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TRADUCTION FRANÇAISE
DES ŒUVRES COMPLETES

SAINT JEAN CHRYSOSTOME

TOME ONZIÈME
AVIS IMPORTANT.

J'ai seul le droit de joindre aux Œuvres complètes la vie de Saint Jean Chrysostomi par l'abbé

Mar'.in ; je suis seul propriétaire de cette traduction française : toute reproduction partielle ou

totale, contrefaçon on imitation, sera poursuivie rigoureusement, conformément aux lois.

SUEUR-CHARRUEY.
ÉDITEUR.

c
SAINT JEAN

CHRYSOSTOME
OEUVRES COMPLETES
TRADUITES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN FRANÇAIS

soixs la Directioa

DE M. JEANNiN
Licencié ès-lettres, professeur de rhétorique au collège de l'Immaculée Conception de Saint-Dizier

TOME ONZIEME

Commeataires sur les Epitres aux Philippiens; aux Colossieas; aux Taessaloniens ; à TWmottiée ; à Titej

à PMlémon; aux Hébreux. — Table de l'Ecriture Sainte et Table alphabétique des matières.

ARRAS
SUSUR-CHARRUEY, Imprimeur-Libraire-Editeur
Petite-Place, 20 et 22.

1888

4?
IHt INSTITUTE OF MEPMFVAL S7UDIES
iO CLMSLEV FL/..E
TCROf-TO 5, CANADA.

...
p,

533/
AVERTISSEMENT.

Seize homélies ou discours de saint Jean Chrysostome expliquent et commen-


tent l'admirable et touchante Epître de saint Paul aux Philippiens.

Toutes les éditions cependant s'accordent à ne compter que quinze discours pro-
prement dits; carie premier, sous le nom à' hypothesis argument ou exposition,
,

n'est qu'une Préface de l'illustre commentateur, où il fait connaître l'occasion et les


circonstances locales qui ont déterminé l'écrit du grand Apôtre. — Nous suivrons
sur ce point les éditeurs précédents, et le commentaire qui suit se divisera en quinze
discours précédés d'une préface par l'auteur lui-même.

On a demandé en quelle ville le grand Orateur d'Orient avait prononcé ces


homélies. Est-ce à Antioche, comme Tillemont semble le penser ; est-ce plutôt à
Constantinople, dont saint Jean Chi'ysostome était évoque ? Avec les Bénédictins,
nous sommes portés à croire que la grande capifaxle de l'empire des Constantins a du
entendre ce Commentaire. La neuvième homélie, en êlïet, nous le montre comme
Juge entre certains prêtres qu'on blâmait et les détracteurs qui les avaient accusés;
et l'Orateur, s'interposant, s'écrie: Je suis Père! Un tel nom, invoqué devant un
grand peuple, ne pouvait convenir à Jean, simple pi-être, tant qu'il fut à Antioche ;

mais il appartient dans toute sa forte dignité, à l'évêque de Constant inople, et


,

prouve assez que le discours entier a dû retentir dans l'auditoire où il siégeait


comme premier pasteur.

Le lecteur catholique trouvera dans ces homélies de précieux témoignages de


xa foi de l'Eglise, et spécialement de la prière publique pour les morts. Il faut
s'attendre aussi à retrouver toujours, sous la plume et la parole de ce grand Prédi-
cateur de la charité, l'obligation cent fois redite et toujours plus recommandée de
l'aumône, le blâme au luxe effréné des Orientaux, les réflexions
jeté avec énergie
sévères sur les fléaux du temps, qui n'épargnaient pas même la Cour impériale, et
la prédiction trop tôt réalisée des maux qui doivent frapper les chrétiens luxueux,
volages et sans foi du Bas-Empire.

Notre siècle et notre pays ont à profiter de ces leçons.


*'",
S. .l.rn, -Tome XI. 4
PREFACE.

1. A <\n\ et qnand fut écrite cette épllre 'le saint Paul.

2. Caractère particulier de celle lettre : Aucune plainte et beaucoup d'éloges pour les Philippiea •
3. Les Pbilippiens oat exercé la charilé envers saiut Paul. — Exbortatioa à l'aumioe .

1.Les Pbilippiens sont les habitants d'une ville de Macédoine, qu'on appelle Philippes, du
nom de son fondateur, et d'ailleurs colonie romaine, selon la remarque de saint Liic.(Act.xvi.)
C'est dans celte cilc que fut convertie une marcbande de pourpre, dame très-pieuse, et dis-
ciple très-fidèle; là aussi, le chef de la synagogue embrassa la foi; là encore, Paul, et Silas
avec lui, furent b:Utus de verges; mais bientôt les magistrats de la ville, pleins d'épouvante,
les prièrent humblement d'en sortir. On voit que l'Evangile y obtint le plus brillant début.
.\u reste, Paul lui-même, et plus d'une fois, rend aux Philippiens de magnifiques témoi-
gnages, les appelant osi couronne» et attestant qu'ils ont beaucoup souffert. « Dieu», leur
dit-il, vous a fait la grâce, non-seulement de croire en Jésus-Christ, mais encore de souffrir
pour lui». (Philip, i, 29.)
Al'époque mèirie où saint Paul leur écrivait, il était dans les liens « Mes liens », écrivait-il, :

sont devenus célèbres à la gloire de Jésus-Christ dans tout le prétoire». (Philip, xiii.) Il
appelle ainsi le p:^lais de Néron. Mais il fut relâché de ces premiers liens, comme le montre
a; ([u'il écrit à Titiiolhée: « Dans ma première défense, personne ne fut auprès de moi tout ;

a le monde m'avait délaissé que cela ne leur soit pas imputé! Dieu seul fut avec moi, pour
:

a m'aider et me fortifier ». (Il Tim. iv, iC, 17.) Les liens dont il parle à Timothée ont donc
précédé celte première défense. Timolhée n'était pas avec l'apôtre, puisque « Personne», dit-il, :

ne m'assista dans ma première défense ». Ce qu'il écrit suffirait, d'ailleurs, pour le démon-
trer Paul n'apprendrait pas par lettre à son disciple, un fait qu'il saurait déjà connu de lui.
:

Mais quand il écrivait l'Epître aux Philippiens, Timothée était à ses côtés, comme le prou-
vent ces paroles «J'espère en Jésus Nolrc-Seigneur, vous envoyer bientôt Timothée » et en-
:
;

core « J'espère vous l'envoyer bientôt, dès que je verrai où en sont mes affaires ». (Philip, ii,
:

10, 23.) Car relâché d'abord, il fut de nouveau jeté dans les fers, après être venu chez les
Pbilippiens. Lorsqu'il dit « Quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le
:

a sacrifice de votre foi... »; il ne parle pas d'un martyre déjà présent et en voie d'exécution;
mais il veut dire (jne s'il arrive enfin, et à quelque jour qu'il arrive, il s'en réjouit, c'est son —
cxiiression, —
voulant ainsi les relever de l'aballeinent où sa nouvelle captivité les a plongés.
Il savait cependant qu'il ne devait pas, maintenant encore, subir le coup mortel; ses paroles

l'indiquent: a J'ai la confiance, au contraire, que moi-môme j'irai vous voir»; et encore :
o Je sais, je suis assuré que je resterai, que je ferai même séjour parmi vous ». (Philip, ii, 24,
et I, 25.)
Or, Philippiens lui avaient envoyé Epaphrodite, pour lui porter de l'argent et savoir où
les
en étaient sesalT.iires, car ils aimaient Paul avec tendresse. Sur ce premier fait de la mission
d'Epaphrodite, entendez Paul lui-même: aJ'ai tout», écrit-il, «j'abonde de toutes choses;je suis
« comblé, après avoir reçu par Epaphrodite ce que vous m'avez envoyé ». (Philip, iv, 18.) Ils
l'avaient donc député pour
le double motif et de consoler l'Apôtre, et de savoir où en étaient
ECS affaires. Que
ce second point lût aussi l'oLjet de sa mission, nous le voyons dès le prélude
de la lettre apostoli(iue; saint Paul y parle de sa position : o Je veux», dit-il, « <|ue vous sachiez
« i|ue ce qui m'est arrivé, a beaucoup servi aux progrès de l'Evangile». (Philip, i, 12.) Et
plus loin: a J'espère vous envoyer bientôt Timolhée, pour être moi-même consolé en appre-
o nant de vos nouvelles». (Philip, ii, 19.) Ce « pour être moi-même» n'a qu'un sens pos-
sible et évident Vous avez envoyé savoir ma position, pour satisfaire les désirs de votre cœur;
:

et moi aussi, je veux combler les miens en connaissant votre état actuel. Comme d'ail- —
leurs ils avaient été longtemps sans envoyer s'informer de lui, et qu'enfin ils venaient de le
fiiire au moment même, il rappelle ce double tait en ces termes a Puisque enfin une fois :

encore vous avez laissé refleurir vos sentiments pour moi ».


Ils avaient appris les nouvelles chaînes de saint Paul. S'ils avaient entendu jurlor de la ma-
PRÉFACE. 3

ladie d'Epapbrodite, qui était loin d'être aussi célèbre que Paul, à plus forte raison savaient-
de celui-ci; et naturellement ils en étaient troublés. Aussi, dès le préambule de son
ils l'état

Eiiître, s'empresse de les consoler au sujet de ses chaînes, et leur apprend que, loin d'en
il

être troublés, ils ont bien plutôt à s'en réjouir. Ensuite, il leur conseille de pratiquer la cha-

rité et l'humilité, et leur montre, dans ces deux vertus, leur sauvegarde certaine et le moyen
sûr et facile de vaincre leurs ennemis. La douleur de vos pasteurs n'est point de porter des
chaînes, mais de voir ladiscorde déchirer leurs disciples : nos liensfontle succès de l'Evangile;
vos divisions iraient à le détruire.
2. La concorde leur est prèchée, et l'apôtre leur a enseigné que cette vertu a sa source dans
l'humilité. Il a foudroyé certains Juifs qui, «îcus prétixte de christianisme, combattaient par
tous les moyens la vérité; il les appelle « chiens, ouvriers du mal », et conseille de les éviter;
il rappelle quoi doit être l'objet de notre application, discute plusieurs points de morale, raf-

fermit leur courage et les rassure par cette affirmation : « Le Seigneur est proche » I

L'apôtre termine, avec la haute sagesse qui convenait à sa dii^nité, en leur disant quelques
mots des offrandes qu'on lui avait fait parvenir, et ces paroles sont des plus consolantes pour eux.
Une preuve évidente, au reste, de leur vertu, c'est qu'ils ne prêtent à ce grand docteur aucune
occasion de les réprimander; toute sa lettre est en forme d'rxliortation sans aucun mot de
blâme. —C'est que, pour répéter une observation que j'ai déjà faite tout d'abord, cette ville
avait manifesté le plus heureux penchant vers la foi. Le gardien même de la prison (genre
d'emploi assez vil), le geôlier, à la vue d'un nn"racle seulement, accourut et reçut le baptême
avec toute sa famille. Le miracle qui se fit alors, lui seul en fut témoin; mais il ne fut pas
seul à en recueillir le bénéfice et la grâce il entraîna sa femme et toute sa maison. Les ma-
;

gistrats eux-mêmes, qui condamnèrent Paul à la flagellation, agirent sous l'influence du tu-
multe et de l'entraînement populaire, plutôt que par malice etcruauté:on le devine, en
voyant qu'ils ordonnent bientôt son élargissement et qu'ils tremblent de crainte.
Ce n'est pas seulement la foi des Philippiens et leur courage dans les dangers, que nous
atteste l'Epître suivante mais encore leur bienfaisante charité « Au début de la prédication
; :

a évangélique», dit saint Paul, a vous avez une première et une seconde fois pourvu à mesbe-
a soins, et personne ne l'a fait que vous car nulle autre Eglise n'a usé avec moi de cette réci-
;

« procité de biens tour à tour donnés et rendus». (Ibid. tS, d6.) Si leur générosité a subi
quelque intermittence ces paroles nous disent assez que l'occasion leur a manqué plutôt
,

que le bon vouloir. Vos bons sentiments pour moi n'ont pas subi d'interruption, leur dit-il;
l'occasion seule vous manquait. De telles expressions indiquent, de la part de saint Paul, une
ardente affection et nous avons ailleurs un témoignage de ce profond amour « Je vous en-
; :

voie Timothée, parce que je n'ai personne qui soit autant que Itti uni avec moi d'esprit et
e de cœur, ni qui vous soit plus sincèrement dévoué ». Et ailleurs « C'est que je vous porte
:

a dans mon cœur et dans mes chaînes ».


3. A nous maintenant de comprendre ces paroles; à nous qui recevons de tels exemples de
charité, de nous montrer nous-mêmes dignes de si grands modèles et prêts au besoin à souffrir
pour Jésus-Christ!
Sans doute, à notre époque, les chrétiens ne trouvent plus ni persécuteurs ni bourreaux.
Eh bien! à défaut du martyre, imitons de nos devanciers leur charité, du moins, si ardente et
si efficace ; et îa'allons pas croire, parce que nous aurons donné une fois ou deux, que notre

devoir soit rempli. C'est là une dette de toute la vie. Ce n'est pas une fois, c'est toujours qu'il
faut être bienfaisant. Aux courses publiques, en vain feriez -vous dix fois le double stade; en
omettant le onzième tour, le prix est absolument perdu : ainsi, nous-mêmes, si nous subissons
un arrêt volontaire dans cette carrière de bonnes œuvres, nous avons tout perdu, tout gâté.
Ecoutez plutôt l'avis éminemment utile d'un texte sacré « Que l'aumône», est-il dit, « que
:

c l'aumône et la foi ne vous abandonnent jamais». (Prov. ni, 3.) L'Esprit -Saint ne dit pas :

Faites l'aumône une fois, deux, trois, dix fois, cent fois; mais à perpétuité. Qu'elles ne vous
abandonnent jamais, dit-il ; il n'a pas même prononcé Ne les abandonnez pas mais qu'elles
: !

ne vous abandonnent pas; montrant que ces vertus n'ont pas besoin de nous, mais que nous
avons toujours besoin d'elles, et enseignant que nous devons faire tout au monde pour les
garder chez nous: « Entourez-en», ajoute-t-il, « votre cou et vos épaules». Ne voyons-nous
pas, en effet, les enfants des riches portera leur cou un collier d'or, dont ils ne se dépouillent
jamais, parce qu'ils le portent publiquement comme l'insigne de leur noblese? Ainsi devons-
nous aussi nous entourer de l'aumône, montrant ainsi solennellement que nous sommes le*
ûls de ce Dieu de miséricorde (^ui fait lever son sok'lsur les bons el sur les uiecbantSi

BQ
1536
ï PRÉFACE.

Mais ces hommes, obiets de notre charité, ce sont des infidèles, des païensl — Ils n'en seront
que plus vite conquis à la religion, si nous savons donner. En nous voyant pleins de compas-
sion pour tous les hommes, et dignes représentauts de notre Maître suprême, ils compren-
dront que nous agissons à son exemple.
Ajoutons qu'il ne faut pas taire l'aumône au hasard; mais plutôt avec précaution, avec
garantie. —Ayez, est-il dit, la vraie aumône et la vraie foi. Le mot vrai n'est pas mis là sans
raison, cela veut dire que l'aumône ne soit pas prise sur des biens acquis, par fraude ou par
rapine. La bonne foi, la véritable aumône ne se trouvent point là celui qui vole, se sert né-
:

cessairement de mensonge et de parjure. Avec l'aumône donc, possédez et gardez la bonne foi,
est-il (iit. —Oui, mes frères, entourons-nous de ce brillant ornement; attachons à notre âme
ce collier d'or, l'aumône, veux-je dire, et gardons-la tant que nous serons ici-bas.
Eu effet, quand cette vie sera Unie, nous n'en forons plus usage... Pourquoi? C'est que, là-
haut, il n'y a plus ni pauvres, ni argent, ni mendicité. Mais tant que nous sommes enfants, gar-
dons-nous de nous dépouiller de celle parure. Les enfants arrivés à l'âge viril, déposent les
ornements du bas âge pour en revêtir de nouveaux; ainsi en ira-t-il de nous. Dans la vie à
venir, nous trouverons l'aumône encore, non pas celle qui se fait avec l'argent, mais une
autre bien plus belle. De peur donc d'en être à jamais privés, ayons soin de former d'avance
en nous une âme belle etsplendide.
L'aumône est un bien si grand, si honorable; c'est une grâce si précieuse; c'est bien plus
encore, c'est une vertu si féconde pour nous Si nous apprenons à mépriser l'argent, nous ap-
!

prendrons plus et mieux encore. Voyez plutôt que de biens en résulteront celui qui donne
:

l'aumône comme elle doit être donnée, déjà apprend à mépriser l'argent; celui qui sait mé-
priser l'argent, arrache de son cœur la racine de tout mal. Aussi reçoit-il un bienfait plutôt
qu'il n'en donne; non-seulement parce qu'à l'aumône est attachée une récompense assurée;
mais aussi parce qu'en la praliiiuant, l'âme s'élève à la vraie philosophie, elle est grande, elle
est riche. Celui qui épanche l'aumône, s'instruit et s'apprend à ne point admirer l'or ni les
biens terrestres; et son âme, formée à une telle école, a déjà fait un pas immense vers les
hauteurs célestes; elle s'est retranché mille vains prétextes de disputes, de luttes, de jalousies,
de désespoir. Car vous connaissez, oui, vous connaissez vous-mêmes, sans doute, que les ri-
chesses périssables sont la source de tous les maux, de mille guerres impies. Aussi en se for-
mant à les mépriser, on se place dans un port sûr et tranquille, on n'a désormais aucun péril
à craindre. L'aumône nous donne cet enseignement, elle nous apprend à ne plus convoiter le
bien d'aulrui. Comment désirerait-il encore, celui qui donne le sien, qui le jette à pleines
mains? La vue du riche n'excite plus votre jalousie comment serait jaloux celui qui veut
:

même s'appauvrir? L'aumône, en un mot, rend pur le regard de votre âme.


Vodà pour les avantages de cette vie. Mais quels biens doivent être, dans l'autre, votre con-
quête éternelle, aucun langage ne saurait l'exposer. L'homme charitable ne sera pas réd^uit
à a rester dehors », avec les vierges folles; mais dans le cortège des sages, sur les pas de l'E-
poux, il entrera avec ses lampes brillantes. Ainsi, grâce à l'aumône, il dépassera ces insensées
qui auront en vain conservé la virginité au prix de grands ell'orts, sans en avoir lui-même
subi de pareils; tant est grande la puissance de l'aumône: elle introduit en toute liberté ses
disciples lidèles dans les cieux. Les gardiens attachés aux portes de ces demeures éternelles,
où lEpoux habite, connaissent l'aumône; ils la connaissent et la révèrent; elle a le droit de
faire entrer en toute liherté ceux .j !i l'ont aimée et pratiquée. Nul n'oserait l'arrêter; tout
cède devant elle. Llle a bien pu amener un Dieu sur la terre et lui persuader de se faire
homme; à bien plus forte raison peut-elle introduire l'homme dans le ciel sa puissance est
:

sans limites Oui si par pure miséricorde, par amour pour les hommes, un Dieu s'est fait
l
,

homme ; s'il s'est abaissé jusqu'à se faire esclave, bien plus facilement voudra-t-il introduire
ses serviteurs dans sa projire maison.
Aimons-la donc, pratiquons-la, non pas un jour ou deux, mais tous les jours, pour qu'elle
nous reconnaisse; reconnus d'elle, nous le serons aussi de Dieu; méconnus par elle. Dieu
nous méconnaîtrait à son tour, et nous dirait Je ne vous connais pas Mais à Dieu ne plaise
: 1

que nous entendions cet anathème; que plutôt il nous donne cette parole bienheureuse oVe- :

nez, les bénis de mon


Père; possédez le royaume qui vous a été préparé depuis la création du
a monde». Puissions-nous tous y arriver, par pure grâce et bonté divines , en Jésus-Christ
>'otre-Seigneur,.... Ainsi soit-iU

?
TRADUCTION FRANÇAISE o

DB

SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

COMMENTAIRE

SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS.

HOMÉLIE première;

PAFL ET TIMOTHEE , SERVITEDRS DE JÉSCS-CHRIST A TOUS lES SAINTS EN JÉStS-CHRIST QUI SONT A
,

PHILIPPES, AUX COÉVÈQUES ET DIACRES QUE DIEU NOTRE PÈRE ET JÉSUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR
;

.VOUS DONNENT LA GRACE ET LA PAIX. (Cli. I, 1, 2 JUSQU'AU VERSET 7.)

Analyse*

1. Dans l'origine, les noms d'évêques, de prêtres et de diacres n'étaient pas parfaitement "distincts pour le sens, et se prenaient
souvent uns pour les autres.
les
c'est partager leur couronne.
2. Venir en aide à ceux qui travaillent et qui souffrent pour l'Evangile,
3. Dans les bonnes œuvres, c'est Dieu qui agit et nous-mêmes avec Dieu.
ils reçoivent plus
4 et 5. Avec quel soin il faut que les B.Jèles secourent de leurs biens leurs pasteurs, et que dans ces seconrs
qu'ils ne donnent. —
De la vertu de cette veuve qui regut Elle dans sa maison. -- Qu'il faut donner simplement, sans trop
examiner si ceux à qui on donne le méritent.

1. Ici, et comme s'il écrivait à des par- jamais être asservi à un autre maître, puis-
sonnes d'une dignité égale à la sienne , Paul qu'alors il ne serait plus qu'à demi le servi-

ne joint pas à son nom sa qualité d'apôtre; il teur de Jésus-Christ.


prend un autre titre, mais bien grand, et Quand il écrit aux Romains, Paul reprend
quel est-il? Au lieu d' «apôtre D, il écrit oser- la même « Paul serviteur de
suscription :

a viteur ». C'est certainement une haute di- « au contraire dans les épîtres
Jésus-Christ » ;

gnité , c'est le premier de tous les biens , que aux Corinthiens et à Timothée , il se nomme
de pouvoir non pas être nommé seulement, a apôtre ». Pourquoi? ce n'est pas sans doute

mais être en réalité serviteur de Jésus-Christ, pour cette raison, que de simples fidèles va-
Qui dit serviteur de Jésus-Christ, dit homme lussent mieux que Timothée Erreur évidente! 1

libre de tout péché; et par cela même qu'il C'est plutôt parce que, de tous ceux qu'il ho-

est serviteur vrai et légitime il ne voudrait , nore de ses lettres , les Philippiens se trouvent
,

d TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

être les plus honorés et les plus aimés : il attes- dressant jamais au clergé d'autres cités, par
tera même bicnlôl leur grande vertu. — D'ail- exemple à ceux de Rome de Corinthe d'E-
, , ,

leurs, il déclare sa dignité d'apôtre quand il phèse, mais saluant en général en ces termes :

a A tous les saints, ou à tous les fidèles, à tous


veut, dans son épître, établir ou régler quel-
que alTaire très-grave. Mais, à l'égard des a nos bien-aimés », pourquoi ici écrire au

Philippiens, il n'a pas à leur mander autre clergé ? —


Sans doute parce que c'étaient des
chose que ce qu'ils savaient déjà. clercs qui lui avaient remis la lettre des Phi-

« Aux saints en Jésus-Christ qui sont à Phi- lippiens porté leur aumône et député Epa-
, ,

a lippes ». Comme vraisemblablement les phrodite.


Juifs s'adjugeaient à eux-mêmes le nom de « Je rends grâces à mon Dieu, toutes les fois
a saints », d'après l'ancien oracle qui les dési- a que je me souviens de vous ». Il a écrit ail-
gnait comme le peuple saint et choisi (Dcut, leurs : « Obéissez à vos prélats et soyez-leur
(vil, 6), l'apôtre a soin d'ajouter pour cette rai- a soumis; car eux à leur tour veillent sans
son « Aux saints en Jésus-Christ ». Car dé-
:
« cesse comme devant rendre compte de vos
sormais voilà seulement les saints ; les autres « âmes qu'ils aient donc à le faire avec bon-
;

à l'avenir ne sont que des profanes. « iieur, et non avec gémissement». Autant les

a Aux coévêques et diacres... » Qu'est-ce à fautes des disciples doivent faire gémir, autant
dire? Une seule cité avait-elle donc plusieurs la joie à parler d'eux démontre leurs progrès

évêques? Non; mais sous ce nom il a désigné dans le bien. Voici donc sa pensée: Toutes les
Ces noms, alors, étaient communs
les prêtres. fois (|ue je me souviens de vous, je rends gloire à
et réuproques; l'évêque même s'appelait dia- Dieu. S'il remercie, c'est qu'il garde la mé-
cre. Témoin celte ligue à Timothée o Rem- : moire de leurs grandes vertus. Je glorifie Dieu,
a plissez votre diaconie », bien qu'il fût évo- et, ajoute-t-il, je le prie. Car, de ce que vous

que, puisque ce caractère épiscopal ressort de êtes entrés dans le chemin de la vertu il ne ,

ces autres paroles au même disciple a N'im- : suit pas queje doive cesser de prier pour vous;

a posez légèrement les mains à personne » ; au contraire, je persévère dans ma prière :


ailleurs au contraire il lui écrit (La grâce) : « Je rends grâces à Dieu chaque fois que je ,

« vous a été donnée par l'imposition des mains a me souviens de vous » et toujours, et dans

a des prêtres», et pourtant des simples prêtres « toutes mes prières pour vous tous et c'est ,

n'auraient pu ordonner un évoque. De — « avec joie queje prie ». Je me souviens a tou-

même écrivait-il à Tite « Je vous ai laissé en


: jours », et non pas seulement à l'instant de
o Crète, afin que vous y établissiez des prêtres mon oraison. C'est avec raison qu'il ajoute :

« en chaque ville, selon l'ordre queje vous en ai Je le fais « avec joie » ; car il se peut qu'on
«donné, choisissant celui qui sera irrépro- prie avec tristesse , comme lui-même ailleurs
« chible, qui n'aura épousé (ju'une femme » ;
le témoigne aux Corinthiens,
: Oui, dit-il

autant de traits qui désignent l'évêque puis- « c'est avec peine, avec serrement de cœur, à
,

qu'il ajoute, immédiatement après le texte a travers bien des larmes que je vous ai

précédent : o Car il faut que l'évêque soitirré- « écrit ». (Je rends grâces à Dieu) « de
a prochable , comme étant le dispensateur ci a ce que vous avez participé à la propaga-
a l'économe de Dieu ;
qu'il ne soit pas orgucil- « tion de l'Evangile » (par vos aumônes)
a Icux... » Ainsi, jadis, comme je le disais, les a depuis le premier jour jusqu'à présent ».

prêtres étaient appelés ou évêques ou diacres 2. C'est un grand éloge que celui que
de Jésus-Christ; et les évêques s'appelaient donne aux Philippiens ce passage de l'a-
prêtres : tellement que même de nos jours pôtre ; c'est un éloge très-grand, et qui
plusieurs évêques écrivent à leurs ministres d'ordinaire ne s'accorde qu'aux apôtres et
inférieurs A
notre coprêlrc, codiacre; bien
: aux évangélistes. Loin de borner votre zèle,
qu'avec le temps, cliaque dignitaire ait enfin 8:'mble-t-il dire, à cette unique cité, qui
reçu son nom particulier, et que l'un s'appelle seule après tout vous a été commise et con-
, ,

désormais évêque , l'autre , prêtre. fiée vous ne négligez aucun moyen de pren-
,

a Aux coévêques », continue-t-il, a et aux dre part à mes travaux, partout présents, et
V diacres; que Dieu notre l'ère et Jésus-Christ concentrant en union avec moi toutes vos pen-
a notre Seigneur, vous donnent la paix ». On sées et toute votre action à la prédication de
peut ici faire une question. Pourquoi ne s'a- l'Evangile. El ce n'est pas à tel ou tel instant
, ,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE f.

et par intervalles , c'est toujours , c'est depuis portion de la récompense qulTattend. Et com-
l'époque où vous avez reçu la foi ,
jusqu'au ment? Aidez-le par vos paroles et par vos
jour présent, que vous prenez une part ardente actes ; soutenez-le , en lui donnant le néces-
au zèle et au prosélytisme des apôtres. Et cepen- saire , en vous constituant le serviteur attentif
dant à rencontre , voyez comme ses collabo-
,
de tous ses besoins. Vous méritez dès lors avec
rateurs de Rome l'avaient quitté écoutez ;
lui , parce que grâce à vous, cette vie rude et
,

comme il se plainte Timothée, d'ailleurs: méritante lui est devenue plus facile.
« Vous n'ignorez pas » , lui dit-il , a que tous ceux donc vous admirez les saints habitants
Si
« qui sont en Asie se sont éloignés de moi » ;
du ou ceux qui ont embrassé un genre
désert,
et encore « Démas m'a abandonné
: et dans ,
dévie tout angélique, ou ceux encore qui,
« mon premier procès personne ne m'a as- ,
dans l'Eglise pratiquent les mêmes vertus ;
,

« sislé ». Au contraire, il atteste que les Phi- si vous les admirez, dis-je, et si vous gémis-

lippiens , malgré les distances des lieux , ont sez de vous voir si fort devancés par de nobles
pris part à toutes ses traverses ;
qu'ils lui en- exemples, il vous reste un moyen d'entrer
voyèrent des messagers, lui fournirent aide et en communauté de mérite avec eux prêtez- :

secours dans la nusure de leurs forces et de leur aide et assistance. C'est en effet un trait , ,

ses besoins, sans oublier ni négliger quoique de la bonté de Dieu qu'il veut bien élever par
ce fût. Et vous le faites, ajoute-t-il, non-seu- une autre route à la hauteur des parfaits ces ,

lement en ce jour, mais sans cesse et toujours, chrétiens simples et moins zélés, qui n'ont
m'aidant de tout moyen. Voilà l'aide qu'il dé- point la force d'embrasser cette vie âpre et
signe sous le nom de « communion au saint rude , mais si glorieuse. Saint Paul leur expli-
«Evangile ». que celte puissance de l'association : ils nous
C'est qu'en effet , quand le prédicateur an- font , dit-il , une part dans leurs biens de la
nonce la sainte parole, vous qui lui prêtez chair, et nous leur faisons part des biens de
votre concours, vous aurez avec lui mêmes l'esprit.

couronnes. Dans les combats simulés des jeux Dieu lui-même , pour nos vertus si misé-
profanes, la couronne n'est pas décernée seu- rables et sans aucun prix, veut bien nous don-
lement au combattant, mais à son maître-ins- ner un royaume; ses saints, après lui et
tructeur, mais à ses seconds mêmes , à tous comme lui nous donnent les biens spirituels
,

ceux enfin qui ont formé le vaillant athlète. en échange de services bien minces et pure-
Puisqu'il leur doit, en effet, force, soulage- ment charnels. Ou plutôt c'est Dieu qui par ,
,

ment, n'est-il pas juste qu'il les fasse participer ses serviteurs nous donne et les biens spiri-
,

à sa victoire ? De même encore dans les guerres tuels et les dons-de la gloire. Vous ne pouvez
sérieuses, l'auteur d'un coup heureux n'est supporter le jeûne , la solitude vous ne pou- ,

pas seul admis à recueillir la gloire et les tro- vez coucher sur la dure, vous ne pouvez passer
phées : on ne ferait pas cette injure à tous de longues nuits sans sommeil ? Vous parta-
ceux qui lui ont prêté leur utile concours; on gerez la récompense due à ces exercices de

reconnaît, on avoue , en les couronnant avec l'homme parfait, si vous faites de son travail
lui, que leur œuvre et leur service les ont votre propriété même ; si l'athlète est l'objet

comme associés au combat. Par la même rai- de vos soins continus, de vos larges aumônes,
son , se mettre au service des saints est une si vous lui facilitez les saints combats de la

œuvre noble et puissante loin d'être à dédai- , perfection. Lui, fait face à l'ennemi il lutte ,

gner : elle nous donne droit avec eux aux ré- il reçoit les coups : et vous, quand il reviendra
compenses que Dieu leur tient en réserve. de la bataille, soignez-le , recevez-le dans vos
Un riche, par exemple, s'est dépouillé d'une bras , essuyez sa sueur, pansez ses plaies, con-
immense fortune pour l'amour de Dieu ; il s'est solez et relevez celte grande âme fatiguée.
fait son serviteur de cœur et d'âme s'acquit- , Servir ainsi les saints avec empressé , un zèle
tant désormais de tous les devoirs d'une vertu c'est se créer un droit à partager avec eux le
parfaite , évitant avec scrupule toute parole salaire éternel. Jésus-Christ lui-même l'ensei-

toute pensée même , toute occasion capable gne : a Faites-vous des amis avec l'argent
d'offenser Dieu. Eh bien vous qui êtes loin a d'iniquité, afin qu'ils vous reçoivent dans
d'atteindre à la vertu héroïque de cet
,

homme « les tabernacles éternels o. (Luc, xvi, 9.) —


parfait , vous pouvez cependant espérer une Vous voyez counnent les PhilippiLUs ont su
8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

s'assurer une part aux mérites de saint Paul ?


— perfectionnera », ici même il fait encore
« Depuis le iiremier jourjusqu àcetle heure» ;
leur éloge, avouant qu'ils ont attiré sur eux la
telle est , dit-il , la raison de ma joie, a Votre grâce de Dieu qui les aidera à vaincre l'hu-
o communion avec nous » ; et je suis heureux maine nature. Un autre mérite ressort encore
non-seulement du passé, mais de l'avenir; ici vos bonnes œuvres ont ce caractère
:

car je pressens ce que vous ferez, d'après l'ex- qu'elles ne présentent rien de l'homme, mais
périence de ce que vous avez fait. Il poursuit qu'elles ont
besoin de la force de Dieu.
en effet a J'ai une ferme confiance que celui
: Au reste, Dieu perfectionne, vous n'aurez
si

«quia commencé le bien eu vous, ne ces- pas à travailler beaucoup ; vous devez donc
a sera de le perfectionner jusqu'au jour de avoir confiance, facilement vous atteindrez
a Jésus-Christ (G) b . la perfection , puisque vous serez aidés de

Voyez comme il leur enseigne la pra-


3. lui.

ti(|ue de la modestie. Comme il leur a a Et il est juste que j'aie ce sentiment de

rendu un important témoignage, il craint a vous tous, parce que je vous porte dans
que riiuniaine faiblesse ne succombe à l'or- « mon cœur, comme ayant tous part à ma
gueil, et il s'empresse de leur apprendre à a grâce, par celle que vous avez prise à mes
reporter tout à Jésus-Christ, le passé conmie « liens, à ma défense, et à l'affermissement de

l'avenir. Comment ? Il se garde bien de dire : « l'Evangile (7) ». Voilà bien la sainte passion

J'ai confiance qu'ayants! bien commencé, vous d'une âme ardente il portait les Philippiens
:

finirez de même. Que dit-il donc? « Celui qui dans son cœur; et jusque dans la prison et les
a a commencé le bien en vous, ne cessera de le fers, il gardait leur souvenir ce n'est pas pour
:

« perfectionner ». Sans doute ne refuse pas il ces pieux fidèles un éloge vulgaire, que d'être
d'avouer qu'ils ont quelque part dans la bonne ainsi gravés dans la mémoire d'un si grand
œuvre «Je suis heureux » , dit-il au contraire,
: saint. L'affection de Paul n'avait point son
a de votre parlicii)ation » , comme s'ils ne de- motif dans un mouvement irréfléchi ; il s'ap-
vaient qu'à eux-mêmes cette sainte conduite. puyait sur la raison jugement. Pour être
et le

Mais cei'endant, il ne dit pas que la vertu aussi vivement aimé de lui, il fallait, évidem-
vienne d'eux seuls, il eu attribue à Dieu le ment, le mériter par une grande et admirable
principe tout d'abord o C'est lui » , dit-il, : vertu.
j'en ai la confiance, qui a commencé le bien Jusque dans ma défense et dans l'affer-
a en vous encore qui ne cessera de
; c'est lui missement de l'Evangile». Après ce trait,
o le perfectionner jusqu'au jour de Jésus- n'admirons plus qu'il les portât dans son
a Christ B. Lui, c'est Dieu. Et il en sera cœur, même au fond de son cachot à l'heure :

ainsi, non-seulement de vous,


ajoula-t-il, même où je com|)araissais devant les tribu-
mais de tous ceux qui vous suivront, je l'es- naux, dit-il, pour y plaider ma cause, vous
père. n'étiez pas sortis de mon esprit. — Telle est,
Après tout, ce n'est pas un mince éloge pour en effet, la puissance de l'amour spirituel,
un homme, que Dieu daigne opérer en lui. Car qu'il ne puisse céder aux rigueurs d'un temps
s'il ne fait acception de personne, et certes c'est malheureux, mais qu'embrasant l'âme à tout
son caractère divin; s'il ne voit dans chacun jamais, il ne puisse être vaincu par le mal-
de nous, pour se déterminer à nous aider, heur ni par la souffrance. Jusque dans la
que notre bon propos à rem|)lir notre devoir, fournaise de Babylone, au milieu de cet
il que c'est nous-mêmes qui
est assez clair épouvantable brasier, une douce rosée ra-
lui donnons sujet de nous seconder ainsi. fraîchissait les bienheureux enfants ainsi la :

Sous ce rapport, l'apôtre est loin de retirer aux sainte amitié, dès qu'elle a saisi l'âme, mais
l'iiilippiens leur mérite. En effet, si Dieu agis- une âme aimante et agréable à Dieu, éteint
sait en nous seul et par caprice, rien n'em-'^ toute autre flamme, et répand une admirable
pécherait que les gentils et môme tous les rosée.
hommes sans exception ne fussent l'objet de Et dans l'affermissement de l'Evangile ».
ea grâce au même degré, s'il les remuait, Ainsi les chaînes apostoliques étaient l'affer-
osé-je dire, comme le bois ou la pierre, missement de l'Evangile, et comme son bou-
sans chercher aucune cooi)ération de noire clier et sa défense. Cette parole est juste et
part. Ainsi, quand l'apôtre ajoute : « Dieu profonde. S'il n'avait pas , en effet, glorifié et
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE I. 9

aimé ses chaînes, il n'aurait paru qu'un im- généreux pour être appelés par Paul lui-même
posteur. Mais maintenant qu'il subissait vo- ses copartageants. Telle est en effet son ex- , ,

lontiers les fers et la souffrance , tous les, pression Tous avec moi vous avez part à la
:

maux réunis, il montre assez qu'il ne souffrait' gr?ce ». De tels commencements me garan-
pas pour une cause humaine mais pour la , ti ssent votre persévérance dans ces généreuses

cause de Dieu, son grand rémunérateur. Nul dispositions. 11 est impossible qu'un début si
n'aurait ainsi choisi la mort et tous les dan- glorieux s'éteigne et se dissipe comme une
gers nul n'aurait affronté la colère d'un em-
;
vaine fumée d'avance il promet une fin
:

pereur comme celui-là , de Néron, s'il n'avait glorieuse.


vu plus haut un empereur bien autrement 4. Nous pouvons donc, indirectement, par-
grand. Les chaînes étaient donc la confirma- ticiper à la grâce apostolique des dangers et
tion de l'Evangile. —
Admirez comme , pour des tribulations vous en supplie, mes
: je
arriver plus pleinement et plus parfaitement frères, sachons y prendre notre part. Combien
à son but, l'apôtre fait voir en toutes choses le parmi ceux qui sont ici voudraient..., ou plu-
côté contraire aux vues humaines. Ce que l'on tôt toussans exception , ne voudriez-vous pas
regardait comme faiblesse ou déshonneur, lui, partager avec Paul ces biens que l'éternité
le déclare être la confirmation de l'Evangile ; nous garde ? Or, ce but magnifique , facile-
comme si l'apôtre avait dû être faible sans ces ment vous pouvez l'atteindre si vous le vou- ,

épreuves qui les effraient. — Ensuite, il veut lez; oui, àceux qui représentent le ministère
montrer que son amitié pour eux n'est pas apostolique, à ceux qui souffrent pour Jésus-
un aveugle parti pris, mais une affection rai- Christ, veuillez prêter aide et secours. Voyez-
sonnée. Quelle preuve en donne-t-il? ^Icoutez. vous un frère en danger ? Tendez-lui la main.
a Je vous porte dans mes chaînes et jusque Apercevez-vous un de vos maîtres en plein
odans ma défense, parce que, en union in- combat? Assistez-le. Mais, répondez- vous, —
time avec moi, vous avez partagé ma grâce». aucun ne peut être comparé avec Paul. —
Qu'est-ce à dire? Etait-ce donc une grâce Quoi sitôt l'orgueil sitôt le jugement témé-
I !

pour l'apôtre, que les fers, l'exil perpétuel, raire Que personne n'approche de ce grand
I

les innombrables supplices? Oui car, est-il : Paul, je vous le concède. Mais cependant,
dit, a ma grâce vous suffit, et ma force se d'après Jésus-Christ, « celui qui reçoit le pro-
« montre tout entière dans l'infirmité; aussi», « phète en son nom de prophète, recevra la
ajoute l'apôtre a je me complais dans les in-
,
a récompense du prophète ». Les Philippiens

« flrmités et dans les outrages ». (II Cor. xii, étaient-ils donc admirables par la raison ,

9, iO.) Quand donc je vous vois montrer votre qu'ils aidaient Paoi personnellement? Nulle-
vertu par vos œuvres, et participer à cette grâce ment ; mais c'est qu'ils entraient en commu-
aussi et même avec joie, je conçois aussi
, nion avec l'apôtre, avec le héraut de l'E-
pour vous les mêmes espérances. Je vous con- vangile. Paul ne méritait tant d'honneur que
nais par expérience, j'ai vu surtout vos bonnes parce qu'il souffrait pour Jésus-Christ. Grand
œuvres malgré la distance qui nous sépare,
; comme l'apôtre, nul ne peut l'être ; et que
vous vous efforcez de partager mes tribula- dis-je? comme lui 1 de lui, d'un tel saint, nul
tions et ensuite ma récompense en sorte que , n'approche. Mais la prédicati<»u est la même
tout en restant éloignés du combat , vous aujourd'hui qu'alors.
aurez dans la victoire une part égale à la Au reste, les Philippiens prenaient part à
mienne, moi qui suis au milieu de la mêlée; ses travaux, non pas seulement depuis qu'il
il est donc juste que je vous rende ce témoi- était dans les mais dès le principe.
fers ,

gnage. Voici ses propres termes « Or, vous savez,


:

Mais pourquoi ne dit-il pas simplement: « mes frères de Philippes, qu'après avoir com-
a » ; mais ; a Vous participez
Vous participez « mencé à vous prêcher l'Evangile, aucune
adans l'union la plus intime avec moi?» C'est a églisene m'a fait part de ses biens en recon-
comme s'il disait Je vous fais votre part, afin
: « naissance de ceux que j'apportais vous :

d'avoir moi-même la mienne dans Evan-


cet a seuls exceptés, cependant ». Et pourtant
gile, c'est-à-dire aux biens qu'il nous promet. sans parler des dangers proprement dits, le
Chose admirable, d'ailleurs, que tous ces Maître de la parole rencontre bien des en-
pieux fidèles aient eu des sentiments assez nuis veilles, fatigues de la parole et de l'en-
:
10 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOJfE.

seignement, dures critiques et accusations, parable. Leur corps sera nourri : votre âmô
plaintes, reproches, jalousies. N'est-ce rien , deviendra belle et splendide. En acceptant,
diles-moi, que de s'exposer à mille contra- leurs péchés ne sont pas effacés vous retran- ;

dictions lorsqu'après tout on aurait le droit


,
chez de vos comptes de nombreuses offenses.
absolu de ne penser qu'à soi et à ses intérêts Ainsi prenons part à leurs travaux, à leurs
,

personnels ? combats, afin de partager un jour leur cou-


Hélas 1 où en suis-je ? Enfermé dans une al- ronne. On a vu des particuliers adopter des
ternative redoutable, j'hésite, je ne sais que rois et des empereurs, avec l'idée qu'ainsi ils

résoudre. D'un côté, je désire vous exhorter, recevaient autant qu'ils donnaient '. Adop-
vous déterminer à prendre soin dos saints de tez, vous, Notre-Seigneur Jésus-Christ : vous

Dieu et à les aider de tous vos efforts recon- placez ainsi votre fortune en toute sûreté.
naissants; de l'autre, je crains que mon lan- 'Voulez-vous être aussi les coassociés de saint
gage ne semble pas dicté par l'intérêt que je Paul?... Mais que parlé-je de Paul, quand au
vous porte , mais plutôt par celui de mes fond c'est Jésus-Christ lui-même qui riçoit.
clients.... 5. Mais je veux vous convaincre encore que

Ile bieni sachez que c'est pour vous et non votre seul intérêt m'ouvre la bouche, que j'a-
pour eux que je plaide en ce moment et si , gis pour vous et non pour ks autres. Ainsi,

vous daignez m'écouter, les raisons que j'ap- parmi les prélats de l'Eglise, en est-il qui vive
porte vous auront bientôt convaincus. Les — dans l'aisance, hors de tout besoin, fût-il

avantages de l'aumône sont beaucoup plus d'ailleurs undonnez rien pré-


saint, ne lui :

grands pour vous que pour eux si vous faites ; férez-lui cet autre ministre de Dieu, moins
l'aumône, vous ne donnez, après tout, que de admirable |)eut-êlre mais qui n'a point le ,

ces richesses dont bientôt, bon gré mal gré, nécessaire. Pourquoi ? Ah c'est qu'ainsi le 1

vous devez subir la privation, le dépouille- veut Notre-Seigneur lui-même, quand il dit ;
ment. Ce que vous recevez, au contraire, est a Quand vous donnez un repas un banquet, ,

d'un prix immense, j'ose dire même, hors de a n'invitez pas vos amis ni vos parents, mais

comparaison. Quand vous donnez, n'avez-vous plutôt les infirmes, les boiteux, les aveugles^
pas la confiance de recevoir? Si tel n'est pas a ceux enfin qui ne pourront vous rendre la

votre sentiuient, ne donnez pas, je vous le a pareille». (Luc,xiv, 12, 13.) Ainsi les invita-
dis, tant je suis loin de parler pour les pauvres. tions ne doivent pas se faireau hasard pré- :

Non, si quelqu'un ici n'est pas tout d'abord nus les étran-
férez les gens affamés, altérés, ;

convaincu qu'en donnant il recevra davan-, gers, les riches tombés dans la misère. Car le
tage et fera un gain magnifique, iiu'il sera Seigneur n'a pas dit simplement Vous m'a- :

bien plus l'obligé que le bienfaiteur, alors vez nourri ; il ajoute : Vous avez nourri ma
qu'il ne donne pas Sa conviction est-elle qu'il
! faim : o J'avais faim » , dit-il, a vous m'avez
dépense sans recevoir, qu'il s'abstienne Pour ! a vu , et vous m'avez donné à manger ».
ma part, ma grande inquiétude dans ce mo- (Matth. XXV, 35.) Telle est sa maxime en son
ment n'est pas de trouver la nourriture des entier. Or s'il faut nourrir celui ipii a faim,
saints si vous ne donnez pas un autre don-
: , par cela seul qu'il a faim , à plus forte raison,
nera. Mon seul désir, le voici puissiez-vous : si le nécessiteux est un saint. S'il est saint,
avoir un doux remède contre vos péchés! En mais sans nécessité, ne donnez pas; vous n'y
ne donnant pas avec ces dispositions vous , trouveriez aucun bénéfice pour vous, puisque
n'avez pas de remède à attendre. L'aumône, le commandement de Jésus n'est pas pour lui ;
en effet, ce n'est pas le don c'est l'empresse-
, je dirai mieux, recevant sans avoir besoin , il

ment et la joie à donner, c'est la reconnais- n'est plus un saint. Reconnaissez-vous que
sance envers celui qui reçoit. Paul l'a pro- mon langage s'inspire ici non pas d'un vil
noncé Rien par force, rien avec regret
: : motif d'intérêt, mais uniquement de votre
« Dieu aime qu'on donne avec joie ». Pour ne propre avantige?
pas donner ainsi, conservez plutôt : ce serait Nourrissez donc l'affamé pour ne pas nour-
une perte et non pas une aumône.
Si donc vous êtes persuadés que vous ga- * Rien n'était plus commun, bous les empereurs romains, que cet

gnez tt non pas vos obligés, ne soyez pas moins adoptions étranges du pouvcrnin par les particuliers ; ceux-ci lei
faisaient h<;ritiers de leurs biens, pour sauver à la fois et leurs for-
convaincus que le profil pour vous est incom- tuues et leurs vies, objets des convoitises impériales.
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE II. li

rir un jour le feu de l'enfer. Le nécessiteux rait pas eu la foi. Ainsi Abraham, s'il avait
qui s'alimente d'une partie de vos biens, sanc- voulu creuser et s'inquiéter, n'aurait pas reçu
tifie toutes vos autres richesses. Rappelez-vous les anges. Car il est impossible, je le répète,
comment une veuve a nourri le prophète Elie : impossible d'être bienfaisant pour un saint,
elle a bien moins donné que reçu; elle a été quand on s'arrête à des doutes éternels. Au
nourrie plutôt que nourricière. De nos jours contraire on s'expose à obliger des trompeurs.
mieux encore. Ce n'est plus
cela arrive aussi, et Et pourquoi? Le voici l'homme pieux ne
:

feulement une mesure de farine ou d'huile ;


cherche pas à paraître tel, il ne s'enveloppe
mais quoi? Le centuple, mes frères, et la vie pas de ce manteau, dût-il être méprisé. L'im-
éternelle qui nous est donnée en échange de posteur, au contraire, qui s'en fait un art, a
nos minces largesses la miséricorde est si
: bien soin de se cacher derrière un masque de
bien la nature même de Dieu Pensez donc à I piété impénétrable. Aussi, tout en faisant le
la nourriture spirituelle; déposez dans la vie bien à des gens qui ne paraissent point être
présente un levain pur et fécond C'était I — saints et pieux, on a la chance d'obliger les
une veuve, la famine régnait rien ne l'ar- : personnes pieuses, tandis qu'en cherchant
rête; elle avait des enfants, et l'amour ma- trop ceux qui ont la réputation de vertu , on
ternel ne la retient pas. Sa générosité l'élève tombe souvent à faire du bien à des impies.
aussi haut que la veuve de l'Evangile qui Je vous en prie donc, agissons en toute sim-
laissa tomber deux oboles dans le. tronc du Supposons, en effet, que voilà un im-
plicité.

temple. Elle ne s'est pas dit à elle-même : posteur qui s'avance vous n'avez pas mission
:

Quel avantage me vaudra ma conduite? Cet de faire son examen. « Donnez », a dit Jésus,

homme, qui me demande, s'il avait usé de ses à quiconque vous demande»; et ailleurs:
forces, n'aurait pas faim il eût pu conjurer
; a N'oubliez pas le condamnée mortl » Bien
cette sécheresse, et ne pas partager la misère de ces gens qui subissent la peine capitale,
générale Sans doute il a mérité lui-même la
1 n'y sont condamnés qu'après avoir été surpris
colère de Dieu Elle n'a pas eu de semblables
1 en flagrant délit de crime. Et on toutefois
pensées. —
Voyez-vous comme il est beau vous dit «Ne l'oubliez
: pas! » Ainsi devien-
d'être bienfaisant en toute simplicité et sans drons-nous semblables à Dieu; ainsi vrai-
s'inquiéter avec excès de la personne qui ment admirables à ses yeux, nous pourrons
souffre le besoin? Si elle avait voulu trop ap- conquérir les biens immortels ; puissions-
profondir, son esprit aurait hésité, elle n'au- nous tous y parvenir, etc., etc.

HOMELIE IL

CAR DIEC m'est TÉMOIN AVEC QUELLE TENDRESSE JE VOUS AIME TOUS DANS LES ENTRAILLES DE JÉ-
SUS-CHRIST. —
ET CE QUE JE LUI DEMANDE, C'EST QUE VOTRE CHARITÉ CROISSE DE PLUS EN PLUS
EN LUMIÈRE ET EN TOUTE INTELLIGENCE AFIN QUE VOUS SACHIEZ DISCERNER CE QUI EST MEIL-
;

LEUR, ET QUE VOUS SOYEZ INNOCENTS ET SANS TACHE JUSQU'AU JOUR DE JÉSUS-CHRIST, REMPLIS DB
lOUS LES FRUITS DE JUSTICE, POUR LA GLOIRE ET LA LOUANGE DE DIEU. (Ch. I, 8 11 JUSQU'A 19.) —

Analyse.

1. Saint Paul exprime aui Philippiens l'ardente charité qu'il a pour eui. —Il prie pour qne la charité dont ils ont fait preuve
eux-mêmes ,
pour qu'ils soient trouvés purs de lout péché et chargés des fruits de la justice, etc.
croisse de plus en plus
2. Saint Paul se réjouit de ce que sa captivité et les artifices mêmes de ses ennemis tournent au bien de l'Evangile.
3. Que les hérétiques travaillent en vain.
i et 5. Unira la vertu la pureté d'intention. — Crime et folie des envieux. — Malheur d'être riche el bonUeur d'être pauvre.

i. Dieu m'est témoin ». S'il invoque le c'est l'affection même qui lui dicte cet appel à
témoignage de Dieu, ce n'est pas comme les Dieu, il veut avoir leur pleine et entière con-
soupçonnant de ne pas croire au sien propre ; fiance. Il venait de parler des soulagements
13 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qu'il avait reçus d'eux. Craignant de laisser a en lumière? » avec jugement, avec réflexion,
croire que ce motif intéressé soit la cause de avec discernement. Il est des gens qui donnent
son affeclion, et qu'il ne les aime pas pour leur amitié sans raison , sans y regarder et
eux-mêmes, il ajoute w Je vous aime dans
: comme il se trouve aussi de pareilles liaisons
:

les entrailles de Jésus-Christ». Qu'est-ce à ne peuvent tenir longtemps.


dire? entendez selon Jésus-Christ, parce que
: a En lumière », conlinue-t-il, a en toute in-

vous êtes vTais fidèles parce que vous l'aimez,


;
a telligence, afin que vous sachiez discerner ce

je vous aime de l'amour de Jésus-Christ. En- a qui est meilleur ». —


a Meilleur», ici, veut

core ne dil-il pas « amour », mais ce qui est « direutile » pour vous-mêmes carce : n'estpas
plus ardent , de Jésus », comme
a entrailles pour moi que mais bien pour vous.
je parle,
s'il disait les entrailles, le sein de celui qui Il est à craindre, en effet, qu'on ne se laisse

est devenu votre père, selon cette parenté corrompre par l'affection des hérétiques. Les
mystitiue que nous avons en Jésus - Christ. paroles qui précèdent font déjà entendre ce
C'est là comme une génération qui nous com- sens, mais voici qui le détermine plus claire-
munique de nouvelles entrailles, un cœur ment : a Pour que vous soyez sincères et
plein de feu et de saintes flammes : c'est, en a purs » : ainsi je ne parle pas dans mon inté-
effet, un don de Dieu à ses serviteurs, que des rêt, mais dans le vôtre; je crains que, sous
entrailles semblables. Ainsi, dans ces entrail- prétexte de charité, vous n'admettiez quelque
les, moi Paul, vous aime, et non plus seu-
je doctrine illégitime. — Vous me demandez
lement selon celles de ma nature, mais dans comment pu dire ailleurs o S'il se
l'apôlre a :

ces entrailles bien autrement enflammées, « peut, ayez la paix avec tous les honuues ? »

cellesde Jésus-Christ. (Rom. xn, 18.) Je réponds qu'il n'a pu vous re-
Avec quelle tendresse je vous aime tous ». commander une paix qui vous fût nuisible;
Je vous aime tous car vous êtes tous tels que
, au coiitiaire, Jésus-Christ a dit « Si votre œil :

je viens de dire; et comme le langage humain a droit vous scandalise, arrachez-le et jetez-le

ne peut exprimer l'ardeur de mon affection, o loin de vous ». (Matlh. v, 29.) Mais de ma-

dans cette sainte impossibilité, je laisse à Dieu nière que vous soyez a sincères » devantDieu,
de me comprendre, puisqu'il sonde les cœurs. sans reproches devant les hommes ». Trop
Si l'apôtre eût voulu les flatter, il n'aurait pas souvent les liaisons de l'amitié ont compromis
pris ainsi Dieu à témoin cet appel suprême : la foi. Quand la vôtre n'aurait rien à en crain-

devenait un péril. dre, votre frère pourrait s'en scandaliser, et


a Et ce que je lui demande, c'est que votre vous ne seriez pas a sans reproche». aJus- —
charité croisse de plus en plus ». Bien dit ! qu'au jour de Jésus-Christ » c'est-à-dire :

car l'amour est insatiable. Vous voyez que , si pour qu'à cette heure suprême vous soyez
fortaimé déjà, il désire l'élre plus encore. trouvés purs, n'ayant scandalisé personne.
Quand on aime comme il aimait, on veut être a Remplis des fruits de justice, par Jésus-

payé tellementde retour par la iiersonneaimée, a Christ, pour la gloire et la louange de Dieu»;
qu'on ne lui permclte jamais de s'arrêter à tel c'est-à dire ayaut la vie aussi droite que les
degré d'afl'ection. Celte vertu ne connaît point croyances. El il ne suffit pas qu'elle soit sim-
de limites ; aussi saint Paul veut qu'on la doive plement droite, il la faut remplie « des fruits de
toujours, a Ne devez rien à personne », dit-il, justice » car il y a une certaine justice qui
;

si ce n'est de vous aimer les uns lesaulrcs ». n'est pas selon Jésus-Christ, une certaine honnê-
La mesure de la charité est de progresser tou- telé selon le monde. Je demande celle qui l'est
jours : Que votre charité», dil-il, a croisse « selon Jésus-Christ à la gloire et louange de
a de plus en plus «.Mais faites attention à l'or- a Dieu». Vous voyez donc qu'en lien je ne
dre des paroles, o Qu'elle croisse de plus en cherche ma gloire, mais celle de Dieu. Sou- —
a plus », dit-il, a en lumière et en toute inlel- vent il appelle l'aumône justice. Ainsi donc
oligence».Ce n'est pas simplement l'amitié ayez la paix avec tout le monde mais toutefois ;

qu'il admire, ce n'est pas simplement toute que votre charité n'aille pas vous nuire et
charité mais celle qui vient a de la lumière»
; vous faire oublier vos intérêts et que l'amitié ;

et de la science; car nous ne devons pas avoir pour un homme, quul qu'il soit, ne vous tasse
pour tous la même affeclion : ce ne serait plus pas faire un faux pus. Oui, je dcsire que voire
charité, mais indilierence. Qu'est-ce à dire charité grandisse, mais non jusqu'à vous de-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHI LIPPIENS. — HOMÉLIE II. 13

venir dommageable. Je ne veux pas que vous sent connus « dans tout le prétoire » (c'était

soyez surpris parvotre simplicité même; mais alors le nom du palais impérial), et non-seu-f
quand vous aura prouvé que no^
la réflexion lement dans le prétoire, mais dans toute la
11 ne dit pas
Varoles sont vraies. Préférez mes : capitale.
vues; mais a Faites l'épreuve ». Une prononce
: a Et que plusieurs de nos frères en Notre-

pas ouvertement: Gardez-vous dételle liaison ! a Seigneur, se rassurant par mes liens, ont
mais Je désire que votre charité soit utile, et
: a conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer

que vous ne vous fixiez pas sans discernement. a la parole de Dieu sans aucune crainte (14) ».

Vousseriez déraisonnables, en effet, de faire des Ces paroles démontrent que déjà auparavant
œuvres de justice autrement que pour Jésus- ils avaient parlé avec confiance et en toute

Christ, et par Jésus-Christ. Vous entendez cette liberté, mais qu'à l'heure présente, ils s'encou-
formule fréquente a Par lui ». Est-ce à dire
: rageaient bien plus encore. Si donc mes chaî-
qu'il se serve de Dieu comme d'un aide tra- nes ont doublé l'énergie des autres, n'aurai-je
vaillant sous ses ordres? Arrière ce blasphème. point moi-même gagné plus que personne ? Si
Au contraire, dit-il, si je parle ainsi, loin de une force nouvelle, ne l'ai-je
je leur ai valu
chercher ma gloire, je ne veux que celle de donc pas conquise plus grande aussi ? a PIu-
Dieu. a sieurs de nos frères dans le Seigneur ...»
2. « Or, je veux bien que vous sachiez, mes Comme ilsemblait hardi d'attribuer à ses chaî-
« frères, que ce qui m'est arrivé a servi beau- nes le redoublement d'énergie de ses frères, il

a coup aux progrès de l'Evangile, en sorte que prévient le reproche d'orgueil en ajoutant :

mes liens sont devenus célèbres, à lagloire de a Dans le Seigneur ». Voyez comme forcé de
« Jésus-Christ, dans tout le prétoire, et parmi parler de lui-même avec éloge, il n'oublie ce-
a tous les habitants de Rome (12, 13) ». Il est pendant point la sainte modestie la... Osèrent
vraisemblable qu'ils gémissaient, apprenant a plus que jamais », dit-il, a sans crainte au-

ses liens, et qu'ils pensaient que la prédica- a cune annoncer la parole ». a Plus que ja- —
tion apostolique était interrompue. Que fait-il a mais », c'est donc que depuis longtemps ils

donc? Il leur en ôle l'idée, et leur déclare que avaient commencé.


les événements qui l'ont frappé ont même servi a II est vrai que quelques-uns prêchent Jé-

aux progrès de l'Evangile. C'est encore une a sus-Christ par un esprit d'envie et de con-
parole inspirée par l'affection que celle qui « tention , et que les autres le font par une
leur fait connaître ainsi son état présent, objet « bonne volonté (15) Ce passage vaut la
».

de leur inquiétude. Mais, ô Paul, que dites- peine d'être expliqué. Pendant cette détention
vous? Vous êtes dans les fers, dans les entra- de Paul, bon nombre d'infidèles voulant exci-
ves, et l'Evangile fait des progrès ! Comment ter l'empereur à lui faire une guerre sans pitié,
donc? Ah répond-il, a mes liens sont deve-
1 se mirent à annoncer eux-mêmes Jésus-Christ,
a nus célèbres, à la gloire de Jésus-Christ, dans afin d'allumer plus encore la colère du sou-
a tout le prétoire ». Mes chaînes, loin de fer- verain à la vue de cette prédication semée
mer la bouche aux autres prédicateurs, loin quand même, et de faire retomber sur la tête
de leur inspirer de la terreur, n'ont fait que de Paul tout ce poids de fureur. Deux lignes de
lesrendre plus conflants. Or, si jusqu'au mi- conduite furent donc le double effet de cette
lieudu danger, ceux-ci, loin de s'affaiblir, ont incarcération. Elle redoubla le courage des
redoublé de courage , bien plus devez-vous uns dans les autres elle réveilla l'espérance
;

reprendre conflance. Si l'apôtre enchaîné se fût de perdre l'apôtre en prêchant, eux aussi, Jé-
laissé abattre par la persécution, s'il eût gardé sus-Christ, a Quelques - uns par jalousie »,
le silence, il est vraisemblable que ses colla- c'est-à-dire envieux de ma gloire et d'un début
borateurs auraient partagé son abattement. heureux, désirant ma perte, et combattant
Mais comme dans les liens il parlait avec contre moi, semblent continuer mes travaux;
encore plus de liberté qu'auparavant, il leur peut-être aussi l'ambition les entraîne, et ils
communiquait plus de confiance que s'il n'eût croient dérober quelque chose à ma gloire,
pas été dans les fers. Mais comment les chaînes a Plusieurs toutefois agissent par une bonne

ont-elles contribué aux progrès de l'Evangile ? «volonté, c'est-à-dire sans hypocrisie et do


Dieu l'a voulu, dit-il,en permettant que mes « grand cœur ».
liens en Jésus-Christ et par Jésus-Christ, fus- a D'autres annoncent Jésus-Christ avec un
,

44 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

« espritde contradiction, sans bonne foi (16)», mel, qu'il n'aurait pas pour cela ouvert le

c'est-à-diresans pureté d'intention, et non champ aux hérésies.


pour l'honneur même de la religion. Pour quel 3. C'est, si vous le voulez un point à exa- ,

motif donc ? « dans la pensée d'appesantir en- miner, cependant il faut comprendre que,
:

« core mes chaînes » ; ils ne veulent qu'ag- quand môme saint Paul leur aurait commandé
graver mes périls et faire peser sur moi souf- de prêcher ainsi, il n'aurait pas pour cela
france sur souffrance. cruauté ô énergie de 1 donné carrière à l'hérésie. Pourquoi? C'est
démon Ils le voyaient enchaîné, jeté dans un
! qu'après tout, ces prédicateurs annonçaient la
cachot, et ils le jalousaient encore, heureux sainte doctrine; et que, malgré la perversité
s'ils njoutaient à ses peines, s'ils l'exposaient à de leur but et de leur intention , la prédica-
un redoublement de fureur. «Dans la pensée » tion était donnée en son intégrité : de toute
p<l une expression fort juste; car les événe- nécessité même , ils étaient forcés à la donner
ments trompèrent leur calcul. Ils croyaient, pure de toute erreur. Pourquoi? c'est que s'ils
par cette conduite, me combler de chagrin, avaient autrement prêché, enseigné autrement
tandis que je me réjouissais du progrès de que Paul , ils n'auraient pas augmenté la co-
IKvangile. Ainsi arrive-t-il parfois, quand on lère de l'empereur. Au contraire, par le seul
fait une bonne œuvre, mais avec une inten- faitde propager la doctrine même de l'apôtre,
tion mauvaise on n'obtient pas la récom-
: de répéter les mêmes enseignements, de faire
pense promise, on doit même en attendre le des prosélytes semblables aux siens, ils de-
châtiment. Ces faux apôtres prêchaient Jésus- vaient réussir à courroucer Néron , témoin
Clirist dans le dessein formel d'attirer sur le oculaire de cette multitude de conquêtes. Mais,
prédicateur de Jésus de plus grands dangers : sur ce passage de l'épître apostolique il va se ,

aussi loin de recevoir aucune récompense, ils produire peut-être une objection misérable et
n'obtiendront que le supplice, la peine trop inintelligente. Les ennemis dePaul,dira-t-on,
bien méritée. pour lui causer une douleur cuisante, auraient
« Plusieurs cependant prêchent par charité, dû suivre une toute autre conduite. Loin de
sachant que j'ai été établi pour la défense grossir le nombre des fidèles, ils auraient dû
a de l'Evangile (17) ». Qu'est ce à dire : o J'ai détourner ceux qui avaient déjà embrassé la
été établi pour la défense de l'Evangile » ,
foi Que répondrons-nous? Que leur but uni-
1

sinon ,
ils prêchentrendre plus fa-
,
pour me que étant de redoubler les périls dont Paul
cile le compte que je dois à Dieu et ils m'ai- , était environné, et d'empêcher qu'on ne lui
liciit à subir son jugement. En effet j'ai reçu fît grâce de son cachot , ces gens prenaient , à
,

lordie d'en-haut de prêcher, je dois rendre leur avis , le plus sûr moyen de lui faire plus
mes comptes, et préparer pour ce Juge su- de mal encore et de détruire l'Evangile. Agis-
prême mon apologie au sujet de ce grand de- sant différemment, ils auraient apaisé la co-
voir. Ils me viennent donc en aide pour me lère de l'empereur, et permis à Paul de retrou-
faciliter ma défense ,
qui vraiment me sera ver, avec la liberté, le droit de prêcher la foi.
bien aisée , s'il se trouve un jour que de nom- Au reste ce n'était pas le grand nombre des
,

breux prosélytes ont reçu l'instruction et ennemis du bien qui poussaientjusque-là leur
accepté la foi. calcul infernal mais seulement quelques
,

« Qu'importe après tout, pourvu qu'en dé- hommes remplis à la fois de haine et de per-
o Gnilive et de toute manière, soit par occa- versité.
€ sion soit par véritable zèle, Jésus-Christ, soit Saint Paul poursuit « De tout cela je me
:

annoncé? (18) » Admirez la sainte philoso- « réjouis et même je me réjouirai toujours».


;

phie de ce grand homme. Loin d'invectiver dire « Je me réjouirai?» 51a joie,


Qu'est-ce à :

contre personne, simplement le fait. Que


il dit dit-il, sera de plus en plus grande, quand
m'importe après tout, que le Seigneur soit même mes ennemis devraient persévérer. Mal-
annoncé de telle manière ou de telle autre gré eux, ils secondent mon œuvre ; et ces tra-
s'il l'est, d'ailleurs, de toute façon
,
par occa- vaux en leur apportant le
qu'ils s'imposent,
sion ou par vrai zèle? ne dit pas
Il : o Qu'il juste châtiment du ciel me vaudront une ,

• soit annoncé » il n'emploie pas ce ton impé-


!
récompense, sans que j'y mette la main. Est-
ratif il se borne à raconter
; l'événement. Eût- il malice comparable à celle du démon, qui
il d'ailleurs parlé avec le sens d'un ordre for-
fait gagner ainsi le supplice éternel par l'entre?
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE II, 15

prise la plus sainte, celle de l'apostolat, et qui ments de Jésus-Christ? Ne pouvez-vous vivre
entraîne à leur perte des gens qui ont eu le dans la virginité ? Le mariage vous est permis.
malheur de suivre ses inspirations? De quels Ne pouvez-vous vous dépouiller de tous vos
traits atroces n'accable-t-il pas ses adeptes les biens ? 11 vous est permis de n'en verser qu'une
plus dévoués? Et il leur forge ces traits et ce partie par l'aumône, a Que votre abondance »,
F'ipplice avec la prédication elle-même , avec vous dit l'apôtre, a supplée à leur disette ».
ijutes les fatigues d'un saint combat. Quel Il se peut que vous regardiez comme grand
autre ennemi ,
quel autre bourreau aurait et difficile le mépris des richesses l'empire ,

dii;i préparé pour leur ruine tous les instru- absolu sur votre chaire mais pour les autres :

monls du salut? —
Comprenez, en outre, vertus moindres vous n'avez besoin ni de
,

q;i'on ne peut aucunement aboutir, quand on dépense, ni d'une violence excessive sur vous-
fait la guerre contre la vérité. Bien plutôt alors mêmes. Quelle violence , en effet, faut-il s'im-
on se blesse , comme celui qui regimbe contre poser pour ne pas médire pour ne pas ac- ,

l'aiguillon. cuser témérairement pour ne pas envier les ,

Car je sais que l'événement m'en sera sa- biens du prochain, pour résister aux entraî-
f lutaire ,
par vos prières et par l'infusion de nements de l'ambition? Il faut de la force pour
« l'esprit (19) ». Rien de plus
de Jésus-Ciu-ist endurer les tourments sans fléchir il en faut ;

détestable que le démon. 11 accable, il écrase ses pour se contenir en vrai sage, pour supporter
tristes amis sous le poids de fatigues stériles et ; la pauvreté pour lutter contre la faim et la
,

non content de les empêcher de conquérir soif. Mais si de pareils combats vous sont épar-

la récompense , il sait leur faire mériter les gnés si vous pouvez autant qu'il est permis
; ,

châtiments, leur imposant non pas seulement à un chrétien jouir de vos biens, vous faut-
,

la prédication, mais des jeûnes, mais une vir- il un si grand effort pour vous abstenir d'en-

ginité qui seront privés de récompense, et pré- vier ceux des autres ? Cette misérable passion
pareront même à ceux qui les auront prati-
, de l'envie, ou, pour mieux dire, tous nos maux
qués un affreux malheur. Tels sont les
,
et nos crimes n'ont qu'une source c'est notre :

hommes qu'il stigmatise ailleurs comme attachement aux biens présents. Si vous re-
c ayant leur conscience cautérisée ». gardiez comme pur néant les richesses et la
Remercions donc le Seigneur, je vous en gloire de ce monde vous n'auriez pas ce re-
,

prie, de ce qu'il a bien voulu nous alléger le gard envieux contre ceux qui les possèdent.
travail et nous augmenter la récompense. Il 4. C'est parce que vous êtes épris de ces biens
est tel salaire en effet que recevront parmi
, ,
jusqu'à la folie, jusqu'à- l'hallucination que ,

nous de simples chrétiens par le chaste usage l'envie, que l'ambition vous entraîne et vous
du mariage, et que ne pourront jamais gagner, agite oui de là vient tout le mal
; , de cette ,

chez certains autres, ceux mêmes qui auront admiration d'une vie éphémère et des biens
gardé la virginité oui , chez les hérétiques
:
,
qui s'y rattachent. Vous porterez envie à cet
ces hommes de virginité fidèlement pratiquée homme parce qu'il s'enrichit? Hélas il mé-
,
I

subiront la même peine que les fornicateurs. rite bien plus votre pitié et vos larmes. Vous
Pourquoi ne font rien avec droi-
? C'est qu'ils me répondez aussitôt en riant c'est moi qui :

ture de volonté et d'intention mais que leur , mérite les pleurs et non pas lui! Ahl oui, l'on
but est d'accuser les œuvres de Dieu et son vous doit aussi les larmes, non parce que vous
immense sagesse'. Dieu pour empêcher la êtes pauvre, mais parce que vous vous croyez
paresse nous a imposé des travaux modérés, et misérable. Car enfin certaines gens qui n'ont
qui ne sont point pénibles. Craignons néan- aucun mal réel,et dont l'imagination seule est
moins de les dédaigner. Car si les hérétiques malade obtiennent cependant nos larmes
,

se mortifient par d'inutiles travaux ,


quelle sincères non pour leur mauvaise santé, puis-
,

excuse aurons-nous de ne point subir des fati- qu'ils n'ont aucune maladie mais pour l'idée ,

gues beaucoup moindres que doit couronner qu'ils se sont faite. Ainsi , dites-moi , voici un
une grande récompense? Qu'y a-t-il donc de
si homme sans fièvre et qui néanmoins se désole,
si lourd , de si accablant dans les commande- bien portant et qui garde le lit et se laisse por-
ter; ne méritera-t-il pas, ce malheureux,
' Lct Manichéens, «q effet, et avant eux le» prohibentet Tiubere
ionl parle saint Faul à Timoibée, professaieai et cas maximei etcva
qu'on pleure sur lui plutôt que sur de véri- ,

H 11 ques. tables fiévreux, non certes à cause de sa fièvre,


ir. TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

mais pour l'idée qu'il se forge d'un mal pure- enchaîne sous ses lois, dont, malgré nous,
ment imaginaire? Ainsi nos larmes vous sont le bienfait s'impose.Dormir est un besoin de
dues parce que vous allez vous croire misé- nature. Mais bourreaux de nous-mêmes, nous
,

rable et non pas à cause de votre pauvreté


, ;
nous tourmentons comme nous ferions des
car comme pauvre vous êtes trèc-heureux. étrangers et des ennemis, nous avons su nous
Eli quoi le riche vous fait-il donc envie
! imposer une tyrannie plus forte qu'un besoin
parce qu'il s'est voué jilus que vous aux cha- physique, celle de l'avare! Le jour brille,

grins? parce qu'il s'est condamné à un plus l'avare redoute les fripons; la nuit tombe, il

dur esclavage? parce que, semblable au dogue craint les voleurs; la mort menace, et c'est
enchaîné, il traîne les mille anneaux de ses moins la mort qui le désole que l'idée de
écus innombrables? Le crépuscule arrive, il laisser aux autres tout son bien. A-t-il un jeune
se fjit nuit; mais pour lui le temps du repos , enfant? Ses désirs cupides grandissent, il se
devient l'heure du trouble , du chagrin de , croit indigent. N'en a-t-il pas? son chagrin est
la crainte, de l'inquiétude. Vienne un bruit encore pire.
liger... sur jiied
il est dijà ! Qu'un vol se com- Voudrez-vous donc estimer heureux, celui
mette lui qui n'a point pâli, souffre plus
: qui ne peut goûter un instant de joie? Regar-
d'ennui que celui qui a été victime du vol. derez-vous d'un œil d'envie cet homme jouet
Une fois dépouillé, celui-ci cesse de craindre : des vagues et des flots, vous qui reposez dans
l'autre nourrit une crainte perpétuelle. votre pauvreté comme en un port tranquille?
La luiit arrive port où Unit le mal conso-
,
, C'est vraiment une inûrmité de notre nature,
lation de toutes nos misères remède de nos , que de ne pas accepter généreusement une
blessures. Voyez plutôt l'homme en proie à position féconde en tout bien et d'outrager
,

quelque grand chagrin amis, parents, alliés, : même la source qui nous les procure.
père ou mère même veulenten vain le consoler ;
Voilà pour ce monde. Mais quand nous se-
loin d'écouter, loin de se rendre à leur voix, rons passés dans l'autre, écoutez le cri de ce
la colère lui monte , rien (ju'à les entendre : riche, du possesseur de ces biens que vous
car il n'y a pas de flamme qui fasse autant estimez tant, et que je déclare, moi, n'être
souffrirqu'uneanière douleur; cependant que pas des biens, mais des choses indifférentes.
le sommeil lui commande le repos , il n'aura « Père Abraham, envoyez Lazare pour qu'il
plus même la force d'ouvrir les yeux pour « trempe dans l'eau le bout de son doigt, et

résister. «qu'il rafraîchisse ma langue; parce que je


membres brûlés , dévorés
Tels encore nos souffre dans celte flamme». (Luc, xvi, 24.)
par rayons d'un soleil ardent, cherchentet
les Ce riche, cependant, n'avait subi aucun des
acceptent l'abri qui se présente, et lui trou- ennuis que je signalai tout à l'heure libre de ;

vent les délices de mille fontaines d'eau vive tout chagrin et de tout souci, il avait passé
et des plus doux zéphyrs : telle notre âme toute une vie tranquille... mais, que dis-jc?
subit le bienfaisant empire des ombres et du toute une vie! pour désigner ce moments!
sommeil; ou plutôt ni le sommeil ni la nuit rapide, car notre vie n'est qu'un bien court
n'apportent ces bienfaits; tout ce calme vient instant,comparée à l'éternité... Enfin, tout
de Dieu qui sait ,
la condition misérable du avaitmarché au gré de ses désirs, et néan-
genre humain. moins son témoignage ou plutôt la cruelle
Mais nous, nous sommes sans pitié pour expérience ne le montre-t-elle pas misérable?...
nous-mêmes; ennemis de notre bonheur, Est-ce donc bien toi, malheureux, dont la
nous avons inventé une tyrannie qui l'emporte table se couvrait de vins exquis, et maintenant
sur la nécessité naturelle du repos, l'insomnie à l'heure du plus pressant besoin, tu ne peux
que cause le souci des richesses, o Le souci des même disposer d'une goutte d'eau ! Est-ce bien
«richesses éloigne le sommeil», dit le sage. toi qui regardais de si haut l'indigent Lazare
(Ecclés. XXXI, 1.) et ses affreux ulcères? Et maintenant tu vou-
Et pourtant admirez la divine Providence : drais le voir un instant, et ne peux l'obtenir 1

cette consolation, ce repos, n'a pas été remis à Gisant hier à la porte de ton palais, il repose
notre libre arbitre ni à notre choix ; l'usage du aujourd'hui dans le sein d'Abraham et toi ;

sommeil n'est passoumis à notre volonté une ; qui couchais sous de pompeux lambris, désor-
invincible nécessité de notre nature nous mais tu prends toii lit dans l'élernelle û untne I
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE II. i'i

Riches, entendez! ou plutôt hommes sans B sultez plutôt les générations écoulées, et
richesse, puisque vous êtes sans humanité, « voyez. Qui donc a cru en Dieu, et se vit dé-
comprenez! Ce damné est puni non comme « laissé? Qui espéra en lui, et fut confondu?»
riche, mais comme sans pitié. L'opulence, eu yîcclés. II, 11.) Et ailleurs : o Picgardez les oi-
efTet, conduite par la sainte pitié des pauvres, <i seaux du
ciel ils ne sèment ni ue moisson-
:

peut conquérir les biens infinis. Ce méchant, a nentni n'amassent point dans des greniers, et
du sein des tortures, n'a vu qu'un homme, le « votre Père céleste les nourrit » (Matth. vi, 26.) .

Lazare, afin que son aspect lui rappelât sa 11 n'est pas facile de citer quelqu'un qui soit

cruelle conduite et qu'il comprît mieux la jus- mort ou de faim ou de froid. Pourquoi donc
tice du châtiment. Le ciel ne pouvait-il lui craignez-vous la pauvreté? Vous ne pouvez ré-
présenter, par milliers, des pauvres couronnés? pondre. Oui ,
pourquoi la craindre, si vous
Oui , mais celui qui gisait à sa
sans doute : avez le nécessaire ? Serait-ce parce que
porte, se montre seul pour l'instruire et nous vous n'avez pas une multitude de serviteurs?
avec lui, du grand bonheur qu'on trouve à ne Mais quel malheur, en vérité, de n'être pas
pas se fier aux richesses. A celui-ci en efîet, , ainsi embarrassé d'une foule de maîtres, de
la pauvreté ne fut point un obstacle pour ga- jouir d'un bonheur continuel, d'être affranchi
gner le ciel; à celui-là les richesses ue servi- de souci, d'être libre enfin Serait-ce parce ! —
rent pas même à lui épargner l'enfer. que vous n'avez pas ce mobilier, ces lits, cette
Jusqu'à quand donc dirons-nous malheur : vaisselle d'argent? Mais, pour la vraie jouis-
aux pauvres! malheur aux mendiants! Non, sance, le propriétaire de ces bagatelles est-il
non, le pauvre ce n'est pas l'iiomme qui n'a plus heureux que vous? Non, car, pour l'usage
rien, c'est l'homme qui a de trop vastes désirs! de la vie, que la matière soit plus ou moins
Le riche n'est pas celui qui possède beaucoup, précieuse, un meuble
n'a que son emploi.—
mais plutôt celui qui ne manque de rien. A Serait-ce parce que vous ne commandez pas la
quoi sert dç posséder l'univers entier, si l'on crainte à la multitude ? A Dieu ne plaise que
est plus dans la tristesse que l'indigent? La cela vous arrive jamais Où est le plaisir à vous !

volonté et le parti pris font les vrais riches ou faire craindre, à vous faire trembler' Est-ce —
les vrais pauvres, et non pas l'abondance ou parce que, pauvre, vous craignez vous-même?
le besoin. Pauvre, voulez-vous vous enrichir? Mais ne craignez pas, cela vous est permis I
Sivous le voulez, c'est chose facile, et personne a Voulez-vous ne pas craindre les puissances
au monde ne peut vous en empêcher mé- : « (de la terre)? Faites toujours bien, et vous
prisez les richesses du monde ; regardez-les «obtiendrez même leurs louanges». (Rom.
pour ce qu'elles sont, pour rien! chassez de xm, 3.)

votrecœur les désirs cupides, et vous êtes Mais, m'objectez- vous, on nous méprises!
riche I facilement! on nous accable si volontiers!
Qui ne veut pas s'enrichir, a fait déjà for- C'est beaucoup moins le crime, la pauvreté que
tune; qui ne veut pas s'appauvrir, est déjà qui attire ces fléaux. Bien des pauvres, en
ruiné. Languir en pleine santé, c'est être plus elTet, passent leur vie sans encombre; tandis

véritablement malade que ne l'est un homme que bien des princes opulents et des souve-
courageux qui supporte avec une égale faci-
,
rains ont été plus maltraités par le sort que des
lité la santé et la maladie ainsi ne pouvoir
: criminels, des brigands, des profanateurs de
subir l'indigence même en perspective, et se sépulture. Le mal que peut vous faire la pau-
croire pauvre au sein des richesses, c'est être vreté, ils l'ont rencontré dans leurs richesses
vraiment pauvre, comme ne l'est pas celui qui, mêmes. Un malfaiteur vous attaque par mé-
acceptant de grand cœur son indigence réelle, pris ; il s'en prend au riche par envie et colère,
vit avec une joie inconnue à l'opulence. Oui, et il le fait sur lui avec plus de rage que sur
celui-ci est vraiment bien plus riche. vous; car il est poussé à lui faire du mal par
Dites-moi, en effet, pourquoi craindre K un motif plus violent. L'envieux, en
effet, dé-
pauvreté? Pourquoi la redouter? Appréhendez- pense, pour agir, toute la force et toutes les
vous d'avoir faim, d'avoir soif, d'avoir froid, ressources de la passion mais l'ambitieux, :

de subir enfin quelque fléau de ce genre? quivousdédaignesouvent, prendenpilié l'objet


Mais personne, personne, entendez-le, n'a ja- de son dédain et la cause de votre salut aura
;

jnais été réduit à de telles extrémités : o Con- été votre pauvreté même, votre faiblesse prQ-»

e. }. ch. — Twi£ XI, 9


48 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fonde. Quand un puissant veut écraser un dans notre cœur et dans ses désirs? Sachons
faible, n'avons-nous pas coutume de dire : seulement le dominer; formons-le aux leçons
Vous ferez, en vérité, une noble action en dé- de la sagesse. S'il est bien disposé, ni les ri-

truisant ce malheureux, en le tuant 1 vous y chesses ne pourront nous exclure du céleste

gagnerez gloire et profit! Et celte réflexion royaume, ni la pauvreté ne nous amoindrira:


sui'fit pour calmer sa colère. Contre les riches, notre courage à la supporter empêchera qu'elle

au contraire, l'envie se lève, et poursuit sou ne puisse nous nuire soit dans la conquête des
œuvre sans paix ni trêve jusqu'à l'accomplis- biens futurs, soit même dans ceux de la vie
sement de tous ses désirs, jusqu'à l'elTusion de présente. Celle-ci ne sera pas sans jouissance,
tout son venin. et la possession dos éternelles joies nous sera
Voyez-vous comme le bonheur ne se trouve garantie. Puissions-nous endevenir dignes, etc.
ni dans la pauvreté, ni dans les richesses, mais

HOMELIE III.

JE m'en RÉiOl'IS ET JE M*EN RÉJOIIRAI TOCJOCRS. — CAR JE SAIS QUE L'ÉVÉNEMENT m'EN SERA SALU-
TAIRE, PAR vos PRIÈRES, ET PAR l'iNFLSION DE l'ESPRIT DE JÉSLS-CaRlST. SELON LA FERME —
ESPÉRANCE OU JE SUIS QUE JE NE RECEVRAI PAS LA CONFUSION D'ÊTRE TROMPÉ EN RIEN DE CE QUE
j'attends ; MAIS QUE PARLANT AVEC TOUTE SORTE DE LIBERTÉ, JÉSUS-CURlST SERA ENCORE MAINTE-
NANT GLORIFIÉ DANS MON CORPS, COMME IL L'a TOUJOURS ÉTÉ, SOIT PAR JUA VIE, SOIT PAR MA MOfiT.
(eu. I, 18-20.)

ilinalyse.

1 et 2. Cbirité et fermeté de saint Paul. — Des différentes espèces de vie.


3. Sagesse de saint Paul.
4. Exhorlalion au mépris de la mort, à la décence dans les funérailles, ft 1* prière pour les trépassés.

i. Une âme grande et amie de la sagesse « en sortira pour moi le salut. Et comment la
chrétienne ne peut être blessée par les misé- a persécution ne me serait-elle pas salutaire,
rables chagrins de cette vie, inimitiés, accu- puisque les inimitiés et le faux zèle, en
sations, calomnies, périls, pièges, rien ne l'at- s'armaiit contre moi, favorisent la prédi-
teint. Réfugiée comme au sommet d'une haute « cation?»
montagne , elle est inaccessible à tous les « Grâce à vos prières», ajoute-t-il, o et par
traits qui partent de cette terre vile et abaissée. l'infusion de l'Esprit de Jésus- Christ selon
Telle était l'âme de Paul, qui avait pris posi- a mon attente et mon espérance». Voyez l'hu-
tion sur les plus hauts sommets, au faîte d'une milité de ce grand saint. Au milieu des com-
sagesse toute spirituelle, d'une philosophie bats, après des bonnes œuvres sans nombre,
seule véritable. Les prétentions des sages du tenant déjà la couronne, Paul, car c'était Paul,
dehors ne sont que vains mots et jeux d'en- et n'est-ce pas tout dire? Paul écrit aux Philip-
fants. Mais nous n'avons pas à en parler nous- piens : Grâce à vos prières je puis être sauvé,
,

même les oracles de Paul doivent seuls nous


:
lorsque déjà des milliers d'actions saintes lui
occuper. méritaient le salut. Il ajoute : «Par l'assis-
Le bienheureux avaW donc pour ennemi tance de l'Esprit de Jésus-Christ» , c'est-à-
Néron, et, avec lui, d'autres âmes haineuses dire, si vos prières me méritent cette grâce.

qui poursuivaient par tous les traits les plus


le Car ce mot a assistance» signifie, si cet esprit
d'vers, les plus envenimés d'atroces calomnies. m'est accordé pour aide et soutien, si l'esprit
Que dit-il cependant? « Loin d'en gémir, je m'est donné plus abondamment, «pour le
« m'en réjouis et m'en réjouirai, non pour un « salut» pour la délivrance ainsi pourrai-je
,
:

f teaips, mais oour toujours, car je sais qu'il échapper au danger présent coiniue au précé*
.

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHIlIpPIENS. - HOMÉLIE IH. 10

dent péril. Car de ce premier danger, il avait n'ai-je pas ditque ma vie seulement glori-
écrit : « Dans mon premier procès, personne fieraDieu , j'ai ajouté Et ma mort même l :

« ne m'assista. Que Dieu le pardonne à tousl Mais, en attendant, ce sera par ma vie; ils
« Le Seigneur seul fut avec moi et me donna la ne pourront me tuer! et, le feraient- ils,
a force » Il se la promet encore et la prophétise
. : qu'ainsi encore Jésus - Christ serait glorifié 1

oGrcàce à votre prière et avec l'aide de l'Esprit Comment donc ? Par ma m'aura
vie, car il

de Jésus-Christ», dit-il, o selon mon attente sauvé ; et par ma mort, parce que la mort
« aussi et mon espérance ». Car de mon côté, même ne pourrait me décider à le renier.
j'espère. En effet, notre confiance aux prières C'est lui quim'a donné ce courage si grand,
que l'on fait pour nous ne doit pas être telle- et qui m'a fait plus fort que la mort, une

ment exclusive et entière, que nous n'appor- première fois en me sauvant des périls, et
tions aussi notre part d'action et vous voyez
; maintenant même, parce qu'il permet que
ce qu'il apporte, il vous l'explique l'espé- : la tyrannie de la mort ne m'inspire aucune

rance ! cette source ineffable de tous les biens, crainte. Ainsi sera-t-il glorifié et par ma vie et
selon la parole du prophète : « Que votre mi- par ma mort. — Il le dit, non qu'il doive bientôt
a séricorde se répande sur nous , Seigneur, la subir, mais pour prévenir chez les Philip-

dans la mesure de notre espérance en vous! » piens toute douleur humaine, en cas que la
et un autre écrivain sacré dit o Consultez les : mort lui arrive. S'ils avaient pu croire qu'il
générations passées : qui jamais espéra au parlât ainsi en vue de sa fin prochaine ,
grand
«Seigneur et fut confondu?» Ailleurs aussi aurait été leur deuil par avance mais voyez
:

notre saint s'écrie : « L'espérance n'est jamais comment il les console et quelles douces pa-
« confondue » roles il leur prodigue. — Et si je parle ainsi,
a Selon l'attente et l'espérance oîi je suis ce n'est pas que je doive bientôt mourir; au
que je ne recevrai pas la confusion d'être contraire, poursuit-il : <x Je sais une chose et

« trompé en rien de ce que j'attends ». Telle a j'en suis demeurerai, je


sûr : je ferai même
est l'espérance de Paul il compte bien n'être ; B séjour chez vous».
jamais confondu. Voyez combien est puissante autre affirmation
2. Cette « Je ne serai en :

l'espérance en Dieu Quoi qu'il arrive, dit-il,


! a rien confondu », répond à celle-ci : La mort

je ne serai pas confondu; jamais ils ne pour- ne m'apportera aucun déshonneur, mais plu-
ront me vaincre. tôt un gain immense. En quel sens? C'est

« Mais en toute confiance, comme toujours que, sans être immortel, je serai plus glo-
« il a été, maintenant même Jésus-
ainsi , rieux encore que si ritnmortalité était mon
ci Christ sera glorifié dans mon corps ». Ils partagé. La gloire n'est pas égale à mépriser
croyaient eux, par leurs pièges habiles, enla- la mort quand on est immortel, ou quand, au
cer Paul, en quelque sorte, le faire un jour contraire, on est soumis au trépas. Aussi,
disparaître de ce monde, étouffer enfin sa dussé-je mourir à l'instant, il n'y aurait pour

prédication sous le poids de leurs machina- moi aucun déshonneur; cependant je ne


tions victorieuses. Paul répond : Non vous , mourrai pas encore; d'ailleurs, «je ne serai
n'aboutirez pas! Je ne mourrai pas encore au- a confondu en aucun cas », que je vive ou

jourd'hui 1 mais « comme toujours , aujour- que je meure vie ou mort je subirai l'une
:

d'hui même, Jésus-Christ sera glorifié dans ou l'autre avec courage. Ailmirable senti-
mon corps» Et comment ? C'est que déjà des
. ment, vraiment digne d'une âme chrétienne 1

périls m'ont environné, et si grands, que Il y a plus « En toute confiance » Vous voyez
: .

tout le monde, et que moi - même avec tous que rien ne peut me confondre. Car si la peur de
les autres, j'avais cessé d'espérer. « Nous-mê- mourir m'avait ravi cette confiance, je mour-
« mes », c'est son mot, «n'entendions plus en rais avec honte; mais maintenant que je ne
a nous qu'une réponse de mort » (Il Cor. i, 9), crains pas même son glaive suspendu, qu'elle
et cependant Dieu nous a sauvé de tout dan- frappe! Je ne puis être déshonoré! Car si je
ger; ainsi sera-t-il encore glorifié dans mon ^is, je n'aurai pas à rougir de ma vie, qui
corps, —
Et pour empêcher qu'on ne dise sera la prédication continuée du saint Evan-
ou qu'on ne pense ainsi Quoi et si vous gile; si je meurs, la mort ne peut me con-
: 1

mourez, Dieu ne sera pas glorifié -^ Je vous fondre, puisque ses terreurs ne m'arrêtent !

CciTiprends. semble dire l'apôtre; aussi nullement, et que je lui oppose une conflancâ
so TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

inébranlable. J'ai parlé de mes cliaînes : n'al- sures? Pourquoi dites- vous : Non, je ne vis
lez pas croire qu'elles m'humilient. Elles point ? Comment ne vivez-vous donc plus?
m'ont en biens solides,
été tellement fécondes Quel langage prétentieux est le vôtrel Mais
qu'elles ont courage dans le?
augmenté le non, tout cela n'est point parole d'orgueil. On
autres et redoublé leur conflance. La honte pourrait, sans doute, les taxer d'enfliiw et de
n'est pas d'être prisonnier pour Jésus-Christ, vaine gloire, si les faits n'attestaient le con-
mais bien de trahir par quelque endroit la traire; mais devant ce témoignage des faits,
cause de Jésus-Christ par la crainte des chaî- où est encore l'ombre de prétention ? Appre-
nes. Tant que je ne serai point un traître, les nons donc comment l'apôtre ne vit plus; car
fers ne peuvent que me rendre plus confiant. il le répète ailleurs équivalemment : « Je suU
Toutefois, mes frères, évitez un écueil : sou- «crucifié au monde, le monde est crucitié
vent j'ai échappé à des dangers imminents, et pour moi ». (Gai. vi, 14.)
je puis en tirer gloire contre les infidèles ; eh Quel est le sens de celte double assertion,
bien ! si le contraire arrivait, n'allez pas croire d'une part « Je ne vis plus »
: de l'autre ;
:

que ce serait une honte! Délivrance ou mar- «Ma vie, c'est Jésus-Christ ? » Comprenez - le,
tyre doivent vous inspirer même confiance. mes bien-aimés Le mot de « vie » est telle-
I

Saint Paul se fait ici l'apitlication personnelle ment significatif, je veux dire, il présente tant
d'un sort qui peut atteindre tous les chré- de significations diflérentes, qu'il peut dési-
tiens; souventil emploie cette façon de trai- gner la mort même. II y a cette vie, la vie du
ter une question; ainsi quand il dit aux Ro- corps; il y a la vie même du péché, puisque
mains: «Je ne rougis point de l'Evangile», saint Paul dit ailleurs « Si nous sommes :

(Rom. I, 16) ou aux Corinthiens o J'ai pro-


, :
«morts au péché, comment pourrions-
|)osé ces choses en ma personne et en celle « nous avoir encore la vie dans le péché ? »
«d'Apollon». (I Cor. iv, 6.) «Soit par ma (Rom. VI, 2.) 11 y a donc une vie du péché
« vie, soit par ma mort », il ne parle pas dans possible, hélas! Ecoutez-moi, suivez-moi bien,
l'ignorance de son avenir. II savait qu'il ne pour que nous ne perdions pas le temps. 11 y
mourrait pas à cette époque, mais plus lard :
a une vie immortelle et éternelle, qui est
toutefois il veut y ()réparer leurs âmes. aussi la vie céleste... « Notre conversation est
«Car Jésus -Christ est ma vie, et la mort « dans les cieux », dit-il quelque part. (Phi-
o m'est un gain En mourant, en effet,
(21) ». lip, m, y a notre vie corporelle, dont
20.) Il
je ne pourrai mourir, puisqu'en moi-même il affirme que c'est « par Lui (Dieu) que nous
toujours je possède la vie. Ils m'auraient déjà « avons la vie, le mouvement, l'existence ».
tué, s'ils avaient pu, par la crainte, chasser Act. XVII, 28.) Ce n'est pas cette vie naturelle,
la foi de mon cœur. Mais tant que Jésus-Christ quesaint Paulaffirmene plus avoir; c'est cette
sera avec moi, la mort dùt-elle m'accabler, vie des péchés, dont vivent tous les hommes.
je vivrai, puisque dans cette vie même, vivre Et il a raison de dire qu'il ne l'a plus. Vit-il en-
n'est pas ce ([u'on suppose; vivre pourmoi, c'est core dans le temps, celui qui ne désire plus la vie
Jésus-Christ 1 Or si, tandis que je vis ici- bas, présente? Vit-il dans le temps, celui qui vers un
la vie présente n'est pas la vraie vie, qu'en autre monde précipite sa marche? Vit-il dans
sera-t-il donc dans l'éternité? « Maintenant le temps, celui qui ne convoite plus ce qui est
« même que je vis dons la chair », a-t-il dit de la terre? Un cœur de diamant serait en
ailleurs, a je vis dans la foi ». Je le répète vain mille fois frappé; rien ne l'entame : ainsi
donc aujourd'hui même, continue-l-il «Je : Paul! « Je vis», nous dit-il, « non plus moi »,
«vis! non, ce c'est plus moi qui vis, c'est c'est-à-dire, non plus le vieil homme, selon
Jésus-Christ qui vit en moi ». Tel doit être ce qu'il dit ailleurs : « Malheureux que je
le chrétien Je ne vis pas, dit l'aj/ôtre, de la
: suis 1 Qui me délivrera de ce corps de
vie commune. Comment donc vivez -vous, a mort? » (Rom. vu, 24.) Répétons -le donc :
ô bienheureux Paul? N'est-ce point, comme vit-il fait rien pour l'ali-
encore celui qui ne
nous, du soleil que vous voyez? de l'air que ment, pour le vêtement, pour aucune chose
vous respirez? des aliments qui servent à de la vie présente? II faut avouer qu'un
vous nourrir? Vos pieds, comme les nôtres, ne homme de cette trempe ne vit plus de la vie
foulent-ilspoint la terre? N'a vez-vous besoin naturelle. Il est mort vraiment, celui qui n'a
pi de sommeil, ni de vêlements, ni de cbaug^ aucun souci des choses de la vie. Nous qui fal-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE III. 2i

sons tout pour elle, nous vivons de cette vie Il prévient l'objection suivante : Si votre vie
misérable Paul n'en vivait plus, puisqu'il ne
;
est ailleurs,pourquoi Jésus-Christ vous laisse-
s'occupait plus des soins de ce bas monde. Com- t-il ici-bas? «C'est pour le fruit de mon tra-

ment vivait-il alors? — Comme certaines per- «vail», répond-il. Ainsi nous pouvons user
sonnes dont nous disons Un tel n'est plus là! : même de la vie présente, mais comme il faut
c'est-à-dire il ne fait rien de ce qui peut m'ai- devant Dieu, et non comme la plupart des
der ou m'intéresser. Nous ajoutons même : hommes. 11 parle ainsi pour que personne

Pour moi, ne vit plus.ilQuant à saint Paul, — ne calomnie la vie actuelle, et ne dise Puis- :

loin de repousser la vie naturelle, il dit ex- que nous n'avons rien à gagner ici-bas, pour-
pressément ailleurs « Maintenant que je vis : quoi ne pas nous soustraire à l'existence par
« dans la chair, je vis dans la foi du Fils de une mort volontaire? Jamais, dit-il; car
a Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré pour nous avons à gagner même sur la terre, si
moi » (Gai. ii, 20), c'est -à- dire, je vis d'une nous ne vivons pas de cette vie, mais d'une
vie nouvelle et toute différente de la vie vul- autre bien plus digne. Quoi demandera quel- !

gaire. qu'un vivre en ce monde rapporte aussi


:

3. Et toutes ses paroles vont à consoler les son fruit? Certainement, dit l'apôtre... Où
Philippiens Ne craignez pas, leur dit -il,
: sont maintenant les hérétiques '? Vous l'en-
que je puisse être dépouillé en perdant la vie : « tendez: s Vivre dans la chair, c'est o, dit-il,

puisque vivant même, je n'ai plus la vie pré- «produire du par mon travail». Ha
fruit

sente, mais celle que Jésus-Christ voulait pour dit « de mon travail » , mais comment vient
les siens. Dites-moi, l'homme qui méprise la ce fruit? « Si je vis dans ma chair, je vis
nourriture autant que la faim et la soif, qui « de la foi » : c'est de là que vient le fruit du
dédaigne dangers, santé, délivrance, vit-il en- travail.
core de cette vie ? Celui qui ne possède rien «Et je ne sais que choisir». Dieul quelle
ici-bas, et voudrait souvent faire le dernier admirable philosophie Comme il avait abjuré !

sacriQce, s'il le fallait, sans jamais lutter pour tout désir de la vie présente, sans vouloir tou-
sauver ses jours, celui-là vit-il de cette vie ? tefois la calomnier D'un mot « Mourir c'est
I :

Bien sûr, non. «un gain», il renonçait au désir; par un autre


Mais il faut éclaircir ce point par un exem- mot « Vivre dans la chair c'est fructifier par
:

ple évident. Voici un individu qui regorge de a le travail », il montre aussitôt que la vie pré-
richesses, d'or, de serviteurs, mais qui n'en sente est une nécessité. Et comment? Si nous
use jamais avec toute sa fortune est-ce un
: en usons pour porter du fruit; car si elle est
riche? Non. Supposez qu'il voie ses enfants, stérile, elle n'est pfus la_vie. Un arbre qui ne
vagabonds et dissipateurs, semer son or au porte point de fruit nous est un objet d'aver-
hasard, et qu'il n'en ait point souci ; ajoutez, si sion tout comme un tronc sec, et nous le je-
vous voulez encore, qu'on le frappe sans qu'il tons au feu. Ainsi la vie est du nombre de ces
se plaigne : direz-vous qu'il est dans les ri- biens neutres et indifférents c'est à nous de :

chesses? Non, quoiqu'il en soit le véritable la faire ou bonne ou mauvaise. Ne haïssons


propriétaire. — Tel était Paul : « Vivre, pour point la vie car nous pouvons la mener noble
:

a moi » , dit-il, « c'est Jésus-Christ »; si vous et belle. Quand même d'ailleurs nous en use-
voulez connaître ma vie, c'est Lui seul 1 rions mal, nous n'avons pas le droit de la ca-
Et mourir m'est un gain ». Pourquoi?
« lomnier. Pourquoi ? Parce que le crime n'est
Parce qu'alors je le connaîtrai de plus près pas la vie, mais le choix de vie que font ceux
dans sa beauté, et que même je serai avec lui. qui abusent de la vie. Si Dieu vous accorde de
Mourir ainsi, est-ce autre chose que parvenir vivre, c'est afin que vous viviez pour lui ; mais
à la vie ? C'est tout le mal que feront sur moi puisque vos vices s'accommodent d'une vie de
ceux qui me tueront ils m'enverront vers : péché, toute la responsabilité en retombe sur
ma vie, ils me délivreront de celle-ci, qui ne vous par votre fait.
me convient pas. — Mais quoi? Tant que vous Mais qu'ajoutez-vous, bienheureux Paul?
êtes ici-bas, n'êtes- vous pas à Jésus^Christ? « Vous ne savez que choisir ?» Ce passage
Tout au contraire, car a Si demeurer plus :

« longtemps dans ce corps mortel, fait, fnicli- * Les prédicateurs du suicide : il s'eu rencontrait à cette époque qui
le prêchaient au nom de la religion, comme il s'en voit aujourd'hu!
a fler mon travail, je ne sais que choisir [22) ». qui l'approuvent au nom de la raison.
a TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË;

nous révèle un grand mystère : l'apôtie était res mais ceux-là seulement qui meurent dans
;

muîlre de son sort, puisque avoir le choix leurs iniquités à eux, nos lamentations, nos
:

c'est être maître ne sais


de l'avenir. — a Je gémissements, nos larmes car enfin dites- ; ,

« que choisir », dit-il ainsi tout dépend de : moi, quelle espérance reste-t-il encore, quand
vous? Sans doute, répond-il, si je veux deman- on s'en va, chargé de péchés, vers ce lieu où il
der celle grâce à Dieu. n'est plus possible de dépouiller . le péché?
Je me trouve pressé des deux côtés, ayant Du moins, tant que dura leur séjour ici-bas, il
«Je désir (23) »... Remarquez la tendresse restait une grande espérance peut-être se :

paternelle du bienheureux. Il veut encore ainsi convertiraient-ils Ils pouvaient s'amenderl


I

les consoler, en leur faisant comprendre que Une fois partis pour l'enfer, ils n'ont rien à
son avenir est remis à son choix, qu'il ne dé- attendre de la pénitence même. « Qui, ô mon
p.'nd pas de la malice des hommes, mais de la « Dieu », s'écriait le prophète, o qui vous glo-
providence de Dieu. Pourquoi donc , conti- « rifiera dans l'enfer? » (Ps. vi, 6.) Comment

nue-t-il,vous chagriner de cette idée de la ne pas pleurer ces misérables?


mort? mieux aurait valu qu'elle m'eût enlevé Pleurons donc ceux qui meurent ainsi je ;

longtemps, «car être dégagé des liens


dc'jtuis ne vous le défends pas; pleurons non pas 1

«du corps et habiter avec Jésus-Christ, c'est toutefois au mépris des bienséances, sans
bien le meilleur». nous arracher les cheveux, sans nous dénuder
« Mais il est plus utile pour votre bien que les nous déchirer le visage, sans
bras, sans
«je demeure en cette vie (24) ». Autant de revêtir de sombres livrées, mais en silence,
paroles qui les préparaient à supporter géné- mais avec les pleurs amers de notre âme. On
reusement la mort qui un jour Irapperait l'a- peut bien pleurer avec amertume, sans y
pôtre ; autant de leçons de haute sagesse. « Il mettre cet appareil, sans en faire un jeu pu-
« est bon d'èlre dégagé des liens du corps et blic: car c'est vraiment un jeu d'enfant, que la
« d'être avec Jésus-Christ ». Car la mort elle- douleur de quelques personnes. Ces gémisse-
même du nombre des choses indiflérentes.
est ments en pleines rues ne partent pas dun
Le malheur n'est point de mourir c'est de , vrai chagrin, mais c'est pure montre, ambi-
souffrir après la mort un juste châtiment. Le tion, vanité ! bien des femmes même en font
bonheur, non plus, n'est point de mourir, c'est métier! Pleurez avec amertume, gémissez
d'èlre avec Jésus-Christ après votre trépas. Ce dans votre demeure, sans témoin ce sera une :

qui suit la mort, voilà le bien ou voilà le mal. véritable compassion, qui même vous devien-
4. Ainsi ne pleurons pas en général ceux qui dra salutaire. Qui pleure ainsi sérieusement
meurent et n'ayons non plus tant de joie
, en conséquence, à mériter d'autant
s'étudie,
pour ceux qui survivent. Que ferons - nous moins un si l'cdoutable malheur vous en con- ;

dune? Pleurons sur les pécheurs, soit qu'ils cevez d'autant plus de crainte du péché à
meurent, soit qu'ils vivent. Réjouissons-nous venir.
sur les justes, soit qu'ils vivent, soit qu'ils Pleurez les infidèles pleurez ceux qui leur
;

meurent. Les premiers sont déjà morts tout ressemblent et sortent de ce monde sans avoir
vifs ; les autres même moissonnés par la
, connu la lumière, sans avoir été marques du
mort, vivent loujoiu-s. Les uns, môme habi- sceau de la foi. Voilà ceux qui méritent et vos
tant ce monde méritent la compassion de
, gémissements et vos larmes. Ils sont exclus
tous, puisqu'ils sont ennemis de Dieu les au- ; de la cour céleste, avec les damnés avec ,

tres, même après le départ sans retour, sont ceux dont l'arrêt est prononcé. « En vérité, si
bcureux ils sont allés à Jésus-Christ. Les pé-
: « quelqu'un nerenaît pas de l'eau etdu Saint-
cheurs, quelque part qu'ils soient, dans ce a Esprit, il n'entrera pas dans le royaume ce»
monde ou dans l'autre, sont loin de leur roi «leste ». Pleurez les riches qui meurent au
et par conséquent dignes de pitié. Mais les jus- sein de leur opulence, sans avoir fait servir
tes, ici-bas ou au ciel, sont avec leur souve- leurs richesses à la consolation de leurs âmes ;

rain et bien plus heureux encore là-haut,


, ceux qui avaient l'occasion de laver leurs pé-
parce qu'il le voient de plus près, non plus chés, et qui ne l'ont point voulu. Oui, ceux-là,
dans un reflet, non plus dans la foi, mais, que chacun de nous les pleure en public et
Paul le dit, face à face. en particulier, mais sans jamais nous écarter
^^;n, tous ks morts ne doivent pas être pleu- des bienséances , mais en gardant toujours la
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE III. 23

gravité, mais en évitant de nous ridiculiser. universalité sont englobés les brigands , les

Pleurons-les non pas seulement un jour ou violateurs de sépultures, les voleurs, et tant
deux, mais toute notre vie : ainsi continuent d'autres pervers chargés de crimes sans nom-
les larmes, quand elles ne coulent pas d'une bre ? C'est que peut-être leur conversion s'en
émotion insensée, mais d'un amour véritable suivra. Comme donc nous prions pour des
et pur. Quant aux pleurs de folle tendresse, ils vivants en tout semblables à des cadavres, ainsi
sont bientôt scellés, tandis que ceux qu'inspire permis de prier pour les défunts.
est-il

la craintede Dieu sont intarissables. Job autrefois offrait des sacrifices pour ses en-
Pleurons ainsi nos morts, et secourons-les fants, et obtenait le pardon de leurs péchés Je :

de tout notre pouvoir. Préparons -leur quelque « crains», disait-il, o qu'ils n'aient péché dans

consolation, si faible qu'elle soit, mais qui leur cœur ». Voilà vraiment consulter les in-
puisse être vraie et efficace. Comment? Par térêts des siens. Loin de dire, comme le répè-
quel moyen? Prions pour eux, faisons prier, tent aujourd'hui la plupart des hommes : Je
pour eux continuellement versons l'aumône leur laisserai des richesses Loin de dire 1

aux pauvres. Toujours ainsi leur procurerons- J'amasserai pour eux la gloire loin de dire I :

nous quelque consolation. Ecoutez Dieu même J'achèterai pour eux quelque commandement,
qui dit « Je protégerai cette ville, et pour
: quelques terres que dit-il? J'ai peur que leur
;

«moi-même, et pour David mon serviteur». cœur n'ait péché Quel avantage, en effet, pro-
!

Si le seul souvenir d'un juste a eu cette puis- curent en définitive toutes ces propriétés atta-
sance, que ne pourront pas des œuvres accom- chées à ce bas monde ? Aucun. Le Roi, le su-
plies en faveur des morts? prême Roi et ses miséricordes, voilà ce que je
Aussi n'est-ce pas en vain que les apôtres veux leur laisser, certain qu'avec Lui, rien ne
nous ont laissé la coutume et la loi : vous sa- peut leur manquer. Car « le Seigneur me
vez que, d'après eux, dans nos saints et redou- « nourrit », a dit le prophète, « et rien ne ma

tables mystères, il doit être fait mémoire des a manquera ». Magnifique fortune, riche tré-
défunts. Ils savaient quel avantage, quel bien sor I Si nous avons la crainte de Dieu , nous
immense ce souvenir devait leur procurer. n'aurons besoin de rien ; sinon, eussions-nous
Dans le moment, en effet, où tout le peuple gagné un royaume, nous serions encore les
fidèle, uni au corps sacerdotal, debout, les plus pauvres des hommes. Rien n'est grand
bras étendus, offre le redoutable sacrifice, comme celui qui craint Dieu, a Est-ce qu'en
comment Dieu ne serait-il pas fléchi par les a effet » , dit la Sagesse, « cette crainte» du Sei-

prières que nous adressons en leur faveur? gneur a nepas placée au-dessus de tout ?»
s'est

Car nous parlons de ceux qui sont morts dans Ah! sachons donc l'acquérir; faisons tout pour
la foi. Les catéchumènes n'ont aucune part à sa conquête, fallût-il rendre à Dieu notre der-
ces consolantes prières privés de tout autre
;
nier souffle, fallût -il livrer notre corps aux
secours, il leur en reste un ^cependant, un tourments : que rien au monde ne nous fasse

seul, et lequel ? C'est que nous fassions pour reculer faisons tout pour gagner cette crainte
:

eux l'aumône aux pauvres leur pauvre âme


:
salutaire. Ainsi devriendrons-nous plus riches

en recueillera quelque bienfait. que personne ici-bas ; ainsi atteindrons-nous

Dieu veut, en effet, que nous nous prêtions encore les biens à venir, en Jésus-Christ Notre-
mutuellement secours. Pour quel autre motif Seigneur, avec lequel soit au Père et au Saint-
nous aurait-il commandé de prier pour la paix Esprit, gloire, puissance, honneur, mainte-
et pour la tranquillité publique? Pourquoi nant et toujours, et dans les siècles des siècles.
pour tous les hommes? lorsque dans cette Ainsi soit-ii.
,

24 ÎHADLCTIOiN FRAiNÇAISE DE SAI^'T JEAN CIIKYSOSTOME.

HOMÉLIE IV.

}£ DÉSIRE QUE LES Ll£>'3 DE UON CORPS SE BRISENT POUR ÊTRE AVEC JÉSUS-CHRIST. (V. 23.)

Analyse.

1 et 2. Eloge magnifique de saiiit Paul ; il désire la mort, et accepte par charité la vie, la vie qu'il nous dépeint si dure, et si corn-
promenante pour le saUit. Paul comparé au soleil. —
Son plus grand bonheur est la joie et la vertu des Philippiens.
3. Son VŒU, qu'ils soient unis par la charité un seul cœor^ une seule Âme.
: —
Son but, qu'ils soient sans peur et se préparent i
tous les sacrifices.
4et5. La charité, c'est l'homme; c'est presque Dieu, ou tout au moins, c'est rimilalion de sa bonté. — La miséricorde sera notre
juge : nous serons traités comme nous aurons traité les autres.

Rien de plus heureux que l'âme de saint


4. a les tribulations, les nécessités, les afflictions,

Paul, parce qu'aussi rien n'était plus géné- «les plaies, les prisons, les séditions, les

reux. De nos jours au contraire et de nous


, , jetines, la continence (Il Cor, vi, 4, 5) ;
par
tous ou peut dire rien n'est plus faible par
: , cinq fois » , dit-il, « j'ai reçu trente-neuf
suite rien n'est plus misérable. Nous avons acoups de fouet ; trois fois j'ai été battu de

tous horreur de la mort, les uns, et je suis «verges, une fois lapidé; une nuit et un
du nombre, parce que le poids et la multitude « jour au fond de la mer ;
périls des fleuves,

de leurs péchés les accable; les autres, et « périls des brigands, périls daus la cité, pé-
puissé-je n'en être jamais , parce qu'à tout « rils dans la solitude ; périls de la part des
prix ils veulent vivre et voient dans la mort a faux frères». (II Cor. xi, 24-26.) — Et quand
le souverain mal. L'homme animal seul peut toute la nation des Galales avait fait un triste

éprouver cette peur. Eh bien ce 1 qui nous retour vers la loi deMo'ise, ne vous entendait-
fait horreur, Paul , Paul
le désirait s'y atta- on pas crier o Vous qui cherchez la justice
:

chait, et ses paroles en font preuve : «Etre «légale, vous êtes déchus de la grâce?»
a dissous , c'est bien le meilleur 1 et moi (Gai. v, 4.) Alors, combien ne fut pas profonde

je ne sais que choisir ! » Que dites-vous? votre douleur? — Et c'est cette vie si chan-
Sijr d'émigrer de cet exil vers le ciel, silr geante que vous regrettez ?
de posséder Jésus -Christ, vous ne savez D'ailleurs, quand bien même ces traverses
que choisir? Ah nous sommes loin de com-
1 ne vous seraient i)oint arrivées; quand même
prendre l'âme de Paul. El qui donc, si pa- vous auriez saintement joui de vos saintes œu-
reille condition lui était présentée sérieuse- vres, ne deviez-vous pas, par crainte d'un ave-
ment , n'y souscrirait avec empressemeut ? nir incertain, entrer enfin dans un port quel-
Pour nous, il n'est en notre pouvoir, ni de conque de salut? Où est le marchand qui ait
mourir, pour aller avec Jésus-Christ, ni de comblé son vaisseau d'incalculables trésors,
demeurer en celte vie mais l'un et l'autre ; et qui, libre d'entrer au port et de s'y reposer,
dépendaient de saint Paul, telle était sa vertu. préférerait être battu des vagues ? Quel athlète,
— Que dites- vous donc, bienheureux apôtre? pouvant recevoir la couronne, préférerait des-
Vous savez, vous êtes assuré que vous serez cendre dans la lice, et présenter encore sa
avec Jésus-Christ, et vous hésitez a Je ne sais I tète aux coups meurtriers? Est-il un général

c que choisir » , dites-vous 1 y a plus, vous


II qui , pouvant dire adieu aux combats avec
préférez rester ici, je veux dire dans votre gloire, et vivre heureux au palais avec le sou-
chair. Et quel est votre attrait? Est-ce que vous verain, choisira de suer encore et d'affronter la
n'avez pas toujours mené une vie bien rude, bataille ?
endurant veilles, naufrages, faim et soif, nu- Comment donc, astreint à cette vie si dure,
dité, soins, inquiétudes? inQrme avec les désirez-vous demeurer sur la terre ? N'avez-
infirmes, dévoré de zèle et d'ennui pour ceux vous pas prononcé vous-même « Je crains :

qui se laissaient prendre aux scandales? 11 « qu'après avoir prêché aux autres moi- ,

uous rappelle, en cllet, la o graude patience^ « même je ne devienne un réprouvé ? »


.

COMMENTAIRE SURL'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. -HOMÉLIE IV. 23

(1 Cor. IX, 27.) A défaut d'autre motif, celui-ci bouche il comble d'une joie ineffable les anges
devait suffire à vous faire désirer la déli- eux-mêmes. Car si telle est la joie du ciel quand
vrance. Votre vie humaine aurait -elle été un seul pécheur fait pénitence, comment Paul
comblée d'un ineffable bien-être, qu'encore n'aurait-il pas rempli de bonheur toutes les
alors vous deviez en désirer le terme , à cause puissances célestes? Que dis-je, en effet? Il
de Jésus-Christ, objet de vos vœux ardents. suffisait de la parole de Paul pour réjouir et

grande âme de Paul que rien n'égala ni ,


faire tressaillir le ciel. Car si au départ des ,

n'égalera jamais Vous craignez à bon droit


1 Israélites de .l'Egypte les montagnes bondi- ,

l'avenir, en restant au monde des périls sans ; rent comme des béliers, quelle allégresse de-
nombre vous environnent, et vous refusez vait exciter cette glorieuse assomption des
néanmoins d'être avec Jésus-Christ? — Eh 1 hommes, de la terre au ciel? Il ajoute donc :

sans doute ,
je refuse ,
pour Jésus - Christ Rester dans la chair est plus utile à cause
même; je lui ai préparé des serviteurs, je « de vous »

veux les affermir dans son amour j'aime à ;


2. Et nous, mes frères, quelle sera l'ex-
assurer les fruits du champ que j'ai ense- cuse (de notre lâcheté?) On rencontre très-
mencé. M'avez-vous entendu? J'ai dit que je souvent des hommes modestes que le sort a
cherchais les intérêts du prochain et non les placés dans quelque petite et chétive cité, et
miens j'ai dit que j'aurais voulu être ana-
1 qui n'en veulent point sortir, parce qu'ils pro-
thème pour Jésus-Christ, afin de lui gagner fèrent leur repos à tout le reste : Paul, pou-
un plus grand nombre de fidèles Après avoir I vant aller à Jésus-Christ, a refusé Jésus-
choisi l'anathème, ne dois-je pas plus facile- Christ, ce Jésus qu'il désirait et aimait, jus-
ment encore choisir le dommage d'un retard, qu'à demander à cause de lui l'enfer et l'ana-
la souffrance d'un délai, pour accroître deux thème, il a préféré rester et souffrir dans la
autres chances du salut? lutte pour le bien des hommes. Quelle sera
« Qui racontera vos puissances d ( Ps. cv, donc notre excuse, à nous? Faut-il donc uni-
2), ô mon Dieu, qui n'avez pas laissé dans quement louer Paul? Or, remarquez sa —
l'ombre ce grand Paul, et qui avez bien vou- manière d'agir pour persuader aux Philip-
lu montrer à l'univers un tel homme ? Les piens de ne pas trop s'affliger de mourir, il
anges vous ont loué d'un concert unanime, leur a dit qu'il valait mieux passer en l'autre
quand vous eûtes créé les astres et le soleil : monde que de rester en celui-ci ; ensuite il
mais plus ardentes furent leurs louanges leur montre que s'il reste ici-bas, il y reste à

quand vous avez montré, à nous et au monde, cause d'eux et en dépit de la malice et des
le bienheureux Paul En ce jour-là, notre terre
1 pièges de ses ennemisi- Et , pour les mieux
efiaça les splendeurs du ciel, elle brilla par convaincre, il leur expose le motif expressé-
lui d'un plus vif éclat que cette lumière du ment. S'il le faut je demeurerai absolument,
soleil; elle lança par lui de plus beaux rayons. et non content de demeurer, je a demeurerai
Quelle riche récolte il enfanta parmi nous, « avec vous » . C'est le sens formel de ces pa-
non pas en fournissant aux épis leur aliment, roles : xaï (TU(i.TCafa(;.svû ,
je VOUS Verrai et reste-

aux arbres leur nourriture mais en créant le , rai avec VOUS ; et pour quelle raison ?
fruit même de la piété, en lui imprimant vie a Pour votre avancement et la joie de votre
et force, en ressuscitant mémo souvent les « foi ». Ces paroles les invitent à veiller sur
cœurs flétris Car ce soleil ne peut guérir et
1 eux-mêmes. Si je reste pour vous, semble-t-il
refaire sur les arbres leur branche ou un fruit dire, gardez-vous de déshonorer mon séjour
gâté. Paul, au contraire, a rappelé du péché, volontaire; car appelé à voir déjà mon Dieu,
des hommes accablés de mille plaies. Le so- le seul espoir de votre avancement me décide
leil à chaque nuit se retire Paul fut toujours : à rester. C'est parce que ma présence contri-
vainqueur du démon i-ien au monde ne le ; bue tout ensemble à votre foi et à votre joie
renversa rien ne le put vaincre. Placé au
, que j'ai choisi de demeurer ici-bas. Que —
sommet des cieux, l'astre des jours envoie ses veut-il dire? Ne restait-il que pour le bonheur
rayons sur nos basses régions Paul, au con-
: des Philippiens? Sans doute, ce motif n'était
traire, part d'en bas, et non -seulement il pas le seul mais, en parlant ainsi, il voulait
;

remplit de ses lumières l'intervalle qui sépare les encourager. Et comment ceux-ci devaient-
le ciel d'avec la terre, mais dès qu'il ouvre la ils avancer dans la foi? C'est moi, répond-il,
M TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qui veux vous y affermir de plus en plus, vous soit résolu de ne pas revenir à Phih'ppes; mais
qui êtes semblables à une couvée récemment quand même mon retour n'aurait pas lieu,
éclose dont les ailes ne sont pas encore for-
,
dit-il, et bien qu'absent ,
je puis être content

mées, et qui ont besoin jusque-là des soins de vous.


maternels. — Une grande charité se révèle 3. « Si j'apprends que vous êtes fermes dans
ici. C'est ainsi que nous-mêmes nous réveil- a l'unité d'un même esprit, d'une seule âme».
lons le zèle de personnes endormies. Allons, C'est là, en effet, le principe de la commu-
leur dirions-nous, c'est pour vous que je suis nion des fidèles, le principe qui contient la
resté, pour vous rendre meilleur I charité elle-même. Aussi Jésus - Christ lui-
Afin qu'étant de retour chez vous, je même prie : « Pour qu'ils soient un », (Jean,

a trouve de nouveaux sujets de me glorifier XVII, 11.) Car, ajoute-t-il, «un royaume divisé
eu Jésus-Christ ». Vous voyez que l'expres- a contre lui-même ne subsistera pas ». (Matih.
sion <rjuLr«pa(j.tvw a bicu Ic sens que j'ai indiqué. XII, 25.) De là, toujours dans saint Paul ces
Mais appréciez l'humilité de Paul. Comme il exhortations à l'union des cœurs et des pen-
a dit : Je reste « pour votre avancement b , il sées. De là cette définition du divin Sauveur :

ajoute qu'il le fait aussi dans son propre in- a Tous reconnaîtront que vous êtes mes liis-
térêt; c'est la même pensée qui lui faisait «ciples, si vous vous aimez les uns les au-
écrire aux Romains « Je veux dire pour être : a très ». (Jean, xiii, 35.)

a aussi ccn-olé en vous voyant » , aussitôt Gardez-vous , dit saint Paul , de rester en-
après avoir dit « Pour vous faire quelque
: dormisen attendant que j'arrive, et de différer
a part de la grâce spirituelle ». (Rom. i 12.) , jusqu'au jour de mon arrivée si attendue, jus-
— Mais (luel est le sens précis de ces mots : qu'à l'heure où vous me reverrez, et d'en
« Pour que votre glorification abonde ?» Il faire dépendre votre ferveur ou votre tié-

veut dire Pour que les justes sujets de vous


: deur '. Je puis, par ouï-dire, être aussi con-
glorifier se multiplient; par suite Afin que : tent de vous. Que veut dire ce terme : « En
votre foi grandisse et se fortifie : car une vie a un seul esprit?» dans la même Il signifie
sainte donne seule droit à être glorifié en grâce, grâce de concorde, grâce de ferveur.
Jésus-Christ. Entendez ainsi l'unité d'esprit, puisque ces
Ainsi a votre glorification en moi » redou- expressions se prennent souvent en ce sens.
blera mon arrivée chez vous?» Sans doute,
d par Avoir le même esprit c'est aussi n'avoir ,

a car quelle est mon espérance? Où sera ma qu'une âme ainsi l'unité d'âme marque la
;

« glorification? N'est-ce pas vous qui faites ma concorde, et plusieurs âmes sont dites n'en
gloire comme moi la vôtre?» (ITiiess.ii, 19; faire qu'une. Telle était la primitive Eglise.
II Cor. I, 14.) Ou plus clairement Donnez- : « Tous les fidèles », dit l'écrivain sacré, «n'a-
moi sujet d'être encore plus heureux et plus a valent qu'un cœur et qu'une âme». (Act.
glorieux de vous ? Et comment? a Qu'en vous IV, 32.)
« abonde la raison d'être glorifié! » car je trou- a Combattant tous ensemble pour la foi de
verai d'autant plus sujet de gloire, que vous a l'Evangile». Puisque la foi subit comme un
ferez plusde progrès. — a Par mon retour chez combat, combattez aussi entre vous; est-ce là
«vous». Qu'est-ce à dire? L'apôtre leur re- ce qu'il veut dire? Evidemment non, car les
vint-il? Je vous laisse à résoudre le problème chrétiens ne sclivraicnt |)oint de combats; le
de son retour. sens est Aidez-vous muluellement dans le
: ,

a Ayez soin seulement de vous conduire combat qui se livre pour la foi de l'Evangile.
«d'une manière digne de l'Evangile de Jésus- a Et que vous ne soyez en rien effrayés par

« Christ (27)». Pourquoi ce mot « Seule- : a les adversaires : ce qui est le sujet de leur
« ment? » c'est équivalemment leur dire : Je « perte , et la cause de votre salut ». Effrayés,
ne vous recommande qu'un point, et rien au mot vrai
c'était le ; c'est tout ce que peut faire
delà. Si vous y êtes fidèles, mal ne peut vous l'homme ennemi : il effraie, — a En rien o,
arriver. ajoute-t-il : quoi qu'il arrive, par conséquent,
Afin que soit que je vienne et que je vous en face des périls , en présence des complots.
c revoie, soit même
absent de chez vous, je * Deux leçons contraires se lisent dans les manuscrits, et nous les

«connaisse votre manière d'être». Il parle Tons fait soupçonner dans la traduction < Gardez de m'attendra :

• pour bien agir ; gardez de a« plaa vouloir agir, al voua ne me ce-


ainsi, non pas qu'il ait changé d'avis, et qu'il t voyiez plusl >
, ,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE f^^ i1

A ce courage on reconnaît l'intrépidité


, Us : compte, soumis aux mêmes épreuves que
ne peuvent qu'effrayer, rien de plus. Vrai- — leur apôtre.
semblablement, en effet, les Philippiens étaient « Comme vous m'avez vu», dit-il, et non
fort troublés des tribulations infinies que su- par ouï-dire seulement : car il avait combattu
bissait l'apôtre. Je ne vous dis pas seulement chez eux , dans la ville même de Philippes, :

Gardez-vous d'être ébranlés; j'ajoute, ne trem-^< >'oilà la preuve d'un grand courage. Au reste,'
blezpas; allez même jusqu'à les mépriser. Si Paul rappelle volontiers ces faits. Ainsi : —
vous arrivezàcettedispositiond'âme, vousdon- aux Galates a Quoi vous avez souffert ainsi : !

nez la preuve évidente et de leur perte et de « inutilement, si toutefois c'est inutilement! »


votre salut. Aprèss'être convaincus qu'ilsauront (Gai. Hi, A.)— Aux Hébreux : a Or, rappelez
épuisé mille moyens pour vous perdre , sans a en votre mémoire ce premier temps, où après
pouvoir même vous effrayer, ils auront acquis « avoir été illuminés par le baptême, vous avez
par là même la preuve évidente de leur ruine. « soutenu de grands combats dans les diverses
Persécuteurs en effet, sans pouvoir triom-
, a afflictions, ayant été d'une part exposés de-

pher de leurs victimes; organisateurs de com- a vaut tout le monde aux injures et aux mau-
plots vaincus par ceux mêmes qu'ils tiennent a vais traitements ; et de l'autre , ayant été les
en leur pleine puissance, ne comprendront-ils a compagnons de ceux qui ont souffert de
pas clairement, à cet insuccès, et leur ruine, a semblables indignités ». (Hébr. x, 32.)
et leur Impuissance, et la fausseté comme la — Aux Macédoniens c'est-à-dire aux Thessa- ,

faiblesse de leurs moyens et de leurs croyan- loniciens Tout le monde raconte quel a été
: a

ces? Il continue: o Et cet avantage vient de a le succès de notre arrivée parmi vous » et ;

a Dieu ; car c'est une grâce qu'il vous a plus bas a Vous n'ignorez pas vous-mêmes
:

« faite non-seulement que vous croyez en


, a mes frères ,
que notre arrivée vers vous n'a
a Jésus-Christ mais aussi de ce que vous
, a pas été vaine et sans fruit ». (I Thess. i,

« souffrez pour lui (29) ». 11 les rap- — 9 et II, rend à tous et toujours le
1.) Et il

pelle de nouveau à la sainte modestie rap- , même témoignage de luttes et de combats.


portant tout à Dieu , et témoignant que C'est là ce qu'on ne trouverait plus chez
souffrir pour Jésus-Christ c'est une grâce, , nous bienheureux, si nous trouvons par
:

une faveur , un don du ciel. Et ne rou- hasard quelque sacrifice d'argent, bien que sur
gissez pas de cette grâce; elle est bien plus ce point même et en ce genre de sacrifices
admirable que le pouvoir de ressusciter les Paul leur paie aussi un tribut d'éloges lors- ,

morts et d'opérer tout autre miracle. Avec ce qu'il dit des uns « Vous avez souffert avec :

dernier pouvoir, je suis le débiteur de Jésus- a joie le pillage de vos biens » (Hébr. x, 34);
Christ ; mais par la souffrance en son nom — et à d'autres « La Macédoine et l'Achaïe
:

je fais de Jésus-Christ mon débiteur. Donc « ont résolu de faire une collecte poi'î': les pau-
loin d'en rougir , il faut vous en réjouir : c'est a vres » (Rom. xv, 26); ailleurs enfin : —
une grâce! Saint Paul appelle grâces et a Votre exemple » de charité a a excité le
dons nos vertus elles-mêmes , comme toutes «même zèle dans l'esprit de plusieurs ». (H
les autres faveurs gratuitesbjen qu'il y ait , Cor. IX, 2.)
une différence. Ces dernières viennent tout 4. Entendez-vous quels éloges méritaient les
entières de Dieu seul dans les autres nous ; , premiers chrétiens ? Ah nous sommes loin de 1

avons notre part. Mais compie dans la vertu , supporter comme eux jusqu'aux soufflets et
même la part de Dieu est la plus grande il
, , aux coups, nous n'endurons pas même les ou-
la lui rapporte en entier, non pour renverser trages ni les pertes d'argent. Saintement rivaux,
notre libre arbitre mais pour rappeler à ses , martyrs courageux étaient tous de vrais , ils
disciples l'humilité et la reconnaissance. soldats à la bataillemais nous comme nous :

a Vous trouvant dans les mêmes combats sommes devenus froids pour Jésus-Christ l

où vous m'avez vu... (30) », c'est-à-dire, Me voici réduit encore à faire le procès de
vous avez reçu l'exemple. Et toutefois, c'est mon époque. Que résoudre, enfin? Je ne vou-
encore un éloge qu'il leur adresse. Car partout drais pas accuser, et j'y suis contraint. Si
il montre qu'en tout semblables à lui et avec , mon silence, si le soin de ne point redire
lui , ils subissent mêmes combats , supportent de tristes faits ,
pour détruire les graves
mêmes assauts ,
jusque chez eux et pour leur abus que chaque jour voit éciore je
,
i6 TRADUCTION FRÂNÇ-USE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

n'aurais qu'à me taire. Mais si le contraire a les hommes ? les bêtes mêmes nous inspirent
lieu, si notre silence, loin de détruire le mal, la piété ; tant la pitié surabonde en nous ; la
ne fait que l'aggraver, il faut parler. Celui qui se vue même d'un lionceau non émeut combien :

porte accusateur du crime, n'eùt-ilpointd'autre plus celle de nos semblables Hélas disons- ! ,

succès, aura du moins celui d'en suspendre les nous parfois :voyez donc que d'aveugles! que
progrès. Car si impudente si hardie que soit , d'estropiés 1 Nous savons que cette réflexion
une âme à force d'entendre des reproches
, suffit pour exciter en nous la compussion.
continuels il ne se peut que la honte enfin
, Rien ne plaît à Dieu autant que la miséri-
ne l'arrête et ne rabatte un peu de sa malice corde. Aussi l'huile servait à la consécration
excessive. Un reste, oui, un faible reste de des prêtres , des rois et des prophètes , parce
honte et de pudeur habite encore dans une que l'huile était regardée comme l'emblème
ûme effrontée. C'est un sentiment naturel que de la miséricorde de Dieu. Elle rappelait aussi
celte honte, et Dieu l'a gravée dans nos cœurs. que le chef,premier entre les hommes,
le
Puisque la crainte filiale ne suffisait pas pour a besoin plus que personne d'être compatis-
nous contenir, sa bonté divine nous a préparé sant; et l'onction montrait assez que l'esprit
plusieurs autres motifs d'horreur pour le mal. de Dieu descendrait en lui pour le rendre
Ainsi le blàine de nos semblables la crainte , ainsi miséricordieux. Dieu, en effet, a pitié
des lois humaines, l'amour de la gloire, le des hommes et les traite avec bonté. «Vous
besoin d'amitié autant de mobiles qui nous
: avez pitié de tous», dit l'Ecriture, a parce
déterminent à ne point pécher. Souvent ce , « que vous pouvez tout ». (Sag. xi, 24.) Telle
qu'on ne ferait pas pour Dieu , par honte on était la raisonde l'onction. Le sacerdoce lui-
le fait; ce qu'on ne ferait point par crainte de même de par Dieu, une institution de
était,
Dieu on le fait par crainte des hommes.
, miséricorde. Les rois aussi recevaient l'oucliou
L'important est premièrement d'éviter le de l'huile et quand on fait l'éloge d'un souve-
;

péché l'éviter en vue de Dieu est un degré


; rain, on ne peut en trouver qui lui convienne
de perfection auquel nous nous élèverons mieux que la clémence : le propre de la souve-
plus tard. En effet, pourquoi saint Paul, exhor- raineté est, en effet, la miséricorde.
tant les fidèles à vaincre leurs ennemis par la A la miséricorde même sachez-le , nous ,

patience, n'emploie-t-il pas, pour les persua- devons la création du inonde, et imitez votre
der, la crainte de Dieu, mais l'idée du supplice Seigneur a La miséricorde de l'homme »,
:

qu'ils attireront sur ces méchants ? « En faisant est-il dit, s'exerce sur son prochain celle :

a ainsi », dit-il, a vous amasserez sur sa léte de Dieu se répand sur toute chair ». (Eccl.
des charbons de feu b. (Rom. xii, 20.) l'arce xviii, 12.) Sur toute chair, qu'est-ce à dire?
qu'il veut déjà, en attendant, leur faire faire C'est que justes ou pécheurs, nous avons tous
ce premier pas dans la vertu qui consiste à besoin de la miséricorde de Dieu tous nous ,

épargner son ennemi. en jouissons, s'appelàt-on Paul, Pierre, Jean.


Nous avons donc, comme je l'ai avancé, Au reste, qu'esl-il besoin de nos paroles?
nous avons en nous un principe de pudeur, écoutons plutôt ces grands saints. Que dit
ainsi que d'autres motifs naturels et honnêtes notre bienheureux a Mais j'ai obtenu misé- :

de vertu. Tel est cet instinct de la nature, qui a ricorde, parce quej'aiagi .lansfignorance».
nous porte à compatir c'est bien le plus no- ; (I Tim. I, 13.) Mais quoi? n'eut-il pas dans la
ble qui habite en notre cœur. On pourrait suite besoin de miséricorde? Ecoulons-le :

même demander pourquoi notre humanité pos- a J'ai travaillé plus ([u'eux non pas
tous ,

sède de préférence cette faculté de se briser à a moi, mais la grâce de Dieu avec moi d.
l'aspect des larmes, de se laisser fléchir, d'é- (I Cor. XV, dO.) — Et parlant d'Epaphrodite :

prouver un penchant à la miséricorde. Par « 11 a été malade jusqu'à de\oir mourir » ,

nature, en effet, personne n'est brave; par mais Dieu a lui a fait miséricorde, non-seu-
nature, personne n'est insensible à la vanité; leinent à lui, mais à moi aussi, pour que
par nature, personne n'est supérieur à l'envie. «je n'eusse pas chagrin sur chagrin». (Philip.
Mais il est dans notre nature à tous de com- II, 27.) —
El ailleurs a Nous avons été affli- :

patir à la souffrance; l'homme le plus cruel, a gés au-delà de nos forces, tellement que la
le plus féroce éjirouve encore ce senliment. « vie même nous était à charge. Mais nous
El quoi d'étonnant, si nous le montrons envers « avons eu dans nous-mêmes une réponse de
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE iV. ^


omort, aQn que nous ue soyons plus con- corde : « Vous sauverez, Seigneur », s'écrie le

« fiants en nous, mais en Dieu qui nous a Prophète, a les animaux ».


hommes et les

a délivrés de tant de morts et qui nous en dé- (Ps. XXXV, 7.) Dieu a regardé le monde, et l'a

livrera ». (Il Cor. i, 8-10.) Et enfin : a J'ai rempli d'êtres vivants pour qui? Pour vous; :

été délivré de la gueule du lion ; le Seigneur et vous-mêmes, pourquoi vous créa-t-il ? Par
« encore me délivrera». (II Tim. iv, 17.) Ainsi sa bonté.
partout nous le trouvons se glorifiant d'une Rien n'est comparable à cette huile de la
seule chose c'est qu'il a trouvé le salut par
:
miséricorde. Elle est la cause et l'aliment de
miséricorde. la lumière ici-bas et plus haut. « Un jour»,
5. Tel était aussi Pierre , objet d'une si en effet, dit le Prophète, a votre lumière écla-
grande miséricorde et Jésus-Christ le lui
, « tera comme l'aube du matin » (Isaïe, lviii,

avait signifié par cet oracle «Voici que Satan : 8), si vous pratiquez la miséricorde envers le

a a demandé de vous cribler, comme le fro- prochain. Et ce sera justice : comme l'huile

oment; mais j'ai prié pour toi, afin que ta alimente phare qui éclaire les navigateurs,
le

«foi ne défaille point». (Luc, xxu, 31.) Saint Jean ainsi pour l'autre vie l'aumône nous allume
de même n'était ce qu'il était que par misé- et nous procure une grande et admirable

ricorde, ou pour mieux dire, tous les apôtres, lumière. Cette huile, Paul en parlait souvent
puisque Jésus-Christ leur disait : « Ce n'est et grandement. Ecoutez-le nous dire tantôt :

pas vous qui m'avez choisi c'est moi qui ai ;


« Seulement souvenons-nous des pauvres n I

a fait clioix de vous ». (Jean, xv, 16.) En effet, (Gai. II, 10.) Tantôt a S'il vaut la peine, j'irai
:

nous avons tous besoin de la miséricorde de a moi-même ». (I Cor. xvi, 4.) Partout, tou-
Dieu o La miséricorde de Dieu », dit l'Ecri-
: jours, en toute manière, cette vertu fait l'ob-

ture, « est sur toute chair ». jetde sa sollicitude. C'est ainsi qu'il dit en-
Si de tels hommes ont eu besoin de la mi- core a Que les nôtres aussi apprennent à
:

séricorde de Dieu, que dirons-nous des au- « surpasser tout le monde par les bonnes œu-
tres? Quelle autre cause, dites-moi, fait lever a vres » ; et ailleurs : « Toutes ces choses sont
le soleil bons et sur les méchants ? Si
sur les a bonnes et utiles aux hommes » . (Tit. m, 14,
pendant une année seulement elle enchaînait 8.) Ecoutez un autre écrivain sacré : a L'au-
les pluies, le genre humain tout entier n'au- e mône délivre de la mort ». (Tob. xii, 9.)
rait-il pas péri? Et qu'arriverait-il si Dieu « Seigneur », dit un autre Prophète, a Sei-
multipliait les orages, s'il faisait tomber le feu a gneur, si vous écartez votre miséricorde
en pluie, les moucherons en nuées ? Mais que a qui donc pourra subsister ?» Et encore :
dis-je? Qu'il amène seulement la nuit conti- a Si vous entrez en jugement avec votre ser-
nuelle, comme il l'a fait déjà, tous les hom- a viteur ». (Ps. cxxix, 3 et cxui, 2.) Et enfin :

mes B€ seront-ils pas perdus? Qu'il secoue la « Une grande chose , c'est l'homme une ;

terre, tous ne devront-ils pas périr? « Qu'est- a merveille d'honneur, c'est l'homme miséri-
ce que », ô mon Dieu, a pour que
l'homme a cordieux ». (Prov. xx, 6.)
a vous daigniez vous souvenir de lui? » (Ps. Faire miséricorde, c'est tout l'homme, di-
VIII, 5.) L'heure n'est-elle pas venue de dire, sons mieux, c'est déjà Dieu. Voyez quelle est
qu'une simple menace de Dieu contre la terre la puissance de la divine miséricorde. Elle a
suffit pour que tous les hommes ne soient plus fait toutes choses, et spécialement elle a créé
qu'un tombeau ? « Ce qu'est une goutte d'eau le monde anges eux-mêmes, tout cela,
et les
dans l'urne, les nations le sont à ses yeux, je le répète, par le seul effetde sa bonté. Il
a elles ne sont pour lui qu'un peu d'écume, ne nous a menacés de l'enfer qu'afin que nous
o qu'une inclinaison d'une balance». (Isaïe, possédions son royaume, et ce royaume aussi
XL, 15.) Autant il nous est facile d'imprimer nous le devrons à la miséricorde. Pourquoi
le mouvement à une balance, autant il lui est Dieu, bien qu'heureux dans sa solitude, a-t-il
aisé de tout anéantir et de tout refaire à nou- voulu donner l'existence à tant de créatures ?
veau. Puisqu'il nous tient dans sa main avec N'est-ce pas par bonté? n'est-ce pas par
une telle puissance, et que chaquejour ilnous amour? Oui, si vous demandez pourquoi telle
voit l'offenser sans nous punir, ne nous sup- créature, pourquoi telle autre, de toutes parts
porte-t-il pas dans sa miséricorde? Les ani- vous découvrirez la bonté divine.
maux mômes sont et stibsist^nt par sa miséri- Ayons danc pitié du prochain, a.^m que suf
30 TRADUCTION FMNÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

nous aussi s'exerce la divine pitié. C'est autant livra aux exécuteurs cet être inhumain, jus-
pour nous que pour lui que nous provoquons qu'à complet paiement de sa dette. Après une
la miséricorde l'tieure suprême du jugement
;
telle leçon, soyons donc miséricordieux pour

doit sonner alors que menacera ce feu


;
nos débiteurs, soit d'argent, soit de péché :
effroyable, la miséricorde se trouvera prête à que chacun oublie les injures, à moins que
l'éteindre, prête aussi à nous ouvrir le règne par hasard il ne préfère se blesser lui-même,
de l'étemelle lumière. Grâce à elle, nous se- puisque, en ne pardonnant pas, vous faites
rons délivrés des flammes de l'enfer; grâce à moins de tort à l'adversaire qu'à vous-même.

Iiicii
'• . nous ouvrira son sein miséricor- Si vous le punissez, Dieu ne le punira pas; si
.ifii\. t.1 iiourquoi aura-t-il à notre égard des vous lui pardonnez, ou bien Dieu le punira,
iiitraïUesde pitié? Ah c'est que la charité, 1 ou bien il vous remettra vos péchés. Comment
l'amour se prouve par la miséricorde. Rien donc osez-vous espérer le royaume céleste, si
n'irrite le Seigneur autant qu'un cœur vous ne pardonnez pas aux autres? Evitons un
fermé à la pitié. Un jour, on lui offrait un si grand malheur que de perdre le ciel re- ;

iiomme qui lui devait dix mille talents ; tou- mettons à tous, car c'est remettre à nous-
ché de compassion, il lui remit sa dette. Mais mêmes pardonnons pour que Dieu nous par-
;

des que ce méchant se prit à saisir à la gorge donne nos péchés, et qu'ainsi nous puissions
son compagnon de service pour lui faire payer gagner ces biens à venir, etc.
une dette de cent deniers, aussitôt le Seigneur

HOMELIE V.

SI DONC IL Y A QUELQUE CONSOLATION EN JÉSUS-CDRIST,


T A QUELQUE CONSOLATION DANS LA CHA- S'iL

BITÉ; SI l'LNION des ESPRITS ET DES CŒURS, SI LA MISÉRICORDE A CHEZ VOUS


SI LA TENDRESSE,
QUELQUE EMPIRE, RENDEZ MA JOIE PARFAITE, EN VOUS TENANT PLUS UNIS ENCORE DE PENSÉE, D'AUB,
DE SENTIMENTS. (CHAP. Il, l-i.)

Analyse*

1. Il les invite k l'unité de cceur, an nom des motifs les plus sacrés de la religion. —Il les détourne de l'orgueil par d'instantet
prières ; élope de riiumililé.
2 et 3. L'orgueil, paàslun riilicule et injuste devant Dieu. — Exemples d'bumilité dans Josepb, Daniel et les saints apAlres.

1. On n'est pas meilleur, on n'est pas plus nous attachons le plus haut prix. Si cette fa-
tendre que ce Docteur spirituel ; aucun père veur n'avait pour nous une valeur incompa-
selon la nature ne montre une plus grande rable, nous ne voudrions pas la recevoir seule
alluction. Remarquez |ilutôt quelle prière en retour de tout ce qui nous est dû, nous ne
notre bienheureux adresse aux Philippicns dirions pas qu'à elle seule elle représente tout
pour leurs plus chers inléréis. Car il les exhorte le reste. Toutefois, de notre côté, ce sont tou-
à la concorde, source de tous les biens, et que jours des bienfaits temporels que nous allé-
ne dit-il abondant qu'il est véhé-
pas? Qu'il est ! guons : un père
dira par exemple à son fils :

ment ! sympathique Repre-


qu'il est tendre et ! Si tu as quelque respect pour ton père, s'il te
nons ses paroles a S'il y a quelque consolation
: souvient encore de ton éducation si coûteuse,
a en Jésus-Christ », oui, si vous avez en lui si lu me gardes quelque amour, si tu as mé-

quelque consolation ;c'eslcommes'il disait Si : moire encore de l'honneur du nom que je t'ai
vous avez pour moi quelque égard, si vous me légué et du bon vouloir que je t'ai montré, ne
portez quelque amitié, si je voas ai rendu quel sois pas l'ennemi de ton frère en un mot, ;

que service, faites ce que je demande. Cette — pour tous ces bienfaits je te demande ce seul
figure de langage nous est familière, quand acte de reconnaissance. Du côté de Paul , la
D0U8 voulons obtenir une faveur à laquelle prièreest bien différente; il ne leur rappelle
, ,.

COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE V. 31

aucun motif charnel, mais tous motifs spiri- charité, encore : rendre l'a-
c'est donner et

tuels. Voici en effet, ce qu'il. dit


, Si vous : mour au même , de la
degré. Si vous jouissez
voulez me donner quelque consolation dans part d'autrui , d'une charité vraiment grande,
mes épreuves, et quelque rafraîchissement en gardez-vous de lui en témoigner une moindre,
Jésus-Christ; si vous voulez me témoigner en et par là de vous montrer avare. S'il est des

quelque chose votre charité, et l'union intime, gens de cette trempe, gardez-vous de leur res-
l'union et la communauté d'âme avec moi ;
sembler.
si vous avez des entrailles et quelque senti- « Soyez unanimes » Une seule âme, semble- .

ment de miséricorde , mettez le comble à ma t-il dire, doit non par


animer tous vos corps ,

joie. une fusion de substance puisque c'est impos- ,

« Si vous avez des entrailles de miséri- sible mais par une communion de volontés
,

« corde». La miséricorde envers Paul, c'est et d'idées comme si une seule âme comman-
;

d'après lui-mêmela concorde entre ses disciples; dait tous vos mouvements. Qu'est-ce à dire en-
montrant que sans cette concorde parfaite, les core, « unanimes ?» Il l'explique en ajou-
dangers sont extrêmes. Si donc continue-t-il, , tant N'ayez qu'une manière de sentir ; il
:

je dois attendre de vous quelque consolation; voudrait que le sens etla pensée de tous ne

si j'ai droit à quelque preuve touchante de fussent qu'un , comme produit d'une seule
votre affection ; si je puis prétendre à une com- âme.
munauté d'âme avec vous; si, dans le Sei- Rien par esprit de contention ». Il nous
«

gneur, nous ne faisons qu'un si vous me ; fait cetteprière et nous l'explique en ajoutant:
devez quelque miséricorde et quelque compas- Rien par un esprit de contention a et de vaine
sion , montrez ,
par votre charité mutuelle a gloire », lequel je vous le dis , est la cause
,

comment vous payez toutes vos dettes ; car de tous les maux de là , en effet combats et
; ,

j'ai tout retrouvé , si vous vous aimez les uns discordes de là jalousies et luttes acharnées
; ;

les autres. de là ce refroidissement de la charité suite ,

Comblez ma joie ». Voyez comme, tout fatale et de notre ambition pour la gloire hu-
en les pressant, il que se garde de faire croire maine, et de notre servilisme à l'égard de ceux
ses chers disciples aient abandonné le devoir. qui la dispensent l'homme asservi à cette
:

Il ne dit pas « Faites », il dit


: a Comblez ma : gloire charnelle ne sera jamais le vrai servi-
,

«joie » c'est-à-dire, vous avez commencé à


; teur de Dieu. —
Mais comment échapper à ce
semer les bien faits sur moi; vous m'avez donné désir de vaine gloire? Paul, vous n'en avez pas
de quoi vivre en paix, mais j'aime à vous voir encore indiqué le moyen. Ecoutez les paroles
pousser jusqu'au bout. Que désirez-vous — qui suivent: a Que chacun, par humilité, croie
donc^apôtre?Faut-ilvousdélivrerdevoschaî- a les autres supérieurs à soi-même ». Dieu !

nes? Faut-il vous envoyer encore quelque quelle maxime de haute sagesse et d'admirable
aumône? —
Je ne demande rien de pareil, utilité pour le salut vient-il de nous exposer I
répond-il mais seulement que « vous ayez
: Si vous admettez , dit-il que tout homme ,

« un seul esprit , ayant cette même charité », quel qu'il soit , est plus grand que vous ; si
dans laquelle vous avez débuté « n'ayez ; vous en êtes persuadés ; ou plutôt, si non con-
« qu'une âme, qu'une pensée ». Dieu comme I tents de le dire, vous en avez la pleine convic-
sa tendresse extrême toujours réclame la tion, volontiers vous lui rendez honneur, loin
même vertu I de vous indigner des honneurs qu'on lui rend.
Oui , a que vous ayez les mêmes pensées », Au reste, ne le regardez pas seulement comme
disait-il d'abord mais plutôt , ajoute-t-il
; plus grand que vous ; voyez en lui a un su-
a une seule pensée
» ; car les paroles qui sui- « périeur », parole qui montre une grande
vent vont jusque-là a Pensant une seule et : prééminence, et dèslors, le voyant honoré, vous
a même chose », c'est son expression, plus n'éprouverez ni tristesse, ni colère; s'il vous
forte encore que « pensant la même chose ». outrage , vous patienterez généreusement
a Ayez une seule et même charité », c'est-à- puisque vous reconnaissez sa grandeur s'il ;

dire, ne l'ayez pas seulement dans la foi, ayez- vous insulte vous l'endurerez; s'il vous mal-
,

la en tout et toujours. Car nous pourrions traite vous le supporterez en silence. Qu'une
,

avoir entre nous une même pensée, une même bonne fois votre âme soit pénétrée delà convie
croyance et n'avoir pas la charité, o La même » tiou qu'il est plus grand que vous dès lora. :
Si TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

il aura beau vous maltraiter, elle sera inacces- alors tu dois être reconnaissant, et non enflé
sible à l;i colère , à la jalousie. Nul n'oserait de vanité. C'est l'ingratitude au premier chef,
envier le sort de ceux dont la supériorité est que cette démence d'esprit et elle détruit et ;

écrasante; on subit tout, comme conséquence méconnaît la générosité du bienfaiteur. En


naturelle d'une supériorité avouée. s'élevant on le fait pour s'attribuer le mérite
,

2. Telle estgrandeur d'âme que nous en-


la de la bonne œuvre et en s'atlribuant ce mé- ;

seigne l'apôtre. Que si votre frère, à son tour, rite on prouve son ingratitude envers celui
,

dil-il objet de tant d'honneur de votre côté


, ,
de qui on a reçu ce bienfait. As-tu quelque
revèi à votre égard les mêmes sentiments, bien? Rends-en grâces à l'auteur de tout bien.
siM.gi'Z quelle sûreté acquerra votre mutuelle Ecoute ici la parole et de Joseph et de Daniel.
bienveillance ainsi munie comme d'un dou- Le premier sort de prison, par ordre du roi
ble rempart. Tant que vous garderez, en effet, d'Egypte en présence de toute sa cour ce
;

l'un pour l'autre, ce profond respect, tout prince l'interroge sur un point où la sagesse
imiilcnt fâcheux est impossible. Car s'il suffit, Egyptienne, malgré son habileté en ces sortes
pour anéantir toute rivalité, que d'un seul de question était restée muette Joseph vase
, ;

cùie déjà l'on rende à l'autre partie cet lion- montrer bien supérieur en tout; il va mani-
ni'iir, quand il est rendu de part et d'autre, fester une science qui efface astrologues, de-
qui pourra faire brèche à une si solide fortifi- vins, thaumaturges, magiciens, et sages de
cation? L'assaut est impossible au démon lui- toutesorte, bien qu'il ne soit qu'un enfant sorti
même l'enceinte est triple, quadruple, in-
; à peine de prison et d'esclavage. La gloire n'est
comparablement fortifiée. que plus grande, en pareille circonstance,
L'humilité, en effet, est la cause de tout puisque autre chose est qu'un homme illustre
bien, de toute vertu. Pour l'apprendre mieux déjà brille une fois de plus, autre chose qu'un
encore, écoulez « Si vous aviez
le prophète : inconnu se révèle; moins on soupçonnait la
«voulu un vous l'eusse offert,
sacrifice, je réponse qu'il allait faire, plus il en devait être
ô mon Dieu mais les holocaustes ne peu-
;
admiré. Or, que dit Joseph présenté à Pha-
a vent vous plaire. Le vrai sacrifice à Dieu, raon? Répond-il Oui je sais toutl Tant s'en
: 1

a c'est un esprit pénitent Dieu ne méprisera : faut. Quoi donc? sans influence de personne,

ojimaisun cœur contrit et humilié ». (Ps. uniquement inspiré par sa profonde recon-
I., 19.) Le |)roi)liéte ne vent pas simplement naissance, que dit-il enfin? « N'est-ce pas à

l'humilité, il lui faut un degré avancé d'hu- a Dieu qu'appartient semblable interpréta-
milité « Un brisement ». De même que dans
: a tion? » (Gcn. xl, 8.) Voyez comme il s'em-
un objet matériel une partie broyée ne peut presse de rendre gloire à Dieu, et comme Dieu
lutter contre un corps solide mais qu'elle se , aussitôt le glorifie lui-même par une faveur ,

détruit à chaque coup qui lui est porté avant qui doit compterdans l'appréciation delà vraie
même de lui avoir rendu le choc, ainsi en est- gloire. Car il est bien plus beau pour lui de
il d'une âme vraiment humble elle choisira : recevoir le don d'interprétation par la révéla-
les mauvais traitements et la mort même, plu- tion de Dieu que d'y arriver par son effort
,

tôt que d'attaquer, plutôt que de se venger. personnel, outre que les paroles de Joseph lui
Ah ! jusqu'à quand respirerons-nous cet es- gagnaient la confiance publique, et devenaient
prit d'orgueil si ridicule? Quand nous voyons un témoignage irrécusable de sa familiarité
de pauvres enfants s'emporter, s'enfler, jus- avec Dieu. Or, aucun bien n'est comparable à
qu'à s'armer de pierres jusqu'à les lancer, le ,
cette divine familiarité. Car, dit saint Paul,
rire nous prend or tel estl'orgueilderhomme,
;
B si l'homme est justifié par ses propres œu-
il vient de la puérilité et de la sottise. « Pour- a vres, il mais non pas devant
en a la gloire,

« quoi la terre et la cendre s'élèvent-elles d'or- a Dieu ». (Rom. iv, 2.) Celui, en effet, qui a

gueil? » (Ecclés. x, 9.) Tu conçois des pensées trouvé grâce devant Dieu, se glorifie aussi
orgueilleuses ô homme Pourquoi? Dans
, 1 devant Dieu , parce qu'il est aimé de lui, puis-
quel intérêt, dis-moi? D'où vient cette hau- que sa bonté a daigné se rapprocher d'une
teur envers tes semblables? N'es-tu donc plus créature pécheresse. L'homme de ses œu-
de même nature qu'eux? N'ont-ils pas une vres au contraire trouve la gloire, mais non
, ,

âme comme toi ? une âme qui a reçu de Dieu pas comme l'autre, la gloire devant Dieu :

)a même gloire ? — Tu es un sage ? je le veuxj preuve certaine de notre grande misère ! —


. .

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILÎPPIENS. - HOMÉLIE V. 3â

Combien est plus admirable celui qui reçoit ment différents. Autre est l'humiiité, autre

de Dieu la sagesse! Il rend gloire à Dieu, il en le servihsme, l'adulation, l'esprit rampant.

reçoit la gloire en retour. « Car je glorifie », Voulez-vous de tout cela des exemples frap-
dit-il ceux qui me glorifient »
, a pants? Les contraires parfois sont étrangemen'
Mais écoutons un des descendants de Josei)h, rapprochés, comme l'ivraiedu froment, comm(
un sage que personne n'a surpassé, puisqu'il est la rose des épines; un enfant s'y laisse trom-
écrit « Etes-vous donc plus sage que Daniel ? »
:
per ; mais l'homme fait, celui qui est habile

(Ezéch.xxvni, 3.) Ce Daniel devait partager le dans la culture spirituelle, saura distinguer le
sort de tous les sages qui avec lui étaient à Baby- bien d'avec le mal. Et, tenez; proposons à vos
lone astrologues, devins, magiciens, faiseurs
: réflexions quelques exemples tirés des sainter>
de prestiges; toute l'école de sagesse était non- Ecritures mêmes.
seulement réprouvée mais déjà exécutée la , : Qu'est-ce que flatterie, servilisme, espril
peine capitale prononcée contre eux tous par rampant? Siba profite d'un mauvais moment
le roi, prouvait assez qu'il se regardait comme pour David et accuser son maître Achi-
flatter ;

trompé de longue date. Daniel donc se présente tophel fait pis encore auprès d'Absalon. David
au roi, pour résoudre la question proposée; ne leur ressemble pas, il est humble. Les trom-
loin de se donner à lui-même un regard com- peurs sont nécessairement flatteurs, comme
plaisant, il commence par reporter à Dieu ces mages de Babylone, qui s'écrient «Vive :

tout honneur « Ce n'est pas dans la sagesse


: a le roi dans les siècles » Saint Paul, dans les
!

que je posséderais plus qu'aucun autre Actes, par exemple, discute avec les juifs, sans,
homme que révélation m'a été faite, ô
,
jamais les flatter, mais aussi sans oublier l'hu-.
prince!... Alors le roi adora Daniel et dit: milité. Il sait parler avec liberté : «Mes frères»,,
« Qu'on fasse venir les victimes et les offrandes! dit-il, «je n'ai rien fait ni contre la nation, ni
(Dan. n, 30.) Avez-vous compris tant d'humi- « contre les coutumes de nos pères, et cepen-
lité, cette reconnaissance, ce caractère ennemi « dant enchaîné à Jérusalem et livré à
j'ai été
de tout orgueil? « la justice». (Act. xxviii, 17.)Et pour mieux
Ecoutez aussi le langage des apôtres, tantôt : reconnaître ici le langage de l'humihté, écoutez
«Pourquoi nous regardez-vous», disent-ils, comment il parle quand il veut les reprendre
« comme si c'était par notre
puissance ou notre avec force «C'est avec raison que l'Esprit-
:

a piété nous avons fait marcher cet


que « Saint a dit de vous Vous entendrez de vos
:

« homme?» Tantôt: a Et nous aussi», s'écrient- a oreilles, et vous ne comprendrez pas vous ;

ils, nous sommes des hommes mortels, sem- « verrez de vos yeux, et vous n'apercevrez pas »

blables à vous » (Act. m, 12 et xiv, 14.) Voilà


! {Act. XXV, 26.) Reconnaissez-vous là le cou-
comment ils répudiaient des honneurs spon- rage?
tanément offerts, ces hommes qui, grâce à leur Considérez encore avec quelle fermeté hé-
humilité en Jésus-Christ, grâce à sa puissance, roïque Jean-Baptiste traite. le roi Hérode «Il :

opéraient des prodiges plus grands que ceux « ne vous est pas permis d'avoir la femme de

de Jésus-Christ lui-même; car «celui qui « votre frère». (Marc, vi, 18.) Voilà la confiance,
croit en moi», avait-il dit, «fera de plus voilà la force! Ainsi ne parlait pas un Séméi :

grandes choses que moi-même je n'en fais» : a Sors » , criait-il à David, « sors, homme de
comment donc ne pas nous appeler des mal- « sang». (II Rois, xvi, 7.) Il parlait hardiment
heureux, des misérables, nous qui ne pour- sans doute; mais la hardiesse n'est pas le cou-
rions chasser je ne dis pas des démons, mais rage; ici, c'était audace, outrage, excès de
des moucherons, nous qui n'avons pas même langue. De même quand Jésabel insultait Jéhu :

le pouvoir d'obliger un de nos semblables, Voilà, s'écriait-elle, l'assassin de son maître!


bien loin d'être les sauveurs du monde entier, audace et non pas franchise. Elie aussi,
C'était
et qui cependant portons si haut nos pensées, mais par franchise et fermeté trouvait un vif ,

que le démon même n'atteindrait pas à notre reproche « Ce n'est pas moi qui trouble le
:

orgueil? «peuple; c'est vous et la maison de votre


3. Rien de plus étranger à l'âme chrétienne «père!» (111 Rois, xvin, 18.) Le même Elie
que l'orgueil. Je dis l'orgueil, et non pas la traitait avec une égale fermeté tout le peuple
franchise et le courage. Leur faux air de fa- réuni : « Pourquoi», disait-il, « boiter ainsi des
mille ne les empêche pas d'être essenlielle- deux jawbes et entre deux partis? » Frapper
S. I. Ch. - Tome XI,
34 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHHYSOSTOMÊ.

ainsi donnait la preme d'un franc parler, d'un misérables qui assassinèrent Isboscth ', crime

vrai courai^e. affreux pour lequel David les fit mourir.


Vous faut-il d'autres exemples à la fois d'hu- Enfin, pour abréger, définissons l'audace,
milité et de liberté? Entendez cette phrase de comme aussi la franchise et la force. La pre-
Paul :moindre souci que celui d'être
a C'est le mière a lieu quand on s'irrite, quand un re-
«jugé par vous ou par tout homme mortel; proche violent se fornuile sans une cause
« je ne voudrais pas me juger moi-même, car grave et juste, quand on se venge, (juand de
a bien que ma conscien«e ne me reproche toute autre injuste manière on s'emporte : la
« rien, jenesuis |)as pour cela justifié». (ICor. seconde se trouve à braver les périls et la
iv, 3.) Voilà les insjiirations qui conviennent mort, à mépriser les amitiés ou les ressenti-
aux chrétiens. Ajoutez-y celle-ci «Commentl : ments quand il s'agit de la volonté de Dieu.
« un d'entre vous, ayant une affaire litigieuse L'adulation et le servilisme se reconnaissent à
a un de ses frères, ose se faire juger
contre servir certaines personnes bien au-delà de
auprès des infidèles et non par-devant les leurs besoins et des convenances, par convoi-
«saintsl» (Ibid.) —
Préférez-vous connaître tise de quelque avaniage temporel; l'humilité

à quelle basse flatterie se dégradent les juifs se manifeste par les mêmes services, mais
insensés? Ecoutez ce qu'ils disent: «Nous n'a- qu'on rend uniquement pour des motifs agréés
a vons point d'autre roi que César». {Jean, xix, de Dieu l'homme humble descendant ainsi
;

15.) — Aimez-vous
mieux connaître l'humi- de sa dignité, pour accomplir une œuvre
lité? Ecoulez de nouveau les protestations de grande, admirable et parfaite.
saint Paul a Nous ne nous prêchons pas nous-
: Heureux, si nous savons, si nous pratiquons
a mêmes, nous prêchons Jésus Christ comme ces maximes I Les savoir, en effet, ce n'est pas
• Seigneur, et nous comme vos bcrvileurs en Jé- assez oCe ne sont pas ceux qui entendent la
:

« sus-Christ • . (Ibid.) — Voulez-vous voir, à l'é- a loi », dit saint Paul, o mais bien ceux qui la

gard du même homme, l'audace et la flatterie? «pratiquent, qui seront justifiés». (Rom.ii,
David subit l'audacieux langage de Nabal; et 13.)Bien plus la connaissance du précepte
bientôt la basse adulation desZiphéons; celui- vous condamne, quand les œuvres manquent,
là lui jetait des paroles de malédiction ceux- ; et la pratique du devoir. Abordons la pratique
ci le trahissaient, au moins par leur volonté aussi, afin de gagner la récompense, par la
et leur complot. — Verrez-vous plus volonliers, grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
non plus mais la sagesse en action?
l'adulation, Christ, etc.
Considérez David épargnant Saùl qui était
tombé dans ses mains. Vous plaît-il de — * Le manuscrit porte Uiphibosepb, eolt inadvertance de rorateur,
retrouver la vile flatterie? Rappelez-vous les •oit rauM dea copittet. (Note de> BéoédicUos.)

HOMELIE VI.

qu'os reconnaisse en vous les sentiments de JÉSUS-CIIRIST MÊME, QUI ÉTANT l'iMAGE DE DIEO..^
ET SON ÉGAL,... s'eST ANÉANTI EN PRENANT LA FORME DE SERVITEUR, ETC. ICDAP. II, 5-9.)

Analyse.
1-4. Exorde : Jésns-Chiist proposé par lui-même et par saint Paul comme modèle de charité. — Les ennemis de rincarnation
nommés, leurs hérésies dévoilées, leurs impiétés d'avantc réfutées par le texte de saint Paul.— Réfutation spéciale de Sabellius
el d'Arius. — Le Fils n'est pas un petit Dieu, inférieur au Père. —Jéstis-Clirisl a pu se croire Dieu, « sans rapine », puisqu'il

l'est : l'orateur profite de ce texte, pour établir à la fois la nature divine de Jésus-Christ, et l'essence de l'humilité. Il —
explique les mots : « In forma Dei ».
W. Judas perverti par l'avarice : craignons de succomber sous cette passion. — Mamraon et Jésus-Christ se disputent le monde.
— L'enfer au bout de l'avarice. Pourquoi l'orateur parle de l'enfer.

1. Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ veut et lui même, disant tantôt : «Ainsi ont-ils
élever ses disciples aux plus grandes vertus, « traité les prophètes qui ont vécu avant moi »,

il propose en exemple, les prophètes, son Père Tantôt : « Apprenez de moi que je suis doux »
. .

COMMENTAIRE SUR L'ËPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE VI. 33

(Malth. V, 12 ei xi, 29); el ailleurs : « Soyez d'un élan triomphal tous les chars et loiîs
« miséricordieux comme voire Père qui est les écuyers ses rivaux, et parmi ces véhicules
«dans le ciel » (Luc, vi, 36.)
. renversés, et au milieu de ses adversaires en-
Paul ne suit pas une autre méthode. Paur core sur le siège, arriver seul jusqu'à la
décider les Philippiens à la pratique de l'hu- borne, jusqu'à la barrière du combat, alors
milité, il met en scène Jésus-Christ et ce n'esV- ; que de toutes parts éclatent les applaudisse-
pas seulement pour celte vertu, c'est aussi ments, et que les clameurs s'élèvent jus-
pour expliquer la charité envers les pauvres, qu'aux cieux ; alors que le vainqueur, à qui
qu'il rappelle ce grand modèle en ces termes: la joie et les applaudissements semblent don-
Vous connaissez la grâce de Notre-Seigneur ner des ailes, achève avec ses coursiers de
«Jésus-Christ, qui pour nous s'est fait pauvre, parcourir le stade : combien plus n'éprouve-|
a lorsqu'il était si riche ! » (Il Cor. viii, 9.) Il rez-vous pas de bonheur, après qu'aidés de la:
n'est rien, en effet, qui excite une âme grande grâce de Dieu, nous aurons culbuté les ba-i
et sage à la pratique du bien, comme de lui machines de guerre)
taillons des hérésies ut les
taire comprendre que rendront
ses œuvres la du démon avec eux-mêmes, qui]
leurs écuyers
semblable à Dieu. Quel motif vaudra jamais ne seront plus ensemble qu'un monceau dei
celui-là pour décider une volonté? Paul le ruines?
savait, aussi pour amener ses lecteurs à I" hu- Mais, s'il vous plaît, plaçons en ordre toutesi
milité , il a commencé par les prier et par les ces hérésies. Quel ordre adopterons-nous , ce-<

conjurer; puis il a employé les paroles encou- lui de leur impiété, ou celui des temps? Sui-
rageantes: a Vous persévérez», disait-il, «dans vons plutôt celui des temps; car, au point de
« un seul esprit » ; et encore « Ce qui est une : vue de l'impiété , il serait difficile de les classer.
n preuve de leur perdition, et de votre salut b. Vienne d'abord Sabellius l'Africain. Que
(Philip. I, 27.) Mais il arrive enfin à son grand dit-il? « Père, Fils, Esprit-Saint, trois noms et
moyen de persuasion « Soyez dans la même
: « rien de plus, désignant une seule personne »
« disposition et dans le même sentiment où a été Marcion le Pontique nie la bonté de ce Dieu
Jésus-Christ qui étant dans la forme de Dieu,
,
qui a créé toutes choses; il ne veut pas qu'il
« n'a point cru que ce fût pour lui une rapi- soit père du Christ, qui est bon; il en imagine
« ne et une usurpation d'être l'égal de Dieu, un autre qui est juste, selon lui; quant au
«mais qui cependant s'est anéanti, prenant la Fils, il ne s'est pas incarné pour nous.
« forme de l'esclave (3, 6) » Marcel, Photin, Sophronius prétendentque
Mes frères, appliquez-vous, je vous en prie, le Verbe une « énergie » et que cette éner-
est ,

élevez vos âmes. Comme un glaiveà double tran- gie habite dans cet homme qui est né de la
chant, d&^uelque côté qu'il frappe, au milieu race de David, mais que ce n'est pas une sub-
même d'innombrables bataillons, lesrompt stance hypostatique. Arius le reconnaît comme
facilement et les détruit, parce que, tranchant Fils,mais de nom seulement. C'est une créature,
des deux côtés, il présente d'ailleurs sa pointe dit-il, etbien inférieure au Père. Les autres
à qui rien ne résiste : ainsi en est - il des pa- hérétiques refusent une âme à Jésus - Christ.
roles du Saint-Esprit. Oui, par la force de ces Voyez - vous tous les chars en ligne ? Consi-
paroles, les sectateurs d'Arius d'Alexandrie, dérez aussi leur ruine complète voyez bien ;

de Paul de Samosate, de Marcel le Galale, de comment Paul les choque et les renverse,
Sabellius l'Africain, de Marcion le Pontique, mais tous, vous dis-je, d'un seul coup, d'un seul
de Valentin, de Manès, d'Apollinaire le Lao- élan ! Et comment les a-t-il renversés ? « Pre-
dicéen, de Photin, de Sophronius, tous les hé- « nez en vous», dit-il, « les sentiments de Jé-
rétiques, sans exception, sont tombés sous les o sus-Christ, qui étant dans forme de Dieu a
la
coups de Paul, 8 cru, sans usurpation aucune, être l'égal de
Invités à ce noble spectacle de leur défaite, Dieu » . pour briser Paul de Sa-
C'est assez
conviés à voir toutes leurs phalanges abîmées mosate, et Marcel, Car il le dé-
et Sabellius.
d'un seul coup, réveillez-vous, pour ne pas clare « Jésus-Christ était dans la forme de
:

perdre un seul trait de ce spectacle divin. Car a Dieu ». S'il était dans cette forme, comment
enfin, si dans les courses des chevaux et des donc, impie, oses-tu dire qu'il a commencé
chars, le plus beau coup de théâtre pour vous en Marie, et qu'auparavant il n'était pas?
9i\ de voir un des vaillants ccuyers vaincre Comment encore ne serail-il qu'une « éner»
3(; TnAnmioN fuançaise de saïnt jean chrysostomë.

« gie? » Car dit « Dans la forme de Dieu»,


s'il : et un Dieu petit Voilà que vous introduisez
1

il Dans la forme d'esclave ». L'es-


dit aussi : « le paganisme dans l'Eglise. Chez les païens, en
clave en bonne forme, n'est-il que l'esclave effet, il y a petit et grand Dieu; en est-il de

en énergie, ou l'esclave en nature? Certaine- même chez vous? Je l'ignore. Dans les Ecri-
ment, réponds-tu, l'esclave formel, c'est l'es- tures, du moins, vous ne trouverez nulle part
clave en nature. Donc aussi la forme de Dieu, rien de pareil : partout le grand, nulle part
c'est la nature de Dieu, et non une simple un petit. Car dès qu'il est petit, comment
énergie». Ainsi succombent Marcel le Ga- est-il Dieu ? S'il n'y a pas, à vrai dire, d'hom-
lale, Sophronius et Pliolin. me d'homme grand, mais une seule
petit et
2. A Sabellius, maintenant. L'apôtre dit : nature d'homme si tout ce qui n'a pas cette
;

« Comme il était dans la forme de Dieu, il n'a nature, n'est pas homme, comment s'est-il
« pas cru que ce fût une usurpation pour lui, trouvé un Dieu grand et un Dieu petit en de-
a que d'être l'égal de Dieu ». Qui dit égal, dit hors de la nature divine? Qui est petit, n'est
égal à un autre régalilé ne peut se dire
: pas Dieu : car partout nos saints livres le pro-
d'une personne seule. Vous voyez donc ici la clament grand :«Le Seigneur est grand», dit
substance, l'hyposlase de deux personnes, et David, a et dépasse toute louange ». Il le dit
ron pas de vains noms qui ne s'appliquent du Fils aussi, car partout il l'appelle son Sei-
pas à des réalités. Par là même, le Fils uni- gneur. —
Ailleurs il s'écrie « Vous êtes :

que vous apparaît existant avant tous les siè- a grand, vous faites des merveilles, vous êtes
cles. Mais cela suffit contre ces adversaires. a le seul Dieu ». Et encore « Notre Seigneur :

Contre Arius, que dirons-nous? Il fait le a est grand, grande est sa puissance sa magni- ;

Fils d'une autre substance (jue son Père. — « ficence est sans limites ».{Ps. xlvu, 1; lxxxv,
Hérétique, réponds-moi que veut dire cette : 10; cxuii, 3.)
proposition : une forme d'esclave? »
« lia pris Tout cela se dit du Père, répliquent -ils; le
11 s'est fait homme, me répond-il. Donc aussi, Fils est petit. — Vous le prétendez, vous : mais
puisqu'il élait dans « une forme de Dieu », il contre votre dire, l'Ecriture affirme du Fils
élail Dieu; car dans les deux textes se trouve ce qu'elle prononce du Père. Ecoutez la pa-
cette expression de «forme». Si ce mot est role de Paul : a Nous attendons la bienheu-
vrai dans un cas, il l'est aussi dans l'autre: la reuse espérance, et l'avènement de gloire
forme d'esclave ici, c'est l'homme en sa nature • a du Dieu grand ». (Tit. ii, 13.) L'avénementI
donc aussi la forme de Dieu, c'est Dieu dans Est-ce du Père qu'on dit cela? Or, pour vous
sa nature. L'apôlre ne s'en tient pas là condamner mieux encore, il a ajouté L'avè- :
;

mais comme Jean l'Evangéliste, il atteste la nement a du Dieu grand». Cette phrase a-t-
parfaite égalité de .(ésus-Christ avec Dieu, et elle jamais été dite du Père? Jamais Au reste, !

nidiitre ([u'il n'est en rien inférieur au Père : ce qu'il ajoute ne permet point un tel sens :
n 11 n'a pas regardé comme une usurpation «L'arrivée du Dieu grand et notre Sauve' v,
dèlre l'égal de Dieu». « Jésus -Christ ». Voilà donc le Fils aussi
Toutefois, n'ont-ils pas ici quelque subtilité déclaré grand Comment parlez-vous donc
I

à nous opposer?Le texte, disent- ils, affirme pré- de grand et de |)etit? Ecoulez encore un —
cisément le contraire, puisqu'il dit :Ktant dans prophète qui l'appelle « L'Ange du grand :

la forme du Dieu, il n'a pas voulu être usur- conseil». Qu'est-ce que l'Ange du grand
pateur de la nature de Dieu. Mais s'il était — conseil? N'esl-il pas grand lui-même? Celui
Dieu même, comment pouvait-il ravirla nature qui est le « Dieu fort », ne serait pas grand,
divine? Se peut-il entendre un langage plus mais petit? Comment ces impudents et crimi-
absurde? Dirait-on jamais ceci, par exemple: nels sectaires osent-ils abuser des mots, jus-
iElant homme, il n'a pas ravi la nature hu- qu'à dire : Un Souvent je rapporte
petit Dieu ?
imainc? Qiiehm'nn pourrait-il ravir ce qu'il est leurs propres termes, pour que vous en ayez
css^nlicllumcnt? horreur. —
C'était un petit Dieu, disent-ils;
Vous ne comprenez pas, répond«nt-ils; en- et il n'a pas été jusqu'à usurper le même
tendez ainsi Le le texte : Fils étant un Dieu rang que le grand. —
Qu'est ceci ? dites-moi ;
moindre, n'a pas usurpé l'égalité avec le (cependant, n'allez pas croire que ces paroles
Dieu grand, avec celui qui est plus grand que absurdes soient de moil) Mais d'après leur
lui. — Ainsi, pour vous, il y a un Dieu gra.nd opinion, le Fils était petit, et bien inférieuf
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE VT: 3Ï

en puissance à son Père : dès lors, comment et pourquoi? c'est que la nécessité, l'impossi-

aurait-il usurpé avec Dieu le Père?


l'égalité ble empêche qu'on ne juge de sa volonté.
Une nature inférieure ne peut, quelque usur- Dites-moi encore vanterez-vous,: comme tran-
pation qu'elle fasse, devenir une nature supé- quille et paisible qui reste dans la
, le citoyen

rieure. Ainsi l'homme ne pourra jamais se vie privée, lorsqu'il ne pourrait aucunement
faire l'égal de l'ange; le cheval ne pourrait, s'emparer d'un pouvoir, d'un trône? Non
le voulût-il, arriver à être selon la nature égal encore, il n'y a pas place au mérite. Car le
à l'homme. mérite , sachez-le ignorants ne consiste pas
, ,

Mais, laissant cemoyen, j'ai une question à à s'abstenir en pareil cas, mais à pratiquer
vous faire. Par cet exemple de Jésus-Christ, son devoir. L'abstention ainsi entendue ne
que veut établir saint Paul? Vous me répon- mérite pas le blâme, mais n'arrive pas non
drez qu'il veut conduire les Philippiens à plus jusqu'à mériter l'éloge. Voyez jilutôt com-
l'humilité. Alors, pourquoi nous proposer ce ment Jésus-Christ lui-même motive la louange
modèle?Dès qu'on veut exhorter à l'humilité, des élus : «Venez, les bénis de mon Père;
on ne s'exprime pas ainsi. On ne dit pas : « possédez royaume qui vous a été préparé
le

Soyez humble, n'ayez pas de vous-même des « dès la création du monde; car j'ai eu faim,
sentiments aussi avantageux que de vos a et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif,
égaux prenez modèle sur cet esclave il ne
; ; et vous m'avez donné à boire ». (Matth.xxv,
s'est pas révolté contre son maître ; imitez-le ! 34, 35.) Il ne dit pas : Car vous n'avez pas désiré
A un tel propos, vous répondriez : Ce n'est le bien d'autrui ; car vous n'avez pas volé ; ce
pas là un type d'humilité Sa révolte serait de
1 serait trop peu de chose mais Vous m'aveîs ; :

l'arrogance 1 — Or, apprenez, impie, dont vu avoir faim, et vous m'avez nourri. Qui —
l'enflure est diabolique, apprenez ce que c'est donc a jamais parlé de la sorte de ses amis ou
qu'humilité. de ses ennemis ? Quelqu'un a-t-il jamais loué
En quoi consiste l'humilité? A n'avoir que Paul, mais que dis-je? Paull Quelqu'un a-t-il
d'humbles sentiments. Or, l'homme humble jamais fait d'un homme vulgaire l'éloge que ,

par nécessité n'a pas pour cela d'humbles vous, hérétique, vous faites de Jésus-Christ,'
sentiments ; le vrai humble s'humilie lui- quand vous dites Il n'a pas usurpé une di-
:

même. Je veux vous éclaircir ce point, appli- gnité qui ne lui appartenait pas? Louer —
quez-vous. Si, pouvant avoir des sentiments quelqu'un de cette façon, c'est lui donner cer-
élevés de soi-même, un homme n'en veut tificat de malice achevée. Pourquoi ? C'est qu'on

avoir que des idées modestes, il est humble donne ordinairement aux malfaiteurs des com-
de cœur. Mais quiconque n'a d'humbles pen- pliments négatifs, tels que celui-ci a Quece- :

sées que parce qu'il ne peut en avoir de ma- « lui qui volait, ne vole plus désormais ».'

gnifiquesT" n'est pas humble très -certaine- (Ephes. IV, 28.) On ne parle pas sur ce ton aux
ment. Par exemple que l'empereur se sou-
,
honnêtes gens. On ne s'avise pas de louer celui
mette à son sujet voilà l'humilité de cœur,
, qui n'a pas ravi une dignité qui ne lui apparte-
puisqu'il descend de son rang suprême; que nait pas : quelle folie serait-ce de le vanter ainsi ?
le sujet s'incline devant lui, au contraire, il D'ailleurs Mais appliquez-vous, je vous
n'est pas humble pour cela; car il ne s'est prie, mon
raisonnement se prolonge... Qui
pas abaissé d'une plus haute position. Il n'y a voudrait surtout de cette manière, exhorter
,

vraiment aucune place au sentiment de l'humi- à l'humiUlé? Un exemple ne doit-il pas tou-
lité, si vous ne pouvez même pas être humble. jours être plus grand et plus beau que la chose
Qu'un homme soit rabaissé malgré lui et par même, objet de votre exhortation? Ira-t-oa
nécessité, cette soumission, bonne en elle- jamais le prendre dans une sphère obscure et
même, n'est pas attribuable à ses sentiments, inférieure? Non. Voyez plutôt Jésus-Christ
à sa volonté , mais à la nécessité. Or Ta^ieivotfpo- exhortant à faire du bien même à ses enne-
Bûw, est un mot qui, par lui-même, dit abais- mis; il se sert d'un grand exemple, celui du
sement volontaire de l'esprit. Père « qui fait lever son soleil sur les bons et
3.Voudrez- vous dites-moi, louer pour son
, « sur les méchants, et tomber sa pluie sur le
amour de la justice , l'homme qui se contient 9 juste et sur l'injuste ». (Matth.v, 45.) Veut-il
dans les limites de ses propriétés mais qui , exhorter à la douceur, il se pose en exemj)le :

n'a aucun moyeu de ravir celle d'autrui? Non; « Apprenez de moi que je suis doux et hum-
âë ÏHADL'CTION FRANÇ.\1SE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOMË.

