il en soit conscient,
constitue une impossibilité évidente par eUe-même, car c'est
dans l'amour que réside la liberté même de -l'homme. L'amour
ne change que de lui-même, librement, en accord étroit avec
la raison qui le sert. Sans cette Hberté qui implique la cons­
cience, l'homme ,perdrait sa vie individuelle, car «la vie de
l'homme est de pouvoir librement penser, vouloir et 'par suite,
pa[iler et faire» V. R. C. 482.
394 LE SPIRITISME DOCTRINAL

Immoralité du dogme des vies successives.


Ce dogme est censé nous révéler le moyen, aussi simple
que logique, par lequel la sagesse suprême arrive à rendre
parfaits toos les hommes. C'est une sorte de doctrine de
l'évolution appliquée au 'perfectionnement moral.
Toutefois, nous ,doutons que l'étude du développement des
êtres vivants confillme en quoi que ce ,soit ,les théories spirites,
théosophiques ou néobouddhistes. Ne savons~nous pas, par
exemple, que ces formes animales monstrueuses, ces sauriens
de la 'P,réhiJStoire, dont nos .musées conservent les restes gro­
tesques, ont péri faute d',adaptabillité? Loin d'évoluer, de se
corriger en quelque sorte, ces fOI1midahles rept~les ont disparu
SQus .le poids ,de leurs imperfedions phY'siques. La nature
ne revient jamais à son point de départ q,uood elJe a commis
une fau.te. Personne n'a jamais vu un 'poulet rentrer dans sa
coquiltle.
Pour appliquer la doctrine de :l'évolution au domaine moral,
les spirites ont été obligés de recoulrir à des conceptions
étranges. C'est ainsi qU'ils nous assurent que «le mal, c'est
l'état transitoire des êtres en voie d'évolution!» 1). Autant
ctire que lema!l est U1De fiction et qu'il n'existe que le bien
plus ou nwins évolué! - De vflai, il nous faut admirer ces
moraUs.tes qui réussissent à réduire ainsi la morale à une
simple mécanique!
En effet, Hs ont résolu en un tour de main un des pro­
blèmes les plus profonds et élevés qU'H nous soit donné de
scruter. C'est si simple, que l'individu le p.lus sot n'éprouvera
désormais aucune peine à s'élever au mng des plus sublimes
penseurs... En vérité, plus n'est besoin de comparer le bien
et ,le ma~, ,plus n'est besoin d'exercer son jugement pour les
peser sur une juste balance, car BI n'y a plutS ni bien ni mal,
ni juste ni injuste, mais seUllement ,des états plus ou moins
avancés, des stades ,plus ou moins évolués de la vie. Ce qu'il
nous faut pour gravir l'échelile qui conduit à la perfection

') L. Denis. op. cU" p. 124.


IMMORALITÉ DU DOGME DES VIES SUCCESSIVES 395

morale, ce n'e8t plu,s la conversion librement accompHe du


cœur et de la flaison, maÎ.'S un moyen extérieur de locomotion,
un mécanisme 'pl"optlillseur qui, étant le même 'pour tous, nous
conduira foocément tous au même but, volentes IWlentes. En
effet, le mal ne saurait faire autrement que de se transformer
peu à peu en bien, putsque essentiellement il n'est que «l'état
transitoire des êtres en voie d'évolution », ,puilSqu'au fond, le
mal c'est le bien, non pas en voie de devenir, mais en voie de
développenunt! Quant à la réincarnation, c'est le mécanisme
propulseur, le deus ex machina qui intervient pour faire cir­
culer sur la voie du 'progrès la foule stagnante des âmes ré­
calcitrantes! Et encore, nous avons tort de parler de méca­
nisme propulseur,. un mécani'sme ne fournit du travail que
quand ~l est adionné par une force. De même la réincarnation
ne devrait pa·s être considérée oomme étant en ellle~même un
fadeur dynamique, mais seulement comme une sorte de ma­
chine au service d'une volonté d'élévation. Si donc l'homme
s'élève (ou se ·laisse élever), son ascension aura ·sa véritable
cause non 'Pas dans le mécanisme - neutre en lui-même ­
mai'S dans l'élan q·ui .l'entraîne vers les hautes cimes de la
vertu.
C'est donc dans \"élément dynamique que rés'ide le secret
du progrès. Le spiritisme qui admet que «lia situation de
l'homme est cel1ile qu'il s'est préparée lui-même» admet que
cet élément réside dans l'homme lui-même. Ce dernier devient
ainsi son propre sauveur 1), ce qui est, quand on y réfléchit
bien, une assertion vide de sens.
En effet, «l'homme ne peut pas, paT lui-même, renoncer aux maux
'en les fuyant et en ayant de l'aversion pOllor eux, car il est lui-m~me
dans les maux par naissance et de là par natu.re, et les maux nè
peuvent d'eux-mêmes fuLl' les maux, CClJT ce serait comme si l'homme
fuyait sa propre nature, ce q,ui n'est pas possible. Ce sera donc le
Seigneur qui, étant le Divin Bien et le Divin Vrai, fera que l'homme
les fuie.. Mais toujours est-i,l que l'homme doit fuir les maux comme
par lui-même. En effet, ce que l'homme fait comme paor lui-même

1) D'après Rudolf Steiner, le fond.ateur de !'anthroposO\lhie, le


grand gardien du seuil (?) dit à l'âme émMlcipée «tu t'es sauvée
toi-même ». Cf. Initiation, p. 303-4.
396 LE SPIRITISME DOCTRINAL

devient sa chose, et lui est approprié comme sien. Mais ce Qu'il ne


faH pas comme pClJr lui-même ne devient jamais sa chose et ne lui
est jamais approprié. Ce qui vient du Seigneur à l'homme doit être
reçu par l'homme et ne peut être reçu palf lui sans !la pa'fticipation.
De là vient que les Dix Commandements ont été donnés... Ceux qui
restent les bras croisés, en attendant l'inHux ou l'imputation du
mérite du Seignem, restent dans l'état de leur mal et demeurent
les bras cwisés à éternité.» Av. Ex., W 971.

Si donc le sallut de l'homme devait être accompH ,par lui­


même, et non pas par Dieu, l'homme, loin de se régénérer
et de changer sa pfOipre nalture, ne tendrait qu'à l'affermir;
loin d'tmmoler la vie de son propre afin de trouver la vie, il
sacrifierait plutôt celle-ci pour sauver celle~là.
De deux choses l'une: ou bien lIa réincarnation laisse
l'homme à lui-même, et dans ce cas, eUe le condamne à vivre
sa propre vie, la vie de ses propres amoms et de ses propres
pensées, ce qui est lIa v~e de l'enfer; ou alors eUe èhange
l'homme à son insu et le force àse régénérer malgré lui, ce
qui serait, pour lui, l'équivalent d'une série de morts, car la
vie de l'homme réside dans la liberté de sa pensée et de ses
affections, liberté incompatible avec la solution de continuité
qu'entraîne dams sa conscience le passage d'une existence à
l'autre.
Ce n'est donc pas surd~s chimères intellectueliles telles que
le dogme de la plumHté des existences qu'on pourra fonder
une morale spiri1!uellle. La morale ne comporte aucun élément
automatique. L'homme ne saurait devenir mei1leur qu'en le
sachant et en le voulant, qu'en comparant le mail dans lequel
il est, au bien dans lequel il n'est pas encore, mais désire
venir avec l',aide du Seigneur. La doctrine des vies successi­
ves n'ajlonte aucun élément nouveau au libre arbitre humain,
elle ne peut faire qu'un homme soit plus libre dans une in­
carnation future que dans la vie présente; au contraire, elle
supprime ,le libre arbitre, car elle admet qu'un individu X,
qui n'a pas voulu changer sa personnalité X, consentira, une
fois devenu Xt, à changer sa personnalité Xt, ou devenu X2,
à changer sa personnalité X2. Ce quicaraclérisait précisément
l'individu X, c'est qu'il ne tenait pas, en vertu de la liberté
de ses sentiments et de sa raison, à sacrifier ou à changer
IMMORALITÉ DU DOGME DES VIES SUCCESSIVES 397

certatnes par,tioularités de sa nature, certaines .affections qui


lui étaient chères. Si, une fois devenu Xl, notre individu est
vraiment ,resté le même individu, il continuera à aiIl1er ce
qu'il aimait avant et rien ne sera changé essentiellement; si,
par contre, il n'aime plus ce qu'il aimait auparavant, simple­
ment en vertu de sa métamopphose en Xl, c'est qu'il aura
perdu sa réelle personnalité sans le savoir, c'est qu'il aura
changé sans que ce changement soit un changement moral,
auquel il ait pris une part quekonque. Quant à dire que ce
changement est néanmoins un changement libre et par con­
séquent mOf.atI, pa;rce qu'il provient des résolutions p,rises
par l'homme en tant q:u'Esprit désincarné, c'est tout simple­
ment affirmer que l'homme peut changer de nature après la
mort et réfuter ainsi la nécessité de la réincarnaiion. C'est
admettre, en outre, que .l'homme devient un être bon ou désire
le devenk dès qu'~l franchit le &euH de tl' Au-delà même s'il
était mauvai,s en tant qu'homme, sans compter que c'est com­
pliquer d'une manière fantaisiste les facultés et ,les opérations
psychologiques d'un seul et même être sp'irituel. H est évident
qu'avec ce système on peut imaginer des «indiVlidu's» excep­
tionnels, composés d'une multitude d'individus qui ne seraient
néanmoins qu'un individu, une suite de vies qui ne seraient
qu'une vie, et cœtera, ad infinitum... Seulement, est-ce légitime
de p'rocéder de la sorte et d'entasser hypothèses ,sur hypothè­
ses pour arriver à ,prouver quoi? - la possibHité ,du per­
fectionnement humain! Nous disons la possibilité, car si la
réincarnation rend oe perfectionnement inéluciahle, l'homme
n'est plus libre, tandis que si lIa réinca,rnation léllisse l'homme
libre, eHe ne fait qu'affirmer la possibilité de son progrès
humain, en quoi elle avance un truisme qui se paisse aisément
de tOU1 appa'l"eH ésotérique des sp~ri:tes et des théosophes.
Les lois qui 'président au développement moral de l'individu
ne se laissent 'pas ramener à quelque 'système mécanique (on
pourrait d'ai:llleurs en admettre d'autres à côté deœlui de la
réincarnation). En effet, eUes servent toutes au maintien de
la responsabbtité humaine, au maintien de cet élément ­
autonome en quelque sorte, qui défie Joute analyse et échappe
398 LE SPIRITISME DOCTRINAL

à toute systématisation arbitrai/re - qui s'appelle la liberté,


la liberté de penser et la liberté de vouloir.
L'hamme, nous dit Swedenborg, n'est 'pas seulement: homme
parce qu'il a une face humaine, ni même parce qu'il peut
penser et vouloir, mais il est homme parrce qu'H peut penser
le vrai et vouloir le' bien. C'est en vertu de cette dernière
possibilité qu'il est vraiment Libre. Si donc le bien et: le vrai
pouvaient être implantés en lui par un mécani'sme quelconque,
l'homme ne serait plus libre et cesserait, par ce fait même,
d'être humain.
On peut voirr par là que la dootrine de la pluralité des
existencés tend à détruire l' humain même dans l'homme, sa­
voir sa rationalité, sa liberté et sa responsabilité. C'est une
doctrine de mort.

La loi du Karma.

Je n'ai pas l'intention ici d'exposer en détail toute une série


d'objections sérieuses qu'on pourrait encore faire au dogme
de la réincoI'lpora,tion. On pourrait faire ressortir par exemple
la difficUilté pratique qui rend absurde cette idée, chère aux
disciples de Kardec et aux ocwHistes, que «la vie présente
est pour chacun d'entre nous, l'hédtagedu passé et l'enfan­
tement de l'aventr ». Qu'on se donne lIa Ipeinede réfléchir une
minute à toutes les impossibilités maltél1ie11es qu'implique une
pareille conception! Comment étahIk, par exemple, le moin­
dre lien de cause à effet entre ,les événements d'une incarna­
tion et ceux d'une autre, sans admettre une sorte de fatalité
ou de prédestination ?
Quant à dire que notre situation dans le monde est condi­
tionnée par notre être spirituel et moral, nous savons que ce
n'est pas le cas. On peut admettre une Providence dans les
événements de la vie - comment ne pas en admettre une ?
- mais il serait faux d'admettre la loi du Karma, qui est:
la négation de toute Providence et de toute Mberté. Affirmer
que la loi du Karma est la loi de cause à effet parce que
chaque vie successive est l'effet d~ la précédente et: la cause
de la suivante c'est tourner dans un cerCile vicieux. Qu'on
LA LOI DU KARMA 399

nous démontre comment une action ,peut se répercuter d'une


vie à l'autre, qu'on nous mont,re la cause antérieure et indé­
niable d'un effet actuel, mai'S qu'on évite en attendant d'abuser
le public en postulant une rela,tion de cause à effet indémon­
trable entre une série de phénomènes connus et une autre
série inconnue et inconnaissable 1).
J'ai peut-être été Néron dans une vie antérieure, mais il
serait aussi injuste qu'absurde d'attribuer ,les ffia'lheurs qui
m'ont frappé ou qui me frapperont au cours de cette exis­
tence-ci, aux aotions crLmineHes du fils d'Agrippine. En quoi
le présent 'peut-il être «l'héritage» de mon passé sanglant,
si ce passé n'est pas la cause. directe des événements de ma
vie actuelle ? En quoi le passé peut-i,l iniluersur ma destinée
présente, à moins d'admettre tout au moins une rel'ation étroite
entre mon caractère et les événements contemporains? Non,
j'ai peut-être été Néron, voire même Judas ou le maréchal
Oilles de Rais - mon honorable lecteur ne ,saurait s'en offus­
quer, car fien ne 'Prouve qu'il ne soit pas lui-même la réin­
carnation de César Borgia, de la marquise· de BrinviHiers ou

') « Cette idée de réincarnation est encore, comme cene d'évolution,.


une idée très moderne; elle palraît surtout avoir pris corps, vers
1830 ou 1848, dans certains milieux françaIs: la plupart des révolu­
tionnaLres de cette époq,ue éta.ient des « mystiques» dans le plus
mauvais sens du mot, et l'on sait à Quelles extravagances donnèrent
lieu pa,rmi eux les théories « fouriéristes », «saint-simouiennes », et
autres de ce genre. Pour ces socialistes, la conce.ption ·dont il s'agit,
et dont les p.remi.ers inventeuTs furent peut-être Fourier et Pierre
Leroux, avait comme unique raison d'être d'expliquer l'inégalité des
conditions sociales, ou du moins d·e leur enlever ce Qu'ils y trou­
vaient de choQuant,en l'attribua,nt aux consêquences des actions
accompIies dans Quelque existence antérieure. Il arrive aussi parfois
aux théosophistes de mettre cette ,raison en avant, bien Qu'ils y
insistent généralement moins Qu·e les spj,rites. Au fond, une théorie
comme ceHe-là n'explique rien du tout et ne fait Que reculer la
difficulté, si difficulté il Y a, car, s'il y avait eu V1Taiment égalité
au début, cette égalitê n'aurait jamais pu être rompue, à moins
qu'on cooteste formellement la vaHdi,tê du p,rindpe de raison
suffisante; mais .dans ce dernier cas, la question ne se pose plus,
solution ne signl!ie plus rien. » René Guénon, Op. cit., p. 116. Vok
aussi: R. Guénon,· L'Erreur Spirite, P~ris· 1930.
400 LE SPIRITISME DOCTRINAL

de quelque autre personnage célèbre par ses vices - mais


ce dont je m'indigne, c'est d'être puni pour toutes les actions
repréhensibles dont ces 'scélérats se sont rendus coupables
jadis! Et dire que les spirites osent 'parler de justice! Le
commerce avec les espfi,ts semble décidément frapper de dé-.
menre ceux qui s'y livrent. Comment tr-ouver de la justice
dans la punition d'êtires qui ne se sentent 'pas coupables ?
Serait-il, d'ailleu:rs, équitable ou même 'profitable d'infliger
de la souffrance à des criminels qui ~>nt lperdU toot souvenir
de leurs fautes? Ma~s les nécroma'nciens modernes voudra:ient
qu'à chaque malheu'r qui nous arrive nous nouiS recoooais­
sions coupables, coupables de crimes inconnus, commis au
<:ours d'une vie antérieure oubliée.
Mais en quoi cela nous rendrait-ill ,l'épreuve 'pl'us suppor­
table et ume à notre régénération morale? D'ailleurs, -les
plus misérables ne sont pas néœssai<rement ,les plus méchants
et les plus favorisés du sort ne sont ,pas -les meiLleurs. Les
hommes se ressemblent beaucoupintérieurrement. J,1 n'y a
certainementpa,s entre eux des différences aussi marquées
surIe plan moral que sur 'le plan ·social et le Seigneur a
déclaré formellement que nul ne saUlfa'it entrer dans' le
royaume des cieux sans naître de nouveau et devenir une
nouvelle créature mor,ale. L'idée que tous les hommes sont
situés à des niveaux différents, déterminés par le nombre
de leul'S avatars et de leurs renaissances, ,crée une situation
intolérable, essentielt1ement différente ·de ceBe que le Christ
nous a révélée.

