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POUR :
M
Avocat au barreau de
Demeurant
Toque :
EN PRESENCE DE :
« Les juridictions statuent sans délai par une décision motivée sur la transmission
de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de
Cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont
remplies :
2° Elle n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
dispositif d’une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement des
circonstances ;
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II. SUR LE TEXTE DÉFÉRÉ AU CONTRÔLE DU
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Les dispositions de l’article 78-2 alinéa 1er du Code de procédure pénale énoncent
que :
« Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-
ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints
mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de
son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons
plausibles de soupçonner :
-ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas
de crime ou de délit ;
-ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire ».
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III. SUR LES CONDITIONS DE TRANSMISSION DE LA
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
a) En droit :
Cette condition, qui a été substituée à une exigence initiale d’un texte devant
« commander l’issue du litige », est destinée à « élargir le champ des dispositions
pouvant être contestées à l’occasion d’un litige » (Rapport J.-L. Warsmann,
Assemblée Nationale 4 novembre 2009, p. 4).
b) En l’espèce :
Il est constant que la procédure diligentée à l’encontre du concluant, l’a bien été
sur la base du contrôle d’identité de ce dernier par les services de police, réalisé
sur le fondement des dispositions de l’article 78-2 alinéa 1er du Code de procédure
pénale.
Ces dispositions constituent donc le support procédural nécessaire des poursuites
dont le concluant fait l’objet.
a) En droit :
Il faut, en d’autres termes, que la question n’ait pas déjà été réglée par le Conseil,
que ce soit dans le cadre de son contrôle a priori ou de son contrôle a posteriori.
b) En l’espèce :
L’alinéa 1er de l’article 78-2 a été introduit dans le Code de procédure pénale par
la loi du 10 juin 1983, non soumise au contrôle préalable du Conseil
constitutionnel.
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Il fut en revanche modifié par l’article 10 de la loi du 19 mars 2003 relative à la
sécurité intérieure et sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans sa
décision du 13 mars 2003 (n° 2003-467).
L’article 78-2 alinéa 1 du Code de procédure pénale n’a donc jamais été déclaré
conforme à la Constitution, la condition de recevabilité établie à l’article 23-2, 2°
de la loi organique du 10 décembre 2009 est donc remplie en l’espèce.
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A) La violation du principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la
Loi pénale :
Aux termes de cette décision, en exerçant la compétence qui lui est confiée par
l’article 34 de la Constitution, le législateur doit adopter des dispositions
suffisamment précises et des formules non équivoques car il doit prémunir les
sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le
risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou
juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée
par la Constitution qu'à la loi.
Par exemple, lorsqu’il a contrôlé la loi sur la sécurité intérieure dans ses
dispositions relatives aux « visites de véhicules » réalisées dans le cadre d’un
contrôle requis (article 72-2 al. 2 du Code de procédure pénale) ou d’un contrôle
1
Décision n°2000-435 DC du 7 décembre 2000, Loi d'orientation pour l'outre-mer
2
Décision n°2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l'élection des
sénateurs
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préventif (article 72-2 al. 4 du Code de procédure pénale), il a souligné que ces
articles étaient formulés « en des termes assez clairs et précis pour répondre aux
exigences » constitutionnelles3.
Il est manifeste que l’article 78-2 alinéa 1er du Code de procédure pénale est
rédigé en des termes trop imprécis et qu’il ne permet pas l’exercice effectif des
droits et libertés que la Constitution garantit.
3
Décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure
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B) La violation de la liberté d’aller et venir :
L’imprécision avec laquelle l’article 78-2 du Code de procédure pénale est rédigé
confère aux officiers de police judiciaire un pouvoir discrétionnaire en ce qui
concerne les raisons justifiant un contrôle d’identité.
S’il est manifeste que de tels contrôles constituent une limitation à la liberté
d’aller et venir, cette limitation est cependant justifiée par l’exigence liée à la
recherche des auteurs d’infraction et à la prévention d’atteintes à l’ordre public.
Il convient cependant pour le législateur d’opérer une juste conciliation entre ces
exigences constitutionnelles et les libertés individuelles, notamment la liberté
d’aller et venir. Or, le Conseil constitutionnel a jugé que « la gêne que
l’application des dispositions peut apporter à la liberté d'aller et de venir n'est
pas excessive, dès lors que les personnes interpellées peuvent justifier de leur
identité par tout moyen et que, comme le texte l'exige, les conditions relatives à
la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons motivant l'opération sont,
en fait, réunies » (décision n° 80-127 DC, considérant 56).
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C) Le non-respect du droit à un recours effectif :
Il ignore ainsi les droits dont il dispose, compte tenu du fait que le régime
juridique du contrôle varie en fonction de son fondement textuel.
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Force est de constater que la législation française n’offre pas cette garantie et
interdit, de ce fait, tout recours effectif.
L’imprécision manifeste des termes employés par l’article 78-2 alinéa 1er du Code
de procédure pénale, en référence aux « raisons plausibles de soupçonner »,
n’offre pas aux magistrats la possibilité de contrôler l’exactitude des faits ni la
légalité des motifs du contrôle d’identité. A supposer même que le citoyen puisse
saisir librement un juge, ce dernier ne serait pas en mesure d’opérer un véritable
contrôle juridictionnel de la mesure, alors même que la liberté individuelle du
citoyen est manifestement atteinte.
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D) La rupture du principe d’égalité devant la loi :
En 2007, une étude a été réalisée par deux chercheurs du CNRS, Fabien Jobard et
René Lévy, afin d’examiner si, et dans quelle mesure, les policiers contrôlaient les
individus en fonction de leur apparence (Annexe 2).
L’étude a scientifiquement démontré que les contrôles d’identité effectués par les
policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens
font, mais sur ce qu’ils sont ou paraissent être.
Les résultats montrent que les personnes perçues comme « Noires » et les
personnes perçues comme « Arabes » ont été contrôlées de manière
disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme « Blanches ».
Les « Noirs » courraient ainsi entre trois et onze fois plus de risques que
les « Blancs » d’être contrôlés.
Les « Arabes » étaient généralement plus de sept fois plus susceptibles que
les « Blancs » d’être contrôlés !
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Cette étude démontre que les pratiques quotidiennes des services de police sont,
consciemment ou non, discriminatoires et fondées non pas sur des éléments
objectifs mais sur l’apparence de la personne contrôlée.
Il est demandé dès lors au Conseil Constitutionnel de déclarer l’article 78-2 alinéa
1er du Code de procédure pénale non conforme à la Constitution en ce qu’il viole
l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la Loi, le droit à la liberté d’aller et
venir, le droit à un recours effectif et le principe d’égalité devant la Loi.
XXX
Avocat à la Cour
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ANNEXES
10) Cour Européenne des Droits de l'Homme, Gillan v. Quinton, Application no.
4158/05, 12 janvier 2010.
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15) Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993
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