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Bourbier populiste, marécage gouvernemental

tsunami dans le caquelon


Par Dario CIPRUT. Article paru dans LeCourrier du 3 décembre 2010 sous la rubrique Contrechamp (cf fac-similé).

Le vent mauvais de la xénophobie


Le vent mauvais de la xénophobie et du racisme à l’égard des migrants et résidents étrangers
souffle sur l’Europe 1 . La Suisse peut se flatter d’avoir accéléré le mouvement par
l’interdiction de construire des minarets en 2009. Elle a conforté une vague de propositions
similaires d’interdits vestimentaires et d’embûches à la libre pratique religieuse, dont les
extrémistes de droite font leur miel, sous les bravos d’une opinion publique focalisée sur les
chiffons rouges qu’agitent les médias. Cette vague conflue avec les méthodes barbares que
ces états mettent en place à leurs frontières pour contenir l’afflux de migrants et expulser ceux
qui, traversant malgré tout ces barrières, échouent le plus souvent dans la précarité.
Contexte du scrutin du 28 novembre
Notre pays vient d’être confronté au dernier volet de l’exploitation du droit d’initiative 2 par le
parti majoritaire UDC, cornaqué par le magnat Blocher pressé de venger en 2011 un siège
ministériel perdu en 2007. Ce parti, fort des succès électoraux que lui vaut sa démagogie, a
fait mûrir dans l’opinion depuis plusieurs années, en avant-garde de la xénophobie
européenne, l’amalgame entre délinquance et immigration 3 . L’épée de Damoclès de la
déchéance de nationalité, futur cheval de bataille des boutefeux locaux, sort déjà du fourreau
en France voisine.
Ce récent avatar ne discriminait pas illégaux et requérants d’asile, vivant déjà dans la crainte
du refoulement. Il visait à faire gober au souverain l’automaticité du renvoi et
d’interdiction du territoire d’étrangers légalement installés mais condamnés pour
certaines catégories de délits, dont l’abus en prestations sociales, assimilé en gravité à
l’esclavage ou au meurtre. Discriminatoires et doublement répressives, les modifications
constitutionnelles proposées, balayant un poisseux contre-projet gouvernemental, viennent
d’être plébiscitées 4 , malgré les condamnations anticipées des organisations internationales
aux droits humains et l’indignation de leurs défenseurs locaux. Voilà les initiateurs
récompensés de leur persévérante démagogie.
Tout a été dit par les opposants, tardivement et avec peu de moyens. Renvoyons à une lecture
rétrospective des arguments des partisans genevois du 2xNON 5 dans ces colonnes, à
StopEXclusion, la LSDH, et au MLCR vaudois. Laissons aux professionnels l’analyse
circonstanciée des résultats pour tenter à chaud de tirer quelque leçon de l’événement.
Statistiques, mensonges, amalgames
Deux prémisses mensongères soutenaient la méthode des vainqueurs du jour.
Les statistiques de la criminalité pointent une surreprésentation d’étrangers occultée par les
autorités.
Impossible de revenir sur la partialité des faussaires 6 , mais il faut mettre en garde contre le chiffrage de la
délinquance en général, qui ne porte que sur les infractions sanctionnées et agglomère des délits
extrêmement hétérogènes 7 . Il ne mesure pas la criminalité mais l’activité répressive sélective 8 , biais que la
criminologie s’efforce de compenser par des enquêtes. Enfin, la nature multi-causale 9 des crimes rend toute
analyse délicate. Rapportée aux titulaires d’un permis de séjour, seuls concernés par l’initiative, la
surreprésentation exhibée baisse de moitié 10 , sans même prise en compte de l’âge, du niveau de formation,
et autres facteurs déterminants sans relation avec la couleur du passeport.
Les auteurs de crimes graves 11 , s’accommodent aux frais des citoyens des peines
d’emprisonnement que leur vaut la loi actuelle.
M. Blocher, que la logique n’étouffe guère, prétend 12 que seul le renvoi est redouté par cette catégorie de
criminels. Que ne va-il donc au bout de sa logique en expulsant sans incarcérer ? Pour accréditer que les
prisonniers étrangers se la coulent douce aux frais des suisses il devrait exempter les premiers d’impôt.
On n’a pas assez dit combien la tromperie justifiant l’automaticité des renvois reposait sur un
mépris abyssal du pouvoir judiciaire 13 , non seulement en ajoutant au châtiment prévu
expulsion et bannissement, mais en assurant qu’aucune pesée de la gravité et des
circonstances du crime, ni des conséquences de la sanction 14 , par une autorité