La Réincarnation et l'Egalité.

Les hommes sont sans doute très différents et destinés à


exercer des «fonctions »P}UiS ou moins élevées, dans la vie,
mais l'homme le Iph.l!s ·privi'légié sous -le rapport des dons de
l'esprit, du talent ou de la f-ortune, aurait tort de se croire
supérieur, en tant qu'«homme», en tant qu'être moral, à ses
semblables moins bien pafotagés. H est indéniable que la
doctrine de la réincamattion fl. l'orgueil et la vanité de
tous ceux qui se considèrent, à toct ou à raison, comme 5U­
LA RÉINCARNATION ET L'ÉGALITÉ 40t

périeurs aux autres. Or, Jésus a dit q!\.le les premier$ sertmt
les derniers. Ainsi le dogme de la réinciamation, ,imaginé dans
I.e but d'établir l'ég'a1Mé du sort 'pouT rous, OO!Wllenœ par
affirmer l'~négalité actuelle de; hommes au p.<)Îllt de vue
spirituel.
Or, la Valell'r morale d'un individu ne dépend pat; de t'élé-
vation de ses fondions ma1s de la fidéHté avec laquelle il
s'acquitte des devoirs de sa charge. Cette fi'<iéHté ~ aussi
belle dans les petites choses que dans les grandes et révèle
l'homme <le bien dans le plus humble des trava,iHeurs comme
dans &e p,lus grand des ehefs.
Il n'y a rien de 'plu$ anti-chrétien que cd'te idée des spirites
selon laquelle la réincarnation est la seule doctrine qui éta-
blisse une 'Parfaite égalité entre les hommes en Les faisant
tous passer par des expériences semblables. En effet, l'unité
humaine ne réside 'Pas dans ,l'égalité absolue des indivi~us
dont elle se compose, mai'S au contraire dans la variété infinie
de ces derniers.
« Il ne sa.urait jamais, et d'aucune manière, exister une âme exacte-
ment semblable à une autre. Il me fut donné de le savoir, au moyen
d'une Idée spirituelle: si deux (esprits) étaient un, ils ne seraient
pas conscients d'une exist.en<:e distincte, mais se sentiraient comme
étant un. Chaque fois Que l'idée Que plusieurs pGuvaient être un
traversait ma pensée, le monde ,des esprits et celui des anges ma,"
ni~estèrent une teHe OppOsition, QU'i! était évident qu'une telle idée
était eontraiJfe à la réalité <les choses.» Diarium 2015.

La vie est organique et nesaUf'ait semanif~ter, avec quel-


que perfection, que dans des formes .complexes. L'organisme
le plus vivant et le ,plus 'p~rlait est donç en même temps
l'organisme le plus complexe, l"organisme où les fonctions
vita'les sont les plus dépendantes les unes des autres parce
que les plusspécifiquernent distinctes.
~ Chaque unité (unum) est formée par l'hClJrmonie de beaucoup de
choses, ~t reHe est l'harmonie, bel.1e est l'uni~ ; et il ne saura1t\9as
non plus y avok jamais d',u,nité absolue, ma.ig seulement tme unité
harmOnique.» Diarium 2016.
«Aucu.ne âme n'1}st absolument pareille à u.ne autre. Tou~ se
distinguent Pélll' quelq~ d;\.ffél\ençe ou pa,r la diversité de leurs états ;
et ceci non seulement afin qu'il ne se produise aucune confusion
402 LE SPIRITISME DOCTRINAL

entre les âmes individuelles, mais afin surtout que de la réunion de


ces dernières puisse naître une société parfaite. En effet, toute forme
de société parfaite suppose un ensemble de parties nettement diffé­
renciées, possédant chacune un caractère spécifique, et ceci afin
que le moindre besoin ,de l'ensemble puisse être satisfait par l'une
ou l'autre de ses p3Jrties.
« j'appelIe cette diHélrenciation: variété harmonique, careHe tend à
hél4"moniser les choses entre elles. Toute harmonie est ag,réable parce
qu'elle produit l'unité. Tout manque d'harmonie est déplaisant parce
qu'Il engendre la division. Telle est la raison pour laquelle aucun
ensemble ne pOUl'ra être gouverné par un régime pa,riait tant qu'il
n'existera pas au sein de cet ,ensemble une va,riété susceptible de
produLre l'harmonienécessatre à son unité. Ce n'est qu'en vertu de
cette harmonie que des ,relations équitables et conformes aux lois
naturelles pounront s'établir entre les memhres du corps social.
«(En ce qui concerne le royaume céleste), ,la div,ersité ha'rmoniQue
n'est pas le fait de différences purement extérieures, mais provient
de la diversité spi:ritueNe des âmes, c'est-à-dire de l'amour plus ou
moins grand qu"elles éprouvent à l'éga,rd de Dieu et du prochain, ce
Qui fait qu',elles sont plus ou moins proches de Dieu. Tant Que toutes
les variétés (de l'amour envers Dieu et le prochain) ne seront pas
réalisées (ce qui ne se produira d'ailleurs jamais) on pourra dire
que certaines places seront en quelque sorte vacantes dans le ciel.
On peut voiJr par là qu'une forme doit réaliser le summum de la
différenciation pour pouvoir réaliser le summum de son unité.» De
Anima 535-6.

Or, Swedenborg nous révèle que ,la race humaine dans


tout le complexe se comporte spi:rituellemenJt comme une seule
un.:i!té, comme un seul homme, un Grand Homme. Ce Maximus
Homo est une unité qui suppose une variété indéfinie dans
ses padies constituantes. Semblable au COl1ps physique, dont
il est le prototylpe spirituel, H est un agrégat de fonctions
multiples et diverses qui se supposent toutes mutuellement.
Il faut donc que les hommes diffèrent tous les uns des autres.
Leur égaliié réside dans leur capadté ou dans leur- volonté
de servir et 'si d'aucuns sont relativement plus importants que
d'aut'fes, c'est qu'ils doivent aussi servir davantage. A celui
auquel il a été beaucoup donné, il sera aussi beaucoup de­
mandé. Qu'on cesse donc d'invoquer la justice :pour postuler
une unité faCtice, monotone et stérile! Comme dit Charles
Maurras: «L'égailité tarit, dessèche au lieu de féconder ».
Il n'y a 'Pas lieu non ,plus de regretter qu'il y ait des
LA RÉINCARNATION ET L'AMOUR 403

différenœs notahles entre les hommes quant à, l'eXipérience


qu'Ë);s ont de la vie, pas 'plus -qu'il ne fa'Ut déplorer la diver­
si1é des individus eux~mêmes. Dans le monde de l'esprit,
rùn ne se perd et tout se communique, la mémoire, les affec­
tions, les joies et les 'Pensées; l'expérience des uns enrichit
en même temps le patrimoine moral et ilJlteHectuel des autres.
U est donc absurde de prétendre qu'il faut nous réincarner
parce que nous n'avons 'Pas retiré de ce monde toute l'expé­
riecne qu'il serait possihle d'en extralÎtre. C'est là un argu­
ment qu'une connaissance même élémentaire des lois et de
l'&onomie du monde supra1sensible devrait instantanément
réduire à néant. Et ceci nous amène à nofre dernière objecti()n.

La Réincarnation et l'Amour.
«Les espTits, nous dit Allan Kardec, s'incarnent hommes ou fem­
mes, parce qu'ils Il'ont pas de sexe; comme ils d()ivent progresser
en tout, chaque sexe, comme chaque position sociale, leur offre des
ép.reuves et des devoirs s,péciaux et l'occasion d'acquérir de l'expé­
rience. Celui qui serait toujours homme ne saurait Que ce que savent
les hommes» 1).

Une pareiHe affirmation est faite 'Pour abaisser l'amour et


le mariage au niveau del'aniJInaHté. Nous respectons trop
ce sujet sacré pour pousser plus à fond l'analyse des consé·
quences qu'imp:lique une pareiHe c()nception. Quoi de p!lus
déplaisant que la 'pensée que l'épouse affectueuse et dévouée
à .laquelle on est attaché corps et âme a été un homme dans
une vie antérieure et qu'eUe le redeviendra 'sans doute encore
au cours de ses renaissances futures! 2) Que devient dans

1) Allan Kardec, Le Livre des Esprits, W 202.


0) Des réflexionspalreiUes s'imposent aussi en ce qui concerne
les autres membres de la famille. N'est~il pas choquant de penser
que le père Qui châtie son fils châtie peut-être son grand~père ou
son arlrière grand'mère? N'est-il pas déplaisant de considérer ses
enfants comme la ,réincarnation d'individus inconnus, méchants peut­
être? 1\ est v.rai Qu'Allan Ka>rdec pousse l'inconscience jusqu'à affir­
me,r sans sourci1ler Que la doctr·ine de la ,réincarnation développe
et fortifie le sentiment de famille.,..
404 LE SPIRITISME DOCTRINAL

ce système l'amour éternel entre deux âmes, dont Swedenbo1"g


noUiS dit qu' <<ill est céleste, spirituel, saint, pUT et net, plus que
tout autre amour qui, 'par le Seigneur, est chez Iles anges du
ciel et chez les lwmmes de l'Eglise» (Am. C. 64), ·cet amour
«dont les états sont l'innocence, la paix, la tranquilLlité, l'ami·
tié intime, la pleine confiance et ,le désir de l'esprit et du cœur
de se faire l'un à l'autre toute sorte de bien» ? (lb. 180).
Swedenborg enseigne que l'amour vraiment conjugal est
dans son essence l'union de deux esprits complémentaires et
par conséquent une chose spirituelle et éternelle. Loin d'ad·
mettre Ilia moindre possibilité de changement de sexe, Sweden·
borg nous démontre que « dans le mariage d'un homme avec
une épouse, entre lesquels existe vraiment ,r'amour conjuga,l,
l'épouse devient de plus en plus épouse et le mari de plus
en plus mari ». (lb. 200.)
Le sexe est avant tout une chose de l'esprit et ensuiife seu­
lement une chose du corps, contrairement à ce que dit Mlan
Kardec qui ·prétend ·que «Iles esprits n'ont 'pas de sexe, parce
que le sexe appartient à l'organisation» (Op. 01. N° 200).
Or, les esppits ont un sexe précisément parce qu'ils sont des
êtres spirituel!s organiques. L'homme est organj,sé pour
recevoir du Seigneur surtOUIt la ,sagesse ou le Vrai, tandis
que la femme est organisée de façon à recevoir SUIftout .l'amour
ou le Bien. En d'autres termes, .l'organisation psychique de
l'hOll11me fait de lui un être inteHectuel 'Plutôt qu'affectif, tan­
dis que l'organisation Ipsychique de la femme fait d'eUe un
être émotif plutôtqu'inteUectuel. Or, comme la pensée et
l'affection sont faites pour s'unir, les deux 'sexes ·sont faits
pour s'amalgamer s.pkitueLlemen.f. Swedenbo.rg nous ,dit qu'un
coup.le dans le ciel est appelé un ange au ,singulier. Si ,l'être
humain possédait l'entendement et la volonté en proportioos
parfaitement égales, il n'y aurait 'Plus ,de sexes, et par consé­
quent plus d'humanité.
Décidément, la doctrine de h rékamartion est une doctrine
de mort!
EUe a entièrement empoiJsonné l'atmosphère spiritualiste en
France et aiU-eurs. C'est presque un blasphème que d'oser
l'attaquer, tant eUe a de prestige aux yeux des occu1t:istes de
LA RÉINCARNATION ET L'AMOUR 405

touie nuance. n est très diffidle de la réfuter, parce que pour


en aborder la discussion on est obligé deparlir de tant de
données invérifiables, qu'on est tout de suite submergé sous
.' les flots d'une dialectique q.ui semble Jogique uniquement parce
qu'eHe forge ses armes de toutes ,pièœs, en ,puisant libérale­
ment dans un oomatne où tout est à peu près inconnu. Les
ratsonnementls réincarnistes peuvent être 'parfois justes et l~
~q<tles en eux-mêmes, mais ils sont basés sur des 'prémisses
arbitraires. Or, dans le domaine de l'arbitraire, 'plus on rai­
sonne logiquement plus on arrive à des conclusionsincontes­
tables sans doute, ma,is néanmoins illégitimes.

Conclusion.
Comme le -lecteur peut s'en rendre compte, la doctrine spi­
rite manque de beauté comme elle manque de rationalité. Le
spiritisme a vOUllu escalader le ciel 'par ses propres moyens pour
se .Livrer à l'investigation des choses divines. H a cru .p<Juvoir
s'élancer d'un bond dans l'inconnu, mais, loin de laisser der­
rière lui les contingeoces de ce monde pour fmnchir le seuil de
l'Au-delà, lespiriüsme est resté ,plongé dans l'atmosphère
des choses naturelles. Ainsi, point de monde spirituel p<JUT
les spirites, mais la morne étendue d'un espace physi1que sans
Ivmites ; point de demeures célestes pour ceux qui sont res­
suscités à la vie éterneLle, mais une eXlistence de nomades
poursuivie d'un gllobe à l'aut,re, ,d'un élément à ,J'autre; point
de mal à combattre, point de Rédempt.ion Divine, mais un
bien en voie de développement et une ·série de renaissances
physiques au cours desqueliles cha'Cun devient son propre
sauveur; point d'union ronjugalle spiritueLle, point d'amour
éternel, mais la solitude désolée et stéri,le d'essences inorga­
niques se suffÏiSant à eHes-mêmes; point de liberté mora1e,
mais un perfectionnement automatique....
Au lieu de 'prêter une oreHle attentive et obéissante aux
sornettes de ces infatigables bavwds 'que sont les «désincar­
nés », on ferait mieux de se laisser instruire par la Révéla­
tion Divine qui ne s'impose pas ,par des prodiges comme le
fait la «doctrine des esprits ».
406 LE SPIRrllSME DOCTRINAL

Qu'on lise les ouvrages de Swedenborg, car les quelques


citations ra'Pportées au cours de ce travaH ne sauraient don·
ner une juste idée de ce qu'est son œuvre. Nous avons traire
un sujet tout à fait Ispéoial, ce qui noUIS a obligé de tmnscdre
des passages très spéciaux des volumFneuses publications de
notre auteur. Mais que le leoteur se rassure ; l'œuvre de
Swedenborg ne constitue pas une série de traités de psycho­
logie anormale à l'usage des spéoiailistes, mais bien une
source de lumière et de progrès dans les domaines les plus
élevés de la pensée humaine.
CHAPITRE IV

FAITS ATTESTANT LA CLAIRVOYANCE


DE SWEDENBORG

Ce livre serait par trop incomplet s'H ne menTionnait pas


certains faits exceptionnels qui se sont produHs vers la fin de
la vie de notre auteur et ·qui attesrentson don de clairvoyance.
Swedenborg lui-même n'a,ttachait d'ailleurs aucune impor-
tance aux événements que je me propose de raconter et s'est
toujours refusé à donner des preuves sumatureliles de la
verité de ses doctrines religieuses 1). {il était trop persuadé

1) Le théologien suisse Jean Gaspa:rd Lavater, le célèbre auteur


de la théorie «physiognomoniQoue» (1741-1801), a écrit deux Iettrres
à Swedenborg (Qu';r.J appelle «homme ,divinement inspi,ré »), pour
avoll)' d~ nouvelles de feu son ami Hess. Il en a ,profité ,pOur pOser
à son illustre cOf;respOndant toute une série de q.uestlons extraordi-
naf.res «dans le but, dit-il, de savoir que la vérité de Dieu était en
lui» et aussi "afin Qu'il pût voir ce que (Jusqu'a!lo.rs), il avait
cru sur le témoi~nage d'autrui». Dans cette même 'Iettrre (la deuxième),
Lavater n'a pas hésité à mettre Swedenborg à l'ép:reuve en lui
envoyant un éorit chiffré accompagné de ces mots: "vous le com-
prendrez, si ce qu'on dit de vous est vrai ». R. Tafel, (Cf. Documents
concerning Swedenborg, Vol. 2, Pa·rtie l, pp. 264-6 et pp. 277-8).
Swedenborg ne semble pas avoir répOndu à ces missives, bien qu'il
paraisse probable, d'après une lettre du prélat Oetinger à Hartmann,
du 9 septembre 1771, que Swedenborg a.iteu l'intention de rendre
visite à Lavater. (Dr Immanuel Tatel, Urkunden über Swedenborg,
p. 417 et Dr R. Talfel, Op. Cit. doc. 314 P.) Si Swedenborg avait
satisfait la ouriosité de l'éorivain suisse, ce dernier n'eût pas man-
qué de le fa1r.e savoir, d'autant plus qu'il passait lui-même pour
disciple du voyant suédois. Swedenborg n'aimait pas qu'on le con-
. sklère comme une ,sorte de devin ou d'astrologue et n'a jamais cher-
ché à tirer parti de ses facultés exceptionneUes pour imposer ses
~dées religieuses à qui que ce tM.
408 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

du camotère rationnel de ces dernières pour chercher a In­


fluencer le public en leur faveur par des faits «miraculeux ».
H estimait avec mison que «les miraoles introduisent une
sorte de cécité dans .le mental humain» (D. P. 130), et pri­
vent l'homme du libre usage de sa raison (lb. 71-99).
« La foi introd,uire Plllf les mkacles, dj.t-il, n'est pas 'une foi, mais
une simple persuasion, ~ilIr il n'y a rien de ,rationnel en elle, ni a plus
forte :raison rien dé spirituel; c'est seu.lement un externe sans in­
terne... Quand le miracle seul porte .J'homme à la 'reconnaissance,
ilIU culte et à la piété, l'homme agit d'a,près l'homme naturel et non
d'après l'homme spirituel, car le miracle infuse la foi pa.r le chemin
externe, ainsi d'après le monde Cft non d'après le ci.e!. Or, le 5eigneur
approche l'homme uniquement paT ie chemin interne, c'est-à-dire par
hi. PàrO~, par la doctrine et pM' ).es prédications d'après la Parole.
Comtntles nlirracles f.erment ce ctltmtn, c'-est pour cela qu'aujourd'hui
il ne Se lait plus de miracles,.. (D, P. 131.) «La conversation avec
les morts produi,rait 1es mêmes effets que les miracles.)} (Ib. 1.34 bis.)