« ble de cœur» (Jean, xiu, 14); et ailleurs : rieur. S'il avait voulu prêcher simplement
« Si j'ai fait ainsi pour vous , moi votre Sei- l'obéissance, celle que des serviteurs doivent
« gneur combien plus devez
et votre Jlaître, à leur maître, à la bonne heure! Mais lors-
a vous le faire vous-mêmes? » (Mallli. xi, 29.) qu'il s'agit de conseiller à l'homme libre de
Voyez-vous quel modèle il choisit? Il ne faut s'abaisser devant libre, que peut l'homme
pas en effet qu'un modèle soit inférieur c'est : faire en pareil cas
soumission de l'esclave à la

là une règle que nous gardons nous-mêmes. son maître? de l'inférieur envers son supé-
Or, dans la question présente, l'exemple, rieur? — Aussi bien n'a-t-il pas dit que le
enlendu comme les héréti(|ues, n'approche plus petit obéisse au plus grand; mais obéis-
même pas du terme où il doit nous conduire. sez-vous les uns aux autres, bien que vous
Comment cela? C'est que, si vous me pro- soyez d'égale dignité, o Croyez les autres au-

posez un esclave comme modèle, c'est un être « dessus de vous Pourquoi n'a-t-il pas cité ».

inlérieur, soumis par droit à un plus grand plutôt l'obéissance imposée à la femme? Ainsi
que lui je n'y reconnais point d'Iiumililé.
: que la femme obéit au mari, aurait-il dit,
C'est le contraire que vous deviez faire; il ainsivous-mêmes obéissez. S'il n'a pas apporté
fallait nous montrer un plus grand obéissant l'exemple des époux, entre lesquels, après
à un plus petit. Mais comme l'apùlre ne trou- tout, se trouve égalité et liberté ; s'il l'a évité,
vait en Dieu rien de semblable je veux ,
parce qu'il s'y rencontre cependant une cer-
dire, une personne plus grande et une autre taine dépendance, combien moins aurait-il
moindre, il a établi leur parfaite égalité. mis en avant l'exemple de l'esclave? Au —
Si le Fils avait été inférieur au Père, son reste ,
j'ai commencé i)ar faire l'emarquer
exemple ne valait plus et ne pouvait servir à qu'on ne louera personne, qu'on ne voudra
saint Paul, pour connnander l'humilité. Pour- pas même citer qui que ce soit, pour le seul
quoi ? Parce qu'il n'y a pas d'humilité à ne mérite de ne pas être un criminel. Pour célé-
pas attaquer plus grand que soi, à ne pas usur- brer la chasteté d'un homme, on ne diraja-
per une dignité à obéir jusqu'à la mort.
, mais qu'il ne fut point adultère; on le van-
Souvenez-vous, d'ailleurs, d'une recom- tera, par exemple, de n'avoir pas usé même
mandation qui accompagne cet exemple. Saint de son épouse. S'abstenir d'actions honteuses
Paul disait tout à l'heure « Que chacun de : ne sera jamais à nos yeux un sujet de gloire ;
a vous par esprit d'humilité croie les autres la gloire ici serait ridicule.

« au-dessus de soi». —
nQue chacun croie », J'ai ajouté que
« la forme de l'esclave» était

dit-il; en effet, puisqu'à l'égard de la nature vraie, et rien moins que l'esclave lui-même :

vous êtes une même chose et que la grâce que , par conséquent que o la forme de Dieu » est
Vous avez reçue de Dieu vous rend tous égaux, parfaite et rien moins que Dieu. Mais pourquoi
l'humilité ne peut plus être que dans les sen- est-il dit, non pas qu'il a été fait dans la forme

timents. Mais quand il parle de plus petits et de Dieu mais qu' « il y était? » Cette expres-
,

de plus grands, il ne dit plus Supposez et : sion équivaut à celle-ci « Je suis celui qui :

croyez; mais Honorez ceux qui sont au-des-


: osuis». La forme, en tant que forme, an-
sus de vous; c'est sa parole dans un autre pas- nonce identité de nature; il ne se peut que la
sage : » Obéissez à vos supérieurs et soyez- forme soit la même (|uand l'essence est diffé-

leur soumis ». (Hébr.xiii,t7.)Au cas actuel, rente; que, exemple, l'homme ail la forme
|iar

saint Paul demande la soumission d'après la angélique que la brute ail la forme humaine.
;

rialure même
des choses; tandis qu'au cas Alors, concluez Qu'est-ce que le Fils? :

précédent, elle doit venir de notre libre juge- En nous, il est vrai, en nous qui sommes
ment. « Q le chacun par un sentiment d'hu- composés de deux substances, la forme appar-
« milité croie les autres au-dessus de soi » :et tient au corps mais en CELUI qui était par-
:

c'est bien là ce qu'a fait Jésus-Christ lui-même. faitement simple et sans composition, la forme,
Ces réflexions suffisent à renverser le sys- évidemment appartient , à son essence et la
tème hérétique. nous reste à exposer notre
Il désigne.
doctrine. Auparavant résumons ici cette con- Que si parce que le texte porte « en forme
,
|

troverse Non, saint Paul, conviant les fidèles à


: de Dieu' », èv |;.opcpyi 0SOÙ, sans article, vous
la prjtiquederhumilité, n'a pas dû produire
'
Les anene prétendaient que le mot Dieu, qui en grec admetj
en eximp'c un inférieur obéissant à un supé- rarticle i la Dieu sigaiûait lo Père ; mai' que, sans l'article, D.tal
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE VI. 30

prétendez que le Père n'est pas désigné ici cettemain, de cette puissance secourable,
je vous montrerai en maints passages le Père nous sommes perdus, exposés en proie à tous
désigné par le mot Dieu sans article. Pour- les ravisseurs, jetés sous tous les pieds qui
quoi vous annoncé-je d'autres textes; d'abord, voudront nous fouler ,
pareils à des murs
celui-ci m'en donne une preuve immédiate : croulants, une haie renversée. Quand la
à
il n'a pas cru être usurpateur, quand il s'est Tnuraille est faible chacun facilement lui ,

cru l'égal « de Dieu », et non pas « du » Dieu donne l'assaut et ce que je vais dire de Jéru-
;

(0£S> simplement); il n'a pas mis l'article, bien salem, ne s'applique pas seulement à la cité

qu'il parlât du Père. —


Volontiers j'ajouterais sainte, mais, sachez-le, à tout homme. Or,
mes autres citations mais je crains de fatiguer
;
qu'est-il écrit de Jérusalem ?
vos esprits. Du moins que vos mémoires re- «Je chanterai au peuple que j'aime le canti-
tiennent ce que nous avons dit pour renverser que que monbien-aimé a composé pour sa
les systèmes ennemis. Arrachons les épines vigne. —
Mon bien-aimé avait une vigne sur
(du doute et de l'erreur) ,
puis nous sèmerons «une colline, dans un lieu fertile. — Je l'ai

la bonne semence , après avoir détruit les « close ,


environnée d'un
je l'ai fossé, et j'ai

ronces maudites et rendu à la terre de nos a planté un cep de Sorech ; j'ai bâti une tour
cœurs un champ libre et reposé; il lui faut, a au milieu, j'y ai construit un pressoir, et j'ai

en effet, dépouiller toute la végétation vicieuse a attendu qu'elle me produisît des raisins, et
des doctrines étrangères, pour qu'elle puisse aelle n'aproduit queldes épines. — Maintenant
ensuite recevoir avec pleine vertu les divines « donc, vous, habitants de Jérusalem et vous, ,

semences. 8 hommes de Juda, soyez juges entre moi et


4. Rendons grâces pour l'instruction
à Dieu a ma vigne. — Qu'ai-je dû faire de plus à ma
que nous venons d'entendre; demandons-lui « vigne, et que je n'aie point fait ? Car j'ai at-
qu'il nous accorde de la garder et de la rete- « tendu qu'elle produisît du raisin elle n'a ;

nir, afln que, peuple et prédicateur, en recueil- a produit que des épines. Maintenant donc —
lent la joie , et les hérétiques la confusion. a je vous montrerai ce que je veux faire à ma

Supplions-le qu'il daigne aussi pour la suite ,


a vigne. J'en arracherai la haie, et elle sera ex-

de ce discours, nous ouvrir la bouche, et nous a posée au pillage ;


j'en détruirai la muraille,
inspirer pour l'instruction des mœurs. Prions- aux pieds.
a et elle sera foulée Etj'abandon- —
le qu'il nous donne une vie digne de notre a nerai ma vigne
ne sera plus taillée ni la-
; elle

foi, afin que, vivant pour sa gloire, nous ne a bourée; les épines y monteront, comme dans

fassions jamais par notre faute blasphémer «une terre inculte, et je commanderai aux
son saint nom. « Malheur à vous », est-il « nuées de ne plus lui épancher leurs ondes.
écrit, a parce qu'à cause de vous le nom de a —La vigne du Seigneur des armées, c'est la
« Dieu est blasphémé ». a maison d'Israël c'est l'homme de Juda, au-
,

Si, lorsque nous avons un fils, (et que pou- a trefois son plant choisi.— J'ai attendu qu'ils
vons-nous avoir de plus proche qu'un fils?) fissent des actions de droiture, ils n'ont en-
et que nous sommes, à cause de lui , en butte a faute que l'iniquité; et au lieu de la justice
aux outrages, nous le renions, nous le détes- a que j'attendais, j'entends la clameur qui les
tons, nous le rejetons; combien plus voyant aaccuse a. (Isaïe, v, 1-7.)
des serviteurs ingrats , blasphémateurs et ou- Toute àmetrouveici sa leçon. Carlorsque le
trageux Dieu ne devra-t-il pas les rejeter et
, Dieu de toute bonté a comblé la mesure de ses
les haïr? Et devenus les objets de cette aver- bienfaits et querâme,au lieude raisin, a pro-
,

sion, de cette haine de Dieu , qui donc rece- duit les épines. Dieu arrache la haie, détruitlc
vra, qui protégera ces misérables? Personne, mur, et nous sommes en proie aux ravisseurs.
Satan et les démons exceptés. Et cette proie Ecoutez comment et avec quelle douleur un
du démon, quel espoir de délivrance lui reste? autre prophète a dépeint cet état a Pourquoi, :

Quelle consolation dans sa triste vie?


Tant que nous sommes dans la main de
^ amonDieu,avez-vousdétruitsamurailIe?Pour-
« quoi est-elle ravagée par tous les passants du
Dieu, nul ne peut nous en arracher, tant elle a chemin? Le sanglierde la forêt l'a dévastée;
est puissante. Mais une fois tombés hors de sauvage y a pris sa pâture b. (Ps.
« toute bête
Lxxix, 13, 14.) Sans doute il parle plus haut
simplement indiquait le Fils. LeaaiDt les réfute victorieusement. ^ ,

(Note des Béoédiclins.) du Mède et du Babylonien ; mais ici il ne le


44 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMB.

désigne tnême pas. Ce sanglier, cette bête Mais que parlé-je de Job? Judas, Judas lui-
solitaire et sauvage, c'est le démon et ses même ne devintla proie du démon et son en-

puissances infernales. « sauvage


Solitaire et tière conquête, que quand Notre-Seigneureut
osanglier » désigne et dépeint sonimpureté et retranché ce traître du collège sacré des apô-
sa férocité. Pour donner une image de ses tres. Jusque-là Satan le tentait au dehors, et

instincts rapaces, les saints livres le compa- n'osait faire irruption jusque dans son âme.
rent au « lion qui rôde en rugissant, cher- Mais dès qu'il le vit retranché du saint ber-
«chantquiil pourra dévorer». (1 Pierre, v, 8.) cail, il l'attaqua plus furieusement qu'un loup,

Pour nous signaler ses poisons dangereux et ne ferait jamais et il ne lâcha cette proi(
,

mortels, ils l'appellent serpent et scorpion. qu'après lui avoir donné une double mort.
a Foulez aux pieds », est- il dit, o les serpents, Ce douloureux chapitre a été, du reste, écrit
a les scorpions, et toute la puissance de l'en- pour notre instruction. Ne demandez pas ce
a ncnii » . (Luc, x, 49.) Pour nous faire compren- que nous avons gagné à savoir que Jésus-
dre à la fois son poison et sa force , ils le Christ ait été trahi par l'un des douze intimes :
nomment dragon dans ce passage
; ainsi : quel est notre profit quel est notre avan-
ici ,

Le dragon que vous avez fait pour s'y jouer». tage? Il grand, vous répondrai-je. Si nous
est
(Ps. OUI, 2(3.) Au reste, dragon, serpent, aspic, comprenons bien le motif, qui détermina ce
sont des noms que l'Ecriture lui donne par- perfide à un pareil complot, nous veillerons à
tout ; comme à une bête tortueuse, d'aspects ne pas nous laisser entraîner par une cause
varies et de force redoutable, qui agite, trou- semblable.
ble, bouleverse toutes choses dans les hauteurs Comment donc Judas en vint-il à se perdre?
comme dans les abîmes. Par avarice. Il était voleur, et cette maladie le
Toutefois ne craignez pas, ne perdez pas rendit fou au point de lui faire livrer Notre-
courage; veillez seulement, et il ne sera plus Seignour pour trente pièces d'argent. Quelle
qu'un faible passereau, a Foulez aux pieds », plus honteuse folie! rien au monde n'égalait,
a dit le Seigneur « les serpents et les scor-
, rien ne pouvait valoir l'objet sacré de cette
a pions ». Lui-même, si nous le voulons, le trahison et « Celui » devant qui les nations sont
;

jettera sous nos pieds comme une vile pous- comptées comme un néant, il le livre pour
sière. trente pièces d'argent! Tant est lourde la ty-
5. Mais qu'il est ridicule, ou plutôt qu'il est rannie de l'avarice, tant elle est capable de dé-
malheureux de voir qu'un être destiné à ram- grader une âme! L'ivresse même produit dans
per sous nos pieds, plane en vainqueur sur l'âme un délire moins grand que l'avarice. La
nos têtes! Et comment cela se fait-il? Par folie, l'idiotisme frappent moins fort que la

notre faute! Il grandit, si nous voulons; et si passion de l'argent. Car, dis-moi, aveugle
nous voulons, il se rapetisse. Soyons bien à apôtre, quelle raison a déterminé ta perfidie?
nos intérêts, serrons-nous autour de notre Obscur et inconnu, tu fus, par le Seigneur,
Roi dès lors, il s'amoindrit, et n'a pas plus
: appelé, placé même au rang des douze; il te
de pouvoir contre nous qu'un petit enfant. communiqua sa doctrine, il te promit des
Mais si nous nous éloignons de notre Roi su- biens inappréciables, il te fit produire des mi-
prême, il se redresse , il frémit, il aiguise ses racles même; sa table, ses voyages, sa conver-
dents homicides, parce qu'il nous trouve pri- sation, il partageait tout avec toi, comme avec

vés de ce puissant auxiliaire. Il n'attaque en , tes collègues de l'apostolat. Tant de bienfaits


effet, mesure que Dieu permet.
que dans la ne suffirent donc pas à l'arrêter ? Quel si grand
S'il n'osait, , envahir un
par exemple trou- mobile alors te rendit traître? Avais-tu, scé-
peau de pourceaux, avant que le Seigneur ne lérat, le moindre sujet de plainte; ou plutôt
lui en eût donné permission bien moins le , de quels biens ne l'avait-il pas accablé? Con-
ferait-il sur les âmes humaines. Dieu permet naissant ton infâme dessein il ne cesse de te
,

ses attaques, d'ailleurs, ou pour instruire, ou donner tout ce qu'il a. Souvent il répète o Un :

pour punir, ou même pour glorifier davan- a de vousme trahira» (Matth. xxvi,21);souvent
tage ses élus. Voyez-vous, par exemple, que il te désigne, en l'épargnant toujours; il sait

loin de provoquer Job, le démon n'osait même ce que tu es, et ne te chasse pas du sacré col-
approcher de lui, qu'il le craignait, qu'il lège. Il te supporte encore, et comme si tu
tremblait ? étais toujours uu membre légitime de ce corps
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE VI; 41

vénérable , un des douze intimes, il t'honore, celui qui apportera, au jugement de Dieu, la
il te chérit. Enûn ô crime tu le vois ceint
, ,
racine de tous les péchés? Le serviteur de
d'un linge, et de ses pures mains lavant tes l'argent ne peut être le vrai serviteur de Jé-
pieds impurs; rien ne t'arrête ; tu continues 5^
sus-Christ. C'est lui-même qui a proclamé
voler le bien des pauvres ; et le Seigneur lii celte incompatibilité absolue, a Vous ne pou-
supporte encore pour t'empêcher de faire le vez », a-t-il dit, «servir Dieu et Mammon i>;et
dernier pas; mais rien ne peut changer ta dé- encore : « Nul ne peut servir deux maîtres »
"lerminatioa. Et pourtant, quand tu serais une (Matth. VI, 24), car leurs volontés sont con-
bête féroce ,
une pierre même, tant de bien- traires. Jésus-Christ vous dit Pilié pour les
:

faits reçus, tant de miracles opérés, celte doc- pauvres ! Mammon reprend Prenez ce qu'ils
:

trine sublime de l'Evangile enfin, ne devait- possèdent. Jésus-Christ : Donnez-leur ce que


elle pas te fléchir? Hélas! jusque dans celte vous avez! Mammon : Ravissez même ce qu'ils
dégradation bestiale , le Seigneur te poursuit ont. Voyez -vous le combat? Voyez-vous la
de ses appels; malgré cette pétrification de guerre? Faut-il vous montrer comment per-
ton cœur plus dur que les rochers, ses œu- sonne ne peut servir ces deux maîtres, mais
vres merveilleuses t'invitent au retour: mais comment l'un des deux sera nécessairement
en vain tout cela ne peut amender Judas.
;
méprisé? N'est-ce pas là une vérité d'une
Peut-être, mes frères, cet excès de folie dans clarté qui n'a pas besoin de commentaire ?
un traître vous étonne ; ah que sa plaie hon-
! Comment ? c'est qu'en fait nous voyons Jésus-
teuse vous fasse trembler! La cupidité, l'a- Clirist méprisé et Mammon en honneur! Sen-

mour de l'argent l'a fait ce que vous voyez. tez-vous déjà l'amerlume de ces paroles ? Et
Arrachez de vos cœurs cette passion, qui en- si les paroles sont amères que ne sont pas les ,

fante de telles maladies de l'âme, qui fait les faits eux-mêmes ? mais la maladie qui nous

impies, qui nous conduirait, même après travaille, nous empêche de sentir la gravité des
mille bienfaits de la bonté de Dieu, à le mé- faits. Dès que nous commencerons à nous dé-

connaître et à le renier. Arrachez cette pas- gager des étreintes de cette passion, notre es-
sion, je vous en supphe; ce n'est pas une prit jugera sainement des choses. Mais une
maladie légère; elle sait produire mille morts fois sous l'empire de cette fièvre de l'or, notre
très-cruelles. Nous avons vu le mal de Judas : came se complaît dans son mal, perd absolu-
craignons d'y succomber nous-mêmes. Son ment la faculté déjuger, et voit se corrompre
histoire a été écrite pour nous préserver de le tribunal même de sa conscience. Jésus-
tels malheurs tous les évangélistes l'ont ra-
; Christ prononce « Si quelqu'un ne renonce
:

contée, pour nous apprendre le désintéresse- « pasàtoutce qu'il possède, il ne peut être mon
ment^Fuyez donc, et de loin, le vice con- « disciple ». (Luc, xiv, 33.) Mammon répli-
traire l'avarice se reconnaît non-seulement
: que Arrache
: le pain à l'indigent. Jésus-Christ :
dans le désir de beaucoup d'argent, mais dans Habillez sa nudité! Mammon : Volez-lui jus-
le simple désir de l'argent. C'est déjà avarice qu'à ses haillons. Jésus-Christ : Ne méprisez
grave, que de demander au-delà du besoin. pas votre propre sang et ceux de votre mai-
Sont-ce des talents d'or qui ont poussé Judas à son. MammonPour ton sang et ta maison,
:

la trahison ? Trente deniers lui ont suffi pour point de pilié quand ce serait un père, quand
;

livrer le Seigneur. Ne vous souvient-il plus ce serait une mère, méprise-les. Et que par-
de ce que j'ai dit déjà, que le désir exagéré de lé-je de père et de mère ? Sacrifie, je le veux,
l'argent se manifeste non pas seulement en jusqu'à ton âme. 11 commande, on l'écoute.
acceptant une somme considérable, mais plus Hélas! hélas! ce maître qui vous impose des
encore en recevant une somme chétive? Voyez inhumaines, si sauvages,
lois si cruelles, si
quel grand crime commet Judas pour un peu nous trouve obéissants, plutôt que Celui dont
d'or! que dis-je pour un peu d'or, pour quel- le joug est léger et les commandements si sa-
ques pièces d'argent ! lutaires.De là, l'enfer de là le feu de là ce ; , ;

6. Non, non, jamais l'avare ne contemplera fleuve de flammes et ce ver qui ronge éternel-
Jésus-Christ face à face ; c'est là, je le répète, lement.
une impossibilité. L'avarice est la racine de Je le sais : beaucoup ici ne sont point char-
tous les péchés. Que s'il suffit d'un seul ,
pour més de nous voir traiter ce sujet menaçant mais ;

perdre la gloire éternelle, où donc sera placé moi-même, c'est malgré moi que j'y touche ;
,

13 TRADI'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

enfin à y gagner? Ah bien mieux


Iqii'ai-je, , ! Nous savons, en effet, grâce à Dieu, dans
aimerais-je à vous entretenir continuellement quelle mesure il faut frapiier , et quelle
des biens du royaume céleste de ce repos , doit être l'intensité de nos coups, afin que, sans

de ces ondes qui désaltèrent pleinement, de vamais briser le vase , ils puissent le guérir, le
ces pâturages verdoyants et joyeux, comme restaurer, le remettre en état de servir au divin
les appelle le prophète «Il m'a élevé auprès
: Maître ; de telle sorte que la réparation le pré-

c des eaux rafraîchissantes il m'a placé au, sente avec un nouveau lustre, avec une forme
< milieu de gras pâturages». (Ps. xxn, 2.) Oui, et une ciselure irréprochable, au grand jour
j'aimerais à vous parler de ce lieu , d'oii sont oii doit couler le tleuve de feu , et qu'il ne
bannis la douleur, le deuil, les chagrins. J'ai- devienne pas la pâture du bûcher que l'éter-

merais à raconter le bonheur qu'on goûte dans nité entretiendra.


un séjour avec Jésus-Christ, bien qu'il dépasse vous ne passez ici-bas par le feu de la
Si
tout langage et même toute pensée. J'aimerais parole , vous passerez infailliblement dans
néanmoins à user toutes mes forces sur cet l'autre vie par le feu de l'enfer, pmsque « le
éternel et délicieux sujet mais que ferais-je
, «jour du Seigneur se révélera par le feu ».
alors? Car il de parler de
n'est pas possible (I Cor. m, 13.) Mieux vaut qu'un instant notre

royaume à un malade brûlé par la


fièvre. Tant parole vous brûle que la flamme dont parle
,

que dure son périlleux état il faut traiter de


, ici l'apôtre. Cet avenir éternel, en effet, est

sa guérison tant que la peine et le châtiment


; d'une certitude absolue; souvent je l'ai prouvé
le menacent, il messiérait do lui parler de par des raisons sans réplique ; les saintes Ecri-

gloire. On n'a qu'un but en ce cas; c'est de


, tures suffiraient pour vous en donner la pleine
le sauver de la peine, du supplice; si nous n'at- conviction. Mais plusieurs étant portés à la
teignons ce premier résultat, comment espérer discussion, nous y avons ajouté maints raison-
l'autre? Continuellement donc je vous entre- nements. Rien n'empêche que maintenant
tiens du mal à redouter, pour vous faire arri- même nous ne les apportions encore. Qu'a- —
ver au bien que vous désirez. Car si Dieu lui- vions-nousdit? Dieu est juste, nous l'avouons;
môme nous a menacés de l'enfer, c'est pour gentils et juifs, hérétiques et chrétiens. Or,
que personne ne tombe en enfer; c'est pour que bien des pécheurs sortent de ce monde sans
tous nous arrivions à la couronne. Ainsi nous- être punis ; bien des hommes de vie vertueuse
mêmes nous ne cessons pas de vous parler en sont de leur côté après avoir subi
sortis
d'enfer, pour vous relever jusqu'à l'espoir mille calamités. Donc, si Dieu est juste, en
d'un trône pour fléchir d'abord vos cœurs
,
quel lieu donnera-t-il aux uns la récompense,
sous la crainte et les décidera pratiquer ce qui aux autres le suiiplice, s'il n'y a pas d'enfer,
fait mériter la palme. s'il n'y a pas de résurrection? Ce raisonnement,

Veuillez donc supporter sans chngrin le poids répétez-le toujours aux autres et à vous-mê-
de nos paroles. Ce poids de ma parole aura l'a- mes; il ne vous laissera pas un doute sur la
vantage d'alléger vos âmes du fardeau de leurs résurrection. Or, quand on croit à la résur-
péchés. Le fer, aussi, h s marteaux ont du rection, sans ombre de doute, on apporte tous
poids; et cependant on fabrii|ue avec eux les les soins, toute l'atlentioirposfiide à mettre
vases d'or et d'argent; on redresse les objets son âme en état de gagner les biens éternels.
tors; silesoulils étaient moins lourds, ils de- Puissions-nous tous y parvenir, par la grâce
viendraient impuissants à redresser un corps et bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui
tordu. Ainsi le [loids de nos reproches poulfa- appartient, en l'unité du l'ère et du Saint-
çonner vos âmes au bien. Ne cherchez donc pas E?pnt, la gloire, l'empire, l'honneur, mainte-
àéviter ni leur pesanteur, ni leurs cou[is salu- nant et toujours, et dans les siècles des siècles.
taiies; on ne vous blesse jamais pour briser Ainsi soit-il.
et déchirer vos âmes, mais pour les corriger.
COiMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIii Vil. 43

HOMELIE VII.

fiV'.YïX DANS LES MÊMES SENTIMENTS QUE JÉSUS-CnRIST, QUI AYANT LA FORME DE DIEU, N*A PAS CBD QUE
CE FUT POUR LUI UNE USURPATION D'ÉTRE ÉGAL ADIEU, MAIS QUI S'EST ANÉANTI LUI-MÊME EN PRB-
NANT LA F0R5IE D'ESCLAVE ETC. (JUSQU'AU VERSET 11.)

Analyse.

1. Le Seigneur Jésus ne craignant pas qu'on pour son titre et sa nature d'égal de Dien, ne craint pas de dé'
l'accusât de rapine
po;er ce titre, de caclier celle naluie. Il s'anéantit par humilité et
non par nécessité.
2. Il est fait semblable à l'homme, parce qu'il en prend la nature, —
mais non, comme le vent Marcion, par un faux semblaat
d'incarnalion. —
11 s'an^o«/îY, mais sans cesser d'être Dieu, comme le voudraient Paul de Samosate et Arius.
3. Bon incarnation ne nuit pas à sa nature divine. —
Son obéissance humble jusqu'à la mort de la crois n'empêche pas son éga-
lité avec Dieu le Père.

4. Grandeur du nom de Jésus, qui lui a été donné en récompense.


8 el 6. L'bumililé nous élève au-dessus de nous-mêmes. L'orgueil nous ravale aa-dessous de la brut».

1. Nous avons exposé et réfuté les systèmes redouter de la perdre. Un exemple. Absalon
Léréliques; il est temps, maintenant, de dé- avait ravi le pouvoir ; il n'aurait osé l'abdiquer.
velopper nos saintes vérités. Ces paroles : « Il Autre exemple. Mais ne vous troublez pas
a n'a pas cru usurper», d'après eux, ne signi- si nos comparaisons ne peuvent représenter

fientque a II n'a pas usurpé ». D'après nous,


: parfaitement et intégralement leur objet :
et nous l'avons fait voir, ce sens est ridicule et c'est le propre de ce genre d'arguments de

absurde, puisque jamais on ne pourrait, dans laisser à l'esprit plus à deviner qu'ils n'expli-
un sens pareil, trouver dans ce passage une quent. Je dis donc Un usurpateur, révolté:

exhortation à l'iiumilité puisqu'on ne pour-;


contre son prince lui a ravi le sceptre
, ne :

rail louer ainsi Dieu, ni même un homme craignez pas qu'il ose ni déposer le pouvoir,
vulgaire. ni dissimuler même cette autorité qu'il a ra-
Que devons-nous donc croire ici? Apph- vie; dès qu'il la dissimule , il la perd. Au reste
quez-vous, mes frères, à bien suivre notre cet exemple s'applique à tout bien ravi : le ra-
discours. C'est le préjugé du grand nombre, visseur toujours veille sur sa proie, et la garde
que conduisent avec humilité, ilscom-
s'ils se continuellement ; s'il s'en dépouille un ins-
prCTneltront leur dignité personnelle , per- tant, il la perdra; de sorte qu'on peut dire en
dront dans l'estime publique, et descendront général, que tout voleur craint de se séparer
au-dessous de leur niveau réel. L'apôtre com- de l'objet volé, et qu'il garde toujours le bien
bat ceite crainte orgueilleuse, et, pour mon- sur lequel mis la main; tandis qu'une
il a
trer que tels ne doivent pas être nos senti- crainte semblable ne se rencontre pas dans
ments, il monte jusqu'à la divinité même ce : ceux qui ne possèdent rien par rapine ainsi :

Dieu, Fils unique, qui est dans la forme de l'homme craint bien peu de perdre sa raison,
Dieu, qui n'a rien de moins que son Père, qui qui fait sa dignité... J'avoue, toutefois, ne pas
lui est égal, n'a pas regardé, nous dit-il, trouver d'exemples satisfaisants nous ne te- :

comme une rapine ni comme une usurpation nons, pauvres humains, aucune royauté de
son égalité avec Dieu. Or, comprenez bien par la nature; aucun bien même ne nous est
ces dernières paroles. naturel, puisque touset chacun appartiennent
Un bien que vous auriez ravi ou que vous essentiellement et en toute propriété à Dieu
posséderiez sans aucun droit, vous n'oseriez seul.
pas le déposer même un instant; vous crain- Que dirons-nous donc? Que le Fils de Dieu
driez de le perdre, d'en déchoir; aussi le n'a pas appréhendé de descendre de sa dignité,
gardez-vous continuellement en vos mains. bien siir qu'il était de la recouvrer et qu'il l'a ;

Au contraire, celui qui tient de la nature une cachée sans croire pour cela s'amoindrir. Aussi
dignité quelconque, celui-là ne craint pas de l'apôtre n'a-t-il pas dit de Jésus Christ qu'il
detcondrc de sa dignité, parce qu'il n'a pas à a n'a pas usurpé», mais bien qu'il a n'a pas cru
44 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME:

«usurper». Sa souveraineté, en effet, ne venait «homme», et non pas qu'il s'est fait homme.
ni de rapine, nide donation faite par autrui ;
— Mais comment pourrait-on être fait à la
elle était sa nature, et par suite immuable et ressemblance d'un homme? En revêtant une
assurée. Aussi n'hésile-t-il pas, roi suprême, i vaine ombre? Dès lors, c'est un fantôme; ce
revêtir l'extérieur d'un de ses sujets. Un tyran n'est plus rien de semblable à l'homme. Le

craint de dépouiller à la guerre son manteau semblable de l'homme, c'est un autre homme.
de pourpre; un roi s'en défait avec confiance. D'ailleurs ,
que répondrez -vous au texte de
Pourquoi? Parce qu'il n'a pas usurpé le com- saint Jean : Le « Verbe s'est fait chair » sans ,

mandement. Il est loin de ressemblera l'usur- contredire notre apôtre saint Paul lui-même,
pateur qui ne s'en dépouille jamais; il le dis- qui dit ailleurs : a A la ressemblance d'une
simule et le cache, parce qu'il le possède par a chair de péché?»
nature et qu'il ne peut le perdre. Je conclus : « Et par tout son extérieur, il a été trouvé
Dieu n'était pas pour Jésus-Christ
L'égalilé avec « comme un homme » .Voilà, disent-ils encore :

une usurpation mais bien sa nature même ;


, Parl'extérieur, et comme un homme. Or, être
aussi s"esl-il anéanti. comme un homme, être un homme par l'exté-
Mais où sont ceux qui prétendent qu'il subit rieur, c'est lout autre chose qu'être un homme
alors une nécessité ,
qu'il fut réduit à se sou- par nature. — Vous voyez, mes frères, avec
mettre? Il s'anéantit a lui-même », a dit saint quelle ingénuité et quelle assurance je vous
Paul ; il s'humilia « lui-même» , il « se fit » rapporte les objections des adversaires? La
obéissant jusqu'à la mort. Comment il a s'a- en effet, ne peut être splendide et sur-
victoire,
néantit» , montre « en prenant
l'apôlrele : abondante, qu'à la condition que nous ne
« la de l'esclave, en se faisant à la
forme dissimulerons en rien la force apparente de
ressemblance des hommes , étant reconnu leurs difficultés. Dissimuler serait une ruse
a homme par tout son extérieur ». Il se rappelle plutôt qu'une victoire. Que disent donc les
qu'il vient d'écrire : « Que chacun croie les hérétiques ? Ne craignons pas de le répéter.
«autres au-dessus de soi ». Aussi ajoute-t-il de Autre chose d'être homme par l'extérieur,
Jésus-Christ lui-même : a II s'est anéanti ». autre chose de l'être par nature et de même : ;

En effet, s'il avait subi l'i^baissemenljmais non Autre chose d'être dans la ressemblance d'un
spontanément, mais non d'après sa volonté homme, ou d'être simplement homme.
même, ce n'eût pas été un acte d'humilité. Je réponds Alors aussi prendre la forme
:

S'il n'a pas su, par exemple, que ce sacrifice d'esclave n'est pas prendre la nature d'esclave.
lui était demandé,ignorance en lui cette 11 y a contradiction dans les Ici mes. Pounjuoi

est une imperfection. seulement attendu,


A-t-il ne détruisez-vous pas tout d'abord cet antago-
faute de la connaître, l'heure où il devait l'ac- nisme? Car si le texte que vous citez plus haut
complir? Encore ici c'est une ignorance du , nous bat selon vous, celui-ci évidemment vous
temps. Et s'il a connu l'obligation de le faire bat à votre tour. L'apôtre n'a pas dit : Comme
et l'heure de l'accomplir, pourquoi direz-vous une forme d'esclave ni A la ressemblance ; :

qu'il ail été contraint de se soumettre? Pour — d'une forme d'esclave ni Dans l'extérieur ; :

montrer, direz-vous, la prééminence de son d'une forme d'esclave mais simiilement « Il ; :

Père sur lui. —


Mais alors il aboutissait à a a pris forme d'esclave ».Que voulait-il dire

montrer non pas la prééminence de son Père, ici? Est-ce encore là une contradiction dans
mais sa propre bassesse. Car le nom de Père les mots? A Uicu ne plaise 1

ne suffit-il pas pour indiquer la prérogative Toutefois, sur ce texte même, ils nous jet-
du Père? Or, à celte seule exception près qu'il tent une facétie froide et ridicule. Il a pris
n'est point le Père, nous trouvons dans le Fils forme d'esclave, répondent-ils, lorsque, ceint
identité complète et en tout avec le Père. Ce d'un linge, il a lavé les pieds de ses disci|)les.
titre de Père, évidemment, ne peut passer au — Mais est-ce là forme d'esclave? Non, non,
Fils sans absurdité. Mais, je le répète, àce litre c'est œuvre et assumer rôle
rôle d'esclave; or
seul excepté , tout ce que possède le Père ap- d'esclave et prendre forme d'esclave, voilà
partient au Fils en toute communauté. choses bien différentes. Pourquoi n'a~t-il pas
2. Les marcionites, prenant le texte au pied dit: Il fil une œuvre d'esclave? c'eût été plus
de la lettre, aiment à rappeler qu'ici il est clair. Jamais, dans l'Ecriture, le mot a forme»
écrit : qu'il a été fait à « la ressemblance d'un n'est employé pour le mol «œuvre». La ditlé-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE VII. iH

rence de signification est complète : l'un est «que vos esclaves parJésus-Christ». (II Cor. IV,

un nom de nature, l'autre un nom d'emploi. 5.) Les adversaires n'apportentdonc que diffi-
Dans le langage ordinaire non plus , nous cultés ridicules et misérables. Jésus-Christ s'est

n'employons jamais concurremment les ter- humilié : c'est la parole apostolique. Eh bien,

mes œuvre et forme. vous, dites comment? Où est son anéantisse-


Au sens même des adversaires, Noire-Sei- ment? Où est son humiliation? Est-ce d'avoir
gneur n'a pas fait œuvre d'esclave, il ne s'est fait des miracles même? Mais Pierre et Paul en
pas ceint d'un linge, puisque son corps n'é- ont fait aussi, de sorte qu'on n'y reconnaît pas
tant, selon eux, que fantastique, la scène en- le privilège propre et spécial du Fils.

tière était sans vérité. S'il n'avait point de Quel est donc le sens vrai de ces mots : a II

mains, comment lavait-il? s'il n'avait point de «s'est fait à la ressemblance des hommes?» —
reins, comment aurait-il pu se ceindre d'un Elles marquent que le Fils a eu plusieurs
linge? Quel genre de vêtements aurait-il pu choses de nous , et qu'il n'en a pas eu plu-
prendre car il est dit qu' « il reprit ses vête-
;
sieurs autres choses , comme par exemple
ments? » Comme il est donc impossible de d'être né par le commerce charnel comme ,

trouver ici une véritable action réellement , surtout d'avoir commis le péché. Tels furent'
faite, mais une pure illusion, avouez qu'il n'a ses privilèges exclusifs, qu'aucun homme ne
pas même lavé les pieds des disciples! Si cette partage avec lui. Il n'était pas seulement ce
nature incorporelle apparut dans la chair, qu'il paraissait être, il était encore Dieu. Il
mais sans avoir de corps, qui donc a lavé les apparaissait avec la nature de l'homme; mais
pieds des apôtres ? quoique notre semblable par la chair, il dif-
Et contre Paul de Samosate, que dirons- férait de nous par beaucoup d'endroits. Ces
nous? Que dit-il lui-même, d'abord, ce sec- paroles donc indiquent qu'il n'était pas pure-
taire? La même chose absolument que Mar- ment et simplement un homme, et l'apôtre dit
cion. Aussi lui répondons-nous Celui qui a : avec raison « Dans la ressemblance des hom-
:

simplement la nature humaine, un homme « mes». Car nous sommes corps et âme; lui, il

pur et simple, ne s'anéantit pas à laver les est Dieu, âme et corps c'est pourquoi il écrit : :

pieds de ses compagnons de service. Car ce — « Dans notre ressemblance». Craignant d'ail-

que nous avons établi contre les ariens s'ap- leurs que lui ayant entendu dire « 11 s'est :

plique à ceux-ci également. Entre eux, toute «anéanti lui-même », nous n'allions croire,
la différence est une faible distance de temps ;
d'après ces mots , à la dégradation, à la perte
les uns comme les autres font du Fils de Dieu de la divinité dans le Fils il semble nous ,

une créature. Que suffit-il de leur répondre ? ajouter ici que, demeurant ce qu'il est, il
Qu'un homme, pour laver d'autres hom- prend ce qu'il n'était pas et que fait chair, ;

mes ne s'anéantit pas ne se dégrade pas.


, , il continue à être le Dieu-Verbe.
Si, n'étant qu'un homme, il n'a pas commis la 3. La même raison qui lui fait parler de

monstrueuse usurpation de s'égaler à Dieu, il «ressemblance », lui fait ajouter aussi « Par :

n'y a pas là de quoi faire son panégyrique. «l'extérieur» sa nature première n'a pas dé-
:

Qu'un Dieu se fasse homme, c'est une grande généré, en effet; elle ne s'est pas confondue
et ineffable humiliation ; mais où est l'humi- avec la nôtre , sinon « par l'extérieur » seule-
liation à ce qu'un homme fasse des choses hu- ment. Ayant affirmé clairement la prise de
maines? —
Où trouvez-vous d'ailleurs que ,
,
possession par lui de la forme (ou nature) de
forme de Dieu « s'appelle » œuvre de Dieu ? » l'esclave, il ajoute avec confiance cette se-
Car si, restant un homme pur et simple vous , conde affirmation, après avoir par la première
l'appelez forme de Dieu d'après ses œuvres, fermé la bouche à tous les hérétiques. En
pouruoi ne pas donner ce même nom à effet, quand il parlait aux Romains a d'une
Pierre qui a fait des œuvres plus grandes? « ressemblance » de Jésus-Christ « avec notre
Pourquoi Paul lui-même ne se propose-t-il pas « chair de péché », il ne niait pas pour cela que

en exemple, lui qui, mille fois, avait accepté ce fût une vraie chair, mais seulement que
des emplois d'esclaves, sans jamais en refuser cette chair eût péché, bien qu'elle fût sem-
aucun? a Nous sommes bien loin de nous blable à une chair pécheresse. En quoi sem-
prêcher nous-mêmes », disait-il nous prê- ; a blable? par la nature; en quoi différente?
a cbons Jésus-Christ , et nous avouons n'être Dour la malice mais en somme semblable h
:
.

46 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

noire chair pécheresse. Eh bien comme ! l'a- stupides et insensés adversaires! comme si

|iôlre se servait alors de celte expression de cette conduite admirable relirait au Fils la

«ressemblance», i)arce que, de fait, il n'y moindre perfection ! comme si nous-mêmes


avait pas entre notre chair et la sienne com- nous ne savions pas obéir à nos omis, sans
plète ci^alité, de même ici la ressemblance est •i'cscendre cependant devant eux C'est en 1

encore mentionnée , pour rappeler qu'entre toute spontanéité que le Fils se soumet à son
(lies encore tout n'est pas égal; qu'ainsi, par Père; loin d'être servile, celte obéissance est
exemple, le Fils ne passa point par la nais- glorieuse et parfaitement convenable à la di-

sance ordinaire, par le péché, par tout ce qui gnité du Fils unique, tout en rendant à son
fait enfin l'homme pur et simple. Son mot, Père un incomparable honneur. Il honore son
fiit a comme Ihomme » est donc d'une admi- Père, oui, mais de le déshonorer,
g.irde-toi
rable vérité, puisqu'il n'était pas un d'entre lui, ce Fils véritable de Dieu; aime plutôt à
nous, mais comme un d'entre nous. Dieu le vénérer davantage, à reconnaître d'autant
Verbe, il n'a pas dégénéré en homme; sa mieux son titre de Fils, que lui-même honore
substance n'a pas changé mais il s'est montré : plus admirablement ce Père de toutes choses.
comme un homme, sans toutefois nous trom- Jamais Dieu n'a eu un tel adorateur. Plus sa
per par un corps fantastique, mais pour nous dignité était sublime, plus son humilité a été
apprendre Thumililé. Ainsi quand il écrit : profonde. Si rien ne l'égale, rien n'égale non
« Comme l'homme », son intention est claire ; plus l'honneur qu'il rend à son Père, libre-
car en plus d'un autre passage, il l'appelle ment et sans contrainte. Ici plus qu'ailleurs sa
homme expressément, comme dans celui-ci : vertu éclate et pour la peindre, je sens que les
o 11 n'y a qu'un Dieu, et qu'un médiateur expressions me font défaut.
homme, Jésus-Christ». Nous avons épuisé — Cielquel mystère ineffable qu'il se fasse
!

ce que nous devions dire contre les adversaires esclave! mais qu'il subisse volontairement la
du corps de Jésus; quant à ceux qui nient mort, c'est plus écrasant ; el il trouva le moyen
une âme avec ce corps, il faut
qu'il ait pris de surpasser encore ce double sacrifice, moyen
leur dire Si la forme de Dieu est un Dieu
: qui dépasse notre pensée même. Qu'est-ce
parfait, bien certainement aussi la forme de donc? c'est que parmi tant de genres de mort
l'esclave est aussi l'esclave parfait. si différents, celle que le Seigneur endura
Maintenant revenons aux ariens a Etant », : était regardée comme la plus honteuse ; elle
dit saint Paul, adans la forme de Dieu, il n'a était le comble de l'ignominie le dernier ,

pas cru que ce fût une usurpation d'être l'é- terme de l'exécration. «Maudit soit», disait
gal de Dieu ». Dès qu'il parle de la divinité du l'Ecrilure a celui qui est pendu au gibet
,
» I

Fils, il ne se sert jamais des expressions :I1 «a (Deut. XXI, 23.) Aussi, les Juifs affectèrent de
« été fait », il « a pris » mais écoulez-le dési-
; lui choisir ce supplice pour le rendre infâme,
gner son humanité 11 s'est anéanti lui-même
: afin que si sa mort violente ne pouvait suffire

en a prenant » la forme de l'esclave el il a ; à détacher de lui jusqu'au dernier de ses dis-


« été fait » à la ressemblance des hommes, ciples, au moins il ne lui en restât plus un
vous retrouvez les deux termes qu'il évitait seul vue de cette mort exécrée. A'issi
à la
d'abord Il s'est fait homme, mais il était Dieu
: voulurent-ils encore qu'on le crucifiât entre
Gardons-nous autant de confondre [les natures) deux brigands, pour qu'on eût de lui et d'eux,
que de les séparer (de la seule et unique per- même mépris, et que la parole de lEcriture
sonne du Fils). En lui, un seul Dieu, un seul s'accomplît « Il a été compté au nombre des
:

Christ, le Fils de Dieu oun», cependant, vous


: a scélérats ». (Isa'ie, un, 12.)

dirai-jc, par union mais non par mélange ni Mais la vérité,par là même, brilla d'un plus
confusion; celle nature infinie de Dieu, tout vif éclat. Bien plus beau, bien plus admirable
en s'adjoignant l'autre nature, n'a pas dégé- apparaît, en cirel, ce spectacle du calvaire, lors-
néré, elle lui est simplement unie. que sa gloire attaquée par tant d'ennemis,
II s'est humilié lui-même , s'étant fait malgré leurs mille artifices, en dépit de toutes
« obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort leurs machines de guerre, ressort cependant
ode la croix». Les hérétiques interprètent aus- et nous éblouit de sa magnificence. Ces misé-
Bilôt qu'il s'est fuit obéissant, parce qu'il était rables, pour l'avoir tué, et tué avec cet appa-
loin d'être l'égal du Père auquel il obéissait. reil, comptaient bien avoir fait de lui un ob-
COMMENTAIRE SUR L'ËPITRE AÎJX PHIUPPIENS. « HOMÉLIE VU. 47

jet d'horreur, et d'horreur extrême ; et cepen- côté au moins ; c'est à cause de nous qu'une
dant leur espoir indigne échoua complète- nouvelle perfection lui est dévolue, puisque
ment. Et pourtant ces deux brigands eux- s'il ne nous avait pas fait ce grand don, il n'au-
mêmes étaient de si profonds scélérats (car rait pas gagné l'honneur dont il est question.
l'un des deux seulement se convertit et en- « Il lui adonné un nom ». Ainsi, du mo'.n."}

core au dernier soupir), que pendus à leur dans votre opinion, il n'avait pas même de
gibet, ils avaient encore la force de lui jeter nom. Alors , s'il a reçu celui qui lui était dû,
l'outrage; la conscience de leurs crimes, les comment l'a-t-il reçu par don et par grâce ?
tortures, la compassion que devait leur com- « Un nom qui est au-dessus de tout nom »,
mander cette fraternité du supplice , rien et si nous demandons lequel enfin « Afin :

n'arrêtait témoin cet aveu de


leur fureur ; « qu'au nom de Jésus-Christ » tout genou flé-
celui d'entre eux qui, enfin, reprit l'autre en chisse. Les hérétiques, par ce nom, entendent
ces termes «Tune crains donc pas Dieu, bien
: la gloire. Donc aussi doivent-ils ajouter : Une
que tu subisses le même châtiment » (Luc, 1 gloire au-dessus de toute gloire. Or, nous avons
xxin, 40.) Tant était profonde la malice de tous vu que cette gloire consiste précisément à
les spectateurs de ce grand drame. Mais la adorer son Père Vous voilà bien loin de la
!

gloire de Jésus-Christ ne subit pas la moindre grandeur divine, vous qui pensez connaître
atteinte « Dieu même »
: dit saint Paul a en
, , Dieu autant qu'il se connaît lui-même Votre I

a retour de son immolation, l'a exalté et lui a interprétation à elle seule suffit pour montrer
« donné un nom qui est au - dessus de tout que vous êtes loin de l'idée véritable que re-
€nom ». présente le nom de Dieu Au reste, une nou- 1

Remarquez bien la suite des idées dans


4. velle preuve de votre aberration va ressortir
saint Paul, et comment, dès qu'il a parlé de de votre idée même. Voilà, répondez-moi, la
celte chair adoptée par le Seigneur, il rappelle gloire du Fils ? Donc, avant la création des
immédiatement toutes les circonstances qui hommes, et surtout avant celle des archanges
prouvent son humilité. Avant de dire qu'il a et des anges, ce Fils n'était pas dans la gloire ?
pris la forme de l'esclave, et tant qu'il nous Car, enfin, la nature de cette gloire, c'est de
entrelient de la divinité de Jésus, voyez avec surpasser toute gloire; on le voit très-claire-
quelle élévation il s'exprime je dis avec élé- ; ment par ces mots « Un nom au-dessus de :

vation, en la mesurant à nos forces humaines; «tout nom». Or, avant l'époque où Dieu la lui
car Paul même n'atteint pas et il ne pourrait , donne, il est dans la gloire sans doute, mais
atteindre à la hauteur de son sujet. Toutefois, moins qu'il ne l'a été dès lors! C'est à cette
écoutez-le « Etant dans la forme de Dieu, il a
: gloire qu'il tendait, c'est le but qu'il voulait
a cru sans usurpation être égal à Dieu ». Mais atteindre quand il créait toutes choses ; loin
notre bienheureux parle-t-il du Dieu fait d'être déterminé par sa seule bonté, il avait
homme, il développe aussitôt toutes les consé- soif de gloire, et de celle encore qui vient de
quences de cette incomparable humilité, parce nous Comprenez-vous ces folies, ces impiétés?
I

qu'une pensée le rassure il sait que la chair : — Au contraire appliquez ce langage de l'a-
,

sacrée de Jésus a subi seule toutes les humilia- pôtre à l'incarnation; il est vrai de tout point;
tions qu'il rappelle; il sait que sa divinité n'en le Dieu- Verbe permet que nous parlions asinsi
a souffert aucun dommage. de sa chair glorifiée toutes ces donations ;

a Et pour cela, Dieu l'a élevé et lui a donné n'arrivent pas à sa nature divine, mais à celle
« un nom qui est au-dessus de tout nom, de que sa bonté a voulu revêtir. Les appliquer
« sorte qu'au nom de Jésustout genou fléchit au à la divinité c'est impardonnable
, tandis ,

<jciel, sur la terre et dans les enfers et que ; qu'au contraire si j'avance que Dieu a im-
toute langue confesse que Notre -Seigneur mortalisé un homme ,
quand même je le
« Jésus-Christ est dans la gloire de son Père ». dirais de l'homme tout entier, je sais ce que
Disons aux hérétiques: S'il est ici question du je dis.
Dieu-Verbe et non pas du Verbe incarné, a Au ciel, sur la terre et de ;s les enfers »,
exphquez-nous celte exaltation et ce genre qu'est-ce à dire? Dans tout l'un' "ers, qui com-
d'exaltation surtout? Le Père leur donae-t-il prend anges hommes et démons — ou bien
, ;

quelque chose en plus? Voilà, dès lors, l'im- encore chez les justes comme chez les pécheurs,
jperfection antérieure du Fils constatée d'un « Et que toute langue confesse que Notre-SeU

a TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

«pneurJésus-ChristcsldanslagloireduPèrei). moins, nous ne redoutons pas son terrible


Comprenez que tout le monde le proclame et
: ; tribunal. Que des gentils vivent dans l'impu-
remarquez qu'il s'agit ici de la gloire du Père, reté, rien d'étonnant, rien qui mérite un si
de sorte que partout, quand le Fils est glorifié, grand supplice ; mais que des chrétiens, parti-
le Père est aussi glorifié, et réciproquement le cipants de si grands mystères, admis à une
déshonneur du Fils retombe sur le Père. Car, gloire si éminente, osent cependant mener
s'ilen est ainsi même humainement
et chez une vie souillée, voilà une malice incompa-
nous, bien qu'entre les pères et leurs enfants rable et impardonnable.
la distance soit grande, bien plus en est-il Répondez-moi, en effet. Jésus -Christ est
ainsi en Dieu, au sein duquel cette différence descendu aux derniers degrés de l'obéissance,
ne peut être; ainsi l'honneur oule déshonneur et a mérité ainsi de devenir le Seigneur des
retombent sur lui. Selon l'aiiôtre, en effet, le anges et des hommes, le Maître absolu de tout
momie est soumis au Fils, et c'est là précisé- et de tous. Et nous croirions déchoir en nous
ment la gloire du Père. Donc aussi, quand humiliant ! nous montons
Mais au contraire :

nous disons que ce Fils est parfait, sans be- à une élévation sublime ; jamais nous ne
soin aucun, sans la moindre infériorité à l'é- sommes aussi grands et dignes d'estime. Oui,
g ird du Père, c'est encore la gloire de son celui qui s'élève s'abaisse ; celui qui s'abaisse
Père. Celui-ci apparaît dès lors dans tout l'é- s'élève; et pour prouver il suffit qu'une
le
clat de sa bonté, de sa puissance, de sa sagesse, seule fois Jésus-Christ ait prononcé cette ma-
puisqu'il engendre un Fils aussi grand, qui ne xime.
luiestaucunement inférieur ni pour la bonté, ni Au reste, examinons cette question à fond.
pour la sagesse. Oui, si je le proclame sage au- Etre humilié, qu'est-ce, sinon subir blâmes,
tant que son Père, sans une ombre d'infériorité. accusations, calomnies? Etre exalté, qu'est-ce,
Voilà bien déclarer la sagesse infinie du Père. sinon recevoir honneurs, louanges, élévation
Quand je le déclare aussi puissant que lui, en gloire? Sans doute. Or, voyons comment
j'indique en retour la puissance infinie du on arrive à l'un et à l'autre but. Satan était un
Pcie quand je le dis bon comme le Père,
; ange : il s'élève, qu'arrive-l-il? Ne tombe-t-il
c'est assez dire que le Père est infiniment bon, pas au dernier degré de l'abaissement ? La
puisqu'il a pu engendrer un Fils qui n'est à terre maintenant son séjour ?
n'est-elle pas
sou égard ni inférieur, ni moindre. Quand N'est-il pas partout accusé et poursuivi de re-
enfin je nie la moindre infériorité d'essence proches? —
Paul n'était qu'un homme; il
entre eux, et que j'avoue leur égalité, l'iden- s'humilie : qu'arrive-t-il? N'est-il pas estimé,
tité même
de leur substance; par là même je comblé de louanges, célébré par les éloges ?
proclame Dieu admirable, je chante sa puis- de Jésus-Christ? N'a-t-ilpas
N'est-il pas l'ami
sance, sa bonté, sa sagesse, parce qu'il a bien fait des choses plus étonnantes que Jésus-
voulu nous envoyer son Fils, ou plutôt un Christ même? N'a-t-il pas souvent commardé
autre lui-même en tout point sauf en un , au démon comme à un vil esclave? Ne l'a-'-i!

seul : c'est qu'il n'est point le Père. Ainsi pas promené à sa guise comme on ferait d'jD
tout ce que je dis à la louange du Fils, re- satellite? N'en a-t-il pas fait son jouet et foulé
tourne à son Père. L'éloge même si pauvre et aux pieds sa tête brisée? Ses prières n'ont-elles
si que je lui adresse en ce passage (car
chétif pas obtenu à bien d'autres personnes une sem-
c'est bien peu de chose pour la gloire de blable victoire ? Pourquoi m'arrêtai-je à ce
Dieu, que d'être adoré par le monde entier), double exemple? Voici celui d'Absalon et celui
ce faible éloge appartient encore à sa gloire de David; l'un qui s'élève, l'autre qui s'a-
néanmoins : à combien plus forte raison tout baisse : lequel, enfin, obtient l'honneur et la
le reste 1 gloire? Or, se peut-il entendre rien de plus
o. Croyons donc pour sa gloire, et pour sa humble que la réponse de ce bienheureux
gloire aussi sachons vivre, puisque faire l'un prophète aux outrages de Séméi o Laissez-le », :

sans l'autre ne sert de rien. Car lorsque nous disait-il o laissez-le me maudire, c'est Dieu
,

le glorifions selon la foi , sans vivre selon la a qui le lui a commandé?» (II Rois, xvi,10.)
loi, alors plus que jamais nous lui faisons ou- Ainsi encore le publicain s'humilie, quoi-
trage, puisque le reconnaissant comme Sei- qu'après tout son langage ne fût point celui
gneur et Maître , nous ne le méprisons pas de l'humilité, mais seulement de la tnodeUio
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS, - HOMÉLIE VII. ÏS

et d'une juste honte ; le pharisien au con- Aussi saint Paul disait : « Ne soyez point sages
traire s'exalte lui-même.... Mais, je l'ai dit, «à vos propres yeux » (Rom. xii, 16.) A l'égard
.

laissons les exemples de personnes, étudions des corps, quels sont ceux qui nous paraissent
plutôt la nature des choses. les mieux portants? Sont-ce les chairs gon-
Supposez donc, en général, deux individus, flées,que boursouflent les gaz et les humeurs
également bien dotés du côté de la fortune, des aqueuses, ou plutôt celles qui présentent fer-
honneurs , de la science de la puissance, de , meté et consistance? Celles-ci, répondez-vous.
tous les biens de ce monde, enfin, et connais- Il en est ainsi de l'âme : avec l'orgueil, elle se
sant d'ailleurs tous leurs avantages. L'un des gonfle plus dangereusement que vos mem-
deux, toutefois, mendie encore les éloges de bres par l'hydropisie ; par l'humilité , elle est
chacun, et s'irrite, quand on les lui refuse, saine.
toujours insatiable dans son ambition, tou- 6. Mais quels biens nous procure l'humilité ?
jours enflé de lui-même et de son mérite. L'au- Que souhaitez- vous? La patience, la douceur,
tre méprise tout ce vain attirail de la gloire, l'humanité, la continence, la docilité ? toutes
fl'y trouve sujet de quereller personne, et re- ces vertus naissent de l'humilité, et tous les
pousse même
honneurs qu'on lui défère.
les vices contraires, de l'orgueil. L'être orgueil-
A votre deux est le plus grand,
avis, lequel des leux sera nécessairement enclin à insulter, à
de celui qui mendie les honneurs, sans pou- frapper, à se montrer colère, âpre, chagrin,
voir les gagner, ou de celui qui les refuse quand une bête féroce enfin plutôt qu'un homme.
même on les lui offre ? C'est bien l'homme Robuste et fort, vous en êtes fier? Vous devriez
qui dédaigne, n'est-ce pas? Oh! oui, il est plutôt en être honteux. Comment vous enor-
vraiment grand; car le vrai moyen d'acquérir gueillir, en effet, d'une qualité sans valeur
la gloire, c'est de la fuir. Poursuivez-la, elle aucune ? Plus que vous, en effet, le lion a l'auda-
vous fuit; fuyez-la, elle vous poursuit. Si vous ce, le sangUer, la force ; près d'eux, vous n'êtes
voulez y parvenir, ne la désirez point; si vous pas même un moucheron. Brigands, violateurs
voulez grandir , ne vous portez pas vous- de sépultures, gladiateurs, que dis-je? vos
mêmes vers les hauteurs. Il est d'ailleurs une propres serviteurs mêmes et parmi eux en-
,

raison qui nous fait honorer l'homme humble core ceux peut-être qui sont les plus stupiiles,
et sans ambition, et prendre en aversion les vous surpassent pour la vigueur physique. Est-
poursuivants de la gloire les hommes aiment :
ce donc un sujet de gloire? ne devriez-voug
naturellement la contradiction; ils se plaisent pas plutôt vous cacher de honte, si tel est le su-
à faire le contraire de ce qu'on veut. jet de votre orgueil ? — Mais peut-être êtes-vous
Ainsi, méprisons la gloire ; s'humilier c'est beau aux corneilles cette van-
et joli ? Laissez
s'éleveFr Pour que les autres vous élèvent, terie; vous n'égalez certes pas la beauté du
ayez soin de ne pas vous élever vous-mêmes. paon rien qu'à voir l'éclat de ses couleurs et
,

Qui s'exalte ne sera point exalté par les au- la magnificence de son plumage la victoire ;

tres; qui s'abaissera ne sera pas abaissé par est à cet oiseau, qui certes est mieux coiffé»
les autres. L'orgueil est un grand vice. Mieux mieux brillante. Le cygne encore et bien d'au-
vaudrait être insensé qu'orgueilleux : l'idio- tres volatiles, si vous osez accepter la compa-
tisme est une infirmité de nature ; l'orgueil raison avec eux, vous apprendront à n'être pas
est une folie pire, c'est fureur souvent folie et fier ; de plus les enfants et les jeunes filles,
tout ensemble. Le pauvre fou ne nuit qu'à les femmes perdues, les infâmes se glorifient
soi ; l'orgueilleux est la plaie de ses frères. de ces vanités. Y a-t-il donc là un juste sujet
Cette maladie de l'orgueil est, d'ailleurs , en- d'orgueil ? —Mais vous êtes si riche! Eh ! de
fantée par la démence ; à moins de délirer, quoi, dites-le moi? Avez-vous de l'or, de l'ar-
nul au monde ne peut concevoir de soi-même gent, des pierres précieuses? C'est aussi la
une haute estime le fou achevé est toujours
:
gloire des voleurs, des assassins, des gens con-
arrogant. Le sage le déclare a J'ai vu un : damnés aux mines. Ce qui fait la honte de ces
homme se croire sage on peutencore mieux :
criminels sera pour vous un sujet d'ostentation?
espérer d'un insensé». (Prov. xxvi, 12.) Vous — Mais la mais la parure vous embel-
toilette,
voyez que je ne me suis pas aventuré en di- lissent.— Vous avez cela de commun avec
sant que ce vice est pire (]ue la folie car, selon ; vos chevaux ? Les Perses font mieux ils vous :

l'Ecriture, l'insensé doit donner plus d'espoir. montreraient jusqu'à des chameaux richement
S. i. Ch. — Tome XI.
à
^ THADl'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME:

caparaçonnés; les gens qui montent sur les nous de l'imiter. Par ses sentiments d'orgueil,
planilies de théâtre, vous donneraient des le- il voudrait s'élever au-dessus de la nature, ne
çons de luxe. Ne rougissez-vous pas de vous le laissonsdonc pas tomber plus bas que les
enorgueillir à propos d'avantages que parta- brutes ; non pas i)ar égard pour
rclevons-le,
gent avec vous les animaux, les esclaves, les lui-même, car il mériterait de subir cette mi-
meurtriers, les elléminés, les brigands les , sérable condition, mais pour l'honneur de
profanateurs de sépultures? —
Mais vous cons- Dieu, dont nous aimons à montrer la bonté
truisez des palais splendides? Que vaut cet suprême et l'honneur que chacun de nous lui
honneur? Beaucoup de geais en ont de plus doit.
niagnili(iues. Ne voit-on pas tous les jours des Car il est, il est bien cerlaincment des diffé-
gens, que travaille la folle passion des richesses, rences profondes entre nous et les brutes en ;

qui bâtissent des maisons dans des lieux sau- certaines choses il n'y a plus rien de commun
vages et déserts pour servir de demeure à ces entre elles et nous. Et quelles sont ces préro-
oiseaux? — De quoi êtes- vous si liers, enfin? gatives? La piété et la vertu. Ne m'objictez pas
De votre Vous ne chanterez jamais
belle voix ? ici les fornicaleurs , les voleurs et les homi-
plus agré.d)k'tuent que le cygne ou que le cides, car nous n'avons rien à démêler avec
rossignol. De votre habileté mécanique ou ar- d'hommes. Quels privilèges avons-
cette esiièce
tistique? Construisez-vous plus habilement tpie nous encore? La connaissance de Dion et de
l'abeille? Lst-il tapissier, peintre, architecte saprovidence, la raison cliiélicnne (\m nous
qui puisse imiter ses travaux? De la Jinesse de découvre l'inmiorlalilé. Ici la brute est vain-
\os tissus? L'araignée vous dépasse. De la vi- cue, puisqu'elle n'a pas même le soupçon de
tesse de vos ()ieds? Ah déférez le premier
! ces vérités qui nous consolent. Ici, entre la
rang aux animaux, aux lièvres, aux cerfs, à brûle et nous, rien de commun; inférieurs
des bêles de somme que votre vélocilé ne sau- sur tous les autres points signalés, nous avons
rait vaincre. De vos déplacements et voyages? en ceux-ci l'empire et le triomphe; c'eslmême
Les oiseaux, à cet égard , n'ont rien à craindre un liait caiactérislique de notre grandeur,
do la com|)araison ils voyagent plus commo-
;
que, vaincus par la bête d'antre part, nous
dément, ils changent de séjour, sans avoir be- pouvons cependant ainsi régner sur elle, dès
soin d'équipages ni de provisions : leurs ailes que notre huniililé, ne s'attribuant plus la
sullisentà tout et remplacent vaisseau, cour- cause et le mérite de()Uoi que ce soit, rapporte
siers, voitures, vents et voiles, tout ce que tout â Dieu, à Dieu qui nous a créés et nous a
vous voudrez. De votre vue perçante? L'âne est donné la raison. A la bête nous tendons des
encore mieux doué. De votre odorat? Le chien rets et des pièges et nous savons l'y attirer et
,

sera votre heureux rival. De votre talent à 1 y prendre tandis que nous-mêmes, sages et
:

faire des provisions? Les fourmis sont plus ha- modérés, nous nous sauvons par l'équité, par
biles. De l'or ([ui brille sur vous? Les fourmis la douceur, par le mépris de l'argent.
indiennes en ont davantage. De votre santé? Vous, au contraire, qui com[)lez parmi les
Les animaux l'ont meilleure ils ont plus ({ne
; solles victimes de l'orgueil et <jui êtes éloigné
vous la solidité du tempérament, et l'admirable des nobles idées que je développe ,
j'ai raison
instinct de se [irocurer le nécessaire aussi ne ; de dire que tantôt vous êtes le plus orgueil-
craignenl-ils pas la [)auvrelé « Regardez les
: leux lies hommes , tantôt la plus humiliée des
« oiseaux du ciel o, adil le Seigneur, « ils ne brutes. C'est, en caractère de ce vice
etl'et, le

a sèment, ni ne moissoimenl, ni n'amassentdans arrogajit et audacieux de s'élever aujourd'hui


u des greniers». (Mallh. vi,2G.) Ainsi, couclue- sans mesure, et demain de se rabaisser d'au-
rez-vous, Dieu a créé les animaux dans une con- tant i)lns, sans jamais garder le juste niilieu.
dition meilleure que la notre. Voyez -vous L'huniililé nous égale aux anges; un royaume
quelle est notre irréllexion ? voyez-vous com- lui esl promis, et c'est avec Jésus-Christ qu'elle
ment nous jugeons mal choses? voyez-
les doit en i>artugur les joies. L'homme humble,
vous comme il est avantageux d'examiner les vraiment homme, peut être frai)[)é, il ne peut
faits. Voilà un homme qui se plaçait bien au- succomber; il méprise la mort, loin de l'envi-
dessus de ses semblables et qui se laisse con- sager avec crainte et tremblement; il sait bor-
vamcrc qu'il est au-dessous des brutes! — ner ses désirs. Qui n'a point l'humilité est
Allous, épargnons- lui celte honte, et gardons-^ plus uiéprisuble que la brute; et, si par les
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE Al^X PHILIPPIENS. — HOMÉLIE VIII. 5f

biens ou les ornements du corps vous rem- decetteraisonvous vivez, moins qu'elles, d'une
portez sur tous les qu'en même hommes , et manière conforme à la raison mieux valait ;

temps vous soyez privés de ceux de l'âme, pour vous que le Créateur ne vous l'eût point
comment ne seriez- vous pas au-dessous de la donnée dans l'origine. 11 est bien plus mal-
bête? Car, enfin, mettons en scène un pécheur heureux de livrer lâchement un trône dont
de ce genre, dont la vie s'écoule à braver la vous êtes l'héritier, que de ne jamais en avoir
saine raison à pratiquer le vice à chercher
, , hérité. Un roi inférieur à ses satellites aurait
les plaisirs et les excès. Il n'en est pas moins gagné à ne pas revêtir la pourpre. Telle est
vaincu par la brute le cheval est plus belli- : aussi votre histoire I

queux, le sanglier plus fort, le lièvre plus Comprenons donc qu'à défaut de pratiquer
agile, le paon plus beau , le cygne plus mélo- la vertu,nous nous ravalons au-dessous de la
dieux ; l'éléphant l'emporte par la taille, l'aigle bête que tous nos soins se portent à la prati-
;

par la vue tous , les oiseaux sont plus riches. quer, et nous deviendrons des hommes, ou
Par quel côté dès lors méritez-vous de domi- plutôt des anges, et nous jouirons des biens
ner sur les bêtes? Par votre raison peut-être ? promis par la grâce et la bonté de Notre-Sei-
Mais non ; dès que vous en faites un mauvais gneur Jésus-Christ, etc., etc.
usage, vousdevenez pires que les brutes. Doués

HOMELIE VIIi;

AINSI, MES BIEN-AIMÉS..., OPÉREZ VOTRE SALUT AVEC CRAINTE ET TREMDLEMENT... CAR C'EST DItO
QUI OPÈRE EN NOUS LE VOULOIR ET LE FAIRE. (CHAP. Il, 12 18.)

1 et 2. les Philippiens exhortés ï bien agir, d'après leurs propres exemples. — Le salut doit se faire avec crainte et tremblement,
par la pensée de la présence de Dieu. — La giâce de Dieu et notre libre arbitre conciliés par l'apôlre. —
Agir sans murmure
ni hésitation.
3 et i. Le saint apporte l'exemple de Job, soufTrant sans murmure. Longs développements. — —
La vertu brille dans la douleur,
comme les étoiles dans la nuit sombre. —
Les peines, vrais sujets de joie ne pleurer la mort ni des justes ni des pécheurs
:

eai-mèm£3.

i. Les avis doivent être tempérés par les personne maintenant ce motif n'existe plus.'
;

éloges ainsi est-on sûr qu'ils seront bien ac-


: Si vous persévérez maintenant dans les mêmes
cueillis ,
puisque les personnes averties de la sentiments et les mêmes vertus, il devien-
sorte se verront invitées à rivaliser avec elles- dra évident que vous y êtes déterminés,
mêmes. Telle est ici la sainte tactique de l'apô- non par égard pour moi mais par le seul ,

tre, et voyez sa sagesse à l'employer. « Ainsi amour de Dieu. Alors, bienheureux Paul,
a donc, mes bien-aimés... » Il ne dit pas sans pour vous-même que demandez-vous? Je ne
détour et brusquement Chrétiens, obéissez 1 : demande pas que vous m'écoutiez mais que ,

mais emploie d'abord cette apostrophe élo-


il vous opériez votre salut avec crainte et trem-
gieuse, et il ajoute même a Comme vous : blement. Impossible, à qui n'a point cette
«avez toujours obéi », c'est-à-dire, je vous crainte, de faire une œuvre tant soit peu
engage et je vous supplie d'imiter non pas les grande et admirable.
autres, mais vous-mêmes, o Non-seulement, L'apôtre, non content de réclamer ici «la
c lorsiiue je suis présent, mais encore plus «crainte », demande même « le tremble-
;a lorsque je suis éloigné de vous... » Pour- «ment », qui est une autre sorte d'appréhen-
quoi plus encore en mon absence ? Parce sion plus grande et plus vive son but est de ;

(,iio , moi présent, vous paraissiez peut être les rendre plus attentifs encore. Au reste, lui-
{ijjir par respect ,
par honneur pour ma même éprouvait cette crainte quand il écri-
,

S9 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

vait : « Je crains qu'après avoir prêché aux bout, mais avec crainte et l'œil ouvert vous :

«autres, je ne sois moi-même réprouvé ». pourriez en déchoir II y a tant d'esprits de


I

(1 Cor. IX, 27.) Sans cette crainte, en elTet, malice qui n'ont d'autre désir que de vous
l'acquisition des biens temporels est souvent jeter dans l'abîme ! « Servez Dieu avec crainte »
impossible : combien plus celle des biens spi- dit le Prophète, a réjouissez-vous devant lui,
rituels I Dites-moi plutôt si, sans cette crainte, « mais avec tremblement », (Ps. ii, 11.) Mais

on pût jamais apprendre même l'alphabet, ou couuncnt concilier l'allégresse et le tremble-


savoir un métier El dans ces travaux, cepen-
1 ment? Je vous réponds que ce sont choses in-
dant, où le démon n'intervient pas aussi me- séparables. Car lorsque nous aurons accompli
naçant, où la paresse est le seul ennemi un acte vertueux, quand nous l'aurons fait,
redoutable, il faut un suprême effort pour vous dis-je, avec le même esprit qui fait agir
\aincre l'inertie de notre nature comment ;
un serviteur obéissant avec tremblement,
donc dans la guerre si redoutable dans les , alors, et seulement, alors la joie nous sera pos-
obstacles si grands (jue rencontre l'affaire du sible. Donc avec crainte et tremblement, « opé-
salut, comment pourrait-on jamais réussir « rez votre salut » non pas, faites, mais opé-
;

sans la crainte? rez, en ce sens ([ue vous fussiez la grande


Mais quels sont les moyens d'éveiller en œuvre non pas tant bien que mal, mais avec
nous ce sentiment si efficace? C'est de graver un soin, mais avec un zèle parfait. Or, ces pa-
dans notre âme le sentiment de la présence roles de crainte, de tremblement ne vont-elles
partout d'un Dieu qui entend tout, qui voit |ias nous jeter dans l'iuquiétude? L'apôtre la

tout, et non-seulement nos faits ou nos pa- l)révient et la dissipe en ajoutant « C'est:

roles, mais jusqu'aux replis les plus cachés « Dieu qui opère en vous» ainsi, que la crainte
;

de nos cœurs et de nos cs[)rits. a Car Dieu est et le tremblement dont je parle ne vous fas-
« le témoin des pensées et des désirs du cœur», sent point tomber les armes des mains; si je
(llébr. IV.) Ainsi prédisposés, nous ne ferons, les prononce, ce n'est pas pour vous déses-

nous ne dirons, nous ne penserons rien où se |)érer ni jiour vous faire croire que la vertu
mêle le péché. Dites-moi plutôt si vous de- : soit inabordable, mais seulement pour vous

viez constamment vous tenir debout devant un forcera comprendre, à vous appliquer, à ne
prince, vous seriez dans le respect et dans la point vous abattre, à ne jamais vous lasser. —
crainte. Et comment
qu'en face de
se fait-il Alors, répondrez-vouSj Dieu fera tout! il est
Dieu l'on s'abandonne au rire, aux bâille- vrai, ayez confiance Car c'est Dieu qui opère...
I

ments, sans craindre, sans trembler? N'abu- « Qui opère en vous le vouloir et le faire ».

sez pas de sa longue patience. Il diffère de Si donc Dieu opère, aussi faut-il que nous lui
punir pour vous amener à repenlance gar- ;
apportions une volonté toujours concordante,
dez-vous, dans n'importe quelle œuvre, d'agir ferme, constante. Si Dieu opère en nous la
comme si Dieu n'était pas partout présent :
volonté elle-même, sans aucune coopération
car il est là ! Ainsi dans le repas, à l'heure du de notre part, pourquoi saint Paul nousexhorte-
sommeil, lorsque vous êtes prêt à vous livrer t-il à vouloir? Si c'est Dieu qui fait toute notre

à la colère, à la rapine, aux plaisirs, dans toute volonté, vous avez tort,ô grand apôtre, de
action enfin pensez à la présence de Dieu et
, , nous dire « Vous avez obéi », car ce n'est
:

le rire coupable s'arrêtera sur vos lèvres, et la plus nous qui obéissons en vain vous ajou-
;

colère ne pourra vous emporter. Armé de tez : a Avec crainte et tremblement » tout :

cette continuelle pensée , vous serez constam- est de Dieul — L'apôtre vous répond Ce n'est :

ment dans la crainte et le tremblement, puis- pas dans ce sens que je vous ai dit « Dieu :

que toujours vous vous verrez en présence du a opère en nous le vouloir et le faire »; je n'ai
souverain Roi. Le maçon le plus expérimenté voulu qu'apaiser votre inquiétude. Si vous
et le plus habile ne se tient debout qu'avec voulez, Dieu opérera en vous le vouloir; que
crainte et tremblement sur l'édifice auquel il cette crainte ne vous trouble pas. C'est lui
travaille: il pourrait se précipiter Et vous 1 qui imprime le mouvement à la volonté et
aus<i, uialgré votre foi, malgré la praticjue de qui donne la force d'opérer. Dès (jue nous au-
maints devoirs de vertu, malgré le haut degré rons voulu, il augmentera, il accomplira notre
de sagesse oii peut-être vous êtes arrivé, tenez- bon vouloir. Par exemple je veux faire quel-
,

vous bien ferme sur l'endroit sûr, restez de- que bonne œuvre? Il opère en moi celte bonne
COMMENTAIRE SUR-L'ËPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE Vm. 53

œuvre, il opère en moi de la vouloir. Et par nous l'esprit de murmure ou d'hésitation.


le bien que j'accomplis il fortifie encore ma Voyez comme nous en préserve. 11
saint Paul
première volonté. a parlé de l'humilité et vous l'avez entendu
,

2. Peut-être aussi l'apôtre parle-t-il ainsi combattre ainsi l'orgueil il a parlé du goût;

par un motif de grande piété, comme quand pour la vaine gloire, et rabaissé notre vanité ;

il appelle grâces nos bonnes œuvres mêmes. ici encore il répète ces leçons quand il recom-

Or, de même qu'en les appelant grâces, il ne mande de bien agir, mais non pas seulement
prétend pas renverser notre libre arbitre et en sa présence maintenant il nomme en pas-
;

qu'il respecte au contraire notre parfaite auto- sant et il condamne les murmures et l'hésita-
nomie ainsi quand il déclare que Dieu opère
; tion. Mais pourquoi, voulant guérir les Corin-
en nous le vouloir même, il n'entend pas nous thiens de cette même maladie, leur a-t-il
priver de notre libre arbitre, mais il nous apporté l'exemple des Israélites, tandis qu'en
montre qu'en faisant le bien nous acquérons ce passage il n'emploie aucun argument de ce
plus encore l'inclination à bien vouloir. Car, genre, et se contente de rappeler un précepte?
comme en faisant on apprend à faire, ainsi en C'est qu'à Coi'inthe le mal était invétéré et il
ne faisant pas on désapprend. Avez- vous donné fallait bien sonder les profondeurs de la bles-
l'aumône? vous excitez d'autant plus en vous sure, et procéder par de vifs reproches ; à Phi-
la sainte passion de la charité avez-vous né- ; lippes,au contraire, il ne doit que prévenir le
gligé de la donner? vous êtes devenu plus mal, et il suffit d'un avis. A des gens qui
lent à la faire. Avez-vous passé un jour en- n'avaient pas encore péché il était inutile
tier dans la chasteté ? c'est un encouragement d'adresser de sévères paroles dans le seul but
à faire de même le jour suivant. Avez-vous été de les préserver. Déjà même pour leur faire
négligent, vous aurez accru votre négligence. aimer l'humilité, il ne s'est point servi de
B L'impie », selon l'Ecriture, o arrivé aux der- l'exemple évangélique où est raconté le sup-
a nières profondeurs
mal, méprise ». du plice de l'orgueil ; il a cherché au contraire,
,

(Prov. xviii 3.) Autant donc a de mépris et


, en Dieu même son modèle pour les exhorter ;
d'indifférence celui qui est tombé au fond de il leur a parlé non comme à des esclaves, mais
l'abîme , autant a de zèle
de vigilance celui et comme à des fils légitimes. En effet, un carac-
qui s'élève aux sommets du bien. L'un par tère honnête généreux n'a besoin, pour être
et
désespoir devient plus négligent; l'autre heu- entraîné à la vertu, que des exemples d'hom-
reux du trésor amassé déjà, grandit en vigi- mes vertueux et de nobles actions les cœurs ;

lance de peur de tout perdre. mauvais, au contraire, doivent entendre l'his-


D'apfès la bonne volonté », dit saint Paul, toire funeste de ceux qui ont failli au devoir ;
c'est-à-dire, selon votre charité, selon votre l'un est pris par le motif de l'honneur, l'autre
soin à lui plaire et à produire les œuvres qu'il par la terreur du supplice. Pour la même rai-
aime, et qui sont en harmonie avec sa sainte son, dans l'épître aux Hébreux, Paul rappelle
loi. Le saint vous enseigne et vous encourage cet Esaû qui vendit pour un vil aliment son
ici certainement, dit-il. Dieu opérera en vous.
: droit d'aînesse , et il ajoute : « Si l'homme se
Il exige, en effet, que notre vie soit d'accord « retirede moi, il me déplaira ». (Hébr. x, 38.)
avec sa volonté; or, si Dieu veut, et si d'ail- Or, parmi les Corinthiens, plusieurs s'étaient
leurs ce qu'il veut, il l'opèrelui-même, bien livrés au libertinage. Aussi leur disait-il :

certainement il le fera pour vous, il vous « Quand je reviendrai chez vous, puisse Dieu
donnera la grâce d'une vie sans reproche : « ne pas m'humilier encore, et me réduire à
car là se réduit sa volonté. Vous voyez donc « pleurer bon nombre de ceux qui déjà ont
que Paul ne détruit pas ici notre liberté. péché et n'ont pas fait pénitence des impu-
a Faites donc toutes choses sans murmures aretés, fornications, impudicités qu'ils ont
«et sans hésitation ». Quand le démon ne commises. Puissé-je vous trouver simples,"
peut autrement nous détourner de la voie du « exempts de tous reproches » (1 Cor. x, 10),
bien, il essaie un dernier moyen pour faire c'est-à-dire, purs de tout blâme devant votre
évanouir au moins notre récompense. Il nous conscience et devant Dieu. Car l'esprit de mur-
pousse à l'amour de la vaine gloire ou à la mure fait commettre des fautes graves. Que —
complaisance en nous-mêmes, ou du moins, veut dire précisément a sans hésitation ?» Ce
jîjtt cas d'insuccès de ces pièges, il éveille en péché a lieu quand on sç demande sans fin
\
bi TRADUCTION FHANÇAISE t)E SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

L'œuvre est-elle avantageuse , ne l'est-elle pas? longs jours, rongé de vers, assis sur un fu-
Ne disputez pas ainsi étcrueliement; agissez, mier et tourmentant de ses ongles une lèpre
quand même rœuvre proposée aurait sa peine hideuse. Après des souffrances de longue du-
et ses ennuis. Il n'ajoute pas : Craignez d'être rée déjà, disent nos saints Livres, sa femme
punis, car le supplice est indubitable; l'apôlre raposlrophait : o Combien de temps encore
le déclare ouvertement aux Corinlliiens; ici, a durera votre patience? continuerez -vous
rien de semblable ; au contraire : « Soyez », a toujours à répéter : J'attends, j'attends en-
dit-il, « irrépréhensibles et sincères, fils de acore? Dites plutôt une parole contre Dieu,
a Dieu sans rejjroche au milieu d'une na- a et puis mourez o. (Job. ii, 9.) — Je reviens
« tion corrompue, parmi laquelle
dépravée et à vous, cher auditeur. Vous murmurez parce
€ vous brillez comme des astres dans le mon- qu'un fils vous est mort? Que serait-ce donc
« de portant en vous la parole de \ie, pour
,
sivous les aviez tous perdus, et encore par
« êlremagloireaujourdeJésns-Clirist». une fin cruelle comme autrefois Job? Vous
Comprenez-vous comment l'aiil les instruit savez, au contraire, oui , vous savez combien
à éviter les murmures? Car cet esprit est celui vous ont consolé les soins prodigués à leurs
des esclaves injustes et déraisonnables. Quel derniers jours, cette assiduité auprès de leur
fils honnête, dites-moi, travaillant sur les chevet, ces baisers de vos lèvres à leurs lèvres,
propriétés de son père, et sûr par là de tra- leurs yeux que vous avez fermés, leur bouche
vailler pour lui-même, oserait nmrnuu-er? que vous avez close, leurs dernières paroles
Pensez donc, dit l'apôtre, que vous travaillez que vous avez ouïes Job, si grand et si juste,
!

pour vous-mêmes, que vous amassez pour n'a pas mcnie obtenu du ciel ces suprêmes
vous-mêmes. Que d'autres murmurent parce consolations tous ses fils, d'un seul coup,
:

ou'ils dépensent pour des élrangers leurs pei- furent écrasés et |>érirent.
nes et leurs sueurs mais amassant pour vous,
: Mais, que dis-je ? Si vous aviez reçu f orare
jiourquoi murmurer? Mieux vaut ne rien taire, de luer vous-même voire fils, de l'immoler,
que travailler avec cet esprit cliayrin, puis- de voir brûler sa dépouille mortelle cœume
qu'il détruit et tue ce que vous faites de bien. cet autre ()atriarche [Abraham], qu'auriez-
Est-ce que, dans nos maisons mêmes, nous vous fait? Et pourtant avec quel courage il
n'avons sans cesse à la bouche tcnc
pas construit nu autel, y place le bois, y attache
maxime Mieux vaut que besogne manque,
: son fils? —
Mais il est des gens qui vous pour-
plutôt (pie de se faire en murmurant? Et sou- suivent de leurs insultes? Que serait-ce donc
vent nous aimons mieux nous passer de cer- auteurs de ces insultes étaient des amis
si les

tains services que de soulfrir qu'on nous les venus pour vous consoler? Et pourtant les pé-
rende de mauvaise grâce. C'est chose grave, chés ne nous manquent jamais, et à ce titre
en ellet, grave et coupable est le murmure; et nous avons mérité f outrage. Mais Job, qui
(jui approche du blasphème. S'il en élait au- était un homme sincère, juste, pieux, qui
trement, pourcjuoi les Israélites auraieiilils avait évité toute faute, s'entendit calomnier
été si sévèrement punis de Dieu? Ce vice ré- par ses amis. Quelle eût été votre attitude en
vèle une âme ingrate. Qui murmure, est ingrat présence d'une épousi; qui vous aurait couvert
envers Dieu; qui est ingrat envers Dieu, est de reproches? Oui, disait-elle, me voilà, pau-
déjà blasphémateur. vre vagabonde, servante condamnée à errer
3. Au reste, à la naissance du Christianisme, çà et là, d'une maison à l'autre, n'attendant
les épreuves étaient continuelles, les dangers qu'avec le coucher du soleil un instant de
se suivaient sans interruption ;
point de cesse, trêve et de rei)0s à mes chagrins Femme 1 —
point de trêve; de toutes parts une nuée de insensée, qu'oses-tu dire? Ton mari est-il doue
calamités ; tandis que de nos jours, la paix est la cause de tes malheurs? Non, non ; c'est le
profonde, la trancjuillilc pailaile. démon seuil — «Job», dis-tu, a Job, pro-
Quel si grave motif vous fait murmurer? — noncez quelque parole contre le Seigneur,
Votre pauvreté ? Pensez à Job. Vos mala- — « et puis mourez ». Est-ce bien ta pensée? En
dies? Que feriez-vous donc si chargé comme
, serais-tu plus heureuse, pauvre folle, si cet
il l'était, et de biens et de bonnes œuvres, agonisant pronoii(,'ait cette parole et qu'il
vous étiez tombé dans la maladie? Oui, pen- mourût? — Mes frères, il n'existe pas de ma-
sez à ce saint patriarche, voyez-le, pendant de ladie plus atfreuse que celle dout Job était
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRfi AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE VîII. SS

affligé. Elle était si grave et de telle nature déployait avant notre loi de grâce, avant la
qu'elle le chassait de sa maison et de toute ha- claire prédication de la résurrection , de l'en-
bitation humaine. Si ce n'avait été une mala- fer, de ses peines et de ses supplices. Et nous
die incurable on n'eût pas vu le patriarche
, qui avons entendu prophètes, apôtres, évan-
assis hors de la ville , et dans des conditions gélistes, exemples à l'infini; nous qui avons
pires que lesmalheureux que la lèpre dévore. appris les preuves de la résurrection pour

Ceux-ci, du moins, trouvent une demeure et nous si évidentes nous n'en sommes pas
,

se rassemblent entre eux. Mais lui, à l'injure moins impatients bien que nul d'entre nous
,

du temps, sur un fumier, passait ainsi nuit et ne soit éprouvé par tant et de si grandes cala-
jour et ne pouvait même se couvrir d'un vêle- mités. Un tel a fait une perte d'argent, mais
ment. Comment l'eûl-il essayé? Sa douleur en il n'a pas perdu et ses fils et ses filles et sou ;

devenait plus aiguë. « Je creuse la terre », di- malheur peut-être est la punition de ses pé-
sait-il, « et j'irrite mes jilaies saignantes». (Job, chés. Job voit périr les siens tout à coup, pen-
vu, 5.) Ses chairs se fondaient en pourriture, dant Dieu, à l'heure
les sacrifices qu'il offre à
fourmillaient de vers, et cela continuellement. même où rend ses honmiagcs et son
il lui
Rien qu'à entendre ces horreurs, ne sentez- culte. Supposez même qu'un chrétien ait vu
vous pas comme chacun frissonne ? Et s'il est s'abîmer à la fois et ses richesses et sa famille,
presque intolérable d'en ouïr le récit, combien ce qui est presque impossible au moins ne :

plus l'était-il de les subir? Il les subit cepen- voit-il pas tout son corps se résoudre en vers
dant, cet homme juste, et non pas un jour ou dévorants et se fondre en corruption. Accor-
deux mais longtemps et ses lèvres ne com-
, ; dons qu'il ait même ce dernier malheur du :

mirent point de péché. Quelle maladie sem- moins ne trouve-t-il pas et ces insultes et ces
blable pourriez-vous me citer? Quel mal fut outrages qui, d'ordinaire, nous semblent être
plus fécond en souffrances ? N'était-il pas pire les maux les plus poignants, et nous désolent
que la perte de la vue? J'infecte mes ali- plus que nos malheurs mêmes. Car si dans
ments, s'écrie-t-il la nuit non plus que le
; nos misères profondes, lorsque nous trouvons
sommeil, soulagement de toute âme qui souf- des amis pour nous consoler, pour adoucir
fre, ne m'apporte aucune consolation elle est ; nos peines et nous inspirer quelques bonnes
pour moi une douleur de plus. Voici, du reste, espérances, nous sommes cependant encore si
ses paroles mêmes « Mon Dieu, pourquoi
: brisés, si découragés imaginez quel devait :

« m'efl'rayez-vous par d'horribles rêves, pour- être le supplice de Job, quand il ne trouvait
a quoi suis-je le jouet de visions cruelles? Et que des insuKeurs. Oui, si le prophète nous
a quand l'aurore vient, je me dis Quand donc : signale un malheur grave et incomparable
a tombera la nuit? » (Joh, vu, 1-4.) Malgré tant dans ce trait du psaume « J'ai attendu un :

et de si grands maux qui l'accablent, il ne ami pour pleurer avec moi, et personne
murmure jamais. Nouvel et atroce ennui la : « n'est venu pour me consoler, et je ne l'ai
nuiltitude avait conçu contre lui les plus tris- a pointtrouvé » (Ps. Lxviii 21 ) à quelle , :

tes idées. Ces calamités qui le frappaient fai- extrémité était donc réduit celui qui, au lieu
saient croire qu'il était coupable de crimes de trouver des consolateurs, ne rencontrait
sans nombre. Ses amis lui répétaient :Vos que des insulleurs, et s'écriait « Vous n'êtes :

souffrances n'ont pas encore atteint la mesure a tous que d'onéreux consolateurs » (Job, !

de vos péchés Lui-même ajoutait « Je m''en-


1 : XVI, 2.) Ah si de pareils souvenirs nous occu-
I

B tends blâmer par des hommes de rien que paient sans cesse,si tels étaient nos raisonne-
,

a j'es-timais moins que les chiens de mes ber- ments, aucun événement du siècle présent ne
gers ». (Job, xxx, -1.) Une telle honte n'est- nous accablerait de douleur ; nos regards se
elle pas pire que mille morts? Et cependant, âme de
porteraient sur cet athlète, sur celte
ce naufragé battu par tant de vagues, en proie «diamant sur ce cœur de bronze que rien ne
,

à une si horrible tempête, demeure calme, pouvait entamer; on eût dit, en effet, qu'il
immobile au milieu des nuées, parmi les avait revêtu un corps de rocher et d'airain ,

vents, les foudres, les tourbillons et les gouf- tant il souffrait avec patience et générosité.
fres; l'ouragan, si redoulahle, ne paraît être 4. Armé de ces penséi s, agissons toujours
pour lui qu'un port tranijuille, et l'on n'en- sans murmures, sans hésitation. Vous faites
tend point ses murmures. Tant de courage se quelque bien et vous murmurez ? Pourcjuoi 7
56 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMtl.

C'est, dites-vous, une fatalité, une nécessité I consoler de sa mort, et leur apprendre à mou-
— L'apôtre répondra en effet, : Je connais, rir sans crainte pour Jésus-Christ. Je deviens,
dans votre entourage, des gens qui presque dit-il, une victime, une hostie. âme bien-
vous forcent à murmurer. C'est ce que laisse heureuse Il appelle hostie leur établissement
!

deviner cette phrase de saint Paul « Vous : dans la foi. Mieux vaut immoler sa vie que
o habitez au milieu d'une nation dépravée et d'offrir un bœuf. Si donc je me livre moi-
a pervertie». Eh bien! voilà précisément le même sur cette offrande, comme victime vo-
seul point admirable de votre conduite même : lontaire ,
je me réjouis d'avance de ma mort ;

harcelé, même poussé par les méchants, n'ar- tel est le sens de ces paroles Mais quand je
: «
rivez pas jusqu'au murmure. Voyez plutôt « devrais répandre mon sang sur la victime
comme les étoiles brillent mieux dans la nuit et le sacrifice de votre foi, je m'en réjouirais
sombre, et lancent leurs feux dans les ténè- « en moi-même , et je m'en conjouirais avec
bres; loin que leur beauté s'use et se dépense a vous tous; et vous devriez aussi vous en ré-
par cette ombre épaisse, elle n'en a que plus «jouir et vous en conjouir avec moi ». Voyez-
d'éclat et même à l'approche du jour, vous
;
vous comment il veut que les fidèles se réjouis-
les verrez pàhr. C'est votre image demeurez : sent? Pour moi dit-il, je suis heureux de de-
,

droit et vertueux parmi les méchants; vous venir une victime, et je me conjouis avec vous
n'en aurez ([ue plus de splendeur, vous n'en d'unir le sacrifice de ma mort à celui de votre
serez que |)lus admirable, de persévérer ainsi foi.Vous-mêmes soyez-en heureux; vous-
sans reproche. Vous voyez que l'apôtre a pré- mêmes, conjouissez avec moi de ce que je suis
venu vos objections, quand il a écrit ces pa- offert en victime. Partagez la joie que j'éprouve
roles. dans ma propre mort.
Que veut-il indiquer par celles-ci : « Por- Ainsi la mort des justes ne veut point des
o tant la parole de vie? » C'est comme s'il di- larmes et mérite notre joie. Ils en sont heu-
sait :Vous qui devez arriver à la vie, vous qui reux soyons -le nous-mêmes avec eux. Il
:

êtes du nombre de ceux qui atteindront le sa- serait absurde de pleurer sur eux quand ils se
lut. Comprenez donc qu'il se hàle de leur réjouissent. Mais nous regrettons leur pré-
montrer la récompense. Les luminaires n'ont sence, direz-vous? Ce n'est là qu'un prétexte,

(|ue la lumière; vous portez, vous, la parole ce n'est qu'un déguisement. Ecoulez l'avis aux
(le vie. Qu'est-ce à dire? La semence de la vie Philippiens: «Réjouissez-vous; félicilezmoil»
est en vous ; vous en avez la promesse, vous Vous ne les voyez plus, dites-vous, vous auriez
en portez le germe : voilà ce que l'apôtre ap- raison de vous plaindre, vous deviez tou- si

pelle la |)arole de vie. En dehors de vous, tous jours demeurer ici-bas; mais si vous devez

sont dus morts : c'est encore ce que Paul donne bientôt rejoindre celui que vous pleurez,
à entendre, car s'ils vivaient, ils auraient donc quelle raison avez -vous de regretter si fort
aussi la parole de vie. son départ? Que celui-là regrette ses amis, qui
« Pour ma gloire », dit-il encore. Pourquoi? se voit séparé d'eux pour jamais. Mais si vous
C'est que, dit-il, j'ai ma part dans vos biens. devez bientôt prendre le même chemin, que
Si grande est voire vertu qu'elle suffit à la ,
signifient vos regrets? Pourquoi ne pleurons-
fois et pour vous sauver, et pour me glorifier. nous pas les absents? Pourquoi, du moins,
Mais quelle est votre gloire, ô bienheureux après quelques larmes pendant un ou deux
Paul? Pour nous, vous êtes flagellé, banni, jours, cessons-nous de pleurer? Si vous ne
couvert d'outniges « Sans doute », ré|)ond-il,
! regrettez que la séparation, i)leurez seulement
a ma gloire, au jour de Jésus-Christ, sera de ce qu'il faut pour montrer que la nature vous
a n'avoir pas couru en vain, de n'avoir pas a fait honune ;
puis réjouissez-vous comme U;
a travaillé en vain » j'aurai ainsi toujours ;
faisait Paul, qui s'écriaitne m'est arrivé
: Il

sujet de gloire, puisque ma carrière ne sera aucun mal ;


je suis heureux de m'en aller au-
pas sans combat. près de Jésus-Christ ; vous-mêmes associez-
a Et si je dois subir l'immolation... » Il ne vous à ma joie; felicitez-moi.
dit pas : Si je meurs, et il ne parle pas non Réjouissons-nous donc à la vue d'un juste
plus de sa mort dans 1 ( ])ilie a Timolliée; il
y qui meurl, et même en a|)prenanl la mort
répèle seulement cette expression : o Déjà je d'un pécheur impénitent. L'un est parti pour
a subis l'LuJuiolalioii «. Il veut à la fois et ks recevoir la récompense de ses travaux; l'autre
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE IX. S"!

a cessé d'ajouter au nombre toujours croissant se convertissent pas combien plus ceux qui
,

de ses crimes. Mais peut-être, direz-vous, peut- se convertissent? Nous avons donc raison de
être il eût changé de vie. Non car Dieu, si ce ! supprimer les pleurs dans les deux cas. Quoi
pécheur avait dû se convertir, ne l'aurait pas qu'il arrive^ remercions Dieu de toutes choses ;

enlevé de ce monde. Car, pourquoi le bon faisons tout sans murmurer; réjouissons-nous
Maître qui pour notre salut prépare tout, fait et sachons en tout lui plaire, afin de gagner
tout, ne l'aurait-il pas laissé vivre, si ce pé- réternelle palme, par la grâce et bont^ de

cheur u» jour avait dû redevenir en état de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc., etc.

lui plaire ? S'il supporte et attend ceux qui ne

HOMELIE IX;

j'espère, dans lE SEIGNEUR JÉSCS, QUE JE VOUS ENVERRAI BIENTOT TIMOTHÉE, AFIN QUE JB SOIS CON-
SOLÉ MOI AUSSI, EN APPRENANT DE VOS NOUVELLES. (ll, t9, JUSQU'A LA FIN DU CHAP.)

Analyse.

1-3. Pour se rassurer au sujet des Philippiens, il envoie Epaphrodite, et bientôt aussi Timolhée, un autre lui-même. —Eloge
d'EpaphroJite, qu'il veut leur rendre, et que Dieu a guéri. — Le retour à la santé est une grâce de Dieu, et la vie présente n'est
pas un mal. — Détails sur Epaphrodite, auxiliaire dévoué heureux qui peut ainsi aider les apôtres : transition k l'exhortation.
;

4-6. Obligation de subvenir aux besoins des ministres des autels dette d'honneur et non de justice.
: Iniquité de ceux qui les —
accusent. — Pourquoi le prèlre s'est fait pauvre, — Réponse à l'objection Ne possédez ni or, ni argent, etc.
: Pourquoi Dieu —
nous laisse-t-il les prêtres à secourir ?

i. Paul avait dit Les événements qui : tiens donc absolument, disait saint Paul, à savoir
a m'ont frappé ont contribué aux progrès de ce qui vous concerne. Or, voyez comme il sou-
l'Evangile; mes chaînes ont été glorieuses met toutes choses à Jésus-Christ, tout, jusqu'à
a jusque dans le palais impérial ».(lHiil. i, 13.) l'envoi deTimothée : a J'espère», dit-il, «dans
Il ajoutait : a Quand même je répandrais mon «le Seigneur Jésus », c'esl-à-dire, j'ai con-
a sang sur le sacrifice et l'oblalion de voire /iance que Dieu m'accordera cette grâce, et
a foi » : autant d'encouragements qui ren- qu'ainsi mes vœux pourront aboutir.
daient la- force à ses chers Philippiens. Mais Afin que moi aussi je sois consolé en ap-
peut-être aussi auraient-ils soupçonné ces a prenant de vos nouvelles... » Comme vous
premières paroles de n'être simplement qu'une avez été consolés, quand je vous ai appris que,
consolation qu'illeur adressait. Pour écarter ce selon vos vœux et vos prières , l'Evangile était
nuage, que fait-il? Je vous envoie Timolhée, en progrès, que le déshonneur était retombé
leur dit-il. Il voulait ainsi contenter l'ardent sur nos ennemis, que la joie m'était venue des
désir qu'ils avaient de connaître parfaitement efforts mêmes qu'ils avaient faits pour me
l'état présent de l'apôtre. Mais pourquoi ne nuire; ainsi je veux savoir à mon tour l'état
iit-il pas : Je l'envoie pour vous faire savoir actuel de vos affaires, afin que moi aussi je sois
ce qui me concerne, mais plutôt pour m'in- consolé en apprenant de vos nouvelles. C'est
struire de vos affaires? C'est que l'état de assez leur dire qu'ils avaient dû se réjouir
Paul leur devait être auparavant révélé par de ses liens et ambitionner de l'y suivre
Epaphrodite, qu'il leur envoyait avant même eux-mêmes, puisqu'il y trouvait son plus grand
le départ de Timolhée, comme le prouvent les bonheur.
paroles qui suivent « J"ai cru nécessaire de : En disant : Pour que a moi aussi » je sois
a vous renvoyer mon frère Epaphrodite», qui consolé , il comme vous l'êtes
sous-entend :

vous dira mes affaires mais je veux aussi sa- ; vous-mêmes. Dieu comme il aimait ses chers
1

voir les vôtres. Il est vraisemblable, en effet, Macédoniens II tient, au reste, le même lan-
1

que celui-ci , à cause de sa propre maladie, gage aux Thessaloniciens, quand il écrit :

aifait dû rester loujjtemps près de l'apôtre. Je Nous sommes désolé d'être séparé de yous^
^ fRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

inênic pour Irès-peu de temps; tout comme il phytes... Lui, vous aime d'un amour o sin-
dit aux IMiilippiens J'ai l'espoir de vous en- : « cère », c'est-à-dire d'un amour paternel.
voyer bientôt Timolliée pour savoir où vous en a Car tous cherchent leurs intérêts propres,

êtes. De part et d'autre, il montre même souci, et non ceux de Jésus-Christ... » c'est-à-dire,
très-inquiet de ses néopliytes. Car, lorsqu'il ne leur plaisir, leur sécurité, comme il l'écrivait

pouvait les voir en personne, il leur envoyait aussi à Timothée. Mais pourquoi ces plaintes
ses disciples t;uit il ne pouvait se résigner à
: ici ? Il veut nous apprendre, par cette leçon, à

ignorer leurs affaires, même pendant un ne pas tomber dans de pareils errements il ;

court laps de temps. veut que tous ceux qui l'entendent ne cher-
Paul, en effet, ne savait pas tout par révéla- chent ni leur satisfaction, ni leur tranquillité.
tion de l'Esprit ; et il valait mieux qu'il igno- Car celui qui cherche son propre bonheur,
rât de cette manière, puisque si ses néophytes poursuit, non les intérêts de Jésus- Christ,
avaient pu croire qu'il eût cette omniscience, mais les siens propres pour lui nous devons ;

ils auraient péché par dépit et impudence; être prêts à subir tous les travaux, toutes les
tandis que s'écha[)pant à des fautes qu'ils souffrances.
croyaient être cachées, ils s'en corrigeaient « Jugez de lui par l'épreuve que j'en ai
plus facilement. faite, puisqu'il moi dans la pré-
a servi avec
C'est pour redoubler leur vigilance
aussi « dication de l'Evangile, comme un fils avec
qu'il leur écrit « Afin que moi aussi je sois
: « son père ». —
Vous avez la preuve que je ne
«consolé » il réveille leur ferveur et leur bonne
; le loue pas à l'aventure; vous savez vous-mê-
volonté, en leur faisant entendre que, quand mes qu'il m'a aidé dans la prédication de l'E-
Lien même Timollice n'irait point chez eux, vangile, comme un fils, son [jèn. Paul fait

Paul saurait bien trouver un autre envoyé qui ici à bon droit l'éloge de Timothée, puisqu'il
lui apprendrait leur conduite. Il se sert évidem- veut qu'on le reçoive en tout honneur. La
ment d'un moyeu semblable, quand il diffère même raison lui dicle ces paroles aux Corin-
son voyage chez l'effet de
les Coriiilliiens, à thiens « Que personne ne le méprise, car il
:

les convertir, disant pour vous épar- : a C'est a faitautant que moi l'œuvre de Dieu » (1 Cor.
a gner quejo ne suis pas encore venu chez XVI, tO); recommandation qui est beaucoup
vous ». La charité de l'ajjôlre se manifeste, moins utile à l'envoyé qu'à ceux qui le reçoi-
non-seulement en leur annonçant ce qui lui vent; car ce sont eux qui seront récompensés
arrive, mais aussi en témoignant (ju'il veut magnifiquement en lui faisant accueil.
savoir où eux-mêmes en sont actuellement. a J'espère donc vous l'envoyer, aussitôt que
Voilà bien le lait d'une âme inquiète, ardente, j'aurai mis ordre à ce qui me regarde », aus-
et (juine peut calmer sa vive sollicitude. — sitôt que je saurai l'état de mes alLires et que
Mais, en même temps, il les comble d'honneur je pourrai en pressentir l'issue, le résultat. « Et
en leur envoyant Timolliée. Que dites-vous, ffje me promets aussi de la bonté du Sei-
en effet? ô grand saint! Vous envoyez Ti- « gneur, que j'irai moi-même vous voir bien-
inothée? Pourquoi? Vous me
répondez: a Je « tôtB.Sije vous l'envoie, ce n'est pas que je no
«n'ai personne (pii soit autant avec moi d'es- doive plus venir moi-même, maisc'estpour me
a prit de cœur, ni qui se porte plus sin-
et rassurer en apprenant où en sont vos affaires,
«cèrement à prendre soin de ce qui vous et pour ne pas rester, en attendant, sans nou-
donc personne qui eût
a touche... » N'avait-il velle aucune. Je me promets d'aller vous voir,
le mêmecœur, le même amour que lui, Paul? grâce à Dieu, si c'est sa volonté. Vous voyez
Non, personne que Timothée. Qu'est-ce à dire? qu'en tout et toujours, il se soumet à Dieu, et
C'est-à-dire aucun excepté lui qui autunt que , ne prononce rien d'après son propre esprit.
moi, vous porte intérêt et sollicitude. Car il 2. « Cejiendant j'ai cru nécessaire de vous
île trouver un ami capable de faire
est difficile renvoyer mon frère Epaphrodile, l'aide de
tant dechemin uniquement pour cette raison. mon ministère, le compagnon de mes com-
Un seul vous aime autant que moi,' c'est Ti- bats... » L'a|)ôlre l'envoie donc, avec les mê-
mothée. J'en aurais trouvé d'autres pour celle mes éloges qu'il donnait à Timolliée. Celui-ci
mission mais personne n'a son cœur. Ainsi,
; obtenait, en effet, deux titres de recomman-
celte unanimité » avec l'aiiôtre, signifie uu dation : son amour pour que
les Philippiens,
{injniir aussi grand que le sien pour ses néo- saint Paul attestait en disant que Timothée
COMMLi\tA!î\E SUR L'EPITRE AUX Pîî!L!PPIENS. - HOMÉlJE ÎX. BO

preiulrail soin d'eux avec une affection sin- d'.-cp'e, qne de lui donner la preuve et la
cère; cl les preuves de zlIc qu"i! avait non- cotniction de l'inlérél que lui porte son maî-
tre et des regrets dont est ainsi l'objet c'est
nées dans la prédication de l'Evangile. !1 in- il :

voqua ce double titre pour Epaiihrodite an^si, la marque d'une extrême ch;irité. Et puis ajou-

et en quels termes? I! l'appelle frère et coo; é- tai. t: « Vous saviez qu'il avait été m^ilade; il

rateur, il va même jusqu'à le nommer son « l'a mortellement, en


été effet», et pour vous
compagnon d'armes, montrant en lui un ami convaincre que je n'invente ni n'exagère au-
qui a partagé tous ses dangers, et attestant de cunement, écoutez: Dieu seul l'a sauvé « dans
lui tout ce qu'il pourrait dire de sui-mèuie. « sa miséricorde ».
Compagnon d'armes dit plus encore que coo- A ce fait, hérétiques, que répondrez-vous?
pérateur on trouve des gens qui s'associent à
;
Paul, ici, attribue à la miséricorde la conserva-
vous pour des affaires peu graves; beaucoup lion d'un malade près de mourir, et son re-
moins, pour prendre leur part de vos combats tour à la vie. Mais si ce monde était essen-

et de vos périls. L'apôtre indique que celui-ci tiellement mauvais, ce ne serait pas miséri-
portait jusque-là le dévouement. aEpaphrodite corde que de le retenir dans cet empire du
« qui est aussi votre apôtre et qui m'a servi mai. Ceitc réponse est accablante et facile
o dans mes besoins ». Ainsi nous vous ren- contre un hérétique; mais à un chrétien, que
dons, dit saint Paul, ce qui est à vous, puisque dirons-nous? 11 se peut qu'il ait des doutes, et
nous vous renvoyons un homme qui vous qu'il dise : Quoi 1 si être dissous et habiter
appartient, ou qui peut vous instruire. avec Jésus-Christ est un sort préférable, com-
« Parce qu'il désirait vous voir tous ; et il était ment dire que la miséricorde ici se soit exer-
a fort en peine, parce que vous aviez appris sa cée? — Et moi je répliquerai : Pourquoi l'a-

a maladie; en effet, il a été malade jusqu'à pôtre ajoute-t-il aussitôt : 11 est nécessaire que
lamort, mais Dieu a eu pitié de lui, et non- je reste à cause de vous ? Nécessité pour
a seulement de lui, mais aussi de moi, afin que Paul, qui valait aussi pour Epaphrodite ; d'ail-

je n'eusse point affliction sur affliction ». C'est leurs il n'attendait que pour s'en aller enfin
une autre manière de recommander Epapliro- vers Dieu avec de plus riches trésors et une
dite. L'apôtre montre que ce cher député est plus grande confiance. Pour être retardé un
convaincu de l'amour des Philippiens envers peu, ce bonheur ne pouvait néanmoins lui
lui. Rien de plus capable qu'un tel motif pour manquer ; et une fois parti de ce monde, il

le faire aimer encore davantage. Comment? de gagner des âmes. Ajou-


lui était impossible
C'est qu'il a été malade, et vous en avez été tez que Paul parle souvent le langage ordi-
afûigés il est rétabli, et vous délivre ainsi de
; naire des hommes, qu'il s'accommode à leurs
l'inquiétude que vous causait son accident; sentiments et à leurs pensées, et qu'il ne s'é-
mais il n'a pas été sans chagrin même après lève toujours aux sommets de la sa-
pas
sa guérison; il s'attristait de ne vous avoir pas gesse. Sa parole s'adressait à des hommes
vus encore depuis son rétablissement. L'in- mondains encore et craignant beaucoup la
tention de l'apôtre est aussi de se justifier lui- mort. Il veut enfin montrer sa haute estime
même en leur donnant la raison qui ne lui pour Epaphrodite, et lui gagner les respects
permettait pas de le renvoyer plus tôt, et prou- des fidèles en attestant que cette vie ainsi sau-
vant que la négligence n'y est pour rien qu'il ; vée lui est nécessaire au point qu'il regarde
a dû retenir Tunothée, n'ayant personne avec cette guérison comme un acte de miséricorde
lui : « Lui excepté, dit-il, je n'ai point d'ami envers lui-même.
intime » et d'autre part, gardant Epaphrodite à
,
Au reste, à part ces raisons, nous soutenons
cause de sa maladie, qu'il montre aussitôt encore que la vie présente est un bien sinon :

avoir été longue et dangereuse, puisqu'il « fut pourquoi Paul voudrait-il énumérer, parmi
«malade à en mourir». Voyez-vous quelles les châtiments du ciel, les morts prématurées?
précautions saint Paul met en jeu pour que Car il dit en un autre endroit C'est pour :

les fidèles ne puissent le moins du monde ac- cela que parmi vous plusieurs sont malades^
cuser en lui négligence ou paresse, et n'ail- infirmes, frappés même de l'éternel sommeil.
lent soupçonner (jue si [icrsonne n'est venu, La vie à venir du méchant n'est pas meilleure
c'est parce qu'on les mépriserait? Rien n'est que celle-ci, elle est affreuse ;
pour l'homme
plus capable, eu effet, d d'un juste, elle vaut mieux que celle-ci. \
«6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

aDieu n'a pas voulu que j'eusse Iristesse cité que c'était un secours d'argent. J'ai reçu,"
a surIristesse », que déjà dùsolé de sa maladie, dit-il, par Epa-
ce que vous m'avez envoyé
j'eusse encore la douleur de le i^erdre. Il no phrodite. 11donc vraisemblable qu'à son
est

peut mieux faire voir son estime pour Epa- arrivée à Rome, il trouva Paul dans un dan-
plirodite. « C'est pourquoi je me suis hâté de ger très-grave et si menaçant même que, loin
oie renvoyer ». Comment s'est-il hâté? Sans de pouvoir aborder sa prison sans péril, on
hésitation, sans délai, en lui ordonnant de risquait sa vie en s'y hasardant; ce qui arrive
passer sur tous les obstacles, pour vous arri- d'ordinaire quand gronde un violent orage et
ver au |>lus tôt et vous mettre hors de peine. que la colère des souverains déborde au-delà
Eu ellet, quand une personne aimée revient à de toute limite. Qu'un malheureux soit tombé
la santé, nous sommes heureux de l'appren- dans la disgrâce du prince , il est jeté dans les
dre, mais plus joyeux de la revoir, surtout si fers et gardé très-étroitement ses serviteurs ;

elle a guéri contre toute espérance, comme il mêmes ne peuvent arriver jusqu'à lui. Il est
était alors arrivé pour Epaphrodile. « Pour — vraisemblable que tel était alors le sort de
« vous donner la joie de le revoir et pouradou- Paul, et qu'Epaphrodite, homme d'un carac-
flcir aussi mon chagrin ». Quel est le sens des tère et d'un courage héroïques, avait méprisé
derniers mots? Le voici Si vous revenez ta la : tous les dangers pour pénétrer auprès de lui,

joie, j'y reviendrai moi-même; notre cher pour l'aider et lui fournir tout ce que récla-
disciple sera, à son tour, heureux de notre mait sa position. Paul apporte donc deux
bonheur, et moi-même je serai mieux délivré motifs pour lui gagner le respect et l'auto-
de mon chagrin. Il ne dit pas Je serai sans : rité l'un, c'est qu'il a, dit-il, bravé la mort à
;

tristesse mais seulement


; Ma tristesse s'en : cause de moi; l'autre, qu'il s'est exposé ainsi
adoucira, pour montrer que jamais son âme étant l'ambassadeur de toute une cité; de
n'est rxem|ite de soullrance. Comment serait- manière (jue, dans ce graud péril, la cité qui
il sans chagrin ni peine, celui qui s'écrie : le députait a eu aussi sa part de gloire, puis-
Qui est-ce qui est malade sans que je le sois qu'il représentait tous ceux qui
l'avaient en-
oavee lui? Qui est scandalisé sans que je voyé. Recevez-le donc avec grands égards,
de,

brûle?» (II Cor. xi, 29.) Du moins déposerai- rendez-lui des actions de grâces pour ses fonc-
je ce chagrin ! tions si bien remplies; c'est le moyen pour
3. Recevez-le donc avec tonte sorte de joie vous de parlicii)er aux mérites de nos dangers
d dans le Seigneur ». Recevoir «dans le Sei- et de toutes nos œuvres. Et il n'a jias dit : Il

giicur » , c'est le recevoir avec l'esprit de foi, s'est ex[iosé « pour moi », mais pour que son
avec une charité empressée; ou plutôt, c'est témoignage acquière autorité et confiance, il
l'accueillir selon la volonté de Dieu par con- ;
dit: « Pour l'œuvre de Dieu». Ce n'est pas
séquent avec le respect dû à la dignité des mon intérêt, c'est celui de Dieu qui l'a fait
saints, comme il convient de recevoir un agir et « braver la mort ». Car enfin n'est-il ,

faint. — En toute joie » , dit-il encore ; car pas vrai que, bien qu'il n'ait pas, grâce à
l'aul, par ces recommandations , agissait dans Dieu, subi le coup fatal, il n'a cepenilaiit tenu
l'intérêt non de ses envoyés, mais des fidèles aucun compte de sa vie et qu'il s'est livré en-
qui Celui qui donne en
les accueilleraient. tièrement; il aurait affronté à l'aveugle tous
pareil cas a bien plus à gagner que celui qui les maux, sans craindre ni cesser pour cela de
reçoit. Donc a traitez avec honneur de telles m'olfrir son secours. Et s'il s'est exposé à la
a personnes » faites à celui-ci l'accueil que
;
mort pour le service de Paul, bien plus volon-
méritent les saints. tiers l'aurail-il fait pour la prédication de l'E-
a Car il s'est vu tout proche de la mort, vangile; ou, à dire vrai, mourir pour Paul,
a pour avoir voulu servir à l'œuvre de Jésus- c'étaitmourir pour l'Evangile. Car la cou-
o Christ, exposant ainsi sa vie, afiu de suppléer ronne du martyre n'est pas seulement pour
a par son assistance à celle que vous ne pouviez ceux qui refusent de sacrifier aux idoles , mais
me rendre vous-mêmes». Epaphrodite avait pour ceux encore qui meurent pour le ser-
été envoyé par la communauté entière des vice des saints. Je^ dirai même, et ceci vous
chrétiens de Phiiippts, afin de servir Paul, ou étonnera peut-être que le second cas est
,

p iit-ètre il était venu lui apjiorter un secours, même plus glorieux que le premier. Celui qui,
^'(ipôlre semble attester dans un passage delà pour un sujet moidre, ose aflionler la ruort^
.

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉUE IX.' 61

l'osera bien plus encore pour un sujet impor- contre la chair et le sang (Eph. viii, 12);

tant. Aussi nous-mêmes quand nous voyons


,
,
nous n'accorderions pas l'indispensable né-
les saints aux prises avec le péril, ne ménageons cessaire de chaque jour? Quelle iniquité se-
pas même notre vie. Celui qui n'a jamais le rait-ce 1 Quelle ingratitude! Quelle avarice I

cœur d'expérimenter le danger, ne sera jamais 4. Ne semble-t-il pas que la crainte desjiom-
non plus capable d'une grande action tou- ; mes l'emporte chez nous sur les terreurs de
jours préoccupé du salut de la vie présente il , l'enfer et des supplices éternels? On ne peut
perd le salut de la vie à venir. expliquer autrement ce renversement de nos
a Afin de suppléer par son assistance à celle idées et de notre conduite: ainsi nos obligations
a que vous ne pouviez me rendre vous-mêmes» civiles s'accomplissent chaque jour comme
Que Votre cité n'était pas là, mais,
dit l'apôtre? d'elles-mêmes et avec un soin scrupuleux qui
par l'intermédiaire de son député, elle a rem- n'en voudrait négliger aucune; tandis que
pli pour moi tous ses devoirs d'assistance. Il les obligations spirituelles n'entrent point
vous a suffi de l'envoyer, pour que votre se- chez nous en ligne de compte. Faut -il donc
cours qui me manquait, me fût prodigué par que des devoirs imposés par la nécessité
ce bien-aimé mandataire qui pour celte rai- ,
et par la crainte des châtiments , exigés
son, mérite tout l'honneur possible ce que ; de nous comme d'esclaves contraints et
tous vous me deviez, il l'a payé pour tous. L'a- forcés , cependant acquittés avec un
soient
pôtre montre aussi que le premier devoir des extrême empressement tandis qu'on oublie
,

fidèles qui sont en sûreté


,
est de venir en
, entièrement ceux qu'on nous réclame en s'a-
aide à ceux qui sont en péril c'est ce qu'in- ; dressant uniquement à notre liberté et à notre
dique l'expression qu'il emploie « Le retard : générosité? Ce reprociie, s'il n'atteint pas la
«de l'assistance qui m'était due », dit-il. généralité des fidèles, s'adresse à ceux qui ne
Saisisst'Z-vous bien l'intention de Paul , l'es- veulent point acquitter ces dettes sacrées. Dieu
prit d'un apôtre? Cette liberté de parole ne ne pouvait -il pas vous en faire la loi la plus
provenait pas, chez lui, de l'orgueil, mais du rigoureuse? Il ne l'a pas voulu, parce que votre

grand intérêt qu'il portait aux fidèles. Crai- intérêt lui est plus cher encore que celui des
gnant que ces néophytes ne viennent à s'en- saints, objets de votre charité. Dieu ne veut pas
fler, voulant qu'ils gardent la sainte modéra- que vous obéissiez à la nécessité, parce qu'une
tion de l'esprit, et que loin de surfaire un telle obéissance n'aurait rien à espérer de lui.
service rendu, ils gardent d'humbles senti- Toutefois il en est ici, et beaucoup, qui sont
ments; il appelle le service rendu un minis- plus bas et plus vils que les Juifs. Rappelez-
tère obligé, un secours qui manquait. Pre- vous les dîmes et les prémices, les secondes
nons garde nous aussi de nous enorgueillir dîmes et même les troisièmes, le sicle, tout ce
quand nous aidons les saints, et n'allons pas que donnait enfin ce peuple, sans se plaindre
nous poser en bienfaiteurs devant nos propres jamais de ce que lui coûtait l'entretien des
yeux. Nous payons une dette, nous ne faisons prêtres. Plus ils recevaient, plus il était rendu
pas une donation. Comme l'armée active, et à ceux qui donnaient. On ne Ces disait pas :

surtout le soldat en campagne, doit recevoir gens sont insatiables, esclaves de leur ventre 1
du citoyen qui vil en paix, les aliments et tout Car il me revient de ces propos indignes, et
le nécessaire; car c'est pour celui-ci que l'au- ceux qui les tiennent savent pourtant se bâtir
tre est sous les armes ainsi, dans le cas pré-
: des maisons et acheter des terres, tout en se
sent. Si Paul n'avait pas rempli sa charge prétendant pauvres, tandis qu'ils taxeront de
apostolique, l'aurait-on jeté en prison? Ainsi riche un prêtre qui, par hasard, ou sera ua
c'est un devoir que d'aider les saints. Quelle peu mieux vêtu, ou ne manquera pas des ali-
absurdité serait-ce d'approvisionner entière- ments nécessaires, ou se fera servir par un
ment ceux qui protègent un empire de li domestique pour ne pas abdiquer sa dignité.
terre, de leur fournir aliments , vêlements, le Riches, nousl oui nous le sommes en vérité,
nécessaire enfin, et même bien au-delà du eC nos détracteurs sont bien forcés d'eu con-
besoin, tandis qu'à celui qui combat pour venir. Si peu que nous possédions, en effet,
l'empereur du ciel, (jui livre bataille contre nous sommes dans l'abondance ; tandis que,
des ennemis bien plus dangereux, [car saint possesseurs du monde entier, ils auraient en-
Paul dit que nous ne luttons pas seulement core des besoins.
ti TRADL'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME."

Jusqiies à quand durera notre folie ? N'est-ce n'est pas assez sage pour cela? Mais s'il se
donc pas assez pour attirer sur vous le sup- borne à ne pas manquer du simple nécessaire,
plice éternel que vous ne fassiez aucune
,
est-ce un crime ? Faut-il plutôt qu'il aille de
bonne œuvre? Faut-il encore y joindre les porte en porte demandant son pain? Et ne se-
malins propos pour rendre votre chàtirneat riez-vous [las le premier à en rougir, vous son
plus sévère ? disciple? Si votre père selon la nature en était
Si c'était vous, en effet, qui eussiez fait la l'éduit là, vous vous croiriez déshonorés ; mais
prétendue fortune liu prêtre, rien qu'en lui re- si votre père spirituel était forcé à sedégiader,
procliant comme un criuie ce libre effet de ne devriez-vous pas en être honteux jusiju'à
Voire générosiîé, vous auriez perdu voire ré- ne plus oser vous montrer? Car, selon l'Ecri-
compense. Si c'est un don que vous lui avez ture, « un jière sans honneur est le déshoa-
fait, pour(|uoi l'accuser? Vous-même attestez « ncur de ses enfants ». (Ecclés. lu, 13.) Eh
qu'il était pauvre auparavant : cequ'ila, dites- quoiîfaut-il donc que ce prêtre meure de faim?
vous, il le tient de moi. Pourquoi l'accuser, La piété ne le permet pas puisque Dieu le dé-
dès lors? il lie falhiit |)as lui donner, si vous fend.
deviez lui faire un crime de recevoir. Mais un Or, quand nous répondons ainsi àcette sorte
autre a donné,'el vous l'incriminez 1 Vous n'ê- de gens, deviennent tout à coup des sages
ils

tes que (dus coupable, vous qui savez à la fois et des docteurs. L'Ecriture a prononcé selon
refuser pour votre couiple et accuser ceux qui eux : « Ne possédez ni or, ni trgent, ni deux
font le bien ! a tuniques, aucune monnaie dans vos ceintu-
Quelle sera, pensez-vous, la récompense de « res, pas même un bàlon ». Matlh. x, 9.) Or,
ceux qui subissent de lelsalfronts? Car ils souf- on vous voit double et triple vêtement et jus-
frent pour la cause de Dieu. Ils auraient pu, qu'à des lits bien couverts.
au lieu du sacerdoce, exercer la profession de Hélas ! laissez-moi jeter un profond soupir;
sunples lioteliers, en supposant que leurs an- car si la bienséance ne me retenait, je verse-
cêtres ne leur aient rien laissé. On s.iit bien rais même des [ileurs abondants. Pouniuoi ?
nous l'objecter avec impudence, (juand parfois parce que nous savons découvrir si habile-
nous recommandons tel ou tel comme pauvre ment une paille dans l'œil du prochain, sans
et nécessiteux. Ne pourrnit-il donc s'enrichir, jamais soupçonner la poutrequi nous aveugle.
s'il le voulait? nous dit-on; et l'outrage s'a- Comment donc, dites-uioi, comment ne pre-
joute à cette réflexion brutale Son a'ieul, son : nez-vous pas pour vous-mêmes l'avis de Noire-
bisaïeul n'étaient que cela, et lui, aujourd'hui Seigneur? Le [irécepte, répondez-vous, n'est
même, voyez connue il est bien vêtu Mais qiini ! ! que pour nos maîtres spirituels. Ainsi, lorsque
Voulez-vous qu'il aille nu? Ah vous êtes ha- ! Paul a écrit o Quand vous avez le vivre et le
:

biles à imafiiner des rapprochements cruels ;


« couvert, sachez êlre contents » (I Timoth.

m. us craignez de parler contre vous-mêmes, VI, 8), il ne parlait non plus qu'à vos pasteurs?

et entendizl'avis menaçant de Noire-Seigneur : Certainement non, mais à tous les hommes,


< Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés! » et tel est le sens évident de ce passage, si vous
M.illli. vil, 1.) l'éludiez dans tout son contexte. Il avait dit
Supposons, du reste, qu'il pouvait, à son d'abord : « C'est une grande richesse que la
i;ié. une profession d'hôtelier, de com-
choisir « piété,qui se contente de ce qui suffît» il ;

in lyaiit qui l'eût mis au-dessus du besoin, et poursuivait: «Car nous n'avons rien apporté
i|u'il ne l'a pas voulu. Que gagne-t-il donc « dans ce monde, et il est certain que nous
maintfiiaiil, ites-moi? Porte- t-i Ides vêtements
il « n'en pouvons cnii)orler davantage » ; et il
de soie? Traîne-t-il après lui sur la place pu- conclut aussitôt « Ayant donc de quoi nous
:

bliqut; un cortège de nombreux valet»? Mon- nourrir et de quoi nous couvrir, nous do-
te-t-il un coursier su|)erbe? Se couslruil-il « vous être contents. Car ceux qui veulent dc-
des maisons, ayant d'ailleurs une habitation venir riches tombent dans la tentation cl
con\'<'nable?Si lelleistsa conduite, je le blâme a dans le piège du démon, et dans maints dc-
avec vous, et, loin de l'épargner, je le proclame « sirs inutiles et pernicieux ». Voyez-vous

indigne du sacerdoce. C.mmeiil, en ellet^ Comme son discours s'adresse à tous les haiii-|

poiiria-t-il exhorter les autres à sa>oir se jias- mes ? N'est-ce pas encore son langage aut Uo-|

fer de cet attirail superflu, puisiiue lui-uiéinc niaius? « N'ajez point de souci de la chuii* en
\
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PîIILlPPIEiNS. — HOMÉLIE IX.' 63

« ses désirs » ; et aux Corinlhiens : « Les vian- Au reste, je le répète, ces réflexions qui
des sont pour le ventre, et le ventre pour les nous condamneraient, personne ne les fait,
a viandes, el un jour Dieu détruira l'un et Tau- personne ne les creuse, personne ne se les ap-
a tre » ; et ailleurs, parlant dts veuves : « Celle piiuue. Voulez-vous cependant d'autres testes
« qui vit dans les délices, est morte toute vive». dans le n:ême sens ? « Quiconque d'entre
Une veuve est-tlle un maîlre et un docteur? a vous (c'est Jésus qui parle) ne renonce
et Paul n'a-t-il pas écrit « Je ne permets pas
: « pas à tout ce qu'il possède, n'est pas digne
« aux femmes d'enseigner ni de dominer sur de moi ». (Luc, xiv, 33.) Et que pensez-vous
« leurs maris ? » de cette autre parole : « 11 est difficile à un
5. Réfléchissez ici. Le veuvage ne va guère a riche d'entrer dans le royaume des cicux »
sans la vieillesse. Celle-ci déjà veut de grands (Maith. XIX, 23) ; el de celle-ci encore : « Mal-
soins; la nalure de la femme les impose d'ail- « heur à vous , riches ,
parce que vous avez
leurs, puisque ce sexe, à cause de sa faiblesse « toute votre consolation I » (Luc, vi, 24.) Voilà
même, réclame plus de ménagements. Or, ce que personne ne pèse , n'approfondit, ne se
nialgié ces exigences de Page et de la nalure, dit àsoi-même; nous n'avons de force et d'ar-
saint Paul ne permet pas à la veuve une vie deur que dans la cause du prochain c'est le ;

molle el délicate; il décl;ire même qu'elle est moyen assuré de tremper dans tous les crimes.
déjà morte, puisqu'il n'a pas dit seulement : Toutefois, et toujours dans votre intérêt,
Elle ne doit pas vivre délicatement mais bien I : écoutez comment se résolvent les tristes griefs
Celle qui vit dans les délices est morte! Il l'a qu'on impute aux prêtres. Les regarder comme
donc rayée de ce monde, puisqu'un mort en convaincus de violer la loi de Dieu n'est pas
est effacé pour toujours. Comment donc un une mince injure : examinons la valeur de
homme serait-il pardonné, s'il se permet une ces accusations.
conduite que Dieu punit dans une femme déjà Jésus-Christ a dit : « Ne possédez ni or, ni
vieille? Voilà des réfluxions que personne n'a- 9 argent, ni deux tuniques, ni chaussures, ni
borde, que personne n'approfondit. ceinture, ni bâton ». Qu'en conclure, dites-
Quant à moi, je suis forcé de vous tenir ce moi? Pierre allait-il contre le précepte? Et
langage, non dans le but de disculper les mi- comment enfin Pexcuser d'avoir possédé, en
nistres de l'aulel, mais pour votre propre bien. effet, ceinture, vêtements, chaussures? Ecou-
Vos prêtres, en etfet, s'ils ont le malheur de tez plutôt ce que lui dit l'ange libérateur :

viser aux richesses, et de mériter de trop jus- « Ceignez -vous, chaussez-vous de vos sou-
tes reproches, vos prêtres ne seront pas punis « liers » (Act. xu, 8), bien qu'à cette époque
par vos__accusations; parlez ou ne parlez pas de Tannée, les chaussures ne fussent pas un
contre eux, il est un Juge auquel ils rendront objet de première nécessité ; en celle chaude
compte de leur conduite; mais vosdétraclions saison, on peut aller nu-pieds; l'hiver seul les
ne peuvent les atteindre. Qu'au contraire vos rend indispensables; et voilà Pierre en posses-
reproches soient des calonuiies, ils n'ont qu'à sion de chaussures 1 —
Et de Paul, que dirons-
gagner à être ainsi insultés sans raison, et nous? Il écrit à Timothée a Hâtez-vous de :

vous n'avez frappé que vous-mêmes. Voyez- a venir me


trouver », et aussitôt il ajoute :
vous combien votre condition est différente de a Apportez-moi, en venant ici, le manteau que
la leur? Parlez contre eux, à torl ou à raison, a j'ai laissé en Troade , chez Carpus, et les
dès que vous parlez en mal, vous vous êtes a livres et surtout les parchemins». (11 Tini.
blessés! Pourquoi? c'est qu'une accusation IV, 13, 21.) Il parled'un manteau, et personne
même véridique vous nuit déjà, parce qu'on ne dira qu'il n'en avait pas un autre dont il
dépit du bon ordre, vous jugez vos maîtres : pût se vêtir. Car s'il avait l'habitude d'aller
Or, s'il est défendu déjuger un frère, combien sans manteau, il était inutile évidemment
plus l'esl-il de juger un maître! Que si votre d'ordonner qu'on lui apportât celui-là. Si au ,

accusation est calomnieuse, le su(iplice vous contraire, il était habitué à ce genre de vête-
attend le châtiment vous menace plus terri-
; ment, il est clair qu'il en avait un autre en-
ble encore. Pensez que vous devez rendre core. Comment expliquer d'ailleurs qu'il de-
compte même d'une parole oiseuse Aussi I meura deux ans dans un logis (ju'il louait ? Il
quand, à ce sujet, je vous exhorte et me fati- faudra dire qu'il -tlésobéissail à Jésus-Christ,
gue, je le fais dans voire intérêt. lui qui disait pourtant : a Je vis, non ce n'est
, ,

64 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.'

« moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui


plus enfermé ? Et si le froid avait raidi ses mem-î
en moi »; lui le vase d élection à qui le
vit , bres , devait-il périr et s'interdire la parole?
Seigneur lui-même rendait ce témoignage : Car n'allez pas croire que le corps de ces pre-
« Cet homme est pour moi un vase choisi » I miers apôtres ait été de diamant. Ecoutez ce
Je devrais vous laisser dans le doute et ne que saint Paul dit à Timothée « Usez d'un :

pas vous donner la solution de ces problèmes, « peu de vin, à cause de votre estomac et de

mais vous punir ainsi de votre négligence; et a VOS fréquentes maladies »; et d'Epaphrodite :

de votre oubli de nos saints livres car tout le ; « J'ai cru devoir vous renvoyer cet apôtre qui

mal vient de là. Chercheurs infatigables et «m'a tant aidé aux jours de ma détresse il a ;

cruels quand il s'agit des péchés d'autrui a été malade jusqu'à en mourir, mais Dieu a
nous n'avons pas même la pensée des nôtres, «eu pitié de lui, et non-seulement de lui,
ignorants que nous sommes des Ecritures, et « mais de moi-même aussi ». (I Tim. v, 23;

nullement instruits de la loi de Dieu. Oui, je et Philip. Il, 23.) Ils étaient donc sujets à toute
vous devrais ce légitime châtiment. Mais quoi? maladie ou infirmité. Fallait-il donc qu'ils se
je suis père; un |ière est toujours trop indulgent laissassent mourir? Non, évidemment. Pour
pour ses enfants, parce que ce cœur paternel quelle raison donc le Seigneur, à une certaine
ne peut perdre sa chaleur; à l'aspect d'un fils époque, leur donnail-il le précepte de n'avoir
triste et défait, il se trouve frappé, plus que ni sac, ni besace, etc.? 11 voulait sur l'heure y
lui-même, d'une douleur poignante il n'est ; pourvoir par un prodige, et montrer que dans
heureux que quand il a détruit la cause de ce l'avenir même il serait encore assez puissant
ch.igrin. Puissé-je y réussir, moi aussi, bien pour y suffire. Et toutefois il n'y suffit point;
que je vous aie laissé quehjue [)cu avec le pourquoi? Car, enfin, les apôtres valaient
chagrin de ne pas être consolés afin qu'à , mieux inconteslablement que les Israélites,
présent vous receviez mieux la consolation. dont les vêtements ni la chaussure ne s'usè-
6. Que répondrai-je donc? Non, les exem- rent point [)endant quarante ans, bien qu'ils
ples précipités ne répugnent pas, bien au con- parcourussent le désert, brûlés par les rayons
traire, ils sont pleinement d'accord avec les d'un soleil capable de calciner les rochers
préceptes de Jésus-Christ. Car ces préceptes mêmes. Pourquoi donc fit-il moins pour ses
étaient faits pourun temps et non à perpé- apôtres? Pour votre intérêt. Dieu savait que
tuité.Et je n'avance pas là une conjecture, vous ne seriez pas invulnérables que plus ,

mais une vérité déduite des saintes Ecritu- d'une blessure au contraire vous atteindrait;
Comment? Saint Iaic ra[)porte les paroles
res. il vous a donc créé le moyen de vous préparer

mêmes de Notie- Seigneur à ses apôtres : les médicaments et la preuve de cette inten-
;

o Quand je vous ai envoyés sans sac ni be- tion divine, écoutez -la. Dieu ne pouvait- il
osace,sans ceinture ni chaussures, quelque nourrir ses apôtres ? Ce qu'il vous a donné à
a chose vous a-t-il manqué? Rien absolu- vous pécheur, l'aurait-il refusé à Paul ? Lui
,

« ment, ré|)ondirent-ils ». (Luc, xxii, 35, 36.) qui s'est montré généreux pour les Israélites
Désormais donc, sachez vous en procurer. murmurateurs, débauchés, idolâtres, aurait-il
Comment d'ailleurs n'avoir (ju'une tunique, clé avare à l'égard de Pierre, qui avait tout
une seule? Cimmient? Quand elle avait besoin quitté jiour lui? Lui qui autorise la propriété
d'être lavée, fallait-il rester chez soi ou même en faveur des méchants, comment aurait-il
sortir par nécessité, mais sans tenir compte été moins gracieux à l'égard de Jean qui
des bienséances ? riélléchissez à l'étrange pour lui, avait abandonné jusqu'à son père
position qui aurait été faite à saint Paul : même? il ne l'a
Et cependant, pas voulu;
a|)pelé à parcourir le monde entier pour mais c'est par vous qu'il veut les nourrir, afin
des œuvres si grandes et si nobles, la [iriva- que vous ayez une occasion de vous sanctifier.
tion d'un vêtement l'eût condanuié à s'en- Et, de grâce, remaniuez l'excès de sa bonté
fermer; elle aurait fait obstacle à sa haute mis- à votre égard. 11 a voulu abaisser ses disciples
sion 1 Et que serait-il arrivé si l'hiver avait été pour vous relever. S'il les avait mis au-dessus
rigoureux , si les pluies ou les glaces eus- du besoin, ils auraient gagné en admiration
sent été continuelles, de sorte qu'il eût été et en gloire mais vous auriez perdu pour
:

impossible de faire sécher cet unique vête- votre salut. Loin de les rendre admirables en
ment? fallait-il encore que l'apôtre demeurât ce point, il les a voulus nécessiteux et hum-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE X.

blés pour vous ouvrir une voie de salut; il du prochain; n'étudions pas moins nos pro-
leur a donné l'indigence pour vous offrir de pres péchés , et nous plairons à Dieu. Celui
gagner le ciel. Un maître moins respec-
se fait qui ne veut voir dans les autres que leurs pé-
ter quand il reçoit quelque chose on honore ; chés, et dans lui-même que ses vertus, celui-
bien davantage celui qui n'accepte rien. Mais là se cause un double dommage. Dang les
aussi le disciple n'y gagne pas, il perd un no- uns il trouve sujet d'orgueil ; dans les autres
ble fruit de charité. Voyez-vous la sagesse de il rencontre scandale et tentation de négli-
Dieu, l'ami et le sauveur du genre humain? gence. En effet, tandis qu'il se rappelle qu'un
Il n'a pas lui-même cherché sa propre gloire tel et une telle sont tombés, lui-même se faci-
ni étudié ses intérêts dans la gloire,
; il était lite les chutes et les défaillances; et quand,
et il a voulu s'avilir pour votre bonheur. C'est d'autre part, il croit avoir bien agi, facilement
aussi son plan pour les docteurs de sa loi. Il il s'enflera d'orgueil. Qu'un homme, au con-
pouvait nous les montrer vénérables, il a pré- propres bonnes actions et ne
traire, oublie ses
féré les faire voir abaissés dans votre intérêt, , pense qu'à ses péchés ; que dans les autres il
et vous donner l'occasion de vous enrichir. cherche volontiers , non les fautes , mais les
Oui, pour vous faire moissonner les biens spi- actes conformes à la vertu ; il a dès lors tout
rituels. Dieu veut que ses ministres éprouvent à gagner. Et comment? Le voici. La vue du
des besoins temporels. Rien ne l'empêchait de prochain dans l'exercice du bien vous décide,
leur donner tout en suffisance je vous l'ai ;
par une sainte envie, à suivre son exemple;
prouvé par maintes raisons pour votre inté- ;
le souvenir de vos péchés, d'autre part, ra-
rêt nous l'avons fait voir, Dieu les a laissés
, baisse votre arrogance et sauve en vous la
dans le besoin. modestie.
Convaincus de ces vérités, livrons-nous dé- Si nous retenons ces pensées et si nous y
sormais non plus à notre caractère accusateur, conformons notre conduite, nous pourrons
mais à l'esprit de bienfaisance. Au lieu de scru- atteindre enfin les biens promis de la vie fu-
ter les défauts d'autrui, connaissons bien nos ture, parla grâce et la bonté de Notre-Sei-
propres misères; pensons aux bonnes œuvres gneur Jésus-Christ... Ainsi soit-il.

HOMELIE X:
AU RESTE, MES FRÈRES, RÉJOUISSEZ-VOUS DANS LE SEIGNEUR. IL NE m'EST PAS PÉNIBLE, ET IL VOOS EST
AVANTAGEUX QUE JE VOUS ÉCRIVE LES UÉUES CHOSES. (CHAP. III, 1 à 7.}

Analyse.
i. Heureux de leur écrire, il les invite à éviter les itidaTsanfs.
2. Il leur montre en quoi consiste la vraie circoncision, et témoigne qu'ayant tous les avantages de la loi, il a tout sacriBë pour
Jésus-Cbrist.
3-H. Eitiortation contre le luxe. — L'orateur montre
les désavantages temporels d'un luxe exagéré, ainsi : luxe inutile des
vêlements; luxe plein de folie de l'or employé en bijoux; luxe incroyable et ruineux de l'ameublement et de la décoration des
maisons. —
Le luxe envisagé au point de vue moral n'est pas moins malheureux. —
Le luxe ne rend pas la vieillesse moins
lourde, ni la vertu plus facile ; le luxe, au contraire, empêche la pratique de la vertu : on abuse des biens de Dieu et on
oublie les pauvres. —
Les pierreries n'ont de prix que dans notre imagination.

1. Les chagrins et
les inquiétudes, lorsque sujet d'Epaphrodite. Sur tous ces points, il les
l'àine en
déchirée à l'excès, la privent de
est comble d'assurances consolantes, et il con-
sa force propre. L'apôtre réveille et ranime «ilut « Pour tout le reste, mes frères, réjouis-
:

les Philippiens,parce qu'il les voit en proie à o sez-vous », car vous n'avez plus aucun sujet
de profonds chagrins. Ils s'affligeaient d'igno- de tristesse. Vous avez Epaphrodite que vous
rer où en étaient les affaires de Paul; ils s'af- regrettiez; vous avez Timothée, moi-même
fligeaient parce qu'ils le croyaient mort; ils j'arrive, l'Evangile progresse que peut- il :

s'affligeaient à propos de la prédication et au vous manquer? Réjouissez-vous 1 — Et taudis


S. i. Cu. — Tome XI.
CÔ ThADrCTION FÎ\AÏJCAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qu'il appelle les Galates du nom de flls, il mal ; leur labeur est pire que l'oisiveté ,
puis-
nomme ceux-ci ses frères. C'est qu'en effet, qu'ils renversent les plus nobles institutions
lorsqu'il veut administrer un blâme ou témoi- de Dieu.
gner son affection, il choisit le titre de fils; « Prenez garde aux faux circoncis ». La cir-

mais quand ceux à qui il s'adresse lui parais- concision, chez les juifs, était chose honora-
sent mériter plutôt l'éloge que le blâme il , ble, puisque devant elle la loi cédait, le sabbat
préfère le titre de frères. — Réjouissez'vous n'était plus un jour sacre. Car pour donner la
«dans le Seigneur », paroles bien justes et circoncision, on violait le sabbat, tandis que
vraies, a dans le Seigneur », etnon pas d'une la loi de circoncision ne pliait pas devant celle

joie mondaine. Car celle-ci n'est point vérita- du saint repos. Comprenez de là l'économie
ble; tandis que, d'après saint Paul, les souf- du plan divin la circoncision était plus res-
:

frances en Jésus-Christ ont toujours leur bon- pectée que le sabbat lui-même, puisqu'aucun
heur. « Il ne m'est pas pénible et il vous est temps ne pouvait en dispenser. Or la pre-
a avantageux que je vous écrive les mêmes mière loi est tombée combien plus le sabbat:

« choses. Gardez-vous des chiens, des mauvais avec elle ! Aussi Paul ne laisse pas même à la
a ouvriers, des faux circoncis ». circoncision son nom en cet endroit. Il ne dit
Vous voyez que saint Paul n'a pas com- pas ([u'elle soit mauvaise, qu'elle soit inutile,
mencé par les avertissements. Au contraire, pour ne pas irriter les sectaires mais il pour- ;

il leur a donné plusieurs éloges, il leur a té- suit plus[trudemment le même but, détour-
moigné son admiration; il les loue de nou- nant de la cérémonie même dont il leur laisse
veau , avant de donner des avis. C'est qu'en encore le nom imparfait, mais avec le désir
effet, un discours d'avis est, de sa nature, [lé- d'ébranler cette loi. Avec les Galates, il pro-
nibie à entendre : aussi veut-il l'adoucir de cède autrement. Comme cette plaie des faux
toutes manières. circoncis y était plus dangereuse , il tranche
Qui appelle-t-il a des chiens ? » C'étaient ces dans hardiment et avec une grande au-
le vif

mêmes hommes que toutes ses épîlres laissent torité. Avec les Philippiens, au contraire,
deviner, juifs impurs et abominables, avides comme les mauvaises doctrines n'avaient pas
d'argent et d'em|)ire, et qui, pour attirera de succès il épargne leurs oreilles et ne leur
,

eux nombre de fidèles, prêchaient à la fois le dit rien de dur tout en les comballant là
judaïsme et le christianisme, corrompant ainsi comme ailleurs Prenez garde « aux faux cir-
:

l'Evangile, n Prenez garde » à eux, dit-il, car a concis. C'est nous ([ui sommes la vraie cir.

ils sont difficiles à découvrir prenez garde ;


a concision »; comment? « Puisque nous scr-
a à ces chiens » Les juifs ne sont plus les en-
. « vons Dieu en esprit sans nous (lalter d'au-
fants de Dieu le nom de chiens qui désignait
; a cun avantage charnel ». Il n'a pas dit Com< :

autrefois les gentils, leur convient mainte- parons entre cette circoncision et celte autre,
nant. Comment? Parce qu'autmt les gentils et jugeons laquelle est [)référable. Il ne donne
étaient éloignés de Dieu et de Jésus Christ, pas même à ce rit à jamais éteint son nom an-
autant les juifs ont rompu avec lui. Cutte ap- tique : Ce n'est plus la circoncision, dit-il, ce
pellation si rude met à nu leur imputience, n'est plus qu'une « concision », une (daie inu-
leur malice, leur séparation profonde et hai- tile, etpourquoi? C'est que les juifs se bor-
neuse d'avec les enfants légitimes. Que les nent à retrancher leur chair. Dès qu'une telle
gentils aient été appelés chiens d'abord , la observance n'est plus consacrée par la loi, elle
Cbananéenne vous l'apprend « Oui Sei- : , n'est plus qu'une incision, qu'une section.
a gneur », s'écrie -t- elle; « mais les petits Peut-être aussi la désigne-t-il sous ce nom,
o chiens mangent les miettes qui tombent de parce que ces sectaires cherchaient à fraction-
a la table de leurs maîtres ». (Matth. xv, 27.) ner, à diviser l'Eglise. Notre langue [grecque]
Mais pour qu'ils n'aient pas même cette espé- emploie ce terme y.aTi7C|Aii pour toute manière
rance d'être parmi les chiens admis autour de de couper quand elle est maladroite et sans
la table de famille, il ajoute un mot qui les règle.
exclut absolument Prenez garde aux mau- : a 2. Mais si vous tenez, dit l'apôtre, à con-
a vais ouvriers ». Désignation étonnamment naître une circoncision véritable , vous la
bien choisie mauvais ouvriers , puisqu'ils
: trouverez chez nous « qui servons Dieu eu
travaillent sans doute, mais au bénéfice du V esprit », c'est-à-dire par notre âme et notre
COJlMENlAmE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE X. 61

cœur. Lequel vaut mieux, en effut, dites-moi, daïsme; qu'il en ignore la grandeur et la nn-
du corps ou de l'âme? Celle-ci, évidemment. jesté ;
qu'il n'a pas la gloire d'y participer»
Donc la circoncision charnelle n'est pas la Mais, maintenant circoncis et censeur toute-
meilleure, et même la circoncision spirituelle fois de la circoncision , il ne l'attaque pas par
est la seule vraie. Tant que dura l'obligation le dépit d'en être exclus, mais par le devoir
du rit extérieur, il y avait lieu à comparer les qu'il a de la condamner ; loin d'agir a*'ec
deux circoncisions; on pouvait parler, avei ignorance , c'est en toute connaissance de
l'apôtre, « de retrancher telles parties supcr- cause. Voyez ce qu'il dit en cas semblable
« finesde notre cœur ». Saint Paul parlant ,
dans l'épître aux Calâtes; réduit à la nécessité
aux Romains, pouvait exalter cette circonci- de se glorifier lui-même, il révèle encore une
sion spirituelle et s'écrier : « Le vrai juif n'est grande humilité « Vous savez » , dit-il, « de :

« pas celui qui au dehors et la véritable


l'est ,
a quelle manière j'ai vécu autrefois dans le

a circoncision n'est pas celle qui se fait dans la « judaïsme ». ( Gai. i, 13. Or, ici, c'est le )

chair; mais le vrai juif est celui qui l'est même langage « Si queUiu'un croit pouvoir :

a intérieurement, et la circoncision véritable a tirer vanité de cet avantage charnel je le ,

« est cellîî du cœur qui se fait par l'esprit et a puis encore plus que lui » et il ajoute aus- ;

«non selon la lettre ». (Rom. ii, 28.) Ici, sitôt «Né Hi'breu de pères Hébreux ». Il ne
:

saint Paul va plus loin; il refuse au rit ancien commence pas par cette recommandation de
son nom même, il ne veut plus qu'il s'appelle sa naissance, comme si son premier but avait
circoncision. Car la figure peut avoir le nom été de parler ainsi de lui-même, il a commoi'.té
de la vérité, tant que celle-ci n'a pas brillé ;
au contraire par ces mots: «Si quelqu'un»
mais perdre aussitôt que la vérité
elle doit le m'oppose cet avantage, montrant ainsi qu'il
paraît. Il en est de même dans l'art de la pein- s'avance parce qu'il le faut, et qu'il parle uni-
ture. Supposez un portrait de l'empereur, mais quement à cause de l'objection. Si vous avez
seulement au trait et à l'état d'ébauche tant ;
confiance, dit-il, j'en ai plus que vous. Vous
que l'éclat des couleurs n'a pas accusé le mo- me forcez à le dire, sans quoi je me tairais. Et
dèle, nous ne disons pas que le prince est là ; toutefois, jusqu'en sa ré[:li(iue, il évite le ton
mais quand la couleur a été posée, le premier de l'aigreur il frappe sans nommer personne,
;

trait s'efface, se couvre sous ce ton plein de il donne ainsi facilité d'éviter le coup en re-

vérité, et nous disons Voilà l'empereur Aussi : 1 culant. —


a Si quelqu'un croit pouvoir tirer

saint Paul ne dit pas Nous avons mais bien : ; : a vanité ». Il choisit celte expression : « Croit
Nous sommes » la circoncision , et son lan- a ou bien, parce qu'en effet leur
pouvoir....»,
gage est très-exact. La circoncision jiar la confiance était moindre au fond qu'elle ne pa-
vertu , tel est le chrétien , en toute vérité. Il raissait, ou parce que ce n'était pas une vé-
n'ajoute pas Les juifs ne l'ont plus! mais:
: ritable confiance tous ces avantages de nation;

Prene^garde à ces misérables coupés! » Dé- ou de rite venant delà nécessité et non d'un
sormais ils marchent dans la mort et le vice. libre choix.
Et pour mieux montrer que la circoncision « J'ai été circoncis au huitième jour». Il
ne doit plus être opérée sur le corps, mais sur commence par l'avantage le plus prisé de ses
le cœur, il ajoute a N'ayez plus de confiance
: adversaires, la circoncision «Etant », ajoute- :

« en un avantage charnel ». t-il, « de la race d'Israël» ce double fait :

« Ce n'est pas que moi-même je ne puisse montre aussi qu'il n'était ni prosélyte, ni
«prendre avantage du côté de la chair ». même de prosélytes. Le non-prosélylisme
fils

Qu'est-ce à dire « prendre avantage» et « du se prouve par sa circoncision dès le huitième


côté de la chair? » Ce serait en tirer vanité, jour; et le fait que ses ancêtres n'étaient ])as
en parler avec sérieux et avec pleine conflance. simplement prosélytes, ressort de ce qu'il était
Cette réflexion est belle et prudente. Car si de la race d'Israèl. Et pour que ces mots « la

Paul était né dans la genlililé, et qu'il accusât « race d'Israël »ne soient pas compris d'une
dès lors et la circoncision et ceux même qui des dix tribus schismatiques il se déclare de ,

la recevaient sans raison, il me paraîtrait si la tribu de Benjamin, comme s'il disait de la


ardent à l'attaque que, pour des motifs person- plus saine partie de la nation, car le sort avait
nels, il laisserait voir qu'il est privé de cette placé dans cette tribu les biens propres aux
marque de noblesse qui caractérisait le ju- prêtres. « Hébreu né de pères Hébreux », nou*
69 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME:

preuve qu'il n'est pas simplement pro- gain m'a paru depuis, en regardant Jésus-
"

velle a

sélyli", mais d'orit;ine aiilique et issu des plus « Christ, un désavantage et une perte ».
nobles juifs. On pouvait être israélite, en effet, Ce genre de vie si parfait selon le ju-
3.

sans être pour cela hébreu ni de pères hé- daïsme, et par lui embrassé dès l'enfance, celte
breux. Bou nombre de juifs avaient déjà cor- noblesse d'origine, ces dangers et ces travaux
rompu leur sang et ne gardaient plus même affrontés jusqu'alors, ce beau zèle, tous ces
leur langage national, par suite d'alliances avantages enfin, ne furent ])lus aux yeux de
avec les gentils. Saint Paul rappelle donc Paul que de véritables malheurs et des per-
celte dégénération de tant d'autres , en même tes; il abjura ce qui lui avait été si avanta-
temps que la noblesse bien conservée de son geux, pour gagner Jésus-Christ. Et nous, l'at-

oriyine. trait de gagner Jésus ne suffit pas pour nous


« Pour manière d'observer la loi, j'étais
la inspirer le mépris de l'argent dis-je? La : que
pharisien pour le zèle du judaïsme, j'ai été
; perte du salut éternel moins que
nous effraie
« persécuteur de l'Eglise; et pour la justice lé- celle des biens présents quoiqu'ils ne soient
,

a gale et musaïi|ue, ma vie fut irié[)roclKible». autre chose que donunage et que ruine. Exa-
L'apotre aborde les avantages (jui résullaicnl minons iilutùt en détail je vous prie, ce qui ,

de son libre choix ceux qu'il a prccédem- , se trouve au fond des richesses. Ne doit-on pas
nient énumérés ne venant pas de sa volonté. ap[)eler dommage et ruine, ce <|ui vous pro-
En etl'et, ni sa circoncision, ni son origine duit d'ine\|iriinables ennuis sans aucune com-
isradilc, ni sa naissance dans la tribu de Ben- pensation? Ainsi, répondez-moi, quel avantage
jamin , n'étaient son œuvre. Si , dans cette trouvez-vousà posséler des vêlements en grand
dernière catégorie, il avait des compagnons nombre et de grand prix? Que gagnons-nous
de gloire , du moins les faits qu'il va énoncer à les porter? liien absolument, rien que peine
le relevaient au-dessus d'eux. Vous voyez |)our- et dommage. N'est-il pas vrai que le pauvre,
quoi il dit : a J'ai plus »que personne? C'est sous un vêlement grossier et usé, supporte
qu'en cUct, déjà il avait une série d'avanlagi's : facilement les plus fortes chaleurs de l'été? U
il n'était pas simple prosélyte, il sortait d'une les endure même plus aisément un tissu
; car
tribu Irès-estimée; il tenait tout cela d'an- simple et déjà fatigué gène d'aulant moins
cienne date et de ses ancêtres; bien des judaï- vos membres vous facilite la respiration;
et
sants ne pouvaient rien dire de semblable. au contraire, quand il est neuf, fût- il plus
Mais comme on n'apercevait rien là qui tût léger qu'une toile d'araignée, il vous fatigue
le de son libre choix, il arrive aux
fruit davantage. D'ailleurs vous qui êtes heureux
avantages que sa volonlé a déterminés et il , d'élaler votre luxe, il vous fauU'unesur l'autre
r<«pi)elle tout d'abord « Selon la loi, j'étais : deux et Iroisluniques, souvent même un man-
« phari.'-ien; et selon le zèle, j'étais persécu- teau, puis une ceinture, puis des caleçons. On
a leur de l'Eglise». Ce dernier trait semble en estime pas moins le pauvre pour n'avoir
corroborer le premier et prouver mieux en- , qu'une tunique il n'en suiiporte (|ue mieux
;

core son pharisaïsme. On pouvait être jiliari- la chaleur de l'été. Nous voyons souvent les

sien sans pousser jusque-là le zèle. Enlin, — riches inondés de sueur, et les pauvres, ja-
u selon la justice de la loi, j'ai mené une vie mais. Ainsi, puis(iu'on trouve le même usage

« irréprochable», lise peut, en effet, (ju'on mé- et même un meilleur usage dans ces vêtements
prise le péril par amour du commandement, grossiers et qui ne coiitent presque rien; tan-
comme faisaient les princes des prêtres, et non dis que ceux qu'on aura payés au poids de
par zèle de la loi. Paul n'avait point ce carac- l'or,ne rendent pas plus de services, dites, n'y
tère; jusqu'au point de vue de la justice légale, voyez-vous pas une inuUle dépense, un vrai
sa vie était sans reproche. Si donc je sur- dommage? Ils ne sont ni plus utiles, ni plus
passais tous mes rivaux par la noblesse de commodes ils vous ont coûté plus d'argent,
:

mon origine, par mon zèle et mon ardeur, par voilà tout! Tout au plus sont-ils de même
ma vie et mes mœurs, pourquoi ai-je renoncé usage et de même commodité. Seulement vous,
à toutes ces gloires, sinon parce que j'ai trouvé riche , vous les avez achetés cent , peut-être
dans ce que Jésus-Christ m'offrait, plus de même mille écus d'or, et le pauvre a ce qu'il
grandeur et des avantages vraiment incompa- lui faut pour ([uelques pièces d'argent. 'Voyez-
rables ? Car a ce que je considérais comme un vou :
le dommage ? Mais le luxe est aveugle. ,
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE X. 69

Voulez-vous aussi approfondir ce que vaut placer partout et peintures et statues ? On re-
cet or dont on aime à parer les femmes et connaît souvent, dans ces dernières, les ima-
même les chevaux? Ici le mal et le ridicule ges du démon : mais je veux l'oublier pour le
ordinaire s'augmentent d'un trait de plus : moment. Que font encore ces toiles lamées
donnent la folie. Oui on honore
les richesses , d'or? Une habitation modeste et appropriée à
de même manière et les femmes et les che- nos besoins nous rend-elle moins de services?
vaux aux unes comme aux autres on choisit
; Mais, dites-vous, un palais vous ravit, vous
mêmes parures; on veut faire briller celles-là enchante 1 Oui, pour un jour ou deux ;
puis le
par les mêmes ornements qu'on placera sur charme s'évanouit. Le soleil lui-même n'ex-
les chars, qu'on brodera sur les housses pom- cite pas en nous une grande admiration, à
peuses où elles-mêmes viendront s'asseoir. cause de l'habitude que nous avons de le voir;
Diles-moi, quel profit trouvez-vous à rehausser un objet d'art en excitera bien moins encore ;
d'or un cheval, un mulet? Et celte femme bientôt nous ne le remarquons pas plus qu'un
ainsi chargée d'or, écrasée de pierreries, en vase d'argile. A quoi servent pour la commo-
esl-elle plus riche? —
Mais, dites-vous, les dité d'une habitation, la multitude des co-
bijoux d'or ne s'usent point. Les gens du mé- lonnes ou la beauté des statues, ou l'or ré-
tier assurent tout le contraire ; dans les bains pandu à profusion sur les murs? A rien tout ;

et même souvent en d'autres endroits, les cela n'est que luxe insolent, fol orgueil, vrai
pierreries et l'or perdent beaucoup de leur délire ; les choses nécessaires ou vraiment
prix. Au reste, je veux que vous ayez raison : utiles devraient nous occuper, et non pas d'i-
ces bijoux ne se détériorent jamais! Mais en- nutiles folies. Ruine et malheur telle est la
:

core, quel rapport vous donnent-ils? Quand suite de ces excès. En comprenez-vous la su-
ils sont usés ou perdus, n'est-ce pas un dom- erfluilé, la frivolité ? On n'y trouve rien pour
mage? Et quand ils vous ont attiré la haine et l'utilité, rien même pour l'agrément, puis-
l'envie, n'est-ce pas un malheur? Oui lorsque , qu'avec le temps ce faste engendre la satiété,
d'une part, je les vois sans rapport ni profit et ne vous laisse que dommage et que ruine.
pour vous, charger votre femme, et que d'ail- Mais le goût de la vanité est un voile épais sur
leurs ils allument contre vous les regards des nos yeux. Paul abandonne ce qu'il croyait un
envieux, les convoitises des voleurs, n'est-ce gain; et nous, nous ne savons renoncer pour
pas un dangereux profit? Quoi le mari pou- ! Jésus-Christ à ce qui nous perd ?
vait trouver dans ces valeurs un précieux ca- 4. Jusques à quand enfin serons-nous cloués
pital à utiliser dans quelque entreprise lucra- à cette misérable terre? Jusques à quand enfin
tive, et le luxe d'une femme dépensière l'ar- n'aurons-nous point de regard pour le ciel?
défendre lui-même
rête, et le voilà réduit à se Ne voyons-nous pas, comme en vieillissant,
contre la famine, à lutter contre une gêne tels ou tels ont déjà perdu jusqu'au sentiment
extrême, tandis qu'il contemple cette créature du passé? Ne voyons-nous pas mourir et jeu-
chargée d'or, —
et ce n'est pas une ruine, un neset vieux?N'en voyons-nous pasqui, dès cette
malheur? Et cependant le seul nom de la vie même, sont dépouillés de tout et complè-
fortune, chez nous x^ia.<).-!a., signifie biens utiles, tement ruinés? Pourquoi convoiter ce qui est
et nous rappelle qu'il faut en faire usage, non si fragile? Pourquoi nous attacher à des biens
pour un étalage de bijoutier, mais pour quel- sans stabilité? Jusques à quand négligerons-
que œuvre honorable et lucrative. Si donc la nous la seule richesse durable ? Que ne don-
folle ambition de l'or en parure vous en inter- neraient pas les vieillards pour déposer le
dit le véritable usage, (jue vous laisse-t-elle lourd fardeau des ans? Dès lors, quelle folie
enfin, que ruine et malheur? Ne pas oser vous que ce désir de retrouver sa jeunesse pre-
en servir c'est vraiment ménager comme si mière, jusqu'à consentir à tout livrer en
c'était propriété d'autrui : dès lors cette ri- échange pour la reconquérir, tandis que, pla-
chesse, sans emploi, est-elle encore un bien cés en face d'une autre jeunesse qui sera sans
utile ? déclin, d'une jeunesse comblée de richesses
Sommes-nous mieux avisés de construire ineffables et d'une vie bien autrement vigou-
des palais splendides,immenses, de les embel- reuse, on ne veut pas même faire le moindre
lir de colonnes, de marbres, de portiques, de
sacrifice pour l'acquérir, l'on préfère retenir
gïfuaeooirs . de millç ornements divers, d'y ce oui, dans la vie iirésente, nous est alsv*
70 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

liimenl inutile ! Ces prolendiis biens ne peu- richesses, biens de tout genre. Nous sommes
vent ni vous sauver de la mort, ni conju- ses créatures absurde de ne pas lui
: il serait

rer une maladie, ni empêcher la vieillesse, rapporter ce que nous tenons de lui, et d'en
non plus qu'aucun de ces accidents néces- faire hommage à d'autres maîtres. Il vous a

saires et imposés par la loi de la nature; et fait des yeux consacrez-les à son service, et
:

vous y êtes attaché 1 non pas au démon. Et comment les consacrez-


Qu'y gagnez-vous, répondez-moi ? L'ivro- vous à Dieu? Employez-les à contempler ses
gnerie, la gourmandise, des plaisirs déréglés œuvres pour lui en rapporter la gloire, et dé-
qui nous tourmentent plus cruellement que tournez-les des beautés charnelles. Il vous a
ne feraient des boiuTeaux. Là se borne le profit fait des mains? Possédez -les pour lui et non
que nous retirons de nos richesses, parce que pour le démon ne s'étendent pas
: qu'elles
nous n'en voulons pas d'autres; carsi nous vou- pour le vol et la rapine, mais pour accomplir

lions, nous pourrions avec nos richesses ache- les commandements, mais pour les bonnes

ter le ciel même. —


Elles sont donc un bien, œuvres et la prière continuelle, mais pour
m'objecterez-vous? —
Non, le bien n'est pas relever ceux qui sont tombés. Il vous a fait
dans les richesses elles-mêmes, mais dans le des oreilles? Ouvrez-les pour Dieu, et noa
cœur et la disposition de celui qui les possède. pour des chants corrompus et efféminés; l'E-
En ce point, tout dépend de la volonté, et criture vous dit « Ecoutez toujours la loi de
:

un pauvre même, s'il le veut, peut aussi « Dieu » et encore


; « Fréquentez l'assemblée
:

gagner le ciel. En eiïct, et je l'ai dit souvent, « desvieillards, ets'ilestun sage, cherchez tout
Dieu tient compte, non pas de ce qu'on donne, « d'abord son amitié ». (Ecclés. ix, 23 et vi,

mnis du bon caMir de celui (|ui donne; et le 35.) Il vous a fait une bouche? Qu'il n'en sorte
pauvre, en donnant peu, reçoit la récompense rien que Dieu puisse condamner, mais bien des
des plus riches, Dieu demandant à chacun se- psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels,
lon ses facultés. Ce ne sont ni les richesses qui des discours qui procurent la grâce en ceuï
gagnent le ciel, ni la pauvreté qui mérite l'en- qui les entendent qui soient capables d'affer-
;

fer. Notre volonté bonne ou mauvaise nous mir et non de renverser, de produire la béné-
fail trouver l'une ou l'autre. A nous de la cor- diction et non la malédiction qui éloignent des ;

rigi.'r, à nous de la dresser, cette volonté, et pièges au lieu d'y l'aire tomber. Il vous a fail
de la faire ce qu'elle doit être dès lors tout : des pieds, non pour courir aux vices, mais
nous deviendra facile. L'ouvrier, en elTet, (pie aux vertus. Il vous a fait un estomac, noa
sa hache sdit d'or ou qu'elle soit de fer, coupe pour le rompre par la bonne chère, mais poui
et aplanit aussi aisi'mcnt le bois ; il se ser- le dominer par la sobriété et la sagesse. Il voua
vira même mieux d'une de fer ; ainsi la adonné ledu mariage pour la procréa-
désir
vertu s'acquiert beaucoup plus facilement par tion des enfants, mais non pour la débauche
la pauvreté. Car Jésus-Christ, parlant des ri- et l'adultère. Il vous adonné de l'esprit, nor
chesses, a dit a 11 est plus facile à un cba-
: certes jiour jeter le blasphème contre lui et
o nieau de passer par le trou d'une aiguille, l'outrage contre prochain, mais pour di-
le
a (|u'à un riche d'entrer dans le royaume des riger et modérer votre langue. Il vous a donn^
o cieux ». (Math, xix, 2i.) Contre la pauvreté l'argent,pour en user selon le devoir; toutes
il n'a point d'arrêt semblable; il dit au con- il vous les a départies avec la
vos forces enfin,
traire : a Vendez tout ce que vous avez, don- même intention. Il a créé les arts pour le sou-
nez-le aux pauvres, et puis venez, suivez- tien de notre vie, mais non pour nous dis-
moi B (Marc, x, 21), parce qu'en effet, c'est traire des choses spirituelles, etmoins encorÉ
le choix de la volonté qui décide à suivre pour nous livrer à des métiers infâmes: Dieu
Notre-Seigneur. permet les arts nécessaires, afin que mutuel-
t). Donc, gardons-nous de fuir la pauvreté lement on s'enlr'aide, mais non pour qu'on
conime un mal, grand intro-
iiuisqu'elle est le se nuise. Il vous adonné im toit, pour vous
ducteur au ciel ;
gardons-nous de i)Oursuivre abriter contre la i)luie, et non pas pour l'or-
la fortune conune un bien, puisqu'elle penl ner d'or, lorsque le pauvre meurt de faim, I
tant d'hommes irréfléchis ; mais l'œil attaché vous a dduné des vêtements pour vous cou-
sur notre Dieu, usons, comme il convient, de vrir, et non pour l'ostentation; il ne veut pal
tout ce qu'il nous a donné, force physique, que vous les enrichissiez d'or, tandis que Jq
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. -- HOMÉLIE X. îi

sus-Christ resterait nu. Il vous a donné une force lui est d'admirer ce qu'admire cet inno-
maison, non pour la posséder à vous seul, cent, pour gagner son cœur et l'élever peu à
mais pour y recevoir votre prochain. Il vous a peu. Pourquoi désirez-vous la magnificence
donné la terre, non pour dépenser la plus des vêtements? Donnez une robe à votre corps,
grande partie de vos revenus à l'entretien de et des chaussures à vos pieds ; et tenez - vous
prostituées ou de bouffons, à payer des joueurs pour vêtu et paré suffisamment. — Mais, di-
de flûte, de lyre, de cithare ces biens du bon
; tes-vous, l'Ecriture parlant des commande-
Dieu doivent servir aux malheureux, aux in- ments de Dieu, dit qu'ils sont plus « estimables
digents. Il vous a donné la mer pour les be- « que l'or et les pierres précieuses ». (Ps. viii,

soins de la navigation, mais non pour vous li.) Cela n'empêche pas que ces pierres pré-
fatiguer par des voyages sans but, pour en cieuses ne soient des choses inutiles; au-
sonder curieusement les profondeurs et en trement, la sainte Ecriture n'aurait pas com-
extraire les pierres précieuses et autres baga- mandé de les mépriser. Si parfois nos saints
telles de ce genre; Dieu n'aime pas une sem- livres en parlent d'après notre estimation,
blable passion. n'y veyez qu'une condescendance de la divine
Alors, direz-vous, à quoi servent les pierres bonté.
précieuses? —
Répondez - moi plutôt vous- Vous me demandez pourquoi Dieu nous a
même. Pourquoi tant de valeur à un caillou? donné la pourpre et d'autres ornements pa-
A-t-il quelque propriété secrète? A-t-il quel- reils? Reconnaissez-y les œuvres de sa magni-
que usage? Les pierres qu'on ne va pas cher- ficence infinie; d'autres ouvrages de sa main
cher dans la mer, sont certes plus utiles. Du témoigneraient ainsi de son incomparable ri-
moins servent-elles à la construction de nos chesse. Quand la Providence travaillait pour
maisons, et celles - là, jamais Du moins ont- ! vous, elle vous donnait le pur et simple fro-
elles lemérite d'être plus solides. — Mais, di- ment; c'est vous qui avez imaginé de le déna-
tes-vous, les pierreries rehaussent la beauté. turer, par mille préparations, en gâteaux, en
— Comment? N'est-ce pas là pur et vain pré- friandises, en mets à l'infini qui flattent uni-
jugé? — Elles sont d'un blanc plus vif. — Non, quement la sensualité. Le plaisir et la vanité

car elles ne surpassent pas l'éclat, la pureté ont fait ces inventions qui vous ont paru pré-
d'un marbre bien blanc, j'ose dire qu'elles férables à tout au monde. Mais vienne à passer
n'en approchent même pas. —
Sont-elles plus un étranger ou un paysan ignorant de tous vos
résistantes, au moins? Pas davantage ; plus artifices; et que vous voyant extasiés devant
utiles, plus grosses? Non et toujours non. vos œuvres, il vous demande raison de votre
D'où vient donc leur valeui? Elle est toute de admiration ridicule, dites, qu'aurez-vous à lui
convention. Moins belles que d'autres, car nous répoudre? Que ces mets sont bien beaux à
en trouvons de plus diaphanes et d'un blanc voir? Rien n'est plus faux.
plus brillant ; n'ayant d'ailleurs pas plus de soli- Laissons donc, mes frères, de vains préjugés,
dité ni d'utilité, quelle raison les fait tant esti- et attachons-nous aux seuls biens véritables.
mer? La mode, rien que la mode. —
Alors, Ceux de la terre ne méritent pointée nom; ils
pourquoi Dieu nous les a-t-il données? Elles passent, ainsi que coule l'eau d'un fleuve.
n'étaient pas un don, dans la pensée de Dieu ;
Donc, je vous en prie, établissons-nous sur le
c'est votre imagination qui leur prête une va- roc afin de n'être point ballotés au caprice des
leur 1 — Mais pourquoi, direz-vous, l'Ecriture vents, mais de gagner en outre les biens fu-
même les a-t-elle célébrées? C'est qu'elle a turs, par la grâce et la bonté de Nolre-Sei«
voulu parler d'après votre opinion même. gneur Jésus-Christ Ainsi soit-il.

Quand un maître s'adresse à un petit enfant,


7Î TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

HOMELIE XI.

CE QUI m'Était alors un gain^ je l'ai cru depuis, pour jésus-christ, une perte. (CUAP. m, DO
VERSET 7 AU verset 13.)

1. L'hérésie (probablement celle des manicbéens), ne peut pas conclnre des paroles de saint Paul que la loi mosalqne fat on maL
2. La en Jésus-Christ est un bien infiniment préférable à la justice mosaïque.
foi

3. Dignité de nos souffrances, unies à la passion de Jésus-Clirist ; la résurrection glorieuse en est la récompense.
4. Malbeur de l'éloignemeut de Dieu. Ses bienfaits. Notre ingratitude.