indépendante ou quelque recours, ne puisse en atténuer la rigueur.
Cette conclusion inique fut pimentée d’homériques calculs d’efficacité des mesures
préconisées, en hypothétiques renvois annuels supplémentaires. On glosa sur base statistique
inexistante, confusion entre renvoi et expulsion effective, amalgames de chiffres cantonaux
hétérogènes, jusqu’à conjecturer un impact ubuesque d’à peine 1% sur la criminalité 15 .
Populisme, extrême-droite, chantage sécuritaire
Le populisme voit dans les institutions représentatives un écran à la volonté populaire, source
infaillible de souveraineté incarnée par un chef. Mépris des élites, prise directe avec un peuple
indivis caractérisent cette perversion du pluralisme, oxygène de la démocratie.
La mal nommée consultation populaire orchestrée 16 par l’UDC pour tester ses slogans 2011,
dont le scandaleux « Les Suisses votent UDC », est typiquement populiste. Seul intérêt de ce
baromètre à gangrène : mettre en lumière les prochaines initiatives sur l’expulsion des
clandestins 17 et les naturalisations à l’essai 18 .
Cataloguer les udcistes de national-populistes, d’ultraconservateurs ou d’extrémistes 19
importe moins que reconnaître que leurs ténors décomplexés, tel le valaisan au sourire
carnassier épinglé pour ses nauséeuses fréquentations 20 , empruntent des habits fleurant bon le
nationalisme grande époque 21 , et que leur parti martèle un simplisme haineux à coup
d’affiches flirtant savamment avec les clichés racistes, échappant à l’interdit pour mieux le
défier.
La vraie question est ailleurs. Pourquoi les prémisses inconsistantes et l’efficacité inexistante
d’une stratégie élémentaire finissent-elles par emporter la mise et contraindre majorité
politique et gouvernement à emboîter le pas ?
Un ingrédient de cette fascination tient au chantage à la sécurité sur les institutionnels,
empressés de la qualifier de « première des libertés 22 » pour se laver des accusations de
fermer les yeux sur les agressions ou incivilités exaspérant les citoyens. Ce concept élastique
ouvre la voie à ceux qui ne ratent pas une occasion d’incriminer marginaux, immigrés,
chômeurs ou dealers, tout en les privant de moyens d’existence. Or, comme l’a fortement
démontré un magistrat 23 , la sécurité englobe l’ensemble des moyens destinés à garantir
l’exercice des droits fondamentaux 24 et n’est pas l’un d’entre eux, leçon que devraient
méditer constituants et la cheffe libérale de la sécurité genevoise.
Et maintenant ?
Libérer des tentacules de la pieuvre UDC une démocratie prise en otage ne sera pas aisé, et
oblige à la modestie. Si un cordon sanitaire politique paraît illusoire, il ne manque pas de
pistes pour donner cohérence et surtout vaillance à cette entreprise.
La déclaration universelle des droits humains constitue l’axe obligé de toute résistance.
Plutôt que courir après le rouleau compresseur xénophobe, la société civile doit à tout prix
impulser des initiatives populaires dans ce registre et mettre les politiques devant leurs
responsabilités.
Le temps du courage et de sacrifier les intérêts de boutique est venu pour les démocrates de
tous bords élus aux chambres fédérales. Au-delà de légitimes divergences d’appréciation, ils
doivent impérativement cesser de s’entre-diaboliser au point d’être incapables de s’opposer
sans faux-fuyants et tractations de couloir aux projets des xénophobes 25 .
Entremêler enjeux économiques et environnementaux avec ceux des droits humains, de la
multiculturalité, de l’indépendance de la justice ou de l’équilibre des pouvoirs, est contre-
productif. Il est suffisamment d’autres objets pour se différencier.
La transparence des frais de campagne, de financement des partis politiques, des droits
politiques pour les étrangers et de l’indépendance de l’information sont des facteurs clé
pour éclairer l’opinion sur la perversion d’une démocratie directe soumise au matraquage
xénophobe pseudo-national à coup de millions.
Réjouissant premier pas romand, la mobilisation d’associations unitaires de lutte contre la
xénophobie regroupant écologistes, socialistes, démocrates et antiracistes, le sursaut d’une
jeunesse multiculturelle qu’indigne la crispation identitaire sur les valeurs rances des initiants,
viennent de montrer la voie.
Dario CIPRUT, chercheur indépendant
membre de la Coordination genevoise
contre l’Exclusion et la Xénophobie