Les vrais disdples de Swedenborg' diront donc' avec la


marqruise Ossoli : «ce n'est pas parce qU'Dl a vu des esprits,
mais paa:-ce qu'il a vu des vérités que Swedenborg nous inté­
resse» 2).
Mais teille Ile saurait être la conolusion .l()gique d'un livre
qui invoque à chaque ,page Je témoignage d'un· homme dont
les affirmations tirent touie leur force probante du fait qu'eUes
sont basées, non pas sur des hypothèses gratuites, mais sur
une conn~Ü~a'Il{'e eXipérimentale des réaHtés suprasensibles.
Swedenborg n'a..t--il pas ajouté au titre de 'pilusieul1S de ses
ouvrages cette phrase typique: ex au.ditis et visis (<< d'après
ce qui a été entendu et vu»)? - Il est donc évident que si
notre auteur n'a rien vu, ni rien entendu, ses déclarations
perdent leur valeur de témoignage oculaire et auriculaire,
pour ne conserver que celle d'une contrihution purement spé­
culative à ,ta discussion des phénomènes et des théories qui
.nous occupent. .
Mais, dans ce cas, que devons-nous penser de tout ce que

') Edmond Chevrier, Swedenborg (notice piographique et biblio­


graphique). PlIIfis 1875, Jung-T,reuttel, p.. 120.
SWEDENBORO ÉTAIT-IL SAIN D'ESPRIT ~ 4()C)

Swooenborg nous présente comme étant le fruit de son expé­


rience surnaturelle '?

La bonne foi de Swedenborg ne saurait être mise en doute.


Le témoignage de ses ,contemporains est unanime et formel
sur ce point.
N006 nous ·trouvons oonc devant Ie di,lemme suivant : ou
bien Swedenborg était fou, ou bien il a dit la vérité.
Je ne cacherai .pas que la première de ces hypothèses a
des prisans convaincus, bien qu'assez rares, Le Dr Ballet
et le Dr Ireland ont, tous Iles deux, écrit des Hvres érudits
pour démontrer quelf: savant académicien de Stockholm était
atteint d'aliénation mentaJle '). Le Dr BaUet est un psychiâtre
qui .nie apparemment l'existence dusuma,turel. S'il" dé­
clare que Swedenborg était fou, œ n'est pas parce que cette
haute figure présente des symptômes indiscutables d'aliéna­
tion mentale, mais plutôt parce que lui, BaUd, croit avec
passion, à ,l'infaillibilité de ses ·prôpres conceptions positivistes.
Il part oonc d'une péHtion de 'ptincipe, d'une idée préconçue.
Quant au Dr lreland, il appartient, sans conteste, à cette
catégorie de savants dont le 'lJl()ins qu'on 'puisse dire c'est
qu'Hs n'eussent pars manqué d'envoyer au cabanon quelques­
uns des spécimens les plus remarquables de la race humaine,
si ,la chose eût dépendu d',eux... Il suffit, rpours'en convaincre)
de Ure :le cha'piltre qu'il a consacré au «cars» de Jeanne
d'Arc dans son 'livre The Blot llpon the Brain 2) .
M. M. Ma.tter, à qui nous devons la biographie à mon.
avis la plus objective et la plus impartiale qui ait été écrite
sur Swedenborog, n'hési~e pas à se proclamer en parfait dés­
accoroavec ceux qui croient à la folie de son héros. Les
·paroles qu'il a écri,tes àce sujet me semblent définitives et
méritent d'être retenues :

') Dr Gilbert BaH-et, Swedenborg, histoire ({'ml visionllu.ire clu


XVIII" siècle. Pads 1899, Masson &. Cie.
Dr WHliam W. lireland, Through the Ivory Gllte.Edinburgh 1889.
2) W. W. f:reJand, The Blot IIPOn the Brain, i' ,00, Edinburgh 1893,
Bell &. Bradfute.
41er LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

« Pour ce qui est de l'hallucination ou de l'aliénation, dit-il,


tout dans sa riche et didactique pensée est du moins à ce
point éloigné de tOUiS les états d'âme qui impliquent l'idée
d'un dérangement ou d'un boulversement des fonctions nor­
ma1es que c'est insulter à l'histoire dé l'humanité que de jeter
ces vilains mots sur une teLle vie» 1).
D'aucuns diront 'peut-être que le simple fait d'avoir des
visions wnstitue une preuve de dérangement: cérébral. Tout
voyant, tout visionnaire serait ipso facto un maJade. C'est
évidemment une pure question de définition. Il suffit qu'on
se mette d'accol1d sur le 'sens qu'on. veut donner au mot
malade, mailS, comme le fait si justement remarquer Dos­
toïewsky, da'ns je ne sais plus lequel de ses romans, «le fait
que seuls les «maJlades» ont des visions, ne prouve pas que
les visions n'ex,istent pas, mais ,seulement qu'il faut êt're «ma­
lade» pour les voir» ! C'est: 'l'évidence même.
A mon avis, c'est faire preuve d'un esprit ,primaire et shn­
pliste que d'identifier l'anooma,l avec le pathologique. Une
chose peut être anormale pour l'unique raison qu'elle est
exceptionnelle; or, un phénomène exceptionnel 'peut ê~re pro­
voqué par des oauses qui n'ont absolument rien de patholo­
gique.
Qu'on discute sur l'origine pathologique de certaines vi­
sions absurdes en elles-mêmes et padaitement incontrôlables,
rien de plus légitime; mais quand il s'agit de «visions»

') M. Matter, conseBler honorake de l'Université: Swedenborg, sa


vie, ses écrits et sa doctrine. Pa'ris 1863. Didier &. Cie, Zm. édition,
p. 233.
M. Mc Dougall, professeur de psycho\.ogie anormale à l'Université
âe Harvard, avec lequel je me suis entretenu plus d'une fois des
visions de Swedenborg, ne m'a pas caché Que le véritable motif du
verdict de ,folie apporté contre le voyant suédois pair certains pSy­
cholo~ues devait être recoorché dans le matérialisme de ces derniers.
En réalHé nul n'a le (kolt de prétendre qu',un homme comme Swe­
denborg avait l'esprit dérangé avant d'avoir démontré que l'âme et le
monde spirituel n'existent pas. Ceux qui parlent de la folie de Swe­
denborg comme d'une ch{)se certaine ne font,/I'somme toute, qu'ex­
primer une opi,nion purement philosophique, un point de vue stricte­
ment personnel. Leur «diagnostic» n'a aucune valeur scientifique.
PEUT-ON PAIRE CONPIANCE A S'A-EDENBORG? 411

raisonnables, de véritables faits de olairvoyance, ill faut savoir


se rendre à l'évidence et s'incliner devant de telles manifes.
tations exceptionne\<les de l'esprit humain 1). S'il est prouvé
que tel voyant a effectivement dit la vérité, chaque fois que
les circonstances on! permis de vérifier ses dires, il y a des
chances pour qu'ill dise ,la vérité même quand les circonstances
ne nous mettent pas à même de contrôler ses déclarations.
En tout cas, il mérired'être écouté avec respect.
Pour en revenir à Swedenborg, n est dadr que tout ce qu'il
nous dit des esprits et de l'au,tre monde échappe à toute véri­
fication ernpidqiUe. Sans doute tout se .tient, tout s'ex'plique
logiquement dans son système - je -dirai même que ses
révélations projettent une vive lumière sur une quantité de
problèmes aussi importants que diffidles - mai,s cette évi­
dence interne, à eUe seule, ne suffiot 'pas à prouver le caractère
objeCtif de l'eX'périence supranol'male de notre voyant. C'est
pourquoi il est si heureux que dans la vie de Swedenborg il
se soit produit certains faits dont le moins qu'on puisse dire
c'est qU'Fis étabHssent au ,delà de toute ,contestation possible,
que celui-ci jouFssait effectivement de certaines facul,tés excep­
tionnelles. Quelques-uns (fes faits auxquet.s je f.ais allusion
paraissent même difficilement eX'plicables si l'on se refuse à
admettre l'hypothèse des esprits.
Nous ex'poserons ces faits dans leur ordre chronologique.
11 en existe - c-omme il fa ....ait s'y attendre - 'Plusieurs ver­

1) « Si, par hasar.d, i.I devenait pour nous évident, par des faHs
authentiques, que dans le mystérieux trésor de ses facultés connues
et déjà admirables, l'âme humaine en possède encore 'une plus mer­
veilleuse ain~i que plus raire à se montrer Que ;toutes les autres,
p.renons-en bravement notre pa·rti: -résignons-nous à être aussi grands
Que nature. On peut avec raison s'élever contr·e 'la p'roclamation
d'une telle faoulté, et s'en défendre jusqu'à la .fin, ne .fût-ce qu'au
nom de l'humilité que doivent nous inspLrer toutes celles Que nous
possédons réellement, Quand nous venons à les comp3Jrer à la source
suprême dont elles émanent; maÎs encore f3Jud-rait.j.\ savaiT nous
charger au besoin de toutes nos richesses et ne pas disputer à
outrance, et comme par une sorte d'envie, aux élus de notre race
celles qui peuvent Leur échol.!" sans être le p3Jrtage de tous.» M. Matter,
OP. CU., pp. 145-6.
412 LA CLAIRVOYANCE DE SWBDBNBORG

sions, ce qui entraîne forcément certaines différences de'


détails d'un récit à l'autre. Peu importe d'aÜ'leurs, puisque
les fai1's eux-mêmes n'ont j'amais donné lieu à CO'ntestation :

L'incendie de Stockholm.

Voici la version qu'en donna le philosophe Kant en per­


ilOnne : 1)
«Ce fut, si je 'su4s bien informé, vers :la Hn de l'année 1759
que M. Swedenborg, revenant d'Angleterre, dans l'après-midi,
prit terre à Oothenbourg.
« Dans la soirée, il fut invité à une réunion chez un négo­
dant de cette vi'1le, et au bout de quelques .nstants il y donna,
avec tous les signes de la consternation, lanouvelile, qu'à cette
heure même, il avait éclaté à Stockholm, auquadier de Sodee­
malm, un épouvantable incendie.
«Au bout dequek}ues heures, ,pendant lesque1les il se
retirait de temps à autre, il apprit à la société ces deux choses,
que le feu était arrêté, et à quel point il avait fait des progrès.
« Dès le même soir, on répandit cette étonnante nouveLle, et
le lendemain elle cirCUJlait dans toute la ville. Mais le rapport
de Stockholm n'en a{'~iva à Oothenbourg que deux jlOurs
après, confonne en tout, dit-on, aux visions de Swedenborg. »
M.M., Matter commente ce récit en ces termes :
« Qu'on ,remarque bien le style de ces lignes. Le philosophe
de Kœnigsberg paraît conViaincude la réalité du fait de la
vue ou de la ,perception par Swedenborg d'un incendie à la
distance de 50 Heues; mais il qualifie cette perception de
vision. C'est mal entendu, mais conforme au titre comme au
desseiJn de sa brochure; œ.~ Kant éilUssi faisait la brochure,
et aveç beaucoup de malice encore. Seulement l'inconséquence
de S()n lang;uage est évidente. Prouve-t-eHe que ,l'écrivain était
incertain sur ce qu'~l faIllait définitivement penser de la chose?
Sans nul doute.

..) Immanuel Kant, Trliumè eines Geisiersehers, erliiutert durch


Trdume der Metaphysic. En français: Oeuvres de Kant, t. Ill, p. 88.
L'INCENDIE DE STOCKHOLM 413

« Toutefois, philosophe complet, il voulut aller jusqu'au


bout, et il le fit. Deux ans plus ta.rd, il nous 3iP'prend ilui·
même, dans une ,lettre à sa spidtueUe amie, Mademoiselle
Charlotte de Knobloch, la suite qu'il avait donnée à tous ses
douies. Rien de plus curieux que la nOl;lveUe version, plus
détail'lée, plus précise et 'plus affirmative qu't!p11Oduit du
même fait en le rappotiant après vérifj.c·ation. Procédant en
véritable argumentateur, il écrit, le 1o août 1768, ce qui suit:
«Pour vous donner, ma gracieuse demoiseUe, quelques
moyens d'appréciation (quant aux fa<:'uiltés de Swedenborg)
dont tout te public vivant est témoin, et que la 'personne qui
me les transmet a pu vérifi·er en heu et pla-c·e, veuillez me
permettre de vous apprendre les deux faits suivants.»
« Ici K·ant, sans respect pour l'ordre chronologique, donne
d'abord l'histoke d'une quittance ret,rouvée que nous racon­
terons tout à l'heure et à sa date véritable; puiis il passe au
fait qui doit avoir sa place ici et il l'aborde en ces termes :
«Le tait qui suit me paraît surtout avoir la plus grande
torce démonstrative e; devoir couper court à toute espèce de
doute en ce qui concerne le don extraordinaire de Swedenborg.
C'était en l'an 1756 (le fait est de 1759), que M. de Swe­
denborg, vers la fin du mois de septembre, un samedi, vers
quatre heures du soir, revenant ct' Angleterre, prit terre à
Oothenbourg. M. WHJtiam Castel l'invita en sa maison avec
une société de quinze personnes. Le soir, à six heures, M. de
Swedenborg, qui étaH sorti, rentra au salon pâle et consterné,
et dit qu'à ,l'instant même il avait éclaté un ·incendie à Stock­
holm, au Sôdermalm, et que le feu s'étendait avec violence
vers sa maison.
« Il était fort inquiet et sortit plusieurs fois. Il dit que déjà
la maison d'un de ses amis qu'B nommait, était réduite en
cendres, et que l'a sienne propre était en danger.
« A huit heures, après une nouvelle sortie, tl dit avec joie:
grâces à Dieu, l'incendie s'est éteint à la troisième porte qui
p1"écède la mienne.
«Cette nouveLle émut fort ·la société, ainsi que toute la ville.
Dans la90irée même, on en infocmale gouverneur. Le di­
manche matin, Swedenborg Fut appelé auprès de ce fonction­
414 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

naire, qui l'interrogea à ce sujet. Swedenborg décrivit exacte­


ment l'incendie, ses commencement,s, sa fin et sa durée.
« Le même jour, la nouveLle s'en Tépandi~ dans toute la villIe,
qui s'en émut d',auront pLus que le gouverneur y avait porté
son attention, et que beaucoup de ,personnes étaient en souci
de >leurs biens ou de lems amis. Le l'undi soir, il arriva à
Gothenbourg une estafette que le commerce de Stockholm
avait dépêchée pendant l'incendie. Dans ces lettres, l'incendie
était décrit eJl:actement de :la manière qui vient d'être dite.
« Le mardi au matin arriva auprès du gouverneur un cour·
riel' royal avec le rapport sur l'incendie, SUT les pertes qu'il
avait causées et sur les maisons qu'ill avait atteintes, sans
qu'il y eût la moindre différence entre ces indications et ceUes
que Swedenborg avait données. En effet, l'incendie avait été
éteint à huit heures.
«Que peut-on alléguer contre l'authenticité de cet événe­
ment? L'ami ,qui m'a écrit a examiné tout cela, non seulement
à Stockholm, mais, iil y a environ deux moi's, à Gothenbourg
même; il connait bien les maisons ,les p~us considérables, et
il apu se renseigner complètement aupTèsde toute une viHe
dans laquel1le vivent encore la plupa,rt des témoins oculaires,
vu le peu de temps écoulé depuis 1756 (1759) » 1).
Swedenborg lui·même a raconté l'hi'stoire de l'incendie du
Sôdermalm à M. Eric Bel'gstrôm, propriétaire de l'auberge
King's Arm Tavern à Londres: «(,1 décla,ra, nous dit ce
dernier, qu'après avoir quitté la compagnie (réunie chez M.
Castel) pour aller au j.ardin attenant à lIa maison, il était
revenu et aiVait dit peu après à la compagnie que sa maison
et son jardin étaient saufs, qu'il avait décrit ensuite jusqu'à

1) M. Matter, Op. Cit., pp. 146-150. Cette lettre de Kant a été publiée
pour la première fois da,ns le !iv're de Bor-oWlSky: Darstellung des
Lebens und Characters Immanuel Kanfs, ouv,rage rev'ue et comigé
pa,r Kant lui-même (Kœni~sheig 1804, pp. 211-225). On trouvera dans
l'ouvrage monumenta,l de Tafel tous les doouments se rapportant
à la vision de l'tinœndie de Stockholm, entre a,utres les récits de
Jung-StiHing, de Pernéty, de Springer et de Letocard, secrétaire
d'ambassade holla;ndais. Cf. Docllments concerning Swedenborg,
Lon<J,res 1875, vol. II, pp. 61~632.
LA QUITTANCE DE MADAME DE MARTEVILtE 415

quel endroit les flammes s'en étaient approchées, bien qu'au­


cune nouvel1le à ce sujet ne fût encore aITivée» 1).