1. Dans combats que nous livrons aux


les chose vaine; il ne lui était pas permis, ajoute'
liérétiques, nous faut apporter une attention
il t-il,de gagner Jésus-Christ, à moins de re-
vive et soutenue sur l'objet de nos luîtes. Le seul noncer à cette loi. Les hérétiques se laissent
moyen de dissiper leurs bataillons et de rem- prendre par la lettre et le mot, reçoivent l'é"
porter pleine victoire, c'est de ne pas même leur pître avec bonheur, et pensent avoir gain de
laisser reprendre haleine. Mon but est de vous cause puis, dès qu'ils l'ont reçue, ils se trou-
;

dresser à ce genre de duels à laide des saintes vent saisis comme dans les mailles étroites
Ecritures, elde vous faire trouver dans les textes d'un filet inévitable.
mêmes qu'ils apportent, de quoi réduire au Que disent donc ces adversaires insolents?
silence nos contradicteurs. Par conséquent, je Voyez : La loi est un dommage, elle n'est que
veux commencer la discussion qui se présente paille et poussière : comment donc osez-vous
aujourd'hui à l'endroit même où j'ai terminé dire que Dieu en soit l'auteur? Le vrai, c'est
celle d'hier. Où en sommes-nous restés hier? que ce passage est favorable à la loi; et vous
Saint Paul avait résumé tous les avantages ju- allez clairement en voir la preuve appliquons- :

daïques qui lui donnaient quelque sujet de nous avec soin à l'étude de tous ses termes.
gloire, ce qu'il tenait de la nature, de son L'apôtre n'a pas dit La loi est une perte; :

choix et de son œuvre, et il avait ajouté : mais «Je l'ai considérée comme une perte».
:

a Mais tout ce qui était gain pour moi, je le Lorsqu'il parle du gain il ne se sert point de ,

a regarde à présent comme détriment à cause la même expression mais il affirme simple- ,

o de l'éminente science de Jésus-Christ mon ment et dit « Tout ce qui a été gain pour
:

o Seigneur; pour lui, j'ai renoncé à tous ces «moi». — Au contraire, parle de lorsqu'il
a prétendus avantages que je regarde comme perte, n'affirme plus, mais
il dit: «Je il l'ai

a vile ordure, afin de gagner Jésus-Christ d. ocru». — Admirable exactitude de langage


Ici rhérésie se dresse avec insolence. Mais qui nous définit d'un côté la loi telle qu'elle

la sagesse de l'Esprit-Saint se plaît à éveiller était dans son essence, et de l'autre la loi telle

chez l'ennemi l'espoir d'un triomphe, afin de qu'elle est devenuo dans notre condition de
l'engager à livrer bataille. Si Paul avait parlé chrétiens.
ouvertement, les liérétiques auraient fait pour Que faut-i\ donc àturmer? Peut-on dire ab-
cette é|iître ce qu'ils ont fait pour d'autres livres solument que la loi n'est pas un dommage ?—t
sacrés, altérant le texte, lui déniant l'authen- Elle est un dommage, mais en comparaison
ticité parce qu'ils n'osaient l'altaiiuer ouver- de Jésus-Christ; d'un autre point de vue elle
tement. Mais comme les poissons ne voient a été un véritable gain. On pouvait ne pas y
point tomber dans l'onde l'hameçon qui doit voir un gain ; toutefois elle était déjà un gain,
les prendre, parce qu'on a soin de le couvrir déclare saint Paul. C'est comme s'ilvous di-
etde le cacher sous l'appât, et qu'ainsi ils sait : Pensiez quel bonheur c'était déjà que des
accourent àl'envi pour se faire prendre ainsi ; hommes indomptés par nature fussent amenés
en est-il de cet endroit où Paul appelle la loi à un genre de vie plus humain. D'ailleurs, si
un dommage. Telle est la déclaration de l'a- la loi n'avait pas préexisté, la grâce n'aurait
uùtre il appelle la loi uq domina^'e, une pas été donnée i
pourijuoi? C'est ijue la loi fut
COilMENTAÎRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE Xf. fS

comme un ponf jeté pour son passage. De leur « en comparaison de l'éniinente science de
bassesse naturelle les hommes ne pouvaient a mon Seigneur» Dès que le soleil
Jésus-Christ .

s'élever jusqu'à la hauteur de la grâce; la lo^ brille vous perdez à tenir votre flambeau
,

que l'on est monté


fut leur échelle. Mais après allumé. Ainsi le désavantage d'une chose quel-
on n'a plus besoin d'échelle; toutefois celui conque résulte nécessairement de sa compa-
qui s'en est servi pour monter ne la méprise raison avec un objet plus grand. Or, vous voyez
pas ensuite pour cela au contraire, il recon-
: que Paul fait une comparaison « A cause :

naît l'obligation qu'il lui a. C'est elle-même, « de l'éminente science» dit-il, sans rejeter ,

en effet, qui l'a mis en état de pouvoir se lepremier objet comme étranger au second.
passer d'elle; il donc gré, et rien n'est
lui sait Cardirequ'une grandeur excelle sur une autre
plus juste, de ce qu'il n'a plus besoin d'elle. et la dépasse, c'est supposer au contraire
Sans elle,ne pouvait monter si haut. Voilà
il qu'elle est du même genre qu'elle. En sorte
aussi ce qu'il faut dire de la loi. Elle nous a que la prééminence comparative que l'apôtre
élevés à une certaine hauteur; elle était donc attribue à la connaissance de Jésus-Christ sur
un gain. Mais, dès lors, nous la regardons la loi suppose que ces deux choses sont de
comme un dommage, et pourquoi? Elle ne même genre, c'est-à-dire bonnes toutes deux, j
'

l'est pas absolument, mais la grâce est bien « Pour lui j'ai tout rejeté; j'ai tout regardé

préférable. Supposez, par exemple, un pauvre, « comme des ordures pour gagner Jésus-
un affamé: tant qu'il a quelque argeni, il s'en « Christ». Il n'est pas évident, d'ailleurs, que :

sert pour conjurer la faim; mais qu'il trouve sous ce nom


«d'ordures» Paul désigne la ,

une bourse pleine d'or, et qu'il ne puisse re- loi il est vraisemblable qu'il indique plutôt
;

tenir les deux valeurs à la fois, il regardera les choses de ce monde. Car il a dit d'a-
comme un dommage de garder l'argent, il le bord Tout ce qui a été un gain pour moi,
:

laissera pour s'emparer de l'or s'il abandonne ; je l'ai comme


détriment au prix de
regardé
l'un, ce n'est pas qu'il le regarde comme nui- Jésus-Christ; et ici d'une manière
il ajoute
sible, il sait bien tout le contraire mais ne ; plus générale encore Tout me paraît détri-
:

pouvant pas garder les deux, il faut bien qu'il ment; parole qui embrasse tout le présent
laisse l'un ou l'autre ainsi arrive-t-il ici.
: aussi bien que tout le passé. Quand bien même
Le détriment, le malheur n'est donc pas de ce terme signifierait la loi, il n'aurait encore
suivre la loi mais ce serait de s'attacher à elle
; rien de bien outrageux pour elle. Les ordures
pour délaisser Jésus-Christ. Si elle nous dé- dont il s'agit sont les issues du froment, ce
,

tourne de Jésus, elle est un dommage si elle ; qu'il a de grossier, le chaume, la paille. Or
nous-<imène à lui c'est tout l'opposé. Aussi
, avant la maturité du froment, la paille avait
l'apôtre la déclare « détriment en comparaison son utilité; nous la recueillons même encore
de Jésus-Christ». Si elle est sensible seule- avec le froment; si le chaume n'avait d'abord
ment à cause de Jésus-Christ, elle ne l'est donc poussé, le grain n'aurait point paru. Ainsi en
pas par sa nature. est-ilde la loi de Moïse. Ce n'est donc jamais
Mais pourquoi la loi ne permet-elle pas absolument parlant et en considérant la chose
qu'on s'approche de Jésus? Car, après tout, en soi, que Paul appelle la loi dommageable,
c'est pour nous mener à lui qu'elle a été don- mais par rapport à Jésus-Christ. Ecoutez en-
née 1 Jésus-Christ, dit saint Paul, est la pléni- core « Je regarde tout comme détriment»,
:

tude de la loi, la fin de la loi. Elle nous — nous dit-il. Pourquoi ? «A cause de la science
laisse venir à lui, si nous savons lui obéira « éminente de Jésus-Christ pour qui j'ai tout

elle-même. —
Alors, qui obéit à la loi , aban- « rejeté». Puis il ajoute a J'estime que tout est
:

donne la loi? —
11 l'abandonne, en eQet,s'il « détriment, afin que je gagne Jésus-Christ».

la comprend et l'écoute; autrement, cette loi Voyez-vous comme fidèle à s'appuyer sur la
l'arrête et l'enchaîne. Il y a plus « Bien cer- : pierre fondamentale, sur Jésus-Christ, saint
atainement je regarde tout au monde comme Paul se garde néanmoins de laisser la loi sans
a un détriment» , dit-il encore. Et que parlé- défense et en butte à tous les coups, et comme
jedela loi? Le monde n'est-il pas bon? La vie au contraire il la protège de toutes parts.
actuelle n'est-elle pas bonne? Toutefois si ces 2. « Et que je sois trouvé en Jésus-Christ
biens m'éloignent de Jésus-Christ, je les dé- n'ayant plus ma justice qui vient de la loi ».
clare dommageables, pourquoi? a A cause et Si salut Paul, en possession d'une justice, est
, ,

n TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

accoiini ycrs une justice meilleure, parce que bles, sans qu'on puisse montrer jamais com-
l'ancienne n'était rien à côté de celle-ci, com- ment ils sont possibles.
bien plus les gentils, placés en dehors de toute C'est encore l'œuvre de de nous faire la foi

justice, devront-ils saisir celle que Paul a pré- accepter « une aux souffrances
participation
férée I Je ne veux plus de a ma » justice, dit de Jésus-Christ ». Si nous ne croyons pas,
à bon droit l'apôtre, de celle que j'avais ac- nous ne voudrons pas souffrir; non, si nous
quise par mes travaux et mes sueurs; je veux ri'avons pas la foi qu'en souffrant avec lui,
celle que j'ai trouvée par la grâce. Si donc, avec lui aussi nous régnerons, aucune consi-
après avoir rempli les devoirs de la vertu, dération ne nous décidera jamais à subir tant
Paul ne trouve son salut que dans la grâce, de peines. 11 faut que la foi nous ait appris
combien plus, ô Pliilippiens, ne l'aurez-vous d'abord et sa naissance et sa résurrection.
que la 11 est probable que parmi eux on au-
I Mais aussi vous le voyez on exige de nous
, ;

rait trouvé préférable la justice due à nos tra- non pas une foi nue et morte, mais unie aux
vaux personnels aussi Paul démontre que
; bonnes œuvres. On reconnaît, en effet, qu'un
celle-ci, auprès de l'autre, n'est que de la vile chrétien croit à la résurrection d'après son
paille. Autrement, moi-même qui avais sué courage à s'exposer comme Jésus-Christ aux
pour l'acquérir, je ne l'aurais pas rejetée pour périls , à partager avec lui ses douleurs. Ainsi
embrasser celle qui lui succède. de ce Dieu ressuscité, de ce
devient-il l'associé
Mais quelle est donc enfin cette justice? Dieu à jamais vivant. Aussi saint Paul disait-
Celle qui vient a de Dieu par la foi »; cette il « Puissé-je être trouvé en Jésus-Christ,
:

justice est de Dieu ; Dieu même est l'auteur n'ayant point la justice qui me soit venue
de cette justice ; elle est par excellence un a de la loi, mais ayant celle qui naît de la foi

don de Dieu. Or dons de Dieu laissent


les a en Jésus-Christ, celte justice qui vient de
bien derrière eux la vilelé de nos bonnes œu- a Dieu par la foi afin que je connaisse Jésus-
;

vres, de celles qui sont les fruits de nos sim- a Christ avec la vertu de sa résurrection et la

ples efforts. o participation de ses souffrances, étant rendu

Que veut dire maintenant •. < Dans la foi a conforme à sa mort pour tâcher de iiarve-
,

o afin de connaître Jésus-Christ?» C'est que a nir enfin à la bienheureuse résurrection des

toute connaissance divine vient de la foi sans ; morts ».


la foi, impossible de connaître Jésus ; et pour- Reprenons. Saint Paul a dit « Etant rendu :

quoi? C'est qu'elle seule nous apprend « la conforme à sa mort », ou, comme il écrit ail-
t vertu de sa résurrection ». En effet, quel leurs a J'acconi|)lis dans ma chair ce qui
:

raisonnement nous démontrera jamais la ré- o reste à souffrir à Jésus-Christ». (Colos. i,

surrection? Aucun, mais la foi seule. Et si la 24.) Conforme à la mort, c'est participant à la

résurrection de Jésus-Chris-t ne nous est con- mort. Comme mon Maître a été maltraité des
nue que par la foi, comment la génération hommes, ainsi je le serai, je lui deviendrai
humaine du Dieu -Verbe pourra -t-elle être conforme; les vexations, les calamités repro-
saisie par noire sim|(le logique? Car la résur- duiront en moi une certaine image de sa
rection est un fait nidimlre (jne cette généra- mort. 11 ne cherchait pas, en effet, son propre
tion. En quel sens? C'est que l'on a vu plu- bonheur, mais notre salut. Donc aussi vexa-
sieurs exemples de l'une , aucun de l'autre. tions, misères, angoisses, non-seulement ne
Plusieurs morts ont ressuscites avant Jésus- doivent pas nous troubler, mais plutôt nous
Christ; bien que ressuscites, ils durent de nou- combler de joie puisqu'elles nous rendent
,

veau subir la mort. Mais nul homme jamais conformes à sa mort. On ne peut mieux dire
ne nacjuit d'une vierge. Et si la résurrection qu'ainsi nous sommes façonnés à sa ressem-
de Jésus-Christ, qui sort de l'ordre commun blance, a portant partout dans notre chair »,
bien moins que sa naissance, ne peut être comme il l'écrit ailleurs, a la mort de Jésus-
cependant saisie que par la foi, comment pour- a Christ». (H Cor. iv, 10.)
rons-nous atteindre par nos raisonnements sa La foi seule fait ces miracles. Nous croyons,
génération divine dogme bien autrement
, par de tels sacrifices, non plus seulement que
giand et pour mieux dire hors de toute com- Jésus est ressuscité, mais qu'après sa résurrec-
paraison? Voilà pourtant la justice nouvelle; tion même il possède une puissance infinie.
il a fallu croire que ces mystères 8ont possi- Aussi embrassons-nous la voie qu'il a suivie
, ,,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PIIILIPPIENS. - HOMÉLIE Xî. 7S

et de ce côté encore nous devenons ses frères. Oui, l'apôtre le déclare : je crois en lui , à la
C'est dire qu'ainsi nous devenons d'autres Jé- puissance de sa résurrection, à ma part dans
sus-Christ. Ciel! quelle est donc la dignité ses souffrances, à ma conformité à sa mort; et
des souffrances ? Car, comme par le baptême malgré tontes mes convictions, je n'ose avoir
« nous avons été ensevelis à la ressemblance pleine confiance. C'est, au reste , ce qu'il écrit
ode sa mort», ici nous devenons vraiment ailleurs Que celui qui est debout prenne
: «

semblables à sa mort. L'apôtre se sert pour le « garde de tomber ». Et « Je crains qu'après :

baptême d'un mot bien exact « A la ressem- : « avoir prêché aux autres, je ne devienne moi-
o blance de sa mort », car nous n'avons pas « même un réprouvé ». (I Cor. x, 12 et ix, 27.)
subi alors le trépas véritable et entier nous ; Ce n'est pas que j'aie atteint jusque-là ni
a

sommes mort sseulement au péché, et non pas « que je sois déjà parfait; mais je poursuis ma
selon le corps et la chair. Dans les deux textes, « course , pour tâcher d'atteindre au terme où

il est question de mort seulement notre Maî-


;
« le Seigneur Jésus-Christ m'a destiné en me
tre est mort dans son corps, et nous, seule- a prenant» .

«Je n'ai pas encore atteint» quoi ,

ment au péché. Il est mort, lui, dans notre donc? Le prix de la course. Ah si saint Paul, !

humanité même, dans notre chair qu'il avait après tant de souffrances, au milieu même de
adoptée pour nous, au contraire, c'est l'homme
;
tourments actuels, subissant déjà la mort,
de péché qui meurt en nous. Saint Paul a donc n'était pas encore pleinement confiant ni en
dû écrire que nous subissons « la ressemblance pleine sécurité pour sa résurrection glorieuse,
B de sa mort », quand il s'agit de notre bap- que dirons-nous de nous-mêmes, mes frères?
tême tandis que ce n'est plus une ressem-
;
— « Pour tâcher d'atteindre », qu'est-ce à
blance, c'est sa a mort même » que nos souf- dire? Rapprochez ici le texte : « Pour tâcher
frances nous font partager ici. « d'arriver à la résurrection d'entre les morts »
3. Paul, en effet, dans les persécutions qu'il et concluez qu'il se tient heureux s'il atteint
a endurées, n'est pas mort seulement au pé- s'il saisit la résurrection de Jésus - Christ
ché; mais dans son corps même, il a subi la dussé-je, dit-il, pour l'imiter autant que je
mort comme son Maître pour arriver enfin pourrai, souffrir autant que lui et me modeler
dit-il, a à la résurrection des morts ». Que sur lui , comme lui-même a subi mille dou-
dites- vous, ô grand apôtre? Tous les hommes leurs , comme il a été souillé de crachats
ne doivent-ils pas ressusciter? N'avez- vous pas battu de soufflets et de verges, comme il a
dit vous-même que nous ne nous endormirons subi la mort. Voilà la carrière à parcourir ;

jias tous, mais que nous serons tous changés? voilà le chemin par ofi il vous faut passer
(I Cor. XV, 51.) Ce n'est pas d'ailleurs la résur- pour arriver à sa résurrection à travers tous
rection seule qui attend tous les hommes, c'est lescombats.
aussi l'immortalité, les uns pour la gloire, les Tel est le sens de ces paroles « Pour tâ- :

autres pour le supplice. Si donc tous arrivent « cher d'atteindre ». On


peut aussi l'entendre
à la résurrection et non pas à la résurrection comme s'il disait : Pour que je devienne digne
seulement, mais à l'immortalité comment, ô , d'arriver à cette résurrection si belle, si capa-
Paul, dites- vous comme s'il s'agissait d'obtenir ble de combler mes vœux
pour que j'arrive ;

quelque chose d'exceptionnel « Je veux tâcher


: à la résurrection enfin, de Jésus lui-même. ,

enfin d'arriver? » Je souffre tout, répondez- Car si j'ai le cœur de subir tous les combats
vous, pour arriver à la résurrection a mais à , et tous les travaux, je pourrai aussi gagner sa
« celle qui fait sortir d'entre les morts »; si résurrection et revivre avec gloire. Mainte-
TOUS ne mourez d'abord, vous ne ressusciterez nant je n'en suis pas digne encore, mais je
pas. Qu'est-ce à dire? L'apôtre semble avoir poursuis ma course pour lâcher enfin d'y at-
en vue une bien haute récompense. Elle était teindre. Ma vie n'est encore qu'une lutte per-
si haute qu'il n'ose se la garantir « Je veux : pétuelle je suis encore loin du terme, encore
;

tâcher enfin », dit-il, j'ai cru en lui, j'ai cru loin du prix il me faut courir encore, encore;

en sa résurrection j'ai fait plus, pour lui, je


; le i)oursuivre.
souffre; et cependant je n'ose me reposer avec Remarquez même qu'il ne dit pas : Je cours ;

une pleine confiance dans l'espérance de la mais : « Je poursuis ». Il a raison. Car celui qui
résurrection. De quelle résurrection parle-t-il poursuit , vous savez avec quelle ardeur il

donc ici? De celle qui conduit à Jésus-Christ. presse ses rivaux ; il ne regarde personne j il
,,

ÎÔ TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

pousse et écarte par son invincible élan tous Et ce n'est pas là un malheur déplorable !

eeux qui font obstacle à sa course rapide; Où fuis-tu , malheureux? Où fuis-tu, miséra-
ses pensées avec ses yeux , ses forces de corps ble, loin de ta vie, loin de ton salut? Si tu
et d'âme, tout en lui se ramasse et se concen- évites ton Dieu, où sera ton refuge? Si tu
tre vers le |)ris à conquérir. Mais si Paul, jou- évites la vie, comment pourras-tu vivre? Ah I

teur si intrépide, après tant de souffrances, dit plutôt, fuyons l'ennemi de notre salut 1

encore « Si je puis enlin atteindre », que di-


: Quand nous péchons, nous fuyons loin de
rons-nous, pauvres concurrents tant de fois Dieu; nous errons comme l'esclave fugitif;
renversés? —
Quant à lui, ses efforts lui sem- nous nous exilons sur la terre étrangère
blent l'acquit d'une dette sacrée je veux ga- ; semblable à cet enfant prodigue qui avait dé-
gner, dit-il, « comme j'ai moi-même été gagné voré le bien de son père, et s'en était allé en
a par Jésus-Christ ». J'étais dans la masse de pays étranger, après avoir épuisé son patri-
perdition ;
j'étouffais; il nie fallait périr; Dieu moine, désormais il vivait, mais affamé. Nous
m'a ressaisi. Hélas nous n'avions d'ardeur
! aussi nous avons un patrimoine, et quel est-
que pour le fuir, et Dieu nous a poursuivis I il ? La délivrance de nos péchés la force que ;

L'apôtre en rapporte à lui seul tout le mérite. Dieu nous a donnée pour remplir les devoirs
Par ces paroles J'ai été gagné et ressaisi, il
: de la vertu ; cette ardeur et cette patience, cet
nous a prouvé l'ardeur de sa volonté à nous Esprit-Saint qu'il nous a versé avec le bap-
retrouver, en même temps (ju'il nous montre tême. Une fois que ces biens sont épuisés
notre éloignement si grand déjà, et nos erre- nous sommes en proie à la famine.
ments, et notre fuite déjà consommée. Un malade, tant qu'il est agité par la fièvre
4. Chose également déplorable Nous reve- ! et travaillé par des humeurs vicieuses, ne peut
nons tous à notre vieil état de péché, et, avec ni se lever, ni s'acquitter de ses fonctions, ni
un compte déjà si redoutable, nul parmi nous faire quoi que ce soit mais que, délivré de sa
;

ne gémit, ne pleure, ne soupire. Ne croyez pas maladie et rendu à la santé, il reste cependant
que je parle ici par ironie. Autant nous avons inerte, sans action vous ne l'imputerez qu'à
,

fui loin de Dieu avant l'arrivée de Jésus-Christ, sa paresse. C'est aussi noire histoire. Torturés
autant le fuyons-nous maintenant encore. Car par une grave maladie et par une fièvre ar-
nous pouvons fuir Dieu, non par des change- non pas sur un lit
dente, nous étions gisants
ments de lieu puisqu'il est présent partout,
, de douleurs, mais sur une couche de malice;
mais par nos œuvres. Que [lar rapport au lieu heureux de nous rouler dans le péché comme
nous ne puissions l'éviter, le Prophùle le dé- sur un fumier, couverts d'ulcères, respirant
clare a Où irai-jc, mon Dieu, pour me sous-
: la puanteur, souillés, courbés, spectres enfin
€ traire à votre esprit? Où fuirai-je pour évi- plutôt que créatures humaines. Les démons
« ter votre face ? (Ps. cxxxviii , 7.) Quel est abominables nous entouraient; le prince de ce
donc le moyen de fuir Dieu ? Comment s'éloi- monde nous insultait par un rire affreux. Le
gne-t-on de lui? Cet éloignement n'est que Fils unique de Dieu est venu il a fait luire les ;

trop possible, puisque le même prophète dit rayons de sa présence et dissipé l'ombre épaisse.
encore o Ceux qui s'éloignent de vous péri-
:
Le roi qui s'asseyait sur le trône du Père, est
cront»; et Isaïe : a Est-ce que vos iniquités venu vers nous quittant ce trône du Père ; et
€ n'ont pas jeté entre vous et moi un mur do quand je dis qu'il l'a quitté, n'allez pas croire
c division ? » (Ps. lxxu, 27; et Isaïe, lix, 2.) encore à un déplacement de sa substance di-
Comment donc se fait cet éloignement, cette vine, qui ne cesse de remplir et la terre et les
séparation ? Par noire volonté, par notre cœur, cieux je parle de son incarnation. 11 est venu
;

puisque ce ne peut être une séi)aration locale; vers cet ennemi qui lui portait une haine pro-
car comment fuir hors de celui qui est partout fonde, qui lui tournait le dos, et loin de vou-
présent? Et cependaut le pécheur fuit. C'est loir, enfin, tourner vers lui ses yeux repen-
ce que marque l'Ecrilure o L'impie s'enfuit : tants, le poursuivait encore de ses blasphèmes
€ quand personne ne le poursuit ». (Prov. journaliers. 11 l'a vu gisant sur le fumier, dé-
xxviii, 4.) Nous fuyons donc Dieu, qui nous voré [)ar les vers, accablé par la fièvre et par
poursuit sans cesse. L'apôtre courait pour ap- la faim, travaillé par toutes les maladies à la

procher de lui; nous courons aussi, nous, fois. Oui, la fièvre le torturait, car c'est une
(uai:> pour l'éviter et nous cloi{,'aer de lui. ûèvre avec ses flammes que i» mauvaise cou-
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XI. "tl

'cupiscence une flèvre avec sa faim anor-


; c'est fuyons-nous ce généreux bienfaiteur ? Et après
male que l'ambition c'est une
et insatiable, ; tant de merveilles opérées en notre faveur, il
fièvre avec son virus, que l'avarice c'est une ; nous prête encore sa force tant que la mala-
:

fièvre avec la privation de la vue, que l'impu- die nous accablait, en effet, nous étions inca-
reté l'idolâtrie, c'est une flèvre avec la sur-
; pables de supporter le fardeau, si lui-même ne
dité et le délire qui condamnait l'homme à nous avait donné le pouvoir. Mais en vain
adorer, à consulter la pierre et le bois ; c'est nous a-t-il accordé la rémission de nos péchés,
elle toujours avec l'altération des traits, car nous avons rendu ce pardon inutile en vain ;

les vices nous dégradent; c'est fout ce qu'il a tant de richesses, nous les avons dissipées et
de plus triste et la plus redoutable maladie. Il dévorées; en vain la force, nous l'avons usée;
vit des hommes plus fous dans leur langage en vain la grâce, nous l'avons étouffée; et
que les êtresen démence, puisqu'ils appelaient comment? en dépensant tous ces trésors pour
Dieu nous vit dans celte
la pierre et le bois. Il des choses qui ne pouvaient nous servir, à de
mer d'iniquités et il ne nous prit pas en abo-
; vraies inutilités. Celles-ci nous ont perdus, et,
mination, en haine, pas même en aversion il ; de plus, malheur incomparable, exilés que
ne détourna passa face; car il était le Seigneur nous sommes sur une terre étrangère, ré-
et ne haïssait point son ouvrage. Que va-t-il duits à la nourriture des pourceaux nous ,

donc faire? Comme un médecin charitable il ne disons pas encore Revenons à notre
:

prépare de |)récieux médicaments, et il y goûte Père, faisons-lui cet aveu, nous avons péché
le premier. Quand il en a constaté la vertu, il contre le ciel et contre vous; et cela, bien
nous les présente. Comme premier remède et que nous ayons un père si aimant, si dési-
souverain antidote, ilnousdonnele bain sacré; reux de notre retour! Car abandonnons seu-
il nous fait vomir toute notre iniquité; tous les lement les voies du vice, et revenons à lui ;
symptômes ennemis prennent la fuite; l'inflam- et nous verrons qu'il ne peut se résoudre
mation cesse, la fièvre est éteinte, le virus est même à nous faire un reproche. Qu'ai-je dit?
desséché. Tous les symptômes d'avarice, de Dieu ne peut se résoudre à nous faire un re-
colère, de tout mal enfin se sont évanouis par proche? Non-seulement lui-même ne veut pas
la présence de l'Esprit. Nos yeux et nos oreilles en faire, mais il ferme la bouche à tout autre
s'ouvrirent; notre langue se délia pour de qui nous en adresserait; quand même celui-là
pieuses paroles ; notre âme acquit la force serait un de ceux qu'il aime le plus. Ah! re-
notre corps la beauté, cette fleur de beauté que venons! jusqu'à quand resterons- nous éloi-
doit avoir un enfant de Dieu engendré par la gnés? Comprenons notre déshonneur stnlons ;

grâce de son Esprit; une gloire telle que doit notre dégradation. Le vice nous rabaisse au
avoir le fils d'un roi, nouvellement né et cou- niveau de l'animal immonde; le vice affame
ché sur_la pourpre. âme; rentrons
notre cœur. Retrouvons notre
Oh quelle noblesse Dieu nous a donnée
! I en nous-mêmes; revenons à notre ancienne
Et nous, envers celui qui nous a tant aimés, noblesse et regagnons les biens à venir, par
nous continuons à être ingrats. Il nous a en- la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésusr
fantés, nourris, comblés de biens ; pourquoi Christ, etc.
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTO.ME.

HOMELIE XII.

MES FBFl ïS; .'E ?E CBOIS PAS AVOIR SAISI 11 l'UIX TOIT CE QBE JE
J
FAIS, c'eST d'OIBLIER CE QUI BST
BERUIÈilt M'.il, POl'R TtMiUK EN AVANT... (CUAP. 111, 13 A 17.)

i%nHl}-Be.

1 I.'apAire oublie le terrain gafné, et ne veut qu'aller en avant et franchir le reste de sa course.
2 Va nous aussi, avançons dans le bien ; Dieu nous regarde ; l'apôtre nous précède.
3. Estiorlalion sur l'iuii'a ion des saints. —Les saints sont nos modèles. — Jésus-Clirist est notre maître et notre premier modèle.
— Toutes les condilions trouvent leur type parfait dans les saints livres.
4. La vertu, source unique du bonbeur, se concilie avec tous les états de l'homme.

1. Il n'est rien pour rendre inutiles nos bon- efforts tendent en avant. Les paroles suivantes
nes œuvres et pour nous gunller d'orgueil, accusent te vœu : « Mais tout ce que je
comme le souvenir complaisant du bien que a fais maintenant, c'est qu'oubliant ce qui
nous avons fait. Deux maux en résultent pour a est derrière moi , et m'avançant vers ce
nous une négligence plus grande, une vanité
: « qui est devant moi ,
je cours incessamment
plus exallée. Aussi Paul, sacbant que notre a vers le bout de la carrière ,
pour rem-
nature invinciblement portée à la paresse,
est a porter le prix de la félicité du ciel , à
ayant d'ailleurs prodigué l'éloge aux Pbilip- a laquelle Dieu nous a appelés par Jésus-
piens, se bâte, vous le voyez, de rabaisscrtoute « Christ ».

enflure ; il l'a fait déjà précédemment de plu- Voyez comment par ces paroles il nous mon-
sieurs manières, mais en ce passage surtout, tre le motif (]iii le faisait tendre vers ce qui est
il n'a pas d'autre but. Ainsi : encore devant lui. Bien certainement, celui
« Mes frères », dil-il, «je ne crois pas avoir qui se croit parfait, celui qui pense ne man-
a saisi ce vers quoi je tends ». Que si Paul ne quer de rien pour posséder une vertu accom.
tient pas encore le prix, s'il n'est pas pleine- jilie, cessera par conséquent de courir, comme

ment sûr de sa résurieclion glorieuse ni de si déjà il avait atteint le but. Mais celui qui se
son avenir, bien moins doivent l'être ceux regarde comme éloigné encore de la borne
qui n'ont pas encore gagné la moindre [)arlie désirée, ne suspendra pas son élan. Telle
de seniblublcj mérites. Voici, du reste, sa doit toujours être notre persuasion, alors
pensée Je ne crois pas avoir atteint encore la
: même que nous aurons fait une multitude de
vertu toute entière, comme on dit d'ordinaire bonnes œuvres. Carsi Paul, après mille morts,
d'un coureur : Il ne tient pas encore le but. après desi grands combats, avait cependant

Ni moi non plus, dit saint Paul, je n'ai pas celte conviction intime, bien plus doit-elle
parcouru toute la carrière. Il est vrai qu'ail- être la nôtre. Je ne perds pas courage, nous
leurs il s'exprime autrement: a J'ai combattu dit-il, bien qu'après une
longue course, je si

« le bon combat » (lITim. iv, 7), tandis qu'ici ne sois pas veux jamais
encore arrivé ;
je ne
vous entendez « Je ne crois pas avoir encore
: désespérer; je cours encore, et je combats je ;

« atteint le terme » mais qu'on lise attenti- ; n'ai qu'un but avancer toujours C'est ce que
: 1

vement les deux textes, et l'on comprendra la nous devons faire nous-mêmes, oubliant nos
raison de ces deux afiirmations. Nous ne pou- bonnes actions passées, négligeant tout ce qui
vons pas toujours renouveler des discussions est en arrière. Le coureur, en effet, ne pense
de ce genre ni donner de toutes choses une pas aux espaces déjà parcourus, mais à ceux
Ixplication complète. Il suffit d'avertir qu'une qui restent à franchir. Ainsi ne pensons pas
ile> deux paroles a été prononcée bien aNanl aux progrès que nous avons pu faire dans la
I autre, et que celle-ci, écrite à Timotbée, vertu, mais bien à ceux qui nous restent à
cuïncide avec les derniers jours de saint Paul. faire encore. A quoi en effet nous servira le ter-
Ici il dit seulement « Je ne crois pas avoir : rain g.igné, si nous n'achevons pas l'intervalle
« encore allcinl le but », mais tous mes qui reste ? L'apùlre n'a pas même dit : Je n'y
COiMMENTAlRE SUR L'ÉPITRE AUX PIIILIPPIENS. - HOMÉLIE XII. 19

pense pas, je ne m'en souviens pas; mais: «J'ou- mis de vaincre. Ne vous flez pas à certain sol
blie » voulantainsi nous rendre plus vigilants.
ïs ;
luisant et glissant, et vous ne tomberez pas ;

En efîet, nous n'avons vraiment bien toute notre choisissez le ferme, le solide, toujours. Tenez
ardeur que quand nous jetons tout l'élan de ^e front, les yeux levés les maîtres de la :

notre âme que


vers ce reste de lutte à subir, et course recommandent cette allure, qui favorise
nous livrons à l'oubli tout le passé. « Nous — l'effort.La têle trop penchée vous entraîne et
o tendons la main avec effort », dit-il, pour vous fait tomber.
prendre avant même d'être arrivés. On dit en Surtout regardez en haut, là est votre palme ;
effet que le coureur s'étend en avant lorsqu'il la vue d'uae palme augmente l'ardeur du dé-

projette avec effort son corps entier en avant sir l'espérance vous ôtera le sentiment du
;

même de ses pieds qui courent néanmoins tou- labeur et des fatigues. L'éloignemiMit vous
jours, se pencliant vers le but, allongeant les fait paraître petite la récompense promise ;

braSj pour diminuer encore l'espace qui l'en mais quelle est-elle enfin ? Ce n'est pas une
sépare. Ainsi se révèle une âme pleine d'élan branche de palmier , qu'est-ce donc? Le
et d'invincible ardeur. Pour entrer en lice, i^ royaume des cieux, le repos éternel, lu gloire
faut ainsi courir, avec toute celte hâte , avec avec Jésus-Christ, avec lui l'héritage, la fra-
toute cette énergie, et jamais mollement. Or ternité, desbiens infinis que le langage hu-
la différenceque vous remarquez entre un cou- main ne peut exphquer. Impossible a nous
reur de ce genre et un paresseux couché sur le de vous développer les beautés de cette palme
dos, est précisément celle qui se trouve entre ineffable; celui-là seul la connaît qui l'a ga-
Paul et nous. Cbaque jour il savait mourir, gnée et va la recevoir. Ni l'or, ni les pierre-
chaque jour mériter point d'occasion, nul ;
ries ne la composent elle ; est mille fois plus
moment qui ne le fit avancer d'un pas vers précieuse ; l'or, au prix d'elle, est de la boue ;

le terme de la carrière il ne voulait pas pren-


;
au prix de sa beauté, les diamants sont de l'ar-
dre, il voulait ravir. Et cette façon de saisir gile. Si conquérant de cette palme, vous arri-

est permise : Celui qui donne le prix est si vez au ciel, il vous sera donné d'y marcher
haut; la dans un lieu si élevé
palme est I entouré d'honneurs les anges, vous la voyant
;

2. Considérez quel grand espace nous avons en main, vous environneront de respect; avec
à parcourir et combien est élevé le but où il confiance vous approcherez de tous les trônes.
nous faut voler avec les ailes de l'esprit, seu- « En Jésus-Christ ». Voyez la connaissance

les capables d'atteindre à cette grande hau- de l'apôtre. Je fais tout, avoue-t-il, en Jésus-
teur. Il faut monter là avec notre corps Christ; car à moins qu'il n'imprime le mouve-
même, à qui ce terme est aussi proposé. « Car ment, tant d'espace est infranchissable à notre
a notre conversation », dit saint Paul, a est faiblesse nous avons besoin d'être beaucoup
;

o dans lescieux». (Philip, ui, 20.) Là est notre aidés. Il a voulu que le théâtre de la lutte fût
palme. Or, voyez-vous quel sévère régime ici-bas; et là-haut, le couronnement. Chez
suivent les athlètes? Comme ils ne touchent nous la couronne est accordée sur le champ
à aucun aliment capable d'énerver leurs for- du combat; celle-là, au contraire, e.-t placée
ces conmie chaque jour ils s'exercent au
; surdes sommets splendides. D'ailleurs, dans
gymnase sous un maître, sous une discipline? nos cités mêmes, l'athlète ou l'écuvcr vain-
Imilez-h's, déployez même pour votre âme queurs, quand ils vont recevoir l'honneur tant
une plus grande énergie. Votre palme est plus recherché, ne restenlpas en bas dans le slade;
belle, vos adversaires sont plus nombreux; ils montent appelés par l'empereur qui de ,

suivez un régime, car vos forces sont mena- son trône élevé les couronne. Ain-i vous-
,

cées de plus d'un côté; fortifiez vos jarrets et mêmes, loin d'ici, vous recevrez la[iahnedans
vos pieds, vous le pouvez, c'est l'affaire de le ciel.
votre volonté et norf de la nature. Quant à Tout ce que nous sommes donc de par-
a

celle-ci, nous devons rallét,'er, de peur qu'elle ti soyons dans ces sentiments,
faits, conclut-il,
n'oppose à l'agilité des jambes un poids acca- « et si vous en avez d'autres. Dieu vous dé-
blant. Apprenez à avoir le pied sûr, le terrain a couvrira aussi ce que vous en devez croire ».
glisse en maints endroits, et si vous tombez, Qu'est-ce que Dieu nous apprendra? Qu'il
vousperdez beaucoup toutefois, même tombé,; faut oublier tout ce que nous laissons derrière
relevez-vous ainsi vous sera-t-il encore per-
; nous, de sorte que la marque de la perfcclioo
80 Traduction française de saint jean chrysostome.

c'est de ne se pas croire parfait. Mais alors, ô a vu en nous ». Il a dit précédemment : Pre-

apôtre, pourquoi dites-vous : «Nous qui som- nez-garde aux chiens, afin d'en éloigner ses
o mes parfaits?» Car enfin, ne voulez-vous chers néophytes; maintenantil leur propose

pas, diles-nioi que nous partagions vos


,
les modèles à imiter. Si quelqu'un veut sui-
vues et vos sentiments? Or, si vous n'avez pas vre notre exemple, dit-il, et marcher dans la
encore vaincu, si vous-même n'êtes pas par- voie que nous traçons, attachez-vous à lui.
fait, comment voulez-vous que les parfaits Bien que je sois absent, vous connaissez ma
adoptent une conviction que vous avez, vous manière de faire, c'est-à-dire, mon plan de
qui n'êtes pas parfait encore? — EU 1 nous vie et de mœurs. Car il n'enseignait pas seu-
répond-il, c'est que cet humble sentiment est lement par sa parole, mais encore par ses
la perfection même; vous avez quelque
et « si actions comme dans un chœur ou dans une
;

o autre manière de voir, Dieu vous montrera armée, chacun doit imiter le chef d'orchestre
ce que vaut votre idée ». Pour les prémunir ou le général, et marcher avec ordre. Il suffit
contre l'orgueil, l'apôtre voudrait dire : Si pour détruire l'ordre, de suivre une faction
queUiu'un parmi vous se croit déjà en pleine isolée.
possession de la vertu et toutefois, il ne parle
; 3. Ainsi les apôtres étaient des types et
pas ainsi, il dit seulement a Si vous avez : des modèles, parce (lu'ils observaient un ar-
a quelque autre ni.inière de voir. Dieu vous chétype dont l'image était devant leurs yeux.
« montrera ce qu'elle vaut. Vous voyez la mo- Imaginez-vous toutefois combien leur vie
destie respectueuse de son langage. Dieu vous était parfaite et pure, puisqu'eux-mêmcsétaient
renseignera, dit-il; il ne vous rajtprendra projjosés comme archétypes et exemplaires,
pas seulement, il vous le jiersuadera. En effet, comme autant de lois vivantes. Ce que di-
Paul enseignait, et Dieu faisait profiter l'en- saient leurs lettres, tout le monde le voyait
seignement. Encore ne dit-il pas Dieu vous : clairement dans leur vie. Voilà la meilleure
persuadera mais Dieu vous éclairera pour
; : méthode tl'enseignement; c'est ainsi que le
montrer que c'est atlaire d'ignorance. Ces pa- maître entraîne son disciple. Qu'il parle seu-
roles de l'apôtre n'ont pastraità l'enseignement lement, que ses paroles seules respirent la sa-
des dogmes, mais à la perfection des mœurs ;
gesse, tandis que
exemples reproduiront
ses
elles prescrivent que personne ne se regarde tout le contraire, un maître. Phi-
il n'est plus
comme parfait; car dès qu'on se croit en losopher en parole est chose facile au disciple
pleine possession de la vertu, c'est qu'on n'a même il faut que vous lui donniez en outre
;

rien absolument. la leçon, la persuasion qui vient de l'exemple.


Cependant, pour ce qui est des choses L'exemple seul fait respecter le maître, et in-
« auxquelles nous sommes parvenus, ayons cline le disciple à l'obéissance. Comment?
c les mêmes sentiments, demeurons dans la C'est que ne voyant votre sagesse
celui-ci
«même règle». Que signifie cette phrase :
qu'en paroles, dira tout bas Ce maître m'im- :

« Pour ce qui est des choses auxquelles nous pose une morale impossible; et lui-même
« sommes parvenus?» En attendant, dit l'apô- m'en donne la preuve, puisqu'il ne la pratique
tre, gardons le bien que nous avons conquis, la pas.
charité, la concorde, la paix; ce point, en efiet, Et toutefois, mes frères, quand même un
nous est gagné, «nous y sommes parvenus; maître indigne nous laisserait voir sa conduite
a restons dans la même règle, n'ayons tous pleine de lâcheté veillons à nos propres inté-
,

«qu'un même sentiment». oNousysommes — rêts, et écoulons le prophète qui dit « Tous :

a parvenus», c'est donc un fait accompli. seront enseignés de Dieu » ; et ailleurs :


Voyez-vous aussi que Paul veut que les com- a Désormais l'homme n'enseignera plus son
mandements soient notre règle? Une règle a frère, en disant : Connaissez le Seigneur ;

n'admet ni addition ni retranchement; autre- a car tous me connaîtront, depuis le plus grand
ment ce n'est plus une règle, a Dans la même «jusqu'au plus petit ». Vous n'avez pas un
règle », c'esl-à-dire dans la même foi, dans maître vertueux mais vous avez le véritable
;

la même constitution. maître, le seul qu'on doive appeler du nom de


a Mes frères, rendez-vous mes imitateurs, Maître. Allez à son école. 11 a dit « Apprenez :

a et proposez-vous l'exemple de ceux qui se a de moi que je suis doux» (Malth. xi, 29) ;

« conduisent selon le modèle que vous avez n'écoulez pas l'autre docteur; mais seulement
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PIIILIPPIENS. - HOMÉLIE XII. 81

le Maître et ses leçons. Prenez là le modèle ;


dre; mais qu'en dehors de la règle, tout est
voilà un type parfait ; sur lui conformez-vous ruine : le trône vous perd, la pauvreté vous
toujours. perd, les richesses vous perdent.
Les saintes Ecritures vous proposent par Rien ne peut nuire à l'homme qui est sur
milliers des exemples de vies passées dans la ses gardes. Serait-ce, dites-moi, la captivité
vertu. Après celui du Maître, aboi'dez, si vous qui lui serait fatale? Nullement. Rappelez-
voulez, ceux des disciples. Parmi eux tel brilla vous Joseph, réduit en esclavage et non moins
par la pauvreté, et tel par les richesses : ainsi enchaîné à la vertu. Rappelez-vous Daniel et
Elle fut pauvre, Abraham opulent : prenez la les trois enfants de Babylone qui, par leur
voie qui vous paraît la plus aisée, la plus à captivité môme, s'illustrèrent davantage. C'est
votre portée. Tel encore trouva son salut dans qu'en effet , la vertu conserve partout son
le mariage, tel autre dans la virginité Abra- : éclat ; aucun obstacle ne peut la vaincre ni seu-
ham était marié, Elle resta vierge choisissez : lement l'arrêter. Que parlé-je de pauvreté, d'es-
entre ces deux routes, toutes deux mènent au clavage? La faim même, les ulcères, la maladie
ciel. Le jeûne a sanctifié Jean-Baptiste Job ; ne peuvent l'atteindre, bien que la maladie
fut saint sans jeûner. Celui-ci encore avait le soit pire encore que l'esclavage. Tel on a vu
souci d'une grande maison, femme, fils et Lazare, tel Job, tel aussi Timolhée lequel était
filles, grandes richesses ; Jean ne possédait visité par de fréquentes infirmités. Vous le
qu'un vêtement de poils. Et que parlé-je de voyez donc la vertu ne peut être vaincue par
:

maison, de richesses, d'argent, puisque même quoi que ce soit richesse et pauvreté, servi-
;

avec une royauté terrestre, on peut gagner la tude et empire, soucis d'administration, mala-
vertu? Un palais est, sans comparaison bien , die, ignominie, exil, la vertu laisse tout s'agi-
plus rempli d'occupations qu'une maison de ter dans la sphère inférieure de ce bas monde;
particulier et cependant David a brillé sur
: elle-même arrive au ciel 1

un trône; la pourpre ni le diadème n'ont pu Qu'elle trouve seulement une âme géné-
le tel fut aussi un autre chef
corrompre; reuse, et dès lors rien ne pourra empêcher
Providence avait confié le gou-
d'Etat, à qui la qu'elle n'y entre dans la plénitude de sa force.
vernement detout un peuple. Moïse et sa tâche ; Dès que l'agent qui devra produire la bonne
était plus difficile encore, car il rencontra cJiez œuvre, sera lui-même fort, les choses exté-
ce peuple plus de licence, et par suite plus de rieures ne feront point obstacle. Dans les pro-
difficultés, plus d'ennuis. fessions mécaniques, dès que l'ouvrier est
Vous avez vu des saints dans les richesses habile, patient, maître de son métier enfin,
comme dans la pauvreté ; vous en avez vu que maladie vienne, il garde son art; que
la

dans4e mariage comme dans la virginité. Par la pauvreté l'accable, il garde son art; que

contre, sachez que plusieurs ont péri mariés l'outil soit dans sa main et lui dans l'exercice

ou vierges, riches ou pauvres. Ainsi , dans le de son travail, ou qu'il chôme au contraire,
mariage plusieurs se sont perdus témoin : son art lui reste toujours et tout entier son :

Samson, qui n'a pas péri au reste, par le fait


, art fait partie de lui-même. Ainsi l'homme
de cette condition, mais par sa volonté et sa vertueux et qui ne dépend que de Dieu, mon-
liberté. Ainsi dans la virginité encore: témoin tre sa vertu partout également, dans la pau-
les cinq vierges folles ainsi dans les richesses,
; vreté et dans la maladie comme dans la santé,
l'orgueilleux riche qui méprisait Lazare; ainsi dans la gloire ou dans les outrages.
dans la pauvreté, puisque aujourd'hui même 4. Les apôtres n'ont-ils pas traversé tous ces
les indigents se perdent par miUiers. Je pour- chemins si divers, et, comme dit saint Paul, «à
rais vous faire voir bien des grands qui se sont « travers la gloire et l'ignominie » ,
par « la

perdus sur le trône et dans le gouvernement des bonne et mauvaise réputation?» (II
par la
peuples. Mais aussi, jusque dans l'état mili- Aor. VI, 8.) C'est être un vrai athlète, que d'ê-
taire, voulez-vous des noms de soldats qui ont tre prêt à tout; et telle est aussi la nature de
fait leur salut? Voyez Corneille. Préférez-vous la vertu. Si vous dites Je ne puis comman- :

des intendants de maisons particulières? Voyez der, il me faut mener la vie monastique, vous
l'eunuque de la reine d'Ethiopie. Ainsi de- faites injure à la vertu. Elle doit en effet être
vient-il évident qu'en usant des richesses selon utile à tous, > '
partout briller, dès qu'elle ha-
le devoir, elles n'ont rien qui puisse nous per- bite une ànic, Voici lu famine ou voici l'abou*
S. i. Ch. — Tome XI,
S3 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

(lance : la vertu y conserve et y nionlrc sa s'est inorlitiée. Craindrait-elle l'infamie? mais


puissance active, selon que Paul a dit « Je : le monde est crucifié pour elle. La perte de
«sais vivre dans l'abondance, ou souffrir la ses enfants? mais elle est sans peur, elle a foi

« disette ». (Philip, iv, 12.) Fallail-il travailler? en la Résurrection. Qui pourrait donc l'ébran-
Iln'en rougissait pas, et pendant deux ans il ler? Rien, absolument rien. — Mais les ri-

at son humble métier. Sup|)orter la faim ? On chesses donnent de l'orgueil? Non, car elle sait
ne le voyait ni succomber, ni même chanceler. que l'argent n'est rien. Mais la gloire? elle est
Mourir même? Son courage ne faiblissait pas; instruite à une école qui proclame que toute
il montrait partout son art, sa fermeté dans la la gloire de l'homme est comme la fleur do
vertu. l'herbe des champs. (Isaïe, xl, 6.) Mais les dé-
Imitons-le, nous n'aurons plus aucun
et lices? Elle a entendu cette leçon de Paul :

sujet de tristesse. Car quel chagrin pouvait a Vivre dans les délices, c'est être mort».
arriver à la hauteur d'un tel homme? Aucun (1 Tim. V, 6.) Ainsi incapable de s'enfler ni de
sans doute. Et nous aussi, tant que la vertu ne s'abattre, qu'est-ce (jui pourrait égaler la soli-
nous sera point ravie notre bonheur surpas-
, dité de cette âme?
sera tout bonheur humain, non pas dans tel Telles ne sont pas tant d'autres âmes qui,
cas donné mais dans tous les cas possibles.
, au contraire, changent plus souvent que la
Donnez-moi un homme vertueux qu'il ait une ;
mer ou le caméléon. Oh que leur manière !

femme, des enfants, de l'argent, qu'il soit en- d'être prête à rire ,
quand on voit la même
vironné de gloire, il gardera, au sein de cette personne tour à tour riant ou pleurant, in-
félicité multiple, la vertu toujours. Qu'on l'en quiète ou plongée dans la dissolution et la
dépouille, sa vertu demeure en exercice, ses joie! Aussi Paul nous recommande de ne pas
malheurs ne l'accablent pas plus que ne l'en- a nous conformer à ce siècle » présent. Déjà

flaient ses prospérités ;


pareil à un rocher au nous vivons dans nous sommes déjà
le ciel,

sein des mers, que l'onde se gonfle ou qu'elle les citoyens d'un monde où
rien ne change :

se calme, l'immobilité est sa nature , la vague des récompenses immuables nous sont pro-
ne peut le briser, ni le calme l'user; ainsi mises. Embrassons ce noble genre de vie, re-
l'âme solide demeure inébranlable aux flots cueillons-en dès maintenant les biens inappré-
irrités comme aux eaux paisibles. Et comme ciables. Pourquoi nous jeter nous-mêmes dans
de pauvres enfants surun navire facilement se l'Euripe, au milieu des vagues des tempêtes, ,

troublent, tandis que le pilote reste assis, sou- des tourbillons? Embrassons ce calme bien-
riant et tranquille, s'amusant même de leur heureux, qui ne dépend des richesses ni de la
épouvante; ainsi l'âme du vrai sage , lorsque pauvreté, du bon ni du mauvais renom, de la
les autres tour à tour, selon les vicissitudes du maladie ni de la santé ni d'aucune infirmité, ,

siècle, se troublent ou se livrent à des rires in- mais de notre propre cœur. Qu'il soit solide,
sensés, demeure assise et calme auprès du gou- lui, et formé à l'école de la vertu, tout lui sera
vernaildelareligion etdela piété. Quellecause, facile dès lors ; déjà il apercevra dans l'avenir
en effet, dites-moi, pourrait troubler l'âme le repos et le port tranquille, et après le dé-
.pieuse? La mort? mais elle est le commence- part enfin, il trouvera des biens infinis. Puis-
ment d'une vie meilleure. La pauvreté? mais sions-nous les gagner tous par la grâce et
elle n'estqu'un mobile de plusdans la voie de la bonté de Noire-Seigneur Jésus-Christ, avec
vertu. La maladie? mais ellecoini)le pour rien lequel soit au Père et au Fils, gloire, empire et
la vie présente et (jue parlé-je de la maladie?
; honneur, maintenant et toujours, et dans les
elle met sur la même ligne les joies et les souf- siècles des siècles. Ainsi soit-il.
frances^ elle a méine pris les devants , elle
COMMENTAIRE SUR L'ÉPiTRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XllI. S3

HOMELIE XIII.

CAS. IL Y EN A PLUSIEURS DONT JE VOUS AI SOUVENT PARLÉ ET DONT JE VOUS PARLE ENCORE AVEC LAR-
MES, QUI SE CONDUISENT EN ENNEMIS DE LA CROIX DE JÉSUS-CHRIST. (CHAP. III, 18 JUSQU'AU CHAP.
IV, 3.)

1. Quelle est la vertu de la croix, et même du signe delà croix? Qui sont les ennemis de la croix, chez les soi-disant chrétiens t
2. I.'ovalcur conilainne avec saint Paul ceux qui fontun Dieu de leur ventre. —
L'immortalité et la résurrection des corps doivent
nous cliarmer nous consoler.
et

3. Coinpliraenls de salut l'aul aux premières dames chrétiennes leur rôle dans ce premier âge de : la religion. — Saint Paul
n'était cependant pas marié lien qu'une appellalion amphibologique l'ait fait dire à quelques-uns.
,

4. Le céleste Thriomphalcur vient au devant de ses élus ; beauté de ce spectacle ; malheur d'en être exclus ; misère plus
grande que l'enter même.

1. Il n'est rien qui soit aussi peu d'accord qu'elle a répandus et qu'elle répand encore,
avec la vie chrétienne, rien qui lui soit étran- des saintes assurances de vie qu'elle nous
ger autant que la recherche du repos et du donne.
bien-être; notre enrôlement dans la sainte C'est par la croix que tout s'accomplit;
milice où nos noms sont inscrits ne s'accor- le baptême se fait par la croix
car il y faut ;

dera jamais avec l'attache à la vie présente. recevoir ce sceau sacré. C'est par la croix que
Votre Dieu a été mis en croix , et vous cher- se confère l'imposition des mains. Pour abré-
chez votre tranquillité 1 Votre Dieu a été percé ger, enfin, en voyage ou àmaison, en tout
la
de clous, et vous vivez dans les délices ! Est-ce lieu, la croix est le souverain bien, l'armure
là la conduite d'un soldat généreu.\? Aussi du salut, le bouclier invincible contre les as-
Paul a-t-il dit : « Plusieurs ,
je vous l'ai dit sauts du démon. Pour le combattre vous ,

a souvent et je le dis encore avec larmes^ plu- vous armez de la croix et non pas seulement ,

n sieurs se conduisent en ennemis de la croix en vous marquant de son signe, mais en su-
a de Jésus-Christ Quelques-uns, en effet, et
». bissant et souflrant tout ce que montre cet
c'est la raison des larmes de Paul faisaient , instrument de la passion. Jésus-Christ en ,

semblant d'être chrétiens, mais vivaient dans effet, appelle croix toutes nos souffrances,
l'inertie-ct les plaisirs. C'est déclarer la guerre comme dans ce texte « Il ne peut être sauvé
:

à la croix. Car la croix ne peut aller qu'à une 9 qui ne prend pas sa croix pour me
celui
âme toujours debout sur la brèche, avide de « suivre» autrement celui qui ne se tient
; ,

mourir, détachée de tout plaisir égoïste. Ces pas prêt à bien mourir. Mais ces chrétiens
gens suivent une façon de vivre tout opposée. lâches et dégénérés, amis de leur chair et de
En vain donc prétendent -ils appartenir à leur vie, sont évidemment ennenu's de la
Jésus, ils ne sont que les ennemis de sa croix; croix; tous ceux qui aiment les délices et la
s'ils l'aimaient, ils prouveraient leur amour tranquillité en ce bas monde ne sont pas
en s'éludiant à vivre d'une vie crucifiée. Est- moins les ennemis de cette croix dans laquelle
ce que votre Seigneur n'a pas été cloué à la Paul se glorifie ,
qu'il embrasse , à laquelle il

croix? Si vous ne pouvez le suivre à la lettre, voudrait s'identifier, d'après ses paroles : Je
au moins d'une autre manière imitez-le. At- , suis crucifié au monde ; il est crucifié pour
tachez-vous à la croix, bien que personne ne moi.
vous y cloue en réalité oui crucifiez-vous, ; , Maintenant il ajoute : «Or à présent je le dis
non pas dans le sens du suicide, grand Dieu ! a en pleurant Pourquoi ? Parce que le mal
».
ce serait une impiété mais dans le sens que
; a grandi, parce que de telles gens méritent
Paul indiquait en ces termes a Le monde est : qu'on les pleure. Oui, nous devons nos larmes,
«crucifié pour moi, je le suis aussi pour le en vérité, à ceux qui vivent dans les délices,
(( monde ». (Gai. vi, 14.) Si vous aimez votre ne songeant qu'à nourrir l'envelo|ii)r, le corps,
Seigneur, mourez de sa mort; instruisez-vous veux-jedire, sans tenir aucun com[ile du sup-
de la puissance de sa croix , des bienfaits plice qui les attend. Votre vie est délicieuse,
u TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ah ! je le veux ; le vin, je vous l'accorde, vous partie de ses richesses, celui-là, en toute justice,
plait et vous délocle ; et ainsi aujourd'hui, do- ne devra-t-il pas prendre pour lui l'anathèiue
main; ainsi dix, vingt, trente, quarante, cin- apostoliiiue?
quante ans vous accorde un siècle par
;
je ,
2. Au reste, pour réveiller la sainte honte,

impossible mais vous le voulez, je vous l'ac-


;
pour adjurer enûn le pécheur, rien de plus
corde quelle sera lafin?qu'y gagnerez-vous?
: habile ni de plus fort que ce langage aposto-
Rion. Passer une telle vie, n'est-ce pas lamen- lique a Leur Dieu, c'est leur ventre; leur
:

table, déplorable? Dieu nous a introduit dans « gloire est dans leur confusion même». Mais

le stade pour nous couronner et nous nous , qui sont ceux-là? a Ce sont ceux qui n'ont du
en irons sans avoir fait un acte de courage! a goût que pour la terre », ceux qui disent :

Paul, lui, Paul gt mit ut pleure de ce qui est Bâtissons des maisons; où? sur la terre; ache-
pour les autres occasion de rire et de s'a- tons des champs, sur la terre encore; acqué-
muser tant il ressent vivement
;
le malheur rons l'emiiire, sur la terre aussi poursuivons ;

du prochain tant il porte tous ;


les hommes la gloire, toujours sur la terre amassons des
;

dans son cœur I richesses, tout enfin sur la terre. Voilà encore
« Leur Dieu », ajoule-t-il, a c'est leur ven- des gens pour (jui le ventre est un Dieu. Car,
« tre B. U n'est pas d'autre Dieu, en eflet. C'est puisque leur âme ne s'occupe d'aucun objet
lamise en action de leur adage « Mangeons : spirituel, puisqu'ils ont tout ici bas et n'ont
a etbuvons n. Voyez-vous quel péché c'est pas d'autres soucis, vraiment dès lors leur ven-
qu'une vie de délices? Pour les uns, c'est l'ar- tre est leur Dieu, et ce sont eux qui disent :

gent pour d'autres, c'est le ventre qui est Dieu.


;
« Mangeons et buvons, car demain nous mour-
Ne sont-ils pas aussi des idolâtres, ces der- « rons ». Oui, vous gémissez de ce que votre

niers, et pires et plus déleslables encore? corps est pétri de Umon, bien que cette chair
« Leur gloire », dit saint Paul, o est dans leur même ne soit point un obstacle à la vertu et ;

a confusion ». Quchim-s-uns entendent ces vous rabaissez votre âme par les délices, vous
paroles de la circoncision. Je les interprète en la traînez dans la boue, et vous le faites sans
ce sens, que telles gens devraient être couverts remords, vous riez même et vous livrez votre
de honte et se voiler la face à raison de cer- âme à la folie quel pardon espérez-vous donc,
:

tains vices, et qu'au contraire il s'en font après vous être condamnés à l'insensibilité?
gloire. C'est, en d'autres termes, ce qu'il dit ail- Et cela, lorsque vousdevriezspiritualiser votre
leurs Quel fruit avez-vous donc trouvé en
: « corps lui-même! Car vous le pouvez, il ne s'a-

« ces jouissances (|ui maintenant vous font git que de vouloir. Vous avez un ventre pour
rougir? » (Rom. vi, 26.) C'est un grand mal, lui donner les aliments nécessaires, et non pour
en elTel, que de conunettre des choses honteu- l'étendre et pour l'cngiaisser; pour lui com-
ses ; vous rougissez encore en le fai-
mais si mander, et non pour qu'il vous commande;
sant, ce n'est que demi-mal; si au contraire non pour en être l'esclave, mais pour le faire
vous en tirez gloire, c'est le dernier degré de servir à la nutrition des autres membres; non
l'insensibilité. pour dépasser enfin toute limite honnête. La
Alors, dira-t-on, ces paroles ne s'apjdiquent mer cause moins de dégâts sur les rivages
qu'à ces endurcis effionlés; et, dans cet au- qu'elle envahit, que n'en cause le ventre à
ditoire,personne ne donne prise à semblable notre corps et à notre âme. L'une submerge
rc|»rùche? Personne ne peut cire accusé d'a- la terre, l'autre dévaste le corps tout entier.
voir son ventre i)ourDieii, et de se faire gloire Imposez-lui comme limite le strict nécessaire
de sa honte même? Ah I je le souhaite, et je de la nature, comme Dieu pour la mer a |)lacc
souhaite bien ardemment que ce portrait ne le sable du rivage. S'il bouillonne, s'il se ré-
nous ressemble pas même de loin. Je voudrais volte, rei)renez-le avec cette puissance intime
ne connaître personne sur qui ce blâme doive qui est en vous. Voyez de quel honneur Dieu
tomber. Mais je crains qu'au contraire il ne vous comble, puisqu'ici vous pouvez parler
nous convienne mieux qu'à eux-mêmes. Eti comme lui. Mais vous vous y refusez, et quand
(Ifit, s'il en est un ici qui passe sa vie dans vous voyez ce tyran sortir de ses bornes, gâter
les banquets et la boisson, trouvant bien sans et dévorer votre nature, vous n'osez pas l'ar-
doute quelques oboles pour les pauvres, niais rêter ni le modérer, o Leur Dieu, c'est leur
pioJiijuaut ^lour son ventre la plus grande a veulre».
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE XIII. 83

Voyons comment Paul a servi Dieu et , sont rien en comparaison d'une telle dé-
voyons aussi comment les gourmands sont les chéance.
esclaves de leur ventre. Est-ce que pour lui Mais que dites-vous, Paul ? Notre corps de-
ils n'endurent pas mille morts? Ne redoutent- viendrait conforme au sien ? Oui, répond-il ;

ils pas de lui refuser en quoi que ce soit l'obéis- n'en doutez pas, et il ajoute en preuve que ce sera
sance absolue? Est-ce que l'impossible même, « par l'opération de sa puissance, par laquelle

pour lui plaire, ne les trouve pas soumis et «il peut d'ailleurs s'assujélir toutes choses ».
obéissants? Ne sont-ils pas pires que les escla- Voici son raisonnement : 11 a puissance de tout
ves? s'assujétir; donc aussi le trépas et la mort;
Paul était loin de cette ignoir.înie aussi di- ; ou plutôt, en vertu de cette même puissance,
sait-il : a Pour nous, notre conversation est il fait cette merveille de préférence à toute au-
a dans les cieux ». Ne cherchons donc pas le tre. Où brille, en effet, d'avantagel'œuvre de sa
repos ici-bas mais efforçons-nous de gagner
;
puissance, dites-moi; est-ce à soumettre anges,
la gloire de ce royaume dont nous sommes les archanges , chérubins , séraphins ,démons
citoyens. « De là aussi nous attendons le Sau- mêmes? oîi bien est-ce à rendre un corps
veur, qui est le Seigneur Jésus, qui transfor- immortel et désormais incorruptible? Dans le
a mera notre corps, tout vil et abject qu'il est, premier cas évidemment. Il allègue donc le
a afln de le rendre conforme à son corps glo- plus pour vous faire admettre le moins. C'est
« rieux». Peu à peu, Paul nous fait monter. pourquoi, quand vous verriez tous ces mon-
Du ciel, dit-il, est noire Sauveur; le lieu, la dains dans la joie, quand vous les verriez dans
personne nous font voir la majesté de Jésus- leur gloire, tenez-vous fermes et debout n'en ;

Christ, a II transformera notre corps vil et prenez ni ombrage ni scandale. Les espéran-
a abject » : notre corps, en effet, est main- ces que nous vous proposons sont assez hautes
tenant soumis à mille vexations, il souffre les pour redresser les plus lâches, pour réveiller

chaînes, les coups, des misères et des maux les plus endormis.
sans nombre. Mais le corps de Jésus a souffert «C'est pourquoi, mes très-chers et très-
tout cela; l'apôtre le fait entendre par ces « aimés frères, qui êtes ma joie et ma con-
mots : « Pour qu'il devienne conforme à son a ronne, continuez, mes bien-aimés , et de-
a corps glorieux » ; c'est donc le même corps, « mourez ainsi fermes dans le Seigneur».
mais revêtu d'immortalité. — a 11 transfor- (IV, 1.) — « Ainsi » ; comment? Comme vous
a mera notre corps aura donc une », dit-il ; il êtesrestés déjà, inébranlables. Voyez-vous com-
autre forme, ou bien cette expression, peu ment un avis est accompagné d'un éloge? —
exacte, est synonyme de changement. Il a — a Ma joie et ma couronne », oui, non-seule-
dit :__« Le corps de notre abjection », parce ment ma mais ma gloire non-seulement
joie, ;

qu'il est maintenant dans l'abjection, soumis ma mais ma couronne. Gloire sans pa-
gloire,
à la douleur et à la mort parce qu'il paraît ; reille, évidemment, que celle de ces dignes

vil et sans avantage sur les autres êtres maté- fidèles, puisqu'ils sont la couronne de Paul. —
riels. —
o Pour le rendre conforme à son corps a Demeurez ainsi fermes dans le Seigneur»,

a glorieux». Eh quoi grand Dieu? conforme ! c'est-à-dire dans l'espérance en Dieu.


à celui qui maintenant est assis à la droite du 3. « Je prie instamment Evodie et je conjure
Père ? Oui, notre corps devient semblable à a Syntique de s'unir dans les mêmes senti-

celui qu'adorent les anges, qu'environne le a ments en Notre-Seigneur. Je vous prie aussi,
cortège des puissances célestes, qui domine au- « très-cher conjoint, assistez-les ». Quelques-

dessus de toute principauté, vertu, puissance; uns prétendent que dans ces paroles a Cher :

voilà celui dont il revêt la ressemblance par- a conjoint », saint Paul s'adresse à son épouse.
faite. C'est absolument faux. Il désigne ainsi, soit
Toutes les larmes du monde entier suffi- une autre femme, soit le mari d'une de celles
raient-elles pour pleurer dignement ceux qui qu'il a nommées, a Assistez celles qui ont Ira-
sont déchus d'une si belle espérance, et qui « vaille avec moi dans l'établissement de l'E-
ayant pu devenir conformes au corps glorieux « vangile, avec Clément et les autres ,
qui
de Jésus-Christ, ont préféré la ressemblance « m'ont aidé dans mon ministère, et dont les
avec les démons. Je ne compte plus pnur rien « noms sont écrits au livre de vie » . Vous voyez
l'enfer; tous les supplices imaginables ne quel magnifique témoignage il rend à leur
- ,

SÔ ThADLCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMË.

vertu ; c'est ainsi, au reste, que Jésus-Christ Sauveur, la patrie, tout ce que peut deman-
inêaie parlait à ses apôtres : «Ne vous réjouissez der le cœur le plus exigeant. Nous attendons
pas de ce que les démons vous sont soumis, de là c'est sa parole
, notre Sauveur et Sei-
,

« mais de ce que vos noms sont écrits au livre gneur Jésus -Christ. Reconnaissez ici encore
«de vie ». (Luc, x, 20.) Paul se sert de un trait de cette adorable bonté. Il ne veut
termes identiques ù leur égard «Leurs noms : pas nous y entraîner par un effet de sa puis-
o sont écrits au livredevie». lime semble que sance il aime mieux revenir nous chercher
; ;

ces femmes étaient les principales de l'E.^lise et quand il nous a reconquis, il se retire, nous

de Pliilippes; et peut-être l'apôtre les recom- laissant ainsi comblés d'honneur. Car s'il est
mande à un personnage très-méritant, qu'il venu à nous lorsque nous étions ses ennemis
appelle même
son conjoint, auquel pi;ut-ètre bien plus volontiers revieudra-t-il après nous
il adressait volontiers ses protégés, voyant en avoir faits ses amis. Et cette mission de nous
lui ua auxiliaire, un compagnon d'armes, un venir chercher sur la terre, il ne la conlle ni
ami, un frère. Pareille recommandalion se lit à ses anges, ni à d'autres serviteurs; c'est lui-
dans son épître aux Romains « Je vous re- : même qui vient sur les nuées pour nous appe-
a commande Pliébé, notre sœur, qui est au ler à son palais de gloire. Peut-être même
a service de l'Eglise établie à Cenchrée ». daignera-t-il enlever avec lui sur les nuées
(Rom. XVI, 1. )
— Conjoint » : il ap|)elle tous ceux qui lui auront été fidèles. Nous
ainsi le frère ou même l'époux de l'une délies; aussi, dit l'apôlre, nous qui l'aurons aimé,
comme s'il disait: Tu
maintenant frère lé-es nous serons enlevés avec lui sur les nuées,
gitime, légitime époux, tues un de leurs mem- et ainsi nous serons toujours avec lui.

bres. — « Elles ont avec moi travaillé à l'éla- Eh qui donc sera trouvé serviteur fidèle et
!

a blissement de l'Evangile» de là sa sollici- : prudent? Quels heureux vainqueurs seront


tude et ses prévenances pour elles ce n'est pas ; trouvés dignes de si grands biens? Qu'il faut
raison d'amitié , mais de bonnes œuvres. plaindre ceux qui en seront déchus Car si
1

« Elles ont travaillé avec moi». Que dites- nous avons des larmes intarissables pour les
vous? Des femmes ont travaillé avec vous? rois qui ont perdu un trône, quel deuil sera
Sans doute, répond-il. Car bien que Paul eût digne de cette inexprimable infortune? Multi-
maints auxiliaires, elles ont contribué, et non pliez tant qu'il vous plaira les douleurs de
pas un peu et dans le nombre même, celles-
; l'enfer vous n'aurez pas encore la douleur,
;

ci ont eu leur bonne: |)ait d'aclion. Ainsi déjà dos l'angoisse d'une âme
à cette heure terrible où
lors le? églises particulières grandissiicnt beau- où sonnent les trompettes,
l'univers s'ébraule,
coup. Le fait niênie que les personnages di- où un premier, puis un second, puis un troi-
gnes et saints, bonunes et femmes, étaient en- sième bataillon d'anges, puis des milliers enfin
tourés de respects unanimes, avait plusieurs de ces phalanges célestes se répandent sur la
cxeellenls résultats. En ellel, d'abord tous les terre bientôt appaiaisseut les chérubins en
;

autres (idèles étaient excités à montrer un zèle nombre incalculable , ensuite les séraphins
semblable; ensuite ceux qui rendaient lion tout près de Lui; et Lui, enfin, lui-même
ueur au zèle d'aulrui, y gagnaient même per- avec d'une gloire iuunense autant
le cortège

sonuellement; enliu rbonneur rendu redou- qu'indescriptible. Aloi s les anges se hâtent de
blait, dans les [)jrsoniiages lionorés, l'ardeur et rassembler tous les élus autour de son trône ;
la foi. Aussi partout vous voyez Paul empressé alors Paul et tous ceux qui l'ont suivi reçoi-

à rendre ces témoignages et à recouunander vent la couronne, l'éloge public, l'honneur


ces fidèles d'un mérite spécial. C'est ainsi que solennel de la bouche du Roi, en présence de
dans l'épîlrc aux Corinlliiens il parle de ceux toute l'armée des cieux... Dites, quand même
qui sont prémices de l'Achaïe».
a les Quel- — il n'y aurait point d'enfer, connnent apprécier
ques-uns voient dans ce mot « conjoint u (ij','j-ii, , cette gloire des uns, cette confusion des autres?
Syzigue, un nom propre. Mais peu importe Subir l'enfer, c'est affreux, je l'avoue, c'est in-

qu'il soit ceci, ou qu'il soit cela ; il n'est pas tolérable ; mais plus cruelle encore doit être
Lesoiu ici de recherches curieuses; admirons l'exclusion de ce royaume des cieux.
l.lutôl simplement quel grand honneur Paul Un vous l'aimez mieux, un prince
roi, ou, si

réclame pour ceux qu'il recommande. royal, api es une glorieuse absence et i>lusieurs
'.Tout est au ciel, d'après .aint Paul le : guerres hcurcusciueal terminées, précédé par
,

COMMENTAIRE SUR I.'ÉPITRE AUX PHIUPPIENS. - HOMÉLIE XIIÎ. 81

l'admiralion publique et suivi de son armée nous écouter?... Et le langage que nous prê-
victorieuse , fuit son entrée dans une de nos terait bien évidemment une
ce misérable,
grandes villes. Voici son char triomphal ,
foule d'autres criminels viendraient le con-
ses trophées, ses mille bataillons tout chargés firmer. Pour ne vous donner que cette leçon
,
d'or, ses gardes étincelants aussi sous leurs combien de pécheurs, dans les tourments de
boucliers dorés, tout un peu[)le couronné de la fièvre , se sont dits : Ah 1 si la santé nous
laurier, autour de lui tous les princes de la rendue, nous ne tomberions jamais plus
était
terre habitée, derrière lui les nations étran- en de semblables maux Nous exprimerons 1

gères représentées par des captifs de tout âge ,


nous-mêmes, au grand jour, de pareils re-
avec leurs chefs, satrapes, consuls, tyrans, grets mais nous entendrons la réponse faite
;

princes. Au milieu de celte pompe glorieuse, au mauvais riche que l'abîme immense nous
:

le triomphateur accueille tous les citoyens qui sépare du ciel que nous avons ici-bas reçu
,

se présentent; il leur donne le baiser, leur notre part de bonheur.


serre la main , leur permet de parler en toute Pleurons donc amèrement, je vous en sup-
liberté, et, en présence de tout le monde, lui- plie ou plutôt, non contents de pleurer, abor-
;

même leur paile comme à des amis, témoi- dons franchement la vertu. Gémissons pour
gnant avoir fait pour eux seuls toutes ses dé- notre salut, pour ne pas gémir alors inutile-
marches et entreprises. Enfin , introduisant ment; versons aujourd'hui des larmes, pour
ceux-ci dans son palais il laisse ceux-là de- , n'en pas verser plus tard sur nos iniquités.
hors dites, quand bien même il ne les en-
: Pleurer dans ce monde, c'est vertu en l'autre, ;

verrait pas au supplice, combien cette igno- c'est regret inutile.


Punissons-nous de ce côté,
minie dépasse-t-elle tous les supplices! Or, s'il pour ne pas être punis de l'autre. La diffé-
est si amer d'être exclus d'une telle gloire au- rence est énorme entre ces deux manières
jirès d'un mortel, ne l'est-il pas bien davantage d'être châtiés; ici-bas,
vous ne l'êtes que pour
de l'être de par Dieu même, alors que le sou- un encore n'avez-vous pas même le
instant ;

verain Roi s'environne des puissances célestes, sentiment de la peine convaincus qu'elle ,

alors qu'il traîne et les démons enchaînés vous frappe pour votre bonheur à venir. Là,
courbés sous la honte ; et, avec eux, leur chef au contraire, elle est bien plus cruelle la souf-
les mains chargées de fers et tous ses enne- , france, puisqu'aucune espérance ne la con-
mis désarmés; alors que sur les nuées appa- sole, et qu'on n'en trouve pas la fin, mais
raissent les vertus des cieux , et Lui-même qu'elle est infinie et éternelle.
enfin 1 Puissions- nous, au contraire, délivrés de
La douleur, croyez-moi, douleur m'acca- la ce monde conquérir l'éternel repos Mais
, !

ble à-ce récit, à cette pensée je ne puis ache- : comme, pour éviter d'en être exclus, nous
ver mon discours. Apprécions quelle gloire avons besoin et de vigilance et d'une prière
nous allons perdre lorsqu'il dépend de nous
, continuelle, veillons, je vous en supplie. La
de conjurer cette ruine. Ce qui surtout dé- vigilance nous commandera cette prière per-
chire le cœur, en effet, c'est d'être ainsi frap- pétuelle, et cette prière non interrompue ob-
pés, lorsque nous sommes maîtres d'arrêter tient tout de Dieu. Si, au contraire, nous ne
le coup. Encore unefois, quand le Fils de prions pas, si nous n'agissons pas en ce sens,
Dieu accueille les uns et les envoie auprès de nous n'arriverons à rien comment se pour- ;

son Père; quand, au contraire, il oublie les 1ait- il qu'on gagnât le ciel en dormant? Ab-

autres, et qu'à l'instant saisis par les anges, surde impossibilité. C'est déjà bien assez que
entraînés , gémissants, courbés sous la honte, nous puissions l'acquérir par une course sé-
ils sont livrés en spectacle au monde entier, îMHise, par l'effort en iivant, par la conformité
dites-moi, est-il plus cruel tourment ? à la mort de Jésus, comme le recommandait
Travaillons donc quand il est temps encore ;
taint Paul; mais si nous dormons, tout est
préparons avec ardeur et sollicitude notre sa- perdu. Paul a dû dire, lui « Si je puis l'ac- :

lut. Quels motifs ne pourrions-nous pas ajou- « quérir enfin », que dirons -nous à notre
ter, comme ceux, par exemple, que formulait tour ? Les endormis n'ont jamais achevé une
le mauvais riche? Si vous vouliez les enten- affaire temporelle, bien moins encore une
dre, nous pourrions les développer pour votre affaire spiiitucUc. Les endormis ne reçoivent
plus grand intérêt mais qui voudrait ici
: rien du leurs amis eux-mêmes, bien moins
,,

ss TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

encore de Dieu. Les endormis ne sont pas monde, pour trouver ailleurs le repos sans
même honorés par leurs parents le seraient- : fin ? Ah Dieu que menant enfin une
I plaise à
ils de Dieu? Travaillons un instant, pour nous vie digne de Jésus-Christ, et devenus confor-
reposer durant toute réternité. 11 nous faul mes à sa mort, nous puissions gagner les
absolument soufl'rir si la soutTrance nous ; biens qu'aucun langage ne peut peindre, en
épargne ici-bas, elle nous attend dans l'autre Josus-Cbrist Notre-Seigncur, avec lequel soit
•vie. Pourquoi ne pas préférer la peine en ce au Père et au Saint-Esprit, etc.

HOMELIE XIV.
KÉJOUISSEZ-VOUS SANS CESSE DANS LE SEIGNEUR ; JE LE DIS ENCORE UNE FOIS, RÉJOUISSEZ-VODS.
(iv, 4 jusqu'à 10.)

Analyse*
L'orateur développe simplement le tcile de l'apôtre, et ses consolations et recommandations aux Pliilippiens. —Première con-
solation : joie intime, jusque dans les soulTrances cl le pardon des injures.
Seconde consolation : la prière, l'action de grâces, sources d'une paix qui surpasse tout sentiment. —Troisième consolation : une
sainte éiuulatinn pour tout ce qui est lion, beau, vrai, pur, honnête : la paix encore est à ce prix.
3 Le vice, et surtout le vice impur, porte avec lui sa peine. — La vertu apporte avec elle-même st récompense, ce qui est
vrai surtout du pardon des injures.

1. Jésus-Christ a déclaré bienheureux ceux le sens, à moins que cette préposition « en »


qui pleurent , malheureux ceux qui rient. ne soit synonyme de a avec»; le sens alors
Quel est donc le sens de ces paroles de son serait: Réjouissez-vous sans cesse d'être a avec
apôtre : « Réjouissez-vous sans cesse dans le le Seigneur ».

a Seigneur?» 11 ne contredit point son maî- « Je vous le dis encore une fois, réjouissez-

tre, oh non! Jésus-Christ, en effet, annonce a vous ». Expression qui prouve la confiance
malheur à ceux qui rient de ce rire mondain de saint Paul et par laquelle il montre que
,

qui a sa raison dans les choses du temps, tant qu'on s'appuie sur Dieu, on doit sans
et il proclame bienheureux ceux qui pleurent, cesse être dans la joie ; fût-on d'ailleurs acca-
mais non pas ceux qui le font pour quelque blé, frappé de toute manière, on la possède
raison humaine, comme la perte d'un bien toujours. Ecoutez, en efl'et, saint Luc nous ra-
temporel mais ceux qui ont la componction
, conter au sujet des apôtres « qu'ils sortaient
chrétienne, pleurant leurs misères, expiant « du conseil des juifs en se réjouissant d'avoir
leurs péchés et même ceux d'aulriii. La joie « été trouvés dignes de recevoir pour son nom
recommandée ici, loin d'être contraire à ces « la fiagellation ». (Act. v, 41.) Si les coups et
larmes, s'engendre i leur source pure et fé- les fers,que chacun regarde comme ce qu'il
conde. Pleurer ses véritables misères, elles y a de plus affreux, engendrent une telle joie,
confesser, c'est se créer une joie et un bon- quelle autre douleur au monde pourra enfin
heur. D'ailleurs il est bien permis de génnr nous créer la peine ? —
« Je vous le répète

sur ses péchés et de se réjouir en l'honneur «réjouissez-vous ». L'apôtre a eu raison de


de Jésus-Christ. Les Pliilippiens souflVaicnt de réitérer cette recommandation la nature des ;

rudes épreuves, comme le rappelle l'apôtre : événements commandait la douleur; mais


a II vous a été donné », leur disait-il « non- , cette répétition de termes encourageants leur
a seulement de croire en Jésus-Christ, mais de impose le devoir de se réjouir en dépit des
a souUiir pour lui » (Philip, i, 29) pour cette ;
événements.
raison , il ajoute o Réjouissez-vous dans le : Que votre modestie et modération soit
Seigneur B. C'est dire en d'autres termes : «connue de tous les hommes ». Paul avait
Vivez de manière à goûter une joie pure. Tant parlé un peu auparavant de ceux « qui ont
que rien n'empêchera vos progrès dans le ser- « pour Dieu leur ventre, dont la gloire est
vice de Dieu , réjouissez-vous en lui. C'est là « dans leur honte même , qui n'ont de goût
,, ,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XIV. 89

B que pour les choses de la terre » . Ces pa- notre insu et une preuve que tout se fait
;

roles étant de nature à inspirer à ses néophy- pour notre plus grand bien, c'est cette igno-
tes de la haine pour les méchants, Paul les rance même où il nous laisse du succès de
avertit de n'avoir rien de commun avec eux nos prières.
mais cependant de traiter avec modestie et « Et que la paix de Dieu, qui surpasse toutes
modération non pas seulement leurs frères, « nos pensées garde vos esprits et vos cœurs
,

mais même leurs ennemis et leurs adversaires. a en Jésus-Christ». Qu'est-ce à dire? Enten-
« Le Seigneur est proche; ne vous inquié- dez, dit l'apôtre, que la paix de Dieu, celle
« lez de rien ». Car quelle pourrait être, qu'il a faite avec les hommes, surpasse toute
dites-moi, la raison de votre découragement? pensée. Qui jamais, en effet, attendit et osa
Serait-ce parce qu'ils se dressent contre vous espérer ces biens de l'avenir? Ils surpassent
ou parce que vous les voyez vivre dans les dé- non-seulement toute parole, mais toute pensée
lices? « Ne vous inquiétez de rien ». L'heure humaine. Pour ses ennemis, pour ceux qui le
du jugement va sonner; dans peu, ils ren- haïssaient, qui le fuyaient, pour eux Dieu n'a
dront compte de leurs œuvres. Vous êtes dans pas refusé de livrer son Fils unique pour faire
l'afQiction, eux dans les délices? Tout cela la paix avec nous. Telle est la paix, ou, si vous
finira bientôt. Ils complotent ils menacent? , voulez , telle notre délivrance ; telle la charité

Mais leurs coupables desseins ne réussiront de Dieu.


pas toujours; le jugement est suspendu sur 2. « Que cette paix garde vos cœurs et vos
leurs têtes, tout va changer! o Ne vous in- « intelhgences ». On reconnaît un bon maître,
a quiétez de rien » Déjà la part de chacun est
. non-seulement à ses avis mais surtout à ses ,

faite. Montrez seulement votre patience et mo- prières, au secours que ses suppliques auprès
dération envers ceux qui vous préparent sans de Dieu implorent pour ses disciples afin ,

cesse les persécutions et tout va s'évanouir


; qu'ils ne soient ni accablés par les tentations
comme un songe, pauvreté, mort, fléaux de ni ballotés par les erreurs. Ici donc saint Paul
tout genre qui vous menacent tout finira , : semble dire Que celui qui vous a délivrés si
:

« Ne vous inquiétez de rien ». merveilleusement; que celui qu'âme qui vive


a Mais qu'en tout, par la prière et par la ne peut comprendre, oui, que lui-même vous
a supplication avec action de grâces vos de-
, , garde vous fortifie contre tout malheur.
,

mandes et vos vœux soient connus devant Tel est le sens de saint Paul, ou bien le voici :
Dieu. Dieu est proche je serai avec vous
;
Cette paix dont Jésus-Christ a dit « Je vous :

a tous les jours jusqu'à la fin du monde » : «laisse ma paix, je vous donne ma paix»,
c'était déjà une consolation ; en voilà une se- elle-même vous gardera. Car cette paix sur.
conder voilà un antidote capable de dissiper passe toute intelligence humaine; et si vous
toute peine, tout chagrin, tout ennui. Mais demandez comment, écoutez quand Dieu :

quel est ce médicament ? Prier, en toutes cho- nous ordonne d'avoir la paix avec nos enne-
ses rendre grâces. Ainsi Dieu ne veut pas que mis, avec ceux qui nous font un mal injuste,
nos prières soient de simples demandes; il les qui nous provoquent, qui nous gardent de la
exige unies à l'action de grâces pour les bien- haine, une loi semblable n'est-elle pas au-des-
faits que nous avons déjà reçus. Comment, en sus de tout esprit humain? Il y a plus s'il :

effet, demander quelques faveurs pour l'ave- vous plaît, comprenons d'abord ce mot pro-
nir, si nous ne sommes pas reconnaissants des fond « La paix de Dieu surpasse toute intelli-
:

faveurs passées ? — « En tout », dit-il, c'est-à- «gences.Si la paix de Dieu surpasse toute
dire en toutes choses, recourez à «la prière intelligence, combien plus le Dieu qui nous la
«et à la supplication». Donc il faut remer- donne, surpassera non-seulement toutes nos
cier Dieu de tout, même de ce qui paraît pensées, mais même toutes celles des anges et
fâcheux. C'est vraiment là que se reconnaît des puissances même célestes 1 — a En Jésus-
le cœur reconnaissant. La nature des choses « Christ», qu'est-ce à dire? Que la paix de
l'exige; ce sentiment sort spontanément d'une Dieu vous maintiendra sous l'empire de Jésus-
âme vraiment reconnaissante et pleine d'amour Christ pour vous y faire persévérer, pour que
pour Dieu. Demandez-lui donc des faveurs qu'il votre foi en lui ne chancelle même pas.
puisse approuver et connaître car il dispose ; « Au reste, mes frères...» —
Que signifie «au
tout pour notre plus grand bien, même à « reste ? » J'ai dit tout ce que j'avais à dire. C'est
M TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

le mot de quelqu'un qui se presse et n'a et le plus tranquille ; il ne vous arrivera


plus rien de commun avec les choses tempo- rien qui vous afflige, rien qui soit contraire
relles. «Au reste, mes frères, que tout ce qui à vos désirs. — En que nous
effet, toutefois
est vrai, tout ce qui est ?aint, tout ce qui est aurons la nous l'avons
paix avec Dieu, et

« juste, tout ce qui est pudiciue, tout ce qui est toujours par la vertu, bien plus encore Dieu
a aimable, tout ce quiest édifiant, tout ce qui aura-t-il la paix avec nous. Car puisqu'il nous

« est vertueux et louable fasse l'entretien de , a aimés jusqu'à nous rechercher quand
a vos pensées B. nous l'évitions, combien plutôt, nous voyant
a Tout ce qui est aimable», qu'est-ce à dire? courir à lui, nous offrira-t-il spontanément
Aimable aux fidèles, aimable à Dieu. a Tout — son amitié.
« ce qui est vrai »,le mot «vrai » est éminem- Le plus grand ennemi de notre nature, c'est

ment bien choisi, car il désigne la vertu le vice. Que le vice soit notre ennemi, et la
même; tout vice, au contraire, est mensonge. vertu notre amie, bien des preuves le démon-
La volupté, compagne du vice, la gloire et trent. Et, si vous le voulez, la fornication, une
toutes les choses de ce bas monde ne sont plus des grandes plaies de l'homme, nous fourniia
que r.iensonge. —
«Tout ce qui est pudique», le premier exemple. La foniicalion attire sur
c'est l'opposé du |)éché qu'il stigmatisait dans ses victimes un déshonneur complet, la pau-
ceux qui n'ont de goût que pour les choses de vreté, le ridicule; elle en fait la fable et le
la terre. —
«Tout ce qui est saint» est dit mépris de tout le monde à ces ruines, re- :

contre ceux qui n'ont d'autre Dieu que leur connaissez un ennemi. Souvent d'ailleurs elle
ventre. —
«Tout ce qui est juste et édifiant», a|)porte et maladifs et dangers extérieurs,
ou, comme il le répète en finissant, «tout ce puisque l'on a vu maints débauchés périr par
a qui est vertueux et louable», est mis pour les suites naturelks du libertinage ou par des

rappeler aux Philippiens leurs devoirs envers blessures. Si tels sont les fruits de la fornica-
les hommes. —
Vous le voyez le dessein de : tion, quels ne seront pas ceux de l'aduKèn î
Paul est de bannir de nos cœurs toute mau- En est-il ainsi de l'aumône? Tant s'en faut,
vaise pensée. Car des pensées mauvaises pro- qu'au contraire, |>areille à une mère, elle
cèdent nécessairement les mauvaises actions. gagne à son enfant chéri la grâce, l'honneur,
Et comme c'est une méthode excellente que la gloire; elle lui fait aimer à remplir ses de-

de se pro|ioser soi-même comme modèle de voirs d'état; loin de nous délaisser, loin de
l'accomplissement des avis qu'on a donnés, il nous détourner des obligalions nécessaires,
va dire «Praliijuez ce (juc vous avez appris
: elle rend nos cœurs jiltis iirudents, tandis (juc
et reçu de moi», dans le même sensipi'illuur les débauchés sont l'imprudence même.

écrivait déjà «Comme vous avez notre exem-


: Mais préférez-vous étudier l'avarice? Elle
pic». 11 déclare donc Failes selon ce (jue je
: aussi nous traite en ennemie. Coimnent? C'est
vous ai enseigné, selon ce que «vous avez vu qu'elle nous attire la haine universelle; elle
« et appris en moi », c'est à-dire, imitez- moi nous fait délester de tous, des victimes de
pour le? paroles, les actinns, la conduite. Vous l'injustice et de ceux mêmes que nos injus-
voyez que cette reconunan'lation emporte tous tices n'ont i)oint foulés. Ceux-ci plaignent les
les détails de la vie. Eu effet, comme il est ab- autres et craignent pour eux-mêmes. Aussi
solument impossible de définir par le menu tous n'ont contre l'avare qu'un n gaid de co-
tous les devoirs, nos allées et venues, nos con- lère : l'avare est rennemi conmiun, une bêle
versations, notre extérieur, nos habitudes in- féroce, pres(iue un démon. De là contre lui
times, et que toutefois le chrétien doit tout mille accusations, com[)!ots, jalousies : autant
régler, saint Paul les résume et dit : «Faites de fruits d'inimitiés. Au contraire, la justice
a selon ceque vous avez vu et appris en moi»; nous fait de tous nos semblables autant d'amis,
comme pour dire Je vous ai instruits par mes
: autant de serviteurs dévoués, autant de cœurs
actions autant que par mes paroles. « Prati- bienveillants, tous répandent pour nous leurs
«quez», a-t-il écrit; faites, et ne vous con- prières; de là pour nous un état tranquille et
tentez pas de parler. « Et le Dieu de paix sera sûr; |)oint de danger, point de soupçon; le
avec vous » c'est-à-dire, si vous gardi z ces
; sommeil même nous arrive calme et heureux;
règles, si vous avez la paix avec tout le monde, aucune inr|uiélude, anciaie plainte anière.
vous aurez pris ainsi le poste le plus sûr 3. Voyez-vous que la justice est préiérable
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XIV^ dl

au vice contraire? Quoi! dites -moi; est-on frère, plus riche aussi sera votre récompense.
plus iieureux à être envieux des autres qu'à Ecoutez cette parole du Prophète « J'étais :

prendre sa part dans bonheur d'autrui? le 8 pacifique avec ceux qui haïssaient la paix ».
Faisons ces réflexions, et nous nous convain- (Ps. cxix, 7.) Voilà la vertu, voilà où n'atteint
crons que la vertu est une mère aimante, qui pas la raison humaine, voilà ce qui nous fait
nous apporte la sécurité le vice nous jette en ; approcher de Dieu même.
proie aux dangers; de sa nature, il est plein Rien ne réjouit le cœur de Dieu autant que
de périls. Ecoutez cette parole du Prophète : l'oubli des injures.Par là vous êtes délivrés
» Dieu est une base solide pour ceux qui le crai- de vos péchés ; par là vos crimes s'effacent.
gnent il aime à montrer son alliance avec
;
Mais combattons, mais disputons, et déjà nous
a eux». (Ps. xxiVj 14.) On ne craint personne, sommes loin et bien loin de Dieu. Le combat,
quand la conscience ne reproche rien mais ;
en effet, amène les inimitiés, et les inimitiés
aussi on ne se fle à personne, quand on vit entretiennent le souvenir des injures. Coupez
dans l'iniquité, on craint jusqu'à ses serviteurs; la racine, et le fruit avortera. Ainsi, d'ailleurs,

on les regarde avec un œil soupçonneux. Et nous nous formerons à mépriser ce qui ne
que parlé-je de serviteurs? Le méchant ne tient qu'à la vie présente. Car, dans les choses
peut affronter même le tribunal de sa cons- spirituelles, il n'y a, vous le savez, il n'y a
cience; il a des comptes terribles à régler avec point de guerres ; tout ce qui ressemble à la
ses jugesdu dehors comme avec ses bourreaux guerre, combats, jalousies, toutes mi-ères pa-
du dedans, qui ne lui laissent aucun repos. reilles ont leur cause et leur point de départ
Alors, direz-vous, pour mériteril faut vivre dans quelque intérêt temporel. C'est ou le dé-
les éloges? — Non Visez aux
! Paul n'a pas dit : sir injuste du bien d'autrui ou , l'envie, ou la
éloges; mais Faites ce qui les mérite, sans vous
: vaine gloire qui engagent toutes les luttes. Si
soucier de les recevoir; cherchez «ce qui est donc nous sauvons la paix, nous apprendrons
t vrai», la gloire n'est que mensonge; a faites à mépriser aussi toutes ces choses viles et ter-
a ce qui est saint»; à la lettre, le terme dont se restres.
sert l'apôtre signifie ce qui est sérieux; prati- Quelqu'un nous a ravi de l'argent? Il ne
quez la gravité ,
gardez même l'extérieur de vous a pas nui s'il ne vous enlève pas les biens
la vertu; quant à «pureté», elle est le propre célestes. —
Il aura fait obstacle à votre gloire?

de l'âme. Et comme il avait ajouté : « Faites Mais non pas à celle que Dieu vous garde il ;

« tout ce qui est de bonne réputation», pour n'atteint donc qu'une gloire sans valeur, qui
que vous n'alliez pas croire qu'il ait égard à n'est pas même la gloire, mais un nom sonore,
l'estime des hommes seulement, il se com- et au fond, une ombre et des ténèbres. — Il
plète en disant : a S'il est une vertu, s'ilune est vousa ôlé votre honneur? A lui-même, oui ; à
« vraie gloire, pratiquez-la, recherchez-la». vous, non. Car comme celui qui fait du tort su-
En nous gardons la paix avec nous-
effet, si bit ce tort en réalité, et ne le fait pas, ainsi celui
mêmes. Dieu à son tour sera avec nous; si qui complote contre son prochain se perd le
nous excitons la guerre, ce Dieu de paix nous premier. Qui creuse une fosse à son prochain,
fuira. Rien n'est aussi hostile à notre àme que y tombe tout d'abord. Aussi gardons-nous de
le vice; rien ne lui donne vie et assurance tendre un piège à autrui, si nous craignons de
comme la paix et la vertu. Commençons donc nous nuire à nous-mêmes. Quand nous dé-
à apporter du nôtre, et nous gagnerons Dieu à truisons une réputation pensons bien que le
,

notre cause. Dieu n'est pas un Dieu de guerre coup nous frappe, que le piège nous surprend.
et de combat dépouillez donc l'esprit de com-
; Que nous soyons assez forts pour nuire à d'au-
bat et de guerre tant à l'égard de Dieu qu'à tres devant les honmies c'est chose possible
,
;
l'égard du prochain. Soyez pacifique pour mais, pour sûr, nous nous blessons devant
tout le monde. Punsez à qui Dieu accorde le Dieu et l'irritons contre nous. Cessons donc
salut : « Bienheureux les pacifiques », dit-il, de nous nuire. En commettant l'injustice en-
« parce qu'ils seront appelés enfants de Dieu » vers notre frère, nous la commettons contre
( Matth. v,
9) avec ce caractère , en effet ils
; , nous-mêmes comme en lui faisant du bien,
;

sont les imitateurs perpétuels du Fils de Dieu; nous sommes nos propres bienfaiteurs. Ainsi,
et vous aussi, copiez ce modèle, sauvez la paix lorsque votre ennemi vous aura causé quel-
à tout prix; plus vive sera l'attaque de votre que dommage vous serez convaincus si vous
,
C2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ôti;s sage, qu'il vous a bien servi ; et dès lors, par votre générosité? Non certes. Mais si par
loin de le payer d'un triste retour, vous lui hîsard votre cœur ne peut se fléchir autre-
ferez du bien. — Mais, direz-vous, je porte en ment, déterminez-le du moins par cette raison
mon cœur une blessure si légitime et si vive 1 de votre propre intérêt, et bientôt vous arri-
Eli bien alors pensez que vous ne lui faites
I verez à lui persuader aussi de déposer tout
aucun bien par le pardon, mais qu'au moins ressentiment; des lors vous ferez du bien à
vous ajoutez à son supplice, tandis que tout le votre ennemi comme à un ami, et vous ga-
bienfait est pour vous cette idée vous déter- : gnerez les biens à venir. Puissions-iious tous
minera à lui faire du bien. Quoi donc — I en jouir par Jésus-Christ, etc.
est-ce li le but que vous devez vous proposer

HOMELIE XV.
AV RESTE, j'ai REÇU INE GRANDE JOIE EN NOTRE-SEIGNEUR, DE CE QU'eNFIN VOUS AVEZ RENOUVELÉ LES
SENTIMENTS QIE VOUS AVIEZ FOUR MOI. (CRAP. IV, 10 ET LE RESTE.)

Analyse»
1. Le mérite de l'aumflne : poiiriiuoi et comment saint Paul l'acceptait.

2. Saint Paul savait vivre dans l'abondance comme dans la disette ; s'il souffrait qu'on lui donnât, c'est qu'il voulait associer les
néophytes à ses travaux et ses récompenses.
ii

3. Ce n'est pas que l'iirg( iit puisse aciieter le ciel ; l'intention du donateur fait tout le mérite de la donation. Par suite, celle des
Philippiens était précieuse devant Dieu.
4 Paul, comme les mendiants, remercie celui qui donne, et leur souhaite toute sorte de biens, de sa part et de la part de ses
frères dans l'apostolat cl dans la souffrance. —
Transition à l'exhortation sur les souffrances.
et 6. Les souffraiicfs sont nécessaires et inévitables, pour la formation du chrétien. Kicmples vivants de souffrances, i —
la cour même des empereurs de Constantinople ; exemples chez les rois juifs. —
Les souffrances sont une pénitence utile, el
la préparation au bonheur de l'autre vie.

1. Je l'ai souvent répété, l'aumône a été J'ai reçu une grande joie dans le Sei-
commandée dans l'intérêt non de ceux qui la « gneur? » Je me suis réjoui, dit-il, non
reçoivent, mais de ceu.x qui la donnent. Ceux- d'une joie mondaine, non pas même d'une
ci en recueillent surtout le fruit. Paul nous joie purement humaine mais dans le Sei- ,

enseigne clairement ici cette vérité. Com- gneur, à cause de vos progrès dans la vertu,
ment? Rappelons - nous qu'après s'être fait et non pas jiour le soulagement tem[iorel que

longtemps attendre, lesIMiilippiens lui avaient j'ai éprouvé. Oui, votre vertu fait ma conso-
envoyé une aumône, el qu'Eiiaphrodite avait lation ; et il ajoute même ma consolation et
été chargé de la lui porter. Sur le point de ma « grande joie» ; ce boniiem-, en effet, n'a-

renvoyer celui-ci avec celle épître, il les loue, vait rien de matériel; il n'était pas même ins-
comme vous voyez, et leur montre que leur piré par la recomiaissance jiour un secours
bienfait a rejailli sur eux-mêmes bien plus nécessaire, mais par l'idée de leur progrès
que sur ceux qui l'ont nçu. Il procède ainsi dans Et remarquez encore aiuès un
le bien. :

pour deux raisons : il craint d'abord que les doux re|iroclie pour le passé, il s'empresse de
bienfaiteurs ne s'enorgueillissent, et veut au voiler ce blâme, en les instruisant à l'exercice
contraire les rendre plus empressés à se mon- continuel et non interrompu de la charité.
trer encore généreux, puisqu'ils sont au fond « Enfin une fois... », dil-il, |)oiir raftpeler un

les obligés; en second lieu il empêche que long intervalle de stérilité « Vous avez re- :

ceux qui reçoivent n'encourent le jugement a fleuri», figure empruntée aux arbres qui

de Dieu par un empressement ex'igéré, éhonté bourgeonnent et puis sèchent pour pousser
même à recevoir toujours; en effet, il est dit ensuite des fleurs nouvelles. 11 leur fait donc
ailleurs a qu'il est plus heureux de donner entendre qu'après avoir donné la preuve
a que de recevoir ». [Aet. xx, 33.) d'imc charité florissante el s'être ensuite des-
Quelle est donc sa pensée en écrivant : séchés, ils ont repris sève et vigueur. Ainsi
Commentaire sur l'épitre aux philippiens. - hojiélie xv. 93

l'expression « Vous avez refleuri s, contient à


; « autres églises en recevant d'elles l'assis-
,

la fois un blâme et un éloge. Il n'est pas sans « tance dont j'avais besoin pour vous servir ».
mérite, en de refleurir après avoir été
effet, (H Cor. VIII et seq.) 11 déclare donc lui-même
desséché mais aussi la négligence a été pour
;
qu'il avait coutume d'accepter.
eux Tunique cause de ce malheur. « Jusqu'à D'ailleurs Paul avait bien le droit de rece-
« reprendre pour moi sentiments que vous les voir, pendant qu'il s'imposait un si rude tra-
a aviez autrefois montre qu'ils ont eu la
» : il vail ; mais des ouvriers qui ne font rien, com-
sainte habitude de se montrer généreux en ment auraient-ils ce même droit? — Mais,
pareils cas de là ces mots « Que vous aviez
, : dira l'un d'entre eux, je Ce donne mes prières !

a autrefois ». Encore pour ne pas laisser croire n'est pas un en travail-


travail, puisque tout
qu'après avoir été si charitables , ils se soient lant vous pouvez prier. Mais je jeûne Ce — !

tout à coup entièrement desséchés, il montre n'est pas encore là travailler. Notre bienheu-
que sur un point seulement ils se sont oubliés, reux, vous le verrez en maints passages, unis-
et s'attache à le déclarer ainsi avec une extrê- sait le travail à la prédication.
me précaution « Vous avez enfin refleuri
: a Vous n'aviez pas l'occasion », ajoute-l-il.
« pour moi », comme s'il ne faisait porter Qu'est-ce à dire? Ce n'était pas négligence
l'avis que sur ce point seul; « enfin», car chez vous , c'était une impossibilité, puisque
(c'est du moins mon interprétation), dans les vous n'aviez rien de disponible vous n'aviez ,

autres cas, vous n'avez pas cessé d'être bien- pas de superflu c'est le sens de ces mots ; :

faisants. Vous n'aviez pas l'occasion ». Paul emploie


Mais quelqu'un pourrait ici opposer l'apôtre ici une manière commune de parler. Car c'est

à lui-même. Il a déclaré, objecterait-on, « qu'il ce que disent la plupart des gens quand la
a a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ;
fortune leur manque et qu'ils sont dans la
mes mains », ajoutait-il, « ont travaillé pour gène.
mes besoins personnels et pour ceux de mes a Ce n'est pas le besoin qui me fait parler ».
compagnons d'apostolat; j'aime mieux mou- Si j'ai dit : « Qu'enfin une fois encore » vous
orir», aux Corinthiens, « que de
écrivait-il avez été généreux vous ai fait un repro-
; si je
souffrir que quelqu'un me fasse perdre cette che , ce n'était pas pour pourvoir à mes inté-
« gloire ». (I Cor. ix, 13.) Aujourd'hui, au con- rêts ni pour soulager ma détresse; non ^ tel
traire, il n'a aucun souci de perdre celte gloire n'était pas mon but. — Cependant, ô apôtre,
et de la voir s'anéantir. Et comment? En ac- votre langage ici ne respire-t-il pas l'amour-
ceptant l'aumône. S'il a pu dire : Ma gloire propre ? — Non, car déjà aux Corinthiens il

estdélie rien recevoir, pourquoi l'abdiquer disait Nous ne vous écrivons rien que vous
: «
aujourd'hui? Comment répondre à cette ob- a n'ayez lu ou que vous n'ayez connu par
jection ? vous-mêmes ». (II Cor. i, 13.) Croyez donc
C'est que , dans le premier cas, il avait une qu'aux Philippiens non plus, il ne tenait pas
excellente raison de refuser ; il combattait les un langage qu'on aurait pu facilement réfu-
faux apôtres qui voulaient paraître tout à fait ter. Il ne leur parlerait pas ainsi, assurément,
semblables aux vrais ministres de Dieu, et s'il voulait se vanter ; car sa lettre arrivait à
trouver en cela sujet de « se vanter ». Il ne des gens qui le connaissaient, et le blâme lui
dit pas qu'en cela ces misérables montraient serait arrivé de leur part plus éclatant et plus
ce qu'ils étaient, mais qu'ils se vantaient, ignominieux. Aussi à ceux-ci même il pouvait
montrant ainsi que ces gens savaient bien re- dire « J'ai appris à me contenter de l'état où je
:

cevoir, mais en secret; et c'est pourquoi il a me


trouve ». —
alla appris», parce que c'est
écrit : Qu'ils se vantaient de leur désintéresse- une vertu qui s'acquiert uniquement par l'exer-
ment. {11 Cor. XI, 12.) — Mais néanmoins saint*^ cice l'étude et la ferme volonté. Loin d'être
,

Paul acceptait les présents des fidèles, sinon à aisée à conquérir, elle est très-difficile et très-
Corinthe, du moins ailleurs. C'est pourquoi il laborieuse : o dans
J'ai appris à me suffire
disait non pas absolument et simplement : « l'état où pauvrement,
je suis. Je sais vivre
«Je ne me laisserai pas ravir cette gloire», a je sais vivre dans l'abondance je suis fait à ;

mais avec restriction On ne me la ravira pas : « tout »; c'est-à-dire, je sais me contenter de


dans toute l'Achaïe » après avoir écrit quel- , peu supporter la faim et la disette l'abon-
, ,

ques lignes auparavant « J'ai dépouillé les : dance comme les privations. Soit, dire) —
n TRADUCTION PHANÇAlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

quelqu'un ; mais il n'est pas besoin de science animent et enflamment leur saint dévoue-
ni de vertu pour vivre dans l'abondauce. — Au ment : Vous avez bien fait néanmoins »,
contraire, ce point réclamebeaucoupde vertu. dit-il, B de prendre part à l'affliction où je
et non moins que son opposé. Comment? C'est a suis ». Voyez comme tour à tour il s'élève
que si la faim conseille beaucoup de crimes, et s'abaisse, s'isole et se rapproche, et recon-
l'abondance n'a pas moins de mauvaises ins- naissez à ce double trait son amitié pour eux
pirations. Plusieurs, en effet, quand ils sont à la fois vive et chrétienne. Je pouvais me
arrivés à l'opulence, deviennent paresseux et passer, dit-il, mais n'allez pas croire que pour
ne savent porter le poids de la fortune. Plu- cela je n'éprouvasse aucun besoin : j'ai be-
sieurs ont trouvé dans la richesse le prétexte soin , pour vous être utile. Et comment parti-
d'une fainéantise absolue. Tel n'était pas cipaient-ils à ses souffrances ? Par leur charité
l'apôtre. Quand il recevait, il savait faire la secourable. Il leur dit la même chose tou-
part, et très-large, de son prochain. Voilà chant ses chaînes : « Vous êtes tous associés à
bien user de ce qu'on possède. 11 ne ralen- « ma grâce »,une grâce, en
leur dit-il; c'est

tissait point son zèle , il ne se réjouis- effet,de soulfrir pour Jésus-Christ, et l'apôtre
sait pasde l'atfluence des biens de la terre ;
leur avait déjà dit « Dieu vous a fait cette :

mais se montrait toujours le même dans


il « grâce, non-seulement de croire en lui, mais
la disette comme dans l'abondance sans ,
ode souffrir pour lui ». (Philip, i, 29.) Eu
jamais être accablé par l'une ni enflé par , s'arrêtant court après ses premières paroles,
l'autre. il aurait pu les affliger. Aussi veut-il les em-
2. oJe sais être rassasié ou être affamé», brasser dans un tendre amour et leur adresser
disait-il ; a je sais porter l'abondance ou la pé- un éloge, quoique modéré. Il ne dit pas : Vous
a nurie ». lien est plus d'un qui ne savent pas avez bien fait de me a donner... » ; mais, de
être rassasies sans danger, comme ces Israé- M prendre part » à mes afflictions; montrant
lites qui mani-'eaientet aussitôt se révoltaient; qu'eux-mêmes ont gagné, puisqu'ils ont ac-
pour moi, dit-il, je garde en toute occasion quis le droit de partager la récompense. Il ne

la même modération. Il montre ainsi qu'il dit pas non plus : Vous avez allégé mes souf-
n'a pas plus de plaisir aujourd'hui qu'il n'a frances ; mais : « Vous avez pris part à mes tri-
éprouvé de douleur auparavant; et que, s'il « bulations », ce qui était certainement plus
a accepté, c'était plus pour eux que pour lui- glorieux.
même car, pour lui, il savait ne point éprou-
: Comprenez-vous maintenant l'humilité de
ver le moindre changement d'humeur. « Par- saint Paul? Voyez-vous aussi sa magnani-
tout, en effet, à tout événement je suis prêt mité? Il a commencé par déclarer qu'il n'a
a et formé», c'est-à-dire, de longue date j'ai aucun besoin de leur argent; mais aussitôt il
fait de toutes choses la complète expérience, ne craint pas d'user des plus humbles expres-
et toutes choses me vont également bien. Et sions s'abaissant même au langage des men-
,

parce qu'une lelle affirmation sentait la van- diants qui vous disent Donnez, selon votre :

ierie, voyez comme saint Paul se hâte delà habitude charitable! Car l'apôtre ne recule
corriger : aie puis tout », dit-il, « en Jésus- devant aucune parole, ni devant aucune ac-
Christ qui me fortifie »; c'est-à dire, ce que tion pour arriver pleinement à son noble but.
je fais de bien, ce n'est pas moi qui le fais, Et quel est ce but? Vous n'accuserez pas, leur
mais celui qui m'en donne la force. dit-il, l'arrogance de mon langage bien que ,

Toutefois les plus généreux bienfaiteurs se je vous aie blâmé bien que je vous aie écrit , :

ralentissent, s'ils voient que leur obligé n'est a Enfin, une fois encore, vous avez refleuri ».

pas vivement touché , et qu'il dédaigne même Vous ne m'accuserez pas non plus de parler
ce qu'on lui donne. On est volontiers charita- sous l'fcmpire de la nécessité. Non je ne vous ,

ble, quand on croit faire un heureux, soula- ai pas écrit sous l'influence du besoin. Quel

ger un besoin. Paul donc, en méprisant les fut donc mon mobile? Une pleine confiance
secours qu'on lui offrait, aurait rendu néces- en vous, et vous-mêmes êtes la cause elles
sairement les néophytes plus négligents. Or, auteurs de cette confiance. Voyez comme il
voyez comme il s'empresse de prévenir ce gagne leur cœur. Vous êtes cause de ma con-
malheur. Ses avis précédents réprimaient en fiance, leur dit-il; vous accourez les premiers
eux l'orgueil satisfait; les paroles qui suivent à notre aide vous nous donnez le droit de
;
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX PHILIPPIENS. — HOMÉLIE XV. m


vous rappeler vos bienfaits. — Maintenant, là l'échange même, ainsi arrive- t-il au cas
après l'humilité de Paul, voyez la dignité de présent. Rien, en effet, rien n'est plus lucratif
l'apôtre : tant que les Philippiens ne lui en- que ce commerce et ce saint négoce ; il com-
voient rien, il ne leur adresse aucun blâme, mence sur la terre, il s'achève et se parfait au
de peur de paraître plaider sa propre cause ;
ciel. L'acheteur habite cette basse région ;

dès qu'ils ont envoyé , il les blâme aussitôt mais contre une valeur terrestre il achète ,

pour le passé el eux-mêmes acceptent chré-


, par contrat les biens célestes.
tiennement ce blâme, parce qu'en effet, saint 3. Ici toutefois que nul ne perde espoir; les

Paul, en parlant avec cette liberté, ne pouvait biens éternels ne nous sont f
oint offerts à prix
être soupçonné d'agir pour son intérêt per- d'argent; non, telle n'est point la monnaie du
sonnel. ciel ; le ciel s'achète par notre libre volonté,
Or vous savez, mes frères de Philippes, par le courage viril qui nous fait jeter l'argent

a qu'après avoir commencé à vous prêcher même, par la mépris des cho-
sagesse, par le

l'Evangile , ayant depuis quitté la Macé- ses de la terre, par l'humanité, par l'aumône.
« doine, nulle autre Eglise n'a communiqué Si l'argent payait de tels biens, la veuve qui
« avec moi par l'échange de dons reçus et laissaittomber deux oboles dans le tronc n'au-
«rendus, vous seuls exceptés». Dieu! quel rait pasreçu beaucoup mais comme le bon ;

magnifique éloge La charité des Corinthiens


! vouloir est la grande puissance et qu'elle ap-
el des Romains avait été provoquée par l'exem- portait tout le désir de son cœur, elle a tout
ple des autres et la parole de saint Paul mais , reçu. Ne disons donc jamais que l'or achète
les Philippiens entrèrent d'eux-mêmes dans le céleste royaume ce n'est pas l'or, non
;

cette voie, avant qu'aucune autre Eglise leur mais l'intention, mais la bonne volonté qui so
eût montré l'exemple, a et, au début même traduit par ce sacrifice d'argent. Mais, direz-
« de l'Evangile », dit l'apôtre, ils montrèrent vous, encore faut-il être riche? Non, non, la
pour le saint prédicateur un tel amour, un richesse n'est point nécessaire la bonne vo-
,

dévouement si spontané, qu'ils furent les pre- deux oboles vous


lonté suffit. Ayez-la, et avec
miers à porter de tels fruits de charité. Et l'on pourrez acheter un trône; sinon, deux mille
ne peut pas dire qu'ils agissaient ainsi parce talents d'or n'auraient pas la vertu de deux
que Paul les honorait de son séjour, et que oboles. Pourquoi? C'est qu'ayant beaucoup,
c'était une manière de prouver leur recon- vous donnez bien peu; l'aumône que vous
naissance pour des bienfaits reçus ; car saint faites n'atteintpas celle de la pauvre veuve.
Paul l'a dit : « Quand je suis parti de la Macé- Moins que la veuve vous avez apporté l'em-
« doine, nulle autre Eglise n'a communiqué pressement et le bon cœur qui donne. Celle
avec mïïi par l'échange de biens rendus et femme s'est dépouillée de tout; que dis-je?
a reçus, vous seuls exceptés ». — Que signifie non, elle ne s'est pas dépouillée de tout, elle
cette parole : o Biens reçus et rendus », et tout donné. Dieu a mis le ciel à prix, non
s'est

cette autre :« N'a communiqué?» Pourquoi pour vos talents d'or, mais pour une somme
nedit-il pas simplement: Aucune Eglise ne m'a de bon vouloir; non pas même pour votre vie,
rien donné, mais plutôt: «Aucune n'a com- mais pour une généreuse intention. Donner
muniqué avec moi par l'échange de biens,
une vie, en effet, qu'est-ce après tout? Ce n'est
« reçus et rendus? » C'est qu'ici il y avait , en qu'un homme et un homme, c'est encore ua
;

effet, échange et communauté. «Si nous avons prix bien inférieur.


a semé parmi vous des biens spirituels », a Vous m'avez envoyé deux fois à Thessalo-

écrivait-il ailleurs, « est-ce une grande chose « nique de quoi satisfaire aux besoins ». Nou-
a que nous recueillions un peu de vos biens vel et grand éloge des Philippiens dont la
atemporels? » (1 Cor. ix, il.) Et dans un pauvre cité le nourrissait même pendant son
autre passage « Que votre abondance sup-
: séjour dans la capitale de la province. Remar-
plée à leur indigence». (II Cor. viii, 14.) quez cependant ses paroles. Comme en témoi-
Vous voyez l'échange : ils donnent d'une part, gnant toujours qu'il était hors de besoin, il
de l'autre ils biens temporels pour
reçoivent ; craignait (je l'ai dit déjà) de les rendre moins
biens spirituels. Ainsi que font échange les zélés, après leur avoir montré de tant de ma-
vendeurs et les acheteurs, recevant l'un de nières que personnellement il ne manquait de
l'autre et se donnant l'un à l'autre , car c'est rien, il a soin de leur rendre ce fait plus évi»
06 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

dent encore par un seul mot : « Aux besoins », excès de tendresse que j'en fais l'aveu ;
quoi
écrit-il, cl non à mes besoins », sauvant ainsi
« doue? «C'est que j'ai reçu par Epaphrodile
la dignité et les bienséances. Et, non content « ce que vous m'avez envoyé comme une obli-
de ce trait, il va poursuivre dans le mêmp « galion d'agréable odeur, comme une hostie

sens il va corriger ce que ses éloges pour-


;
« que Dieu accepte volontiers et qui lui est

raient avoir de trop vil et de trop abaissé. «agréable». Mon Dieu à quelle hauteur il 1

o Ce n'est pas », continue-t-il « que je dé- , élève leur aumône Ce n'est pas moi qui ai
!

a sire vos dons », suivant l'idée déjà exprimée reçu dit-il c'est Dieu par moi aussi quand
, , ;

autrement par quand il disait


lui «Je ne : je n'aurais aucun besoin, n'y regardez pas;
o parle pas sous l'empire du besoin ». Ceci est Dieu n'avait pas besoin assurément, et pour-
moins fort toutefois que la première manière tant il a reçu; à ce point que la sainte Ecri-
d'écrire. Autre chose est ne pas chercher ni ture n'a pas craint de dire : « Le Seigneur a
désirer, quand on est dans le besoin autre ;
« respiré un parfuin agréable » (Gen. vui 2) , ;

chose est ne pas même se croire dans le be- ce qui indique évidemment une joie de Dieu.
foin quand réellement on s'y trouve. « Ce Vous savez oh vous savez comme notre âme
, 1

n'est pas que je désire vos dons mais je dé- ;


est délicieusement impressionnée par un suave

sire qu'il en revienne, pour votre compte et parfum, quelle douceur et quelle volupté elle
non pourmien, un profit considérable ».
le y trouve. Eh bien I l'Ecriture sainte n'a pas
Voyez-vous comme l'aumône leur amasse des d'attribuer à Dieu une expres-
fait difficulté

fruits? Je ne parle pas ici, dit-il, dans mon humaine, aussi abaissée, pour faire
sion aussi
intérêt, vôtre et pour votre salut.
mais dans le comprendre aux hommes comment il recevait
Je ne gagne rien, moi, en recevant tout le ; leurs présents. Car ce n'étaient sans doute ni
bien est pour ceux qui donnent, et non pour l'odeur, ni la fumée qui rendaient un sacri-
ceux qui reçoivent; les premiers ont en ré- fice agréable ; mais bien le cœur qui l'offrait;
serve une récompense infinie les seconds ;
sinon, les dons mêmes de Cain auraient été
consomment ce donné.
qui leur est ainsi agréés. Et toutefois, l'Ecriture atteste cette
Nouvel éloge, mais non sans quelque aveu joie de Dieu ; et comment s'expliquer cette
d'un besoin; car s'iladit a Je ne désire pas », : que les hommes ne savent pas
joie ? C'est
craignant qu'ils ne se ralentissent, il ajoute : comprendre d'autre langage. Aussi l'Etre
a Maintenant j'ai tout reçu et je suis dans bienheureux, qui est au-dessus de tout be-
o l'abondance », c'est-à-dire, votre aumône a soin, témoigne de sa joie, de peur que les
réparé même les oublis précédents. C'est en- hommes, sous prétexte que Dieu n'a pas be-
core une manière certaine d'exciter leur zèle soin, s'attiédissent dans le devoir. Mais comme
charitable. remercie or, tout bienfaiteur,
Il : dans la suite des temps, oubliant toutes les au-
quand il a fait des progrès dans la sagesse tres vertus et obligations, ils n'avaient de con-
chrétienne , désire d'autant plus trouver chez fiance qu'en ces victimes immolées. Dieu les

l'obligé la reconnaissance. «J'ai tout reçu, reprenait sévèrement en ces termes : « Est-ce
a j'abonde »^ C'est comme s'il disait Non-seu- : a queje mangerai la chair des taureaux est- ;

lement vous avez réparé les oublis du passé, cequejeboirai le sang des boucs?» (Ps.xlix,
mais vous avez même comblé la mesure et au 13.) C'est le sens de saint Paul quand il dit :

delà. Mais ne vont-ils pas voir ici un re|)ro- « Je ne cherche pas vos dons ».

che? Il le prévient par les sages précautions 4. a Je souhaite que mou Dieu comble tous

de tout ce passage. En clfel, il avait dit : a Ce a vos besoins Fclon les richesses de sa gloire

a n'est pas que je désire vos dons», et jdus « par Jésus-Christ ». Remarquez que Paul , à

haut : « Enfin , un jour vous avez refleuri », l'exemple des pauvres mendiants, remercie et
leur montrant ainsi qu'ils acquittaient une bénit. Que si Paul bénit ainsi ses bienfaiteurs,
dette en retardle terme «j'ai reçu » de cette
;
combien moins devons-nous rougir d'en faire
phrase même, rappelle qu'il a touché comme autant nous-mêmes quand nous recevons;
lemontant d'une rente, comme les fruits d'un ou plutôt, ne recevons pas en nous félicitant
champ. Mais aussitôt il déclare qu'ils ont d'échapper au besoin, ne nous réjouissons pas
donné bien au-delà de leur dette : a J'ai tout pour nous-mêmes, mais pour ceux qui don-
a reçu, j'abonde, je suis rempli de vos biens »; nent. Ainsi nous serons récompensés, nous
et ce n'est pas à l'avenlure, ce n'est pas par aussi qui recevons, puisone nous serons beu-
.

COMMENTAIRE SUR L'ËPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XV. 97

rcux de leur vertu; ainsi ne serons-nous point entendent ce mot dans le sens de misère , il
fâché contre eux s'ils nous refusent, mais plu- ajoute : « Selon les richesses de sa gloire par
tôt nous plaindrons leur sort ainsi devien- ;
« Jésus-Christ ». Vous aurez de toutes choses

drons-nous plus dignes et plus saints si nous , une telle abondance, que vous croirez être
prouvons que notre intérêt propre n'est jamais déjà dans la gloire de Dieu. Peut-être aussi
noire guide. veut-il simplement leur prédire qu'ils seront
a Que mon Dieu », dit saint Paul, « comble au-dessus du besoin ; « car la grâce était
a tous vos besoins ». Au lieu de xp^îm besoin, « grande dans tous les fidèles », nous disent
faut-il lire xâf.v ou y.aoâv, grâce ou joie ? Si les Actes (Act. iv, 33) ; « il n'y avait môme
vous lisez a grâce », le sens est : Que Dieu a aucun pauvre parmi eux ». Peut-être enfin
bénisse non -seulement votre aumône pré- veut-il qu'ils fassent tout pour la gloire de
sente, mais toutes vos bonnes œuvres I Si vous Dieu comme s'il leur disait Usez des biens
; :

lisez « besoin », et telle est, je crois, la vraie de Dieu pour sa gloire.


leçon, voici la pensée de l'apôtre : il avait dit : « Gloire soit à Dieu notre Père dans tous les

Les ressources vous manc[naient », il se bâte a siècles des siècles. Amen ». La gloire de

d'ajouter l'équivalent de ce qu'il dit déjà aux Dieu n'appartient pas seulement au Fils, mais
Corinthiens : « Puisse Celui qui fournit la se- aussi au Père. Quand on l'attribue au Fils, on
« mence au semeur, vous donner aussi le pain l'attribue aussi au Père. L'apôtre venait de
a de chaque jour, multiplier votre semence ,
parler d'une gloire de Dieu en Jésus-Christ;
et faire croître les germes des fruits de votre de peur qu'on ne la reporte à celui-ci seule-
a (11 Cor. ix
sagesse ». 10.) II demande donc , ment, il ajoute « Mais à Dieu aussi et à notre
:

aussi pour les Philippiens que Dieu leur donne « Père, gloire I » Cette gloire, en effet, a été
l'abondance, la semence pour la répandre en- donnée au Fils.

core. Il prie Dieu non de leur accorder une a Saluez de ma part tous les saints en Jésus-
abondance quelconque mais celle qui est , a Christ ». Encore un précieux témoignage en
a selon les richesses de sa bonté ». leur faveur; c'est une grande amitié de sa
Remarquez, toutefois, la prudence et la mo- part que de les saluer même par lettres, a Les
dération de saint Paul. Il n'aurait pas ainsi a frères qui sont avec moi vous saluent ».
prié Dieu de combler « tous les besoins » de Comment disiez-vous de Timothée Je n'ai :

ses néophytes , s'ils avaient été d'autres Pauls personne qui me soit aussi intime, ni qui
par la sagesse, par le crucifiement au monde. vous porte une aussi tendre sollicitude? Et
Mais il voyait en eux des artisans, des pau- comment dites-vous aujourd'hui a Les frères :

vres, des gens mariés, chargés d'enfants; « qui sont avec moi? » Il appelle frères ceux
pères de-famille, ils avaient pris l'aumône sur qui sont avec lui , soit parce que les paroles :
leur indigence même, et ils n'étaient pas sans a Je n'ai personne qui me soit aussi intime »,

quelque désir des biens de ce monde. La prière ne se rapportent pas à ceux qui étaient dans
de l'apôtre s'abaisse à leur portée. A des per- Rome car quelle nécessité pouvaient avoir
;

sonnes de cette condition, il aurait pu sans , ceux-ci de se charger des affaires de l'apôtre?
être déraisonnable , souhaiter le suffisant ,
— Soit même parce qu'il consent bénévole-
l'abondance même. Voyez toutefois ce qu'il ment à leur donner ce nom de frères.
demande pour eux. Il ne dit pas Que Dieu : B Tous les saints vous saluent, surtout ceux
vous enrichisse qu'il vous accorde l'opu-
,
a qui sont de la maison de César. Que la grâce
lence; mais quoi? « Qu'il comble tous vos « de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous
«besoins», que vous n'ayez pas la misère, « tous B. Il relève leur courage en leur mon-
que tout le nécessaire vous arrive. Jésus- trant que la sainte prédication est arrivée
Christ même, quand il nous enseigna une for- jusque dans le palais impérial. Si les heureux
mule de prière, y ajouta cette demande et du siècle, qui habitent la cour des princes,
nous apprit à dire a Donnez-nous aujour- : ont tout méprisé pour le royaume des cieux,
a d'hui notre pain de chaque jour ». à plus forte raison devaient-ils, eux aussi,
Selon ses richesses » Qu'est-ce à dire? Selon
« . }narcher dans cette voie. C'était encore une
sa bonté habituelle, qu'on sait être si facile et preuve de la charité de Paul , que de raconter
bI prompte à donner. Et comme en demandant des Philippiens tant et de si belles choses,
1 pour leur besoin o l'apôtre ne veut pas qu'ils
,
que, de si loin et eans kg avoir jamais vus, les
S, ;, Ch. — Tome XÎ,
98 TRADUCTION FILVNÇAISE DE SMKî JEAN CIIRYSOSTOME.

habitués du palais leur adressaient ainsi un régime de vie, par les veilles, par mille exer-
salut d'amitié. A ctltu époiiue surtout, où les cices gênants, combien plus le faut-il pour le
fidèles étaient persécutés, la chaiilé avait tout ciel! Eh I quel homme au monde est exempt
son empire; et comment? C'est que, maigre de peines? l'empereur?
M'opposerez-vous
les distances fort grandes qui les séparaient, Ah ! pas plus que personne ne mène une il

ils gardaient entre eux cependant la plus vie affranchie de soucis, mais au contraire sa
étroite union; et les plus éloignés eux-mêmes, carrière est remplie d'ennuis et d'angoisses.
tout comme s'ils avaient été voisins, s'en- Regardez, non paslediadème, mais ce déluge
voyaient mutuellement le salut; tous s'entr'ai- d'inquiétudes, qui fait constamment autour
maient le pauvre aimait le riche, le riche
; de lui gronder la tempête; voyez, non la pour-
aimait le pauvre, autant que chacun aime ses pre de son manteau, mais son âme, son âme
propres membres ; on ne connaissait point de plus assombrie que celle pourpre sombre la :

préséance, parce que tous étaient enveloppés couronne lui ceint le front beaucoup moins
également dans la haine publique, tous reje- que l'inquiétude ne lui serre le cœur. Con-
tés et bannis pour la même cause. Et tels que templez, non pas le nombre de ses gardes,
des prisonniers de guerre arrachés de pays mais la multitude de ses chagrins; aucune
différents, se portent un même et mutuel in- maison de simples sujets n'abrite, autant que
térêt quand ils ont la même ville pour prison, le palais des rois, une multitude de tristes sou-
parce que leur misère commune en fait des cis. La mort les menace sans cesse, ils redou-

frères ; tels alors les chrétiens, réunis par la tent même leurs proches il semble que tou- ;

communauté de bonheur ou de disgrâce, se tes les tables soient couvertes de sang. On


témoignaient réciproquement une grande cha- croit en voir lorsqu'on entre à table et lors-
rité. qu'on en sort. Que de nuits pleines d'horreur
5. La tristesse et les tribulations forment, où les visions et les rêves arrachent de leur
en effet, entre ceux qui souffrent, un indes- couche les princes tremblants Voilà les sou- !

tructible lien, augmentent la charité, rcdou- cis en pleine paix; mais que la guerre s'al-
bhnt la piété et lacomponction. Ecoutez lume, leurs inquiétudes vont redoubler. Se
David : a II m'a été bon que vous m'ayez hu- peut-il imaginer une vie plus misérable?
« milié. Seigneur ;
j'ai appris ainsi votre justice Et que ne leur font pas endurer ceux-mêmes
«et vos lois ». (Ps. cxviii, 71.) Entendez un au- qui les touchent de plus près, ceux sur qui
tre prophète : « Il est bon à l'homme déporter pèse iilus immédiatement leur empire? Hé-
« le joug du Seigneur dès son adolescence». las le pavé de leur palais est souvent inondé
1

(Jérémie, m, 27.) El ailleurs « Bienheureux : d'un sang qui leur est cher. Faut-il vous ra-
o l'homme que vous instruirez par l'épreuve, conter quelques traits de ce genre? Peut-être
«Seigneur ». (Ps. xcui, 12.) Un autre nous sulfiront-ils pour vous faire comprendre que
a dit o Ne méprisez pas les rudes leçons du
: telle est bien la triste vérité. Plus volontiers je
« Seigneur» (Prov. ni, 11); et encore: «Si vous vous rappellerai des faits anciens, bien qu'ils
c voulez arriveràla hauteurdu service de Dieu, soient assez contemporains, toutefois, pour
« prcparezvofreàmeùla tentation». (Ecclés. ii, n'être pas effacés de la mémoire publique.
1.) Jésus-Christ àsontour avertissait ses'disci- Ainsi l'on raconte qu'un souverain, soup-
ples : Vous trouverez l'oppression et la peine çonnant la vcrlu de son épouse, la fit enchaî-
«en ce monde, mais ayez confiance. Vous ner dans les montagnes, et livrer toute nue
« pleurerez », ajoute-t-il, « vous gémirez vous aux lions dévorants, bien que déjà elle lui eût
«autres, et le monde sera dans la joie » (Jean, donné de son sein plusieurs princes et rois '.
XVI. 20, 33) ; car il nous en prévient aussi : Imaginez dès lors une vie plus triste que la
La voie est étroite et rude ». (Matlh. vu, H.) sienne Quel dut être le bouleversement de
1

Voyez-vous comment partout la tribuiation ce noble cœur, pour arriver à commander


nous est proposée avec éloges, avec instances, une si terrible expiation Ce souverain fit !

comme une nécessité de premier ordre? En aussi mourir son propre fils ; et le frère de
effet, si dans les luttes du cirque et de l'arène, celui-ci se donna la mort ainsi qu'à tous ses
personne ne peut sans i)eine emporter la cou- enfants '. On raconte encore que ce même
ronne s'il faut la mériter en se formant par
;
pM
• Lei hiu auiqueli la itlnt onteur filt tlluiton n* font
les iravouK, par le? absUrience?, par un sévèro Wui i$a)«o<at wumt i
11 «n («C9nt« plut d'tta d'tprM 11 ruDwvr
.

COMMENTAIRE SUR LÉPITRE AUX PHILIPPIENS. - HOMÉLIE XV.

empereur, déjà malheureux par sa femme et tées tant de fables lugubres ;


puisque toutes
par son fils, frappa aussi de mort son propre les tragédies elles drames qui se jouent sur
frère. On vit tel prince se tuer, pour échapper nos théâtres sont tissus de royales infortunes;
aux mains d'un tyran tel autre tuer son pro- ; la plupart des faits qu'on représente sur la
pre cousin-germain, après l'avoir volontaire- scène sont empruntés à l'histoire et ont un
ment associé à sa couronne. Un troisième vit fond de vérité. Ainsi on nous amuse par les

mourir sa femme empoisonnée


par des médi- affreux banquets de Thyeste et par les péripé-
caments, qu'elle avait pris pour conjurer sa ties douloureuses des malheursquiont anéanti
stérilité; une créature misérable et coupable cette illustre maison.
(car il faut être l'un et l'autre pour vouloir 6. Je vous accorde que les livres des gen-
procurer, par des moyens humains, une fécon- tils nous ont légué ces histoires. Mais voulez-

dité que Dieu seul peut donner), osa fournir à vous que les saintes Ecritures elles-mêmes
l'impératrice ses drogues dangereuses elle ; nous en retracent de semblables ? Saûl fut le
en fit sa victime et périt avec elle. Un qua- premier roi ; vous savez qu'après mille tra-
trième prince bientôt fut empoisonné aussi, versesdouloureuses, il péritmalheureusement.
et, croyant prendre un breuvage, but la mort Après lui, David, Salomon, Abias, Ezéchias,
à pleine coupe. Le fils de ce malheureux, dont Josias furent aussi l'objet de tribulations sans
la santé était une menace pour l'avenir, se vit nombre.
arracher les yeux, sans avoir mérité ce sup- Concluez donc que la vie présente ne peut
plice. Un cinquième a péri plus affreusement aller sans travaux, peines ni chagrins. Pour
encore, et la décence ne permet de dire ni pour nous, ne nous affligeons pas pour les mêmes
quelle raison, ni de quelle façon lamentable choses que les rois. Affligeons-nous pour d'au-
il dut perdre la vie. Deux princes lui succédè- tres sujets quirendront notre tristesse avanta-
rent. Or, l'un subit un supplice réservé aux geuse; « car la tristesse qui est selon Dieu
derniers, aux plus misérables des hommes, a opère une pénitence certaine pour le salut »

puisqu'il fut brûlé vif dans un affreux pêle- (II Cor. vu, tO.) Voilà comment il nous fau-
mêle de chevaux, de poutres, de débris de tout drait verser des pleurs, gémir, être pénétré
genre, laissant son épouse dans un triste veu- de douleur! Ainsi Paul se désolait, ainsi pleu-
vage, et terminant une triste vie dont on ne rait-il pour les pécheurs a Je vous ai écrit »,
:

saurait peindre les tribulations surtout depuis dit-il aux Corinthiens, « le cœur souffrant,
l'époque ou il avait pris les armes. Et l'autre a l'âme navrée, à travers bien des larmes ».
prince, qui maintenant règne encore, n'a-t-il (Il Cor. II, A.) N'ayant pas à pleurer sur ses
pas eu à_subir, depuis qu'il porte le diadème, péchés, il gémissait sur ceux d'autrui; je dis
un perpétuel enchaînement de peines, de dan- mieux, par la pénitence et la douleur, il sa-
gers, d'ennuis, de chagrins, de malheurs, de vait se les approprier. Personne ne pouvait
complots? succomber au scandale, sans que Paul ne fût
Le royaume des cieux n'a rien de sembla- brûlé la langueur des autres l'accablait de
;

ble dès qu'on y parvient, on acquiert la paix,


: langueur. Bonne et sainte tristesse que celle-
la vie, la joie, l'allégresse. Au reste, je l'ai dit, là, et préférable à toute joie mondaine 1

aucune existence sur la terre n'est à l'abri des L'homme qui sait ainsi pleurer, je le préfère à
souffrances. Car si dans le gouvernement des tous les hommes; leSeigneur même proclame
Etats la condition des souverains, de toutes la bienheureux ceux qui adoptent comme per-
plus heureuse en apparence, est inondée d'un sonnelle à eux la douleur de leurs frères.
déluge de malheurs, que ne doivent pas souf- J'admire Paul beaucoup moins pour les dan-
frir les particuliers, les familles? Au reste, gers qu'il a courus volontairement; ou plutôt
lamultitude des peines de tout genre qu'on non, je ne l'admire pas moins pour ces périls
rencontre sous la pourpre surpasse toute des- où chaque jour il trouvait la mort; mais sa
cription. C'est sur ce thème qu'ont été inven- charité me charme et me transporte. J'y ré-

publique, «t d'ailleur» le teite de ce discours est altéré en plusieurs trlce empoisonnée par imprudence, rhérltlet du trtne suquel on ar-
endroit». Disons cependant: lo L'impératrice exposée aux lions racha les yeux, sont autant de problèmes historiques; 5o Mais l'his-
est
probablement une fable 2o Le flis condamné à mourir, par son père,
j toire n' us montre Valens dans l'empereur briilè vif après une ba-
est Cr;spui, l'alné du grand Constanlln, et le fait n'est que trop vrai
taille, et Arcadius dans le souverain si malheutsux ful régnait II

8« Le (riit de Crispus et son histoire sont controuvés, ou plnt«t


l'époque ob puUit saint Jean Cbr^eottoiue,
Jl l«*l« M ll(i[< i ^ Ui i>[ia««B iui m'um par iuicidt>| l'lui<er»-
m TRADUCTION PHANÇAISE DE SAINT JEAN CARYSOSTOME.

connais une âme tendre et passionnée pour en elle-même la paix, et fuyons les délices qui
Dieu ;
j'y découvre cet amour que demandait engendrent misère et douleur. Travaillons
Jésus-Christ, une piété fraternelle, un pater- l)our un temps bien court sur cette terre, pour
nel dévouement, quelque chose de supérieur nous réjouir à jamais dans les cieux. Morti-
encore. Ainsi doit-on accepter la douleur et fions-nous pendant une vie fragile, afin de
verser des larmes. Les pleurs ainsi répandues gagner le repos dans une vie sans fin; ne nous
surabondent de joie; une tristesse de ce genre prodiguons pas en vain dans cette existence
est une source d'allégresse. éphémère, pour n'être pas réduits aux sanglots
Et ne me dites pas : Quel avantage produi- dans l'éternité. Ne voyez-vous pas que, même
sent donc mes larmes, à ceux pour qui je les pour des nécessités temporelles, bien des hom-
répands? Dussent-elles ne leur point servir, mes ici-bas subissent la douleur? Supposez
à coup sûr elles nous servent à nous-mêmes. que vous êtes de leur nombre, et supportez
Pleurer ainsi sur les péchés d'autrui, c'est les peines et les souffrances, en vous nour-
avoir dans l'avenir des pleurs aussi pour ses rissant de l'espérance du bien à venir. Vous
propres péchés oui, celui qui gémit sur les
; n'êtes pas meilleur que Paul, meilleur que
fautes des autres, s'engage à ne pas laisser Pierre, à qui le repos ne fut jamais accordé,
passer sans de grandes larmes ses vices et ses qui ont passé toute leur vie dans la faim, la
fautes personnels; y a plus, un tel homme
il soif, la nudité. Si vous aspirez au même but,
sera moins prompt à offenser Dieu. Mais chose pourquoi vous placer sur un autre chemin?
déplorable entre toutes ! On nous commande Si vous voulez parvenir à la cité qu'ils ont si
de pleurer les péchés d'autrui, et nous ne dignement gagnée, embrassez jusqu'au bout
donnons pas même signe de repentir pour les la voie qui vous y mène La voie qui aboutit
1

nôtres; au contraire, nous tombons sans au- à ce bonheur n'est pas celle de l'inertie, .mais
cun regret, et nos péchés sont, de toutes cho- bien celle de la souffrance. L'une est la voie
ses au monde, ce qui nous donne le moins de large, l'autre est l'étroite. Passons par celle-ci
souci, le moins de crainte Aussi nous nousI pour conquérir la vie éternelle en Notre-Sei-
livrons à la joie mondaine, inutile, bientôt gneur Jésus-Christ auquel, avec le Père et le
efTacée et grosse de mille chagrins. Saint-Esprit, appartiennent gloire, empire,
Ah! plutôt, embrassons une tristesse mère honneur, maintenant et toujours, et dans les
de la joie, et renonçons à une joie qu'enfante siècles des siècles. Ainsi soit-il.
l'amertune. Cherchons l'affliction qui porte

Traduit par U. l'abbé COLLERY.

tm DU COIUMENTAIBB SUR l'ÉI'ITUG AUX rUILIPMUAy.


,

COMMENTAIRE
SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS.

HOMELIE PREMIÈRE.
PAOL, APOTRE DU CHEIST, PAR LA VOLONTÉ DE DIEU, ET TIMOTHÉE SON FRÈRE. AUX SAINTS ET FIDÈLES —
FKÈRES EN JÉSUS-CHRIST QUI SONT A COLOSSES. —
QUE DIEU VOTRE PÈRE ET JÉSUS-CURIST NOÏUE SEIGNEUR
VOUS DONNENT LA GRACE ET LA PAIX. (CHAP. I, 1 A 3.)

Analyse.
1. Date de l'épilre aoï Colossiens et de certaines épUres de saint Paul.
2. Explication des versets 4, 5, 6, 1 et 8 du cliapilre l.
3. Des divers genres d'amitié.
4. La table des pauvres préférabls à celle des riches.
5. noDte et suites factieuses qui s'attachent à l'intempérance.
6. Avantages de l'aumône.

1. Toutes les épîtresde Paul sont édifiantes; précédé l'épître à Timothée, quia été écrite
mais celles qui sont datées de sa prison offrent vers l'époque de sa mort, puisqu'il y est dit :
surtout ce caractère de ce genre sont les épî-
: « Quanta moi, je suis comme une victime qui
tres aux Ephésiens, à Philémon, à Timothée « a déjà reçu l'aspersion, pour être sacrifiée ».

et répitre actuelle car cette épître aussi a


: (11 Timothée, iv, 6.) Cette épître est plus an-

été écrite quand Paul était dans les fers


,
cienne que celle qui est adressée aux Philip-
comme l'attestent ces mots o Ce mystère : piens. Elle semble dater des premières années
« pour lequel je suis dans les liens, afin que de sa captivité à Rome. Pourquoi donc est-ce
«je le découvre aux hommes en la manière que je dis que ces épîtres offrent plus d'intérêt
que je dois le découvrir ». (Col. iv, 3, 4.) que les autres ? Parce qu'elles datent de sa cap-
Mais cette épître semble postérieure à l'épître tivité. 11 fait comme ces héros qui prennent la
aux Romains. L'épître aux Romains a été écrite plume après avoir déposé le glaive en se re-
, ,

quand Paul n'avait pas encore vu Rome. Lors- posant sur leurs trophées. Cette captivité, il le
que celle-ci a été écrite au contraire , Paul
, savait bien, était sa gloire, a Le fils que j'ai

avait vu Rome et touchait au terme de sa pré- « eu quand j'étais dans les liens», écrit-il à
dication. Voici la preuve évidente de ce fait : Philémon. (Philém. 1 0.) Par ces paroles, il nous
dans son épître à Philénion, il dit o Quoique : engage à nous réjouir au sein même de l'ad-
je sois déjà vieux » (Philém. 9), en le priant versité et de la détresse , loin de nous laisser
pour Onésime. Dans cette épître-ci , c'est Oné- abattre.
sime lui-même qu'il envoie, comme il le dit Philémon était là parmi eux. Car, en lui
lui-même « J'envoie aussi Onésime, mon
: écrivant, il Paul à Archippe, lecompa-
dit : a
cher et fidèle frère ». (Col. iv, 9.) 11 l'appelle a gnon de nos combats » (Philém. 2); et dans
son cher et fidèle frère. Il prend aussi un ton l'épître aux Colossiens, on trouve ces mots :

plein de fermeté, en disant dans cette épître : « Dites à Archippe» (Col. iv, 17) ; cetArchippe

a Demeurez inébranlables dans l'espérance probablement chargé de quelque fonc-


était
a que vous donne l'Evangile que vous avez en- Quant à Paul, il n'avait
tion ecclésiastique.
« tendu et qui a été prêché à toutes les créa- jamais vu ni les Colossiens, ni les Romains,
a tures qui sont sous le ciel ». Car la prédica- ni les Hébreux, quand il leur écrivait. C'est un
tion durait déjà depuis un certain temps. C'est fait auquel il fait allusion en plusieurs en-
ce qui me fait croire aussi que cette épître a droits. Ici notamment écoutez-le a Pour tous
:
,

\ùi TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRVSOSTOMÉ.

a ceux qui ne me connaissent point de visage, rer ces merveilles? Qui vous a rendu saint?
I et ne m'ont jamais vu »; et plus bas a Si : Qui vous a rendu fidèle? Qui a fait de vous un
t Je suis absent do corps ,
je suis néanmoins enfant de Dieu? Celui qui vous a rendu digne
c avec vous en esprit ». iCoi. ii, 1, b.) H savait de foi, celui-là a été cause que l'on vous a tout
donc que sa présence était partout chose très- confié.
importante, et même quand il est absent, il 2. Si nous portons le nom de fidèles, ce n'est
veut se faire passer pour présent. Quand il pas seulement à cause de notre foi, c'est parce
punit le fornicatcur, il veut qu'on se figure que Dieu nous a confié des mystères qui n'ont
qu'il assiste à la sentence : a Pour moi «, dit- pas même été connus des anges avant nous.
il, étant absent de corps, mais présent en Mais Paul parle ici sans distinguer, o Nous
a esprit, j'ai déjà porté, comme présent, ce o rendons grâces à Dieu, le Père de Notre-Sei-

«jugement contre celui quia fait une telle gneur Jésus-Christ ». Il a l'air de tout rap-
« action »; et ailleurs : « Je viendrai à vous et porter au Père pour ne pas les offenser
,

« je sonderai non pas le langage, mais la vertu d'abord, a Et nous le prions sans cesse pour
« de ces hommes qui sont enflés de vanité » vous ». Non-seulement son action de grâces,
(1 Cor. v, 3 et m, 19) ; et ailleurs : « Non-seu. mais encore cette oraison perpétuelle montre
« lement quand parmi vous
je suis présent sa tendresse pour ces hommes qu'il avait tou-
«mais surtout quand je suis absent». (Gai. jours devant les yeux sans les avoir vus ja-
IV, 18.) mais. Depuis que nous avons appris quelle
a Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volouté a est votre foi en Jésus-Christ [A) » . Plus haut
a de Dieu». bon de dire d'abord quel
11 est il a dit Notre-Seigneur »; ici il dit a Jé-
: a :

est le sujet de cette épître. Quel est donc ce « sus-Christ ». C'est lui qui est Notre-Sei-

sujet? Nous trouvons la réponse dans l'épîlre gneur, dit-il mais il ne prononce pas le mot
;

elle-même. C'était par l'intermédiaire des an- «d'esclaves» du Christ; titre qui est pour-
ges que les Colossicns voulaient avoir accès tant le symbole de sa bonté pour nous car :

auprès de Dieu. Ils avaient encore |)lusieur8 c'est lui, dit l'évangéliste, qui délivrera son
observances ou jiidaï(jues ou païennes que peuple du péché. (Matth. i, 21.) « Depuis que
saint Paul veut abolir, et c'est pour cela qu'il a nous avons appris quelle est votre foi en Jé-
dit dès le commencement de sa lettre « Par la : « sus-Christ et votre charité envers tous les

ovolontédeDieu». « Et Timothée, son frère», a saints ». II se concilie ses auditeurs et cher-
dit-il. Ce Timothée était donc aussi un apôtre. che à gagner leur bienveillance. C'est Epa-
II était vraisemblablement connu des Colos- phrodite qui lui a appris ce qu'il dit, et il
siens. a Aux saints qui sont à Colosse », ville envoie sa lettre par Tychique, en retenant
de Phryf;ie, voisine de Laodicée. El o aux fi- Epaphrodite auprès de lui. a Et votre charité
o dèles, frèresen Jésus-Christ». D'où vient, envers tous les saints ». Non pas envers tel
dit-il, je vous le demande, que vous êtes ou tel, mais envers nous aussi. a Dans l'es- —
saint? D'oîi vous vient ce nom de fidèle? a pérance des biens qui vous sont réservés

N'est-ce pas de ce que vous avez été sanctifié a dans le ciel (5) ». II est question des biens à
par la mort du Christ? N'est-cu pas de ce que venir. C'est un rempart qu'il leur donne
vous croyez au Christ? Comment êtes- vous contre les tentations, afin qu'ils ne cherchent
devenu noire frère? Car ce n'est ni par vos pas ici-bas le repos et la tranquillité. Il ne fal-

œuvres, ni par vos paroles, ni par une con- lait pas (ju'on pût dire : Et que leur sert leur
duite pleine de droiture que vous vous êtes charité envers les saints, au milieu de leurs
montré fidèle. D'oij vient, je vous prie, que angoisses et de leurs douleurs? Voilà pour-
tant de mystères vous ont été confiés ? N'est- quoi il s'écrie Nous nous réjouissons à la
:

ce pas à cause du Christ? o Que Dieu notre — vue des grandes et splondides récompenses
Père vous donne la grâce et la paix » Doù I que vous vous préparez dans le ciel. « Dans
vous vient la grâce? D'où vous vient la paix? « l'espérance des biens qui vous sont réser-

a De Dieu notre Pore», dit-il. 11 n'a pas — « vés», dit-il. C'est une récompense assurée

dit de Dieu, le Père du Christ. Je dirai à ceux qu'il leur lait entrevoir. « Dont vous avez déjà
qui poursuivent l'Esprit-Saint de leurs calom- a reçu la connaissance par la parole véritable
nies D'où vient que Dieu est devenu le Père
: a di: l'EvanjAile (3) ». C'est ici une expression
de ceux qui élaieul dus esclaves? Qui a pu opé- de blâme. Celle parole, ils l'ont observée long-
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS, - HOMÉLIE L m


temps et ont fini par la négliger. « Dont vous a charité toute spirituelle (8) ». Ne doutez
« avez déjà reçu la connaissance par la parole pas , dit-il , des biens à venir. Vous voyez que
a véritable tle l'Evangile ». Il rend ici téinoi'^ le monde change de face. Qu'est-il besoin de
gnage à la vérité évangélique et il a raison ;
vous dire ce qui se passe chez les nations
car l'Evangile , c'est la^ vérité pure. — a De étrangères? Sans parler de ces événements,"
l'Evangile ». Il ne dit pas : « De la prédica- ce qui se passe chez vous est bien digne de
tion », mais il appelle l'Evangile en témoi- foi. « Vous avez connu », dit-il, a la grâce de
gnage leur rappelant sans cesse
, les bienfaits « Dieu par la vérité », c'est-à-dire, par les faits.
de Dieu ; il a commencé par leur donner des Il y a donc deux motifs bien propres à raffer-

éloges; puis il leur remet les bienfaits de Dieu mir votre espérance des biens à venir : c'est
en mémoire. la croyance universelle c'est votre propre
,

« Qui subsiste chez vous dans le comme croyance, et les faits sont d'accord avec les pa-
« monde entier (6) » ce sont encore là des : roles d'Epaphras. « Qui est un fidèle » minis-
paroles flatteuses, a Qui subsiste » est une ex- tre, dit-il, c'esl-à-dire, un ministre véridique;
pression métaphorique. L'Evangile n'est point a Qui est un fidèle maître, pour le bien de vos
parvenu jusqu'à eux pour disparaître; l'Evan- « âmes », c'est-à-dire, qui est venu à nous et
gile demeure et subsiste parmi eux. Puis, a de qui nous avons appris voire charité toute
comme rien n'est plus capable d'affermir la « spirituellepour nous ». S'il est le ministre
croyance que d'avoir beaucoup de gens qui la du Christ, pourquoi dites-vous que vous êtes
partagent, il ajoute « Comme dans le monde :
amenés et gagnés à Dieu par le ministère des
a entier ». L'Evangile est partout, dit-il, par- anges ? —
« De qui nous avons appris aussi

tout il domine et règne. « Dans le monde en- a votre charité toute spirituelle pour nous».
« tier il fructifie et croît , ainsi qu'il a fait Voilà une admirable charité, une charité ferme
« parmi vous ». Il fructifie par ses œuvres; il et stable. Les autres espèces de charité n'en
croît par les prosélytes qu'il fait par les pro- ont que le nom. Il y en a quelques-unes de ce
,

fondes raisons qu'il jette de tous côtés. Car les genre. Mais ce n'est pas là de l'amitié. Aussi
plantes aussi deviennent touffues, quand elles un semblable attachement est-il loin d'être
deviennent robustes, a Ainsi qu'il a fait parmi indissoluble.
vous ». Il s'empare d'abord par la louange 3. Qu'ils sont nombreux les liens qui peu-
de l'âme de ses auditeurs, pour qu'ils ne s'éloi- vent former l'amitié 1 Les liaisons honteuses,
gnent de lui qu'à regret. « Du jour où vous nous les passerons sous silence; car on ne
a avez entendu ». Ce qu'il y a d'admirabfe peut pas nier que de semblables liaisons ne
c'est la rapidité avec laquelle vous êtes arri- soient blâmables. Mais parlons, si vous voulez,
vés à lumière , avec laquelle vous avez cru,
la de ces liaisons toutes naturelles qui s'offrent
avec Itrquelle vous avez porté des fruits, a Du dans la vie. En voici quelques-unes : vous
« jour où vous avez connu et entendu la grâce avez rendu service à un homme ; cet autre
a de Dieu, selon la vérité ». Ce n'est point par était lié avec votre famille. Cet autre s'est assis
des discours, par des effets illusoires, c'est par à la même table que vous ; c'est votre compa-
des actes que vous l'avez connu. Voilà ce que gnon de voyage; c'est votre voisin. Cet autre
signifie le mot : « L'Evangile fructifie ». Vous exerce la même profession que vous : encore
avez accueilli les signes et les miracles, et vous cette amitié-là n'est -elle pas bien sincère,
avez connu la grâce de Dieu. Puisqu'il vous a puisqu'elle contient un germe de rivalité ja-
montré tout d'abord sa puissance comment , louse. Quant à l'attachement qu'engendre la
feriez-vous pour ne pas croire en lui ? a Comme nature, c'est celui du père pour le flls, du
« vous en avez été instruit par notre tiès-cher fils pour le père, du frère pour le frère, de
« Epaphras, notre compagnon dans le service l'aïeul pour son petit-fils, de la mère pour ses
ode Dieu (7)». Il est vraisemblable que cet enfants, de l'épouse pour son mari, si vous
Epaphras avait prêché à Colosses vous avez : voulez. Tous ces genres d'attachement qui dé-
appris de lui l'Evangile, dit saint Paul. Puis, rivent du mariage nous entourent eu cette vie
pour montrer que c'est là un maître digne de terrestre. Ils semblent plus forts que les pre-
foi, l'apôtre dit a Qui est un fidèle ministre
: miers. Je dis ails semblent», parce qu'ils
:

a de Jésus-Christ, pour le bien de vos âmes ». sont ([iiclquefois moins forts. Que de fois n'a-
a Et de qui nous avons appris aussi votre t-on pas vu des amis plus étroitement et plus
,

40.i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

franchement unis que des frères, que des fils autant pour le fils qui l'aurait lapidé? Ne Tau-*
eux! Souvent un fils laisse
et lies pères entre rait-il pas, au contraire, accablé à son tour
son père sans secours, et le secours vient d'un d'une grêle de pierres? Appliquons-nous donc
inconnu. Mais l'amitié spirituelle, c'est la su- à serrer les nœuds de cette amitié spirituelle
prême amitié. C'est une reine qui étend son forte et indissoluble, et non les nœuds de cette
empire sur les siens, une reine brillante. 11 amitié qui prend naissance au milieu des fes-
n'en est pas de celte amitié comme de l'autre. tins; car, pour cet attachement vulgaire, il

Ce n'est pas un intérêt terrestre, ce n'est ni nous est interdit.


l'iiabitude, ni le bienfait, ni la nature, ni l'or Ecoulez cette parole évangélique du Christ :

qui l'engendre ; c'est d'en-haut c'est du ciel


; Quand vous donnez un festin, n'invitez ni
qu'elle descend. Quoi d'étonnant, si elle n'a vos voisins ni vos amis; invitez les pauvres
pas besoin du bienfait pour subsister, puis- a et les estropiés ». (Luc, xiv, 12, 13.) Elle est
que les mauvais traitements eux-mêmes ne bien vraie cette parole elle nous promet, si
:

peuvent compromettre son existence? nous la suivons, une grande récompense. Mais
Voulez -vous savoir combien cette amitié vous ne vous sentez ni la force ni le courage
l'emporte sur l'autre? Ecoutez Paul qui vous de faire asseoir à votre table des boiteux et des
dit : « Pour mes frères, je voudrais être une aveugles. C'est peut-être pour vous une corvée
« victime soumise u l'anatlicme par le Christ ». que vous refusez nettement. Vous devriez pour-
(Rum. IX, iO.) Quel père voudrait s'exposer à tant ne pas vous y dérober mais enfin elle
;

un tel malheur pour son fils? Ecoutez encore n'est pas nécessaire. Ne les faites point asseoir
Ctlte parole: « Ce qu'il y aurait sans contredit à votre table, soit; mais envoyez-leur des mets
de plus heureux pour moi, ce serait d'être de voire table. Quand on invite ses amis, on ne
dégagé des liens du corps pour me réunir ,
fait rien là de bien méritoire, et l'on reçoit ici-
o au Christ; mais il est plus utile pour vous bas sa récompense. Mais quand on invite un
que je demeure encore en cette vie ». (Phi- pauvre et un estropié, c'est Dieu même que
lipp. I, 23, 24.) Quelle mère sacrifierait ainsi l'on a pour débiteur. Affligeons-nous, non de
SCS intérêts? Ecoulez encore l'apôtre : a Nous ne pas recevoir ici-bas notre récompense,mais
avons été », dit-il, o pour un peu de temps, de la recevoir sur cette terre car, si nous ;

«séparés de vous de corps, mais non pas de sommes payés sur cette terre, nous ne serons
a cœur ». (I Thess. ii, 17.) Un père outragé ôte pas payés là-haut. Si les hommes nous paient.
à son fils sa tendresse mais le chrétien n'agit
; Dieu ne nous paiera pas si les hommes ne
;

pas ainsi il va trouver ceux qui l'ont lapidé


; nous paient pas, c'est Dieu qui nous paiera.
pour les combler de bienfaits. Car il n'y a Ne cherchez donc pas à faire du bien à ceux
rien, non, il n'y a rien d'aussi fort que le lien qui peuvent nous le rendre; que nos bien-
spirituel. Celui qui vous est attaché par le faits ne soient pas intéressés car ce serait
;

bienfait, sera votre ennemi, quand vous ces- là un froid calcul. Si vous invitez un ami,
serez de lui faire du bien. Celui que l'habi- il vous en est reconnaissant jusqu'au soir,
tude enchaînait à vous, ne sera plus votre et cette amitié éphémère se fond avant l'ar-
ami , quand la chaîne de l'habitude viendra à gent du festin. Mais invitez un pauvre et
se rompre. La discorde et les querelles entrent- un estropié, vous vous acquérez des droits
elles dans le méniige? Voilà la femme qui laisse à une reconnaissance éternelle , car c'est
là son mari et qui ne l'aime plus. Le fils lui- Dieu qui se souvient toujours , c'est Dieu
même ne voit pas sans impatience que la vie qui n'oublie jamais qui devient votre débiteur.
de son père se prolonge. Mais, dans l'attache- Quelle est, je vous le demande, cette petitesse,
ment spirituel rien de semblable. Il n'a pas
, quelle est cette faiblesse de ne pouvoir s'asseoir,
les mêmes chances de se rompre, parce qu'il avec les pauvres, à la table du festin? C'est,
ne repose pas sur les mêmes bases. Ni le dites-vous, un convive malpropre et dégoû-
temps, ni la longévité, ni les mauvais traite- tant. Mettez-le dans un bain avant de le con-
ments, ni les médisances, ni le ressentiment, duire à table. Mais il a des vêtements grossiers.
ni les outrages, rien en un mot ne peut l'atta- Faites-lui-en changer et habillez-le propre-
quer ni le dissoudre. Voulez-vous en être con- ment.
vaincus? Voyez Moïse [iriant pour ceux qui le 4. Ne voyez-vous pas ce que ce festin peut
lai)ident. (Exod. xvii.) Quel père en aurait fait vous rapporter? C'est le Christ en personne
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE I. m
qui •vient s'asseoir à votre table, et, quand il deux tables où l'on est mieux. Ne nous pla-
s'agit du Christ, vous usez de parcimonie? çons pas encore au point de vue de l'avenir.
C'est un roi que vous invitez et vous craignez? Sous ce rapport, la table des pauvres, la table
Faites dresser deux tables l'une pour cette : de mon choix, est supérieure à l'autre. Pour-

foule d'aveugles, d'estropiés, de boiteux, quoi ? C'est qu'on y trouve le Christ, tandis

d'hommes aux membres mutilés, qui s'en qu'à l'autre il n'y a que des hommes : l'une
vont pieds nus et sans chaussures, avec une est la table du maître, l'autre est celle des es-

tunique usée ; l'autre pour les puissants, pour claves. Mais ce n'est point encore ce dont il

les généraux, pour les gouverneurs, pour les s'agit voyons quelle est celle où l'on est le
;

grands et pour les princes qui ont des habits mieux, pour le moment. D'abord on est mieux
précieux, de fins tissus de lin, avec des cein- à celle des pauvres, en ce sens qu'il vaut mieux
tures d'or. Sur la table des pauvres, point manger à la table du roi qu'à celle des servi-

d'argenterie, peu de vin, juste ce qu'il en faut teurs. Maisomettons encore ce détail et exa-
pour égayer le repas, des coupes et des vases minons la chose elle-même. Moi et les autres
en verre uni. Sur la table des riches au con- quiavons choisi cette table, nousallons nous en-
traire, que toute la vaisselle soit d'or et d'ar- tretenir en toute liberté, tout à loisir et tout
gent qu'un homme ne suffise pas pour ap-
;
à notre aise. Quant à vous, convives de l'autre
porter cette table demi-circulaire; que deux table, tremblants et craintifs, de peur de dé-
jeunes serviteurs aient de la peine à la faire plaire à vos commensaux, vous n'oserez pas
mouvoir ;
qu'il y ait une fiole d'or du poids même étendre la main, comme si vous étiez
d'un demi-talent, assez lourde pour que deux à l'école et non dans un comme si
festin, vous
robustes esclaves puissent à peine la remuer ;
étiez des enfants en présence d'un maître ter-
rangez ces amphores avec symétrie, et que ces rible.
amphores soient en argent ou mieux d'un or A notre table, il n'en est pas ainsi. Mais, me
massif fait pour éblouir les yeux que la table ;
direz-vous, l'honneur est pour beaucoup. ici

demi circulaire soit entourée de toutes paris Eh bien! je me trouve plus honoré que vous.
de coussins et de lapis moelleux. Qu'il y ait Vous qui partagez ce festin de princes, vos pro-
là une foule de serviteurs empressés revêtus pos serviles font encore ressortir votre bas-
aussi d'ornements et d'habits splendides avec sesse.Car la condition de l'esclave ne se trahit
d'amples hauts-de-chausses. Qu'ils soient beaux; jamais mieux que lorsqu'il est assis à côté de
que la fleur de la jeunesse brille sur leurs son maître. C'est alors qu'il n'est point à sa
visages, qu'ils soient propres et d'xm extérieur place; plus rabaissé qu'honoré par cette con-
avenant. descendance que l'on a pour lui, c'est alors
Qu'àja table des pauvres au contraire, il surtout qu'il semble petit et abject. L'esclave,
n'y ait que deux serviteurs foulant aux pieds le pauvre peut avoir sa dignité ; mais il ne l'a
tout ce faste. Pour les riches, un service élé- plus quand il marche à côté de son maître.
gant et somptueux; pour les pauvres, juste ce La bassesse, près de la grandeur, est toujours
qu'il faut pour apaiser la faim et entretenir la bassesse ; et le contraste, loin de l'élever, le ra-
gaieté. Est-ce bien tout? Les deux tables sont- baisse encore. Ainsi, vous qui êtes assis à la
elles mises et dressées comme il faut ? manque- rang élevé de vos com-
table des grands, le
quelque chose? Je ne le crois pas ; j'ai pas-
t-il mensaux vous rend encore plus humbles et
sé en revue les invités, je me suis arrêté plus abjectsmais il n'en est pas ainsi de nous.
;

sur le luxe et la magnificence de la vaisselle, Nous avons sur vous le double avantage de
des tapisseries et des mets. Si nous avons omis l'honneur et de la liberté, double avantage in-
quelques nous les trouverons en con-
détails, comparable aux yeux d'un convive qui veut
tinuant. Eh bien maintenant que les deux
I avoir ses aises. Car je préfère le pain de la li-
tables ont été mises et dressées comme il berté aux innombrables mets de la servitude,
faut, à laquelle vous assiérez-vous, je vous le et, comme dit le livre des Proverbes (xv, 17)
demande? Quant à nous, c'est vers la table des « mieux vaut manger des légumes à la table
aveugles et des boiteux que je me dirige : plu- « de la charité que de manger un veau gras à
sieurs d'entre vous ciioisiront peut-être la « la table de la haine». Quoi que disent ces
table des généraux, celte table où rignn une grands auprès dep(iui'ls vous êtes assis, vous
gaieté brillante. Voyons quelle est celle de ces êtes, sous peine de les choquer, obligés de leur
i04 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSfOME.

accorder vos éloges, en vous conduisant comme table.Quand le grand jour arrive, regardez-le
des parasites, plus mal encore que des para- bien le voilà plus inquiet qu'un athlète qui
:

sites. Les pauvres ont beau être méprisés , ils va disputer le prix du pugilat. Il craint les ac-
ont leur franc parler cependant vous autres, : cidents, les jaloux, les mauvaises langues.
vous ne l'avez même pas. Tel est l'état de bas- L'am|)hitryon des pauvres, au contraire, est li-
sesse et d'abjection où vous êtes vous avez : bre de tout soin et de tout tracas ; il met lui-
peur, vous tremblez, et vos commensaux ne même la table; il ne s'inquiète pas plusieurs
daignent pas faire attention à vous. Le plaisir jours d'avance. Et puis les grands ne savent
est donc banni de cette table des grands; tan- pas longtemps gré à celui qui les invile, tan-
dis qu'à l'autre ce n'est que contentement et dis que celui qui traite les [lauvres est le créan-
joie. cier de Dieu; il est plein d'espérance, et cha-
5. Mais examinons le repas en lui-même. A que jour il savoure la joie de ce festin. Le
la table des grands, il faut, bon gré mal gré, gré qu'on lui sait ne disparaît pas comme les
boire avec excès ; à la table des pauvres, on mets. Il est plus heureux chaque jour que ce-
peut, si l'on veut, s'abstenir de boire et de lui qui s'est gorgé de vin. Le meilleur aliment
manger. A la première de ces tables le plaisir de l'âme en effet, c'est l'espoir, c'est l'attente

que fait naître la sensualité est donc banni du bonheur. Mais voyons la suite.
d'abord par la gène, puis par le malaise qui Au festin des grands, les cithares, les flûtes,
suit la satiété. La plénitude est aussi funeste les instruments de toute sorte font entendre
et aussi douloureuse que la faim. Que dis-je ? leurs accords. Au festin du pauvre point de
Elle est plus funeste encore. Qu'on me livre un bruits discordants ; des hymnes et des psaumes
homme, j'en viendrai plutôt à bout par les s'élèvent dans les airs.
Là ce sont des chants
excès que par la faim. C'est qu'en réalité la. en l'honneur du démon ici c'est Dieu notre ;

faim est plus facile à supporter. Tel est capable souverain maître que l'on bénit. Ici quelles
de résister à la faim, durant vingt jours, qui actions de grâces Là quelle ingratitude 1 !

ne résistera pas à deux jours d'excès. Ces pay- quelle légèreté! quel abrutissement! Com-
sans toujours en butte avec la faim sont bien ment! c'est Dieu qui vous nourrit, et, au lieu

portants et n'ont pas besoin des secours de la de remercier de la nourriture qu'il vous
le

médecine mais ceux qui vivent dans l'orgie,


; donne, c'est le démon que vous invoquez I
n'y résistent qu'à force de remèdes, encore la Car tous vos concerts ne sont que des hymmes
débauche, devenue tyrannique, rend-elle sou- au démon. Quoi! au lieu de dire: Vous êtes
vent inutile l'art du médecin. Sous leraiiport béni, ô mon Dieu, parce que vous m'avez
du plaisir qu'on y trouve, la seconde table a nourri de vos biens, vous perdez le souvenir
donc l'avantage sur la première. Car si l'hon- de ces biens comme un chien sans pudeur,
neur vaut mieux que la honte, la liberté que et c'est le démon que vous invo(juez I

la dépendance, l'assurance que la crainte et Mais que dis-je? Les ciiiens, qu'on leur donne
l'effroi, la frugalité que l'intempérance qui se ou non quelque chose, caressent les gens delà
noie dans les délices, la seconde table, même maison mais vous, ce n'est pas là ce que vous
;

au point de vue purement sensuel, vaut mieux faites. Le chien caresse son niaître, lors même

que l'autre. Sous le rapport de la dépense, elle queson maître ne luidoime rien, et vousaboyuz,
a encore l'avantage: elle est peu coûteuse, vous, contre la niam qui vous nourrit. Le
tandis que l'autre engloutit des sommes im- chien, quand une personne qui lui est anti-
menses. pathique, lui fait du bien, ne cesse pas, pour
Mais quoi ? n'est-ce qu'aux convives, n'est-ce cela, d'être son ennemi et ne s'attache pas à
pas aussi à l'amphitryon que cette table est elle. Et vous, à qui le démon a fait tant de
plus agréable que l'autre ? Celui qui invite les mal, vous le faites figurer dans vos festins.
grands s'y prend plusieurs jours à l'avance Vous valez donc deux fois moins qu'un ehien.
pour faire ses préparatifs il se donne néces- ; J'ai bien fait de citer l'exemple du chien à
sairement beaucoup de mal beaucoup de , ces hommes dont la reconnaissance est tou-
peine, beaucoup de tracas; il ne dort ni jour jours intéressée. Oui, rendez humniage aux
ni nuit; il se met l'imagination à la torture; chiens qui, même alfames , caressent leurs
il entre en pourparlera\ec les cuisiniers, avec maîtres ; vous, si vous entendez dire que ie

les pourvoyeurs, avec ceux qui dressent la démon a rendu quelques services à un homme,
l

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE I; loi

vous abandonnez aussitôt votre maître, ô ser- la cupidité. Et cette vaine gloire, je le répètej
viteur plus déraisonnable qu'un chien ! Mais aboutit à l'arrogance, à l'abrutissement, à la
les courtisanes, dites- vous, font plaisir à voir. folie, fruits de la vaine gloire, tandis que l'hu-
Le beau plaisir 1 Dites plutôt qu'elles font honte manité mène à remercier et à glorifier Dieu.'
à voir. Votre maison est devenue un mauvais Celui qui traite les pauvres reçoit ici-bas plus
lieu, un lieu d'orgies et de folies; ne rou- ^'éloges ; tandis que l'autre est un objet d'en-
gissez-vous pas de trouver du plaisir là de- vie, et est regardé comme le père commun des
dans? Si vous goûtez ce plaisir en son entier, pauvres même que ses bienfaits n'ont pas at-
la honte et le dégoût qui en résultent n'en teints. Les victimes de l'inj ustice trouvent parmi
sont que plus grands. Comment n'en serait-il ceux même que l'injustice a épargnés des êtres
pas ainsi, lorsque vous faites de votre maison compatissants qui font cause commune avec
un antre de débauches où l'on se vautre dans eux contre l'homme injuste. De même ceux qui
la fange, à l'exemple des pourceaux? Si l'on ont rencontré une main bienfaisante trouvent
ne va pas jusque-là, on souffre davantage. Car dans ceux-là même qui n'ont pas reçu de bien-
la vue de ces courtisanes né suffit pas elle ne ; faitsdes gens tout prêts à louer, à admirer avec
fait qu'enflammer les désirs. Voulez-vous sa- eux le bienfaiteur. L'amphitryon des grands
voir à quoi tout cela aboutit? Quand ces gens- est exposé à tous les traits de l'envie ramphi»: ;

là sortent de table, ils sont sans pudeur, ils tryon des pauvres voit tout le monde's'intéres-
sont irascibles, ils sont même pour les valets ser à lui, entend le concert des vœux que l'on
un objet de risée. Les serviteurs ont leur sang- fait pour lui.
froid ; les maîtres sont ivres. Quelle honte 1 Voilà ce qui se passe ici-bas 1 Et là-haut,''
Mais parmi lespauvres, il ne se passe rien de quand viendra le Christ, le bienfaiteur du pau-
pareil. Ils rentrent chez eux, après avoir ter- vre comparaîtra devant lui avec assurance, et,
miné le repas par une action de grâces rendues devant l'univers entier, le Christ lui dira :
au Seigneur; sont joyeux quand ils se cou-
ils a J'avais faim, et vous m'avez nourri; j'étais

chent, joyeux quand ils se lèvent ils n'ont pas ; a nu, et vous m'avez habillé j'étais étranger, ;

à rougir ils n'ont aucun reproche à se faire.


; a et vous m'avez recueilli » ( Matlh. xxv, 35);
6. Examinez maintenant ces illustres invités, et autres choses pareilles. A l'autre, au con-
vous verrez qu'ils sont au dedans ce que les traire, il dira : «Esclave méchant et paresseux» ;
autres sont au dehors, c'est-à-dire aveugles, et puis :Malheur à ceux qui s'étendent avec
a

estropiés, boiteux. L'hydropisie et la fièvre a délices sur leurs couches moelleuses qui ;

attaquent le corps chez les autres chez eux ; « dorment dans des lits d'ivoire, qui boivent
elle attaque l'âme. Tel est en effet l'orgueil a des vins délicats! » (Amos, vi. A.) Malheur
;

apiès le-plaisir, l'âme est mutilée. Voilà ce que à ceux qui, s'inondant de parfums exquis,
c'est que la satiété et l'ivresse ; l'âme ne sort croient à la durée de ces plaisirs éphémères t
de là qu'estropiée et boiteuse. Les pauvres, au J'avais mon
but en vous tenant un pareil lan-
contraire, sont au moral ce que les grands gage. voulu changer vos cœurs. J'ai voulu
J'ai
sont au physique. Leur âme est belle et parée. vous engager à chercher en tout votre intérêt
Car, lorsqu'on vit en rendant grâces au Sei- véritable. Mais, me direz-vous, si je fais les
gneur, quand on ne demande que le néces- deux; si grands et les pauvres
j'invite les
saire, quand on possède cette haute raison, Voilà les mots qui sont dans toutes les bouches I
voilà le bonheur dans tout son éclat Mais ! Mais dites-moi pourquoi dore, au lieu de di-
:

voyons comment tout cela se termine. Là ré- riger toutes vos actions vers un but d'utilité,
gnent l'intempérance, le rire immodéré, l'i- les diviser ainsi pourquoi vous jeter d'un
;

vresse, la bouffonnerie, l'obscénité dans les côté dans des dépenses inutiles, quand de l'au-
propos; la présence des courtisanes bannit des tre vous dépensez utilement votre avoir ? Si,
entretiens toute pudeur. Ici régnent la dou- tout en semant, vous jetiez votre grain en
ceur et la bienveillance. Celui qui invite les partie sur la pierre, en partie sur un bon ter-
grands est cuirassé d'orgueil celui qui invite ; rain, seriez- vous content et me diriezvous :
les pauvres n'écoute que l'humanité et son Qu'est-ce que cela fait si je sème à la fois au ha-
bon cœur. C'est l'humanité qui dresse cette sard et sur une bonne terre? Pourquoi eu effet
table cette autre a élu préparéo i)ar la vanité,
; ne pas ji'lri' toiil lu grainsur une bonne terre;
par la dureté du cœur, aile dci'hijuslico el de pourquoi diminuer ainsi voire profit? Quand
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAiNT JEAN CHRYSOSTOME.

îl s'agira d'amasser des richesses, vous rai- toujours les mêmes, c'est toujours le même
sonnerez, vous en amasserez de tous côtés. Et ami qu'ils nous conservent. Semer son argent
ici, pourquoi ne raisonnez-vous pas ? Et, s'il de côté et d'autre, c'est peut-être dépenser beau-
faut placer votre argent à intérêt, vous ne di- coup, mais ce n'est rien faire qui vaille dé- ;

rez pas : Pourquoi ne pas placer a telle somme penser tout son avoir, comme je l'entends,
a chez les riches, telle autre chez les pauvres?» c'est peut-être dépenser peu, mais, devant

Vous placerez le tout le mieux possible. Ici Dieu, c'est tout. Que l'on donne peu ou beau-
donc, et quand il s'agit d'intérêts aussi grands, coup, la question n'est pas là ; il s'agit de don-
pourquoi êtes- vous moins sage; pourquoi ne ner, selon ses moyens. Pensons à ces hommes
pas faire trêve aux folles dépenses, aux profu- dont l'un gagna cinq talents et l'autre deux ;
sions inutiles? pensons à la femme qui donna ses deux obo-
Mais ces dépenfes que vous blâmez me pro- les; pensons à la veuve du temps d'Elie. La

fitent aussi. — Comment cela? Elle me font des femme aux deux oboles n'a pas dit Qu'im- :

amis. Tristes amis que ceux qui le deviennent porte que je garde une obole, puisque j'en ai
de cette manière ! amis que ces para-
Tristes donné une ; elle a sacrifié tout son avoir. Et
sites qui hantent votre table, pour s'y gorger vous, avec toutes vos richesses, vous voilà plus
de vos mets! Est-il rien de plus fade qu'une parcimonieux que cette femme! Ah songeons!

amitié qui jaillit d'une semblable source ? Ah ! bien à notre salut et faisons l'aumône. Nous
ne faites pas une telle injure à un sentiment ne pouvons rien faire de mieux nous ne pou- ;

aussi admirable que la charité. Ne la faites vons rien faire qui nous soit plus profitable.

pas sortir d'une racine aussi impure. C'est — C'est ce que nous prouvera l'avenir, et déjà le

comme si vous donniez à un arbre chargé de présent nous le prouve. Vivons donc pour la
fruits, d'or et de diamants, non pas une racine gloire de Dieu, et faisons ce qui lui plaît, pour
aussi précieuse que ses fruits, mais une racine nous montrer dignes des biens qu'il nous a
putréfiée. Oui, vous faites ici de même car si ;
promis. Puissions-nous les obtenir par la grâce
l'amitié s'engendrait ainsi, il n'y aurait rien et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, au-

de plus froid que l'amitié. Mais ces repas, ceux quel gloire, puissance et honneur, maintenant
dont je parle, nous gagnent le cœur non pas et toujours, et dans tous les siècles des siècles.

des hommes, mais de Dieu, et, quand ils sont Ainsi soit-il.

HOMELIE II.

c'est POCRQl'OI, DEPCIS QUE NOUS AVOKS SU CES CUOSES, NOUS NE CESSONS DE PRIER POUR VOCS, ET DB
DEMA>DEn A DIEU QU'iL VOIS REMPLISSE DE LA CONNAISSANCE DE SA VOLONTÉ, EN VOUS DONNANT
TOITE LA SAGESSE ET TOUTE L'INTELLIGENCE SPIRITUELLE, AFIN QUE VOUS MAIlCIUEZ DANS LES VOIES
DE DIEU d'une MAMÈItE DIGNE DE LUI, TACHANT DE LUI PLAIRE EN TOUT, PORTANT LES FRUITS DE
TOUTES SORTES DE BONNES OEUVRES ET CROISSANT EN LA CONNAISSANCE DB DIEU, (l, 9, 10.)

Analyse»
1. Explication du chapitre i, versets 1 et 2. Paul i^resquo toujours par louer ses auditeurs.
commence
2. Explication des vcrsiU 9, 10, 1 1 cl 12. Dieuparticiper et uous rcud dignes de participer à l'héritage des saints.
nous tait

3. Explication des versets 13, 11, 15. Dieu nous a arractiés à la tyrannie du démon. —
Par une rédemption complète, le Christ nous
a frayé le chemin de son royaume. —
Titres du Christ
4. Grandeur des bienfaits de Uieu. —
La vie de ce monde n'est qu'un mal. —
Sources de l'incrédulité, la mollesse et la lâcheté.
6. Le chrétien incrédule est pire et fait plua de mal que le païen.
6. C'est pour s'étourdir lui-même, c'est pour faire taire sa conscience que l'incrédule repousse le dogme du
jugement dernier
et le dogme de la résurrection. Le fatalisme est une doctrine injuste, inhumaine et cruelle.