1
Tous nos voisins et bien d’autres comme la Hongrie ou la Suède en sont agités, sans parler de la Grèce et des
Balkans.
2
100’00 signatures citoyennes suffisent pour imposer une initiative constitutionnelle fédérale. Par opposition à
parlementaire, elle est dite populaire, bien qu’émanant d’une minorité, si l’électeur est appelé à la ratifier.
3
L’évolution de la criminalité en Europe en trente ans contredit les idées reçues en diminuant alors que
l’immigration augmente. Cf Notre société est-elle plus violente ?, L. Mucchielli 2010, dans
http://www.scienceshumaines.com et Crimprev dans http://lodel.irevues.inist.fr/crimprev.
4
A 52.9%, 15 cantons et 5 demi-cantons. En revanche, 4 cantons romands ont rejeté à plus de 55% le chantage
xénophobe à la sécurité.
5
http://stopexclusion.ch/IMG/pdf/LeCourrier_2010-11-06.pdf , http://stopexclusion.ch/spip.php?article46 ,
http://www.lsdh.net/evenements/171 et http://www.mlcr.ch/images/argumentaire%202xnon.pdf.
6
Cf le brillant démontage des chiffres de l’UDC par A. Hodgers dans www.cequeludcvouscache.ch
7
Mêlant pêle-mêle vols à l’étalage, bagarres, défaut de papiers avec effractions, viols, meurtres, etc.
8
Voir Mesurer la délinquance en Europe, L'Harmattan, 2009.
9
Classer par revenus criminalise les pauvres, par couleur les noirs etc. La classification binaire en nationaux et
étrangers incite à la dérision. Pourquoi pas la taille, le sexe ou l’embonpoint !
10
Selon les mêmes sources statistiques sujettes à caution, la prétendue surreprésentation passe de 28% à 14%.
11
Enumérés par l’initiative ou assortis à la gravité de la peine par le contre-projet.
12
A Genève le 2 novembre.
13
LeTemps du 22.11 L’UDC tire au canon sur les juges l’a fait tardivement.
14
Sur le condamné ou son entourage.
15
A. Hodgers dans Opinions, LeTemps 5.11. et Bataille de chiffres sur le nombre de renvois, LeTemps 22.11.
16
Lancée le 1er août par 3.9 millions de tous-ménages et sondage internet.
17
Combien de fourvoyés du 28.11 sont conscients que les illégaux, amalgamés dans les statistiques de la
« surreprésentation », n’étaient pas concernés ?
18
Période probatoire de 10 ans supplémentaires pour rendre la naturalisation définitive.
19
Le politologue J-Y Camus, invité le 22.11 à disséquer les mues contemporaines de l’extrême-droite, préfère
réserver ce label aux clowns nostalgiques du nazisme.
20
Le Temps du 18.11, Oskar Freysinger et ses inquiétantes fréquentations européennes (Vlams-Belang flamand,
Nouvelle Droite Populaire et Bloc Identitaire français).
21
K. Grunberg a raison d’évoquer ici-même le 12.11 la cohérence entre l’association de l’étranger au crime et la
notion d’Ueberfremdung qui désigne la menace, congénitale à l’extrême-droite, d’une invasion de corps
étrangers accusés de contaminer un organisme national à préserver de la souillure.
22
Selon le mot de Jospin repris par les gouvernements de tous bords depuis.
23
Eric Minnegheer, lors du 8ème rassemblement sur les droits humains organisé à Genève sous les auspices du
DSPE.
24
En revanche, est fondamentale selon la DUDH la non-discrimination notamment de « race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
25
Le contre-projet des chambres fédérales, mendiant les soutiens financiers et balayé unanimement, restera
longtemps l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

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