La quittance de Madame de Marteville.

Voici maintenant le récit d'un fa'it qui semble bien prouver


que le ,célèbre voyant possédai,t la faculté de s'entretenir avec
les trépassés. ­
« Voyons ce qu'il y a de v:rai dans cette affaire et pour cela
écoutons .le témoin le plus sûr, le mieux instruit et le plus
véridique. Ce témoin, c'est évidemment l'homme qui aurait
dû payer, si laquif.tance ne s'était 'pas retrouvée, le se(ond
époux de Mme de MarteviUe, ,le brave général d'E(iben), qui
est d'autant 'plus digne de notre confiance qu'il ne se montre
ni ,}'ami ni J'ennemi de Swedenborg.
« Le voyant était mort depuis trois ans. Un savant ecclé­
siastique éorivIt à Mme de Martevil:le 'pour savoir ce qu'il
devait penser de la fameuse .légende. Mme de Marteville étant
souffrante, 'le général, son mari, fit au ministre la réponse
qui suit:
Lettre du général d'Eiben.
«Très vénérable, très savant et très honoré Monsieur le Pasteur,
«Une indisposition pri,ve ma femme du plaisir de réPQnd.re elle­
même à la lettre de Votre Révérence et m'impose l'agréable obligation
de vous raconter dans sa véritable connexion une hi,stoire qui paraît
VOUs intéresser si vivement. De même qu'.il ardve diWoiiement un
fait ,réel auquel le récit ne mêle pas d'inexactlitudes, cela est arrivé
aussi à ce sujet. Voici le fait.
« EnvÏiron un an <l!près la mort de M. de Mar'teville, ma femme eut
l'idée de faire v.isLte au célèbre M. de Swedenborg, qui était alors
son vois'in à Stoc~bolm, afin d'apprendre à connaître de plus près
une aussi .rare merveille du g,eme humain.
«Ble cQmmuniqua ses sentiments de curiosÏ1té à plusieurs dames
de ses a.mies, et la partie fut convenue à jour fixe. Ces dames furent

1) Tatel, Documents etc., p. 538. Récit du Dr Brovo qui eut, !e


2 mai 1787, une conversation avec M. Bergstrom au sujet de Swe­
denborg.
416 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENEORG

toutes admises. M. Swedenborg les reout dans un fort beaJU iardin et


un magnifi'que salon, qui étaH voûté et garni, au milieu du toit,d'une
fenêtre par laquelle, d'après son assertion, il avait coutume de s'en­
tretenLr a.vec ses amis, c'est-à-dire les Esprits 1).
«Entre autres discours, ma femme lui d·emanda s'il n'avait pas
connu M. de Mrurteville; à quoi il répondit Qu'il n'avait pas pu le
connaître pour la raison Qu'il avait passé lui-même à Londres p.res­
que tout le temps pendant lequel ce s~igneur avait été ministre de
Hollande près de la cour de Stockholm.
«Il faut que je dise ici, en passant, Que l'histoire des 25,000 florins
de Hollande (remarquez qu'ils n'avaient pas été redemandés jusque
là) est parfaitement exacte en ce sens que ma femme était ,recher­
chée à ce sujet et n'avaH pas d·e QuIttance à présente.r. Toutefois,
dans la susdite vJ&ite il ne fut pas fait mention de tout cela.
«Huit jours après, feu M. de Marteville appamt en songe à mon
épouse et hIi indiQua, dans une cassette de façon anglaise, un endroit
où elle trouverait non seulement la Quittance, mais encore une épingle
à cheveux avec vingt brillants, et Qu'on croyait égal·ement perdue.
«C'était envkon à deux heures du matin. Pleine de joie, elle se
lève et trouve le tout à la place indiquée. S'étant recouchée, elle
dormit iusqu'à 9 heures du matin. Vers' onze heures, M. de Swe­
denborg se fait annoncer. Avant d'avair rien appris de ce Qui était
arrivé, il raconta que, dans la nuit précédente, il avait vu plusieurs
esprits et entre autres M. de Marteville. Il allrait désiré s'entretenir
avec lui, mais M. de Marteville S'y était refusé pour la raison Qu'il
était obligé de se rendre auprès de sa femme pour lui faire faire
une découverte importante, d'autant plus Qu'.LI Quitterait apTès cela
la colonie (spLrituelle) où il se trouvait depuis un an et passerait
dans une autre beaJucoup pLus heureuse.
"Voilà les vér.i·tables circonstances de ce qui est arr.ivé à mon
épouse à l'égaJrd de la quittance et de M. de Swedenborg. Je ne me
hasarde pas à pénétre~r les mystères qui S'y r·encontrent. Ce n'est
pas non plus ma vocation. J'ai dû .raconter simplement. Ce devoi'r,
ie l'ai rempli, et je m'estimerai heureux si j'ai répondu aux désiu's
de Votre Révérence.
« Mon épouse se .recommande à vous. Je suis avec re5pect, de Votre
Révérence, le dévoué serviteur.
« D'Silben ».

«Au premier aspect, continue Ma.tter, Je général d'E. a


l'air de ne rien admettre d'extT.aordinaire du tout dans l'anec­

') Cette assertion est évidemment fantaisiste étant donné que


Swedenborg ne qxlssédai-t pas de magnifique salon garni, a'1.l miHett
du toit. d'une fenêtre... Cf. Documents, II, p. 641.
LA QUITTANCE DE MADAME DE MARTEVILLE 417

-dote qu'il raconte. Toutefois, il rapporte, comme un fait qu'il


ne lui appartient pas de di,seuter, le récit que Swedenborg,
avant d'a:voir entendu parler du songe, fait de son entrevue
a·vec M. de MartevHle dans le ciel (ou plutôt dans le monde
des esprits, H. de G.). Et c'est ici que nous venons au rôle
sérieux du voyant dans l'affaire de la quittance.
«Swedenborg ava'it pris, dans une question de la veuve, à
savoir s'il avait connu son mari, -le désir de faire conaissance
avec Marteville dans l'autIre monde. II était aUé le voir où il
se trouvait. Il n'avai,t pas pu le fixer pour un entretien, et
avait été ,pr,ié par lui d'agréer pour excuse ,ta nécessité où il
était de se rendre dans le moment même auprès de sa femme
pour lui porter une indication très importante.
« C'est ,là un bien petit rôle. III est même tout négatif en
apparence; mais en réalité, si tout y est authentique, il établira
que Swedenborg allait visiter, dans les quartiers de l'autre
monde, toutes les personnes auxquelles il désirait parler» 1).
Si l'on se mrppoflte à l'ensemble des doouments publiés sur
cette affaire, (cf. Documents, pp. 631-646 et pp. 673-4), ·le
témoignage du général von Eiben 'paraît contestahle sur cer­
tains points. Iil semble établi, par exemple, que la comtesse de
MarteviUe a sollicité l'intervention de Swedenborg auprès de
feu son mari, pour obtentr de ce deI1Uier une indication rela­
tive à la quittance. Le comte Ostenma:nn, ambassadeur de
Russie, a déclaré quec'étairt lui qui avait pa111é à Swedenborg
de l'emba'ITas où se trouvait Mme de Martevi·llle pair suite de
la perte du reçu. (Documents, pp. 645-6.)
Il semble éga'lemenrt résulter de la plupart des récits qui
nous sont parvenus, que le comte de MalrteviUe a indiqué à
Swedenborg où se trouvait la quittance éga:rée et que c'est
par l'intermédiaire de ce der:nier que ce précieux papier a été
retrouvé. Telle est, en tOUiS œs, la version du secrétaire de
M. de Ma'li:evilrle, version confiI1IIlée ·par la sœur et la fUIe
de l'ambassadeur. Ce témoignage concorde, en outre, avec
le récit de M. Green, l'ami de K,ant. Le Dr Clemm et Jung­
StiHing disent la même chose, sans rparler de Swedenborg
lui-même, qui a déclaré à M. Bergstrôm que c'était sur les
indications de feu ,l'ambassadeult"qru'il avait pu dire à Mme

') Matter. Of). Cit., pp. 153-156.


4]8 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

de MartevHle où se trouvait le fameux reçu. (Documents, II,


p. 636.)
Cet,te version n'est pas conHrmée ,par Robsahm, qui invoque,
lui aussi, le témoignage du voyant, dont il était un des amis
les plus intimes. Voici les paroles qu'il a recueiUies de la
bouche de ce dernier :
(Après avoir raconté Œmment la comtesse de MarteviUe
était venue le -trouver pour le mettre au courant de la perte
de la quïttarue, et après avoir décrit son entrevue avec le
mari de cette dame), Swedenborg dit à son ami: «L'ambas­
sadeur me 'répondit qu'il se rendrait chez soi ce même soir
pour rechercher ,la quittance, mais il ne me confia pas d'autre
commission pour sa veuve. J'ai entendu d~re depuis que
ceLle-ci avait trouvé l'important document; mais je n'ai
pas joué d'autre rôle - sauf celui que je viens de dire
dans l'heureuse issue de cette affaire ». (Documents, II,
p. 638).
Ce récit de Robsabm contredit, comme on voi1:, celui de
B~gstrôm. P'élif contre, le témoignage de ce dernier est cor­
roboré par celui du sénateur compte de Hœpken ainsi que·
par les déclarations de la femme du jardinier de Swedenborg.
Or, ces deux derniers témoignages sont éga'lement basés SUT"
les dires du voyant lui-même.
Ces divergences sont d',autant plus regrettables, qu'il est
à peu près impossible d'établir quia raison. Mais comme
l'histoire de la quittance a fait beaucoup de bmit et a
donné naissance à toutes sortes de légendes, il se peut que
les personnes qui se 'sont adressées à Swedenborg en per­
sonne aient ajouté à ses paroles quelques détails apocryphes
basés sur certaines rumeurs plus ou moins fondées.
Peut-être est-ce le récit de l'abbé Perné1:y qui se rapproche
lepluiS de lIa vérlité 1 ). 'En effet, -l"abbé met tout le monde d'accord
en disant que Swedenborg indiqua à Mme de MarteviUe la

1) Abbé A. J. Pernéty, membre de l'Académie Royale de Berlin,


Abrégé des Ouvrages d'Emmanuel Swedenborg,. Stockholm et Stras­
bourg ]788. Préface p. XVIIl. Documents II, p. 640.
L'HISTOIRE DE LA REINE LOUISE ULRIQUE 419

cachette et que feu l'ambaissadeur en fit de même, en appa­


raissant en rêve à sa veuve. n est, en effet, peu probable
que cette noble dame ait inventé de toutes pièces l'histoire
de son songe révélateur.
Quoi qu'il en soit, ~l est cert'ain que >la <:omtesse de Marte­
viltle ,a retrouvé la fameuse quittance sur les indications de
feu son ma,ri, soit direotement, soit 'par l'entremi,se de Swe­
denborg. n est non moins certain que ce dernier est allé
trouver la veuve de ,l'amba'ssadeur pou,r ,lui dire qu'il venait
de rencon~rer l'ancien diplomate dans le monde spirituel et
qu'il lui aVélIittmnsmi'S le message dont e}ile l'avait cba'fgé.
Nous ne savons malheu'feusement pas au juste quel,le fut
la réponse de J'ambassadeur. A-t-il dit qu'il se chargeait lui­
même de révéler lIa cachette à '9a veuve, ou a-t-il, au contraire,
expliqué à Swedenborg où se trouvait le reçu? - Toujours
est-H que Mme de MarteviUe fut parf,aitement convaincue du
fait que Swedenborg avait réellement parlé à son mari.
Si Mme de Martevillle a vraiment rêvé que feu son époux
lui a montré la cachette, on se demande comment Sweden­
borg a pu connaître ce rêve, voiife même le connaître à
l'avance! Mais si la veuve de J'ambassadeur n'a fait aucun
rève, il est impossible d'expliquer d'une manière naturelle
comment le voyant a été en mesure de lui révéler où se trou­
vait la cachette, étant donné que tout le monde J'ignorait... à
l'exception du défunt!
Je ne crois pas qu'il soit possible d'expliquer cette histoire
par la télépa~hie, lacryptomnésie ou -la psychométrie.. Mais,
même das ce cas, H resterait avéré que Swedenborg jouissait
de certaines facultés psychiques tout à fait exceptionnelles.

L'histoire de la Reine Louise Ulrique de Suède.

j'emprunte de nouveau une partie de ce récit à l'excellent


ouvrage de Matter:
« Sur la fin de la même année, pendant laqueUe Sweden­
borg joua un rôle quelconque dans le drame de la famille
Macteville, et un rôle considé'fahle au Pafllement de Stock­
420 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

holm, LI figura dans les salons de la reine d'une manière si


extraardinaire que sa renommée en tira plus d'éolat que de
tout ce qui avait précédé dans sa merveilileuse carrière. Les
faits sont aussi plus difficiles à constater. C'est à ce point
que, si nombreux qu'en soient les récits et les initiés, les semi­
initiés ou les gens qui ont écouté aux partes, aucun n'en donne
la date, si ce n'est le capitaine Stahlhammer, qui en indique
une fausse. Ni Swedenborg ni :la reine eble-même ne la men­
tionnent, etrioo ne jette plus d'incertitude dans les esprits
que ce vague ajouté à d'autres. Les faits va>laient pourtant la
peine d'être remarqués et datés 1). Car, il faut le dire, üs
attesteraient dans l'illustre Suédois le plus rare développe­
ment que l'intelligence humaine ait acquis jusqu'à ce jour
sur la terre.
«Le récit nous est fourni 'Paif Swedenborg lui-même, qui
le fit en pleine table au général ,de T'uxen, lequel le consigna
dans cette même leUre dont nous avons déjà cité une partie
à propos du voyage de 1747. (Cf. p. 106.)
«Voici ce que nous apprend le général sur ce suj:et :
« Quelques années plus tard, par suite de divers récits
«ex,traordinaires que j'avais entendus sur Swedenborg, je
«priai le consul de Suède, M. RahHng, de vouloir bien
«m'informer de la présence de Swedenborg à Elseneur dès
«qu'il s'y trouverait. Bientôt a'Près, il me fit avertir par son
«neveu, M. Beyer, célèbre helléniste, qu'en ce moment même
« l',jllu~tre voyageur était à dîner chez lui avec son capitaine;
«et ~l me fit dire d'y venir 'sans retard, le vent étant f.avo­
«rable et le bâtiment prêt à mettre sous voile. Je ne perdis
«pas un instant, et, à peine arrivé, je me ·présentai comme
«un ami intime du consul, accouru pour refaire la connais­
« sanœ d'un homme aussi célèbre et aussi savant, lui deman­

1) R. Tafel a pu établir, par de nombreux recou.pements, Que -l'his­


toire de la reine s'est passée en 1761, vers la fin du mois de no­
vemDre. L'lncendie d,u Sôderma'lm eut Heu le 19 juillet 1759 et Mme
de Martevllle retrouva sa quittance au mois d'avril ou de mai 1761.
Cf. Documents II, pp. 616-620.
L'HISTOIRE DE LA REINE LOUISE ULRIQUE 421

«dant la permission de lui adresser quelques questions.


«-- «Demandez toujours tout ce qui vous fera plaisir, me
«dit-iJ avec calme et politesse, je répondrai à tout conformé­
«ment à la vérité.» - Je lui demandai aussitôt si le récit
« de ce qui s'était passé entre J'a reine et lui était vrai. Il me
~ répondit: «Dites-moi d'abol'd ce que vous avez entendu
«raconter, et je vous di'fai ce qui est vrai ou ce qui se serait
«passé autrement.» - Je lui d~s que, le voyant pressé de
«s'embaliquer, j,e pensais qu'il gagnerait du temps s'il con­
« sentait à me faire ,le rédt dilrectement. Il y acquiesça et me
«le fit tel que j'e ,l'avais appris dans des lettres écrites par
«des personnes dignes de foi ; mais il y ajouta ces détails :
« Le conseiMer comte Scheffer (les conseillers gouvernaient
« avec la reine) vint un jour lui rendr-e visite et ,lui demander
«s'il ne voulait pas l'accompagner à la cour le lendema-in.
« Swedenborg .lui demanda pour-quoi, sachant fort bien qu'il
«avait d'autres affaires que d'-ailler à .la cour, il lui faisait
« cette proposition. Le comte Scheff.er :lui répodit que la reine
«avait reçu, quelques jours auparavant, de sa sœur la du­
«chesse de B-mnswick, une lettre où celle-ci par.lait d'un arti­
«cie de critique qu'eUe avait vu, dans le journall de Oœffingue,
«sur un homme de Stockholm prétendant s'entretenir avec
« les trépassés et où la duchesse s'étonnait de ce que la reine
« ne lui en disaoit pas un mot dans ses lettres. La reine avait
« demandé immédiatement aux personnes ,présentes s'il y avait
«à Stockholm un homme parei:l et s'il n'avait pas l'esprit
«aliéné. Le comte avait répondu que, bien ,loin de là, c'était,
« au contraire, un homme très raisonnable et très savant. Là­
«dessus, la reine avait témoigné le désir de le voir, et le
«comte avait répondu qu'il était très lié avec ,lui et qu'il lui
«eX'primeraH ce désir. Il ,le -pria-it en conséquence d'accepter
«une invitation. Swedenborg se rendit à la cour avec lui.
« Le roi et la reine, ayant paru, s'entretinrent d'abord avec
«les ministres étrangers et les principaux personnages, et
«s'approchèrent ensuite du comte Scheffer, qui leur présenta
«Swedenborg. La reine lui exprima son plai-sir à le voir et
«lui demanda s'il était vra,i qu"ill avait commerce avec les
«trépassés, ce qu'il affirma. Elle demanda ensuite si c'était
422 LA CLAIRVOYANCS DE SWEDENBORG

«une fa.culté qui pouvait se communiquer à d'autres aussi.