1. « C'est pourquoi », c'est-à-dire parce que TîJeu pour vous sa protection dans l'avenir,
nous avons connu voire foi et votre charité. D;iiis les luttes ou s'a[)plii)ue à rthorler les

Les espérances que nous avons conçues alors alLlètes qui vont saisir lu victoire. Ain.-i fait

nous OHt encouragé à demander encore à Paul il s'adresse à ceux qui ont le mieux
:
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE II. 109

réussi. « Du jour où nous avons appris ces a Dieu, d'une manière digne de lui ». îl est
«choses», dit-il, «nous ne cessons de prier ici question de la manière dont il faut vivre et
a pour vous». Oui, nous prions pour vous et ce agir, et c'est là un point sur lequel l'apôtre in-
n'est pas depuis un jour, ce n'est pas depuis deux siste ne sépare jamais la foi de la
toujours. Il

ou trois jours. Il leur montre ici sa charité pour bonne conduite, a Tâchant de lui plaire en
eux, et il leur fait entendre aussi qu'ils ne sont « tout ». Cette expression est expliquée par la
pas encore arrivés au but. C'est le sens de ce suivante « Portant les fruits de toutes sortes
:

mot B qu'il vous remplisse ». Voyez ici sa pru- « de bonnes œuvres, et grandissant dans la
dence. Il ne dit jamais que tout leur manque ;
« connaissance de Dieu ». Si Dieu s'est révélé
il dit partout qu'il leur manque quelque chose tout entier à vous, vous avez reçu de lui
si

encore. C'est le sens de l'expression « qu'il cette connaissance sublime, montrez que vo-
a vous remplisse ». Puis il dit : « Tâchant de tre conduite est à la hauteur de votre foi. Car
«lui plaire en tout», par toutes sortes de cette foi nouvelle impose à ses adeptes un plan
bonnes œuvres; puis encore : « Etant rempli de vie magnanime, plus magnanime encore
«de force en tout », et plus bas Pour avoir, : que l'ancienne loi. Quand on connaît Dieu,
« en toutes rencontres, une patience et une quand on a été trouvé digne d'être le servi-
n douceur persévérante » Ce mot a en toutes . teur, que dis-je? le fils de Dieu, quelle vertu
a rencontres » est d'un homme qui rend jus- ne faut-il pas avoir ?
tice à leurs progrès, sans proclamer encore « Que vous soyez en tout remplis de force».

leurs perfections. « Qu'il vous remplisse ». Il Il veut ici parler des épreuves et des persécu-
ne dit pas vous donne car cette connais-
: Qu'il ;
tions. Nous prions Dieu, dit-il, que vous vous
sance leur a déjà été donnée. Il dit « Qu'il vous : sentiez pleins de force, pour que vous ne tom-
« remplisse », c'est-à-dire, qu'il perfectionne biez pas dans l'abattement et le désespoir.
cette connaissance. Il une réprimande
y a ici 8 Par la puissance de sa gloire », c'est-à-dire,
légère et un éloge qui, n'étant pas complet, ne pour que vous ayez une ardeur proportionnée
les engage pas à se négliger. Mais comment à l'éclat de sa gloire, a Pour avoir, en toutes
seront-ils « remplis de la connaissance de la « rencontres, une patience et une douceur per-
« volonté de Dieu?» Ils seront conduits à cette « se venante ». Ce qu'il dit là revient à ceci :

connaissance par le Fils de Dieu et non par Nous prions Dieu, en un mot, qu'il vous fasse
les anges. Vous le savez, leur dit-il, il fautque la grâce de mener une vie vertueuse, une vie
vous y soyez conduits : il vous reste mainte- digne de votre plan de conduite, qu'il vous
nant à apprendre pourquoi Dieu vous a en- fasse la grâce de rester fermes, comme des
voyé son Fils. Si not re salut devai t s'opérer par le athlètes qui puisent leurs forces dans le ciel.
moyen aèsanges, Dieu n'aurait pasenvoyé,n'au- Il ne parle pas encore de leurs croyances ; il

raitpas livré sonFils.sEn vous donnant», dit-il, ne s'occupe que de leur vie où il ne trouve
« toute la sagesse et toute l'intelligence spiri- rien à reprendre, et après leur avoir donné la
« tuelle » . Comme ils se laissaient abuser par les part d'éloges à laquelle ils ont droit, il en
philosophes, il veut qu'ils acquièrent la sagesse vient à les accuser. C'est la méthode qu'il suit
spirituelle et non la sagesse humaine. Or, si toujours dans ses épîtres. A-t-il à reprendre
pour connaître la volonté de Dieu,ll faut avoir ou à louer, il commence par l'éloge et finit
la sagesse spirituelle, pour connaître son es- par l'accusation. Il se concilie et gagne d'a-
sence, il faut de constantes prières. Et
il leur bord son auditeur; il ôte à ses accusations
fait depuis combien de temps il prie
voir ici tout caractère oassionné, et montre qu'il vou-
pour eux sans relâche. lei est le sens ce ces drait toujours donnei des éloges, mais que la
mots « du jour où nous avons appris ». Ces nécessité lui dicte un autre langage. C'est ce
mots sont aussi la condamnation de ceux que dans sa première épître aux Corin-
qu'il fait
cette longue prière n'aurait pas rendus meil thiens. Cor. V.) Après les avoir loués beau-
(I

leurs. « De demander à Dieu » et de deman- coup de leur affection pour lui, il s'en prend
der avec un zèle ardent. Nous avons beaucoup à un fornicateur, et il en vient à les accuser.
prié, dit-il, et vous avez déjà connu quelque Dans l'épître aux Galates (Calâtes, i), il suit
chose mais vous avez encore besoin d'encon-
; une marche toute contraire. Mais que dis-je?
paître beaucoup d'autres. A bien examiner les choses, il fait sortir unâ
« AQn qu4i vous marchiez dans lea voie« de accusalion d'un éloge. Ne pouvRnf îjntlt'r d%
IlO TllADrCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

leur bonne conduite, ayant à intenter contre eux vie que nous devons nous proposer; il n'a rien
une grave accusation, ayant affaire à des au- de commun avec la vie mondaine. C'est un
diteurs corrompus qui pouvaient supporter grand mérite que cette vie selon Dieu. « Afin
les reproches, parce qu'ils étaient endurcis, il a que vous marchiez dans la vie d'une ma-

commence par les accuser en disant : «Je m'é- n nière digne de Dieu, et de bonnes œuvres en

tonne » (Ibid. 6) ; c'est là un mot d'éloge. a bonnes œuvres ». Afin que vous marchiez

Plus bas il loue non leur conduite actuelle, sans vous arrêter. Puis, en se servant d'une
mais leur conduite d'autrefois, en ces termes : expression métaphorique, il ajoute « Portant :

a Vous étiez prêts, s'il eût été possible, à vous a les fruits de la vertu, et grandissant dans la

a arracher les yeux, pour me les donner». « connaissance de Dieu afin que, grâce à la
;

(Ibid. IV, 15.) « puissance de Dieu », vous deveniez forts, au-


« Portant des fruits ». Il parle ici de leurs tant que l'homme peut être fort, a Par la

œuvres. « Remplis de force » pour résister a puissance de Dieu ». Voilà une parole bien
aux épreuves, « pour avoir, en toutes ren- consolante 11 n'a pas dit La vertu, le pouvoir,
! :

« contres, la patience et la longanimité ». En- mais a la puissance » cette expression a plus


;

tre eux, ils doivent faire preuve de longani- de grandeur, a Par la puissance», dit-il, c'est-
mité ou de douceur; à l'égard des étrangers à-dire par la domination a de sa gloire » car ;

ils doivent faire preuve de patience. On fait sa gloire est partout toute-puissante. Il vous a
preuve de longanimité ou de douceur envers consolés en vous disant qu'après avoir marché
ceux dont on pourrait se venger on fait ; dans le déshonneur et dans l'opprobre, vous
preuve de patience à l'égard de ceux dont on avez suivi ensuite une marche digne du Sei-
ne peut se venger. Aussi ne dit-on jamais: «La gneur. Il s'agit ici du Fils de Dieu, souverain
patience » de Dieu, tandis qu'il est souvent maître de du ciel, du Fils de Dieu
la terre et

question de sa longanimité ou de sa douceur. dont la gloire règne dans tout l'univers.'Il ne


Comme dans ce passage de saint Paul lui- s'est pas borné à dire Soyez forts; il a dit :
:

même Méprisez-vous donc les trésors de sa


: Soyez forts autant que doivent l'être les servi-
a bonté, de sa tolérance et de sa longanimité?» teurs d'un maître aussi fort, a En la connais-
(Piom. u, 4.) — « En toutes rencontres ». Il ne a sance de Dieu ». 11 insiste sur cette connais-

s'agit pas d'avoir de la patience aujourd'hui sance car l'erreur consiste à ne pas connaître
;

seulement, et de ne plus en avoir ensuite. Dieu, comme il faut. Afin que vous croissiez,
Que Dieu vous donne toute la sagesse et dit-il,dans la connaissance de Dieu. Quandon
«toute l'intelligence spirituelle ». Autrement ne connaît pas le Fils, on ne connaît pas le
comment connaître sa volonté? Cette volonté, Père non plus. 11 faut donc apprendre à con-
ils croyaient la connaître mais leur sagesse ; naître Dieu car sans cela, de quoi sert la
;

n'était pas une sagesse spirituelle, o Afin que vie?


a vous marchiez dans la vie d'une manière a Pour avoir, en toutes rencontres, la pa-
o digne de Dieu ». Voilà en effet la meilleure a tience et lalonganimité, accompagnées delà
ligne de conduite à suivre Voilà ce qui s'ap- I a joie. Rendant grâces à Dieu ». Puis, pour les
pelle le droit chemin. Quand on sera bien pé- exhorter, il ne rappelle pas ces biens encore
nétré de la bonté de Dieu (et on en sera pé- cachés à leurs yeux, auxquels il a fait cependant
nétré, en voyant qu'il nous livre son Fils), on allusion d'abord en ces termes: aAcausedevos
aura iilus d'ardeur pour le servir. D'ailleurs, a espérances qui reposent dans le ciel» ; il leur
nous ne nous bornons pas à demander pour rappelle ce qui s'est déjà passé. Car c'est sur le
vous la science; nous demandons que votre passé que repose l'avenir. Il suit cette mé-
conduite témoigne de vos lumières; car celui thode en plusieurs endroits. Car le récit de ce
qui sait et qui ne pratique pas, mérite toujours qui a eu lieu fait croire aux parolesde l'orateur,
d'être puni, a Afin que vous marchiez dans la et éveille l'atteniion de l'auditoire. «Rendant
ovie», dit-il. C'est-à-dire, telle est la ligne que a grâces à Dieu avec joie », dit-il. C'est là une
vous devez s' ivre constamment et toujours. conséquence de ce qu'il a déjà dit Nous ne :

Il nous est aussi nécessaire de suivre le droit cessons de prier pour vous, et de rendre grâces
chemin de la 'j que de marcher. 11 appelle à Dieu de ce qu'il a fait pour vous. Vous voyez
toujours la vie un chemin, un voyage, et avec comme en vient à parler du Fils de Dieu.
il

rai»on. Il nous prouve que c'est là le plan de Si nous rendons grâces à Dieu, avec tant de
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE H. Ui

joie, c'est que ses bienfaits dont nous parlons quoi ces mots de lot et d'héritage? C'est pour
sont grands. Ily a bien des motifs pour ren- montrer que nul homme ne doit à ses bonnes
dre grâces. On rend grâces, parce que l'on actions et à sa justice le royaume des cieux.
étaitdans la crainte. On rend grâces, même Cet héritage est, pour une bonne
ainsi dire,
quand on est afQigé. Voyez Job rendant grâces aubaine qui nous arrive. Nul homme, en effet,
à Dieu au sein même de la douleur. Enten- n'arrange assez bien sa vie pour être trouvé
dez-le, quand il dit « Dieu m'a donné, Dieu : digne du royaume des cieux; cet héritage est
« m'a ôté » . (Job, 1, 21 .) N'allez pas di re qu'il était un pur bienfait de Dieu. C'est pourquoi il est
insensible à ses malheurs et qu'il n'était pas dit a Quand vous aurez fait tout ce qu'il faut»;
:

dans vous ôteriez à ce juste ce qui


l'affliction ;
dites : a Nous sommes des serviteurs inutiles;

fait son plus grand éloge. Mais, ce n'est point a car nous n'avons fait que ce que nous de-
ici par crainte, ce n'est point seulement parce a vions faire». (Luc, xvu, 10.)
que Dieu est notre maître, c'est tout naturel- a Notre part dans l'héritage de lumière
lement que « nous rendons grâces à celui qui a échu aux saints » c'est-à-dire a dans la con-
;

a nous a rendus dignes d'avoir notre part dans e naissance de Dieu». Il parle là, ce me sem-

a cet héritage de lumière échu aux saints ». ble, du présent et de l'avenir. Puis il nous
Ce sont là de grands bienfaits. Non-seulement montre le prix du don que l'on a daigné nous
Dieu nous a donné, mais il nous a rendus di- faire. Ce qu'il y a d'étonnant, en effet, ce n'est
gnes de recevoir. Pesez ces paroles « Celui : pas seulement qu'on nous ait jugés dignes
qui nous a rendus dignes ». Un homme, d'un royaume il faut encore penser à ce que
;

même de la plus basse extraction, devenant nous étions, car cela fait beaucoup, a C'est à
roi, peut donner à qui bon lui semble unrang a peine, en effet, si quelqu'un voudrait mourir
élevé mais rendre son favori capable de bien
; a pour un juste; peut-être néanmoins quel-
remplir sa charge, voilà ce qu'il ne peut a qu'un aurait-il le courage de mourir pour
faire ; car l'élévation du favori le rend quel- a un homme de bien». (Rom. v, 7.)

quefois ridicule. Ah le souverain nous


1 si a Qui nous a arrachés à la puissance des té-

donne en même temps la dignité, la capacité, e nèbres » dit l'apôtre. Tous ces bienfaits, c'est
,

l'aptitude, voilà des honneurs véritables C'est I à Dieu que nous les devons; car le bien ne
ainsi que Dieu agit, dit l'apôlre. Non-seule- vient jamais de nous, a A la puissance des té-
ment il nous donne le plus honorable héri- a nèbres», dit-il, c'est-à-dire à l'erreur, à la
tage, mais il nous rend dignes de l'accepter. tyrannie du démon. Il n'a pas dit seulement :

3. 11 y a donc ici un double honneur : Aux ténèbres mais A leur puissance. C'est que
; ;

Dieu nous adonné; Dieu nous a rendus di- le démon avait sur nous un grand pouvoir,
gnes de recevoir le don. L'apôtre n'a pas dit un pouvoir tyrannique. C'est un grand mal-
seulement aQui nous a donné»; il a dit Qui
: : heur déjà que d'être soumis à l'influence du
nous a rendus aptes et propres à a prendre démon; mais c'est un malheur plus grand en-
a noire part dans l'héritage de lumière échu core que d'être soumis à sa puissance, a Et
aux saints». Cela veut dire qu'il nous a a nous a fait passer», ajoute l'apôtre, a dans le
mis au rang des saints. Mais ce n'est pas tout; a royaume de son bien-aimé». 11 ne suffit
Fils
cela veut dire aussi qu'il nous a fait jouir des pas à Dieu de montrer sa tendresse pour nous,
mêmes biens qu'eux. Car la part de l'héritage, en nous délivrant des ténèbres. C'était déjà
c'est ce que chacun des cohéritiers reçoit. Il beaucoup; mais nous introduire dans son
peut arriver en effet qu'on fasse partie de la royaume est bien plus encore. Voyez comme
morne cité, sans jouir des mêmes avantages. il a su multiplier ses dons. Nous étions dans

Mais avoir la môme part et ne pas jouir des l'abîme; il nous en a délivrés, et non content
mêmes biens, voilà qui est impossible. 11 peut de nous en délivrer, il nous a fait passer dans
arri\er encore qu'on ait à partager un mémo son royaume.
lot,mais que ce même lot ne soit pas également a Qui nous a arrachés». Il ne dit pas « Qui :

partagé. Exemple nous sommes tous copar- : anous a soustraits »; mais a Qui nous a arra- :

tageants d'un même héritage; mais la part de achés», pour montrer toute la grandeur de
chacun de nous n'est pas la même. Mais ce notre affliction et de notre misère, et toute la
n'est pas là ce que dit l'apôtre. Nous avons, pesanteur de ces chaînes. Puis, pour faire voir
dit'il. 'a même pai l m nièuie hériUige. Pour* combien tout est facile à la puiasance da ukOf
115 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

il dit : « Il nous a fait passer » dans le royaume, mémoire, toujours réfléchir à cette faveur di-
comme on fait passer des soldats d'un lieu vine, aux maux dont nous avons été délivrés,
dans un autre. 11 n'a pas dit Il nous a «con- : aux biens que nous avons acquis, et alors nous
« duils », il nous a « placés », car alors nous n'y serons reconnaissants alors nous sentirons
,

serions pour rien. Il « nous a fait passer», dit- s'augmenter en notre cœur notre amour
il, ce qui montre que l'homme aussi y a mis pour Dieu. Quoi donc ô homme vous êtes 1 ,

du sien, a Dans le royaume de son Fils bien- appelé à un royaume au royaume du Fils de
,

ainit». Il n'a pas dit Dans le royaume des


: Dieu, et vous tardez, vous hésitez, vous restez
cieux; il a donné plus d'éclat et de poids à son plongé dans la torpeur S'il vous fallait cha-
!

expression, en disant: a Dans le royaume de son que jour vous élancer, à travers mille morts,
Fils Bo Quoi de plus flatteur pour l'homme? à une pareille conquête, ne devriez-vous point
Ailleurs, du reste, il dit aussi a Si nous pçrsé- ; braver tous les périls? Pour obtenir une place
« vérons, nous régnerons avec lui «.(Il Timo- de magistrat, il n'est rien que vous ne fassiez ;

thée. II, 12). 11 a daigné nous faire le même pour participer à la royauté du Fils unique de
honneur qu'à son Fils. Et l'apôtre ne se con- Dieu, vous n'êtes pas prêt à braver mille glai-
tente pas de dire «De son Fils»; il dit: «De son
: ves menaçants, à vous précipiter au milieu
« Fils bien-aimé ». A celte épilhète il joint les ti- des flammes I Chose plus grave encore, au
tres naturels de ce Fils «Qui est l'image du Dieu
: moment de quitter ce monde, vous vous la-
a invisible». Mais il n'aborde pas tout aussitôt mentez, vous vous plaisez à demeurer en cette
ce chapitre. Il parle d'abord du grand bienfait vie, tant vous tenez à votre corps! Quoi donc?
de Dieu. De peur qu'on ne s'imagine que ce La mort est-elle pour vous si terrible? Ah!
bienfait tout entier vient que le du Père, et j'aperçois la cause de vos craintes ; c'est que
Fils n'y est pour rien, il l'attribua dans son vous menez une existence molle et oisive.
entier au Père et dans son entier au Fils. Le Quand la vie est amère, on voudrait avoir des
Père nous a fait entrer dans le royaume du ailes pour en sortir. Mais nous ressemblons à
Fils mais le Fils nous a mis en état d'y en-
; des poussins frêles et délicats qui voudraient
trer. Que dit l'apôtre en effet? sQui nous a toujours rester dans leur nid. Et cependant,
a arrachés au pouvoir des ténèbres». Expres- plus nous y resterons plus nous deviendrons
,

sion qui se lie intimement à celle-ci « Par le : faibles.


a sang duquel nous avons été rachetés et avons Qu'est-ce que cette vie en effet? C'est un nid
a obtenu la rémission de nos péchés». Voici de paille et de boue. Vous avez beau me mon-
le mot «par lequel, par le sang duquel» qui trer vos grands édiflccs vos palais tout bril- ,

revient ici. Et il parle d'une rédemption pleine lants d'or et de pierres précieuses, je dirai tou-
et entière qui doit nous empêcher de faillir et jours Nids d'hirondelles que tout cela. A
:

de redevenir mortel. l'approche de l'hiver, tout cela tombe de soi-


« Qui est l'image du Dieu invisible, et qui même or, j'appelle l'hiver ce jour qui n'est
;

a est né avant toutes les créatures ». Nous pourtant pas l'hiver pour tous les hommes.
tombons ici sur des mots qui ont donné nais- Ce temps-là Dieu l'appelle le jour et la nuit
, :

sance à une hérésie. Nous différons donc notre c'est la nuit pour les pécheurs; c'est le jour
explication et demain nous satisferons, sur ce pour Moi donc, à mon tour, je l'ap-
les justes.
point, voire curiosité. Mais s'il faut dire ici pendant l'été, nous ne sonmies
pelle l'hiver. Si,
quelque chose de plus, avouons que l'œuvre pas élevés de manière à pouvoir nous envoler,
du plus grande. Comment cela?
Fils est la quand l'hiver arrivera, nos mères ne nous ac-
C'est qu'en restant au milieu des liens du pé- cueilleront pas; elles nous laisseront mourir
ché, nous ne pouvions entrer dans son royau- de faim ou périr au moment où tombera notre
r".e; en nous délivrant, il nous en a facilité nid. Toute cette demeure terrestre. Dieu va la
rentrée, et ce sont ses bienfaits qui nous en ont nettoyer, comme l'hirondelle nettoie son nid
frayé le chemin. Que dis-je? En nous remet- et plus facilement encore. Dieu va tout dé-
tant nos péchés, il nous y a amenés. Voilà dès truire, tout rétablir, tout mettre à sa place.
à présent un dogme bien établi. Ces âmes incapables de voler, ces âmes qui
A. En terminant, nous avons encore un mot ne peuvent traverser les airs, pour aller à
& dire. C'est qu'après avoir reçu un si grand Dieu, et qui ont reçu une éducation trop basse
bienfait, nous devons toujours en conserver la et trop servile pour se confier à la légèielé ds
,,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE II. 113

leurs ailes, ces âmes souffriront ce qu'elles nent heurter nos opinions ne sont pour nous
doivent naturellement souffrir. Un nid d'hi- que des bagatelles.
rondelle tombe-t-il couvée périt bientôt ;
, la 5. Mais ne donnons pas dans ce travers. Il

nous autres, nous ne périssons pas, mais nous n'y aura plus de déluge ; il n'y aura plus de
sommes condamnés à des souffrances éter- ces châtiments qui font périr tant de monde ;
nelles. mais c'est un commencement de supplice que
Oui, ce temps-là sera l'hiver , ce sera même la mort de l'homme qui ne croit pas au juge-
quelque chose de plus terrible et de plus cruel ment. Qui est revenu de là-bas, s'écrie l'in-
que l'hiver. Alors point de pluies torrentielles; crédule, pour nous dire et pour nous raconter
mais des fleuves de feu pas de ténèbres tom-
: ce qui s'y passe? Homme incrédule, si votre
bant des nuages mais des ténèbres indissolu-
; langage n'est qu'une plaisanterie, votre lan-
bles et profondes point de ciel à voir, point
: gage est déjà un mal; il ne faut pas plaisanter
d'atmosphère transparente un cachot plus ; sur de pareilles matières. C'est plaisanter sur
étroit que le séjour des malheureux qui sont des sujets qui n'ont rien de plaisant et sur des
ensevelis dans les entrailles de la terre. Ces choses périlleuses. Mais si vous parlez sérieu-
vérités, nous les répétons souvent, sans pou- sement, si vous pensez qu'au-delà de cette vie
voir convaincre certains esprits. Quoi d'éton- il n'y a plus rien, comment osez-vous vous

nant! si tel est l'effet de notre parole à nous, dire chrétien? Car je ne m'occupe point ici de
chétive créature , puisqu'on n'écoutait pas da- ceux qui sont en dehors de notre religion.
vantage les prophètes, non-seulement quand Pourtiuoi ce baptême que vous recevez? Pour-
ils abordaient de pareils sujets, mais quand ils quoi entrer dans l'Eglise? Est-ce que nous
parlaient de la guerre et de la captivité. Et vous (irometlons de hautes dignités et des ma-
Sédécias, convaincu par Jéréniie, ne rougissait gistratures ? Non tout notre espoir repose
:

pas. Voilà pourquoi les prophètes disaient : sur la vie future. Pourquoi venir à nous, si
« Malheur à ceux qui disent : Qu'elles s'accom- vous ne croyez ni aux saintes Ecritures ni au ,

a plissent bien vite les œuvres de Dieu, afin Christ? Non un tel homme n'est pas chré-
:

« que nous en soyons témoins, et que le con- tien. Dieu me préserve de l'appeler ainsi! Un
« seil du Saint d'Israël s'exécute , pour que tel homme est pire qu'un païen. Pourquoi?
« nous le connaissions ». (Is. liv, 19.) Ne nous Parce que tout en croyant à un Dieu , vous ne
étonnons pas de ce langage. Les hommes qui croyez pas en ce Dieu. La croyance du païen
existaient à l'époque de l'arche étaient incré- n'est pas une impiété lorsqu'on ne croit pas
;

dules aussi; ils ne commencèrent à croire que à l'existence du Christ, nécessairement on ne


lorsqu'il n'était plus temps. Les habitants de doit pas croire en lui. Mais il y a impiété , il y
Sodoine attendaient les événements et n'y cru- a même inconséquence à confesser que Dieu
rent que lorsque la chose était inutile. Et pour- existe et à ne pas ajouter foi à sa parole. C'est
quoi parler de l'avenir? Ce qui se passe au- un propos d'ivrogne, un propos insjjiré par la
jourd'hui en divers lieux, ces tremblements sensualité, par la débauche et par l'intempé-
de terre la destruction de toutes ces villes
, rance que celte parole « Mangeons et buvons;
:

qui s'y serait attendu ? Et pourtant ces catas- « nous mourrons demain ». (I Cor. xv, 32.) Ce
trophes récentes étaient plus croyables que les n'est pas demain c'est au moment où vous
,

désastres du temps passé, que le miracle de parlez ainsi que vous mourez.
l'arche. Pourquoi ? C'est que les hommes d'au- N'y aura-t-il donc, dites-moi, rien qui nous
trefois n'avaient eu sous les yeux aucun pré- distingue des pourceaux et des ânes? Car
cédent et ne connaissaient pas encore les enfin s'il n'y a ni jugement, ni récompense ,
,

saintes Ecritures. Nous autres , au contraire ni rémunération, ni tribunal, pourquoi avons-


nous sommes instruits par d'innombrables nous reçu la raison en partage? Pourquoi
exemples, par ce qui s'est passé de nos jours, sommes-nous les rois de la création? Pour-
par ce qui s'est passé jadis. Mais quelle a tou- quoi commandons-nous aux créatures? Pour-
jours été la source de l'incrédulité? C'est la quoi les créatures nous obéissent-elles ? Voyez-
lâcheté et la mollesse. On s'occupe de boire et vous comme le démon nous presse de tous
de manger; on ne s'occupe pas de croire. Ce côtés, comme il nous pousse à méconnaître
qui est conforme à nosdésiis, nous le croyons, le don que Dieu nous a fait? Il confond tout,
nous l'espérons ; mais les discours qui \iea- les serviteurs et les maîtres. Comme uu rnar»
S. J. Cn. — Tome XL 8
,,

4U TRADrCTIOX FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

chand d'esclaves , comme un esclave ingrat nous, pour cela, le pardon de nos péchés?
il s'efforce de faire descendre un être libre à N'avez-vous pas été témoin des tentatives du
l'état de bassesse et d'abjedionoù tombe celui démon pour faire tomber et pour terrasser
qui a offensé le Seigneur. On dirait qu'il veut Adam? Le démon a-t-il obtenu son pardon
supprimer le jugement; il voudrait supprimer pour cela? Son supplice, au contraire, a été
D'OU. Oui , le démon est toujours ainsi. C'est certainement aggravé. Ne fait-il pas tout ce
par fraude, par ruse, en usant de pièges
c'est qu'il peut pour que nous portions la peine
qu'il agit; franchement et de ma-
il n'agit pis non-seulement de nos fautes, mais des fautes
nière à nous moltrc sur nos gardes. S'il n'y a d'autrui? Ne croyons donc pas, en entraînant
pas de jugement, Dieu n'esl |)as juste ; c'est le les autres dans notre perte, adoucir notre sen-
langage de l'homme que je parle ici et si : tence nous nous attirerons, au contraire, une
;

Dieu n'est pas juste, il n'existe pas : enfin, si condamnation plus lourde et plus cruelle.
Dieu n'existe pas, tout est le jouet du hasard Pourquoi nous pousser dans l'abîme et nous
il n'y a ni vice, ni vertu. Mais c'est là un lan- perdre les uns les autres ? Ce sont là des habi-
gage que le démon ne tient pas ouvertement. tudes satauiques. Homme, avez-vous péché ?
Avez-vous bien vu le fond de la pensée de Vous avez un Dieu bon et clément; priez-le,
Satan? Voyez-vous comme il voudrait faire suppliez-le, pleurez, gémissez, effrayez les au-
de nous des brutes ou plutôt des bêles féroces tres et demandez qu'ils ne tombent pas dans
ou même démons? Ne l'écoutons pas. Oui,
des les mêmes erreurs que vous. Qu'un esclave,
il y a un jugement, malheureux et infortuné après avoir offensé son maître, dise à son fils :

que vous êtes. Et je sais bien pourquoi vous Mon fils, j'ai offensé mon maître; toi, efforce-
parlez comme vous le faites. C'est que vous toi de lui plaire et ne fais pas comme moi ;

avez bien des fautes sur la conscience vous


; cet esclave, dites-moi, n'obtiendra-t-il pas, jus-
avez offensé le Seigneur vous ne parlez pas
; qu'à un certain point , son pardon ? Ne par-
en pleine liberté, en pleine frarchisc, et vous viendra-t-il pas à calmer, à fléchir son maître?
croyez pouvoir faire mentir la nature. En at- Mais si, tenant un tout autre langage, il fait
tendant, dit l'incrédule, je ne veux pas me entendre que son maître ne fera pas justice à
mettre l'âme à la torture avec celte idée de la chacun, que, pour lui, le bien et le mal se
géhenne; si elle existe, je me persuaderai mêlent et se confondent, que dans sa maison,
(ju'elle n'existe pas tt je me plongerai dans les on ne sait pas gré aux esclaves de ce qu'ils
délices. font, que pensera le maître d'un esclave pa-
Mais pourquoi donc entassev fautes sur fau- reil? Ne lui fera-t-il pas subir un châtiment
tes? Si vous croyez, pécheur que vous êtes, plus rigoureux encore ? Oui, certes, et il aura
aux tourments de l'enfer, vous en serez quitte raison. Le premier esclave trouvera une cer-
pour expier vos péchés. Mais si vous ajoutez à taine excuse dans son repentir l'autre n'ob- ;

vos péchés le crime d'une incrédulité impie, tiendra point de pardon. A défaut d'autre
vous serez imni en outre de cette incrédulité exemple, suivez du moins l'exemple de. ce
avec la dernière rigueur. Et ce qui aura été riche qui, au milieu des tourments de l'enfer,
pour vous une triste consolation d'un mo- disait « Père Abraham
: envoyez Lazare vers ,

ment, deviendra contre vous im chef d'accu- a mes frères, de peur qu'ils ne viennent dans
sation qui vous vaudra im supplice éternel. « ce lieu de souffrances ». (Luc, xvi, 27, 28.)
Vous avez péché, soit. Mais est-ce une raison 11 ne pouvait en sortir, lui mais il voulait ;

pour exhorter les autres à pécher aussi, en empêcher les autres d'y tomber. Renonçons
leur disant qu'il n'y a pas de géhenne? Pour- donc à notre languge satanique.
quoi tromper les âmes simples? Pourquoi dé- Quoi, direz- vous, quand les gentils ou
6.
courager le peuple de Dieu et lui ôter la force les païens nous interrogent, ne voulez-vous pas
de lever les mains au ciel? Vous renversez que nous nous occupions d'eux? Mais quand,
tout, en tant que cela dépend de vous. S'ils sous prétexte de vous occuper des gentils,
vous écoutent, les gens de bien ne devien- vous jetez les chrétiens dans le scepticisme,
dront pas meilleurs; ils tomberont dans la c'est !a doctrine de Satan que vous vous met-
mollesse et dans l'inaction; les méchants, de tez en devoir d'établir. Ce sont des témoins que
leur côté, persisteront dans le vice. Mais si vous cherchez pour appuyer une doctrine à
nous corrompons les autres, obtiendrons- laquelle vous ne pouvez faire croire avec ki
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE II. )1S

seules ressources de votre esprit. Si vous êtes de la résurrection. Ah I c'est que l'homme ne
obligé de discuter avec un gentil, donnez doncà veut pas absolument supporter le jugement
la discussion son véritable point de départ, re- de sa propre conscience. C'est ainsi que l'ho-
cherchezsi le Christ est Dieu et Fils de Dieu, et it tfticide se persuade qu'il échappera à la sen-
ces prétendus dieuxdu paganisme ne seraient tence, pour commettre un meurtre de sang-
pas des démons. Cela une fois prouvé, tout le froid. S'il avait comparu devant sa conscience,
reste s'en déduit. Mais tant que vous n'avez il y aurait regardé à deux fois, avant de devenir
pas posé le principe, il est inutile de discuter un assassin. 11 sait bien ce qu'il fait, mais il

sur les conséquences. Avant d'avoir appris les simule l'ignorance, pour se soustraire aux ter-
axiomes, il est superflu et inutile d'arriver reurs et aux tourments de sa conscience; au-
aux derniers corollaires. Ce gentil ne croit pas trement il se serait trouvé faible devant le
au jugement. Eh bien il est dans le même
! meurtre. Ainsi les pécheurs savent bien que le
casque vous. Les Grecs peuvent citer aussi péché est un mal, et ceux qui chaque jour rou-
beaucoup de philosophes qui ont traité cette lent dans ce même
cercle de maux, nu veulent
matière. Ces philosophes séparent l'âme du pas le savoir quoique leur conscience les
,

corps; mais enfin il reconnaissent un dernier reprenne. Mais n'écoutons pas ces honmies.
jugement. Et ce point-là est si clairement éta- 11 y aura oui il y aura un jugement et une
,

bli parmi eux, que personne n'en ignore, que résurrection, et Dieu ne souITrira pas que tant
les poètes et tous les écrivains s'accordent sur d'actions aient été laites en vain. C'est pour-
le tribunal et sur le jugement. Aussi, en géné- quoi, je vous en prie, fuyons le vice et cher-
ral, les gentils en croient là-dessus leurs écri- chons la vertu, pour embrasser la véritable
vains ; ni les juifs , ni qui que ce soit, ne dou- doctrine en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
,

tent de cette vérité. Et pourtant, quel est celui de ces deux

Pourquoi donc nous trompons-nous les uns dogmes le plus facile à admettre, le dogme
les autres ? Vos mauvaises raisons, c'est à moi de la résurrection, ou celui du fatalisme? Ce
que vous les dites. Mais que direz-vous à Dieu dernier dogme est plein d'iiîjuslice, plein de
qui a façonné les cœurs, qui connaît tous les déraison, plein de cruauté, plein d'inhuma-
replis de notre pensée qui vit et qui agit en
,
nité; l'autre est plein d'équité et de justice
nous dont la parole est plus perçante qu'un
, distributive pourtant ce n'est jias celui
, et
glaive à deux tranchan-ts ? (Hébr. iv, 12.) Car, qu'on admet. La faute en est à notre paresse;
à parler franchement, quand vous commettez car il suffit de réfléchir, pour rejeter le fata-
une faute, ne vous condamnez-vous pas vous- lisme. Ces philosophes grecs qui font du plaisir
même? Est-il au monde un homme qui ne se le but de la vie, l'ont accepté mais tous ceux
;

blâme luijncme, quand ilagitavec tiédeur? Est- qui se sont attachés à la vertu l'ont banni
,

ce une sagesse aveugle que cette sagesse qui fait comme une doctrine insensée. Si telle a été
que nous nous condamnons nous-mêmes, lors- le sort de cette doctrine chez les gentils, elle
que nous commettons une faute? Car c'est là, doit à plus forte raison disparaître devant le
oui c'est là une grande sagesse. En définitive dogme de la résurrection. Voyez l'habileté du
donc, règle générale et universelle quand on : démon à se servir de deux moyens contraires.
mèneunevievertueuse, qu'on soit gentil, qu'on Oui ! pour nous faire négliger la vertu ,
pour
soit même hérétique, on croit au jugement introduire chez nous le culte de Satan,
y a il

dernier; quand on se traîne dans le vice, introduit le fatalisme, et par deux voies diffé-
on n'admet presque jamais le dogme de sa rentes il est parvenu à son double but. Quelle
résurrection. Et c'est ce que dit le Psalmiste : raison pourra-t-il alléguer, l'homme qui n'a-
f Vos jugements se dérobent à ses yeux ». joute j)as foi a ce dogme admirable de la ré-
(Ps. IX, 27.) Pourquoi? Parce que de tout surrection, et qui croit à toutes les absur-
temps les voies du Seigneur ont été mécon- Ne vous nourrissez donc
dités des fatalistes?
nues. Mangeons et Lavons », disent les in- que votre
pas, incrédules, de cette consolation
crédules; a car nous mourrons demain ». pardon vous sera accordé. Tournons -nous
Voyez quelle bassesse et quelle abjection C'est I avec ardeur vers la vertu, et vivons réellement
au fond des verres que l'on va puiser cette pour Dieu , en Jésus-Christ.
parole dont on s'arme pour renverser le dogme
.

116 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

HOMELIE III.

Çni EST l'image du dieu invisible, et qui est Nà AVANT TOUTES LES CRÉATURES. CAR TOUT A ÉTÉ
CRÉÉ PAR LUI, DANS LE CIEL ET SUR LA TERRE, LES CHOSES VISIBLES ET LES INVISIBLES, SOIT LES TRO-
NES, SOIT LES DOMINATIONS, SOIT LES PRINCIPAUTÉS, SOIT LES PUISSANCES ; TOUT A ÉTÉ CRÉÉ PAR LUI
ET POUR LU. IL EST AVANT TOUS, ET TOUTES CHOSES SUBSISTENT EN LUI. IL EST LE CHEF ET LA TÊTR
DU CORPS DE l'église, (i, 13-18.)

Analyse*
1. Discussion sur ces mots « q<\\ est l'image du Dieu invisible ».
2. Le Christ est le premier dans les cieux, le premier dans l'Eglise, le premier partout.'
3. Le Christ paciricatcur universel.
4. Les anges gardiens. Avantages de la paix. Suites terribles do la discorde.
6. Lesévêques sont les ambassadeurs de Dieu.

d. C'est aujourd'hui que je dois acquitter la parce que l'art humain est souvent incapable
dette dont hier j'ai différé le paiement, pour de l'atteindre, et n'y arrive même jamais à exa-
ofTrir, à vos âmes avides d'apprendre, le résul- miner les choses avec soin. Mais quand il s'agit
tatde mes reclierclies. En itarlanl de ladignité de Dieu, l'image n'est jamais inexacte, l'image
du Fils, Paul, nousl'avonsvu, s'exprime ainsi: est toujours parfaite. Mais si le Christ est une
o Qui est l'image du Dieu invisible». De quelle créature, comment peut-il être l'image de celui
image parle-l-il, selon vous? S'il est l'image qui l'a créé? Un cheval n'est pas non plus
de Dieu, à labonnc heure car il est Dieu et fils
! l'image d'un homme. Et si l'image n'offre pas
de Dieu. Or ce mot « l'image de Dieu » désigne , la ressemblance de l'Être invisible, qui empê-
une ressemblance il est donc, d'après
parfaite ; che les anges d'en être aussi l'image? Car eux
cela, parfaitement semblable à Dieu. Si vous aussi, ils sont invisibles, mais non pour eux-
pensez qu'il s'agit ici d'une image humaine, mêmes. Mais l'âme est invisible^ et par cela
osez le dire, et je vous laisserai là, comme on même en
qu'elle est invisible, elle est aussi
quille un insensé. Mais pourquoi donc ne quelque sorte l'image de Dieu. Oui mais pas ,

donne-t-on jamaisà un ange le nom d'image comme le Christ. —


«Le premier-né de toutes
ni de fils, tandis que ces deux noms sont sou- « les créatures »
vent donnés à l'homme? C'est que la sublimité 2. Mais quoi, me dira-t-on, il a donc été créé?
de la nature des anges aurait pu jeter, à propos D'où tirez-vous cette conclusion? je vous prie.
de ce double nom, le lecleur ou l'auditeur dans De ce mot « le premier-né ». Mais remarquez
quelque croyance impie; (juand il s'agit de doncqu'il n'y a pas. Le premier créé; mais: Le
l'homme, nature humble et faible, cette dou- premier engendré parce qu'il est dit le pre-
;

ble démonstration est sans danger et ne peut mier engendré, vous dites qu'il a été créé, que
pas égarer même ceux qui voudraient s'égarer. direz-vous, quand vous l'entendrez appeler
Aussi l'Ecriture emploie-t-elle hardiment ces notre frère? Car, aux termes de l'Ecriture, il

noms comme des titres d'honneur pour les est noire frère, et en tout point, sembla-
il est,

plus numbles créatures. Mais quand il s'agit ble à nous. Souliendrons-nous donc pour cela
d'une nature élevée, elle n'eu use plus. qu'il n'est pas notre créateur et qu'il ne nous
a II est l'image du Dieu invisible », dit l'a- est supérieur ni en dignité, ni sous aucun au-
pôtre. Si Dieu est invisible, l'image de Dieu est tre rai)port? Où est l'homme sensé qui pourra
donc invisible aussi comme Dieu autrement ; tenir un semblable langage? Ce mot de pre-
elle ne serait pas l'image de Dieu. Car, même- mier-né ne marque ni la dignité ni l'honneur;
pour nous autres hommes, il fautque l'image, il n'exprime que le temps. Si donc il n'a d'autre

en tant qu'image, soit en tout semblable au avantage que d'être né avant toutes les créa-
modèle, qu'elle en reproduise la forme exacte tures, ce Dieu-Verbe sera de la même substance
et tous les caractères. Mais, chez les hommes, que les pierres, que le bois, et que toutes les
celte parfaite ressemblance est impossible. autres créatures matérielles ; car l'apôlre dit :
COMMENTAIRE SUR L'ÉriTRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE III, 117

« Né avant toutes les créatures ». Mais s'il est contient; le sens de l'apôtre est plus fort; il

ué avant toutes les créatures, direz-vous, c'est dit qu'elles dépendent de lui, qu'elles se rat-
qu'il a été «créé». D'accord, s'il n'avait que tachent à lui. Il suffit, pour qu'elles soient
celte qualité-là, et si l'on ne signalait pas en lui contenues et maintenues, qu'elles reposent,
d'autres rapports a II est le premier-né d'en-
: qu'elles s'appuient sur lui. C'est ainsi qu'il a
a tre lesmorts » (Col. i, 18), «l'aîné entre une placé comme une base de la création, cette
a foule de frères ». (Rom. viii, 29.) Dites-moi, qualité du Christ Né avant toutes lescréatures.
:

je vous prie, que veut dire ceci Le premier- : Cela ne signifie pas que les créatures sont de
né d'entre les morts? Vous ne direz pas qu'on la même essence que lui ; cela veut dire que
l'appelle ainsi, parce qu'il est ressuscité le pre- toutes sont en lui et par lui. Ailleurs aussi,
mier; car l'apôtre n'a pas dit simplement Des : quand il dit : «J'ai jeté les fondements » (ICor.
morts; mais D'entre les morts. Il n'a pas dit
: m, 10), il n'est pas question d'essence , il est
qu'il fut mort le premier il a dit qu'il avait ; question d'un acte.
été le premier-né d'entre les morts. Cela re- Pour que l'on ne s'imagine pas que le Christ
vient donc uniquement à dire qu'il est les pré- joue simplement le rôle de ministre, saint
mices de la résurrection. Ce mot sur lequel on Paul dit qu'il maintient l'univers, œuvre tout
s'appuie ne prouve donc rien. Paul aborde en- aussi grande que de le créer, œuvre encore
suite le dogme en lui-même. Pour que ses au- plus grande, selon nous car la première n'est ;

diteurs ne puissent s'imaginer que le Christ qu'une œuvre d'art, et la seconde n'a pas ce
est postérieur aux anges, parce que sa veuue a caractère car pour maintenir il faut être im-
;

d'abord été annoncée par les anges, il montre mortel. «Et il est avant tons », dit-il. Voilà un
que les anges n'ont jamais eu aucun pouvoir; mot qui s'applique bien à Dieu. Que devient
autrement ce ne serait pas le Christ qui nous Paul de Samosate? «Et toutes choses subsistent
aurait tiré des ténèbres il fait voir en second
: « en lui », c'est-à-dire, ont été faites en lui. II
lieu que le Christ est antérieur aux anges; et retourne sans cesse les mêmes idées, en en-
ce qui le prouve, c'est que les anges ont été chaînant les expressions, en portant à ses ad-
créés par lui. « Car tout a été créé en lui», versaires des coups multipliés qui renversent
dit-il, dans le ciel et dans la terre... de fond en comble un dogme pernicieux. S'il

Que disent maintenant les disciples de Paul a fallu tout cela pour terrasser Paul de Samo-
de Samosate ? Tout a été fait en lui. Car c'est sate, né si longtemps après saint Paul, com-
la parole de saint Paul « Tout a été fait en
: bien Paul de Samosate n'aurait-il pas été plus
lui 8. Saint Paul met en premier lieu ce qui hardi, si saint Paul ne lui avait pas répondu
est en question o Ce qui est dans le ciel », et
: d'avance? « Et toutes choses», dit-il, « subsis-

ensuite -«-Ce qui est dans la terre ». Puis il


: a teut en lui » . Comment toutes choses subsis-
ajoute : « Les choses visibles et les choses in- teraient-elles en lui, s'il ne subsistait pas avant
visibles». Les choses invisibles, par exemple toutes choses ? C'est pourquoi tout ce qui se
l'àme ; les choses visibles, c'est-à-dire tous les fait par l'intermédiaire des anges est son œu-
hommes. Il laisse de côté ce que l'on accorde, vre. « Et il est la tête du corps de l'Eglise ».
pour établir ce qui est en question. Et il dit : De la dignité du Christ l'apôtre passe à sa
Soit les trônes, soit les dominations, soit les bonté, a II est», dit-il, « la tète du corps de
principautés, soit les puissances ». Ce mot « l'Eglise ». Il n'a plénitude », pas dit de la «

«soit» entraîne tout. L'Esprit-Saint n'est pas quoique son expression ait le même sens; mais
au nombre des puissances. Mais Paul descend il a voulu nous montrer combien il avait à
ici par degrés du plus au moins. «Tout», dit-il, cœur de se rapprocher de nous, puisque, mal-
«a été fait en lui et parlai». «En lui», veut — gré cette élévation suprême qui le met au-des-
dire par lui »; car cette dernière expres-
ici « sus de tout, il ceux qui sont
est ainsi attaché à
sion a été ajoutée pour expliquer la première. tellement au-dessous de lui. Car il est le pre-
« En lui », quelle est la portée de ce mot ? Il mier partout le premier dans lescieux; le
:

veut dire qu'à lui se rattache toute substance ;


premier dans l'Eglise dont il est la tête le pre- ;

non-seulement il a tiré les créatures du néant, mier dans la résurrection. Tel est le sens de
mais il les contient, il les maintient. Si elles ce mot « Afin qu'il soit le premier».
:

étaient arrachées à sa providence, elles péri- 3. C'est pourquoi il est aussi le premier en
raient. Mais il n'a pas dit simplement ; Il les génération. Et c'est ce que Paul s'étudie sur-
Ufi TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

tout à démontrer. Car s'il a été prouvé qu'il « réconciliés par lui » . (H Cor. xv.) Cette récon-
existe avant tous anges, il s'ensuit que
les ciliation avait déjà commencé; mais il fallait

toutes les œuvres des auges sont ses œuvres, et qu'elle fût parfaite, pour qu'ils ne fussent plus
ont eu lieu par son ordre. Chose étonnante, is& ennemis de Dieu. Comment s'opère-t-elle?
saint Paul tend à nous montrer le CLrist C'est ce qu'il dit ensuite. Il parle non-seule- J
counne le i)reniier partout même dans sa ment de mais du mode de
la réconciliation, *
seconde naissance. Ailleurs il nous montre, réconciliation. «Pacifiant par le sang répandu
dans Adam, le premier homme, et il a raison. « sur la croix». Nous étions des ennemis pout
Mais ici il entend par l'Eglise toute la réunion Dieu; —il nous a réconciliés. Il y avait guerre;

des hommes, tout le genre humain; et le Christ — il a ramené la paix. « Pacifiant», dit-il, «par '

est le chef, le premier de l'Eglise, et il est le « le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce

premier de la création , selon la chair. Voilà « qui est sur la terre que ce qui est au ciel».
pourquoi l'apôlre emploie ici le mol de « pre- C'est déjà beaucoup que celte réconciliation ;

mier-né. Que veut dire ici le «premier-né?» c'est un bienfait plus grand encore quand elle
Cela veut dire le «premier créé», ou celui qui s'opère par l'intermédiaire de Dieu c'est plus ;

est ressuscilé le jiremier de tous, comme ail- encore, quand elle esl scellée de son sang. Et
leurs, qui est avant tous. Ici saint Paul se sert par son sang versé sur une croix. 11 y a donc
du mot de «prémices», en disant «Qui est : là cinq choses admirables une réconciliation, :

comme les prémices et le premier-né d'entre un Dieu qui l'accepte, un Dieu qui se sacrifie,
« les morts, afin qu'il soit le premier en tout», la mort de ce Dieu, la mort sur une croix.
montrant par là aussi qu'il s'est fait semhhihle Voyez comme il a rassemblé toutes ces mer-
à nous. Ailleurs il ne s'est pas servi de ces veilles.Pour que l'on n'aille pas confondre,
expressions; il a dit que le Christ est rimuge pour qut l'atlenlion ne s'arrête point en parti-
du Uieu invisible, tandis qu'ici c'est «le pre- culier sur cette croix qui n'a rien de grand
«mier-né d'entre les morts». par elle-même, il dit: «Son sang qu'il a répandu
« Parce qu'il a plu au Père que toute pléni- «lui-même». Qu'est-ce qui fait ici la grandeur
a tude résidât en lui, et de réconcilier toutes du sacrifice? C'est que Dieu opère le miracle,
a choses avec soi par lui; pacifiant, parle sang non par sa parole, mais en s'oiïrant lui-même,
répandu sur la croix, tant ce qui est
qu'il a par sa réconciliation. Mais que veut dire ce
« sur la terre que ce qui est dans le ciel». Tout mot: «Ce qui est dans le ciel?» Car, pour ce qui
ce qui est au Père est aussi au Fils, et plus appartient à la terre, cette pacification se con-
même en quelque sorte, puisqu'il est mort çoit. Elle inondée de haines et de divi-
était
pour nous et s'est uni à nous. Il se sert du sions, et chacun de nous était en guerre avec
mot a prémices», comme s'il parlait d'un fruit. lui-même et avec une foule d'ennemis. Mais
Il ne parle pas expressément de la résurrec- le ciel qu'avail-il besoin d'être pacifié? Est-ce
tion il emploie ici le mot « prémices», pour
; que là aussi ily avait guerre et combat? Et
monlrcr dans le Christ le pontife qui nous a celte prière : «Que votre volonté soit faite sur
tous sanctiliés et (jui a ollèil pour nous le sa- « la terre, comme au ciel», que si^nifie-t-elle
crifice. Le mot de « plénitude» s'appiiciue à sa donc? C'est qu'il y avait scission entre la terre
divinité. C'est ainsi que saint Jean disait: et le cielc'est que les anges faisaient la guerre
;

« Nous avons tous reçu de sa |)lénilude». (Jean, aux hommes, en voyant Uieu abreuvé d'op-
I, 16). Fils ou Verbe de Dieu, il est ainsi par probres et d'outrages. Saint Paul dit que la
essence et non par une opération quelconque. paix est rétablie par le Christ, dans le ciel et
Saint Paul ne peut attribuer cette manière sur la terre. (Eph. i, 19.) El comment? Voici ce
d'elle ut ces hicnlails qu'à la volonté du Père. qui se passa dans Le Christ y transporta
le ciel.

Tel a été le bon plaisir du Père; « il lui a plu l'homme, il fit monter dans le ciel l'ennemi
« autsi de réconcilier toutes choses avec soi des anges, celui (ju'ils abhorraient. Non-seule-
par lui». ment il rendit la |)aix à la lerre, mais il lit

Ne pensez pas que le Christ ait joué là le asseoir auprès des anges leur ennemi particu-
rôle d'un serviteur. «Avec soi», dit-il. Et lier, leur ennemi déclaré. De là une paix pro-
ailleurs, dans l'épîlre aux Corinlliieiis, par fonde. Les anges reparaissent sur la lerre, de-
e.\eiii|ilL', il est dit ipio le Christ a réconcilié puis ijue l'homme à sou tour a dans le ciel
lait

les he'ianies avec Dieu. 11 a raison de dire son apparition. C'est pour cela que Paul a élé
(COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE. III. m
ravi au ciel, selon moi; c'est pour rendre té- Voilà pourquoi nous prions en invoquant
moignage de l'ascension du Fils. Sur la terre l'ange de paix ; car c'est toujours que la paix
la paix existe doublement la terre est en paix
: nous demandons. Rien en compa-
effet n'est

avec le ciel; la terre est en paix avec elle- rable à ce bien. C'est la paix que nous deman-
même. Dans le ciel, la paix est une et toujours dons dans nos églises, dans nos prières, dans
la même. Si le repentir d'un seul pécheur est nos salutations, et le prêtre nous souhaite ce
un si grand sujet de joie pour les anges, bien jusqu'à deux ou trois fois, en nous disant:
que sera pour eux le repentir de tant de pé- «La paix soit avec vousl» Pourquoi? Parce
cheurs? La puissance divine a produit ces mi- que la paix est la mère de tous les biens, la
racles. Pourquoi donc, dit-il, avez-vous con- matière et la source de toutes les joies. Voilà
fiance dans les anges? Loin de vous mener au pourquoi le Christ a ordonné aux apôtres de
ciel par la main loin de vous en donner
, dire, quand ils entrent dans une maison, cette
accès, ilsvous ont fait la guerre, et, sans cette parole comme symbole de tous les biens
, :

réconciliation dont Dieu a été le médiateur, « Quand vous entrez dans ime maison, dites:

vous n'auriez jamais obtenu la paix. Pourquoi « Que la paix soit avec vous » (Matth. x, 12.) 1

donc accourir vers les anges? Voulez-vous sa- C'est que, sans la paix, tout le reste est su-
voir quelle était pour nous la haine, l'aversion perflu. Et le disciple du Christ disait aussi :

éternelle des anges? Ce sont eux qui ont mis- a Je vous vous donne ma
laisse la paix, je
sion de punir les Israélites, de punir David, de « paix». (Jean, xiv, 27.) C'est la paix qui nous

punir Sodome, de punir les hommes dans la fraie un chemin vers la charité. Et le prêtre
vallée des larmes. Les temps sont bien changés. ne se contente pas de dire «Que la paix soit :

Ils ont entonné, sur la terre, un cantique d'al- « avec vous!» Il dit «Paix à tout le monde! »
:

légresse, le Christ les a conduits vers nous; le Car si nous sommes en paix avec l'un et en
Christ nous a élevés jusqu'à eux. guerre avec l'autre, quel fruit retirerons-nous
4. Contemplez le miracle. Après avoir fait d'un pareil état de choses ? Dans le corps hu-
descendre les anges sur la terre, il a élevé main, si certains organes sont tranquilles et
l'homme jusqu'à eux. La terre est devenue le d'autres troublés, la santé est impossible; elle
ciel, du moment où le ciel s'est ouvert pour résultedu bon ordre, de la bonne harmonie,
recevoir la terre. De là cette action de grâces : du calme qui règne dans l'organisme entier :

« Gloire à Dieu, dans le ciel, et paix, sur la terre, si tout n'est pas tranquille, si tout n'est point
a aux hommes de bonne volontél» (Luc, ii, à sa place, y aura un bouleversement géné-
il

14.) Voici, dit l'Evangéliste, voici venir des ral. Il en de même de notre âme si nos
est :

hommes en paix avec Dieu. Qu'est-ce que cette pensées sont tumultueuses, elle ne peut pas
paix? La réconciliation. Le ciel n'est plus une être en paix. C'est une si bonne chose que la
muraHIe placée entre Dieu et l'homme. Autre- paix! Ceux qui la font naître, ceux qui la ci-
fois c'était par le nombre des nations que l'on mentent, portent le nom d'enfants de Dieu et
comptait les anges. (Dent, xxxn, 8.) Aujour- ils le méritent. (Matth. v, 45.) Le Fils de Dieu
d'hui ce n'est plus par le nombre des nations, lui-même n'est-il pas venu sur la terre pour
c'est par le nombre des fidèles qu'on les pacifier la terre et le ciel? Si les enfants de
compte. Voulez -vous en avoir la preuve? Dieu sont pacifiques , ceux qui s'étudient à
Ecoutez cette parole du Christ «Gardez-vous : servir les révolutions sont les enfants du dé-
« de mépriser aucun de ces petits enfants. mon. Quoi déchaîner les dissensions et la
1

« Leurs anges voient face à face mou Père qui discorde Et qui donc est assez malheureux
!

«est dans les cieux». (Matth. xviii, dO.) Tout pour cela? Ah! il n'y a que trop de gens qui
fidèleen eflet a son ange gardien, et dans les aiment le mal, qui déchirent et qui percent le
premiers temps tout homme vertueux avait corps du Christ plus cruellement encore que
aussi le sien, comme dit Job «L'ange qui: les soldats avec leurs lances, et les juifs avec
«me soutient et qui me soulage, depuis ma leurs clous. Car ces derniers enfin lui faisaient
«jeunesse». (Gen. xlvui, 16.) Si donc nous moins de mal ; les plaies qu'ils ont faites au
avons des anges gardiens, conduisons-nous Christ se sont cicatrisées. Mais ces membres
sagement, comme si nous avions auprès de
nous (les surveillants; car nous avons aussi
que la discorde retranche de l'Eglise, si l'on
no parvient à les réunir bientôt, ils ne se réu-
i
près de uous le démon. niront jamais et resteront à jamais séparés du
,

«30 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

corps des fiJèles. Quand vous voudrez faire la roles. Je suis tel que vous dites, en effet, mais
guerre à votre fière, songez que vous allez Dieu ,
pour être utile à l'humanité , assiste
faire la guerre aux membres du Christ, et d'ordinaire les créatures imparfaites. Et la
calmez votre fureur. Mais c'est un être abject, preuve c'est qu'il a daigné parler à Caïn à
•vil et méprisable... écoutez le Christ... «Ce cause d'Abel, au démon à cause deJob, à Pha-
a n'est pas la volonté de mon Père qu'aucun raon à cause de Joseph à Nabuchodonosor et ,

« de ces petits périsse». (Matlh.xviii,14.)Etces à Balthasar à cause de Daniel. Les magiciens


))aroles Leurs anges voient toujours face à
: « eux-mêmes ont obtenu le bienfait de la révé-
« face mon
Père qui est dans le ciel». (Ibid. lation et Caïplie, tout meurtrier du Christ
,

10.) C'est pour lui que Dieu a soulTert l'escla- qu'il était, tout indigne qu'il était de la fa-
vage et la mort, et vous croyez que cet être veur divine , a eu le don de prophétie pour ,

dont vous parlez n'est rien ? Mais en conibat- la dignité du sacerdoce. C'est en considération
laut contre lui, c'est contre Dieu que vous de cette dignité qu'Aaron fut épargné par la
combattez, en jugeant cet homme autrement lèpre. Pourquoi donc, en etrel, je vous le de-
que Dieu ne l'a jugé. Le prêtre, aussitôt qu'il mande, sa sœur a-t-elleété seule punie, quand il
entre , dit : «Paix entre tousl » Quand il fait avait murnuu'é comme elle? Ne vous en éton-
un sermon, quand il harangue les fidèles, il dit: nez pas. Qu'un homme revêtu des dignités
o Paix entre tous ! » — « Paix entre tous ! o dit-il, temporelles soit courbé sous le poids d'accu-
eu terminant le sacrifice. Et au milieu du sa- sations innombrables, on ne le mettra en ju-
crifice, il dit encore : «Que la grâce et la paix gement que lorsqu'il aura déposé cette di-
soient avec vous!» N'est-il pas absurde, gnité, pour que l'opprobre ne rejaillisse pas
quand on nous recommande si souvent la sur elle. 11 doit en être ainsi à plus forte rai-
paix, d'être toujours en guerre les uns avec son pour l'homme revêtu d'un pouvoir spiri-
les autres, de rendre guerre pour guerre et de tuel, et qui, quel qu'il soit d'ailleurs, opère
combattre celui-là même ([ui nous offre sa par gràcedcDieu. lldoitenêtreainsi; autre-
la

paix? Vous dites à cet homme «Que la paix : nienttout scraitperdu. Maisunefois qu'ilaura
«soit avec votre esprit!» Et dehors vous le déposé le pouvoir, soit au sortir de la vie, soit
calomniez! Hélas 1 ces saintes et vénérables durant celle vie même, il sera puni plus sé-
paroles ne sont plus que des symboles sans vèrement que les autres. N'allez pas croire que
consistance. Hélas! ce qui devait nous servir c'est nous qui vous parlons ainsi. C'est la
de drapeau n'est plus qu'un mot vide. Aussi grâce de Dieu qui opère dans son serviteur
ignorez-vous jusqu'au sens de ces mots: «Paix indigne, non pas à cause de nous, mais à cause
a entre tous! » Mais écoutez encore le Christ : de vous.
Dans quelque dans quelque bourg que
ville, Ecoutez donc cette parole du Christ o Si la :

vous entriez, « Entrant dans la maison, salucz- « maison en est digne qup votre paix des- ,

« la si cette maison en est digne, votre paix


: a cende sur elle ». Or comment peut-elle en
o viendra sur elle; si elle n'en est pas digne, être digne? En vous accueillant, dit le Christ.
a votre paix reviendra à vous». (Malth. x, 12, « Mais s'ils ne vous accueillent pas , s'ils ne

13.) Ce qui cause encore notre ignorance, c'est a vous écoutent pas en vérité, je vous le dis,
,

que nous ne voyons dans tout cela qu'une a la terre de Sodome et de Gomorrhe sera

figure à laquelle nous ne faisons pas attention. a mieux traitéeau jour du jugement, que cette
Est-ce que c'est moi qui vous donne la [laix? «cité». (Matlh. x, 13-15.) Mais à quoi bon
C'est le Christ qui daigne vous parler par ma nous accueilhr, si vous ne nous écoutez pas?
bouche. Quand nous n'aurions pas habituelle- Quel fruit vous revient-il des honneurs que
ment la grâce, nous l'avons pour nous adresser vous nous rendez si vous ne faites pas atten-
,

à vous. Si la grâce de Dieu a oi)éré dans une tion à ce qu'on vous dit? Voulez-vous nous
âme, dans un prophète, pour la dispensalion rendre un témoignage d'honneur et de respect
de ses bienfaits, pour l'utilité des Israélites, il au(iucl nous tenions, et qui vous soit utile ainsi
est clair qu'elle ne refusera pas d'opérer en qu'à nous? Ecoulez notre parole. Ecoutez saint
nous et de nous soutenir. Paul qui vous dit : « Je ne savais pas, mes
5. Qu'on ne dise donc pas que je suis un -•'
frères, que ce fût un pontife ». (Act. xxui
cire im|iarlait, vil,alijijct et de nulle valeur, cl 5.) Ecoutez aussi le Christ : « Observez », dit-
qu'on ne doit pas faire attention à mes pa- il, a et faites tout ce qu'ils vous disent »,
,,
,

OMMEiNTAlRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS, — HOMÉLIE IV. m


(Mallli. \xm, 3.) Ce n'est pas moi que vous ni de l'or, que nous nous engageons à vous
méprisez, c'est le sacerdoce. Quand vous m'en livrer.Nous vous promettons le royaume des
verrez dépouillé , alors méprisez-moi , alors cieuxjla vie éternelle, la vue du Christ, et tant
de mon côté je ne vous ordonnerai plus rien. d'autres biens que nous ne pouvons énumé-
Mais tant que nous occupons ce siège , tant rer, et que vous ne pouvez connaître tant ,

que nous sommes à la tête de cette Eglise ; que nous sommes dans les liens du corps et
nous avons l'autorilé et le pouvoir, bien que de celte vie mortelle. C'est donc une ambas-
nous en soyons indigne. Si le trône de Moïse sade dont nous nous acquittons. Et nous vou-
était assez .respectable pour faire écouter lons être honorés, non pas pour nous, indignes
Moïse, il en est de même à plus forte raison que nous sommes mais pour vous, pour que
,

du trône du Christ c'est ce trône que nous


: vous fassiez attention à nos paroles pour ,

avons reçu, c'est du haut de ce trône que nous qu'elles vous soient utiles pour que nous ne ,

vous parlons, depuis le jour ou le Christafait trouvions pas en vous des auditeurs insensibles
de nous son ministre de paix. ou négligents. Ne voyez-vous pas comme on
Les embassadeurs quels qu'ils soient, doi-
,
entoure ambassadeurs, comme on se presse
les
vent à leur titre de grands honneurs. Voyez autour d'eux? Eh bien Nous sommes accré- 1

ils pénètrent jusqu'au cœur d'un pays bar- dités par Dieu, pour lui servir d'ambassa-
bare; les voilà seuls au milieu de tant d'en- deurs auprès des hommes. Si les paroles que
nemis Et pourtant grâce à leur litre , tous
1
,
nous sommes chargés de vous adresser vous
ces ennemis les considèrent, tous ces ennemis blessent, ce n'est pas notre faute ; c'est notre
les laissent partir et veillent à leur siireté. Et épiscopat qui nous force à vous les adresser.
nous aussi nous sommes envoyés en embas- Ce ou tel homme qui vous parle ;
n'est pas tel
sade nous sommes les ambassadeurs de Dieu
; : c'est l'évèque ne m'écoutez point
: mais ;

c'est là le titre que nous donne l'épiscopat. écoutez l'ambassadeur de Dieu. Faisons donc
Nous venons donc à vous en ambassadeurs tous nos efforts pour plaire à Dieu efforçons- ;

pour vous demander la paix et pour vous en nous de vivre pour sa gloire et de nous mon-
dire les conditions. Ce ne sont ni des cités trer dignes des biens promis à ceux qui l'ai-
ni des mesures de froment ni des esclaves , ment, par la grâce et la bonté, etc..

HOMELIE IV.

vous ÉTIEZ VOUS-MÊMES AUTREFOIS ÉLOIGNÉS DE DIEU, ET VOTRE ESPRIT, ABANDONNÉ A DBS OEUVRES
CRIMINELLES, VOUS RENDAIT SES ENNEMIS. —
MAIS MAINTENANT JÉSUS-CHRIST VOUS A RÉCONCILIÉS PAR
LA MORT qu'il A SOUFFERTE DANS SON CORPS MORTEL, POUR VOUS RENDRE SAINTS, PURS BT IRRÉPRÉ-
HBNSIULES DEVANT LUI. (l, 21, 22.)

Analyse.
1. Jésas nons a réconciliîb par sa mort, pour nous rendre saints, si toutefois nous restons inébranlables dans l'espérance et dans
la foi.

2. Jésus intercède pour nous dans le ciel et continue k souffrir pour nous sur la terre, daij la personne de ses apfltres.
3. Ne pas s'enquérir de l'année où le Christ est arrivé, mais du bien qu'il a fait.
i. Les Juifs, suus Moïse, comparés à des enfanls. Eloge de Moïse.

i. Il montre ici que le Christ a réconcilié a Vous étiez autrefois éloignésde Dieu ». Il a
avec Dieu ceux qui n'en étaient pas dignes. l'air de dire ici même
chose ; mais il n'en
la
Dire qu'ils étaient en la puissance de l'esprit est pas ainsi. Car ce n'est pas la même chose de
de ténèbres, c'est montrer toute l'étendue de délivrer celui qui était condamné par la né-
leur maliiour; mais pour (pic l'on ne voie cessité à souffrir, et de délivrer l'homme qui
point dans celle puissance de l'esprit de ténè- s'était condamné à souffrir lui-même , de son
bres un joug nécessaire , saint Paul a ajouté : plein gré. Celui-ci est digne de haine, l'autre
133 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

digne de pitié. Eh bien! dit -il, ce n'était de la croix, puisil mentionne un nouveau
est
point malgré vous, ce n'était point par néces- bienfait. Non-seulement le Christ a délivré
sité c'était de votre plein gré, c'était bien vo-
,
les hommes, mais, comme ill'a dit plus haut,
lontairement que vous vous étiez séparés de il rendus propres à recevoir ses bien-
les a

lui. Vous étiez indignes de ses bienfaits, et il faits. C'est ce qu'il fait entendre aussi, dans

vous a délivrés. Et, tout en rappelant les choses ce passage, par ces mots « Pour vous rendre
:

du ciel, il montre que les inimitiés ne sont pas Q saints, purs et irrépréhensibles devant lui »•

venues du ciel, mais sont venues de la terre. C'est qu'il a souffert pour les délivrer de leurs

Car depuis longtemps déjà les anges voulaient maux et pour les élever au plus haut rang,
la réconciliation Dieu la voulait aussi : mais
;
comme un être bienfaisant qui , après avoir
vous ne la vouliez pas, vous. Et il montre délivréun coupable le ferait monter au faste
,

que dans la suite des temps , les anges n'au- des honneurs. Non content de les mettre au
raient rien pu faire pour les hommes, si les rang de ceux qui n'ont pas péché, il les met au
hommes étaient restés ennemis de Dieu. Ils nombre de ceux qui ont failles actions les plus

n'auraient pu ni les persuader, ni, en les per- grandes et les plus illustres et, bienfait plus :

suadant, les délivrer du démon. A quoi bon précieux encore, il les a rendus saints devant
lespersuader, en effet, si celui qui les tenait lui. Remarquez quecemot irrépréhensible dit

sous son joug n'avait pas été enchaîné ? A quoi encore plus que pur de tout opprobre. Etre
bon l'enchaîner, si ses esclaves n'avaient pas irrépréhensible, c'est ne pas donner prise à la
voulu revenir à la liberté? 11 fallait donc la moindre accusation, au moindre blâme. Mais,
réunion de deux conditions dont ni l'une ui après avoir rendu pleine et entière justice àce
l'autre ne pouvaient être remplies par les an- Dieu qui a tout fait pour nous, en mourant
ges, et ces deux conditions ont été réalisées pour nous, aûn de fermer la bouche à ceux
par le Christ. C'était donc un plus grand mi- qui voudraient dire que nous n'avons plus
racle encore de persuader les hommes que de rien à faire, il a ajouté : a Si toutefois vous
les affranchir de la mort. Le Christ tout seul « demeurez ancrés et affermis dans la foi , et

pouvait accomplir ce dernier miracle; l'ac- a inébranlables dans l'espérance que vous
complissement du premier dépendait à la fois «donne l'Evangile (23) ».
de lui et de nous. Or, ce qui ne dépend que de Il les ici de leur fedeur. Il ne se
reprend
celui qui agit, est toujours plus facile. C'est borne pas à dire; «Si vous demeurez», car on
donc du premier de ces miracles que saint peut demeurer debout tout en chancelant et
,

Paul parle en dernier lieu, parce qu'il est le en s'agitant à droite et à gauche ou peut en- ;

plus grand. Il n'a pas dit Vous simplement : core rester debout, en tournant sur soi-même.
étiez les ennemis de Dieu; il a dit a Vous : Mais il faut rester, dit l'apôtre, « ancré, affer-
a étiez éloignés de Dieu» ce qui indic^ue une ;
«niiet inébranlable «.Voyez quel luxe de figu-
inimitié violente. Et non-seulement ils étaient res C'est peu de ne pas chanceler; il ne faut
!

éloignés de Dieu mais ils ne pensaient pas à


,
pas bouger. Il ne leur impose pas là des de-
revenir à lui. Il dit qu'ils étaient ses ennemis voirs bien lourds, ni bien pénibles à remplir;
du fond du cœur, faisant voir par là que cette il recommande seulement la foi et l'espé-
inimitié n'était pas seulement une affaire de rance. H veut dire Soyez fermes dans la
:

choix et de n llexion. Mais que dit-il encore ? croyance que l'espérance des biens futurs
• Votre esprit était abandonné à des œuvres repose sur la vérité. Il ne demande là rien
c criminelles». Vous étiez, dit-il, les ennemis d'impossible ; mais dans la vertu, il faut de-
de Dieu, et vous agissiez en ennemis à son meurer inébranlable. que le de-
C'est ainsi

égard. voir devient facile. « Dans l'espérance que


a Mais maintenant Jésus-Christ vous a ré- a donne l'Evangile qu'on vous a annoncé, qui
c conciliés par la mort qu'il a soufferte dans « a été prêché à toutes les créatures qui sont
« son corps mortel pour vous rendre saints,
,
a sous le ciel ». Or, quelle est cette espérance
a purs et irrépréhensibles devant lui ». Il que donne l'Evangile, si ce n'est le Christ lui-
parle delà manière dont la réconciliation s'est même? C'est lui qui est notre espoir et qui a
opérée. Après avoir été frappé , flagellé et opéré toutes ces œuvres. Celui (jui met son
vendu, le Christ a subi la mort la plus hon- es[>oir dans un autre, ne reste plus inébran-

teuse. Il fait encore ici allusion au supplice lable? Et pour lui, tout est perdu; s'il ne croit
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE IV. 423

pas en Jésus-Christ, a L'Evangile qu'on vous ^k'°, c'est à la sienne que nous avons mis la
«a annoncé», prend à témoin;
dit-il. Il les main. comme si une armée, commandée
C'est
puis il prend à témoin l'univers entier. Il ne par un général bien capable de la défendre et
dit pas « Qui est prêché », mais
: a Qui a été : de la protéger, venait à perdre son chef et
« ])rêché, qui a été cru», comme ill'a déjà dit trouvait pour le remplacer, jusqu'à la fin de
en commençant et en invoquant une foule de la guerre, un lieutenant qui recevrait les bles-
témoins, pour affermir leur foi. Et «dont sures et les coups d'épée portés au chef de
a moi, Paul, j'ai été établi ministre ». Par ce l'armée.
moyen, il donne encore plus d'autorité à sa Et ce qui prouve que tout ce que fait l'apô-
parole. « Moi , Paul » dit-il. Son influence
, tre, il le fait pour le Christ , ce sont ces pa-
était déjà grande; son nom était partout cé- roles Pour son corps ». 11 veut dire
: « Ce :

lèbre; il enseignait dans tout l'univers. «Main- n'est pas à vous, c'estau Christ que je veux
ci tenant, je me complais dans les maux que être agréable; car je souffre pour lui ce qu'il
« je souffre pour vous, et j'accomplis dans ma devait souffrir lui-même. Quelle preuve que
o chair ce qui reste à souffrir à Jésus-Christ, ces paroles Quel amour du Christ elles res-
!

en souffrant moi-même pour son corps qui pirent! C'est ainsi que, dans sa seconde épître
est l'Eglise (24) ». aux Corinthiens, Il disait: «Il nous a confié un
2. Voyez comme ce verset se rattache bien «ministère de réconciliation»; et encore: «Nous
au précédent. Il semble s'en détacher mais il ; «sommes les ambassadeurs du Christ; c'est
a avec lui une liaison intime. J'ai été établi « Dieu qui vous exhorte, par notre bouche ».

ministre de l'Evangile, dit-il, c'est-à-dire, je (Il Cor. v, 18, 20.) C'est ainsi qu'il parle, en
viens à vous non pour vous apiiorter quelque ce passage : C'est pour lui que je souffre. 11
chose de moi mais pour vous annoncer ce
, voulait par là attirer encore davantage ses au-
qui émane d'un autre. Je crois donc que je diteurs. C'est comme s'il disait Votre débi- :

souffre en son lieu et place, et, tandis que je teur est parti; mais j'acquitte le reste de sa
souffre, je me complais dans mes souffrances, dette. Voilà le sens de ce mot a Ce qui reste à
:

les yeux brillants d'espoir et tixés sur l'avenir ;


« souffrir ». 11 veut montrer que, selon lui,
et ce n'est pas pour moi c'est pour vous que ,
Jésus-Christ n'a pas encore souffert [lour nous
je souffre. Et « j'accomplis dans ma chair ce tout ce qu'il avait à souffrir. Il dit encore que
a qui reste à souffrir à Jésus-Christ ». Ce lan- le Christ souffre, après sa mort, les maux
gage paraît ambitieux et pourtant il n'a rien
; qu'il peut encore avoir à supporter; ce qui
d'arrogant, à Dieu ne plaise! Il est plutôt em- rap[)elle ce passage de l'épîlre aux Ro-
preint d'un ardent amour pour le Christ. Ses mains «Il intercède encore pour nous».
:

souffrances, dit-il, ne sont pas les siennes; ce (Rom. viii, 34.) 11 montre que non content ,

soTît les souffrances du Christ. Il cherche en , de mourir pour eux, le Christ prodigue en-
parlant ainsi, à se concilier ses auditeurs. Ce core aux hommes des bienfaits sans nombre.
que je souffre, dit-il, c'est pour lui que je le Il tient ce langage, non pour s'élever lui-
souffre c'est donc lui et non pas moi qu'il
: même, mais pour montrer que le Christ veille
faut remercier ; car c'est lui qui souffre. C'est encore sur eux. Et il le prouve par ces mots
comme siun homme envoyé auprès d'un qu'il ajoute: « Pour son corps». Voyons
autre, priait un tiers d'y aller à sa place, et comme le Christ a su nous rattacher à lui.
comme si ce dernier disait : C'est pour un tel Pourquoi donc recourir à l'intermédiaire des
que j'agis. Saint Paul ne rougit donc pas d'ap- anges? « Dont j'ai été établi le ministre », dit
peler ses souffrances les souffrances du Christ. Paul. A quoi bon d'autres messagers? C'est
Car le Christ est mort pour nous, et même, moi qui suis son ministre. Puis il montre
après sa mort, il s'est montré prêta supjiorter qu'il n'a rien fait en son nom puisqu'il n'est ,

pour nous les afflictions. L'apôtre s'efforce de que ministre.


démontrer que c'est le Christ qui maintenant « Dont j'ai été établi ministre, selon la
encore affronte le péril dans l'intérêt de son , « charge que Dieu m'a donnée pour l'exercer
Eglise, et il fait allusion à cette vérité, en di- « envers vous, afin que je m'acquitte pleine-
sant Ce n'est pas nous qui vous ramenons
:
;
ment du ministère de la parole de Dieu (25) ».
c'est lui qui vous ramène, bien que ce soit — « La charge que Dieu m'a donnée ». Peut-
nous qui agissions. Car ce n'est pas à notre œu- être veut-il dire Le Christ, en vous quittant
:
124 TKADrCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

nous a donné une cbarge à remplir auprès de réussi, le temps n'aurait pas suffi pour l'excu-
vous, pour que vous n'eussiez pas l'air d'être ser. Mais puisque son œuvre s'est accomplie,
complètement abandonnés; car c'est lui qui a pourquoi nous parier du temps? Quand un
soulTert; c'est lui qui s'acquitte d'une mission. médecin soigne un malade et le guérit, on ne
Peut-être veut-il dire : J'étais le plus zélé per- lui demande pas compte du traitement qu'il a

sécuteur des croyants, et Dieu a permis que je appliqué. Quand un général a remporté la
fusse persécuté à mon tour, pour donner plus victoire, on ne lui demande pas compte de

d'autorité à ma prédicatioii. Peut-être o cette l'heure et du terrain qu'ila choisi. S'il n'avait
cbarge que Dieu lui a donnée » est-elle la pas réussi, on pourrait l'interroger. Mais, puis-
mission qu'il a, non de faire de grandes œu- qu'il a réussi, il faut l'accueillir avec éloge.
vres et des actions illustres, mais de répan- Que faut-il croire, dites-moi, vos raisonne-
dre la foi et de conférer le baptême. Autre- ments calomnieux ou celte œuvre si parfaite?
ment, dit-il, vous n'auriez pas accueilli la pa- A-t-il remporté ou non la victoire? dites-moi.

role de Dieu. A-t-il triomphé ou non de tous les obstacles? Sa


« Afin que je m'acquitte pleinement du mi- parole s'est-elle accomplie ou non? Voilà cequ'il
n nislère de la parole de Dieu », en la prêchant faut examiner. Dites-moi Si : vous ne croyez pas
aux nations. Et il montre par là que leur foi au Christ, croyez-vous en Dieu? Est-il vrai,
est encore cbancelante. « Afin que je m'ac- je vous le demande, que Dieu n'ait pas eu de
a quitte pleinement ». Si les nations dispersées commencement? Cela est vrai, me répondrez-
ont ouvert leurs âmes à des dogmes aussi pro- vous. Mais, dites-moi; pourquoi ne s'y est-il
fonds, ce n'eit pas l'œuvre de Paul, mais l'œu- pas pris dix mille ans plus tôt, pour créer les
vre d'une providence divine. Car moi, dit-il, hommes? De cette manière, le monde aurait
je n'aurais pu opérer ce miracle. Après avoir duré plus longtemps. Car si l'existence est un
exprimé cette grande idée que ses souffrances bien, mieux vaut la commencer plus tôt. Mais
sont celles du Cbrist, il ajoute que s'il s'ac- les hommes ont-ils donc perdu à ne pas exister
quitte pleinement du ministère de la parole plus tôt? Non sans doute, et celui qui les a faits
de Dieu, c'est là l'œuvre de Dieu. Et ici encore sait pourquoi. Autre question Pourquoi n'a- :

il fait entrevoir que s'ils sont capables d'en- t-il pas créé tous les hommes à la fois et en
tendre la parole divine, c'est une œuvre de la même temps? L'aîné du premier homme a
providence divine. Car Dieu ne fait rien à la tant d'années ; l'aîné de l'homme qui nait
légère. Quand
descend jusqu'à l'homme,
il moins? Pourquoi a-t-il fait ve-
plus tard en a
c'est un liant sentiment d'bumanité qui le nir au monde les uns plus tôt, les autres plus
guide. Et voilà pourquoi le Cbrist est venu tard? Voilà des points vraiment dignes de
maintenant et non autrefois. C'est ainsi que faire question, sans mériter cependant de cu-
dans sou Evangile il est dit qu'il a envoyé en rieuses recherches. Mais pourquoi le Christ est-
avant ses serviteurs, afin que le Fils de Dieu il venu plus tôt ou plus tard? 11 ne faut même
ne fût pas àl'instantmêmeimmolé. Puisqu'on pas le demander, car j'ai déjà dit pourquoi, et
ne l'a pas épargné, en effet, quand il est venu je ne pourrais que me répéter;
après eux, on l'aurait épargné bien moins en- Figurez-vous l'humanité comme ayant une
core, s'il avait pris les devants. S'ils n'ont pas existence à elle les temps primitifs sont l'ado-
:

voulu écouter l'bumble parole des précur- lescence du genre humain l'âge suivant est ;

seurs, comment auraient-ils pu écouter la doc- sa jeunesse; les siècles de décadence sont sa
trine sublime du Christ? Que dit-il donc? vieillesse. Alors, quand l'âme possède toute sa
Est-ce qu'aujourd'hui encore les juifs et les vigueur, quand le corps a perdu la sienne et
gentils ne sont pas remplis d'imperfections? ne fait plus la guerre à l'âme, on est porté à la
Ah c'est là le comble de la faiblesse. Après
! philosophie. Eh dira-t-on, dans la
bien 1 me
tantd'années, après tant de preuves, être en- pratique il en autrement; car nous
est tout
core si imparfait, c'est être bien tiède. instruisons les jeunes gens. Il est vrai, mais
3. Quand donc nous diront: Pour-
les gentils nous ne leur enseignons pas les hautes scien-
quoi le Christ n'est-il venu qu'à présent? ne ces, mais la rhétorique et l'éloquence on étu- :

les laissons pas dire; mais demandons-leur die la philosophie, quand on est dans toute la
s'il n'a pas bien accompli son œuvre. S'il élait force de l'âge. Voyez Dieu c'est ainsi iiu'il :

venu dès le couiaicuccment, et s'il n'avait pas traite les juifs. Les juifs sont comme des eu-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COI.OSSIENS. — HOMÉLIE IV. 425

fants auxquels il a donné Moïse pour maître, que Dieu punit ses ennemis elles renfer- :

et c'est pour (Mix qu'il trace cette loi qui est maient un grand enseignement. En annon-
pour ainsi dire leur abécédaire, «cette loi çant la punition des ennemis de Dieu, elles
a qui n'offre que l'ombre des biens à \enir, annonçaient aussi ses bienfaits à votre égard.
a sans offrir l'image même des choses » (Hébr. . Les Juifs ressemblaient à ces écoliers qui
X, d.) Nous achetons des friandises aux en- prétendent savoir leur alphabet et qui, inter-
fants,nous leur donnons quelques pièces de rogés sur certaines lettres prises à part, no
monnaie, à une seule condition, c'est qu'ils peuvent pas répondre et sont battus. Ils pré-
se rendront à l'école. Et Dieu aussi donne aux tendaient, eux, connaître la puissance de Dieu,
Hébreux richesses et plaisirs, et leur prodigue et quand on les interrogeait sur des cas isolés
ses biens, en retour desquels il ne demande de cette puissance, ne savaient rien et ils
ils

qu'une chose, c'est qu'ils écoutent Moïse. étaient châtiés. Avez-vous vu cette eau? Elle
C'est pour cela qu'il les a mis entre les mains doit vous rappeler l'eau de l'Egypte. Celui qui
de ce maître. H ne veut pas qu'ils le mépri- a pu changer l'eau en sang, peut aussi faire
sent; il veut qu'ils l'accueillent, comme un jaillir une source. C'est ainsi que nous répé-
père bienveillant. Et voyez comme ce maître tons aux enfants Quand vous verrez sur un
:

àluiseuUeur impose. Ils ne disent pas: Ouest livre la lettre A, souvenez-vous que cette let-
Dieu? disent Oii est Moïse? Il n'avait qu'à
Ils : tre a figuré sur vos tablettes. Avez-vous vu
paraître pour se faire craindre. Quand ils font une famine? Souvenez-vous que c'est Dieu qui
mal, voyez comme il sait les punir. Dieu vou- étouffe la moisson dans son germe. Avez-vous
lait les abandonner. Moïse ne le permit pas. été témoins de guerres? Souvenez-vous du dé-
Ou plutôt, en cette circonstance, c'est Dieu luge. Avez-vous vu ce grand peuple qui ha-
qui fait tout. Dieu est le père qui menace; bite cette terre? Il n'est pas plus grand que le
Moïse est le maître qui demande, qui cherche peuple d'Egypte Celui qui vous a tiré du
:

à fléchir le père et qui dit Pardonnez-moi : ; milieu de ce peuple, saura bien vous sauver
je prends tout sur moi, à partir de ce mo- aujourd'hui que vous êtes loin de la terre
ment. Ainsi le désert fut pour les Juifs une d'Egypte. Mais ils ne savaient pas qu'on leur
école. Semblables aux enfants qui, après être faisait subir un interrogatoire sur leséléments
longtemps restés à l'école, demandent à se re- isolés de leur doctrine, et ils étaient châtiés.
tirer, eux aussi avaient toujours les yeux tour- Ils ont mangé, ils ont bu et se sont révoltés.
nés du côté de l'Egypte, et, les larmes aux Ils ne devaient pas chercher la volupté dans la
yeux, ils disaient : Nous sommes perdus, c'est manne, puisqu'ils avaient appris que leurs
fait de nous, nous voilà morts ! Et Moïse brisa la maux venaient de la volupté. Ils faisaient
table de la loi, après avoir écrit pour eux quel- comme ces enfants de bonne maison que l'on
ques "rnoli destinés à leur servir d'exemple, envoie à l'école et qui recherchent la compa-
comme ferait un maître qui, pour témoigner gnie des esclaves, et qui se font un jeu de les
sa colère à un mauvais élève, jetterait des ta- servir. Ils peuvent, à la table paternelle, se
blettes qu'il aurait mal écrites; il a même le nourrir comme il faut et comme il convient à
droit de les briser, sans que le père se fâche. des gens bien nés, et ils préfèrent àla table de
Car cette table de la loi. Moïse s'était appliqué leur père, une ignoble où ré-
table d'esclaves
à l'écrire. Mais eux, sans s'inquiéter de leur gnent le tumulte et le désordre. C'est ainsi
maître, et distraits par d'autres pensées, ne que les Hébreux cherchaientla terre d'Egypte.
gardaient ni modération, ni réserve, et, comme Et ils disaient à Moïse « Oui, Seigneur, nous
:

des enfants qui, dans une école, se frappent « ferons et nous écouterons tout ce que vous
mutuellement, il leur permit de se frapper et a direz ». (Exod. xxiv, 7.) El, comme s'il se
de s'exterminer les uns les autres. Un maître trouvait devant un père irrité qui voudrait se
donne une leçon à apprendre, et lorsqu'en la défaire de ses fils incorrigibles, le maître ne

faisant dire, il voit que l'enfant a perdu son de prier pour eux. Voilà ce qui arrivait
cessait
temps, il l'en punit. Par exemple les événe- souvent alors.
ments de l'Egypte étaient comme des lettres A. Pourquoi ce langage ? C'est parce que
qui marquaient la puissance de Dieu. Il est nous ressemblons en tout aux enfants. Vou-
vrai que ces lettres étaient des plaies et des lez-vous voir combien les lois que l'on don-
ûéaux, mais elles n'en montraient que mieux oait aux Juifs étaient des lois d'enfants Lisez
Ii6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMË.

le Lévitique : « OFM pour œil, dent pour ils conspuaient Moïse , ils le frappaient :

odentu, dil-il. (Lévit. xxiv, 20.) C'était ainsi comme des enfants qui prennent des pierres,
qu'il fallait leur parler; car rien n'est plus et auxquels on crie : Ne lancez donc pas de

porté à la vengeance que l'enfant. Qu'est-ce pierres, ils prenaient, eux aussi , des pierres
que la colère, en effet? C'est une éclipse df la pour les jeter à Moïse, leur père, et Moïse
raison ; c'est un mouvement tumultueux de fuyait.Quand un père a quelque ornement,
l'Ame ; or, comme cet âge manque surtout de son enfant, auquel cet ornement fait envie, le
réflexion et île raison, l'enfant se laisse domi- lui demande ainsi faisaient Dalhan et Abi-
:

ner par la colère. Cela est si vrai, que s'il vient ron, s'élevant contre le sacerdoce. C'était le
à tomber, il se frappe le genou en se relevant, peuple le plus envieux le plus querelleur et
,

il renverse son tabouret et parvient ainsi à le plus arriéré de tous les peuples en toutes

calmer son ressentiment, à éteindre sa colère. choses. Le moment, dites-moi, était-il favora-
Dieu traitait donc les Hébreux comme des en- ble pour l'arrivée du Ctirist? Etaient-ils mûrs
fants, en leur donnant la faculté d'arracher pour les leçons de la sagesse, ces hommes éga-
o?il pour œil, dent pour dent, en immolant rés par les passions, aussi effrénés dans leurs
les Egyptiens et les Amalécites, leurs persécu- désirs que des coursiers fougueux, ces hommes
teurs. promesses, on croit entendre
Dans SCS esclaves des richesses et de leur ventre ? Mais
un père, à qui son enfant vient de dire Papa, : tous les préceptes de sagesse du Christ auraient
celui-là m'a frappé. Le père répond à son en- élé perdus pour ces insensés, et ils n'auraient
fant: C'est un méchant; n'ayons pour lui que profilé ni des leçons de Moïse, ni des leçons
de la haine. Tel est le langage de Dieu Vos : du Christ.
ennemis , dit-il , seront les miens , et je détes- Un maître qui veut faire lire ses écoliers,

teraiceux qui vous délestent. (Exod. xxui, 22.) avant de leur faire connaître leurs lettres, ne
El, quand Balaam priait, leur abattement était réussira même pas à leur apprendre leur al-
bien celui de l'enfant. Les enfants ont peur phabet. C'est ce qui serait arrivé à cette épo-
d'un rien, d'un morceau de laine et autre ob- que. Mais aujourd'hui , les temps sont bien
jet semblable. Pour calmer leur frayeur, on changés. La grâce de Dieu a civilisé le monde
leur met l'objet sous la main et on charge et y a semé en abondance les germes de la
leur nourrice de leur montrer ce que c'est. vertu. C'est pourquoi rendons grâces à Dieu
Ainsi fit Dieu un prophète ter-
: r>al:iam était de toutes choses et ne soyons pas trop cu-
rible et pourtant la terreur des Hébreux se
,
rieux. Nous ne connaissons pas le temps;
ciiangea en audace. Dieu traitait les Hébreux mais l'Etre qui a fait le temps, l'ouvrier des
comme des enfants qui viennent d'être sevrés siècles le connaît. Cédons-lui donc en toutes
etdont on remplit la petite corbeille de mille choses; car c'est glorifier Dieu que de ne pas

bonnes choses il leur prodiguait les biens et


;
lui demander compte de ce qu'il fait. C'est
les douceurs. Comme l'enfant qui demande le ainsi qu'Abraham rendait grâces à Dieu, dans
sein, les Hébreux demandaient l'Egypte et les la persuasion où il était, dil-il, que Dieu est

viandes de l'Egyiile. assez puissant pour tenir toutes ses promesses.


On ne court donc pas risque de se tromper (Rom. IV, 21.) Abraham se gardait d'interro-
en regardant Moïse comme le maître, le prc- ger Dieu , même et nous autres,
sur l'avenir ;

cc[>teur des Hébreux, et comme un maître nous lui demandons compte même du passé.
plein de sagesse. Ce n'est pas en effet la Voyez quelle est notre folie, quelle est notre
même chose d'avoir à conduire des philoso- ingratitude! Mais corrigeons-nous de ce dé-
phes ou des enfants privés de raison. Voulez- faut loin de nous profiler, celte habitude
:

vous un autre exemple? Ecoutez cette nour- nous porte un grand préjudice. Soyons re-
rice qui dit à son enfant : Aie bien soin de ras- connaissants envers Notre- Seigneur el glori-
sembler les plis de ta robe quand lu l'assieds. fions Dieu afin qu'en le remerciant de tous
,

Ainsi faisait Moïse. Les enfants dont l'âme est ses bienfaits nous soyons jugés dignes de sa
encore sans frein, ressentent le pouvoir tyran- miséricorde ainsi que de la grâce et de la bonté

nique de loules les passions : c'est la vanité, de Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel, con-
c'est la cupidité, c'est l'irréflexion, c'est la co- jointement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire,
lère, c'est l'envie qui les domine; les Juifs honneur et pouvoir, maintenant el toujours, et
aussi étaient esclaves de toutes ces passions ;
dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX GOLOSSIENS. — HOMÉLIE V. m
HOMELIE V.

tE MTSTÊRE QUf AVAIT ÉTÉ CACDÉ A TOUS LES SIÈCLES ET A TOUS LES AGES, A ÉTÉ DÉCOUVERT MAINTE-
NANT A SES SAINTS. —
AUXQUELS DrEU A VOULU FAIRE CONNAITRE QUELLES SONT, DANS LES GENTILS,
LES RICHESSES DE LA GLOIRE DE CE MYSTÈRE QUI N'EST AUTRE CHOSE QUE JÉSUS-CHRIST REÇU DB
VOUS ET DEVENU L'ESPÉRANCE DE VOTRE GLOIRE. —
C'EST LUI QUE NOUS ANNONÇONS, REPRENANT
TOUT HOMME ET INSTRUISANT TOUT HOMME EN TOUTE SAGESSE, POUR RENDRE TOUT HOMME PARFAIT
EN JÉSUS-CHRIST. (CHAP. I, 26-28 JUSQU'AU VERSET 6 DU CHAP. II.)

A.naly8e>

1. Degrés innombrables que les gentils ont dû franchir poar arriver à la connaissance ia Christ.
2. Trésors de la soionce du Christ; ce que saint Paul demande à ses auditeurs, c'est une foi pleine et entière jointe à l'intelligen-

ce et à la chanlé.
3. Quand il s'agit de croire aux mystères, la raison nous égare et la foi nous soutient.
4. Contre ceux qui ne croient pas à la résurrection. Les mystères de la nouvelle loi ont dans l'ancienne loi et dans la nature îles
précédents qui nous préparent à y croire.

1. Après avoi; dit les bienfaits que nous à leur curiosité. « A


ceux à qui Dieu a voulu
avons obtenus , comme autant de preuves de a faire connaître Dieu a eu ses raisons
, etc. »

la bonté et de la grandeur de Dieu, il entre pour agir ainsi. Et, en parlant comme il parle,
dans un autre développement et s'applique à l'apôtre a voulu que les hommes reconnaissent
faire voir que personne, avant nous, n'a connu l'empire de la grâce au lieu de se glorifier de
,

Dieu. C'est ce qu'il fait dans l'épître aux Ephé- leurs vertus.
siens, lorsqu'il dit Ni les anges, ni les prin-
: Que signifie cette expression : « Les richesses
cipautés, ni aucune autre vertu créée ne l'a a de la gloire de ce mystère chez les gentils? »
connu; il n'a été connu que du Fils de Dieu. C'est une expression pleine de beauté et d'éner-
(Ephés- III, S.) C'est pourquoi il ne dit pas: Mys- gie. C'est un sentiment sublime ; ce sont de
tère inconnu, mais Mystère caché. Quoiqu'il
: grandes images qui renchérissent les unes sur
ait été découvert maintenant, ce mystère est les autres. C'est employer, en effet, une grande
ancien. Dieu voulait que les choses fussent image que de dire sans rien préciser « Les :

ainsi dès le commencement; pourquoi cela? a richesses de la gloire de ce mystère chez les

Saint Paul ne le dit pas encore. « A tous les — « gentils». Car c'est chez les gentils surtout
a siècles», dit-il, «dès le commencement». qu'éclate la grandeur de ce mystère, et c'est
Et c'est avec raison qu'il donne le nom de ce que saint Paul dit ailleurs : « Quant aux
mystère à ce que Dieu seul connaissait. Et ce doivent glorifier Dieu de sa misé-
a gentils, ils
mystère, où était-il caché? En Jésus-Christ; « ricorde ». (Rom. xv, 9.) Oui, la gloire de ce
c'est ce que dit saint Paul dans son épître aux mystère éclate chez les autres ; mais elle
Ephésiens. (Ephés. m, 9.) C'est ce que dit le éclate surtout chez les gentils. Que des hom-
Prophète : « Vous existez depuis le commen- mes, plus insensibles que des pierres, aient
« cernent des siècles jusqu'à la fin des siècles». été tout à coup élevés au rang des anges par
(Ps. Lxxxix, 2.) —
«Ce mystère a été découvert de simples paroles, par la seule opération de
maintenant à ses saints ». Ce bienfait est la foi voilà où est la gloire, où est la splen-
,

donc tout entier une grâce de la Providence. deur du mystère C'est comme si, d'un chien
!

11 a été manifesté maintenant». Il ne dit famélique et galeux, hideux et difforme, gisant


pas: S'est opéré; mais: «A été manifesté à ses sur le sol sans pouvoir faire un seul mouve-
«saints». Il reste donc encore caché, puis- ment, on faisait tout à coup un homme ,
pour
qu'il n'a été découvert qu'à ses saints. Ne vous faire asseoir cet homme sur un siège royal.
laissez donc pas tromper sur les motifs de Dieu Voyez, en effet: ils adoraient les pierres et la

qui sont inconnus. « Le mystère a été décou- terre; ils ont appris que l'homme vaut mieux
a vert à ceux à qui il a voulu le découvrir ». que le ciel et le soleil, et que le monde entier
Voyez comme il sait toujours mettre un frein doit êlre son esclave. Ils étaient captifs , daas
,

13B TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSÛSTOME.

les chaînes du démon tout à coup ils lui ont


; brables souffrances, est ressuscifé et monté
mis le pied sur la tôle , ils lui ont commandé au ciel.

et l'ont flagellé. Ces captifs, ces esclaves des 2. Voilà tout ce que renfermait ce mystère.
démons, sont devenus des natures divines, Et, pour en faire l'éloge, il ajoute : o Qui est
des natures d'anges et d'archanges. Ces êtres <( le Christ résidant en vous ». Mais s'il est en
qui ne savaient même pas ce que c'est que vous , à quoi bon aller chercher les anges,
Dieu, sont allés s'asseoir sur le trône de Dieu. pour vous l'enseigner? « De ce mystère ».
Voulez-vous voir quels degrés innombrables Il y a d'autres mystères encore. Mais ce
ils ont franchis? Ils ont dû apprendre d'abord mystère -là est bien le mystère inconnu ,
que les pierres ne sont pas des dieux que la ; le mystère admirable qui surpasse toute
même au-dessous
pierre, loin d'être dieu, est attente, le mystère qui était caché au mon-
de l'homme, qu'elle est même au-dessous de de. Qui est », dit-il, « le Christ résidant
la brute, qu'elle est même inférieure à la «en vous, l'espérance de votre gloire », le
plante; que c'était sur le dernier degré de Christ que nous vous annonçons, en faisant
l'échelle des êtres qu'ils avaient choisi leurs descendre sa doctrine du ciel c'est nous qui :

dieux; que nnn-seulement ni la pierre, ni la vous l'annonçons ce ne sont pas les anges.
;

terre, ni l'animal, ni la plante, ni l'homme, a C'est lui que nous prêchons, reprenant tous

ni le ciel, mais, pour monter plus haul, que a les hommes ». Nous ne vous commandons

ni la pierre, ni l'animal, ni la plante, ni les rien nous ne vous imposons pas la religion du
;

éléments, ni la matière qui est au-dessus de Christ; car c'est encore ici un effet de la bonté
nous, ni celle qui est au dessous, ni l'homme, de Dieu de ne pas tyranniser les âmes. Pour
,

ni les démons, ni les anges, ni les archanges, atténuer ce que ce mot a nous prêchons» peut
ni aucune de ces puissances célestes ne doi- avoir d'ambitieux, il ajoute : «Reprenant»
vent être pour le genre humain les objets tous les hommes. C'est la réprimande d'un
d'un culte. Ils ont dû fouiller, pour ainsi dire, père plutôt que celle d'un maître. « Que nous
d;ms les abîmes de la science, pour apjirenclre «annonçons », dit-il, « reprenant tous les

que c'est le Maître de l'univers qui est Dieu, « hommes et les instruisant dans toute la sa-

qu'il a seul droit à nos hommages, qu'il est « gesse», cequi veut dire, les instruisant dans
beau de savoir bien régler sa vie, que la mort toute espèce de sagesse ou leur parlant toujours
actuelle n'est pas la mort, que la vie d'ici-bas avec sagesse. Il faut donc ici une sagesse ac-
n'est pas la vie, que notre corps ressuscite, complie; car il n'est jtas donné à tout le monde
qu'il devient incorruptible, qu'il monte au d'apprendre de tels mystères. « Afin que nous
ciel, qu'il parvient à l'immortnlité, qu'il est « rendions tout homme parfait en Jésus-
à côté des anges auprès desquels il se trouve « Ciirist». Que dites- vous, Paul? vous voulez
transporté. Cet être placé ici-bas, Dieu lui a rendre tous les hommes parfaits? Oui, c'est làlc
fait monter et franchir tous les degrés pour le dcsirle pluschcrde l'apôlre. Quand même il ne
placer sur le trône : cet être qui était au-des- réussirait pas, saint Paul veut guider tous les
sous de la pierre. Dieu l'a mis au-dessus des hommes vers la perfection. Oui, vers la perfec-
anges, des archanges, des trônes et des domi- tion; mais l'œuvre de Paul est encore impar-
nations. Oui, il a eu raison de dire : « Les ri- faite et elle le sera, tant que tons les hommes ne
a chesses de la gloire de ce mystère ». seront pas complètement sages. «Tout homme
En comparaison de cette science, la science a parfaiten Jésus-Christ »; non dans la con-
des anciens philosophes n'était que folie : tout naissance de la loi, non dans la connaissance
ce que les philosophes pourraient dire ici se- des anges; car ce n'est pas là la perfection;
rait inutile. Car le style de I*aul a ici une mais «en Jésus-Christ », c'est-à-dire dans la
grandeur infinie : « Quelles sont », dit- il, connaissance du Christ. Bien connaître les ac-
chez les gentils, a les richesses de la gloire de tions du Christ, c'est être plus sage que les
« ce mystère b, qui est le a Christ résidant en anges. « En Jésus-Christ ».
«vous?» Les gentils devaient api)rendre en « que je me propose dans
C'est aussi la fin
outre que celui qui est au-dessus de tout, qui « mes travaux dans mes luttes». Je ne pour-
et

commande aux anges et (jiii étend son ein|)ire suis pas mon œuvre, dit-il, avec mollesse et
sur toutes les puissances , s'est abaissé jus- tant bien que mal; je travaille, je lutte avec
qu'à devenir un homme , a enduré d'innom- zèle, c'est-à-dire sans épargner mes veilles.
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE V. ^29

Si je vdlle tant à vos intérêts , vous devez à Le raisonnement peut bien produire aussi la
plus forte raison me seconder. Puis il montre conviction mais cette foi-là n'a aucune valeur.
;

que Dieu est pour beaucoup dans ces travaux. Je sais que vous croyez mais je veux que vous ;

« Avec l'aide de sa vertu qui agit puissamment soyez pleinement convaincus, de manière à pos-
« en moi». Il prouve que c'est là l'ouvrage de séder non-seulement la richesse, mais «toutes
Dieu. S'il me rend fort et robuste pour accom- « les richesses», de manière à posséder la foi

plir cette œuvre, c'est qu'il veut que je l'ac- pleine et entière. Voyez l'habileté du saint
complisse. Et voilà pourquoi il dit au com- apôtre. II ne dit pas Vous avez tort de ne
:

mencement de ce chapitre : « Paul, par la vo- pas avoir la foi , dans toute sa plénitude il ;

a lonté de Dieu ». Ce n'est pas là seulement le ne les a pas accusés. Il dit Vous ne savez pas :

langage de la modestie; c'est celui de la véri- comme je voudrais vous voir remplis d'une
té. «Dans mes luttes», cela signifie qu'il a foi intelligente. Car, puisqu'il a parlé de la foi,

beaucoup d'adversaires. n'allez pas croire, ajoute-t-il que je parle ,

Puis, du ton le plus bienveillant, il dit à ses d'une foi aveugle et inutile. La foi que je vous
auditeurs « Je veux que vous sachiez quelle
: demande , c'est la foi jointe à l'intelligence et
a est ma sollicitude pour vous et pour ceux qui à la charité.

a sont à Laodicée ». (Chap. ii, i.) Et, pour que « Pour connaître
le mystère de Dieu le Père
cet intérêt ne ressemble point à un témoi- « et de Jésus-Christ » C'est le mystère de Dieu,
.

gnage de leur faiblesse, il l'étend aussi à d'y être amené par Jésus-Christ. «EtdeJésus-
d'autres , sans les reprendre encore. « Et pour « Christ, en qui tous les trésors de la sagesse et
a tous ceux qui ne me connaissent pas encore « de la science sont cachés ». S'il renferme eu
«de vue». Langage admirable dont le sens lui seul tous ces trésors cachés, il est arrivé à
est qu'il les voit toujours en esprit Il leur té- ! point, en arrivant aujourd'hui sur la terre.
moigne beaucoup d'affection, et c'est pourquoi Que signifient donc les reproches de quelques
il ajoute « Afin que leurs cœurs soient con-
: insensés? Voyez comme il parle à ces hommes
« soles , en se trouvant unis par la charité , et simples : « En qui sont renfermés tous les
« qu'ils soient remplis de toutes les richesses « trésors » : c'est-à-dire qui connaît tout. —
a de l'intelligence, pour connaître le mystère « Cachés ». N'allez pas croire, en effet, que
a de Dieu le Père, et de Jésus-Christ, en qu" tous vous les possédez tous. Ce n'est point à vos
« les trésors de la sagesse et de la science sont yeux seulement, c'est encore aux yeux des
cachés ». anges qu'ils sont cachés. C'est donc au Christ
Il s'efforce ici d'aborder le dogme, sans les qu'il faut tout demander; c'est lui qui donne
accuser, ni sans les disculper tout à fait. Je la sagesse et la science. Par le mot, « les tré-
lutte, dit-il, etpourquoi? Pour qu'ils forment « sors de la science », il fait allusion à leur
une usasse bien compacte, c'est-à-dire pour richesse ;
par mot «
le tous », à l'omniscii'nce
qu'ils soient fermes et stables dans la foi. Mais du Christ ;
par le mot « cachés », à son privi-
il n'expose pas ainsi sa pensée; il retranche lège. « Or je dis ceci , afin que personne ne
de son discours toute parole accusatrice. Il veut « vous trompe par des paralogismes exposés
qu'ils soient unis par la charité et non par la « d'une manière persuasive (4) ».
nécessité, ni par la violence. Car, je le ré- 3. Ce que je vous ai dit, poursuit-il, a pour
pète c'est toujours sans aigreur qu'il les ex-
, but de vous empêcher d'interroger les hommes
horte; et voilà pourquoi il dit Je suis dans : sur de pareils sujets. « Afin que personne ne
l'angoisse, parce que je voudrais les mener « vous trompe avec des paralogismes présentés
avec le lien de l'affection, sans les contraindre. a d'une manière persuasive ». Quelle n'est pas,

Je ne veux pas qu'ils soient unis seulement de en effet, la puissance du sophiste, si sa parole
bouche, ni qu'ils s'unissent inconsidérément ^ est persuasive? « Car, si je suis absent de corps,
et sans réflexion ;
je veux que leurs cœuri «je suis néanmoins avec vous en esprit (5)».
soient consolés , « étant unis par la charité , La amenait ces paroles
suite des idées Si je :

Clpour être remplis de toutes les richesses suis absent de corps je connais cependant ,

a d'une parfaite intelligence » c'est-à-dire , ceux qui voudraient vous tromper. Le verset
pour qu'ils ne soient plus en proie au doute, finit par un éloge. « Voyant avec joie l'ordre
pour que' leur foi soit pleine et entière. Car a qui règne parmi vous et la solidité de votre

c'est de la plénituae de la foi qu'il s'agit ici. «foi en Jésus-Christ ». L'ordre dont il parle,

S. J. Cn. — ToMR XL 9
430 TRADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOMË.

est un ordre bien établi. « Et la solidité de incorporel appliqué à l'âme qui est créée, ren-
votre foi eu Jtsu?-Chrisl ». Ici l'éloge est en- fermée dans notre corps et limitée? Répondez;
core plus flatteur. Il n'a pas dit, votre foi mais ; : montrez-moi le sens de ce mot. Mais vous ne
• La solidité de votre foi », comme s'il parlait le pouvez pas. Est-ce de l'air, que cette âme ?

à des soldats bien alignés et fermes à leur Mais l'air est un corps, bien qu'il ne soit pas
poste. Ce qui est ferme et solide est à l'é- solide et mille faits nous prouvent que c'est
;

preuve de la fraude et de la tentation. Non- un corps élastique. Est-ce un feu ? mais le feu est
seulement, dit-il, vous n'êtes pas tombés, mais un corps, et l'activité de l'àme est incorpo-
nul ennemi n'a pu jeter le désordre dans vos relle. Pourquoi? c'est qu'elle pénètre par-

rangs. Il s'offre à leurs regards , comme un tout. Donc si l'âme n'est pas un corps, quelque
chef présent parmi eux; c'est le moyen de chose d'incorporel se trouve donc compris dans
faire respecter la discipline. C'est quand les un lieu, et par conséquent est circonscrit or, ;

soldats restent fermes à leur poste que les ce qui est circonscrit forme une figure, et les
rangs restent bien serrés. Ce qui fait la soli- figures sont tracées avec des lignes, et les li-

dité d'un tout, c'est le rapprochement et l'u- gnes appartiennent à des corps. Mais ce qui
nion intime de toutes les parties de ce tout, n'offre pas de figure, comment peut-on le con-
et c'est ce qui a lieu dans une bonne muraille. cevoir ? Il n'y a là ni figure, ni forme, ni lieu.
Voilà l'œuvre de la charité. Les membres Voyez- vous quelle obscurité?
qu'elle unit étroitement forment un corps des Autres réflexions. Le grand Etre n'a pas la
plus solides. La loi pioiluit le même effet, en capacitédu mal; mais il est a volontairement»
ne perniettant pas au sophisme de se glisser bon ; donc il du mal. Mais
serait aussi capable

entre eux. Le sophisme est un élément de di- un


voilà ce qu'on ne peut dire, et loin de nous
vision et de ruine; la foi est un gage de soli- pareiriangage! Est-ce volontairement ou mal-
dité et d'union. Puisque les bienfaits de Dieu gré lui qu'il a été amené à posséder l'exis-
dépassent la raison luimaine , Dieu a fait sa- tence? Voilà encore une question qu'on ne
gement de nous donner la foi. Comment rester doit pas faire. Autre problème. Renferme-t-il
ferme , lorsqu'on demande des comptes à la terre dans sa circonscription, ou ne la ren-
Dieu? ferme-t-il pas? S'il ne la renferme pas, c'es*

Chez nous, ce sont les vérités les plus sublii (jue c'est elle qui le renferme. S'il la renferme,

mes (jui ^e passent du raisonnement et qui s'ap- c'est qu'il est inflni dans sa nature. Et main
puieiil sur la foi. Dieu est partout et nulle tenant se borne-t-il lui-même? S'il se borne
part. U'ioi de plus contraire à la raison ?
Cha- lui-même, il n'est pas sans commencement
que mot de cet axiome cache un écueil. L'es- par rapport à lui, bien qu'il le soit par rappor*
l)ace, en etiét, ne renferme pas Dieu aucun ; à nous; on ne peut donc pas dire que par sa
lieu n'est capable de le contenir. Il est incréé, nature même, il n'a pas de commencement.
il ne s'est pas fait lui-même il n'a pas eu de ; Partout des contradictions qui prouventqua
connnencement. La raison acceptera-l-elle ces nous sommes environnés de ténèbres, et que
vérités, si la foi est absente? Les ^)ropo^itio^s nous avons toujours besoin de la foi. Mais
ne sembicnl-elles pas ridicules et plus insolu- abordons, s'il vous plaît, de moins hautes
bles que des énigmes? 11 u"a pas eu de com- questions. Cet Etre suprême est capable d'ac-
mencement, il est incrêé, immense et inlini, tion. Or cette action, quelle est-elle? Est-ce un
voila ce qui nous jette dans le doute et la per- mouvement quelconque? 11 n'estdonc pas im-
plexité. Il est incorporel; c'est là que notre muable car ce qui se meut n'est pas immuable,
;

raison se perd. Dieu est incorporel comment : puisque l'immobilité se change en mouve-
cela? voilà un mot vide, un mot que l'esprit ment. Mais cette essence se meut et ne reste
ne peut concevoir et qui ne lui représente jamais en place. Quel est son mouvement,
rien. Car s'il représentait quelque chose, il re- dites-moi? Chez nous il y a sept manières de
présenterait notre nature et ce qui constitue se mouvoir on peut se mouvoir de bas en
;

le corps.Un pareil mot, la bouche le prononce; liant, de haut en bas, de dehors en dedans, de
mais l'esprit ne comprend pas ce que dit la dedans en dehors, à gauche, à droite, circu-
bouche. Il ne sait qu'une chose, c'est que ce lairement; sous un autre point de vue, il y a
mot désigne un être qui n'a pas de corps. Mais le mouvement qui augmente, celui qui dimi-

pourquoi |>arler de Dieu? Que signitie ce mot nue, celui qui commence, celui qui ûnjt, celuj
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE V. iài

qui change. L'essence suprême ne se meut- résurrection et qui disent : Comment tous ces
elle d'aucune de ces manières et se meut-elle ossements peuvent - ils se réunir ? et qui
comme l'àme? Mais loin de nous cette pensée I tiennent d'autres discours semblables? Répon-
car l'âme se livre à une foule de mouvements dez : Comment se fait-il qu'Elie soit monté au
déréglés. ciel sur un char de feu? (IV Rois, ii, H.) Le

Vouloir, est-ce agir? S'il en est ainsi, Dieu feu brûle, mais ne sert pas de véhicule. Quel
veutque tous hommes soient bons et qu'ils
les est le secretde sa longue existence? Dans quel
soient sauvés. Comment donc cela n'a-t-il pas Pourquoi ce miracle a-t-il eu lieu ?
lieu est-il ?
lieu ? Vouloir, n'est-ce pasagir ? Alors, pour agir, Où Enoch a-t-il été transporté? Se nourrit-il
il ne de vouloir. Et comment donc l'E-
suffit pas des mêmes aliments que nous? Qui le retient
criture dit-elle « Tout ce qu'il a voulu, il l'a
: loin de la terre? Pourquoi cette translation?
fait?» (Ps. cxui, 11.) Ei^pourquoi le lépreux dit- Voyez là des leçons que Dieu nous donne
il au Christ « Si vous voulez, vous pouvez me
: l'une après l'autre. Il a ravi Enoch à la terre ;

« purifier? b (Matth. vui, 2.) Voulez-vous que ce n'est pas là un grand miracle, mais c'est
je passe à d'autres questions? Comment le une leçon qui nous prépare à voir Elie enlevé
monde a-t-ildu néant ? Comment y re-
été tiré au ciel. Il a enfermé Noé dans l'arche ce n'est ;

tombe-t-il? Qu'y a-t-il au-dessus du ciel ? et pas non plus un bien grand miracle mais ,

au-dessus de la région supérieure au ciel? et c'est une leçon qui nous prépare à croire que
au-dessus de l'espace supérieur à cet autre Jonas a été enfermé dans le ventre d'une ba-
espace, et ainsi de suite, jusqu'à l'infini? Qu'y leine. C'est ainsi que de l'Ancien Tes-
les faits
a-t-il au-dessous de la terre ? la mer. Et au- tament ont eu besoin aussi de précédents et de
dessous de la mer ? et toujours ainsi ... Mais à symboles. Le premier degré d'une échelle con-
droite et à gauche, ne sommes-nous point as- duit au second, et l'on ne peut arriver du pre-
siégés par le doute ? mier au quatrième échelon sans mettre le pied
A. Mais les yeux n'ont rien à faire là. Vou- sur les échelons intermédiaires. Il en est de
lez-vous descendre un peu
aborder des su- et même dans l'échelle des événements. Il y a
jets qui sont du ressort de la vue et de l'his- des symboles qui annoncent d'autres symbo-
toire? Comment se fait-il, dites-moi, que les, témoin l'échelle vue par Jacob. Dieu se
Jonas ait vécu dans le ventre de la baleine ? tenait sur le dernier échelon, et au-dessous de
La baleine n'est-elle pas un monstre privé de lui étaient les anges qui montaient ou descen-
raison qui fait des bonds insensés? Comment daient.
donc a-t-elle épargné ce juste? Commentée On annonçait que le Père a un Fils : il fallait

juste n'a-t-il pas étouffé, comment son corps faire croireà cet article de notre foi. Où vou-
ne s'ist-il pas putréfié dans sa prison ? Si la lez-vous que j'en prenne les symboles? Faut-il,
mer est déjà dangereuse, ce séjour dans les pour vous les faire voir, descendre ou monter
entrailles d'un monstre, au milieu d'une at- l'échelle? 11 fallait faire voir qu'il engendre
mosphère suffocante, était bien plus dange- sans diminution de sa substance : c'estpour
reux encore. Comment Jonas pouvait-il respi- cela que nous voyons tout d'abord un sein sté-
rer? Comment y avait-il là assez d'air pour rile qui porte des fruits. Mais remontons plus
taire vivre deux créatures? Comment se fait-il haut. 11 fallait nous préparer à croire que Dieu
qu'il soit sorti du ventre de la baleine, sain engendra seul et de lui-même. A cet effet, nous
et sauf? Comment pouvait-il parler, conser- voyons aussi paraître un symbole, obscur, il
ver son sang-froid et prier? Tout cela n'est-il est vrai, comme l'ombre qui figure le corps ;

pas incroyable ? C'est incroyable, si nous con- mais enfin le symbole apparaît et devient plus
sultons la raison; c'est très-croyable, si nous clair avec le temps. L'homme, sans coopération
consultons la foi. Mais voici quelque chose de sans rien perdre de son être, engendre la femme.
plus fort. Le blé dans le sein de la terre se gâte Et le mystère de l'enfantement d'une Vierge
et repousse. y a là deux phénomènes mer-
Il ne réclamait-il point aussi quelque symbole
veilleux qui se combattent et qui triomphent précurseur? Eh bien avant que ce mystère
I

l'im de l'autre. Ce blé préservé de la putré- ait lieu, nous voyons jusqu'à deux ou trois
faction, merveille ce blé qui se pourrit et qui
! fois, nous voyons souvent un sein stérile por-
repousse, merveille encore !... ter des fruits. C'est là le type du mystère c'est ;

Où sont ces hommes qui uc croient pas à la le symbole qui aous prépare à y croire. Car si
432 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

l'homme peut naître suivant un mode privi- Cette providence qui gouverne le monde se
légié, à plus forte raison un être supérieur à révèle aussi dans toutes les choses d'ici-bas.
l'homme. y a une autre génération qui sert
II Partout veille un œil prévoyant; les troupeaux
aussi de type aux vérités de la foi c'est notre : et toutes les choses d'ici-bas ont besoin d'un
régénération dans le Saint-Esprit. Le type de guide. Pour prouver que rien ne se fait au
celte génération est aussi la femme stérile, hasard, nous avons la géhenne, le déluge de
car l'œuvre dont nous parlons n'est pas née Noé, le feu, l'exemple des Egyptiens engloutis
du sang. Mais cette génération est à son tour dans les flots, ce qui s'est passé dans le désert.
le symbole de la génération céleste. De ces Le baptême aussi devait être annoncé par une
deux symboles, l'un montre que le Père engen- foule de signes précurseurs de là tous les :

dre sans altération de sa substance, l'autre miracles opérés au moyen de l'eau, les exem-
qu'il peut engendrer sans coopération. ples innombrables de l'Ancien Testament , la
Le Christ étend du hauldescieux sadomina- piscine ; de là, et pour attester que tout ce qui
tion sur toutes les créatures. Voilà encore un ar- n'est pas sain doit être purifié, le déluge lui-
ticle de foi. Cette domination, l'homme l'exerce même et le baptême de saint Jean. Il fallait
sur la terre. Dieu dit « Faisons l'homme
: croire au sacrifice du Fils offert par Dieu le
a à notre image et à notre ressemblance » Père eh bien c'est un homme qui le premier
: I

(Gen. 26), pour qu'il commande à tous


I, donne l'exemple d'un sacrifice pareil cet :

les animaux privés de raison les leçons de : homme est Abraham, le patriarche. Ainsi tous
Dieu ne sont pas seulement des mots, ce sont ces faits, il ne tient qu'à nous d'en trouver la
aussi des faits. La distinction que la nature a représentation dans l'Ecriture. Mais sans nous
mise entre les créatiu'cs, est marquée dans le fatiguer, arrêtons -nous au.< résolutions sui-
paradisterrestre, où l'on voit que l'homme est vantes Soyons termes et stables dans notre
:

le meilleur et le plus noble de tous les êtres de foi montrons que notre plan de vie est bien
;

la création. Le Christ devait ressusciter. Voyez réglé, afin que, rendant grâces à Dieu en tou-
combien de signes concourent à annoncer tes choses, nous soyons jugés dignes des biens
cette résurrection: c'est Enoch, c'est Elie, c'est promis à ceux qui l'aiment, par la grâce et la
Jonas, c'est le miracle de la fournaise, c'est le bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel,
déluj^e de Noé, ce sont les semences, les plan- conjointement avec le Père et le Saint-EsprU,
tes, c'est la reproduction de tous les êtres ani- gloire, honneur et puissance, aujourd'hui et
més. Comme c'est là le pivot de notre foi, c'est toujours, et dans, tous les siècles des siècles.
celui de tous les articles de notre foi qui a Ainsi soit-iU
pour lui le plus grand nombre de symboles.

HOMELIE VI.

tOKC, SUIVANT l'iNSTRCCTION QUE VOUS EN AVEZ REfUE, MARCHEZ DANS LA VOIE DU CHRIST ET VIVEZ
EN LUI. —
ENRACINÉS A LUI, ÉDIFIÉS SUR LUI, APl'LVÉS SUR LA FOI, COMME VOUS l'AVEZ APPRIS,
CROISSANT DB PLUS EN PLUS DANS LA FOI, AU MILIEU DE CONTINUELLES ACTIONS DE GRACES. (CH. II. tJ,
7-15.)

Analyse.'
1. SaiDt Paul attaque les pratiques superstitieuses des juifs et des gentils.
2. Ex|ilicatioD desmots : La plénitude de la divinité habite en lui.
3. Dieu a décbiré l'acte de notre condamnation.
4. Régénération par le baplèmc. Comparaison de l'iiomme régénéré par le baptême avec l'athlète,

i. Il commence par les prendre à témoin, à votre conduite, a (Continuez àmarcher dans
en leur disant «Suivant l'instniclion que
: « en eiïet quii
sa voie, à vivre en lui»; c'est lui
«vous avez reçue». Nous ne changeons rien à est la voie qui conduit à son Père, et non les
nos préceptes, leur dit-il; ne changez donc rien anges; car cet'e voie ne conduit pas au même
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS - HOMÉLIE TI. 133

but. «Enracinés», c'est-à-dire fixes et stables, « défectueux ? » (Gai. rv, 9.) Il ne parle pas

ne flottant ni à droite, ni à gauche, mais «en- spécialement de l'observation des jours; il


« racines», parce que ce qui est enraciné, parle en général du monde, pour montrer

ce qui a pris racine ne peut être transposé. combien ce monde et à plus forte raison ses
Voyez comme il emploie toujours le mot éléments ont peu de valeur. C'est après avoir
propre et comme toutes ses expressions sont mis sous leurs yeux la multitude des bienfaits
bien appliquées! Et édifiés sur lui», dit-il,
a de Dieu, qu'il les accuse, pour donner plus de
sur lui notre pensée, et
c'est-à-dire, fixant poids à l'accusation par le tableau des bien-
«appuyés» sur lui, c'est-à-dire tenant à lui, faits, etpour convaincre ses auditeurs. C'est la
comme montre que
l'édifice tient à sa base. Il méthode des prophètes; ils montrent les bien-
leur foi tombait en ruines. C'est ce que signifie faits de Dieu pour aggraver la faute des pé-

le mot édifiés». C'est que la foi est un édifice cheurs. Isaïe s'écrie «J'ai engendré j'ai :
,

qui a besoin d'être bien assis sur des fonde- « exalté des fils, m'ont méprisé
et ils » . (Isaïe, i,

ments fermes et stables. Si le terrain n'est pas 2.) Et Michée : «0 mon peuple, que t'ai-je fait,

sûr, l'édifice chancelle; si le terrain est sûr, « quelle douleur, quel chagrin t'ai-je causé?»
mais si l'édifice n'est pas bien assis, il n'est (Mich. VI, 3.) Et David exaucé dans : «Je t'ai

pas plus solide, a Comme vous l'avez appris». «une nuit d'orage ». (Ps. lxxx, 8.) Et dans
Autre preuve qu'il ne dit rien de nouveau : un autre endroit « Ouvre la bouche, et je la
:

a Croissant de plus en plus en cette foi, au «remplirai de mes dons». Partout, chez les
«milieu de continuelles actions de grâces». prophètes, on trouvera cette méthode. Ainsi,
C'est le propre de la reconnaissance non-seu- quoi que pussent dire les imposteurs, il ne
lement de rendre grâces, mais de rendre faudrait pas les écouter , et même, tout sou-
grâces avec effusion, avec plus d'effusion qu'on venir des bienfaits de Dieu mis à part, il faut
n'a appris à le faire, s'il est possible, et de tout fuir tous les pièges de ces raisonneurs. Lors
son cœur. «Prenez garde que quelqu'un ne même en effet que vous pourriez servir deux
a vous surprenne», preuve qu'il y a par là un maîtres, il ne faut pas vous rendre esclaves de
voleur, un intrus qui s'introduit en cachette. ces sophistes. Mais leurs raisonnements ne
Et il a raison de parler de surprise. Il y a par là vous permettent pas de suivre le Christ et vous
un de ces malfaiteurs qui creusent sous les en détournent. Après avoir battu en brèche
murailles pour les faire tomber. C'est son in- les observations superstitieuses des gentils, il

térêt de poursuivre son œuvre de destruction, attaque victorieusement la superstition des


sansqu'ons'enaperçoive.aPar la philosophie». juifs.Car juifs et gentils se livraient à des
Mais, la philosophie étant respectable à ses observations superstitieuses seulement, la ;

yeux, ilajoute : « Etpar desraisonnements vains source de ces observations étaient la loi pour
et trompeurs». 11 y a des fraudes salutaires les juifs, la philosophie pour les gentils. Il

dont nous avons plusieurs exemples et qui ne commence par s'en prendre à ceux chez les-

méritent pas le nom de fraudes. C'est celle ,


quels il y a le plus à blâmer. Que dit-il? Il parle
dont Jérémie est victime, lorsqu'ildit: «Vous de ces observations qui n'étaient pas «selon le
« m'avez trompé, Seigneur». (Jér. xx, 7.) Ici il « Christ ». —
« C'est en lui, en effet, que toute

n'y a vraiment pas de quoi crier à la fraude. a la plénitude de la divinité habite corporel-
Et la fraude au moyen de laquelle Jacob a sur- « lement (9) .Et c'est en lui que vous en
pris son père n'était vraiment pas de la fraude, êtes remplis, lui qui est le chef de toute
c'était une trame providentielle. « Par la phi- « principauté et de toute puissance (10) ».
« losophie», dit-il, et «par des raisonnements 2. « la plénitude de la divinité ha-
Parce que
< vains et trompeurs, selon une doctrine hu- «bite en lui», c'est-à-dire, parce que Dieu
« maine, selon les éléments du monde, et non habite en lui. Mais n'allez pas croire que Dieu
« selon Jésus-Christ». soit renfermé en lui, comme dans un corps.

Il blâme ici l'attention superstitieuse dont Il dit «Toute la plénitude de la divinité cor-
:

certains jours étaient l'objet, en parlant des « porellement. Et c'est en lui que vous en êtes

éléments du monde, c'est-à-dire du soleil et « remplis». 11 y en a qui prétendent que c'est

de la lune. C'est ainsi qu'il disait dans l'épître l'Eglise qui reçoit son accomplissement de la
aux Calâtes «Connnent vous tournez-vous
: divinité de Jésus-Christ, selon ce que saint
« vers ces éléments du monde impuissants et Paul dit ailleurs : «Qui accomplit tout en
134 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

toutes choses». (Eph. 1,33.) Le mot acorpo- a Qui nous a arrachés à la puissance des ténè*
« rellenient» signifie que Jésus -Cbrist esta bres et nous a réconciliés avec Dieu qui s'é-
que la tête est à l'égard « tait détourné de nous, afin que nous fussions
l'égard de l'Eglise ce
du corps. Mais pourquoi n'a-t-il pas dit La : « saints et sans péchés». (Col. i, 13.) Ce n'est

plénitude de la divinité qui est l'Eglise? Quel- plus par le glaive, dit il, que se fait la circon-

ques-uns prétendent que ces mots: «La pléni- cision; c'est par le Christ lui-même. Ce n'est
atudede ï^ divinité», désignent le Père: mais pas, comme autrefois chez les Juifs, la main

c'est à tort, parce que le mot « habiter», ne peut de l'homme, c'est l'esprit qui opère la circon-
s'appliquer à Dieu, et parce que la plénitude cision ; et elle s'opère non sur une partie de
n'est pas ce qui contient, mais ce qui remplit. l'homme, mais sur l'homme tout entier. Cela
«La terre et tout ce qui remplit la terre appar- est un corps et ceci en est un autre ; mais pour
o tient à Dieu», dit le Ps;ilmisle (Ps. xxiii, le corps du vieil homme, il y a la circoncision
1.) a Jusqu'à ce que toutes les nations qui rem- charnelle ;
pour vous, ily a la circoncision spiri-

plissent la terre soient arrivées». La réunion tuelle qui n'a pas lieu comme chez les Juifs ; car
de toutes les parties, voilà la plénitude. Que ce n'est pas de votre chair que vous vous êtes
\eut dire « corporellement? » Comme dans une dépouillés, c'est de vos péchés. Quand et com-
tète. Pourquoi donc ces mots qui suivent: «Et ment? Par le baptême. Et ce qu'il appelle cir-
« c'est en lui que vous en êtes remplis? » Que concision, il l'appelle aussi sépulcre. Voyez
veulent dire ces mots? Que vous n'êtes pas comme il de dire. Les
justifie ce qu'il vient

moins bien partagés que lui. Ce qui est venu péchés de la chair, sont ceux dont leur chair
habiter en lui, est venu habiter en vous. Paul s'est rendue coupable. Celte circoncision nou-

en effet cherche toujours à nous associer au velle dont il parle est plus qu'une circoncision.
Christ; c'est ce qu'il fait, quand il dit : «11 est Il ne se sont pas bornés à retrancher et à re-

a ressuscité comme nous nous a fait asseoir


et jeter loin d'eux leurs péchés, ils les ont dé-
a auprès de lui ». (Ephés. ii, 6.) « Si nous per- truits, ils les ont anéantis.
«sévérons, nous régnerons avec lui». (UTim.ii, Ayant été ensevelis avec vos péchés par le
«

12.) « Ne nous donnera-t-il pas aussi toutes « baptême dans lequel vous avez été aussi
,

« choses avec lui». (Rom. viii, 32.)Ilvajusqu'à « ressuscites par la foi que vous avez eue en

nous donner le nom de cohéritiers du Christ. « Dieu qui l'a ressuscité d'entre les morts (12) ».

«Et il est le chef de toute principauté et de II n'y a pas là seulement un tombeau voyez ;

«toute puissance». (Ibid. 17.) Celui qui est ce qu'il dit « Dans lequel vous avez été aussi
:

supérieur à tous, celui qui est la source de « ressuscites par la foi que vous avez eue en
toute puissance et de toute principauté, ne « Dieu qui l'a ressuscité d'entre les morts ».

nous est-il pas aussi consubslantiel? Et cela est juste. C'est la foi qui a tout fait.

Puis il parle des bienfaits du Cbrist en termes Vous avez cru que Dieu pouvait vous ressus-
admirables, plus admirables même que dans citer et vous êtes ressuscites. Pour prouver que
aux Romains. Car dans l'épître aux
l'épître vous aviez raison de croire, il dit « Qui l'a :

Romains, il dit «La circoncision est celle du


: « ressuscité d'entre les morts» puis il montre ;

cœur qui se fait par l'esprit et non selon la la résurrection baptismale « Et lorsque vous
:

«lettre». Ici la circoncision se fait «par le « étiez dans la mort de vos péchés et dans

a Cbrist ». — « C'est en lui que vous avezoté « l'incirconcision de votre chair, il vous a fait

«circoncis d'une circoncision qui n'est pas « revivre avec lui ». Car vous étiez soumis à
a faite de main d'homme, mais qui consiste la mort. Et quand même vous seriez morts,
« dans le dépouillement du corps des péchés votre mort n'eût pas été imméritée. Voyez
«que produit la chair, et qui est la circonci- maintenant ce qu'ajoute saint Paul, pour mon-
sionduChrist(li)»" Voyezcommeilserre tou- trer à ses auditeurs les peines qu'ils avaient
jours de prèslavérité. Ildit:Le dépouillement méritées.
«absolu», et non pas «le simple dépouille- « Nous pardonnant tous nos péchés, il a
« ment». Ce terme «du corps des péchés» fait « effacé la cédule qui s'élevait contre nous par
allusion à l'ancienne vie que menaient les fi- a ses décrets, et il l'a détruite en l'attachant à
dèles avant leur conversion. 11 tourne et re- « sa croix ; et dépouillant les principautés et
tourne toujours et de mille manières les « les il les a menés hautement en tri-
puissances,
mêmes idées. C'est ainsi qu'il disait plus haut: « omphe,àlafacedumonde (13-13)». «Nous —
.

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS, - HOMÉLIE III. 138

«pardonnant », dit-il, « tous nos péchés». versaire et qui reçoit lui-même le coup mor*
Lesquels? Ceux qui causaient notre mort. Mais tel.

les a-t-il laissés subsister? Non, il les a anéantis. C'est encore là une preuve qu'une belle

Il ne pas borné à les effacer, il en a dé-


s'est mort, une mort tranquille et courageuse est
truit jusqu'à la trace. « Par ses décrets ». Par un moyen d'humilier et de couvrir d'oppro-
quels décrets? Par la foi. Il suffit donc île bre démon. Le démon aurait tout fait, s'il
le

croire. 11 n'a pas mis les œuvres à côté des l'avaitpu, pour persuader aux hommes que le
œuvres, mais la foi à côté des œuvres. Après Christ n'était pas mort. La résurrection de
avoir parlé de la rémission, l'apôtre parle de Jésus-Christ devait être assez démontrée par
l'abolition des péchés. « Et il a détruit la ce- les temps à venir, mais sa mort n'eût pu
ci dule », dit-il, il l'a déchirée violemment, être en aucune façon démontrée, si elle ne
a en l'attachant à sa croix ; dépouillant les l'eût été à l'instant même où elle avait lieu ;
princes et les principautés, il les a menés voilà ce qui explique pourquoi il est mort
« hautement en triomphe, à la face du monde» sous les yeux de tous, tandis que la même
Jamais l'apôtre ne s'est élevé à cette hauteur. publicité n'a pas entouré sa résurrection;
3. Vous voyez avec quel soin il a détruit le Christ savait que l'avenir devait en té-
cette cédule. Nous étions tous soumis au péché moigner. Oui, c'est devant le monde entier
et au châtiment; il nous a délivrés de l'un et que le serpent aété écrasé sur la croix, et voilà

de l'autre, en se soumettant lui-même au ce qu'il y a d'admirable. Que n'a pas fait le


supplice de la croix. C'est à cette croix qu'il a démon, en effet, pour que le Christ ne mou-
attaché la fatale cédule, etil a usé de son pou- rût pas ? Ecoutez Pilate : « Prenez-le » , dit-il,

voir pour la déchirer. Qu'est-ce que c'était que « et crucifiez-le vous-mêmes car je trouve :

cette cédule ? Elle attestait peut-être ces |)ro- « qu'il n'y a aucun motif pour le faire mourir».
messes faites par les Juifs à Moïse « Tout ce : (Jean, xix, 6.) Et les Juifs lui disaient : « Si tu
s que Dieu a dit, nous le ferons et nous l'é- « es le Fils de Dieu, descends de la croix ».
coûterons ». Peut-être témoignait-elle de (Matth. xxvu, 40.) Mais la blessure était mor-
l'obéissance que nous devons à Dieu. Peut-être telle; ne descendit pas et il tut mis dans le
il

encore était-ce un écrit qui se trouvait entre tombeau. Il pouvait ressusciter aussitôt; mais
les mains du démon et qui conservait le sou- il fallait que tout le monde crût à sa mort.

venir de cette parole adressée par Dieu à Dans une mort ordinaire on peut ne voir
Adam « Le jour où tu mangeras du fruit de
: parfois qu'une défaillance. Mais il n'en est pas
« cet arbre, tu mourras ». (Gen. ii, 17.) Cet de même ici. Les soldats ne lui brisèrent pas les
écrit était donc au pouvoir du démon. Jésus- jambes comme ils firent aux autres il était
, ;

Christne s'est pas contenté de nous le rendre, donc manifeste pour eux qu'il était mort. Et
il l'a déchiré lui-même, comme un créancier ceux qui l'ensevelirent, firent aussi leur œuvre,
qui fait volontiers à son débiteur remise de au vu et au su de tout le monde; voilà pour-
sa dette. « Dépouillant les principautés et les quoi les Juifs s'unissent aux soldats, pour
puissances ». Les puissances de l'enfer, soit sceller la pierre du sépulcre. Tout le monde tra-
que la nature humaine se fût revêtue d'un vaillait à ce qu'il ne restât pas sur sa mort la
pouvoir satanique, soit que le Christ trouvant moindre nuance de doute. Elle avait eu des té-
les hommes toujours prêts à employer ces moins chez les ennemis du Christ, chez les Juifs.
puissances , leur ait ôté l'occasion de s'en ser- Entendez-les dire à Pilate « Ce séducteur a :

vir,en devenant homme. Tel est le sens de « dit qu'il ressusciterait dans troisjours; faites

ces mots « 11 les a menés hautement en


: « donc garder le sépulcre ». (Matth. xxvu, 63,
« triomphe ». Et le mot est juste ; car jamais 64..) Et c'est ce qu'ils firent. Entendez-les dire
le démon ne fut aussi humilié. Il s'attendait à ensuite aux apôtres « Vous voulez faire re-
:

posséder le Christ, et il perdit son empire sur « tomber sur nous le sang de cet hommme ».
tous les esclaves qu'il possédait, et, par la grâce (Act. v, 38.) 11 n'a pas permis que le supplice
de ce corps attaché à une croix, les morts de la croix continuât à être un supplice humi-
ressuscitaient. Ce fut alors que le démon fut liant. Comme anges n'avaient pas souffert
les
blessé, et celte blessure mortelle c'était ce corps ce supplice, Jésus-Christ voulut faire voir
mort sur la croix qui la lui faisait. Le démon que sa mort avait sauvé le monde, car sa mort
était l'athlète qui croit avoir frappé son ad- fut un duel. La mort frappa le Christ; mais la
, .

136 TRADl CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Christ frnppé anéanlit bientôt sa mort le ca- : question du ciel. Et , en effet ,


parce que vous
davre (Iclruisit la mort qui semblait immor- foulez la terre, n'allez pas croire que vous
telle, et cela à la face de l'univers. Et ce qu'il apparteniez à la terre. Vous avez été trans-
y a d'admirable, c'est que Dieu ne confia cette porté au ciel. C'est là ,c'est au milieu des

mission à personne et qu'il l'accomplit lui- anges que s'accomplit le mystère. Dieu preua
même. Un autre acte fut donc passé, qui ne là-haut votre âme entre ses mains, c'est là-haut
ressemblait en rien an premier. qu'il la pétrit et qu'il la façonne, et vous êtes là
Prenez donc garde d'être convaincus par
4. devant son trône royal. Cette âme façonnée et
votre propre témoignage puisque nous aA'ons ,
régénérée par l'eau, reçoit le souffle de Dieu qui
dit dans ce billet que nous renoncions à Satan est en harmonie avec elle. Le nouvel homme ,
et que nous noue attachions à Jésus-Christ. une fois formé, n'est pas livré aux bêtes, mais il
Mais que dis-je? Ce n'est pas là un billet; c'est estmis en présence des démons et du prince des
plutôt un traité et un pacte. Car ce n'est pas là démons. Alors Dieu dit à l'homme «Foulez aux :

une convention qui contient une peine; il n'y « pieds les serpents et les scorpions ». Il ne dit
est pas dit Si telle chose arrive, si telle clause
: plus: «Faisons l'hommeànotreimageetànotre
n'est pas remplie. Moïse a parlé comme le a ressemblance ». (Gen. i, 26.) Mais que fait-
Christ en arrosant le peuple du sang sacré il ? Il donne à l'homme la qualité d'enfant

et Dieu, dans cette circonstance aussi, pro- de Dieu, d'un de ces enfants qui ne sont pas
mettait à son peuple la vie éternelle; aux deux nés du sang, mais de Dieu même. N'écoutez
époques y a pacte. Sous l'ancienne loi , il
il donc plus le serpent car tout d'abord on vous
;

y a pacte entre le serviteur et le maître; sous apprend à dire « Je renonce à toi », c'est-à-
:

la nouvelle loi il y a pacte entre deux amis,


, dire, quels que soient tes discours, je ne t'é-
a Le jour où vous mangerez de ce fruit », dit couterai pas. Puis, de crainte qu'il n'emploie
Dieu à l'homme, « vous mourrez ». (Gen. ii, des instruments pour vous perdre, on ajoute :

17.) Voilà la menace Mais aujourd'hui rien I « Et à tes pompes, et à ton culte et à tes anges »

de tel. Là, comme nu; là,


ici, l'homme est Dieu ne met plus l'homme au paradis terrestre,
après le péché et à cause du pécbé
pour ; ici ,
pour qu'il fasse du paradis terrestre sa de-
être délivré du péché. L'homme des premiers meure; il lui donne pour domicile le ciel.
jours est dépouillé de la gloire qu'il avait pos- Car, dès que l'homme s'est élevé jusqu'à ce
sédée ; l'homme d'aujourd hui dépouille le séjour, il dit aussitôt « Notre Père, qui êtes
:

vieil homme , avant de s'élever au-dessus de « aux cieux que votre volonté soit faite sur
,

l'humanité, et il dépouille le vieil homme « la terre comme au ciel ». (Matth. vi, 9, 10.)

comme on se dépouille d'un vêtement. Il est L'enfant ne s'agenouille point pour être sa-
frotté connue l'athlète prêt à entrer dans la crifié; il n'y a là ni bûcher ni source. Mais
lice. Il reçoit cette onction dès qu'il est né, et c'est le Seigneur lui-même que vous possédez

non peu à peu, comme le vieil athlète; et non tout d'abord; c'est à lui que vous vous unis-
pas seulement sur la tête, comme les anciens sez, à lui dont vous recevez le baptême, et le
pontifes. .Autrefois, on vous frottait d'huile la Seigneur est placé trop haut, pour que le dé-
tête, l'oreille droite et la main, pour vous mon puisse approcher de vous. Il n'y a pas là
exciter à bien écouter et à bien faire. Mais le de femme que le démon puisse tromper, en
nouvel athlète, on lui frotte toutes les parties profitant de sa faiblesse. « Il n'y a là » dit saint ,

du corps. Car il ne vient pas seulement s'ins- Paul, «ni homme ni femme». (Gai. m, 28.) Si
truire; il vient combattre et s'exercer à la vous ne vous abaissez pas à descendre jusqu'au
lutte. Il devient un autre honnne. Car en con- démon , il ne pourra monter jusqu'à vous;
fessant la vie éternelle,il confesse sa métamor- car vous êtes au ciel, et le ciel n'est pas ouvert
phose. au démon. Il n'y a pas là d'arbre, dont le fruit
Dieu a pris autrefois un peu d'argile et il a ait la propriété de faire discerner le bien et
fait l'homme. Aujourd'hui ce n'est plus avec le mal ; il La fen)me
n'y a que l'arbre de vie.
l'argile, c'est avec l'Espril-Saint que Dieu fait d'une côte de l'homme; nous
n'est |)lus tirée
l'homme : oui , c'est l'Esprit-Saint qui crée sommes tous tirés de la côte du Christ. Les
et façdnne l'hoiiime, comme il a créé et fa- hommes ([ui se frottent avec le suc de certaines
çonne le Christ, dans le sein de la Vierge. Il plantes n'ont rien à craindre des serpents, et
n'est plus question du paradis terrestre; il est vous non plus vous n'aurez rien à craindre,
,,

COMMEiNTAIRE SUR L'Él'ITRE AUX COLOSSIENS. — HOMELIE VII. 137

quand vous aurez reçu cette onction sacrée ; d'entre nous encoure un pareil supplice I Me-
vous pourrez saisir et élouffer le serpent, vous nons une vie vertueuse, étudions-nous à faire ce
foulerez aux pieds les serpents et les scorpions. qui est bien , ce qui est agréable aux yeux de
Mais à côté de ces dons précieux, il y a un Dieu. Oui rendons-nous agréables à Dieu
,

châtiment sévère. Une fois qu'on est tombé du pour être à l'abri du châtiment et pour jouir
paradis on ne peut rester en face du paradis,
, Jes biens éternels par la grâce et la bonté de
,

on ne peut retourner dans le séjour d'oii l'on Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, conjoin-
est tombé. Qu'a-t-on en perspective alors ? la tement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire
géhenne et un ver rongeur aux replis im- honneur et puissance, maintenant et toujours,
menses. Mais à Dieu ne plaise que quelqu'un et dans tous les siècles des siècles 1 Ainsi soit-il.

HOMELIE VII.

QUE PERSONNE DONC NE VOUS CONDAMNE POUR LE MANGER ET POUR lE BOIRE, AU SUJET DES JOURS DE
FÊTE OBSERVÉS EN PARTIE, DES NOUVELLES LUNES ET DES JOURS DE SABBAT, PUISQUE CES CHOSES
SONT l'ombre de CELLES QUI DEVAIENT ARRIVER, ET QUE JÉSUS-CHRIST EN EST LE CORPS. QUE NUL
NE VOUS RAVISSE LE PRIX DE VOTRE COURSE, EN AFFECTANT DE PARAITRE HUMBLE PAR UN CULTE
SUPERSTITIEUX DES ANGES, EN PARLANT DE CE QU'iL N'A POINT VU, ÉTANT ENFLÉ PAR LES VAINES
IMAGINATIONS d'UN ESPRIT CHARNEL, ET NE DEMEURANT PAS ATTACHÉ A CETTE TÈTE D OU DÉPEND LE
CORPS ENTIER, QUI RECEVANT SON INFLUENCE PAR LES VAISSEAUX QUI EN JOIGNENT ET EN LIENT
TOUTES LES PARTIES, s'enTRETIENT ET S'aUGMENTE PAR l' ACCROISSEMENT QUE DIEU LUI DONNE. (CH.
Il, 16-19 jusqu'à m, A.)

Analyse.
1. Ne passe préoccuper des minuties. —
Une nouvelle espèce d'hypocrites.
2. Noire vie n'est pas de ce monde ; elle est cachée en Dieu. —
Nous paraîtrons avec le Christ, dans la gloire.
3-a. Portrait du nouvel homme. —
Nouvelle vie que les chrétiens reçoivent dans le baptême. —
De la fragilité de l'homme dan»
tous les étals de la vie. —
Contre le luxe effroyable des riches. —
Le saint menace de les retrancher de l'Eglise.

1. Saint Paul avait dit vaguement: aPrenez « condamne ». Il montre par là qu'ils avaient
a garde que personne ne vous surprenne, selon failli à cet égard ; mais ce n'est pas à eux qu'il
a une-doclrine toute humaine ». Et plus haut s'en prend. Ne baissez pas la tête, dit-il, sous
encore il avait dit « Je vous parle ainsi, pour
: de pareilles condamnations. Mais ce n'est même
a que personne ne vous trompe par des dis- pas là ce qu'il leur dit. Il s'entretient avec
« cours subtils ». Après s'être emparé de son eux sans leur fermer la bouche, sans leur
auditoire, et réveillé les esprits, après avoir dire Vous ne devez pas condamner car ce
: ;

exposé les bienfaits du Christ et développé ce n'est pas à eux qu'il adresse directement sa
S'ijei par amplification il exprime en , ces réprimande. Il n'a pas dit Au sujet de ce qui :

termes une réprimande «Que personne donc : est pur ou immonde, au sujet de la fête des
« ne vous condamne pour le manger et pour tabernacles, des azymes et de la Pentecôte;
« le boire, pour des fêtes observées en partie, mais «Au sujet des fêtes observéesen partie ».
:

a au sujet des nouvelles lunes et des jours de Ils n'osaient pas en effet observer entièrement

« sabbat ». Vous voyez comme il rabaisse ces ces jours, ou s'ils les observaient, ce n'était
pratiques. Si vous êtes parvenus, dit-il, à faire pas comme des jours de fête. « En partie »,
ce qu'il y a d'essentiel, pourquoi vous astrein- c'est-à-dire en grande partie tout au plus; car
dre à des minuties ? « Pour des fêtes observées le jour du sabbat lui-même n'étsit pas exacte-
a en partie ». Expression de mépris; car ment et strictement observé.
toutes les anciennes traditions n'étaient plus B Puisque tout cela n'était que l'ombre de
observées. « Au sujet des nouvelles lunes et a cequi devait arriver ». c'est-à-dire du Nou-
« des jours de sabbat ». Il n'a pas dit
: Ne les veau Testament, « et que Jésus-Christ en est
observez pas ; mais : « Que personne ne vous oie corps». D'autres ponctuent ainsi : « »î
138 TRÂOUCnON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOJIBi
oûua xpîoTou, Jésus-Christ en est le corps, c'est-à- pour bien vivre. Pourquoi donc négliger la
dire la réalité. D'autres lisent ainsi la fin de têtepour s'attacher aux membres? Une pa-
ce verset : o Que personne, en usant de su- reille négligence, c'est la mort. « la tèle il'nù

« perdu'rie , ne vous dérobe le prix de la « dépend le corps entier». Qui que vous.ioyt'z,
a course, qui est le corps du Christ ». Le mot c'est là que vous pouvez puiser la vie, c'est là

x»Taêpië£u6rvai, en effet, employé ici, à ce qu'on que vous pouvez vous rattacher. Tant qu'elle
préfend, et employé ailleurs par saint Paul, se possède celle tête, l'Eglise tout entière s'entre-

dit d'un prix mérité par un alhlèle, et décerné tient et s'augmente. L;i, point d'arrogance ni
à un autre par supercherie et par surprise. de vaine gloire, point d'invention humaine.
Dans votre lutte conlre le démon et le péché, « D'où dépend le corps entier ». « D'où » —
vous avez le dessus. Pourquoi donner encore désigne le Fils de Dieu, « qui, recevant son in-
au péché le pouvoir de vous terrasser? Voilà «fluence par les vaisseauxqui en joignent et lient
pourquoi saint Paul disait dans son épître aux « toutes les parties, s'entretient et s'augmente
Galales « Tout homme qui se fera circoncire
: « par l'accroissement que Dieu lui donne ».

est obligé de garder toute la loi » ; et dans Accroissement selon Dieu, progrès lésullant
un autre passage o Jésus-Christ a-t-il donc
: d'un bon plan de vie. Si donc vous êtes morts
jamais été un ministre de péché? » (Gai. v, avec Jésus-Christ; voilà le moyen terme de
3, et II, 17.) Lors donc qu'il a excité leur cou- son raisonnement, et ce moyen terme est dou-
rage par ces mots : o Que nul ne vous ravisse blement fort. « Si vous êtes morts avec le

le prix de votre course », il rei)rcnd ainsi : B Christ aux premières instructions du monde,
a En affectant de paraître humble i>ar un culte « pourquoi jugez-vous comme si vous viviez
o superstitieux des anges, en parlant des cho- « dans le monde ? » La conséquence n'rst pas
a ses qu'il n'a point vues », étant enllé par les rigoureuse. Il aurait dû dire: Pounjuoi vous
vaines o imaginations d'un esprit charnel». soumettez-vous à ces instructions, comme si
Ces expressions, « en affectant de paraître vous viviez dans le monde ? Mais (|ue dit-il en-
«humble, étant enflé », font voir que toutes suite? M Ne touchez pas à telle chose ; ne goû-
ces démonstrations sont de la vaine gloire. « tez point à ceci ne prenez pas cela, parce
;

Mais ()uel est au


de ce passage ?
total l'esprit « que l'usage que vous feriez de toutes ces
C'est qu'il y avait des gens qui disaient quoce « choses vous serait pernicieux ; ils vous par-
n'était pas le Christ qui devait nous amener à « lent ainsi selondes maximes et des doctrines
Dieu, mais les anges , parce que la faveur « humaines ».
d'être ramené par le Christ est trop au-dessus 2. Vous n'êtes pas dans le monde, dit-il,
de nous, pour que nous puissions l'obtenir. comment se fait-il que vous vous soumettiez
Voilà pourquoi l'apôtre s'arrête si souvent sur aux principes du monde, aux observations des
les bienfaits du Christ, et retourne celte vérité hommes? El voyez comme il se joue d'eux. Ne
en tous sens a C'est par le sang du Christ
: touchez pas à telle chose, dit-il, ne gnùlez pas
a versé sur la croix que nous avons été récon- de ceci, ne prenez pas cela, comme si c'é-
ciliés». (Coloss. i, 20.) a Parce qu'il a souf- taient là de grandes privations, « parce que
a fcrl pour nous, parce qu'il nous a aimés ». l'usage que vous feriez de toutes ces choses
(Ei>hcs. Il, 4.) El leur attention était en- vous serait pernicieux ». 11 rabaisse ici l'or-
core fixée sur celte vérité. 11 n'a pas dit : gueil d'un grand nombre de docteurs, et il

En affectant d'être ramenés par anges ;


les ajoute : « Selon les ordonnances et les maxi-
mais il a dit: En affectant le culte des anges. « mes humaines ». Oui quand même il s'agi-
:

a En parlant de ce qu'il n'a point vu ». Car rait de la Loi cette


ancienne, depuis le
loi,
il n'a pas vu les anges, mais il alfecle l'é- <emps, n'est plus (ju'une doctrine humaine,
motion d'un homme qui les aurait vus. Aussi /•eu lêlre aussi lieul-il ce langage [larce qu'ils
saint Paul ajoule-t-il, o étant enflé par les attelaient et inlei prêtaient à tort et à travers
« vaines imaginations d'un esprit charnel ». celle loi. Peut-être encore fait-il allusion aux

Cet im()0steur prend le masque de riiumilité, gentils. Tout cela, dil-il, n'est que croyance et
c'esl-à-dire qu'il a un esprit puremenlcharnel, doctrine humaine. —
«Qui ont néanmoins quel-
et qu'il n'a que des vues mondaines, a Et ne « que ap[>arence de s.igesse dans une su|)ers-
« demeurant pas attaché à celui qui est la a tition et une humilité affectée, dans un rigou-
« tèle B, il a tout ce qu'il faut pour vivre et « reux traitement qu'on fait au corps, et dans
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. -HOMELIE VIÏJ m
a le peu de soin qu'on prend de rassasier la les détourner du relâchement et des plaisirs
aciiair(23) ». Ce n'est qu'une apparence de du monde. C'est une méthode qui lui est fami-
sagesse sans effet ; ce n'est donc pas la réalité. lière ; tout en s'appliquant à prouver, à établir

C'est pourquoi, bien que ce soit une apparence une vérité, il passe à autre chose. A propos de
de sagesse, nous n'avons pour elle que de l'a- ces fldèles qui prenaient part à la scène avant
version. Nous voyons des hommes qui semblent les autres, s'élève à la contemplation des
il

pieux et modestes, qui semblent mépriser le mystères. emploie un mode de réprimande


Il

corps; mais ce sont là de faux-semblants, qui fait un grand effet, parce que ses paroles
« Dans le peu d'honneur qu'on fait à la chair, ne font pas soupçonner la réprimande.
o et dans peu de soin qu'on prend de la ras-
le a Votre vie vous est cachée », dit-il. C'est

asasier ». Dieu, en effet, a honoré la chair; avec Jésus-Christ que vous paraîtrez. Voilà
mais eux, ils en ont fait un usage peu hono- pourquoi vous êtes éclipsés maintenant. Voyez
rable. Quand on en use suivant ses préceptes, comme il les transporte dans les cieux! Car, je
c'est lui faire honneur, aux yeux de Dieu. Mais le répète, il s'attache toujours à leur montrer
ils déshonorent la chair, dit saint Paul, en la qu'ils ont les mêmes avantages que le Christ.
privant, en lui étant tous ses ressorts, au lieu Dans toutes ses épîtres, il s'arrange de manière
de laisser à la raison seule le soin de dominer à leur prouver qu'en toutes choses, ils sont ses
la volonté charnelle. associés, qu'ils sont avec lui en communauté
Si donc vous êtes ressuscites avec le Christ, pleine et entière. Si donc nous devons paraître
« recherchez les choses d'en-haut». (Chap.iii, un jour avec lui, ne nous affligeons pas de ne
l.)Il lesréunitau Christ, après avoir démontré pas être encore honorés. Si la vie d'ici-bas
plus haut que le Christ était mort. Voilà pour- n'est pas la nôtre, si notre vie est encore ca-
quoi il dit : a Si donc vous êtes ressuscites avec chée, nous devons vivre ici-bas, comme si
le Christ, recherchez les choses d'en-haut ». nous étions morts. « Un jour », dit saint Paul,
Point d'observations à faire sur ce texte. « Ke- « vous paraîtrez avec lui dans la gloire». Oui,
« cherchez les choses du ciel où le Christ est « dans la gloire » le mot est à sa place, le
;

« assis à la droite de Dieu ». Ahl comme il mot est juste. La perle aussi est cachée, tant
sait élever nos âmes
De quels nobles senti-
1 qu'elle est renfermée dans le coquillage. Si
ments il anime ses auditeurs Non-seulement ! donc nous sommes humiliés, si nous souffrons,
il leur ouvre le ciel, le ciel où est le Christ, ne nous affligeons pas. Notre vie n'est pas de
mais il le leur montre assis à la droite du Père. ce monde nous sommes, sur cette terre, des
;

Il leur fait perdre ensuite la terre de vue. hôtes et des étrangers, o Vous êtes morts»,
a N'ayez de goût que pour les choses du ciel, dit-il. Qui donc ferait la folie d'acheter des

a et non pour celles de la terre; car vous êtes esclaves, de bâtir des maisons, de payer des
« morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le vêtements précieux pour un cadavre enseveli?
Christ. Mais quand paraîtra le Christ qui est Personne. N'agissons donc pas ainsi. Si notre
« votre vie, vous paraîtrez aussi avec lui dans unique but est de ne pas être dépouillés des
« la gloire (2-4) ». Ce n'est point ici-bas, dit-il, biens du ciel, que notre unique but ici-bas
que vous vivez; il y a pour vous une autre soit d'être dépouillés des biens de la terre. Le
vie. 11 les force à se transporter dans les deux ; vieil homme, en nous, a été enseveli il a été ;

il a à cœur deleur monirer qu'ils sont assis là- enseveli, non pas dans la terre, mais dans
haut, qu'ils sontmorts ici-bas, et de ce double l'eau ce n'est pas la mort qui l'a détruit, c'est
;

étal qui est le leur, il conclut qu'ils ne doivent le destructeur de la mort qui l'a enseveli il ;

pas rechercher les choses d'ici-bas. Non, vous n'a pas accompli la loi de la nature il a ac- ;

ne devez pas les rechercher, si vous êtes morts compli l'ordre d'un Maître plus fort que la
ici-bas non, vous ne devez pas les recher-
; nature. On peut défaire l'ouvrage de la na-
cher, si vous êtes assis là-haut. Le Christ ne ture, on ne peut défaire l'œuvre accomplie
paraît pas, donc votre vie ne commence pas par l'ordre de ce Maître. Heureuse sépulture
encore votre vie est en Dieu ; elle est là-
: qui réjouit tous les cœurs, qui réjouit les an-
haut. Quand donc vivrons-nous? Quand pa- ges, les hommeset le Maître des anges Sé- 1

raîtra le Christ qui est voire vie ; gloire, exis- pulture où ne faut ni linceul, ni sépulcre,
il

tence, délices, recherchez alors tout cela. Voilà ni rien de semblable. Voulez-vous en voir le
comment il leur truie le chemin du ciel, pour symbole ? Voyez cette piscine où un homme
140 TRADLCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

meurt, où un autre honune rcfsuscite \oyez ;


d'hui dédaigné; ce n'est plus qu'un être vil et

la Mer Rouge qui engloutit les Egyptiens


pour abjectque tout le monde abandonne. Le voilà
livrer passage aux Israélites. Ce qui, pour les dénué d'amis sa grandeur a été jetée au vent
;

uns, est un sépulcre, devient, pour les autres, comme la poussière , elle a passé comme
un berceau. l'onde. Comme nos pieds soulèvent la pous-
Ne vous étonnez pas si le baptême ren-
3. sière, ce sont les hommes d'argent, ces pieds
ferme à la fois la vie et la mort. Dites-moi : de notre société, pour ainsi dire, qui portent
la dissolution et la réunion ne constituent- les magistrats au pinacle. La poussière, quand

elles pas deux phénomènes contraires? C'est elle s'élève, occupe dans les airs beaucou|t de

là une vérité évidente pour tout le monde. place, sans être elle-même beaucoup de cho-
Eh bien le feu opère ces deux phénomènes
! ;
ses; il en est de même des dignitaires, et,
il liquéfie et fait disparaître la cire; il réunit comme la poussière, le tourbillon de la gran-
les minéraux pour en faire de l'or. Ici donc deur nous aveugle.
encore après avoir détruit une statue
le feu, Et maintenant, voulez-vous approfondir ce
de cire, produit de l'or car, avant le baptême;
qui fait ici-bas l'objet de nos désirs les plus
nous étions d'argile après le baptême, l'argile
;
vifs, la richesse? Examinons-la dans tousses

s'estchangée en or. Qu'est-ce qui le prouve ? détails. Elle apporte avec elle les plaisirs, les
Ecoutez l'Apôtre lui-même « Le : premier honneurs, la puissance. Examinons d'abord
o homme vient de la terre, c'est une créature les plaisirs ; sont-ils autre chose que pous-
«terrestre; le nouvel homme vient du ciel, sière ne sont-ils même pas plus fugitifs en-
;

« c'est une créature céleste ». (I Cor. xv, 47.) core? C'est là une volupté qui ne dépasse
Il y a, je le répète, une grande diil'érence point le palais et qui n'arrive même plus jus-
entre la boue et l'or ; mais entre les choses du qu'au palais, une fois que le ventre est plein.
choses de la terre, la dillérence est
ciel et les Mais les honneurs, dira-t-on, sont toujours
bien plus grande encore. Nous étions de cire agréables et flatteurs. Et qu'y a-t-il de plus
et de boue ; car nous fondions à la flamme amer que ces honneurs, fruits de la richesse?
des passions plus rapidement que la cire au Ces honneurs, qui ne sont le résultat ni du
contact du feu, et la tentation avait, pour nous libre choix ni de la sympathie, ne sont pas
briser, plus de pouvoir que n'en a le caillou pour vous; on les décerne à votre fortune.
pour briser l'argile. Représentons-nous, si vous que le riche est l'homme du
C'est ce qui fait
voulez, la vie del'homme, sous l'ancienne Loi, monde moins honoré. Dites-moi, en effet,
le

pour voir si tout n'était pas alors terre et eau, si on vous honorait parce que vous avez urj

si les choses humaines n'étaient pas sujettes ami, en déclarant que vous n'avez aucune va-
au flux et au reflux comme l'Euripe, si tout, leur i)ersonnelle mais qu'on est obligé de
,

dans cet ancien monde, ne tomhait pas et ne vous honorer à cause de votre ami, ne serait-
se dissipait pas comme la poussière. ce pas vous faire le dernier des outrages? Eh
Et, si vous voulez, jetons les yeux non sur bien la richesse ne nous rapporte qu'igno-
1

ce qui se |)assait autrefois, mais sur ce qui se minie, puisqu'elle est honorée plutôt que son
passe aujourd'hui. Est-ce (lue nous ne voyons possesseur et [luisqu'eile est un signe de fai-

pas que tout s'évanouit comme l'onde et la blesse plutôt que de ])uissance. N'est-il pas
'poussière? Parlerons-nous des dignités? Rien, bizarre que, tout en nous regardant comme
au premier coup-d'œil, ne semble plus digne indignes de posséder cet amas de terre et de
d'envie. Et pourtant tout cela est plus fugitif cendre qu'on appelle de l'or, on nous honore
que aujourd'hui surtout. Ces ma-
la poussière, parce que nous le possédons. C'est là sans
gistrats, cesgrands dignitaires déjiendent de doute une bizarrerie. El riiomme (|ui méprise
leurs courtisans, des eunuques, de ces hom- les richesses n'a pas ces sentiments vulgaires;
mes qui ne voient que l'argent, des colères mieux vaut, en effet, ne pus être honoré que
du peuple, de l'indignation des grands. Cet de l'être ainsi. Dites-moi, je vous prie : si l'on
homme qui , hier encore majestueusement venait vous dire : Vous ne méritez pas qu'on
assis sur son tribunal, était entouré de hé- vous fasse honneur, mais je vous honore à
rauts élevant la voix, cet homme que précé- cause de vos nombreux domestiques, ce lan-
dait sur la place publique un maguiflque et gage ne serait-il pas tout ce qu'il y a de plus
nombreux corlége, cet bomme-Ià est aujour- insultant? Or, si c'est une honte de n'être ho-
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE VII. 141

noré qu'à cause de ces serviteurs qui ont une qui est plus gros qu'un tonneau I La fortune
âme comme nous, qui sont faits comme nous, en outre abusant de son pouvoir, lui déclare
,

n'est-ce pas à plus forte raison un déshouneur qu'elle ne laissera pas aux médecins de bonne
de devoir sa considération à un entourage en- volonté, liberté pleine et entière de le soigner.
core plus vil , à des murailles, à des galeries, Tout ce qu'elle peut faire, c'est de les laisser
à de à des vêtements ? Voilà
la vaisselle d'or, approcher du malade à condition qu'elle les
,

qui est vraiment ridicule et honteux. Mieux ;)unira. Qu'y aurait-il de plus déplorable je ,

vaut la mort que de pareils honneurs. vous le demande, qu'une pareille condition?
Je vous le demande : si , au milieu de tout Voilà pourtant ce qu. la richesse fait de notre
ce faste, vous couriez quelque danger, et si âme. Comment donc rait-elle un bien? Mais
i

quelque être vil et méprisable s'offrait à vous le pouvoir excessif que donne la richesse est

pour vous en délivrer, votre situation ne se- encore pire que le mal. Car, ne pas même écou-
rait-elle pas affreuse? Que vous disiez-vous les ter les ordonnances des médecins, c'est en-

uns aux autres à propos d'une certaine cité? core pis que d'être malade. Eh bien tel est !

Je veux vous le rappeler. Notre ville offensa l'effet de la richesse : quand elle a produit

un jour son souverain, et le souverain or- l'hydropisie complète et l'inflammation de


donna qu'elle fût anéantie avec ses habitants, l'âme, elle éloigne les médecins.
ses enfants et ses maisons. Car telle est la co- Ne disons donc pas qu'ils sont heureux ces
lère des rois; ils usent, comme ils veulent, hommes revêtus d'un pouvoir excessif, et plai-
de leur pouvoir, tant il est vrai que le pou- gnons-les plutôt. Cet hydropique gisant sur
voir estun grand malheur Notre ville était I son lit, que personne n'empêche de se gorger
donc dans un péril extrême. Une ville mari- de boissons et de viandes malfaisantes, dirons-
time de notre voisinage intercéda pour nous nous qu'il est heureux, parce qu'il peut pren-
auprès de l'empereur. Mais les habitants de dre tout ce qu'il lui plaît? Car le pouvoir de
notre cité disaient qu'une pareille interces- tout faire n'est pas toujours un bien ,
pas plus
sion était pire que la ruine. Tant il est vrai que leshonneurs. Tout cela remplit l'âme
qu'un pareil honneur est pire que l'ignomi- d'orgueil et d'arrogance. Vous ne voudriez
nie Voyez, en effet, sur quoi repose souvent
! pas avoir en partage les maladies du corps en
l'honneur humain. C'est l'œuvre de nos cuisi- même temps que la richesse pourquoi donc
;

niers, et c'est à eux que nous devons en savoir faire si bon marché de votre âme pour laquelle
gré c'est aussi l'œuvre de cet éleveur de
; non-seulement la maladie, mais un autre châ-
porcs qui fournit au luxe de notre table c'est ; timent encore est la suite de la richesse? L'a. ne
l'œuvre des tisserands, des cotonnadiers de , du riche, en effet, est attaquée de tous côtés
ceux qui travaillent les métaux c'est l'œuvre ; par la flèvre et par l'inflammation , et cette

des pâtissiers et des gens de service. fièvre,personne ne peut l'éteindre. La richesse


4. Ne vaut-il donc pas mieux être privé de le défend, la richesse qui persuade au malade

tous ces honneurs, que d'avoir des obligations que ce qui fait son malheur doit le rendre
à de pareils gens ? Mais outre cela je vais
,
,
heureux, la richesse qui lui souffle à l'oreille
essayer de prouver qu'on s'avilit en s'enri- de ne supporter aucun avis et de n'écouter
cliissant. Oui la richesse donne au riche une
, que ses fantaisies. Il n'y a que l'âme du riche,
vilaine âme quoi de plus honteux ? Je vais
: en effet, pour être en proie à mille fantaisies
vous faire une question. Je suppose qu'un monstrueuses. Quelles idées puériles n'ont-ils
homme ait le don de la beauté et qu'il soit pas? Us en ont plus que ces fous qui se for-
doué d'une beauté supérieure. La fortune gent des monstres et des chimères, qui n'ont
veut bien le visiter, mais à condition qu'elle devant les yeux que Scyllas et que fantômes
remplacera, chez cet homme, la beauté par la aux pieds de serpents. En comparaison d'un
laideur, la santé par la maladie,la juste pro- de leurs caprices bizarres, les Scyllas, les chi-
portion des membres par l'enflure et l'inflam- mères, les hippocentaures ne sont rien; un
malion. Et, grâce à la fortune, voilà le nouveau seul de leurs caprices est tout ce qu'il y a au
riche qui est hydropique de tous ses membres ! monde de plus monstrueux. On croira peut-
Voilà son visage qui se gonfle et qui se bour- être que j'ai dû être bien riche moi-même,
se utile l Voilà ECS pieds qui atteignent à la quand on me verra faire des riches une pein-
grosseur de deux poutres 1 Voilà son ventre ture si fidèle. Ou dit, car je veux d'abord prou-
Ui TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ver ma par des exemples puisés chez les


tlièse faire faire eu argent des vases destinés aux
gentils, on dit, je le répète, qu'un de leurs plus vils usages, c'est du luxe, ou plutôt de la
princes efTéminés poussa les raffinements du folie, ou plutôt de la fureur; c'est même quel-

luxe jusqu'il ordonner à un sculpteur de lui que chose de pis.


faire un platane d'or, avec un ciel d'or au b. Bien des gens, je le sais, rient de mes
dessus ; sous ce platane qu'il s'asseyait,
c'était paroles; mais peu m'importe, simes paroles
et cela, quand il faisait la guerre à une nation portent leurs fruits. Oui, la démence et la fu-
belliqueuse. Cette fantaisie ne vaut-elle pas les reur sont filles de la richesse. Si ces riches le
liippocentaures et les Scyllas? Un autre faisait pouvaient, ils feraient faire une terre d'or, des
enfermer des hommes dans un taureau de murailles d'or, peut-être même un ciel d'or

bois. N'est-ce pas là encore la fable de Scylla ? et une atmosphère d'or. Quelle fureur! quelle
11y a encore un roi guerrier de l'antiquité injustice 1 quelle fièvre ! Voilà une créature
auquel les richesses ont fait perdre sa qualité faite à l'image de Dieu qui meurt de froid, et
d'homme, pour le transformer en femme. voilà lesœuvres qui vous occupent quel !

Quand je dis « en femme », je devrais dire en faste que pourrait faire de plus un in-
! et
brute et même en quelque chose de pis. Car sensé? Trouvez -vous donc vos excréments
les bêtes , si elles vivent dans les forêts , assez précieux pour employer l'argent à les
mènent du moins une existence conforme à recueillir? Je sais qu'en entendant ces paroles
leur nature, tandis que ce roi menait une vie vous êtes frappés de stupeur. Mais les per-
bien plus abrutissante que les brutes. sonnes qui devraient être frappées de stupeur
Quoi donc de plus insensé que les riches? sont celles qui commettent de pareils actes, et
Voilà l'effet de leurs passions effrénées Mais ! qui se rendent esclaves dépareilles manies;
ne trouvent-ils pas de nombreux admirateurs? car il y a là de l'indécence de la cruauté de , ,

Eh bien! ces admirateurs deviennent aussi l'inhumanité, de la férocité et de la mollesse.


ridicules qu'eux. Les exemples ci-dessus, en Quel monstre, quel reptile, quel mauvais gé-
effet, ne prouvent pas l'opulence, mais la dé- nie, quel démon peut être capable d'agir de
mence. Ce fameux platane d'or est loin de va- la sorte ? quoi sert le Christ? A quoi sert 'la
A
loir et d'égaler un platane naturel. Car ce qui foi, si l'on suit l'exemple des païens ou plutôt
est conforme à la nature a toujours plus de du démon ? Si l'on ne doit point parer sa tête
charme que ce qui est contre nature.Que d'or et de perles, celui qui emploie l'argent
voulais-tu faire avec ton ciel d'or, monarque au plus vil de tous les usages est-il excusable?
insensé? Voyez-vous combien la richesse nous Ne vous suffit-il pas d'avoir déjà tant de meu-
égare? Voyez- vous comme elle gonfle l'âme bles en argent , d'avoir des sièges et des esca-
d'orgueil, comme elle lui donne la fièvre? On beaux en argent, luxe déjà intolérable et in-
dirait que le que c'est que
riche ne sait pas ce sensé? Mais partout aujourd'hui règne un
la mer et qu'il voudrait y marcher. Ne sont- faste inutile, partout la vanité ; la raison n'est

ce pas là de pures chimères? Eh bien il y a I plus de mode; on n'aime que le superflu. Ah 1

maintenant des riches qui ressemblent à ceux j'ai bien peur qu'en donnant de plus en plus

de i'anti(|uitc et ijui sont même beaucoup plus dans toutes ces folies, les femmes ne devien-
insensés. Ces amphores et ces marmites d'or, nent de véritables monstres; aujourd'hui pro-
en effet, n'annoncen'.-elles pas la folie aussi bablement elles voudraient avoir des cheveux
bien (\\\c h; de ces
platane d'or ? Que dire d'or. Avouez donc que mes paroles n'ont pu
femmes (j'ai honte do citer ce fait, mais j'y ni émouvoir ni réveiller vos âmes; avouez
suis forcé), que dire de ces femmes qui ont que vous êtes plongés dans la concupiscence
des vases immondes en argent? Ah vous de- ! et que, si la honte ne vous retenait, vous tom-
vriez rougir de votre conduite. Le Christ a beriez dans tous les excès. D'après ce qu'on
faim, et vous vous livrez ainsi à votre sensua- ose déjà faire, je puis croire que les femmes
lité. Mais vous êtes fou et vous paierez cher voudront bientôt avoir des cheveux d'or, des
votre folie. Puis vous demandez pourquoi il
y lèvres, des sourcils de même métal, et qu'elles
a tant de voleurs, tant de parricides et tant de se doreront de la têteaux pieds.
il jaux, quand vous êtes agités de toutes les fu- Peut-être ne me croyez - vous pas vous ;

reurs du démon Avoir ! des tablettes d'argent croyez peut-être que je veux rire eh bien je ; I

^'e.»t pas de la sagesse; c'est du luxe. Mais vais vous raconter ce que j'ai appris, ce qui a
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE VII. 449

lieu encore de nos jours. Le roi de Perse porte qu'on m'accuse et qu'on me critique, si l'on
une barbe d'or des artistes habiles ont soin
;
veut je n'excuse plus personne. Quand je
:

de garnir de lames d'or sa barbe naturelle, et comparaîtrai devant le tribunal du Christ,


c'est dans cet accoutrement qu'il se fait voir vous ne serez pas là pour me défendre, et
comme un phénomène. Gloire à toi , Jésus- vous ne pourrez pas me secourir, lorsque je
Christ De combien de faveurs ne nous as-tu
1
rendrai mes comptes. C'est vouloir me cor-
pas comblés pour guérir nos âmes De com- ! rompre que de me dire Cet homme vous
:

bien de folies monstrueuses ne nous as-tu abandonnera, il passera à l'ennemi et embras-


pas délivrés Aujourd'hui donc j'élève la voix,
! sera une autre secte. C'est une âme faible ;
non pour vous donner des avis mais pour , descendez jusqu'à lui et pliez-vous un peu à
vous donner des ordres. M'entende qui vou- sa faiblesse. Et jusques à quand faut-il user de
dra, et qu'on me désobéisse, si l'on veut. Mais condescendance? C'est bon pouruue fois, pour
je vous déclare que si vous persistez dans
,
deux ou trois fois tout au plus ; mais ça ne
votre conduite, je ne la supporterai plus, je peut pas toujours durer. Je vous le déclare
ne vous accueillerai plus , je ne vous laisserai donc de nouveau et je vous le proteste avec
plus passer le seuil de ce temple. Qu'ai-je be- saint Paul Si vous y revenez, je ne vous
:

soin, en effet, de cette multitude de malades épargnerai plus (Il Cor. xui, 2). Quand vous
que je cherche en vain à guérir de leurs ma- TOUS serez corrigés, vous verrez tout ce que
nies? Paul ne défendait-il pas aussi l'or et les vous aurez gagné à écouter mes paroles. Je
perles? Eh bien! nous autres nous servons de vous prie donc, je vous conjure de vous corri-
risée aux gentils, et nous sommes la fable des ger je suis prêt, s'il le faut, à embrasser vos
;

païens. C'est aussi pour les hommes que je genoux et à me répandre en supplications.
parle : voulez-vous venir à l'école du Christ, Que signifient cette faiblesse , cette sensualité,

pour y apprendre la science de l'âme ? Dépo- cette conduite qui outrage Dieu? Car votre
sez d'abord votre faste. C'est aux hommes et conduite n'est pas pour vous le bonheur;
aux femmes que je m'adresse, et je ne souf- c'est un outrage envers Dieu. Quelle est cette

frirai plus qu'on me désobéisse. démence ? quelle est cette folie ? Quoi ! il y a
Jésus -Christ n'avait que douze disciples. tant de pauvres autour de l'Eglise , et l'Eglise

Ecoutez ce qu'il leur dit : « Et vous , ne vou- qui possède dans son sein tant de riches en-
« lez-vous point aussi me quitter ? » (Jean, fants ne peut venir au secours du pauvre I

VI, G8.) Car, si nous ne cessons de vous flatter, L'un meurt de faim, tandis que l'autre est

quand vous soulagerons-nous? Quel progrès ivre L'un emploie l'argent aux plus vils
I

ferons-nous? Mais y a, dites-vous d'autres


il , usages, tandis que l'autre n'a pas de painl
sectes que l'on peut embrasser, en changeant Quelle est cette folie ? Quelle est cette féro-
de croyance. Une pareille objection ne me cité? A Dieu ne plaise que nous soyons ré-
touche pas. « Mieux vaut un seul fidèle faisant duits, dans notre indignation, à punir votre
a la volonté de Dieu, que mille impies » (Eccl. . désobéissance! Puissiez- vous au contraire
xvi, 3.) Car, je vous le demande, aimeriez- remplir tous vos devoirs avec résignation,
vous mieux avoir une foule d'esclaves fugitifs avec plaisir , afin que nous vivions pour ho-
et voleurs qu'un seul esclave affectionné ? Oui, norer Dieu afin que nous évitions les peines
,

je vous le conseille et je vous l'ordonne dé- : de l'autre vie et que nous obtenions le bon-
li'itcs-vous de ces ornements, de ces vases, heur promis à ceux qui aiment Dieu, par sa
aonnez-cn le [irix aux pauvres et corrigez-vous grâce et par sa bonté I

ue voue ioiie. Qu'on se révolte, si l'on veutj


144 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTOME.

HOM LIE VIII.

Mîtes donc moirir les membres terrestres qci sont en vots, la fornication, l'impureté, les
ABOMINATIONS, LES MAUVAIS DÉSIRS ET L'AVARICE QUI EST UNE IDOLATRIE. TOUT CELA ATTIRE LA
colère de dieu sur SES FILS INCRÉDULES, ET VOUS AVEZ COMMIS QUELQUEFOIS CES CRIMES, QUAND
VOUS VIVIEZ AU MILIEU DE CES DÉSORDRES. (lll, 5-7 JUSQU'a 15.)

Analyse»
1. r faul (!é|ic)5cr le tarJeau des mauvais penchants.
2. Jé>us-Clirist doil être tout pour nous. — La cbarilé est la première des vertus. — Sans la charité les autres vertus sont
inulileï.
3. La paix de Dieu est la seule qui soit vraiment solide ; il faut mortitier ses membres, en travaillant pour le ciel.
4. Le mut « membres », dans saint Paul, veut souvent dire « passions».
5. Quand il faut rendre grâces à Dieu. —
Pratiques superstitieuses.
6. L'écriture sainte nous offre une foule d'exemples qui doivent nous exhorter à la rési^ation.