«- « Non ». - Mais qu'est-ce donc? - «Un don du Sei­
«gneur.») - Pouvez-vous conférer avec tou,t trépassé ou
« seulement avec certaines personnes? - « Je ne le puis pas
~< avec tous; je vois ceux-llà ,seulement que j'ai COMUS dans
«le monde, ainsi que les personnages royaux ou princiers,
« les héros illustres, les hommes éminents et savants que j~ai
« appris à ap·précier soit personnellement soit par leurs actes
«et leufls écrits; tous ceux pa,r conséquent dont je me fais
«une idée nette. Et ,l'on comprend aisément que je ne puis
«ni manifester, ni avoir le désir de m'entretenir avec une
« personne que je n'ai paiS connue QU dont je ne puis me faire
«aucune idée », - Là-dessus, la reine .lui demanda s'il vou­
«lait bien se charger d'une commi'ssion pour son frère mort
« récemment? - «De tout mon cœur. »
« Alors la reine, accompagnée du roi et du comte, se retira
«avec lui dans une embrasure· de fenêtre et lui donna la
«c'Ommission d'Ont eLle voulait le charger. U promit de s'en
«acquitter. Puis, invité à la table royale, où Hdevint l'objet
« de mille questions, i1 répondit conformément à la vérité.
«Quelque temps après, le mmte Scheffer étan,t revenu le
«voir, lui demanda s'H n'aurait pas envie de rdoumer à la
« cour, et il y consentit. La reine, en le voyant, lui dit aussitôt:
« N'oubliez pas ma commission ». - «EtHe est déjà faite.»
«Quand il lui en eut communiqué le résultat, elle fut très
«surprise, et se trouva mal. Revenue à elle-même, elle ne dit
«que ces mots: «Voilà ce qu'aucun moctel n'aurait pu me
« dire ».
A ce rédt, Matter j'oint «celui qu'a recueilli et consigné
dans deux écrits différents, selon des renseignements divers,
le meilleur critique, le plus scepUq:u:e d'entre les penseurs et
le plus profond des métliiphysciens de son temps, Emmanuel
Kant. »
Le lecteur trouvera ces deux récits de Kant dans l'ouvrage
de Matter (pp. 175-180) et, bien entendu, dans ,les Docu·
ments de R. Tafel (vol. III, pp. 625-28). Toutes les biogra­
phies de Swedenbocg en font mention .ou les citent in extenso.
Je ne transcrirai id que quelques Mgnesde la lettre du phHo­
L'HISTOIRE DE LA REINE LOUISE ULRIQUE 4Z3

sophe aHemand à MiUe de Knobloch.. Après avoir raconté


l'histoi're de la reine Louise Ulrique, Kant remarque:
«Swedenborg est un homme raisonnable, complaisant et
ouvert. Il est savant, et mon ami m'a promis de m'envoyer,
sous peu, que~ques-unsde ses écrits. H a dit à mon ami, sans
au>cune réserve, que Dieu 11ui a donné la singUllière qualité
d'entretenir les trépassés à son gré ; j,l en appelle a des preu­
ves tout à fait notoires. Interpellé au sujet de ma lettre, il dit
l'avoir bien aŒuenUie. n y aUirait répondu, n'était son des­
sein de faire connaître au puhli.c tOUite cette singuMère affaire.
Il irai,t donc à Londres au mois de mai de cette année, et y
publierait son Hvre, où se trouverait la réponse à ma lettre.
«Afin, Mademoise~le, de vOUJS donner deux (autres) preu­
ves, dont le public actueillement vi'vant peut témoigner - et
les personnes qui me les ont rapportées ont eu l'occasion de
se livrer à une enquête sur ,place - je vais vous raconter
les deux faits suivants.» (&uit,le récit de la quittance et de
l'incendie.)
Pour en revenior à l'histoire de lIa reine. ceLle-ci fit ses con­
fidences à pl\1!sieu'rs personnes de son entourage, voire même
à certains étrangers de marque qui firent appel à son témoi­
gnage. R. Tafel a réuni à ce sujet toute une documentation
impressio-nnante.. (Cf. Doc., Il, pp. 647-692.)
Il est impossi1ble d'entrer ici dans trop de détaiols. Je me
contenterai de citer encore un ou deux récits intéressants:
«Un correspondant sceptique de la «Berliner Monats­
&chrift» 1), qui écrit sous le couvert de l'anonymat, mais que
les directeurs de la revue di'sent être un «gentilhomme distin­
gué », a eu l'occasion de se rendre à Stockholm et de se ren­
seigner auprès de la Reine. Voici son récii :
«J'ai eu l'occasion de parler avec feu la reine douairière
au sujet de Swedenborg, et ce fut eUe-même qui me raconta
l'anecdote concerna,nt son frère, avec une conviction qui me
parut extraordinaire. Toute ,personne qui a connu cette sœur
vraiment éolairée du grand f rédéric, sera d'a(cord avec moi

') Année 1788, p. 306.


424 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

pour déclarer qu'elle fut tout le contraire d'une enthousiaste


(schwarmerisch), et que son esprit était libre de toute fai­
blesse de ce genre. Elle me parut néanmoins si convaincue
du fait que Swedenborg jouissait d'un commerce surnaturel
avec les esprits,que J'osai à peine exprimer quelques dou1es
ou suggérer la 'possibi1lité de quelque intrigue secrète; et les.
paroles «je ne suis pas facilement dupe» (en français dans
le texte), prononcées d'un air royal, mirent fin à toutes mes
tentatives de réfutation» 1).
« De même que Swedenborg fit ses confidences au général
de Tuxen et d'autres, la reine fit les siennes au <:omte Hœpken,.
premier ministre, qui ,les consigna dans une note déposée à
la société exégéüque de Stockholm; à Thiébault, membre de
l'académie royale de BeI'llin, qui les consigna dans le se<:ond
volume (p. 254) de ses Souvenirs de vingt ans de séjour à
Berlin (Paris, 1804, 2 vol in-8°).
«Le ministre comte Heepken noù's fait un peu connaître
la réponse donnée par le prince pour la reine sa sœur (par
Pentremise de Swedenborg): ses sa,lutations d'abord, puis ses
excuses pour n'avoir pas répondu à la dernièTe lettre de la
princesse, ceMe où eHe le priait de lui donner des conseils »...
« La brièveté de la note de Heepken ne permet pas de compa­
raison avec le rédt si net et si détaillé de Swedenborg (au
général de Tuxen). Je dirai seulement que, pour ex'pHquer le
long silence gardé par la reine sur lIa conférence, l'homme
d'état nous dit qu'el,le n'a pas voulu 'Passer ,pour avoir eu
cette correspondance aux années où la Suède était en guerre
avec la Prusse.
«L'académicien Thiébau!lt n'a reçu les confidences de la
reine qu'après le ministre; mais sa note, qui entre dans les
détails, est beaucoup plus importante et plus précise. En voici
la substance:
« La reine, devenue veuve de frédéric-Adolphe, et demeu­
rant à BerHn auprès de son frère Frédéric le Grand, on en
vint dans son cercle, où se trouvaient Thiébault, Mérian et le~

1) Documents, vol. Il, pp. 648-9.


L'HISTOIRE DE LA REINE LOUISE ULRIQUE 425

comte de Schwerin, à pader de Swedenborg et à ex'primer le


désir de connaÎ'tre l'opinion qu'on avait de Swedenborg dans
son pays. ThiébauH raconta l'anecdote de la quittance de
Mme de MartevÜile. La reine prit a,lor's la parole. «Très peu
disposée, dit-eUe, à CToÏ<re à de semblables merveilles, elle avait
cependant voulu mettre Swedenborg à -l'épreuve. EUe le prit
à part un soir qu'il était venu à la cour et le pfi,a de savoir
de son frère (le prince Ouil1laume, mort le 12 juin 1758),
ce qu'il lui avait <Ht au moment de leur séparation à Potsdam
(quand elle se rendait à Stockholm en 1744, pour son ma­
riage). EUe ajouta que ,c'était Utne chose de nature à n'être
redite à personne, ni par elile ni par son frère. (<< Ces paroles
étaient évidemment tOll'tes confidentieliles, très allemandes en
matière de gouvernement et de natu1re à ne pas être répétées
devant des oreines suédoises.») Quelques jours après, dans
un moment où eille était engagée au jeu, Swedenborg vint lui
demander de lui parler en particulier. A l'observation, Qu'il
pouvait parler devant tout le monde, il répondit, Que ce qu'il
avait à apprendre à la reine nesouff.rait pas de témoins.
Alors eHe donna son jeu à une de ses dames, passa dans la
pièce voisine avec Swedenborg, accompagnée duséna'teur
qu'elle plaça à la porte, pendant q'Ue l'assesseur (Swedenborg),
arrivé avec elle au fond de la pièce, lui dit le jour et l'heure
où elle avaHpris congé de son frère, ajoutant que, les adieux
faits, i,l l'avait rencontrée encore une fois en traversant la
longue ga,lerie de Charlottenbourg, l'av:ait prise par la main
et l'avait conduHe à une croisée où personne ne pouvait les
entendre, et lui avait dit telles paroles que Swedenborg ré­
péta ».
« La reine, ajoute Thiébault, ne dit pas à son cercle qu'elles
étaient ces paroles (nous pensons que ces pa,roles sont la
véri,table nlÎlson du silence que SwedenboTg garda vis-à-vis du
p'Ublic et de Kant), mais elle interpella le comte Schwerin
sur a'authenticité de son récit. Et le rude courtisan se borna
à répondre ces mots : Tout cela est vrai, Madame, au moins
en ce qui me concerne. » ').

') Matter, OP. Cit., pp. 180-182. Documents, pp. 653 et 655-6.
426 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

Terminons cette histoire par deux citations qui nous mon­


trent le peu de cas que Swedenborg faisait .lui-même de ce
genre de faits surnaturels. [.l s'agit d'abord d'une lettre qu'il
adressa à son ami Loui's IX, Landgrave de Hesse-Darmstadt:
'" «Quant à ce qu'on raconte de la fiHe du prince-mar­
grave, c'est une pure fidion, inventée par quelque journaliste
en mal de copie; je n'en ai même jtamais entendu parler.
Mais ce qu'on rapporte au sujet du frère de >la reine de Suède
est vrai. Cependant on ne doit pas considérer ce fait comme
un miracle, mais ,seulement comme un tait mémorable dans
le genre de ceux que j'ai relatés dans mon ouvrage La Vraie
Religion Chrétienne, à propos de Luther, Mélanchton, CaIvin,
etc (Swedenborg appelle tous ses récits de l'Au-delà des
« mémorables»). En effet, tous ces faits témoignent simple­
ment que j'ai été introduit par le Seigneur dans le monde
spi,rituel, quant à mon esprit, et que je m'entretiens avec les
anges et les esprits» 1).
Voici maintenant un récit reoueiUi par Aug. Scheler, biblio­
thécaire du roi des Belges et publié dans Aufzeichnungen
eines Amsterdamer Bürgers über Swedenborg (pages extrai­
tes de l'autooiographie manuscrite de Jean Christian Cuno,
conservée à lIa Bibliothèque Nationale de Bruxelles, sous le
titre de ]oh. Christian Cano's eigenhéindige Lebensbeschrei­
bang) :
« Je regrette - c'est Cunoqui parle - de n'avoir rien su
de l'histoire de OothenboUirg (histoire de l'incendie de Stock­
holm), sans quoi j'aurais interrogé Sweden,borg à ce sujet,
c()mme je l'a4 fat! en ce qui concerne l'histoire de feu le prince
de Prusse et de la quittance perdue. Swedenbor:g m'a affirmé
la vérité de ces deux histoires, mais U ne s'est pas étendu
longuement sur ce sujet, disant qu'il existait des centalines
d'histoires de ce genre. Il m'a dit qu'à son avis il ne valait
pas la peine depePdre son temps à épHoguer à leur sujet,

') Documents, Il. p. 64i.


LE MARCHAND D'ELBERfELD 427

qU'li s'agissai·t là de bagatelles qui ~isquaient de reléguer au


second plan l'objet prindpal de sa mission» 1).

Une anecdote rapportée par Jung-Stilling.

« Je dois ajouter ici une quatrième preuve expé~imentale


qui n'a pas eocore été publiée jusqu'à ce JOUIr, et dont la valeur
est en tous points égale à ceHe des récits précédents (ces
recits sont les mêmes que ceux que le lecteur vient de lire,
H. de G.). Je 'Puis garantir l'authenti'Cité de ce qu·i suit de
la manière la plus fOmlelle.
« Vers 1770, il Y avait à Elberfeld un commerçant avec
lequel je vécus dans la plus grande intimité, au cours des
sept années que je passai dans cette ville. C'était un vrai
mys.tique, dans ,l'acception la plus pure de ce terme. III parlait
peu, mais ses paroles étaient comme des fTUits d'or sur un
plateau d·argent. Pour rien au monde, il n'eût osé dire cons­
ciemnumt une contJre-véI1ité. Cet ami - qui a depu~s .longtemps
quitté cette terre pour un monde meiUeur - m'a raconté
l'anecdote suivante:
« Ses aUaires l'obligèrent un jour de se rendre à Amster­
dam, où Swedenborg résidait à l'époque. Ayant beaucoup
entendu parler et lu de cet homme sing.uHer, il conçut le
projet d'aller le trouver ann d'appr:endre à mieux le connaître.
Il alla donc .lui rendre visite et trouva un vieiUard à l'aspect
vénérable et 'très amical, qui le reçut avec oour,toisie et le pria
de s'asseoir, après quoi la conveI1satioo suivante s'engagea:
Le marchand. - Appelé ici par mes affaires, je n'ai pu,
Monsieur, me refuser l'honneur de venir vous présenter mes
respects. Vos écrits m'ont obligé à vous considérer comme un
homme très remarquable.
Swedenborg. - Puis-je vous demander d'où vous êtes? .
Le marchand. - Je suis d'Eberfeld dans le duché de Berg.

') Documents, II, p. 648.


428 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

Vos écrits contiennent tant de choses belles et édifiantes, qu'ils


ont produit sur moi une impression profonde; mais la source
où VQlUS ,puisez (votre science) est si extrnordinaire, si étrange
et peu commune, que vous n'en voudrez peut-être pas à un
ami sincère de ,la véri,té s'il vous demande des preuves incon­
testables de votre commerce avec le monde spirituel.
Swedenborg. - Il serait très peu raisonnable de ma part
de prendre votre dési'r en mauva~se part; mais j'estime que
jJai donné des preuves suffisantes et incontestables.
Le marchand. - Voulez-vous paT,ler de celles que tout le
monde connaî,t, je veux diTe de l'histoire de la reine, de l'in·
cendie de Stockholm et de la quittance retrouvée ?
Swedenborg. - Parfaitement, et ces histoires sont vraies.
Le marchand. - Et pourtant on a formulé beaucoup d'ob·
jections contre elles. Puis-je me hasarder à vous proposer de
me donner une preuve semblable?
Swedenborg. - Pourquoi pas? Très volontiers.
Le marchand. - J'avais autrefois un ami qui étudiait la
théologie à Duisbourg, où il mourut de ph1Ji.sie. Je rendis
visite à cet ami peu de temps avant son décès. Nous conver·
sâmes sur un important sujet: Pou·rriez-vous apprendre ae
lui le sujet de notre entretien?
Swedenborg. - Nous verrons. Quel étalit le nom de votre
ami?
(Le marchand lui dit le nom de son ami.)
Swedenborg. - Combien de temps restez-vous ici ?
Le marchand. - Environ huit ou dix j'ours.
Swedenborg. - Venez me retrouvez dans quelques jours.
Je verrai si je ,puis ,trouver votre ami.
«Le marchand prit congé et vaqua à ses affaires. Après
quelques jours, il revint auprès de Swedenborg, rempli d'at­
tente. Le vieiLlard le reçut avec un sourire. «J'ai parlé avec
votre ami, lui dit-il, le sujet de votre conversation était lt
rétablissement de toutes choses.» A'près quoi il relata au
maifchand, avec la plus grande précision, ce que lui et son
ami avaient dit. Mon ami devint tout pMe, car cette preuve
L'ASSASSINAT DE L'EMPEREUR PIERRE III 429

était puissante et irrésishble. n demanda en{:ore à Sweden­


borg : <~ Qu'est-il advenu de mon ami ? Est~il au nombre des
bienheureux? Swedenborg lui répondit: «Non, il n'est pas
encore au deI, il est encore dans le monde intermédiaire, où
il se tourmente continuellement l'esprit avec le problème du
rétablissement de toutes choses ». Cette réponse remplit mon
ami de la plus grande surprise. Il s'écria: «Mon Dieu!
méme dans l'autre monde?» - Swedenborg répondit:
«Certainement; un homme emporte avec soi ses tendances
et ses opinions favorites, et il est très diUicÏ!le de s'en débar­
rasser. Nous devrions donc les l,aisser de 'côté dès ici-bas ».
Mon ami prit congé de cet homme remarquable, parfaite­
ment convaincu, et retourna à Elberfe\,d» ').

L'assassinat de i'empereu.. Pie....e III de Russie.

L'aneodote suivante nous est également r:acontée par Jung­


Stilling 2) :
«Un cer,tain ami que j'ai beaucoup aimé et bien connu
pendant de nombreuses années... m'a communiqué de Hol­
lande, dans une lettre ~rite l'été dernier, l'authentique et
intéressante histoire suivante sur Swedenborg:
« Je connais beauooup de choses sur Sweoonborg par l'in­
termédiaire du vieux Sch... "), (le gendre de K. ..). -' Son

') Jung-5tilHng, Theorie der Geisterkunde, Nuremberg, 1808


Documents, Il, pp. 487-9.
2) Zerstreute Aufsütze (lUS Jung (Stilling's) Taschenbuch 1805-1816.
Voir l'édition allemande de ses Oeuvres Complètes (1835-1839), vol.
XIII, pp. 395 et suivantes. M. Matter, qui a connu Jung-5tilHng
personnellement, nous dit qU'« il fut le pl1us honnête, le plus saint
des hommes, mais q-u'il fut aussi, en dépit de ses ahrs de fin critique
et d'ingénieux invesHgatcur, a,irs q-u'il se donnait volontiers, le plus
croyant (Matter ne dit pas « le plus crédule») des mortels". (0".
Cît., p. 211.)
Il) Jung-StiHing ajoute: « Je connais personnellement toutes les
personnes nommées da,ns ce récit, et la jeune mariée dont i,1 est
Question a été soignée par moi depuis ».
430 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

beau-frère, P. de Sch..., dont la première femme fut une sœur


de Mme &ch..., épousa en secondes noces une certaine Mlle
G... Pendant le repas de noces, la conversation s'engagea
sur les apparitions spirituelles. Les trois pasteurs Boo., E... et
S... étaient de l,a par,tie et prirent ,le contre-pied de tout ce que
disait Sch..., qui croyait à leur possibilité. finalement le nom
de Swedenborg fut mentionné. Les trois prédicateurs le trai­
tèrent immédiatement de fanatique et d'hérétique, et quali­
fièrent ses relations (avec les habitants du monde spirituel)
d'impostures et de rêveries. - « Messieurs, di,t alors le frère
de la mariée qui résidait à Amst,erdam, me croirez-vous si je
vous raconte sur Swedenborg une chose que j'ai vue et en­
tendue? » - Chacun connaissait M. Goo. et savait que c'était
un homme qui craignait Dieu et aimait la vérité; c'est pour­
quoi tout le monde se déclara prêt à accepter son témoignage.
- Il continua donc: «En ,l'année 1762, le jour même où
l'empereur Pierre III de Russie mourut, Swedenborg était
présent avec moi à une réception à Amsterdam. Il changea
tout à coup de physionomie, et on vit que son âme n'était pas
présente, qu'il se passait en lui quelque chose d'extraordi­
naire.
« Dès qu'il fut revenu à lui, on lui demanda ce qui venait
d'arriver. U éluda d'abord les questions, mais sur des instan­
ces réitérées, il dit enfin: «En ce moment, en cette heure-ci,
Pierre III est mis à mor,t dans sa prison. (Il décrivit son
genre de mort.) Messieurs, poursuivit Swedenborg, veuillez
prendre note de ce j'our afin que vous puissiez comparer cette
date avec celle qui sera donnée par les gazettes qui annonce­
ront sa mort ». - Les journaux ne tardèrent pas à annoncer
la mort de l'empereur, qui, en effet, eu lieu le même jour ».

Un avertissement de Swedenborg permet d'éviter


un incendie.
« Le professeur Tafel tenait de la petite nUe de Bolander,
fabrioant qui dîna avec Swedenborg à Gothenbourg en 1770,
le fait suivant :
« Pendant le dîner, Swedenborg se tourna subitement vers
SWEDENBORG PRÉDIT LA MORT D'OLOFSON 431

Bolander et lu~ dit : «Vous feriez bien d'allIer à votre usine >}.
Celui-ci, sUTpris du ton de voix, se leva et alla chez lui ; il
trouva un commencement d'incendie qui aurait consumé toute
sa fabrique, s'U n'avait été averti à temps. Il remercia le sa­
vant suédois qui lui sourit et lui dit qu'il avait vu que le
danger était pressant, ce qui expliquait sa bru.sq'l1erie» 1).

Swedenborg prédit la mort d'Olof Olofson.

Le Dr Immanuel Tafel, à qui nous devons une première


colledion de documenfs ISur ,la vie de Swedenborg, a reçu la
lettre suivante d'un de ses amis, le Rév. Moser, pasteur à
Ochsenbour,g, dans le Wurtemberg (je n'en -transcris que les
paŒ"Nes les plus intéressantes) :
«Parmi les preuves extérieures de la crédibiJHté des révé­
lations spirituelles de Swedenborg, vous n'avez pas men­
tionné, dans les écrits que vous avez puibHés i'usqu'ici, cette
remarquable prédiction de Swedenborg qui nous est attestée
par feu le Dr Scherer, professeur de français et d'anglais à
notre université (Tubingue). Cette 'Prédiction mérite pourtant
d'être placée à côté de certains autres faits remarquables,
comme ceux qui ont trait à la reine Louise Ulrique, à Mme
de Martevilleou à l'incendie de Stockholm, faits qu'on cite
souvent pour p.rouver le commerœ de Swedenborg avec le
monde des esprits ».
«Ce fut pendant nos études à l'université de Tubingue,
entre 1818 et 1821, qu'il vint à notre connaissance que le
professeur Scherer avaH résidé, du temps de Swedenborg, à
Stockholm, en qualité de sroréta'ire ou d'attaché d'ambassade,
et qu'il avait sans doute connu Swedenborg ,personnellement.
Ce fait nous décida tous les deux à rendre visite au profes­
seur, afin d"apprendre ce qu'il avait à dire sur ses relations
avec Swedenborg, sur certains faits mis en circülatiûn à son

') Ed. Chewier, Op. Cit., p. 115. Cerécrt est tiré d'une lettre de
Mme A. A. de Frese à TaJfel. (Cf. Documents, vol. III, p. 724.)
432 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

sujet, et aussi sut' la façon dont on avait accueilli ses doctrines


et ses visions en Suède ».
« Entre autres choses, le professeur Scherer raconta ce fait
remarquable: - «Swedenborg se trouvait un &oir dans une
société à Stockholm, quand, après avoir écouté avec la plus
grande attention' ses informations sur le monde des esprits,
on décida de mettre à l'épreuveIa réalité de ses extraordinai­
rescommunications spirituelles. La preuve demandée était la
suivante: - «Il devait dire l'aqueLle des personnes présentes
allait mourir la première ». - Swedenborg ne refusa pas de
répondre à cette questton, oar, après un espace de temps,
pendant lequel il parut plongé dans une profonde et silen­
cieuse médHation, il Tépondit avec la plus grande franchise :
- «Olof Olofson mourra demain matin à quatre heures
quarante-cinq minutes ». - Cette prédidion, que Swedenborg
avait faite sur un ton de parfaite confiance, plongea la com­
pagnie dans Llne attente anxieuse, et un certain per:sonnage,
qui était un ami d'Olof OIofson, décida d'aller le lendemain
matin, à l'heure mentionnée par Swedenborg, à la maison
d'Olofson,pour vo~r si la prédiction de Swedenborg se serait
réalisée. Il mit son projet à exécution, mais en route il ren­
contra le serviteur d'Olofson, qui lui dit que son maître venait
de mo'U:rir à l'instant; une attaque d'apoplexie l'aJV1alit frappé
et mis une fin soudaine à sa vie. L'ami en question, se ren·
dant à l'évidence, - la mon: s'étant effectivement produite
(conformémant à la prédiction) - fut convaincu ».
Le Dr lm. Tafel commentecetie lettre en ces 'termes: «Ce
témoignage est d'autant ,plus important que le professeur
Scherer, non seulement ne croyïait pas aux révélations de
Swedenborg, mais leur était - comme jle me le rappeHe fort
bien moi~même - tout à fait opposé, puisqu'il s'était efforcé
de nous en détoumer Moser et moi» 1).

') Dr Immanuel Tafel, Sammlullg von Urkunden betreffeml das


Leben und den Charakter Em. Swedenborgs, Tüoingen, 1839 et 1842,
vol. IV; Rudolt Tafel, Docum.ents, vol. III, pp .. 715-717.
SWEDENBORG PRÉDIT LE JOUR DE SA MORT 433

Swedenborg prédit le jour de sa mort (1)

«Parmi les prédicateurs de M. Wesley (le fondateur de


l'église méthocHste), il y avait, en 1772, feu le Rév. Samuel
Smith, homme d'une grande piété et d'une parlante intégrité,
qui devint ·plus tard un des premiers pasteurs de notre église
(swedenborgienne). Ayant entendu parler d'une ourieuse
anecdote qu'on me disait émaner de lui, j'écriViis (dit M.
Noble) à M. ]. I. Hawkins, l'ingénieur bien connu et l'ami
intime de M. Smith, pour le prier de m'en f'a!tre le récH exact.
Voici (quelque peu abrégée) la réponse qu'il me fit. Elle est
datée du 6 février 1826 :

«Cher Monsieur,
« En réponse à vos questions, je 'Puis vous dire que je me
« rappelle parfaitement avoir entendu plusieurs fOÎ!S (en 1787
«ou 88), le Rév. Samuel Smith raconter comment, étant au·
«-près du Rév. John Wesley, vers la fin du mois de février
« 1782, en compagnie de plusieurs autres pasteurs, pour en
«recevoir des instrucl!ions et l'aider dans la prépa'ration d'un
«grand voyage missionnaire, ce dernier reçut un jour une
«lettre qu'il 'Paif(~()iUirut avec un étonnement manHeste et qu'il
« lut ensU!i,te à ceux qui l'entouraient. Cette lettre était conçue
« en ces termes (à peu de chose près):

«Great Ba,th·Street, Coldbath Fields, le ? février 1772.


«Monsieur, - J'a,i été infOO111lé daI1lS le monde spirituel
«que vous étiez très .désireux de vous entretenir avec moi.
« Je serai heureux de vous voir 'si vous m':aœordez la faveur
«de votre visite.
« Je suis, Monsieur, votre humble ,serviteur,
«'Emmanuel Swedenborg.•.

1) L'ensemhle de ce document est ex'trait de !'ouVTage du Rev. S.


Noble intitulé Appeal in behalf of the Doctrines of the New Church
(édition stéréotypée, pp. 243-249). Cf. Documents, Il, pp. 564-6.
434 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

«M. Wesley reconnut franchement, devant les personnes


«présentes, qu'il avait, en effet, conçu le vif désir de voir
« Swedenborg et de s'entretenir avec lui, mais qu'il n'en avait
«jamais paxlé à personne.
«M. Wesley répondJitqu'ÏJI étJaittJrès absorbé par les pré­
«paratifs d'UiIl voyage de six mois, maÏJs qu'il se ferait un
(( plaisir de recevoir M. Swedenborg une fois tentré à Lon­
« dIes.
« M. Smithajouia qU'Iii avait appris par la ,suite que Swe­
«denborg aViaitrépondu que la visite proposée par M. Wesley
( aurait ,Heu trop tard, étant donné que lui, Swedenborg, entre­
«rait dans le monde spirituel le 29 du mois prochain, pour
«ne plus jamais en revenir.
«M. Wesley partit pour sa tournée missionnaire et apprit
«à ,son retour à Londres (si ce n'est ,avant) que Swedenborg
«avait qui,tté cette vie le 29 mars précédent.
«Cette correspondance ,extraordinaire inciilJa M. Smith à
«étudier Ies éorits de Swedenborg. Il fut bientôt fermement
«( convainoo du oaractèremtionnel et de la vérité des célestes
«doctrines enseignées dans ores inestimables écPi1!s et il coo­
«saCl'la le reste de sa vie sur terre à leuT propag;ation ».
«Veuillez agréer, MonsieUir, etc.
«John lsaa'c Hawkins. »

* * *
I,l existe encore quelques anecdotes curieuses qui prouvent,
comme les précédentes, que notre philosophe jiOuissait, pen­
dant la secondeparlie de sa longue vie, de facuItés psychiques
vraiment exœptionnelles. Le ledeur les trouvera dans les
« documents» si compl,ets réunis par le Dr R. Taœel. Mais je
crois que Ies ~aits paranonmaux rapportés dans ce chapitre
sufiiront à étaMir sa convidiiQn.

Les derniers moments du voyant.

, Voici, pour terminer, quelques détails sur la mort de l'illus­


tre voyant:
( Peu de temps avant sa mort, nous dit une lettre du Rév.
LES DERNIERS MOMENTS DU VOYANT 435

Robert Htndmarsh, son illumination défaH1it. - Il fut privé,


d'après un de ses plus éminen~s amis, le ,conseiller Springer,
de la vue -spiritueLle dont il avait joui pendant tant d'années
et se trouva dans la plus grande 1J:1ihulation, s'éoriant: 0
mon Dieu! as-tu donc finalement abandonné ton serviteur?
« Ceci paraît avoir été la dernière de ses épreuves. Il de­
meura dans œt éta,t déplorable pendant plusieurs jours; mais
ensuite il recouvra sa vue spir,jtuelle, fut consolé et redevint
heureux comme auparavant.
«M. Springer reçut oette assurance de la p'ropre bouche
de Swedenborg» 1).
« Le docteur Hartley, en vrai phHosophe, tenait singulière­
ment à voir son ami (Swedenborg) Ipendant ses derniers
jours. Il pensait qu'au moment de son paissage complet dans
les régions où il aimait à s'introduire par avance, Swedenborg,
comme tous ceux qui touchent aux por'tes du ciel, se trouvait
sans doute p1us que nul autre dans cette disposition d'esprit
où la vérité 'seule ,se fait entendre, où, ,l'erreur <:essant d'exer­
cer ses fascina~ions ofdinaires, l'âme répugne à toutes fictions
et, soit involonta1trement, soit avec réflexion et conscience, ne
dicte aux lèvres que ce qui est pur et sincère comme l'Eternel
qui l'attend. Dans cette persuasion, le pieux curé de Win­
wick, bien convainou que son ami, 'se sentant en face du
grand juge, rétracterait 10ute œuvre de feinte et de dissimu­
lation, 1ui adressa carrément, le 25 ou le 26 mars, trois ou
quatre jours avant sa mort, l'rnvitation de déclarer, au nom
de Dieu, devant qui il allait comparaître, et aussi, au nom de
leur sincère amitié, si tout ce qa:il avait écrit était absolument
la vérité, ou bien si telle partie ou telle autre devait en être
exceptée. Là-dessus Swedenborg répondit en ces termes avec
une sorte de chaleur :
« Je n'ai fien écrit qui ne soit VJ:lai, ainsi que vous l'appren­
~ drez de mieux en mieux dans la suite, et chaque jour de
~ votre vie: sup.posé que vous vous attachiez toujours étroi­
« tement au Seigneur; que vous le serviez Lui seul; que vous

1) Lettre de Hindmarsh, du 28 nov. 1786. (Documents, II, p. 575-7,)