1. Mon dernier discours, je le sais, a heurté la hauteur de vos moyens n'est qu'une cha-
bien des susceplibililés. Mais que faire? Vous rité illusoire.
connaissez les préceptes du Seigneur. Ce n'est « Faites donc mourir », dit saint Paul, o les

pas ma faute. Que faire encore une fois? Ne « membres de l'iioinme terrestre qui est en
voyez-vous pas les créanciers jeter dans les «vous ». Mais que signifient ces paroles?
fers leurs débiteurs récalcitrants? Vous venez N'avez-vous pas dit, ô apôtre, que nous étions
d'entendre saint Paul s'écrier « Faites mou- : ensevelis, circoncis, que nous nous étions dé-
rir les membres de l'homme terrestre qui pouillés du COI ps des péchés que produit la
a est en vous, la fornication, l'impureté, les chair? (Rom. vi, 4; Colos. ii, 41 et m, 9.)
abominations, les mauvais désirs et l'avarice Que signifient donc maintenant ces paroles :

qui est une idolâtrie». Qu'y a-t-il de pire « Faites mourir les membres de l'homme
que le genre d'avarice qui vous possède ? Mais « terrestre ? » Parlez donc sérieusement.
que dis-je, c'est plus grave encore que de l'a- Avons-nous maintenant des membres-terres-
varice; c'est un usage insensé de l'argent, tres? Non, il n'y a point contradiction entre
a L'avarice qui est une idolâtrie». Voyez- les deux textes. Qu'après avoir nettoyé ou
vous où mène cette passion? Ne vous irritez plutôt refondu une statue, qu'après lui avoir
point de mes paroles. Car je ne voudrais pas rendu son éclat primitif, un statuaire dise
me faire gratuitement et de gaîlé de cœur des qu'elle a été dérouillée il est vrai mais qu'il
, ,

ennemis parmi vous. Mais je voudrais vous faut se livrer à un nouveau travail, pour la
rendre vertueux; je voudrais que vous vous dérouiller encore, il n'y aura pas contradiction
fissiez, par votre vertu, une bonne réputation. dans son langage. Ce n'est pas la rouille déjà
Mon langage n'est pas celui d'un maître im- enlevée, c'est la rouille qui est survenue plus
périeux; c'est l'expression de la tristesse et de tard qu'il conseille d'enlever. Ainsi l'apôtre ne
la douleur. Pardonnez-moi pardonnez-moi ,
: parle pas de la mortification première , ni des
je ne cherche pas le scandale ; mais je suis anciennes fornications, mais de celles qui
forcé de m'expliquer avec vous. Je ne vous surviennent plus tard. Mais, disent les héré-
parle plus du malheur des pauvres je vous ;
tiques, voilà Paul qui calomnie la création 1
parle de votre salut Malheur, oui malheur
: N'a-t-il pas dit plus haut « Pensez aux choses
:

à ceux qui auront refusé des aliments au « du ciel et non à celles de la terre ?» Et main-
Christ Qu'importe même que vous donniez
1
'
tenant il vient nous dire : a Faites mourir les
des aliments à un pauvre si vous vous plon- , « membres terrestres qui sont en vous » Je 1

gez si avant dans le luxe et dans les délices ? réponds que ces mots a les membres terres-
La question n'est pas de savoir si vous donnez « très » signifient le péché et ne calomnient

beaucoup, mais si vous donnez en proiiortion en rien la création. Oui, il donne aux péchés
de ce que vous avez. La charité qui c'est pas à le nom de choses terrestres , suit parce qu'ils
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE VIII. 145

sont le fruit des pensées terrestres et qu'ils se trant qu'il désigne par là non toutes les œu-
commettent sur la terre soit parce qu'ils , vres de l'homme
mais le péché. Le libre ar-
,

montrent l'homme terrestre dans le pécheur. bitre en effet est plus important que la sub-
« La fornication l'impureté » , dit-il. Il passe
,
stance, et c'est ce libre arbitre plutôt que la
sous silence les habitudes qu'il serait honteux substance qui constitue l'homme. Ce n'est pas
de nommer; le mot impureté dit tout. « Les la substance de l'homme en effet qui précipite

« abominations, les mauvais désirs », tout est l'homme dans la géhenne ou qui le transporte
compris dans ces termes généraux; il y a là dans le royaume des cieux, c'est le libre ar-
toutes les mauvaises passions : la haine, la bitre, et ce que nous aimons dans l'homme ce
colère, la sombre envie, et l'avarice qui est n'est pas l'homme, c'est telle ou telle qualité»
une idolâtrie. Si donc le corps est la substance, et si la sub-
Puisque ce sont ces crimes qui attirent k stance est irresponsable pour le bien comme
« colère de Dieu sur ses enfants incrédules ». pour le mal, comment le corps serait-il le

11 a recours à bien des raisonnements pour les mal?


détourner du péché. Il leur expose les bien- 2. Mais qu'entend saint Paul par ces mots :

faits qu'ils ont reçus, les maux de la vie fu- « Avec ses actes ? a C'est le libre arbitre avec
ture dont nous avons été délivrés, ce que nous ses œuvres. Il dît « le vieil homme », pour
étions alors, ce que nous sommes devenus, montrer sa laideur, sa difformité, sa faiblesse.
comment et pourquoi nous avons été délivrés. Et quand il parle du nouvel homme, il a l'air
Tout cola devrait suffire pour ramener ks pé- de nous dire N'attendez pas qu'il se conduise
:

cheurs. Mais voici la raison la plus forte , rai- comme l'autre; il se conduira tout autrement.
son terrible à entendre, mais qui est loin d'ê- L'homme marche, non pas à la vieillesse, mais
tre inutile à dire Ce sont ces crimes qui
: o à une jeunesse plus brillante que la première.
a attirent la colère de Dieu sur ses enfants incré- Car plus il apprend, plus il profite, plus il
diiles». Il n'a pas dit: a Sur vous » il a dit ; : croît en vigueur et en force, non-seulement à
« Sursesenfants incrédules ». — «Etvousavez cause de sa jeunesse, mais à cause du modèle
commis vous-mêmes ces actions criminelles, sur lequel il se forme. La perfection est une
a quand vous viviez dans ces désordres ». création du Christ. A l'image du Christ, tel est
Eloge implicite il veut dire qil'ils n'y vivent
; le sens de ces mots a A l'image de Celui qui
:

plus. Ce langage s'applique au passé. « Main- a l'a créé» car le Christ n'est pas mort vieux,
;

« tenant déposez aussi vous-mêmes le fardeau et il était d'une beauté indicible.


ode tous ces péchés». Il com.mence, selon Dans cette création nouvelle, a il n'y a ni
son habitude, par un terme général, tous ces « homme, ni femme, ni circoncis, ni incircon-

péchés ;
puis il les détaille : ce sont les mau- a cis, ni barbare, ni scylhe, ni homme libre
vaises passions de l'âme. «La colère, l'aigreur, «ni esclave; mais Jésus -Christ est tout en
a la malice, médisance; que les paroles
la a tous ». C'est un troisième éloge adressé ici
« déshonnêtes soient bannies de votre bou- par saint Paul à ce nouvel homme. Il n'y a
« che. N'usez point de mensonge les uns en- pour lui ni distinction de race, ni grade, ni
avers les autres». Que les paroles déshon- distinction d'ancêtres. Rien n'est donné chez
nêtes soient bannies de votre bouche ajoute- , lui à l'extérieur il n'a pas besoin d'un rehef
;

t-il énergiquement car de telles paroles soot


, étranger, et tous ces avantages sont des avan-
des souillures. « Dépouillez le vieil homme et tages extérieurs. La qualité de circoncis ou d'in-
« ses œuvres. Revêtez-vous du nouveau qui se circoncis, d'esclave, d'homme
de gentil, libre,

8 renouvelle en avançant dans la connaissance de juif, tout cela est une affaire de prosélytisme
de Dieu, étant formé à la ressemblance de ou de naissance. Si ce sont là vos seuls avan-
Celui qui l'a créé». Il est bon de rechercher tages, vous ne possédez que ce que d'autres
ici pourquoi il désigne sous le nom de mem- possèdent. « Mais Jésus-Christ », dit-il, a est

bres, d'homme et de corps, la corruption hu- « tout en tous ». C'est-à-dire que Jésus-Christ
maine, et pourquoi il désigne encore sous les nous tiendra lieu de tout, de dignité et de
mêmes noms la vie vertueuse. Si le péché naissance, c'est-à-dire qu'il sera en nous tous.
c'est l'homme ,
pourquoi faire suivre le mot Peut-être aussi veut-il dire Vous formez tous :

homme » de ce mot : « Avec ses actes?» le Christ, puisque vous êtes son corps.
Car il a déjà nirlé du vieil homme, en uion- « Revêtez-vous donc, comme des élus do

S. J. Ch. - To:,îE y.]. 10


U6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Dieu, saints et bien-aimés ». Il montre que « Mais surtout ayez la charité qui est le
la vertu est facile, pour qu'ils la conservent «lien de la perfection ». Vous voyez ce qu'il
toujours et pour qu'elle fasse leur plus bel dit là. Il pourrait se faire que l'on pardonnât
ornement. 11 y a là tout à la fois un conseil et une offense sans pour cela en chérir l'auteur.
un éloge, et l'élogedonne au conseil beaucoup Eh bien! dit l'apôtre, il faut l'aimer. Et l'a-
de force. Ils étaient saints, mais ils n'étaient pôtre nous montre même ici comment on ar-
pas des élus de Dieu maintenant ils sont
; rive à pardonner. C'est en étant bon, doux,
saints, élus et chéris de Dieu. — « D'entrailles humble, patient, aimant. Aussi a-t-il dit en
« de miséricorde ». 11 n'a pas dit: « Demiséri- commençant: «Les entrailles de miséricorde» ;
« corde » , mais il s'est exprimé avec plus d'éner- ce qui comprend la charité et la pitié. « Sur-
gie en employant deux mots, au lieu d'un. 11 n'a « tout ayez la charité, qui est le lien de la per-
pas dit Soyez entre vous comme des frères;
: a fection ». Cesparoles veulent dire Tout cela :

mais, ayez les uns pour les autres une tendresse ne sert de rien ; car tout peut se rompre, sans
paternelle. Ne me parlez plus des torts de votre le liende la charité. C'est elle qui réunit tout.
prochain. Telle est la portée de ce mot « des Les meilleures choses, sans elle, ne sont rien
« entrailles de miséricorde ». Ces expressions ou ne durent pas. Dans un navire, les meil-
remplacent le mot « pitié », qui, étant isolé, leurs agrès, s'ils ne sont pasbien assujétis, de-
aurait eu quelque cliose d'humiliant. « Revê- meurent inutiles il faut dans une maison,
;

o tez-vous de bonté, d'humiliié, de modestie, que toutes les parties de la charpente soient
a de patience. Vous supportant les uns les bien unies; dans le corps humain, la char-
« autres, vous remettant les uns aux autres pente osseuse a beau être vigoureuse, sa vi-
a les sujets de plainte que vous pouvez avoir gueur, sans les articulations, ne sert de rien.
a entre vous, et vous pardonnant comme le Quelles que soient vos bonnesœuvres, quel que
a Clirist vous a pardonné ». Ici encore il spé- soit le mérite de vos actions, tout cela, sans la
cialise : car la bonté est la source de l'humi- charité, est en pure perte. Il :Lacha-
n'a pas dit
lité, et l'humilité est la source de la patience. rilé est le « faîte » de la vertu ; il La
a dit plus :

« Vous supportant », dit-il, o les uns les au- charité est un lien, chose plus nécessaire. Le
« très » ; c'est-à-dire vous soutenant et vous re- faîte n'est qu'un degré de perfection ; le lien
mettant vos fautes les uns aux autres. Et est ce qui embrasse et comprend les éléments
voyez comme il atténue l'offense « Les sujets : de la perfection ; elle en est la racine, o Que
de plainte que vous pouvez avoir. Et il « la paix de Dieu, à laquelle vous avez été ap-
ajoute o Comme le Christ vous a pardonné».
: « pelés dans l'unité d'un même corps, règne
C'est là un grand exemple qu'il leur offre tou- « dans vos cœurs, et soyez reconnaissants ».
jours ;il cite le Christ pour les exhorter. 3. La paix de Dieu est une paix ferme et
L'offense dont il parle est peu de chose mais ; stable. La paix humaine n'est pas durable;
l'exemple qu'il cite nous engage à pardonner elle ne ressemble pas à la paix de Dieu. Il a
les offenses les plus graves. Voilà ce que si- parlé de la charité en général maintenant il ;

gnifient ces mots : « Comme le Christ». Et particularise. Car y a une sorte de charité
il

cela veut dire non-seulement qu'il faut par- exagérée qui porte aux accusations témérai-
donner mais qu'il faut pardonner de .tout
, res, aux querelles, aux antipathies. Non, dit
son cœur, mais qu'il faut aimer l'auteur de l'apôtre, non : ce n'est pas celte charité que je
l'offense. L'exemple du Christ amené ici veux. Faites entre vous la paix, comme Jésus-
amène toutes ces conséquences. Quand l'of- Christ l'a faite avec vous. Comment vous l'a-t-il

fense serait grande,quand il n'y aurait pas eu offerte cette paix? De lui-même, sans rien re-
provocation de notre part, quand nous serions cevoir de vous en échange. Mais que veulent
de grands personnages, quand l'auteur de l'of- dire ces mots : Que
la paix de Dieu règne en
«
fense serait un homme infime, quand il devrait « vos cœurs ? deux pensées se combattent
» Si
nous offenser encore, peu importe. Nous de- dans votre cœur, ne donnez pas à la colère la
vons même être prêts à mourir pour lui. Ces palme et le prix du combat; que la paix rem-
mois « comme le Christ » nous le comman- porte le prix. Si par exemple un homme est
dent, nous devons persister dans ces senti- injusiemeiit outragé, l'outrage naître en fait
ments jusqu'à la mort et même au delà, s'il est son âme deux pensées, l'idée de
vengeance la

possible. n et celle du pardon qui luttent ensemble. Si la


,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE VIII. 147

paix de Dieu est là pour décerner le prix de la faitdu mal; se venger, en effet, ce n'est pas
lutte, elle couronne l'esprit de pardon et hu- rendre grâces. Ah ne soyons pas comme le !

milie l'esprit de vengeance. Comment cela? créancier impitoyable qui réclamait impérieu-
En nous persuadant que Dieu est un Dieu de sement ses cent deniers. Ne nous exposons pas
paix et qu'il a fait la paix avec nous. Ce n'est à être traité « d'esclave méchant». (Matth.
pas sans raison qu'il nous montre cette lutte xvni, 32.) L'ingratitude est le plus affreux de
entre l'esprit de pardon etl'espritdevengeance, tous les vices, et ceux qui se vengent sont des
lutte dont notre cœur est le théâtre. Non, ce ingrats.
n'est pas la colère, ce n'est pas la discorde, ce Mais pourquoi parle-t-il d'abord de la forni-
n'est pas la paix humaine qui doit ici décer- cation? Car aussitôt qu'il a dit a Mortifiez vos :

ner le prix. La paix humaine est une paix vin- membres qui sont sur la terre », il ajoute:

dicative et intolérante. Ce n'est point cette « La fornication » ; et c'est presque toujours


paix qu'il nous faut, dit l'apôtre, c'est la paix l'ordre qu'il suit. C'est que la fornication est

que le Christ nous a laissée. 11 a tracé dans de tous les vices le plus tyrannique. Il l'a mis
notre âme une arène où deux idées se combat- aussi en première ligne, dans son épître aux;
tent, et c'est la paix du Christ qui est chargée Thessaloniciens. Quoi d'étonnant, puisqu'il
dedécerner la palme. Puis vient cette exhorta- dit aussi à Timothée « Conservez votre pu- :

tion oAlaquellevousavezété appelés ».


: «A — « reté » Tim. v, 22) et ailleurs « Etudiez-
(I ; :

laquelle», c'est-à-dire, « pour laquelle ». 11 « vous à être en paix avec tout le monde, et vi-

nous rappelle ainsi tous les biens dont la paix a vez dans la sainteté sans laquelle nul ne

est la source. C'est pour elle qu'il vous a appe- verra Dieu «.(Hébr.xii, 14.) «Mortifiez vos —
lés, c'est à cause d'elle qu'il vous a appelés, «membres», dit-il. Ce qui est mort, vous le
afin que vous obteniez le prix dû à votre foi. savez, n'est plus qu'un objet d'horreur, d'abomi-
Car pourquoi n'a-t-il fait de nous qu'un seul nation, de corruption. Si vous tuez les membres
corps? N'est-ce pas pour faire régner la paix? du péché, ne reste bientôt plus rien de ce
il

N'est-ce pas pour nous fournir les moyens de cadavre qui se corrompt et s'anéantit. Eteignez
vivre en paix tous ensemble? lesardeurs du péché, et ce n'est bientôt plus
Pourquoi ne faisons-nous tous qu'un seul qu'un cadavre dont il ne reste rien. 11 montre

corps? Qu'est-ce qui fait que nous formons un l'homme faisant ce que fait le Christ dans la

seul corps? C'est la paix et réciproquement, piscine. Voilà pourquoi il appelle les péchés des
c'est parce que nous ne faisons qu'un seul membres, etil nous montre dans un style éner-
corps que nous sommes en paix les uns avec gique l'homme fort qui les mortifie. 11 a eu
les autres. Mais pourquoi, au lieu dédire '-Que raison de dire : « Qui sont sur la terre ». Car
la paix de Dieu triomphe, a-t-ildit Que la paix : c'est là qu'ils sont; c'est là qu'ils se corrom-
règne ou décerne le prix? C'est pour accrédi- pent et qu'ils meurent bien plus complète-
ter la paix, c'est pour ne pas permettre aux ment que les membres corporels. Notre corps

mauvaises pensées d'entrer en lutte avec elle, n'est pas aussi terrestre que le péché; car le
c'est pourqu'elles aienttoujours le dessous. En corps humain est parfois revêtu d'un certain
outre, le mot de prix éveille l'auditeur. Car, si éclat; mais le péché, jamais. Tous ces mem-
le prix est toujours décerné à la bonne pensée, bres qui restent sur la terre, qui sont comme
l'effronterie de du mal sera désormais
l'esprit cloués à la terre, sont le siège des mauvais
inutile. L'esprit du mal sachant que, malgré désirs. Que l'oreille, la main, l'œil ou un
tous ses efforts, malgré son impétuosité et sa membre quelconque reste attaché à la terre,
violence, il n'obtiendra pas le prix, finira par le ciel n'est plus rien pour lui. L'œil ne voit
renoncer à ses vaines attaques. Il a eu raison plus que le corps, la beauté physique, la fi-

d'ajouter : « Et soyez reconnaissants » ; car la gure, ce qui appartient à la terre ; en un mot


reconnaissance l'honneur consistent à être
et cela seul a du charme pour lui. L'oreille se

pour nos compagnons d'esclavage ce que Dieu délecte à de doux concerts, aux accents de la

a été pour nous, à céder, à obéir à notre maî- lyre et de la flûte; elle se prête complaisam-
tre, à toujours rendre grâces à Dieu, soit qu'on ment à de honteux propos. Plaisirs terrestres
nous outrage, soit qu'on nous frappe. Ce- que tout cela I

lui qui rend grâces à Dieu de ses souffrances, Quand saint Paul a transporté ses auditeurs
ne se vengera pas de l'homme qui hii aura auprès du trône de Dieu, il leur dit : « Morti-
itë TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEM CHRYSOSTOME.

o fiez vos membres qui sont sur la terre ». On laissiez persuader par les impies». Il montre
ne peut rester avec de pareils membres, dans qu'ils ont encore un pied dans le vice; mais
la région céleste; ils n'y ont que faire. Cette illeur adresse un mot d'éloge, en leur disant :

boue-là est pire que rhomme physique qui est «Mais maintenant quittez aussi vous-mêmes
aussi de la boue. Celte boue, en effet, devient « tous ces péchés : la colère, l'aigreur, la malice,
de l'or, n Cette cliair corruptible doit revêtir « la médisance plusde paroles déshonnêtes ».
:

o l'incorruptibilité ». (I Cor. xv, 53.) Mais la Pour ne pas les blesser, ce n'est pas sur eux,
boue du péché, on ne peut pas la refondre pour c'est sur d'autres qu'il fait porter ses repro-
forgerde l'or. Voilà pourquoi il n'a pas dit Qui : ches. Les médisances sont les mots blessants,
appartiennent à la terre; voilà pourquoi il a les injures, de même que la malice est encore
dit : « Qui sont sur la terre » ; car il peut ar- vie la colère. Ailleurs, pour faire rougir ses
river que nosmemlires n'appartiennent pas à auditeurs de leurs procédés, il leur dit: «Soyez
la terre. Ceux qui s'attachent à la terre sont « les membres l'un de l'autre » (E|)hés. iv, 23.) .

nécessairement sur la terre les autres, non. ; 11 les comme devant former un
représente
L'oreille qui n'entend pas les bruitsdela terre seul homme ayant les mêmes sympathies et
et qui n'écoute que les bruits du ciel, l'œil les mômes répulsions. Dans le passage ci-des-

qui perd le monde de vue, pour regarder en sus il du mot «membres». Dans cet
se sert
haut, ne sont point sur la terre. Elle n'est point épître il«Tous les péchés», désignant
dit :

sur la terre cette bouche dont les jiarolcs n'ont ainsi tous les membres du vieil homme, le
rien de terrestre. Elle n'est point sur la terre cœur par la colère, la bouche par la médi-
cette main qui ne fait rien de terrestre, qui ne sance, les yeux par la fornication, les mains
fait point le mal et qui ne travaille que pour et les pieds par l'avarice et par le mensonge,
le ciel. la pensée elle-même et le vieil esprit. Quant à
4. Le Christ dit : a Si votre œil droit vous la forme du nouvel homme, c'est une forme
«scandalise» par ses regards impudiiues, royale, c'est la forme du Christ. Saint Paul
«arrachez-le», c'est-à-dire déracinez toute mau- semble ici faire allusion surtout aux gentils,
vaise pensée. Tous ces mots, impureté, abomi- pour montrer que tous les membres de la so-
nations, mauvais désirs, ont le même sens, le ciété, les grands, comme les petits, sont les
sens de fornication. 11 veut nous détourner de membres d'un même corps qui a une forme
ce vice par toutes les expressions qu'il emploie. royale. La terre n'est que du sable; mais elle
C'est qu'un pareil vice est une maladie de perd sa première forme et devient or. La laine,
l'âme fort sérieuse ; c'est la fièvre, c'est la quelle qu'elle soit, prend une nouvelle forme
plaie de l'âme. Il ne dit pas «réprimez» , il dit qui déguise la première. en est de même du Il

«mortifiez», anéantissez cette passion; portez- fidèle. «Vous supportant les uns les autres»,
lui descoups dont elle ne puisse pas se relever. dit-il. C'est justice : supporle ton prochain et
Ce qui est mort nous l'enlevons; un durillon que ton prochain te supporte. C'est ce qu'il dit
est une partie morte, nous l'enlevons. Si nous encore dans son éiiîlre nux Calâtes: Supportez
tranchons dans le vif, nous souffrons; mais si le fardeau les uns des autres. (Cal. vi, 2.) « Et
nous retranchons un membre mort, nous ne soyez reconnaissants,» ajouta-t-il. (Col. m, 15.)
le sentons même pns. C'est ainsi ijui; nous de- Partout il s'applique à recommander la recon-
vons agir dans les afTt étions et les maladies de naissance, qui est la première des vertus.
l'âme qui rendent iiupiu e et font soulfrir celte S. Il faut donc, en toute circonstance et quoi
âme iminorlelle. Pourquoi l'aiiôfre a[)[)elle-t-il qu'il arrive, rendre grâces à Dieu. Voilà la vé-
l'avarice une idolâtrie, nous l'avons dit sou- ritable reconnaissance. Lui rendre grâces dans
vent. Les passions les plus tyranniques sont la prospérité n'a rien de bien méritoire; car
l'avarice, l'intempérance et l'incontinence. c'est chose toute naturelle. Mais lui rendre
a Elles attirent la colère de Dieu sur sts fils grâces, quand nous sommes dans la détresse,
o désobéissants». Il parle ici de désobéissance, voilà ce qu'il y a d'admirable. Lui rendre grâces
en les déclarant par là indignes de pardon, en de ce qui pousse les autres au bla.-phème, de
montrant que c'est leur désobéissance qui les ce qui les jette dans l'inipatience, voilà la phi-
plonge dans l'abîme. « El \ ousavez vous-mêmes liisophie! Agir ainsi c'est réjouir le cœur de
:ommis ces actions criminelles, quand vous Dieu, c'est humilier le démon, c'est déclarer
f viviez dans ces désordres et quand vous vous que le malheur n'est rien. C'«ïlàla fois rendre
COMMENTAIRE SUR I/ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMELIE VIII. U9
grâces à Dieu, emprunter la main de Dieu pour qu'il s'agisse de voir souffrir un fils, un mari,
exiirper le mal et terrasser le démon. Si vous ou un quelconque qui lui est cher la
être :

vous montrez impatient, le démon , parvenu femme superstitieuse au contraire adore des
au comble de ses vœux, est là; Dieu, blessé de idoles. Elle aurait, cela est évident, sacrifié
vos blasphèmes et de vos outrages vous aban- aux faux dieux, si elle avait pu. Que dis-je? Ce
donne, en étendant, en augmentant votre sacrifice a eu lieu. Elle a eu recours à des pra-

plaie. Mais si vous rendez grâces à Dieu, le dé- tiques superstitieuses, à des nœuds mystérieux.
mon voyant qu'il n'a rien à faire là, se re-
,
Vous avez beau raisonner, vous qui employez
tire, et Dieu, que vous honorez, vous honore aussi de semblables pratiques, vous avez beau
davantage. L'homme qui rend grâces à Dieu dire Nous invoquons Dieu, voilà tout! et
:

de ses maux ne peut plus les ressentir. L'âme autres choses semblables. Vous avez beau dire
est heureuse de sa vertu; la conscience est que cette femme est une femme respectable,
heureuse parce qu'elle chante ses propres une bonne chrétienne je vous réponds, moi,
:

louanges et sa victoire; or la conscience, étant que vos pratiques superstitieuses sont de l'i-
heureuse, ne peut être affligée. L'honuiic qui dolâtrie. Etes-vous une vraie chrétienne?
murmure sent peser sur lui le double fardeau Faites le signe de la croix et dites Le signe de :

de son malheur qui l'accable et de sa cons- la croix, voilà mes


armes, voilà le re-
'
^<des

cience qui le flagelle ; l'homme qui rend grâces mède que j'emploie; je ne connais pas d'au-
à Dieu est couronné par sa conscience qui pro- tres moyens.
clame son triomphe. Dites-moi si vous envoyez chercher un mé-
:

Qu'elle est sainte la bouche du juste qui decin et que ce médecin remplace les res-
rend grâces à Dieu, dans le malheur Le juste I sources de la médecine par des enchantements,
un martyr. Comme un martyr, il e^t
est alors lui donnerez-vous le nom de médecin? Nul-
couronné. Car il a, lui aussi, à ses côtés un lic- lement; car vous ne voyez pas autour de lui
teur qui lui ordonne de renier Dieu en blas- l'attirail de la médecine. Eh bien nousautres I

phémant. Le démon le presse en tourmentant nous ne voyons pas dans ces pratiques l'attirail
son âme et en jetant sur elle un sombre voile. du christianisme. Il y a encore des femmes
Si, dans cette situation, le juste supporte la qui forment des nœuds figurant certains noms
douleur, il reçoit la palme du martyre. Voilà de fleuves, et qui osent se livrer à d'autres pra-
par exemple un petit enfant qui est malade. tiques innombrables. Eh bien je vous le dis, !

Si sa mère rend grâces à Dieu, la palme du je vous le déclare d'avance à vous tous si je :

martyre lui appartient. Quel tourment pour- vous y prends encore, si quelqu'un retombe
rait égaler son chagrin? Eh bien! son cha- dans la superstition, qu'il s'agisse de nœuds,
grin ne peut lui arracher une parole amère. d'enchantements ou de toutautre sortilège, je
L'enfant se meurt; elle rend de nouveau grâces ne l'épargnerai pas.
à Dieu. Elle est devenue une vraie fille d'A- Il faut donc laisser mourir cet enfant, me

braham. Car, si elle n'a pas tué son enfant de direz-vous? Si c'est par de semblables moyens
sa propre main, elle s'est du moins réjouie de que vous lui sauvez la vie, vous le faites mou-
sa mort, ce qui est la même chose; elle ne rir; s'il meurt, parce que vous négligez de re-
s'est pas irritée de se voir ravir celui que Dieu courir à la superstition, vous le faites vivre.
lui avait donné ; elle n'a pas eu recours à ces Quand vous voyez votre fils fréquenter des
nœuds mystérieux, dont la superstition en- courtisanes, vous voudriez le voir enterrer et
seigne martyre qu'elle a souf-
le secret. C'est le vous dites de quoi sert qu'il vive? Et quand
:

fert; car elle a sacrifié son filsen pensée. — vous voyez l'âme de votre enfanten péril, vous
Mais quoi? me dira-t-on, quel mérite a-t-elle eu voulez lui sauver la vie, au prix de son salut I

à ne pas employer de pratiques superstitieuses, Ne vous rappelez-vous pas ces paroles du


si ces pratiques sont inutiles, si elles ne sont Christ Celui qui perdra sa vie pour l'amour
:

que tromperie et enfantillage? Mais il y avait de moi, la retrouvera, et celui qui voudra sau-
des gens qui lui disaient que ces pratiques ver sa vie, la perdra? (Matth. xvi, 25.) En
étaient efficaces, et elle a mieux aimé voir croyez-vous le Christ, ou ces paroles ne sont-
mourir son enfant que de sacrifier à l'idolâ- elles pour vous qu'une fable? Si l'on vous di-
trie. Ainsi cette femme a le mérite du martyre, sait Conduisez votre enfant dans le temple
:

qu'il s'agisse de ses propres souffrances ou des idoles et il vivra, supporteriez- vous un pa-
m TftADUCTlOxN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

reil langage? Non sans doute, et pourquoi? pour conserver la vie présente, nous accep-
C'est qu'on voudiail vous forcer à adorer des tons toutes les soutTrances. Que signifient en-
idoles, tandis qu'ici, dites-vous, il s'agit non core ces momeries, ces opérations magiques
pas d'idolâtrie, mais d'enchantements. Eh par la cendre, par la suie, par le sel, et cette

bien! c'est là une invention de Satan, un vieille magicienne qui arrive encore? Voilà
piège du démon pour cacher ses fraudes et qui est honteux et ridicule Votre enfant, dit- !

junir vous faire avaler le poison avec le miel; on, a été fasciné.
sachant qu'il Ui' pourrait vous persuader sans Jusques à quand vous livrerez-vous à ces
6.

prendre de détours, il a recours à des amu- pratiques, à ces œuvres de Satan ? Les gentils
iittes et à des contes de bonne femme. La ne se moqueront-ils pas de nous, quand nous
croix n'est plus en crédit ; les caractères caba- leur vanterons les vertus de la croix? Com-
lisli(|ues sont en grand honneur. Ou chasse le ment persuader ces hommes (jui nous voient
Christ pour faire entrer quelque vieille sor- recourir à ce qui fait l'objet de leur risée? Est-
cière qui a le délire et qui est ivre. On foule ce pour cela que Dieu nous a donné ses méde-
aux pieds nos mystères, et le démon triomphe. cins et ses remèdes? Mais quoi, dites-vous, si
Pourquoi, dites-vous, Dii'U ne blànie-t-il pas ces médecins ne le sauvent pas? Si l'enfant s'en
lormellement de semblables pratiques? Mais va? Mais où va-t-il donc, je vous le demande,
que de fois n'a-t-il poinlblàméchcz vous l'em- malheureux que vous êtes? Tombe-t-il entre
ploi de pareils moyen*, sans pouvoir vous per- les mains des démons et de noire tyran ? Ne

suader? Maint'jiianl il vous laisse à votre er- relourne-t-il pas au ciel vers son maître ?
reur. « Dieu », dit l'apôtre, a les a livrés à Pourquoi celle douleur? pourquoi ces pleurs?
o leur sens dépravé». (Rom. i, 28.) Un pa'ien pourcpioi ces larmes? Pourquoi préférer votre
même, quelque peu sage, ne suppor-
s'il est enfant au Seigneur? N'est-ce pas le Seigneur
terait pas ce genre de superstition. A Athènes, qui vous l'a donné? Pourquoi ètes-vous assez
dit-on, un orateur populaire usa un jour de ingrat pour préférer le don au donateur? Mais
ces sortilèges ; un pliilosophe, son maître, je suis faible, dites-vous, et je n'ai point assez
l'ayant vu, réprimanda, se répandit en
le la crainte de Dieu. Car si, lorsqu'il s'agit des
plaintes, le critiqua amèrement et le tourna en maux physiques, le plus grave empêche de
ridicule. Et nous autres, nous sommes assez ressentir le plus léger; lorsqu'il s'agit de l'âme
mal pour croire à ces bagatelles!
insi'irés à plus forte raison, la crainte chasse la crainte,
Pourquoi, me direz-vous, n'y a-t-il plus au- et douleur la douleur. Votre enfant était
la
jourd'hui personne pour ressusciter les morts beau, mais quel qu'il iùi, il n'était pas plus
et pour opérer des guérisons miraculeuses? beau qu'l^aac, et Isaac aussi était fils unique.
Pour(|uoi, je ne vous le dis pas encore. Mais C'était l'entant de votre vieillesse. Le père
je vous demaiidi'rai à mon tour pourquoi il n'y d'isaac l'avait eu aussi dans ses vieux jours.
a plus aujourd'hui personne qui méprise la Mais il était si gracieux,
si distingué Il ne !

vie présente, (lourquoi nous n'offrons à Dieu l'était que Moïse qui charma les yeux
pas plus
quedeshonunages intéressés ? Quand l'huma- d'une femme barbare, et cela, dans un âge
nité était plus faible, quand il s'agissait de où la grâce et la distinction n'ont pas encore
planter sur la terre l'arbre de la foi,
y avait il eu le temps de percer. Pourtant cet enfant
beaucoup d hommes qui opéraient des mira- chéri fut jeté par ses parents dans un fleuve.
cles. Mais aujourd hui Dieu veut que nous Vous, du moins, vous l'avez devant vos yeux,
soyons préparés a la mort, sans nous mettre vous le livrez à la sépulture et vous pouvez
sous la dépendance des signes. Pourquoi donc visiter son tombeau ; mais les parents de Moise
cet attachement à la vie i)résenle ? Pourquoi ce ignoraient s'il n'allait pas servir de pâture aux
mépris pour la vie future? Dans l'intérêt delà poissons, aux chiens ou à quelque monstre
vie présente, vous avez le courage d'encenser marin, et ilsne savaient pas encore ce que
des idoles ; dans l'intérêt de la vie future, vous c'est (pie le royaume des cieux, ce que c'est
ne pouvez supporter la plus légère contrariété. que la résurrection.
Pourquoi cette dillerence ? Si les hommes ne Mais ce n'est pas le seul enfant que vous
sont plus ce (|u'ils él.dent autrefois, c'est que ayez perdu plusieurs de vos enfants l'avaient
;

nous avons pris l'autre vis en dégoût, puisque piécéilé diins la tombe. Ah! vos malheurs
nous ne faiions licu pour elle, tandis que, n'ont pas été si soudains, si ré]iétés, si dépior
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE IX. 151

râbles que ceux de Job. Vous n'aviez pas ap- David aimait son fils, quoique ce fils fût le
pris déjà, étant à table, la ruine de votre mai- fruitde l'adultère. Mais David pensait à la
son et une longue suite de désastres. Mais c'était mère de ce fils, et vous le savez, l'affection que
votre enfant chéri. Vous ne l'aimiez pas plus l'on a pour les parents, rejaillit sur les enfants.
que Jacob n'aimait son fils, lorsqu'il apprit qu'il Or David avait tant d'affection pour ce fils,
avait été dévoré par les bêtes féroces. Et pour- qu'il tenait à lui, bien qu'il fût pour lui un

tant supporta son malheur, et les nouveaux


il reproche vivant. Eh bien tout cela n'empê- 1

malheurs qui vinrent encore le frapper. Le cha point David de rendre grâces à Dieu.
père pleura, mais il ne se conduisit pas en im- Quelle ne fut pas, croyez-vous la douleur ,

pie. 11 se lamenta, mais il ne perdit pas sa ré- de Rébecca, lorsqu'elle vit Jacob menacé par
signation et se borna à dire : « Joseph n'est pluSj son frère? Pourtant elle ne voulut pas faire
« Siméon n'est plus, Benjamin n'est plus ; tous de chagrin à son mari, et fit partir son fils.
« les malheurs sont venus fondre sur moi». Quand vous avez une affliction, songez à des
(Gen. XLu, 36.) Voyez-vous comme la voix im- afflictions plus grandes et vous serez consolé.
périeuse du besoin le força à exposer ses fils, Dites-vous à vous-même: Et si mon fils était

tandis que la crainte de Di«.u n'a pas sur vous mort sur lechamp de bataille ? Et s'il avait
autant d'empire que la faim** Pleurez, je vous péri dans un incendie ? Songeons à des mal-
le permets, pleurez; mais pas de blasphèmes. heurs plus graves que les nôtres, et nous se-
Votre fils, quel qu'il fût, ne pouvait être com- rons consolés. Quels que soient nos malheurs,
paré à Abel, et pourtant Adam n'a rien dit qui jetons nos regards sur ceux qui sont plus mal-
ressemblât à un blasphème. Quoi de plus grave heureux que nous. C'est ainsi que Paul ex-
en effet qu'un fratricide ? Mais ce fratricide horte ses auditeurs, quand il leur dit : « Dans
m'en rappelle d'autres. Ainsi Absalon ne tua- « vos luttes contre le péché, vous n'avez [las

t-il pas Ammon son frère aine? (Il Reg. xiu.) « encore combattu jusqu'au sang». (Ilébr. xii,

Le roi David aimait son enfant, et le sou- 4.) Et ailleurs « Vous n'avez encore eu que
:

verain était là étendu sur la cendre. Mais il ne odes tentations humaines ». Ayons donc les
fit venir ni devin ni enchanteur. II y en avait yeux fixés sur les infortunes qui surpassent les
cependant alors, et l'exemple de Saûl nous le nôtres nous en trouverons toujours, et de cette
:

fait bien voir. Mais David se bornait à supplier manière nous serons reconnaissants. Avant
Dieu. Imitez-le ; imitez ce juste; dites, comme tout et en toutes choses, rendons grâcesà Dieu!
lui, quand votre enfant est mort: II ne viendra C'est le moyen de nous calmer, c'est le moyen
pas à moi, maisj'irai à lui ; voilà de la sagesse! de vivre pour honorer Dieu et d'obtenir les
Voilà de rattachement Vous avez beau aimer
! biens qui nous sont promis. Puissions-nous
votre enfaut, vous ne l'aimez pas autant que les acquérir par la grâce et la bonté etc.

HOMELIE IX.

QDE LA PAROLE DU CBRIST HABITE EN VOUS ET REMPLISSE VOS AMES. INSTRCISEZ-VOUS EN TOBTB SAGESSE
ET EXHORTEZ-VOUS PAR DES PSAUMES, PAR DES HYMNES, PAR DES CANTIQUES SPIRITUELS, CHANTANT
DE CŒUR AVEC ÉDIFICATION LES LOUANGES DU SEIGNEUR. QlOI QUE VOUS FASSIEZ, EN PARLANT OU
EN AGISSANT, FAITES TOUT AU NOM DE JÉSUS-CHRIST, NOTRE SEIGNEUR, RENDANT GRACES PAR LUI A
DIEU LE père! (CH. III, 16, 17.)

Analyse.
1. Comment faut-il témoigner à Dieu sa reconnaissance? 11 faut lire les saintes Écritures, et se résigaer dan» 1* œalbear.
2. Les psaumes sont un beau livre de raciale.
3. Toujours parler, toujours agir au nom de Jésus-Christ Notre-Seigneur.

Après leur avoir persuadé qu'ils devaient


1. Quel est ce moyen? C'est celui dont nous
cela.
semontrer reconnaissants envers Dieu, il leur nous sommes d'abord entretenus. Et que dit
montre le moyen qu'ilsdoiventemployerpour l'apôtre ? « Que la parole du Christ demeure
1S2 TRADLCTION FRAN(:L\ISE DE SAINT JEAN CIIUYSOSTtiME.

«en vous et remplisse vos ànit s». Ilestencore insensé en effet que cet homme bien vêtu qui
un autre moyen de témoigner à Dieu noire re- voit avec indillereuce la nudité de ses frères,
connaissanee j'en ai déjà parlé. Ce moyen
;
qui nourrit une meule de chien et (jui, dans
consiste, qiianti on
malheureux, à passer
est son mépris, abandonne aux tourments de la

en revue, à regarder autour de soi ceux qui faim un être fait à l'image de Dieu qui tout ;

ont encore plus souffert que nous, et à rendre en étant persuadé du néant des choses humai-
grâcts à Dieu qui ne nous a pas éprouvés nes, y demeure attaché, comme si elles de-
comme eux. — « Que
du Christ de- la parole vaient durer toujours? Si c'est là le comble
« meure en vous et remplisse vos âmes ». Cette de la folie, la droiture en revanche est le com-
parole du Christ, ce sont ses dogmes, ce sont ble de la sagesse. Voyez en effet comment se
ses avis, c'est sa doctrine où il nous montre comporte le sage : ilcompatis-
est charitable,
le néant de la vie présente et de ses biens. Si sant et bon, il reconnaît que nous sommes
celte vérité devient évitlente |)0ur nous, nous tous frères, il connaît le peu de cas que l'on
ne reculeronsdevanlaucune difficulté. «Qu'elle doit faire de la fortune, il sait qu'il faut être
«habite en vous », dit-il, « et qu'elle reni- plus économe de sa personne que de son ar-
« plisse vos âmes ». il ne s'est pas contenté de gent. Tout homme qui méprise la gloire est
dire o Qu'elle habite in vous », il a ajouté
: : donc philosophe, parce qu'il connaît les choses
Qu'elle remplisse vos âmes». Ei;outcz tous humaines; car la science des choses divines et
tant que vous êtes, hommes du monde, vous humaines, c'est la philosophie. Le philosophe
qui avez une femme, qui avez des enfants. sait donc faire la différence des choses divines
Voyez comme il vous recommande de lire les et humaines. Il s'abstient de celles-ci, il s'oc-
saintes Ecrituies et d'apporter à cette lecture cupe de celles-là il sait en toutes choses
;

non pas un esprit distrait et léger, mais une rendre grâces à Dieu il connaît le néant de la
;

grande attention , une grande ardeur. Le vie présente voilà pourquoi il ne se laisse ni
;

riche peut supporler l'amende et bien des enivrer par la prospérité, ni abattre par les re-
condamnations de même celui qui possède
; vers. Qu'avez- vous besoin de maîtres? Vous
les dogmes de la sagesse peut supporter faci- avez la parole de Dieu. Où trouver un meilleur
lement non-seulement la pauvreté, mais les enseignement? Souvent, par vaine gloire ou
autres malheurs; il les supportera même plus par jalousie, un uraitre vulgaire ne vous trans-
facilement que le riche ne supportera l'a- met qu'une partie de sa science.
mende. Car le riche en payant l'amende, , Ecoutez bien, vous tous qui vous préoccupez
éprouve un dommage qui, multiplié, finirait des choses de cette vie, et faites provision de
par épuiser ses finances; mais il n'en est pas ces livres qui contiennentlesremèdesde l'âme.
ainsi de celui qui est riche en sagesse la rai- ; Si vous ne voulez pas en avoir beaucoup, pro-
son et la dioilure ne s'épuisent pas en faisant curez-vous du moins le Nouveau Testament,

face aux événements ; elles subsistent tou- les Actes des apôtres, les Evangiles. Vous y
jours. trouverez des leçons bonnes en tout temps. S'il
Et voyez l'intelligence du saint apôtre. Il ne vous arrive un chagrin, ouvrez cette officine,
s'est pas borné â dire : Que la parole du Christ vous y trouverez quelque remède qui adoucira
soiten vous. Qu'a-t il dit? 11 a dit « Que la : votre douleur. Venez- vous à éprouver une
«parole du Christ habile en vous et ([u'elle perte d'argent, la mort est-elle à votre porte,
« remplisse vos âmes. Instruisez-vous en toute [lerdez-vous queUju'un des vôtres ? Jetez les
« sagesse et cxhortcz-vous les uns les autres». yeux sur ces divins formulaires, pénétrez-vous-
Pour lui, la vertu c'est la sagesse, et avec rai- en, retenez-les bien. La source de tous les
son. La sagesse, en effet, c'isl l'humilité, c'est maux, c'est l'ignuranco des saintes Ecritures.
l'aumône avec ses sœurs; ks vices au con- Les ignorer, c'est marcher sans armes au com-
traire ne sont que folie. C'est une folie que la bat. Comment donc vous défendrez-vous ? Nous
dureté du caiur. Aussi, en mille endroits, l'E- devons nous trouver heureux, si ces armes
criture donne-t-elle au péché le nom de folie : nous sauvent si nous ne les avons pas, com-
;

« L'insensé a dit dans son cœur, il n'y a pas ment donc pouvons-nous être sauvés? Ne jetez
a de Dieu» ; et ailleurs : « Jai vu, dans mafo- pas sur nous tout le fardeau. Vous êtes nos
« lie, mes cicatrices se pouriir et se corroiii- brebis mais vous êtes des brebis douées
;

« jire ». (Ps. xui, i ; xxxvii, 6.) Quoi de plus de raison. Vous aussi vous avez à remplir
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE IX. 153

bien des devoirs que saint Paul vous impose. mais il leur donne des psaumes à chanter,
Les disciples ne sont pas toujours disciples; pour qu'ils trouvent en chantant de quoi se
car apprendre toujours, c'est ne savoir jamais. distraire et tromper leur ennui. « Par des
Ne venez pas à nous, comme si vous deviez tou- « hymnes », dit-il, o et par des cantiques spi-
jours apprendre; autrement vous ne saurez « rituels ». Aujourd'hui ce sont les chants du
jamais. Venez à nous en disciples qui cesseront démon, c'est la danse que vos enfants affec-
un jour d'apprendre pour devenir des maîtres tionnent c'est un goût qui leur est commun
:

à leur tour. Dans toute espèce de science, dans avec les cuisiniers, les pourvoyeurs et les sal-
toute esj èce d'art, je vous le demande, est-ce timbanques. Il n'est plus question de psaumes;
que tous ceux qui étudient n'attendent pas un on rougit de les chanter, on les trouve ridi-
terme à leurs études? Oui, tous nous nous cules et l'on s'en moque. De là toutes sortes
fixons ce terme. Toujours apprendre prouve de maux. Tel terrain, tel fruit, en effet; un
qu'on n'a rien appris. terrain sablonneux et chargé de matières sa-
2. Voilà le reproche que Dieu faisait aux lines produira des fruits de la même nature
Juifs. « Ces hommes qui, depuis leur plus ten- que lui, et il en sera de irême d'un terrain
a dre enfance jusqu'à la vieillesse sont tou- , doux et gras. C'est ainsi que tout ce que l'on
a jours à l'école ». Si vous n'aviez pas toujours apprend est une source de bien ou de mal.
attendu la leçon d'un maître , vous n'auriez Apprenez à l'enfant à chanter ces psaumes
pas toujours marché à reculons dans la voie si remplis de sagesse. Ils lui parleront tout
du progrès. Si, en trouvant parmi vous des d'abord de la modération et. de la tempérance,
auditeurs ayant encore besoin d'apprendre, ou plutôt ils lui diront avant tout, dès le com-
nous en avions trouvé d'autres complètement mencement du ne faut pas fré-
livre, qu'il
instruits, nos efforts au moins vous auraient quenter les méchants. C'est par
là que com-
profité. Vous auriez un jour cédé la place à mence le Prophète, quand il dit a Heureux :

d'autres disciples et vo'is nous auriez secondé. « l'homme qui s'éloigne des impies I»(Ps.i, t.)
Je vous le demande si des écoliers en étaient
: Et il dit ailleurs : « Je n'ai pas pris place dans
toujours aux éléments, ne donneraient-ils pas « celte assemblée de la vanité ». — o Le mé-
beaucoup de mal à leur maître? Jusques à « chant, en sa présence, a été comme s'il n'é-
quand passerons-nous notre temps à disserter « tait pas; ceux qui craignent Seigneur sont
le
sur la vie humaine? Il n'en était pas ainsi « glorifiés ». (Ps. XXV, 4; xiv, A.) Les psaumes
chez les apôtres. Ils passaient d'une contrée à renferment en outre une foule de préceptes
une autre , laissant à de nouveaux disciples sur la nécessité de fréquenter les gens de bien
leurs disciplesancienspour maîtres. C'est ainsi et de commander à sa sensualité sur le dé- ,

qu'ils ont pu parcourir l'univers entier ils ; sintéressement contre l'avarice, sur le néant
,

n'étaient pas attachés à un lieu. Dans votre delà richesse et delà gloire, et autres sembla-
opinion que de frères n'avons-nous pas dans
, bles matières. Lorsque, dès son plus jeune âge,
les campagnes qui aussi bien que leurs maî-
, l'enfant aura été nourri de ces leçons , il re-
tres, ont encore besoin d'être instruits? Mais cevra peu à peu un plus haut enseignement.
vous me tenez cloué près de vous. Car, avant Les psaumes renferment tout; mais les hymnes
que la tête soit bien guérie, il est supeiflu n'ont rien de moitel. Lorsque l'enfant aura
de s'occuper du reste du corps. Vous vous re- fait son apprentissage en chantent les psaumes,
posez de tout sur moi. Tandis que nous nous il apprendra les hymnes qui se rapprochent

chargeons de vous instruire, vous devriez à encore plus du ciel. Ce sont les hymnes, en
votre tour vous charger d'instruire vos fem- effet, que chantent les puissances célestes.
mes et vos enfants ; mais vous nous laissez a Les hymnes n'ont rien de beau », dit l'Ec-
toute la besogne. Aussi nous avons beaucoup clésiaste , a en passant par la bouche du pé-
de peine. « Vous intruisant », dit-il, « et vous « cheur». (Eccl. xv, 9.) —
«Mes yeux sont fixés
o exhortant les uns les autres par des psaumes, sur les fidèles qui habitent la terre, afin qu'ils
a des hymnes et des cantiques spirituels ». a soient un jour assis avec moi dans le ciel ».
Voyez comme Paul rend la sagesse abordable — « Celui qui sacrifie à l'orgueil n'habite pas
et facile. La lecture de l'Ecriture sainte est « ma maison ». — « Il me servait en mar-
dans
un travail très-pénible et très-sérieux. Ce n'est « chant dans la voie de la sainteté ». (Ps.
donc pas l'hiitoire qu'il leur donne à lire; G, 6; vu, 2.)
iU TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Tant il est vrai que vous devez veiller à ce «tient». L'humilité est une vertu. «Seigneur,
que vos enfants ne se corrompent pas en fré- a l'orgueil n'a pas enllé mon cœur ». (P-s.

quentant vos amis ou vos esclaves; car nos cxxx, 1.) L'orgueil est un vice. « Ils ont été
enfants courent des dangers innombrables ,
« jusqu'à de leur vanité ». (Ps.
la fin esclaves

quand nous les confions à des esclaves cor- Lxxii, 16.) «Dieu résiste au superbe». (Prov.
rompus. Si, en effet, l'amour et la sagesse 111,31.) «Leur inii.iuité sortira de leur cœur
d'un père suffisent à peine pour les sauver, a 7.) Il est bon
gonfié d'orgueil ». (Ps. lxxii,
que sera-ce, si nous les confions à des esclaves de fairel'aumône « 11 a dépensé ses biens, il
:

n'ayant ni foi ni loi. Ces esclaves les traitent « les a donnés aux pauvres, sa justice e>t eler-

en ennemis et se figurent qu'ils trouveront « nelle ». (Ps. m, 19.) La pitié est clmse

en eux des maîtres complaisants, quand ils louable : « Heureux l'homme qui a de la pitié
auront fait d'eux des insensés, des méchants «et qui fait du bienl » (Ib. 5.) On trouvera
et des vaiuiens. OLCunons-nous donc, avant dans les psaumes bien d'auires préceptes de
tout, de ces points importants, et occupons- morale. 11 ne faut pas médire « Je poursui- :

uous-en avec soin. « J'ai aime, dit le Seigneur, « vais ce détracteur qui médisait en cachette

«ceux qui aiment ma loi ». Montrons-nous a de son prochain ». (Ps. c, 5.) Quant à cet
doue jaloux d'observer celte loi, et aimons hymne célesle que répètent là-haut les ché-
ceux qui l'observent. Les enfants veulent-ils rubins, il est connu des fidèles. Et les anges
i:iil)rendre la tempérance et la modération, placés au-dessous des- chérubins, que disent-
qu'ils écoutent ces paroles du Prophète « Mes : ils? Gloire à Dieu, au plus haut des cieuxl
a reins se sont remplis d'illusions » ; et celles- (Luc, 1, 14.) Donc après les psaumes viendront
ci : « Tu chasseras de la présence et tu perdras les hymnes qui offrent quelque chose de plus
«ceux qui se livrent à la fornication ». (Ps. parfait. « Par des psaumes », dit l'apôtre,
xxxvii, 8 LXXii, 27.) Pour leur apprendre
; com- a par des hymnes, par des cantiques spirituels,
bien il est nécessaire de conunander à sa sen- « chantant de cœur avec édification les louanges
sualité, le psalmiïte leur dira : « Et il a fait « du Seigneur ». Cela veut dire que Dieu nous
« périr plusieurs d'entre eux qui avaient en- a dicté ces chants pour notre édification, ou
« core la bouche pleine ». (Ps. lxxvii, 30, 31.) que ces chants sont des cantiques d'actions de
Il leur dira qu'il ne faut pas se laisser cor- grâces, ou que noiïs devons nous avertir et nous
rompre par les p;éseats, en ces ternies : instruire dans la grâce, ou que ces chants sont
« Quand la richesse affluerait entre vos mains, des dons de la grâce, ou enfin, autre explica-
a ne lui donnez pas votre cœur ». (Ps. lxi, tion, inspirés par la grâce de
qu'ils ont été
11.) l'Esprit-Saint Chantant de cœur les louan-
: a

Pour apprendre qu'il faut savoir maîtriser « ges de Dieu ». Il ne faut pas se bornera
son orgueil, ils trouveront ce passage «L'or- : chanter avec les lèvres; il faut chanter avec le
« gueil ne descendra pas avec lui sur ses pas». cœur.
(Ps. XLvm, 18.) Ils verront qu'il ne faut pas 3. C'est là ce qui s'appelle chanter pour
imiter les méchants: u Gardez-vous de prendre Dieu autrement on chante pour le vent qui
;

a les méchants pour modèles » (Ps. xxxvi, i) emporte nos paroles. Ce n'est pas là, nous dit
;

«ju'il faut mépriser les dignités « J'ai été té- :


l'afiôtre, une affaire d'ostentation. Même sur
u moin de l'élévation de l'impie. Il était haut
la place publi [ue, vous pouvez vous loiirner
a eonmie les cèdres du Liban je n'ai fait que
; vers Dieu/et chanter ses louanges sans i)u ou
« passer, il n'était déjà |)lus » (Ps. xxxv, 36) vous entende. C'est ainsi que priait Moïse, et
;
qu'il faut mépriser les biens de la terre : « Ils Dieu pourtant l'entendit, car voici les paroles
« appelaient heureux le peuple qui possédait de Dieu « Pourquoi cries-tu vers moi?»
:

aces biens; mais il n'y a d'heureux que le Pourtant Moïse ne proférait pas un seul mot ;
a peuple qui a pour soutien le Seigneur notre
la contrition dans le cœur, il faisait une orai-
a Dieu ». (Ps. cxLiii, 15.) a Ils verront que l'on
son mentale aussi était-ce Dieu seul qui l'en-
;

«ne pèche pas impunément, et que le pé- tendait. Rien ne nous empêche en effet de
« cheur reçoit son salaire. Tu rétribueras prier de cœur, en nous promenant, et d'élevir
« chacun selon ses œuvres ». Pourquoi la ré- noire esprit vers Dieu. « Quoique vous fus
liibution n'est-elle pas immédiate? « C'est que usiez», continue saint Paul, « en priant ou
« Dieu, ce juge intègre, est à la fois fort et pa- « en agissant, faites tout au nom de Jésus-
COMMENmUE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE X. 455

( ChristNotre-Seigneur, rendant grâces par lui invoquer aussi le Père; rendre grâces au Père
a à Dieu le Père ». De manière, en in-
celte c'estrendre grâces au Fils. Ne nous bornons
voquant le Christ, nous ne ferons, nous ne di- pas à retenir ce précepte ; mettons-le en prati-
rons rien de contraire à la vertu et à la pureté. que. Rien ne peut être mis en parallèle avec ce
Que vous mangiez, que vous buviez, que vous nom ; il produit toujours de merveilleux effets.
contractiez mariage, que vous voyagiez, faites « Votre nom est un parfum exquis». (Cant.
tout au nom de Dieu, c'est-à-dire en invo- I, 2.) Celui qui a adressé ces paroles à Dieu a
quant son appui. Quoi que vous fassiez, adres- en bonne odeur devant Dieu, o Nul
été aussitôt
sez-lui d'abord votre prière. Quoi que vous « ne peut confesser que Jésus est le Seigneur,
disiez, que ce soit là votre préambule. a sinon par le Saint-Esprit ». (I Cor. xii, 3.)

Voilà pourquoi le nom du Seigneur se trouve Tant ce nom opère de miracles Ces mots, au !

en de toutes nos épîtres. Ce nom-là porte


fête nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
toujours bonheur. Si des noms de consuls prononcés avec foi, produisent les plus puis-
suffisent pour donner à un acte sa sanction, il sants effets. En les prononçant, on crée un
en est de même à plus forte raison dunomdu homme nouveau, on obtient toutes les grâces
Christ. Peut-être aussi l'apôtre veut-il dire : du baptême. Ce nom du Seigneur, ce nom qui
Agissez et parlez toujours au nom du Sei- conuTiande aux maladies, devient une arme
gneur ne faites pas intervenir les anges avant
; terrible. Voilà pourquoi le démon, jaloux du
et après vos repas, rendez grâcesà Dieu. Avant privilège que Dieu accorde à l'homme, a in-
de dormir, à votre réveil, rendez grâces à Dieu. troduit le culte des anges. Oui, ce sont là des
Alkz-vous à vos allaires ? faites de même. Qu'il soitiléges du démon. Ne vous y prêtez point,
n'y ait dans votre conduite rien de mondain, qu'il d'un ange, d'un archange, ou
s'agisse
rien pour la vie terrestre. Faites tout au nom d'un chérubin; car ces puissances, loin d'ac-
du Seigneur, et tout vous réussira. Partout et cueillir vos prières, les rejetteront, en voyant
toujours ce nom-là porte bonheur. S'il chasse que vous humiliez Dieu. Je vous ai honoré,
lesdémons, s'il chasse les maladies, il porte dit Dieu, et je vous ai dit Invoquez-moi, et
:

bonheur à plus forte raison en tout le reste. vous outragez Dieu. Ces paroles magiques pro-
Que veut dire « Quoi que vous fassiez, en
: noncées avec foi, mettront en fuite les mala-
a parlant ou en agissant? » C'est-à-dire en dies et les démons, et, si la maladie ne dispa-
priant, en faisant un acte quelconque. Ecoutez raît pas, ce n'est pas la faute du moyen que
Abraham, donnant, au nom du Seigneur notre vous employez, c'est que ce n'est pas votre,
Dieu, message à son serviteur; voyez David avantage. La gloire de votre nom est pro-
tuant Goliath au nom du Seigneur! C'est que portionnée à votre grandeur, dit l'Ecriture.
ce nom est merveilleux etgrand. Et Jacob, en Tar le nom du Seigneur, l'univers a été con-
laissant partir ses fils, ne leur dit-il pas : verti, le joug de la tyrannie a été brisé, le
« Que mon Dieu vous donne sa grâce, quand démon a été foulé aux pieds, les cieux ont été
a vous serez devant cet homme? » (Gen.xuii, ouverts. Que dis-je ? les cieux C'est par ce !

14.) nom que nous avons été régénérés. Ce nom


En agissant ainsi, on s'assure l'appui de ce nous revêt de splendeur il fait les confesseurs
;

Dieu, sans lequel on n'ose rien entreprendre. et les martyrs. Regardons-le comme un ma-
Ce Dieu, que vous avez honoré, que vous avez gnifique présent, pour vivre dans la gloire,
invoqué, vous honore à votre tour, en faisant pour plaire à Dieu et nous rendre dignes des
prospérer vos entreprises. Invoquez le Fils, et biens promis à ceux qui l'ainienl, par la grâce
rendez grâces au Père. Invoquer le Fils, c'est et la bonté etc.

HOMELIE X.
FEMMES, SOYEZ SOUMISES A VOS MARIS, COMME IL EST BIEN RAISONNABLE, EN CE QUI EST SELON LE SEI-
GNEUR. MARIS, AIMEZ VOS FEMMES ET NE LES TRAITEZ POINT AVEC RIGUEUR. ENFANTS, OBÉISSEZ EN
TOUT A VOS PÈRES ET A VOS MÈRES; CAR CELA EST AGRÉABLE AU SEIGNEUR. PÈRES, n'IRRITEZ
POINT VOS ENFANTS, DE PEUR QU'iLS NE TOMBENT DANS l'aBATTEMENT. SERVITEURS, OBÉISSEZ EN
TOUT A C£IX QUI SO«X VOS MAITRES SEiOJi LA CHAIR, NE LES SERVANT PAS SECiEMENÏ L'oKSQU'iLS
156 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.'

ONT l'CEIL sur vous, COMME SI VOUS NE PENSIEZ QU'a PLAIRE AUX HOMMES; MAIS AVEC SIMPLICITÉ
DE COEUR ET CRAINTE DE DIEU. FAITES DE BON CCEUR TOUT CE QUE VOUS FEREZ, COMME LE FAISANT
POUR DIEU ET NON POUR LES HOMMES. SACHEZ QUE CEST DU SEIGNliURQUE VOUS RECEVREZ l'hÉRITAGE
DU CIEL POUR RÉCOMPENSE; c'EST LE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST QUE VOUS DEVEZ SERVIR. MAIS
CELUI QUI AGIT INJUSTEMENT RECEVRA LE SALAIRE DE SON INJUSTICE, ET DIEU NE FAIT POINT ACCEP-
TION DE PERSONNE. VOUS, MAITRES, RENDEZ A VOS SERVITEURS CE QUE l'ÉQUITÉ ET LA JUSTICE
DEMANDENT DE VOUS, SACHANT QUE VOUS AVEZ AUSSI BIEN QU'eUX UN MAITRE QUI EST DANS LE CIEL.
(111,18; IV, l-l.)

analyse.
1. Devoirs réeiproqnes des maris el des reminc-, dos |viroiits et dos cnraiits, des mailres et des scrvitonrs.
2. Suite des devoirs réciproques. — Couiment il faut prier.
3. Prière d'un saint.
4. l.a prison de Socrate de Paul. — Paul
et celle est bien supérieur à Socrate. — Les parures mondaines sont des chaînes; les
chaînes de Paul sont une parure. — La plus belle parure, c'est la vertu. — lulluence de l'éducation et de l'exemple.

Pourquoi l'apôtre ne fait-il point partout


1. trer acerbe. Voici donc ce qu'il veut dire : Qu'il
cl dans toutes ses épîtres lesrecomnianibtions ne s'élève point de contestations entre vous;
«lu'il fait ici? Pourquoi ne trouvons-nous ces car il n'y a rien do plus amer que ces contes-
préceptes de saint Paul que dans celle épîlre, tations qui ont lieu entre mari et femme. 11
dans l épîlre aux Ephésiens, dans les épîlres à n'y a rien de plus aigre que ces disputes qui
Tiinolhée et à Tile ? C'est que dans les villes , surgissent entre personnes qui s'aiment. Car
d'Kplièse et de Colosses, probablement les fa- cette révolte du corps contre ses propres mem-
milles étaient divisées; c'est que le mal élait bres est preuve d'une grande animosité.
la

surtout chez elles dans ces discordes aux- Aimer est le devoir de riiomine ; obéir est
quelles il fallait remédier au moyen de la pa- celui de la femme. Si chacun y met du sien,
role. Peut-être encore ce sont là des préceptes l'union entre les deux époux est ferme et sta-
généraux. Cette épître offre du reste, et surtout ble. La tendresse du mari fait naître dans le
dans ce passage, de grands points de ressem- cœur de la femme la sympatliie et l'amour ;
blance avec l'épître aux Ephésiens. Il n'en est la soumission de la femme fait de l'homme
pas de même des autres épîlres; soit que, dans un mari doux et clément. Et remarquez ijuc
ces autres épîtres, il s'adresse à des villes paci- la nature aussi a fait l'homme pour la ten-
fiques et à des hommes qui avaient besoin dresse, la femme pour la soumission. Quand
d'entendre de plus hautes leçons , soit que ces l'être qui commande aime l'être qui obéit,
hommes, ayant déjà été consolés dans leurs tout va bien. Et sentiment de la tendresse
le

tentations, n'aient plus besoin de ces pré- est plus impérieusement exigé de celui qui
ceptes domestiques. Cela me fait conjecturer commande que de celui qui obéit. Car, à ce
que, dans ces villes, l'Eglise élait solidement dernier, ce que l'on demande suilout, c'est la
établie, et que saint Paul a gardé ces préceptes soumission. Celle beauté qui est l'apanage de
pour la fin. o Femmes, soyez soumises à vos la femme, ces désirs naturels à l'homme ne
maris, comme c'est raisonnable, en ce qui montrent qu'une chose; c'est que tout cela est
o est selon Dieu ». C'est-à-dire, soyez soumises arrangé pour inspirer à l'homme l'attache-
à vos maris, pour obéir à Dieu car cette sou- ; ment. N'abusez donc pas, ô maris, de la sou-
mission est votre parure. Il ne s'agit point en mission de vos femmes pour vous montrer
effet ici de celle soumission que l'on doit à un insolents; et vous, femmes, ne vous montrez
maître. Il ne s'agit pas seulement d'une sou- pas vaines de l'amour de vos maris. Que la
mission commandée par la nature, mais d'une tendresse de l'homme ne soit point pour la
soumission agréable à Dieu, o Maris, aimez femme un sujet d'orgueil que la soumission
;

« vos femmes, et ne les traitez point avec ri- de la femme ne soit point iiour l'homme un
« gueur». Voyez comme les devoirs récipro- motif de vanité. Si Dieu veut que la femme
ques sont ici bien marqués. Il place de part vous soit soumise, ô homme, c'est pour que
et d'autre l'amour à colé de la crainte car ; vous l'aimiez davantage; si Dieu veut que
celui qui aime pourrait, malgré cela, se mon- l'homme vous aime, ô femme, c'est pour allé-
.. ,

COMMENTAIRE SUR f/ÉPlTRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE X. 157

ger votre joug. Ce joug, ne le craignez pas; celui qui commande et celui qui sert. Mais,
êtresoumis à celui qui vous aime est une si- comme dans une pareille situation c'est

tuation qui n'a rien de pénible. Et vous, l'obéissance qui a la plus large part , c'est

homme , ne craignez pas d'aimer ; votre aussi sur l'obéissance qu'il insiste et qu'il
femme vous est soumise. La nature vous a appuie pour en faire jaillir ce sentiment que
donné une autorité nécessaire; joignez-y le la nature fait éclore dans la famille. Aussi

lien de la tendresse qui fait pardonner aux n'est-ce pas seulement la cause des maîtres,
faibles. c'est celle des serviteurs eux-mêmes qu'il
o Enfants, obéissezen tout à vos pères et à vos plaide auprès des serviteurs. veut qu'ils se Il

« mères ; car cela est agréable au Seigneur » rendent agréables à leurs maîtres ; mais il ne
— a Cela est tigréable au Seigneur », dit- le dit pas explicitement, pour ne pas les hu-
il encore ici pour insister sur cette loi de
;
milier. «Obéissez», leur dit-il, «à vos maî-
l'obéissance, pour rendre les enfants respec- très selon la chair».
tueux et soumis. « Car cela est agréable au 2. Voyez comme il a soin de faire ressortir
«Seigneur». Voyons comment saint Paul nous ces titres d'épouse, de fils , de serviteur, parce
recommande de suivre toujours non-seule- que ces titres leur marquent les devoirs qu'ils
mtnt l'ordre de la nature, mais les préceptes ont à remplir et leur commandent la soumis-
de Dieu, si nous voulons être récompensés, sion. Mais, pour ne pas humilier les esclaves,
a Pères, n'irritez point vos enfants, de peur il « A vos maîtres selon la chair ». Ce
ajoute :

qu'ils ne tombent dans l'abattement ». Voilà de meilleur en vous, leur dit-il, votre
qu'il y a
encore ici la soumission et la tendresse. L'apô- âme, est libre; votre esclavage n'aura qu'un
tre n'a pas dit: a Aimez vos enfants»; la re- temps. Soumettez donc votre corps à vos maî-
commandation serait inutile ; car la nature tres vous sentirez moins votre chaîne. « Ne
;

nous y force. Mais il rectifie le sentiment de « les servant pas seulement lorsqu'ils ont
l'amour paternel, en indiquant qu'il doit être «l'œil sur vous, comme si vous ne pensiez
d'autant plus vif que la soumission de l'enfant a qu'à plaire aux hommes ». Faites en sorte

est plus grande. Nulle part il n'emploie, dit-il , que cet esclavage qui vous est imposé

quand de tendresse, l'exemple des


il s'agit parla loi, vous soit imposé par la crainte du
maris et des femmes comme terme de com- Christ. Car si, loin des yeux du maître, vous
paraison. Quoi d'étonnant? Ecoutez ces pa- remplissez envers lui tous vos devoirs, c'est
roles du Prophète : Comme un père qui a eu l'œil vigilant de Dieu qui vous y oblige. « Ne
pitié de ses enfants, le Seigneur a eu pitié de « les servant pas seulement lorsqu'ils ont
ceux qui le craignent. (Ps. xii, 13.) Et Jésus- «l'œil sur vous, comme si vous ne pensiez
Christ dit aussi : « Quel est celui d'entre vous « aux hommes » car cette pensée
qu'à plaire ;

a qui donnerait une pierre à son fils ,


quand est une pensée pernicieuse. 'Ecoutez le Pro-
fl son fils lui demande du pain? Quel est celui phète « Dieu a dispersé les os de ceux qui
:

« d'entre vous qui lui donnerait un serpent, a songent à plaire aux hommes ». (Ps. lu, 6.)

« quand il lui demande du poisson' » (Matth. Voyez comme il les ménage, tout en leur don-
VII, 9.) — « Pères, n'irritez point vos enfants, nant des règles de conduite. « Mais avec sim-
a de peur qu'ils ne tombent dans l'abalte- « plicité de cœur et crainte de Dieu». Une

« ment ». Il s'est exprimé de la manière la conduite toute contraire n'est plus simplicité
plus propre à faire impression sur eux ; c'est de cœur ; ce n'est qu'hypocrisie et dissimula-
un ordre aimable où il ne fait pas intervenir tion ; le serviteur alors pense tout autrement
Dieu pour les émouvoir, il en appelle à leur qu'il n'agit; quand son maître n'est plus là,
vos enfants », c'est-
affliction: « N'irritez point le serviteur n'est plus le même. Et saint Paul
à-dire, ne les aigrissez pas; il y a des cas où ne dit pas seulement « avec simplicité de
vous devez leur faire des concessions. 11 passe «cœur », il ajoute « et crainte de Dieu ».
ensuite à un troisième commandement : «Servi- Car la crainte de Dieu consiste à ne rien faire
« leurs, obéissez à vos maîtres selon la chair » de mal, lors même que personne ne nous voit.
Ily a aussi place pour l'alTection entre le ser- Voyez -vous la règle de conduite qu'il leur
viteur et le maître. Mais ce n'est plus l'affec- donne? « Quoi que vous fassiez », dit -il,
tion qui résulte des liens naturels ; c'est une a faifes-le de bon cœur, faites-le pour Dieu et
affection qui résulte des bons rapports entre « non pour les hommes ». C'est qu'il veut les
188 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

mettre en garde non-seulement contre l'hypo- chose qui s'appliquerait bien à une autre,
crisie;, mais contre la paresse et la fainéantise. c'est sur cette dernière personne principale-
D'esclaves, il les rend libres, puisqu'ils n'ont ment que tombe réprimande. Vous êtes
la

pas besoin de la présence du maître. C'est ce comme eux, aux maîtres. Vous avez,
dit-il

que veulent dire ces mots a de bon cœur » ;


comme eux, un maître « Sachez que vous :

ils signifient « avec bienveillance », non parce « avez aussi bien qu'eux un maître qui est
que l'esclavage vous y oblige , mais agissant « dans le ciel ».
en vertu de votre libre arbitre et de plein gré. « Persévérez et veillez dans la prière en ,

Et quelle sera leur récompense?


Sachez », « « l'accompagnant d'actions de grâces » Comme .

leur dit-il, « que c'est du Seign.-'ur que vous la persévérance dans la prière engendre par-
« recevrez l'héritage du ciel pour récompense; fois la lassitude, il leur recommande de veil-
CIc'est le Seigneur Jésus-Christ que vous devez ler , c'est-à-dire , d'être attentifs à eux-mêmes
«servir». C'est lui qui vous donnera votre et de ne pas se permettre les distractions et
salaire. Et voici la preuve que c'est Dieu que les divagations car le démon sait bien quels
;

vous servez « Celui qui agit injustement re-


: sont les fruits de la prière : il se lient donc là
o cevra la peine de son injustice ». Il confirme toujours aux aguets, et saint Paul sait, du
là ce qu'il a dit plus haut : Pour que ses pa- reste, quelle froideur et quelle nonchalance on
roles n'aient pas un faux air de flatterie, il re- apporte souvent dans la prière. « Persévérez
cevra la peine de son injustice, dit-il ; c'est-à- « dans l'oraison », comme si l'oraison était un
dire, i! sera châtié; «car Dieu ne fait point travail. « Veillezdans la prière, en l'accom-
« acceptiiin de personne ». Qu'iiniiorte que pagnant d'actions de grâces ». Regardez,
vous soyiz esclave? Vous n'êtes point, pour dit-il, comme votre tâche et votre devoir de

cela, ilé-lionoré devant Dieu. C'est aux maî- rendre grâces à Dieu par la prière, pour ses
tres que l'apôtre devait adresser ce langage, bienfaits évidents et cachés, pour ceux qu'il
comme dans l'épîlre aux Ephésiens; mais vous a prodigués sur votre demande et mal-
dans celle épître-là on dirait qu'il parle pour gré vous, pour obtenir le royaume des cieux,
les maîtres qui étaient gentils. Qu'importe, pour éviter la géhenne ,
quand il vous afflige
en etfet, que vous soyez chrétien tandis que , et (|uand il vous soulage. C'est ainsi que
votre maître est païen? Ce n'est pas ici une prient les saints ; c'est ainsi qu'ils rendent
quction de personne; c'est une question de grâces à Dieu pour les bienfaits dont il com-
conduite. C'est donc avec bienveillance et de ble tous les hommes.
bon cœur que le serviteur doit faire son ser- 3. Je me rappelle la prière d'un saint. Voici
vice. cette prière : Nous vous rendons grâces. Sei-
Vous, maîtres, rendez à vos serviteurs ce gneur, pour tous les bienfaits dont vous n'avez
« que l'équité et demandent de
la justice cessé de nous combler, nous vos serviteurs
vous ». Or, qu'est-ce que demandent la jus- indignes nous vous rendons grâces pour ces
;

lice et l'éfiuité? Elles demandent que vous ne bienfaits, pour ceux que nous connaissons et
manquer de rien vos serviteurs; elles
lai-sitz pour ceux que nous ignorons, pour vos bien-
demandent que vous ne les forciez point à faits visibles ou invisibles, pour le bien que
avoir recours aux autres et que vous les ré- vous nous avez fait par votre coopération ou
compensiez selon leurs travaux. On a dit tiu'ils par votre parole, pour celui que vous nous
recevraient leur récompense de Dieu; mais ce avez fait même malgré nous, pour celui que
n'est l'as une raison pour que leur mnître les vous nous avez fait quoique nous en fussions
prive lie leur salaire. Dans un autre endroit, indignes, pour les maux dont vous nous avez
Paul dit
.«aint « Ne : les traitant point avec affligés, pour les consolations que vous nous
amen.iccs». (Eph. vi, 9.) Il voulait rendre avez données, pour les périls dont vous nous
les Ephésiens jdus doux ; car, sous d'auties avez frappés, pour le royaume dcscieux, notre
rapports, il n'y avait rien à dire contre eux. héritage. Nous vous prions de nous conserver
Ces mots « Dieu ne fait point acception de
: la pureté du cœur, la paix de la conscience,
personne » ont été dits pour les esclaves
a ,
;
et de nous donner une fin digne de votre clé-
mais, en les leur adressant, il veut aussi que mence. Vous, qui nous avez aimés aupointde
les maîtres les prennent pour eux. Quand nous sacrifier votre Fils unique, daignez nous
nous disons, en effet, à une personne quelque rendre dignes de votre amour, mettez la sa-
.

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE X. 1S9

gesse dans notre bouche ; remplissez-nous de quoi le Christ n'était pas venu plus tôt, en ap-
Toire force et de la crainte de Dieu ; vous
qui pelant une ombre tout ce qui l'avait pré-
avez sacriflé pour nous votre Fils unique, et cédé, ombre de la vérité dont le Christ est le
qui avez envoyé votre Saint-Esprit pour la ré- corps. (Coloss. Il, 17.) Les hommes devaient
mission de nos pardonnez-nous nos
pécliés, d'abord s'accoutumer à l'ombre. 11 leur donne
fautes volontaires ou involontaires, souvenez- en même temps une preuve éclatante de sa
vous de tous ceux qui invoquent votre nom tendresse pour eux. C'est pour vous faire écou-
avec la parole de la vérité, souvenez-vous de ter la parole de Jésus-Christ quejesuis chargé
ceux qui nous veulent du bien ou du mal, car de liens, dit-il. Le voilà encore qui parle de
nous sommes tous des bommes. ses liens, et c'est ce qui me fait aimer Paul,
Puis, après avoir adressé à Dieu la prière c'est ce qui éveille en sa faveur toutes mes

des fidèles, pour couronner l'œuvre, et afin de sympathies. Ah que j'aurais voulu le voir ce
I

prier pour tout le monde il s'arrêtait. Car , saint captif, lorsque dans sa prison il écrivait,
Dieu nous a fait beaucoup de bien, même il prêchait, il baptisait, il que
catéchisait. Quelle
malgré nous il nous en a fait davantage en-
;
fût l'affaire qui s'agitât au sein de l'Eglise,
core, à notre insu. Car, lorsqu'il fait tout le c'était à Paul, dans les liens, qu'on en référait;

contraire de ce que nous lui demandons, dans les liens, il possédait au plus haut degré
c'est évidemment parce qu'il nous fait du le le monde. C'était alors
pouvoir d'édifier tout
bien à notre insu. « Priez aussi pour nous ». que jamais, a Afin qu'un
qu'il était plus libre
Quelle bumilité I II les fait passer avant lui. a plus grand nombre de mes frères, s'ap-
a Afin que Dieu nous ouvre une entrée pour a puyant sur mes liens, osent prêcher hardi-
« aborder le mystère du Christ». Une entrée, « ment et dans l'effusion de leurs cœurs la
c'est-à-dire la liberté de parler. Ah 1 le coura- a parole de Dieu ». (Philip, i, 14.) Il proclame

geux athlète ne leur demandait pas de prier cette même vérité en ces termes a Quand je :

Dieu pour qu'il fût délivré de ses liens mais, ;


a suis faible, c'est alors que je suis fort ».

quand il était chargé de liens, il demandait (II Cor. xu, 10.) Voilà pourquoi il disait en-

aux autres de prier Dieu de lui accorder une core « Mais on n'enchaîne pas la parole de
:

faveur précieuse, la liberté de parler et de a Dieu». (IITim. ii, 9.)

parler un sujet bien grand, à raison de la per- Il était chargé de chaînes avec des malfai-

sonne de la matière, la liberté de parler


et teurs, des scélérats, des homicides, ce docteur
a sur mystère du Christ » C'est là le plus
le . universel. Celui qui est monté au troisième
cher de tous ses vœux, a Ce mystère pour ciel, celui qui a entendu retentir à son oreille

a lequel je suis dans les liens » des paroles mystérieuses et ineffables était
a Et afin que je le découvre aux hommes en la chargé de liens. Mais alors même sa course
a manière que je dois le découvrir ». En toute était plus rapide. Mais celui qui était chargé
assurance, en toute liberté et sans réticence, de liens qui était libre était
était libre, et celui

veut-il dire. Eh quoi Paul tu es dans les I , le prisonnier. Le premier faisait ce qu'il vou-
liens et tu t'ériges en consolateur? Oui sans — lait; le second ne pouvait ni lui faire obstacle,

doute mes liens même rendent ma parole


;
ni accomplir ses desseins. Que fais-tu, stupide
plus libre. Mais je demande à Dieu son se- geôlier? C'est à un athlète spirituel que tu as
cours. N'ai-je pas entendu dire au Christ : affaire. La carrière où il dispute le prix n'est
a Quand on vous livrera entre leurs mains, ne pas de ce monde. Il est au ciel, et l'athlète
« vous inquiétez pas de savoir comment vous qui court dans la lice du ciel ne peut être ni
a leur parlerez et ce que vous leur direz ». enchaîné ni retenu par les liens terrestres. Ne
(Matih. X, 19.) Et remarquez cette image : vois-tu pas ce soleil ? Tâche d'enchaîner ses
Une tnlrée pour aborder le mystère ». Voyez rayons et de l'arrêter dans sa course ; tes

ce style sans faste et l'humilité du captif. Il efforts seront inutiles. Comment donc pour-
voudrait amollir les âmes, mais ilne le dit pas, rais-tu arrêter Paul? C'est un ministre de la
il demande seulement la liberté de parler en providence divine bien plus grand que le so-
toute assurance. Ce qu'il en dit est pure mo- leil; car il apporte cette vraie lumière qui
destie, c'est de l'humilité. Car celte liberté, il n'a rien de matériel. Où sont-ils ceux qui ne
l'avait ; mais il veut de Dieu une se-
la tenir veulent rien souffrir pour le Christ? Que dis-
conde fois. Il montre dans cette épître, pour- je, souffrir I Ils ne veulent même pas sacriûet;
160 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

pour lui une Paul aussi autrefois en-


obole. les miracles, c'était de ramener les âmes, sans
en prison. Mais,
chaînait les fidèles et les jetait recourir aux miracles.
depuis qu'il est serviteur du Christ, il ne se Socrate aussi, chez les Grecs, fut chargé de
glorifie pas de ses actes, il se glorifie de ses chaînes. Eh bien! les disciples ne s'enfuirent-
souffrances. Et voilà ce que cette prédication ils pas aussitôt à Mégare ? Sans doute ; car ils
a de merveilleux c'est à la souffrance, ce
: ne crurent pas à ce qu'il leur disait de l'im-
n'est pas au péché qu'elle doit ses triomphes mortalité de l'âme. Mais voyez ce qui se passe
et ses progrès. A-t-on jamais vu de sembla- ici. Dès que Paul est jeté en prison, les disci-
bles luttes? Dans cette lutte céleste, c'est la ples redoublent de courage et ils ont raison;
victime qui triomphe; c'est le bourreau qui car ils voient que ses liens no sont pas pour la
est le vaincu. C'est la victime qui est illustre, prédication des entraves. Pouvez-vous enchaî-
et c'est du cachot que la prédication s'élance ner langue en effet? La persécution ne fait
la

pour soumettre le monde. Non, je ne rougis que rendre plus libre. Pour arrêter un cou-
la

pas, dit Paul, je me glorifie au contraire de reur, il faut lui lier les pieds; pour arrêter
prêcher la parole du crucifié. Conclusion : l'évangéliste, il faudrait lui lier la langue.
L'univers entier abandonne ceux qui sont li- Entourez de chaînes les reins du coureur, il
bres pour s'attacher aux captifs il se détourne ; n'en est que plus ardentà la course; enchaînez
les bourreaux pour honorer ceux qui sont l'évangéliste, ses liens lui donnent encore pi us
chargés déchaînes; il adore le crucifié et n'a, d'assurance et de courage pour prêcher la pa-
pour ceux (jui l'ont mis en croix, que des sen- role de Dieu. Le captif a peur, quand il n'est
timents de haine. qu'un captif; mais le captif qui est en même
4. Ce qu'il y a d'admirable, c'est que le don temps un homme de cœur et qui méprise la
de la prédication est accordé à des pécheurs, mort, comment ferez- vous pour l'enchaîner?
à des hommes simples, c'est en outre quêtons Les persécuteurs de Paul n'enchaînaient, pour
les ob^lacles naturels, au lieu d'être des obsta- ainsi dire, que le fantôme de Paul; c'était
cles |)our ces hommes, ne font que doubler comme s'ils voulaient fermer la bouche à une
leurs forces. Oui, loin d'être pour eux un ombre. Car c'était contre une ombre qu'ils
écneii, leur siiniilicilé ne fait que rendre plus combattaient. Paul, dans les fers, n'en était que
éclatante la vérité de la parole qu'ils prê- plus regrettable pour ses amis, n'en était que
chent. Ecoutez-le dire : « Et l'on s'étonnait plus respectable pour ses ennemis. Ses liens
a de trouver en eux des hommes simples et étaient pour lui le prix qui attestait sa gran-
« sans instruction ». (Act. Leurs chaî- iv, 13.) deur d'âme et son courage. La couronne, loin
nes, loin de les gêner, leur donnaient plus d'amener la rougeur sur le front couronné,
d'assurance. Les disciples étaient encore plus est pour ce front un ornement et un titre de
audacieux quand Paul était cnptif (ji;^ lors- gloire. Eh bien les persécuteurs de Paul lui
1

qu'il était libre, a Afin », dit-il, « qu'ils aient tressaient une couronne avec ses chaînes.
plus de courage pour prêcher la parole de Car, dites-moi, pouvait-il redouter les fers,
Dieu ». Où ceux qui prétendent que
sont-ils l'homme qui osait briser les portes de la mort,
ce n'est pas là une prédication divine? La sim- ces portes d'airain ?
plicité et l'ignorance des apôtres ne suffisaient- Parlons, mes amis, parlons de ces chaînes
elles pas pour donner un démenti à cette as- que nous devons ambitionner, dont nous de-
sertion? Ces hommes simples d';iilleiirs n'au- vons être jaloux. femmes qui vous couvrez
raient-ils pas dû être intimidés ? Car vous de colliers d'or, soyez jalouses des chaînes de
savez qu'il y a deux choses qui retiennent le Paul. La splendeur que votre collier jette au-
commun des hommes la fausse gloire et la
: tour de votre cou, les chaînes de Paul la ré-
crainte. Or, si leur simplicité et leur ignorance pandait sur son âme. Mais si vous ambitionnez
les préservaient de la honte, ils auraient diî ces ornements, détestez les ornement'^ mon-
au moins trembler devant le péril qui les me- dains. Qu'y a-t-il de commun entre la lâcheté
naçait. Mais, dira-t-on, ils faisaient des mira- et le courage, entre l'éclat matériel et la sa-
cles. Vous croyez donc aux miracles des gesse? les liens de Paul, les anges les respec-
apôtres. Si vous me dites au contraire qu'ils tent ; ces colliers sont un objet de risée pour
n'en faisaient pas, je vous répondrai que, de le ciel. Les chaînes de Paul nous élèvent de la
la part de ces hommes, le plus grand de tous terre au ciel ; les ornements mondains nous
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE X, 161

font descendre du ciel sur la ferre. Oui, ce sont daines, sera un jour condamnée à une prison
ces ornements qui méritent le nom de chaî- éternelle et jetée dans un cachot, pieds et
nes ; les chaînes de Paul, au contraire, sont des poings liés. Celle qui aura été chargée des liens
ornements véritables. Ces colliers courbent de Paul, les portera autour d'elle comme une
l'àme et le corps à la terre, tandis que les parure. Délivrez donc votre corps de ses liens,
chaînes de Paul sont une parure pour et lepauvre de la faim. Pourquoi river les
l'âme et pour le corps à la fois. En vou- fersdont le péché vous entoure? Comment
lez-vous la preuve? Dites-moi : de vous ou d^, donc, dircz-vous, puis-je river ces fers? Eh!
Paul, quel est celui qui attirera le plus de re- quoi Porter de l'or, quand votre semblable
!

gards? Mais que dis-je? L'impératrice elle- meurt de faim, vous charger d'or pour satis-
même, toute resplendissante d'or, ne serait faire votre vanité, quand votre semblable n'a
pas un spectacle plus attrayant que Paul. Que pas de quoi manger, n'est-ce pas river les
Paul, chargé de fers et que l'impératrice en- chaînes dont vous charge le péché? Revêtez-
trent en même temps dans une église, tous vous du Christel non de cet or; le Christ n'est
les yeux se détourneront de l'impératrice, pas où est le mammon mara-
d'iniquité, le
pour se fixersurPaul,etcesera justice. N'est-il mon ne peut être où est le Christ,
d'iniquité
pas plus curieux en effet de voir un homme Ne voulez-vous donc pas vous revêtir du Roi
supérieur à la nature humaine, un homme de l'univers? Si l'on vous donnait la pourpre
qui n'a rien d'humain et qui est un ange sur et le diadème, n'aimeriez-vous pas mieux un
la terre, que de voir une femme parée? tel présent que de l'or? Et moi, ce ne sont pas
Une femme parée I Mais cela se voit par- les insignes de la royauté, c'est le roi en per-
tout, au spectacle, aux bains, à la proces- sonne que je vous donne pour ornement. Com-
sion. Un homme chargé de chaînes, au con- ment donc, dites-vous, peut-on se revêtir du
traire, qui, en même temps, loin de se cour- Christ? Ecoutez cette parole de Paul: «Vous
ber sous le poids de ses fers, y trouve son « tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ,
plus bel ornement, voilà un spectacle qui n'a «vous avez été revêtus de Jésus-Christ».
rien de terrestre et qui est digne du ciel! (Gai. m, 27.) Ecoutez ce conseil de l'apôlre :
L'âme de celte créature entourée d'ornements « Ne cherchez point à contenter votre sensua-
terrestres fait attention à ceux qui la regardent « lité, en satisfaisant à ses désirs ».(Rom. xui,
ou qui ne la regardent pas elle est pleine : 14.) Ou peut donc se revêtir du Christ, en ne
d'orgueil, elle est en proie aux inquiétudes et cherchant point à contenter sa sensualité. Et
aux soucis, elle a pour liens des passions sans quand on sera revêlu du Christ, on fera recu-
nombre. Mais, grâce à ses chaînes, Paul se ler le démon. Mais si l'on se revêt d'or, on de-
trouve exempt d'orgueil et rempli d'allégresse ; viendra un objet de risée même pour les
libre de toute inquiétude, il lève vers le ciel hommes auxquels on imposerait le respect,
des regards joyeux. Si l'on me donnait le en se revêtant du Christ.
choix, qu'est-ce que je préférerais, de Paul Voulez-vous paraître belle et séduisante?
apparaissant et parlant du haut des cieux, ou Contentez -vous de la parure naturelle que
de Paul apparaissant et parlant dans sa pri- vous a donnée le Créateur. A quoi bon cet or et
son? J'aimerais mieux voir Paul m'apparaîlre ces ornements qui affichent la prétention de
du fond de sa prison car c'est dans sa prison
; corriger ce que Dieu a fait? Voulez-vous pa-
que les anges viennent le visiter. Les chaînes raître belle? Revêtez -vous de charité, de
de Paul suspendent ses auditeurs à ses lèvres bonlé, de modestie, de pudeur, et dépouillez
et servent en même temps de base à sa prédi- le faste. Les ornements que je vous indique
cation. Tâchons donc d'eu obtenir de sem- sont plus précieux que l'or; ils ajoutent à la
blables. beauté et changent en beauté la laideur même.
b. Pour cela, que faut-il faire ? Il faut briser Quand on voit la beauté jointe à la bonté, on
et broyer ces colliers, ces ornements mon- est prévenu en sa faveur; mais une méchante
dains. Ce sont des liens inutiles et per- même femme perd toute sa beauté car sa méchanceté
;

nicieux, qui seront là-haut les marques de choque les yeux de l'âme qui ne la voient plus
notre servitude. Ce sont les chaînes de Paul telle qu'elle est physiquement. L'égyptienne,
qui nous délivreront dos chaînes du monde. femme de Puliphar, élait parée, ainsi que Jo-
La femme qui est ciiargée de ces chaînes mon- seph lequel des deux élait le plus beau? Et
;

S. J. Ch. — Tome XI. 11


,

m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÊ.

notez bien que je ne parle pas ici de cette femme parure, est à lui seul, un grand mal quand ,

assise dans son palais quand Joseph était


,
même il n'entraînerait avec lui aucune suite
iplongé dans un cachol. Joseph, lors même fâcheuse, quand même il serait innocent;
icju'il était nu, avait pour vêlements sa conli- car, à lui seul, il nous dispose à la vanité et
inence et sa pudeur ; mais elle, avec toute sa au faste.

parure, était encore plus laide que si elle s'é- Mais ce soin exagéré de notre parure pro-
tait montrée toute nue car c'était une femme
;
duit en abondance les plus mauvais fruits : il

sans pudeur. Oui, avec tous vos vêtements engendre les soupçons, les dépenses inutiles,
dispendieux, ô femme, vous voilà plus laide les médisances, la cupidité. Pourquoi ces or-
que si vous étiez nue; car vous avez dépouillé nements, je vous le demande? Est-ce pour
la pudeur. plaire à voire mari ? Parez-vous donc quand ,

Eve aussi était nue, et, quand elle se revêtit vous restez chez vous. Mais c'est le contraire
d'ornements, elle devint laide. Tant qu'elle que vous faites. Si c'est à votre mari que vous
resta nue, elle eut pour ornement la gloire de voulez plaire, ne clieichcz donc pas à plaire
Dieu; mais une fois revêtue de la livrée du aux autres car en voulant plaire aux autres,
;

péché, elle devint laide. Et vous aussi, vos or- vous ne pouvez plaire à votre mari. Vous de-
nements mondains vous enlaidissent. Votre vriez donc quitter votre parure, quand vous
luxe ruineux et excessif ne suflit pas pour allez au marché, quand vous allez à l'église.
mettre en relief votre beauté, et une femme En d'autres termes, pour plaire à votre mari,
parée peut sembler moins belle que si elle vous devriez recourir aux séductions des hon-
n'avait pas d'ornements je vais vous le
;
nêtes femmes et non pas à celles des courti-
prouver. Vous êtes -vous avisée parfois de sanes. Car, je vous le demande qn'est-ce qui ,

vous habiller en joueuse de flûte, et n'était-ce dislingue la courtisane de la femme légitime?


pas là un costume déshonnête et indécent? C'est.que la première a pour unique affaire
Pourtant c'était de l'orque vous portiez; mais de charmer ses amants par sa beauté, tandis
c'était justement tout cet or qui faisait votre que la seconde dirige sa maison et partage
honte. Toutce luxe dispendieux, en effet, con- avec son mari la vie commune et les soins de
vient aux histrions, aux danseurs, aux acteurs la famille. Peut-être avez-vous une fille? Eh
tragiques, aux baladins, aux bestiaires; mais bien servez-lui de sauvegarde
! les mœurs ;

une vraie chrétienne a une autre parure dépendent de l'éducation, et les filles imitent
qu'elle a reçue de Dieu cette parure, c'est le
: leur mère. Donnez à votre fille l'exemple de
Fils unique de Dieu lui-même, a Vous tous, la modestie et delà pudeur; que ce soit là
a qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous votre parure méprisez tout autre ornement.
;

« êtes revêtus du Christ ». (Gai. m, 27.) Dites- Mais j'en ai dit assez. Que ce Dieu qui a fait le
moi, je vous prie, si l'on vous donnait des vê- monde, chef-d'œuvre de beauté; que ce Dieu
tements royaux, et si vous échangiez cette pa- qui nous a donné la parure de l'âme, nous
rure contre la livrée abjecte d'un mercenaire, serve aussi de parure et d'ornement qu'il ;

ne trouveriez-vous pas déjà votre châtiment nous donne pour vêtement sa propre gloire
dans votre bassesse? Quoi vous voilà revêtue
! afin que tout resplendissants de l'éclat de nos
du Maître souverain des anges et du ciel et , bonnes œuvres et vivant pour la gloire de
vous restez attachée à la terre J'ai pour but
I Dieu, nous rendions gloire au Père, au Fils et
ici de démontrer que cet amour excessif de la au Saint-Esprit,

HOMELIE Xi;

CONDmSBZ-VOUS AVEC SAGESSE ENVERS CEUX QUI SONT HORS DE l'ÉGLISE, EN RACHETANT LE TEMPS ;
QUE VOTRE ENTRETIEN, TOUJOURS ACCOMPAGNÉ d'uNE DOUCEUR ÉDIFIANTE, SOIT ASSAISONNÉ DU SEL
DE LA DISCRÉTION, EN SORTE QUE VOUS SACUIEZ COMMENT VOUS DEVEZ RÉPONDRE A CHAQUE PER-
SONNE, [iv, &:ii.}
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS, - HOMÉLIE XI. m


^«ja,
Analyse.

! , H faut être circonspect dans sa conduite et dans son langage j il faut rendre à chacun ce qui lui appartient. — Affection de
Paul pour ses frères.
2. Paul recommaude ses amis aux Colossiens.
3. Humilité de Paul. — 11 faut se réjouir avec ceux qui se réjouissent, et fleurer avec ceux qui pleurent. — 11 faut applaudir aux
succès de ses frères, pour les partager.

4. L'envie doit être foulée aux pieds.

1. Les conseils que le Christ donnait à ses devoir humilier le souverain tout aurait été ,

disciples, Paul les donne ici. Que disait le perdu pour lui. Ecoutez encore saint Pierre
Christ? « Je vous envoie comme des brebis répond aux Juifs avec douceur « Il faut
^ui :

« au milieu des loups. Ayez donc la prudence Dieu plutôt qu'aux hommes ». (Act.
« obéir à

a du serpent et la simplicité de la colombe ». V, 29.) Et pourtant ces hommes, qui avaient

(Matth. X, 16.) C'est-à-dire, prenez vos précau- fait le sacrifice de leur vie, auraient pu se ré-

tions, ne donnez jamais prise sur vous. S'il pandre en outrages et tout oser. Mais s'ils
ajoute: oAvec ceux qui sont hors de l'E^'lise», avaient de leur vie, ce n'était
fait le sacrifice

c'est que nous avons moins de précautions à une vaine gloire car
pas pour courir après ;

prendre avec ceux qui sont nos membres alors leurs insultes n'auraient été que de la
qu'avec les étrangers. Entre frères, on se jactance. Mais leur unique but était de publier
passe bien des choses, parce qu'on s'aime; la parole de Dieu et de parler en toute liberté
pourtant, même entre frères, il faut se tenir et en toute assurance. Courir après la vaine
sur ses gardes; mais il faut y être surtout avec gloire aurait été, de leur part, un acte d'impu-
les étrangers. Car autre chose est de se trou- dence.
ver au milieu de ses ennemis autre chose est , « Que votre entretien, étant toujours accom-

de vivre parmi ses amis. Après les avoir inti- « pagné d'une douceur édifiante, soit toujours
midés, voyez comme Paul les rassure. « En « assaisonné du sel de la discrétion ». Cela veut

a rachetant le temps », dit-il; car le moment dire que cette douceur et cette grâce de style
présent est court. S'il leur tenait ce langage, ne doivent pas être employées indifférem-
ce n'était point pour en faire des caméléons et ment. On peut, en effet, i)arler avec urba-
des hypocrites, car l'hypocrisie est folie plutôt nité et avec grâce, sans oublier pour cela la
que sagesse. Mais il veut dire Dans les choses : dignité du langage et les convenances. « Eu
indifférentes, ne donnez pas prise sur vous. a sorte que vous sachiez comment vous devez

C'est ce qu'il dit aux Romains « Rendez àcha- : «répondre à chaque personne ». Il ne faut
« cun ce qui lui est dû le tribut, à qui vous ; donc point parler à tous nos auditeurs le
a devez le tribut; les impôts, à qui vous devez même langage; il faut savoir faire la diffé-
a les impôts hommage à qui vous devez hom-
; rence des gentils et de nos fières. Parler au-
« mage ». (Rom xiii, 7.) Ne combattez que trement serait le comble de la folie.
pour la parole de Dieu c'est cette parole ;
« Tychique, mon très-cher frère, ce fidèle

seule qui doit vous donner le signal de la a ministre du Seigneur que nous servons tous

guerre. Car si pour d'autres motifs, nous le-


,
«deux, vous apprendra tout ce qui me re-
vions l'étendard de la guerre contre les étran- « garde ». Ah que saint Paul est sage Dans
! !

gers, ce serait là une guerre sans profit pour les lettres, il ne met rien qui ne soit néces-
nous, qui les rendrait pires qu'i's ne sont, et saire et urgent. C'est qu'avant tout il ne veut
qui leur donnerait, en apparence, le droit de pas être prolixe. Puis il veut faire respecter
nous accuser; par exemple, si nous ne vou- son envoyé, il veut que cet envoyé ait quelque
lions pas payer l'impôt et rendre hommage à chose à dire. Il montre aussi l'affection qu'il a
qui de droit , si nous n'étions pas humbles. pour lui ; car autrement il n'en aurait pas fait
Voyez-vous comme
Paul s'abaisse, quand il son mandataire. Enfin, il y avait certains dé-
ne de parole
s'agit pas
la de Dieu ? Ecoutez ce tails qu'il ne pouvait exprimer par lettres.

qu'il dit à Agrippa a Je m'eslime heureux : « Mon très-cher frère », dit -il. C'était donc
a d'avoir à plaider ma cause devant vous pour lui un confident auquel il ne cachait
« parce que vous connaissez à fond les coutu- rien. « Ce fidèle ministre du Seigneur que

mes des Juifs et les questions qui s'agitent « nous servons tous deux ». S'il est fidèle, il
entre eux ». (Act. xxvi ,2,3.) S'il avait cru est incapable d'en imposer. S'il sert Dieu avec
16-1 tRADUCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Paul, c'est qu'il a partage ses épreuves. Il dation ; car c'était un grand homme que Bar-
groupe ici tous les motifs qui peuvent l'accré- nabe. oAu sujet duquel on vous a écrit s'il :

diter auprès des Colossiens. « Et je vous l'ai «vient chez vous, recevez-le bien». Ils l'au-
«envoyé, afin qu'il apprenne l'état où vous raient certainement bien reçu, sans cette re-
a êtes Yous-niônies (8) ». 11 leur donne par là commandation. Mais Paul veut dire qu'il faut

une preuve de sa vive affection pour eux; l'accueillir avec un zèle empressé, comme on
cette preuve, c'est le motif même du voyage accueille un homme supérieur. Qui avait
de Tycliique. C'est ainsi qu'il écrivait aux écrit? ne ledit pas.
il —
«Jésusaussi, appelé le
Tliessalonicicns « Ne pouvant y tenir plus
: «juste, vous salue». Ce Jésus était peut-être
longtemps, j'ai voulu rester seul à Athènes, de Corinthe. Puis il enveloppe dans un com-
« et je vous ai envoyé mon frère Timotlice ». mun éloge tous ces hommes dont il a déjà fait
(l Tliess. ni, 1,2.) 11 l'envoie aussi, pour la l'éloge en particulier. «Ils sont du nombre
même cause, chez les Ephésiens « Pour qu'il : a des fidèles circoncis. Ce sont les seuls qui

«s'informe de ce qui vous concerne et qu'il travaillent maintenant avec moi, pour avan-
a vous console ». (Eph. vi, 22.) Voyez ce qu'il « cer le royaume de Dieu, et qui ont été ma

leur dit: Je ne tiens pas à vous faire connciître « consolation ». 11 a, tout à l'heure, parlé d'un

ma situation, mais je veux connaître la vôtre : « compagnon de captivité». Mais, pour ne pas

c'est ainsi qu'il abdique toujours sa personna- abattre ses auditeurs, voyez comme il relève
lité. 11 f lit allusion aussi à leurs épreuves en ces leur courage, en disant : « Ils travaillent avec
termes «Afin qu'il vous console »
: «J'envoie . — « moi pour le royaume de Dieu »; c'est-à-dire,
« aussi Onésime, mon cher et fidèle frère, qui ils ont partagé mes épreuves, ils partagent mon
a est de votre pays. Vous saurez par eux tout œuvre glorieuse. «Ils ont été ma consolation».
ce qui se passe ici (9j ». C'est ce même Oné- Ils sont bien grands, puisqu'ils ont été les con-
sime, à propos duquel il écrivait à Philrmon : solateurs de saint Paul. Mais remarquons la
« J'avais voulu le garder auprès de moi, afin prudence de Paul «Conduisez -vous avec
:

«qu'il me rendît quelque service, en votre « sagesse envers ceux qui sont au dehors, en
«place, dans les chaînes que je porte pour «rachetant le temps»; c'est-à-dire, le temps
« l'Evangile; mais je n'ai voulu rien faire sans d'aujourd'hui, c'est leur temps à eux le vôtre ;

a votre avis». (Philém. 13.) Puis vient un mot n'est pas encore venu ne vous arrogez donc
:

Hatleur pour leur cité « Il est de votre pays.


: pas la souveraineté et l'autorité mais rachetez ;

« Vous saurez par eux tout ce qui se passe le temps. Il n'a pas dit: «Achetez», mais «ra-
« ici. Aristarque, qui est prisonnier avec moi, « chetez le temps».
a vous salue (10) ». Soyez dans ces dispositions, et, par là, faites
2. Il fait là le plus bel éloge de cet Aristar- en sorte que ce temps soit aussi le vôtre. Ce
que, qui avait été amené avec lui de Jérusalem. serait, en effet, de notre part le comble de la
Le langage de Paul surpasse celui des pro- démence d'imaginer des prétextes de guerres
l)hètes. Les prophètes s'appellent des hôtes, et de discordes. Outre les périls inutiles et sans
des étrangers, des voyageurs; Paul s'honore profitque nous aurions à braver, nous aurions
du nom de captif. Car c'était comme captif le malheur d'éloigner de nous les gentils. Au
qu'il était promené çà et là et qu'il se voyait milieu de nos frères, nous marchons avec
exposé à tous les outrages; il était même plus assurance; il n'en est pas de même, quand
maltraité que les prophètes. Les prophètes une nous nous trouvons avec les gentils. Voilà
fois prispar les ennemis recevaient du moins pourquoi Paul écrivait à Timothée «II faut :

les soins que l'on donne à des esclaves que «que ceux du dehors portent aussi sur vous
l'on regarde comme sa propriété; mais lui, « un bon témoignage». (I Tim.iii, 7.) Et il dit
tout le monde le traitait en ennemi, on le frap- encore «11 ne m'importe pas de juger ceux
:

pait à coups de fouets et à coups de verges; on « qui sont au dehors». (I Cor. v, 12.) «Condui-
on le calomniait. C'était
l'accablait d'insultes, « sez-vous», dit-il, «avec sagesse envers ceux
là une consolation pour ses auditeurs; car a qui sont au dehors». Les gentils, en effet,
lorsque le maître est persécuté comme eux, tout en habitant le même monde que nous,
c'est un sujet de consolation
pour les disciples. sont en dehors de l'Eglise; ils sont en dehors
— «Aussi bien queMarc, cousin de Barnabe». du royaume et de la maison de notre Père. Il
Celte parenté est, pour Marc, une recomman- console en même temps ses auditeurs, en
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE XI. 16H:

donnant aux gentils le nom d'étrangers. N'a- Si l'on ne vous interroge pas, si l'on ne vous
t-il pas dit plus liaut : a Votre vie, à vous, est force pas à parler, ne vous faites pas à la légère
« cachée en Dieu avec Jésus-Christ?» Quand un ennemi. A quoi bon, en effet, soulever,
ilparaîtra, cherchez la gloire, les honneurs et sans aucun profit, des haines contre soi? Cher-
tous les biens. Mais ne cherchez rien de tout chez-vous à instruire un auditeur sur la reli-
cela, pour le moment; laissez tout cela aux gion? dites ce que le sujet vous force à dire, et
gentils. Puis, pour qu'on n'aille point penser rien autre chose. Si votre parole est assaison-
que saint Paul veut leur parler de la richesse, née du sel de la discrétion, eu tombant dans
il ajoute: «Quevotreentretien, toujours accom- une âme énervée, elle la guéiira de sa mol-
a pagné d'une grâce édifiante, soit assaisonné lesse en tombant dans une âme rebelle, elle
;

du sel de la discrétion, en sorte que vous en adoucira les aspérités. Ne choquez pas les
a sachiez comment vous devez répondre à oreilles de vos auditeurs, soyez agréable, sans
«chaque personne». 11 ne veut pas dire par mollesse; joignez le charme du langage à la gra-
là que vos paroles doivent être pleines d'hy- vité. Soyez agréable, sans être importun point ;

pocrisie, car l'hypocrisie n'est pas de l'amé- de fadeur, mais un style grave et charmant
nité; ellene peut pas non plus servir d'assai- tout à la fois. Un langage trop austère fait plus

sonnement à un entretien. Mais ne vous re- de mal que de bien un langage trop plein
;

fusez pas à rendre hommage à qui de droit, d'agréments cause plus d'ennui que de plaisir.
si cet hommage est sans péril. Si les circons- 11 faut de la mesure en tout. Ne vous montrez

tances vous permettent de parler avec douceur, pas triste et farouche ; c'est le moyen de dé-
ne prenez pas cette douceur de langage pour plaire. Ne soyez pas diffus et mou; c'est le
de la flatterie. Rendez aux princes du monde moyen d'encourir le mépris. Prenez ce qu'il
tous les hommages possibles, pourvu que la y a de bon dans chaque genre, en évitant les
religion n'en souffre pas. Ne voyez-vous pas Da- excès; faites comme l'abeille qui, en butinant
niel honorer un impie? Ne voyez-vous pas la les fleurs puise dans ce calice des sucs doux,
,

sage conduite de ces trois jeunes hommesqui se et dans cet autre des sucs sévères. Le médecin
présentent au roi, en déployant une franchise n'emploie pas indifféremment toutes sortes de
et un courage qui n'ont cependant rien d'âpre matières il en est de même à plus forte raisoa
;

ni de téméraire? Car l'âprelé et la témérité du maître; que dis-je? les remèdes dangereux
n'ont rien de commun avec la franchise, avec sont moins nuisibles au corps, que certaines
une noble assurance; ce n'est que vanité. paroles ne le sont à l'âme. Un gentil vient à
«Afin que vous sachiez», dit l'apôtre, «com- vous, par exemple, et il devient votre ami. Ne
« ment vous devez répondre à chacun». C'est lui parlezde religion que lorsqu'il est devenu
qu'il ne faut pas un prince comme à
p:\rler à votre ami intime et, même alors, n'entamez ce
un sujet, à un riche comme à un pauvre. Pour- chapitre que peu à peu.
quoi? Parce que les princes et les riches, na- 3. Voyez comme Paul parle aux Athéniens;

geant dans la prospérité, ont l'âme faible et quand il vient à Athènes II ne leur dit pas :
I

gonflée d'orgueil, ce qui nous oblige à nous hommes criminels et abominables 1 11 leur
incliner devant eux et à nous plier à leurs dit: «Athéniens, vous êtes,jele vois, religieux
caprices. Les pauvres, au contraire, et ceux qui « à l'excès». (Act.xvii,22.) Mais, quand il faut
sont soumis à une puissance quelconque, sont prendre un ton sévère, il sait élever la voix et
plus forts et plus sages, ce qui fait qu'on peut dit avec véhémence à Elyme « Homme rempli :

leur parler avec plus de franchise, en ne s'at- d'astuceetde fausseté, du démon, ennemi
fils

tachant qu'à une chose , à rendre sa parole a de toute justice». (Ibid. 13.) Il y aurait eu de

édifiante. Ce n'est point parce que l'un est la démence à prendre ce ton-là avec les Athé-
riche et l'autre pauvre que vous rendez plus niens; il y aurait eu de la pusillanimité à mé-
d'honneurs à l'un qu'à l'autre c'est à cause ; nager Elyme. Quand, pour quelque affaire,
de sa faiblesse, que l'un se trouve élevé plus vous comparaissez devant les magistrats, ren-
que l'autre... N'allez donc pas, sans motif, dez-leur les honneurs qui leur sont dus. «Vous
traiter un gentil d'homme abominable et l'a- « saurez par eux», dit-il, «tout ce qui se passe

border, l'insulte à la bouche. Mais, si l'on vous « ici». 11 s'excuse de ne pas être venu en per-
demande votre avis sur ses croyances, dites sonne. Mais que veulent dire ces mots «Tout :

que VOUS les trouvez aboniinables el impies. «ce qui se passe ici?» Il fuit allusion àses chaînes
466 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÊ.

et à tout ce qui le retient. C'est comme s'il di- la bouche aux médisants, entourez l'athlète de
vous envoie des messagers, moi qui
sait: Si je sympathies, accueillez-le avec empressement
voudrais tant vous voir, c'est que de puissants quand il sort de la lice ; c'est ainsi que vous
obstacles me retiennent loin de vous; autre- partagerez ses couronnes et sa gloire. Sans
ment, je n'aurais pas tardé un seul instant à avoir combattu vous - même par cela seul ,

venir moi-même. C'est ainsi qu'il prévient tcut que vous avez applaudi à ses travaux, vous
reproche. Apprendre aux Colossiens les épreu- vous y êtes associé en grande partie, car vous
ves qu'il subissait et le courage avec lequel il l'avez soutenu de vos sympathies; et le plus
les supportait, c'était prouver qu'il méritait grand de tous c'est de se sentir
les avantages,
leur confiance, et c'était en même temps les soutenu. En effet, si ceux qui pleurent avec
encourager. nous semblent partager notre chagrin et con-
« J'envoie aussi Onésime, mon cher et fidèle tribuent à l'adoucir, à plus forte raison ceux
« frère ». Paul donne à un esclave le nom de qui se réjouissent de notre succès augmentent
frère, et avec raison, puisqu'il s'appelle lui- le plaisir qu'ilnous cause. C'est un grand mal-
même l'esclave des fidèles. Rabaissons tous heur de ne trouver personne qui compatisse à
notre orgueil, foulons aux pieds l'arrogance. nos souffrances. Ecoutez cette parole du Pro-
11se donne le nom d'esclave, ce Paul qui est phète :« J'attendais quelqu'un qui s'attristât

est aussi grand que l'univers, et dont l'âme avec moi, et je n'ai trouvé personne ».
est toute céleste, et vous, vous êtes plein de (Ps. Lxviu, 21.) C'est pour cela que Paul ici

hauteur !Lui qui remuait un monde, qui nous dit ode nous réjouir avec ceux qui seré-
tenait dans le ciel le premier rang, qui a mé- a jouissent, et de pleurer avec ceux qui pleu-

rité une couronne, qui est monté au troisième «rent». (Rom. xii, 18.) Ajoutez à la joie de
ciel, il donne à des esclaves le nom de frères, il vos frères. Voyez-vous voire frère jouir de l'es-
les appelle ses compagnons de chaînes. Que dire time publique? ne dites pas S'il est estimé, :

de votre folie? Que dire de votre arrogance ? tant mieux pour lui Pourquoi m'en réjoui-
!

II fallait qu'Onésime fût bien digne de foi, rais-je, moi? Ce n'est pas là le langage d'un

pour que Paul le chargeât de son message; frère, c'est le langage d'un ennemi. Si vous
aussi bien que Marc, « cousin de Rarnabé, au voulez, les avantages que possède votre frère,
o sujet duquel on vous a écrit. S'il vient chez deviendront les vôtres; vous n'avez qu'àajou-
« vous, recevez-le bien ». Peut-être avaient-ils ter à cette bonne renommée de votre frère; au

reçu de Barnabe quelque mandat. « Ils sont lieu de vous en affliger, vous n'avez qu'à y ap-
«du nombre des fidèles circoncis ». Il rabat plauilir. C'est là une vérité évidemment prou-
ici l'orgueil des juifs et relève les esprits de ses vée parce qui suit. Les envieux, en effet, por-
auditeurs; car il s'était fait moins de conver- tent envie tout à la fois à ceux qui jouissent
sions chez les juifs que chez les gentils. « Et de l'estime publique et à leurs amis qui sont
« qui ont été ma consolation »; ce qui montre heureux de les voir estimés. Ils savent queces
que Paul avait été en proie à de cruelles amis sont estimés eux-mêmes à cause de cette
épreuves. Quand on console une âme pieuse par généreuse sympathie, et que ce sont eux qui se
sa présence et par ses entretiens assidus, c'est glorifient le plus de la gloire de leurs amis.
beaucoup de partager son Avec les
affliction. Ceux-ci, en elfet, rougissent des pompeux éloges
jirisonniers, pleurons comme si nous étions qu'on leur donne, tandis que ceux-là en sont
prisonniers. (Hébr. xiii, 3.) Si nous nous inté- tout heureux et tout fiers.

ressons à leurs souffrances, nous partagerons Voyez les athlètes! A l'un la couronne, à
leurs couronnes. Vous n'êtes pas descendu l'autre îa défaite. Quant à
la douleur et à la

vous-même dans la lice, c'est un autre qui pour leurs partisans et pour leurs
joie, elle est
entre dans l'arène, c'est un autre qui lutte. Mais ennemis qui bondissent et qui trépignent.
si vous voulez, vous pouvez partager sa cou- Voyez comme il est beau de ne pas être jaloux!
ronne. Frottez d'huile cet athlète qui va com- La fatigue est pour un autre, et le plaisir est
battre, soyez son ami, encouragez-le de la pour vous. Un autre a la couronne, mais c'est
voix. Voilà ce qu'on peut toujours faire. C'é- vous qui bondissez, qui trépignez de joie. Car,
tait dans le seul but d'encourager ses audi- dites-moi, je vous prie, pourquoi ces trans-
teurs, que Paul leur parlait. ports de joie, quand c'est un autre que vous
, Et vous aussi, en toute circonstance, fermez qui remporte la victoire ? Ab ! c'est qu'il y a,
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE XI. 167

vous le savez bien, communauté de succès n'oseraient se conduire comme ils le font; et
entre vous. Aussi n'est-ce pas à l'athlète que vous aussi,- vous seriez Vous ne vous
illustre.
s'adressent les envieux; ils cherchent seule- êtes pas fait un nom par votre éloquence, mais
ment à rabaisser sa victoire, et c'est à vous en félicitant votre frère, qui s'est acquis de la
qu'ils viennent dire :Vous voilà renversé I célébrité par sa parole ; vous avez obtenu plus
vous voilà terrassé ! Un autre a donc com- de gloire que lui. Car si la charité est une
battu, et c'est vous qui avez la gloire. Si donc, chose si importante, si elle est la source de
quand il s'agit d'un avantage extérieur, il est tous les biens, la couronne dont elle dispose
si exempt d'envie, pour s'appro-
utile d'être vous est décernée. Votre frère remportera le
prier ainsi le succès d'autrui, que sera-ce prix de l'éloquence, et vous, vous remporterez
quand il s'agira d'un triomphe spirituel, rem- celui de la charité. S'il montre
la puissance de

porté sur le démon? C'est alors que le démon sa parole, de voire côté vous triomphez de la
est furieux contre nous, parce que c'est nous haine, et vous foulez aux pieds l'envie. Vous
surtout qui applaudissons à sa défaite. Son méritez donc mieux que lui la couronne vos ;

âme, quelque noire qu'elle soit, connaît toute travaux ont plus d'éclat que les siens vous ne ;

l'étendue de la joie que nous éprouvons. Vou- vous êtes pas borné à triompher de l'envie,
lez-vous attrister le démon? réjouissez-vous, vous avez été plus loin. Votre frère n'a rem-
applaudissez- vous des succès de vos frères. porté qu'une couronne vous en avez remporté
;

Attristez-vous-en, vous voulez faire plaisir à


si deux qui sont plus brillantes que la sienne.
l'esprit du mal. La douleur que lui cause la Ces couronnes, quelles sont-elles ? Celle-ci,
victoire de votre frère est moins grande, quand vous l'avez obtenue en triomphant de l'envie ;
vous en gémissez aussi. Vous passez de son cette autre vous a été décernée par la charité.
côté, en vous séparant de votre frère, et vous Car cette joie que vous cause le succès de
êtes plus coupable encore que le démon. Ce votre frère prouve tout à la fois que vous n'a-
n'est pas la même chose en effet d'agir en en- vez point de jalousie dans le cœur, et que la
nemi quand on est l'ennemi de quelqu'un, charité a jeté dans votre âme de profondes
et de tenir envers quelqu'un une conduite racines.
hostile quand on est son ami. Dans ce dernier Le triomphateur a souvent ses ennuis qui
cas, on est plus son ennemi, on est plus cou- proviennent de quelque trouble intérieur
pable qu'un ennemi déclaré. Votre frère s'est- de la vanité par exemple ; mais vous êtes af-
il fait une réputation par sa parole ou par ses franchi, vous, de tous ces troubles ; la vanité ne
actes? associez-vous à sa gloire, en montrant vous tourmente vous vous réjouissez,
pas, et si

qu'il estde votre famille. c'est du bonheur d'autrui. Votre frère, dites-
4. Comment
faire, direz-vous? Moi, je n'ai moi, a-t-il rehaussé l'éclat de l'Eglise, a-t-il
point acquis une pareille renommée. Ne par- fait des prosélytes? S'il en est ainsi, faites en-

vous étiez près de


lez pas ainsi, taisez-vous. Si core son éloge, vous aurez deux couronnes,
moi, vous qui tenez ce langage, je vous aurais l'une pour avoir terrassé l'envie, l'autre pour
mis la main sur la bouche, pour empêcher avoir entendu la '^oix de la charité. Ah! je
l'ennemi de vous entendre. Souvent, en effet, vous en prie, je vous en conjure, écoutez-moi.
il s'élève entre nous des haines particulières Voulez-vous que j(> vous parle d'une troisième
que nous cachons à nos ennemis communs ; couronne que vous allez mériter? Tandis qu'ici-
et vous, vous dévoilez au démon votre âme bas les hommes ?pplaudissent aux succès de
haineuse. Ah! ne parlez pas, ne pensez pas, vos frères, vousvo\is attirez là-hautles applau-
comme vous le faites dites au contraire Cet
; : dissements des anges. Ce n'est pas la même
homme illustre est un membre de moi-même, chose, en effet, d'avoir une diction élégante et
sa gloire rejaillit sur le corps dont il fait par- belle , et de triompher de ses passions. La gloire
tie.Mais pourquoi, dites-vous, les étrangers, de la parole passe, la gloire que l'on acquiert
ceux qui sont hors de l'Eglise, ne partagent-ils ea domptant ses passions, est éternelle. La pre-
pas ces sentiments? Pourquoi ? c'est que vous mière vient des hnnmes la seconde vient de ;

^eur donnez le mauvais exemple. Ils vous Dieu. Ici-bas, c'est devant tout le monde que
voient rester étrangers au bonheur d'autrui, le triomiihateur reçoit sacouronne mais ;

et ils y restent étrangers eux-mêmes. S'ils vous, c'est en secret que vous recevez votre
vous voyaient vous associer à sa gloire, ils couronne des mains de votre Père qui vous^
(68 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CUfaSOSTOMlil.

voit. Si l'on pouvait ouvrir la poitrine dos les leçons que nous avons reçues, délivronS-
hommes, pour dans leur âme, je vous
lire nous donc du fléau de l'envie. Les éloges et
montrerais l'ànie de l'iiommeexcmptd'cnvie, l'estime que l'on accorde à votre frère vous

plus resplendissante que ràmc du triompha- aigrissent! Pourquoi donc ajoutez-vous à sa

teur. Foulons donc aux pieds les aiguillons gloire? Vous voulez le tourmenter Pourquoi !

de l'envie ; veillons nous-mêmes à nos inté- donc faire éclater votre dépit? Pourquoi vous
rêts, ô mes chers nous nous cou-
frères, et punir vous-même, avant de punir celui à la
ronnerons de nos propres mains. gloire duquel vous vous opposez? H y a là
L'envieux s'attaque à Dieu et non pas à /)ur lui un double plaisir, un double triomphe,
l'homme qui est l'objet de son envie. Car, et pour vous un double tourment; d'abord,
lorsqu'il voit que celui-ci est en faveur, lors- vous le faites valoir, et c'est un plaisir bien
qu'à cette vue il se chagrine et s'irrite jusqu'à amer pour vous que vous lui procurez puis, ;

vouloir détruire l'Eglise, c'est contre Dieu cette envie, qui fait votre tourment, fait sa joie.

qu'il combat. Dites-moi, en effet, voilà un Voyez quel mal nous nous faisons à nous-
liomme qui est occupé à parer la fille d'un roi, mêmes, sans le savoir. Cet homme est notre
et cplle occupation lui vaut reelime publique. ennemi, mais pourquoi? Quel mal nous a-t-il
Survient un envieux qui fait des vœux pour que fail? Ne faut-il pas songer après tout que par ]

la filledu roi compromette sa répulalion, et pour notre jalousie nous lui donnons plus de lustre
que celui qui s'occupe de rehausser son éclat et que nous nous punissons nous-mêmes? Ce
ne puisse plus travailler pour elle. A qui cet qui est encore un supplice pour nous, c'est de
envieux tendra-t-il ses i)iéges? Ne sera-ce pas croire qu'il s'est- aperçu de nos sentiments.
au roi et à sa fille? Il en est ainsi devons qui Peut-cire notre jalousie n'entre-t-elle pour rien
portez envie à votre frère en Jésus-Christ ; c'est dans la joie qu'il éprouve mais nous croyons
;

contre l'Eglise, c'est contre Dieu que vous qu'elle y est pour quelque chose, et nous en
combattez. N'y a-t-il pas, entre la gloire de gémissons. Bannissez donc l'envie, car à quoi
votre frère et l'intérêt de l'Eglise, une con- bon ces blessures que vous vous faites à vous-
nexion intime, et la chute de l'un n'entraîne- même? Songeons, ô mes chers frères, à cette
t-elle pas nécessairement celle de l'autre TCei^t double couronne (|ni atlend l'homme exempt
donc une œuvre de démon que vous faites. d'envie. Eloges de la part des hommes, éloges
Puisque c'est au corps même du Ciirist que de la part de Dieu, voilà ce qui lui est réservé.
vous vous attaquez. Voire dépit et votre res- Réfléchissons aussi à tous les maux donll'envie
sentiment s'allument contre un homme qui est la mère. C'est ainsi que nous parviendrons
ne vous a rien fait, et contre le Christ en par- à étouffer ce monstre, à obtenir les éloges de
ticulier. Qu'est-ce qu'il vous a donc fait, le notre Dieu, à obtenir l'estime des hommes,
Christ,pour (jue sa gloire et celle de sa jeune comme nous ne parvenons pas à
les autres. Si
épouse vous offusque ? Mais voyez donc quel nous faire une réputation, c'est que celte ré-
supplice vous vous infligez. Vos ennemis, vous putation ne serait pas pour nous un avantage.
les comblez de joie, et celui-là même dont Mais, après tout, si notre vie a élé employée
vous voulez empoisonner les succès, vous le pour la gloire de Dieu, il nous sera permis d'ob-
faites rire à vos dépens, puisque votre jalousie tenir les biens promis à ceux qui l'aimenl, par
fait encore ressortir sa gloire et sa réputation. la grâce et la bonté de Noire-Seigneur Jésus-
S'il ne la méritait pas, en effet, vous ne seriez Christ, auquel, conjointement avec le Père e*
pas jaloux de lui vous montrez chaque jour
; le Saint-Esprit, gloire, honneur et puissance,
davantage à quel point le dépit vous dévore. mainlcnantet loujour.s, et dans tous les siècles
J'ai lionle de voui exhorter à ce sujet; mais, des siècles! Ainsi soit-il,
jiuijquc nous sommes encore si fail)lcs, ai'rcs
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE XII. lOÔ

HOMELIE XIi;

EPAPHBAS, QCI EST DE VOTRE VILLE, VOUS SALUE. c'eST UN SERVITEUR DE jêSCS-Cmftï^f QVi (fOMBAT
SANS CESSE POUR VOUS, DANS SES PRIÈRES, AFIN QUE VOUS DEMEURIEZ FERMES ET PARFAITS, ET
QUE VOUS ACCOMPLISSIEZ PLEINEMENT CE QUE DIEU DEMANDE DE VOUS. CAR JE PUIS BIEN LUI REN-'
DRE CE TÉMOIGNAGE QU'iL A UN GRAND ZÈLE POUR VOUS, ET POUR CEUX DÇ LAODICÉB ET d'HIÉRA-
*
POLIS. (IV. 12, 13 JUSQU'A LA FIN.)

Analyse.
i. Tendresse de Paul pour ses frères.
2. Paul se glorifie de ses liens. — Ses liens nous servent de leçon;
3. Benheureui ceux qui pleurent!
4. Les larmes doivent èire l'accompagnement des prières et des admonestations.' . . - .

5. Le sacrement de mariage est le plus important de tous. —


Jésus-Cbrist et l'Eglise y sont représentés. — Les courtisan» etlco
baladins ne doivent point être admis à la célébration d'un mariage.
6. C'eit Jésus-Christ accompagné des anges qu'il faut inviter à la célébration des noces.
1. U faut donner à une jeune fille un mari probe et honorable plutôt que riche.

1. Au début même de cette épître, il recom- croyances. On peut aussi, tout à la fois, man-
mande Epaphras, au nom de la charité. Car quer de perfection et de fermeté, si, par exem-
il a dit en commençant o Epaphras, de qui : ple, on n'a qu'une science incomplète et une
« nous avons appris aussi votre charité toute croyance mal assise. 'Voilà pourquoi Epaphras
« spirituelle». (Colos. i, 8.) Il fait ressortir aussi demande à Dieu pour les Colossiens la perfec-
la charité d'Epaphras, et lui concilie la bien- tion et la fermeté. Voyez comme il leur rap-
veillance des auditeurs, quand il le leur mon- pelle indirectement ce qu'il a dit des anges et
tre priant pour eux. Il le recommande, en de la vie « Afin que vous accom-
chrétienne !

rapportant tout d'abord ce qu'il demande à a plissiez pleinement tout ce que Dieu de-
Dieu car le respect qu'on a pour le maître
; « mande de vous ». C'est qu'il ne suffit pas de
est utile aux disciples. U le recommande par faire la volonté de Dieu. Quand une âme est
ces mots : a C'est un d'entre vous ». Leur cité bien convaincue de la nécessité d'obéir à
doit être fière de produire de tels enfants. « Il Dieu, toute autre volonté que celle de Dieu
a prie sans cesse pour vous avec sollicitude ». perd sur elle son empire autrement l'âme ;

Il ne se borne pas à prier, « il prie avec solli- n'est pas pleinement convaincue. « Je lui
Bcitude», l'inquiétude et la crainte dans le rends ce témoignage qu'il est plein de zèle
cœur. Je lui rends ce témoignage qu'il est « pour vous ». Il a du zèle, il en est plein. II
« plein de zèle pour vous ». Et Paul est un té- insiste sur le zèle d'Epaphras et sur l'ardeur
moin digne de foi. « Il est plein de zèle pour de ce zèle. C'est ainsi que dans sa seconde épî-
« vous », c'est-à-dire, il a pour vous beaucoup tre aux Corinthiens, il dit: «J'ai pour vous
de tendresse et une ardente charité. « Et — a un amour de jalousie et d'une jalousie de
,

a pour ceux de Laodicée et d'Hiérapolis »; il a Dieu ». (11 Cor. xi, 2.)


le leur recommande aussi. H est vraisembla- «Luc, le médecin, notre très-cher frère,'
ble que les habitants de ces deux villes avaient «vous salue (14) ». C'est saint Luc, l'évangé-
déjà entendu parler du zèle qu'Epaphras avait liste. Ce n'est pas pour le rabaisser, qu'il le
pour eux ; mais cette lettre le leur apprenait met ici le dernier; pour exalter Epa-
c'est

encore, o Ayez soin», dit Paul, «que cette phras. Il y avait probablement d'autres per-
lettre soit lue aussi dans l'Eglise de Laodl- sonnes qui s'appelaient Luc. « Et Démas ».
B que vous demeuriez fermes et par-
cée. Afin Après avoir dit Luc, le médecin, il ajoute,
:

ti Ces mots renfer-


faits » (Colos. IV, tG),dil-iI. mon très-cher frère ». C'est un bien beau
ment une sorte de réprimande un avis et un , „, titre que celui de très-cher frère de saint Paul.
reproche sans amertume. Un homme peut Saluez nos frères de Laodicée, et Nymphas,
>r

être parfuit, sans demeurer ferme dans la qui est dans sa maison ».
Q st Téglise Voyez —
perfection; il peut, par exemple, être par- comme il les encadre dans un même souvenir,
faitement instruit, mais vacillant dans ses non -seulement en les saluant tous ensemble,
i% TRADUCTION FRANÇAISE DE SAtNT JEAN CHRYSOSTOMË.

mais en envoyant cette épître qui doit leur «des vôtres». Il semble s'adresser à la cité
être lue. Puis il accorde à Nymphas un sou- qui est sa mère ; ilsemble dire à cette cité :

venir spécial et flatteur, et il a ses raisons C'est le fruit de tes entrailles. Mais un pané-
pour cela il veut inspirer à ses auditeurs le
, gyrique aussi explicite aurait déchaîné l'envie.
désir de l'imiter. C'est un grand honneur Voilà pourquoi afin de le recommander aux ,

qu'il lui fait de ne pas le confondre avec les Colossiens, il s'appuie sur ce qui les intéresse
autres. Pour voir que c'était quelqu'un de personnellement. C'est le moyen de conjurer
considérable que ce Nymphas, jetez les yeux l'envie, o 11 ne cesse d'avoir pour vous », leur
sur sa maison sur cette maison qui est une
,
dit-il, « une tendre sollicitude ». Et cela, non
église, a Et lorsque cette lettre aura été lue pas seulement quand il se trouve avec nous ou
n parmi vous, ayez soin qu'elle soit lue auesi avec vous ; car il n'y a pas chez lui d'ostenta-
« dans l'Eglise de Laodicée (16) ». Je crois que tion. Il caractérise d'un mot le zèle et l'ardeur

la lettre de saint Paul aux Colossiens contient d'Epaphras. une tendre sollicitude».
« C'est

des détails qui devaient intéresser les Laodi- Puis pour que son langage ne soit pas sus-
,

céens. Et ces derniers n'en retiraient que plus pect de flatterie il ajoute a II a un grand , :

de fruits. Les avis donnés par saint Paul à leurs « zèle pour vous et pour ceux de Laodicée et

frères de Colosse leur faisaient faire un retour « d'Hiérapolis». a Afin que vous demeuriez —
sur eux-mêmes, a Et qii'on vous lise aussi la « fermes et parfaits» Ce n'est pas là de la flat- .

« lettre des Laodicéens ». Quelques interprè- terie ; signalement d'un maître respec-
c'est le
tes voient dans cette autre lettre, non pas une table. Il faut que vous demeuriez fermes et
épître de saint Paul aux Laodicéens, mais une parfaits, dit-il. En leur accordant l'une de ces
épîlre des Laodicéens h saint Paul ,
puisque deux qualités il leur refuse l'autre. Il ne dit
,

l'apôtre ne dit pas aux Laodicéens,


: Ma lettre pas Afin que vous soyez préservés de toute
:

mais, la lettre des Laodicéens. « Dites à Ar- chute mais « Afin que vous restiez fermes».
; :

« chii)pe Prenez garde au ministère que vous


: Ces salutations font le bonheur de ces hom-
a avez reçu du Seigneur, afin que vous en mes qui, salués i)ar leurs amis, se voient rap-
« remplissiez tous les devoirs (17) ». Pourquoi pelés en même temps au souvenir de la cité.
ne s'adresse-t-il jias directement à Archippe? Dites à Archippe de considérer le ministère
Peut-être n'était-ce pas nécessaire, et suffisait- « qu'il a reçu de Dieu ». Il les met par là sous
il de ce simple avis, pour ranimer son zèle, la dépendance absolue d'Archippe. Ils n'ont
«Voici la salutation (]ue j'ajoute ici, moi plus le droit de le critiijuer, lorsqu'il les re-
a Paul, de ma propre main ». C'est là une prend ,
puisqu'ils lui donnent eux-mêmes
preuve de tendresse sincère et du plaisir que plein pouvoir. 11 est leur maître, et il n'est
devait causer aux Colossiens celte salutation pas rationnel que les disciples se permettent
écrite de la main de Paul. « Souvenez-vous de de critiquer le maître. C'est donc pour leur
« mes liens ». liens consolateurs qui suffi- fermer la bouche par la suite, qu'il leur écrit:
sent pour les exhorter en tout et pour les rendre « Dites à Archippe Prenez garde à votre mi- :

plus forts! Qiiedis-je? Eu


rendant plus forts,
les « nistère ». C'est le ton de la menace. 11 dit de

ces liens les attachaient davantage à l'apôtre. même: «Gardez-vous des chiens». (Philip.
« La grâce soit avec vous 1 Ainsi soit-il ». III 2.) a Prenez garde qu'on ne vous égare :
,

2. C'est un grand éloge , c'est l'éloge le plus « prenez garde que cette liberté dont vous
magnifique de dire, en parlant d'Epaphras : a jouissez ne soit une occasion de chute pour
C'est un des vôtres ; c'est un serviteur du a les faibles». (Colos. ii, 8; ICor. viu,9.) Voilà
«Christ ». Saint Paul le représente comme comme il parle toujours, quand il veut inspi-

un ministre de Dieu combat pour eux


i|ui ;
rer une crainte salutaire, a Prenez garde »,
c'est ainsi qu'il se représente lui-même comme dit-il, « au ministère que vous avez reçu de

un ministre de l'Eglise, comme dans ce pas- a Dieu afin que vous le remplissiez digne-
,

sage où il dit : a Je lui ai prêté mon minis- « ment ». Il ne le maître de ses ac-
laisse pas
« tère, moi Paul ». (Colos. i, 23.) Il appelle tions. Il disait de même
dans son épître aux
Epaphras au partage de cet honneur. C'est Corinthiens : « Si je prêche l'Evangile de bon
son compagnon dans le service de Dieu, a-t-il cœur, j'en aurai la récompense; mais si je
dit plus haut. C'est un serviteur du Christ, a ne le fais qu'à regret, je dispense ce qui m'a
J30US dit-il encore dans ce passage, a C'est un a été confié ». (I Cor. ix, 17.) — a Afin que voua
Commentaire sur l'épitre aux colossiens. ~ homélie xii. i^i

« accomplissiez pleinement, toujours avec zèle, prend-il fantaisie de mettre du fard, et de re-
atout ce que Dieu demande de vous ». Votre courir à de semblables moyens pour peindre
ministère , ce n'est pas de nous, c'est de Dieu votre visage? pensez aux larmes de Paul ; il a
même que vous le tenez. Et il les soumet au passé trois ans à pleurer, nuit et jour, dans sa
ministre de Dieu, en disant que c'est de Dieu prison. Que de pareilles larmes vous servent
même qu'il tient son ministère. « Souvenez- d'ornement; elles donneront à votre visage un
a vous de mes liens. La grâce soit avec vous I pur éclat. Je ne vous dis pas de pleurer sur
o Ainsi soit-il ». U de toute
les affranchit les autres, je voudrais qu'il en fût ainsi, mais

crainte. Leur maître a beau être chargé de cette charité est au-dessus de vous. Tout ce
fers; la grâce vient l'en délivrer. Et c'est en- que je vous demande, c'est de pleurer sur vos
core un effet de la grâce que cet aveu de Paul péchés. Vous avez donné l'ordre que votre en-
qui proclame sa captivité. Ecoutez cette parole fant fût enfermé et vous êtes irritée souve- :

de saint Luc o Les apôtres sortaient du con-


: nez-vous de la prison de Paul, et votre colère
«seil, pleins de joie; ils avaient été jugés s'arrêtera. Souvenez-vous que vous êtes du
dignes de souffrir cet outrage pour le nom nombre des victimes, et non des bourreaux du ;

« de Jisus ». C'est qu'il est vraiment honora- nombre de ceux dont le cœur est brisé, et non
ble d'être, pour le nom de Jésus, abreuvé pas de ceux qui brisent le cœur des autres.
d'outrages et chargé de fers. N'est-ce pas un Votre joie se répand au dehors, et vous pous-
bonheur de souffrir pour celui qu'on aime et sez de grands éclats de rire souvenez-vous des
:

surtout pour Jésus-Christ? larmes de Paul, et vous gémirez ces larmes-là ;

Cela étant, ne supportons pas avec peine les vous rendront bien plus belle. Vous avez vu
afflictions pour le Christ, mais souvenons-nous ces hommes qui se livrent au plaisir et qui
des liens de Paul, et qu'ils nous servent de dansent souvenez-vous des larmes de Paul.
:

leçon. Prêchez-vous par exemple la charité au Est-il une source d'où l'eau jaillisse avec au-
nom du Christ, rappelez-vous les liens de Paul, tant d'abondance que les larmes de ses yeux?
et déclarez que, vous et vos auditeurs, vous se- Il dit ailleurs : « Souvenez-vous de mes lar-

riez des misérables de refuser du pain aux pau- o mes» (Act. xx, 3t), comme il dit ici « Sou- :

Tres,quand Paul s'est laissé charger de liens pour a venez-vous de mes liens ». Et il avait raison
l'amour du Christ. Vous êtes fier de vos bon- de parler ainsi à ces prêtres qu'il faisait venir
nes œuvres souvenez-vous des liens de Paul,
: d'Ephèse à Milet; car il parlait à des maîtres
et vous verrez combien il est injuste que Paul qu'il voulait rassembler autour de lui. Ici, au
soit chargé de liens, quand vous nagez dans contraire, tout ce qu'il demande à ses audi-
les délices. Vous soupirez après les plaisirs : teurs, c'est de savoir traverser les épreuves.
Bongez à la prison de Paul : vous êtes son 3. Quelle source féconde pourrait être com-
disciple, vous êtes son compagnon d'armes. parée aux larmes de Paul ? Serait-ce celle qui
Est-il rationnel que votre compagnon d'armes venait du paradis et qui arrosait toute la terre ?
Soit dans les fers, tandis que vous nageriez Mais ses larmes, à la différence de cette source,
dans les plaisirs? Vous êtes dans l'affliction, n'arrosaient pas la terre, elles arrosaient les
vous vous croyez abandonné écoutez les pa- : âmes. Qu'on nous montre Paul pleurant et gé-

roles de Paul, et vous verrez que l'affliction missant, ce spectacle sera bien préférable au
n'est pas un signe d'abandon. Vous voulez spectacle de tous ces chants de théâtre, malgré
avoir des robes de soie souvenez-vous des
: leur élégance et leurs couronnes de fleurs. Je
liens de Paul, et vos robes de soie auront ne parle point ici de vous mais que l'on ;

moins de prix à vos yeux que des haillons. prenne sur la scène ou au théâtre un de ces
Vous voulez que l'or brille sur vos vêtements : débauchés qui ne ressentent d'ardeur que
souvenez-vous des liens de Paul, et cetor vous pour la beauté physique, qu'on lui montre
fera l'effet d'un brin de jonc desséché. Vous une vierge à la fleur de l'âge, plus belle et plus
voulez orner votre chevelure et paraître belle: jolie que toutes ses compagnes, avec ses yeux
pensez au dénùment de Paul dans sa prison, doux et veloutés, avec des yeux souriants où
et vous serez éblouie par l'éclat des vertus des la pudeur se mêle à la grâce, une vierge aux
apôtres, et tous ces ornements mondains vous paupières soyeuses et frangées de cils d'ébène,
sembleront hideux, et vous gémirez profondé- une vierge au front pur et aux regards par-
ment, et vous envierez à Paul ses liens. Vous lants, aux joues vermeilles comme le carmin
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

et lisses comme le marbre; puisque l'on me Christ. Voilà ce qui a fait leur véritable bon-
montre, à moi, Paul versant des larmes, je lais- heur; car Paul lui-même se vante d'avoir joui
serai l'habitué du théâtre regarder la vierge, de ce spectacle en ces termes , « N'ai-je pas :

et je m'empresserai d'aller contempler Paul. « vu Jésus-Christ Notre-Seigneur ? » (I Cor. ix,

Car c'est des yeux de Paul que jaillissent les 1.) Mais c'est un plus grand bonheur encore

rayons de la beauté immatérielle. La beauté de pleurer, comme Paul pleurait. Beaucoup


matérielle transporte, brûle et enflamme le ont été admis à voir le Christ, et ceux qui n'y
cœur de la jeunesse; la beauté spirituelle ont pas été admis sont aussi proclamés heu-
apaise les sens. Quand on voit ces yeux qui reux par le Christ qui s'écrie «Bienheureux
,
:

pleurent, les yeux de l'âme deviennent plus « ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru » !

lîeaux, on met un frein à sa sensualité, on (Jean, xx, 29.) Mais peu de gens ont obtenu
se sent rempli de sagesse et de commisération, ce privilège. Si, en effet pour travailler au ,

un cœur de bronze est capable de s'amollir. salut de ses frères, mieux vaut rester sur cette
Ces larmes de Paul arrosent le sol de l'Eglise terre que de trouver dans la mort un moyen
et engendrent des âmes. Ces larmes peuvent de se réunir au Christ , il est encore plus né-
éteindre le feu qui dévore le corps et les sens : cessaire de gémir pour sauver ses frères que
ces larmes éteignent les traits enflammés de de voir le Christ. S'il est plus désirable d'être
l'esprit malin. Songeons donc à ces larmes et dans la géhenne pour ses frères que d'être avec
nous nous rirons de tous les biens de la vie 'il est plus désirable aussi d'être sé-
le Christ,
présente. C'étaient ces larmes que le Christ paré du Christ pour l'amour de ses frères que.
appelait des larmes bienheureuses, quand il d'être avec lui. C'est ce que disait saint Paul :]

disait Bienheureux ceux qui pleurent, parce


: a « Pour mes frères, je voudrais être anathème
a qu'un jour ils seront dans la joie ». (Matlh. a et séparé du Christ ». (Rom. ix, 3.) A plus
V, 5.) Voilà les larmes que versaient Isaïeet Jé- forte raison doit-on désirer d'être condamné
rémie. Isaïe disait o Laissez-moi partir; lais-
: aux larmes pour ses frères. Je n'ai pas cessé,
« sez-moi répandre des larmes amères». (Is. dit l'apôtre chacun de vous, en
, d'averlir
XXII, i.) Jérémie Qui changera mes
disait : « pleurant. (Act. xx, Pourquoi? Ce n'é- 31.)
a yeux en deux sources de larmes» (Jér. ix, 1), tait point par crainte des périls. Mais, sem-
comme source naturelle de ces larmes
si la blable à un ami qui assis au chevet d'un ma- ,

ne Rien de plus doux que de


lui suffisait pas. lade, ignore comment tout cela finira, et qui
pareilles larmes; elles sont plus douces que le pleure parce qu'il tremble pour les jours de
,

rire de la gaîlé. Ils savent bien,ceux qui pleu- son ami saint Paul pleurait sur les âmes fai-
,

rent, quelle consolation on éprouve à pleurer. blesque ses avis ne pouvaient ramener. C'est
Ne demandons pas à Dieu d'éloigner de nous ce que faisait le Ciirist qui voulait voir ,
si ses
les larmes; demandons-lui plutôt de pouvoir larmes seraient resiieclées. Rcncontrait-il un
pleurer. Souvenons-nous de ces larmes et de pécheur, m'avertissait. Le pécheurs'éloignait,
ces liens pour avoir le cœur content , en pen- en crachant au visage alors le Christ pleu-
lui ;

sant aux pécheurs. Les larmes de Paul cou- rait pour le ramener à lui.
,

laient donc sur ses liens; mais la mort de ses 4. Souvenons-nous de ces larmes. C'est ainsi
bourreaux rcmpcchait de goûter le charme que nous devons élever nos fils et nos filles.
de ces mêmes liens. 11 pleurait sur ces bour- Pleurons sur eux, quand nous les voyons en
reaux, en vrai disciple de Celui qui pleurait proie à la maladie du péché. femmes, qui
sur le sort des prùlres juifs non pas parce , voulez être aimées souvenez-vous des larmes
,

qu'ils devaient le faire mettre en croix, mais de Paul, et gémissez; ô femmes si heureuses
parce qu'ils devaient périr. Non content d'agir aux yeux du monde vous qui goûtez les dou-
,

ainsi, le maître exhorte ses disciples à l'imiter, ceurs de l'hymen et qui vivez au sein des plai-
en disant « Ne pleurez pas sur moi filles de
: , sirs, souvenez-vous de ces larmes; vous tous
Jérusalem ». (Luc, xxui, 28.) qui êtes dans le deuil , échangez vos larmes
Oui , les yeux de Paul ont contemplé le pa- contre celles de l'apôtre. Ce n'était pas sur les
radis, ils ont contemplé le troisième ciel; morts qu'il pleurait; c'était sur les vivants qui
mais selon moi, ils sont moins heureux en-
, couraient à leur perle. Dois-je citer d'autres
core d'avoir eu ce privilège que d'avoir versé exemples? Il pleurait aussi, Timothée, le disci-
tes larmes , ù travers lesquelles ils oot yu le ple de l'apôtre, et voilà pourquoi saint Paul lui
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. — HOMÉLIE XII. 473

écrit : « Je me souviens de tes larmes, quand efféminés et des courtisanes. Cet abus a été
« je veux goûter une joie sans mélange ». amené par je ne sais quelle loi nuptiale; mais
(Il Tim. 1 25.) Bien souvent aussi c'est la
, , pourquoi parler de loi nuptiale? 11 a été amené
joie qui fait couler les larmes. Alors c'estun par notre mollesse. pourquoi agir homme !

plaisir, c'est un grand plaisir de pleurer. De ainsi ? Vous ne savez ce que vous faites. Vous
pareilles larmes ne sont ni brûlantes ni amè- vous mariez parce que vous voulez mener une'
res; elles ne prennent point leur source dans vie honorable et avoir des enfants. Pourquoi!
une douleur mondaine ; de pareilles larmes donc ces courtisanes? Pour égayer les noces,'
sont autrement précieuses que les larmes arra- dites-vous. Mais n'est-ce pas une folie? N'est-j
chées par les plaisirs terrestres. Ecoutez cette ce pas une insulte que vous faites à votre
parole du Prophète : Le Seigneur a entendu épouse et aux femmes que vous invitez ? Et si
« mes pleurs ». (Ps. vi, 9.) Les larmes sont- elles trouvent du plaisir à cela, c'est un plaisir
elles jamais inutiles? N'ont-elles pas leur utilité honteux. Mais, si la vue de ces courtisanes
dans les prières, dans les avis? Nous les blâ- éhontées et sans pudeur est un spectacle si
mons, nous autres parce que nous ne savons
, magniflque, pourquoi n'en faites-vous pasjouir
pas nous en servir. Consolons-nous un frère votre épouse, pourquoi l'en éloigner?
d'une faute qu'il a commise ? pleurons et gé- Ah! quelle infamie d'introduire chez vous,
missons. Perdons-nous notre temps à con- des danseurs efféminés et toutes les pompes!
seiller un sourd qui court à sa perte? pleu- de Satan a Souvenez-vous des liens de Paul».'
!

rons encore. Ces larmes-là sont celles de la Le mariage aussi est un lien, un lien d'insti-
sagesse. tution divine , tandis que la courtisane est le
Mais que la pauvreté la maladie et la mort
, type de la dissolution. Il est d'autres moyens
ne fassent pas couler nos larmes car elles ne ; d'égayer les noces. On fait bonne chère on ,

les méritent pas. Nous blâmons le rire hors fait toilette ;


je ne
défends pas, pour ne point
le
de saison nous blâmons les larmes répandues
; avoir l'air d'un sauvage. Pourtant Rébecca, ce
mal à propos. La vertu ne se montre dans tout jour-là parut avec ses vêlements de travail.'
,

son lustre que lorsqu'elle est bien employée. Mais enfin je vous permets ces extra. Mettez
Le vin a été donné à l'homme pour l'égayer vos habits de fête; livrez-vous à la joie en
et non pour l'enivrer; le pain a été donné à bonne compagnie. Mais à quoi bon de mons-
l'homme pour le nourrir; l'union des sexes a trueux plaisirs ? Quels propos entendez-vous
été donnée à l'homme pour propager son es- sortir de la bouche de ces boufi'ons? Vous
pèce. L'abus de tous ces dons est blâmable ;
rougiriez de les répéter. Quoi vous en rou- 1

l'abus des larmes est blâmable. Posons, en gissez et vous les provoquez? Si vous admirez
principe, que les larmes ne doivent être em- ces baladins pourquoi ne faites-vous pas,
,

ployées que dans les prières et dans les admo- comme eux ? S'ils vous font rougir, pourquoi
noslalions dans ces deux cas, il faut appeler
; les forcer à parler comme ils parlent? Il faut
les larmes. Rien ne lave mieux les souillures observer en tout les tempérance, lois de la
du péché. De plus, elles rehaussent la beauté de la modestie, de la dignité et de ladécencey
en inspirant la compassion; elles donnent à et, dans vos fêtes que voit-on? Des baladins'
,

la jthysionomie une teinte grave et honnête. qui sautent comme des chameaux et des mu-
Rien de plus sympathique que des yeux en lets. La jeune mariée ne doit connaître que le
pleurs. L'œil est le plus noble et le plus beau lit nuptial. Mais elle est pauvre, dites-vous.
des organes c'est l'organe de l'âme. A travers
; Eli bien ,pour elle une raison d'être mo-
c'est
ces yeux en larmes c'est l'âme que nous
, deste et honnête. La vertu doit lui tenir lieu
voyons pleurer et c'est ce qui cause notre émo- de richesse. Mais elle ne peut apporter de dot.
tion. Jai un but, en vous tenant ce langage •
Pourquoi donc voulez-vous la pervertir et la
c'est de vous éloigner de ces noces, de ces rendre tout à la fois pauvre et méprisable?
danses de ces chœurs où règne une licence
, Qu'elle ait auprès d'elle d'autres jeunes filles,!
qui est l'œuvre du démon. Voyez en effet, ce , SCS compagnes; qu'elle ait auprès d'elle de'
que l'esjjiit du mal a imaginé. La nature elle- jeunes mariées dont elle va grossir le nombre,'
même écarte les femmes du théâtre et de ses à la bonne heure! et voilà qui est convenable.
pi;iutures déshonncles; voilà pourquoi le dé- Il y a là, en effet, deux troupes la troupe des ;

mon a introduit dans le gynécée des hommes jeunes filles, la troupe des jeunes mariées. La
174 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

première remet la fiancée entre les mains de représente une grande chose.
Si vous ne rés^

la seconde. La fiancée est là, entre ces deux pectez pas mariage respectez au moins ce
le ,

troupes elle n'est plus jeune fille, elle n'est


:
qu'il représente, a Ce sacrement est grand en

pas encore femme. Elle est eu train de passer « Jésus-Christ et en l'Eglise », dit l'apôlreJ

d'une classe dans une autre. (Ephés. v, 32.) C'est Jésus-Christ et l'Eglise
Mais pourquoi ces courtisanes? Elles de- qu'il représente , et vous amenez des courtir
vraient quand il y a un mariage , se cacher
,
sanes à la célébration de ce mystère 1

sous terre car leur métier est l'abus dégra-


;
Mais, dites-vous, si les jeunes filles, si les

dant de l'union des sexes, et malgré cela, nous /eunes mariées ne dansent pas, qui donc dan-
les admettons à nos noces Quoi que vous fas- ! sera ? Personne. La danse n'est pas chose si
siez, \ous vous gardez bien de prononcer nécessaire. Chez les gentils , la danse entrait
même une parole qui pourrait être en contra- dans la célébration des mystères; mais nos
diction avec ce que vous faites. Quand vous mystères à nous demandent le silence, la dé-
semez quand vous mettez la vendange sous
,
cence et le sérieux, la réserve et la modestie.
le pressoir, vous êtes sourd à toute parole qui Un grand mystère est en train de s'accomplir;
peut faire une allusion quelconque à l'ivraie hors d'ici les courtisanes 1 Hors d'ici les pro-
et au vin tourné. Et dans un moment où il fanes! Mais quel est ce mystère? Ce sont deux
faut du sérieux et de la modestie , vous ame- créatures humaines qui s'unissent pour n'en
nez chez vous la lie de la société Etes-vous ! former qu'une seule. Pourquoi, à l'arrivée
occupé à composer un parfum vous éloignez ;
des deux époux, n'y a-t-il ni danses, ni bruit
de vous toute odeur m.alsaine. Eli bien le ! de cymbales? Pourquoi ce silence profond?
mariage est un parfum ; pourquoi cette boue Et quand ils s'approchent l'un de l'autre, en
nauséabonde que vous laissez entrer chez vous représentant non pas une froide image ter-
lorsqu'il se prépare? Eh quoi! cette jeune ma- restre, mais l'image même de Dieu, pourquoi
riée danse, sans rougir, pour cette autre jeune ce désordre qui jette le trouble dans l'assem-
fille qui lui fait vis-à-vis. Elle devrait cepen- blée et qui souille les âmes? Voilà deux êtres
dant être encore plus sérieuse et plus modeste qui viennent s'unir, pour ne faire qu'un seul
qu'elle, puisqu'elle sort des bras de sa mère et être C'es.t un mystère de charité qui com-
!

non d'une école de danse. Je dis même qu'une mence Tant qu'ils ne seront pas unis, tant
1

jeune fille ne devrait jamais figurer à un bul qu'ils continueront à former deux êtres sépa-
de noce. rés ils ne pourront donner la vie à une foule
,

5. Dans le palais d'un roi, les personnages d'autres êtres leur union seule produira cet
;

de distinction se tiennent à l'intérieur et en- efl'et. Nous voyons, par là,combien l'union est
tourent la personne du souverain; les autres puissante. Dès l'origine du monde, le grand
se tiennent en dehors. Restez donc chez vous Ouvrier a deux créatures delà seule créa-
fait

auprès de votre femme. Et vous, jeune femme, ture humaine qui


existât. Et, pour montrer
restez aussi maintenant choz vous, ne faites que cette séparation ne les cm[iêche pas de ne
point parade de votre virginité. Il y a près de faire qu'un, il n'a pas voulu que chacun des
vous deux troupes; l'une qui montre dans deux, en particulier et à lui seul, pût travail-
quel état elle vous remet entre les mains de ler à l'œuvre de la génération. Car l'un de ces
l'autre, l'autre chargée de veiller sur vous. deux êtres, quand il n'est pas joint à l'autre,
Pourquoi cette tache que vous imprimez à n'est pas entier il ne forme que la moitié
;

votre virginité? Si votre extérieur est si peu d'un tout. Et voilà pourquoi il est inhabile à
décent, votre époux vous jugera sur votre procréer. Avez-vous fait attention au mystère
extérieur. Car c'est toujours une honte d'avoir du mariage? Dieu s'est servi d'une créature
de mauvaises manières, fùt-on la fille d'un humaine, pour en faire une autre, puis il a
roi. Qui vous empêche d'être digne? Est-ce réuni ces deux créatures et n'en a fait qu'une.
votre pauvreté ? Est-ce votre humble condi- Voilà pourquoi on peut dire que c'est un seul
tion? Mais une jeune fille, quand même elle être qui en produit un autre. Car le mari cf
serait esclave , doit avoir de la réserve, o Car, la femme ne sont pas deux êtres distincts ils ;

« en Jésus-Christ, il n'y a ni esclave, ni homme ne sont qu'une chair, et à l'appui de celte vé-
« libre ». (Gai. m , 28.) Est-ce que le mariage rité, on peut citer bien des preuves. Ou peut

serait un théâtre ? Non , c'est un mystère qui citer Jacob, on peut citer Marie, la mère du
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE Xll. d7S

Christ; on peut citer cette parole : « Dieu les chair, est-il exact. C'est leur enfant qui pro-
a a faits mâle et femelle ». (Gen. i, 27.) duit cette union intime. Mais que dis-je?
Si l'un est la tête et l'autre le corps , com- Quand même n'auraient pas d'enfant ils
ils ,

ment formeraient- ils deux êtres séparés? ne formeraient pas encore deux êtres distincts.
La femme, c'est récolière; le mari, c'est le Et le motif en est clair. C'est la cohabitation
maître. Le mari, c'est le chef; la femme, c'est qui confond ces deux individualités en une
l'êtrequi obéit. La manière dont elle a été seule ; c'est le parfum qu'on jette dans l'huile
créée vous fera voir qu'elle ne fait qu'un avec et qui s'y incorpore, de manière à ne faire
-
son époux ; elle a été tirée d'une côte de qu'un avec elle.

l'homme, et tous deux sont, pour ainsi dire, 6. Bien des gens, je le sais, sont choqués de
les deux moitiés d'un tout. Voilà pourquoi mes paroles. Mais ce qui m'a fait aborder ce
l'homme la regarde comme son aide. Voilà sujet, ce sont les abus introduits par la dé-
pourquoi la femme quitte père et mère pour bauche et par l'impudeur. Oui, la manière
s'attacher de préférence à l'homme auquel dont se font les noces ces habitudes dépra-
,

elle va s'unir, avec lequel elle va vivre. Et un vées et corrompues dégradent le mariage.
père lui-même se plaît à établir son fils et sa « Car les noces en elles mêmes sont honora-

fille, à serrer les nœuds de ce mariage qui va « blés, et le lit nuptial est immaculé ». (Hébr.

rendre à un être une partie de lui-même. Que xui, 4.) Pourquoi donc avoir honte de ce qui
de dépenses Quelle perte d'argent pour ce
I est honorable ? Pourquoi rougir de ce qui est
père, avant d'en venir là! Mais qu'est-ce que immaculé? C'est aux hérétiques de rougir;
cela fait? Ce père serait inconsolable, s'il n'éta- c'est à ceux qui amènent des courtisanes. Je

blissait pas ses enfants. Chacun d'eux, en effet, veux purifier le mariage pour lui rendre sa
quand il reste isolé, est comme une chair sé- noblesse, pour fermer la bouche à l'hérésie.
parée de sa chair c'est un être incomplet qui
;
On a déshonoré une institution qui est un
ne peut procréer; c'est un cire incomplet qui présent divin, qui est la source du genre hu-
n'a pas encore organisé sa vie. De là ce mot main on y a jeté du limon et de la boue.
;

du Prophète « C'est le reste de ton âme ».


: Purifions cette source, en appelant la raison à
(Mulach. Il, 15.) Mais comment ne font-ils notre aide. Un peu de courage Quand on ne !

qu'une chair? C'est comme si vous déta- craint pas la boue, on ne doit pas en craindre
chiez d'un lingot d'or ses parcelles les plus l'odeur. Je veux vous montrer que ce n'est pas
pures pour les mêler à un autre lingot. De le mariage, mais l'abus que vous y introduisez

même ici, c'est la partie la plus onctueuse du qui doit vous faire rougir. Vous n'avez qu'une
sang de l'homme que le plaisir verse dans le mauvaise honte et vous condamnez Dieu qui
sein de la femme où elle se trouve dévelofipée, a institué le mariage. Je vais vous dire ce que
eu se mêlant aux germes que la femme four- c'est que ce sacrement de l'Eglise. C'est le

nit. Et l'enfant joue, entre le mari et la femme, Christ qui vient trouver l'Eglise, l'Eglise née
le rôle de trait d'union. Voilà donc trois êtres de lui et à laquelle il s'est uni par des liens
qui ne font qu'une chair, et dont l'un sert de spirituels. « Car je vous ai fiancés », dit l'apô-
lien entre les deux autres. C'est comme si tre, a à cet unique époux qui est le Christ,

deux cités, divisées par un fleuve, étaient réu- a pour vous présenter à lui comme une vierge

nies en une seule par un pont. Dans la cir- « toute pure ». (Il Cor. xi, 2.) Voyez comme il

constance qui nous occupe, l'union est la déclare que nous appartenons au Christ, que
même, que dis-je? elle est plus intime. Car le nous sommes les membres de ses membres, et
trait d'union est de la même nature que les la chair de sa chair.
deux objets unis. Les deux êtres ne font donc Livrons-nous à ces réflexions et respectons
qu'un seul être, comme le tronc accompagné ce mystère sublime. Eh quoil le mariage
des membres ne fait qu'un même corps avec la vous représente Jésus-Christ, et vous vous eni-
tête. C'est le cou seul qui les sépare encore ; vrez Dites-moi
! si vous aviez devant vous
,

les unit-il autant qu'il les divise, en se trou- l'image du souverain ne la respccteriez-vous
,

vant au milieu d'eux. C'est comme si un pas ? Ah sans doute, vous la respecteriez. On
!

cuœur, après s'être séparé eu deux moitiés semble n'attacher aucune importance à la ma-
se recomposait avec ses membres pris à droite nière dont on se comporte quand on assiste à
et à (,'auchc. Aussi ce mot Us ne feront qu'une
: yu mî^riage,et pourtant celle indifférence ai
176 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

des suites désastreuses. Ce ne sont qu'habi- salle, il les chasse et opère des miracles. Quoi

tudes impies. « Point de paroles déshon- déplus choquant que ces pompes de Satan,'
anètesi), dit saint Paul, o point de paroles où il n'y a que confusion , où , s'il n'y a pas
insensées ou bouffonnes ». (Ephés. v, 4.) Et confusion, il n'y a que honte et amertume?
pourtant, quand on assiste à une noce, on 7. Rien de plus doux que la vertu
'

rien de ;

n'entend que propos déshonnêtes, insensés ou plus suave que la tempérance rien de plus ;

boulions. Celte habitude est devenue un art désirable que l'honneur. Que les noces soient
qui honneur à celui qui l'exerce oui, le
fait : telles que je le demande, et l'on verra quel

\ice estdevenu un art. Et cet art nous ne le , plaisir on y trouve. Faites bien attention aux

pratiquons pas à la légère; nous déployons, en conditions que je pose pour une jeune fille,
:

l'cxerç,ant , notre application et notre science. il faut, avant tout, chercher un mari qui

Et d'ailleurs, c'est le démon en personne qui puisse être à la fois son époux, son protecteur
commande et qui dirige ces troupes de bouf- et son tuteur. Il y a là un corps sur lequel il

fons. Car la débauche loge à la même ensei- faut mettreune tête. Ce n'est pas une esclave
gne que l'ivresse là où circulent les propos
: que vous donnez à un maître; c'est votre fille
obscènes, le démon prend toutes ses aises. A à laquelle vous allez donner un époux. Ne
ces repas de noces, avez-vous bien le cœur, je cherchez ni la richesse, ni la splendeur de la
vous le demande, d'invoquer le démon, en naissance, ni l'éclat du berceau tout cela est ;

célébrant les mystères du Christ ? Vous me superflu ; mais demandez chez l'époux de votre
trouvez peut-être fâcheux et importun car , fille, la piété, la douceur, la véritable sagesse,

c'est encore l'effet de votre perversité extrême la crainte vous voulez que votre
de Dieu , si

de tourner en ridicule l'austérilé de vos cen- fille soit heureuse. En courant après la ri-

seurs. Eh ! n'enlendcz-vous pas saint Paul qui chesse, loin de faire le bonheur de votre fille,
vous Quoi que vous fassiez, que vous
dit : a vous ferez son malheur car, de libre qu'elle ;

«mangiez ou que vous buviez, agissez tou- était vous la rendrez esclave. L'or n'est point

jours pour la gloire de Dieu?» Vous, au aussi doux que la servitude est amère. Ne
contraire, vous vous occupez à dire de mau- cherchez donc pas tous ces vains avantages ;

vais propos et des infamies. N'entendez-vous donnez à votre fille un mari de sa condition.
pas cette parole du Prophète « Servez le : Si la chose est impossible, cherchez un mari
Seigneur avec une crainte respectueuse et plutôt pauvre que riche, si vous ne voulez pas
avec une allégresse mêlée de terreur? ». pour votre fille un maître, mais un époux.
(Ps. Il,H.) Quand vous l'aurez bien choisi, quand vous
Vous, au contraire, vous vous plongez dans serez décidé à lui donner votre fille, priez le
la mollesse. Ne pouvcz-vous donc pas vous Christ d'honorer celle union de sa présence ;

livrer à des plaisirs sans danger? Voulez-vous il ne s'y refusera pas car c'est lui qui doitêtre
;

entendre de mélodieux accords? Certes vous présent dans ce mystère. Et priez-le de vous
n'en auriez pas besoin mais je me plie à ; donner, pour votre fille, l'époux que vous de-
votre faiblesse si vous voulez au lieu des
, ; mandez. Ne restez pas au-dessous de l'esclave
concerts de Satan, écoutez les concerts des d'Abraham qui, parti pour un si long voyage,
anges. Voulez -vous voir des danses? Conlcm- sut deviner à(jui il devait avoir recours et vit

pkz celles des anges. Et comment faire pour son entreprise couronnée d'un plein succès.
les voir? me direz-vous. Pour cela vous n'avez Si vous flottez dans l'incertitude, si vous n'êtes
qu'à chasser tous ces musiciens, tous ces dan- pas encore fixé, ayez recours à la prière et
seurs profanes. Alors le Christ viendra à vos dites à Dieu Que votre volonté et votre pré-
:

noces ; or le Christ est toujours accompagné voyance me viennent en aide. Reposez-vous


du chœur des anges. Il opérera, si vous vou- sur lui de toute cette affaire. De cette manière,
lez, des miracles, comme
il chan- autrefois; vous l'honorerez et il vous récompensera. Il y
gera encore l'eau en vin et fera d'autres pro- a ici deux chose à faire il faut confier à Dieu
:

diges. Celte joie dissolue, ces désirs qui bientôt les intérêts de votre fille; il faut lui chercher
vous laissent changeront bientôt en
froids, se un mari selon Dieu, c'esl-à-dire un homme
joie spirituelle. Voilà ce qui s'appelle changer probe et honorable. Au moment delà célébra-
l'eau en vin. Là où sont vos joueurs de flûte maison en maison emprun-
tion, n'allez j)as de
le Christ ne paraît pas ; mais cntre-l-il dans la ter des miroirs et des objets de toilette. Le
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITUE AUX COLOSSIENS. - HOMÉLIE XII. 177

mariage n'est pas une affaire d'ostentation; les parades matrimoniales d'aujourd'hui , de
vous ne menez pas votre fille à la parade. combien de maux ne sont-elles pas la source?
Contentez-vous des ressources que vous trou- Le festin est terminé et, tout aussitôt, on s'in-
vez chez vous, invitez vos voisins, vos amis et quiète, on a peur que quelque pièce d'argen-
vos parents; invitez tous les gens de bien, terie prêtée ne se retrouve pas, et voilà la
tous les gens honnêtes que vous connaissez, et gaieté qui fait place à une insupportable in-
priez-les de se contenter de ce que vous leur quiétude.
offrez. Point de danseurs de profession c'est : Mais cette inquiétude et ce chagrin, direz-
une dépense superflue et peu honorahle. Avant vous,sont pourla personne chargée de l'ordon-
tout, invitez le Christ à ces noces, vous savez nance du repas. Ah 1 la nouvelle mariée elle-
quels sont ses représentants ici-bas. Le bien même n'en est pas exempte. Que dis-je?tous
que vous ferez, dit-il, au plus humble d'entre lesdésagréments qui surviennent ensuite, de-
vous, c'est à moi que vous le ferez. (Matth, viennent son partage. Cette ruine complète,
XXV, 43.) quel sujet de tristesse I Cette demeure livrée à
Ce n'est pas, gardez-vous de le croire, un l'abandon, quel sujet de chagrin I d'un côté le

ennui et une corvée d'inviter les pauvres pour Christ, de l'autre le ; démon
d'un côté l'allé-
l'amour du Christ; mais c'est une corvée bien gresse, de l'autre l'inquiétude; d'un côté le
lourde d'inviter des courtisanes. Inviter les plaisir, de l'autre la douleur; d'un côlé la
pauvres est un moyen de s'enrichir; inviter dépense, de l'autre rien qui y ressemble;
les courtisanes est un moyen de se ruiner et d'un côté l'opprobre et la honte, de l'autre la

de se perdre. Donnez à la jeune mariée, pour modération; d'un côté l'envie, de l'autre ab-
parure, non pas des robes enrichies d'or, mais sence complète de jalousie; d'un côté l'ivresse,
des vêtements ordinaires dont la pudeur et la de l'autre la sobriété, le salut, la sagesse. Ré-
bonté rehaussent l'éclat. Au lieu de vêtements fléchissons à tous ces détails et arrêtons-nous
brodés d'or, qu'elle revête la pudeur et la dans cette mauvaise voie où nous sommes :
décence, sans rechercher les parures mon- soyons agréables à Dieu et montrons-nous di-
daines. Point de bruit, point de désordre. gnes d'obtenir les biens promis à ceux qui
Qu'on appelle le fiancé et qu'on remette entre l'aiment, par la grâce et la bonté de Notre-
ses mains la jeune fille. Que la sobriété, que Seigneur Jésus-Christ, auquel, conjointement
la pure allégresse de l'âme régnent au festin. avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, hon-
De telles noces seront la source d'une foule neur et puissance, maintenant et toujours, et
d'avantages et ne compromettront pas votre dans tous les siècles des siècles Ainsi soit-il.
1

existence. Mais les uoces^ pour ne pas dire

Traduit par M. BAISSE Y.

S, J. r. H, — Tome XÎ. 12
COMMENTAIRE
SUR LA PREMIÈRE ÉPITRE AUX THESSALONICIENS.

AVERTISSEMENT POUR LES DEUX EPITRES.


Tes hoiTK^lies fnront pronono(;es à Constniilinople, ainsi que roraleiir lui-même l'insinue, lorsqu'il
ditdnns la huilièmc homélie sur la premir-re épiire, vers la fin » Pour moi, il faudra que je rende :

« compte de cegouvcrnenienl des âmes qui m'a été confié ». 11 l'indique non moins clairement dans la
quatrième homélie sui la seconde épine, lorsqu'il dit : « Le diable s'arme contre nous plus terrible-
« ment que contre les autres A la guerre, en effet, c'est surtout contre le chef que l'ennemi dirige
:

a ses attaques ».
Cù et 1;V, il frappe fortement sur les vices des habitants de Constanlinople, sur leurs sortilèges, leurs
amulettes et leurs pratiques divinatoires. Il proscrit les théâtres et leurs divertissements grossièrement
immoraux. Il blàuie les deuils exagérés. Il rapporle certaines singularités concernant le lac de Sodome,
comme des faits constants et avérés. Dans la qualrième liomélie sur la deuxième épitre, il dit que
Néron est le lyrie di' l'anteclirist, et croit trouver dans le texte de saint Paul une prédiction de la chute
prochaine de l'empire romain.

HOMKLIE PREMIERE.
PAUL, SYLVAIN ET T1M0THKE A LÙGLISE DE THESSALONiyUE QUI EST EN DIEU LE PÈRE ET EN JÉSUS-CHRIST
NOTRE-SlilGNEl R. QUE LA GRACE ET LA PAIX VOUS SOIENT DONNÉES. NOUS RENDONS SANS CESSE GRACES
A DIEU POUR VOUS TOUS, FAISANT MENTION DE VOUS DANS NOS PiUÉRES, ET NOUS REPRÉSENTANT SANS
CESSE DEVANT DIEU QUI EST NOTRE PÈRE, LES ŒUVRES DE VOTRE FOI, LES TRAVAUX DE VOTRE CHA-
RITÉ, ET LA FERMETÉ DE l'ESPÊRANCE QUE VOUS AVIÎZ EN NOnE-SElGNEUR JÉSUS-CHRIST. (l, 1-3
jusqu'à 7.

1. Témoignage avanlagcm rendu par saint Paul ï la foi et à la diarilé des Thessaloaiciens.
2. Ils ont à peine embr.issé la foi, et vnil^ qu'ils peuvent servir de modèle à tons les cliréliens de la Macédoine et de la Grèce.
3. Nécessilé de la vijilanro. — Il est Irès-ntile que l'on prie pour nous, mais les prières d'autrui ne Bont utiles qu'à ce'jx qui
font déjà par eux-mêmes ce qu'ils peuvent.
4. Exemples qui prouvent l'utilité des prières quand s'y joint la diligence de ceux pour qui elles sont faites.

i. écrit aux
Pourquoi donc, lorsque l'apôtre o tout cequi vous regarde ». (Philipp. ii, 22,
Philippiens et qu'il a Tiniothée avec lui, ne 20.) Pourquoi donc le nom de Tiniolliée se
joint-il pas le nom de ce disciple au sien pro- trouve-t-il mis à côlé de celui de Paul dans un
pre en tête de sa lettre ', tandis qu'il le fait cas et non dans l'autre? Je crois que c'est
ici? Cependant Timolliée était bien connu de parce que, lorsqu'il écrivait aux Philippiens,
ce peuple, et il en était admiré. « Vous avez il était sur le point de leur envoyer bientôt
« éprouvé vous-mêmes », leur dit saint Paul, Tiniolbée. Il etit été supertlu que celui-ci s'as-
qu'il m'a servi comme un Dis servirait son sociât à l'envoi d'une lettre (|u'il allait suivre
o père. Je n'ai personne », dit-il encore, «qui de si près. Saint Paul, en effet, leur ditfor-
« soit si véritablement dans les mêmes senti- mcileinenl qu'il élait sur le point de leur en-
a ments que moi, et qui ait autant soin de voyer bientôt Timolhée. (Ibid. 23.) Pour ce
qui regarde les Tliessaloniciens, il n'en élait
' C*e«t une errcor : le nom de Timolhée est mis à cAlê do celui
de «aint P»ul dam l'opitre aux Philippitni. Il ne By trouve pa« P''IS lie
.
,
% t-
IllClne. AlUIS llUlolliee Ctalt
\

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dcpUlS pcU
d.n» lépitre au. Ephc,,e,i, u,.,» c« .^m .u.i montre que ce n'en j,. retour de clicz cux, cn sorte qii'il est natu-
pu de ceux-ci que parle saint Cbrysostomg, mtli biea dei Poilip- i ,< ,

pitui Uaiii)eir««r>u défaut iromtour, FëI qu il 6 ^s^Ociti à II lettre qu'un leur écrid
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE I. 479

« Timothée est revenu récemment près de pour ce peuple c'était non - seulement té-
,

a nous après vous avoir vus », dit l'apôtre. moigner de leur grand progrès dans la foi,
(I Thess. m, 6.) mais encore leur montrer qu'ils doivent en
Mais pourquoi nomme-t-il Silvain avant Ti- être reconnaissants à Dieu qui a tout fait. Il
mothée, Timothée à qui il rend les témoigna- leur enseigne donc l'humilité, et son langage
ges les plus avantageux et qu'il préfère à revient à dire que la puissance divine est la
fons les autres? Peut-être est-ce Timotiiée source de tout bien et de toute vertu. L'action
lui-même qui voulu par humilité.
l'a ainsi de grâces donc un témoignage rendu à
est
En voyant son maître pousser l'humilité jus- leur vertu , mention qu'il fait d'eux
et la
qu'à mettre ses disciples sur le même rang dans ses prières est une preuve de sa charité
que lui, Timothée devait se sentir porté à pra- envers eux. La suite fait voir que ce n'était
tiquer aussi l'humilité et à se mettre après pas seulement dans ses prières, mais en tout
tous les autres. temps qu'il se souvenait d'eux.
« Paul, Silvain et Timothée à l'Eglise de En nous représentant sans cesse devant
Thessalonique ». Suint Paul ne prend ici au- « Dieu qui est notre Père, les œuvres de votre

cune qualité, il se nomme tout court Paul, a foi, les travaux de votre charité et la fermeté

sans ajouter apôtre, ou serviteur de Jésus- « de l'espérance que vous avez en Nolre-Sei-

Christ. Les Thessaloniciens étaient encore « giieur Jésus-Christ». Les mots adevantDieu»

assez novices dans la foi, ils n'avaient pas en- peuvent aussi se rapporter aux Thessaloni-
core appris à connaître saint Paul, voilà pour- ciens, et alors le sens serait: Nous représentant
quoi, ce me semble, l'apôtre ne met aucun les œuvres de votre foi, les travaux de votre

terme qui rappelle sa dignité. C'est qu'en effet charité, etc., lesquels sont devant Dieu, notre
la prédication ne faisait encore que débuter Père. 11 ne se souvient pas de leur vertu seu-
chez eux. —
« A l'Eglise de Thessalonique ». lement, mais aussi de leurs personnes, et cela
Ceci n'est pas mis sans intention. Ces fidèles « devant Dieu », mots qui sont pleins de sens.