436 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

«évitiez tout mal qui est un péché contre Lui; que vous étu­
«dierez diligemment sa sainte Parole, qui témoigne, du
«commencement à la fin, de la vérité des doctrines que j'ai
«transmises au monde.» (Lettre du docteur Chastanier, du
9 mai 1790), (Cf. Documents II, pp. 579-580.)
Voici comment Carl Johan Knos 1) ra~onte les derniers
instants de Swedenborg d'après le récit que lui en a fait le
pasteur Ferelius, doyen de Ia chapelle suédoise de Londres'):
«Dès que le doyen (Fevehus) eut entendu parler de la
maladie de Swedenborg, il alla rendre visite à ce dernier et
demanda à lui pa,rler. Après avoir pénétré dans la maison,
il entendit une sorte de rumeur provenant de l':intérieur de
la chambre (où se trouvait le ma.Lade). Il demanda s'U y avait
des visites chez l'assesseur. La dame qui le soignait lui
répondit: «Non, ce bmit dure depuis quelques jours ».
- Le doyen entra. L'assesseur le reçu't avec un visage heu­
reux et joyeux, disant: «Soyez le bienvenu, mon Révérend,
Dieu vient de me délivrer des mauvais esprits contre :lesquels
j'ai eu à lutter pendant ces dernières jl()umées. M.aintenant Ies
bons espr,its sont revenus auprès de moi ». Le doyen Ferelius
dit alors: «Monsieur l'Assesseur, j'ai appri,s que vous étiez
souffrant et, comme pasteur de l'égHsesuédoise de cette ville,
j'ai cru de mon devoir de vous rendre visite ». Sur qiUQi il
.proposa à ,}'asS€lSseur de recevoir la saillite communion de ses
mains. L'assesseur le remercia de son offre trois ou quatre
fois et dit: «Je reconnais ne pas avoir reçu la communion
depuis quelques années; mais jle n'en avais pas besoin, car
j'ai été membre de l'église céleste. Mais maintenant je suis
disposé à la recevoir, pour montrer l'union intime qui existe
entJre l'égHse visible et l'égll.ise invisible ». - Le doyen Fere­
Hus lui demanda alors: «Monsieur l'Assesseur, est-ce pour

\) C. 1. Knos était considéré comme un des meilleurs prédicateurs


de son épOque, bien Qu'il ai publié peu d'éorits. Il était do~en de
l'église de 5kara et mourut en 1835.
2) C. 1. Knos, Récit de la dernière heure de Swedenborg fait par
le doyen Ferelius et transcrit par moi-même d'après son témoignage
oral;" le 12 août 1784. (Documents, Il, PP. 562-3.)
CONCLUSION 437

vous f~,ire un nom ou pour quelque ,autre raison de ce.genre


que vous avez publié vos divers ouvrages ? Si tel est le cas,
rétractez~les. Vous êtes suffisamment célèbre, et si vous avez
dit des mensonges, et persistez en eux, vous ne pouvez être
sauvé ». - L'assesseur répondit: «Monsieur le Pasteur,
aussi vrai que vous me voyez ici devant vous, et aussi vrai
que je vis, je n'ai rien écrit qui vienne de moi, mais unique­
ment la vérité venant de Dieu ; et, si vous voulez écQuter la
vérité, nous aurons, quand nours serons entrés dans l'éternité,
des choses importantes à nous dire ». - Le doyen répondit:
«Reconnaissez-vous, Monsieur l'Assesseur, que vous êtes un
pécheur ? Si oui, levez vos mains et lisez la confession des
péchés ». - «Je suis sans aucurn doute, dit l'assesseur, un
pécheur; pour queHe autre raÏison semis-je attaché à ce corps
de péché?» - Après quoi il lut 1a confession des péchés
et reçut la Sainte Communion. »
«Après avoir pris la Cène, Usons-nous dans la Notice
Biographique d'Edmond Chevrier, ayant vu que sa fin appro­
chait, il indiqua le jour où il devait mourir, et la servante
qui était auprès de lui remarqua qu'il avait l'air au'ssi content
qu'elle l'aurait été elle-même, si eille aUait un dimache à une
partie de plaisir. Le diman<:he 29 mars 1772, entendant son­
ner l'horloge, Swedenborg demanda à sa maîtresse de maison
et à la .servante, qui étaient assises à ses deux côtés, quelle
heu're il était. Comme on lui répondit qu'il était cinq heures,
il dit: «C'est bien, je vous remercie, Dieu vous bénisse ».
- Un petit moment après, il rendit doucement l'esprit» 1).

Conclusion.
La lecture des pages qui précèdent incitera sans doute le
lecteur à étudier les ouvrages de cet homme remarquable que
Gœthe a'ppelait «le vénéré voyant de notre époque », «le
saV1ant penseur àla fois théologien et natul1aliste. »

1) Edmond Chevrier, Of). Cit., p. 60. Ce récit est basé sur la dé­
claration des époux Shearsmith, fa1te devant notake à Londres le
24 novembre 1775. V()~r cet affidavit dans les Documents, vol. Il,
pp. 577-S.
438 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

Notre philosophe a exercé l1'neinflruence plus ou. moins


profonde sur un grand nombre d'hommes de génie, comme
Kant, Gœthe, Herder, OberHn, Buffon, Balzac, Strindberg,
Coleridge, Blake, Browning, Emerson, Henry James, William
James, Baudelaire, MickileWiicz, Slowacki, ~loview, etc.
«Je comprends qu'on fasse de Swedenborg lson homme,
dit William James, mais il faudrait pouvoir Ilui consacrer sa
vie. »
Balzac s'exprime en ces telimes dans Louis Lambert (Lettre
de Louis Lambert, à la date du 25 novembre): « Evidemment
Swedenborg résume toutes les reLigions, ou plutôt la soole
religion de l'humanité... Sa théocratie est subMme, et sa reli­
gion est la seule qui puisse admettre un esprit supérieur... »
« E'sprit colossal, dit Emerson dans ses Hommes Représen­
tatifs, il devance de loin son siècle. Ses contemporains ne le
comprennent pas; pour le mesurer, il faut être placé à une
distance considérable de ,lui ».
Je pense qu'en écliivant ces dernières Mgnes, Emerson avait
surtout en vue les théories ,scientif,iques de ,l'illustre suédois.
La plupal.'t d'entre elles aLlaient, en effet, à l'encontre de la
science du XVIII· siècle qui ne pouvait soupçonner les décou­
vertes capitales qui pwmirent, longtemps plus ta:rd, aux phy­
siciens de transformer radkalement notre conception de la
struclure de la matière dans le sens indiqué par Swedenborg.
L'époque new,tonienne n'était pas non plus prête à compren­
dre le rôle immoose des ondes dans les phénomènes ,physiques
et vitaux, rôle que le sav3lnt de Stockholm ava,it tout de suite
deviné.
Mais il est aussi d'autres domaines où Swedenborg ne fut
pas compr.is par ses contemporains et surtout par la généra­
tion qui suivit. Sa pensée fut même complètement dénaturée
par les innombrables illuminés et théosop,hes qui se disaient
ses disdples. DaIliS un ouvrage récent 1), M. Auguste Viatte
a consacré tout un Ilong chapitre aux «Swedenborgiens ». A

1) Auguste V'iatte, Les Sources occultes du Romantisme (Illumi­


nisme - ThéosophilC. 1770-1820), 2 VO!., Paris 1928, Librairie Ancienne
Honoré Champion, vol. 1" cha,p. III, «Les Swedenborgiens~, pp. 72-103.
CONCLUSION 439

l'en croire, Swedenborg serait en quelque s<>rte un des pères


de l'illuminisme qui fleurit entre 1770 et 1820, et ses idées
constitueraient Uille des «sources occultes du romant'isme».
Il est incontesiableque .le voyant 'suédois a exercé une influ­
ence assez -considérable sur ,le romantisme 1), mais cette in­
fluence il ne l'a 'pas exercée ,par les doctrines qui furent
véritablement ,les siennes, mais plutôt 'Par les idées que ses
pseudo-diiscip,les lui 0iI11t fuJussernent attribuées, en interprétant
dans un sens messialllÏ'ste certains passa'ges de ses écrit,s.
Swedenborg n',a jamais encooragé 1'.iMuminisme, le spin­
1:Îisme ou le my.stioisme. Il n'a jama'is manqué l'occaSiion de
condamner ,sévèrement toutes les foBes du prophéti'Sme sub­
jectiviste. lJ a dénoncé avec une certaiJne véhémence les vati­
cinations des premi,ers Qu,akers et ne s'oot pas bit faute de
critiquer les extravagances 'Piétistes de Dippel ou des frères
moraves. Son aversion pour -les occuiltistes étarit notoire. Il ne
daigna jamaiÏs Ure Jacob Bœhme. S'i:l a annoncé l'avènement
de la «Nouvelle Jérwsalem », ce ne lut 'P'as !pOUT proclamer
l'aube d'une ère révolutionna!ire, au COWTS de laquelle serait
divinisé -le devenir humain, -cependant que le progrrès serait
fata'lement assuré par le rejet de toutes les disciplines in­
hérentes à la notion même du vrai, et par le refuls de toutes
les contraintes inséparables de la conception d'une loi fondée
sur l'être.
Swedenborg n',attribuait auc'wne valleur 'wniVleflSelle, et à
plus for'te raison aucun pouvoi'r contra'ignant, aux inspirations
individuelles. Il ne cr.oyait pas à la vertu ,salvifiique des
«vérités relatives» issues du subjeciiVlil$II1e individualiste.
Les vérités qu'ill a lui-même proclamées nous sont offertes
comme des vérités universelles et objectives.
Voià pourquoi la «NomreUe JéPusaIem» de Swedenborg
ne saurait être une réalité purement intérieure. Elle présente,

1) Te\lle es't également 1'op,i:nion du professeur Martin Lamm,


d'Upsa,le, Qui nous a promis, il y a Q'uelQues années, un livre sur ce
sujet. On retrouve notamment 'beauc-oup d'idées swedenbo.rgiennes
ch,ez les romantiques pol<mais: cf. ]. Kleiner, juljusz Slowacki,
(5 voL), Va,rsovie 1927,
440 LA CLAIRVOYANCE DE SWEDENBORG

au contraire, Utn ca'ractère nettement objectif, comme la vérité


ex'trinsèq'l1e et intelHglible sur IlaqueHe eUe se fonœ. Elle n'est
donc pas, comme on a essayé de le dire, Uine simple extério­
risaifion des sentiments hum3iins, transfol1més par l'influx
irrésistible d'une nouvelle vie spirituelle, ma,iE> plutôt un en­
semble de dodpi:nes capables de transformer le monde dans
la mesure où celui-ci acceptera de se laisser qualifier par elles.
En résumé, et à voir les choses comme eUes sont, la « Nou­
velle Jérusalem» de notre voyani n'est ni plus ni moins qu'une
« Nouvelle Eglise », fondée sur le rétabHssement de la « Vraie
Religion Chrétienne », rétablissement qui impHque une refonte
totale de l'enseignement religieux. Cette refonte, Swedenborg
l'a accomplie }ui~même, toui en lui attribuant le caractère
d'une révél:a1Jion divine.
Qu'on l'accepte c-omme telle ou qu'on refuse de lui recon­
naître cette qualité, le fait demeure que notre voyant a iden­
tifié le retou:r du Chfi,st et la Nouvelle Jérusalem avec une
nouveLle manifesta~ion d'une Vérité Objective et non pas avec
je ne sais quelle dry,ini-sa1ion du Plfogrès (avec un grand P),
comme le voudmient les apôtres d~une certailne my;stique
messianiste. Loin de c.fOire que les hommes accompliraient
de grandes choses si on les Hbérait de la contrainte du dogme
ou des lois civiles et .sociales, Swedenborg s'est toujours mon­
tré extrêmement méfiant à l'égard des initiatives basées sur
les impulsions ou les instinds du cœur hUJI11ain. Il ne croyait
pas comme Roosseau, à la bonté nMurelle de l'homme. Bien
au contraire, il ,a déolaré maintes fois que l'homme laissé à
ses propres instincts éta·it pire qu'un animal féroce. Le pro­
grès ne SOOŒ"ait être pa-rmi nou's que la conséquence d'idées
justes dans tous les doma'ines, à commencer par le domaine
religieux. C'est pourquoi Swedenborg a proolamé la nécessité
d'une théologie vraie et d'une phHosophie capable de sou­
met1re l'homme aux discipHnesqui 'pourront lui permettre de
lutter contre ses penchants naturels.
Nul ne fut donc moins révolutionnaire, moins romantique
que Swedenborg. E'sprit éminemment classique, il prêchait la
soumission à l'objet, c'est-à-diore la sowmission de l'intelili­
gence au V,rai et au réel. Swedenborg était un réaliste dans
CONCLUSION 441

toute l'aœeption du terme. Il a lutté contre les idées qu'il


estimait fausses, il a dénoncé mainte doctrine surannée et
périmée, il a réformé ce qui était réfoomable, mais il n'a
jamais préconisé le moindre principe révolutionnaire, le rejlet
dangereux ou impossible de toute discipline intelleot'Uel,le ou
doctrina·le. En effet, le véritable affranchissement des espr,its
ne peut être obtenu qu'au moyen d'une drscipHne sévère, dis­
cipline dont tous les écrits de Swedenborg proclament l'im­
périeuse nécessité.
Je regrette donc que le chapitre ,que M. y,iatte a consacré
aux «Swedenborgiens », dans 80'11 ouvrage par ailleurs si
complet et si érudit, fasse naître dans l'esprit du lecteur une
idée aussi fausse sur le maître dont ces muminés se réclament
à tort. Il est absolument indispensable de faire les distindions
qui s'imposent si l'on ne veut pa·s commettre 1.1IIle grave in­
justice à l'égard d'un homme dont l'enseignement constitue
le meiLleur antidote contre le prophétisme révolutionnaire et
les doctrines de désordre.
Ceci dit et POUŒ" en revenir au sujet .principal de ce livre,
je prie le lecteur de réserver son opinion en ce qui concerne
les descriptions que Swedenborg nous a données de notre vie­
future. Je n'ai pas cru devoir traiter un pa.rcil sujet dans cet
ouvrage. Chacun peut se procurer le livre -dans lequel notre
voyant a consigné le fruit de son e)(lpérience supranonnale 1).
C'est, sans doute, la lecture de ces pages remarquables qui
a fait dire à Elisabeth Barret Browning: «A mon avis, la
seule [lumière que nous possédons sur l'autre vie se trouve
dans la 'philosophie de Swedenborg ».

1) Swedenborg: Du Ciel et de r Enfer (d'après ce qui a été entend//'


et vu).

FIN
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Voir la Hste complète des Oeuvres de Swedenborg a'ux pages VI et
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Londres 1887 (J. Speirs).
ADDITIONS ET CORRECTIONS (1)

Page VI Hgne 2 d'en ha,ut: a,u lil(lu d'Adverearia,IÎir,e Adversaria.


» VII 12 d'en haut: a,u Heu de finale, Ure finaU.
» 28 3 d'en baiS: après Encyclopédie, ajouter des Sciences.
» 51 7 d'en bas (.teXite) : lke résonance.
64 22 d'.en haut: a'u Heu de se revêtir de, Ure revêtir.
» 67 7 d'en h,a.u,t : Ure voire.
» 68 4 d'.en bas (note): élJU bieu de Denys, lire Denis.
» 74 1 d'en bas (note): au Heu de Ibid., Ure Viollet,
Op. citat.
» 77 10 d'en bas: au lieu de évidemment, Ure évident.
» 81 Ajouter à la note: cité par Lombroso, Op,. citat.
» 105 9d',en bas (,noite): au Heu de Denys, Ure Denis.
» 120 1 die la note 2: 5uppnimez attardés (of. p. 238, note).
» 152 Note 3, l,tgtUe 2 d'en bas: au lieu de M. Beruard, lire Cl.
Bernard.
199 ligne 6 d'en bas: lÏJœ résistance.
» 228 10 et 12 d'en haut: au Heu de Galène, ,Ulfe Galien.
» 228 2 d'en bas (note): LÏJre anthropologie.
» 229 9 d'en haut: au lieu de Galène, Ur,e Galien.
» 234 1 d',en haut: Ure Anaxagore.
» 241 1 d'en haut: él!U Heu de sentir, n-re scruter.
» 243 13 d'en bas: lire plain-pied.
» 246 14 d'en haut: ,Lke succédé. "
~> 246 10 -d'en bas (texte): au Heu de,Grawford, l<ire Crawford.
» 247 17 d',en haut: IUre connivence.
» 248 19 d'·en haut: Ure dilemme.
» 356 4 d"en bas (no.(·e): au Heu de Ohdner, lil"e Odhner.
» 358 d'en haut (texte et note): au Heu de Henri, lire
René.

(') Cf. la Note explicative, pa,ge 238.