étaient encore en petit nombre et sans beau- C'est comme si l'apôtre disait : Les hommes
coup de cohésion, et c'est pour les encourager ne vous louent point de ce que vous faites,
que l'apôtre emploie ici le terme d'Eglise. 11 aucun ne vous en récompense, mais ayez con-
ne s'en sert pas toujours en s'adressant à des fiance, vous travaillez en présence de Dieu.—
communautés depuis longtemps fondées, nom- Qu'est-ce à dire : l'œuvre de votre foi ? c'est-
breuses et fortement constituées. Le terme à-diie, que rien n'a ébranlé leur fermeté; car
d'Eglise implique à la fois le grand nombre et c'est en quoi consiste l'œuvre de la foi. Si vous
l'union bien cimentée des membres c'est ; avez lu foi, souffrez tout si vous ne vouiez
;

comme encouragement que l'apôtre l'appli- pas luul souffrir, c'est que vous n'avez pas la
que aux Thessaloniciens. —
« A l'Eglise de foi. Est-ce que les promesses ne sont pas assez
« Thessalonique, qui est en Dieu le Père et en belles pour que celui qui y a foi souffre volon-
a Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Voici encore tiers mille morts? C'est le royaume des cieux
le mot « Dieu » employé également pour le qu'il a en perspective, avec l'immortalité et la
Père » et pour le a Fils ». Ces mots « Qui : vie éternelle. Le croyant soulTrira donc tout.
est en Dieu » servent à distinguer l'Eglise ou
, Or, la foi se montre par les œuvres. Rien de
assemblée des fidèles de Thessalonique d'avec plus juste que les expressions de l'aiiôlre ;

les assemblées des juifs et des païens. C'est là elles reviennent à ceci Vous n'avez pas mon-
:

un grand éloge, éloge incomparable que d'être tré simplement votre foi par vos paroles, mais
en Dieu. Je voudrais pouvoir en dire autant encore par vos œuvres, par votre fermeté, par
de ct'tfe Eglise-ci, mais je crains fort qu'elle votre zèle. —
« Les travaux de votre charité ».
ne soit indigne d'une si belle appellation. On A aimer d'une manière telle quelle, le travail
ne peut dire des esclaves du péché qu'ils sont est nul, mais il est grand à aimer véritable-
en Dieu. —
o Que la grâce et la paix vous ment, sincèrement. Lorsque tout est mis en
soient données ». Vous le voyez, cette épîlre œuvre pour nous détacher de la charité, et
débute par des éloges. que nous résistons à tout, n'est-ce pas un tra-
« Nous rendons sans cesse grâces à Dieu vail? Et que n'avaient-ils pas souffert, ces
pour vous tous, faisant mention de vous fidèles de Thessalonique, pour ne pas s'écarter
«dans nos prières ». Rendre grâces à Dieu de la charité ? Les adversaires de l'Evangile
180 TIlADUCÏiON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

n'allèrenl-ils pas trouver l'bôte de Paul, et, ne « Sachant, mes frères bien-aimés, que votre
l'ayant pas trouvé, n'enlraînèient-ilspas Jason « élection est de Dieu, parce que l'Evangile que
(levant les magistrats? Etait-ce peu de chose, « nous vous avons pi èctié, ne vous a pas été
dites-moi, pour ces chrétiens, dont la foi ne a seulement présenté en paroles, mais encore
faisaitencore que de naître et n'avait pas ac- « dans la vertu de Dieu, dans l'Esprit-Saint, et
quis toute sa solidité, d'avoir à supporter un « dans une certitude abondante. Vous savez
tel orage, de telles épreuves? « Ils exigèrent « aussi de quelle manière nous avons agi
« de lui une caution », dit le livre des Actes «parmi vous pour votre salut». Que veut-il
(xvii), et l'ayant obtenue, ils laissèrcut aller dire [tar ces mots « Vous savez aussi de quelle
:

Paul. Etait-ce donc peu de chose que cela ? manière nous avons agi parmi vous pour
Est-ce que Jason ne s'exposait pas à mourir à « votre salut?» L'apôtre eflleure ici son propre
la place de Paul? C'est cet attachement à toute éloge, m lis très-légèrement. Il veut d'abord
épreuve que l'apôtre a|ipeUe a le travail de épuiser l'éloge des Tliessaloniciens. Voici le
« leur charité ». sens de ses paroles : Nous savions que vous
2. Ilemarquez que l'apôtre ne parle de lui- étiez des hommes généreux et magnanimes,
même qu'après avoir t'ait l'éloge des Thessa- des hommes choisis, c'est pourciuoi nous avons
loniciens, en sorte qu'il ne parait ni se vanter, aussi tout enduré pour vous. En effet, dire :

ni lesaimer sans raison et connue par antici- Vous savez de quelle manière nous avons
pation. —
«Et votre feinu'lc». La persécution, « agi» c'était leur rappeler qu'on aurait de
,

en effet, n'avait pas duré qu'un instant, elle grand cœur donné sa vie pour eux dévoue- ;

n'avait pas cessé. Les disciples y éiaient en butte ment dont l'apôtre attribue le mérite non à
aussi bien que leur maître. Comment ct^ux qui lui, mais à eux, parce qu'ils étaient des hommes

persécutaient des homii.i s tels que les apôtres, élus de Dieu. C'est la même pensée qu'il ex-
fies hommes qui opéraient des miracles et se prime encore ailleurs en ces termes «Je :

moniraieut de toute maiiièie si respectables, « souffre tous ces maux pour les élus». (II Tim.

coniuient ceux-là auraient-ils épargné des gens Il, 10.) Que ne souffrirait-on pas pour les bien-

de la même ville et de la même maison aimés de Dieu? A peine a-t-il parlé de lui-
qu'eux qui, tout à coup, passaient dans le méme-qu'il se hâte d'ajouter presque en pro-
can)p deJésus-Chritt? C'aA à la fermeté de ces pres termes Puisque vous êtes les bien-aimés
:

fidèles que l'apôtre rend témoignage en disant : et les élus de Dieu, il était naturel que je
«Vous avez été les iinitaleiirs des Églises de souffrisse tout pour vous. Ce n'était pas tout
a Dieu qui sont en Judée ». (I Thess. ii, 14.) de les louer pour les fortifier, il était bon en-
« Et l'espérance ([ue vous avtz en Jésus- core de leur rappeler dans le môme but qu'ils
« Christ, devant Dieu notre Père». Hiendeidus avaient eux-mêmes montré un courage égal
juste que ces expressions, car la foi et l'espé- au zèle qu'on leur avait témoigné.
rance sont le principi! de tout ce qu'ils ont Il ajoute donc « Et vous êtes devenus nos
:

la Luur conduite ne prouvait pas seulement


I. « imitateurs et les imitateurs du Seigneur,
qu'ils avaient du courage, mais encore [u'ils « ayant reçu la parole au milieu d'une grande
,ii<>utaienl une fui pleine et entière aux recom- « tribulation, avec la joie du Saint-Esprit».
pi us. s qui leur él.iienl réservées. Dilu |ier- Quel éloge! Les disciides, en un moment, sont
iii'ltiit qu'il y eut des persécutions dès le devenus des docteurs. Non-seulement ils ont
C' iiiuiriRimeiit, afin que personne ne vînt écouté la prédication, mais encore ils ont
dite que la prédication evungélique avait atteint jusqu'au faîte où était saint Paul. Mais
réussi d'une manière toute sim|)le par l'in- cela n'est rien en comparaison de ce qui suit,
trigue et la Uatterie; il le |iermcltait encore voyez jusqu'où il les exalte en disant «Vous :

pour faire paraître l'ardeur des fidèles, pour « êtesdevenus les imitateurs du Seigneur». De
montrer qu'une foi assez ferme pour all'ionler quelle manière? «En recevant la parole au
mille morts n'était pas l'œuvre d'une persua- « milieu d'une grande tribulation, avec la joie
sion humaine, mais de la toute-puissante vertu du Saint-Esprit». Non-seulement au milieu
de Dieu. Il fallait jjour cela (pie, dès le com- de la tribulation mais au milieu o d'une
,

mencement, la prédication fût [)rofondénient «grande tribulation». On peut voir, par les
enracinée et assez solidement plantée pour ne Actes des apôtres, quelle i)ersécution l'on sus-
biuiadre aucun orage. c.ta contre eux. (Acl. xvii.) ils émurent tous
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICîlCNS. — HOMÉLIE L 181

les magistrats, dit Tauteur, et sonleYèrent Saint-Esprit, qui, par la fournaise des maux,
toute l;i ville. Et Ton ne peut pas dire que s'ils fait passer les élus dans un repo-^ et un rafraî-
ont été affligés et ont reçu la foi, ils l'aient fait chissement éternel. «Avec la joie», dit saint
avec au contraire
tristesse, puisqu'il est dit Paul, et non simplement avec mais
la joie,

qu'ils ont montré une grande joie. 11 en était avec une grande joie; car c'est ce que marque
de même des apôtres. «Ils se réjouissaient», ce mot : «Avec la joie du Saint-Esprit».
est-il dit,«de ce qu'ils avaient été jugés dignes « De sorte que vous avez servi de modèles
a de souffrir pour le nom de Jésus-Christ». « à tous ceux qui ont embrassé la foi dans la
(Act. V, Al.) Ce qu'il y avait de merveilleux « Macédoine et dans l'Achaïe». Cependant ils

dans leur conduite, c'était principalement cette avaient été les derniers visités par ra['ôtre.
joie. Ce n'est pas déjà peu de chose que de Mais vous avez brillé, leur dit-il, jusqu'à deve-
souffrir l'affliction n'importe comment, mais nir les modèles de ceux qui vous ont précédés.
la souffrir avec joie suppose des hommes éle- C'était.là une vertu vraiment apostolique. L'a-
vés au-dessus de la nature humaine, et dont le pôtre ne dit pas simplement qu'ils ont servi de
corps est devenu comme impassible. Comment modèles à ceux qui n'ont pas encore embrassé
étaient devenus les imitateurs du Seigneur?
ils la foi, mais à ceux mêmes qui l'ont déjà em-
Parce que le Seigneur avait lui-même enduré brassée. Vous leur avez appris de quelle ma-
beaucoup de souffrances, et qu'il ne s'en était nière il faut croire en Dieu, vous qui, à peine
pas plaint, mais réjoui, puisqu'il les avait ac- entrés dans la foi, avez commencé à combattre
ceptées volontairement, et qu'il était venu sur pour elle. —
«Dans l'Achaïe», c'est-à-dire dans
la terre pour cela. En effet, il s'est anéanti lui- la Grèce. Que ne fait point le zèle? Il ne lui
même pour nous, sachant qu'il aurait à souf- faut ni temps, ni délai, ni retard. 11 lui suffit
frir les crachats, les soufflets, la croix. Et au de se montrer, et tout est fait. Ainsi les Thes-
milieu de ces souffrances , la joie qu'il éprou- saliens, les derniers venus dans la foi, se
vait lui faisait dire : «Mon Père, gloriûez-moi». montraient les maîtres des premiers venus. Que
(Jean, xvii, i.) personne donc ne se décourage quand môme :

3. « Avec du Saint-Esprit» Pour qu'on


la joie . on aurait passé une bonne partie de sa vie sans
n'objecte pas: Comment mêlez-vous ensemble rien faire, on pourrait encore, en Irès-peu de
l'affliction et la joie ? Ces choses-là ne sont-elles temps, faire plus qu'on n'aurait peut-être fait vn
pas incompatibles? l'apôlre ajoute : «Avec la s'y prenant dès le commencement. Si celui qui
a joie du Saint-Esprit». L'affliction est dans les n'était pas encore chrétien, jette tout en le de-
choses du corps, la joie dans celles de l'esprit. venant un si vif éclat, que ne pourra pas faire
Comment cela? Les faits sont douloureux, mais celui qui a déjà la foi?
les suites en sont tout autres, par la permis- Mais, d'un autre côté, qu'on n'aille pas tom-
sion du Saint-Esprit. Ainsi, on peut souffrir sans ber dans la paresse sous prétexte qu'on pourra
se réjouir, comme lorsqu'on souffre pour ses tout réparer en peu de temps. Car l'avenir est
péchés; et l'on peut aussi se réjouir jusque incertain et le jour du Seigneur est un voleur
sous les fouets lorsqu'on souffre pour Jésus-
, qui survient tout à coup pendant que nous
Christ. Telle est la joie du Saint-Esprit. De ce dormons. Si nous ne dormons point, il ne
qui semble douloureux, elle fait sortir des dé- viendra pas nous surprendre comme un vo-
lices. On vous a affligés, persécutés, veut dire leur, il ne nous emmènera point sans que
l'apôtre, mais l'Esprit-Saint ne vous a pas dé- nous soyons prêts. Si nous veillons, il viendra
laissés dans vos maux mêmes et comme au- : comme un envoyé du Roi du ciel nous appeler
trefois il versa la rosée sur les trois enfants de au bonheur qui nous est préparé. Mais si nous
la fournaise, il répand de môme sur vous une nous endormons, il se présentera comme un
joie céleste au milieu de vos afflictions. Et voleur. Que personne donc ne s'endorme, que
comme alors la rosée qui rafraîchissait les personne ne soit lâche dans la pratique de la
trois eufants, n'était du feu; de
point l'effet vertu, car voilà le sommeil. Ne savez-vous pas
même que vous ressentez maintenant
la joie que, lorsque nous dormons, nos biens sont
n'est point l'effet de vos maux. Les afflictions peu en sûreté, et qu'il est facile de nous les
naturellement ne produisent point la joie; prendre? Veillons-nous, la garde en est facile,
cela est réservé aux afflictions que l'on souffre Dormons-nous, malgré tous nos soins, noua
pour Jésus-Christ, et est l'effet de la rosée du perdons souvent ce que nous avons. Portes,
m TRADl'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTilMÊ.

vcrrouT, sentinelles en dedans et au dehors, il pleura sur lui jusqu'au dernier jour de sa'

rien n'empêche le voleur d'entrer. Quelle con- vie , et il seulement pour lui
n'offrait pas

séquence tirer de mes paroles? c'est qu'éveil- quelque prière en passant. De quel secours
lés nous n'avons pas besoin du secours d'au- furent pour les Israélites les prières de ce
trui, et qu'endormis le secours d'autrui ne même prophète? Ne disait-il pas lui-même:
nous servira de rien et n'empêcliera point a Dieu me garde de pécher jusqu'à oublier de

notre perte. prier pour vous ». Et néanmoins tous péri-


C'est un grand bien que d'être secouru par rent. — Les prières sont donc inutiles, direz-
les prières des saints, mais à la condition que vous. Au contraire, elles sont utiles et gran-
nous ne resterons pas nous-mêmes sans rien dement, mais à la condition que nous y
faire. Vous dites Mais de quoi me serviront
: joignions notre action. Les prières sont une
les prières des autres, si moi-même je suis aide et un secours ; or, on ne secourt et on
vigilant, et si je ne me réduis pas moi-même n'aide que celui qui travaille déjà lui-même.
à en avoir besoin ? Je vous conseille fort de ne Si vous restez sans rien faire, l'utilité du
pas vous réduire à cet état. Cependant nous secours sera nulle.
avouerons, si nous sommes sages, que nous 4. Si les prières des autres pouvaient mener
ne sommesjamais sans avoir besoin (les prières au ciel même les négligents, pourquoi tous
des autres. Saint Paul ne disait pas Qu'ai -je be- ; les païens ne
pas chrétiens ? Ne
sont-ils
soin de prières ? Et cependant ceux qui priaient prions-nous pas pour tous les hommes? Saint
pour lui étaient loin d'être ses égaux. Et vous, Paul ne faisait-il pas de même ? Ne deman-
vous dites Qu'ai-je besoin de prières? Saint
: dons-nous pas que tous se convertissent?
Pierre non plus ne disait pas Qu'ai-je besoin de : Pourquoi donc, dites-moi, les méchants ne
prières? « Une prière assidue», dit le livre des deviennent-ils pas tous bons ? N'est-il pas
Actes (xii, 5), était adressée pour lui à Dieu évident que c'est parce qu'ils ne veulent rien
« par l'Eglise ». Et vous, vous dites : Qu'ai-je faire de leur côté? L'utilité des prières des
besoin de prières? Vous en avez un grand autres pour nous est très-grande, lorsque,
besoin, puisque vous vous imaginez n'en avoir de notre part, nous faisons ce qui dépend de
pas besoin. Vous seriezun saint Panique vous nous.-Faut-il vous prouver cette utilité ? Rap-
en auriez encore besoin. Ne vous élevez pas, pelez-vous Corneille et Tabithe. (Act. x, 3 et
pour que vous ne soyez pas rabaissé. Mais, IX, 36.) Ecoutez ce que Jacob dit à Laban :

comme je viens de le dire, c'est à la condilion a Si le Dieu que mon père craignait, n'était
que nous agirons nous-mêmes, que les prières « venu à mon secours, vous m'auriez renvoyé
faites pour nous, nous seront utiles. Ecoutez « nu de chez vous » voyez encore ce que
;

les paroles de saint Paul « Je sais que cela : Dieu dit : « Je protégerai cette ville à cause
tournera à mon salut, par l'assistance de vos « de moi, et de David mon serviteur ». (Gen.
o prières et le secours de l'Esprit de Jésus- XXXI, 42 IV Rois, xix, 34.) Mais quand parle-
;

a Christ» (Philip, i, d9); et ailleurs : « Vous t-il ainsi ? A l'époque d'Ezéchias, roi juste.
€ m'aiderez aussi en cela par le secours des Si les prières pouvaient quelque chose pour
prières que vous ferez pour moi, afin que les plus méchants, pourquoi, lorsque Nabu-
Dieu, nous ayant fait grâce par les prières chodonosor vint. Dieu ne dit- il pas la même
a de plusieurs iiersounes, plusieurs personnes chose, mais lui livra-t-il la ville? Alors le
« se joignent aussi à nous pour lui en témoi- crime prévalut. Ce même Samuel, dont je
gner notre reconniiissauce ». (11 Cor. i, H.) viens de parler, pria une autre fois pour les
Et vous, vous dites Qu'ai-je besoin de prières?
: Israélites, et obtint ce qu'il demandait, mais
Mais si nous demeurons dans la lâcheté, per- en quelle circonstance? Ce fut lorsqu'ils étaient
sonne, par ses prières, ne pourra nous être eux-mêmes agréables à Dieu, et c'est pourquoi
utile. De quel secours Jéréinie fut-il pour les Dieu mit en ennemis.
fuite leurs
Juifs? Trois fois il se présenta devant le Sei- Mais, direz-vous, quel besoin ai-je qu'un
gneur, et trois fois il lui fut répondu a Ne : autre prie pour moi, si je suis, moi, en grâce
a [iriez point ne demandez rien pour ce
, auprès de Dieu? —
Ne tenez jamais ce lan-
peuple parce que je ne vous exaucerai
,
gage, ô homme, vous avez un besoin réel de
a point ». (Jérém. vu, 16.) De quel secours fut prières, et un grand besoin. Voyez ce que Dieu
pour Saùi la prière de Samuel ? Et cependant dit des amis de Job : « Job priera pour vous, et
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPlTRË AUX THESSALONÎCIENS. - HOMÉLIE I. 183

votre péché vous seraremi? ». (Job, xlii, 8.) 17.) — Oui, répondit le Prophète, je vois ce
Ils avaient commis un péché, mais non un qu'ils font, mais pour moi ce que je vous
faites

grand péché. Cependant ce même saint qui, demande. C'est alors que le Seigneur lui dit :

par ses prières, avait pu sauver ses amis, n'eût « Quand Moïse et Samuel se présenteraient de-
pas sauvé les Juifs dans le temps de leur ruine, « vant moi, je ne les écouterais pas » Il nomme .

o Quand Noé, Job et Daniel se présenteraient d'abord Moïse, leur législateur, celui qui les
« devant moi pour eux », dit Dieu, « ils ne déli- avait tant de fois délivrés du péril, celui qui
o vreraient pas leurs fils, ni leurs filles, parce disait a Si vous voulez pardonner cette faute,
:

a que leur malice a prévain ». (Ezéch. xiv, «pardonnez-la, sinon, effacez-moi aussi de
16.) Il dit encore à Jérémie « Quand Moïse et: « votre livre». (Exod.xxxi,32.)Quand le même
« Samuel se présenteraient devant moi je ,
prophète, dit Dieu, se présenterait encore
« n'écouterais pas leurs prières ». (Jér. xv, 1.) aujourd'hui devant moi, et me ferait la même
Dieu fait la même réponse à ces deux pro- prière, ce serait Samuel lui-
inutilement.
phètes, parce qu'ils l'avaient tous deux prié même Samuel qui les a
n'obtiendrait rien,
inutilement pour le peuple. Ezéchiel dit à aussi tant de fois délivrés, Samuel qui fut dès
Dieu Hélas, Seis^neur, perdrez-vous ce qui
: son enfance si admirable. J'ai dit du premier
reste d'Israël ? Et Dieu, pour lui montrer la que je m'entretenais avec lui comme un ami
justice de ses vengeances, et afin qu'il fût avec son ami, et non par énigmes. J'ai dit de
convaincu que s'il rejetait ses prières, ce n'était l'autre que je lui étais apparu dès son enfance,
point qu'il méprisât sa personne. Dieu fait voir et que, par égard pour lui, j'avais rouvert la
à ce saint prophète les péchés de son peuple, prophétie depuis un certain temps fermée ; il

ce qui revenait à lui dire : Ce que vous voyez est dit, en effet, que la parole du Seigneur
suffit pour vous convaincre que si je n'exauce était rare alors, et qu'il n'y avait pas de vi-
pas votre prière, ce n'est point par mépris pour sion distincte. (I Rois, m, 4.) Eh bien, quand
vous, mais à cause de l'énormité de leurs ces hommes se présenteraient maintenant de-
péchés. Néanmoins il ajoute encore « Quand : vant moi, ils n'obtiendraient rien. Il est dit
« Noé, Job et Daniel me prieraient pour eux, aussi de Noé, qu'il était juste et parfait dans
«je ne les écouterais point ». Il était naturel sa génération (Gen de Job, qu'il était
vi, 9);
que Dieu parlât de la sorte à un prophète qui irréprochable, juste, pieux et véridique (Job,
avait tant souffert. Vous m'avez commandé, I, t); quant à Daniel, les Chaldéens le prenaient

disait-il à Dieu, de manger sur un fumier, et pour un Dieu or ils viendraient devant moi
:

je l'ai fait; vous m'avez commandé de me pour me supplier, qu'ils ne pourraient sauver
raser, et je vous ai obéi vous m'avez com-
; leurs fils ni leurs filles.
mandé de dormir en me tenant toujours cou- Que vue de ces vérités, mes frères, nous
la
ché sur un côté, et je l'ai fait; vous m'avez porte à ne pas mépriser les prières des saints,
commandé de passer par le trou d'une mu- et à ne pas non plus nous y reposer entière-
raille chargé de bagages, et je l'ai fait; vous ment ainsi, d'une part, ne soyons pas négli-
;

m'avez ôté ma femme avec défense de la gents, ne vivons pas au hasard de l'autre, ne ;

pleurer, et je ne l'ai point pleurée. J'ai souffert nous privons pas du secours si important de
une infinité d'autres choses pour ce peuple ;
la prière. Demandons aux saints qu'ils prient
et lorsque je vous prie pour vous n'écoutez
lui, pour nous, qu'ils élèvent pour nous leurs
pas mes prières. II est vrai, répond Dieu, que mains vers Dieu, et nous, de notre côté, atta-
je ne vous écoute pas, mais ce n'est point par chons-nous à la vertu. Par là nous obtien-
mépris pour vous; quand Noé, Job et Daniel drons les biens promis à ceux qui aiment
prieraient pour leurs propres enfants, je ne Dieu, par la grâce et la miséricorde de Notre-
les écouterais pas. Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, em-
Et Jérémie qui avait moins souffert par les pire, honneur soient au Père et au Saint-Es-
ordres de Dieu, mais bien davantage par la prit, maintenant et toujours, dans les siècles
malice de son peuple, que lui dit le Seigneur? des siècles. Ainsi soit-il.
a Ne voyez-\auspas ce qu'ils font? » (Jér. vu.
iR4 TRADUCTION FRANÇ.\ISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

HOMELIE IL
PAR VOrS LA PAnOLE Dl' SEIGNEIR S'eST RÉPANDUE ATEC ÉCLAT NON-SEULEMENT EN MACÉDOINE ET EN
ACHAIE, MAIS VOTRE FOI EN DIEU EST ENCORE SORTIE POUR SE FAIRE CONNAITRE PARTOUT, TEL-
LEMENT qu'il n'est POINT NÉCESSAIRE QUE NOUS EN PARLIONS PUISQUE TOUT LE MONDE NOUS RA- ;

CONTE A NOLS-Ml'MES QUEL A ÉTÉ LE SUCCÈS DE NOTRE ARRIVÉE PARMI VOIS, ET COMMENT VOUS VOUS
ÊTES CONVERTI^ A DIEU APRÈS AVOIR QUITTÉ LES IDOLES, POl R SERVIR LE DIEU VIVANT ET VÉRITADLE,
ET POUR ATTENDRE DU CIEL SON FILS QU'iL A RESSUSCITÉ l'ENTRE LES MORTS, JÉSUS QUI NOUS DÉLIVRE
DE LA COLÈRE A VENIR, (l, 8-10 JUSQU'A II, 9.)

Analyse.
). D'où vient ce ^rgvi retenlissemcnt qu'a en dans le monde la conversion des Thessaloniciens î La célébrité d'Alexandre le
nom Macédonien on a élé cause en partie.
Gianii et du
1. Les apùlres de Dieu ne reclicrclient pas la gloire humaine.
3,4. Excellente description d'une amilié chrélicnne. —
Qu'il faut aimer pour en bien comprendre la douceur. Qu'une Ime —
désintéressée imite la bonté ijue Dieu a eue pour les hommes.

i. De même qu'un parfum exquis ne peut elle jouissait alors partout de plus de célébrilé
lenir son odeur cachée, mais la répand de que les Romains. Ce qui a fait la gloire des
tontes parts, en remplit l'air et réjouit les sens Romains, c'est d'avoir subjugué les Macédo-
de ceux qui en aiiprochent ; de même les niens.
hommes d'une vertu généreuse et admirable Les grandes actions du roi des Macédoniens
ne la tiennent point renfermée en eux-mêmes, sont au-dessus de tout discours ;
parti d'une
mais par la renommée qui s'en répand, ils petite ville, il a conquis l'univers. Le Prophète
sont utiles à un grand nombre et les rendent le vit sous la figure d'un léopard ailé, ce qui
meilleurs. Il en était ainsi des Thessaloni- marquait sa rapidité, son impétuosité ardente,
ciens, ce qui fait dire à saint Paul: o Vous et la soudaineté avec laquelle il allait parcou-
a avez servi de modèle àtous ceux qui ont em- rir le monde sur les ailes de la victoire. On
a biassé la foi dans la Macédoine et dans l'A- rapporte qu'ayant entendu dire à un philo-
ie chaïe. Par vous, en effet, la |)arole du Sei- sophe qu'il existait une infinité de mondes, il
o gneur répandue avec éclat, non-seule-
s'est sou]>ira amèrement, parce que de ce nombre
a ment en Macédoine et en Achaïe, mais voire infini de mondes, il n'en avait pas même con-
« loi en Dieu est encore devenue célèbre [lar- ((uisun tout entier; tant il avait l'âme et le
« tout ». Vous avez été en même temiis l'ins- cœur grands; et sa renommée par toute la
triictifin de vos voisins et l'exemple de toute terre n'était pas moindre. En même temps
la terre. Car c'e.-t là ce que veut dire ce mot : que la gloire du roi, s'était élevée celle de la
« Voire loi est devenue célèbre partout ». L'a- nation. On le nommait Alexandre de Macé-
pôtre ne se contente pas de dire que leur ré- doine. Sa ré|)utation remplissait le monde, et
putalion s'était répandut^ partout, il «ajoute rien de ceciui concernaille [laysd'un roi, par-
« avec éclat ». Comme le son d'une trompette tout si célèbre, ne demeurait ignoré. Les Ro-

éclatante retentit dans tous les lieux d'alen- mains eux-mêmes ne l'empotlaient pas sur les
tour; de même le bruit de votre foi si géné- Macédoniens en célébrité.
reuse a rempli égalemeni tout l'univers. D'or- « Votre foi en Dieu est sortie » pour se faire

dinaire, les grands événements ont, dans le connaître « partout ». Il se sert du ternie a est
lieu où ils s'accomplissent, un retentissement sortie » comme s'il animé.
parlait d'un être
qui s'affaiblit par la dislance ; il n'en est pas de C'est un de leur ferveur extraordinaire.
effet
même du bruit de votre foi, le retentissement Il ajoute encore, toujours pour montrer la
en a été égal iiar toute la terre. Que l'on ne puissance et l'énergie de cette même foi :

croie pas y ait de l'exagération dans ces


(|u'il a Tellement qu'il n'est pas nécessaire que
paroles. La nation des Macédooieiis était au- « nous en parlions, puisque tout le monde
trefois fameuse avuul la venue de Jésu.s-Chri9t; a nous raconte à nous-inèuies quel a élé lesuo
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE IL 183

« ces de notre arrivée parmi vous». Ceux qui dit saint Paul, celui qui a été crucifié et ense-

ont été témoins de vos vertus n'ont rien à en veli, c'est ce qu'il fait entendre en ajoutant :

apprendre aux autres qui les préviennent, in- « Qu'il a ressuscité des morts ». On voit en-
formés de tout avant d'avoir rien vu ; tant la semble, dans ce verset, la résurrection, l'ascen-
renommée a été prompte et exacte à le? ins- sion, le second avènement de Jésus-Christ, le
truire. Nous n'avons donc pas besoin de leur jugement, la récompense des bons et le sup-
raconter les merveilles de votre piété, quand jdice des méchants. —
o Jésus qui nous a dé-

nous voulons les porter à vous imiter, puis- « livrés de la colère à venir ». C'est là une

qu'on nous prévient partout, et que l'on com- consolation, un encouragement et une exhor-
mence par nous dire ce qu'on aurait dû ap- tation. Car, si Dieu a ressuscité son Fils d'entre
prendre de nous. L'envie que font naître vos les morts, s'il est dans le ciel, s'il en doit re-
vertus ne peut tenir contre leur éclat, et tous venir, et cela, vous le croyez, car autrement
sont contraints de se faire les hérauts de vos vous n'auriez pas souffert ce que vous avez
glorieux combats. Leur infériorité en face de soufTert, n'est-ce pas là une grande consolation
vous ne les rend pas muets sur votre compte, pour vous? Que si vos persécuteurs doivent
et ils sont les premiers à vous louer. Secondée infailliblement subir un jour leur peine, et
par des dispositions si favorables, notre parole vous, recevoir votre récompense, ce que l'apô-
ne saurait rencontrer nulle part l'incrédulité tre affirme dans sa seconde épître (11 Thess. i,

ni la défiance. 9), c'est encore une autre consolation que


a Tout le monde noiis raconte quelle a été vous aurez, et une grande. Fn disant d'atten-
« notre arrivée parmi vous » . Qu'est-ce à dire ? dre du ciel le Fils de Dieu, Jésus-Christ, l'apô-
— Qu'elle a été pleine de périls, exposée à tre nous apprend que les maux sont pour nous
mille morts sans que rien ait pu vous trou- dans le temps présent et les biens dans l'ave-
bler; que vous nous demeurés attachés
êtes nir, lorsque le Christ viendra du ciel. Voyez
comme s'il n'y avait eu aucun danger à crain- combien l'espérance nous est nécessaire, puis-
dre que vous nous avez accueillis une seconde
;
que le Christ crucifié est ressuscité, est monté
fois malgré les tribulations, comme vous au- aux cieux et doit venir juger les vivants et les
riez pu faire si, au lieu de la persécution, nous morts.
vous avions apporté tous les biens. Saint Paul, 2. a Car vous savez vous-mêmes, mes frè-
accompagné de Silas, avait quitlé Thessalo- « res, que notre arrivée chez vous n'a pas été
nique pour aller àBérée. Pendant son absence « sans fruit mais après avoir beaucoup souf-
;

les fldèles furent persécutés. A son retour il « fert auparavant, comme vous savez, etavoir
fut reçu avec amour et avec beaucoup d'hon- a été traités avec outrage dans Philippes, nous
neurs parles fidèlesqui exposèrent ainsi leurvie a ne laissâmes pas d'avoir assez confiance en
pour lui. C'est de ceUc seconde arrivée surtout « notre Dieu pour vous prêcher hardiment
qu'il veut parler. Ce mot donc « Quelle a : « l'Evangile de Dieu parmi beaucoup de com-
B été notre arrivée parmi vous », présente un « bats ». (il, 1.) Il est vrai que votre conduite

sens complexe. Il renferme l'éloge de saint a été généreuse, mais la nôtre aussi n'a point
Paul et deSilasnon moins que celui des Thes- été humaine. C'est la même pensée exprimée
saloniciens, quoique l'apôtre leur attribue déjà plus haut, savoir que le mérite de la pré-
tout Ihonneur. —
« Et comment vous vous dication se montre de la part des prédicateurs
o êtes convertis à Dieu après avoir quitté les par les signes miraculeux et le dévouement,
idoles, pour servir le Dieu vivant et vérita- et de la part des disciples par la ferveur et le
« ble ». C'est-à-dire, combieuvotre conversion zèle.Vous savez vous-mêmes que notre arri-
a été facile, comme vous avez vile embrassé vée parmi vous n'a point été sans fruit, c'est-
son culte avec entrain, comme il a fallu peu à-dire n'a point été humaine ni ordinaire. A
d'efforts pour vous amener à servir le Dieu peine délivrés des dauj^ers de mort et des
vivant et véritable. mauvais traitements, nous retombâmes dans
Puis, prenant un ton moins grave, celui de nouveaux périls. « Mais après avoir beau-
d'un homme qui exhorte, il ajoute : « Pour « coup souffert auparavant, et avoir été outra-
« attendre du ciel son Fils, qu'il a ressuscité « gés, comme vous savez dans Philipiies,
,

a d'entre les morts, Jésus qui nous a délivrés « nous avons montré notre confiance en notre
a de la colère à venir ». Pour attendre du ciel, a Dieu ». Voyez comme de nouveau il rap-
186 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN GIIRYSOSTÔME.

pirte tout à Dieu, o Pour prêcher hardiment propre ; nous ne cherchons pas à plaire aux
« devant vous l'Evangile de Dieu parmi beau- hommes, mais à Oieu qui connaît le fond de
a coup de combats ». On ne peut dire que nos cœurs. Autrement, ciuelle serait la raison

nous ayons eu ces combats à Philippes, mais de notre conduite? Après ce témoignage flat-

ncn parmi vous. « Vous m'êtes témoins des teur, qu'ils ne font rien pour plaire aux hom-
« peines, des inquiétudes, des jiérils où nous mes ni pour rechercher leurs honneurs, il
o avons été dans votre ville ». Il dit la même ajoute : « Comme nous avons été choisis de

chose en écrivant aux Corinthiens « J'ai été


: «Dieu pour être chargés de son Evangile».
« parmi vous dans de grandes afflictions, dans C'est comme ne nous avait vus
s'il disait : S'il
a de grands travaux, dans une grande crainte, affranchis de toute préoccupation terrestre, il
« et dans de grands tremblements ». (I Cor. ne nous aurait pas choisis. Tels donc il nous a
II, 3.) choisis, tels nous restons. « Nous avons été —
Car nous ne vous avons point prêché une
« « choisis de Dieu après examen » il nous a ;

a doctrine d'erreur et d'impureté, et nous examinés et nous a confiés son Evantiile. Nous
o n'avons point eu dessein de vous tromper, restons dans le même état dans lequel nous
o mais comme Dieu nous a choisis pour nous avons été approuvés de Dieu. La charge de
a confier son Evangile, nous parlons aussi, prêcher l'Evangile de Dieu est une preuve de
o nous, pour plaire non aux hommes, mais à vertu Dieu ne nous aurait pas approuvés
;

o Dieu qui voit le fond de nos cœurs (3, A) ». pour cette mission s'il avait vu en nous quel-
C'est donc, comme je l'ai déjà dit, de la fer- que chose de mauvais. Quand saint Paul dit
meté de ce peuple que saint Paul tire des que Dieu l'a éprouvé, il veut dire simplement
preuves pour montrer que sa prédication était qu'il l'a vu bon et qu'il l'a choisi pour apôtre,
l'ouvrage de Dieu. Autrement, s'il y eût eu de et non qu'il l'ait mis à l'épreuve. Nous avons
l'illusion et de la tromperie, nous n'aurions besoin, nous, de mettre à l'épreuve pour sa-
pas enduré des maux si excessifs qu'ils ne nous voir à quoi nous en tenir mais Dieu connaît ;

permettaient même pas de respirer. Que prou- tout d'une seule vue et sans épreuve. — Donc,
vaitdonc notre patience ? sinon que si un ave- nous parlons comme doivent parler ceux que
nir de bonheur ne nous ét:iit réservé, ou si Dieu a choisis et qu'il a jugés dignes de l'Evan-
nous n'eussions été pleinement assurés que gile.-Et nous nu parlons pas conune si nous
notre espérance n'était pas vaine, nul d'entre avions à plaire aux hommes, c'est-à-dire, ce
nous n'aurait de bon cœur souflert tant de n'est i)as à cause de vous que nous faisons ce
maux. Qui donc voudrait, pour les seuls biens que nous faisons. El parce qu'il les avait loués,
d'ici-bas, souffrir tant de maux, mener une pour prévenir le soupçon que cela aurait pu
vie d'angoisses et pleine de périls? Oiez l'espé- causer, il ajoute :

rance des biens à venir et dites- moi comment a Car nous n'avons usé d'aucune parole de
les apôtres auraient pu convertir une seule « flatterie, comme vous le savez, et notre mi-

personne ? Quoi de plus capable d'effiayer des nistère n'a point servi de prétexte à notre
disciples que de voir les maîtres qui les ins- « avarice, Dieu m'en est témoin. Nous n'avons
truisent si persécutés? Mais cela ne vous a point non plus recherché aucune gloire de
point effrayés. « C'est (jue nous ne vous avons B la part des honmies, ni de vous ni d'aucun
« point prêché une doctrine d'erreur». L'Evan- « autre. Nous pouvions cependant, comme
gile n'est pas un leurre ni une tromperie pour « apôtre de Jésus-Christ, vous charger de no-
que nous reculions devant quelque chose. tre subsistance (5, 6) ». — Nous n'avons pas
Notre doctrine n'est pas une doctrine d'abo- usé de flatterie, comme font ceux dont l'in-
mination comme les pratiques des sorciers et tention de tromper
est de s'emparer des ,

des magiciens. Ce n'est pas une doctrine hommes les dominer. On ne peut dire
et de
a d'impureté » que nous vous prêchons. Nous que nous vous ayons adulés pour vous domi-
ne sommes ni artificieux, ni factieux comme ner, ou nous approprier vos richesses. Qu'il
Theudiis. ne les a pas flattés jmur les dominer, la chose
« Mais comme
Dieu nous a choisis pour nous est claire, et il en appelle à leur témoignage;
« confier son Evangile, nous parlons aussi non qu'il ne les a pas flattés par un motif d'ava-
a pour plaire aux hommes, mais à Dieu». Vous rice, si l'on en peut douln il en prend Dieu ,

le voyez, ce n'est pas ici une affaire d'aïuour- à témoin. — a Nous n'avons point non plus
.

CO-ÏÏMENTAmE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS, — HOMÉLIE II. ISY

« recherché aucune gloire de la part des hom- n'avons montré ni orgueilleuse dureté, ni fas-
mes, ni de vous, ni d'aucun autre. Nous tueuse hauteur a au milieu de vous ». C'est
« pouvions cependant, comme apôtre de Jé- conmie s'il disait : J'ai été l'un d'entre vous,
sus-Christ , vous charger de notre subsis- je n'ai pas pris pour moi une place plus haute
« tance » C'est-à-dire, nous n'avons pas recher-
. que les autres.
ché les honneurs, nous n'avons pas étalé de « Nous avons été comme une mère qui nour-
faste, nous ne nous sommes point fait escorter. « rit et qui aime tendrement ses propres en-

Et quand uous l'aurions fait, qui aurait pu fants ». Tel doit être le pasteur. Une mère
nous condamner ? Si les ambassadeurs des caresse-t-elie son enfant pour en retirer de la
rois sont honorés, quels qu'ils soient person- gloire? Exige-t-elle de lui de l'argent pour le
nellement , à combien plus forte raison de- lait qu'elle lui donne ? Lui est-elle à charge ?

vions-nous l'être? Il ne dit pas : Nous avons lui fait-elle de la peine? Saint Paul donc veut
été dans l'opprobre, nous avons été laissés montrer, par cette comparaison, jusqu'où doit
sans honneur, c'eût été leur faire un reproche ;
aller l'affection d'un pasteur pour son peuple.
il dit Nous n'avons pas recherché les hon-
: C'est cet amour, dit-il aux Thessaloniciens,
neurs. Si nous n'avons pas recherché les hon- que nous avons eu pour vous. Non-seulement
neurs, lorsque la prédication nous donnait ce nous n'avons rien désiré de vos biens, mais
droit, il est clair que nous n'agissons pas en s'il avait fallu donner notre vie même pour

vue de la gloire humaine. Quand même ce- vous, nous l'aurions fait de bon cœur. Est-ce
pendant nous aurions recherché les honneurs, là, dites- moi, l'effet d'un sentiment purement

qui eût pu nous en faire un crime? N'est-il humain? qui serait assez insensé pour le
pas convenable que les envoyés de Dieu aux croire? Nous aurions voulu, dit saint Paul,
hommes, que ceux qui viennent du ciel sur vous donner non - seulement l'Evangile de
la terre, en qualité d'ambassadeurs, soient ac- Dieu, mais notre propre âme. C'est donc plus
cueiilismème avec beaucoup d'iionneurs? Par de donner sa vie que de prêcher, parce que
surérogation nous n'avons rien fait de cela, l'on souffre davantage en donnant sa vie. Il
pour fermer la bouche à nos adversaires. est vrai que l'Evangile est quelque chose de
3. Et vous ne pouvez dire que telle a été ma plus précieux mais la mort aussi est quelque
:

conduite envers vous, mais non envers les chose de plus pénible. Nous aurions voulu,
autres. Voici, en effet, ce qu'il dit écrivant aux dit l'apôtre, s'il eût été possible, livrer nos
Corinthiens a Vous souffrez que l'on vous
: âmes pour vous. Comme il avait beaucoup
a réduise en servitude, que l'on vous dévore, loué ce peuple, il a soin de leur dire qu'il ne
que l'on vous pille, que l'on s'élève, que l'a pas fait pour rechercher la gloire, ni de

« l'on vous frappe au visage ». (II Cor. xi, 20.) l'argent, ni pour les flatter. Les Thessaloni-
La même chose se trouve exprimée dans les ciens avaient eu de grands combats à soutenir.
passages suivants a Son aspect », disent vos
: Ils méritaient donc quelques louanges afin de

séducteurs en parlant de Paul, son aspect est s'affermir de plus en plus dans leurs bonnes
misérable, son discours « méprisable »; et résolutions. Cependant ces louanges pouvant
'

a pardonnez-moi cette injure, etc. » (Ibid. x, 10, devenir suspectes, saint Paul s'efforce de pré-
et XII, 13.) Ici, dans son épître aux Thessalo- venir ces soupçons. C'est dans cette vue qu'il
niciens, il parle encore de l'argent qu'il pou- leur parle de ses périls. Et, d'autre part, afin
vait demander pour sa subsistance, en qualité que l'on ne croie pas qu'il parle de ses périls
d'apôtre de Jésus-Christ. pour s'attirer des hommages en retour, il
a Mais nous avons été parmi vous comme ajoute «Parce que vous m'êtes très-chers »
:

a de petits enfants, comme une mère qui nour- J'aurais volontiers donné ma vie pour vous,
a rit et qui aime tendrement ses propres en- parce que je vous suis étroitement attaché.
dans l'affection que nous ressen-
fants. Ainsi Nous annonçons l'Evangile parce que Dieu
a tiens pour vous, nous aurions souhaité de nous l'ordonne mais notre affection pour
;

a vous donner, non - seulement la connais- vous est telle que, s'il le fallait, nous livrerions
a sance de l'Evangile de Dieu, mais aussi notre pour vous notre âme. Telle est l'amitié véri-
« propre vie tant était grand l'amour que
, table, celui qui aime donnerait sa vie si elle
« nous vous portions (7, 8) ». Nous avons été au lui était demandée et que cela fût possible.
milieu de vous comme de petits enfants nous ; Que dis-je,si elle lui était demandée? bien plus
188 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ilcourrait lui-même au-devant d'un tel don. amis. Pourquoi? parce que beaucoup peuvent
Rien de plus doux qu'un tel amour; il n'est néanmoins dons les ténè-
voir le soleil et rester
mêlé d'aucune amertume. Un ami fidèle est bres, etque ceux qui sont riches en amis, ne
vraiment le baume salutaire de la vie; un sauraientressentirde tristesse au milieu même
ami fidèle est vraiment un rempart solide. de l'affliction. Je parle toujours des véritables
Que ne ferait pas un ami sincère? Quelle amis, des amis spirituels, et qui ne préfèrent
joie n'apporte-t-il pas à la vie, quelle utilité, rieu à l'amitié. Tel était saint Paul ,
qui
quelle sûreté? Des trésors par milliers ne se- aurait, de bon cœur, donné sa vie sans même
raient pas comparables à lui sincère ami. Par- attendre qu'on la lui eût demandée, et qui
lons donc des délices d'une sainte amitié. En eût, sans hésiter, descendu dans les flammes de
voyant son ami, Tami éprouve une joie dont l'enfer. C'est avec cette ferveur qu'il faut ai-

il est inondé. L'union de leurs deux âmes mer. Je veux donner un exemple d'amilié.
leur procure d'ineffables délices; il suffit Les amis aiment leurs amis avec plus de ten-
d'un souvenir de l'ami pour élever la pensée, dresse que les pères n'aiment leurs enfants,
pour lui donner des ailes. Je parle des vrais que les enfants n'aiment leurs pères, je dis les
amis, unis du fond de l'âme, prêts à mourir amis selon Jésus-Christ. Ne me parlez pas des
faut, dont l'affection est ardente. Je ne
s'il le amis d'aujourd'hui l'amitié est une vertu
,

veux pas que l'on pense à ces amis vulgaires, que nous avons perdue avec tant d'autres.
amis de table, amis de nom, ce n'est pas de Mais remontez vers les temps apostoliques, et,
ceux-là que je parle. Si quelqu'un possède un sans parler des apôtres eux-mêmes, considérez
ami tel que celui que j'ai en vue, il me com- quels étaient les simples fidèles, dont il est
prend. 11 ne se rassasie jamais de le voir, le dit qu'ils n'avaient tous qu'un cœur et qu'une
vît-il tous les jours. Il lui souhaite les mêmes âme que ;
nul ne regardait comme sa pro-
biens qu'à lui-même. J'ai connu un homme priété exclusive rien de ce qui lui appartenait,
qui commençait toujours à prier pour son et qu'on distribuait à chacun selon son besoin.
ami, ensuite pour lui-même. Tel est un ami, Les mots o le tien » et « le mien »
(Act. IV, 32.)
qu'on aime, à cause de lui jusqu'aux temps, ne s'entendaient jamais parmi eux. Ne rien
jusqu'aux lieux mêmes. Comme les objets qui tenir comme sa propriété exclusive, mais tout
ont de l'éclat, le font rejaillir tout autour d'eux, regarder cofRme le bien du prochain, consi-
de même les amis laissent quelque chose de dérer ses propres biens comme des choses
leur amabilité aux lieux qu'ils fréquentent. Et étrangères, épargner la vie de son ami comme
souvent nous retrouvant dans ces mêmes lieux la sienne propre c'est dans la réciprocité ;de
:

sans nos amis, nous pleurons au .souvenir des cette disposition que consiste la vraie amitié.
jours que nous y avons passés avec eux. Il Et où trouver une telle amitié? dira-t-on.
n'est pas donné au discours de représenter En effet, elle est difficile à rencontrer à cause

tout le plaisir que nous fait goûter la présence de notre mauvaise volonté que notre volonté;

d'un ami, ceux-là seuls le connaissent, qui en change et rieu ne sera plus facile. Si une telle
ont fait l'expérience. On peut librement de- amitié n'était pas possible, Jésus-Christ ne nous
mander une grâce à un ami et la recevoir l'eût pas commandée; il n'en eût pas fait un
sans moindre honte. Lorsqu'ils nous prient
la précepte si exprès. Il faut le dire encore une
de quelque chose, nous leur en savons gré : quelque chose de grand que l'ami-
fois, c'est
lorsqu'ils craignent de nous importuner, nous tié. C'est un bien
qui ne peut s'exprimer ni se
ne nous en consolons pas. Nous n'avons rien connaître que par l'expérience, l'union des
qui ne soit à eux. Souvent, lorsciue tout nous amis a été quel(|uefois jusqu'à produire des
inspire du dégoût en ce monde, nous ne vou- hérésies ; c'est elle qui fait que les païens sont
drions cependant pas les quitter. Ils nous encore païens. Celui ([ui aime ne veut ni do-
sont plus agréables que la lumière du jour. miner ni commander. Il se tient pour obligé
A. Non, la lumière du jour elle-même n'est (ju'on lui commande. Un ami aime mieux
pas plus douce qu'un ami, qu'un vérilablo faire un que le recevoir, parce qu'il
plaisir
ami. Et ne vous étonnez pas de ce que je dis. aime. Il en donnant toujours, comme un
est,
Mieux vaudrait, pour nous, que le soleil s'étei- hommu qui ne peut satisfaire ses désirs. Il ne
gnît, que d'être privés de nos amis; mieux trouve p;is tant de [>l;iisir dans le bi»Mi (|u'on
vaudrait vivre dans les ténèbres que d'être sans lui fait, que dans le bieu qu'il fait lui-même. Il
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE II. 189

afnie mieux obliger son ami que d'être l'obligé monde, sans excepter même celle du miel,
de son ami, ou plutôt il veut devoir et qu'on puisqu'on par se dégoûter du miel et ja-
finit

lui soit redevable. II veut faire plaisir, et il mais d'un ami. Tant qu'il est ami, on ne s'en
ne veut pas paraître faire plaisir, mais paraître lasse point; au contraire, on l'aime toujours de

l'obligé tout en obligeant. plus en plus, et la douceur qu'on y sent n'est


Je suis sûr que beaucoup d'entre vous n'en- point mêlée d'amertume.
tendent rien à ce que je dis. En effet, il semble Un ami est plus agréable que la vie même,
qu'il y ait de la contradiction à dire qu'un c'estpourquoi on en a vu ne plus désirer de
bomme en prévienne un autre, qu'il com- vivre après la mort de leurs amis. On souffre
mence à l'obliger le premier, et qu'en même de bon cœur l'exil avec un ami, et sans lui on
temps il veuille ne point paraître l'avoir pré- est comme exilé dans son propre pays et dans
venu. C'est ainsi que Dieu lui-même a agi à sa maison même. On trouve la pauvreté sup-
noire égard. Il voulait nous donner son pro- portable avec un ami sans
; lui, ni la santé ni

pre Fils mais pour ne pas paraître nous le


; les richesses n'ont rien qui nous plaise, tout
donner gratuitement, mais comme quelque nous est insupportable. On retrouve dans un
chose qu'il nous devait, il commanda à Abra- ami un autre soi-même. Je souffre de ne point
ham de lui donner son fils; de sorte que tout trouver d'exemple qui me satisfasse. Je recon-
en nous faisant le plus grand des dons, il par- nais, avec confusion, que tout ce que je dis est
raissait ne rien faire d'extraordinaire. Celui infiniment au-dessous de la vérité. Car les
qui n'aime point, reproche le bien qu'il fait, et avantages que j'ai marqués ne regardent en-
exagère jusqu'aux moindres grâces. Celui qui corequecette vie. Mais ensuiteDieurécompense
aime, au contraire, cache tout le bien qu'il une amitié semblable au-delà de ce qu'on peut
fait et veut que ses bons offices passent pour s'imaginer. Il nous offre une récompense afin
rien. Bien loin de vouloir qu'on croie que son que nous nous aimions les uns les autres. Ai-
ami lui ait obligation, il fait tout son pos- mez, dit-il, et recevez une récompense c'est ;

sible pour faire croire que c'est lui-même qui nous qui devrions, pour cela, offrir une ré-
lui est obligé des services qu'il lui a rendus. Je compense. Priez, dit-il encore, et recevez une
vous le dis encore je sais bien que plusieurs
: récompense c'est nous encore qui devrions
;

ne comprennent rien à ce que je dis, car je offrir une récompense pour les biens que nous
parle d'une vertu qui n'est plus guère main- demandons. Parce que vous me demandez
tenant que dans le ciel. Lorsque je vous parle mes grâces, recevez une récompense. Jeûnez
de l'amitié, c'est comme si je vous parlais de et soyez récompensé. Devenez vertueux et je
quelque plante inconnue qui viendrait dans vous récompenserai, bien que vous me soyez
l'Inde, et que vous n'auriez jamais rencontrée. redevable. Lorsque les pères ont rendu leurs
Tout ce que je pourrais vous en dire, ne vous enfants vertueux, ils les en récompensent; car
en donnerait pas l'exacte connaissance, puisque ils leur sont redevables du plaisir qu'ils éprou-

je ne pourrais pas vous en faire sentir la vertu vent de les voir vertueux. Dieu fait de même.
par expérience. De même quelque éloge que Devenez vertueux, nous dit-il, et je vous pro-
je fasse de l'amitié, vous ne me comprendrez mets une récompense. Votre vertu réjouit mou
pas si vous n'aimez. C'est dans le ciel qu'est cœur de père, et pour cela je vous dois une
cette noble plante ; c'est là qu'elle pousse des récompense. vous devenez mauvais, c'est
Si
branches chargées non
de perles mais de
, tout le contraire; car vous irritez l'auteur de
vertus infiniment plus précieuses. Comparez votre existence. N'irritons pas Dieu, réjouis-
i'aniilié à tous les plaisirs honnêtes ou déshon- sons au contraire son cœur, afin que nous
iièles, vous n'en trouverez pas qui l'égale. obtenions le royaume des cieux en Jésus-Christ
L'amitié surpasse toutes les douceurs du Notre-Seigneur, etc.

fhiduit par M. JEANNIN,


190 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIKYSOSTOMË.

HOMELIE III.

CAR VOUS n'avez pas OVBI.IÉ, MES FRÈHES, NOTRE PEINE ET NOTRE FATIGUE; NUIT ET JOUR TRAVAIUANT
DE MANIÈRE A N'ÊTRE A CHARGE A AUCUN DE VOUS, NOUS AVONS PRÈCBÉ l'ÉVANGILE DE DIEU. VOUS
ÊTES TÉMOINS VOUS-MÊMES, ET DIEU AVEC VOUS, DE CE QU'iL Y A EU DE SAINT, DE JUSTE ET d'IRRÉ-
PROCIIABLE DANS NOTRE CONDUITE ENVERS VOUS, QUI AVEZ EMBRASSÉ LA FOI. VOUS SAVEZ QUE NOUS
AVOKS AGI ENVERS CHACUN DE VOUS, COMME UN PÈRE ENVERS SES ENFANTS, VOUS EXHORTANT, VOUS
CONSOLANT, VOUS CONJURANT DE MARCHER DUNE MANIÈRE DIGNE DE DIEU, QUI VOUS A APPELÉS AU
PARTAGE DE SA ROYAUTÉ ET DE SA GLOIRE. (CHAP. II, 9-12 JUSQU'A III, 4.)

Analyse.
!-3. Devoirs dn maîlre envers ses disciples. —
Saint PanI Iravailtanl, de ses mains, de manière à n'être à charge Si personne.—
De manière dont les apùtres pailaient aux fuièles.
la —
El"ge rie la fermeté, de la constance des tiJèlcs de Thessalonique.
Saint Paul ne se lasse pas de prendre dans l'iiistoire du Christ toutes les raisons qui doivent retremper le courage en face des
périls. —
Invectives contre les Juifs déicides, et poursuivant les cliréliens de leur haine. —
AITection de saint Paul pour les
fidèles. —
Grandeur de l'Eglise plantée, cultivée par lui —
Pourquoi saint Paul envoie Timothée à Thessalonique.
4-6. Les persécutions ne doivent pas être, pour la foi, un sujet de trouhle. —
l.e chrétien est destiné à sonfTrir. SoulTrir, —
voilà le seul mérite, le seul titre de gloire du chrétien. —
L'amour du plaisir, cause rie la perte de l'homme et de tous ses
malheurs. — Nos passions plus cruulles pour nous que tous les bourreaux —
Conlre la vaine gloire, l'amour des richesses,
la superstition qui consulte les devins. — Consentir
aux pertes d'argent, c'est s'enrichir. —
Bénir Dieu dans l'adversité. —
Imiter Job. — Etre pauvre, et pouvoir donner quelque chose au plus puissant des rois, à Dien même, quelle richesse!

Le maître ne doit reculer devant aucune


1. « vangile de Dieu ». Aux Corinthiens, il adres-
fatigue pour le saliit de ses disciples. Car si le se d'autres paroles : o J'ai dépouillé les autres
bienheureux Jacob travaillait nuit et jour « églises, en recevant d'elles l'assistance dont
pour garder ses brebis, à bien plus forte rai- «j'avais be.soin pour vous servir ». (Il Cor. xi,
son, celui qui a charge d'âmes, doit-il tout 8.) Il estTiien entendu qu'en d'autres lieux
faire, quelque pénible, quelque modeste que aussi il mais il ne parlait pas de
travaillait;
soit sa lâche, en vue de son unique but, qui ce travail aux Corinthiens; il prenait une ex-
est le salut de ses disciples, et la gloire qui en pression plus piquante, comme s'il disait: Ce
revient à Dieu. Voyez donc le travail qu'accep- sont les autres qui m'ont nourri, quand c'était
tait Paul, ce héraut de Jésus Christ, cet apôtre vous que je servais.
delà terre élevé à une dignité si haute; il Ici, il ne parle pas de la même manière ;

Iravnillait de ses mains pour ne pas être à mais que dit-il? «Nuit et jour travaillant».
charge aux disciples; car o vous n'avez pas Aux Coriiilliitns, il dit: a Et lorsque je de-
o oublié » , dit-il, o mes frères, notre peine et « meurais parmi vous, etque j'étais dans la
€ notre fatigue». Il avait dit auparavant: « nécessité, je n'ai été à charge à personne »
« Nous aurions pu vous être à charge, com- (Ibid, Et
j'ai reçu l'assistance dont j'a-
9). «
a me apôtres du Christ » ; c'est ce qu'il dit en- « vais busoin pour vous servir » ici au con- :

core dans l'épître aux Corinthiens a Ne sa- : traire, il montre que les fidèles sont pauvres;
vez-vous pas que les ministres des sacrifices dans l'épître aux Corinthiens, il n'en est pas
« mangent de ce qui est olfcrt pour les sacri- de même. Voilà pourquoi il invoque toujours
« ficcs? »{I Cor. IX, 13.) Le Christ a établi le témoignage de ceux de Thessaloniijue :

que ceux qui annoncent l'Evangile, vivent de « Vous êtes témoins, vous-mêmes», dit-il, «et

1 Evangile. Mais moi, dit-il, je n'ai pas voulu ;


« Dieu avec vous ». La confiance avec laquelle

j'ai préféré la fatigue. Et ce n'est pas assez di- il s'aiipuie sur le témoignage de Dieu voilà ,

re qu'il travaillait, mais c'était avec un zèle de quoi les persuader les autres assertions
;

ardent. Voyez ce qu'il dit: o Car vous n'avez laissaientdans l'incertitude ceux qui ignoraient
a pas oublié », il ne dit pas mes bienfiits, les faits. Ne réclamez pas, ne dites pas C'était :

mais, o notre peine el notre fatigue; nuit et Paul ijui parlait; Paul s'arme d'un témoi-
« jour travaillant de manière à n'être à cliar- gnage de beaucoup supérieur au sien, pour
,» ge à aucun de vous, nous avons prêché TE- les persuader. De là ce qu'il dit: a Voug
. -

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE lît. 101

« êtestémoins, vous-mêmes, et Dieu avec vous, dit-il,quenous,denotrecôté,nous fassions tou-


« de ce qu'il y a eu de saint, de juste et tes choses d'une manière absolument irrépro-
d'irréprochable dans notre conduite envers chable, mais que vous, de votre côté, vous vous
«vous, qui avez embrassé la foi ». 11 fallait montriez indignes de notre séjour auprès de
aussi leur adresser des éloges ; voilà pourquoi vous ;car vous ne nous avez pas écoutés com-
il leur parle d'une manière qui devait les per- me on écoute des hommes vous avez été at-
;

suader. Si je n'ai rien reçu ailleurs, dit-il, tentifs, comme


vous entendiez les avertis-
si

quoique je fusse dans le besoin^ cela est sements de Dieu même. Qui le prouve? De
bien plus vrai encore maintenant. « De ce même qu'il démontre qu'il n'a recherché ni
8 qu'il y a eu de saint, de juste et d'irrépro- la faveur qu'obtiennent les flatteries, ni la
« chable dans notre conduite envers vous, vaine gloire dans ses prédications, et qu'il en
« qui avez embrassé la foi. Vous savez que donne pour preuves les périls qu'il a courus,
« nous avons agi envers chacun de vous ,
le témoignage de ses auditeurs, les œuvres
« comme un père envers ses enfanis, vous ex- qu'il a faites, de même il prouve, par les
« hortant, vous consolant » Après avoir parlé . périls qu'ils ont affrontés, la piété avec laquelle
de sa manière de vivre au milieu des hommes, ils ont reçu la parole. En effet, comment, leur

il parle de ce qui tient à la charité, ce qui est dil-il, si vous n'aviez pas écouté, comme ou

une idée plus élevée, et son langage est celui écouterait Dieu lui-même, comment pourriez-
de l'humilité, a Comme un père envers ses vous supporlerdetelspérils?Et voyez à quelle
« enfants, vous exhortant, vous consolant, hauteur il les élève « Car, mes frères, vous
:

o vous conjurant de marcher d'une manière « êtes devenus les imitateurs des Eglises de

« digne de Dieu, qui vous a appelés au par- « Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus
a tage de sa royauté et de sa gloire » Cette . « Christ dans la Judée vous avez souffert, de
;

expression, « vous conjurant », lui est inspirée « la part de vos concitoyens, les mêmes persé-
par le souvenir de ce que font les pères. Oui, « entions que ces Eglises de la part des juifs,
nous vous avons conjurés et, en cela, nous; « qui ont tué le Seigneur Jésus-Christ, et les
n'avons pas usé de rigueur, nous nous som- « prophètes qui nous ont persécutés; qui ne
;

mes conduits comme des pères. « Chacun « sont point agréables à. Dieu et qui sont
«de vous ». Ah! dans une si grande mul- « ennemis de tous les hommes qui nous em- ;

titude personne de négligé


, ni petit , ni , « pèchent d'annoncer aux gentils la parole du
grand, ni riche, ni pauvre « Vous ex- 1 — « salut, comblant ainsi la mesure de leurs pé-
«hortant», dit-il, à la résignation; «vous « chés, car la colère de Dieu est tombée sur
« consolant, vous conjurant ».— «Vous exhor- « eux et y demeurera jusqu'à lafinB.(lbid. 14,
« tant » donc les apôtres ne cherchaient pas
; 15, 16.)
la gloire. « Vous conjurant » certes, ce n'é- ; 2. Vous êtes, dit-il, devenus les imitateurs
taient pas des flatteurs « de marcher d'une
; des Eglises de Dieu qui sont dans la Judée.
« manière digne de Dieu, qui vous a appelés Grande consolation il n'est pas étonnant, dit-
;

« au partage de sa royauté et de sa gloire » il, que les juifs vous traitent comme ils ont

Voyez maintenant ce que ce récit a d'instructif traité leurs frères. Et maintenant ce n'est pas
et de consolant. Car si Dieu nous a appelés à une faible marque de la vérité de la prédica-
sa royauté, s'il nous a appelés à sa gloire, il tion, de voir que des juifs mômes étaient dé-
faut tout supporter. Nous vous exhortons, cidés à tout supporter. « Parce que vous avez
non pas pour que vous nous fassiez quelque fa- « souflert», dit-il, a delà partde vos concitoyens,
veur, mais pour que vous obteniez le A)yaume « les mêmes
persécutions que ces Eglises de la
des cieux. « part des juifs ». Il y a plus d'énergie en ce
« C'est pourquoi nous rendons à Dieu, nous qu'il dit: «Que celles qui sont dans la Judée ».
«avissi, de continuelles actions de grâces, de Il montre par là que les fidèles se réjouis-
ce qu'ayant entendu, de notre bouche, la saient partout de leurs combats. Il dit donc :

parole de Dieu, vous l'avez reçue, non com- Vous aussi, vous avez souffert les mêmes trai-
« me la parole des hommes, mais comme tements ; et maintenant, qu'y a-t-il d'étonnant
étant, ainsi qu'elle l'est véritablement, la pa- qu'ils vous aient l'ail subir les rigueurs qu'ils
a rôle de Dieu, eflicace en vous qui avez em- ont osé exercer contre le Seigneur? Voyez-
( brasse la foi (13) ». On ne peut pas prétendre, vous quelle grande consolation il leur apiiQrl<i î
,

192 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Et il ne se lasse pas d'exprimer cette idée j que a la colère » est proche, qu'elle est déci-
dans presque toutes ses lettres, vous le verrez, dée, qu'elle est prédite.
si vous les éludiez avec soin, toujours opposer a Aussi mes frères ayant été pour un
, ,

aux épreuves mille exemples dill'érents em- « peu de temps comme des orphelins, loin de
pruntés du Christ. Voyez bien, ici, c'est en « vous par le corps, non par le cœur, nous

accusant les Juifs, qu'il rappelle riiisloire du « avons désiré, avec d'autant plus d'ardeur,

Seigneur, la passion du Seigneur; il savait « de jouir de votre présence ». 11 ne dit pas,

bien que c'était là la meilleure des consolations. séparé, il emploie un mot plus expressif. Plus
Qui ont tué le Seigneur », dit-il ; mais peut- haut il a parlé de la flatterie pour montrer
être ne le connaissaient-ils pas? Au contraire, qu'il ne flatte pas, qu'il ne recherche pas la
ils le connaissaient parfaitement, et après? gloire. De même qu'il a dit plus haut: aCom-
N'ont-ils pas encore tué leurs prophètes? et « me un père envers ses enfants, comme une
lapidé ceux dont ils portent partout les livres? a nourrice », de même ici il emploie une ex-
Certes, ils ne l'ont pas fait par amour pour la pression de choix, « comme des orphelins » ;
vérité. Donc il n'y a pas seulement une con- ce qui se dit des enfants qui n'ont plus de père.
solation dans les tenlations; mais encore un Eh quoi! ceux-ci sont-ils donc orphelins?
avertissement qui nous fait voir que les per- Non, mais c'est nous. Si l'on médite sur
dit-il,

sécuteurs n'agissent point par amour pour la la nature de la douleur, de même que des en-
vérité; ce qui est un motif pour les fidèles de fants, en bas-âge, dont nul ne prend soin, qui
ne pas se troubler, a Qui nous ont persécutés », su|)portent, avant le temps, une perte cruelle,
dit-il ; et nous aussi, dit-il, nous avons souffert regrettent amèrement non- leurs parents,
des maux sans nombre.
Qui ne sont point — « seulement par affection naturelle, mais parce
« agréables à Dieu, et qui sont ennemis de qu'ils sont dans l'abandon, de même cela est
« tous les hommes, qui nous empêchent d'an- vrai de nous de là il montre la douleur que
;

« noncer aux gentils la parole du salut». Vous son âme ressentait de la séparation. Et si nous
l'entendez: « Qui sont ennemis», dit-il, « de pouvons nous exprimer ainsi, ce n'est pas que
« tous les hommes » Comment cela? . C'est que, nous ayons été loin de vous longtemps, mais
s'il faut parler à toute la terre, et s'ils nous poTir un peu de temps », et cela, « par le
en empêchent, ce sont, pour toute la terre, a corps , non par le cœur. Car nous vous
des ennemis. Ils ont tué le Christ, les propiiè- « portons toujours dans notre pensée ». Voyez
tes; ils outragent Dieu ce sont, pour toute la ; la force de l'affection. Quoiqu'il les portât
ennemis ils nous chassent, nous,
terre, des ; toujours dans son cœur, il recherchait leur
qui sommes venus pour le salut du monde. vue, leur présence. Qu'on ne m'objecte pas ici

Qu'y a-t-il d'étonnant qu'ils aient tenu envers une sagesse intempestive; voilà la marque
vous la même conduite; qu'ils reproduisent d'une ardente charité voir, entendre, conver-
:

ce qu'ils dans la Judée? «Qui nous


ont fait ser, c'est une grande consolation, a Nous
« empêchent», dit-il, od'annoncer aux gentils a avons désiré avec d'autant plus d'ardeur »,
a la parole du salut». L'envie, voilà ce qui qu'est-ce à dire a avec d'autant plus d'ar-
fait Comblant ainsi
obstacle au salut de tous. « « dcur? » Ou cela veut dire Nous vous étions :

a la mesure de leurs péchés, car la colère fortement attachés, ou, comme il est vraisem-
a de Dieu est tombée sur eux et y demeurera blable, après une heure d'éloignement, nous
«jusqu'à la fin ». Il n'y a plus lieu de croire désirions voir votre visage. Voyez, considérez
qu'ilen sera comme par le passé; il n'y a plus le bienheureux Paul ; ne pouvant par lui- t

[lour eux de retour possible; ils ne mettc-nt même satisfaire son désir, il le fait par des in-
plus de bornes à leurs crimes; la colère de termédiaires comme lorsqu'il envoie, aux
;

Dieu va fondre sur eux. Qui le prouve? La pré- habitants de Philippes, Timothée ; à ceux
diction du Christ, car la consolation des affli- de Corinthe, même
encore; il a recours à
le

gés ne consiste pas seulement à voir leurs des intermédiaires, quand il ne peut pas se
niflictions partagées, mais à voir le coup qui rapprocher lui-même; sa tendresse en effet
frappe ceux qui les ont affligés. Si le retard de avait des transports invincibles ; son amitié
la \ engeance est une douleur, que ce soit une étaitindomptable. C'est pourquoi a nous avons
consolation de n'avoir plus à l'attendre. L'apô- « voulu vous aller trouver », c'est l'affection
\\x fait [lu? ; il a supprimé le délai en disant qui tient ce langage. Quoiqu'on ce moment
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSÂLOiMCIENS. - HOMÉLIE III. -fâS

dit-il , je n'aie pas d'autre besoin que celui de tendresse égale à celle de Paul. « Notre joie »,
vous voir. B Et moi Paul ,
une
je l'ai voulu , dit-il , « et la covu'onne ». Je tressaille plus de
« etdeux fois; mais Satan nous en a empê- joie, dit-il, pour vous, que pour une cou-
«chés ». ronne. Considérez toute une Eglise, Egliseque
3. Que dites-vous, saint apôtre? Satan vous Paul a plantée et qui a poussé des racines ;
,

empêche? Oui; ce n'était pas là l'œuvre de qui ne tressaillirait pas devant cette nom-
Dieu. Pour les Romains il leur dit que Dieu
,
breuse postérité, cette postérité si belle? Aussi,
l'en a empêché. (Rom. sv, 22.) Et ailleurs, Luc ce langage n'est pas de la flatterie
car il ne ;

déclare que l'esprit les a empêchés de venir dit passeulement vous , mais Vous avec les
, :

en Asie. (Act. xvi, 6.) Aux Corinthiens il dit , autres « vous êtes notre gloire et notre
,

que c'est l'œuvre de l'esprit; ici, au contraire, «joie (20) ».


que c'est l'œuvre de Satan. Mais quel est cet « Ainsi, ne pouvant souffrir plus longtemps

empêchement qui vient deSatan ? Des épreuves a de n'avoir point de vos nouvelles, j'ai jugé
qu'il ne soupçonnait pas, épreuves violentes; a à propos de rester tout seul à Athènes » ,
c'est que des pièges lui avaient été tendus par ce qui veut dire J'ai préféré, a Et je vous ai
:

les juifs, et il fut retenu dans la Grèce pen- « envoyé Timothée notre hère et ministre de
,

dant trois mois. (Act. xx, 3.) 11 y a certes une « Dieu dans la prédication de l'Evangile de
différence entre demeurer de propos délihéré, a Jésus-Christ (m, 1, 2)». Ce qu'il dit, ce
en vertu d'un projet, demeurer de soi-même, n'est pas pour faire l'éloge de Timothée, mais
et se trouver empêché. Dans l'épîlre aux Ro- pour leur montrer combien il les honore en ,

mains, il dit C'est pourquoi


: n'ayant plus , leur envoyant un aide et un ministre de l'E-
« maintenant aucun sujet de demeurer davan- vangile; c'est comme s'il disait Nous avons :

« tagedanscepays-ci».(Rom.xv, 23.) Ailleurs: arraché à ses travaux, nous avons envoyé un


« C'est pour vous épargner que je n'ai point ministre de Dieu, notre aide dans l'Evangile
a voulu aller à Corinthe ». (Il Cor. i, 23.) Ici du Christ. Et il ajoute la raison « Pour vous :

au contraire rien de pareil


, mais quoi ? ;
fortifler et vous exhorter dans votre foi, afin

Satan nous en a empêchés. Moi Paul, une a que personne ne s'ébranle par les persécu-

«fois et deux fois ». Voyez quelle recher- a lions qui nous arrivent (3) ». Qu'est-ce à

che de paroles , comme il tient à montrer la dire? C'est que les épreuves des maîtres trou-
vi\acité de son affection pour eux : « Moi blent les disciples. Or, il était en proie alors à
«Paul ». C'est comme s'il disait Quand même : un grand nombre d'épreuves, comme il le dit
les autres ne l'eussent pas voulu. Les autres lui-même: « Satan nous en a empêchés ».
se bornaient à vouloir mais moi j'ai entre-
, C'est pour les ranimer qu'il leur parle ainsi ;

pris, a Et certes, quelle est notre espérance, comme s'il disait Une fois, deux fois, j'ai
:

« notre joie et la couronne de notre gloire ? voulu aller vous trouver, sans le pouvoir; ce
N'est-ce pas vous aussi qui l'êtes devant ,
qui était pour lui, une grande privation. Or
,

o le Seigneur Jésus-Christ, pour le jour de son il est vraisemblable que cette absence les avait

a avènement?» (Ibid. 19.) Ce sont les Macé- troublés car les disciples sont moins tour-
,

doniens , qui sont votre espérance ô bien- , mentés de leurs propres épreuves que decelles
heureux Paul? Non,dit-il, pas eux seulement. de leurs maîtres. Un soldat s'affecte moins de
Voilà pourquoi il s'exprime de cette manière : ses propres blessures riue de celles du chef de
« N'est-ce pas vous aussi? » « Quelle est en — l'armée. « Pour vous fortifier », dit-il; donc,
a effet », dit-il, a notre espérance , notre joie c'est pour prévenir leur trouble, qu'il a en-
a et la couronne de notre gloire? Ne recon- » voyé ce n'est pas que leur foi fût défectueuse,
;

naissez-vous pas là le langage des femmes ni qu'ils eussent quelque chose à apprendre.
ont les entrailles s'attendrissent, quand elles « Et vous exhorter à demeurer fermes dans
parlent à leurs enfants tout petits? «Etlacou- « votre foi sans que personne soit ébranlé
;

« ronue », dit-il, « de notre gloire ». Le mot « des persécutions qui nous arrivent. Car
de couronne ne lui suffisait pas pour montrer « vous savez que c'est à quoi nous sommes
la splendeur qu'il a en vue il ajoute « De , : « destinés. Dès lors même que nous étions
notre gloire ». Quel feu Jamais un père, ! a parmi vous nous vous prédisions que
,

une mère, supposuz-ies ensemble et confon- , «nous aurions des attlictions à suuOVir; et
dant leur amour, ne pourraient montrer une a nous en avons eu , en effet , comme vous le

S. J. Cl. — Toy-T. XI. 13


404 Traduction fkançaise de salnt jeain chivysostomë.

a savez (4) ». 11 ne faut lias se troubler, dit-il ; prendriez-vous de parler? Quand le


le droit

il n'est rien arrivé d'étrange, d'inattendu : Christ a tant souffert pour nous qui étions ses
cette observation devait suffire pour les rani- ennemis, quelles souffrances pouvons-nous
mer. Comprenez- vous que c'est pour la même montrer, endurées par nous pour lui? Nos
raison que le Christ disait aussi à ses disciples souffrances , néant; les bienfaits reçus de lui,
ce qui devait arriver? Ecoutez ses paroles : c'est l'infini. Où prendrons-nous le droit de

a El je vous le dis maintenant^ avant que cela parler au dernier jour? Ne savez-vous pas que
« arrive, afin que, lorsque cela sera arrivé, c'estun corps couvert de blessures criblé de ,

a vous croyiez en moi ». (Jean, xiv, 29.) Car cicatrices qui recommande le soldat au sou-
c'estune grande consolation, une bien grande, verain? S'il n'a rien à montrer, fùt-il même
en vérité, d'être ainsi averti de la bouche des irréprochable , ignorez-vous qu'il reste au
maîtres. Un malade entend son médecin lui dernier rang ? Mais ce n'est pas le temps des
dire que ceci que cela doit arriver, et il ne
,
comljats, me répond-on. Mais si c'était le temps
se trouble pas; supposez, au contraire, un des combats, où trouverait-on, répondez-moi,
accident imprévu, le médecin lui-même in- un combattant? Qui s'élancerait dans la mê-
certain et embarrassé , la maladie plus forte lée? Qui mettrait en déroute la phalange en-
que la médecine, voilà le malade troublé, nemie? Ah personne , je le crains quand je
1 :

consterné; il en est de même ici. Paul, qui vois que vous ne parvenez pas à mépriser les
voyait l'avenir, leur prédit les alfliciious, a et richesses en vue du Christ, comment croirais-
« nous en avons eu », dit-il, « enellet, comme je que vous sauriez mépriser les coups? Savez-
a vous le savez ». Et il ne dit pas seulement vous, répondez-moi, supporter noblement les
que telle affliction a eu lieu mais qu'il en a , outrages, etbénirqui vous fait affront? Vous ne
beaucoup prédit, et que tout ce qu'il a prédit le faites pas vous n'obéissez pas à la loi. Vous
,

est arrivé. « C'est à quoi nous sommes des- ne faites pas ce qu'on peut faire sans dan-
« tinés ). Par conséquent, non- seulement les ger, et vous supporterez les coups dites-moi, ,

épreuves passées ne doivent ni nous troubler malgré la souffrance, malgré la douleur?


ni nous confondre, mais il en doit être de Ne savez-vous pas qu'il faut, dans la paix,
même des épreuves à venir qui pourraient se s'exerceFà la guerre? Ne voyez- vous pascessol-
rencontrer, a C'est à quoi nous sommes des- datsqui sans que la guerre gronde d'aucun côté,
tinés ». au sein d'une paix profonde, fourbissent leurs
A. Ecoutons, si nous avons des oreilles pour armes suivent les chefs qui leur enseignent
,

écouter. C'est à cela qu'est destiné le chrétien. la manœuvre dans les rangs , et s'en vont au
Le, a c'est à ((uoi nous sommes destinés », soleil, dans de vastes plaines, tous les jours,
l'apôtre l'applique à tous les fidèles. « C'est s'exercer aux combats, avec un zèle ardent?
«à quoi nous sonmies destinés», et nous, Qui les imite pour les combats spirituels? Per-
comme nous étions destinés à une vie tran-
si sonne. Aussi, quand vient la guerre, sans
quille, nous sommes tout étonnés. Et main- vigueur et sans énergie , nous appartenons à
tenant de quoi sommes-nous étonnés? Car l'af- qui veut nous prendre.
fliction (jui nous a saisis, l'épreuve n'a rien Quelle démence que de se figurer que le
que dhumaiii. C'est le cas de vous dire : tenqjs présent n'est pas le temps des combats,
« Vous n'avez pas encore résisté jusqu'à ré- lorsque Paul nous crie a Tous ceux qui veu-
:

a pandre votre sang, en combattant contre le « lent vivre avec i)iété en Jésus-Christ, seront
a péché ». (Hébr. XII, 4.) Je me tromiiu, ce «persécutés » (Il Tim. m, 12); lorsque le
n'est pas le cas de vous adresser ces paroles. Christ nous dit «Vous aurez à souffrir l'afflic-
:

Que faut-il donc vous dire ? Vous n'avez pas « tioiidans le monde » (Jean, xvi, 33); lors-
encore méprisé les richesses. A ceux qui que le bienheureux Paul nous crie encore de
avaient perdu tous leurs biens, on pouvait sa voix éclalaiite « Nous n'avons |)as à com-
:

adresser les paroles de l'apôtre; mais à ceux « battre la chair et le sang, mais...» etencore:
qui ont toute leur fortune, que leur dire, « Soyez donc fermes; que la vérité soit la cein-
sinon, à qui a-t-on ravi ses biens, à cause du » turc de vos reins ». (Epliés. vi, 12, 14.) Et

Christ? A qui a-t-on donné des soultlels? Qui nul, dansées jours d'autrefois, ne lui dit :

donc a été outragé? je dis, en paroles. De Pourquoi nous armez-vous, je vous le de-
quoi donc pourritz^Yoï.- \ous gloriCcr? Ou mande, puirfju'il n'y a j?aî de guerre? Pour»
, ,,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE III. 195

quoi nous créer des affaires sans besoin ? Pour- maux fîls de Noé ? L'ou-
qu'elle enfante. Et le
quoi faire prendre la cuirasse à des soldats bli de pudeur, l'effronterie. Et les Sodomi-
la
qui pourraient vivre dans le repos et la tran- tes ? L'abomination la débauche blasée et ,

quillité ? A qui lui eût fait entendre de telles repue. Et c'est ce qui arrive souvent à la pau-
paroles, l'apôtre aurait répliqué : C'est surtout vreté même : aussi un sage disait : a Ne me
quand il n'y a pas de guerre, qu'il faut penser o donnez ni la richesse ni la pauvreté ».
à la guerre. Quiconque, dans la paix, pense à (Prov. XXX, 8.) Faisons mieux , n'accusons ni
la guerre, sera terrible à l'heure des batailles; la richesse , mais la volonté
ni la pauvreté ,

au contraire, celui qui ne sait pas la guerre, incapable de faire un bon usage soit de la pau-
s'épouvante même au sein de la paix. Pour-
, vreté, soit de la richesse. «Reconnaissez», dit
quoi ? Parce qu'il pleure en voyant ce qu'il le sage, a que vous marchez parmi les pièges».

possède et il s'attriste de ne pouvoir défendre


, (Ecclés. IX, 18.)
ses biens en combattant. Car tous les biens 5. C'est donc avec une admirable sagesse

des lâches qui ne savent pas se battre appar- , que le bienheureux Paul dit: « C'est à quoi
tiennent aux braves habitués aux combats, et « nous sommes destinés ». Il ne se contente
voilà une première raison pour vous armer. pas de dire Nous sommes soumis aux épreu-
:

Ensuite le temps de la guerre, c'est le temps ves, mais « C'est à quoi nous sommes des-
:

de notre vie. Comment cela, et de quelle «tinés»; comme s'il disait: C'est pour cela
manière? Le démon nous assiège tant que que nous naissons. C'est là notre tâche c'est ,

notre vie dure. Ecoutez ce que dit l'apôtre là notre vie et toi au rebours , tu cherches , ,

à ce sujet. Il tourne autour de nous, comme le repos? Il n'y a pas près de vous de bour-

un lion rugissant (I Pierre, v, 8), pour reau qui vous déchire le flanc, qui vous
nous enlever. Les innombrables passions des force de sacrifier; mais la cupidité est là, l'a-
sens se ruent sur nous il faut les passer en , varice est là qui nous arrache les yeux. Il n'y
revue si nous voulons nous soustraire à a pas de soldat pour mettre le feu à notre bû-
l'irréflexion qui nous tromperait. Dites-moi cher, pour nous étendre sur le gril ardent
je vous le demande qui ne combat pas
,
mais le feu de nos sens est plus brûlant que
contre nous? Richesses, beauté, plaisirs, pou- ^es flammes des bourreaux. Il n'y a pas de
voir, envie gloire, orgueil insolent. Ce n'est
,
roi pour nous promettre des biens innom-
pas seulement notre gloireànous, qui combat brables et forcer notre consentement mais il ,

contre nous pour nous ravir l'humilité, c'est y a l'amour insensé de la gloire, plus puissant
aussi la gloire des autres, pour nous inspirer à nous séduire. Combat terrible, oui, vrai-
une haine envieuse. Et maintenant tous les ment épouvantable si nous voulons conser- ,

maux contraires , pauvreté ignominie, mé- , ver la sagesse ; la vie présente, elle aussi, a ses
pris abandon , privation de toute force, ne
, couronnes écoutez Paul qui vous dit: «Il ne
:

nous font-ils pas aussi la guerre? Tous ces en- « me reste qu'à attendre la couronne de jus-
nemis sont en nous nous en avons aussi d'ex-
; que me décernera le juste juge, et non-
tice
térieurs : les méchancetés les trahisons, les , « seulement à moi mais à tous ceux qui ai- ,

perfidies, les calomnies, les pièges de toutes « ment son avènement ». (II Tim. iv, 8.) Quand
sortes; et tous les malheurs que les démons vous perdez un enfant chéri, un fils unique,
nous ménagent, les principautés, les puis- élevé dansl'opulence, qui donnait de belles es-
sances les princes de ce siècle de ténè-
, pérances, qui devait être votre seul héritier, ne
Nous sommes,
bres, les esprits de perversité. pleurez pas, mais bénissez Dieu, glorifiez celui
les uns dans la joie les autres dans la dou-
, qui a reçu votre enfant et vous ne le céderez ,

leur. Aberration des deux côtés. Mais la — en rien à Abraham. De même qu'il donna son
santé mais la maladie.
, Où trouver ce qui — fils à Dieu pour obéir à son ordre de même ,

n'est pas une cause de péché? Voulez-vous que vous, laissez Dieu vous prendre le vôtre, et ne
je remonte jusqu'à Adam, pour vous dire tout gémissez pas.
de suite comment tout s'explique? Qu'est-ce Vous êtes tombé dans une maladie grave, et
qui a perdu le premier homme? Le plaisir, la voilà une foule de gens qui veulent vous forcer
gourmandise, l'ambition. Et, après lui, son à recourir à des charmes, à des amulettes, à
premier fils? L'envie et la haine. Et les hom- d'autres moyens encore pour obtenir votre
mes du temps de Noé ? La luxure et tous les guérison ; mais vous, qui craignez Dieu, voua
{06 TRAnUCTiON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

li!ur opposez l'énergie , la fermeté d'une un profit, me dites-vous? Je vrux essayer de


gi'ande âme, vous aimez mieux tout souffrir vous en faire la démonstration. Vous n'avez,
que de rien faire qui sente le culte des idoles ;
vous, qu'à vouloir ce qui estarrivé, ily auraun
eh bien, cette conduite vous vaut la couronne profit considérable si vous refusez le concours
;

du martyre. N'en doutez pas. Comment cela^ de votre volonté, vous subirez un dommage
clde quelle manière? je vous l'explique. De plus grand que la perte réelle. Il en est ici

même que le martyr supporte avec l'énergie comme dans l'industrie : la matière première
d'une grande âme toutes les tortures, plutôt étant donnée , l'ouvrier habile en fait un
que d'adorer les idoles, de même, vous aussi, bon usage au contraire, l'ouvrier maladroit
;

vous supportez les douleurs de la maladie, la perd, la gâte ; il fait si bien qu'elle est,
plutôt que de recourir à ce que vous otTre le pour lui, une cause de préjudice; il en est de
démon, plutôt que de faire ce qu'il veut de vous. même dans cette circonstance. Comment donc
Mais les douleurs du martyre sont bien plus y pour vous un profit? Si vous bénis-
aura-t-il
violentes? Mais celles de la maladie sont plus sez Dieu, si vous ne faites pas entendre d'a-
longues: aussi le r sultnt est le même. Sou- mèrcs lamentations, si vous répétez les paroles
vent même elles sont phîs violentes. Eh bien, de Job a Le Seigneur m'a donné, le Seigneur
:

que faites-vous, répondez-moi, cpiand la fièvre « m'a ôté nu, je suis sorti du ventre de ma
:

intérieure tourmente votre corps et le brûle, « mère, nu, je m'en retournerai ». (Job. i, 21.)
et que, repoussant les conseils qu'on vous Que dites-vous : « Le Seigneur m'a ôté?»
donne vous rejetez bien loin de vous le
, C'est le voleur qui m'a ôté, me réplique-t-
charme magique, est-ce que vous ne ceignez on, et comment pouvez-vous dire o Le Sei- :

pas votre front de la couronne du martyre? « gneur m'a ôté? » Cessez de vous étonner :
Autre circonstance encore vousavez perdu : c'était à propos de ce que le démon lui avait ôté
de l'argent? Des conseillers en foule vous di- que Job aussi s'écriait : a Le Seigneur m'a ôté d .
sent d'aller consulter les devins mais vous, : Or, si ce saint personnage n'a pas craint de par-
vous n'écoutez que crainte de
Dieu, vous
la ler ainsi, comment pourrez-vous hésiter, quand
savez ce qu'il défend, et vous aimez mieux un voleur vous aura enlevé quelque chose, à
perdre votre argent (|ue de désobéir à Dieu. dire quc-tî'est le Seigneur qui vous l'a ôté?
Qu'en résulle-t-il? Vous obtenez une récom- Quel homme admirez-vous, répondez-moi,
pense aussi forte que si vous aviez donné cet celui qui prodigue son bien aux pauvres, ou
argent aux pauvres; si, après avoir subi une Job qui fait entendre ces paroles? Job n'a pas
telle perte, vous bénissez le Seigneur, si, au moins de mérite que celui qui donnerait tout
lieu d'aller trouver les devins, vous consentez son bien aux pauvres, quoiqu'il ne donnât rien
plutôt à ne recouvrer jamais rien, vous obte- alors. Ne dites pas Il m'est impossible de faire
:

nez une récompense aussi forte que si vous entendre des actions de grâces, ce n'est pas par
vous étiez dépouillé pour Dieu. De même que ma volonté que l'événement est arrivé je ne ;

c'est la crainte de Dieu (pii fait qu'on se dé- le soupçonnais, ni ne le voulais quand le vo-
|iouille pour les indigents, de même c'est la leur m'a pris mon bien ;
quelle pourrait être
crainte de Dieu qui vous a emiièclié de rentrer ma récompense ? Ni Job non plus ne soupçon-
en possession de ce que d'autres vousont ravi. nait, ni ne voulait ce ([ui lui est arrivé, est-il
Il ne dépend (|uc de nous d'êlre ou de n'être besoin de le dire ? toutefois Job a lutté. Eh
pas blessés dans nos vrais intérêts nul autre ; bien, vous pouvez, vous aussi, mériter une ré-
ne [>eul nous nuire. Si vous le voulez, médi- compense aussi grande que si vous aviez vo-
tons cette vérité, â propos du vol. lontairement sacrifié vos biens.
Un voleur a brisé le mur d'une chambre, il Et c'est avec raison que nous avons, pour
s'y est élancé, il a fait n)aiii basse sur de la celui qui bénit Dieu,
au sein des injustices qu'il
vaisselle d'or d'un grand [)rix, sur des pierres subit, plus d'admirationencore que pour celui
précieuses, culin il a emporté tout un trésor, qui donne volontairement ce qu'il possède.
et ce voleur n'a pas été pris. Voilà un malheur Pourquoi ?C'estque ce dernier reçoit des éloges
qui paraît lourd à supporter, il semble (piil y (|ui le soutiennent, il a sa conscitiiiC'i nourrie
un grave préjudice;
ait là il n'en est rien ; il de bonnes espérances, et ce n'est que quand
dépend de vous qu'il y ait là, soit préjudice, il se sent assez fort pour supporter la perte de
6oit protit. Et comment ;"iurrail-on y tmiiver ses biens, qu'il les rcj Ile loin de lui; le pre^
COMMENTAIRE SUR L^ I" ÉPÎTRG AUX THESSALONICIENS, - HOMÉLIE III. Ï61

niier, au contraire, est encore attaché aux ri- ne supportez pas une perte de ce genre, que
chesses qu'on lui arrache par violence. Or, c'est pour vous un motif de renier votre Dieu,
Toilà deux conditions qui ne sont pas les ne vous rend vos richesses que pour se ména-
mêmes Ne s'être rien réservé de ses biens
: ger une nouvelle occasion de vous tromper.
après y avoir renoncé volontairement ou, ; Supposez que les devins parfois rencontrent
quand on les possède encore, se les voir arra- juste, il n'y a pas lieu, pour vous, de vous
cher. Prononcez les paroles de Job, et vous étonner. Le démon n'a pas de corps il rôde ;

recevrez des trésors, des trésors bien plus con- dans tout l'univers, c'est lui-même qui arme
sidérables que ceux qui furent accordés à Job. les brigands; car ces œuvres-là ne se font pas
Job que le double de ce qu'il possé-
n'a reçu sans le concours du démon. Donc, si c'est lui
dait auparavant (Job, xlu, 10); mais à vous, le qui arme les brigands, il sait de même où ils
Christ promet le centuple. La crainte de Dieu se cachent ; car il n'est pas sans connaître ceux
vous a fait éviter le blasphème? vous n'avez qui le servent. Il n'y a donc là rien d'étonnant.
pas recouru aux devins? dans le malheur, vous Le démon voit qu'une perte vous afflige, il
avez béni Dieu ? C'est comme si vous aviez vous en ménage une seconde s'il voit au con- ;

pris les richesses en dédain; car une pareille traire votre dédain qui ne fait que rire de pa-
conduite suppose nécessairement le dédain des reilles attaques, il renonce à vous harceler par
biens de ce monde. Or il n'y a pas égalité de ce moyen. C'est la conduite que nous tenons
mérite entre la sagesse lentement acquise qui nous-mêmes avec nos ennemis; nous ne les
dédaigne ces biens, et la vertu qui supporte attaquons que par ce qui peut leur causer de
tout le coup d'une perte subite. C'est ainsi que la peine si nous les trouvons indifférents,
;

la perte devient un profit, que vous ne recevez nous renonçons à les affliger, dans l'impuis-
aucun préjudice, au contraire que vous re- sance où nous sommes de les piquer au vif;
cevez du démon un bienfait. démon.
ainsi fait le
6. Mais maintenant, comment la perte de- Que dites-vous? Ne voyez-vous pas l'indiffé-
un malheur pour vous ? C'est lorsque
vient-elle rence que montrent pour l'argent naviga- les
votre âme est blessée par cette perte. En effet, teurs ;
quand
tempête s'élève sur la mer,
la
répondez-moi. Un voleur vous a dépouillé de comme ils jettent tout dans les flots ? Et per-
votre argent? Pourquoi vous dépouillez- vous sonne ne se prend à dire Que fais-tu , ô :

vous-même de votre salut? pourquoi, aux mal- homme ? Agis-tu donc de concert avec la tem-
heurs qui vous viennent des autres, ajoutez- pête, es-tu le complice du naufrage? Avant
vous de plus grands malheurs où vous vous que les flots engloutissent ton trésor, c'est toi-
précipitez vous-même? Ce voleur vous a peut- même qui le jettes dans le gouffre, de tes pro-
être jeté dans la pauvreté, mais vous êtes le pres mains? Avant le naafrage, tu te fais un
premier à vous faire, dans vos plus chers inté- naufrage toi-même ? Ce seraient là des propos
graves; ce voleur vous
rêts, les torts les plus d'un homme grossier, n'ayant aucune idée des
a privé de choses extérieures à vous, qui plus hasards de la mer ; au contraire, le matelot
tard, malgré vous, devaient vous abandonner; expérimenté, sachant ce qui produit le calme,
mais vous, vous vous enlevez à vous-même ce qui provoque la tempête, ne fera que rire
votre éternel trésor. Le démon vous a affligé à de telles paroles Si je jette, dira-t-il, une
:

eu vous privant de vos biens? Affligez-le à proie au gouffre, c'est pour que tout ne soit
votre tour, vous aussi, en bénissant le Sei- pas englouti. De même celui qui a l'expé-
gneur. Gardez-vous de réjouir le démon ; si rience des choses de la vie humaine et de ses
vous allez trouver les devins, vous réjouissez épreuves, au momentoù l'esprit risque défaire
le démon ; si vous bénissez Dieu, vous portez naufrage, englouti par la corruption, le sage
au démon un coup mortel. Et voyez ce qui ar. alors se débarrasse de l'argent qui lui reste.
rive vous ne retrouverez pas vos biens, pour
: On vous a volé, faites l'aumône, et vous ren-
avoir été consulter les sorciers, car ils ne sau- drez votre barque plus légère. Des brigands
raient rien vous dire si d'aventure ils vous
; vous ont dépouillé ? Eh bien, vous, donnez au
apprennent quelque chose, vous perdez votre Christ ce qu'ils vous ont laissé. Voilà comment
âme, vous devenez la risée du vos frères, et vous vous consolerez dans la pauvreté qu'on
vous reperdez de nouveau, et tristement, tous vous a faite. Rendez votre barque plus légère,
vos biens. En effet, le démon qui sait que vous ne songez pas à garder ce qui vous reste, voire
,

m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

barque pourrait sombrer. Eh quoi, pour sau- les richesses, afin de ne pas mépriser notre

ver leurs corps, les matelots jettent la cargai- âme. Mais comment arriverons-nous aies mé-
son, ils n'attendent pas l'invasion du flot qui priser? Ne voyez-vous pas ce qui se passe pour
submergerait la barque ; et vous, pour sauver la beauté du corps, et l'amour qu'elle inspire ;

voire âme, vous ne conjurerez pas le nau- tant que les yeux en sont frappés, le feu brûle,
frage? Faites-en l'essai, si vous ne me croyez la flauime s'élève et resplendit une fois qu'on ;

pas, je vous en conjure, faites-en l'essai, et vous a détourné ses regards, tout s'éteint, tout est
verrez la gloire de Dieu. Quand il vous arrive assoupi; est-ce vrai? Il en est de même des
quelque affliction , faites bien vite l'aumône, richesses que nul n'amasse des objets dorés
:

bénissez Dieu de ce qui vous arrive, et vous plus de pierres précieuses, plus de colliers,
verrez de quelle joie vous serez inondé. Tel est plus de bracelets plus de cette amorce pour
,

le profit, si mince qu'il soit, dans les choses les yeux. Si vous voulez être riche, comme les

del'esprit, qu'il fait disparaître toute perte dans hommes des anciens jours, ne mettez pasvolre
les choses de ce monde. Tant que vous avez richesse dans l'or, mais dans les choses néces-
de quoi donner au Christ, vous êtes riche. saires, afin d'être toujours prêt à les distribuer
Répondez-moi vous avez été dépouillé, un
, aux autres. Renoncez à l'amour des orne-
roi s'approche de vous, vous tend la main ne , ments les richesses de ce genre sont exposées
;

rougit pas de recevoir devons quelque chose, aux mauvais coups des brigands, et ne nous
ne vous regarderez-vous pas comme le plus donnent que des soucis plus de vases d'or ni ;

riche qui soit au monde, vous qui, dans une d'argent ayez des provisions de froment , de
;

si grande pauvreté, voyez un roi qui ne rougit vin, d'huile; ayez-en, non pour les vendre et
pas de vous? Ne vous dépouillez pas vous- en faire de l'argent, mais pour les distribuer
même, n'ayez qu'une pensée, celle de vous aux malheureux. Si nous savons nous détour-
vaincre vous-même, et vous vaincrez sans ner de ces biens superflus, nous obtiendrons
peine le perfide démon. Il ne dépend que de les biens du ciel. Puissions-nous tous entrer
vous de faire de grands bénéfices. Méprisons dans ce partage, en Jésus-Christ, etc.

HOMELIE IV.

ME POUVANT DONC ATTENDRE PLUS LONGTEMPS, JE VOUS l'aI ENVOYÉ, POUR RECONNAÎTRE L'ÉTAT DE
VOTRE FOI, AYANT APPRÉHENDÉ QUE LE TENTATEUR NE VOUS EUT TENTÉS, ET QUE NOTRE TRAVAIL
^•B DEVINT l>UTILE. MAIS TIMOTHÉE, ÉTANT REVENU VERS NOUS, APRÈS VOUS AVOIR VUS, ET NOUS

AYANT APPORTÉ LA BONNE NOUVELLE DE VOTRE FOI ET DE VOTRE CHARITÉ, ET DU BON SOUVENIR
QUE VOUS AVEZ SANS CESSE DE NOUS, QUI VOUS PORTE A DÉSIRER DE NOUS VOIR, COMME NOUS
AVONS AUSSI LE MÊME DÉSIR POUR VOUS, NOUS TENONS A VOUS DIRE, MES FRÈRES, QUE, DANS
TOUTES LES AFFLICTIONS ET DANS TOUS LES MAUX QUI NOUS ARRIVENT, VOTRE FOI NOUS FAIT
TROUVER NOTRE CONSOLATION EN VOUS; QUE NOUS VIVONS MAINTENANT, SI VOUS DEMEUREZ FERMES
DANS LE SElCNEUIl. (lll, 5-8 JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.)

Analyse.
J-3. Les prophètes, les saiuls oe connaissent pos tout, ils participent à la faiblesse liumaine. — Pourquoi Dieu a voulu qu'il en
fùl ainsi. — AfTection de saint Paul pour les lidèles ; ses inquiétudes, en ce qui concerne leur fui et leurs mœurs. — Raisons
du voyage de Timothéc, envoyé par saint Paul, à Thessalonique. —
C'est du cœur que vient le mal de la corruption ; tel, sans
faire d'actions mauvaises, est perverti.
i. Contre l'impureté. — De l'amour pur, de l'amour des saints en général et de saint Paul en particulier ; de sa tristesse et de
ses larmes pour les pécheurs.
S. Courage, bonté, tliasteté de Joseph. —
De l'oubli des injures, de la facilité à pardonner, de l'humilité. Rompons tous nos —
liens, ne différons pas l'œuvre de notre salut.

I. La question qui se pose aujourd'hui de- est cette question ? «Ne pouvant donc », dit-il,
vant nous, occupe un grand nombre de per- « altt'iidre plus longtenifje, je vous ai envoyé
eonnes, et se rein-ésente bien souvent. Quelle « Timolhée pour reconnaître l'état de votre
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE IV. m


"a foi ». Que dites-vous? Celui qui connaît tant Paul dit encore a Je ne veux pas que l'on
:

de choses, celui qui a entendu les paroles « m'estime au-dessus de ce que l'on voit en

mystérieuses, celui qui est monté jusqu'au « moi, ou de ce que l'on entend dire de moi».

troisième ciel, il y a quelque chose qu'il ne (II Cor. XII, 6.) Et maintenant, écoutez les pa-
connaît pas, et cela lorsqu'il est à Athènes, roles de Pierre, quand il eut guéri le boiteux :

dans une ville qui n'est pas très éloignée de « Pourquoi nous regardez - vous avec des
Thessalonique, quand la séparation date de si « yeux étonnés, comme si c'était par notre
peu de temps? «Comme des orphelins » , dit- « vertu , ou par notre puissance que nous ,

il, « loin de vous pour un peu de temps ». « eussions fait marcher ce boiteux? » (Act.

(Chap. II, 17.) Ainsi un tel homme ne connaît m, d2.) Si ces paroles, ces actions, malgré
pas l'état de ceux de Thessalonique , et il faut l'infirmité de ceux qu'on entendait, qu'on
nécessairement qu'il leur envoie Timothée, voyait, provoquaient des suppositions fausses
pour reconnaître l'état de leur foi ? « Ayant que serait-il arrivé s'ils eussent été revêtus
« appréhendé » dit-il « que le tentateur ne
, , de toute espèce de grandeur? Pierre ne veut
vous eût tentés et que notre travail ne de-
,
pas qu'on puisse attribuer à une nature sur-
ovînt inutile». Quoi donc, dira-t-on est-ce , humaine, dont les apôtres seraient doués les ,

que ces grands saints ne savaient pas tout ? grandes œuvres qu'ils opèrent; il veut préve-
Non; et c'est ce que l'on peut conclure d'un nir une adoration insensée ; voilà pourquoi il
grand nombre d'anciens exemples et de ceux montre la faiblesse des apôtres; il veut couper
qui les ont suivis. Ainsi Elisée ne connaissait court à tout prétexte d'orgueil, et voilà pour-
pas la pauvre veuve. (IV Rois, iv.) Ainsi Elle quoi Paul montre ici une certaine ignorance;
disait à Dieu « Je suis demeuré seul, ils
: voilà encore pourquoi , bien qu'il se fût sou-
a cherchent encore à m'ôter la vie » ; ce qui vent proposé d'aller à Thessalonique , il n'y a
lui valut de Dieu cette réponse « Je : me suis pas été; c'est pour qu'on sache, à n'en pas
« réservé sept mille hommes ». (III Rois, xix, douter, qu'il y a beaucoup de choses qu'il
iO, 18.) Et quand Samuel fut envoyé pour ignore ; cette ignorance offrait donc un grand
oindre David, Seigneur lui dit « N'ayez
le : avantage. D'ailleurs , même avec cette igno-
« égard, ni à sa bonne mine, ni à la grandeur rance, il y avait encore un grand nombre de

a de sa taille, parce que j'ai rejeté Saiil, et que gens qui le nommaient la grande vertu de
a je ne juge pas des choses par ce qui en pa- Dieu ; d'autres l'exaltaient de diverses maniè-
o raît aux yeux des hommes car l'homme ne ; res; s'il n'eût pas paru ignorant, que n'au-
a voit que le dehors, mais le Seigneur regarde raient-ils pas pensé de lui? Maintenant, il
le fond du cœur » (I Rois, xvi, 7) ce qui ; semble qu'il y ait , dans ces paroles , comme
marque la sollicitude et la providence de un reproche; si pourtant on les considère
Dieu. Comment et pourquoi ? Et pour les avec attention , elles montrent bien plutôt
saints eux-mêmes, et pour ceux qui se con- que les gens de Thessalonique méritent l'ad-
fient aux saints. Car, de même que c'est Dieu miration, par leur vertu qui surmontait les
qui permet les persécutions, de même c'est tentations. Comment
cela? Soyez attentifs.
encore Lui qui permet que les saints ignorent En vous leur avez d'abord dit, ô bien-
effet,
beaucoup de choses, afin de les réduire à la heureux Paul, que vous étiez destiné pour
modération de là ce que Paul disait lui-
; souffrir ces maux, et de plus, vous leur avez
même « J'ai ressenti, dans ma chair, un
: encore dit, que personne donc ne se trouble ;
« aiguillon qui est l'ange de Satan, pour me pourquoi , maintenant , leur envoyez - vous
donner des soufflets » (II Cor. xii, 7), c'est- Timothée comme si vous aviez peur que ce
,

à-direpour que je ne m'élève pas trop dans que vous redoutez n'arrive ? L'apôtre n'écoute
mes pensées. Dieu l'a voulu ainsi pour que ici que son affection; ceux qui aiment redou-

les autres hommes n'allassent pas s'imaginer tent même dangers qui n'existent pas, c'est
les
de trop grandes choses à son sujet. le caractère d'une charité ardente; de plus,
Et en effet, si à voir les miracles que les l'apôtre s'inquiète du grand nombre des ten-
saints ont opérés, on les a pris pour des dieux tations. Sans doute j'ai dit a ce à quoi nous
,
,

(Act. XIV, 10) , celte erreur se serait bien plus « sommes destinés » , mais l'excès des maux
propagée , s'ils eussent toujours montré la m'a effrayé. Aussi rajiôtre ne dit-il pas qu'il
connaissance de toutes choses. Aussi le même les condamne, en leur envoyant Timothée.
200 TRADUCTION FRAXÇ.^SE DE SAINT JEAN CliRYSOSTOME.

mais « Ne poiivant pas atlendre plus long-


: « l'intérieur et à l'extérieur, mis un rempart
a temps », (laiulcs où respire l'amitié. Que «tout autour de lui? Enlevez-lui ses biens ;
signifie « ayant appréhendé que le tentateur
, «j'imagine, certes, qu'il vous bénira en face».
« ne vous eût tentés ? » Voyez-vous que les (Job, :, 10, 11.) Il BOUS tente. S'il voit un côté
tentations qui nous font chanceler, sont des faible, il attaque s'il rencontre la fore , il se
;

oeuvres du démon, qui proviennent de ce relire.


qu'il veut nous égarer? S'il ne peut pas nous que notre travail», dit l'apôtre, «nede-
a Et

ébranler nous-mêmes, il ébranle en nous at- , '( «.Ecoutons tous le récit desfali-
vînt inutile
taquant, ceux tpii sont plus faibles c'est là : guesde Paul. Il ne dit pas Notre ouvrage, mais
:

d'une faiblesse insigne, d'une faiblesse


l'effet «notre travail ». 11 ne dit pas Et que vous :

inexcusable. C'est ce qu'il fit, à propos de Job, vous |)erdiez, mais: «Et que notre travail n'ait
en excitant son épouse o Maudissez Dieu », : « été inutile». Quand vousauriez été ébranlés,
lui dit-elle, « et mourez ». (Job. ii, 9.) Voyez je n'en serais pas surpris mais puisque vous
;

coniiiie le démon l'a tentée. Maintenant, pour- ne l'avez pas été, je vous admire. Voilà, dit-il,
quoi l'apôtre ne Ne vous eût ébran-
dit-il pas : ce à quoi nous nous attendions, mais ce qui
lés, mais: « Ne vous eût tentés? » C'est que, s'est produit, c'est tout le contraire car non- :

dit-il ,
j'ai soupçonné seulement que vous seulement vous ne nous avez donné aucun
pouviez avoir été tentés; il se garde bien sujet d'aflliclion, mais, de plus, vous nous avez
d'appeler cette tentation un ébranlement. Il consolés. —
«Mais Timothée étant revenu vers
faut accepter le choc [lour être ébianlé. Ah 1 « nous après vous avoir vus, et nous ayant
voyez la tendresse de Paul. Il oublie ses af- « apporté la bonne nouvelle de votre foi et de
flictions, les perfidies qui l'entourent. Car je « votre charité». —
«Et nous ayantapporté la
pense qu'en ce moment il demeurait dans « bonne nouvelle », dit-il. Voyez-vous l'allé-
la Grèce, où saint Luc nous dit qu'il séjourna gresse de Paul? Il ne dit pas Nous ayant :

trois mois au milieu des pièges des Juifs qui apporté la nouvelle, mais: «La bonne nou-
voulaient le perdre. « velle», tant il attachait de |)rixàleursolidité
2. Donc
oublie ses propres dangers, ne
il dans la foi, à leur charité. Car nécessairement,
pensant qu'à ses disciples. Voyez-vous qu'il quand ia foi est solide, la charité aussi est
n'est pas un père selon la nature qui puisse robuste. Et il se réjouissait de leur charité,
lui être comparé? Que faisons-nous? dans les parce qu'il y voyait un signe de leur foi. « Et
affiicliims, dans dangers
nous ne pensons
les , « du bon souvenir que vous avez sans cesse de
plus qu'à nous; Paul, au contraire, ne crai- nous, qui vous porte à désirer de nous voir,
gnait, ne tremblait (|ue pour ses enfants, au « comme nous avons aussi le même désir
point de leur envoyer, malgré les dangers apour vous ». Il y a ici des éloges ce n'est :

qu'il courait lui-même, son unique consola- pas seulement quand nous étions auprès de
teur, son unique auxiliaire Timothée. «Et , vous, ni (|uand nous faisions des miracles,
« que notre travail ne devînt inutile ». Pour- mais maintenant encore, quand nous sommes
quoi? Quand même ils auraient été renversés, loin de vous, frappés de coups, en proie à
ce ne serait [>as de votre faute, ce ne serait pas mille maux, que vous avez su garder un bon
par votre négligence. N'importe, en ces cir- souvenir de nous. Ecoutez, voyez l'admiration
constances, je dis que mon travail serait de- qui s'attache aux disciples, gardant de leurs
venu inutile, c'est mon
amour pour mes
vif maîtres un bon souvenir, voyez combien leur
frères qui Ayant appréhendé
parle ainsi. « sort est digne d'envie; imitons-les; car, par
«que le tentateur ne vous eût tentés». Ce là, nous servons nos propres intérêts, nous ne
qu'il fait, sans savoir s'il vous fera tomber. sommes i)as utiles seulement à ceux que nous
Eh bien ! le démon , même sans savoir s'il aimons. « Qui vous porte à désirer de nous
triom|)hera, nous attaque; nous,auconti-aire, a voir, comme nous avons aussi le même
quoi(|ue nous sachions parfaitement que nous « désir pour vous ». Encore un sujet de joie
aurons l'avantage sur lui, nous ne sommes pas ici pour les fidèles. Apprendre, quand on aime,

en éveil? Que le démon nous attaque sans sa- que celui qui est aimé connaît raiiioiir qu'on
voir l'issue de la lutte, c'est ce qui se voit à lui porte, c'est là un grand motif de joie et de
[iropos de Job en effet, voici ce que disait à
: consolation.
Dieu ce démon pervers « N'avez-vous pas, à : « Nous tenons à vous dire, mes frères, que,
.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE IV. 201

8 dans toutes les affliclions et dans tous les même n'est pas une vie pour nous. Voilà
« maux qui nous arrivent, votre foi nous fait quels doivent être les sentiments des maîtres,
« trouver noire consolation en vous que nous ;
ceux dus disciples et nul n'aura jamais à s'en
;

a vivons maintenant, si voivs demeurez fermes repentir. L'apôtre développe ensuite cette
a dans le Seigneur ». Où trouver l'égal de ce pensée ; voyez, écoutez Car quelles actions
: «
Paul qui regardait le salut du prochain comme « de grâces pouvons-nous rendre assez digne-
son propre salut, qui était, à l'égard de tous, ce ment à Dieu, à cause de vous, pour toute la
ce qu'est le corps pour ses membres ? Qui « joie dont nous tressaillons, à cause de vous,
nous fera entendre aujourd'hui un pareil cri a devant notre Dieu; nuit et jour, le conjurant
de l'âme? Ou plutôt, qui concevra jamais un « avec ardeur, pour qu'il nous soit donné de
pareil sentiment dans son cœur? 11 ne pensait «voir votre visage, afin d'ajouter à ce qui peut
pas que les tidèles dussent lui savoir gré des « manquer encore à votre foi (9, 10) ? » Non-

épreuves qu'il acceptait pour eux, mais c'est seulement, dit-il, c'est la vie que nous vous
lui qui leur savait gré de ce que ses épreuves devons, mais nous vous devons aussi une joie
à lui n'ébranlaient pas leur constance; il a si grande, que nous ne pouvons pas en rendre

l'air de leur dire : C'est pour vous plus que à Dieu de dignes actions de grâces. Votre per-
pour nous, que les épreuves sontdaugereuses; fection, nous la regardons, dit-il, comme un
vous êtes plus éprouvés, vous qui ne subissez présent divin vous nous avez fait tant de
;

pas les souffrances, que nous qui les subissons. bien, que nous pensons que ce bien nous
Mais depuis que Timothée, dit -il, nous a vient de Dieu, ou plutôt que c'est l'œuvre de
apporté ces bonnes nouvelles, nous ne sentons Dieu car ni l'âme humaine, ni l'ardeur de
;

plus rien de nos douleurs, mais, « dans toutes tout le zèle humain ne sauraient rien produire
« les afûictions, voire foi nous fait trouver de pareil. « Nuit et jour », dit-il, « le con-
« notre consolation » non-seulement dans
; et « jurant avec ardeur». Encore des expressions
toutes les mais « dans tous les
arflidions, où la joie éclate. Supposez un agriculteur qui
«maux qui nous arrivent», dit-il, et avec entend dire que la terre arrosée de ses sueurs
raison. Car un bon maître est au-dessus de est, chargée de fruits; il lui tarde de voir de

toutes les douleurs, tant que ses disciples ses propres yeux ce qui le remplit d'une joie
s'avancent au gré de ses désirs. C'est par vous, si vive c'est ainsi que Paul brûle de voir la
;

dit-il, que nous sommes consolés; ce qui veut Macédoine. « Le conjurant avec ardeur » ,
dire, c'est vous qui nous fortifiez. Assurément voyez combien c'est expressif; « pour qu'il
c'était tout le contraire ; car le courage qui « nous soit donné de voir votre visage, afin

triomphe des souffrances ,


qui résiste avec « d'ajouter à ce qui peut manquer encore à
fierté, un pareil exemple suffisait bien pour « votre foi »

alTermir les disciples. Mais l'apôtre voit, dans Ici, une question qui demande assez d'ex-
le sens opposé, l'édification qu'il raconte, il plications. Sivous vivez maintenant, parce que
transporte l'éloge aux disciples : c'est vous, les fidèles sont solides, si Tiniothée vous a
dit-il, qui avez répandu sur nous l'huile for- apporté les bonnes nouvelles de leur foi et de
tifiante, c'est vous (|iii nous avez permis de leur charité, si vous en avez été rempli d'une
respirer, c'est vous qui nous avez enlevé le joie si vive qu'il vous est impossible d'en
,

sentiment de nos soulTrances. Et il ne dit pas : rendre à Dieu de dignes actions de grâces,
Nous respirons, ni, nous sommes consolés, comment vous avisez-vous de parler de ce qui
mais que dit-il? « Que nous vivons mainte- peut manquer encore à leur foi ? N'auriez-vous
« nant » il montre par là qu'il n'y a pour lui
; tout à l'heure tait entendre que des flatteries ?
d'autre épreuve, d'autre mort que le scandale Nullement, gardons-nous d'en rien croire.
qui provoquerait leur chute, puisque ce qu'il L'apôtre acommencé par dire qu'ils ont sou-
regarde comme sa vie, c'est leur avancement. tenu nombre de combats, qu'ils n'ont pas été
Quel aulre a jamais exprimé ainsi ou sa , moins éprouvés que les Eglises de la Judée.
douleur de la faiblesse de ses disciples, ou la Qu'est-ce que cela signifie? C'est qu'ils n'a-
joie qu'ils lui causent? Il ne dit i)as Nous : vaient pas eu pleine et entière communication
nous réjouissons, mais, « nous vivons », mar- de la doctrine, ils n'avaient pas appris tout ce
quant par là la vie à venir. qu'ils avaient à apprendre, ce que montre
3. C'est que, sous cette espérance, la vie l'apôtre vers la fin de sa lettre. Peut-être y
,

502 TKADUCTiON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

avait-il,chez eux, des recherches au sujet de ines; aimer tel ou tel et non tel autre, ce n'est

la réjurreclion des agents nombreux de


,
que de l'amitié à la manière des hommes.
troubles, non plus des persécutions, des dan- Notre amour, à nous, n'est pas de ce caractère.
gers pour les personnes, mais de prétendus doc- « Telle que notre charité est envers vous. Qu'il

teurs. De là ces motsCe qui peut manquer


: « « affermisse vos cœurs en vous rendant irré-

«encore à votre là le tour que prend


foi » ; de a prochables, par la sainteté, devant Dieu notre
rex|)ression ; l'apôlre ne dit pas Afin de con- : «Père, en la présence de Notre -Seigneur
firmer, mais «afin d'ajouter». En effet, quand «Jésus-Christ, venant avec tous ses saints
il avait craint même « Je vous
pour la foi : «(13)». H leur montre que c'est à eux que
oai envoyé
», écrivait-il, Timothée pour « l'amour est utile, non à ceux (jui sont aimés.
« vous affermir » mais ici il n'est question;
Je veux, que cette charité croisse, afin
dit-il,

que d'ajouter cà ce qui peut manquer, te qui qu'il n'y aitaucun reproche parmi vous. L'a-
est plutôt une œuvre d'enseignement qu'un pôtre ne dit pas Qu'il vous affermisse, mais
: :

effort pour raffermir; c'est de même que Paul « Qu'il affermisse vos cœurs. Car c'est du cœur

écrit ailleurs « Pour que vous soyez parfaits


: « que partent les mauvaises pensées». (Maltli.

a pour toute bonne œuvre». (I Cor. i, 10.) Or, XV, 19.) 11 peut se faire, sans qu'on opère au-
cecjui est humainement parfait, c'est ce à quoi cune action, que l'on soit un pervers : ainsi,

il ne manque que très-peu de chose; c'est là ce l'homme qui est envieux, qui ne croit à rien,
qui devient parfait. le perfide, le méchant qui se réjouit du mal
« Que Dieu lui-même notre Père, et Notre- d'autrui, qui ne connaît pas l'altéction, dont
« Seigneur Jésus-Christ nous conduisent vers toutes les pensées sont mauvaises, tout cela
« vous. Que le Seigneur vous fasse croîlre de vient du cœur la sainteté consiste à
; s'en
« plus en plus dans la charité que vous avez les purifier. A proprement parler, la sainteté c'est

« uns pour les autres, et envers tous, et qu'il la chasteté parfaite ,


puisque l'impureté est
« la rende telle que la nôtre est envers vous surtout la fornication et l'adullèrc; mainte-
« (I I, 12) ». C'est la manjue de la |)lus tendre nant, en général, tout péché est impureté,
affection, non-seulement de ressentir dans son toute vertu au contraire est pureté. En effet,

cœur un tel désir, mais encore d'exprimer ce Bienheurejjx », dit le Seigneur, « ceux qui
vœu dans sa lettre voilà la marque d'une âme
; « ont le cœur pur? » (Matth. v, 8.) Les cœurs

bi niante et qui ne peut plus du tout se conte- purs, dont parle ici le Seigneur, sont ceux qui
nir; il faut remarquer aussi l'usage qui se fait le sont tout à fait.

ici de la prière, et en même temps une justifi- A. Je sais bien, en effet, que les autres vices
cation d'une absence qui n'était ni volontaire, ne souillent pas moins l'âme. Voulez-vous une
ni le fait de rindifférence. C'est conune s'il preuve (jue la malice eu ternit l'éclat? Ecoutez
disait Que Dieu lui-même supprime les
: le Prophète « Purifie ton cœur de la malice
:

épreuves qui nous entraînent de tous les côtés, Jérusalem » (Jérém. iv, 14); et encore :

de telle sorte qu'il nous soit donné d'aller vers «Lavez- vous, purifiez- vous, enlevez la ma-
vous par le plus court chemin. « Que le Sei- « lice de vos âmes ». (Is. i IG.) Il ne dit pas
, :

o gneur vous fasse croître de plus en plus ». La fornication; donc ce n'est pas la fornication
Voyez-vous le transport d'un amour qui ne se seulement, mais les autres vices aussi qui
possède plus, qui éclate dans les paroles? souillent l'âme. « Qu'il affermisse », dit-il,
« Fasse croître et surabonder », dit-il, « de « vos cœurs, en vous rendant irréprochables,
« plus en plus » ; expressions plus fortes que, « la sainteté, devant Dieu, notre Père, en
par
augmente. On pourrait dire que l'apôtre désire « laprésence de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
obtenir d'eux l'excès de leur amour. Qu'il « venant avec tous ses saints ». Le Christ sera
rende votre charité, dit-il, « telle que la nôtre donc alors notre juge, mais ce n'est pas seule-
o est envers vous ». C'est-à-dire, l'amour, ment en sa présence, mais aussi en présence
nous l'éprouvons déjà, nous voulons (jue vous du Père que nous serons jugés. Ou bien en-
le ressentiez aussi. Voyez-vous quelle extension core, l'apôtre dit que nous devons être tout à
de charité l'apôtre réclame? La charité entre fait irréjjrochables devant Dieu c'est ce que :

fidèles ne lui suffit pas il lavent envers tous : je répète sans cesse, nous devons rélre en
et partout. CV-sl la, en réalité, le projire de prés(;nce de Dieu (car c'est en cela (juc; con-
i'aiiiour buluu Dieu, il cmbiusâe tous lus hom- siste la vertu sincère) et non-seulement en
COMMENTAIRE SUR LA !" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE IV. 203

présence des hommes. C'est donc la charité saints était plein de transports, plein d'ardeur;
qui rend irréprochable, car en réalité elle leur âme était ouverte à la pitié.
nous fait éviter toute espèce de fautes. Or, je Réfléchissez en vous-mêmes, concevez , s'il

m'entretenais, un jour, avec une personne, et se peut, l'amour brûlant de Paul, l'audace
je disais que la charité nous rend irréprocha- avec laquelle il défie les flammes, cet homme
bles, que l'amour du prochain ne laisse entrer de diamant, solide, inaltérable, en qui rien
dans notre âme aucun péché je passais en ,
ne branle, rivé à Dieu par la crainte, qui ne
revue tous les autres péchés; une des per- fléchit jamais. « Qui donc nous séparera »,
sonnes que je connais le mieux, m'interrom- dit-il, « de l'amour de Jésus-Christ? L'afflic-
pit alors pour m'objecter Et la fornication?
: « tion, ou les angoisses, ou les persécutions,
Aimer et se livrer à la fornication sont-ils « ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou le
incompatibles? N'est-ce pas au contraire de « glaive? B (Rom. viii, 3S.) Celui qui mépri-
l'amour que vient ce péché? On comprend sait tout cela, et la terre, et la mer, celui qui
que l'amour du prochain exclue l'avarice, se moquait des portes de l'enfer, de ces portes
l'adultère , l'envie , les perfidies et tout ce qui de diamant, celui à qui rien jamais ne résis-
y ressemble ; mais est-ce la même chose de la tait, le même homme, voyant les larmes de

fornication ? — Alors moi ,


je lui soutins que quelques-uns de ses amis, fut tellement brisé,
l'amour est de nature à détruire la fornica- broyé, lui, ce cœur de diamant, qu'il ne put
tion. Car celui qui aime la femme adonnée à dissimuler son émotion, qu'aussitôt il s'écria :

cette honte, s'efforcera de l'éloigner des autres ft Que faites-vous, de pleurer ainsi, et de m'at-
hommes, et il se gardera bien de se livrer lui- « tendrir le cœur? » (Act. xxi, 13.) Que diles-
même à ce péché. C'est la plus forte preuve vous, je vous en prie? Une larme a-t-elle pu
de la haine qu'on porte à la femme impudi- briser ce cœur de diamant? Oui, dit-il, je ré-
que, que de se livrer avec elle à l'impudicité ;
siste à tout, mais non à l'amour; il est plus
c'est une preuve d'affection réelle, que de la fort que moi, il me domine. C'est Là ce qui
détourner de cette abominable conduite. Il plaît à Dieu. Il a résisté à l'abîme des eaux, et
n'est pas, non il n'est pas de péché que la il de quelques larmes pour lui fendre le
suffit

puissance de l'amour ne consume, comme fait cœur. « Que faites-vous de pleurer ainsi et, ,

un feu dévorant. Le sarment le plus mince « de m'attendrir le cœur ? » C'est que la puis-

résiste plus aux flammes d'un bûcher, que le sance de la charité est grande. Voulez-vous le
péché à la puissance de l'amour. voir encore dans les pleurs ? Ecoutez ce qu'il
Sachons donc le faire et germer et grandir dit , dans une autre circonstance : « Pendant
dans nos âmes, afin de pouvoir nous tenir « trois ans, nuit et jour », dit-il, «je n'ai pas
dans la grande société des saints ; tous ces « cessé d'avertir, avec des larmes, chacun de
illustres saints se sont rendus agréables à « vous ». (Act. XX, 31.) La vivacité de sa cha-
Dieu par leur amour du prochain. D'où vient rité lui faisait craindre l'invasion de quelque
qu'Abel a reçu la mort, et ne l'a pas donnée? fléau. Et encore « Je vous écrivis alors, dans
:

C'est qu'il était plein d'amour pour son frère ; « une grande affliction, dans un serrement de
une pensée de meurtre ne pouvait entrer dans « cœur, avec une grande abondance de lar-
son âme. D'où vient que Caïn conçut cette « mes ». (II Cor. n, 4.) Et maintenant, répon-
envie qui l'a perdu? Je dis Caïn, je ne veux dez-moi, que penserons-nous de ce courageux
plus l'appeler le frère d'Abel. C'est que les Joseph, de cet homme ferme, qui tint tête à
fondements de l'amour n'étaient pas assez so- une tyrannie si impérieuse, qui sa montra si
lides en lui. D'où vient la gloire des fils de fier devant un tel foyer d'amour, qni sut com-
Noé? N'est-ce pas de leur amour pour leur battre, repousser avec tant de noblesse la pas-
père, ce qui fit que leurs yeux ne suppor- sion de sa maîtresse insensée? Quelle âme
tèrent pas sa nudité ? D'où vient que le troi- n'aurait pas été séduite? La beauté, la di-
sième a été maudit? N'est ce pas parce qu'il gnité, l'éclat du rang, la magnificence des
était incapable d'aimer? Et Abraham, d'où est vêtements, l'enivrement des parfums (car les
venue sa gloire? sinon de l'amour qu'il a odeurs embaumées sont aussi des dissolvants
montré en s'occupant des intérêts de son ne- de l'âme), les paroles les plus caressantes,
veu? de la supplication qu'il fit entendre pour quelles séductions manquaient?
les habitants de Sodomo? Oui, l'amour des 5, Vous savez fort bien que cette femme.
soi TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JFAN CIIRYSOSTOME.

possédée par Tamour, par un amour si vio- bêtes féroces ; on les voit, par un instinct na-
lent, n'aurait reculé devant aucune espèce turel, se réconcilier, quels que soient les maux
d'abaisstment, après avoir pris le ton d'une qu'elles aient soufferts. Je pleure, uniquement
suppliante. Elle était tellement brisée, ceMe de ce qu'ils ont pu me traiter ainsi.

femme parée d'ornements d'or, cette femm^ Imitons-le, à notre tour, et pleurons sur
d'une condition royale, qu'elle a bien pu se ceux qui nous font une injure; ne nous irri-
jeter aux pieds d'un esclave, captif dans sa tons pas contre eux ils sont réellement dignes
;

maison (lu'elle a bien pu encore le conjurer,


,
de larmes, parce qu'ils se mettent sous le coup
en pleurant, en s'attachant à ses genoux, et de la punition et du supplice. Je n'ignore pas
cela, non pa* une fois seulement, ni deux, quelles larmes vous versez maintenant, quelle
mais souvent, en renouvelant tous ses efforts. joie vous pénètre; vous admirez Paul, vous
Jdsepli pouvait voir alors surtout un œil étin- êtes, devant Joseph, en extase, vous leur
celaat; il n'est pas vraisemblable qu'elle fît sa donnez le titre de bienheureux. Mais voici ce
toilette sans y penser; elle devait, au con- qu'il faut faire s'il arrive que l'un de vous a
:

traire, mettre tons ses soins à s'embellir, en un ennemi, que celui-là y pense en ce mo-

femme qui tenait à tendre de nombreux fllets ment, qu'il y tienne sa réflexion attachée,
pour prendre l'agneau de Jésus-Christ. Ajou- qu'il profite de la ferveur dont son cœur
tez ici encore beaucoup de sortilèges et de s'embrase au souvenir des saints, pour fondre
charmes. Eh bien pourtant, cet homme iné-! l'endurcissement de la colère, pour adoucir ce
branlable, solide, insensible comme la pierre, qu'il y a, dans son âme, de farouche rigueur.

quand il vil ses frères, qui l'avaient vendu, C'est (jue je n'ignore pas non plus que quand
(jui l'avaient jeté dans une citerne, qui vous serez sortis de l'église, quand j'aurai
l'avaient livré, qui voulaient le tuer, qui cessé de parler, quelque reste de ferveur qui
avaient été la cause et de sa prison et de sa vous brûle encore, vous ne serez plus tout ce
haute fortune, quand il apprit, de leur bou- que vous êtes au moment où vous entendez
ctie, ce qu'ils avaient dit à son père : « Nous la parole. Donc c'est maintenant (|u'il faut

« dirons », rapporte TEcrilure, qu'une bête


« rompre la glace du cœur; c'est une glace en
B sauvage l'a dévoré » (Gen. xxxvu, 20), il fut réalité que_ce souvenir qui refroidit, qui en-
hrisé, il sortit, il se sentit fondre, il sentit gourdit l'âme, après une injure qu'on ne veut
son cœur se briser, ses larmes jaillissaient; l)as oublier. Mais invoquons le soleil de jus-

ne pouvant supporter son émotion, il sortit, tice demandons -lui de nous envoyer ses
;

puis il revint, violence» (Gen.


a se faisant rayons au lieu d'une dure glace, il n'y aura
;

XLiii,30), c'est-à-dire, essuyant ses larmes. plus en nous qu'une onde rafraîchiss.intc.
Comment, que fais-tu, ô Joseph? tu pleures? Une fois réchauffée au soleil de justice, notre
Mais convient-il donc de verser des larmes? âme n'aura plus en elle rien de dur, de rabo-
Ce qu'il faut ici , c'est que ta colère éclate, et teux ni de sec, rien de ce qui ne sert qu'à
ta fureur, et ton indignation, etque tu infliges brûler, sans porter aucun fruit; on n'y trou-
un châtiment que tu exiges une juste
terrible, vera plus que des fruits mûrs, doux et suaves,
réparation tu tiens tes ennemis en tes mains,
;
des sources abondantes de plaisir et de joie.
ces meurtriers de leur frère et tu peux satis- , Aimons-nous les uns les autres, ce rayon
faire ta vengeance. Et, ce faisant, tu ne com- viendra sur nous. Accordez-moi, je vous en
mettras pas une action contre la justice, ce conjure , ce qui m'est nécessaire pour que
n'est pas loi qui commences l'œuvre de la vio- mon un transport d'allégresse
discours soit :

lence, tu te venges de ceux qui ont usé de faites que j'entende dire qu'il ne vous aura
violence contre toi. Ne considère pas ta di- pas été tout à fait inutile; qu'un de vous, au
gnité, ton rang ; ce n'est pas à ces traîtres que sortir de l'église, a serré bien vite les deux
tu dois ton élévation , mais à Dieu ,
qui a su? mains de son ennemi s'est jeté à son cou, l'a
,

toi répandu ses faveurs. Qu'as-tu à sangloter? embrassé, pressé contre son cœur, l'a couvert
Jo?eph répondrait : J'ai, pour moi, l'estime de de ses caresses et de ses larmes. Serait-ce une
tous, loin de moi le malheur de tout perdre bête féroce, une pierre, tout ce (|ue vous vou-
par letle rancune vindicative en vérité, je : drez, votre bonté l'adoucira. Car enfin pour-
n'ai rien autre chose à faire, en ce moment, quoi un tel est-il votre ennemi? Parce qu'il
qu'a pleurer. Je ne suis pas plus cruel que les vous a outragé ? Mais il ne vous a fait aucun
COMMEINTAmE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE V. 205

maL Mais voilà, c'est par des considérations ajournements. Différer aujourd'hui, c'est ajou-
empruntées à que vous dédaignez ce
l'argent, ter à votre confusionhésiter demain, c'est vous
;

frère, qui est votre ennemi? Non, jamais cela, apprêter plus de honte encore ; reculer après-
je vous en conjure. Rompons tous nos lienr demain, c'est vouloir encore plus de rougeur
Nous avons l'occasion dans nos mains sa- , sur son front. Ne nous déshonorons pas nous-
chons en faire un bon usage. Coupons les cor- mêmes pardonnons ; afin qu'il nous soit par-
dages qui nous attachent au péché avant de ; donné. Si nous recevons notre pardon, nous
partir d'ici pour le jugement, jugeons-nous obtiendrons les biens du ciel, en Jésus-Christ
réciproquement nous-mêmes. « Que le so- Notre-Seigneur, à qui appartient, comme au
B leil », dit l'apôtre, « ne se couche point sur Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la
« votre colère » (Ephés. iv, 26.) Pas de délai.
. puissance, l'honneur, maintenant et toujours,
Les délais ne font qu'engendrer, à l'infini, les et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE V.

AU RESTE, MES FRÈRES, NOUS VOUS DEMANDONS, ET NOUS VOUS CONJURONS, EN NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS,
qu'après avoir APPRIS DE NOUS COMMENT VOUS DEVEZ MARCHER, POUR PLAIRE A DIEU, VOUS
AVANCIEZ DE PLUS EN PLUS. CAR VOUS SAVEZ QUELS PRÉCEPTES NOUS VOUS AVONS DONNÉS, DE LA
PART DE NOTUE-SEÎGNEUR JÉSUS-CIJUIST. CAR LA VOLONTÉ DE DIEU, C'EST VOTRE SANCTIFICATION.
(CHAP. IV, 1-3 jusqu'au VERSET 8.)

Analyse»
1. Ce n'est pasen leur propre nom, mais au nom du Seigneur que les npolres exhùrtent les fidèles. — La vertu parfaite ne con-
siste pas seuiemeut à évUer le mai^ il faut, de plus, faire le bien. De la sanclilicalioo. —
2. Contre la fornication. Combien l'adultère est détestable. — un outrage
C'est Dieu même. — Des
à espèces d'adul-
différentes
tères, surtout en ce qui concerne la conjuile des hommes.
3. 11 convient de marier les jeuups gens de bonne heure. — Contre habitudes licencieuses que contracte jeunesse. — Pré-
les la
cautions de saint Jean Chrysostome quand il parle sur l'impureté — De! pudeur la s'alarme des mots,
qui non des choses. et
t. Conir.» les spectacles lascifs, et tout ce qui porte à l'impudicité. — Contre mollesse, lâcheté, qui s'oppose à volonté,
la la la
à la correctioo des mœurs.

1 Après avoir insisté sur ce qui était urgent,


. embrassent toute la conduite de la vie. «Pour
dans le moment, il passe aux affaires éternelles, « plaire à Dieu, vous avanciez de plus en plus»;

aux vérités qu'il faut toujours entendre ; il c'est-à-dire, vous montriez une vertu plus
annonce la suite de son discours par cette ex- haute, vous ne vous renfermiez pas seulement
pression, a au reste», ce qui veut dire, et tou- dans la stricte observation des préceptes, mais
jours, et continuellement nous vous deman- vous les dépassiez, c'est là ce que veut dire,
dons, et nous vous conjurons en Notre-Sei- «vous avanciez de plus en plus ». Dans les
gneur. Eh quoi il ne se croit pas assez d'au-
! passages qui précèdent, il admire la solidité de
lorité pour conjurer les fidèles, en son propre leur foi ; ici l'apôtre veut régler leur vie. En
nom; et cependant qui avait autant d'autorité effet, c'est une marque de progrès que d'aller
([ue lui? Il s'adjoint le Cbrist. C'est au nom de jusqu'à dépasser les préceptes et les comman-
Dieu que nous vous conjurons, dit-il. Car c'est dements; car alors ce n'est plus seulement la
là le sens de cette expression : «En Notre-Sei- nécessité doctrinale, c'est le libre mouvement
agneuro.C'estainsi qu'il disailauxCorinlhiens: de la volonté qui détermine toutes les actions.
«C'est Dieu même qui vous exhorte par notre La terre ne rend pas seulement ce qu'on y a
« bouche» (II Cor. v, 20.) « Qu'après avoir ap-
. semé; il eu est de même pour l'âme qui ne
« pris de nous». Le, «Après avoir appris», ne doit pas se borner à reproduire la semence
suppose pas seulement l'instruction par les qu'on y jette, mais la dépasser. Voyez-vouf
païuic^:, mais r('nseigiiLnn.al par la œuvres. combien l'apôtre a raison ''" '"r'v" -'^
Ces mois «Comment vous devez mar'^ber».
:
206 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Il y a, pour la vertu, deux moments se dé- : « de toute fornication». Il y a bien des espèces

tourner du mal, et faire le bien. Il ne suffit de dérèglements, bien des formes, des variétés
pas de s'écarter des vices, pour arriver à la de plaisirs, que le discours se refuse à expri-
vertu; le chemin qui détourne du péché n'est mer. En disant, «de toute fornication», l'a-
que le commencement de la route qui conduit pôtre laisse le soin de comprendre, à ceux qui
au bien; il faut, pour parvenir, l'ardeur de la connaissent ces désordres. «Que chacun de
bonne volonté. La conduite, en ce qui concaxne a vous sache maintenir son vase dans la sanc-
les vices à éviter, n'est, leur dit l'apôtre, que « tification et dans l'honneur, et non point en
l'obéissance aux préceptes, et il a raison, car « suivant les mouvements de la concupiscence,

les mauvaises actions attirent les châtiments, comme les païens qui ne connaissent point
mais on ne mérite pas d'être loué, parce que « Dieu (4, 5)». —
«Que chacun de vous sache»,
l'on n'eu commet pas. Quant à la pratique de dit-il, «maintenir son vase». C'est qu'en effet

la vertu, comme ne se rien réserver de ses c'est une œuvre qui suppose un grand savoir,

biens, toutes les œuvres de ce genre ne sont que d'éviter le libertinage. Donc, nous main-
plus seulement, dit-il, des actions déterminées tenons notre vase, quand il reste pur et dans
par les préceptes; mais de ces œuvres l'Ecri- la sanctification mais quand il est impur, c'est
;

ture dit « Qui peut comprendre ceci, le com-


: que le péché le tient naturellement. Car ce
o prenne » (Matth. xix,
. 12.) Il y adonc apparence n'est plus notre volonté que le corps accomplit,
que donné, dans le
l'apôtre, après leur avoir mais ce que le péché lui commande. «Non
temps, quelques préceptes avec beaucoup de « point en suivant les mouvements de la con-

circonspection et de tremblement, se propose, « cupiscence » , dit-il. Ici l'apôtre montre le

dans cette lettre, de rappeler à leur souvenir moyen de pratiquer la tempérance, les mou-
ce qui constitue la vraie piété. Voilà pourquoi vements de la concupiscence doivent être re-
il ne fait une exposition des préceptes;
pas ici tranchés. C'est l'amour des plaisirs, la passion
il se contente de les leur rappeler. «Car vous des richesses, l'indolence de l'âme, son inertie,
«savez», dit-il, a quels préceptes nous vous ce sont tous les vices de ce genre qui nous
avons donnés, de de Notre-Seigneur
la part portent à-la concupiscence et aux dérègle-
Jésus-Christ. Car la volonté de Dieu, c'est ments. «Comme les païens qui ne connaissent
a votre sanctification ». Et, remarquez, il n'est « point Dieu » . Si telles sont leurs mœurs, c'est

pas de pensée, dans toutes ses lettres, qu'il qu'ils ne s'attendent pas à voir le jour de l'ex-
insinue d'une manière aussi pressante que piation. «Que nul ne franchisse ses limites, ni
celle-ci : ailleurs encore, il écrit : « Recher- B n'augmente sa part, en cette affaire, aux dé-

chez la paix avec tous , et la sanctification « pens de son frère (6) ».

o sans laquelle nul ne verra le Seigneuro. 2. L'apôtre a bien raison de dire: «Que nul
(Ilébr. XII, l-i.) Il n'est pas étonnant que toutes a ne franchisse ses limites ». Dieu affecte, à

ses lettres à fes disciples expriment cette pen- chaque homme, une femme au plus; il fixe
sée, puisqu'à Timolhéc même il écrit : «Con- des limites naturelles; ce commerce n'admet
servez-vous pur vous-même». (I Tim. v, 22.) qu'une seule femme. Le commerce avec une
Dans aux Corinthiens, il di-
sa seconde épîlre seconde est en dehors des limites, il y a vol,
sait : «Dans de la patience, dans les
l'excès la part est démesurée. Disons mieux il y a là ,

jeûnes, dans la pureté» (Il Cor. vi, 5, C.) Par-


. un crime plus détestable que toute espèce de
tout on trouvera cette pensée , et dans l'épîlre brigandage. Car nous éprouvons moins de
aux Romains, et dans toutes les autres. douleur, quand on nous vole notre argent, ou
C'est qu'en efi'ct l'impureté est, pour tous, notre or, que quand on brise le coffre-fort du
un mal pernicieux le porc, couvert de fange,
; bien conjugal. Vous appelez un homme votre
répand l'infection partout sur son chemin, on frère, et vous augmentez votre part à ses dé-
ne voit plus, on ne sent plus que le fumier; pens, et contre toute justice? Ici, c'est de l'a-

c'est l'image de la fornication ; il est difficile dultère qu'il parle; plus haut, il avait en vue
de se laver de cette souillure. Quand il arrive toute espèce de fornication. Au moment de
que des hommes, des hommes mariés se li- dire, qu'on ne doit pas franchir ses limites,
vrent à cette honte, quel excès dans le mal! qu'on ne doit pas augmenter sa part aux dé-
a Car lii volonté de Dieu », dit-il, «c'est votre pens de son frère, l'apôtre prévient une res-
• sanctincation ; c'est que vous vous absteniez triction; n'allez pas croiffi. dit-il, que je ne
,

dÔMiMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE V. 20"^

pense qu'aux égards que vous devez à vos tandis que vous ne pouvez dire que Dieu ne
il vous est également défendu de pos-
frères, vous voit pas.
séder les femmes des autres, et les femmes qui Répondez-moi supposez un homme décoré
:

se trouvent non mariées, défendu d'avoir des de la pourpre par l'empereur, comblé d'hon-
femmes en commun. Toute espèce de fornica- neurs par son souverain, un homme à qui sa
tion est interdite; aussi ajoute-t-il ; o Parce dignité fait un devoir de mener une vie qui
que le Seigneur vengeur de tous ces
est le convienne à son rang, et cet homme s'en irait
a péchés ». 11 leur a d'abord adressé une prière, déshonorer une femme; qui aurait-il outragé?
il les a touchés par le sentiment de l'honneur, Cette femme ou l'empereur qui l'a fait ce qu'il
en disant : « Comme les païens» il entreprend
;
est? Sans doute celte femme aussi est outra-
ensuite de démontrer tout ce qu'il y a là de gée, mais quelle différence entre les outrages I
dérèglement; c'est ce à quoi tend l'expression: Aussi, je vous en conjure, gardons-nous de
a Ni n'augmente sa part, aux dépens de son ces dérèglements. Nous punissons l'épouse qui
frère». 11 ne reste plus qu'à dire le plus im- habite avec nous et se livre à d'autres qu'à
portant, c'est ce que fait l'apôtre de cette ma- nous; de même sommes-nous punis, nous
nière «Parce que le Seigneur est le vengeur
: aussi, non par les lois de Rome, mais par celles
« de tous ces péchés, comme nous vous l'avons de Dieu. Car la débauche est un adultère. Il n'y
a déjà déclaré et attesté». En effet, nous ne a pas adultère seulement dans le cas d'une
commettrons pas impunément de pareilles femme mariée, mais lorsque l'homme impu-
actions les plaisirs que nous goûterons ne
, di(iue est soumis au lien conjugal. Faites bien
compenseront pas les châtiments qui nous attention à mes paroles : que mon
je sais bien
attendent. « Car Dieu ne nous a pas appelés discours est pénible à entendre pour le grand

a pour être impurs, mais pour être saints (7)». nombre, mais il est nécessaire pour que vous
Après avoir dit : a Aux dépens de son frère » vous corrigiez. Ce qui constitue l'adultère, ce
ilajoute que le Seigneur punit ces outrages; n'est pas seulement l'outrage que nous faisons
pour montrer que, quoique la personne lésée à une femme mariée, mais quand nous nous
Dieu punit l'impudicité, il ajoute,
soit infidèle, adressons à une femme libre de tout engage-
déplus, cette dernière raison qui revient à ment, et que nous sommes nous-mêmes liés à
ceci Ce n'est pas pour venger l'infidèle, que
: une femme, nous commettons un adultère.
Dieu vous punira, mais parce que c'est lui- Pourquoi, puisque la femme impudique n'est
même que vous avez outragé; c'est lui qui pas enchaînée ? Mais vous êtes enchaîné, vous:
vous a appelé, et vous avez outragé ce Dieu vous avez Irangressé la loi ; vous avez outragé
qui vous appelle. Voilà pourquoi l'apôtre con- votre propre chair. Car pourquoi répondez- ,

tinue ainsi Donc


: a l'outrage n'est pas un moi, punissez-vous la femme, dans le cas même
a outrage à un homme, mais au Dieu qui nous où elle se livre à l'impudicité avec un homme
a a donné son Saint - Esprit (8) ». Par con- hbre de tout engagement, non marié? C'est
dit-il, une
séquent, soit que vous corrompiez, qu'il y a adultère. Cependant, l'homme impu-
que vous outragiez votre servante
reine, soit dique n'a pas de femme, mais c'est que la
mariée, le crime est égal. Pourquoi? parce femme est enchaînée à un mari. Eh bien, vous,
qu'il ne venge pas les personnes qui ont été de votre côté, vous êtes enchaîné à une femme.
outragées, c'est lui-même qu'il venge; quant De sorte que votre fait est également un adul-
à vous, vous vous êtes également souillé, vous tère, a Quiconque aura», dit le Seigneur,
avez également outragé Dieu. Car, des deux « renvojé sa femme, si ce n'est en cas d'im-
côtés, il y a adultère, puisque, des deux côtés, il « pureté, la rend adultère; et qui épouse la
yamariage.Dans le cas même oùvousnecom- «femme renvoyée, est adultère». (Matth. v,
mettriez pas d'adultère, quand vous vous livrez 32.) Si l'homme qui épouse la femme renvoyée

à la débauche, quoique la courlifane n'ait pas est adultère, n'est-il pas vrai que l'homme
de mari, peu importe, Dieu exerce également marié, qui se livre à une courtisane, est bien
la vengeance, parce qu'il se venge lui-même. plus adultère encore? Voilà, certes, une vérité
Car vous montrez moins de mépris pour la évidente pour tout le monde.
personne outragée que pour Dieu. Ce qui le Que ces paroles vous suffisent, ô hommes :
prouve, c'est que, dans tes nioments-hi, vous car c'est pour de pareils dérèglements que le
VOUS cachez de l'homme que vous offensez, Christ dit ; « Leur ver ue mourra point, leur
208 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

fou ne s'éteindra point ». (Marc, ix, 45.) Mais regards avides, et voilà pourquoi mil ne s'ap-
maintenanl il est nécessaire de vous parler, plique à faire ce que je conseille ici. Je vous
dans l'intérêt des jeunes gens; ou plutôt ce en prie, avant tout, réglez vos enfants. Le jour
n'est pas tant dans leur intérêt que dans le où votre fils s'approchera d'une jeune fille
vôtre car ce n'est pas à eux, c'est à vous que
;
chaste, rien qu'à sa vue, il se sentira possédé
conviennent de pareils discours; comment d'un vif désir, d'une crainte de Dieu plus
cela? Je m'explique celui qui n'a pas ï.ppris
:
grande ; il y aura un vrai mariage, un ma-
à commettre l'adultère ne commet pas l'adul- riage honorable, noble, l'union de corps purf
tère mais celui qui se vautre avec des courti-
;
que rien n'a souillés les enfants qui en sorti-
;

sanes, arrive bientôt à commettre l'adultère, ront seront comblés de toute espèce de béné-
commerce avec des
quoiqu'il n'ait pas eu de dictions l'époux et l'épouse n'auront l'un pour
;

femmes mariées, quoiqu'il n'ait pris d'infâ- l'autre que déférence ignorant des mœurs ;

mes habitudes qu'avec des femmes libres de étrangères, ils ne connaîtront réciproquement
tout engagement. qu'eux - mêmes pour se céder tout l'un à
3. Quel est donc le conseil que je vous l'autre.

donne? C'est d'extirper les racines du mal; Mais quand un jeune homme commence à
et,dans cette pensée, vous tous dont les fds prendre des leçons d'impudicilé auprès des
sont des jeunes gens cl qui voulez les lancer courtisanes, quand les désordres d'une vie
dans le monde, hàtez-vous de les soumettre honteuse sont devenus pour lui une habitude,
au lien conjugal. La jeunesse est l'âge des le premier soir, le second soir encore il ap-

passions (jui troublent; à l'époque qui pré- précie sa jeune épouse, mais bientôt il retombe
cède le mariage ,
relenez vos fils par vos dans l'infamie, il lui faut les éclats d'un rire
exhortations, vos menaces, des paroles qui dissolu et sans frein, les paroles que rien n'ar-
inspirent la crainte, qui rappellent les pro- rête, les altitudes lascives, toute l'ignominie
messes, i)ar les mille moyens dont vous dis- que notre discours ne veut pas exprimer. La
posez. A l'époque du mariagCj maintenant, noble épouse ne supporte pas celte honte, elle
pas de délai (voyez, je parle comme les fem- ne se laisse pas profaner. Car si elle a été
mes qui font les mariages), mariez vos enfants. fiancée a" un homme
c'est pour vivre en ,

Je ne rougis pas de tenir un pareil langage, société avec lui pour lui donner des
, c'est

puisque Paul n'a pas rougi de dire : « Ne vous enfants ce n'est pas pour être le honteux
,

« refusez point l'un à l'autre ce devoir » objet qui provoque des rires infâmes elle ;

(1 Cor. pensée qui semble, pour la pu-


VII, S), doit être la gardienne de sa maison, elle doit
deur, bien plus embarrassante que ce que je le former lui-même à l'honnêteté, elle n'est
dis; mais Paul n'a pas rougi. C'est que sa pas f.iile pour lui fournir un aliment de dé-

pensée ne s'arrêtait pas aux expressions, mais bauche. Quant à vous, je le sais bien, vous
se portait sur lesbonnes œuvres résultant des trouvez pleins de charmes les gestes des
expressions employées par lui. courtisanes l'Ecriture aussi nous apprend
;

Donc, une fois votre fils devenu grand, que a le miel coule des lèvres de la courti-
avant de le faire entrer dans la milice, dans a sane » (Prov. v, 3) ; et si je fais tant d'efforts,

toute autre profession, occupez-vous de son c'estpour que vous ne goûtiez pas à ce miel
mariage. S'il s'aperçoit que vous ne perdez qui se change bien vite en amertume. C'est
pas detemps pour lui trouver une épouse, si encore ce que dit l'Ecriture « Qui semble :

vous ne le faites pas attendre, il pourra triom- « dans le moment verfCr un doux breuvage

pher du feu qui le brûle mais s'il remanjuc ; a dans votre gosier, mais bientôt, vous trouvez

votre nonchalance, vos lenteurs, les occasions « un goût plus amer que le fiel, qui vous pé-

manquées par vous, s'il comprend que vous a nètre plus que la pointe d'une épée à deux

tenez, avant de le marier, à ce qu'il ait de a tranchants ». (Ibid. A.)

grands revenus, la longueur de l'attente lui Que dites-vous? que vous supportiez
Il faut
fera perdre courage, et vous le verrez vite même l'immodestie pour ainsi dire, de ma

glisser dans le libertinage. Hélas, hélas la 1 parole, qui brave en ce moment la réserve et
racine de tous les maux, ici encore, c'est l'ava- la pudeur. Ce n'est pas de gaîté de cœur que

rice. Nul ne se soucie de la modestie, de la je liens ce langage ceux qui ont, dans leur
;

6.'.^'csse de son enfant, tous jellent sur l'or dos conduite, dépouillé toute pudeur, me forcent
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE V. 209

à parler. Nous voyons, dans l'Ecriture, un bourreau femme qui n'a fait qu'un
; et cette
grand nombre d'exemples qui me soutiennent. oorps avec vous la pressez dans vos bras,
lui,

Ezécliiel, dans les reproches qu'il adresse à vous la couvrez de vos baisers, et cela sans
Jérusalem, emploie un grand nombre d'ex- frissonner d'horreur ? sans honte ? sans re-
pressions dont il ne rougit pas, et il a raison ; mords? sans crainte?
il no parle pas pour son plaisir, mais par in- Je viens de dire à vos pères qu'ils doivent
térêt pour ceux qui l'inquiètent. Quand ses s'occuper promptement de vous marier mais ;

expressions paraîtraient honteuses, ce n'est vous n'en êtes pas moins, vous, exposés à tous
certes pas un but honteux qu'il poursuit, au les châtiments. S'il n'y avait pas un grand
contraire, la pensée la plus honnête l'inspire, nombre d'autres jeunes gens plus sages que
il veut purifier les âmes ; il faut faire enten- vous ,des jeunes gens qui vivent dans la
dre les expressions mômes des choses, pour chasteté s'il, ne s'en était pas montré un
que l'âme qui pudeur puisse re-
n'a plus de grand nombre, et autrefois, et aujourd'hui
trouver ce qu'elle a perdu. Quand le médecin encore, peut-être auriez-vous quelque excuse:
veut faire sortir du corps l'humeur qui le cor- mais s'ils existent, quel moyen aurez-vous de
rompt, il commence par mettre les doigts sur le prétendre que vous n'avez pas pu éteindre en
siège du mal ; la main qui cherche la guérison vous la flamme de la concupiscence? Ceux
doit commencer par se souiller, pour que la qui ont eu ce pouvoir vous condamnent, parce
guérison soit possible. C'est ce que je fais en qu'ils ne sont pas d'une autre nature que
ce moment si je ne commence pas par souiller
: vous. Ecoutez ce que dit Paul « Recherchez
:

ma bouche qui cherche à guérir votre mal, je a la paix et la sanctification sans laquelle nul
ne pourrai pas vous guérir. Je me trompe, ni « ne verra le Seigneur ». (Hébr. xii, 14.) Ces
ma bouche ne se souille, ni les mains du mé- menaces ne suffisent-elles pas pour vous rem-
decin ne sont des mains souillées. Pourquoi? plir de terreur ? Vous voyez d'autres hommes,
C'est que l'impureté n'est pas dans notre na- toujours chastes, toujours dignes de tous les
ture, dans notre corps, de même que l'impu- respects, et vous, vous ne pouvez même pas
reté ne sort pas des mains du médecin, mais rester pur pendant votre jeunesse? Vous voyez
d'ailleurs. Eh bien, si, pour sauver un corps d'autres hommes qui ont des milliers de fois
étranger, le médecin ne refuse pas de plonger triomphé du plaisir, et vous ne combattrez
ses mains dans la pourriture, quand il s'agit de pas le plaisir une seule fois? Voulez-vous que
sauver notre propre corps, répondez-moi je vous donne l'explication de cette conduite ?
pourrons-nous refuser? Car vous êtes notre Ce n'est pas la jeunesse qu'il faut accuser, car,
propre corps, ô vous à qui je m'adresse, corps à ce titre, tous les jeunes gens devraient être
malade et souillé, et pourtant notre corps. dissolus c'est nous-mêmes qui nous jetons
;

4. Eh bien, qu'ai-je voulu vous dire, et à dans lebûcher ardent.


quoi tend toute cette exhortation? Voici ce Quand vous allez au théâtre, quand vous y
que je dis le vêtement que porte votre es-
: prenez place, pour assouvir vos regards de la
clave, vous ne voudriez pas le porter, ce vête- nudité des femmes, vous goûtez un moment
ment immonde vous dégoûte, vous aimeriez de plaisir, et vous revenez dévoré parla fièvre.
mieux être nu que de vous en servir mais ; Quand vous voyez des femmes qui posent
voilà un corps souillé, immonde, etce n'est pas pour montrer leurs formes, quand les yeux et
seulement à votre esclave qu'il sert, mais à les oreilles ne sont frappés que d'infâmes
des milhers d'autres, et vous vous en servirez, amours, une telle, dit l'un, aimait un tel et ne
et vous ne serez pas dégoûté ? Vous rougissez l'a pas obtenu, elle s'est pendue, ajoutez à cela

d'entendre ces paroles? Ah I rougissez donc les affreux commerces où des mères se perdent
des actions, et non des paroles. Je passe toutes avec leurs enfants quand vous entendez ces
;

les autres infamies, les mœurs perverties, in- choses, que des femmes, que des gestes abo-
fâmes, la dégradation d'une existence servile, minables, et ce n'est pas tout, que des vieil-
abominable pour un être libre. Vous appro- lards vous enseignent (des vieillards, des hom-
chez de la même femme, vous et votre esclave ;
mes semettent des masques et jouent des
et encore, s'il n'y avait avec vous que votre rôles de femmes), je vous le demande, répon-
serviteur, mais il y a aussi le bourreau. Vous dez-moi, que devient désormais votre chasteté,
lie supporteriez pas le contact des mains du avec de pareils entretiens, de pareils specta-
S. J. Cu. — Tome XI. 14
210 TRADUCTION FRAxN'ÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOIIE.

clés, de pareils bourdoiuienients autour lie continence, nous n'avons qu'à le vouloir;
voire âme, de pareils fon^'os qui occupenl en- nous n'avons qu'à nous détourner de ce qui
suite vos nuits ? Lame naturellement se repré- nous perd à vrai dire, il n'est pas facile de
;

sente surtout alors ce qui a charmé pendant fuir l'impureté, si nous ne voulons pas la
le jour ses désirs et ses goûts. Donc, quand fuir.

vous voyez là des choses honteuses, quand Qu'y de plus facile que de se rendre
a-t-il
vous entendez des discours plus honteux en- à pied sur la place publique? mais grâce à
core, quand vous recevez tant de blessures, notre insigne mollesse, voilà qui est devenu
quand vous n'\ appliquez pas de remèdes, chose difficile, non pour les femmes seule-
quel moyen que la corruption ne s'étende ment, mais, à l'heure où je vous parle, même
pas? Quel moyen (|ue la maladie n'empire pour les hommes. Qu'y a-t-il de plusfacileque
pas, et cela bien plus vite que pour les plaies de dormir? Or, voilà ce que nous avons trouvé
qui aflligent nos corps? Si nous voulions, bien moyen de rendre encore difficile. Grand nom-
plus facile que la guérison du coips serait bre de riches se tournent et retournent inuti-
celle de notre volonté malade. Car, jiour le lement toute la nuit, parce qu'ils ne savent
coips, il faut et des remèdes, et des médecins, |)as attendre, pour dormir, qu'ils aient besoin

et du temps; pour l'àme, la volonté suffit, et de dormir. Enfin, il n'y a rien de difficile,
aussitôt elle est bonne ou mauvaise. Cir c'est quand ou veut, de même qu'il n'y a rien
de la volonté qu'est venue la malade. Quand de facile, quand ou ne veut pas; car tout
nous nous plaisons à accumuler sur nous ce dépend de nous. Voilà pourquoi l'Ecriture dit
qui nous perd, quaud nous ne tenons aucun encore a Si vous voulez m'écouter », et en-
:

compte de ce qui nous est salutaire, d'où peut core « Si vous ne voulez pas m'écouter».
:

nous venir la santé? Voila poui'quoi Paul di- (Is, I, 19.) Donc, tout se réduit à vouloir, à

sait « Comme les païens, qui ne connaisrsent


: ne pas vouloir. Voilà ce qui fait que nous
point Dieu ». Soyons dune saisis cl de honte sonmies châtiés, que nous sommes loués.
et de crainte à voir que les païens, qui ne Puissions-nous être du nombre de ceux qui
connaissent point Dieu, pratiquent souvent la sont loues, et obtenir les biens que nous an-
chasteté, la continence soyons confus d'èlre ; noncent les promesses, par la grâce et par la
pires qu'eux. 11 uous est facile de pratiquer la bonté etc.

HOMELIE VI.

QUANT A CE QUI RRCARDE LA CHABITÉ FRATERNELLE, ^0l'S n'aVONS PAS BESOIN DE VOUS ÉCRIRE SDR
CE SUJET, PLIStlLE IHEU VOUS A APPUIS LII-MÈME A VOLS AIMER LES UNS LES AUTRES; ET, VRAI-
UENT, c'est ce QLE VOUS PRATIQUEZ A L'ÉGARD DE TOUS NOS FRÈRES, QUI SONT DANS TOUTE LA
MACÉDOINE. (IV, 'Jll.)

Analyse.
1. De la nécessité de la cliarilé. — Conlre l'cisivclé. — Celui— vaut mieux donner que
qui Iravsi!!", Hnnno ^\\x .Tit-e^ Il

recevoir. — Le travail, rcmèJe à la pauvrctt! ; la foi en la ré^'uriccliuri, lenièJe à la irislesse.

2. Contre désespoir où
le devant mort, ceux qui croient en
se laissent aller, résurrection. — Spécialement contre
la dou- la la

leur esagérée des veuves. — Sur veuves inconsolables convolant


les de secondes noces. i

3. La longue dans premiers temps du monde,


vie, les récompense de des patriarches. — Longue
était la d'Abraham la Toi vie
el de Sara. — Ne pas D.eu y de
irriter prudence ; il a par-dessus
la — Explication de fermeté de Job. —
à l'aimer tout. la

Quand Uieu nous combla de sont absolument


ses bienfaits, nullement mérités par nuus.
ils gra'.uil^,

4. Devoir des veuves, élever leurs — Bonheur duenfants. coursiers, haut, sont nuages. — Gloire des
cici ; les là les élns.

Pourquoi, après des discours si prcssanis


1. pnui(|iioi ne qu'en passant du prln-
parle-t-il

sur modestie et la sagesse, au moment de


la cipi; do tous de la charité ? a Nous
les biuiis,

de leur [larler des œuvres à accomplir, au nio- a n'avons pas besoin», dit-il, a de vous écrire»,
ment de leur prouver qu'il ne faut pas s'affli- Il y a là une grande prouve d'iatulligence et
(jcr du dcjiurt de ceux qui qous sont chers, d'hubiioté dans rcii;cipuCincnl ïpirilui;!. ii
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE VL 211

fiit ici deux choses : il montre quela charité est nant, voyez la sagesse de l'apôtre ; au moment
tellement nécessaire, qu'elle n'a pas même be- d'adresser aux fidèles une prière, des avertis-
soin d'être enseignée, car les vérités d'une sements, il s'arrête, il établit simplement la
grande importance éclatent aux yeux de tous; règle de la vertu parfaite ; il veut laisser aux
ensuite il les touche plus vivement en leur fidèles un moment pour rcsj)i;cr, après ses
parlant ainsi, que s'il leur adressait un 3 exhor- premiers avertissements il veut qu'ils puis- ;

tation. Celui qui, par la considération que sent se remettre de ses menaces. On l'a en-
vous avez fait votre devoir, se dispense de vous tendu dire « Donc l'outrage n'est pas un ou-
:

exhorter, supposé que vous ne l'ayez pas rem- a trage à un homme, mais à Dieu ». Une raison

pli, vous excite pins fortement à l'accomplir. si forte ne souffre pas qu'on regimbe contre le

Et maintenant, voyez, il ne parle pas de la précepte. Or, maintenant, l'effet du travail c'est
charité envers tous, mais de la charité envers que l'homme actif ni ne reçoit rien des autres,
ses frères. « Nous n'avons pas besoin de vous ni ne languit dans l'oisiveté. Celui qui tra-
« écrire ». Il fallait donc se taire, ne rien dire, vaille, donne aux autres « C'est un plus grand :

Iiui<(]u'il n'en était pas besoin. Mais, en disant :


a bonheur», est-il dit, « de donner que de re-
11 n'est pas besoin, dit plus que s'il faisait un
il « cevoir ». (Act. xx, 33.)
discours en règle Puisque Dieu vous a ap-
: « « A travailler », dit-il, « de vos propres
« pris lui-même ». Voyez quel honneur il leur a mains » où sont ceux qui veulent voir ici
;

fait il leur donne Dieu lui-même pour maître.


: une œuvre spirituelle? Comprenez-vous com-
Iln'est pas nécessaire, dit-il, qu'un homme vous ment le texte enlève à cette explication toute
instruise. C'est ce que dit encore le Prophète : vraisemblance, par ces mots « De vos propres :

a Dieu leur apprendra à tous». «Puisque — a mains ? » Est-ce qu'on jeûne avec les mains?

a Dieu vous a appris lui-même », dit-il, « à Est-ce qu'elles servent à veiller, à coucher sur
« vous aimer les uns les autres, et, vraiment, la dure ? Nul ne peut le soutenir. Mais il parle
« c'est ce que vous pratiquez à l'égard de tous d'un travail spirituel c'est en effet une œuvre;

a nos frères, qui sont dans toute la Macédoine », spirituelle que de travailler pour fournir aux
et à l'égard de tous les autres, dit-il. Ce sont besoins des autres, et rien ne vaut ce travail.
là des paroles tout à fait pressantes, pour les «Afin que vous vous conduisiez honnêtement».
porter à celte conduite. Ce n'est pas sans y Voyez sa manière de les toucher: il ne dit
penser que je vous dis que Dieu vous a ins- pas De peur que vous ne vous déshonoriez
:

truits lui-même; je le vois bien, aux œuvres en mendiant, mais il exprime implicitement
que vous faites; et, à l'appui de ces paroles, il cette pensée, d'une manière douce, de manière
cite un grand nombre de témoignages. à piquer sans être blessant. Car, si les fidèles

Nous vous exhortons, mes frères, à vous qui sont avec nous, se scandalisent de celte
a avancer de plus en plus dans cet amour, à mendicité, à plus forte raison les étrangers
a vous étudier, à vivre en repos, à vous appli- trouvent-ils mille sujets d'accusalionsetde re-
a quer chacun à ce que vous avez à faire, à proches à la vue d'un homme sain de corps,
,

a travailler de vos propres mains, ainsi que pouvant se suffire à lui-même, et qui mendie,
« nous vous l'avons ordonné, afin que vous et qui a besoin des autres. Aussi nous appel-

vous conduisiez honnêtement envers ceux qui lent-ils d'un nom qui signifie a marchands du
« sont hors de l'Eglise, et que vous vous mettiez « Christ. Voilà comment », dit-il ailleurs, « le

a en état de n'avoir besoin de personne ». 11 a nomde Dieu est blasphémé ». (Rom. 11, 24.)
leur montre ici combien de maux résultent de Mais rien de pareil. Il leur parle de ce qui
ici,

l'oisiveté; de combien de vertus le travail est pouvait le plus les toucher de la honte d'une
la source. Vérité qu'il met hors de contesta- pareille conduite. « Or, nous ne voulons pas,
tion, par des exemples pris des choses qui « mes frères, que vous ignoriez ce que vous
nous entourent, comme il le dans un
fait « devez savoir touchant ceux qui dorment
,

grand nonibre de passages ;l'apôtre a grande a du sommeil de la mort, afin que vous ne
raison de procéder ainsi : car, pour le commun « vous attristiez pas, comme font les autres
des hommes, les choses sensibles sont plus a hommes (|ui n'ont point d'espérance (12) ».
éloquentes que les choses spirituelles. Le pro- 2. Les deux plus grandes causes des trou-
pre de la charité envers le procha'n, ce n'est bles de leurs pensées, c'étaient la pauvreté, et
pas de recevoir, mais de donner. El mainte- uu chagrin porté au découragement, raisons

1
212 TRAnUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

de irouble aussi pour le reste des lionnnes. qu'à ceux qui n'ont pas d'espérance. Ecoutez,
Voyez coninienl s'y ]irciul ra]iôlre, pour liué- ô femmes vous toutes qui aimez les gémisse-
;

rir ces blessures. La pauvreté leur venait de ments, vous toutes qui vous livrez au deuil
ce qu'on leur avait enlevé leurs biens; or, s'il outre mesure, vous faites ce que font les gen-
donne ceux qui se sont vu ravir leurs biens
à tils. Si le deuil, au moment du départ de ceux
à cause du Christ, le conseil de gagner leur qui ne sont plus, est le propre des gentils, que
vie par le travail, à plus forte raison le donne-t- dirons-nous de ceux qui se frappent la poitrine,

jl aux autres hommes. Ou leur avait enlevé qui se déchirent les joues? Quel nom leur
leurs biens c'est ce qui résulte de ces paro-
; donner, répondez-moi ? D'où viennent vos la-
les : « Vous
êtes devenus les imitateurs des mentations, si vous croyez que le mort ressus-
n Eglises de Dieu, qui ont embrassé la foi citera, si vous croyez qu'il n'est pas mort, si
« de Jésus-Ciirist, dans la Judée n. (1 Thess. ii, vous croyez qu'il n'y a là qu'un assoupisse-
a.) Comment cela? c'est qu'en écrivant à ces ment et un sommeil? Mais, me répond-on, les
Eglises, il leur disait « Vous avez vu avec
: habitur'cs si cruellement changées, un appui
fljoic tous vos biens pillés». (Hébr. x, 34.) que l'on perd, un surveillant, un protecteur,
Maintenant, dan? le passage qui nous occupe, tant de services précieux ravis à la fois ! Quand
il parlede la résurrection. Quoi donc? n'avait- >ous perdez un fils, avant l'âge, incapable jus-
il pas déjà discouru avec eux sur ce sujet? qu'à ce jour de rien faire pour vous, pour-
sans doute; mais il insinue ici un autre mys- quoi vos lamentations, pourquoi vos regrets?
lère. Quel esl-ii? C'est que «nous, qui som- C'est, dit-on, qu'il montrait de belles espé-
« mes vivants et qui sommes réservés, » dit-il, rances, et je croyais qu'il prendrait soin de
« pour l'avènement du Seigneur, nous ne moi. Et voilà pourquoi je regrette mon mari ;

«préviendrons point ceux (jui sont dans le pourquoi, mon fils; pourquoi je me frappe la
« sommeil de la mort (II) ». La résurrection poitrine; pourquoi je gémis; je crois en la
suffit pour consoler celui que tourmente la résurrection, mais je suis abandonnée, sans
douleur; il suffit aussi de ce qu'il dit en ce secours j'ai perdu mon protecteur, celui qui
;

moment pour confirmer la foi en la résurrec- habitaitTivec moi, dont la vie était liée à la
tion. Reprenons donc, et disons comme lui : mienne, celui qui me consolait; de là mon
« Or, nous ne voulons pas, mes frères, (jue deuil; je sais bien qu'il ressuscitera, mais je
« vous ignoriez ce que vous devez savoir, tou- ne puis, en attendant, supporter la sépara-
chant ceux qui dorment du sommeil delà tion une multitude d'affaires tourbillonnent
;

«mort, afin que vous ne vous attristiez pas, sur moi; je suis exposée à tous ceux qui veu-
comme font les autres hommes, qui n'ont lent me nuire; mes serviteurs, quimecrai-
« point d'espérance». Voyez ici quelle douceur gnaient auparavant, aujourd'hui me méprisent
de langage; il ne leur dit pas : Eles-vous assez et m'insultent celui que mon époux a bien
;

privés de raison, comme aux Calâtes (Galat, traité, a oublié aujourd'liui ses bienfaits; mais
III, 3), assez insensés, vous, qui connaissez la celui qui a souffert de lui quelque rigueur,
résurrection, pour succomber à la douleur garde rancune à l'homme qui n'est plus, et
comme les incrédules? H leur dit, avec une tourne contre moi sa colère. C'est ce qui fait
parfaite douceur : «Je ne veux pas » ; mon- que je ne supporte pas mon veuvage, que
trant d'ailleurs qu'il respecte leur vertu. Et il mon deuil ne saurait être paisible, et voilà
ne dit touchant ceux qui sont morts,
pas, pourquoi je me frappe la poitrine, voilà
mais, dès ses premières paroles, il posele fon- pourquoi je me lamente.
dement de la consolation. Comment donc nous y prendre pour conso-
Se frapper la poitrine, au trépas de ceux qui ler ces femmes? Que leur dire? Comment
ne sont plus, ce n'est pas là, assurément, une bannir, loin d'elles, le chagrin? D'abord, j'es-
conduite digne de ceux qui es])èrenl; sans saierai de leur jirouver que ce ne sont pas là
doute l'âme qui ne sait rien de la résurrec- des paroles qui expriment la douleur, que
lion, qui prend cette mort pour une moi l, a c'est le langage de tout ce qu'il y a, en réalité,
raison de gén^ir, de se lamenter sur ceux qui do i)lus déraisonnable dans la passion. En ef-
ont péri, de se livrer à une insupportable dou- fet, si vous avez de la douleur pour ce que
leur; mais toi qui attends la résurrection, vous dites, il faudrait plonrcr ioi^joiirs celui
pourquoi le lamcntcî-tu ? Ledeuil ne convient qui est parti; si, au contraire, au bout d'un
COMMENTAIRE SUR LA T" EPITRE AUX THESSALOiNICIENS. — HOMELIE VI. 213

an, TOUS l'avez aussi bien oublié que s'il n'a- sentiras jamais leveuvage je dis plus, sup- ;

vait jamais existé, ce qui vous fait pleurer, ce posé que tu sois veuve, tu ne sentiras pas ton
n'est pas celui qui n'est plus, ni sa tutelle que état. Pourquoi? c'est que tu as pour défenseur
vous avez perdue mais c'est la séparation qui
; un ami plus tendre, un protecteur immortel.
vous est insupportable ; et vous ne pouvez Si tu aimes Dieu plus que tout, ne pleure pas
;

vous résigner à voir vos relations rompues. car celui que tu aimes plus que tout, est im-
— Eh bien que diront celles qui convolent à
! mortel, et il ne permet pas que lu sois sensi-
de secondes noces? assurément ce n'est pas le ble à la perte du moins aimé. Un exemple
premier mariage qu'elles regrettent; mais vous prouvera cette vérité répondez-moi, ;

laissons-les, ne nous adressons qu'à celles dont vous avez un mari, qui fait tout au gré de vos
la douleur est fidèle à ceux qui ne sont plus. désirs la considération l'entoure
; il répand ;

Pourquoi pleurez-vous votre enfant? Pour- la gloire tout autour de vous il chasse loin de ;

quoi pleurez-vous votre mari? C'est que je vous tous les mépris c'est un homme fameux
;

n'ai pas joui de l'un c'est que je m'atten-


; auprès de tous, plein de sagesse, d'habileté,
dais à jouir de l'autre plus longtemps. Je d'amour pour vous; vous êtes heureuse par
vous le demande, quelle manque de foi que lui; vous donne un fils, et ce fils, avant
il

de penser qu'un mari, qu'un enfant puisse est-cequevous sentirez le deuil?


l'âge, s'en va;
vous assurer un bonheur qui ne vous se- nullement. Celui qui est plus aimé, rend la
rait pas assuré par Dieu ? Comment ne voyez- perte moins sensible. Eh bien, maintenant,
vous pas que c'est Dieu que vous irritez? Si le si vous avez plus d'amour pour Dieu que pour
Seigneur vous prend ces objets de votre ten- votre mari, Dieu ne vous l'enlèvera pas aussi
dresse, souvent c'est pour que vous ne vous y vite ; s'il vous l'enlève, vous n'en ressentirez
attachiez pas, en renonçant aux espérances pas le deuil ; voilà pourquoi le bienheureux
d'en-haut; car le Seigneur est un Dieu ja- Job n'a pas éprouvé une douleur trop amcre
loux^ et ce qu'il veut surtout de nous, c'est en apprenant, coup sur coup, la mort de ses
notre amour, et cela parce qu'il est pour nous enfants ; il aimait Dieu plus que ses fils. L'ob-
plein d'amour. Vous savez bien comment se jet aimé étant plein de vie, ses pertes n'étaient
comporte l'amour ardent celui qui aime, est ; pas faites pour l'abattre.
jaloux jusqu'à mieux aimer perdre la vie, que Que dis-tu, ô femme, ton mari et ton fils te
de se voir préférer un rival et voilà pourquoi ; défendaient et veillaient sur toi , et Dieu te
Dieu vous a pris votre mari ou votre enfant ;
traite avec rigueur? Ce mari, qui te l'adonné?
c'est à cause de ces paroles que vous avez pro- N'est-ce pas Dieu? Et toi-même, qui est-ce qui
noncées. t'a faite? N'est-ce pas Dieu? Tu n'étais pas, et
3. Expliquez-moi, en elîet, pourquoi, dans et il t'a donné l'être; et il a mis en toi une
les anciens temps, il n'y avait ni veuvage, ni âme ; et il t'a douée de pensées ; et il a daigné
perte prématurée; pourquoi Abraham et se faire connaître à toi ; et, à cause de toi, il a
Isaac vécurent si longtemps ; c'est parce que traité avec rigueur son Fils unique ; et tu dis
de vie, Abraham lui préféra
Isaac, étant plein que c'est toi qu'il traite avec rigueur; et tu
Dieu.En effet, Dieu lui dit Va me l'immoler. : dis que celui qui est esclave comme toi, a pour
Et Abraham immola son fils. Pourquoi Sara toi moins de rigueur? Quelle colère n'excitent
atteignit-elle une si longue vieillesse? C'est pas de telles paroles? Qu'as-tu reçu, quel
parce que Sara étant pleine de vie, Abraham pareil bienfait as-tu éprouvé de la part de ton
écouta Dieu plus que Sara ; aussi Dieu lui di- mari? Tu ne saurais le dire. Si quelquefois il

sait : Ecoute Sara ton épouse ». (Gen. xxi,


« t'a traitée avec bienveillance, sa bienveillance
12.) Ni l'amour pour un mari, ni l'amour pour était provoquée par la tienne qui avait com-
une femme, ni l'intérêt pour un enfant, n'ex- mencé. Mais à propos de Dieu, ce langage est
citait alors la colère de Dieu. Mais aujourd'hui impossible quand Dieu nous comble de ses
;

que nous sommes penchés vers la terre et bienfaits ce n'est pas pour répondre aux
,

tout à fait déchus, maris, nous aimons nos nôtres, il n'a besoin de personne, il n'écoute
femmes plus que Dieu femmes, nous nous ; que sa seule bonté, pour faire du bien aux
attachons à nos maris plus qu'à Dieu ; et alors hommes il t'a promis le royaume du ciel, il
;

Dieu, malgré nous, nous rappelle à son amour. t'a donné la vie immortelle, la gloire, la fra-
N'aime pas ton mari plus que Dieu, et tu ne ternité, l'adoption des enfants de Dieu ; il t'a
21 i TRADUCTION FRANÇAISE CE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

faite roliéritièrcdeson Fils unique et toi, après ;


viennent pas d'une affection dont l'âme s'est
tant de bienfaits, tu penses encore à ton miri? fait une habitude, mais du manque de foi?

De quels don&Va-t-il gratifiée, qui ressemblent Mais les enfants n'ont plus une position si

à ces dons? « brillante, une fois que leur père est mort.
Le Seigneur a fait lever pour toi son soleil, Pourquoi ? Dieu est leur père, et leur position

et il t'a envoyé la pluie; il te nourrit des fruits


a cessé d'être brillante? Combien vous en
des saisons; malheur à notre ingratitude.il montrerai-je d'enfants élevés par des veuves,
te prend ton mari pour que tu n'y attaches qui ont acquis de la considération? Combien
pas toute ton âme, et toi, tu t'obstines à pour- furent élevés par leur père, qui ont péri? Car,
suivre celui qui est parti et tu renonces à ;
si vous les élevez comme il convient, dès le
Dieu quand tu devrais le bénir, quand tu premier âge, ils jouiront d'un plus grand
devrais te jeter tout entière dans ses bras car ;
bienfait que de la sollicilude paternelle. Et

enfin, qu'as-tu reçu de ton mari? Les douleurs voilà la fonction des veuves, elles doivent
de l'enfantement, les fatigues, les outrages, et élever leurs fils. Ecoutez ce que dit saint Paul :

souvent les querelles, et les reproches, et les « Si elle a bien élevé ses enfants » ; et ailleurs :

paroles d'indignation. N'est-ce pas là ce qu'il « Elle se sauvera par aura les enfants qu'elle

faut attendre des maris? Mais 11 y a aussi, me « mis au monde ne dit pas par son
» (l'apôtre

répond celte femme, d'autres présents bien mari) « s'ils persévèrent dans la foi, dans la
doux. Quels sont-ils? 11 m'a revêtue de vête- « charité, dans la sainteté et dans une vie bien

ments somptueux il a couvert d'or mon


,
a réglée ». 1 Tim. v, 10 et ii, 15.) Inspirez-
(

visage, il m'a faite considérable pour tous. Eh leur la crainte de Dieu dès l'enfance, et il les
bien, si vous voulez, Dieu vous donnera un gardera mieux que n'importe quel père; ce
ornement bien plus riche, car l'or est une sera là, pour eux, le mur indestructible. En
parure moins splendide que l'honnêteté. Notre effet, quand le gardien réside à l'intérieur,
Roi a aussi des vêlements qui ne ressemblent nous n'avons pas besoin des appuis du dehors ;

pas à ceux de la terre, qui sont bien plus si au contraire ce gardien manque, toutes les

riches; il ne tient qu'à vous de les revêtir. choses du dehors sont inutiles. Voilà ce qui
Quels sont-ils? Des vêtements brochés d'or; leur tiendra lieu de richesse, de gloire, de
vous n'avez qu'à vouloir, pour en revêtir votre parureT voilà qui fera leur splendeur, non-
âme. Mais votre mari vous a rendue considé- seulement sur la terre, mais dans les cieux.

rable parmi les hommes ; quelle merveille ! Ne regardez pas ceux qiù ont des ceintures
le veuvage vous a rendue respectable pour les d'or, ceux que portent des coursiers, ceux qui
démons. Au! refois, vous commandiez à vos brillent, dans les palais des rois, de l'éclat de
serviteurs, je veux bien dire que vous leur leurs pères, ceux qui ont un cortège de servi-
conunandiez aujourd'hui vous avez pour
; teurs et de pédagogues.
scr>ileurs, soumis à votre empire, les puis- Voilà peut-être ce qui excite les lamentations
sances incorporelles , les princi])aulés , les des veuves sur leurs fils orphelins elles pen- ;

dominations, le prince de ce monde. Et main- sent, elles se disent : Si mon fils avait encore
tenant, vous ne me parlez pas des chagrins son père, il jouirait de toute cette félicité, tan-
qui vous tourmentaient avec votre mari ; si dis que maintenant le voilà abaissé, sans hon-
parfois vous aviez à craindre les magistrats, si neur; nul n'a de considération pour lui. Ban-
parfois, dans le voisinage, d'autres personnes nis ces pensées, ô femme ; ouvre- toi les portes
étaient plus considérées (|ue vous; aujour- du ciel par conceptions de ton esprit; con-
les
d'hui, vous êtes affranchie de tous ces soucis, temple la royauté d'en-haut, c'est là que le
et de la terreur, et do la crainte. Mais voilà ce vrai roi réside; considère ceux qui demeu-
qui vous inquiète qui les nourrira, ces en-
: rent sur la terre : peuvent-ils être revêtus de
fants (jui vous restent? Le [lère des orphelins; plus de gloire que ton fils, élevé à ces hau-
car qui vous les a donnés? répondez-moi. teurs? Gémis alors, si tu peux. S'il est sur la
N'entendez-vous pas le Christ dire dans l'E- terre quelque gloire, il n'en faut tenir aucun
vangile : M La vie n'cst-elle pas plus que la compte tu peux te représenter ton fils comme
;

« nourriture, et le corps plus que le vêle- un soldat du ciel, eniôlé dans cct'e sublime
a ment? » (M.itlli. vi, 2:;.) armée. Les soldats de là-haut ne montent pas
4. Voyez -vous que ces lamentations ne des chevaux leurs coursiers sont les nuages;
;
COMMENTAIRE SUR LA V ËPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE VII. 21»

ilsne se traînent pas sur la terre, ils volent bien plus désirables d'un que les paroles
dans Je ciel ils n'ont pas des esclaves précé-
; époux. Un époux, même quand
vous flatte, il

dant leur marche, ce sont les anges qui vont ne vous fait pas grand honneur; ce n'estqu'un
devant eux ils n'escortent pas un roi mortel,
; compagnon d'esclavage mais quand le Sei- ;

mais le Roi qui possède en propre l'immorta- gneur flatte sa servante, c'est alors que l'afrec-
Roi des rois, le Seigneur des seigneurs;
lité, le tion bienveillante est précieuse. Comment le
ils n'entourent pas leurs reins d'ane ceinture Seigneur nous témoigne-t-il sa bonté? Ecou-
vulgaire, mais d'une gloire ineffable; et ils tez ses paroles « Venez à moi, vous tous
:

éclipsent les rois et tous ceux qu'on honore et « qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je
qu'on estime car, dans cette résidence royale,
; « vous soulagerai » et encore, il nous crie ;

on ne recherche ni trésors, ni noblesse, ni par le Prophète : « Une mère peut-elle oublier


rien de pareil on ne recherche que la vertu;
; « son enfant, et n'avoir point
compassion du
et, avec elle, rien ne manque et l'on est au « fils dans ses entrailles ; mais,
qu'elle a porté
premier rang. et quand même elle l'oublierait, pour moi, je
Rien ne nous est difOcile, si nous voulons a ne vous oublierai jamais ». (Tsaïe, xlix, 15.)
être sages. Lève les yeux au ciel, et vois de Quelles paroles d'amour « Tour- 1 Et ailleurs :

combien ces hauteurs dominent le t'aîte des o nez -vous vers moi
dans un autre pas-» ; et
rois. Si, de ces rois supérieurs, les parvis sont sage encore : o Tourne-toi vers moi, et tu
tellement magniflques, que les palais des rois « seras sauvé ». (Isaïe, iv, 5, 22; xliv, 22.) Si
de la terre ne sont plus que de la boue si ; l'on veut recueillir, dans le Cantique des
l'un de nous peut mériter de voir de près, cantiques, d'autres expressions plus mysti-
dans toutes ses parties, celte sublime demeure, ques : « Ma colombe, mon unique beauté ».
quelle ne sera pas sa félicité ? o La veuve qui (Cant. II, 10.) Voilà ce que dit le Seigneur à
« est vraiment veuve et abandonnée », dit l'a- l'âme qu'il chérit. Quoi de plus doux que ces
pôtre, a espère en Dieu ». (I Tim. v, 5.) A qui paroles ? Voyez-vous l'entretien de Dieu avec
adressé-je ces paroles? Aux veuves qui ont des l'homme?
enfants, parce qu'elles sont de beaucoup plus Eh quoi ; ne voyez-vous pas
? dites-moi
considérables aux yeux de Dieu; parce qu'elles combien de de ces femmes bienheureuses,
fils

ont une plus grande occasion de plaire à Dieu ;


sont partis, sont couchés dans les tombeaux ;
parce que tous leurs liens sont brisés; parce combien de femmes ont souffert des douleurs
qu'elles n'ont plus rien qui les retienne; parce plus cruelles, perdant leur mari avant de.
qu'elles n'ont plus de chaînes à traîner. Tu es perdre leurs enfants ? Elevons nos âmes, ap-
séparée de ton mari, mais tu es unie à Dieu ;
pliquons-les aux divines promesses, méditons-
tu n'as plus de compagnon d'esclavage parta- les, et aucun chagrin ne nous accablera, et

geant son existence avec toi, partage ton exis- nous passerons notre vie entière dans la joie
tence avec le Seigneur. Lorsque tu pries, spirituelle , et nous jouirons des biens de
n'est-ce pas avec Dieu que tu t'entretiens ? l'éternité. Puissions-nous tous les obtenir par
réponds-moi. Lorsque tu fais la lecture, écoute la grâce et par la bonté, etc.
sa voix qui te parle ;
que te dit-il ? Des paroles

HOMELIE VII.

JE NE VEUX PAS QUE TOUS IGNORIEZ, MES FRÈRES, CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR TOUCHANT CEUX
QUI DORMENT DU SOMMEIL DE LA MORT, AFIN QUE VOUS NE VOUS ATTRISTIEZ PAS, COMME FONT
LES AUTRES HOMMES, QUI N'ONT PAS L'ESPÉRANCE. (iV, 12 ET 13.)

Analyse.
l, f?«r le dogme de la résurrection. — Le C'irist a réellement revêtu nnire chair ; autrement la résnrrec!i«n n'a pas as SBOT»
Il faut distinguer la résurrection universelle, et la résurrection individuelle et particulière.
-

216 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

2. Des objections qu'on opposait au dogme de la Résurrection. —Sur la métempsycose. • Allusion k diverses erreurs des Grecs,


Images naturelles pour faciliter la foi eu la résurrection.
3. Nous ne savons rieu de rien, nous ne
comprenons rien ; rien n'est impossible à Dieu,

1. Bien des douleurs ne nous viennent que aux Corinthiens, il développe les preuves et il

de notre ignorance, à ce point que si nous ajoute : « Insensés que vous êtes, ce que vous
étions instruits, nous bannirions la tristesse. « semez ne se vivifie-t-il pas? » (I Cor. xv, 36.)

C'est ce que Paul fait voir par ces paroles : Son langage d'aujourd'hui avec les Thessalo-
« Je ne veux pas que vous ignoriez, afin que niciens, convient mieux, à la condition de

a vous ne vous attristiez pas, comme font les s'adresser à des fidèles : les mêmes paroles,

autres hommes, qui n'ont pas l'espérance ». aux gentils, quelle efficacité auraient-elles pu
Que leur défendez-vous d'ignorer? Le dogme avoir?
de la Résurrection, dit l'apôtre. Mais pourquoi « Nous devons croire aussi », dit l'apôtre,

ue leur dites-vous pas Le cbâtiment réservé : « que Dieu amènera, avec Jésus, ceux qui se
à qui ne connaît pas le dogme de la Résurrec- « seront endormis en lui ». Encore, a ceux qui

tion? C'est que c'était chose manifeste et avouée, a se seront endormis » il ne dit jamais, les ;

et qu'à cette pensée du cliâlimenl facile à sous- morts. A propos du Christ, il lui a bien fallu
entendre , il en voulait ajouter une autre aussi dire « est mort », avant de dire qu'il est res-
très-profitable. Ils croyaient à la résurrection, suscité mais ici; « Ceux qui se stront endor-
:

ce qui ne empêchait pas de se lamenter,


les « mis en Jésus ». Ou il faut entendre, par ces

de là les paroles de l'apôtre. Il ne tient pas le paroles, ceux qui se sont endormis ayant la foi
même langage aux incrédules, et à ceux dont dans Jésus, ou l'apôtre déclare que Dieu, par
il s'occupe ici : car évidemment ces derniers, le moyen de Jésus, réunira ceux qui se seront
puisqu'ils s'inquiétaient des temps, n'igno- Ici les hérétiques
endoriuis, à savoir les fidèles.
raient pas le dogme. prétendent qu'il s'agit de ceux qui ont reçu
Car si nous croyons », dit l'apôtre, « que le baptême. Mais alors que signifie le Nous de- :

o Jésus est mort et ressuscité et vivant, nous vons croire «aussi? » En effet, Jésus ne s'est pas
devons croire aussi que Dieu amènera avec endormi dans baptême. Pourquoi donc l'a-
le

a Jésus, ceux qui se seront endormis en lui pôtre_ dit-il : « Ceux qui se seront endormis?»
« (13) ». Où sont-ils ceux qui ne veulent pas ne parle pas d'une résurrection uni-
C'est qu'il
que le Seigneur ait réellement pris notre verselle,mais d'une résurrection particulière.
chair? Evidemment, s'il ne s'est pas incarné, « Dieu amènera, avec Jésus, ceux qui se seront

il n'est pas mort ; mais, s'il n'est pas mort, il « endormis avec lui », dit l'apôtre, et c'est sa

n'est pas ressuscité. Que deviennent les raisons manière de parler dans un grand nombre d'en-
que l'apôtre nous donne pour nous porter à droits.

la foi ? Faut-il n'y voir, comme font les con- a Ainsi nous vous déclarons, comme l'ayant
tradicteurs, qu'une frivole imposture ? Car si « appris du Seigneur, que nous, qui sommes
la mort est le fait du péché, comme le Christ qui sommes réservés pour son
« vivants, et

est sans péché, que deviennent les exhorta- «avènement, nous ne préviendrons point ceux
tions de l'apôtre ? Et maintenant pourquoi «qui sont dans le sommeil (14) ». C'est en
dit-il encore : « Connue font les autres hom- parlant des fidèles qu'il dit encore: «Ceux qui
« mes qui n'ont pas l'espérance ? » C'est o se seront endormis avec le Christ » Ailleurs
. :

comme s'il disait : Que pletrrez-vous, ô hom- « Les morts ressusciteront ». Ensuite, ce n'est
mes? sur qui vous affligez-vous ? sur les pé- plus seulement de la résurrection qu'il traite,
cheurs, ou simplement sur tous ceux qui mais, et de la résurrection, et du degré d'hon-
meurent? Et ceux qui n'espèrent pas eu la neur au sein de la gloire. Tous jouiront de la
résurrection, que pleurent-ils eux-mêmes, résurrection, dit-il quant à la gloire, tous n'y
;

puisque tout est néant pour eux? «Lepremier- participeront pas, mais ceux qui se seront
« né », dit l'apôtre, a d'entre les morts » endoriuis « avec le Christ ». Donc l'apôtre,
(Col. I, 18), c'est-à-dire les prémices. Donc, jaloux de les consoler, ne les console pas seu-
puisqu'il y a des prémices, il faut qu'il y ait lement par la résurrection, mais par tous les
une Maintenant voyez, l'apôtre s'abstient
suite. honneurs qui les attendent, et par la brièveté
ici de raisonnements parce qu'il s'adressait à
,
du temps qui les en sépare ce qu'il fait, ;

des âmes bien disposées. Mais quand il écrit parce qu'ils connaissaient le dogme de la Ré-
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE Vil. 217

surrection. La preuve que c'est par tous ces ces poissons lui a mangé un membre ; et en-
honneurs qu'il les veut consoler, c'est la suite suite , de ces poissons mêmes l'un a , été pris

de ses j)aroles : « Et nous serons toujours avac dans un tel golfe, l'autre, dans tel autre, et
Seigneur, et nous serons ravis dans les
le celui-ci a été mangé par celui-là, et celui-là
« nuages». (I Cor. xv.) Mais corn ment les fldèles par un troisième. Et maintenant ceux qui ont
se sont-ils endormis avec Jésus? C'est-à-dire mangé les poissons, par qui l'homme a été dé-
qu'ils possèdent le Christ en eux. Quant à cette voré, ont péri; les uns, dans telle contrée; les
expression, « amènera avec Jésus », c'est pour autres, dans telle autre, et ces mangeurs de
montrer qu'on les amène de tous les côtés. poissons ont été mangés des vers dans cette :

Nous vous déclarons», dit l'Apôtre, «comme confusion, dans cette dispersion, le moyen de
l'ayant appris du Seigneur». Sur le point croire à une résurrection? Qui rassemblerait
d'annoncer une vérité aussi étrange, il prend cette poussière? A quoi tend ce discours, ô

les précautions nécessaires pour opérer la per- homme, et que signifie cet enchaînement de
suasion « Comme l'ayant appris du Sei-
: réflexions frivoles dansun problème inexpli-
« gneur », dit-il ce qui signifie, nous ne par-
;
cable ? Car, répondez - moi si cet homme ,

lons pas de nous-mêmes; nous vous disons n'était pas tombé dans la mer, si un poisson

ce que le Christ nous a enseigné « Que nous : ne l'avait pas mangé si ce poisson n'avait pas
;

« qui sommes vivants, et qui sommes réservés été lui-même mangé par des hommes sans
a pour son avènement, nous ne préviendrons nombre si ce mort eût été déposé après les
; ,

point ceux qui sont dans le sommeil ». C'est funérailles ordinaires, dans un tombeau, à
ce qu'expriment ces paroles de la lettre aux l'abri des vers, hors de toute atteinte nuisible,
Corinthiens a En un moment, en un clin
: expliquez encore la résurrection, après la dis-
d'oeil... B (Ibid), oii l'apôtre assure la foi à la solution ; expliquez la poussière et la cendre
résurrection par la manière même dont elle qui se rattachent, pour se coller ensemble;
doit s'accomplir. expliquez d'oii peut renaître la fleur de la vie
2. C'est qu'aussi l'on objectait des difficultés dans un cadavre. N'y a-t-il pas là un mystère
naturelles; alors l'apôtre montre qu'il est aussi inexplicable? Si ce sont des grecs qui nous
facile à Dieu d'enlever les morts que les vivants. opposent ces doutes nos réponses seront in-,

Quant à ce mot « Nous », il ne l'applique pas


: terminables; car enfin, n'ont-ils pas, au milieu
à lui-môme car il ne devait pas vivre jusqu'à
, d'eux, des penseurs qui donnent des âmes aux
l'époque de la résurrection , mais il l'applique plantes, à des arbres, à des chiens? Lequel est
aux lldcles ; voilà pourquoi il ajoute : « Qui le plus facile, dites-moi, de reprendre posses-
a sommes réservés pour l'avènement du Sei- sion de son corps , ou de revêtir un corps
« gneur, nous ne préviendrons pas ceux qui étranger? Il en est d'autres qui parlent d'un
«sont dans le sommeil ». C'est comme s'il feu qui consume tout , et qui croient à la ré-
disait : Ne créez pas des difficultés , lorsque surrection des vêtements et des chaussures, et
vous entendez dire que les vivants d'alors ne on ne les tourne pas en ridicule ; d'autres arri-
préviendront pas les morts tombés en dissolu- vent avec leurs atomes. Quant à ceux-là, nous
tion en putréfaction ceux qui sont morts
, , n'avons rien à leur dire. Mais pour les fidèles,
depuis des milliers d'années; c'est Dieu qui fait si toutefois il faut appeler fidèles ceux qui

tout. Et, comme il lui est facile de taire com- nous interrogent nous leur dirons comme
,

paraître ceux qui ont tous leurs membres, l'apôtre, que c'est de la corruption que vient
il lui est également facile de faire venir ceux toute vie, toute plante, tout germe. (I Cor, xv,
qui sont décomposés. Mais y a des personnes il 36.)
qui ne croient pas à ces choses, dans l'igno- Ne voyez-vous pas le figuier ? Quel tronc
rance où elles sont de Dieu. Lequel, dites- que de souches et que de feuilles, de ra-
moi, est le plus facile de faire venir du néant meaux, de bourgeons, de racines, qui se pro-
à l'existence, ou de ressusciter ce qui était dé- longent, qui s'entrelacent; et cet arbre si
composé? grand, dont vous voyez la nature, naît de ce
Mais que disent les incrédules? Un tel a grain, jeté de haut en bas, et qui se corrompt
soulferl un naufrage, et il a été englouti, et, et qui meurt ; car, s'il ne devient pas pous-
dans la chute qu'il a faite au fond de l'eau, de sière et dissolution, rien ne se fera. Expli-
nombreux poissons l'ont reçu. Et chacun de quez-moi cet effet; et la vigne, si belle à voir,
218 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

oldonlk doux, sort de ce grain


fruit est si l'enfance plus jeune que la jeunesse? Que ce
,

d'une forme si répondez-moi,


lni(b. Et enfin, que l'on ne peut se donner à soi-même, on le
n'est-ce pas de l'eau seulement qui tombe d'en- donne à un autre?
liaut et comment celte eau
;
qui est une par ,
3. C'est ce que nous montrent et les arbres

sa nature, subit elle de si nombreuses trans- et les animaux. Pourtant, ce qu'on donne à
formations? Car voilà qui est bien plus mer- un antre, on devrait d'abord se le donnera
veilleux que la résurrection. Là même germe, soi-même mais c'est là une exigence de la
;

même plante, même substance, une grande raison humaine quand Dieu agit, il faut que
:

parenté; ici, dans la pluie, une seule et même tout cède. Si ces mystères sont inexplicables,
qualité, une seule et même nature comment ;
à tel point(|u'il n'est rien de plus inexplica-

donc subit-elle de si nombreux changements? ble, jene puis m'empècher de penser aux in-
La vigne produit du vin, et non-seulement du sensés dont l'esprit se travaille sur la généra-
vin, mais, et des feuilles, et la sève. Et en tion incorporelle du Fils. Nous portons, dans
effet, ce n'est pas seulement la grappe, mais nos mains, des choses mille fois étudiées, que
tout le reste, fout ce qu'on voit dans la vigne, nul ne peut comprendre. Comment donc se
qui en lire sa nourriture. Et de même l'olivier travailler ainsi au sujet de cette génération
produit, avec l'huile, tout ce qui sort de l'oli- ineffable, inexprimable, répondez -moi? Ne
vier ; et remarquez celle merveille : ici l'hu- faut-il pas ((ue la pensée succombe à scruter
mide, là le sec ; ici le doux, là l'aigre ; ici l'as- de telles profondeurs? A quels vertiges ne
tringent, là l'amer; d'où viennent, répondez- s'expose pas l'esprit qui veut fixer son regard
moi, tant de changements? Donnc/.-moi l'ex- sur ces mystères? N'éprouvera-t-il pas un
plicalion ; impossible à vous. Et maiiilcnant, éblouissement à le rendre stupide? Eh bien !

considérez-vous vous-mêmes, je vous en prie, non, ces esprits sont incorrigibles ; ils ont la

car voilà un sujet qui est plus i)rcs di; vous. vigne, ils ont le figuier, dont ils ne peuvent
Cette première semence, change- comment se rien dire, et les voilà, sur Dieu, qui se tra-
t-elle de manière à former des yeux , des vaillent ; car enfin, répondez-moi, comment
oreilles, des mains, un cœur? D'où lui vien- ce grain se résout-il en feuilles et en souches?
nent tant de formes qui la dessineut?No voyez- Comment produit -il ce qui n'était pas, ce
vous [las, dans le corps, d'innombrables diffé- qu'en m voyait pas auparavant en lui? Mais
rences de figure, de grandeur, de qualité de ,
ce n'est pas, me répond-on, un effet du grain;
position, de puissance, d'harmonie? Comment tout ce travail vient de la terre. Eh bien 1

des nerfs, dus veines, des chairs, des os, des alors, comment, sans ce grain, la terre ne
membranes, des artères, des muscles, des car- produit-elle rien d'elle-même ? Mais ne dérai-
tilages et bien d'uulres choses particulières, sonnons pas. Ni la terre, ni le grain ne pro-
que lesmédetias connaissent et dont ils par- duisent cet effet; c'est l'œuvre du Seigneur,
lent d'une manière exacte, qui sont des attri- qui commande à la terre et aux semences.
buts de noire nature , comment tout cela Aussi, tantôt sans aucune semence, tantôt
vient-il d'une seule et même semence? Cette avec des semences, il a produit tout ce qui
merveille ne vous senible-t-clle pas bien plus reçoit la naissance tantôt il s'est contenté de
:

complexe, bien plus inexplicable? Comment montrer sa puissance, comme quand il dit :

l'humide et le mou se réunissent-ils de ma- a Que la terre produise de l'herbe verte »


nière à former ce qui est dur et froid, à for- (Gen. M); tantôt, il veut en nous montrant
I,

mer un os? de manière à produire le chaud sa puissance, nous instruire, nous enseigner
et l'humide, réunis dans le sang' le froid et l'activité courageuse qui accepte les labeurs

le mou réunis dans le nerf? le Iroid et l'hu-


, avec joie.
mide, réunis dans l'artère? D'où vient tout Pourquoi ce discours? Ce n'est pas sans
cela, répondez-moi? D'où vient que vous ne dessein c'est pour réveiller notre foi à la ré-
;

doutez pas? Ne voyez-vous pas, chaque jour, surrection. Quand il nous arrivera de vouloir
la résurrection et la mort dans l'écoulement tout comprendre par notre seule raison si ,

des âges? Où s'en est allée la jeunesse? D'où nous est refusée, il faut que nous
l'intelligence
est venue la vieillesse? Et comment ce qui a sachions nous résigner avec douceur, il faut
vieilli, ce qui ne peut pas se donner la jeu- que nous sachions nous abstenir avec sagesse,
nesse à soi-mcme, enfante-t-il, dans un autre, réprimer nos pensées, nous réfugier dans celte
,

co:.::.iENTAinE sur la v épitre aux thessalomciens. - homélie vin. 219

croyance, qu'il n'est rien d'impossible à Dieu, qu'elles contiennent, à ne pas scruter inutile-
rien pour lui de difficile. ment curieusement
, le ciel.
Donc, instruits de ces vérités mettons un , Elencore vous ne scrutiez que le ciel, et
si

frein à nos pensées ne franchissons pas nos


, non Dieu ou ciel? Vous ne connaissez pas
le

limites, les bornes imposées à notre connais- répondez -moi, la terre dont vous êtes né, où
sance; car, dit l'apôtre, «si quelqu'un se flatte vous prenez votre nourriture où vous habi- ,

« de savoir quelque chose il ne sait encore , tez,que vous foulez aux pieds, sans laquelle
«rien comme il faut le savoir ». (I Cor. vous ne pouvez même pas respirer; et, sur
vin, 2.) Je ne parle pas de Dieu , dit-il , mais des choses si éloiçmées de vous, vous exercez
de quelque chose que ce soif. Car, que voulez- votre curiosité? Vraiment l'homme n'est que
vous favoir de la terre? qu'en connaissez-vous, vanité. Et vous ordonnait de descendre
si l'on
répondez-moi? Sa mesure? sa grandeur? sa au fond de l'abîme de rechercher ce qu'il y a
,

position? sa substance? le lieu qu'elle occupe? au fond de la mer, vous ne supporteriez pas
oùfl!e se tient? sur quoi elle s'appuie? sur un pareil ordre; et quand personne ne vous y
tout cela vous serez toujours muet. Qu'elle est force, de vous-même, vous voulez embrasser
froide, sèche et noire, à la bonne heure mais ; l'abîme qu'il est impossible de sonder? Cessez,
en dire plus, impossible. Mnis do la mer? je vous en conjure; naviguons cala surface, ne
même embarras pour vous, difficultés inexpli- nous mettons pas à nager dans les raisonne-
cables; attendu que vous ne savez ni oîi elle , ments; la fatigue nous prendrait bien vite;
commence ni où elle s'arrête sur quoi elle
, ; nous serions engloutis dans les ondes; servons-
s'appuie qui en porte le fondement quel est
; ;
nous des divines Ecritures comme d'un navire ;

son lieu si, après la mer, il y a un continent,


;
déployons les voiles de la foi. Si nous mon-
ou de l'eau et de l'air; et maintenant, des cho- tons sur ce navire-là, nous aurons pour pilote,
ses qu'elle rcnfi-rmc que savoz-vous? Et de la parole de Dieu si au contraire nous nous
:

l'air? Et des éléments? Jamaisvousn'en pour- jetons à la nage au milieu des raisonnements
rez rien dire ;
je laisîe ces sujets. Voulez-vous, humains, plus d'espoir. Car, pour ceux qui
parmi les plantes, prendre ce qu'il y a de voguent ainsi , où est le pilote? Double dan-
moins confidérable ce gazon qui ne porte , ger, absence de navire , absence de pilote. Si

pas de fruit, que nous connaissons tous ex- ; la barque est en péril quand il n'y a pas de
pliquez-m'en la naissance. N'a-t-il pas pour pilote, du moment qu'il n'y a ni pilote ni bar-
substance de l'eau de la terre du fumier?
, , que, quelle peut être l'espérance du salut? Ne
D'où lui vient sa beauté , son admirable cou- nous jetons pas dans un péril manifeste; assu-
leur? et d'où vient qne cette beauté se flétrit? rons notre marche en nous suspendant à l'an-
Ni la terre, ni l'eau n'ont produit cet ouvrage. cre sacrée; c'est ainsi que nous naviguerons
Ne voyez-vous pas que partout c'est de la foi jusqu'au port tranquille avec une riche car- ,

qu'il nous faut? D'où vient que la terre pro- gaison et dans une pleine sécurité , et nous
,

duit? D'où vient que la terre enfante? répon- obtiendrons les biens réservés à ceux qui ché-
dez-moi. Impossible à vous apprenez ô ; , rissent Dieu, dans le Christ Notre-Seigneur,
hominc, par les choses d'en-bas, par tout ce auquel appartient, ainsi qu'au Père, etc.

HOMELIE VIII.

a:nsinocs vors déclarons, comme l'avant appris du seigneur, que nous, qui sommes vivants,
KT QUI sommes réservés POUR SON AVÈNEMENT, NOUS NE PRÉVIENDRONS POINT CEUX QUI SONT
DANS LE SOMMEIL DE LA MORT CAR AUSSITOT QUE LE SIGNAL AURA ÉTÉ DONNÉ PAR LA VOIX
;

DE l'archange, et PAR LE SON DE LA TROMPETTE DE DIEU, LE SEIGNEUR LUI-MÊME DESCENDRA


DU CIEL, ET CEUX QUI SERONT MORTS EN JÉ5US-CBRI3T, RESSUSCITERONT D'ABORD PUIS, NOUS ;

AUTRES, QUI SOMMES VIVANTS, ET QUI AURONS ÉTÉ RÉSr;RVÉS JUSQU'ALORS, NOUS SERONS EMPOR-
TÉS AVEC EUX DANS LES NUÉES, POUR ALLER AU-DEVANT DU SEIGNEUR, AU MILIEU Di; I.'aIU;
ET AINSI NOUS SERONS POUR JAMAIS AVEC LE SEIGNEUR. (CH. IV. 14, 15, 16, 17.)
,

220 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Analyse*
1. Différence entre la manière des prophètes et ceile de saint Paul, pour donner de l'autorité à leurs paroles. — De l'ordre deg
rèsurreclions pour les morls des diverses époques, quand viendra U dernier jour. — Bonté de Dieu pour les hommes. — La
résurrection, en un clin d'œil, effet de la divine puissance.
2. Description du jugement dernier. — Soyons saisis d'épouvante comme si le fait allait s'accomplir. — Il ne faut pas se faire
une ohjeclion de la bouté de Dieu. — Preuves qu'il a données de sa ju.ste colère. — Le déluge.
3. Sodome, Gomorrhe. — Contre
crime abominable de Sodome.
le —
Les égarements de cette ville antique moins détestables
que l'iufamie présente. — Autre prouve de
la colère de Dieu, Pharaon et sou armée engloutis. Punitions ternbU's intlijées —
par Dieu, môme à ceux qui croyaient en lui. —
Ne nous rassurons pas, Dieu ne frappe pas toujours tout de suite. Nous —
sommes plus coupables et nous avons moins d'excuses que les hommes d'autrefois.
4. Divers châtiments infligés au peuple de Dieu. —
Pestes, puerres, captivités, famines en Palestine. Chilimeuls individuels —
Gain. — .autres exemples, SaUl, Ananie et Saphire. — N'ya-t-il pas, sous nos yeux, des forfaits impunis, dont la iiunilioncst
;

inévitable 1 — Les sages, parmi les païens, admettent la nécessité des diâàments. — Utilité de pareilles méditations.

1. Les prophètes, pour montrer combien des anges. Mais maintenant, que signifie, dans
leurs paroles sont dignes de foi , se hâtent de te passage « La voix de l'archange?» Nous
:

commencer ainsi : « Vision qu'a vue Isaïe». nous rappelons les paroles à propos des vier-
(Isaïe,1, 1.) Autre exemple « Paroles que le : ges a Levez-vous, voici venir l'Epoux ».
:

a Soigneur a adressées à Jcrémie » (Jérémie, (Malth. xsv, 6.) Ou il exprime la même pen-
I, 2.) Et encore «Voilà ce que dit le Sei-
: sée, ou il prend une image de la cour impé-
ogneur», et autres expressions semblables. riale par analogie, les anges seront les n)iniS'
;

Beaucoup de prophètes encore voient Dieu très de la résurrection. Dieu, en elTct, n'a qu'à
lui-même assis, autant qu'ils peuvent le voir, dire Que les morts ressuscitent, et la résur-
:

mais Paul, qui ne le voit pas assis, qui le porte rection s'opère, non par la force des anges,
en lui-même qui entend le Christ parler, au
,
mais par la seule énergie de sa parole. Comme
lieu de dire « Voilà ce que dit le Seigneur »
: si renipereur donnait l'ordre de faire sortir

s'exprimait de cette manière « Est-ce que : des prisonniers que des ministres amène-
€ vous voulez éprouver la puissance de Jésus- raient, non en vertu de leur pouvoir propre,
a Christ qui parle en nous? » (II Cor. xiii 3.) ,
mais pour obéir à l'empereur. Le Christ dit
Et encore : « Paul, apôtre de Jésus-Christ », ailleurs encore : « Il enverra ses anges, avec
montrant par là qu'il ne dit rien de lui- « une trompette éclatante , et ils rassemble-
même ; car l'apôtre ne fuit qu'annoncer la pa- « ront les élus des quatre points du monde,
role de Celui dont il est l'apôtre. Et encore : a depuis toutes les extréinilés des cicux ».
a Je crois que j'ai aussi l'esprit de Dieu». (Matth. XXIV,31.) Et partout vous voyez les
(1 Tous ces discours lui étaient
Cor. VII, 40.) anges courant en tous sens. Quant à « l'ar-
donc inspirés par l'Esprit; quant à celui qu'il a change », je crois que c'est celui com-
qui
tient maintenant, il l'a entendu de Dieu lui- mande les anges, et il leur crie : que
Faites
même; ainsi ce qu'il disait aux vieillards d'E- tous soient prêts, car voici le juge. Que si-
phèse a II y a plus de bonheur à donner
: gnitie: Par le son de la dernière trompette?»
«

qu'à recevoir » (Ad. xx, 33), c'étaient des C'est pour montrer qu'il y aura plusieurs
paroles qu'il avait entendues dans le secret. trompettes, et que c'est au son de la dernière,
Voyons donc ce qu'il dit maintenant, a Ainsi que le juge descendra, a Et ceux qui seront
nous vous déclarons, comme l'ayant appris «morts en Jésus-Christ, ressusciteront d'a-
« du Seigneur , que nous qui sommes vivants «bord; puis, nous autres, qui sommes vi-
et qui sommes réservés pour son avéne- « vanls et qui aurons été réservés jusqu'alors,
a ment, nous ne préviendrons point ceux qui a nous serons emportés avec eux dans les
a sont dans le sommeil de la mort car, aus- ; «nuées, pour aller au-devant du Seigneur,
o sitôt que le signal aura été donné par la eau milieu de l'air; et ainsi nous serons
« voix le son de la trom-
de l'archange, et par a pour jamais avec le Seigneur ». Consolez-
« pette de Dieu, le Seigneur lui-même des- vous donc les uns les autres par ces vérités.
<i cendra du ciel ». Mais si Dieu doit descendre, pouniuoi serons-
C'est ce que le Christ en personne a dit : nous emportés? C'est pour rendre à Dieu les
a Les puissances des cieux seront ébranlées». honneurs qui lui sont dus. Lorsque l'empe-
(Mallh. XXIV, 29.) Mais pourquoi? « Et par le reur fait son entrée dans une ville, les digni-
a son de la trompette Nous voyons lu même
». taires vont à sa rencontre; mais ceux qui sont
circonstance sur le Sinai; nous y voyons aussi en jugement, demeurent dans l'intérieur de
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE VIH. 221

la \ille , attendant le juge. A l'arrivée d'un sière; et, en même temps, tous les corps se

bon père, ses enfants, ses dignes enfants, réveillant à la fois de toutes paris, et cela sans

montent sur un char, et vont au-devant de qu'aucun serviteur prête son ministère; un
lui pour l'embrasser. Au contraire , les servi- ordre pur et simple suffit pour que la terre,
teurs, qui l'ont offensé , restent dans la mai- qui était pleine, devienne vide. Considérez
son.Eh bien, nous serons transportés sur le cet immense événement tous les morts de-
: ,

char de notre Père; c'est lui-même qui l'a puis Adam jusqu'au jour actuel, debout, en-
mis dans les nuées, et nous serons emportés semble, avec leurs femmes et leurs enfants; il
dans les nuées. Voyez quel honneur pour faudra voir un tel tumulte pour le compren-
nous : il descend , et nous allons à sa ren- dre. Et de même que le monde a ignoré tout
contre, et, bonheur suprême, ainsi nous le mystère d'un Dieu fait homme, de même

serons avec lui. « Qui racontera les oeuvres nul n'aura rien deviné de cette résurrection.
«de la puissance du Seigneur et qui fera en- 2. Eh bien donc, quand cet événement s'ac-

« tendre toutes ses louanges ?» (Psal. cv, 2.) complira, alors on entendra la voix de l'ar-
De combien de faveurs il a honoré la race des change, donnant ses ordres aux anges, faisant
hommes I retentir ses cris, et l'on entendra aussi les
Les premiers morts ressuscitent , et c'est trompettes, ou plutôt le son des trompettes.
ainsi que se fait la rencontre universelle. Quel sera le tremblement, quelle sera l'épou-
Abel, premier de tous les morts, ira alors
le vante des vivants de la terre ? Car « l'une est

au-devantde Dieu, avec tous ceux qui vivaient « prise, et l'autre renvoyée; l'un est saisi, et
de son temps. Les anciens morts n'auront rien « l'autre renvoyé ». (Matth. xxiv, 40, 41 Luc, ;

de plus que les autres; celui qui est mort de- xvii, 34, 35.) Que ressenlira-t-on quand on
puis si longtemps, qui est resté tant d'années verra les autres enlevés dans les airs, et qu'on
sur la terre , ira à la rencontre de Dieu , avec sera soi - même renvoyé ? Un tel spectacle
tous les morts de son temps, et tous les autres. n'inspirera-t-il pas plus de terreur que tous
Si ceux-là nous ont attendus pour nous voir les enfers qu'on peut se représenter? Eh bien,
couronnés, comme l'apôtre le dit ailleurs : supposons donc que le fait s'accomplit main-
« Dieu ayant voulu, par une faveur particu- tenant. Si une mort subite, ou au milieu des ,

« lière qu'il nous a faite, qu'ils ne reçussent villes, un tremblement de terre si des me- ,

a qu'avec nous l'accomplissement de leur naces bouleversent, on le sait, nos âmes;


« bonheur » (Hébr. xi, 40), à bien plus forte quand nous verrons la terre en éclats, et par-
raison les attendrons-nous de notre côté ; ou tout tant de prodiges, quand nous entendrons
plutôt, ils nous auront attendus, mais nous, les trompettes,quand nous entendrons la voix
nous n'attendrons pas un instant.En effet, la de l'archange plus retentissante que toutes les
résurrection sera l'affaire d'un moment d'un , trompettes, quand nous verrons le ciel s'a-
clin d'oeil. Quant à ce que dit l'apôtre, qu'il se baisser sur nous, quand nous le verrons lui-
rassembleront, cela veut dire qu'ils ressusci- même. Lui, le Roi de l'univers. Dieu, que
teront de partout; ce sont les anges qui les ressentirons-nous ? Ah frémissons, je vous en
!

rassembleront. La résurrection sera l'effet de prie, et soyons saisis d'épouvante, comme si

la puissance de Dieu, ordonnant à la terre le fait allait s'accomplir. Que l'ajournement ne


de rendre le dépôt qu'elle a reçu, et aucun soit pas,pour nous, une pensée qui nous ras-
serviteur n'en sera l'agent. C'est ainsi que, sure; puisqu'il faut absolument que le fait
lorsqu'il appela Lazare, il n'eut qu'à lui dire : s'accomplisse, que pouvons-nous gagner à
Lazare, viens dehors ». (Jean, xi, 43.) Quant l'ajournement ? Quel tremblement alors ?
à «conduire auprèsde Dieu», c'est ce qui se fait Quelle épouvante? Avez-vous vu quelquefois
par le ministère des anges. Mais, si les anges les des condamnés qu'on mène à la mort? Qu'é-
rassemblent etcourent de différents côtés, com- prouvent-ils, selon vous, quand ils font le
ment les morts sont- ils ravis jusqu'au ciel ? chemin, jusqu'à la porte? Combien faudrait-il
C'e^\ après la descente des anges que les morts de morts pour égaler ce supplice? Que ne
seront ainsi ravis; c'est après qu'ils auront été voudraient-ils pas et faire et endurer, pour
rassemblés; cela se fera d'une manière sou- être délivrés de cette sombre nuit qui les en-
daine et à l'insu de tous. On verra d'abord la veloppe? J'en ai beaucoup entendu, que la
terre en mouvement, un mélange de pous- clémence de l'empereur avait rappelés du
, j

ooo TRADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

supplice; ils disaient , au retour, avoir vu des mais cette réponse, suppose qu'elle s'applique
hommes (]ui ne leur paraissaient pus des hom- ^ l'avenir, si vous l'objectez à ce qui est ar-
mes; tel était le trouble, la stupeur, le bou- rivé, à ce qui est accompli, est sans valeur.
leversement de leur âme. Vous avez tous entendu parler du déluge. Di-
Si la mort du corps produit en nous cette rez-vous aussi, pure menace ? N'est-ce pas là
épouvante quand viendra l'éternelle mort,
,
un événement, un fait accompli? Vos dis-
que ressentirons- nous? Et que dis-je de cours ne sont que la répétition des discours
ceux qu'on mène à la mort? La foule qui les d'autrefois; durant cent ans, employés à
entoure, se compose d'individus qui, pour la la construction de l'arche pendant que l'on ,

plupart, ne les connaissent pas. Supposez formait la charpente, pendant que le juste an-
'
dans cette foule, une personne dont les regards noiiçait la vengeance à grands cris, nul ne l'en
pussent lire au fond de leur âme; qui pour- croyait. Mais aussi pour n'avoir pas cru les
rait être assez dur, assez ferme pour ne pas paroles de la menace ils eurent à subir la
,

se sentir abattu, fraj)pé d'anéantissement, réalité du ehâtinieut; et c'est le sort qui nous
glacé par la terreur? Et maintenant, si cette attend, si nous ne voulons pas croire. Voilà
mort, qui en saisit d'autres que nous, si cette l)Ourquoi l'apôlre compare l'avènement du
mort qui ne diffère en rien du sommeil, pro- Seigneur aux jours de Noé. De même qu'on
duit une impression si profonde sur ceux refusa de croire à l'ancien déluge, de môme
qui n'ont pas à la subir; à l'heure où nous- on ne veut pas croire au déluge de l'enfer,
mêmes nous tomberons dans un état plus ef- N'étail-ce donc qu'une menace jadis? L'événe-
froyable, quel ne sera pas notre abattement, ment ne s'est il pas accompli? Et celui qui in-
notre consternation? Non, non; il faut m'en fligea fi soudainement le supplice alors, ne
croire, il de discours, de paroles,
n'est pas l'infligera-t-il pas, à bien plus forte raison, au-
qui égalent l'impression qui nous attend. jourd'hui encore? Les attentats des anciens
Sans doute, me répond-on ; mais Dieu est âges ne dépassaient pas ceux d'aujourd'hui;
si bon pour les hommes, et rien de tout cela qu'est-ce à dire? a Alors », dit l'Ecriture,
n'arrivera. Ain.-i les Ecritures sont sans va- « les eiîfants de Dieu allèrent trouver les filles
leur? Non, me
répond-on il n'y a là qu'une
; « des houmies » (Gen. vi, 2) ; et le pêle-mêle
menace pour nous porter à la sagesse. Eh était affreux ; et aujourd'hui quelle honte fait

bien! si nous ne nous conformons pas à la reculer? Croyez-vous, oui ou non, au déluge,
sagesse, si nous persévérons dans le mal. Dieu ou le prenez-vous pour une fable? Les mon-
n'infligera-t-il pas le châtiment répondez- , tagnes où l'arche s'est arrêtée l'attestent, je
moi? Et par conséquent il ne décernera pas, à parle des montagnes de l'Arménie.
la vertu, ses récompenses? Au contraire, me 3. me viennent en foule j'en
Les exemples ;

répond -on, récomiienser est une conduite prends un singulièrement manifeste. Quel-
conforme à sa nature, et ses bienfaits dépas- qu'un de vous a-t-il jamais voyagé en Pales-
sent nos mérites. Voilà donc votre conclusion : tine? Ce ne sont plus des paroles, mais des
pour les récompenses, la promesse est vraie choses que je dis. —
Quoique, à dire vrai, mes
et se réalisera d'une manière absolue; quant preuves de tout à l'heure fussent plus convain-
aux châtiments, il n'en est pas de même; il cantes que des réalités. Car ce que dit l'Ecri-
n'y a là qu'une menace pour nous épouvanter. ture mérite plus notre foi, que ce que voient
Comment m'y prendre pour vous iiersuiider ? nos yeux. Eh bien donc quelqu'un de vous ,

Je n'en sais rien. Si je dis que « leur ver ne a-l-il jamais voyagé en Palestine? je pense
« mourra point, que leur l'eu ne s'éteindra que quelqu'un a fait ce voyage. Eh bien,
«point» (Marc ix, 45); si je dis qu'ils s'en vous qui avez vu le pays, servez moi donc de
iront dans le feu éternel; si je produis de- témoins auprès de ceux qui n'yont pas été. Au-
vant vous le riche déjà livré au supplice, pu- dessus d'Ascalon et de Gaza, à l'endroit où
res menaces, me direz-vous. Comment m'y cesse le Jourdain, il y a un pays immense,
prendre pour vous persuader? Salaniquc pen- fertile ; disons mieux, il était fertile, car au-
sée qui rend la grâce inutile et qui ne fait que jourd'hui il ne l'est plus; c'était une contrée
des indolents. Comment l'extirper, cette pen- belle comme le paradis. « Loth vit », dit l'E-
sée? Tout ce que nous vous dirons pris des criture, « tout le pnys autour du Jourdain, et
Lv.i;li.res, pures iiiLiiùCcs, répoudrez -vous; « il éliiil arrosé comme le paradis de Dieu ».
.,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE VIII. 223

{Gisa. xin, 10.) Donc, c'était un pays tout en Que faites-vous, quand vous frappez ainsi de
fleurs, rivalisant avec les plus belles contrées découragement lecœur du peuple? Vous me
du monde, un pays dont la fertilité égalait forcez à vous tenir de pareils discours, vous
celle du paradis de Dieu ; et il n'est pas au- qui ne croyez pas. Si vous aviez ajouté foi aux

jourd'hui de désert plus désert. On y voit de': paroles du ne serais pas forcé d'avoir
Christ, je
arbres, et qui portent du fruit; mais ce fruit recours à la réalité, pour provoquer votre foi.
est un monument de la colère de Dieu ; on y Mais puisque vous n'avez pas voulu accepter
voit des cours d'eau, et le bois, et le fruit, d'autres preuves bon gré mal gré il faudra
, ,

ont une belle apparence ; et qui n'est pas pré- bien que vous soyez persuadés, car enfin qu'a-
venu mais prenez-les dans vos
se réjouit ; ,
vez-vous à dire de Sodome? Et voulez-vous
mains, ces vous les brisez; pas de fruit,
fruits, savoir la cause de ce qui est arrivé alors? c'é-
rien que de la poussière, rien que de la cen- tait un péché funeste, exécrable, mais enfin,
dre à l'intérieur et tout est de même, dans
; ce n'était qu'un péché, une passion insensée
toute celte terre ; vous croyez voir une pierre pour les jeunes enfants, et voilà ce qui a mo-
et vous ne voyez que de la cendre. Et que tivé cette punition. Mais aujourd'hui on les
parlé-je de pierres, de bois et de terre, là où compte par milliers, les désordres pareils, les
lair même et les eaux manifeslent la même égarements plus funeste? que ceux des anciens
calamité ? De même qu'un corps, dévoré par le hommes. Eh bien, celui qui, pour un seul
feu, conserve sa forme, sa figure, que c'est le péché, répandit les flots d'une si terrible co-
même aspect, mais que la force en est dé- lère, sans égard pour les prières d'Abraham,
truite; de même, pour cette terre, elle n'a plus sans égard pour Loth, habitant de ce pays, le-
rien de la terre tout n'y est plus que cendre.
; quel pour honorer les serviteurs de Dieu,
,

Des arbres et des fruits qui ne sont plus en exposait ses propres filles aux outrages, Dieu
rien, ni des arbres, ni des fruits de l'air et de ;
en présence de tant de crimes qui sont les nô-
l'eau, qui n'ont plus rien ni de l'air ni de tres, nous ferait grâce? Pi'éjugé ridicule, fri-
l'eau ; car ces éléments mêmes ne sont plus volité, erreur, illusion du démon Voulez- I

que de la cendre. Cependant comment de l'air vous un autre exemple ?


peut-il être dévoré par le feu? Comment l'eau Vous connaissez suffisamment l'histoire de
peut-elle brûler, et rester de l'eau? Le bois et Pharaon, de ce roi des Egyptiens: vous con-
les pierres peuvent brûler, mais pour l'air et naissez la punition qu'il a subie, ses chars, ses
pour l'eau, c'est absolument impossible. Im- chevaux, son armée entière, précipités avec
possible pour nous; mais pour Celui qui les a lui au fond de la mer Rouge. Vous faut-il en-
faits, c'est un prodige possible. Cet air n'est core d'autres preuves? car ce Pharaon était
donc plus qu'une fournaise; l'eau n'est plus peut-être un impie je me trompe, il ne faut
;

qu'une fournaise ; rien ne porte de fruit, rien un impie.


pas dire, peut-être; c'était réellement
n'engendre rien ; partout les traces, les ima- Eh bien, vous faut-il des
exemples, pris de
ges de la colère antique, les preuves de la ceux qui croyaient en Dieu, qui s'attachaient à
colère à venir. Dieu, mais qui ne pratiquaient pas la vertu?
Sont-ce là des menaces en paroles? n'est-ce Voulez-vous les voir punis? écoutez Paul :

làqu'un bruit de paroles? 11 est bien entendu « Ne commettons point de fornication, comme
que, pour moi, j'ajoute foi aux anciens exem- « quelques - uns d'entre eux commirent ce
ples ;
j'ajoute foi, aussi bien à ce que ne voient « crime pour lequel vingt-trois mille furent
pas, qu'à ce que voient mes yeux. Mais je a frappés de mort en un seul jour; ne mur-
parle à l'incrédule, et ce que je dis doit suf- et murons point comme murmurèrent quel-
fire pour le Que celui qui ne
forcer à croire. « ques-uns d'entre eux qui furent frappés de
croit pas à l'enfer médite sur Sodome, réflé- mort par l'exterminateur ne tentons point le
;

cnisse sur Gomorrhe, sur le châtiment qui «Christ, comme le tentèrent quelques-uns
s'est effectué, qui dure encore. Témoi- « d'entre eux qui furent tués par ks serpents s

gnage du supplice éternel, pensées diffici- (I Cor. X, 8-10.) Si la fornication, si les mur-
les à supporter mais croyez-vous donc qu'il
; mures ont produit un tel effet, quel traitement
soit facile de supporter vos paroles qui sou- ne nous attireront pas nos crimes ? que si Dieu
ti(^nnent an'il n'v a pa? d'enfer; qu'il n'y a, ne réclame pas tout de suite la vengeance,
de la puri de Dieu, qu'une simple menace? n'en soyez pas surpris. Les hommes d'uuliv^
,

224 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fois ne connaissaient pas l'enfer, aussi éiaient- ce malheur? Dans un autre endroit le Pro-
iis frappés de ciiàtimenls soudains ; mais vous phète dit « Les mains des femmes miséri-
:

qui, quelles que soient vos fautes, n'êtes pas ocordieuses ont fait cuire leurs enfants ».
punis, vous les expierez toutes là-bas. Eli (Jércm. IV, 10.) Telle fut la punition des Juifs,
quoi 1 Dieu a puni ceux qui, auprès de nous, et nous, n'en subirons-nous pas une bien plus
n'étaient que des enfants; pour de moindres terribleencore?
péchés, de tels supplices, et il nous épargnera? 4. Voulez-vous connaître encore quelques

Ce discours ne peut se soutenir. Quand nos autres de leurs malheurs? Lisez Josèphe, étu-
fautes égaleraient seulement les leurs, nous diez toute cette tragédie, nous vous persuade-
mériterions im
rigoureux châtiment.
plus rons peut-être, par là, qu'ily a un enfer. Ré-
Pourquoi? parce que nous avons reçu la donc s'ils
fléchissez : ont été châtiés, pourquoi
grâce avec plus d'abondance. Et maintenant ne sommes-nous pas châtiés? Quelle vraisem-
que nous sommes plus souvent et plus grave- blance que nous ne soyons pas châtiés aussi,
ment coupables, à quelle vengeance ne devons- nous qui sommes plus coupables? N'cst-il pas
nous pas nous attendre? Ces anciens honnnes évident que le châtiment est mis en réserve
(n'allez pas croire que je sois surpris de leur pour nous? Si vous voulez, je vais vous mon-
supi)lice, que je veuille les absoudre, loin de trer qu'ils ont été châtiés aussi individuelle-
moi cette pensée; quand Dieu punit, celui qui ment. Cain a tué son frère. Crime affreux, c'est
condamne le jugement de Dieu exprime une nicontestablc; mais Caïnasubi sa peine, peine
pensée qui lui vient du démon donc je ne ; terrible, plus affreuse que mille morts; écoutez
fais pas l'éloge des anciens hommes, je ne ses plaintes «Vous me chassez aujourd'hui
:

prétends pas les absoudre, je ne fais que mon- a de dessus la terre, et j'irai me cacher de de-

trer notre perversité), eh bien donc, ces hom- « vaut votre face, et quiconque me trouvera,
mes d'autrefois, s'ils murmuraient, c'est qu'ils « me tuera». (Gen. iv, 14.) Eh bien, dites-moi,
arrivaient dans un désert; mais nous nous , n'y a-t-il pas beaucoup d'hommes qui font
avons une patrie, et c'est à l'abri de nos mai- aujourd'hui comme ce meurtrier ? Quand vous
sons que nous proférons des murmures ces ; assassinez, non votre frère selon la chair, mais
hommes d'autrefois encore, ils se livraient à votre frère spirituel, ne faites-vous pas comme
la fornication, mais ils sortaient de l'Egypte, Cain? Qu'importe que ce ne soit pas avec une
du sein d'un peujile corrompu, et c'est à peine arme, mais d'une autre manière, quand, au
s'ils étaient initiés à la loi; mais nous, qui lieu d'apaiser sa faim, ce que vous pourriez
avons reçu de nos pères des enseignements faire, vous l'abandonnez? Eh quoi! est-il vrai
pour nous sauver, nous méritons un châtiment de dire aujourd'hui que nul n'est envieux do
plus rigoureux. son frère? Que nul ne jette son frère dans les
Vous faut-il encore d'autres exemples de dangers? Eh bien, ces méchants sur cette
punition? Les châtiments soufferts dans la terre, n'ont pas subi leur peine, mais ils la
Palestine, les famines, les pestes, les guerres, subiront. Voyez donc encore celui qui n'a :

les captivités; captivité sous les Babyloniens, entendu ni la loi écrite, ni les prophètes, qui
captivité sous les Assyriens ; les maux souU'erts n'a pas vu des signes éclatants, celui-là est
de la part, et des Macédoniens, et d'Adrien, et frappé d'un châtiment rigoureux ; et celui qui,
de Vespasien. Je veux, mon cher auditeur, sans être moins coupable, a eu tant d'avertis-
vous raconter une histoire, mais ne faites pas sements pour le ramener au bien celui-là ,

un mouvement en arrière; ou plutôt, non, demeurera impie? Où donc est la justice de


je vous dirai autre chose d'abord. li y avait Dieu? Qu'est devenue sa bonté?
une une famine, dit l'Ecriture, et le roi se
fois Autre exemple pour du bois ramassé le
:

promenait sur le rempart une femme s'ap- : jour du sabbat, un malheureux a été lapidé
proche de lui et lui dit : a Roi voilà une , (Nombr. XV, 32) la défense pourtant n'était
:

a femme qui m'a dit Donnez votre fils, que


: pas des plus importantes, ce n'était pas «ne
nous le fassions cuire aujourd'hui et que prescription comme celle de la circoncision.
«nous le mangions; et demain, ce sera le Eh bien, pour du bois ramassé le jour du
« mien et nous l'avons cuit, et nous l'avons
; sabbat, lapidé; et ceux qui enfreignent mille
o mangé » (IV Rois, vi, 26, 29); celle-ci n'a pas fois la loi, seront impunis? S'il n'y a pas d'en-
encore doiuié le sien. Quoi de plus alfreux que fer, uù donc est la justice, que devient ce
tOMMEWTAIRE SUR lA I" EilTAE AUX TIIESSALONICIENS. rr H031ÉJLIE VIII. îît

^u'on nous dit que Dieu nefait point acception malheureux, et beaucoup plus coupable en-
des personnes? Cependant les accusations ne core, demeurer impuni ne sentez-vous pas
,

manquent pas contre tous ceux qui n'obser- que, malgré vous, vous reconnaissez qu'il y a
vent pas le sabbat. Autre exemple encore, un un enfer? Rassemblez ceux qui, sur cette terre,
fils de Cbram, pour une offrande soustraite, avant vous, ont subi un châtiment rigoureux,
Eb quoi, de-
lui et toute sa famille, lapidés. considérez que Dieu ne fait pas acception des
puis ces temps anciens, n'a-t-on plus commis personnes, que vous avez fait mille et mille
de sacrilège ?Saûl encore, pour avoir fait grâce actions mauvaises, que vous n'avez éprouvé
contre la volonté de Dieu, a subi un châtiment aucun traitement qui ressemble au leur, et
sévère; depuis Saûl, est-ce que personne n'a alors vous comprendrez l'enfer. Car Dieu nous
fait comme lui? Plût au ciel qu'il en fût ainsi, en a mis la pensée dans l'âme, à tel point que
et qu'on ne nous vît pas, plus féroces que les jamais personne n'a pu l'ignorer. Poètes, phi-
bêtes féroces, nous manger les uns les autres, losophes, auteurs de fictions, en un mot, tous
contre la volonté de Dieu et qu'il n'y eût pas
, les hommes ont raisonné sur la rémunération

de combattants renversés dans la mêlée Autre ! dans une autre vie, et ont parlé de la foule de
exemple encore, les fils d'Héli pour avoir ceux qui subissent, dans les enfers, des châli-
mangé les victimes avant qu'on les eût brûlées ments. Si leurs récits sont des fables, il n'en
en sacrifice, furent punis d'une mort terrible, est pas de même chez nous. Je n'ai pas voulu

et leur père avec eux. N'y a-t-il donc plus de vous effrayer par ce discours, ni charger vos
pères qui négligent leurs enfants? N'y a-t-il âmes d'un poids incommode, au contraire, je
plus d'enfants pervertis? Nous n'en voyons voudrais leur donner les ailes de la sagesse.
aucun de puni. Quand donc le seront-ils, s'il Je voudrais bien, moi aussi, qu'il n'y eût pas
n'y a pas d'enfer? D'autres exemples encore, de châtiment, je le voudrais, plus que vous
il y en a des milliers. Ananie et Saphire, tous, moi qui vous parle. Pourquoi? c'est que
pour avoir soustrait une partie de leurs pro- chacun de vous ne tremble que pour son âme
pres offrandes, n'ont-ils pas été punis sur-le- à lui; mais moi, j'aurai des comptes à rendre
champ? Depuis ces temps anciens, personne de mon administration, de sorte que c'est moi,
n'a-t-il donc faitcomme eux? Comment donc plus que vous tous, qui aurai de la peine à y
n'avons-nous pas vu, depuis, les mêmes châti- échapper. Mais il n'est pas possible qu'il n'y
ments? Comprenez-vous qu'il y a une géhenne, ait ni enfer ni supplice. Que ferai-je? Voici

ou vous faut-il encore des exemples? Eh bien, maintenant des doutes et des objections où :

nous les demanderons à ce qui n'est pas écrit, est donc la bonté de Dieu? Partout. Mais c'est

à ce qui se passe aujourd'hui, car il ne faut un point que je développerai dans un autre
négliger aucun moyen de conviction, il ne temps; ne confondons pas, avec ces réflexions,
faut pas, par une complaisance irréfléchie ce que nous avons dit sur l'enfer. Quant à pré-
pour nous-mêmes, nous faire du tort à nous- sent, gardons le profit que nous avons retiré
mêmes. de ces paroles ce n'est pas un mince profit,
;

Ne voyez-vous pas des malheureux, des mu- que d'être convaincu qu'il existe un enfer.
tilés sans nombre, en proie à mille maux? Le souvenir de pareil discours est un remède
Pourquoi des meurtriers punis d'autres, qui ;
amer mais efficace pour nous purger de toute
ne le sont pas. Ecoutez Paul o 11 y a des per-
: corruption, si nous savons le conserver dans
a sonnes dont les péchés sont connus avant le notre esprit. Donc, il faut en user, purifions
jugement; il y en a d'autres qui ne se dé- ainsi notre cœur, rendons-nous dignes de voir
a couvrent qu'ensuite». (ITim.v, 24.) Combien ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a
yen a-t-il d'échappés parmi les meurtriers; pas entendu, les biens que n'a pas compris le
combien, parmi les violateurs de sépultures? cœur de l'homme puissions-nous tous en
;

Mais laissons cela. Combien y en a-t-il que vous jouir, par la grâce et par la bonté de Notre-
ne voyez pas rigoureusement punis? Les uns Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme
sont frappés d'une maladie cruelle d'autres, ; au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la
livrés à de perpétuelles tortures; d'autres en- puissance, l'honneur, maintenant et toujours,
core, àdes maux innombrables. Eh bien, quand et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
vous voyez un homme coupable, comme ces

^ J. Cu. -^ Toiia XI,, i§


ïitJ TIIADLCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CllRYSOSTOME.

HOMELIE IX.

OH, FOIIK CE OUI REGARDE LES TEMPS ET LES MOMENTS, MES FRÈHES, VOUS n'aVEZ PAS BESOIN QU'ON
VOtS tK tCKlVE, l'ARt:E QUE VOUS SAVEZ BIEN VOUS-MÊMES QUE LE JOUR DU SEIGNEUR DOIT VENIR
COMME UN VOLEUR DE NUIT. (CHAP. V, 1 A 12.)

Analyse.
A.. IM '.'indiscrète curiosilé qui veut pénétrer les mystères. — 11 est particulièrement inutile de vouloir connaître l'époque précise

de coasommation des siècles.


la —
Uéponse à celte idée, que si l'on connaissait le ujornent, on fermerait la bouche aux
gentils, -r Le jour du Seigneur doit venir comme un voleur de nuit, non-seulement pour le monde, mais pour chacun en
pirliculier.
9. Il est utile qu'il en soit ainsi. — Quels crimes ne commettrait-on pas, s'il en était autrement? —
Raisons diverses. Que —
devient la verlu même, avec la connaissance parfaite de ce qui doit arriver? —Il faut veiller. —
L'avénemcnt du dernier jour
;oRi;jaré avec justesse à un sccoui'heincnt suhit.
3. Explication de ces eiprsssions, entants de lumière, enfants du jour, enfants déperdition, enfants delagéhenne.— Qu'est-ce que
l'ivresse, qu'est-ce somuieil? que le —
l.a cuirasse de la foi et de la charité, le casque de l'espérance. Dieu ne nous a pas —
appelés pour nous perdre, mais pour nous sauver. Consolons-nous. —
i. Quelle est l'origine du mal ? En dernière analyse, notre négligence. —
Donc, soyons attentifs et diligents. Pas de vaines —
recherches. La voie est clroile, pensons-y
S. Les plaisirs eiquis et ralSnés ne servent à rien. —
Le bonheur n'est pas là. —
Ne pleurons que ce qui mérite d'être pleuré,
ne recherchons que ce qu'il faut pour vivre. —
11 dépend de nous que Dieu nous prenne en pitié. Si nous voulons obtenir —
la miséricorde, faisons tous nos eH'orts pour en être dignes.

i . Rien n'égale l'inutile et avide curiosité bienheureux Paul «Or, pour ce qui regarde
:

nui Dousse riionime à connaître ce qui est o les temps et les moments, mes frères, vous

ODScur fil caché. C'est le piopre d'un esprit «n'avez pas besoin (ju'on vous en écrive».
inlirme et mal cultivé. La naïveté des enfants Pourffuoi ne dit-il [)as Personnen'en saitrien?
:

pe se lasse pas de harceler pédagogues, pré- Pourquoi ne dit-il pas C'est un secret, mais
: :

cepteurs et parents, de milk; questions où il « Vous n'avez pas besoin qu'on vous en écrive?»

n'y a rien que ces aiots, quand donc ceci, C'est qu'une autre réponse les aurait tour-
(luand donc cela? C'est le résultat d'une exis- mentés; celle qu'il leur fait, les console; ce
tence que rien ne gêne, et qui n'a rien à faire. « vous n'avez pas besoin», montre ce qu'il y a

il y u beaucoup de choses que noire esprit est de superflu, d'inutile, dans une recherche
pressé d'apprendre et de connaître, et surtout qu'il ne faut pas continuer. Car quel profit?
l'époque de la consonuualion des siècles. Rien répondez-moi. Mettons la consommation des
d'éluniiant qu'il nous arrive ce qu'ont éprouvé siècles dans vingt ans, dans trente ans, dans
ces suints apôtres, possédés, plus que personne cent ans après? Que nous importe? La con-
.

ne le fut jamais, de la même inquiétude : sommation n'est-elle pas, jiour chacun de nous,
avant la [lassion, ils entourent le Christ, ils la lin de sa \'ie a lui ? Que signifie ce mal que

lui disent : « Dites-nous quand ces choses arri- vous vous dcinnez pour connaître, et comme
« veront ? quel sera le signe de voire avènement enfanter la consommation? Ce qui nous arri>e
a e,t de la consommation du siècle?» (Matth. en d'autres circonstances, nous l'éiirouvons
y.xi V, 3.) Après la passion, après la résurrection, ici. En d'autres circonstances, nous négligeons

ils lui disaient : a Seigneur, sera ce en ce temps nus allaires particulières jjour celles des au-
«que vous rétablirez le royaume d'Israël?» tres, nous disons : Un tel est un débauché, un
(Act. 1,6.) Et ce l'ut là la première (|uestion qu'ils tel est un adultère, celui-ci a commis un bri-
lui iidressèrent. 11 n'en fut pas de même plus gandage, celui-là a fait du tort à tel autre; nul
tnrd. En effet, une fois qu'ils ont reçu le Saint- ne s'occupe de ses alfaires ; on s'inquiète de
Esjtrit, non-seulement ils ne font plus de ques- tout ce qui est étranger, plutôt que de ses
tions, non-seulement ils acceptent leur igno- propres intérêts; de même ici, chacun de nous,
rance, mais encore' ils répriment, chez les au lieu de s'inquiéter de sa fin parliculièrp,

autr-».'s, une intempestive cm io.^ité. veut savoir quelle sera la fin commune, l'^l),

Ecouter donc ce que dit aujourd'hui ie que vous importe cette fin universelle V Failes,
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE IX. 327

dans de bonnes dispositions, votre fin à vous, quand il doit venir, on commettrait mille cri-

et vous n'aurez rien à craindre de la grande mes, avant de recourir au baptême et de s'ap-
consommation. Qu'elle soit éloignée, qu'elle prêter au départ. Voyez, en effet, ce qui se passe
soit proche, cela ne nous touche en rien. A'oilà maintenant malgré l'incertitude qui épou-
:

pourquoi le Christ ne répond pas; il sait que vante toutes les âmes, tous les hommes consa-
la question est sans intérêt. Comment! sans crent d'abord leur vie à la corruption, ils

intérêt? me
répond-on. Celui qui n'a rien attendent qu'ils n'aient plus qu'un souffle de
\oulu dire, sait bien pourquoi la question vie, pour se tremper dans les eaux du baptême;
est sans intérêt; écoutez ce qu'il du aux s'ils étaient tout à fait rassurés, qui s'occupe-
apôlres :«Ce n'est point à \ous de savoir rait donc de vertu? Malgré la crainte qui les
les temps et les moments que le Père a ré- presse, un grand nombre sont partis pour
a serves à sa puissance propre». (Act. i, 7.) l'autre vie sans avoir reçu la lumière et la grâce
Que signifie cette recherche curieuse? Voilà du baptême; cette crainte même n'a pas appris
ce qu'entendit, avec les autres apôtres, Pierre aux vivants à s'inquiéter de ce qui plaît à Dieu;
leur chef, pour prix d'une indiscrète curionté. supposez que cette crainte leur eût été enle-
Très-bien, réplique-t-on, mais si l'on était vée, qui donc aurait encore gardé quelque
mieux instruit, on pourrait fermer la bouche mesure? Qui donc aurait encore pratiqué la
aux gentils. Comment cela? répondez-moi. justice? Personne. Seconde raison il en est :

C'est que les gentils, fait-on observer, regar- que retient l'épouvante de la mort, le désir de
dent le monde comme un dieu; donc si nous vivre si chacun savait que la mort ne doit
;

connaissions l'époque de la consommation, venir que demain, on ne se refuserait rien, on


nous leur fermerions la bouche. Très-bien : oserait tout jusqu'à ce dernier jour, on égor-
que faut-il pour leur fermer la bouche? leur gerait ceux qu'on voudrait, on commettrait
montrer que ce monde sera détruit, ou leur crimes sur crimes pour se venger de ses en-
apprendre l'époque de la destruction ? Voulez- nemis.
vous leur fermer la bouche, dites-leur que ce 2. Le scélérat qui n'a plus l'espoir de pro-

monde aura une fin s'ils ne vous accordent


; longer sa vie ici-bas, n'a plus de respect;
pas ce point, ils ne vous accorderont pas l'autre même pour celui qui porte la pourpre. Sup-
davantage. posez-le convaincu qu'il faut absolument partir,
Ecoutez ce que dit Paul a Vous savez bien : il vengera de son ennemi, il assouvira sa
se
«vous-mêmes que le jour du Seigneur doit venir fureur avant de recevoirla mort. Dirai-je une

« comme un voleur de nuit». Ce qui ne s'ap- troisième raison? Ceux qui tiennent à la vie,
plique pas seulement à la fin commune, mais ceux qui ne peuvent se détacher de la terre,
à la fin particulière de chacun de nous; car ceux-là mourraient d'abattement et de dou-
celle-ci se comporte comme l'autre; ces deux leur. Un jeune homme saurait qu'il ne doit
fins se ressemblent, c'est la même famille. Ce pas atteindre à la vieillesse, que sa vie sera
que l'une fait en bloc, l'autre en détail; le fait terminée auparavant, il serait comme ces ani-
le temps de la consommation a, pour point de maux languissants qui, une
devien-
fois pris,
départ, Adam; la fin de la vie de chacun de nent plus languissants encore, n'attendant
nous est une image de la consommation on ; plus que leur fin. Pour le courage même, plus
peut l'apiJcler aussi une consommation, sans de récompense. Des hommes vaillants sauraient
craindre de se tromper. Chaque jour, des mil- que dans trois ans ils doivent de toute né-
liers et des milliers de mourants, lesquels doi- cessité mourir, mais non avant ce terme ;
vent, tous sans exception, attendre le grand quelle pourrait être la récompense de leur
jour, et, avant ce jour-là, nul ne ressuscitera; audace dans les périls? C'est parce que vou3
la consonmiation particulière n'est-elle pas n'avez rien à craindre, pour ces trois ans, que
une partie de la grande consommation? Main- vous vous exposez aux dangers; vous save^
tenant, pourquoi l'heure est-elle un secret? bien que vous ne pouvez pas quitter cette vie
pourquoi ce jour doit-il venir comme un vo- plus tôt. Celui qui peut trouver la mort dans
leur de nuit? Je vais vous dire l'opinion qui chaque danger, qui sait que la prudente le
me paraît sage. Personne ne consacrerait à la sauverait, qui ne craint pas la mort et l'af-
vertu sa vie tout entière, si on le connaissait fronle, celui-là donne, et de son courage, et
bien ce jour, s'il n'était pas caché ; si l'on savait de son mépris de la vie présente, une preuve
Î2^ TRADUCTION FRANÇ.\ISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

signalée. Un exemple va vous rendre ces véri- afin que nous le voyions ; que la volonté du
tés manifestes. saint d'Israël s'accomplisse, afin que nous
Répondez-moi , si le patriarche Abraham a la connaissions » (Is. v, 19) ; et encore :

avait prévu, en conduisant Isaac sur la mon- Malheur à vous qui désirez le jour du Sei-
tagne, qu'il n'égorgerait pas son fils, aurait-il a gneur » (Amos, v, 18) (ce qui ne veut pas

mérite une récompense? Voyez encore Si : dire simplement ceux qui le désirent, mais
Paul eût prévu qu'il ne mourrait pas, quelle qui le désirent, parce qu'ils ne croient pas) ;
admiration aurait mérité son mépris des dan- et «ce jour du Seigneur», dit encore le même
gers? Mais on verrait le plus lâche se jeter texte, « sera ténèbres, et non lumière ». Telle
dans les flammes, si on lui paranlissait qu'il est la pensée de l'apôtre. Et voyez comme il

])eut le faire en toute sûreté. 11 n'en fut pas de les console : c'est comme s'il leur disait : La
même des trois jeunes hommes. Qu'arriva- douce vie qu'ils mènent, ne prouve pas que le
til? Entendez leurs voix : « Roi, il est un jour du jugement ne doive pas venir rien n'y ;

« Dieu dans le ciel qui nous retirera de vos fait, il doit venir. Mais maintenant, voici une
o mains et de celte fournaise et s'il ne veut ;
question intéressante : si l'antechrist arrive,
^
« pas le faire, sachez bien que nous n'hono- si Elle arrive, comment peut-il se faire que,
« rons point vos dieux, et que cette statue d'or quand ils diront : « Nous voici en paix et en
« que vous avez fait élever, nous ne l'adorons «sûreté», ce soit précisément alors qu'une
a pas». (Daniel, m, 17, 18.) Voyez-vous quels ruine imprévue les surprenne ? Voilà des
grands avantages? comprenez-en de plus grands signes qui ne permettent pas de se tromper sur
encore; voyez-vous quel profit pour l'homme l'avènement de ce grand jour, ils en révèlent
d'ignorer sa fin ? Mais nous pouvons nous l'apparition. Mais l'apôtre n'indique pas le
contenter, sur ce point, de ces réflexions. Voilà temps, je veux dire de l'antechrist; ne dit pas il

donc pourquoi le jour du Seigneur vient non plus que ce jour fameux sera le signe de
comme un voleur de nuit c'est pour que : l'apparition du Christ, mais que le Christ n'aura
nous ne nous laissions pas entraîner dans la pas de signe, qu'il viendra subitement, sans
corruption, pour que nous ne cédions pas à qu'on rattende. Mais, objecte-t-on, une femme
l'indolence, pour que nous puissions nous enceinte n'est pas surprise par sa délivrance ;
assurer notre recompense, a Vous savez bien elle sait bien qu'elle doit s'y attendre au bout
o vous-mêmes », dit l'Apôtre. Dès lors, à quoi de neuf mois. Au contraire, l'époque est tout
bon votre curiosité intempestive, puisque vous à fait incertaine certaines femmes accouchent
;

êtes persuadés ? Que l'avenir est incertain, au septième mois, d'autres, au neuvième; et
c'est ce que vous montrent les paroles du maintenant on ne peut fi,\er ni le jour, ni
Christ. Ecoutez ce qu'il dit à ce sujet : « Veil- l'heure. Voilà donc quelle est la pensée de
lez donc, parce que vous ne savez pas à Paul. La comparaison est exacte il n'y a pas ;

a quelle heure le voleur arrive ». (Matth. beaucoup de marques pour indiquer l'accou-
xxiv, 42.) A ce sujet, Paul disait aussi: «Quand chement nombre de femmes se laissent sur-
;

ils nous voici en paix et en sûreté,


diront, prendre dans les rues, hors de chez elles,
«tout à coup une ruine imprévue les sur- n'ayant pu prévoir le moment. Maintenant
« prendra, comme une femme grosse que l'apôtre, ici, n'indique pas seulement l'incer-
a surprennent les douleurs de l'enfantement, titude de l'heure, mais l'amertume des la-
a et ils ne pourront se sauver (3) ». mentations. De même que cette femme jouant,
Il fait entendre ici ce qu'il répète dans la riant, ne prévoyant absolument rien, est tout
seconde épître. Les fidèles étaient dans les à coup en proie aux douleurs d'un enfante-
afflictions, ceux qui leur faisaient la guerre ment qui la déchire, de même en sera-t-il de
vivaient dans le relâchement et les délices; en ces âmes imprévoyantes que surprendra le
conséquence, l'apôtre consolait les fidèles en dernier jour. « Et ils ne pourront se sauver».
les entretenant de la résurrection. Les enne- Ensuite l'apôtre tient à montrer que ce n'est
mis leur prodiguaient les insultes, répétant lias pour les fidèles de Thessalonique qu'il parle
les pensées de l'ancien peuple ; ils disaient : ainsi a Mais vous, mes frères, vous n'êtes pas
:

Quand jour? (C'est ce qui fai-


viendra-t-il ce a dans les ténèbres, pour être surpris de ce

sait dire aux prophètes a Malheur à vous qui


: a jour comme d'un voleur (4) ».
« Uil(<5 Que Diçu se hâte de faife ce qu'Usera,
; 3, Par ténèbres, il entend ici la vie qui se
.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE IX. 220

cache dans la nuit de l'impureté. C'est comme « et ceux qui s'enivrent, s'enivrent durant la
dans les ténèbres de la nuit où tout ce qu'il « nuit. Mais nous, qui sommes enfants du
y a d'hommes souillés, de pervers se plon- « jour, gardons-nous de cette ivresse (6, 7, 8) »

gent, se renferment avec leurs actions infâ- L'apôtre montre ici que notre vie appartient
mes. Répondez-moi, n'est-ce pas le soir qu'at- au jour. Le jour et la nuit qui frappent nos
tend l'adultère? n'est-ce pas la nuit qu'attend yeux, ne dépendent pas de notre volonté la ;

le voleur? le brigand qui force les sépulcres nuit vient en dépit de nous malgré nous, le ;

n'accomplit-il pas toute son œuvre pendant la sommeil nous saisit mais, pour ce qui est de
;

nuit? Eh quoi est-ce que le dernier jour ne


I l'autre nuit, de l'autre sommeil, il n'en est
les surprend pas comme fait un voleur? est-ce pas de même nous pouvons être toujours
;

que ce jour n'est pas impjévu pour eux? Faut- éveillés nous pouvons nous faire un jour
;

il croire qu'ils le connaissent par avance? Com- perpétuel. Fermer les yeux de l'âme, se lais-
ment donc l'apôtre peut-il leur dire : a Vous ser aller au sommeil de la perversité, ce n'est
a n'avez pas besoin qu'on vous en écrive? » pas un effet de la nature, mais de la libre vo-
ne pense pas à l'incertitude
C'est qu'ici l'apôtre lonté, a Mais veillons », dit-il, « et gardons-
du moment, mais au malheur de la catastro- « nous de l'enivrement de l'âme ». On peut
phe il veut dire que ce jour ne viendra pas
;
dormir, tout éveillé qu'on est, si l'on ne fait
pour le malheur des fidèles. En effet, ils en rien de bien. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute :

seront surpris, eux aussi, mais ils n'y trouve- a Et gardons-nous de l'enivrement de l'âme ».

ront aucun sujet d'affliction. « Pour être sur- En effet, veiller dans le jour, mais pour s'eni-
a pris de ce jour comme
». Dans d'un voleur vrer, c'est s'exposer à des maux innombra-
une maison où où il y a de la lu-
l'on veille, bles. De sorte qu'il faut qu'à la vigilance se
mière, le brigand a beau venir, il ne peut joigne la sobriété.
causer aucun dommage; il en est de même « Ceux qui dorment », dit-il, a dorment
pour ceux qui vivent dans l'honnêteté quant ;
« durant la nuit, et ceux qui s'enivrent, s'eni-
à ceux qui dorment, le brigand les dépouille a vrent durant la nuit » L'ivresse dont il parle .

de tout ce qu'ils ont, ce sont ceux qui ont trop ici n'est pas seulement l'ivresse produite par

de confiance dans les choses d'ici-bas. L'apôtre le vin, mais celle qui résulte de tous les vices.

ajoute ensuite Car vous êtes tous des en-


: « Car l'ivresse de l'âme, ce sont les richesses, le
B fants de lumière et des enfants du jour (5) ». désir de l'argent, l'amour sensuel; tout ce que
Mais, demande-t-on, qu'est-ce que cela veut vous pouvez dire d'affections de ce genre
dire, des enfants du jour ? C'est de même qu'on constitue l'ivresse de l'âme. Mais pourquoi la
dit, des enfants de perdition, des enfants de malignité est -elle appelée par l'apôtre un
l'enfer. Aussi le Christ dit-il aux Pharisiens : sommeil? C'est que d'abord le pervers n'a
« Malheur à vous, qui courez la mer et la aucune énergie pour la vertu ensuite il n'a :

« terre pour faire un prosélyte, et, quand que des fantômes devant les yeux, il ne voit
vous l'avez, en faites un enfant de la nulle part la vérité, il est plein de songes,
M géhenne » (Matth. xxiii
1 15.) Et Paul , : l'extravagance est dans toutes ses actions ; s'il

a Puisque ce sont ces crimes qui font tomber lui arrive de voir le bien, il n'y a là ni fer-
o la colère de Dieu sur les enfants de la déso- meté, ni solidité. Telle est la vie présente, un
« béissance » (Col. m, 6) ce qui veut dire, les ; tissu de rêves et de vaines images. La richesse
pécheurs qui font les œuvres dignes de la est un rêve ; de même, la gloire, et toutes les
g<!>henne, les œuvres de la désobéissance. De choses du même genre. Celui qui dort ne voit
même donc que les enfants de Dieu sont ceux ni le réel, ni le vrai ; à ce qui n'existe pas, il

qui font les œuvres agréables à Dieu, de même attribue une réalité qui n'est que dans son
les enfants du jour et les enfants de la lu- imagination. Telle est la pensée corrompue,
mière sont ceux qui font les œuvres de la lu- telle est la vie passée dans la corruption ;

mière. l'homme corrompu ne voit pas la réalité,


a Nous ne sommes point des enfants de la c'est-à-dire, ce qui est spirituel, céleste, per-
« nuit, ni des ténèbres. Ne dormons donc sistant, durable, mais ce qui s'écoule, ce qui
«point comme les autres; mais veillons, et s'envole, ce qui s'échappe bien vite loin de
« gardons-nous de l'enivrement de l'âme. Car nous. Or, il ne sufflt pas de la vigilance et de
,« ceux qui dorment, dorment durant la nuit, la sobriété, il faut y joindre encore l'énergie
230 TRADUCTION FIlANCAlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qui prend les armes. Car on a beau être vigi- le salut, par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
lant, tempérant si l'on n'est pas armé, on est
; o qui est mort pour nous (9, 10)».
bien vite à la merci des brigands. Eh bien, Je 4. Ainsi Dieu ne nous a pas appelés pour
vous le demande, si, quand nous devrions être nous perdre, mais pour nous sauver. C'est là
et vigilants, et sobres, et armés, nous demeu- sa volonté. Qui le prouve? Il a livré son Fils
rons désarmés, nus, endormis, qui peut em- pour nous, dit l'apôtre; Dieu désire à tel
pêcher l'ennemi de nous percer de son glaive? point notre salut, qu'il a livré son Fils, et il

Cest ce besoin de nous faire comprendre la ne l'a pas simplement livré, mais pour qu'on
nécessité d'être en armes, qui inspire les paro- le mît à mort. Voilà les considérations qui en-
les suivantes ; « Mais nous, qui sommes des fantent l'espérance. Ne désespère donc pas, ô
«enfants du jour, gardons -nous de celle homme, eu présence de ce Dieu qui, pour toi,
« ivresse; revêtons-nous de la cuirasse de la n'a pas même
épargné son Fils ne te laisse :

« foi et de la charité, prenons le casque de pas abattre dans les maux de la vie présente.
« l'espérance du salul (8) ». Celui qui a livré son Fils unique, afin de te
De la foi », dil-il, o et de la charité ». Ici sauver, afin de t'affrancliir do la géhenne,
lapôlre indique la rectitude de la vie et des que pourra-t-il épargner pour assurer ton sa-
croyances. Voyez cette explication qu'il donne lut? 11 faut donc n'avoir que de bonnes espé-
d' la vigilance, de la continence; elle consiste rances. Si nous allions, sur la terre, compa-
à prendre, dit-il, la cuirasse de la foi et de la raître devant un juge que son amour pour nous
cliarité. Il n'cnlend pas une foi vulgaire ; ilveut aurait porté à égorger son fils, nous serions
la ferveur, la sincérilé qui rend invulnérable. sans crainte. Ayons donc de bonnes et de
De même qu'il n'est pas facile de (lercer une grandes espérances; nous tenons le principal,
cuirasse qui est comme un mur épais sur la si nous avons la foi. Nous avons un exemple,

jtoitrine ; de même, pour préserver votre âme, une preuve livrons-nous donc à l'amour ce
:
;

ri duvrez-la de la foi et de la charité, de telle serait le comble du délire de ne pas aimer ce-
sorte qu'aucun des traits de feu du démon ne lui r|ui se montre ainsi disposé pour nous.
puisse pénétrer en vous. Du moment que Afin_que, soit que nous veillions, soit que
l'énergie de l'âme a |)our défense et pour a nous dormions, nous vivions ensemble avec

arme la ch.irité, elle peut défier toutes les at- Lui. C'est pourquoi consolez- vous mutuel-
taques; les assauts deviennent inutiles contre a lement, et édifiez-vous les uns les autres,

elle. Ni la perversité, ni la haine, ni l'envie, a comme vous le faites (tl) ». Plus haut,
ni la flatterie, ni l'hypocrisie, ne peut
rien l'apôtre a parlé (G) de veiller, de dormir. Mais,
atteindre une telle âme. Or, ne dit
l'apôtre quand il disait ne « dormons » donc point, il
pas seulement qu'il faille se revêtir de cha- n'entendait point dormir de la même manière
rité, mais s'en faire comme une solide cuirasse. qu'ici, soit que nous dormions. 11 s'agit, ici,
Et ensuite, il ajoute Le casque de l'espé-: a du sommeil de la mort; il s'agissait pins haut
a rance du s;dut ». En de même que le effet, de l'incurie des vivants. Voici donc ce que
casque garantit ce qu'il y a de plus important l'apôtre veut montrer que les dangers ne
:

en nous, de môme l'espérance ne laisse pas sont |ias même après notre
à craindre, que,
notre raison déchoir; l'espérance la maintient mort, nous vivrons. Ne désespérez pas, ne dites
droite comme la tête, et la préserve de tous pas que vous êtes en danger vous avez une ;

les coups du dehors. Tant qu'aucune secousse preuve certaine, invincible; s'il ne brûlait pas
ne l'ébranlé, elle-même ne chancelle pas; d'un amour ardent pour nous, il ne nous
avec de telles armes, il est impossible de suc- aurait pas donné son Fils. De telle sorte que,
comber, a Car», dit ra|)ôlre, o ces trois ver- même après votre mort, vous vivrez; car lui-
« tus demeurent, la foi, l'espérance, la cha- même a subi la mort. Donc soit que nous
« rite ». (I Cor. xui, 13.) Et maintenant qu'il mourions, soit que nous vivions, nous vivrons
a dit, revêtez-vous, préparez-vous, c'est lui- avec lui. Il m'est égal de mourir ou de vivre ;

même qui fournit les armes, qui montre d'où il n'y a rien là dont je me soucie, peu m'im-
naissent la foi , et l'espérance, et la charité, porte queje vive, que je meure car, aveclui, :

d'où viennent les armes de plus en plus in- nous vivrons.


vincibles. o Car Dieu ne nous a pas destinés Donc que toutes nos actions soient faites en
« à être les objets de sa colère, mais à acquérir considération de celte vie, ayons toujours les
COMMENTAIRE SUR LA I" EPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE iX. 2>1

yeux sur cette vie à venir, quoi que nous


fixés quand nous ne l'extirpons pas dès l'origine, il

fassions. Le péché n'est rien que ténèbres, ô nous e^t impossible de l'anéantir ensuite, c'est
mon cher auditeur, c'est la mort, c'est la nuit un triomphe au-dessus de nos forces.
qui ne nous laisse rien voir de ce qu'il faut Aussi, je vous en conjure, faisons tout pour
voir, rien faire de ce qu'il faut faire. Cadavres ne pas nous endormir. Ne voyez-vous pas les
hideux, cadavres infects, voilà les âmes cor- g.u-diens perdre souvent, pour avoir un peu
rompr.cs remplies de toute espèce de souil- cédé au sommeil, tout le fruit d'une longue
lures ; les yeux fermés, la bouche comprimée, veille ? cet instant si court de relâchement a
inmiobiles sur la couche où le vice les étend. tout gâté, parce qu'ils ont donné au voleur les
Image défectueuse, combien l'état de ces âmes moyens de faire son coup sans avoir rien à
fst Nos morts, pour le bien
plus sinistre ! craindre. Eh bien donc, de même que nous ne
coiiimepourle mal, sont morts ces âmes, in- ; voyons pas les voleurs comme ils nous voient,
sensibles pour la vertu, sont vivantes pour la de même le démon nous presse avec la plus
perversité. Frappez un mort, il ne sent rien, il grande insistance, et il ne cesse de grincer des
ne se venge pas voilà un morceau de bois sec,
; dent=. Donc gàrdons-nous bien de nous en-
telle est l'âme, sèche aussi, réellement dessé- dormir, et ne disons pas Rien à craindre par :

chée, qui a perdu la vie ; chaque jour elle re- ici, rien à craindre par là. Souvent c'est par

çoit d'innombrables blessures, elle ne sent l'ennemi que nous n'attendions pas, que nous
rien, elle n'éprouve rien, elle ne souffre de sommes dépouillés. Il en est de même du
rien, quoi qu'on lui fasse. Cet étit peut se com- péché ;ce que nous n'attendions pas nous
parer à la folie furieuse, à l'ivresse, au dé- perd. Regardons avec soin tout autour de nous ;
lire. Voilà ce qu'est le péché, sa condition est ne nous enivrons pas et nous ne succombe- ,

bien plus déplorable que tout ce qu'il faut dé- rons pas au sommeil ne nous plongeons pas
;

plorer. On ne peut en vouloir au malheureux dans les plaisirs, et nous ne nous endormi-
qui a perdu sa raison, tous l'excusent : son rons pas; ne laissons pas notre raison se trou-
mal n'est pas l'effet de sa volonté , la nature bler aux cho?es du dehors, et nous passerons
seule a tout fait; mais l'homme qui vit dans la notre vie tout entière dans la continence. Sa-
perversité, quelle excuse pourra-t-il alléguer? chons nous régler nous-mêmes par tous les
D'où vient donc la perversité? D'où vient le si moyens. De même que ceux qui marchent
grand nombre des pervers? D'où ils viennent, sur une corde tendue, ne doivent pas avoir le
vous me le demandez? eh bien, répondez- moindre moment de distraction, si court qu'il
moi, vous, d'où viennent les maladies ? d'où soit, car cette petite distraction produit un
viennent les transports? d'où viennent les grand malheur, on perd l'équilibre, on tombe,
sommeils pesants? n'est-ce pas de notre incu- on se tue de môme nous ne pouvons pas nous
;

rie, de notre négligence ? Si les maladies du relâcher. Nous marchons en suivant une voie
corps accusent, dès l'origine, notre volonté, à étroite, bordée des deux côtés de précipices,
bien plus forte raison faut-il le dire des ma- où les deux pieds ne peuvent se poser à la fuis.
ladies volontaires. D'où vient l'ivresse ? n'est- Voyez-vous combien il est nécessaire que nous
ce pas de l'intempérance? les transports, n'est- soutenions notre attention ?Ne voyez-vous pas
ce pas d'un excès de fièvre? et la fièvre main- comme les voyageurs qui s'avancent entre deux
tenant, n'est-ce pas de la surabondance des précipices, assurent non-seulement leurs pieds,
éléments qui débordent en mus? mais cette mais leurs yeux ? Car s'ils se trompent pour la
surabondance des éléments ([ii sont en nous, direction, quoiijue leurs pieds tiennent ferme,
d'où vient-elle, sinon de notre négligence? le vertige qui (rouble leurs yeux les fait tom-
Soit par défaut, soit par excès, nous dérangeons ber dans l'abîme. 11 faut veiller sur soi-même
l'équilibre de nos humeurs, et voilà comment et veiller sur sa marche ; de là ce que dit l'a-
nous allumons ce feu qui nous brûle. Et pôtre Ni à droite, ni à gauche. L'abîme de la
:

maintenant si, après avoir allumé la flamme, perversité est profond, les précipices en sont
nous restons longtemps sans y faire attention, vastes en bas d'é|>aisses ténèbres, et la voie
;

nous construisons en nous, contre nous, un est étroite;ayons donc une attention pleine de
bûcher qu'il nous est impossible d'éteindre. crainte, etmarchonsavec tremblement. Aui un
Voilà comment se produit la perversité quand ;
de ceux qui entreprennent celle route ne se
flous ne lui opposons pas d'entraves au début, laisse aller à un rire dissolu, ni ne souffre que
23Î TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

l'ivresse l'appefanlisse, c'est dans la sobriété qui marche pir le chemin de pct-dition. Car k
qu'il se mainlicnt, c'est avec attention qu'il quoi sert ce chemin qui aboutit à la désola-
s'avance pour faire une telle route; ceux qui tion? et quel mal nous fait celte route étroite,
entreprennent cette route, ne se laissent pas qui conduit au repos? Dites-moi, de deux
distraire par des choses inutiles; car c'est beau- hommes, au palais du souverain,
l'un, appelé

coup que de pouvoir, même étant bien équipé, traverse des ruelles étroites, et marche d'un
la parcourir jusqu'au bout nul ne s'y en- ;
pas ferme, en côtoyant des précipices l'autre, ;

gage d'un pied embarrassé, on s'arrange de que l'on mène à la mort, est traîné au milieu
manière à être libre dans sa marche. de la place publique ;
quel est celui que nous

5. Mais nous qui nous créons mille liens, regarderons comme un homme heureux, quel
mille entraves, avec les soucis qui nous tour- est celui qui provoquera nos larmes de com-
mentent, nous qui nous chargeons de mille passion? L'homme heureux, ne sera-ce pas
fardeaux, qui faisons des préoccupations de la celui qui va par la rue étroite ? Appliquons ici

•vie présente des poids si lourds à porter, qui


ces réflexions, ne célébrons pas le bonheur de

sommes toujours la bouche béante, les yeux ceux qui vivent dans les délices des plaisirs ;
grands ouverts, incapables de nous contenir, les heureux sont les hommes qui ne connais-

comment pouvons-nous espérer d'aller sans sent pas ces plaisirs ceux-ci prennent leur
;

accident jusqu'au terme de cette route étroite ? essor vers le ciel ; les autres, du côté de la gé-

Le Seigneur n'a pas dit seulement: Cette route henne. Peut-être un grand nombre de ces
est étroite mais il a fait entendre une excla-
;
malheureux riront de nos paroles quant à ;

mation : a Combien la route est étroite I » moi, ce qui cause surtout mes lamentations et
(Matlh. vu, 14.) Ce qui veut dire, qu'elle est mes gémissements, c'est qu'ils ne distinguent
des plus étroites. C'est ce que nous faisons pas ce qui doit les faire rire, ce qui doit les
nous-mêmes toutes les fois que nous sommes plonger dans le deuil; ils confondent, ils

saisis d'un grand étonnement. Et le Seigneur brouillent, ils bouleversent tout. Voilà pour-
dit encore « Elle est resserrée, la
:
route qui quoi je gémis sur eux.
o conduit à la vie ». (lind.) Et c'est avec raison Que dis-tu, ô homme ? Tu dois ressusciter,

que le Seigneur l'appelle étroite, resserrée. Si tu dots rendre compte de tes actions, tu dois

nous devons rendre compte, et de nos paroles, subir le dernier châtiment, et tu n'y penses
et de nos pensées, et de nos actions, et de jamais, tu ne t'occupes que d'exercer ton
toute noire conduite, réellement la route est ventre, que de te plonger dans l'ivresse, et, ce
étroite. Mais maintenant nous rendons plus la n'est pas tout, tu ris? Mais moi, jeme lamente
étroite encore par notre manière de nous éten- sur toi, parce que je sais les maux qui t'atten-
dre, de nous dilater, d'écarter les jambes. dent, la vengeance qui doitsévir contre toi ;et

Caria roule étroite est difficile pour tout le ce qui fait surtout que je me lamente, c'est
monde, mais elle l'est surtout pour l'embon- que tu ris. Afflige-toi avec moi ; lamente-toi
point, pour l'obésité; celui que les mortifica- avec moi sur malheurs. Réponds-moi donc
tes :

tions amaigrissent, ne s'aperçoit pas que la un de tes proches serait mort, et ce coup pro-
roule est étroite ; celui qui s'afflige et se com- voquerait le rire de certaines personnes; ne
prime de lui-même, ne s'attristera pas des af- les prendrais-tu pas en aversion, ne regarde-
flictions. rais-tu pas ces gens-làcomme des ennemis?
Donc que personne ne s'attende à mériter, N'est-il pas vrai que ceux qui versent des lar-
par son indolence, de voir le ciel c'est impos- ; mes, qui s'affligent avec toi, ce sont ceux-là
sible. Que personne n'espère trouver les plai- que tu aimes? Ton épouse est exposée, morte,
sirs de la vie molle et délicate, en suivant la celui que tu vois rire t'est odieux eh bien, ;

route resserrée ; c'est impossible. Que personne c'est ton âme à toi, qui est frappée de mort,
n'espère, en suivant la route large et com- et tu te détournes de celui qui pleure, et tu
mode, arriver à la vie. Quand vous voyez ces es le premier à rire? Voyez-vous comme le

bains splendides, des tables somptueuses, un démon nous rend des ennemis, des enne-
tel entouré d'une foule de satellites, et vivant mis particuliers de nous-mêmes, acharnés
dans les délices, ne vous regardez pas comme contre nous?
vn dépossédé, jiarce que vous n'avez pas votre Revenons donc enfin à la sagesse, ouvrons
pari de ce luxe, mais gémissez sur cet hommo les yeux, réveillons-nous, emparons-nous de
ÊÔMMENTAmE SUR LA t" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE X. 93.1

la vie éternelle, secouons notre lourd assou- gera? Personne. Ayons pitié de nous-mêmes ;

pissement, notre long sommeil. Il yaun juge- quand il nous arrive d'adresser à Dieu cette
ment, il y a un châtiment, il y a une résur- prière: Ayez pitié de moi. Seigneur, n'oublions
rection, il y a un examen des actions qui ont pas de nous dire à nous-mêmes aussi Ayons :

été faites. Le Seigneur \ient au milieu des pitié de nous-mêmes. Il ne tient qu'à nous de

nuages. Le feu s'enflammera en sa présence,


« faire en sorte que le Seigneur ait pitié de

e et autour de lui éclatera une tempête vio- nous, c'est un pouvoir que nous avons reçu de
« lente ». (Ps. xlix, 3.) Un fleuve de feu s'al- sa grâce. Si nous méritons sa pitié par nos
longe devant lui, le ver qui ne meurt pas, le actions, si nous méritons sa bonté. Dieu aura
feu qui ne s'éteint pas, les ténèbres extérieures, pitié de nous mais si nous n'avons pas pitié
;

le grincement de dents. Vous aurez beau de nous-mêmes, qui donc nous ménagera ?
vous récrier mille et mille fois encore, je con- Ayez pilié de votre prochain, et Dieu lui-même
tinuerai ces discours. On lapidait les prophètes, aura pitié de vous. Combien y en a-t-il qui
ilsne se taisaient pris à bien plus forte raison
; vous disent chaque jour Ayez pitié de moi, :

ne devons-nous pas craindre de nous rendre sans que vous vous retourniez seulement?
odieux, ni rechercher les paroles qui vous Combien de malheureux qui sont nus, man-
plaisent, ni vous tromper, pour être nous- chots, mutilés, etnous sommes insensibles ; et
mêmes déchirés. 11 y a là-bas un châtiment de combien d'infortunés repoussons-nous les
immortel, sans consolation possible nul pour ; prières suppliantes Comment pouvez-vous
!

nous protéger. «Qui aura pitié», dit l'Ecriture, espérer d'être pris en pitié, vous qui ne faites
«de l'enchanleur mordu par serpent?» le rien pour mériter la pilié? Devenons donc
(Ecclés. XII, 13.) Si nous n'avons pas nous- miséricordieux, devenons donc doux et compa-
mêmes pitié de nous, qui donc, je vous en tissants,afin d'être ainsi agréables à Dieu, et
prie, nous prendra en pilié? A la vue d'un d'obtenir les biens promis à ceux qui l'aiment,
homme se frappant lui-même d'une épée, par la grâce et par la bonté de Noire-Seigneur
pensez-vous pouvoir jamais le ménager? Non, Jcsus-Clirist, à qui appartient,comme au Père,
sans doute ; quand
et à bien plus forte raison comme au Saint-Espril, la gloire, la puissance,
nous pouvons nous bien conduire, et que l'honneur, maintenant et toujours, et dans les
nous nous conduisons mal, qui nous ména- siècles des siècles. Ainsi soit-il.

fîOMELIE X;
NOCS VOCS DEMANDONS, MES FRÈRES, DE RECONNAITRE CEUX QUI SE FATIGUENT PARMI VOUS, QUI VOUS
GOCVERNENTSELON LE SEIGNEUR, ET QUI VOUS AVERTISSENT, ET d'aVOIR, POUR EUX, UNE AFFEC-
TIONS INGCUÉRE, A CAUSE DU TRAVAIL QU'iLS FONT ; CONSERVEZ LA PAIX AVEC EUX. (V, 12-18.)

Analyse.
I. Sur les difficBllés que rencontre toujours celui qui gouverne, qui contrarient surtout l'action dn prêtre. — De la dignité da
prèlre, et des sacrilices auxquels il se soumet. — Droits du prêtre à la reconnaissance. — De la réprimande, quel en doit
être le caractère. — Différentes espèces de dérèglements et de vices.
8. Il faut toujours chercher le bien, rendre le bien, même pour le mal, se maintenir dans la joie, prier. — Les ne
afflictions

sont rien, c'est nous qui nous frappons nous-mêmes.


3. Contre l'avarice, source de tous les maux. —
Contre les vains prétextes qu'on allègue pour la justifier. — Désintéressement
de Jacob, d'Abraham. —
La sollicitude paternelle, le besoin d'assurer des ressources à ses enfants ne saurait en rien excuser
l'avarice. —
Ne profanons pas l'admirable institution de Dieu, l'araour paternel, en l'appliquant à la défense de la cupidité.
4. Contre la rapine, le vol, le brigandage. Contre le mépris de l'homme pour l'homme. —
L'avarice, plus effrontée, plus crU
minelle que le brigandage. —
Texte d'une verve admirable de vérité et de naturelle indignation.

1. Celui qui commande est nécessairement chagrinent plus d'une fois les malades, ea
exposéune multitude de petites rancunes
à ;
leur donnant et des aliments et des médica-
de même que les médecins nécessairement ments, désagréables sans doute, mais d'un^.
234 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMÉ.

grande de même que les pères sont


utilité ; siens qu'ils font un prosélyte et qu'ils le ren-
Fonvi'iit à charge à leurs fils, de même ar- dent digne de l'enfer deux fois plus qu'eux-
rive-t-ila ceux qui enîeiixnenl, et à ceux-là mêmes. —
C'est pour cela que j'ai dit, répond
plus qu'à tous les autres, d'être importuns, à le Christ : a Ne faites pas ce qu'ils font ».
charge, odieux. Le médecin, dans le cas même (Matth. xxiii.) Le Seigneur ôte par ces paroles
où le malade l'a pris en haine, n'a qu'à se louer tout prétexte à l'insoumission. Paul écrivait
des parents du malade et de ses amis ; et sou- encore à Timothée « Que les prêtres qui
:

vent médecin n'a qu'à se louer du malade.


le «gouvernent bien, soient doublement bono-
Quant au père, qui a pour lui et la nature et rés » (I Tim. v, 17); il écrivait aux Hébreux :

le siciHirs que lui prêtent d'ailleurs les lois, il « Obéissez à vos conducteurs, et soyez-leur

lui est très-facile de gouverner son fils. Sup- «soumis ». Et ici encore « Nous vous de- :

posez l'enfant indocile, le père pourra le cor- «mandons, mes frères, de reconnaître ceux
riger et le châtier sans que personne s'y «qui se fatiguent parmi vous, et qui vous
oppose; ajoutons que l'enfant même n'osera «gouvernent selon le Seigneur». Comme il
pas le regarder en face. Le prêtre, au con- a dit en effet : « Edifiez-vous l'un l'autre n,
traire, doit surmonter de grandes difficultés. ils auraient pu s'imaginer qu'il les élevait
Lt d'ahord, il faut ([ue Sun empire, que sa di- tous au rang de docteurs. Voilà pourquoi il
rcclion soit acceptée; ce qui ne se fait pas tout ajoute des paroles qui reviennent à ceci :
de suite car celui qu'on reiirend et qu'on
; Croyez bien que je vous ai recommandé de
blâme, quel qu'il soit, oublie qu'il doit savoir vous édifier réciproquement, car il n'est pas
gré de réprimande, et devient un ennemi
la : possible que le docteur dise tout, à lui tout
de même celui à qui on adresse des conseils, seul.
des avertissements des prières. Si je vous
, «Ceux qui se fatiguent », dit-il, « parmi
dis :Versez votre argent entre les mains des «vous, qui vous gouvernent selon le Sei-
pauvres, ce que je vous dis là, vous est à « gneur, et qui vous avertissent ». Si un
charge et désagréable si je vous dis Ajiaisez ; : homme vous prenait sous sa protection vous ,

votre colère, éteignez le feu de votre cœur, défendait, vous feriez tout pour lui marquer
réprimez un désir déréglé, supprimez quelque votre reconnaissance or voici maintenant un
;

peu de vos délicatesses autant de paroles dé- , homme qui vous prend sous sa protection au-
sagréables, et qui sont à charge; si je châtie près de Dieu et qui vous défend , et vous ne
l'indolent et le lâche, que je l'écarté de l'Eglise, lui avez pas de reconnaissance , n'est-ce pas
que je lui interdise la prière commune, il s'af- absurde? Et comment cet homme, objecte-t-
llige, non pas de ce qu'il est déchu, mais de ce on, me défend-il? Parce qu'il prie pour vous,
qu'il e<t publiquement exposé à la honte. parce qu'il se met à votre service, en vous
Car voilà encore ce tiui accroît notre mal : communiquant le don spirituel du baptême;
quand on nous interdit les biens spirituels, parce qu'il vous visite, vous exhorte, vous
nous nous affligeons, non pas d'être privés de avertit; au milieu de la nuit, si vous l'appe-
biens si précieux, mais d'être en spectacle, et lez, il va vous trouver; il ne fait pas autre
forcés de rougir. Ce n'est pas la privation chose que de parler pour vous, et il supporte
même que nous avons en horreur, que nous les malédictions dont vous l'accablez parfois.
redoutons. — Paul fait entendre, à ce sujet, Quelle nécessité a contraint? A-t-il bien
l'y

beaucoup de réllexions. El le Christ, pour re- fait, ou mal Vous, vous avez une femme,
fait?

commander soumission à l'autorité reli-


la et vous passez toute votre vie dans les délices,
gieuse, a été jusqu'à dire « Les scribes et les : vous consacrez toutes vos heures au com-
pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse; merce; le prêtre n'a qu'une affaire; sa vie
a observez donc et faites tout ce qu'ils vous entière se passe attachée à l'Eglise. «D'avoir
disent, mais ne faites pas ce qu'ils font» a peureux une afléction singulière, à cause

(Mallh. xxiM , 2); et ailleurs, après avoir guéri ode l'œuvre qu'ils font, conservez la paix
le lépreux, il disait : a Allez vous montrer au a avec eux ». Voyez-vous la connaissance qu'il
a [irèlre et offrez le don prescrit par Mo'ise, a des discordes qui s'élèvent? 11 ne dit pas

«afin que cela leur serve de témoignage». seulement : Une affection, mais « une affec-

(Ibid. VIII, 4.) —


Mais, Seigneur, vous avez dit tion singulière », comme celle des fils pour
aussi vous-même aux scribes et aux phari- leurs pères. En effet, ce sont pour vous des
, ,,
.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉIMTRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE X. 233

pères, qui vous ont engendrés à la vie éter- une nature vicieuse. Quel est cet autre mal ?
nelle ; c'est par eux que vous avez conquis La bassesse de l'âme autant que l'indolence ;

voire rayaulé ; ce sont leurs mains qui font elle est funeste. Qui ne supporte pas l'outrage,

tout; ce sont eux qui vous ouvrent les portes a l'âme basse qui ne supporte pas la tenta-
;

au ciel ; pas de sédition , pas do querelle ; tion, a l'âme basse; de celui-là, l'âme est la
celui qui aime le Clirist aimera son prêtre, pierre sur laquelle la semence est tombée.
quel parce que c'est par lui qu'il
qu'il soit, Autre espèce de vice; c'est la faiblesse. « Sup-
jouit des sacrements vénérables. Dites-moi, si portez les faibles». Il entend les faibles selon

vous vouliez voir un palais tout brillant d'or, la foicar il y a une faiblesse selon la foi mais
; ;

tout resplendissant de l'éclat des pierreries, si considérez qu'il ne veut pas qu'on les méprise.
vous alliez trouver celui qui a les clefs, et Ailleurs encore l'apôtre écrivait « Supportez :

que sur votre demande il vous ouvrît aussi- « les faibles dans la foi ». (Rom. xiv, t.) En
tôt, et vous donnât les moyens d'entrer, cet effet, nous avons, dans nos corps des mem- ,

homme-là, ne le préféreriez-vous pas à tous bres faibles ; nous ne les laissons pas dépérir,
les hommes? Ne l'aimeriez vous pas comme a Soyez patients envers tous » dit l'apôtre. ,

vos yeux? Ne l'embrasseriez -vous pas? Le Eh quoi donc, même envers ceux qui sont
prêtre vous a ouvert le ciel et vous ne le , déréglés? Sans doute; car il n'est pas de re-
baisez pas, vous ne l'embrassez pas? Si vous mède qui convienne mieux de la part de celui
avez une femme, ne chérissez-vous pas, au qui enseigne, et il n'en est pas de mieux fait
plus haut degré, celui qui l'a unie à votre pour ceux qui obéissent. Et ce remède a toute
destinée? Eh bien! si vous chérissez le Christ, l'énergie capable de rappeler à la pudeur le
si vous chérissez le royaume du ciel recon- , plus farouche et le plus impudent.
naissez ceux à qui vous le devez. Voilà pour- « Prenez garde que nul ne rende à un autre

quoi il dit : a A cause de l'œuvre qu'ils font a le mal pour le mal (15) ». S'il ne faut pas

« conservez la paix avec eux. Je vous prie en- rendre le mal pour le mal, à bien plus forte
« core, mes frères, reprenez ceux qui sont dé- raison ne convient-il pas de rendre le mal
« réglés, consolez ceux qui ont l'esprit abattu, pour le bien; à plus forte raison encore, si
«supportez les faibles, soyez patients envers l'on n'a reçu aucun mal, ne faut-il pas rendre
« tous (14) ». lemal. Mais un tel, dit-on , est un être mé-
2. Ici , il s'adresse à ceux qui conduisent : chant; et il m'a fait beaucoup d'injures.
«Reprenez ceux qui sont déréglés», ce qui Voulez-vous le punir? Ne lui rendez pas la
veut dire Ne les gourmandez pas, en vous
: pareille ; laissez-le impuni. Est-ce assez? nul-
prévalant de votre pouvoir ; ne le faites pas lement, a Mais cherchez toujours à faire du
avec insolence ; soyez équitables et doux. a bien , et à vos frères , et à tout le monde »

« Cnns'dez ceux qui ont l'esprit abattu, sup- Voilà la sagesse supérieure, qui ne se con-
« portez les faibles , soyez patients envers tente pas de ne pas rendre le mal pour le
« tous ». C'est réprimande amère pro-
que la mal ,
qui veut, en outre, rendre le bien pour
duit le désespoir, l'effronterie, quand on la le mal. C'est là, en effet, la vraie vengeance
méprise; par ces raisons, l'apôtre veut que funeste pour celui qui en est l'objet, entière-
les exhortations soient douces, que le remède ment utile pour vous; disons mieux, utile
soit agréable. Mais quels sont les déréglés? aussi pour l'autre., si sa volonté y consent. Et
Ceux qui agissent sans consulter la volonté de no croyez pas qu'il s'agisse ici seulement des
Dieu. En effet, la hiérarchie militaire elle- car l'apôtre vous dit
fidèles, : a Et à vos frères,
même est moins harmonieuse que la hiérar- a et à tout le monde ».
chie de l'Eglise. Aussi celui qui
fait entendre Soyez toujours dans la joie (16) ». Ceci re-
«
de mauvaises paroles est déréglé celui qui ; garde les épreuves qui jettent l'âme dans la
s'enivre est déréglé; de même l'avare, de tristesse. Ecoulez, tous tant que vous êtes, qui
même tous les pécheurs. En effet, ils ne êtes tombés dans la pauvreté; écoutez, vous
s'avancent pas eu bon ordre, de manière à tous qui êtes tombés dans l'infortune, car de
former une phalmge, mais ils vont en désor- là naît la joie. Quand nous sommes portés à
dre, et voilà pourquoi ils sont renversés. Il est laisser toute offense impunie, à du bien faire
encore une autre espèce de vices qui ne sont à tous les hommes , d'où viendrait, répondez-
pas de la même nature , mais c'est toujours moi, l'aiguillon delà douleur qui percerait
â3é TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÊ.

notre âme? Celui que les mauvais traitements n'exercez contre elles aucune contrainte, au-
réjouissent, de telle sorte qu'il se venge par cune violence elles ne vous feront jamais de
,

des bienfaits de celui qui le blesse , comment mal, elles n'iront pas vous trouver, elles
serait-il accessible au chagrin? Mais, me dit- n'iront pas vous mordre elles passeront leur ,

on, un tel caractère est -il possible? Nous chemin. Mais toi, ô homme, toi qui es doué
n'avons qu'à vouloir pour le rendre possible. de raison qui as reçu en privilège tant de
,

L'apôtre continue et nous montre le chemin : puissance, d'honneur et de gloire, tu n'imites


« Priez sans cesse (17). Rendez grâces à Dieu pas même la conduite des bêtes féroces envers
« en toutes choses, car c'est là la volonté de les animaux de la même espèce, et lu commets
« Dieu (18) ». l'injustice contre ton frère, et tu le dévores.
Toujours des actions de grâces, voilà la sa- Et comment pourras-tu t'excuser? N'enlcnds-
gesse. Vous avez éprouvé quelque mal? Mais, tu pas la voix de Paul « Pourquoi ne souffrez-
:

si vous le voulez il n'y a pas là de mal


, bé- ;
« vous pas plutôt qu'on vous fasse tort? Pour-
nissez Dieu , et le mal
en biense transforme : 9 quoi ne souffrez-vous pas plutôt qu'on vous
dites-vous aussi, comme
Job « Que le nom : trompe? Mais c'est vous-mêmes qui faites
a du Seigneur soit béni dans tous les siècles », «tort aux autres, et qui les trompez, et qui
(Job, 1,21.) Car, répondez-moi, qu'avez-vous B faites cela à vos frères ». (I Cor. vf, 7, 8.)

souffert qui ressemble à ce qu'il a souffert ? Voyez-vous que faire le mal c'est le subir, que
La maladie est tombée sur vous? Il n'y a là savoir le supporter c'est éprouver un bien?
rien d'étrange ; notre corps est mortel et fait En effet, dites-moi, je vous prie, supposez un
pour la souffrance. Mais la pauvreté vous a homme qui attaquerait de ses injures les ma-
surpris vous n'avez plus d'argent? Mais l'ar-
; gistrats, qui insulterait les puissances, à qui
gent se gagne et se perd, il n'a d'usage qu'ici- ferait-il du tort? A lui-même ou à ceux qu'il
l)as. Vous avez été atta(iué, calomnié par des attaquerait? Evidemment, il ne nuirait qu'à
ennemis? Mais ce n'est pas nous qui avons lui-même. Celui qui outrage les magistrats,
souffert, en cela, aucun mal; le mal est pour n'outrage pas en réalité les magistrats , il
ceux qui nous ont fait injure. En effet, dit le n'outrage que lui-même celui qui outrage ;

Prophète, a rame qui commet le péché, mourra un homme, par même n'outrage-t-il pas
cela
a elle-même ». (Ezéch. xviii, 20.) Or, le pé- le Christ? Nullement, me réplique-t-on. Que
cheur, ce n'est \)ascelui qui a souffert, mais dites -vous là? Celui qui lance des pierres
celui qui a fait le maldonc il ne faut pas se
; contre les images de l'empereur, contre qui
venger de celui qui est dans la mort, mais lance-t-il des pierres? N'est-ce pas contre lui-
prier pour lui, afin de l'affranchir de la mort. même? Si lancer des pierres contre l'image
Ne voyez-vous pas que l'abeille meurt en frap- du souverain de la terre n'est pas autre chose
pant de son aiguillon ? Dieu se sert de cet ani- que les lancer contre soi-même, outrager
mal pour nous montrer que nous ne devons l'image du Christ (car l'homme est l'image de
jamais nuire aux autres hommes; c'est nous, Dieu), n'est-ce pas s'outrager soi-même?
eu effet, qui nous frappons de mort. Il peut se Combien de temps encore serons-nous amou-
faire qu'en les frappant, nous leur causions reux des richesses; car je ne cesserai pas de les
une petite douleur; mais nous, nous y per- poursuivre de mes cris, voilà la cause de tous
dons la vie comme l'abeille. C'est ce que dit nos maux. Combien de temps encore nous mon-
l'Ecriture : « Combien l'abeille est travail- trerons-nous insatiables, impuissants à assou-
« leuse »; l'ouvrage qu'elle produit rend la vir cette faim que rien n'apaise? Qu'y a-t-il
sanlé aux rois et aux parliculiers, mais ne la donc de si beau dans l'or ? Je ne reviens pas
défend en rien de la mort il faut absolument
; de ma stupeur ; en vérité il faut qu'il y ait là
qu'elle périsse. Si le mal qu'elle fait n'est pas je ne sais quel prestige, comment expli(|uer
racheté par tant de services, il en est de même, cette considération profonde qui s'attache à
si

à bien plus forte raison, pour nous. l'or, à l'argent parmi nous. Nous ne faisons
3. C'est vraiment ressembler aux bêtes les aucun cas de ces âmes qui sont nos âmes,
plus féroces que de commencer à nuire à mais nous sommes à genoux devant des ima-
quelqu'un sans provocation de sa part; et ges inanimées? D'où est venue, à la terre,
même c'est être pire que les bêtes féroces, car cette maladie? Qui donc aura le pouvoir de la
si VOUS les laissez dans leurs solitudes, si vous faire disparaître? Quel discours aura pour
,

Commentaire sur la î'î épitre aujc thessalqniciens. - homélie x: 237

effet d'exterminer cette bête monstrueuse , de Mais quels sont-ils donc, me deraande-t-on,'
l'anéantir, de de telle sorte qu'il
la détruire ceux qui ont des enfants et méprisent les
n'en reste plus rien? Cette fureur insensée, richesses? Ils sont nombreux, et partout; si
elle est dans toutes les âmes , dans les âmes vous voulez je vous parlerai des anciens
,

mêmes de ces hommes qui semblent adonnés hommes. Jacob n'avait-il pas douze enfants ?
à la piété 1 Sachons donc rougir en nous rap- N'a-t-il pas mené la vie d'un mercenaire ?
pelant les préceptes évangéliques ; ce sont des N'a-t-il pas eu à souffrir de la part de son
mots qui se trouvent dans rEcriture,voilà tout, beau-père ? N'a-t-il pas été obligé de lui faire
mais vous n'en voyez nulle part la pratique des reproches ? (Gen. xxxi, 7, 8,36,37,38.)
dans les actions. Mais enfin, quelles excuses Le grand nombre de ses enfants lui a-t-il
spécieuses fait-on généralement entendre? jamais inspiré de mauvaises pensées? Et Abra-
J'ai des enfants, dit l'un, et j'ai peur d'être ham? N'a-t-il pas eu, outre Isaac, un grand
réduit un jour à manquer de pain, à n'avoir nombre d'autres enfants? (Gen. xxv, 1-4.) Eh
plus loin à subir la honte de tendre la main bien ne ! faisait-il pas part de ses biens aux voya-
aux autres, à mendier. Voilà donc pourquoi geurs? Ne voyez-vous pas que non-seulement
vous forcez les autres à mendier? Je ne puis il ne commettait pas l'injustice, mais qu'il
pas, dit celui-là, supporter la faim. Voilà donc savait renoncer à ses possessions, que non-
pourquoi vous la faites supporter aux autres ? seulement il faisait du bien, mais qu'il con-
Vous savez combien il est douloureux de sentait au tort que lui faisait son neveu ? C'est
mendier douloureux d'être rongé par la
, que savoir souffrir, en vue de Dieu, le tort
faim ? Eh bien alors, épargnez vos frères.
! qu'on vous fait en vous ravissant ce qui est à,
Vous rougissez d'avoir faim, répondez-moi, et vous, suppose une vertu encore plus haute
vous ne rougissez pas de ravir le bien d'au- que de faire simplement le bien. Pourquoi ?
trui ? Vous craignez que la faim ne vous C'est que la vertu ordinaire est un fruit de
ronge, et vous ne craignez pas que les autres l'âme, un fruit de la volonté, d'où il suit
soient rongés par la faim. Certes, il n'y a pas qu'elle coûte peu ; d'un vol,
mais, dans le cas

à rougir de souffrir la faim, il n'y a là aucun il y a insulte et violence. Et il en coûte beau-

sujet de reproche, mais forcer les autres à la coup moins de donner spontanément dix mille
subir, ce n'est pas seulement une honte, mais talents qu'on jette sans la moindre peine, que
un crime qui mérite le plus rigoureux des de se voir enlever trois oboles qu'on ne s'at-
châtiments. Toutes vos raisons ne sont que tendait pas à perdre. Voilà pourquoi la rési-
vains prétextes , verbiage ,
puérilités. La gnation est l'effet d'une sagesse plus parfaite.
preuve que vous ne pensez pas à vos enfants, C'est un exemple que nous trouvons dans la
c'est la foule innombrable de ceux qui n'ont vie d'Abraham: «Loth considéra tout le pays»,
pas d'enfants, qui n'en auront jamais, et qui dit l'Ecriture , « et il était arrosé comme le
cependant se tourmentent tout autant, et sont a paradis de Dieu , pour lui ».
et il le choisit
misérables, et entassent l'or, et grossissent leur (Gen. XIII, 10, 11.) Et Abraham ne fit aucune
fortune comme s'ils avaient des milliers d'en- objection. Comprenez-vous que uon-seule-
fants à qui ils voudraient la laisser. Non, ce ment il ne commettait pas l'injustice, mais
n'est pas la préoccupation pour les enfants qui qu'il la supportait? Pourquoi accuses-tu tes
produit l'avidité, l'avarice, c'est une maladie enfants ô homme ? Si Dieu nous a donné nos
,

de l'âme. Voilà pourquoi tant d'hommes sans enfants , ce n'est pas pour piller le bien d'au-
enfants sont possédés de cette fureur des ri- trui. Prends garde d'irriter Dieu par tes pa-
chesses, taudis que d'autres, avec une nom- roles. Si tu dis que ce sont tes enfants qui
breuse famille, méprisent la fortune qu'ils fout de toi un ravisseur, un homme cupide
ont ceux-là seront vos accusateurs au dernier
: j'ai peur que tu n'en sois privé comme d'en-
jour. Si la nécessité d'assurer l'existence de nemis conjurés pour te perdre. Dieu t'a donné
vos enfants était la seule cause de votre désir tes enfants pour prendre soin de ta vieillesse,
d'amasser, ceux-là aussi devraient éprouver pour apprendre de toi la vertu.
ce même désir, cette même passion ; s'ils ne 4. Voilà pourquoi Dieu a coustitué la race
la ressentent pas, ce n'est pas notre inquié- des hommes telle qu'elle est il a agencé deux :

tude pour nos enfants, c'est notre amour de ressorts des plus énergiques : d'une part, il a
l'urguul 4ui nous rend insensés. établi les iJèrcs pour maîtres et docteurs ; d'au»
,

âi8 TrxADUCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Ire part il a insoiré un grand et naturel amour. Ecoutez ce que dit Zachée : « Je rends, de
En eflVt . si la Providence ne présidait pas àla gé- « que j'ai pris à tort, le quadruple ». (Luc,
ce
nération deslioninies, personne n'aurait d'affec- XIX, 8.) Quant à toi, tu pilles dix mille talents,
tion pour personne. Si maintenanlmême qu'il tu donnes quelques drachmes, à grand'peine

y a des pères, des enfants et des petits enfants, encore , et tu crois avoir tout rendu , tu te
tantd'hommes sont indifférents pour le plus regardes comme ayant dépassé tes ra[>ines par
grand nombre des hommes il en serait à bien ; le don que tu as fait. Or, voici ce qu'il faut
plus forte raison de même, sans la parenté. faire: d'abord il faut rendre ce que tu as pris,
Voilà pourquoi Dieu vous a donné des en- et prélever sur ce qui t';q)parliLiit de manière
fants gardez-vous donc de les accuser. Et
: à ajouter à ce que tu as rendu. Le voleur ne
maintenant si ceux qui ont des enfants, n'en restitue pas ce qu'il a pris sans y rien aj(mter
sont pas moins dépourvus de toute excuse, pour se justifier, souvent il piiie, en outre, de
comment pourront-ils se défendre, ceux qui sa vie, souvent une transactiim s'opère moyen-
n'en ont pas et qui se tourmentent tant pour
,
nant qu'il donne beaucoup plus il en est de :

l'aire fortune ? Ces derniers pourtant, eux aussi, la cui)idité comme du vol. L'avare , en effet

ont leur excuse , absolument inadmissible. c'est un voleur, c'est un brigand d'une espèce
Quelle est-elle? Je n'ai pas d'enfants, je veux beaucoup plus dangereuse parce qu'elle est ,

être riche, pour qu'on se souvienne de moi. plus tyrannique. Le voleur fait ses coups en

Le ridicule, eu vérité, est ici à son comble. cachette , et de nuit; son crime est moins au-
Je n'ai pas d'eufanls, dit cet insensé, ma mai- dacieux, il a honte, il a |>eur en le commet-

son sera l'immortel monument de ma gloire. tant;mais le cupide, l'avare, dépouillant toute
Ce n'est pas de ta gloire, ô homme, mais de honte, nu- tête, au beau milieu de la place
ton avarice qu'elle sera le monument. Ne vois- publique, il pille la fortune de tous c'est un ;

lu pas la foule qui regarde aujourd'hui ces voleur et un tyran tout ensemble; il ne fait
splendides maisons, n'enlends-tu pas ces dis- pas de trous dans les murs, il n'éteint pas la
cours : Que de machinations perfides n'a-t-il lumière, il n'ouvre pas le coffre-fort, il n'efface
pas faites pour ac(iuénr tant de richesses, que pas les traces de son crime; mais que fait-il

pour construire cette maison?


n'a-t-il j)as pillé ~^onc? Son effronterie a toute l'ardeur de la
et ce riche n'est plus aujourd'hui que cendre jeunesse à la vue de ceux auxquels il vient
:

et poussière , et cette maison est passée en des enlever tout ce qu'ils ont il ouvre la porte ,

mains étrangères. Ce n'est donc pas de ta toute grande, il s'élance, rien ne le gêne ni
gloire que tu laisses un monument, mais de ne l'intiinidc , il ouvre tout, il force les mal-
Von avarice. Ton cor[)S est caché au sein de la heureux à se eux-mêmes. Voilà
dépouiller
ï^rre mais lu ne veux pas que le souvenir de
, jusqu'oïl va sa violence que rien n'arrête. L'a-
ton avarice puisse se perdre par la suite des vare est plus infâme que tous les voleurs en-
îemps; on le fouille, on le déterre, voilà ce semble ,
parce qu'il est plus effronté ,
parce
que tu tais grâce a ta maison. Car tant qu'elle
,
que c'est un plus criud tyran. Celui qui souf-
a gardé ton nom ([u'elle a été ta propriété, il
, fre des brigandages ordinaires, souffre sans
^. bien fallu, de toute nécessité, que toutes les doute, mais il peut goûter une puissante con-

liouches s'ouvrissent pour t'accuser. Com- solation eu ce qu'il est redouté p)ar celui qui
,

prends-tu (pi'il vaut mieux ne rien avoir, que lui a fait du tort mais la victime de l'honime
;

d'être obligé de supporter une itareille accu- cupide, il lui faut souffrir et l'injustice et

sation? Ces réflexions s'apjiliquenl à notie con- les mépris; elle ne peut pas avoir recours à la

lilion ici-bas;mais maintenant là-haul, dites, force n'en serait que plus exposée à la
, elle
je vous en prie, que ferons-nous, nous qui dérision. Dites-moi , un adultère se cache; un
aurons tant possédé, mais rien donné, ou très- autre, au contraire, à la vue du mari , ne se
peu de chose, des biens (jui auront été en cache i)as du tout, lequel des deux fait la bles-
notre pou\oir? comment nous débarrasserons- sure la plus cruelle, la plus déchirante? Le
nous des fruits de notre cupidité? Celui (jui dernier sans doute il ne se contente pas de ,

veul se débarrasser des fruits de sa cupidité, nuire, il joint à l'injure le mépris : l'autre ,

ne donne pas un |)eu de beaucoup, il donne a au moins cela pour lui iju'il redoute celui ,

beaucoup jilus qu'il n'a ravi, et il cesse de qu'il a offensé. Il en est de même pour les cri-
|)ratiquer ;a rapine* mes qui concernent la ricliosse; celui qui se
,,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE XL' m


cache, pour dérober,marque au moins quel- Quant à cette vérité que les voleurs les plus
ques égards, en ce qu'il se cache au contraire, ; coupables, les plus tourmentés du mal de la cu-
celui qui pille ouvertement, publiquement, pidité, sont ceux qui ne dédaignent pas les plus
ajoute, au préjudice qu'il fait, même la honte minces larcins je sais, je me rappelle que je
,

de subir des mépris. vous l'ai exposée, je suppose que vous vous e
Cessons donc de piller le bien des autres wuvenez, vous aussi. Toutefois ne subtilisons
finissons-en, pauvres et riches.Car ce discours ,)ds. Considérons-les comme des riches. Corri-
ne s'adresse pas seulement aux riches, mais geons-nous, habituons-nous à modérer nos
je parle aussi pour les pauvres. Eux aussi pil- ne rien souhaiter plus qu'il ne faut.
désirs, à
lent ceux qui sont plus pauvres parmi les ou- ;
En ce qui concerne les biens célestes , ne mo-
vriers, ceux qui ont plus de ressources et de dérons jamais notre désir d'avoir plus, tou-
pouvoir, vendent ceux qui sont plus pauvres jours plus encore , que ce désir ne quitte
et plus faibles, infâme commerce, des mé- jamais aucun de nous; mais, pour ce qm est
chants vendent des méchants , et tous en de la terre, que chacun se contente de ce qui
pleine place publique. Si bien que ce que je doit suffire à son usage, et ne recherche jamiis
veux, c'est exterminer partout l'injustice. Car rien de plus, afin qu'il nous soit ainsi donné
ce n'est pas à la mesure des choses pillées ou d'obtenir les vrais biens, par la grâce ef. par
volées qu'il faut juger du crime , il est tout la bonté, etc., etc.
entier dans la volonté libre du ravisseur.

HOMELIE XI.

M'ÉTtIGNEZ PAS l'esprit, IVE MÉPRISEZ PAS LES PROPHÉTIES; ÉPRODVEZ TOUT, ET RETENEZ CB QCI
EST BON ; ABSTKNEZ-VOUJ DE TOUT CE QUI A QUELQUE APPARENCE DE MAL. (V, 19-23.J

Analyses
1. De la lumière que Dieu nous a donnée pour éclairer nos ténèbres. Ce qu'en font les hommes. — — Contre fimpureté qui
l'éteint. —
Des diverses passions matuaises qui rendent la grâce inutile.
2. Uu respect pour les prophéties. — De la sanctification. — De la prière. — Humilité de saint Paul demandant aux fidèles de
prierpour lui. — Pourquoi pasteur
le a raison de tenir aux prières de ceux qu'il — Amour de
dirige. saint Paul pour les
fidèles.
3. Histoire d'une servante. — Contre l'indifférence envers les pauvres et les malheureux. — Les pauvres, réduits, pour vivre,
k faire le métier de prestidigitateurs, de boutfons, au lieu de prier Dieu pour nous ! Supériorité des mendiants, priants et rési-
gnés, sur les heureux de ce monde.
4 et 5. Utilité de la présence des pauvres dans les églises. — Ce senties chiens qui gardent les palais ds Seigneur. — Vanité das
choses humaines. — De l'égalité devant Dieu.

1. Une des nuages téné-


obscurité épaisse
, plus éclatante, plus resplendissante, comme
breux répandus sur toute la terre
se sont ont fait et Paul, et Pierre, et tous ces glorieux
c'est ce que l'apôlre montrait par ces paroles : saints; les autres, au contraire, l'ont éteinte :

a Nous n'étions que ténèbres »


autrefois ainsi les cinq vierges ; ainsi ceux qui ont fait

(Ephes. V, 8) et ailleurs « Mes frères, vous


; : le naufrage dans la foi comme le fornicateur ,

« n'êtes pas dans les ténèbres pour être sur- ,


de Corinthe , comme les Galates pervertis.
« prisdece jour, comme d'un voleur». (1 Thess. Voilà pourquoi Paul dit maintenant « N'étei- :

V, 4.) Donc, puisque pour ainsi


c'est la nuit, et, « gnez pas l'Esprit », c'est-à-dire, la grâce.
dire, une nuit sans lune; puisque c'est dans C'est son habitude d'appeler ainsi la grâce de
cette nuit que nous marchons le Seigneur , l'Esprit ; et ce qui l'éteint, c'est l'impureté.
nous a donné une lampe brillante, la grâce Supposez que, dans nos lanternes, on verse de
du Saint-Esprit, qu'il a allumée dans nos l'eau, on mette de la terre on éteindra la :

âmes. Mais voici ce qui est arrivé de celte lu- lumière; et il n'est même pas besoin de ritn
mière les uns l'ont rrcue et l'ont rendue
: faire de semblable : il suffit d'ôter l'huile, il
,

24Q TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en est de même de la grâce de l'Esprit ; mêlez- vile ils se jettent sur nous, vite ils nous déva-.
Y choses terrestres, les soucis des affaires,
les lisent. 'Vous savez bien que les brigands étei-
vous éteignez l'Esprit, et, à défaut de ce que gnent la lumière avant de commettre leurs
vous aurez pu faire , il suffit d'ailleurs d'une brigandages. Ces esprits du mal voient clair
tentation survenant violemment pour étein- dans ces ténèbres, parce que leurs œuvres
dre, comme le faille vent, la flamme qui n'est sont ténébreuses; mais nous, nous n'avons
pas assez forte, ou qui n'a pas assez d'huile pas l'habitude de celte lumière. Gardons-nous
pour la nourrir, ou c'est que vous n'avez pas Joue de l'éteindre ; toute action mauvaise l'é-
bouché les ouvertures, fermé la porte, et tout teint, toute querelle, toute mauvaise parole,
est perdu. quelle qu'elle soit. Tout corps d'une nature
Les ouvertures, qu'est-ce à dire 7 11 en est étrangère au feu en ruine l'essence ce qui ;

de nous comme des lanternes nos ouvertures : allume le feu c'est ce qui a de l'affinité avec
,

sont les yeux et les oreilles. Ne souffrez pas lui. Il en est de même pour la lumière; ce qui
que le vent de la perversité s'y engouffre est résistant, chaud, igné, embrase la flamme
parce qu'il éteint la lumière; bouchez vos de l'Esprit ; n'y portons donc rien de froid, ni
ouvertures, avec la crainte de Dieu la bou- ; rien d'humide, car voilà ce qui éteint le feu
che est une porte, fermez-la à clef, et tirez le spirituel.
verrou, afin d'abriter la lumière et de n'a- Ou peut encore vous proposer d'autres ré-
voir pas à craindre l'irruption du dehors. flexions. Grand nombre d'hommes, chez ces
Exemple : on vous a outragés, on vous a dit premiers chrétiens ,
prophétisaient ; les uns
des injures fermez votre bouche, parce que,
: parlaient selon la vérité, les autres ne profé-
sivous l'ouvrez, vous excitez le vent. Voyez ce raient que des mensonges. Paul le dit encore
qui se passe dans nos maisons, quand il y a dans son épître aux Corinthiens «C'est pour :

deux portes directement en face l'une de l'au- cela B , dit-il « que Dieu a donné le dis-
,

tre, que le vent souffle avec violence; si vous « cernement des esprits». (I Cor. xii, 10.)
fermez l'une, sans établir de courant d'air, le L'esprit impur, le démon aurait voulu faire
vent n'a pas de prise; toute sa force tombe il ; servir ce don de prophétie à la destruction
en est de même ici : les deux portes sont complète de l'Eglise. Il y avait deux prédic-
votre bouche et celle de l'homme qui vous tions celle du démon, celle de l'Esprit; la
:

outrage et vous injurie. Si vous fermez votre première remplie de mensonges, la seconde
bouche, si vous n'établissez pas de courant n'exprimant que la vérité. Impossible de les
d'air, vous faites tomber toute la force du distinguer, de les reconnaître; on eût dit Jé-
vent; au contraire, ouvrez-la, vous ne pouvez rémie et Ezéchiel. Quand le temps fut venu,
plus maîtriser le vent; donc n'éteignons pas Dieu permit de reconnaître, de distinguer les
la grâce. Il arrive souvent que, même sans esprits. Il y avait donc à celte époque, chez les
aucune irruption du dehors, la flamme s'é- baLitunls deThessalonique, un grand nombre
teint; c'est l'huile qui manque; nous ne fai- de prophètes, que Paul désigne, dans un autre
sons pas l'aumône, rEsjirit s'éteint. En effet, passage par ces paroles « Ne vous laissez
,
:

l'aumône vient de Dieu vers vous elle voit ; a ébranler ni par des discours, ni par des

qu'il n'y a, auprès de vous, aucun fruit à faire, « lettres sup|)Osées écrites par nous , de
et elle s'envole ; elle ne reste pas dans une manière à croire que le jour du Seigneur
âme insensible à la pitié. Une fois l'Esprit «est arrivé». (11 Thess. ii, 2.J C'est ce qui
éteint, vous savez ce qui arrive, ô vous tous fait qu'après avoir dit ici : « N'éteignez pas
qui avez marché dans une nuit sans lune. S'il « l'Esprit» , il a eu raison d'ajouter ce qui
est difficile de trouver, pendant la nuit, le suit : Ne méprisez pas les prophéties » ;

chemin qui conduit d'une terre à une autre ce qui veut dire S'il y a auprès de vous
:

terre, comment pourrail-on se diriger, dans quelques faux prophètes ce n'est pas une ,

le chemin qui conduit de la terre au ciel? raison i)Our écarter les autres pour vous ,

Ignorez- vous tous les démons répandus dans éloigner d'eux. Gardez-vous d'éleindre les
cet espace, tous les monstres, tous les génies de prophètes. Voilà ce que veut dire : «Ne mépri-
la perversité? Eh bien, si nous avons celte lu- sez pas les prophéties ».
n)ièredontje parle, ils ne peuvent en rien 2. Comprenez-vous ce qu'il entend par :

Bvus Quiie; au coutrala*; si uous l'étuùiiioasj « ËJ^roUYSs tout 7 » Comme il vieut de dire :
COMMENTAIRE SUR LA I" EPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE XI. 241

« Ne méprisez pas les prophéties », on pouvait tache, la grâce aussi demeure. « L'âme », dit-
s'imaginer qu'il accordait à tous les prophètes il, a et le corps » ; si, dit-il, ni l'âme ni le
indistinctement, l'accès de la chaire. « Eprou- corps ne reçoivent aucune souillure.
a vez tout», dit-il; « retenez ce qui est bon», Celui qui vous a appelés, est fidèle, et c'est
c'est-à-dire les véritables prophéties Abs- : a « lui qui fera cela en vous Voyez l'hu-
(24) ».
c tenez-vous de tout ce qui a quelque appa- milité de l'apôtre : il a piié ; ne croyez pas, dit-
« renée de mal ». Il ne dit pas, de telle ou telle il,que ce soit un effet de mes pr'ères c'est la ;

mauvaise apparence mais « De tout ce qui


, : suite du dessein qui fait que le Seigneur vous
« a quelque apparence de mal » mensonges, ; a appelés; car, s'il vous a appelés pour le salut,
vérités, éprouvez tout, examinez, distinguez, et si c'est le Dieu de vérité, il vous donnera
pour vous abstenir du mal , et pour vous atta- certainement le salut qu'il veut vous donner.
cher au bien. C'est ainsi que vous prouverez — a Mes frères, priez pour nous (25) ». Ah 1
votre haine sincère pour ce qui est mal, votre quelle humilité I mais ce que Paul disait par
amour pour ce qui est bien. Ne vous contentez humilité, nous disons, nous, non pas par
le

pas d'agir à la légère et sans examen ne fai- ; humilité, mais pour notre plus grande utilité,
sons rien qu'après nous être rendu soigneu- et parceque nous voulons recevoir de vous
sement un compte exact de tout. un grand profit; priez aussi pour nous, car, si
« Que le Dieu de paix vous sanctifie lui- vous ne recevez pas de nous de bien grands,
€>2iême, en toute manière, afin que tout ce d'admirables services, priez toutefois à cause
« qui est en vous, l'esprit, l'âme et le corps, de l'honneur que procure la prière priez, en ;

« se conservent sans tache, pour l'avènement considération du titre que nous portons. Un
€ de Notre-Seigneur Jésus-Christ (23) » Voyez . homme avait des fils, il ne leur était d'aucune
Taffection que montre le maître à l'exhorta- ;
utilité ; mais, attendu qu'il était leur père, il
tion il joint la prière, et non-seulement la leur disait :Un jour entier s'est passé sans que
prière parlée, mais la prière écrite c'est que ;
vous m'ayez appelé votre père. Voilà pourquoi
le conseil ne suffit pas, il faut encore la prière. nous vous disons, nous aussi, priez pour nous:
Voilà pourquoi, nous aussi, nous vous conseil- et ce ne sont pas là de vaines paroles vos ;

Ions, et nous faisons pour vous des prières, prières, je les désire vivement. Si c'est mon
ce que savent bien les initiés. Quant à Paul, devoir de prendre soin de vous tous si je dois ;

certes, il avait raison d'agir ainsi, lui qui avait un jour rendre des comi)tes, à bien plus forte
tant de droit de parler à Dieu en toute liberté. raison convient-il que j'obtienne vos prières.
Mais nous, nous sommes couverts de honte, et C'est à cause de vous que je dois un cnniple
nous n'avons pas auprès de Dieu cette liberté ;
plus redoutable vous devez donc m'a[iporler
;

mais comme nous avons été établis et ordon- un plus grand secours.
nés pour agir de cette sorte, malgré notre in- a Saluez tous nos frères, en leur donnant le
dignité, nous nous adressons à Dieu, quoique « saint baiser (26) ». Ah ! quelle ardeur I Ah I

nous ne méritions pas d'être comptés parmi quel sentiment, quel cœur! Etant loin des
les derniers des disciples. Mais nous savons que frères, il ne pouvait pas les saluer en leur
la grâce opère, par le moyen des hommes in- donnant lui-même le baiser, il le leur donne
dignes, non en vue d'eux-mêmes, mais en vue donc par correspondance, c'est ce que nous
de ceux qui en retireront de l'utilité, et nous faisons, quand nous disons Embrassez pour :

apportons ce qui dépend de nous. « Qu'il moi un tel. Faites de même, vous aussi, entre-
t vous sanctifie », dit l'apôtre, « en toute ma- tenez le feu de la charité. Il n'y a pas pour la
€ nière, afin que tout ce qui est en vous, l'es- charité de grands espaces, elle franchit les dis-
« prit, l'âme et le corps, se conservent sans tances, elle se montre partout. « Je vous adjure,
«tache, par l'avènement de Notre-Seigneur « par le Seigneur, défaire lire cette lettre de-
« Jésus-Christ » . Qu'entend-il ici par « Esprit ? » a vant
tous les saints frères (27) », paroles
Cela veut dire, la grâce, le don gratuit; car si qui témoignent encore plus de l'ardeur de la
nous sortons d'ici emportant dans nos mains charité que du zèle de l'enseignement. Je
des lampes brillantes, nous entrerons dans la veux, m'adresser à eux aussi, a la grâce
dit-il,
chambre de l'époux si nos lampes s'éteignent,
; o de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec
non. Voilà pourquoi il dit : « L'Esprit sans « vous. Amen (28) ». Il ne se contente pas de
t tache»; car lorsque l'esprit demeure sans leur ordonner, il les adjure ardemment, afin
S. J. Ch. — Tome XL 16
2i2 TRAUtCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

i|Uo dans le cas où ils seraient portés à négli- arrive dans la vie, oublia un instant ces pa-

LMT son ordre, celte considération, qu'il les roles; mais plus tard, tout à coup, dans l'après-

àdjiire, les détermine à l'exéculer. Autrefois midi, à l'heure du crépuscule, elle se souvint
on n'écoutait qu'en tremblant ces adjurations, de l'adjuration redoutable, et son âme en fut

aujourd'liui on n'y prend pas garde. 11 arrive fortement touchée, et elle s'en alla, et elle s'ac-

souvent (lu'un esclave, frappé de verges, adjure quitta avec soin de ce dont elle était priée. Cette

son maître au nom de Dieu et du Christ de femme, pendant la nuit, vit tout à coup le ciel

Dieu on l'entend s'écrier Chrétien, que tu


;
: ouvert, et Jésus-Christ lui-même ; elle le vit

meures, personne n'y fait attention, personne comme le Christ pouvait être vu par une
ne s'en occupe, personne n'en prend souci. Si femme.
au contraire on adjure par la vie d'un fils , comprenait l'importance
C'est parce qu'elle

aussitôt le maître se faisant violence, grinçant de ces adjurations, parce qu'elle redou-
c'est

encore des dents, apaise sa colère. On voit un tait le Seigneur, qu'elle fut favorisée d'une pa-

honune, traîné en prison, emporté à travers reille vision. Ce que j'en dis, c'est pour que

la place publique, en i»résence des grecs et dis nous comprenions bien ce que les adjurations
juifs, adjurer de la manière la pi us redoutable ont de redoutable, surtout lorsqu'on nous
celui qui l'entraîne personne n'y fait atten-
: adjure de faire des bonnes œuvres, de faire
tion. Que ne diront pas les grecs, à la vue d'un l'aumône, de pratiquer la charité. Voici, à
fidèle adjurant un fidèle , un chrétien qui terre, des pauvres, des mutilés, ô femme, et
n'en lient aucun compte ,
qui de plus le dé- ils te voient franchir en courant ton chemin ;

daigne ? leurs pieds ne peuvent te suivre ; alors ils se


3. Voulez-vous que je vous raconte une his- servent comme d'un hameçon pour t'attirera
toire que j'ai entendue moi-même? Ce n'est eux, de l'adjuration ;ils étendent les mains, et
pas une fiction que je vous apporte, j'ai en- t'adjurent de leur donner une obole, deux obo-
tendu le fait de la bouche d'une personne tout les, riende jjIus. Mais toi, tu continues ta course ;
à fait digne de foi. Une servante était mariée à toi qu'on adjure au nom du Seigneur ton
un méchant honnne, un scélérat, un esclave Dieu^Et je suppose qu'on t'adjure par les yeux,
fugitif; ce malheureux avait commis de gran- ou de ton mari en voyage, ou de ton flls, ou
des fautes, et devait être vendu par sa maî- de ta fille aussitôt lu cèdes, et ton cœur pal-
;

tresse ; il s'était couvert de trop de crimes pour pite, et ton sang s'échauffe ; si, au contraire,
qu'elle pût lui pardonner c'était une veuve ; : on t'adjure au nom du Seigneur, tu poursuis ta
elle ne pouvait pas le châtier quand il ruinait course. Je connais beaucoup de femmes, moi,
sa maison, mais elle avait résolu de le vendre. que le nom du Christ ne retient pas dans leur
Elle réfléchit ensuite qu'il n'était pas permis course ; mais, qu'on loue leur beauté en s'ap-
de séparer le mari do sa femme, et, iiuoi(iue prochant d'elles, elles fléchissent, elles s'at-
celle-ci fût homiête, et lui rendît des services, t;ndrissent, et elles vous tendent la main;
elle aima mieux la vendre avec son mari que elles vont jusqu'à provoquer chez les pauvres,
de l'en séjiarer. La jeune servante se voyant chez ces infortunés, le rire à leurs dépens.
donc dans celte situation, pleine d'angoisses, Comme les jjaroles passionnées ou sévères ne
alla trouver une noble dame, amie de sa niaî- touchent pas le cœur de ces femmes, les pau-
ti de cette dame que je tiens cette
esse, et c'est vres emploient le moyen qui leur fait plaisir,
histoire; la servante lui prenant les genoux
, et voilà le malheureux, celui que la faim tour-

et répandant des flots de larmes, et poussant mente, forcé par notre bassesse de faire l'é-
mille cris lamentables, la pria de fléchir sa loge de leur beauté.
maîtresse en sa faveur. Après avoir fait en- Et, s'il n'y avait pas d'autres désordres, mais
tendre beaucoup de i)aroles, à la fin elle ajouta, il est un
autre abus plus révoltant; voilà les
comme le nmyen le plus énergique de persua- pauvres forcés de faire le métier de prestidi-
sion, une adjuration terrible. Or, voici quelle gitateurs, de bouffons, de personnages ridi-
était cette adjuration: Puissiez-vous voir le cules. Quand vous les voyez avec des coupes,
Christ au jour du jugement, si vous ne mé- des vases de bois de lierre, des gobelets, dans
prisez pas ma prière, et à ces mots elle se les doigts des timbales, des flûtes, chantant des

retira. Celle à qui cette prière avait clé adres- chansons honteuses, expiin lau t les sales amours,
fcée, ditUui.o par quelque affaire, comme il vociférant, criant; autour d'eux s'amasse la
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE XL 243

uns leur donnent un morceau de


foule, et les ne s'est pas mis en colère, et il ne vous a pas
pain, les autres une obole, d'autres encore outragé. Pour vous, ce que vous faites, c'est
n'importe quoi, et on les arrête longtemps, et par cruauté; Dieu, au contraire, c'est par
c'est un plaisir, un pour
plaisir les hommes, bonté qu'il ne vous écoute pas. Eh quoi vous I

un plaisir pour les de plus


femmes. Qu'y a-t-il n'écoutez pas, par inhumanité, celui qui est
triste que cela ? N'y a-t-il pas là une féconde votre compagnon d'esclavage, et vous ne trou-
matière de gémissements ? C'est peu de chose, vez pas juste que l'on vous réprimande et, ;

on regarde cela comme peu de chose, et voilà, lorsque par bonté le Seigneur ne vous écoute
dans nos mœurs, de grands sujets de péchés. pas, vous, son esclave, vous le réprimandez?
Un chant obscène, une musique qui fait plai- Voyez-vous l'inégalité du jugement? Voyez-
sir, amollit l'âme et celte mollesse produit la vous l'injuslice criante ?
corruption. Et quand je pense que le pauvre, 4. Ne nous lassons pas de faire ces réflexions,

invoquant Dieu, lui demandant, pour vous, de considérer ceux qui sont plus bas que nous,
dans ses prières des biens innombrables, n'est ceux qui souffrent de plus grands malheurs,
auprès de vous en nulle estime, et qu'au con- et alors nous bénirons Dieu. La vie est pleine
traire celui qui substitue aux prières de niais d'exemples de ce genre, et le sage et l'esprit
plaisirs, excite votre admiration 1 attentif y peut trouver un grand enseigne-
Maintenant, il me vient à l'esprit quelque ment. Tenez, sans sortir de nos maisons de
chose que je veux vous dire. Qu'est-ce? Quand prière, voilà pourquoi, et dans les églises, et
vous serez tombés dans la pauvreté, dans la dans les chapelles élevées aux martyrs, des
maladie, apprenez au moins des mendiants pauvresse tiennent sous les vestibules; leur
de nos ruelles à bénir le Seigneur. Ils passent aspect peut nous être d'une grande utilité ;
toute leur vie à mendier et ils ne blasphèment considérez que, dans les palais de la terre,
pas, ils ne s'irritent pas, ils se résignent; toute aucun spectacle pareil ne frappe les visiteurs
leur existence de mendiants, ils se la racon- qui entrent; de tous côtés vous ne voyez que
tent à eux-mêmes, en y mêlant des actions de personnages considérables , des dignitaires
grâces ; ils célèbrent la grandeur et la bonté magnifiques, des riches superbes, des hommes
de Dieu et toi, qui vis dans la pleine abon-
; dont on vante l'esprit dans notre palais, à
;

dance de toutes choses, tant que tu n'as pas nous, je veux dire l'Eglise, à l'entrée de nos
tout attiré à toi, tu taxes de cruauté le Sei- temples, de nos chapelles de martyrs, ce sont
gneur! Combien le pauvre nous est supérieur, des démoniaques, des manchots, des mutilés,
quelle condamnation un jour ne prononcera- des pauvres, des vieillards, des aveugles, et
t-il pas sur nous Pour nous enseigner à tous
I ceux qui ont les membres contournés pour- ;

ce que c'est que le malheur, en même temps, quoi ? pour que le spectacle qu'ils présentent
pour nous consoler. Dieu, sur tous les points vous soit un enseignement. Et d'abord vous
de l'univers, a envoyé les pauvres. Vous avez pourriez rapporter du dehors quelque faste
souffert un malheur qui vous afflige ? mais il orgueilleux, jetez les yeux sur ces infortunés,
n'y a rien là de comparable au malheur de déposez votre insolence, prenez un cœur con-
cet infortuné. Vous êtes borgne ? mais il est trit avant d'entrer, avant d'entendre la parole;
aveugle. Vous avez eu à supporter une mala- (l'orgueilleux n'est pas écouté dans ses prières).
die longue? mais il a, lui, une maladie incu- A vue d'un infortuné vieillard, vous cesserez
la
rable. Vous avez perdu vos fils? mais, lui, il d'être si fier, de vous applaudir de votre jeu-

a perdu jusqu'à la santé de son propre corps. nesse ; ces vieillards aussi furent des jeunes
Vous avez éprouvé un grand dommage? mais gens. La profession des armes, un royal pou-
vous n'avez pas encore été réduit à avoir be- voir enflent votre vanité ; réfléchissez que,
soin des autres. Donc, rendez grâces à Dieu ; parmi ces infortunés, il y en a qui furent
voyez ces infortunés dans la fournaise de la glorieux dans les palais des rois. Votre santé
pauvreté, adressant leurs demandes à tous, et vous donne de la confiance; regardez ces ma-
recevant d'un nombre. Donc, lorsque
si petit lades et réprimez votre vanité. Celui qui fré-
vous êtes fatigué de prier, que vous ne rece- quente assidûment l'église, tout sain de corp.-t
vez rien, pensez en vous-même combien de qu'il est, ne s'enorgueillira pas de sa santé ;

fois vous avez entendu un pauvre vous appe- et celui qui souffre recevra une consolaliou
ler sans que vous l'ayez écouté et ce pauvre; puissante.
244 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Mais ce n'est pas là l'unique raison qui les côte à côte avec le jeune homme élégant,
fait asseoirsous nos portiques ils sont là ; le superbe décoré de la pourpre , et celui
aussi pour vous faire pratiquer l'aurnône, pour qui porte en tête le diadème, vient à la
vous attendrir, pour vous apprendre à admi- table prendre sa part, et il est admis au feslin
r.ia la bonté de Dieu. Si Dieu n'a pas honte de spirituel ; et, les uns comme les autres, jouis-

ces infortunés, s'il les a introduits sous ces sent des mêmes biens sans différence, sans
portiques, faites de même à bien plus forte distinction.
raison, vous; pour vous apprendre
ils sont là 5. Eh quoi ! le Christ ne dédaigne pas de
à ne pas vous glorifier des royautés de la terre. les appeler à sa table, en même temps que
Ne rougissez donc pas quand un pauvre vous l'empereur ils sont tous conviés en même
;

appelle s'il s'approche de vous, s'il vous prend


; temps. Et toi peut-être, tu t'avises de faire le
les genoux, ne le rc poussez pas. Les pauvres dédaigneux, tu ne veux pas qu'on te voie
sont en quelque sorte d'admirables chiens des donnniit aux pauvres, ou même leur adressant
palais du Uoi, et je ne leur adresse pas un Ah ! quelle arrogance! quel orgueil!
lap:,iole.
outrage en les appelant des chiens; au con- Prenez garde qu'il ne vous arrive la même
traire, je prétends par là faire d'eux un noble chose qu'au riche d'autrefois. Il faisait le dé-
éloge; ils gardent le palais du Roi; donc daigneux, ce riche ; il ne voulait pas voir La-
nourrissez-les. L'honneur remonte jus(iu'au zare, ne daignait même pas lui donner un
il

Roi. Dans les palais tout est faste insolent, abri sous son toit ce pauvre était dehors, gi-
;

j'entends les palais de la terre ; dans les palais sant sous le vestibule, et on ne daignait pas
du vrai Roi, tout est humilité. Lus choses hu- lui adresser une parole. Mais voyez aussi
maines ne sont rien les vestibules des églises ; comme au jour où le riche eut besoin de ce
suffisent pour vous l'apinendre. La richesse pauvre, il n'obtint pas son secours. Si nous
n'a aucun charme pour Dieu; ceux que vous rougissons de ceux dont le Christ n'a pas rougi,
voyez assis là, suffisent pour vous l'apprendre. le Christ rougit de nous, qui rougissons de
Celte assemblée qui séjourne là, c'est comme ses amis. Remphssez votre table de boiteux, de
un avertissement à la nature humaine, c'est manchots de mutilés; ce sont eux qui font
et

une voix sonore et retentissante qui dit Les : venir le Christ, ce ne sont pas les riches. Peut-
choses humaines ne sont rien qu'ombre et fu- être que mon discours vous fait rire, eh bien I

mée. Si les richesses étaient de vrais biens, Dieu ce n'est pas moi qui parle ; écoutez le Christ
n'aurait pas établi des pauvres à ses propres lui-même et ne riez pas, mais frémissez :

portes ; s'il reçoit même des riches, ne soyez « Lorsque vous donnerez à dîner ou à souper,
pas étonnés ; ce n'est pas à cause de leurs ri- a n'y conviez ni vos amis, ni vos frères, ni vos
chesses qu'il les reçoit, ce n'est pas pour qu'ils a parents, ni vos voisins riches, de peur qu'ils
se conservent riches, mais pour qu'ils dépo- « ne vous invitent ensuite à leur tour, et
sent leur vanité. Ecoutez ce que leur dit le « qu'ainsi ils ne vous rendent ce qu'ils avaient
Christ: o Vous ne pouvez pas servir Dieu et « reçu de vous mais, lorsque vous faites un
;

« Mammon ' » ; et encore : « Il sera difficile « festin, conviez-y les mendiants, les pauvres,
« aux riches d'entrer dans le royaume des a les aveugles, et vous serez bienheureux,
« cieux » ; et encore : « 11 est plus facile pour « parce qu'ils n'auront pas de quoi vous ren-
« un câble d'entrer dans le trou d'une aiguille, dre, car cela vous sera rendu dans la résur-
« que pour un riche dans le royaume des « rection des justes ». (Luc. xii, 14,)
o cieux D. (Matth. 24; xix, 23, 24.) S'il re-
vi, Ajoutez encore à cela une gloire plus écla-
çoit les riches, c'est pour qu'ils entendent ces tante, si vous l'aimez cette gloire. Dans les

paroles, pour leur apprendre à désirer les festins du monde régnent l'envie, les jalousies,

éternelles richesses, à soupirer après les biens les accusations, les médisances, et la crainte

du ciel. Etonnez-vous qu'il ne dédaigne pas excessive de manquer aux convenances ; et

de les voir assis sous ces portiques, quand vous êtes là comme l'esclave du maître, et si

il ne dédaigne pas de les convier à sa table l'on a invité «les convives plus considérables
spirituelle, de les admettre au divin ban- que vous, vous redoutez leurs propos mé-
quel; mais le boiteux, le mutilé, le vieil- chants; dans les banquets du Seigneur rien
lard en haillons, souillé, couvert d'ulcères, de pareil, (iiieis (juc soient les mets que vous
• MammoD, dieu dci richeues chez les Sytieni. éliriez aux pauvres, ils ks reçoivent volon-
.

COMMENTAIRE SUR LA II" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE I. 215

tiers, et de là, pour -vous, de grands applau- rissent pas tous, ne vous regardent pas
s'ils

dissements , une gloire plus éclatante, plus tous comme un du monde


père. Les festins
d'admiration; on n'applaudit pas autant aux ne procurent aucun profit ceux dont je parle ;

banquets des riches que n'applaudissent^ aux assurent la conquête du ciel et de tous les
festins des pauvres, ceux qui en entendent par- célestes biens. Puissions-nous tous les obte-
ler. Si vous refusez de me croire, faites-en nir, par la grâce et par la bonté de Noire-Sei-
l'expérience, ô riches, qui conviez des géné- gneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au
raux et des chefs d'armée. Conviez des pau- Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l'em-
vres, remplissez-en votre table, voyez s'ils ne pire, l'honneur maintenant et toujours, et
,

vous applaudissent pas tous, s'ils ne vous ché- dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

COMMENTAIRE
SUR LA DEUXIÈME ÉPITRE AUX THESSALONICIENS.

ARGUMENT. — HOMÉLIE PREMIÈRE.

Analyse»
1. Pour quels molifs saint Paul envoie aux Thessaloniciens cette seconde lettre. — Sur les imposteurs qui pri5fendent. que U
résurrectiou est un fait déjà accompli, qui fondent leurs enseignements sur la parole de l'apôtre lui-même. — De l'enseigne-
ment de Jésus-Christ à ce sujet.
2. Contre l'orgueil qui vient de l'ignorance où l'on est de Dieu. —
L'orgueil, commencement de tout péché. Tourments que
causent les passions mauvaises. —
Vanité des choses humaines, qui ne sont que de purs songes.

i. En disant dans la première épître : « Jour une lettre eût été inutile; mais la question
« et nuit nous désirons vous voir, et encore ayant été ajournée il leur écrit. Il s'exprime
,

nous n'y résistons plus, et encore nous som- ainsi, dans l'épître à Timothée « Quelques- :

« mes envoyé Ti-


restés seuls à Athènes, et j'ai « uns bouleversent la foi en disant que la ré ,

« mothée n (! Thess. m, 10, 1 2) par toutes ,


;
a surrection est déjà arrivée ». (lITim. n 18.) ,

ces expressions, il marque son désir de se Le but de ces prédicateurs de mensonges était,
rendre auprèsde ceux de Thessalonique. C'est, en ôtant aux fidèles toute grande et glorieuse
à ce qu'il semble parce qu'il n'a pas encore
,
espérance, de les décourager devant les fatigues.
pu satisfaire son désir, c'est parce qu'il lui est L'espérance redressait empêchait
les fidèles, les
impossible de leur communiquer de vive voix de succomber aux maux pour présents. C'était,
les enseignements dont ils avaient encore be- eux, comme une ancre que le démon voulût
soin, qu'il leur écrit cette seconde lettre, des- briser. Or, ne pouvant leur persuader que les
tinée à le remplacer auprès d'eux. U n'était chosesfuturesn'élaientque desmensonges, il s'y
pas allé les voir; c'est ce que l'on peut conjec- pritd'une autre manière il envoya de ces hom;

turer des paroles de cette lettre même, oîi il mes perdus qui devaient lui servir à tromper les
dit a Nous vous conjurons, mes frères
: par fidèles en leur insinuant que cette grande et
,

«l'avénementde Notre-Seigneur Jésus-Christ » glorieuse destinée avait reçu son accomplisse-


(II Thess. Il, t.) Car dans la première lettre il ment. Et tantôt ces imposteurs disaient (|ue la
leur disait « Pour ce qui regarde les temps
: résurrection était déjà arrivée; tantôt , que le
« et les moments, il n'est pas besoin de vous en jugement était proche, qu'on allait voir
« écrire». (IThess.v,!.) S'il avait fait le voyage, paraître le Christ; ils voulaient envelopper
«46 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

jusqu'au Christ dans leurs mensonges. En l'éclair » ; il ne se cachera pas dans un coin ;

monlrant qu'il n'y a plus désormais ni rému- on le verra partout resplendissant. Il n'a besoin
nération, ni jugement, ni châtiment, ni sup- de personne pourl'annoncer, tant sa splendeur
plice pour les coupables, ils voulaient rendre éclate l'éclair aussi n'a pas besoin qu'on l'an-
;

les oppresseurs plus audacieux, et enlever à nonce. Jésus-Christ dit encore quelque part,
leurs victimes toute énergie. Et ce qu'il y a en parlant de l'antechrist : « Je suis venu au
«le plus grave, c'est que, parmi ces imposteurs, a nom de mon Père, et vous ne m'avez pas
les uns envoyaient des paroles qu'ils préten- a reçu ; si un autre vient en son propre nom,
daient sorties de la bouche de Paul; les autres a vpus le recevrez ». (Jean, v,-43.)

allaient jusquà fabriquer des lettres qu'il était Il donne aussi comme
des signes de son ar-
censé avoir écrites. rivée, les calamités survenant coup sur coup,
Voilà pourquoi l'apôtre, pour s'opposer à des malheurs inexprimables. Autre signe en-
ces hommes, disait : « Que vous ne vous lais- core la venue d'Elie. Or, à celte époque, les
:

o siez pasébranler ni par quelques prophéties, habitants de Thessalonique étaient dans le


a ni par quelques discours, ni par quelques doute, et leur doute nous a été utile à nous-
« leltres qu'on supposerait venir de nous». — mêmes, car les paroles de l'apôtre ne devaient
Ni par quelques prophéties». (II Thess. ii, 2.) pas servir seulement aux hommes de Thessa-
Il indique par là les faux prophètes; mais lonique, mais à nous-mêmes, pour nous déli-
comment s'y reconnaître, dira-t-on? par le vrer de fables puériles et d'extravagances de
signe qu'il donne. Aussi ajoute-t-il : « Je vous vieilles femmes. N'avez-vous pasentendu sou-

« salue de ma propre main, moi Paul ; c'est là vent, dans votre enfance, certaines conversa-
« mon dans toutes mes lettres j'écris
seing , lions sans fin, sur l'antechrist et sur la génu-
ainsi. La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ flexion? Ce sont des impostures que le démon
a soit avec vous tous ». (Ibid. m, 17, 18.) 11 ne fait entrer dans nos âmes encore tendres, de
dit pas que ce qu'il écrit soit son signe, car il telle sorte que celte croyance se fortifie en
est vraisemblable que d'autres aussi l'avaient nous, quand nous grandissons, et trompe nos
imité, mais il dit : Je vous écris ma salutation, .esprits. Paul, parlant de l'antechrist, n'aurait
de ma propre main. C'est ce qui se passe au- pas négligé ces fables, s'il y eût eu du profit

jourd'hui encore parmi nous. La suscriplion pour nous à nous en parler. Ne cherchons
des lettres montre qui les écrit. Maintenant il donc pas de pareils signes, car il ne viendra
les avertit des maux dont ils sont infectés; il pas ainsi, fléchissant les genoux. Mais, a s'éle-
les loue, pour le présent, et il tire de l'avenir a vaut au-dessus de tout ce qui est appelé

les exhortations qu'il leur envoie. U les avertit, a Dieu, ou adoré, jus(|u'à s'asseoir dans le

en leur parlant du supplice, de la distribution « temple de Dieu, voulant lui-même passer

des biens qui leur sont préparés; il insiste sur a pour Dieu ». (11 Thess. ii, 4.) Car, de même

ce point où il répand la lumière; sans indi- que c'est l'arrogance qui a causé la chute du
quer l'époque précise, il montre le signe qui démon, de même celui que le démon fait
lera leconnaître les derniers temps, à savoir, mouvoir, est rempli d'arrogance.
l'antechrist. Pour procurer la certitude à l'âme 2. Aussi, je vous en prie, appliquons-nous
faible, il de lui parler simplement,
ne sullit pas tous à repousser ce vice loin de nous, afin de
il faut lui donner dis signes et di-s preuves. ne pas subir le même jugement, de ne pas en-
Le Christ se montre plein de sollicitude à cet courir la même peine, de ne pas partager le
égard assis sur la montagne, il met un scia
; même supphce. « Que ce ne soit point un
extrême à révéler à ses disciples tout ce qui « néophyte » dit-il, « de peur qu'enflé d'or-
,

concerne la consommation des temps. Pour- a gueil il ne tombe dans la même condam-

quoi? pour ne pas laisser le champ libre à « nation que le démon ». (l Tim. m, 6.) Ainsi,

Ceux qui introduisent les antecbrists et les celui qui est enflé d'orgueil, sera puni de la
I)sen(lochrisls. Lui-même donne beaucoup de même manière que le démon. « Car le com-
signes ; il en donne un surtout et c'est le plus « mencement de l'orgueil, c'est de mécon-

grand Quand l'Evangile aura été prêché dans


: « naître le Seigneur ». (Eccl. x, 14.) Le com-
toutes les nations. Il donne encore un second mencement du péché c'est l'orgueil. C'est là
signe pour <ju'on ne se tronqje pas sur son le premier élan, le premier mouvement vers
avènement : a 11 viendra » , dit il, a comme lo mal ;
peut-être en est-ce et la racine et
COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE I. 247

la base. Le mot « commencement » veut il verrait l'empereur incliné devant lui et l'a-
dire, en effet, le premier élan vers le mal, dorant, qu'il ne serait pas rassasié, il lui fau-

ou ce qui le constitue: par exemple, si l'on drait plus encore. Plus les avares amassent,
disait que s'abstenir des mauvais specta- plus ils ont de besoins. De même pour ces

cles c'est le commencement de la chasteté, âmes superbes; de quelque gloire qu'elles


cela signifierait le premier élan, le premier pas jouissent, c'est pour elles une raison d'en dé-
dans la voie de la chasteté. Si au contraire sirer une plus grande la passion s'augmente
;

nous disons Le commencement de la chasteté


: (car c'est une passion). Or, la passion ne con-
c'est le jeûne c'est comme si nous disions
;
: naît pas la mesure elle ne s'arrête qu'après
;

Voilà ce qui la fonde, ce qui la constitue. Ainsi, avoir tué celui qui la porte en soi. Ne voyez-
le commencement du péché c'est l'orgueil ; vous pas combien de gens ivres, toujours al-
c'est par lui, en que tout péché com-
effet, térés, car la passion mauvaise n'est pas un
mence, c'est l'orgueil qui forme le péché. En désir fondé sur la nature, mais une dépra-
effet, quelles que soient nos bonnes œuvres, ce vation, une maladie. Ne voyez-vous pas que
vice les détruit c'est comme une racine qui ne
;
les affamés ont toujours faim? Cette infirmité,
permet pas aux plantes de prendre de la con- comme disent les médecins, franchit toutes les
sistance. Voyez, par exemple, toutes les bonnes limites de la nature; ainsi ces investigateurs
actions du pharisien, elles lui ont été inutiles curieux et oisifs ont beau apprendre, ils ne s'ar-
parce qu'il n'en a pas coupé la funeste racine; rêtent pas; c'est une passion mauvaise, et qui
la racine a tout perdu et corrompu. De l'or- ne connaît pas de bornes. Et ceux maintenant
gueil naissent le mépris des pauvres, la cupi- qui trouvent des charmes aux plaisirs impurs,
dité,l'amour de la prédominance, le désir ceux-là non plus ne s'arrêtent pas. « [Car pour
d'une gloire insatiable. Un homme de ce ca- «le fornicateur », dit l'Ecriture, « toute es-
ractère est porté à se venger de tous les ou- « pèce de pain est agréable»] (Ecclés. xxiii,20) ;
trages, car l'orgueil ne souffre pas les insultes il ne s'arrêtera que quand il sera dévoré ;

qui viennent même des plus puissants, à plus c'est une passion. Mais, si ce sont là des passions
forte raison celles qui viennent des plus fai- funestes, elles ne sont pas toutefois incurables,
bles. Mais celui qui ne peut souffrir l'insulte, la cure en est possible, et beaucoup plus pos-
ne peut supporter aucun mal. Voyez comme sible que pour les affections du corps; nous
il est vrai de dire que l'orgueil est le com- n'avons qu'à vouloir, nous pouvons les étein-
mencement du péché mais est-il bien vrai ; dre. Comment donc éteindre l'orgueil ? Con-
que le commencement de l'orgueil, c'est de naissons Dieu. Si notre orgueil provient de
méconnaître le Seigneur? l'ignorance où nous sommes en ce qui con-
Assurément, car celui qui connaît Dieu, cerne Dieu, la connaissance de Dieu chasse
comme il que
faut le connaîire, celui qui sait Pensez à la géhenne, pensez à ceux
l'orgueil.
le Fils de Dieu s'est abaissé à un état si humble, qui sont bien meilleurs que vous, pensez à
celui-là ne cherche pas à s'élever; celui, au que vous devez à Dieu, de
toutes les expiations
contraire, qui ne sait pas ces choses, s'enfle et telles pensées auront bien vite réduit, bien
s'élève ; car l'orgueil le prédispose à l'arro- vite dompté votre esprit superbe.
gance. En effet, dites-moi comment ceux qui Mais c'est ce qui vous est impossible? Vous
font la guerre à l'Eglise, peuvent-ils prétendre êtes trop faible? Pensez aux choses présentes,
qu'ils connaissent Dieu? N'est-ce pas là une à la nature humaine au néant de l'homme.
,

folie orgueilleuse ? Et voyez dans quel préci- A la vue d'un mort qu'on porte sur la place
pice les jette l'ignorance où ils sont de Dieu ;
publique, des enfants orphelins qui le suivent,
car si Dieu aime un cœur contrit, en revanche de sa veuve brisée par la douleur, de ses ser-
il résiste aux superbes; c'est aux humbles qu'il viteurs qui se lamentent, de ses amis dans
réserve sa grâce. Non, aucun malheur n'est l'affliction, considérez le néant des choses pré-
comparable à l'orgueil de l'homme, il fait un
; sentes, qui ne sont que des ombres, des songes,
démon, insolent, blasphémateur, parjure ; l'or- rien de plus. Vous ne le voulez pas? Pensez à
gueil fait qu'on aspire au carnage ; car toujours ces riches qui ont péri dans les guerres voye^
;

l'orgueilleux vit dans


douleurs, toujours
les ces maisons de grands et illustres personnages,
indigné, toujours chagrin, et rien ne peut cessplendides demeures maintenant abattues;
rassasier la funeste passion qui le tourmente ; pensez à toute la puissance qu'ils possédaient.
948 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIUYSOSTOME.

don' il ne reste pas aujourd'hui un souvenir, vous pas plus faible que tout animal, quel qu'il
11 n'est pas de jour, si vous voulez, qui ne vous soit? Eh que me
I dites-vous? que vous avez le
présente de pareils exemples, des princes lais- privilège de la raison? Eh bien, vous ne l'avez
sant leur place à d'autres, des richesses confis- pas, la raison, et ce qui prouve qu'elle vous
quées. uUn grand nombre de rois se sont assis manque, c'est votre présomption. Qu'est-ce
« sur la terre nue, et celui qu'on ne soupçon- qui vous inspire votre fierté, répondez-moi :
« nait pas, a porté le diadème». (Ecclés. x(, 5.) labonne constitution de votre corps? Mais les
N'est-ce pas l'iiistoire de tous les jours?Ne tour- animaux l'emportent sur vous. Et cela est vrai
nons-nous pas sur une roue ? Lisez, si vous vou- aussi des brigands, des meurtriers, des profa-
lez, nos livres, et les livres profanes (car les livres nateurs de sépultures. Mais votre intelligence?
du dehors sont remplis de pareils exemples) Mais l'intelligence ne se manifeste pas par la
si vous dédaignez nos écritures par orgueil; présomption ; voilà donc tout d'abord qui vous
si les ouvrages des philosophes provoquent dépouille de votre intelligence. Sachons donc
•votre admiration, eh bien, consultez-les; vous abaisser nos sentiments présomptueux, deve-
y trouverez des leçons, ils vous parleront des nons modestes, humbles, doux et pacifiques :
malheurs antiques, poêles, orateurs, maîtres car voilà ceuxque le Christ regarde comme
de phiio^op'iii', tdus les écrivains quels qu'ils heureux avant tous les autres «Bienheureux :

soiL'iit. vous voulez, les exemples


Partout, si « les pauvres d'esprit» (Malth. v, 3, etxi, 29); et

se montreront à vous. Si vous ne voulez rien sa voix nous Apprenez de moi


crie encore : «

entendre parmi eux, considérez notre nature que je suis doux et humble de cœur». Aussi
même, son origine, sa fin ; appréciez ce que a-t-il lavé les pieds de ses disciples, nous don-

vous pouvez valoir, quand vous dormez n'est- : nant par là un exemple d'humilité. Appliquons-
il pas vrai que le moindre animal pourrait vous nous à profiter de tous ces discours, afin de
ôter la vie? Que de fois un animalcule, tom- pouvoir obtenir les biens promis par lui à
bant du haut d'un toit, ou crève l'œil, ou fait ceux qui l'aiment, par la grâce et par la
courir quelque autre danger Eh quoi? n'êtes- ! bonté, etc., etc.

HOMELIE II.

PArt, ET SILVAIN, ET TIMOTnÉE, A L'ÉGLISE DE THESSALONIQUE, EN DIEU NOTRE PÈHE, ET EN JÉSUS-


CURIST, NOTRE SEIGNEUR. QUE DIEU NOTRE PÈRE ET LE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, VOUS DONNENT LA
GRACE ET LA PAIX. (l, 1-8.)

Analyse.
1. La grJce divine, hipn inc?limsble. — Jospph et la femme de Putiphar
Joseph comblé de la faveur de Dieu.
; La foi déDe —
les leiii|iêle?, les délu?i'S ne l'fniîloulissent pas. — Grande ressource,ne former qu'un corps.
èlre bien uni,
2. [le la charité. —
He l'imperfeclion de l'amour qui n'est pas l'amour divin. —
De la patience dans les perséculioiiS. Néces- —
sité des alflirtinns pour entrer dans le royaume de Dieu. —
La rémunération future bien supérieure au.t épreuves endurées.
3. liéjouissons-nous fies récompeuses i venir, mais non de la punition certaine des méchants. —
Sans perdre de vue, d'une part
les cliàtuncnls, d'autre part, les récllmpl'n^e5, tout en méditant des vérités qui doivent servir à nous fortiûcr, excitons-nous
à la vertu, par le seul amour de Jé>us-Christ. — La crainte des cliâiimcnls, combien utile et salutaire.

4. Utilité t'es entretiens sévères; évitons les frivolités, les discours inutiles, la curiosité indiscrète, les médisances. — Mollesse
des imcs qui ne peuvent supporter les discours sur l'enfer. — Haul les méprisait. Pourquoi? — Les ricliesses ne sontpas des
biens, la pauvreté n'«sl pas un mal, la pensée de l'avenir est tout.

La |)lupartdes hommes ont recours à tous


1. de quel prix sera la faveur de Dieu? Voilà
les moyens, font jouer toutes les machines, pourquoi, dans ses lettres, l'apôtre débute tou-
pour se mettre un peu en crédit auprès de? jours par le souhait de la grâce de Dieu. Paul
magistrats, des personnes un peu haut pl.acées; sait bien qu'avec cette grâce on n'a plus rien
on attache beaucoup de prix à leur faveur, on à craindre, ([ue c'en est fait de tous les cha-

la convoite, c'est un bonheur de l'obtenir. Si grins, de toutes les contrariétés. Voici qui vous
la faveur des hommes est d'un si grand prix, fera comprendre cette vérité : Joseph était un
.

COMMF.NTAIP,E SUR LA II* ÉPITRE AUX THESSÂLONICIENS. — HOMÉLIE II. 240

esclave, un jeune homme sans expérience, a maintenant que nous sommes réconciliés,
trè--simple, et tout à coup le voilà chargé « serons-nous sauvés par la vie de ce même
d'administrer une maison , et c'était à un a Fils».(Rom.v, tO.)
égy[ilien qu'il devait ses comptes. Vous savez Que Dieu Notre Père», dit-il, a et le Sei-
a

tous combien les gens de cette race sont portés gneur Jésus-Christ, vous donnent la grâce et
à la colère, et surtout sont vindicatifs. Ajoutez a la paix. Nous devons mes frères rendre
, ,

à ces dispositions naturelles, une charge qtv' « pour vous à Dieu de continuelles actions de
donne du pouvoir; la colère est plus redou- « grâces, comme il est j uste » Voyez quel excès
.

table, parce qu'elle s'augmente avec le pou- d'humilité! En disant «Nous devons rendre
:

voir. L'égyptien l'a bien montré. La maîtresse a des actions de grâces», voici la pensée, la ré-
porte l'accusation ; le miiîlre l'accueille, et ce- flexion qu'il leur suggère: Si ce n'est pas vous
pendant, y s'il avait eu violence, ce n'était pas que les autres commencent par admirer pour
sur ceux qui avaient le manteau entre les vos bonnes œuvres, si c'est Dieu d'abord qu'ils

mains, mais sur celui qui avait été dépouillé. admirent à plus forte raison doit-il en être
,

L'égyptien aurait dû dire Vous n'aviez qu'à : ainsi de nous. L'apôtre en outre élève leurs
élever la voix , il aurait pris la fuite ; s'il se pensées; ce qui arrive aux Thessaloniciens
sentait coupable, il n'aurait pas attendu la pré- n'est pas fait pour provoquer, ni les larmes,
sence de son maître. Toutefois de pareilles pen- ni les lamentations, loin de là, mais les actions
sées étaient trop fortespour cet homme; il de grâces adressées à Dieu. Si Paul bénit le
s'abandonna tout entier, aveuglément, à la Seigneur pour les biens décernés aux autres,
colère, et jeta Joseph en prison ; tel était quel sera le sort de ceux qui, loin de bénir le
l'excès de sa démence. Et cependant les té- Seigneur, se laissent ronger par l'envie?
moignages ne lui manquaient pas pour lui « Puisque votre foi s'augmente de plus en

apprendre quelle était la sagesse, l'intelligence « plus, et que la charité, que vous avez les

de Joseph; mais cet égyptien était tout à fait « uns pour les autres, s'accroît ». Et comment,

dépourvu de raison, aussi ne fit-il aucun rai- me dira-t-on, la foi peut-elle s'augmenter?
sonnement. Eh bien, Joscpli, avec un maître Comment? par les traitements rigoureux que
d'un caractère si misérable, Joseph chargé de nous endurons pour elle. Il est beau d'être so-
tout le soin d'administrer la maison, lui, qui lide, fixe dans ses pensées; mais lorsque les
étaitim étranger, sans soutien, sans expérience, vents soufflent avec violence, lorsque la tem-
reçut à grands flots la grâce divine, et toutes pête se précipite, lorsque les flots s'amoncel-
ces épreuves furent avenues; il comme non lent de toutes parts, si alors nous ne chance-
surmonta tout cela, et les calomnies de sa marque de l'abon-
lons pas, c'est l'infaillible
maîtresse, et les dangers qui menaçaient sa dance, de la surabondance, du sublime essort
vie, et la prison; enfin il arriva jusqu'au de notre foi. De même qu'aux jours du déluge,
trône. de l'inondation, tout ce qui est pierre et tenant
Eli bien donc, notre bienheureux Paul sait à la terre est submergé vite, tandis que ce qui
combien est grande la grâce de Dieu, et voilà s'élève vers le ciel, échappe au naufrage, de
pourquoi il la souhaite à ceux qui recevront même la foi qui s'élève n'est pas engloutie.
sa lettre. Il a aussi en tête une autre pensée : Voilà pourquoi l'apôtre ne dit pas simplement,
il veut qu'on fasse bon accueil à ce qu'il écrit; a s'augmente», mais, « puisque votre foi s'aug-
il veut que, s'il réprimande, s'il gronde, on ne a mente de plus en plus, et que la charité que
regimbe pas. Voilà pourquoi il leur parle, a vous avez les uns pour les autres, s'accroît»
avant tout, de la grâce de Dieu il adoucit leur ; Voyez quelle ressource, dans les afflictions, de
cœur; il veut que, dans les afflictions, ils se former une masse compacte; de se tenir serrés
souviennent de la grâce qui les a sauvés au les uns contre les autres; de là, en outre, une
milieu d'épreuves |)Ius difficiles, de telle sorte grande consolation. La charité molle et la foi
que, dans de moindres épreuves, ils ne déses- sans énergie se troublent devant les afflictions ;
pèrent pas, qu'au contraire ils soient consolés. au contraire, une foi et une charité énergiciues
C'est ainsi que,dans un autre endroit, il leur se fortifient encore dans les épreuves. L'âme
dis;iit «Si, lorsque nous étions ennemis de
: tourmentée par les douleurs n'en relire, si
Dieu nous avons été réconciliés avec lui
, aucun profit; l'âme forte y gagne
elle est faible,
€ par la mort de son Fils, à plus forte raison, un surcroît de force. Voyez la charité des prç-
350 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

miers chrétiens; ils n'avaient pas, pour un « que vous avez les uns pour les autres, prend
tel,un amour sans bornes; pour tel autre, « tous les jours un nouvel accroissement, de
aucune aireclion; leur alïedion était égale a sorte que nous nousglorifions en vous,
pour tous. C'est ce que l'apôtre fait entendre a dans de Dieu (3, 4) »,
les églises

par ces paroles o Et que la charité que vous


: Dans h première épître, il dit que toutes
« avez les uns pour les autres». C'est l'équili- les églises de la Macédoine et de l'Achaïe ont

bre; les chrétiens ne forment tous qu'un corps; retenti du bruit de leur foi De telle sorte », : <x

aujouni'hui même, nous voyons bien que dit-il, « qu'il n'est point nécessaire que nous

beaucoup de personnes éprouvent la charité, a en parlions, puisqu'ils racontent eux-mènies

ressentent l'affection, mais coite affection est « de nous, quel a été le succès de notre arrivée
une cause de dissentiment. Qu'urrive-t-il, dans « parmi vous ». (1 Thess. i, 8, 9.) Ici main-
le cas trois amis ensemble? Ces
de deux ou tenant il dit : a De sorte que nous nous glori-
deux ou ou quatre, étroitement unis, se
trois, « fions». Qu'est-ce que cela veut dire? Dans
séparent des autres, les abandonnnnt pour la première épître, il dit Ils n'ont pas besoin :

ceux qui font leur force, en qui seuls ils ont de nos leçons; dans celle-ci, il ne dit pas:
une confiance exclusive; c'est le déchirement Nous leur apportons l'enseignement, mais:
de la charité, ce n'est plus de la cli;irité. Sup- « Nous nous glorifions ». Cela veut dire Si, :

posez que l'œil, qui doit veiller pour tout le à cause de vous, nous rendons grâces à Dieu,
corps, ne s'exerçât plus que dans rintcrèt de si nous nous glorifions auprès des hommes, à

la main, se séparât de toutes les autres parties bien plus forte raison vous convient-il de le
du corps, pour ne s'occuper que de la main, faire pour les biens qui nous arrivent. Si, en

ne serait-ce pas la perte du corps entier? As- effet, vos bonnes œuvres méritent que d'autres
surément, lien est de même pour nous; notre se glorifient, comment seront-elles, pour nous,
charité doit s'étendre à toute l'Eglise de Dieu. un sujet de lamentations? On ne peut pas le
Si nous la concentrons sur un seul ou sur dire : « De sorte que nous nous glorifions

deux, nous nous perdons nous-mêmes, et nos a en voîis dans de Dieu, à cause de
les églises

amis, et tous les autres. Ce n'est pas là de la « la patience et de que vous montrez ».la foi

charité; il n'y a là que division, séparation, Il prouve ici que beaucou[> de temps s'est pas-

déchirement, tiraillement. Une partie arra- sé, ^r la patience suppose beaucoup de temps,

chée au corps humain aura beau posséder plus (ju'une simple durée de deux ou trois
toute l'unité, toute la cohésion possible, cepen- jours. Et maintenant il ne dit pas seulement,
dant il n'y en a pas moins fracture, déchire- la patience il faut certes beaucoup de patien-
;

ment, vu que celte partie n'est pas unie au ce pour attendre, sans en jouir, des biens qui
reste du corps. sont promis. Mais l'apôtre indique ici une
2. Qu'importe que cehii-ci, que celui-là soit plus grande patience. Quelle est-elle? La pa-
l'objetde votre amour passionné. L'amour est tience au sein des persécutions. Ce qui prouve
un sentiment humain si votre sentiment est
; que c'est là la patience qu'il indique, c'est ce
plus qu'hnmain, si c'est en vue de Dieu que (pii suit : M Dans toutes les persécutions et les

vous aimez, aimez tous les hommes, car Dieu alfiielions que vous supportez». En effet, ils

nous commande d'aimer jusqu'à nos ennemis. étaient entourés d'ennemis, qui, detouscôlés,
S'il nous a commandé d'aimer jusqu'à nos cherchaient à leur nuire, et la patience des
ennemis, à combien plus forte raison ceux fidèles, leur solidité étailinébraniable.

qui ne nous ont fait aucun mal. Mais je suis Honte à ceux qui, pour s'assurer des
plein d'amour, me répond-on non, vous ne ;
protecteurs parmi les hommes, changent de
ressentez pas l'amour divin, ou plutôt vous croyances aux premiers jours de la prédica-
;

ne ressentez aucun amour vous accusez, vous ;


tion, des pauvres, obligés de travailler tous les
enviez, vous dressez des pièges. Où est votre jours pour gagner leur vie, bravèrent les
anunr? ne fais rien de pareil, me ré-
Mais, je inimitiés de ceux qui gouvernaient l'Etat, des
pond-on. Cependant, quand vous entendez plus hauts dignitaires, des plus grands poten-
médire, vous ne fermez pas la bouche du mé- tats;on ne rencontrait pas un chrétien parmi
disant, vous ne refusez pas d'ajouter foi à ses cependant ces
les princes et les magistrats, et

paroles, vous ne l'arrêtez pas ; quelle maripie premiers chrétiens sup|)0ilaienl une gueire
d'amour Ia Puisque la charité », dit l'apôtre, implacable, et ne renonçaient pas à leur foi.
COMMENTAIRE SUR LA II' ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE II. 251

Qui sont les marques du juste jugement tout le monde est d'accord qu'il y a justice,
« de Dieu (5)Voyez la consolation que l'apô-
». car si cela est juste devant les hommes, à bien
tre leur ménage. Il a dit Nous rendons grâces : plus forte raison est-ce juste devant Dieu.
à Ditu; il a dit Nous nous glorifions auprès
: 9 Qu'il afflige », dit-il, « ceux qui vous affli-
des hommes. Voilà de bonnes paroles ; mais « gent, et qu'il vous console, vous qui êtes
ce que recherche avant tout l'affligé, c'est / dans l'affliction ».
d'être délivré de ses maux, c'est de voir punir 3. Eh quoi donc? Est-ce que la rétribution
ceux qui l'affligent. Voilà ce que l'âme faible est égale? Nullement. Mais voyez comme il
désire avant tout. Quant au sage, il n'en est montre, par les paroles qui suivent, combien
pas de même. Que dit donc l'apôtre ? o Qui la rétribution est plus forte, combien la con-
«sont les marques du juste jugement de solation dépasse les épreuves. Voyez, de plus,
«Dieu». Il y a là deux idées indiquées, à cette autre consolation Partagez la rétribu-
:

savoir la punition des méchants et la ré-


: tion, dit-il, avec ceux qui ont partagé l'afflic-
compense des bons. C'est comme s'il disait : tion. C'est là en
ce que signifie cet « avec
effet
Afin qu'en vous couronnant, afin qu'en les nous». Il au partage des couronnes,
associe,
punissant, la justice de Dieu se manifeste. ceux qui ont fait peu de chose, et ceux dont
C'est en même
temps une consolation qu'il les œuvres sont innombrables, incomparables.
leur adresse; il leur montre que les sueurs et Ce n'est pas tout, il marque le temps, et il le
les fatigues qu'ils soulirent, demandent, et décrit de manière à exalter les âmes; sa parole
qu'il est conforme à la justice, qu'ils soient ouvre, pour ain^i dire, le ciel, et l'étalé sous
couronnés. L'apôtre leur parle d'abord de ce les yeux montre l'armée des anges, et pré-
;

qui les concerne.En efl'et, quelque désireux sente un admirable tableau plein de consola-
qu'on soit de vengeance, ce sont d'abord les ré- tions pour les affligés. « Et qu'il vous console,
compenses qu'on désire, voilà pourquoi il ajou- « avec nous, vous qui êtes dans l'affliction,
te : « Et qui servent à vous rendre dignes du lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel
royaume de Dieu, pour lequel aussi vous « et paraîtra avec les anges ,
qui sont les
a souffrez ». Ces persécutions ne sont donc pas « ministres de sa puissance. Lorsqu'il viendra
un de la puissance supérieure des persécu-
effet « au milieu des flammes se venger de ceux
teurs, mais de la nécessité d'entrer par cette a qui ne connaissent point Dieu et qui n'o-
voie dans le royaume de Dieu. « Car, c'est par « béissent point à l'Evangile de Notre-Seigneur
« beaucoup d'afflictions », dit l'Ecriture, «que a Jésus-Christ (8) ». Si l'on estpuni pour ne
« nous devons entrer dans le royaume de pas obéir à l'Evangile, quel serale sort de ceux
« Dieu ». (Act. xiv, 22.) qui, non-seulement n'obéissent pas à l'Evan-
« Si vraiment il est juste devant Dieu, qu'il gile, mais vous affligent ? A quels tourments
«afflige à leur tour ceux qui vous affligent ne sont-ils pas réservés ? Mais maintenant,
« maintenant, et qu'il vous console avec nous, remarquez la prudence de l'apôtre il ne dit ;

« vous qui êtes dans l'affliction. Lorsque le pas Ceux qui vous affligent, mais « ceux qui
:

« Seigneur Jésus descendra du ciel avec les « n'obéissent pas » ; d'où il suit que, si ce n'est
« anges, qui sont les ministres de sa puis- pas pour vous, c'est pour l'Evangile qu'il est
a sance (6, 7) ». Ce « si vraiment », tient lieu nécessaire de les punir. Cette parole, c'est pour
ici, de parce que, expression que nous em- prouver, avec plus de certitude, qu'il faut
ployons q uand il s'agit d'une vérité incontestable absolument les punir. Ce qui précède, c'est
qu'il est impossible de contredire ; c'est donc pour montrer qu'il faut que les fidèles soient
pour, il est tout à fait juste. S'il est juste, dit- honorés. La certitude du supplice qu'il an-
il,devant Dieu qu'il les punisse, n'en doutons nonce, les porte donc à la foi et ce qui doit ,

pas, il les punira c'est comme s'il disait


; Si : réjouir les fidèles, c'est que ces supplices sont
Dieu prend souci de ces choses, si Dieu s'en la punition des maux qu'on leur a faits. Ces
préoccupe. Ce « si vraiment » a la même valeur paroles s'adressaient à ceux de Thessalonique,
que si la chose était incontestable, comme s'il mais elles nous conviennent à nous aussi.
disait : Si Dieu déteste les méchants, pourfor- Donc, à l'heure des afflictions, méditons-les.
C(T les auditeurs à dire que Dieu les déteste Ne nous réjouissons pas du supplice des
(ce sont là en effet des pensées sur lesquelles autres parce qu'il nous venge, réjouissons-
il n'y a pas le moindre doute); et de même ici, nous d'être nous-mêmes affranchis de la
25ÎS TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

punition et du cliàliment. Quel profit pour à l'irréflexion, à la pétulance de la pensée. La


nous lorsque les autres sont châtiés ? Ne
, curiosité qui recherche, qui fouille les actions
souffrons pas, je vous en prie, dans nos âmes, d'autiiii, jettesouvent l'âme dans les périls;
de tels sentiments, mais que la royauté du mais parler de la géhenne, c'est s'aiTrarichir
cielnous excite à la vertu. Sans doute, l'homme de tout péril, et rendre l'âme plus sage. Mais
vraiment vertueux ne se décide ni par crainte, vous redoutez les paroles de mauvais augure?
ni par amour de la royauté, mais par le seul Est-ce que votre silence éteindra la géhenne?
amour du Christ; ainsi faisait Paul. Mais nous, Est-ce que votre parole l'allumera? Que vous
méditons sur les biens du royaume céleste, parliez ou non, le feu s'embrasera. Ne cessons
sur les douleurs de l'enfer, et sachons, par ce donc pas d'en parler, afin que vous n'y tombiez
moyen-là au moins, nous former, nous ins- jamais. Il est impossible qu'une âme, inquiétée
truire, nous porter à notre divoir. En présence par la pensée de la géhenne, soit prompte à
de ce qui semble bon, de ce (|ui semble grand pécher. « Rappelez-vous votre dernière heure,

dans la vie présente, pensezà la royauté du ciel, « et vous ne pécherez pas pour l'éternité ».
et vous ne verrez plus qu'un néant ici-bas. En (Eccl. xxviii, 6.) Il est impossible qu'une âme,

pré-pnce d'un objet terrible, pensez à l'enfer, qui redoute les comptes à rendre un jour,
etvous rirez quand un désir cliarnel péné-
;
n'ait pas de répugnance pour les prévarica-

trera en vous, pensez au feu éternel, méditez tions. La crainte, maîtrisant la pensée, n'y
en même temps sur le plaisir même du péché, laisse rien entrer de mondain. Si les paroles
plaisir qui n'a rien de réel, plaisir qui n'est qui rappellent l'enfer, abattent et répriment la
pas même un plaifir. Si les lois de ce monde pensée mauvaise , la raison qui a fait sa
sont assez terribles pour nous détourner des résidence dans les âmes, ne les purific-t-elle
actions coupables, à bien plus torte raison pas plus encore que toutes les flammes ? Ne
faut-il le direde la pensée des clioses à venir, pensons pas à la royaulédu ciel autant qu'à la
du châtiment immortel, de la peine éternelle. géhenne, car la crainte a plus de force que la
Si la crainte qu'inspire un roi de la terre nous promesse et j'en sais un trop grand nombre
;

écarte de tant d'actions mauvaises, à combien qui dédaigneraient les biens incomparables,
plus forte raison la crainte du Roi éternel. Eh s'ils pouvaient s'affranchir de la punition.
bien 1 comment pourrons-nous l'entretenir N'est-il pas vrai qu'il me suffit à moi-même de
toujours en nous, cette crainte? Ecoutons n'être pas puni, de n'être pas châtié? Aucun
souvent l'Ecriture. Si l'aspect seul d'un mort de ceux qui ont la géhenne devant les yeux,
fait que notre cœur se serre, à bien plus forte ne tombera dans la géhenne aucun de ceux ;

raison la géhenne elle feu inextinguible, à qui méprisent la géhenne, n'échappera à la


bien plus forte raison le ver qui ne meurt pas. géhenne. De même que chez nous ceux qui
Pensons toujours à la géhenne, nous ne serons redoutent les tribunaux, ne sont pas conduits
pas près d'y tomber. Voilà pourquoi Dieu nous devant les tribunaux, tandis que ceux qui les
menace de ce supplice. Si la pensée de ce méprisent sont surtout ceux que l'on y traîne;
supplice n'était pas pour nous d'une grande de même pour la géhenne. Si les habitants de
utilité, Dieu ne nous en aurait pas menacés ;
Ninive n'avaient pas redouté leur destruction,
mais cette pensée de grandes choses,
fait faire ils auraient été détruits; mais pour l'avoir
et, comme un remède salutaire, la menace de redoutée, ils n'ont pas été détruits. Si les
Dieu l'applique à nos âmes. Ne méprisons pas contemporains de Noé avaient redouté le

l'utilité sigrande qui en ressort pour nous ;


déluge, ils n'auraient pas été engloutis. Si les
pensons-y sans cesse, dans les dîners, dans les Sodomites avaient redouté la flamme, ils
soupers. La conversation sur des sujets agréa- n'auraient pas été dévorés par la flamme. C'est
bles n'est d'aucun profit pour l'âme, et ne fait un grand malheur de mépriser les menaces ;
que la rendre plus lâche; mais la conversation ([ui méprise les menaces, en éprouvera bien

sur des sujets sévères et dont l'idée impor- vite les effets. Rien n'est aussi utile que de

tune, retranche le luxe inutile des pensées s'entretenir de la géhenne; voilà qui ['urifie
superflues, prévient le relâchement de i'àine les âmes, qui les rend plus blanches que

et ( n ramasse les forces. l'argent le plus pur. Ecoulez les paroles du


Les entreliens sur les théâtres et les acteurs Pioplicte « Vos jugements sont toujours de-
:

ne servent de rien à l'âme, et ne font qu'ajouter a vant moi ». (Psal. xvii , 23.) Le Christ aussi
COMMENTAIRE SUR LA II" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE II, 233

en parle sans cesse; discours qui affligent l'au- aux autres discours, et n'y faisant pas atten-
diteur, mais qui l'affligent pour sa plus grande tion, elle ne se porterait pas aux actions mau-
utilité. vaises. Car la route qui conduit aux actions,
4. Car il en est ainsi de tout ce qui nous est c'est la parole d'abord nous pensons, ensuite
;

utile. Ne vous en étonnez médica- pas, les nous parlons puis nous agissons. Grand
,

ments les aliments répugnent d'abord au


,
nombre d'hommes, pleins de sagesse et de
malade, et ils lui sont utiles. Si nous ne sup- modération, ont commencé par les paroles
portons pas la rigueur des paroles, il est évi- honteuses pour arriver aux actions honteuses.
dent que nous ne supporterons pas l'affliction Notre âme, en effet , n'est de sa nature ni
réelle; si l'on ne supporte pas les discours sur bonne ni mauvaise; c'est le libre arbitre qui
la géhenne, évidemment quand la persécution la met tantôt dans tel état, tantôt dans tel

viendra, l'on ne saura pas résister au feu et autre. De même que la voile porte le navire
au glaive. Sachons donc habituer notre oreille partout où souffle le vent, ou plutôt, de même
à ces discours, préservons-nous de la mollesse. que le gouvernail transporte le navire si le ,

Après les paroles, viendra pour nous la réalité. vent est favorable ; de même
pensée si les
la ,

Habituons-nous à entendre des choses terribles bonnes paroles sont portées par un vent fa-
pour nous habituer à supporter des choses ter- vorable, naviguera sans péril. Dans le cas
ribles. Si notre relâchement va jusqu'à ne pas contraire, la pensée fera souvent naufrage ;
pouvoir endurer des paroles comment pour- , car, ce que sont les vents pour les navires, les
rons-nous tenir contre les rigueurs de la réa- paroles le sont pour les âmes; partout où vous
lité? Voyez quel mépris i)our tous les mauvais voulez, vous transportez et tournez votre pen-
traitements pour les dangers survenant coup
,
sée ; de là ce conseil de l'Ecriture « Que :

sur coup, manifeste le bienheureux Paul. C'est « toutes vos paroles soient conformes à la loi
que ses méditations l'avaient porté jusqu'au « du Très-Haut ». (Eccl. ix, 20.) Aussi, je vous
mépris de l'enfer, pour se rendre agréable à en prie, quand les nourrices vous rendent vos
Dieu. La réalité même de l'enfer lui paraissait enfants, ne les habituez pas à des contes de
peu de chose, pour l'amour du Christ et ; vieille femme; mais, dès l'âge le plus tendre,
nous, en considération de nos intérêts, nous ne qu'ils apprennent ce que c'est que le juge-
supportons même pas les paroles qui le rap- ment gravons-leur dans l'âme ce que c'est
;

pellent. A peine avez-vous entendu quelques que le supplice. Cette crainte, enracinée dans
mots sur ce sujet, vite vous vous retirez. Je les cœurs, produit de grands biens. L'âme
vous eu prie, s'il y a en vous quelque charité, qui, dès les premières années de l'enfance, s'est
ne vous lassez pas de semblables entretiens. pliée à cette attente, ne secouera pas facile-
Ces méditations ne sauraient en rien vous ment ce guide dont elle a peur; comme un
nuire, supposé qu'elles ne vous servent pas ;
cheval docile au frein, l'âme qui sent peser
au contraire, je suis sûr qu'elles vous servi- sur elle
la pensée de la géhenne, marche d'un
ront, car l'âme se façonne selon les discours pas bien réglé, et toutes ces paroles seront
qu'elle entend. « Les mauvais entretiens gâ- conformes à son utilité, et ni jeunesse, ni ri-
«tentles bonnes mœurs b, dit l'apôtre. (ICor. chesse, ni perte ou abandon, ou quoi que ce
XV, 33.) D'où il suit que les bons entretiens soit, ne pourra lui nuire, si elle a cette raison
les améliorent Les entretiens sur des su-
: solide assez forte pour résister à tout. Ces en-
jets terribles inspirent la sagesse. L'âme tretiens doivent être notre règle et notre frein,
est comme une cire : exposez-la au froid de pour nous, pour nos femmes nos esclaves, ,

certains discours , vous la pétrifiez , vous nos enfants, nos amis , et , s'il est possible,
l'endurcissez. Au contraire , les discours fer- pour nos ennemis. Nous pouvons, avec ces
vents l'amollissent et quand elle est amollie,
; entretiens, retrancher le grand nombre de nos
vous lui donnez la forme que vous voulez, et péchés, et vivre, au milieu des afflictions, plus
vous y gravez la royale image. heureux qu'au sein delà prospérité, et je vais
Donc, bouchons nos oreilles aux discours vous le prouver. Répondez-moi Vous entrez :

inconsidérés , redoutons ce mal d'où pro- dans une maison où se célèbre un mariage,
viennent tous les maux. Si l'attention de et, pendant une heure, ce spectacle vous
notre âme s'exerçait uniquement à entendre amuse, mais bientôt vous vous retirez, et le
les divines paroles, elle ne ferait pas attention chagrin vous dessèche parce que vous n'été»
ini TRADUCTION FRANÇAISE DÉ SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

pas aussi riche vous entrez au contraire,


; , pendant la nuit, non-seulement pendant le
dans une maison en deuil et quelque riclies
, jour, non pas quelques instants seulement,
qu'en soient les habitants, en vous retirant, non pas une heure seulement, mais toujours,
TOUS vous sentez le cœur en repos , parce que mais sans cesse; tu ne parles que de ce procès;
ce que vous avez vu ne vous a pas inspiré
, et quand il te faudra rendre compte de ta vie
l'envie mais vous a consolés de votre pau-
, tout entière, et subir un jugement, tu ne peux
vreté. pas même supporter ceux qui te rappellent ce
Vous le voyez, la réalité vous montre que la jugement? Eh bien, voilà pourquoi tout meurt,
richesse n'est pas un bien, que la pauvreté pourquoi tout est perdu, c'est que pour avoir ,

n'est pas un mal; que ce sont choses indiffé- à nous présenter devant un tribunal humain
rentes. Maintenant, parlez, je suppose, des pour des affaires de la vie présente, nous met-
plaisirs recherchés de la vie , vous heurtez tons tout en mouvement nous adressons des,

l'homme qui n'a pas assez de ressources pour prières à tout le monde nous ne cessons pas
,

se les procurer; parlez, au contraire, contre un instant de nous inquiéter, de tout faire, en
vous le voulez, delà géhenne,
les délices, et, si vue de ce procès et nous, les mêmes hommes,
;

la conversation est de nature à vous intéresser nous qu'attend le tribunal du Christ au bout ,

vivement car cette pensée que les plaisirs


, d'un temps bien court, nous ne faisons rien,
délicats n'auront servi absolument à rien pour ni par nous, ni par les autres; nous n'adres-
préserver du feu à venir, vous empêchera de sons pas nos prières au juge, quoiqu'il nous
les rechercher. Ce n'est pas tout, la pensée donne assez de temps pour cela quoiqu'il ne ,

que ces ne servent d'ordinaire qu'à


plaisirs nous enlève pas du beau milieu de nos péchés,
irriter ce feu, non-seulement vous empêchera quoiqu'il nous permette, au contraire, de
de les rechercher, mais vous portera encore à nous en dépouiller; quoiqu'il fasse, par lui-
les haïr, à les repousser loin de vous. Donc même, tout ce que lui inspirent et sa bonté et
n'évitons pas les discours sur la géhenne si , sa clémence. Inutile soUicitude : et voilà pour-
nous voulons éviter la géhenne n'évitons pas ; quoi plus rigoureux est le châtiment. Mais loin
la pensée du châtiment, si nous voulons n'être de nous de le sentir par expérience. Aussi, je
pas châtiés. Si ce riche, bien connu, avait vous en conjure revenons, maintenant du
,

pensé au feu de l'enfer, il n'aurait pas péché. moins, à la sagesse; ayons toujours la gé-
C'est pour n'y avoir jamais pensé, qu'il y est henne devant les yeux ; réfléchissons sur ces
tombé d'une chute si terrible. Réponds-moi, ô comptes à rendre de toute nécessité et puis- ;

homme, il te faudra comparaître devant le sent ces pensées nous faire fuir le vice , nous
tribunal du Christ. Quel sujet d'entretien peux- porter à la vertu, nous mériter les biens pro-
tu préférer à celui-là? Si tu as un procès au- mis à ceux qui l'aiment, par la grâce et par la
près d'un juge, tu en parles, non-seulement bonté, etc.