ADDITIONS ET CORRECTIONS 455

ADDENDUM

Page 413, ligne 8 : ajouter la note suivante :


La l~ttre de K"nt à MUe de Knobloch n'a pu êtr'e écdte en 1768
po'ur l'excellente raison que celle-ci a épousé le général de Kiling­
sporn en 1763 ou 1764. BlIe llie ,date pas non p~us de l'"nnée 1758
comme le prétend Kehrbach (Kant, éd.i:tion Reo1am, Leipzig 1880),
puisqu'eUe traite d'événements qui eurent '!teu entre 1759 et 1762.
Dans un article fort documenté PaJru dans la Revue de Métaphysique
et de Morale (1904, p. 561, note), M. Delaoro:ix noosdit que Kuno Fischer
a établi ,de façon kréfutable que la Iettre en question était de 1763.
En tallit cas, eUe ,est antérieure aJux Trtiume qui furentP1ÙYIiés en
1766. En effet, dans sa lettre à Mlle de Knobloch, K"nt déciMe ne
pas avotr Lu les œuvres de Swedeniborg, t"ndiis qu'il nous en donne
un aperçu, voire même unecrHique, dans sa brochure.
Est-ce à dk,e 'qu'il n'admettait plus en 1766 les conoLusions de
1'« enquête complète» (vollsttindige Erkundigung) ni les 'résultats de
l' «examen approf,ondi» (sorgftiltige Prüfung) qu'il invoque dans sa
lettre éorHe tro~s ans IYlJus tôt pour éviter qu'on puissedke de lui
«qu'une opinion 'erlronée a pu ,Je por,ter à ajoutelr f'oi» aux étranges
rédts Qu'il Ir,apporte ? - Certainement non.
L'attitude de Ka,nt est assez équivoque. Le professeur Richard
Adolf Hoffmann en convient da,ns la r-emarQuabIe étude QU'di! a con­
saorée à Kant et Swedenborg (of. Grenzfragen des Nerven- und
Seelenlebens, cahier 69, Wiesbaden 1909). Dans sa hrochure, Kant
ne nie ni n'a,ff,Lrme les histoires qu'« il soumet avec une entière in­
différence au jug,ement favoraJl:Jile ou défavorahledu lecteur ». II n'est
plus question de son enquête personnelle. Kant a l'ak de s'excuser
d'avoir jamai's prêté la moindre attention à des faits ClJuxquels on
ne pouva,it guère s'intéress-er à l'époque de Vo1tCLüre sans s'exposer
au ridicule. C'est pou:rQuoi il se borne à citer ,la rumeur pubitiQue,
ce Qui n'engage plus sa responsCLbiHté personnelle. SU mihi fas audita
loqui: eest pail" cette phrase de Vkgtle qu'il commence Ie réoit des
événements qu'il rapporte sur un ton tout à f,,\t dégagé.
En réaHté, Kant «ne peut s'empêcher de considérer ce g,enre de
choses av,ec une certaine faveur ,et, à vrai dLrie, il ne peut faÏire autre­
ment, en ce qui conoeme leur rationalité, que de penser que ces
expériences possèdent ,un certain degré de validi,té.» Lettre à Moïse
Mendelssohn (du 7 fév,rier 1766), Kants Werke, XI, l, 1842; édit.
Rosenkranz.
Dans cette même lettre au banquier berHnois, Kant écrit ce Qui suit:
« De vrai, il me ser"H difficile d'imaginer une méthode Qui me permet­
trait d'habiller ma pensée de façon à ne pas m'exposer au ridicule, Il
m'a donc semblé Que Ile plus sage étai,t de pr,endr,e les devants et de
me moquer moi-même de mon sujet, pour qu'on ne se mOQ,ue pas
456 ADDITIONS ET CORRECT/ONS

de moi. En ce fa,isant, j'ai été par,faitement franc (sic), étant donné


que l'attitude de mon esprit est inconséquente ».
La brochuœ de Kant est di<rigée contre les métaphysiciens et notam­
ment «contre les philosophes de l'école dogmatique qui, comme Wolf
et Cruslus, se liVirent à des spéwlations oiseuses pa;rce que dépour­
vues de base expérimentale» (Hoffmann, op. cit., p. 10). Or, comme
Swedenborg prétenda~t préoisémeI1lt fonder sa doc'tr,ine sm sa con­
'naissanoe expérimentale du mond.e sp~rituel, le philosophe <le Kœnigs­
berg, quine pouvait admettre pareille chose, auraH dû intiltuler son
pamphlet « Rêves de la Métaphysique, corroborés par les Rêves d'un
Visionnaire, plutôt que Rêves d'un Visionnaire illustrés par les Rêves
de la Métaphysique.
Delacroix estime que Kant «veut prouv.er, au fond, que ,la notion
métaphysique d'esp,ritet de communauté d'action entre les esprits
étant posée, le système ·de Swedenborg est aussi vraisemblable que
tout autre» (art. cit., p.. 570). C'est en effet ce qui semble se dégager
de l'étude du chapi,tre deuxième <les Traume intitulé «Un fragment de
philosophie secrète tendant à établir la communion avec le monde
des esprits ». Les conclusions de ce chapitre sont exactement celles
de Swedenborg. Kant n'a d'aMleurs pas hésité à vroclamer (long­
temps après avotr émit ses Traume) que «les pensées de Swedenborg
(en ce qui concerne le monde inteHigilbl,e 'et le monde sensible) sont
très sublimes» (Kant: Metaphysik, édit. PœHtz, p. 257, et Du P.rel :
Kants Vorlesungen über PSYchologie, 1889).
Il est établi qu.e, malgré ses sarcasmes, Kant a pris l'œuvre de
S\vedenborg très au séri'eux et qu'il s'en est plus d'une foi inspiré
au cours de ses propres méditations ph,j,josophiques, notamment pour
ses thémiles sur le temps et l'espace.
Consulter sur ce point les ouvrages et les études cités dans la
Bibliographie du présent volume.
TABLE DES MATIERES 457

TABLE DES MATIÈRES

Préface 1
Liste des ouvrages de Swedenborg VI
Introduction 1

CHAPITRE PREMIER

Le spiritisme psychique pp. 15-77


Coup d'œil général, ,p. 15. - Objections religieuses, p. 18. - Le
spiritisme devant la science, p. 19. - Le spiritisme et Swedenborg,
pp. 29-35 : La communication spirite ne consti,tue qu'un cas paJrticu­
lier d'un phénomène gén6ra<l. - La double nature de l'homme et du
milieu Qui l'entoure. - Les hommes 'et les -esp.rHs vIvent normalement
en état de symbiose inconsoiente. - Un av,ertiss-ementde Sweden­
borg: «Prenez gar,de, c"est un chemin Qui condutt à l'hôpital des
fous ». - La foi dans la vie future, pp. 36-43 : La croyance à l'Au­
delà. - La'« doc·br,ine des esprits» est-elle or'ig,inale? - InHuences
swedenborgiennes. - «Personne n'est ,réformé par des conversa­
tions avec les défunts ». - La «foioonbrainte ». - Le Spiritisme
et la Bible, pp. 43-45: La Bible interdH l'évocation des morts. ­
Différenoe entre l'év.oca'tion des esprits et la vision ,d'êtres surna­
turels. - Le commerce avec les trép'assés dans les temps très anciens.
- Où est le monde qu'habitent les esprits? Quelle est sa nature?
pp. 46-52: Où trouver des ,renseignements précis à ce suiet? ­
Fausses idées concernant 1'« immatéri,el ». - Le monde invis'ihle
d'après Swedenborg. -. Caractè\'!e substantiel de ,l'univers spidtuel.
- Les ondes. - L'affinité mentale, pp. 53-57 : La nature particulière
de l'espace dans le monde suprasensiible. - Qui se 'ressemble s'as­
semble. - Le monde 'intermédiaire ou «monde des esprHs ». - La
mythomanie des désincarnés. - La lecture de la pensée et de la
mémoire, pp. 58-66': La' communica,ti-on universel:le des pensées.' ­
Les esprits peuV'ent Hire à ,livre ouvert dans ,la pensée de l'homme.
- La confusion des p.el'sonna1ïtés. - Les esprHs s'entretiennent
avec l'homme ,dans sa propre langue. - La «mémoire intérieure»
et la c>Typtomnési-e. - Personnag,es ,mnésiques. - L'activIté sub­
consoiente. - Influx et Hberté. - Obsessions spirites, pp. 67-77:
Dan&'(lr des communications consOÏ'entes. - Comment Swedenborg
458 TABLE DES MATJERES

expUQue ,les «souvenirs de vies antérdeures ». - .Pourquoi les esprits


peuwnt obséder les hommes. - Les médiumnopathies. - Troubles
foncti<mnels causéspaJr 1'« mfLux» de ceI'tains esprits. - Relation
entre le caJractèPe de ces troubles et celui des espr:its. - Les médium­
nom3Jnîes et les dangers de la médiirumnirté. - Comment les relations
sy>mbiotiqlUelS entre res esp.l'its et les hommes peuvent se t1'ansformer
en ·relatlons pa'rasitaJi-res. - Condalmnatlon motivée des pratiques
spÏ'rHes.

CHAPITRE II

Le spiritisme physique pp. 78-345


Question de compétence, p. 78. - Résumé des phénomènes médium­
niques, p. 81. - Classification des hypothèses supranormales, p. 87.
- Une erreur à éviter, p. 89. - La relation entre l'esprit et la ma·
tière: les «degrés discrets », p. 93. - Le périsprit et le corps spiri­
tuel, p. 104. - La doctrine de Swedenborg au su/et du «limbe,.,
p. 112. - Comment Swedenborg fut initié aux choses de l'esprit,
p. 118. - A propos des ouvrages scientifiques de Swedenborg, p. 126.

De l'Intermédiaire entre l'Ame et le Corps, pp. 139-237 : Défi·


nition du limbe, p.. 139. - Ses limites, p. 140. - Parenthèse sur la
vaieur des hypothèses swedenborgiennes, p. 142. - Le limbe conçu
comme mécanisme, p. 154-193: Maorocosme et microcosme. - Les
termes extrêmes ne sauradent communiquer sa.ns l'aide ,d'un terme
moyen. - L'âme et le corps. - Auoune communiccttion n'est con­
cevable sans mouv,ement. - Le mouV!ellJent se prDpage per contiguum
vws l'âme. - Les éléments ou m~lieux cosmiques. - Les ondes. ­
Correspondance entr,e la série des êléments ·organiQues et celle des
éléments cosmiques. - Les théories de Lakhovsky.. - Compa,raison
avec les théories de Swedenborg. - Le limbe conçu comme agent mor·
phogénique, pp. 194-224. - La «fibre" simple». - Laf,ibre et ,le «f1uide
animal ». - Les forces morphogéniques .et le dynamisme directeur.
- Les substanoes intermédJaires considérées dans leurs rapports avec
l'âme et le corps. - Le pouv.o~r idéoplas1Jique de ,J'âme:et les forces
morphogéniques du Umbe. - La «:f,ibre» et le «,fLuide animal» ne
sont pas affectés Pair la mort de J'organisme visiblJe. - Aux Sources
de la Pneumathologie, pp. 225-207: Aperçu his,toriQue des concep­
tions pneumatolo&,i.(lues d'après Morsei1U. - Ploura11smeet monisme.
- L'unité caJl:lsale. - Uniité et ,identité. - Les Umitations successives
de l'Lnfin!. - La p'rocession des substances d'après les de&,rés d'Is­
continus. - L'être et le non-être existant. - Ca:raotère du processus
créateur. - Non-être et néant. - Immanence et transcendance.
L'enreur panthéls,te.

Télékinésie et Matérialisations, pp. 238-291: Remarques sur le


TABLE DES MATIÈRES 459

rôle de la physiologie paranormale, p. 238. - Les phénomènes para­


physiologiques sont-ils authentiques? pp. 242-251 : L'a,ttitude oritique
d'après Flournoy. - MœterUnck et le merveUleux. - Le témoignage
des savantls et sa v,ak>ur. - Les fra,udesoonstatées. - ConversatIon
avec le Dr Osty. - Eusapia Palladino, p. 252. - ' Plan des recherches
exécutées à 'l'Institut Général Psychologique, p. 253. - Les phéno­
mènes méthodiquement classés, p. 254. - «Deux observations des
deux plus grands expérimentateurs de notre temps », pp. 257-262:
Cri·tique des expêrLences. - Comment expliQUer les mouvements sans
contact? - Y a-t-il extérioroisation du «fluide psych~que»? - Le
rôle des pointes d'igitaites. - Ce qu'en. dit Swedenborg. - Les expé­
riences du Dr Osty. - L'objet de la mesure: les «pouvoirs physiques»
de l'esprit, p. 263. - Le traquenard automatique du réseau des rayons
infra-rouges », p. 264. - La «séance »: préludes, p.o 266. - Les
résultats positifs, p. 267. - La première expérience établissant une
« relation» entre un fait métapsychique et un fait biologique, p. 268.
- Phénomènes de télékinésie vérifiés par le contrôle automatique,
p. 269. - Il n'y a pas de différence de nature entre le normal et le
paranormal, p. 274. - La substance X et le fluide animal, p. 277. ­
Le rythme respiratoire et les variations oscillantes de la substance
invisible, pp.. 281-290. - ConstataHol1JS diu Dr Os'ty. - Le rôle du
mouvement cérébral d'après Swedenborg. - Rapports entre les mou­
vements cérébira,ux et pulmonair,es. - La PliOp'U!~s'ion du HuLde animal
est assu1rée altJemativement par leressenrement d,u cerveau et par
la contraction de la cage tho.raoique.

Les Phénomènes de Matérialisation, ,pp. 291-314: L'intérêt


théorique de ces phénomènes. - L'ectoplasmie d'ap:rès Geley. ­
Une eXf)érience de Swedenborg, p. 296. - Les formes organisées,
p. 299. - Les moulages de paraffine. - Esprits ou Idéoplasmes?
pp. 303-313 : Swedenborg et le psychodynamÎ$me de MorselH. - Le
pouvoi'r idéoplastique des ·esprits d'aJ)\rès Swedenborg. - AnaJlyse
psychologique des ma'ténialisations. - Per,sonnaUtés usurpées par les
esprits et personnages fiotifs. - Les matérojalisations ,incomplètes. ­
Les formes rédui>tes (observaHons de Swedenborg).
Considérations Philosophiques, pp. 314-345: Le psychodyna­
misme n'exolut pas l'hypothèse des espirHs. - Les conclusions de
Geley. - Critique de ses théor.ies. - L'unité biologique d'après
Swedenborg. - Les chromosomes ou le rôle des facteurs héréditaires
dans la mor,phogénèse. - Inclusion du QiUalHa.tif daons le quantitàtif.
- Conséquences phtlosDphiQues du «faM ,idéoplastÏque » - La forme
et la matièl1e, l'un et le multiple. - RéélJtisrne et nominalisme. ­
Chang.ements pllIrement quanti,tabi!f,s. - Persistanoe et i,nteU:igibHHé
de l'élément formel. - L"entéléchie llJTÏ'stotéJ.lci:enne. - L'être ,et le
devenir. - L'évoLution d'après Gel·ey. - L'or,jg,ine des formes d'après
Swedenborg. - Le rôle causal de l"eSpiI1Ï>t. - La correspondance
460 TABLE DES MATIÈRES

entre le spirituel et le naturel. - Cwradère à Ja fois intelligible,


inexpHc~ble et exdusif de l'être. - La création est immédiate dans
le nwnde spirifJuel, progressiv,e dans l'univers matériel. - Evolution
et transform~sme. - L'évollution dkigée. - «Plans ini,tiaux» et
catégori,es spirItuelles. - Exposé schématique du processus évolutif
d'après la doctniJne swedenborgienne des deg1rés, des séries et de
l'influx. - Evolution et involution. - Essa,j d'explication de la «loi
biogénétiQ:ue ». - Le prof,esseur VJal1etolll et f'üJilusion transfor.miste.
- Conséquences probables d'une éventuelle confkmation sdentifique
des phénomènes paranormaux.

CHAPITRE III
Le spiritisme doctrinal pp. 346-406
Considérations générales, p. 346. - Christianisme et spiritisme,
p. 348. ~ La doctrine spirite de la réincarnation, p. 349. - La réin..
carnatian et l'Evangj,le. - Les religions de l'Antiquité et la réincar­
nation, p. 355. - La régression de la mémoire, p. 359. - Le méca­
nisme de la réincoffJoration (:réfutation détaillée des conceptions
spirites), p. 363. - La procréation de l'esprit, pp. 373-381 : EsprH
et intellig'ence. - La sagesse 'inconsciente. - Les merveUles de
l'organi,sme. - Le ,réveil progr,essif de l'intelligence. - La formation
du mental «in oIdine ad operationem ». - L'esprit PlI'ocède-t-il de
l'esprit? - Uesprit n'est qu'un organe récepteur de la vie. - Y
a-t-il des germes spirituels? - Rôle du père et de la mère ,dans
la procération. - Les chromosomes. - Les problèmes de l'hérédité,
p. 382. - L'unité de la mémoire, p. 385. - La continuité substantielle,
p. 390. - L'unité de notre être moral, p. 392. - L'immoralité dl!
dogme des vies successives, p. 394. - La «loi du Karma », p. 398.
- La réincarnation et l'égalité, p. 400. - La Réincarnation et
l'Amour, p. 403. - Conclusion, p.. 405.

CHAPITRE IV
Faits attestant la clairvoyance de Swedenborg
pp. 407-441
Swedenborg ne cherchait pas à imposer ses doctrines par des
preuves surnaturelles - Va,leur probante de certains faits dû ment
constatés. - Swedenborg était-il sain d'espr-i't? Peut-on lui faire
conliance? - L'incendie de Stockholm, p. 412. - La quittance de
Mme de Martevüle, p. 415. - Le secret de la reine Louise-Ulrique,
p, 419. - Le Marchand d'Elberfeld, p. 42J. - L'assassinat de l'em­
pereur Pierre /li de Russie, p. 429. - Un avertissement de Sweden­
borg permet d'éviter un incendie, p. 430. - Swedenborg fJ/'édit la
TABLE DES MATIÈRES 461

mort d'Olof Olofson, p. 431. - Swedenborg annonce le Jour de sa


mort, p. 433. - Les derniers moments du voyant, p. 434. - Con-
clusion, p. 437.

Bibllographie . 442
AckHtion.s et COTll"eotions 454
Table des Matières 457

Imprimerie de l'Ere Nouvelle, 12, rue de la Louve, Lausanne.

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