HOMELIE III.

QDI SCCFFUIRONT LA MINE d'uNE ÉTEKNELLE DAMNATION, ÉTANT CONFONDUS PAR LA FACE DU SEIGNEUR
ET PAR LA GLOUIE DE SA l'UlSSANCE, LORSQU'IL VIENDRA POUR ÊTRE GLORIFIÉ DANS SES SAINTS, ET
POUR SE FAIRE ADHIHER DANS TOUS CEUX QUI AURONT CRU EN LUI. (l, 9, II, 5.)

Analyse.
1. L'enfer, Is géhenne n'est pas un supplice temporaire mais éternel. — Comment Dieu sera glorifié par les élut. La gloire —
du Bdèle, c'est rafflicliou reçue à cause liu Christ.
2. De l'avènement du Chrisl, et de notre réunion avec lui. —
Des imposteurs qui montraient des lettres supposées de saint Paul.
— De l'antechrist.
3. De la nécessité où l<-s fidèles mettaient l'apôtre de leur répéter, par écrit, ses enseignements donnés de vive voix. L'effel —
de la prédication ne dépend pas uniquement des docteurs et des maîtres; il Faut l'alttntion de ceux qui reçoivent la parois
•( l'application de l«ur mémoire. — Des passions qui s'opposent à l'effet de la pré'^icalioD.
COMMENTAIRE SUR LA \V ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE IIL 255

4. Conlre l'avarice. — Les richesses et les épines ;


les ricbes et les chameaii)i. — Il faul, par tous les moyens, extirper de nos
âraes l'amour des richesses. — Contre les riches qui vicnni;nl s'étaler dans les églises. — Teste d'une verve admirable sur les
riches qui croient faire grand honneur à Dieu. — De la lecture de l'Ecriture sainte.

1. Grand nombre d'hommes ont bon espoir; « ceux qui auront cru en lui»; c'est-à-dire,
ce n'est pas qu'ils s'abstiennent du péché, mais par le moyen de ceux qui auront cru en lui.
c'est qu'ils regardent géhenne comme moins
la Voici encore une fois le mot « dans », signi-
rigoureuse qu'on ne Us la croient plus
le dit. fiant a par le moyen de ». C'est par le moyen

douce que les menaces ne l'annoncent tem- ; de ces fidèles que Dieu se rend admirable. En.
poraire, non éternelle, et ils font là-dessus quand ceux qui étaient dans la misère,!
efl'et,

beaucoup de dissertations. Quant à moi, non- dans l'abjection, éprouvés par des maux in-
seulement je ne la crois pas plus douce que nombrables et qui ont gardé la foi, sont éle-
les menaces ne nous l'annoncent, mais je la vés par lui à une gloire si éclatante , c'esti

crois beaucoup plus terrible, et j'en puis don- alors que sa puissance se montre. Us parais-'
ner un grand nombre de preuves, et conclure saient abandonnés, et les voilà dans la jouis-
ce qui en est, des paroles mêmes qui nous an- sance , dans la plénitude de la gloire. C'est^
noncent la géhenne. Toutefois, je n'en veux alors surtout que montre toute
la gloire de
se
rien faire, quant à présent; il suffit de la Dieu et sa puissance. Comment cela mainte-
crainte, inspirée par les seules paroles, quand tenant? Ecoutez les paroles qui suivent :
même nous n'en expliquerions pas le sens. a Puisque le témoignage que nous avons
Non, l'enfer n'est pas temporaire écoutez ce : « rendu à la parole a été reçu dans l'attente

que dit Paul de ceux qui ne veulent pas con- « de ce jour-là. C'est pourquoi nous prions
naître Dieu qui ne croient pas à l'Evangile.
,
a sans cesse pour vous». Ce qui veut dire :
Ceux-là seront punis d'une mort éternelle. Ce Quand on voit apparaître des fidèles qui ont
qui est éternel peut-il être tem|)oraire ? « Con- souffert des maux sans nombre pour ne pas
fondus », dit l'apôtre, o par la face du Sei- abandonner leur foi ;
quand ils ont résisté;
«gneur». Il indique par là la promptitude quand ils ont cru, Dieu est glorifié, et c'est
irrésistible du supplice. Ces riches si orgueil- alors que se montre aussi la gloire des fidèles.
leux, il ne faut pas, dit l'apôtre, déployer contre Un grand nombre simulent la foi, aussi ne
eux un grand effort il suffit que Dieu se pré-
: dites de personne qu'il est bienheureux ; atten-
sente et se montre, et les voilà tous eu proie dez la mort; car c'est en ce jour que se mon-
aux châtiments, au supplice. La présence du trent ceux qui ont cru « C'est pourquoi nous :

Seigneur sera, pour les uns, la lumière pour ;


a prions sans cesse pour vous, et nous deman-
les autres, le supplice. « dons à notre Dieu qu'il vous rende dignes de
«Et par la gloire », dit l'apôtre, a de sa « sa vocation qu'il accomplisse
,
par sa puis- ,

« puissance , pour être glori-


lorsqu'il viendra « sauce, tous les desseins favorables de sa
o fié dans ses saints et pour se faire admirer
, a bonté sur vous et l'œuvre de votre foi (H) ».
a dans tous ceux qui auront cru en lui ». Que a Qu'il vous rende dignes », dit l'apôtre,
dites-vous ? Dieu sera glorifié ? Sans doute ;
« de sa vocation », montrant par là qu'un
« dans tous ses saints », dit l'apôtre. Comment grand nombre ont été rejetés. Voilà pourquoi
cela? Quand ces orgueilleux, dit-il, verront il ajoute a Qu'il accomplisse tous les desseins
:

ceux qu'ils frappaient, méprisaient,qu'ils « favorables de sa bonté ». Car celui qui étaiti
qu'ils raillaient, se tenir auprès de Dieu, c'est recouvert de haillons, a été, lui aussi, appelé,
alors qu'apparaîtra la gloire de Dieu, ou plu- mais il n'est pas resté fidèle à sa vocation.;
tôt, et la gloire des élus , de Dieu
et la gloire D'où il résulte que ce malheureux ne s'est
;

du Dieu, qui ne les a pas abandonnés, qui les trouvé que plus écarté de la chambre de
a rendus glorieux et illustres; et la gloire des l'Epoux. Il y avait cinq vierges qui furent ap-
élus, qui auront été jugés dignes d'un si grand pelées. « Levez-vous», dit l'Ecriture, «voici
honneur. Comme ils composant sa richesse, « l'Epoux » (Matth. xxv, 6); et elles s'apprêtè-
parce qu'ils sont fidèles, de même ils sont sa rent, mais elles ne sont pas entrées. Donc,
gloire, parce qu'ilsvont entrer dans la posses- pour bien faire entendre la vocation dont il
sion de ses biens. La gloire du bien suprême, parle, l'apôtre ajoute a Et qu'il accomplisse
:

c'est de pouvoir se répandre et se communi- a tous les desseins favorables de sa bonté sur
quer, a Et pour se faire admirer dans tous « vous et l'œuvre de votre foi par sa puis^
,

K6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

« sance ». Voilà, dit-il, la vocation que nous fient de ce qu'il nous a ainsi fortifiés; les
cherchons. Voyez comme il leur insinue dou- hommes nous admirent de ce que nous nous
cement la modestie. Il ne veut pas que l'excès sommes montrés dignes du don de Dieu. Or,
des éloges les transporte , comme s'ils avaient tout cela se fait par la grâce de Dieu.
fait de grandes choses ,
qu'ils tombent dans la a Or, nous vous conjurons, mes frères, par
négligence, et il leur montre ce qui leur man- o l'avènement de Notrc-Seigneur Jésus-Christ,
que encore dans ce genre de vie. C'est aussi o et par notre réunion avec lui , que vous ne

ce qu'il écrivait aux Hébreux : « Vous n'avez vous laissiez pas légèrement ébranler dans
pas encore résisté jusqu'à répandre votre « votre sentiment ». (II Thess. ii, 1, 2.) Quant
«sang, en combattant contre le péché ». sera la résurrection? Il n'en dit rien; mais
(Ilébr. XII , 4.) —
Tous les desseins favora-
« qu'elle ne viendra pas tout de suite, il l'af-

« blés de sa bonté», dit-il; c'est-à-dire, son firme, a Et par notre réunion avec lui », dit-
bon plaisir, ce qu'il est résolu à faire, ce qui il, voilà une parole qui est aussi digne d'at-
est décidé; c'est comme s'il disait: De telle tention. Voyez comme elle prouve encore, en
sorte qu'il arrive ce que Dieu veut résolument, nous glorifiant, en nous exhortant à la vertu,
ce qui lui plaît, à savoir que rien ne soit dé- que le Seigneur nous apparaîtra pour nous
fectueux en vous, que vous soyez comme il sanctifier tous. Il parle ici de l'avènement du
veut vous voir. «Et l'œuvre de votre foi». Christ, et de notre réunion avec lui, car ces
Qu'est-ce à dire? La force qui supporte les choses auront lieu ensemble. Il redresse les
persécutions; pas de relâchement, dit-il, pas pensées, il leur dit de ne pas chanceler, de ne
de défaillance, a Afin que le nom de Notre- pas tomber trop vite dans l'incertitude. « Et
« Seigneur Jésus-Christ soit glorifié en vous, « que vous ne vous troubliez pas , en croyant,
« et que vous soyez glorifiés en lui , par la « sur la foi de quelques prophéties, sur quel-
« grâce de notre Dieu et de Notre-Seigneur B qucs discours, ou sur quelques lettres qu'on
«Jésus-Christ (12) ». «supposerait venir de nous, que le jour du
2. Voyez a plus haut parlé de la gloire,
: il «Rigueur soit près d'arriver ». Il semble
ilen parle encore ici. Il a dit qu'eux-mêmes marquer ici qu'on portait une lettre supposée
sont glorifiés de telle sorte (ju'ils puissent sa- de Paul, qu'on se la montrait, en disant que
vourer cette gloire il dit maintenant, ce qui
; lejour du Seigneur était proche; qu'il en était
est beaucoup plus considérable, qu'ils glori- résulté qu'un grand nombre de personnes
fient Dieu même il dit qu'ils recevront celle
; étaient tombées dans l'erreur. L'apôtre veut
gloire. Et maintenant, ce qu'il ajoute, c'est donc prévenir ces égarements il écrit aux ;

que, lorsque le maître est glorifié, les esclaves fidèles pour les raffermir, il leur dit « Et :

aussi sont glorifiés ; car ceux qui glorifient le que vous ne vous troubliez pas, en croyant
maître, sont bien plus glorifiés eux-mêmes « sur la foi de quelques prophéties, sur quel-
indépendamment de ce
et, par ce seul fait et « ques discours ». Ce qui revient à ceci Quand :

fait. Qu'est-ce en effet que la gloire? L'afflic- même un prophète vous dirait cela, ne le croyez
tion reçue à cause du Christ, et partout il l'ap- pas; quand j'étais auprès de vous, je vous ai
pelle la gloire; et plus njaus aurons supporté avertis, vous ne devez pas abandonner la foi
d( honte et d'ignominie, plus nous mériterons qui vous a été enseignée. — « De quel(|ues
l'illustration. Ensuite, montrant que cette « prophéties »; il désigne par là les faux pro-
illustration même est le don de Dieu il dit , : phètes, parlant sous l'inspiration d'un esprit
« Par la grâce de notre Dieu et de Notre-Sei- impur. Ces imposteurs, pour opérer la persua-
a gneur Jésus-Christ ». C'est à lui-même que sion , n'avaient pas seulement recours à des
nous devons la grâce de le glorifier en nous, raisonnements perfides, ce que l'apôtre indi-
de le voir nous glorifier en lui. Comment est- que en di^ant « Sur quelques discours »;
:

il glorifié en nous? Par ce fait que nous ne mais, de plus, ils montraient une lettre sup-
lui préférons rien. Comment sommes-nous posée de Paul, qui appuyait leur dire; voilà
glorifiés en lui? Par ce fait que c'estde lui pourquoi l'apôtre ajoute « Ou sur quelque :

que nous est venue notre force, le courage de a lettre qu'on supposerait venir de nous ».

résister à nos maux ; car, quand la tentation Donc, les voulant raffermir par tous les
arrive , Dieu est glorifié, et nous sommes glo- moyens, il leur dit a Que personne ne vous
:

rifies en niûiue temps. Les hommes le glori- a séduise en Quelque manière que ce soit, car
,

COMMENTAIRE SUR LA II' ËPITRE AUX THESSALONICIENS, - HOMÉLIE lîl. ^oî'

a ce jour ne viendra point que l'apostasie ne montre qu'il ne dit rien de nouveau qu'il ne ,

« soit arrivée auparavant, et qu'on n'ait vu pa- fait que reproduire ce qu'il a toujours dit.

« raîtro rhomme de péché, cet enfant de per- Voyez les laboureurs, ils ne jettent qu'une fois
a dition, cet ennemi de Dieu qui s'élèvera au- la semence mais elle ne réussit pas toujours,
,

« dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou il faut beaucoup de culture et de soins, il faut

« qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le tem- creuser la terre et recouvrir les graines que
« pie de Dieu voulant lui-même passer pour
,
les oiseaux mangeraient. C'est notre histoire ;
Dieu (3, 4) ». Il parle ici de l'antechrist, et si le souvenir continué ne préserve pas ce que
il découvre de grands mystères. Qu'est-ce qu?, l'on a jeté dans nos âmes, tout se dissipe dans
a l'apostasie ? » C'est l'antechrist qu'il entend l'air. Le démon nous ravit la semence notre ;

par l'apostasie, parce que l'antechrist doit en négligence la perd, le soleil la dessèche « la
perdre un grand nombre qui feront défection, pluie la supprime les épines l'étouffent. C'est
;

n Jusqu'à séduire s'il était possible » dit l'E-


, , pourquoi il ne suffit pas de la jeter et de se
vangile, « les élus mêmes ». (Matth. xxiv, 24.) retirer; pour assurer le fruit, grand besoin
Il l'appelle de plus « l'homme de péché », car est d'assiduité ; il faut chasser les oiseaux ; il

ilen fera d'innombrables, et en fera faire aux faut retrancher les épines ; il faut amasser de
autres de terribles il l'appelle de plus « cet ; la terre sur le sol pierreux ; il faut écarter, en-
a enfant de perdition », parce qu'il faut que lever tout ce qui est nuisible.
lui-même périsse. Maintenant, quel est-il? Mais en ce qui concerne la terre , toute la
,

Serait-ce Satan? Nullement, mais un homme tâche appartient à l'agriculteur, parce que la
entreprenant l'œuvre entière de Satan, a Et terre est inanimée, elle n'est que passive; en
a qu'on n'ait vu paraître cet homme », dit le ce qui concerne notre terre spirituelle il en ,

texte, a qui s'élèvera au-dessus de tout ce qui est tout autrement, tout ne dépend pas uni-
a est appelé Dieu, ou qui est adoré». C'est quement des docteurs et des maîtres. Si ce

qu'en ne conduira pas les hommes au


effet il n'est pas la plus grande partie de la tâche qui
culte des idoles mais ce sera un adversaire
;
appartient aux disciples, c'en est au moins la
de Dieu il détruira tous les dieux, et il or-
;
moitié. A nous à jeter la semence ; mais à
donnera qu'on l'adore lui-même, en place de vous à faire ce qui vous est dit ; à montrer,
Dieu et il siégera dans le temple de Dieu
;
par vos actions, les fruits de votre mémoire ;
non pas dans le temple de Jérusalem, mais à arracher les épines jusqu'à la racine. Les
dans le temple de l'Eglise, « voulant lui-même épines c'est l'amour de l'argent, passion sté-
,

a passer pour Dieu ». L'apôtre ne dit pas Se : rile,hideuse, qui ne produit que d'inutiles
disant Dieu, mais : Essayant de passer pour douleurs, importune à ceux qui l'éprouvent,
Dieu. Car il fera de grandes œuvres et mon- et non-seulement stérile, mais, de plus, con-
trera des signes admirables, a Ne vous sou- traire à toute fructification. Voilà ce que sont
a vient-il pas que je vous ai dit ces choses les richesses ; non - seulement incapables de
tt lorsque j'étais encore avec vous (5) ? » porter des fruits pour rétcrnité, mais gênan-
3. Comprenez- vous la nécessité de répéter tes , embarrassantes pour quiconque voudrait
ces choses, et de les reproduire dans les mêmes porter de tels fruits. Ce sont des êtres sans rai-
termes? En effet, ces fidèles à qui il avait son qui se nourrissent d'épines , des cha-
donné de vive voix ces conseils, se trouvèrent meaux ; aliment pour le feu, somptuosité
avoir encore besoin d'avertissements. C'est ain- inutile, voilà ce que sont les richesses; abso-
si qu'après l'avoir entendu parler sur les afflic- lument inutiles , ne servant qu'à embraser la
tions Car», dit-il, «lorsque nous étions
: a fournaise, qu'à faire brûler ce feu du dernier
« parmi vous, nous vous prédisions que nous jour, qu'à alimenter la déraison et toutes les
aaurions des afflictions à souffrir » (I Thess. passions qui troublent l'âme, la haine, la ran-
V, 4),ils oublièrent de même ces paroles, et cune et la colère. Tel est aussi le chameau qui
on le voit forcé de leur écrire pour leur ren- mange les épines. Les personnes expérimen-
dre lo fermeté. De môme, après l'avoir en- tées dans ces sortes de choses, disent que parmi
tendu parier sur l'avènement du Christ, ils les animaux, nul n'est plus irritable, d'une co-
eurent encore besoin de ses lettres pour se lère plus méchante, nul n'est plus vindicatif
maintenir dans les voies de la sagesse. L'apô- que le chameau : tel est l'effet des ricliesses ;

tre s'adresse donc à leur inéaaoire il leur ; elles nourrissent le délire des passions. Quant

S. J. Cn, — Tome
''"
17
238 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

à ceux qui ont la raison en partage, elles les tume et le grand nombre de ses serviteurs;
piqutnt, elles les blessent; c'est ce que font ceux-là se tiennent auprès de lui, écartant le
les Lpines. Cette plante est dure et âpre , elle peuple, chose que cet orgueilleux ne daigne
naît (l'elle-niême. Voyons comment elle naît, f)as fairelui-même, chose tellement indigne
atln que nous l'exlirpions. Elle naît dans les d'un homme libre, que, malgré la vanité qui

lieux abrupts, pierreux, secs, où il n'y a au- le gonfle, il n'ose pas faire cela lui-même, il

cune source. Quand il se trouve un bomme s'en rapporte aux esclaves, qui lui font cortè-
âpre, d'un caractère raboteux, escarpé, c'est- ge. Car cette lâche exige qu'il y ait des escla-
à-dire inaccessible à la pitié, là on voit naî- ves, des esclaves impudents; et quand ce ri-
tre l'épine. Maintenant, les laboureurs qui che est assis, le voilà aussitôt assailli par les in-
veulent extirper ce fléau n'emploient pas le quiétudes domestiques tiraillant son esprit en
fer, que font-ils? lis mettent le feu, c'est ainsi tout sens; l'orgueil qui le possède, déborde tout
qu'ils purgent tout à fait la terre. En effet, il autour de lui. Et
grand honneur,
il croit faire
ne suffit pas de coujier à la surface, en lais- et à nous au peuple, qui sait? et à Dieu
et
sant la racine à l'intérieur; il ne suffit pas peut-être, de ce qu'il est entré dans la maison
d'arracber la racine, parce qu'il resterait dans de Dieu. Une pareille enflure n'est-elle pas
la terre un élément qui suffirait pour la vi- incurable?
cier, de même qu'un mal qui s'est attaché au i. Dites-moi, un homme va trouver un mé-

corps, y imprègne ses restes. Il faut que le feu, decin et ne demande aucun service à ce mé-
attirant à la surface le poison des épines, l'as- decin mais il estime que c'est lui qui fait
;

pire hors des entrailles de la terre délivrée. honneur à la médecine, et il oublie de deman-
Comme une ventouse appliquée sur la chair, der un remède à son mal, pour ne s'occuper
fait sortir tout ce qui viciait le corps, de môme que de sa toilette. Quel bien lui en reviendra-
le feu fait sortir tout ce qu'il y a de vicieux t-il ? Aucun, ce me semble or, maintenant je ;

dans les épines, et purge la terre. vous dirai la cause de tout cela, si bon vous
A quel propos cette réûexion? C'est qu'il semble on s'imagine que c'est auprès de nous
;

faut, par tous les moyens, extirper l'amour qu'oh vient, lorsijue l'on vient ici; on s'ima-
des richesses et purger notre âme. Nous gine que c'est nous qu'on entend, lorsque l'on
avons à noire disposition un feu qui fait sortir entend notre parole; on ne remarque pas, on
ce poison de l'âme, c'est le feu de l'Esprit, ne réfléchit pas que c'est auprès de Dieu que
allumons-le en nous, il ne détruira pas seu- l'on est venu, que c'est Dieu lui-même qui
lement les éi)ines, mais il en desséchera le parle. En effet, quand le lecteur se lève et
poison. Si nous les laissons eu nous, tous nos dit : M que dit le Seigneur » quand
Voici ce ;

elloris d'ailleurs sont inutiles. Tenez, regar- le diacre, imposant silence, ferme toutes les
un riche qui entre ici, un homme
dez, voici bouches, ce qu'il en fait, ce n'est pas par
ou une femme, peu importe; son soin n'est égard |)our le lecteur, mais par resjject pour
pas d'entendre la jiarole de Dieu ; ce qui l'oc- Celui (|ui, par l'organe du lecteur, parle seul
cupe, manière de se montrer, de s'as-
c'est la au peuple. Si ces vaniteux savaient que c'est
seoir avec fracas, avec une piétcnlion glorieuse. Dieu (jui parle par le Prophète, ils rabais-
Cette femme se demande ecmment elle sur- seraient tout leur faste. Quand les magistrats
passera les autres par la niagn ficcnce de sa leur adressent la i)arole, ces riches se gardent
toilette; comment, par son extérieur, par son bien d'avoir des distractions; à plus forte rai-
aspect, par sa démarche, elle excitera l'admi- son faut-il les éviter quand Dieu parle. Nous
ration, l'adoration de sa beauté. Et toutes ses sommes ses ministres, ô mes bien-aimés; nous
pensées, et toutes ses inquiétudes ne vontqu( ne vous disons pas nos pensées, mais les pen-
là ; ou une telle ni'a-t-elle vue? Suis-
une telle sées de Dieu le ciel vous envoie chaque jour
;

je bien admirée? Suis-je bien (larée? El ce les lettres qu'on vous lit. Voyons, répondez-
n'est pas là seulement ce qui la travaille, moi, je vous en prie; nous sommes tous ici
mais si ses vêtements allaient recevoir des ta- rassemblés. Je suppose que tout à coup arri-
ches, si sa lubu allait élre déchirée; et voilà ve un homme avec une ceinture d'or, la
ici

toute son inquiétude. Et maintenant l'homme tête haute, la démarche fière il se dit envoyé ;

riche son entrée pour s'rtilur devant le


fait par un des rois de la terre ; il apporte une
pauvre, et le frapper pir I.? p^mpc de :cu CU3- IcHro pour eiiUvtouir la cité tout enlicrc do
choses de la plus grande importance. Est-ce ses de chevaux ? Et toutes les choses ne sont-
qu'aussitôt vous ne vous tourneriez pas tous elles p-'\s les mêmes choses, et n'est-ce pas tou-
de son côté ? N'est-il pas vrai que, même sans jours w même soleil qui se lève ? Ne sont-ce
la recommandation du diacre, vous feriez tous pas -oujoiirs les mêmes aliments? Je veux
un grand silence? Pour moi, je n'en doute V a> faire une question, puisque vous dites
pas j'ai entendu lire, ici même, des lettres
: vOevous entendez toujours les mêmes cho-
de l'empereur. Eh bien pour l'envoyé d'un
! *s, répondez-moi De quel prophète est le
:

souverain de la terre vous êtes tous attentifs passage qu'on vient de lire? De quel apôtre
et, pour un envoyé de Dieu, lorsque du haa «u de quelle épître? Vous ne sauriez le dire ;

du ciel retentissent les accents du Prop^.iie; vous me faites l'efTet^ bien au contraire, d'en-
aucun de vous ne veut être attentif? ^ât-C8 tendre des nouveautés. Mais, voilà, quand
que vous ne croyez pas que c'est au 'jom 6e vous voulez céder à l'indolence, vous dites :

Dieu qu'on vous parle? Nos épîtres viennent Ce sont toujours les mêmes choses et quand ;

de Dieu. Sachons donc entrer dans les églises on vous interroge, vous montrez que vous n'a-
avec le respect convenable, écouter la parole vez rien écouté. Puisque ce sont les mêmes
avec un saint respect. A quoi bon y entrer, choses, vous devriez les savoir, mais vous
me dit celui-ci, si je n'entends pas une voix n'en savez rien. Etat lamentable et digne de
j> qui me parle ? Voilà qui perd tout; quel be- toutes nos larmes celui qui forge l'argent,
:

soin avez-vous d'un prédicateur qui


vous prend une peine inutile. Ce que vous auriez
parle? Ce besoin trahit notre lâcheté. Quel dû remarquer précisément, c'est que, parce
besoin avez-vous qu'on vous parle? Tout est que ce sont les mêmes choses, nous ne vous
simple et facile dans les divines Ecritures. imposons aucun travail, nous ne vous disons
Tout ce qui est de nécessité, y est visible. Mais rien d'étrange, nous ne varions pas. Mais soit,
vous cherchez des plaisirs pour vos oreilles. l'Ecriture vous faittoujours entendre les mêmes
Voilà pourquoi vous voulez des discours. Cat* choses; mais nous, nous vous disons toujours
enfin, répondez-moi, quelle était la pompedes des paroles nouvelles et qui doivent vous sur-
discours de Paul, et cependant il a converti prendre. En êtes-vous plus attentifs? Nul-
la terre. Quel était l'ornement de la parole de lement. Si nous disons Pourquoi ne retenez- :

Pierre, un homme sans lettres ? vous pas nos paroles ? vous nous répondez :
Mais je ne sais pas, me répond-on, ce qu'il Nous n'avons entendu qu'une fois, et com-
y a dans la divine Ecriture pourquoi ne le ;
ment est-il possible de tout retenir? Si nous
savez-vous pas ? du
Est-ce de l'hébreux, est-ce disons : Pourquoi pas attentifs
n'êtes-vous
latin, est-ce une langue étrangère, est-ce que quand on ht Ecriture? vous répon-
la sainte
l'Ecriture ne vous parle pas grec ? mais c'est dez C'est toujours la même chose, et je n'en-
:

obscur, me répond-on. Où est l'obscurité? tends que des excuses à la négligence et des
parlez; ne sont-ce pas des histoires? Vouscom- prétextes. Mais ces excuses ne seront pas tou-
prenez celles qui sont claires ; interrogez-moi jours de mise, le temps viendra où les lamen-
sur celles qui ne le sont pas. y a des mil- 11 tatiOBS seront superflues et inutiles. Loin de
liers d'histoires dans l'Ecriture ; dites-m'en nous ce malheur; mais, bien plutôt, faisons
une de celles qui sont obscures. Mais vous pénitence ; écoutons avec sagesse, avec piété,
n'en ferez rien. Vains prétextes, excuses mau- la parole; appliquons-nous aux bonnes œu-
vaises. Mais entendre chaque jour, me répli- vres ; sanctifions tout à fait notre vie, afin d'ob-
que-t-on, les mêmes choses ! Qu'est-ce àdire, ré- tenir les biens promis par Dieu à ceux qui
pondez-moi? Et dans vos théâtres n'entendez- l'aiment, par la grâce et par la bouté, etc.
vous pas les mêmes choses? Et dans vos cour-
m TriADl'CriON FRANÇAISE DE 5AIN'T JEAN CHRYSOSTOME.

HOMELIE IV.

IT VftCSSXVEÎ! ISIBN CE Qtl EMPÊCHE qu'il NE VIENNE, AKiN QU'iL PARAISSE EN SON TEMPS; CAH LE
MVSrèRE D'iMOI 'TK SE FORME DÈS A PRÈSEKT: IL FALT SEULEMENT QUE CELUI QUI LE RETIENT MAINTE-
NANT, LE KEilENNE ENCORE, JUSQU'A CE Qu'iL SOIT OTÈ DU MONDE, ET ALORS SE DÉCOUVRIRA l'iMPIR
QUE LE SEIGNEUR JÉSUS DÉTRUIRA PAR LE SOUFFLE DE SA BOUCHE, ET QU'iL PERDRA PAR L'ÉCLAT
MSA PRÉSENCE. CET IMPIB QUI DOIT VENIR ACCOMPAGNÉ DE LA PUISSANCE DE SATAN, (il. 6, JUSQU'A
111, 2.)

Analyse.
1. Raisons de l'obscurité dont l'apAtre s'enveloppe en parlant de l'anteclirist. —
Pourquoi Dieu suscitera l'anteclirisl.
2. De la sanclifîcation qui conduit à la gloire. —
De la foi due à la IraJilioa de l'Eglise. —
Contre les hérétiques qui prétendent
que le Fils est moimlre que le Père. —
Précepte d'iiuniilité; tout est l'œuvre de Dieu.
S. De l'efficacilé de la prièie. —
Paul a demandé aux fulèles de prier pour lui ; l'orateur de Consiantinoplc veut suivre l'exemple
de Paul; lui aussi se recotnir.aude aux prières des fidèles, mais qu'eu ne l'accuse pas de pi étendre se comparer à Paul.
. Combien l'Eglise est intéressée à prier pour son chef. —
Paroles touchantes du premier pasteur de l'église de Conslaatinople
sur l'égalité d'honneurs et de biens entre son peuple et lui.

i. La première question à s'adresser, c'est techrist. Cet homme en effet voulait être re-
d'abord que sigiiiûe «Ce qui empcclie?» On gardé comme un Dieu, et l'apôtre a raison de
peut aussi se demander pourquoi Paul s'ex- dire «le mystère»; car Néron ne rejetait pas
prime d'une manière si obscure? Que signifie tous les voiles comme doit le faire l'anttchrist;

donc cette expression «Ce qui empêche qu'il : il gardait encore quelque pudeur. Or, si, avant
o ne vienne, afin ([u'il paraisse », c'esl-à-dire, le temps de l'aatechrist, un homme s'est ren-
où est l'obstacle? Les uns disent que c'est la contré qui ne le cédait pas beaucoup à Lante-
grâce de l'Esprit, les autres que c'est la puis- ch risl.poiir la perversité, qu'y a-t-ild'éloimant
sance Romaine; pour moi, je suis fort porté que i'aiitechrist doive bientôt paraître? Voilà
à prendre ce dernier sens, pourquoi? C'est que donc pourquoi l'apôtre parle ainsi d'une ma-
s'il il ne l'aurait pas
eût voulu dire l'Esprit, nière obscure. S'il ne s'est pas exprimé claire-
dit d'une manière obscure; il aurait dit ou- ment, ce n'est pas qu'il eût peur, mais il vou-
vertement que ce qui l'empêche de venir, c'est lait nous apprendre à ne pas excilcr contre

la grâce de l'Esprit c'est-à-dire les dons de


, nous des haines superflues, quand rien ne
l'Esprit. Il serait d'ailleurs déjà arrivé, s'il de- presse. Ainsi, voici ce qu'il dit: «Il faut seule-
vait arriver lorsque les dons de l'Esprit cesse- o ment que celui qui le retient maintenant, le
raient, car il y a longtemps qu'ils ont cessé de a retienne encore jusqu'à ce qu'il soit ôlédu
se manifester aux yeux. Mais comme il veut « monde». Celaveutdiie L'anlechrist viendra:

parler de la puissance Romaine, il s'envelo|)pe quand la puissance Romaine aura disparu, et


d'énigmes et il s'exprime d'une manière obs- l'apôtre a raison. En effet, tant que celte puis-
cure; il ne voulait pas susciter des haines su- sance inspirera la terreur, nul ne vitnJra s'y

perflues, ni provoquer des dangers inutiles. heurter; mais une fois cette puissance dé-
S'il avait dit qu'on verrait bientôt la puissance truite, cesera l'anarchie, et l'antechrist essaiera
Romaine détruite, on l'aurait sur-le-champ de prévaloir contre les hommes et contre Dieu.
exterminé comme un homme pernicieux, et, De même que, dans les âges passés, les em-
avec lui, tous les fidèles vivant et combattant pires ont été renversés, les Mèdes par les Ba-
sous ses ordres. byloniens, les Babyloniens par les Perses, les
Voilà pourquoi il s'exprime d'une manière Perses par les Macédoniens, les Macédoniens
obscure, pourquoi il ne dit pas nettement que par les Romains de même Rome sera ren-
;

cetantechrist viendra prochainement, quoique versée par l'antechrist, et l'antechrist par le


d'ailleurs il dise l'équivalent. Que dit-il? Christ, et il n'y aura plus d'em|iêchement;
«Afin qu'il paraisse en son temps, car lemys- c'est ce que Daniel nous enseigne avec une
a tèie d'iniquité se forme dès à présent». C'est grande évidence,
Néron qu'il désigne car c'est le type de
, l'an- a Et alors » , dit l'apôtre, « se découvrira
,

COMMENTAIRE SUR LA II" ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE IV. 26l

« l'impie « , et après ? Tout aussitôt, la consola- signes, de ces signes mensongers, et voilà ce

tion; car l'apôtre ajoute Seigneur


: «Que le qui leur fermera la bouche. Car, si vous ne
Jésus détruira par le souffle de sa bouche, croyiez pas au Christ, à bien plus forte raison

a et qu'il perdra par l'éclat de sa présence, deviez-vous ne pas croire à l'antechrist. Le


a cet impie qui doit venir accompagné de la
Christ se disait envoyé par son Père, l'ante-

« puissance de Satan». Le feu s'altaquant de christ vous dit le contraire; de là ces paroles

loin à de petits animalcules, même sans les que le Christ prononçait autrefois «Je suis :

approcher, de loin les saisit, les consume; de « venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez

même le Christ, rien que l'ordre, la présence « pas reçu. Si un autre vient en son propre

du Christ, exterminera l'antechrist ; il suffit o nom, vous le recevrez». (Jean, v, 43.) Mais,

que le Christ se montre, et tout cela périra » diront-ils, nous avons vu des signes, des mira-

pour arrêter le cours de la perfidie, il lui suf- cles. Mais le Christ en a fait de nombreux et de

hrn d'apparaître. Maintenant ce n'est pas tout: grands ; donc, à bien plus forie raison fallait-

l'apôtre fait voir ce que c'est que l'antechrist : il croire en lui. Du reste, les prédictions n'ont

Qui doit venir accompagné de la puissance pas manqué, annonçant cet impie, cet enfant

de Satan avec toute sa force » dit-il, a avec ,


de perdition, annonçant qu'il doit venir, ac-
o des signes et des prodiges trompeurs», c'est- compagné de la puissance de Satan; pour le
à-dire qu'il fera voir sa force , sa puissance, Christ, prédictions toutes contraires, c'est le

mais rien de pour tromper. Ces pré-


vrai, tout Sauveur qui apporte des biens en foule.
dictions de l'apôtre ont pour but de prévenir a Comme ils n'ont pas reçu la charité de la
les erreurs de ceux qui existeront alors. «Avec vérité, pour être sauvés. Dieu leur enverra
« des prodiges trompeurs», dit l'apôtre, c'est- a des illusions si efficaces qu'ils croiront au

à-dire, soit l'effet d'un pouvoir menteur, soit « mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés,
préparant le mensonge, a Et avec toutes les qui n'ont point cru à la vérité, mais qui ont
o illusions qui peuvent porter à l'iniquité consenti à l'iniquité (il) ».

« ceux qui périssent (10) ». 2. «Soientjugés»; il ne dit pas, soient punis.

Mais pourquoi , me dira-t-on. Dieu a-t-il Il y a d'autres raisons encore pour lesquelles
permis l'antechrist? Et quel est le dessein de ils méritent d'être punis, mais l'apôtre dit :

Dieu? Et quelle est l'utilité de la venue de « Soient jugés», c'est-à-dire, soient condamnés
l'antechrist, puisqu'il se propose de nous per- dans le jugement terrible, soient trouvés sans
dre? Ne craignez rien, mon bien-aimé, écoutez excuse. Quels sont-ils? L'apôtre l'explique assez
la parole de Dieu même la force de l'ante-
;
par ces paroles «Qui n'ont point cru à la vé-
:

christ est dans ceux qui périssent, dans ceux « rite, mais qui ont consenti à l'iniquité». Par

qui, même s'il n'était pas venu, n'auraient pas a la charité de la vérité», c'est le Christ qu'il
accepté la foi. Quelle est donc l'utilité de son désigne ; « parce que », dit l'apôtre, « ils n'ont
apparition? C'est qu'elle fermera la bouche à « pas reçu la charité de la vérité ». Ces deux
ceux qui doivent périr. Comment cela? Soit motifs expliquent la venue du Christ; il esj
que l'antechrist fût venu , soit qu'il ne fût pas •venu parce qu'il aime les hommes, et il est
venu, ces hommes n'auraient pas cru au venu pour la vérité. «Mais qui ont consenti»,
Christ. L'antechrist vient donc pour les con- dit l'apôtre , a à l'iniquité». En effet, l'ante-

fondre. Les incrédules auraient pu dire C'est :


venu pour la perle des hommes,
christ est
parce que le Christ se donnait pour Dieu pour leur faire du mal car que ne fera-t-il ;

quoiqu'il ne l'ait dit nulle part ouvertement; pas? Il jettera toutes choses dans la confusion
c'est parce que ceux qui l'ont suivi ont prêché et dans le trouble, pour accomplir les ordres
sa divinité, c'est pour cela que nous n'avons d'en-haut, et pour inspirer l'épouvante; il
pas cru; parce que nous avons entendu dire sera terrible de toutes les manières, par soa
qu'il n'y a qu'un Dieu d'où sortent toutes pouvoir, par sa cruauté, par l'injustice de ses
choses, voilà pourquoi nous n'avons pas cru exigences ; mais ne craignez rien, « sa force se-
Eh bien, c'est ce prétexte que l'antechris,! leur « ra», dit l'apôtre, «dans ceux qui doivent pé-
enlèvera; car, quand il viendra, ne comman- « rir ». — « Car Elle, à son tour, viendra aussi

dant rien de salutaire, ne commandant rien a à celte heure, affermissant les fidèles». (Ma-
que d'injuste et de contraire à toutes les lois, lach. IV, 5.) Et c'est ce que dit le Christ u Elie :

Jls croiront en lui , rien que sur la foi de ces a viendra, et rélablira toutes choses». (Marc,
262 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

IX, 11.) Voilà iiourqnoi il a élc dit, à propos de correspondance par lettres, que beaucoup de
Jonn : «Dans l'cspiit, cl :lnns la vcrln d'Elie». points étaient communiqués de vive voix et
(Luc, 1, 17.) SaiiS Joule il n'a pas lail de t-Ji^ucs cet enseignement oral aussi est digne de
et de miracles comme Elle : « Car Jean » , dit foi. Par conséquent regardons la tradition de

l'évangéliste, a n'a fait aucun miracle mais ; l'Eglise comme digne de foi. C'est la tradi-
« tout ce que Jean a dit de celui-ci, était vrai». tion, ne cherchez rien de plus. L'apôtre
(Jean, x, 41 , 42.) Comment donc a-t-on pu dire : montre ici qu'il y en a un grand nombre qui
«Dans l'esprit et la vertu d'Elie?» Cela veut chancellent. — « Que Notre-Seigneur Jésus-
dire, qu'il se chargera du même ministère , et Christ, et Dieu notre Père, qui nous a aimés,
de même que Jean a été le précurseur du pre- et qui nous a donné par sa grâce une con-
mier avènement, de même Elie sera aussi le « solalion éternelle et une si heureuse espé-
,

précurseur du second avènement, avènement lui-même vos cœurs, et vous


rance, console
glorieux, et il est réservé pour celte heure. « affermisse dans toutes sortes de bonnes
Donc, ne craignons point Paul a frappé l'es- : « œuvres et dans la bonne doctrine (15, 16) ».

prit de ses auditeurs ; cependant il n'a pas tant Encore la prière après l'exhortation; voilà ce
voulu inspirer la terreur et l'épouvante, que qui s'appelle vraiment porter secours et con-
provoquer nos actions de grâces. Voilà pour- solation «Qui nous a aimés», dit-il, «et qui
:

quoi il ajoute o Mais quant à nous , mes


: « nous a donné par sa grâce une consolation
a frères, chéris du Seigneur, nous nous sen- a éternelle, et une si heureuse espérance». Où

a tons obligés de rendre pour vous à Dieu sont-ils maintenant ceux qui prétendent que

a de continuelles actions de grâces, de ce qu'il le Fils est moindre que le Père, parce qu'on

o vous a choisis comme des prémices pour ne le nomme qu'après le Père dans la céré- ,

vous sauver dans la sanctification de l'Esprit monie du baptême? Voici en effet que nous
et dans la foi de la vérité (12)». voyons ici le contraire; l'apôtre dit d'abord :
Comment Dieu a-t-il pour le salut?
choisi «Que Notre-Seigneur Jésus-Christ»; ensuite
L'apôtre le montre en disant «Dans la sancli-
: il ajoute : « Et que Dieu
, et le Père de Notre-
« fication de l'Esprit», c'est-à-dire pour nous Seigneur, qui nous a aimés et qui nous a
sanctifier, par l'Esprit et par la vraie foi; car «donné une consolation éternelle». Quelle
voilà ce qui renferme notre salut. Ce ne sont est-elle, celle consolalion?L'cspérance des biens

nullement les œuvres, nullement les vertus à venir. Voyez comme, par manière de prière,
parfaites; c'est la foien lavéritè. Nouvel exemple il excite leur pensée , en leur montrant les

de «dans» au lieu de «par». «Dans lasanc- — gages et les signes du soin ineffable de Dieu.
« tificalionde l'Esprit», dit-il, «vous appelant « Console», dit-il, «vos cœurs, et vous affer-
o à cet état, par notre Evangile, pour vous « misse dans toutes sortes de bonnes œuvres,
« faire acquérir la gloire de Notre-Seigneur « et dans la bonne doctrine» c'est-à-dire, par
;

« Jésus-Christ (13)». Faveur insigne, le Christ toutes sortes de bonnes œuvres et de bonnes
regardant notre salut comme sa gloire; la doctrines. Car ce qu'il faut dire aux chrétiens,
gloire de celui qui aime les hommes, c'est qu'il c'est de faire non-seulement le bien, mais ce
y en ait un grand nombre de sauvés. Certes, qui jilaîl à Dieu. Voyez comme il rabaisse leur
il grand Notre-Seigneur, de désirer à ce
est orgueil. «Qui nous a donné», dit-il, «par sa
point noire salut; il est grand aussi l'Espril- « grâce une consolation éternelle et une si
,

Saint, qui opère en nous la sanctification. « heureuse espérance ». Et en même temps il

Pourquoi n'a-t-il pas mis d'abord la foi, mais leur inspire une bonne espérance pour l'ave-
la sanctiflcation? C'est que la sanctification nir. En effet, si la grâce de Dieu nous a pro-
même nous laisse dans un grand besoin de la curé des biens si considérables à plus forte ,

foi, afin que nous ne soyons pas ébranlés; raison nous en ménage-t-elle d'autres peut
voyez comme l'apôtre nous montre que rien l'avenir. Oui certes, dit l'apôtre, je vous ai
ne vient de nous, que tout est l'œuvre de Dieu. annoncé tout cela, et maintenant tout cela est
a C'est pourquoi, mes frères, demeurez /"œuvre de Dieu. C'est lui qui nous rassure,
a fermes et conservez les traditions que vous qui nous rend fermes, afin que nous ne deve-
a avez apprises, soit par nos paroles, soit nions pas vacillants chancelants à nous la, ;

a par notre lettre (14)». Passage qui prouve faiblesse; à lui la force. L'apôtre comprend
(^ue tout reasei^'nement n'était pas dans la doue ce cjui concerne elles actions et les dgo^
eOMMENTAIRE SUR LA II« ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. - HOMÉLIE IV. 2G3

trines; et il exhorte afin de raffermir; car tant un excès d'humilité, ne nous prive d'un si
qu'on échappe aux agitations qui éhranlent, précieux secours. Nous ne vous parlons pas en
quoi qu'il arrive, on supporte tout avec une pous mettant à la place de Paul car ce que ;

grande patience; si, au contraire, l'âme est voulait Paul, c'était consoler ses disciples;
agitée, il n'en faut plus attendre d'actions mais nous, ce que nous voulons, c'est obtenir
bonnes ou généreuses. Comme la paralysie qui un bien précieux et considérable, et nous
empêche l'action des mains, ainsi fait l'agita- croyons ardemment que, si vous voulez tous,
tion dont est saisie l'âme qui manque de foi, et d'un seul et même cœur, tendre vers Dieu vos
que ne soutient pas l'espérance d'un bien à mains en faveur de notre infirmité, tout nous
venir. « Au reste, mes frères, priez pour nous, réussira. Faisons ainsi la guerre à nos enne-
afinque la parole de Dieu se propage rapide- mis, par nos prières, par nos supplications ;

a ment, et soit glorifiée partout, comme elle sien effet autrefois on combattait ainsi contre
« l'est parmi vous». (II Thess. m, 1.) des ennemis en armes, à bien plus forte rai-
3. Il a prié pour eux, pour les voir se raffer- son devons-nous combattre de la même ma-
mir, et maintenant il leur demande à eux- nière ceux qui n'ont pas les armes à la main.
mêmes de prier pour lui, non pour le mettre C'est ainsi qu'Ezéchias a mis en fuite le roi
hors des dangers, car sa mission était de courir d'Assyrie; c'est ainsi que Moïse a triomphé
les dangers, mais « Afin que la parole de Dieu
: d'Amalech; Samuel, des Ascalonites; Israël,
« se propage rapidement et soit glorifiée par- des trente-deux rois. Si, quand il fallait des
o tout, comme elle l'est parmi vous ». A sa de- armes, des combats, des batailles, répudiant
mande, il joint un éloge «Comme elle l'est : leurs armes, ils avaient recours aux prières,
parmi vous», dit-il. «Et afin que nous soyons combien n'est pas impérieuse , lorsque tout
a délivrés des hommes intraitables et mé- dépend des prières, la nécessité de prier Mais !

« chants, car la foi n'est pas commune à tous autrefois, me répondra-t-on, c'étaient leschefs
(2)». Paroles qui expriment les dangers du du peuple qui priaient pour le peuple, tandis
moment, en même temps, paroles d'exhor-
et, que vous, ce que vous voulez, c'est que le peu
tation. «Des hommes intraitables et mé- pie prie pour son chef. Je le sais bien, c'est
a chants», dit-il, «car la foi n'est pas commune qu'alors ceux qui obéissaient étaient des mi-
« à tous». Peut-être parle-t-il de ceux qui con- sérables, vils, abjects , et c'était la confiance
tredisaient la prédication, qui résistaient à la en Dieu, fondée uniquement sur la vertu du
parole de Dieu, qui luttaient contre les dogmes; chef de l'armée, qui procurait à tous le salut ;
c'est à eux, sans doute, qu'il fait allusion par aujourd'hui, au contraire, la grâce de Dieu
ces paroles «Car la foi n'est pas commune à
: s'est augmentée parmi ceux qui obéissent, il
;

a tous». Je ne crois pas qu'il fasse ici allusion en est beaucoup, il en est, c'est la grande ma-
à ses dangers il veut parler des contradicteurs
; jorité, dont la vertu dépasse la vertu de celui
qui lui suscitaient des embarras, comme Hy- qui commande. Ne nous privez donc pas de
ménée, comme Alexandre, l'ouvrier en cuivre : votre secours dans le combat que nous soute-
< Car il a fortement combattu la doctrine que nons. Soulevez nos mains pour qu'elles no
nous enseignons». (II Tim. iv, 15.) Comme retombent pas; ouvrez notre bouche, empê-
si quelqu'un faisant allusion à une noblesse chez qu'elle ne se ferme priez Dieu, priez-le
;

héréditaire, disait qu'il n'est pas donné à tous à ces intentions. Cette prière que je vcus de-
de servir dans les palais des rois; c'est ainsi mande pour nous, produit un effet général
qu'il parle des méchants dont il veut être dé- qui est à votre avantage car c'est pour votre
;

livré : Tels sont ceux, dit-il , auxquels la foi a utilité que nous occupons notre place, et ce
été refusée , et en même temps qu'il parle sont vos intérêts qui nous sollicitent. Voyez
ainsi, il réveille l'ardeur des fidèles. Ils étaient Paul disant aux Corinthiens « Afin que la
:

donc de grands personnages aux yeux de Dieu, « grâce que nous avons reçue soit recon- ,

s'ils avaient la confiance de délivrer leur doc- a nue par les actions de grâces qu'un grand
teur de ses dangers, et de lui rendre la prédi- a nombre rendront pour nous» (Il Cor. i,tt);
cation facile. c'est-à-dire, afin qi!0 le Seigneur accorde sa
Eh nous vous adressons la même
bien , grâce à un grand nombre. Si parmi les hom-
prière, etque personne ne nous accuse d'un mes il arrive que des condamnés soient con-
excès d'arrogance; que personne de vous, par duits à la mort, que le peuple demande leur
,

â64 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ;

grâce, que, par égard pour la multitude, l'em- eux-mêmes la divine miséricorde mais celui ;

pereur révoque la sentence, à bien plus forte qui a iiersonncllcment offensé Dieu, comment
raison Dieu se laissera-t-il fléchir, non par la peut-il le prier pour un autre? Toutefois
mais par la vertu, car nous avons
r.niltilude, comme je ressens pour vous, dans mes en-
un ennemi violent.
affaire à trailles, une affection paternelle, comme
Chacun de vous n'a de souci, n'a d'inquié- l'amour ose tout, ce n'est pas à l'église seule-
tude que pour ses intérêts propres, mais nous, ment, mais dans ma demeure aussi que je
ce qui nous inquiète, c'est l'intérêt commun. prie avant toutes choses pour le salut de voe
Nous sommes debout, soutenant tout l'effort âmes, pour la santé de vos corps, car il n'est
de la gueiTe, car c'est nous qu'attaque le dé- pas de prières qui conviennent tant au prêtre
mon avec le plus de violence. En effet, dans les que celles qu'il adresse à Dieu quand ill'aborde,,
combats, ce que l'on cherche avant tout à ter- quand il s'entretient avec lui des biens qu'il
rasser, c'est celui qui conduit les bataillons lui demande pour le peuple tout entier. Si
opposés. Voilà pourquoi ce concours de toutes Job, dès le matin, adressait tant de prières pour
les forces sur un même point, les uns réunis- sesfils selon la chair, combien devons-nous

sant leurs boucliers, les autres faisant des ef- davantage en faire entendre pour nos fils se-
forts tumultueux pour s'emparer du chef, et lon l'Esprit ?
les boucliers qui l'entourent de toutes parts, 4. Et maintenant, à quoi bon ce discours?
s'unissent pour conserver sa tète. Ecoutez les C'est que, si nous malgré notre indignité,
,

paroles que le peuple tout entier adresse à Da- nous élevons vers Dieu pour vous tous
vid (ce n'est pas que je me compare à David, nos supplications et nos prières, à bien plus
ma démence ne va pas jusque-là mais je ; forte raison devez- vous nous rendre la pa-
veux montrer l'affection du peuple pour son reille. Qu'un seul prie pour le grand nombre,
chef) a Nous ne souffrirons plus que vous
: c'est une grande audace, et qui suppose beau-
veniez à la guerre avec nous, de peur que ûoup de confiance au contraire, qu'un grand
;

a la lampe d'Israël ne s'éteigne ». (11 Rois, xxi, nombre se réunissent, afin de prier pour un
17.) Voyez comme ils tenaient à conserver le seul, il n'y a rien là qui choque la pensée.

vieux r»i. J'ai grand besoin de vos prières; que Chacun, en effet, se fie non en ses propres
nul d'entre vous, je vous l'ai déjà dit, par mérites, mais en la multitude, en l'unanimité,
excès d'iiumilité, ne me prive de cette res- toujours si puissante aux yeux de Dieu c'est ;

source et de ce secours. Si nous méritons l'es- là ce qui le touche et ce qui l'apaise, « car en
time et la gloire, vos affaires aussi seront plus « quelque lieu que se trouvent deux ou trois
brillantes. Si l'enseignement découle de nous « personnes assemblées en mon nom », dit le
avec une salutaire abondance, c'est à vous Seigneur, «je m'y trouve au milieu d'elles».
qu'en ira la richesse. Ecoutez
Prophète le : (Matth. xvni, 20.) S'il se trouve avec deux ou
o Est-ce que eux-mê-
les pasteurs se pais-^ent trois personnes assemblées, à bien plus forte
umcs?» (Ezéch. xxxiv, 2.) N'entendez-vous raison se trouve-t il au milieu de vous. En ef-
pas la voix de Paul réclamant perpétuellement fet, ce qu'un seul ne peut obtenir isolément , il

ces prières? Ne savez- vous pas que si Pierre a l'obtiendra en priant avec la foule. Pourquoi ?
été arraché de sa prison, c'est parce que des C'est parce (lue, même
où la vertu propre fait
prières assidues se faisaient pour lui?(Act. xii, défaut, l'accord a une grande force, o car eu
5.) Oui, c'est ma conviction, vos prières auront « quehjue lieu », dit le Seigneur, oque se
un grand pouvoir, étant faites avec une telle « trouvent deux ou trois personnes assem-
unanimité. Quel avantage précieux, et combien a blécs ». —
Pouniuoi «deux?» Comment, une
cela est au-dessus de notre infirmité , de personne priera en votre nom, et vous ne serez
nous approcher de Dieu, et de prier pour un pas là? —
Je veux que tous soient réunis et
si !<rand peuple! Si je n'ai pas la confiance non séi)arés. Donc fortifions nous l'un l'autre,
qu'il me faut, quand je prie pour moi-même, joignons notre charité, fuisons-en un faisceau,
je encore bien moins, en |)riant pour les
l'ai que nul ne nous sépare. Si quelqu'un veut en
autres. Il n'appartient qu'à ceux dont la vie accuser un autre, si quelqu'un a reçu un
est pure et la gloire sans tache, d'implorer mauvais Irailement, nous lui demandons d'ou-
pour les autres la clémence et la bouté de blier ce qu'il peut avoir sur le cœur soit COO;;

Dieu. C'estle droit de ceux qui ont mérité pour 're le prochain, soit contre nous.
, ,

COMMENTAIRE SUR LA ÎP ÉPITRE AUX TIIESSALONICIENS. — HOMÉLIE IV. %i


que je vous demande Si vous
Voici la grâce : Je n'ai pas une plus grande part, vous, une
avez quelque chose contre nous, venez nous moindre pari, à la table sainte; vous et moi
trouver, et recevez de nous notre excuse. « Re- nous y partiel i)ons également. Si je suis le
« prenez votre prochain », dit rEcclésiaste premier, ce n'est pas une grande affaire;
a sur ce qu'on l'accuse d'avoir dit, parce que parmi les enfants, l'aîné est le premier (jui
« peut-être il ne l'a point dit reprencz-le , porle !a main vers les mets, sa part toutefois
« sur ce qu'on l'accuse d'avoir fait, parce que n'en est pas plus grosse ; entre nous, c'est l'é-

a peut-être il ne l'a point fait, et s'il l'a dit ou galité, le salut, la satisfaction de nos âmes ;

« fait, afin qu'il ne recommence pas». (Ecclés. l'égalité d'honneur nous appartient à vous
XIX,a.) En effet, ou nous nous excusons, ou comme à moi. Je n'ai pas ma part d'un
nous sommes convaincus, et nous demandons agneau vous, votre part d'un autre agneau ;
;

notre grâce, et plus tard nous faisons nos ef- c'est au même que nous participons tous en-

/orts pour ne pas retomber dans les mêmes semble c'est le même baptême pour vous et
;

/autes. Voilà ce qui est utile, et pour vous et pour moi c'est d'un seul et même esprit
;

pour nous. vous arrivera peut-être, après


II que nous recevons tous les dons c'est à ;

avoir accusé sans raison, une fois que vous la même royauté que nous prétendons vous ,

aurez compris la réalité des faits, de corriger et moi frères du Christ au même titre
; ,

votre jugement; ou bien s'il arrive que nous toutes choses nous sont communes en quoi ;

ayons péché sans nous en apercevoir, nous donc ai-je plus que vous? J'ai les soucis, les
nous en corrigerons en l'apercevant; pour fatigues, les inquiétudes, les douleurs que je
vous, il vous est funeste de juger téméraire- ressens pour vous mais rien de plus doux
;

ment, car un châtiment a été établi contre que cette douleur. Une mère souffrant pour
ceux qui prononcent une parole inutile. Pour son enfant, trouve des charmes dans cette souf-
nous, nous repoussons les accusations aussi , france elle est inquiète pour ses enfants et
;

bien celles qui sont vraies, que celles qui sont elle se fait une joie de ses inquiétudes. C'est
mensongères ; les mensongères, en montrant que, si l'inquiétude est par elle-même une
qu'elles sont mensongères, les vraies , en ne chose amère, quand on l'éprouve pour ses en-
nous y exposant pas davantage. Il est absolu- fants, on y trouve des délices. II en est un
ment nécessaire que celui qui a tant d'affaires grand nombre de vous que j'ai enfantés, et en-
à soigner, et ignore bien des choses, et pèche suite sont venues les douleurs de l'enfante-
par ignorance. Si chacun de vous, ayant une ment. Qu'est-ce à dire ? Chez les mères selon
maison à conduire, une femme, des enfants, le corps, les douleurs commencent et l'enfan-
des serviteurs, un peu plus ou un peu moins, tement arrive; chez nous, au contraire, les
dans tous les cas un bien petit peuple et fa- douleurs durent jusqu'au dernier soupir
cile à connaître, est exposé à une foule de fau- dans la crainte que l'enfant ne devienne un
tes involontaires, soit qu'il ignore, soit qu'il avorton, et voilà ce qui cause nos alarmes ;

veuille opérer quelque correction, à bien plus car, si la génération vient souvent d'un autre,
forte raison est-ce vrai de nous, qui sommes à je n'en suis pas moins déchiré de soucis. En
la tête d'un grand peuple.
si effet, nous n'engendrons pas de nous-mêmes,
Et que le Seigneur vous agrandisse encore c'est l'œuvre uniquement delà grâce de Dieu.
etvous envoie ses bénédictions, sur les petits Mais si nous sommes deux pour produire
comme sur les grands. Car quelque accablante l'enfantement par l'Esprit, vous aurez raison
que soit la sollicitude que suscite un grand de dire que mes enfants sont les enfants de
peuple, nous ne cessons pas pourtant de prier celui qui coopère avec moi, et que l.es enfants
pour que notre sollicitude grandisse comme de celui qui coopère avec moi sont mes en-
ce peuple, pour qu'il se multiplie, poui* qu'il fants. Méditez sur toutes ces choses, et donnez-
s'étende àl'infini. Les pères qui ont de nom- nous votre main pour être notre gloire, et
breux enfants, et que souvent ces enfants tour- pour que nous soyons la vôtre, au jour de
mentent, ne consentent pourtant jamais à en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Puissions-nous
perdre un seul. Entre vous et nous, c'est l'éga- tous le voir avec confiance, en Jésus-Christ
jité, c'est le partage des mêmes biens précieux. Notre-Seigueur.
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSObTOMli,

HOMELIE V.

MAIS DIED EST FIDÈLE, ET It VOUS AFFERMIRA ET VODS PRÉSERVERA DU MALIN ESPRIT. POCR CE
QUI VOUS REGARDE, NOUS AVONS CETTE CONFIANCE, EN LA BONTÉ DU SEIGNEUR, QUE VOUS ACCOMPLIS-
SEZ ET QUE VOUS ACCOMPLIREZ A l'aVESIR CB QUE NOUS VOUS ORDONNONS. QUE LE SEIGNEUR VOUS
DONNB UN COEUa DROIT, DANS l' AMOUR DE DIEO ET DANS LA PATIENCE DE JÉSUS-CHRIST. (lll, 3
jusqu'à LA FIN.)

Analyse.
1. Dieu veut que nous unissions la prière et les œuvres. — Besoin que nous avons dn secours de Dieu. — C'est par tes
œuvres que se prouve la sincérité de l'amour de Dieu. — De la patience qui attend Dieu ; de la patience qui supporte le»
afnictions.
2. Du travail : celui qui ne vent point travailler ne doit point manger. —
Besoin qu'éprouve saint Paul, après avoir prononcé des
paroles sévères, d'en adoucir l'aBertume. —
De la manière dont la réprimande doit s'exercer entre frères.
3. Contre la dureté envers les pauvres. —De la manière de s'avertir eulre frères. —
La paix est un grand bien. De la —
signature de saint Paul, c'est un souhait, c'est une prière. —
Du changement dans les mœurs c'était un grand malheur :

autrefois, d'être séparé de la société des fidèles.


4 et 5. Il n'en est plus de même. —
Du contact avec les corrompus de toute espèce. —
De la société chrétienne et de run;on
des premiers fidèles. — Du refroidissement de la charité. —
Devoir des maîtres et des docteurs devoir de tous. Chacun —
peut être le docteur d'un autre et son docteur à lui-même. — De la
;

verlu des esclaves, de l'éJiûcHlion produite par eui. —


Vive exhortation à tous de travailler au salut de tous. — Devoirs des pères de famille, des maris et des femmes.

i. Nous ne devons ni nous reposer unique- c'est encore avec raison que l'apôtre dit :
ment sur les prières des saints, en demeurant a Nous avons celte confiance en la bonté du
inactifsnous-mêmes, courant au vice et n'en- a Si-'igneur », c'est-à-dire, nous croyons à son
treprenant aucune action vertueuse; ni d'un , amour pour les hommes. Dans un autre ordre
autre côté mépriser ce précieux secours tout
, d^dées maintenant, il les rabaisse: tout dé-
en faisant le bien. Grande est la puissance, pend de Dieu. Si l'apôtre eût dit : Nous
grande est l'efficacité de la prière que l'on croyons en vous, c'eût été leur faire un grand
fait pour nous, mais à la condition que nous éloge, mais il ne leur aurait pas enseigné
agissions nous-mêmes. Voilà pouniuoi Paul, qu'il faut tout rapporter à Dieu. Maintenant
en priant pour cuu.x de Thessalonique, leur s'il leur avait dit Nous avons confiance en la
:

inspire de la confiance par une promesse et bonté du Seigneur qu'il vous gardera, sans
leur dit « Mais Dieu est fidèle, et il vous af-
: ajouter « Pour ce qui vous regarde»; sans
:

o fermira et vous préservera du malin esprit». ajouter « Que vous accomplissez, et que vous
:

Car s'il vous a choisis pour le salut, il ne men- « accomplirez à l'avenir ce (Hie nous vous
tira jias, il ne consentira pas à votre perte. « ordonnons », il leur aurait enseigné le relâ-
Mais maintenant Paul veut prévenir la négli- chement, en renvoyant tout à Dieu et à sa
gence qui s'endormirait, après avoir remis à puissance. Car s'il faut tout renvoyer à Dieu,
Dieu tout le soin de celte affaire; et voyez il faut, en même temps, agir nous-mêmes,
comme il exige leur coopération, il leur dit : accepter les fatigues et les combats. Et l'apô-
a Pour ce qui vous regarde,
nous avons cette tre qu'alors même que la vcrti;
montre ici
a confiance bonté du Seigneur, que
en la seule pour nous sauver
suffirait encore ,

« vous accomplissez , et que vous accom- faut-il qu'elle ne soit jamais interrompue,
« plirez à l'avenir ce que nous vous ordon- qu'elle nous accompagne jusqu'à notre der-
a nous ». Dieu est fidèle, dit-il, et s'il pro- nier soupir.
met de sauver, il sauvera, mais selon l'es- a Que
le Seigneur vous donne un cœur
prit de sa promesse. A quelles conditions, « droit, dans l'amour de Dieu et dans la pa-
cette promesse? Que nous ayons la bonne vo- « tience de Jésus-Christ ». Nouvel éloge qu'il
lonté , que nous écoutions sa voix il ne : leur adresse, avec une prière qui montre son
nous sauvera pas d'une manière absolue , intérêt pour eux. 11 va les réprimander, il
sans conditions pour nous , il ne sauvera pas commence par les flatter, par disposer douce-
des morceaux de bois, des pierres, des oisifs ; ment J«ur cœur, en leur disant ; J'ai confiance
COMMENTAIRE SUR LA H' ÉPITRE AUX TIIESSALOMCIENS. - HOMÉLIE V. *(n

que vous écouterez en leur disant qu'il ré- autorise à l'inertie « De vous retirer», dit
:
;

clame d'eux des prières; en leur disant que. l'apôtre, « de tous ceux d'entre vos frères ».
de son côté il demande pour eux l'abon-
,
Ne me parlez ni de riches , ni de pauvres, ni
dance de tous les Liens. « Que le Seigneur de saints; tout cela n'a rien à voir avec l'or-
a vous donne un cœur droit, dans Tamour de dre. « Qui marchent », dit-il; cela veut dire

a Dieu ». 11 y a bien des causes qui détournent qui se conduisent « d'une manière déréglée et
de l'amour, bien des sentiers qui vous entraî- non selon la tradition qu'ils ont reçue de
nent au loin et d'abord la cupidité qui jette,
;
« nous ». Il parle de la tradition par les œu-
pour ainsi dire, impudemment ses mains sur vres; c'est toujours là, au propre, la tradition
nos âmes qui les saisit, en les déchirant, et qu'il entend. Car vous savez vous-mêmes ce
«
;

violemment les entraîne en dépit de tout; « qu'il faut faire pour nous imiter, puisqu'il
ensuite la vaine gloire ; et souvent les afflic- « n'y a rien eu de déréglé dans la manière
tions, les tentations nous poussent hors du « dont nous avons vécu parmi vous, cl nous
droit chemin. Aussi avons-nous besoin, comme a n'avons mangé gratuitement le pain de pcr-
d'un souffle favorable, du secours de Dieu ; sonne (7, 8) ». Quand même je l'aurais

il faut qu'il remplisse notre voile et nous mangé, je ne l'aurais pas mangé gratuite-
reporte vers l'amour divin. Et ne me dites ment, a Car celui qui travaille mérite sa rû- ,

pas Je l'aime plus


: que moi-même , ce sont « compense ». (Luc, x, 7.) a Mais nous avons

des mots; ce sont vos actions qui doivent travaillé jour et nuit, avec peine et avec
montrer si vous l'aimez plus que vous-mêmes. a fatigues, pour n'être à charge à aucun de
Aimez-le plus que l'argent, et alors je croirai « vous; ce n'est pas que nous n'en eussions le

sans peine que vous l'aimez plus que vous- o pouvoir, mais c'est que nous avons voulu
mêmes. Si vous ne méprisez pas les richesses «nous donner nous-mêmes pour modèles,
à cause de Dieu , comment vous mépriserez- a afin que vous nous imitiez. Aussi lorsque ,

Tous vous-mêmes? Mais, que dis-je, les ri- nous étions avec vous, nous vous déclarions
chesses? Si vous ne méprisez pas l'avarice, « que celui qui ne veut point travailler ne

ce que vous devriez faire, même en l'absence a doit point manger (9, 10) ».
de toute prescription de Dieu, comment vous 2. 'Voyez,dans la première épître, comme
mépriserez-vous vous-mêmes? « Et dans la — il s'exprime avec plus de douceur à ce sujet,

« patience de Jésus -Christ », dit l'apôtre. par exemple, quand il dit : a Je vous exhorte,
Qu'est-ce que cela veut dire « Dans la pa- : « mes frères à vous avancer de plus en plus,
,

B tience ? » Que nous souffrions avec patience « et à vous appliquer ». (l Thess. iv, 10, 12.)

ce qu'il a souffert; que nous fassions ce qu'il On n'y trouve nulle pan. . Nous vous ordon-
a fait, ou bien encore que nous l'attendions nons; ni :Au nom de Notre-Seigneur Jésus-
patiemment, c'est-à-dire que nous soyons Christ ; ce qui est redoutable et rempli de
prêts. Il a fait des promesses considérables ; il dangers; mais: « De vous avancer » , dit-il,'
vient lui-même juger les vivants et les morts; et de vous appliquer » ; ce qui était une
attendons - le , ayons patience. En disant : exhortation à la vertu, comme le : « Afin
« Patience » , l'apôtredonne à entendre l'af- a que vous vous conduisiez honnêtement».
fliction, car c'est aimer Dieu que de souffrir (I Thess. IV, 11.) Ici, au contraire, rien de
avec patience, et de ne pas se laisser troubler. pareil; mais « Celui qui ne veut point tra-
:

« Nous vous ordonnons, mes frères, au « vailler, ne doit point manger ». C'est qu'en
a nom de Notre- Seigneur Jésus-Christ, de effet, si Paul qui n'avait pas besoin de tra-
,

« vous retirer de tous ceux d'entre vos frères vailler, qui pouvait vivre en prenant des loi-
a qui se conduisent d'une manière déréglée, sirs s'était assujéti à un si grand labeur,
,

a et non selon la tradition qu'ils ont reçue de travaillait, et non-seulement travaillait, mais
« nous (6) ». Ce qui veut dire Ce n'est pas : travaillait Kut et jour, afin de secourir Ks
nous qui vous disons ces choses , c'est le autres, à bien plus forte raison d'autres de-
Christ. Voilà, en effet, ce que signifie a Aa : vaient-ils imiter son exemple.
a nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ » , pa- Nous avons appris qu'il y en a parmi vous
«

roles qui montrent combien l'ordre est re- «qui marchent d'une manière déréglée, ne
doutable ; par le Christ, dit-il , que nous
c'est a travaillant point , se mêlant de ce qui ne les
TOUS ordonnons; nulle part le Chris ne nous a regarde pas (11) o. Ceci, dans répître (juj
.

m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CllRYSOSTOME.

nous occupe; dans la précédente, il y avait: là le sens de cette expression : « De manger


« Afin que vous vous conduisiez honnctenienl a leur pain», c'est-à-dire ce qu'elles ont ga-
«envers ceux qui sont hors de l'Eglise ». gné par leur propre travail non pas le pain ;

Pourquoi cette différence? Peut-être n'y avait- d'autrui, non pas le pain mendié.
il rien d'abord qui pût motiver une pareille « Et pour vous ne vous lassez
, mes frères ,

observation; ailleurs aussi, il disait: «C'est « point de faire ce qui est bien
(13) ». Voyez
un plus grand bonheur de donner que dfe tout de suite les entrailles paternelles qui s'é-
arecevoir». (Act. xx, 33.) Quant à cette ex- meuvent; il n'a pas pu pousser plus loin la
pression a Que vous vous conduisiez honnê-
: réprimande par un changement de senti-
;

« tement » , elle ne se rapporte pas à l'immo- ment, il cède à la pitié; mais voyez avec
destie , à la dissolution des mœurs aussi ; quelle prudence ; il ne dit pas Ayez pitié :

ajoute-t-il « Et que vous vous mettiez en


: d'eux jusqu'à ce qu'ils se corrigent , mais que
o étatde n'avoir besoin de personne ». Mais, dit-il? « Pour vous, ne vous lassez point de
dans qui nous occupe, il parle d'une
l'épîlre « faire ce qui est bien ». Retirez-vous , dit-il,
autre nécessité de faire ce qui est ïioniiêle, de loin des paresseux, et faites-leur des reproches.
faire ce qui est bien auprès de tous ; car en Cependant ne détournez pas les yeux, s'ils
continuant, il leur dit « Ne vous lassez point : meurent de faim. Mais si , recevant de nous
« de faire ce qui est bien ». Il est de toute né- l'abondance, le paresseux demeure dans l'oisi-
cessité que ne fait rien et qui peut
celui qui , veté , l'apôtre indique, pour le guérir, un re-
travailler s'occupe de ce qui ne le regarde
, mède où il y a de la douceur. Que dit-il donc?
pas. Or, l'aumône ne se donne qu'à ceux qui Si, recevant de nous l'abondance , il demeure
ne peuvent pas trouver leur subsistance dans dans l'oisiveté, eh bien, dit-il, je vous ai indi-
le travail de leurs mains, ou à ceux qui en- qué un remède paisible : « Retirez-vous du
seignent, et dont tous les instants sont absor- « paresseux » ne lui permettez
; c'est-à-dire ,

bés par l'enseignement: «Vous ne lierez pas», pas la confiance, la liberté de la parole auprès
dit l'Ecriture, « la bouche du bœuf qui broie de vous; montrez que vous êtes en colère. Ce
a le grain dans l'aire » (Deutéron. xv, 4) ; rqoyen n'est pas à dédaigner. Voilà comment
et: «Celui qui travaille, mérite sa récom- doit s'exercer, entre frères , la ré|)rimande. Si
« pense ». (Matth. xi, 10.) Celui qui travaille, nous avons vraiment le désir de corriger,
reçoit son salaire ; il est évident que ce- nous ne pouvons pas dire que nous ignorons
lui-là n'est pas inactif , il travaille , et l'art de la réprimande. Répondez-moi, je vous
comme son travail est
grand , il en reçoit en prie; je sup|iose (|ue vous avez un frère
le salaire. Quant à celui qui ne fait rien, la selon la chair, le laisseriez-vous mourir de
prière et le jeûne ne lui tiennent pas lieu du faim? Non assurément, j'imagine. Et de plus
travail des mains; car, par travail, l'apôtre vous sauriez le redresser.
entend le travail des mains. Et pour ôter « Si (luelqu'uu n'obéit pas aux paroles de
toute incertitude, il ajoute « Qui ne travail- : a notre leltre (II) ». Voyez l'huuiilité de Paul ;

lent point, et qui se mêlent de ce qui ne les il ne Celui qui désobéit, c'est à moi
dit pas :

a regarde pas » qu'il désobéit; mais il faitentendre doucement


nous ordonnons à ces personnes, et
a Or, cette pensée : « Notez-le », ce qu'il veut, c'est
nous conjurons, par Notre -Seigneur
les que désobéissance ne soit pas cachée ;
la
« Jésus-Christ, de manger leur pain, en travail- a N'ayez point de commerce avec lui»; Cb
« tant, en silence (12) ». Après les avoir rude- qui n'est pas un châlirnynt léger. Il continue :

ment frappés, il prend un ton plus doux : « Afin qu'il en ail de la confusion ». Et il ne
« Par Notre-Seigneur Jésus-Christ » ; c'est le veut pas que l'on aille plus loin. De même
ton de la persuasion, mêlé d'idées terribles : qu'ajirès avoir dit : « Celui qui ne veut point
< De manger leur pain, en travaillant, en si- « travailler, ne doit point manger » , de peur
a lence ». Pourquoi ne dit-il pas S'ils n'ont :
que les paresseux ne mourussent de faim, il a
pas de mauvaises mœurs s'ils ne vivent pas , ajouté : « Pour vous ,
ne vous lassez point de
dans la dissolution, nourrissez les? Pourquoi a faire ce qui es! bien». De même, après avoir
cette double exigence et du silence et du , dit : « Retirez-vous »,
« N'ayez point de et :

travail? C'est qu'il veut que ces personnes-là B commerce avec de peur que ce mal- lui» ;

gagnent leur vie par leur propre travail; c'est heureux ne fût retranché de la fraternité def
COMMENTAmE SUR LA II« EPITKE AUX THESSALONICIENS, - HOMELIE V, 26^

fenfantsde Dieu (car celui qui est ainsi abattu, vous que Dieu laisse le pauvre dans l'indi-

Jiérira bientôt , ne sachant plus à qui parler gence, c'est afin que vous trouviez les moyens
avec confiance), il ajoute ce qui suit : « Ne le de vous guérir vous-mêmes, et vous outragez
confidérez pas néanmoins comme un en- celui qui n'est pauvre qu'à cause de vous f
nenii , ninis reprenez-le comme votre frère Quelle dépravation, quelle ingratitude! «Aver-
a (15)» ;
paroles qui montrent (pie la rigueur ii tissez » , dit l'apôtre , « comme on s'avertit
du cbâiiment qu'il lui inflige, consiste à le n entre frères». Il veut que, même après avoir
priver de la liberté qui s'exprime avec con- donné, on ajoute l'avertissement ; eh bien I
fiance. nous qui au contraire, ne donnons pas , et
,

3. Car, si c'est une honte d'être au milieu outrageons ensuite, quelle excuse pourrons-
d'un grand nombre d'hommes uniquement , nous alléguer?
pour recevoir ce qu'ils vous donnent, lorsque « Que le Seigneur de paix vous donne sa

les dons sont accompagnés de réprimandes, a paix, en tout temps et en tout lieu (16) ».
lorsqu'on se retire loin de celui à qui l'on Voyez après avoir dit ce qu'il faut faire , il
:

donne, quelle honte, quel aiguillon pour signe pour ainsi dire avec une prière ; il ap-
l'âme! En elTet, si le don tardif, ou accom- pose son seing à ce qu'il vient de dire, et ce
pagné de murmures, brûle ceux qui le reçoi- seing est une prière, une supplication : a Vous
vent (ne m'objectez pas ici les mendiants sans « donne » , dit-il, « sa paix en tout lieu ». En
pudeur nous ne parlons que des pauvres
, effet, considérantcombats qui allaient ré-
les
fidèles); si la réprimande doit encore s'ajouter sulter de la présente lettre probablement les ,

à la honte, que ne ferait-on pas pour ne pas uns devant se montrer inlraitables et les au-
mériter ce supplice? Ce n'est pas dans cet es- tres moins accommodants qu'on ne le vou-
prit de sage réprimande c'est avec la colère , drait, il a raison de faire celte prière : o Vous

d'un affront reçu, que nous outrageons, nous, « donne » , dit-il, « sa paix en tout temps » ;
lesmendiants, et que nous les repoussons. c'est là, en effet, ce qu'il cherche, à savoir
Vous ne voulez pas donner pourquoi tenez- : qu'ils aient toujours la paix. Maintenant pour-
vous à être blessant « Avertissez » , dit l'apô-
: quoi : a En tout lieu?» Il veut voir la paix
tre, « comme on s'avertit entre frères » ; n'ou- partout, de telle sorte qu'il ne leur vienne
tragez pas les pauvres, comme si c'étaient des d'aucun côté un sujet de dispute. Partout, en
ennemis. Quand on avertit son frère, on ne le effet, c'est un grand bien que la paix, même
fait pas en public, on n'affiche pas l'outrage ;
auprès des gens du dehors. Ecoutez-le disant
on fait cela en particulier, avec beaucoup de dans un autre endroit a Vivez en paix, si :

circonspection, et l'on est affligé, tourmenté, «cela se peut, et, autant qu'il est en vous,
on pleure, on gémit. Montrons-nous donc ani- a avec toutes sortes de personnes ».( Rom.
més d'un fraiernel amour, que la tendresse xu, 18.) Si nous voulons bien faire, rien n'est
fraternelle dicte nos avertissements, ne soyons si utile que d'être pacifique, exempt de trou-
pas comme affligés de donner, mais comme af- bles, affranchi de toute haine , n'ayant aucun

fligésdevoir que le pauvre agit contrairement ennemi.


à la Quel profit pour vous de donner pour
loi. « Que le Seigneur soit avec vous tous je ;

outrager ensuite? "Vous perdez le plaisir de « vous salue ici de ma propre main, moi
donner. Et maintenant si vous refusez de don- ('Paul c'est là mon seing dans toutes mes
;

ner, sivous infligez un outrage, quel mal ne « lettres j'écris ainsi


;
la grâce de Notre-Sei- ;

faites-vous pas au malheureux, à l'infortuné ? « gneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Ainsi
Il s'est approché de vous dans la pensée de « soit-il ». 11 dit que c'est là ce qu'il écrit de
recevoir quelque don, et il vous quitte n'ayant sa main dans toutes ses lettres, afin qu'on ne
reçu qu'une blessure mortelle, et ses larmes puisse pas les falsifier, grâce à ces paroles, qui
ont redoublé. Car si c'est la pauvreté qui le sont comme une grande signature. « Je vous
force à mendier , et si cette nécessité de men- o salue », désigne la prière qu'il fait entendre,
dier le couvre de honte, voyez combien rigou- montrant par là que tout alors était spirituel
reux sera le supplice de ceux qui redoublent dans le commerce, et, quand il fallait saluer,
sa honte, o Celui qui outrage le pauvre, irrite on y regardait au profit des âtres, et le salut
« celui qui l'a fait ». (Prov. xiv, 21.) Car enfin était une prière, et non simplemeut un sym-
que pouvez- vous répondre? C'est à cause de bole d'amitié. Et il terminait comme il avait
r« TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

commencé, les affermissant entre cette double telle était la viecommune aux saints de clia-
muraille aux fondements solides et inébranla- que église. Etre déchus d'un telle communauté
bles; il acbevait son ouvrage en le consoli- d'affections, c'était un malheur incomparable.
dant. « La grâce », en
dit-il, « et la paix », Aujourd'hui au contraire on n'en fait aucun
commençant ; et, pour
La grâce definir : o cas, parce qu'on ne fait aucun cas du bonheur
a Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous d'ê're réunis. Autrefois, c'était un supplice,
« tous. Ainsi soit-il ». C'est ce que le Christ aujourd'hui la charité s'est refroidie et ce n'est

disait de son côté à ses disciples a Voici : plus un châtiment, et nous nous séparons
a que je suis avec vous tous les jours jusqu'à sans y prendre garde, et cela vient du refroi-
a la consommation des siècles ». (Matlh. xxviii, dissement des âmes, car la cause de tous les
20.) Mais cela n'arrive qu'autant que nous le maux, c'est l'extinction de la charité. Voilà ce
voulons. ne sera pas du tout avec nous, si
Il qui a ruiné, effacé tout ce qu'il y avait de vé-
nous l'écartons au loin. Je serai, dit-il, avec nérable, de gloire brillante dans l'Eglise, ce
vous toujours. Donc, n'éloignons pas la grâce. qui devrait faire sa parure et sa joie.
Il veut que nous nous retirions de tous ceux Grande est la force du docteur, quand il
d'entre les frères qui marchent d'une manière peut fonder sur ses vertus à lui, les répriman-
déréglée. C'était alors un grand malheur d'être des qu'il adresse à ses disciples. Aussi Paul
séparé de la société des frères. Voilà donc le disait : «Vous savez vous-mêmes ce qu'il faut
châtiment que l'apôtre inflige à tous. C'est pour nous imiter ». (II Thess. m, 7.)
a faire

dans le même esprit qu'il écrivait ailleurs aux L'enseignement doit résulter plutôt de la con-
Corinthiens « Que vous ne mangiez pas même
: duite que des paroles. Et maintenant qu'on
avec lui ». (1 Cor. v, 41.) Mais aujourd'hui, ce n'accuse pas l'apôtre de vanité et de jactance, il a
n'est pas une grande punition pour bon nom- été forcé de tenir ce langage, utile dans l'inté-
bre de personnes. Tout est confondu et per- rêt de tous. « Puisqu'il n'y a rien eu », dit-il,

verti. C'est avec des adultères, des libertins, « de déréglé dans manière dont nous avons
la

des avares , que nous consentons , sans y a vécu parmi vous ». Ne voyez- vous pas l'hu-

regarder de si près, à nous rencontrer confu- milité dans ces paroles, quand il parle de gra-
sément. S'il fallait autrefois se retirer loin des tuité et de modestie? «Et nous n'avons mangé
paresseux, combien davantage fallait-il fuir a gratuitement le pain de personne ». 11 mon-
les autres coupables Et ce qui vous prouvera
! tre aussi sans doute, par ces paroles, que ces
la terreur avec laquelle on se voyait séparé de gens étaient pauvres. Et ne m'objectez pas
l'assemblée des frères, le grand profit qu'on qu'ils n'étaient pas tous pauvres, car Paul ici
recueillait des réprimandes bien reçues, c'est parle des pauvres, de ceux qui sont réduits
l'histoire de ce pécheur, empoisonné dans pour vivre à travailler de leurs mains; car
l'âme, arrivé au terme de la plus détestable plus haut il ne dit pas Qu'ils reçoivent de
:

corruption, coupable d'une fornication incon- leurs parents, mais « Qu'ils travaillent pour
:

nue aux gentils, et ne sentant même pas son a gagner leur pain ». En effet, si moi, le hé-
mal (c'est là le dernier degré de la perversité). raut de la doctrine du Verbe, j'ai eu peur de
Eh bien I cet homme ainsi affecté fut touché, vous être à charge, à bien plus forte raison
ramené, au point de faire dire à Paul a II : celui-là doit il avoir cette peur, qui ne vous
€ suffit pour cet homme qu'il ait subi la cor- En effet, on est alors tout à
est utile à rien.
« rection qui lui a été imposée par votre as- faità charge; on est à charge lorsque celui
semblée». (Il Cor. ii, 6.) Par conséquent, qui donne ne donne pas de grand cœur. Mais
raffermissez-vous dans la charité pour lui. En ce n'est pas là la i)ensée principale qu'il ex-
effet, à celte époque, un homme écarté de prime, mais celle-ci, que ces personnes (celles
l'assemblée des frères était comme un mem- ^u'il accuse de vivre dans l'oisiveté) n'avaient
bre violemment séparé du corps. pas la vie facile. Pourquoi ne travaillez-vous J^

4. Et maintenant, voici ce qui fait que ce pas? Si Dieu vous a donné des mains, ce n'est
châtiment si terrible, c'est qu'on
était alors pas pour recevoir des autres, mais pour don-
regardait comme un
grand bien d'être réunis. ner aux autres. « Le Seigneur », dit-il, o soit
Comme on voit unis ensemble les habitants a avec vous ». Prière que, nous aussi, nous

d'une même maison, les enfants d'un même pouvons faire, si nous accomplissons les ac-
père, ceux qui participent à une même table, tions du Seigneur. Ecoutez le Christ disant à
COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE AUX THESSALONICIENS. — HOMÉLIE V. m
ses apôtres : « Allez et instruisez tous les peu- toutefois, au fond du cœur, il est touché, et je
pies, les baptisant au nom du Père et du dis qu'il est impossible que l'homme qui ou-
« Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à trage, cet homme fût-il une bête brute, quand
o observer toutes les choses que je vous ai :1 en présence d'un homme plein de pa-
e5t

« commandées, et assurez-vous que je serai tience et de douceur, n'en recueille pas une
c toujours avec vous jusqu'à la consommation grande utilité. La femme aussi a beaucoup à
« des siècles ». (Matth. xvin, 19, 20.) Paroles gagner à voir un homme paisible et modeste,
qui ne sont pas seulement pour eux, mais à passer sa vie avec lui il en est de même de
;

aussi pour nous, car que cette promesse ne l'enfant. Donc, chacun de nous peut être un
s'adresse pas à eux seulement, c'est ce qui docteur, a Edifiez-vous », dit en effet l'apôtre,
ressort évidemment de ces expressions : « Jus- a les uns les autres, ainsi que vous le faites ».
qu'à la consommation des siècles ». Cette (1 Thess. v, 11.) Pesez ces paroles, je vous en

promesse est donc aussi pour tous ceux qui prie. Voilà quelque dommage qui est arrivé
suivent les traces du Sauveur. dans votre maison votre femme est toute
;

Que dit donc


Seigneur à ceux qui ne sont
le bouleversée, attendu qu'elle n'a pas grande
pas des docteurs? Chacun de vous peut être, force et qu'elle est mondaine. Eh bien que le I

s'il veut, sinon le docteur d'un autre, au mari soit philosophe, se moque du dommage
moins son docteur à lui-même. Instruisez- éprouvé il la console, il la persuade elle
; ;

vous vous-même le premier. Si vous vous opposera à cet accident la force d'une àme
instruisez de manière à observer ses comman- généreuse. Eh bien, je vous le demande, le
dements, vous aurez, par ce moyen, un grand mari ne lui sera-t-il jias beaucoup plus utile
nombre d'imitateurs jaloux. La lampe une fois que tous nos discours ? Tout le monde peut
allumée, peut en allumer d'autres sans nom- parler, c'est chose facile mais agir dans l'oc-
;

bre ; la lampe ne s'éclaire plus elle-


éteinte casion, voilà ce qui est difficile. Voilà pourquoi
même, et ne peut allumer d'autres lampes. Il ce sont les actions surtout qui corrigent l'hu-
en faut dire autant de la vie passée dans la maine nature, et la remettent dans l'ordre.
pureté. Si notre lumière brille, nous ferons qu'un esclave
Telle est l'excellence de la vertu,
et des disciples et des docteurs sans nombre à souvent a été utile à une maison tout entière,
notre exemple. Mes paroles ne seront pas aussi sans en excepter le maître.
utiles à ceux qui m'écoutent, que le sera notre 5. Ce n'est pas sans raison, sans une vue
vie à tous. Soyez donc, vous n'avez qu'à le profonde des choses, que Paul s'applique à leur
vouloir,un homme cher à Dieu, brillant de recommander la vertu, l'obéissance envers
femme, car on peut même en
vertu, et prenez les maîtres ce n'est pas tant pour assurer le
;

ayant une femme être agréable à Dieu, même service de ces maîtres, que pour prévenir les
en ayant des enfants, et des serviteurs, et des blasphèmes contre la parole de Dieu, contre
amis. Un tel homme n'aura-t-il pas, je vous le la doctrine du Seigneur du moment qu'on
;

demande, beaucoup plus de moyens d'être utile cesse de la blasphémer, on l'admire. Et je sais
à tout le monde, que je n'en puis avoir ? nombre de maisons à qui a rendu de grands
Pour ce qui est de moi, une fois ou deux services la vertu des esclaves. Et maintenant
fois dans le mois on m'écoutera supposé , si le serviteur, sous la puissance d'un maître,
même qu'on m'écoute une fois, et ce que l'on peut le corriger, à bien plus forte raison le
aura écouté peut-être le gardera-t-on jusqu'au maître peut-il corriger les serviteurs. Parta-
seuil de l'église pour le perdre tout de suite gez-vous avec moi, je vous en prie, ce minis-
après; au contraire, le spectacle continuel de tère. Je m'adresse à tous à la foi« ; vous, de
la vie d'un tel homme est un grand proflt : votre côté, adressez-vous à chacun en parti-
on lui fait un outrage et il ne rend pas l'ou- culier, et que chacun prenne en main le sa-
trage. N'y a-t-il pas, dans cette clémence, dans lut de ceux qui l'entourent. Que ce soit le de-
cette douceur, quelque chose qui enfonce, voir des pères de famille de se mettre à la tête
qui grave la modestie et la pudeur dans l'âme de leur maison, en ce qui concerne ces cho-
de qui l'a outragé? Le coupable n'avouera pas ses, qui le prouve? Ecoulez, voyez à qui Paul
tout de suite l'utilité qu'il en aura recueillie ;
renvoie les femmes « Si elles veulent s'inâ-
:

la colère offusque son jugement; la honte le o truire de quelque chose », dit-il, a qu'elles
tui;\i', Ir ; ;:'i;.:it 'le sa fiiitc le retient ;
« interrogent leurs maris dans leur maisou »
,

272 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.'

(I Cor. XIV, 33), et il ne les envoie pas consul- donne une supériorité plus haute que l'hon-
ter un docteur. Car, de même (ine dans les neur qu'on lui rend.
écoles il y a des élèves qui servent de maîlrcs; Et c'est ainsi que vous devez être les chefs
ainsi, dans l'Eglise, l'apôtre ne veut pas que de vos femmes. Ayons sur elles l'avantage,
tous aillent déranger le docteur. Et pourquoi? non des honneurs, mais des bienfaits. J'ai
C'est (jue de grands avantages résultent de montré l'importance des bienfaits que nous
cetterecommandation; non-seulement le doc- recevons d'elles, mais il ne tient qu'à nous,

teur se trouve soulagé, mais chaque disciple dans l'ordre des choses spirituelles, de les
prenant une part de ses soins, peut bientôt de- payer de retour, et la victoire est à nous.
venir docteur à son tour. Dans l'ordre des choses qui regardent le corps,
Voyez combien est grand le ministère de la impossible à nous de nous acquitter. Car que
femme : elle garde la maison, prend soin de pourriez- vous dire? Vous apportez une grande
toutes les affaires domestiques, surveille les fortune? Mais cette femme la conserve; et ce
servantes, les habille de sesmains elle vous ; soin qu'elle prend établit l'équilibre, et ce
rend père, elle vous arrache aux lieux de dé- soin est une Pourquoi? Parce que
nécessité.
bauche, elle vous aide à observer la conti- nombre de d'une grande for-
riches, maîtres

nence, elle émoussc l'aiguillon de la nature. tune, faute d'une femme pour la conserver,
Eh bien, soyez à votre tour son bienfaiteur. ont tout perdu. Mais, pour les enfants, c'est
Comment? Dans les choses spirituelles, ten- un bien commun à vous deux, et c'est, de (lart
dez-lui la main avez-vous entendu des paroles
; etd'autre, l'égalilcdes bienfaits. Jeme trompe,
utiles, portez-les-lui, fuites comme l'hiron- c'est la femme qui a, dans ce ministère, la
delle, donnez becquée à la mère et aux en-
la part la plus pénible, c'est elle qui porte le
fants. Quelle démence
ne serait-ce pas à , fruit dans ses entrailles, et l'enfantement la

vous, de prétendre à certains égards, au pre- déchire. Ce n'est donc que dans les choses
mier rang, de vouloir être le chef, et d'abdi- spirituelles seulement que vous pouvez avoir
quer en ce qui concerne la doctrine? Le chef sur elle la supériorité. Ne nous inquiétons pas
doit l'emporter sur ceux qu'il commande, non d'acquérir des richesses, mais de conduire à
parce qu'il est plus honoré, mais parce qu'il Dieu les âmes qui nous sont confiées, de pou-
est plus vertueux les honneurs qu'on lui
;
voir les lui présenter sans crainte ; en les cor-

rend, sont le fait de ses subordonnés ce qu'il ; rigeant, nous travaillerons pour nous-mêmes,
faut attendre de celui qui commande, c'est de la manière la plus profitable. Celui qui en
l'éclat de la vertu. Vous jouissez des plus instruit un autre, n'y gagnerait-il rien, en
grands honneurs , vous n'y êtes pour rien retirera au moins la componction du cœur,
vous les avez reçus des autres; si vous avez la en se voyant lui-même coupable des fautes
splendeur de la vertu, c'est votre ouvrage qu'ilreproche à autrui. Eh bien donc, puis-
uniquement à vous. Vous êtes le chef de la que, par cette conduite, nous nous servons
femme, eh bien, le gouvernement de tout le nous-mêmes en même temps que nous pro-
corps a|ipartient au chef. Ne voyez-vous pas curons le bien de nos femmes, et, par leur
que la hauteur de la position ne constitue pas entremise, bien de nos familles, puisque,
le

la supériorité de la tète sur le corps, autant par cette conduite, nous sommes assurés de
que la prévoyance , autant que la mission plaire à Dieu, n'hésitons pas, aiipliquons-nous
qu'elle a de lui servir comme
de pilote et de à sauver notre âme, à sauver les âmes de ceux
le gouverner? Dans la tête, les yeux du corps qui nous servent; préparons-nous, pour toutes
et les yeux de l'âme ; c'est la tète qui possède nos œuvres, grande rémunération amas-
la ;

la faculté de discerner et de juger, et le pou- sons que nous transporterons dans


les trésors

voir de diriger. Et tout le corps est disposé la sainte cité, notre mère, dans la céleste Jé-
pour lui obéir, elle est faite pour lui comman- rusalem puissions-nous n'en jamais déchoir;
;

der. C'est dans la tête que tous les sens ont brillants de la splendeur que donne la sagesse
leur principe et leur source; dans la tète, les d'une vie consacrée à la vertu, puissions-nous
organes de la voix, la vue, l'odorat, le tact être jugés dignes de voir Noire-Seigneur Jé-
qui, de là, se répand partout; dans la tête, la sus-Christ, à qui appartient, comme au Père,
racine complexe des nerfs et des os. Vous comme au Saint-Esjirit, la gloire, etc.

voyez que le gouvernement qu'elle exerce lui Traduil par M. C POItTHLETTE.


COMMENTAIRE
SUR LA PREMIÈRE ÉPITRE A TIMOTHÉE,

PRÉFACE DE S. J. CHRYSOSTOME.
Timothée était un des disciples de l'apôtre. Saint Luc témoigne que c'était un jeune homme digne d'ad-
miration, selon le témoignage des frères deLyslre et d'Iconium.(Act.xTi, l, 2.) H devint à la fois disciple
etmaltre(Ibid. 4); il étaitd'une prudence rare, et savait si bien discerner l'à-propos, qu'après avoir entendu
saint Paul prêcher l'Evangile sans tenir compte de la circoncision, et avoir appris que ce même saint
Paul avait résisté à saint Pierre h ce sujet, il eut assez de ménagement non-seulement pour ne pas
attaquer ce rite dans ses prédications, mais encore pour le subir lui-même. Saint Paul le circoncit en
effet, dit le texte (3), malgré son âge, et lui confia toute l'administration. L'alïeclion de Paul suffisait
pour montrer ce qu'était Timothée. Il rend, en effet, à diverses reprises, témoignage de lui dans ses
écrits, lorsqu'il dit : « Sachez quelle épreuve il a soutenue, lui qui a servi avec moi pour l'Evangile,
« comme un fils auprès de son père ». (Phil. ii, 22.) Et ailleurs, écrivant aux Corinthiens « Je vous ai :

« envoyé Timothée, qui est mon enfant chéri etfidèledansle Seigneur » (I Cor. iv, 17) ; et plus loin :
« Prenez garde que personne ne le méprise, car il accomplit l'œuvre du Seigneur, comme je le fais
« moi-même ». (xvi, 11, 10.) Et il dit encore en écrivant aux Hébreux : « Sachez que notre Irère Ti-
« molhée est en liberté ». (xni, 23.) Partout on trouvera l'expression de sa grande tendresse pour lui.
Les miracles qui se produisent maintenant montrent la sincérité de sa foi.
Et si l'on demande pourquoi Paul n'écrit qu'à Tite et à Timothée, puisque Silas et Luc étaient
aussi au nombre de ses plus illustres disciples, lui-même l'explique dans une épître, en disant « Luc :

est seul avec moi ». (Il Tim. iv, 11.) Clément fut aussi un de ses compagnons, car il dit de lui :

« Avec Clément et mes autres coopérateurs ». Ainsi, pourquoi écrit-il seulement à Tite et à Timothée ?
C'est que déjà il leur avait confié des églises, tandis qu'il conduisait ceux-là avec lui. Il avait mis à part
Tite et Timothée pour des postes éclatants. Et telle était la vertu éminente de celui-ci, que sa jeunesse
n'y fut pas un empêchement. C'est pour cela qu'il lui écrit « Que personne ne vous dédaigne à cause
:

« de votre jeunesse» (ITim. iy, 12) ; et plus loin «Exhorte comme des sœurs celles qui sont jeunes (2) ».
:

Car là où se trouve la vertu, tout le reste est accessoire, et rien ne doit être un empêchement. Uis-
courant en eflet des évêques et toucqant à beaucoup d'objets, il ne se préoccupe nulle part de leur
âge. Et s'il écrit « Qu'il se fasse obéir de ses enfants », et « qu'il n'ait eu qu'une seule femme », il ne
:

veut pas dire par là qu'il doive être nécessairement époux et père de famille ; mais que, s'il a par-
ticipé à la condition mondaine, il soit tel qu'il sache gouverner ses enfants et toute sa maison. Car si,
dans le monde, il n'a pas su user de sa condition, comment lui conlierait-on le soin d'une église ?
Et pourquoi donc adressait-il ces épitres à un disciple désormais chargé d'enseigner? Ne fallait-il i}as
l'instruire pleinement avant de lui donner son mandat? Oui, mais il avait maintenant besoin d'une
instruction différente de celle des disciples et propre à celui qui enseigne. Voyez en effet coniiuent,
dans toute cette épltre, Paul donne l'enseignement qui convient à un maître. Aussitôt après la sus-
cription, il dit à Timothée, non pas de négliger ceux qui enseignenl de nouvelles doctrines, mais do
les avertir eux-mêmes de n'en point enseigner.

HOMELIE PREMIERE.
fXVl, APOTRE DE JÉSUS-CHRIST, SELON l'ORDRE DE DIEU NOTRE SAUVEUR ET SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, ,

NOTRE ESPÉRANCE^ A TIMOTHÉE, SON VRAI FILS DANS LA FOI. ( I, 1-2 JUSfiU'A 4.)

Analyse»
1. Apostolat, grandeur de celte dignité. — De la filiation selon la foi.
2. En matière de fui il n'est pas besoin d'examen.
3. Contre les fausses doctrines ; en particulier contre l'émanation qui n'est autre chose que le panthéisme, contre le fatalisme.

i. La dignité d'apôtre grande et digne


était et qui lui est imposé. Lorsqu'il dit qu'il ost
d'admiration et partout nous voyons Paul en
; ajjpelé, lorsqu'il dit qu'il est apôtre « par la
exposer l'origine comme celle d'un honneur o volonté de Dieu » (1 Cor. i, 1); et ailleurs :
qu'il ne s'arroge pas, mais qui lui est conféré « La nécessité m'en est imposée v (Ib. ix^ l(jj ;

S. J, Ci. — To.iiE XI. 18


,

)7i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

lorsqu'il dit qu'il a été mis à part pour cet tour, dans son épître « Nous nous fatignons:

objet (Rom. i, i) ;
par toutes ces paroles, il et nous sommes en butte aux outrages
rejette loin de des honneurs et
lui la passion a parce que nous avons espéré dans le Dieu
la vaine gloire.De même, en effet, que celui a vivant et véritable ».
qui s'élève de lui-même à un honneur qu'il Il fallait que le maître supportât des périls,
ne reçoit pas de Dieu, est digne du blâme le et des périls bien plus nombreux que les dis-

plus sévère ; de même celui qui écarte et fuit ciples : Je frapperai le pasteur, et les brebis
ce que Dieu lui présente, mérite un autre seront dispersées ». (Matth. xsvi, 31.) Il est
reproche, celui de désobéissance et de rébel- donc naturel que le démon se déchaîne avec
lion. C'est ce que dit Paul, au commencement plus de violence contre le pasteur, puisque la
de cette épître à Timothée : « Paul, apôtre de perte du pasteur cause la dispersion d« trou-
« Jésus-Christ, suivant l'ordre de Dieu ». 11 ne peau. En faisant périr les brebis, il diminue le

dit pas en ce passage, « appelé », mais « sui- troupeau ; mais, en faisant disparaître le pas-
a vant l'ordre» ; il débute ainsi pour empêcher teur, il ruine le troupeau tout entier. Pouvant
que Timothée, voyant qu'on lui parle sur le donc par là obtenir avec moins d'efforts un
même ton qu'aux autres disciples, n'en soit résultat plus grand et tout ruiner en perdant
blessé par une faiblesse trop ordinaire aux l'âme d'un seul, c'est aux pasteurs qu'il s'atta-
hommes. Et où Dieu a-t-il donné cet ordre ? que surtout. Tout d'abord donc et dès le pré-
On trouve, dans les Actes des apôtres, que ambule, Paul élève l'âme de Timothée, en lui
l'Esprit dit a Mettez- moi à part Paul et Bar-
: disant Nous avons un Sauveur, qui est Dieu,
:

nabé ». (Act. xiu, 2.) Partout, dans ses et une espérance, qui est le Christ. Nous
épîtres, Paul prend le nom d'apôtre, apprenant souffrons beaucoup de maux, mais nous avons
ainsi à celui qui l'écoute à ne pas croire que de grandes espérances nous sommes exposés ;

ses paroles soient des paroles humaines ; car aux aux embûches, mais nous avons
périls et
l'apôtre (l'envoyé) ne peut rien dire de lui- un Sauveur, qui n'est pas un homme, mais
même, et le nom d'apôtre élève la pensée de Dieu. A notre Sauveur la force ne peut man-
l'auditeur jusqu'à Celui qui l'envoie. Aussi queç, puisqu'il est Dieu; et, quelque grands
met-il ce titre de ses épîlres, comme
en tête que soient les périls, ils ne nous surmonteront
garant de la croyance que méritent ses pa- pas; notre espérance ne sera point confondue,
roles, et il s'exprime ainsi : a Paul, apôtre de puisqu'elle vientduChrist. Ainsi nous sommes
a Jésus-Christ, selon l'ordre de Dieu, notre Sau- garantis des périls, ou par une prompte déli-
« veur ». Et même on ne voit nulle part le vrance ou par les nobles espérances dont
,

Père donner cet ordre, mais partout c'est le nous sommes nourris. Car, est-il dit, tout ce
Christ qui lui parle; c'est le Christ qui dit : que nous |)Ouvons souffrir n'est rien, quand il
Marche , parce que je t'enverrai au loin ne s'agit que des souffrances de cette vie. Pour-
o parmi les nations» (Act. xxii, 21); et ail- quoi ne dit-il nulle part qu'il est l'envoyé, du
leurs :a 11 faut que tu comparaisses devant Père, mais du Christ? Parce qu'il leur attribue
a César ». (Ib. xxvii, 24.) Mais tous les ordres tout en commun ainsi il dit que l'Evangile
;

que donne le Fils, il les appelle ordres du est de Dieu.


Père, comme il appelle ordres du Fils ceux de « A Timothée, mon vrai lils dans la foi ».

l'Esprit. C'est l'Esprit qui l'a envoyé, c'est Ici encore se trouve une exhortation. Car si.

l'Esprit qui l'a mis à part, et il emploie ces Timothée a montré assez de foi pour être

mots : L'ordre de Dieu. Quoi donc? La puis- appelé de Paul, il sera plein de
fils et vrai fils

sance du Fils est-elle restreinte, parce que son confiance pour l'avenir. La foi, en effet, est
apôtre est envoyé par l'ordre du Père? Nulle- telle (jue, si les événements ne se montrent
ment; car voyez comment il montre que cette pas d'accord avec les promesses, elle ne se
puissance leur est commune. Après ces mots: laisse ni abattre, ni troubler. Mais, dira-t-on,
oSelon l'ordre de Dieu notre Sauveur » , il voici un fils, un vrai fils, qui n'est point de la
ajoute ceux-ci « Le Christ Jésus, notre espé-
: même substance que son père. — Quoi donc?
a rance ». Voyez l'exacte propriété des termes est-il d'une autre race ? — Mais, insiste-t-on,
qu'il emploie. Le Psalmiste appelle le Père il n'était pas fils de Paul. — Ce mot n'indique
« l'espérance de toutes les extrémités de la pas une filiation proprement dite. Mais quoi ?
terre ». (Ps. lxiv, u.) El saint Pau! à ?on élait-il d'une substance difl'érenle? Non, cap
COMMENTAIRE SUR LA I" ËPITRE A TIMOTHÉE. P- HOMÉLIE I. 27iî

en disant : o Mon fils », il a ajouté : « dans la enseigne, c'est presque celle d'un suppliant. Il
«foi » ; ce qui indique une légitime filiation. ne dit point : J'ai commandé, j'ai ordonné,
Ilsne sont difTérents en rien la ressemblance : j'ai prescrit, mais bien : « Je vous aiprié».
de la foi est entre eux ce qu'est entre les Ce n'est pas envers tous les disciples qu'il faut
hommes la ressemblance de la nature. Un fils agir ainsi, mais bien envers ceux qui sont
ressemble à son père, mais non aussi parfai- doux et vertueux envers ceux au contraire
;

tement que s'il s'agissait de la nature divine. qui sont corrompus, qui ne sont pas de véri-
Parmi les hommes, quoique la substance soit tables disciples, il faut un autre langage,
la même, bien des différences se produisent : comme l'apôtre même le témoigne, quand il
le teint, les traits, l'intelligence, l'âge, les dit « Réprimandez avec pleine autorité ».
:

goûts, les qualités de l'âme et celles du corps, (Tit. II, i5.) Et ici même, voyez ce qu'il

les circonstances extérieures , mille choses ajoute « Afin de prescrire à certains hom-
:

établissent entre un père et son fils des diffé- 9 mes (et non de les prier) de ne point
rences ou des ressemblances. Ici aucune de « enseigner une autre doctrine». (I Tim. i, 3.)

ces causes d'opposition n'existe. Que veut-il dire en parlant ainsi? L'épître que

« Par ordre » estune expression plus forte Paul avait adressée aux Ephésiens ne suffisait-
que le mot a appelé ». Quant au passage : « A elle pas? Non, car on méprise plus facilement

aTimothée, mon vrai fils »,on peut le rap- un texte écrit; ou peut-être ce fait était-il

procher de ce que Paul dit aux Corinthiens : antérieur à l'épître. L'apôtre a passé beaucoup
« Je vous ai engendrés en Jésus-Christ » (I Cor. de temps dans cette ville où était le temple de
IV, 15), c'est-à-dire dans la foi. Il ajoute : Diane, et où il a souffert cette persécution
«Vrai fils » pour témoigner d'une ressemblance (Act. XIX, 23-40) que vous connaissez. Car après
,

plus exacte de Timothée que des autres avec que la foule, réunie au théâtre, fut dispersée
lui, de son affection pour lui, et des dispositions (Ib. 29, 31, 40), Paul fit venir ses disciples, les

de son âme. Voici encore la préposition «dans» exhorta et partit (Act. xx, 1); et quelque temps
mise devant le mot foi. Voyez quel éloge con- après il se retrouva parmi eux. (Ib. 17.) Il est
tient ce langage, où il l'appelle, non-seulement intéressant de rechercher si ce fut alors qu'il
son fils, mais son fils véritable. y Timothée, car il lui dit « de prescrire
établit
2. « Grâce, miséricorde et paix », dit-il, «de « à certains hommes de ne point enseigner
« la part de Dieu notre Père, et de Jésus-Christ « une autre doctrine ». Il ne les nomme pas,
a Notre-Seigneur ». Pourquoi « miséricorde » afin de ne pas les humilier trop par la publi-
dans la suscription de cette épître, et non dans cité de ses reproches. Il y avait là plusieurs
les autres? Sa vive tendresse lui a dicté ce d'entre les juifs, faux apôtres, qui voulaient
mot ; pour son fils sa prière est plus étendue, ramener les fidèles à la loi, ce que Paul attaque
parce qu'il craint et tremble pour lui. Sa partout dans ses épîtres. Car ils ne le faisaient
sollicitude est telle qu'à lui et à lui seul il point par l'impulsion de leur conscience, mais
adresse des recommandations sur ses besoins par vanité, parce qu'ils voulaient se faire des
matériels. « Usez d'un peu de vin à cause de de contention et d'envie
disciples, et par esprit
« votre estomac et de vos fréquentes mala- contre le bienheureux Paul. Tel est cet « en-
« dies B (I Tim. v, 23.) Or ceux qui enseignent
. a seignement d'une autre doctrine p.
ont plus que d'autres besoin de miséricorde. « Et de ne point s'attacher», poursuit-il,'
« De la part de Dieu notre Père, et de Jésus- « à des fables et à des généalogies » . Les fables
« Christ Notre-Seigneur ». Ici encore se trouve dont il parle, ce n'est pas la loi, à Dieu ne
une exhortation. Car, si Dieu est notre Père, il plaise; mais les additions fictives, la fausse
prend soin de ses enfants écoutez en effet le ; monnaie de la loi, les opinions trompeuses.
Christ nous dire « Quel est l'homme parmi: Il paraît que les vains esprits de la race des

€ vous qui, si son fils lui demande du pain, Juifs employaient toutes leurs facultés à sup-
«voudrait lui donner une pierre?» (Matlh. puter les générations pour s'acquérir la re-
VH, 9.( nommée d'hommes savants et érudits. « De
« Ainsi que de demeurer à
je vous ai prié a prescrire à certains hommes
de ne point
€ Ephèse, à mon départ pour
Macédoine ». la enseigner une autre doctrine et de ne point
(I Tim. I, 3.) Ecoutez la douceur de cette pa- « s'attacher à des fables et à des généalogieg
role ; ce n'est point la voix d'un maître qui a sans fin ». Que veut dire ici a sans ûu ? »
l76 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Qanhjue chose d'interminable, ou sans objet quand il dit : « Les fables et les généalogies ».

sérieux, on peu intelligible. Vous voyez com- 3. Ainsi donc, ne nous attachons point à des
ment il blâme ces recherches. Là où est la recherches, car le titre de fidèles nous engage
foi, la recherche est inutile; là où il n'y a rien à croire à la parole, sans doute ni hésitation.
à chercher, à quoi bon l'examen ? L'examen une parole humaine, nous devrions
Si c'était

exclut la foi. En effet celui qui cherche n'a pas la soumettre à l'épreuve; mais, si elle est
encore trouvé, et ne peut avoir la foi. C'est divine, nous devons la vénérer et la croire;
pourquoi l'apôtre dit Ne nous occupons point
: si nous ne croyons pas à cette parole, c'est

de recherches. Si nous cherchons, nous n'a- que nous ne croyons pas même qu'elle est de
vons pas la foi qui est le repos du raisonne- Dieu car comment connaître que c'est Dieu
;

ment. Comment donc le Christ dit-il « Cher- : qui parle, et lui demander compte de sa pa-
chez et vous trouverez; frappez et il vous role ? La première preuve que nous connais-
« sera ouvert ? » (Matlh. vu, 7,) Et encore : sons Dieu, c'est de croire à sa parole sans
Scrutez puisque vous pensez y
les Ecritures, preuves ni démonstrations. Les genlils eux-
o avoir la vie éternelle ». (Jean, v, 39.) Là le mêmes le savent, car ils croient en leurs

mot « cherchez » est dit de la prière et de ses dieux, bien que leurs oracles soient sans
ardents désirs; ici, a scrutez les Ecritures » preuves, et par cela seul qu'ils viennent dt -

n'est pas dit pour provoquer des recherches dieux. Les gentils donc le savent, vous le

falijïantL«s, mais pour en soulager. Quand Jé- voyez. Et que dis-je, la parole d'un dieu? Ils

sus-Christ dit: «Scrutez les Ecritures », il croient à celle d'un enchanteur et d'un mage,
entend Afin d'en apprendre et d'en posséder
:
je veux dire de Pylhagore « Le maître l'a :

le sens exact non ijour chercher toujours,


,
« dit ». El dans la partie supérieure des tem-
mais pour mettre fin à nos recherches. Et ples, le dieu du silence était peint, tenant un
l'apôtre dit avec justice : o Prescrivez à cer- doigt sur sa bouche, et serrant ses lèvres pour
« tains hommes de ne pas enseigner une autre enseigner le silence à tous ceux qui passaient.

a doctrine et de ne pas s'attacher à des fables Faut -il croire que leurs doctrines étaient
« et à des généalogies sans fin, qui produisent vénérables, et que les nôtres au contraire sont
a des recherches plutôt que l'édification divine dignes de risée? C'est plutôt avec raison que
« qui est dans la foi ». (1 Tim. i, 3, 4.) L'ex- celles des genlils sont un objet d'examen, car
pression a l'édification divine », est juste ; car elles consistent en raisonnements contradic-
Dieu a voulu nous donner de grands biens ;
toires, en controverses, en conclusions, et les
mais le raisonnement n'est pas apte à conce- nôtres en sont affranchies. Celles-là sont
voir la grandeur de ses plans. C'est l'œuvre de l'œuvre de la sagesse humaine, celles-ci sont
la foi, (jui est le plus grand des remèdes de l'enseignement de la grâce de l'Esprit-Saint;
l'âme. La recherche est donc opposée au plan celles-là sont les dogmes de la folie et de la
divin. Et quel est ce plan fondé sur la foi ? déraison, celles-ci de la véritable sagesse. Là
Accueillir les bienfaits de Dieu et devenir il n'y a point de disciple et de maître, mais

meilleur; ne point disputer ni douter, mais tous cherchent ensemble, qu'ils soient maîtres
trouver le repos. Car ce que la foi a achevé et ou disciples. Car être disciple ce n'est pas ,

édifié, la recherche le renverse. Comment chercher; c'est être guidé par la confiance et
cela? En soulevant des questions et en mettant non par le doute; c'est croire et non raisonner.
de côté la foi. o Ne pas s'attacher à des fables C'est la foi qui fait la gloire des anciens; c'est
a et à des généalogies sans fin ». Quel mal, le manque de foi qui a tout corrompu. Et que
dira-t-on, faisaient ces généalogies? Le Christ parlé-je des choses célestes? Si nous exami-
a dit que l'on doit être sauvé par la foi, et nons de près celles de la terre, vous trouverez
ceux-là cherchaient et disaient qu'il n'en sau- qu'elles ne sont point étrangères à toute foi;
rait être ainsi. Car, puisque l'assertion, la ni les contrats, ni les arts, ni rien de sem-r
promesse est pour le temps présent, et l'ac- blable ne peut s'en passer. Et, s'il en faut pour
complissement pour l'avenir^ la foi est né- des objets trompeurs, combien plus pour dea
cessaire. Or ces hommes, préoccupés des ob- objets célestes 1

servances de la loi faisaient obstacle à , donc à la foi, possédons-la;


A.taclious nous
la foi. Mais je pense qu'il parle ici des c'est ainsique nous écarterons de notre âme
tentils, drossant le ci.tuloijuc de leurs dieux. toute funeste doctrine, telle que celles de l'é-
éÔiiMEXTAlUE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTIIÉE. - HOMÉLIE I. râ
manalion et du destin. Si vous croyez à la qui existe. —
Soit. Eh bien tout cela pro- !

résurrection et au jugement, -vous saurez vient-ild'une émanation juste ou injus'iL ? —


écarter de votre âme toutes ces doctrines. Injuste, me direz-vous. — Et qui en est l'au-
Croyez que Dieu est juste, et vous ne croirez teur? Est-ce Dieu? — Non, me dira-t-on elle ;

pas à une émanation inique croyez à la Pro<. ; n'a point d'auteur. — Et comment cette cma-
vidence divine et vous ne croirez pas à une
,
nation, qui n'est pas émanée, peut-elle opérer
émanation à laquelle tout est soumis croyez ;
tout cela? Il y a contradiction.
aux châtiments divins et au royaume de Dieu, Ainsi Dieu n'y est pour rien. Examinons
et vous ne croirez pas à une émanation qui pourtant qui a fait le ciel. — L'émanation ,

nous enlève notre libre arbitre , pour nous me dira-t-on. — Et la terre? Et la mer? Et les
soumettre à une nécessité impérieuse. Ne se- saisons? Et puis elle a disposé la nature in mi-
mez point, ne plantez point, ne combattez pas, mée dans un ordre parfait, dans une harmo-
ne faites rien en un mot avec ou sans votre ;
nie parfaite, et nous, pour qui tout cela exislo,
volonté tout se produira par l'émanation.
, elle nous aurait destinésau désordre? Comme
Que reslera-t-il à la prière? et pourquoi vou- celui qui par ses soins prévoyants, dispo:-e-
,

driez-vous être ebrétien, si l'émanation est rait à merveille une maison mais ne ferait ,

vraie ? Car vous ne pourrez plus être accusé rien pour ceux qui doivent l'habiter. Oui
d'aucun péché. D'où viennent les sciences? veille à la succession des phénomènes? Q' i a
De l'émanation? —
Oui, nous répond-on; donné à la nature ses lois si régulières? Qui a
mais le destin exige que tel homme devienne réglé le cours du jour et de la nuit? Tout ci;Ia
savant à grand'peine. Eh montrez-m'en — I est au-dessus de l'émanation. — Non, me dira
un seul qui le devienne sans peine. C'est donc mon adversaire ; tout cela s'est fait par ha-
le travail et non l'émanation qui fait les savants. sard. — Et comment un ordre pareil serait-il
Pourquoi, me dira-t-on, tel misérable co- l'effet du hasard? — Mais on insiste D'où :

quin est-il riche, pour avoir reçu de son vient que la santé, la richesse, la renomnîoe
père un héritage, tandis que tel homme se sont le fruit, tantôt de la cupidité, tantôt d'un
donne mille peines et reste pauvre? — Car tel héritage, tantôt de la violence? Et pourquoi
est l'objet constant de leurs disputes ; ils ne Dieu permis?
l'a-t-il Parce que ce n'est—
soulèvent que des questions de ricliesse et de point ici que chacun est rémunéré suivant
pauvreté, non de vice et de vertu. Mais plu- ses mérites; ce sera dans le temps à venir :
tôt à ce sujet, montrez-moi un homme qui montrez-moi qu'alors il en sera comme en ce
soit devenu méchant, quelque effort qu'il ait monde. —
Donnez moi d'abord, me dira-t-on,
fait pour être vertueux , ou vertueux sans nul les biens d'ici-bas je ne cherche pas ceux do
;

effort. Si le destin a tant de puissance, qu'il l'autre monde. —


C'est pour ce motif que
ta montre dans les objets les plus grands, la ceux-là ne vous sont pas donnés. Car si lors- ,

\Mtsa et le vice , et non dans la richesse et la que vous êtes privé des plaisirs, vous les aim z
pauvreté. — Pourquoi, dira-t-on encore, celui- au pointde les préférer aux biens célestes, qiia
ci vit-ildans les maladies et celui-là dans la serait-ce, si vous jouissiez d'un plaisir sans mé-
santé? Pourquoi celui-ci dans l'estime et celui- lange? Dieu vous montre ainsi que ces avan-
là dans l'opprobre; pourquoi celui-ci réussit- tages ne sont pas réels, mais indifférents; s'ils
il à son gré dans toutes ses affaires, et celui-là ne l'étaient pas, il ne les eût point donnés aux
trouve-t-il mille et mille entraves? — Ecartez méchants. Dites-moi, n'est-il pas indinéreiit
la doctrine de l'émanation et vous le com- que l'on soit noir ou blond, grand ou petit?
prendrez ; croyez à la Providence divine et , Eh bien en est de même de la richesse.
1 il

vous le verrez clairement. Je ne le pu'S, — Dites-moi chacun n'est-il pas équitablemciit


,

répond mon adversaire, car cette confusion pourvu des biens nécessaires, savoir l'apli-
ne me permet point de soupçonner qu'une tude à la vertu et la répartition des dons spi-
providence divine soit Fauteur de tout cela. rituels? Si vous connaissiez les bienfaits de
Comment croire qu'un Dieu bon par excel- liieu, jamais, étant équitablement pourvu tio
lence donne les richesses à l'impudique, ac ces biens, vous ne seriez indigné de manquer
l'homme cupide, et ne les donne
scélérat, à des biens terrestres vous n'auriez pas celso;

pas à l'homme de bien Quel moyen de le 1 avidité, si vous connaissiez les biens auxfiuela
croire? f^ il faut bien s'en rapporter à ce TOUS êtes admis,
,

â7â TRADUCTION FRANÇAISE DE SAIiNT JEAN CIIRYSOSTOME.

Un serviteur nourri, vêtu, logé par son ignoreraient les Ecrilures si vous VOU'
; mais,
maître comme ses compagnons, ne se croit liez croire et vous aux paroles divi-
nliaclicr

pas plus riclic qu'eux parce qu'il a des clie- nes, nous n'aurions pas besoin de tant de dis-
veux plus abondants ou des ongles plus longs-, cours, vous sauriez tout ce que vous avea
de même c'est un bien vain orgueil que celui besoin de savoir. Et pour vous apprendre que
des biens terrestres. Dieu les éloigne de nous la richesse n'est rien que la santé n'est rien;
,

pour apaiser cette folie, pour diriger vers le que la gloire n'est rien, je vous montrerai
ciel le désir qui se portait vers eux. Mais nous, beaucoup d'hommes qui ont pu s'enrichir et
même nous ne devenons pas sages. De
alors, ne l'ont pas fait, qui ont pu avoir une santé
même que si un enfant possède un jouet et le florissante et ont macéré leur corps, qui ont
préfère aux objets importants son père le lui , pu être honorés et ont tout fait pour être mé-
enlève pour l'amener, même malgré lui, à prisés. Cependant nul homme étant bon ne
une occupation sérieuse de même Dieu en ; s'efforce de devenir mauvais. Ayons donc
agit envers nous pour nous diriger vers le l'ambition des biens véritables et nous obtien-
ciel. —
Et pourquoi donc, dira-t-on, permet- drons même les autres en Jésus-Christ Notre-
il que les méchants possèdent les richesses ? Seigneur, avec lequel soient au Père et au
— Parce qu'il en fait peu de cas. Et pourquoi Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur,
le permet-il aux justes? Il se borne à ne pas maintenant et toujours, et aux siècles des
l'empêcher. —
Nous avons parlé ici d'une fa- siècles. Ainsi soit-il.

çon élémentaire , comme à des hommes qui

flOMELIE Ii;

LA FIN Dr PHÉCEPTE EST LA CHAIUTÉ QUI PABT D'uN COEUR PCR, d'cNE BONNE CONSCIENCE ET d'uNE
FOI SINCÈRE MAIS QUELQUES-UNS SEN SONT ÉCARTÉS FOUR S'ÉGARER EN DE VAINS DISCOURS, VOULANT
;

ÊTRE DOCTEURS DE LA LOI ET NE COMPRENANT NI CE QU'iLS DISENT NI l'OBJET DE LEURS AFFIRMATIONS.


(1,5-7 JUSQU'A il.)

Analyse»
1. D'où vienuent les hérésies. — Usage qu'il Taut faire de la loi.

2. Saint Chrysostome voit dans les Tersets 9 et 1 0, oii se trouvent énumérés les plus grands crimes, nne allusion snx Juifs.— En
quoi consiste la vraie gloire.

8. Vanité de la parure. — Bonne odeur de la vertu, infection du péché. — Quelle est la vraie volupté.

1. Rien n'est si funeste au genre humain « autre doctrine », lui enseigne comment il y
que de mépriser la charité au lieu de la prati- pourra réussir. Et quel est ce moyen ? La cha-
quer avec zèle ; si efficace pour la
rien n'est rité. De même que, lorsqu'il dit : o Le Christ est

rectitude de la vie que de s'efforcer d'atteindre a la fin de la loi » (Rom. x, 4), il veut dire son

à cette vertu. Le Christ nous l'enseigne, quand accomplissement, qui ne peut être obtenu sans
il nous dit Si deux d'entre vous unissent leur
: le Christ; de même le précepte ne peut s'ac-
« prière pour le même objet, tout ce qu'ils de- complir sans la charité. La lin de la méde-
o manderont, ils l'obtiendront ». (Matth. xviii, cine, c'est la santé ;
quand on la possède, on
49.) Et encore a Lorsque l'iniquité sera abon-
: n'a pas besoin de soins extraordinaires; de
« dante, la charité se refroidira ». (xxiv, 12.) même quand on possède la charité, on n'a
C'est là l'origine de toutes les hérésies. C'est pas besoin de beaucoup de préceptes. Et de
parce qu'on n'aimait pas ses frères qu'on est quelle charité parle l'apôtre ? De celle qui est
devenu jaloux de leur bonne renommée; cette véritable et ne s'en tient pas aux paroles, mais
jalousie a produit l'amour de la domination réside dans le sentiment de l'âme et le par-
et celui-ci toutes les hérésies. Aussi Paul, tage des souffrances. Celle qui part d'un cœur
après avoir dit à Timothée a de prescrire à pur, dit l'apôtre ; voulant dire d'une conduite

f certains hommes de ne [joint enseigner une droite ou d'uoe affection légiiime; car uu^
CÔi\lME.\TAlRE SUR LA r ËPITRE A TIMOTIIÉÉ. — IIOMÉLIE It. 279

vie qui n'est point pure produit des divisions. vances n'étaient que les ombres des préceptes
«Quiconque mal, hait la lumière ».
fait le spirituelset de simples figures, l'apôtre aborde
(Jean, m, 20.) Il y a en effet aussi une aiuitié un sujet plus digne d'attrait. Et quel est-il?
entre les méchants; les brigands aiment Ipz- C'est l'éloge de la loi par laquelle il entend
,

brigands, les meurtriers aiment les meur- /ci le décalogue, dont il a séparé les obser-
triers; celle-là ne part point d'une bonne vances légales. Car les violateurs de celles-
si

conscience, mais d'une mauvaise non d'un ;


ci, qui sont inutiles aux chrétiens, ont en-
cœur pur, mais d'un cœur impur; elle ne couru des châtiments, combien plus ceux du
part point d'une foi sincère. La foi enseigne le décalogue. « Nous savons », dit-il, a que la loi
Trai une foi véritable fait naître la charité
; ;
a est bonne, si l'on en fait un usage légitime

car celui qui croit véritablement en Dieu ne « en sachant qu'elle n'est pas faite pour le

peut perdre la charité. «juste (8, 9) ». La loi, dit-il, est bonne, et elle
«Quelques-uns», continue le texte, «s'ensont n'est pas bonne. Quoil si l'on en fait un usaj;e
« écartés pour s'égarer en de vains discours ». illégitime, la loi cesse-t-elle d'être bonne?
Oui , ils se sont égarés , car il faut être habile Non, elle l'est toujours; mais voici ce que
pour choisir la direction vraie et ne pas se veut dire l'apôtre 11 la déclare bonne lors-
:

détourner du but, en sorte qu'on se laisse di- qu'on l'accomplit par les œuvres. Tel est ici le
riger par l'Esprit beaucoup d'impulsions nous
;
sens de ces mots: «Si l'on en fait un usage légi-
écartent du véritable but, et il faut avoir tou- « time » Mais l'interpréter en paroles et la violer
.

jours en vue le terme unique. « Voulant», dans sa conduite, c'est là en faire un usage
continue l'apôtre, « être docteurs de la loi ». illégitime; ils en usent, mais non pour leur
Vous voyez ici une autre cause de ce désordre, avantage. Il y a encore quelque chose à ajou-
l'amour de la domination. C'est pourquoi le ter, c'est que si vous faites de la loi un usage

Christ a dit : « Vous ne vous ferez point ap- légitime, elle vous conduit à Jésus-Christ. Le
peler rabbi ». (Mallh. xxni , 8.) Et l'apôtre à but de la loi en effet étant de justifier l'homme,
son tour : « Ils n'observent point eux-mêmes et la loi ne le pouvant faire par elle-même, elle
« la loi , mais veulent se glorifier dans votre conduit à celui qui en a la puissance. Et l'on
a chair». (Gai. vi, 43.) Ils désirent être hono- fait de la loi un usage légitime, lorsqu'on l'ob-

rés, et à cause de cela ne considèrent point la serve par surcroît. Et comment cela? De même
vérité. « Ne comprenant ni ce qu'ils disent, ni qu'un cheval obéit an frein de la façon la plus
«l'objet de leurs affirmations». L'apôtre les convenable, s'il ne se cabre ni ne mord , mais
accuse ici de ne point connaître le but de la s'il ne le porte que pour la forme de même ;

loi, et de ne point savoir jusqu'à quel temps l'homme qui fait de la loi un usage légitime
elle devait régner. Mais me dira-t-on si leur , , est celui qui ne doit pas sa conduite sage à la
conduite vient d'ignorance, comment dites- lettre de la loi. Et quel est-il? C'est celui qui
vous qu'ils pèchent? C'est que leur faute vient sait qu'il n'a pas besoin d'elle. Car celui qui
non-seulement de ce qu'ils veulent être doc- s'efforce d'arriver à une si haute vertu que. ,

teurs de la loi mais encore de ce qu'ils ne


, la rectitude de sa conduite soit due , non à la
conservent pas la charité et que de là résulte , crainte que la loi inspire, mais à la vertu
l'ignorance. En effet quand l'âme se donne ,
même, celui-là fait de la loi un usage légi-
aux objets charnels, sa vue se paralyse jetée ;
time et sûr; agir sans craindre la loi, mais en
hors de la charité, elle tombe dans une jalou- ayant devant les yeux le jugement de Dieu et
sie querelleuse, et désormais l'œil de son in- le châtiment, c'est faire un bon usage delà
telligence est éteint. Celui qui se laisse pos- loi. L'apôtre appelle ici « juste » celui qui

séder par le désir des choses temporelles, pratique la vertu. Celui-là fait un excellent
s'enivre de sa passion et ne saurait être le usage de la loi ,
qui veut être formé par un
juge intègre de ne connais-
la vérité, — « Ils autre que par elle.

« sent point ce qu'ils affirment ». Sans doute 2. De même en effet que l'on met la ponc-
ils débitaient de vaines paroles au sujet de la tuation dans les écritures à l'usage des en-
loi et s'étendaient en longs discours sur les
, fants, mais que celui qui la supplée dans les
cérémonies purificatoires et les autres obser* écritures oîi elle n'est pas mise est en posses-
vances matérielles. sion d'une science plus haute et sait noieux
j^ii0s $[«^rrêter à démQQtrer que ces obser» faire usage des leUresi de m^me celui 9[ul ^i\^
280 TRADUCTION FRANÇAISE DÉ SAINT JEAN CHRYSOSTOMË;

au-dessus de la loi n'est pas instruit par elle. qui veut-il donc parler? Des Juifs. Les mcni"-
Celui qui l'accomplit, non par crainte, mais triers de leur porc et de leur mère ce sont ,

par un désir plus ardent de la vertu, celui-là eux. Les hommes souillés, les impies, ce sont
l'exécute mieux. Car celui qui craint la peine eux. Ce sont eux que l'apôtre a en vue lors-
et celui qui désire l'honneur n'accomplissent qu'il dit : a Pour les impies, pour les pé-
pas la loi de la même façon on ne peut assi-;
« cheurs ». Puisqu'ils étaient tels, il fallait
miler celui qui est sous la loi et celui qui est bien que la loi leur fût donnée. Dites-moi, en

au-dessus de la loi vivre au-dessus de la loi,


; effet, n'adoraient-ils pas continuellement des

c'est en faire un usage légitime. Celui-là en idoles? Ne voulaient -ils pas lapider Moïse?
fait un excellent usage et l'observe, qui fait Leurs mains n'étaient-elles pas souillées du
plus que la loi ne prescrit, et qui ne se fait meurtre de leurs frères? Les prophètes ne
pas le disciple de la loi. Car, en général, la loi leur font-ils pas sans cesse ces reproches? Tout
défend le mais cela ne suffit pas pour
mal , cela est étranger à ceux dont la pensée est
être juste; y faut joindre la pratique du
il dans le ciel.
bien. En sorte que ceux qui ne s'abstiennent «Les parricides, les meurtriers, les forni-
du mal que par une crainte servile n'accom- a cateurs, les hommes
coupables de désordres
plissent point le but de la loi. Comme elle est «contre nature, les vendeurs d'hommes li-
faite pour réprimer la prévarication, ils font « bres , les menteurs les parjures , et tout ce
,

Lien usage de mais seulement dans la


la loi, qui peut encore être contraire à la saine
crainte du châtiment, a Voulez-vous », dit « doctrine (9, 10, H) » : c'étaient là toutes les
l'Ecriture, « ne pas craindre le pouvoir? passions des âmes corrompues. « Doctrine qui
a Faites le bien » (Rom. xui, 3); c'est-à-dire, a est conforme», dit-il, a à l'Evangile delà
qu'elle ne dénonce le châtiment qu'aux mé- et gloire du Dieu bienheureux et cet Evan-
;

chants; mais celui qui mérite des couronnes, « gile m'a été confié (H) ». En sorte que main-
à quoi bon une loi pour lui? Le médecin est tenant encore laloi est nécessaire pour l'affer-

utile au blessé, non à celui dont la santé est missement de l'Evangile; mais non à ceux qui
bonne et satisfaisante. croient. Si l'apôtre l'appelle Evangile de gloire,
« La loi », continue l'apôtre, a est faite pour c'est ou bien en vue de ceux qui en rou-
o les injustes et lesinsubordonnés les impies , gissent à cause des persécutions et de la pas-
« et les pécheurs (9) ». Par les injustes et les sion du Christ, et spécialement parce que la
insubordonnés, il entend les Juifs. « La loi », passion du Christ et les persécutions sont une
dit-il ailleurs, a opère la colère». (Rom. iv, gloire ; ou bien pour exprimer mystérieuse-
d.j.) Qu'a cela de commun avec celui qui mé- ment Car si l'époque présente est
l'avenir.
rite l'honneur? a Par la loi, le péché est re- remplie d'opprobres et d'outrages, il n'en sera
connu ». (Ib. ni, 20.) Qu'a cela de commun pas de même de l'avenir, et « l'Evangile » a
avec le juste? Comment donc la loi n'est-elle pour objet l'avenir plutôt que le présent.
pas faite pour lui? Parce qu'il n'est pas sou- Comment donc l'ange a-t-il dit a Voilà que :

mis au chfitiiiient, et parce qu'il n'attend pas a je vous évaugélise qu'il vous est né un Sau-

qu'elle lui enseigne ce qu'il doit faire, ayant « veur? » (Luc, xi, 10, H.) Le Sauveur o est

au dedans de lui-même la grâce de l'Esprit a né », mais il « sera » Sauveur, car il n'a pas

qui l'inspire. Car la loi a été donnée pour ré- fait ses miracles à sa naissance. —
« Conforme

primer [lar menaces. Mais il


la crainte et les « à l'Evangile de la gloire du Dieu bienheu-

n'est pas besoin de frein pour un cheval qui «reux». Par a gloire » il entend l'adoration
se laisse aisément conduire, ni d'instruction de Dieu, et nous dit que si le temps présent
pour celui qui n'en manque pas. « Pour les est rempli de sa gloire, le temps à venir la
injustes et les insubordonnés, les impies et sera bien davantage; a quand ses ennemis
aies pécheurs, les scélérats et les hommes seront mis sous ses pieds » (I Cor. xv, 25),
a souillés, les meurtriers de leur père ou de lorsqu'il n'y aura plus d'opposition à sa
a leur mère (9) ». L'apôtre ne s'est pas borné gloire et que les justes verront ce bonheur
là dans l'indication des péchés, mais il lésa «que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a
parcourus en détail, afin de faire rougir ceux « point entendu, et qui n'a point pénétré dans
qui sont sous la loi. Et denière celle enuuié- « le cœur de l'homine ». (Ib. ii, 9.) «Je veux»,
'"'^
jraUoit, il y a uno aliu^iun lacileà suisii'. De dit l'Evangile, « que, là |e suis, ils soient
COliMENTAiRE SUR LA l" ËPITRE A TIMOTilEE. — HOMELIE II. ÛSl

aussi , afin qu'ils conlemplent îa gloire (\n>i Tre fie petits animaux de
l'Inde '. Acquérez
«vous iii'avoz donnée ». (Jean, xvii, 24.) un vêtement, vous le voulez, mais un vête-
si

Apprenons quels sont ceux-là, afin que nous ment qui soit tissu dans le ciel , un ornement

les félicilions d'être destinés à jouir de tels vraiment digne d'admiration et de gloire, un
biens, à participer à une telle gloire et à une costume dont l'or soit véritablement pur. Cet
tellelumière Car ici-bas la gloire est vaine et
! or n'est point arraché des mines par les mains
inslable; si longtemps qu'elle dure, elle ne des condamnés, mais il est le produit de la
peut durer plus que nous, elle s'évanouit vertu. Revêtons-nous de cette robe qui n'est
donc bientôt. « Sa gloire », dit l'Ecriture, pas l'œuvre des pauvres et des esclaves, mais
« ne descendra pas avec lui dans la tombe » du souverain Maître lui-même. Mais quoi 1

(Ps. XLvni, 18); et pour beaucoup elle n'a pas L'or est-il répandu sur ce vêtement? Et que
même duré jusqu'au terme de leur vie. Mais, vous importe? Ce que chacun admire dans
pour la gloire céleste, on ne peut rien soup- votre costume c'est l'art de l'ouvrier et non
,

çonner de bien au contraire, elle demeure


tel ;
vous qui le portez , et c'est l'ouvrier seul qui
et n'aura jamais de fin. Car ces dons divins le mérite. Pour les vêtements simples, nous
sont permanents, supérieurs au changement n'admirons pas le morceau de bois sur lequel
et à la mort. Alors la gloire ne vient plus des on les a étendus chez le foulon ; nous ne fai-
choses extérieures mais elle a son siège en
, sons cas que de l'ouvrier lui-môme ; et cepen-
nous-mêmes, elle ne provient plus des vête- dant le bois porte le vêtement et sert à le main-
ments somptueux de la foule des serviteurs,
,
tenir de même une femme parée ' ne sert qu'à
:

des chars qui nous portent l'homme est re- ;


donner de l'air à ses vêtements, pour que les
vêtu d'une gloire indépendante de tout cela. vers ne les dévorent pas.
Ici, quand il de ces insignes, il est
est privé Comment donc en vient-on à cet excès de
dépouillé de sa gloire : c'est ainsi qu'aux folie que, pour un objet qui n'est rien, l'on

bains tous sont également nus, gens illustres montre une telle passion, on soit prêta tout
et gens obscurs et misérables. C'est un danger faire, on trahisse le soin de son salut, on mé-
que beaucoup ont couru, même sur les places prise l'enfer, on outrage Dieu, on oublie la
publiques, lorsque pour quelque nécessité pauvreté du Christ? Que dire de celte abon-
leurs serviteurs s'éloignaient d'eux. Mais le dance de parfums, fournis par l'Inde, l'Arabie
bienheureux n'est plus nulle part séparé de et la Perse, secs et liquides ; essences et par-
sa gloire. De même que les anges, quelque fums pour lesquels on fait une dé-
à brûler,
part qu'ils se montrent, portent leur gloire en pense si grande et si inutile ? Femme pour- ,

eux-mêmes, en est-il des saints. Le soleil


ainsi quoi parfumez-vous un corps qui au dedans
n'a pas besoin de vêtement il n'a pas besoin ; est rempli d'impureté ? Pourquoi tant de frais
d'un autre soleil, mais, dès qu'il paraît, il fait pour un objet infect? C'est comme si vous
reluire sa gloire; ainsi en sera-t-il dans le jetiez un parfum sur de la boue ou du baume
ciel. sur une misérable argile? Il est, si vous vou-
Poursuivons donc cette gloire digne de
3. , lez l'acquérir, un parfum, un aromate, dont
la plus haute vénération renonçons à l'autre ; vous pouvez embaumer votre âme on ne le ;

qui est ce qu'il y a de plus vain, a Ne vous tire point de l'Arabie, de l'Ethiopie, ni de la
a enorgueillissez pas», dit l'Ecriture, odes Perse mais il descend du ciel lui-même on
, ;

vêtements qui vous couvrent ». (Ecclésiast, ne l'achète point au prix de l'or, mais par ia
XI, 4.) Voilà ce qu'a dit aux insensés la sa- bonne volonté et la foi sincère. Procurez-vous
gesse d'en-haut. En effet, le danseur, la cour- ce parfum, dont l'odeur peut remplir la terre
tisane, l'acteur, ne sont-ils pas vêtus avec entière. C'est lui que respiraient les apôtres,
plus de grâce et de richesse que vous? El, w Nous sommes un parfum d'agréable odeur »,
quand il n'en serait pas ainsi, comment vous dit l'apôtre « aux uns pour la mort, aux au-
,

enorgueillir d'un objet que les vers peuvent « très pour la vie ». (11 Cor. n, 15, 16.) Que
vous ravir, s'ils s'y attachent? Vous voyez veulent dire ces paroles ? C'est que, dit-on,
donc combien est inslable la gloire de la vie une odeur agréable suffoque lesporcs. Ce
présente. Vous vous enorgueillissez d'une
chose qu'un insecte produit et qu'un insecte ' Ils'agit évidemment de la soie dans la géographie très-im;i»f<
:

faite de cette époque, l'Inde se dit pour l'extrême Orient.


dévore. On dit eu effet que ces fils sont l'œu- ' Texte "'-"Il et peul-éire allété.
i9i tRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIlRYSOSTOMt!.

n'était pas seulement le corps des apôtres, offrent quelque attrait ; après qu'ils sont coït-*

mais leurs vêtements qui respiraient le par- sommés, le plaisir cesse et se flétrit, la dou-
fum spirituel. Des vêtements de Paul sortait leur et la honte en prennent la place. Pour la
une émanation si noble qu'elle chassait les justice , il en est tout au contraire ; elle im-
dénions. Le laser, la cannelle et la myrrhe pose d'abord quelque peine, mais ensuite elle
peuvent-ils rivaliser avec le charme et l'avan- apporte la joie et le repos. Et, même dans le
tage d'un tel parfum ? S'il chassait les démons, péché , le plaisir n'est pas un plaisir, quand il

que ne pouvait-il pas faire? attend la honte et le châtiment dans la jus-


;

Procurons-nous cet aromate ; c'est la grâce tice, la peine n'est plus une peine, par l'espoic
de l'Esprit qui nous le donne par sa miséri- de la récompense.
corde. Nous le respirerons, sortis de ce monde ; Qu'est-ce que l'ivrognerie, dites-le-moi ? Ne
etcomme, sur la terre, ceux qui sont parfu- trouve-t-elle pas du plaisir uniquement dans
més attirent l'attention de tout le monde; l'acte de boire, ou plutôt pas même dans cet

comme au bain , à l'église et dans toutes les acte? Lorsque l'ivrogne est tombé dans un état
réunions nombreuses, où une toilette exhale d'insensibilité et ne voit rien de ce qui l'en-
cette odeur, chacun s'en rapproche ou se toure, mais gît ravalé au-dessous de l'insensé,
tourne vers elle ; de même , dans l'autre quel plaisirluireste-t-il? La débauche ne pro-
monde, lorsqu'une âme se présente, respi- cure pas même une satisfaction momentanée;
rant la bonne odeur spirituelle, chacun se car, quand l'âme maîtrisée par sa passion a
lève et s'écarte pour lui faire honneur. Ici les perdu le jugement, quelle joie peut-elle
démons et les vices n'ont ni le courage ni la éprouver? Si elle en éprouve, ce n'est qu'une
force de s'en approcher sont suffoqués. : ils démangeaison. La vraie joie est celle de l'au-
Couvrons-nous de cet aromate. L'autre nous tre vie où l'âme n'est plus tourmentée et dé-
,

vaut la réputation d'hommes efféminés; celui- chirée par les passions. Est-ce de la joie que
là d'hommes courageux et admirables; il nous de grincer des dents, de rouler les yeux,
procure une mâle indépendance. Ce n'est point d'éprouver l'agitation et la chaleur de la fiè-
la terre qui le donne, c'est la vertu qui le pro- vre ?^'esl si peu la joie que nous nous em-
duit; il ne se dessèche point, il fleurit; il rend pressons de nous en débarrasser et qu'après
dignes d'honneur ceux qui le possèdent. Nous l'accès de la passion nous souffrons encore. Si
en sommes enduits au baptême nous exha- ; c'est la joie, ne vous en débarrassez point,
lons alors une odeur suave. Mais le respirer conservez-la. Vous voyez bien qu'elle n'en a
dépend
aussi durant le reste de notre vie, cela que le nom. Mais le bonheur du chrétien n'est
de notre vertu. C'est pour cela que dans l'an- point tel; il est véritable, ce n'est point un
tiquité les prêtres étaient oints de parfums, plaisir fiévreux ; il donne la liberté à l'âme,
comme symbole de la suave odeur de la vertu elle en est charmée et se fond de plaisir. Telle

que doit exhaler le prêtre. était la joie de Paul quand il disait: « En cela
Mais rien n'est plus infect que le péché. je me réjouis et me réjouirai encore » . (Phil.
Voyez comment le prophète en décrit la na- I, 18.) — Et plus loin : « Riyouissez-vous tou-
ture, quand il dit : o Mes blessures sont infec- jours dans le Seigneur ». (Ib. iv, 4.) L'autre
« tes et corrompues». (Ps. xxxvii, G.) Et joie entraîne la honte et la condamnation ;

réellement péché est pire et plus infect que


le elle ne se produit qu'en secret, et est remplie
la pourriture. Qu'y a-t-il, dites-moi, de plus de mille dégoûts : celle-ci est franche de toutes
infect que la fornication? Si celte odeur ne se ces peines. Poursuivons-la donc afin d'obtenir
fient pas dans la perpétration du péché, essayez les biens futurs, par la grâce et la bonté de
après, c'est alors que vous sentirez l'infection, Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient
que vous apercevrez l'impureté, la souillure, au Père et au Saint-Esprit, gloire, j»uis?ance,
rabomiuation. 11 en est ainsi de tous les pé- honneur, à présent et toujours, et aux 8icclj3
cbés : avant qu'ils soient commis, ils nous des siècles. Ainsi soit-il.
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTIIEE. — HOMELIE llî. 283

HOMELIE III.

n BENDS GRACES A CELUI QUI M'a rORTIFIÉ, AU CnRIST JÉSUS NOTRE-SEIGNEUR, DE CE QU'lL m'a ESTIMÔ
FIDÈLE, ME PLAÇANT A SON SERVICE, MOI QUI AUPARAVANT ÉTAIS BLASPBÉMATEUR, PERSÉCUTEUR ET
COUPABLE d'outrages MAIS IL M'A FAIT MISÉRICORDE
;
PARCE QUE j'aI AGI PAR IGNORANCE DANS
,

l'iNCRÉDULITÉ ET LA GRACE DE NOTRE-SEIGNEUR A


;
SURABONDÉ AVEC LA FOI ET LA COARITÉ QUI EST
SN JÉSUS-CHRIST. (l, 12-14.)

/analyse.

1. Admirable hnmilité de saint Paul.


2. S'il avait persécuté l'Eglise naissante, il l'avait fait par ignorance et par îèle, et non par amour de la domination.
3 et 4. Que l'amour de Dieu dirige notre vie. — Rendons le bien pour le mal.

1. Nous savons que l'humilité procure de porte comme du


bois et des pierres, du vice à
grands avantages, mais nulle part on n'y ar- la sagesse,pourquoi en a-t-il agi ainsi envers
rive aisément; nous trouvons bien et plus Paul et non envers Judas? Voyez comment,
qu'il ne faut l'humilité des paroles, nulle part pour détruire cette objection, il use de paroles
la vraie humilité. Mais le bienheureux Paul prudentes L'Evangile m'a été confié, dit-il.
:

l'a pratiquée avec un grand zèle, et il se repré- C'est là son avantage et sa dignité ; mais elle
sentait toutes les raisons d'humilier son esprit. ne lui appartient pas pleinement, car voyez ce
En effet, comme il
est naturel que l'humilité qu'il dit « Je rends grâces à celui qui m'a
:

soit difficile pour ceux qui ont conscience de fortifié, à Jésus-Christ ». Voilà ce qui appar-
leurs grands progrès dans le bien ; saint Paul tient à Dieu ; voici maintenant ce qui lui ap-
devait souffrir une grande violence, car le partient à lui-même :« Parce qu'il m'a estimé

bien dont il avait conscience produisait comme a fidèle » ; c'est-à-dire estimé devoir faire bon
un gonflement dans son cœur. Considérez donc usage de ses propres facultés. « Me prenant »,
ce qu'il fait. Il vient de dire que l'Evangile de dit-il, « à son service, moi qui auparavant étais

la gloire de Dieu lui a été confié. Evangile au- o blasphémateur, persécuteur et coupable d'ou-
quel ne peuvent avoir part ceux qui suivent trages mais il m'a fait miséricorde, parce
;

encore la loi ;y a incompatibilité, et


car il a quej'ai agi par ignorance dans l'incrédulité ».
l'intervalle est si grand que ceux qui se lais- Voyez comment il expose ce qui lui appartient
sent entraîner par la loi, ne sont pas encore et ce qui appartient à Dieu, attribuant la plus
dignes d'avoir part à l'Evangile ; ainsi dirait-on grande part à la Providence divine, et resser-
que ceux à qui il faut des chaînes et des tribu- rant la sienne, mais toutefois, comme j'ai eu
naux ne peuvent être admis au nombre des hâte de le dire, sans porter atteinte au libre
philosophes. Après donc qu'il s'est exalté et a arbitre. Et pourquoi ces mots : M'a fortifié?
dit de lui-même cette grande parole, il se ra- L'apôtre avait reçu un lourd fardeau et avait
baisse aussitôt et engage les autres à faire de besoin d'une grande assistance d'en-haut. Son-
même. A peine a-t-il écrit que l'Evangile lui gez en effet ce que c'était que d'avoir à soute-
a été confié, qu'il se hâte d'ajouter un correc- nir chaque jour les outrages, les insultes, les
tif, que vous ne pensiez point qu'il a parlé
afin embûches, les périls, les railleries, les injures,
par orgueil. Voyez donc comme il corrige son ledanger de mort; et cela sans faiblir, sans
discours en ajoutant ces mots oJe rends : glisser dans la voie, sans retourner en arrière ;

€ grâces à celui qui m'a fortifié, au Christ mais, en butte à milletraits chaque jour, con-
«Jésus Notre-Seigneur, de ce qu'il m'a estimé server un regard fixe et intrépide, cela n'est
« fidèle, me plaçant à son service ». point au pouvoir des forces humaines, et
Voyez-vous comment cache partout sa
il même ne demande pas l'assistance ordinaire
vertu et rapporte tout à Dieu, sachant toute- de Dieu, mais une vocation spéciale. C'est
fois réserver sou libre arbitre? En effet, un in- parce que Dieu avait prévu ce que serait Paul,
fidèle dirait peut-être : Si tout esV de Dieu, si qu'il l'a choisi écoutez ce qu'il dit avant que
;

R0U9 ne coalribuoQS à rioa, s'il vous Iraus- Paul commence à prêcher l'Ëvangili; : « C«lui«
.

204 TRADrCT.<)N FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIirxYSOSTOMË.

ci est pour moi un vase d'élection, qui doit le mal, qu'il ne se contentait pas de blasphé-
« porter mon nom en présence des nations et mer, mais qu'il persécutait ceux qui voulaient
« des rois ». (Act. ix, 15.) De même que ceux suiwe la voie de la religion car la fureur du ;

qui portent à la guerre le drapeau du souve- blasphème va bien loin. oMais», ajoute-t-il,
rain, le labarum, ont besoin de force et d'ex- a Dieu m'a fait miséricorde, parce que j'ai agi

périence, pour ne pas le laisser tomber aux « par ignorance dans l'incrédulité ».
mains de l'ennemi de même ceux qui portent
; 2. Et pourquoi n'a-t-il pas fait miséricorde au
le nom du Christ, non-seulement durant la reste des juifs? Parce qu'ils n'ont pas péché
guerre, mais aussi en pleine paix, ont besoin par ignorance, mais qu'ils avaient conscience
d'une grande force pour ne pas le trahir de- et pleine connaissance du mal qu'ils faisaient.
vant les bouches qui l'accusenf, mais pour le Et, pour le bien comprendre, écoutez l'évan-
soutenir noblement et porter la croix. Oui, il géliste qui nous dit : « Plusieurs d'entre les
faut une grande force pour soutenir le nom principaux juifs croyaient en lui, mais n'en
du Christ. Celui qui se permet dans ses paro- a convenaient pas; car ils aimaient mieux la
les, ses actions ou sa pensée quelque chose a gloire qui vient des hommes, que celle qui
d'indigne, ne le soutient pas et n'a pas le « vientdeDieu». (Jean, xii, 42, 43.) Et le Christ:
Christ en lui. Celui qui en est chargé, doit le a Comment pouvez-vous croire, vous qui re-
porter avec honneur, non à travers une place « cherchez la gloire, que vous vous donnez les
publique, mais à travers les cieux et c'est ; a uns aux autres? » (Jean, v, -ii.) Et encore le
avec tremblement que tous les anges l'escor- passage où il est ditque les parents de l'aveugle
tent et l'admirent. parlèrent ainsi à cause des juifs, dans la crainte
« Je rends grâces », dit l'apôtre, a à celui qui d'être chassés de la synagogue. (Jean, ix, 22.)
m'a fortifié, au Christ Jésus Notre-Seigneur » Et les Juifs disaient : Voyez- vous que nous ne
Vous le voyez, il témoigne sa reconnaissance. gagnons rien ?car tout le monde va après lui.
C'est de ce qu'il est un vase d'élection, qu'il Partout, en effet, la passion de dominer les
témoigne sa reconnaissance envers Dieu. Ce troublait. Et eux-mêmes dirent que « per-
titre vous appartient, ô bienheureux Paul, car a sonne n'a le pouvoir de remettre les péchés,
Dieu ne fait point acception des personnes. « sice n'est Dieu seul». (Luc,v, 21.) Et aussitôt
C'est comme s'il disait Je rends grâces de ce
: Jésus fit ce qu'ils disaient être le signe de
que Dieu m'a honoré de celte fonction, qui Dieu. Ce n'était donc pas chez eux cause d'i-
montre qu'il m'estime fidèle. Car de même gnorance. Où était alors Paul? dira-t-on peut-
que, dans une maison, l'intendant ne remer- aux piels de Gimaliel, n'ayant
être. Hélait assis
cie pas seulement son maître d'avoir eu con- rien de comnmnavec cu-tte foule séditieuse.
fiance en lui, mais voit dans sa charge un té- Et où était Gamaliel ? C'était un honnne qui
moignage qu'il a en lui plus de confiance que ne faisait rien par amour de la domination.
dans les autres de même en est-il du minis-
; Comment donc, après cela, Paul se trouvc-t-il
tère apostolique. avec la foule? 11 voyait le nombre des croyants
Considérez ensuite comment mi-
il exalte la s'augmenter, prendre le dessus et tout le peu-
séricordeetla bonté deDieu, en parlant desavie ple se laisser gagner. Les uns s'étaient réunis
antérieure: «Moi», dit-il, «qui auparavant étais au Christ pendant qu'il était sur la terre, d'au-
blasphémateur, persécuteur etcoupable d'ou- tres à ses disciples ; enfin il se faisait une
otrages ». Lorsqu'il parle des juifs encore in- grande division parmi les Juifs. Et ce qu'il fit
crédules, son langage est fort réservé : » Je leur alors, il le fit, non par amour de la domina-
o rends témoignage», dit-il, a qu'ils ont du zèle tion, comme les autres, mais par zèle. Car
« pour Dieu, mais un zèle qui n'est pas selon la pourquoi se rendait-il à Damas? Il regardait
science». (Rom. x, 2.) S'il parle de lui-même, ce qui se passait comme un mal, et craignait
au contraire, il se donne les noms de blasphé- que la prédication ne se répandît partout. Mais
mateur et de persécuteur. Voyezcomme il s'a- iln'en était pas ainsi des autres. Ce n'était pas
baisse, comme il est éloigné de l'amour-pro- par un soin tutélaire pour la foule, mais p*
pre, combien il tient sa pensée dans l'humilité. amourde la domination qu'ils agissaient.Voyez
Il ne lui a pas sulfi de dire a blasphémateur », ce qu'ils disent « Les Romains détruisent no-
:

il ajoute a persécuteur » ; il insiste. Il dit en a tre nation et notre ville ». (Jean, xi, 48.) C'ér
^ffet^u'ilaeeeboraait |;)as à faiij-e lui-mêmQ tait donc une crainte Uumaine ^ui les agitait^
COMMENTAIRE SUR LA I" ËPITRE A TIMOTHÉE. ~ HOMÉLIE III. âsB

Mais important d'examiner comment et d'une extrême tendresse. L'apôtre en exal-


il est
Paul, disciple si exact de la loi, ne connaissait tant la bonté de Dieu qui lui a fait miséricorde,
pas cet Evangile qu'il a dit avoir été annoncé ^ â lui blasphémateur, persécuteur et coupa-
d'avance par le ministère des prophètes. (Rom. ble d'outrages, et qui ne s'en est pas tenu là,
I, 2.) Comment ne le savait-il pas, lui zélateur mais a daigné lui accorder de grands bienfaits,
de la loi de ses pères, instruit aux pieds de écarte encore l'objection des incrédules, en se
Gamaliel? D'aulres, vivant sur les lacs, surles gardant de laisser soupçonner la suppression
fleuves, dans les bureaux des publicains, ac. du libre arbitre, car il ajoute o Avec la foi et
:

couraient à Jésus et accueillaient sa parole, et «la charité en Jésus-Christ ». Tout ce que


vous, savant dans la loi, vous la persécutiez. nous avons apporté, dit-il, c'est que nous avons
C'est pour cela qn'il se condamne en disant : cru qu'il peut nous sauver.
oie ne suis pas digne d'être appelé apôtre». 3. Aimons donc Dieu par le Christ. Mais que
(I Cor. XV, 9.) Il reconnaît ainsi en lui une veulentdire ces mots: «Par le Christ?» Ils veu-
ignorance engendrée par l'incrédulité; c'est lent direque c'est à lui-même et non à la loi
pour cela qu'il dit avoir été l'objet de la misé- que nous devons notre salut. Voyez-vous de
ricorde. Que veut donc dire « M'a estimé fi- : quels biens le Christ a été pour nous l'auteur
« dèle? » C'est qu'il n'a trahi aucun des com- et ce que nous devons à la loi ? L'apôtre n'a
mandements qu'il a reçus ; il a tout rapporté pas dit seulement que la grâce a abondé, mais
au souverain Maître , même ses actions, et ne qu'elle a surabondé. Oui, elle a surabondé,
s'est point approprié la gloire de Dieu. Ecoutez quand d'hommes qui méritaient mille châti-
en effet ce qu'il dit ailleurs « Qiie faites-vous : ments, elle a fait tout à coup des enfants d'a-
olà? Nous sommes des hommes et dans la doption. Dans le Christ, c'est par le Christ.
a même condition que vous » (Act. xiv, 44) ;
Voici encore une fois « dans» mis pour» par».
c'est ainsi qu'il entend ces mots H m'a estimé : Il n'est pas seulement besoin de foi, mais d'a-
fidèle. En effet il dit ailleurs «J'ai enduré : mour. Car aujourd'hui encore il en beau-
est
« plus de fatigues qu'eux tous, non pas moi^ coup qui croient que le Christ est Dieu, mais
o mais la grâce de Dieu avec moi ». (1 Cor. xv, qui ne l'aiment pas et n'agissent point com-
10.) Et dans un autre endroit ; « C'est Dieu me des personnes qui aiment; et comment
a qui opère en nous le vouloir et le faire». l'aimeraient-ils, quand ils lui préfèrent toutes
(Philipp. II, digne de châti-
13.) Il s'avoue choses, les richesses, la naissance, le fatalis-
ment. Mais la miséricorde intervient en ces me, les superstitions, les présages, les augu-
circonstances. Et ailleurs encore « L'aveu- : res? Quand nous ne vivons que pour outrager
« glement s'est répandu sur une partie d'Is- le Christ, dites-moi, comment l'aimerions-
« raël ». (Rom. xi, 25.) nous ? Si quelqu'un a un ami chaleureux et
a Mais», dit-il à Timothée, a la grâce de Dieu plein d'ardeur, qu'il ait au moins pour le
« a surabondé avec la foi et la charité, qui est Christ, le même amour; qu'il ait le même
« ».(i, 14.) Pourquoi parle-t-il
en Jésus-Christ amour pour Dieu, qui a livré son Fils pour
que vous ne pensiez pas qu'il lui
ainsi ? Afin ses ennemis, pour nous qui n'avons rien fait
a seulement «été fait miséricorde». J'étais, pour le mériter. Que dis-je, qui n'avons rien
blasphémateur, persécuteur, cou-
dit l'apôtre, fait ? Je devrais dire pour nous qui avons com-
pable d'outrages ; et par conséquent digne mis des crimes d'une audace inconcevable,
de châtiment. Je n'ai pas été puni, car il m'a sans motif, après d'innombrables bienfaits,
été fait miséricorde. Mais ne s'est-elle étendue d'innombrables marques d'amour; et il ne
qu'à sauver du châtiment? Non certes:
le nous a pas pour cela rejetés, mais c'est au
Dieu y a ajouté de nombreux et immenses moment où nous étions le plus avant dans
bienfaits. Dieu ne nous a pas seulement sauvés l'iniquité, qu'il nous a donné son Fils. Et nous,
du châtiment suspendu sur nos têtes mais il , après un bienfait si grand, après être devenus
nous a faits justes, ses enfants, ses frères, ses ses amis, après que, par le Christ, nous avons
amis, ses héritiers, cohéritiers de Jésus-Christ. été comblés de biens si grands, nous ne l'ai-
C'est pour celaque l'apôtre dit La grâce a sur- : mons pas comme nous aimons un ami. Et
abondé; car la mesure de ses bienfaits a dép;issé quelle sera notre espérance ? Frémissez à cette
le niveau de la simple miséricorde. Ce n'est parole, et plaise à Dieu que ce frémissement
plus l'acte de la miséricorde, mais de l'amour vous soit salutaire !
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME:

Et quoi, me dira-t-on, nous n'aimons pas plutôt quand chaque jour nous l'éloignons de
mênieleChristccmmenosamis'Jevaisessaycr nous, nous n'en éprouvons aucune douleur,
de vous le faire voir je voudrais que mes pa-
;
et nous ne pensons pas être malheureux quand
roles fussent des folies et non la vérité, mais je nous commettons l'injustice, quand nous le
crains de rester encore au-dessous d'elle. Pour iontristons, quand nous l'irritons, quand nous
de véritables amis, souvent plusieurs ont vo- faisons ce qui lui déplaît. Mais nous ne nous
lontairement souffert; pour le Christ, nul ne contentons point de ne pas le traiter en ami ;

consent, je ne dis pas à souffrir, mais à se con- je vais vous montrer que nous le traitons en
tenter de sa fortune présente. Pour un ami, ennemi. Comment cela? C'est que o la pru-
souvent nous nous exposons à l'injure, nous a dence de la chair, dit l'Ecriture, est enne-

acceptons des inimitiés pour le Christ, nul


; mie de Dieu ». (Rom. viii, 7.) Or nous nous
n'en accepte ; mais, comme dit le proverbe : tenons attachés à cette prudence, et nous per-
Fais-toiaimer à l'aventure et non haïr à l'a- sécutons le Christ qui veut accourir à nous ;
venture. Nous ne voyons pas d'un œil indiffé- car tel est l'effet des actions mauvaises nous ;

rent notre ami souffrir de la faim chaque ; nous rendons chaque jour coupables des ou-
jour le Christ vient nous demander non de trages qu'il subit par notre cupidité et nos
grands sacriflces, mais un morceau de pain et Un homme jouit d'une éclatante re-
rapines.
nous ne l'accueillons pas, tandis que nous nommée, parce qu'il célèbre la gloire du Christ
remplissons et gonflons notre ventre jusqu'à et qu'il sert les intérêts de l'Eglise ; eh bien 1

un ignoble excès, que notre haleine est infec- nous lui portons envie, parce qu'il fait l'œu-
que nous vivons dans la mollesse,
tée de vin, vre de Dieu nous paraissons ne porter envie
;

que nous prodiguons nos biens les uns à des qu'à mais elle remonte jusqu'à Dieu lui-
lui,

créatures sans pudeur, les autres à des para- même. Nous ne voulons pas que le bien se
sites, ou à des flatteurs, ou encore à des mons- fasse par d'autres que par nous; qu'il se fasse
tres,à des fous, à des nains, car on se fait un pour le Christ, mais pour nous; car, si nous le
amusement des disgrâces de la nature. Jamais désirions en vue du Christ, il nous serait in-
nous ne portons envie à nos véritables amis, différent qu'il s'opérât par d'autres mains ou
et nous ne souffrons point de leurs succès; par les nôtres.
mais envers le Christ, nous éprouvons ce senti- Car, dites-moi si un médecin a un enfant
:

ment; on voit donc que l'amitié a sur nous menacé de devenir aveugle, et qu'étant lui-
une plus grande puissance que la crainte de même impuissant à le guérir il en trouve un
Dieu. L'homme perfide et envieux a moins de autre capable de le faire, l'écartera-t-il d'au-
respect pour Dieu que pour les hommes. près de son fils? Non certes, mais il sera prêt
Comment cela? C'est que la pensée de Dieu à lui dire Par vous ou par moi, que mon en-
:

voyant au fond des cœurs, ne le détourne pas fant soit guéri. Pourquoi? Parce que ce n'est
de ses machinations, mais s'il est aperçu d'un pas son intérêt qu'il a en vue, mais celui de
de ses semblables, il est perdu, il est saisi de son fils. De même aussi nous dirions, si nous
honte, il mugit. Que dirai-je encore? Nous considérions la cause du Christ Par nous ou :

allons trouver un ami dans le malheur, et, si par un autre, que ce qui est expédient s'o-
nous différons quehiue peu, nous craignons père ; et, comme dit l'apôtre, « par vérité ou
d'être blâmés et quand, tant de fois, le Christ
; « par occasion, que le Christ soit annoncé ».
est mort dans la cafitivité, nous n'y avons pas (Phil. I, 18.) Ecoutez ce que dit Moïse, quand
pris garde. Nous allons vers nos amis qui sont on voulut exciter sa colère, parce que Eldad
au nombre des fidèles, non parce qu'ils sont et Moad prophétisaient « N'ayez point de ja-
:

fidèles, mais parce qu'ils sont nos amis. o lousie à mon sujet; (|ui me donnera de voir
4. Vous le voyez, nous ne faisons rien parla a tout le peuple du Seigneur devenir pro-

crainte de Dieu, ni par amour pour lui, mais o phète? » (Nomb. xi, 29.) Tout cela vient de
nous agissons par amitié ou par coutume. l'amour de la renommée. N'est-ce pas là la
Quand un ami est absent, nous pleurons, nous conduite d'ennemis, d'ennemis déclarés? Quel-
gémissons si nous le voyons mort, nous nous
; qu'un vous a- t-il mal parlé? Faites-lui bon
lamentons, bien que nous sachions ([ue ce n'est accueil. Est-ce possible? Oui, si vous le vou-
point une séparation éternelle; mais quand lez. Quel mérite avez-vous, si vous aimez
le Christ est éloigne de nous chaque jour, ou celui qui n'a pour vous que de bonnes paro-
,

tîOMMENTAlRE SUR LA I" EPITRE A TIMOTHËE. — HOMELIE IV; S87

les? Car tous ne le faites pas pour le Sei- nos actions. Telles sont les ténèbres du péché,
gneur, mais pour votre renommée. Quelqu'un que ce que nous n'oserions dire, nous l'osons
vous a-t-il fait tort? Faites-lui du bien; car faire. Tirons notre salut de ceux qui nous font

si vous rendez service à ceux qui vous en ren- tort et outrage, afin d'obtenir ce qui appar-
dent, vous n'avez rien fait de grand. Avez- tient aux amis de Dieu. « Je veux n, dit Jésus,
ous subi uue grande injustice, une grande ft que là où je suis, là soient aussi mes disci-
offense ? Elforcez-vous de rendre le bien pour « pies, afln qu'ils voient ma gloire b (Jean,
le mal. Oui, je vous en conjure, agissons xvu, 24); gloire à laquelle je souhaite que nous
ainsi de notre côté; cessons d'offenser et de arrivions tous en Jésus-Christ Notre-Seigneur,
haïr nos ennemis. Dieu nous ordonne d'aimer avec qui soit au Père et au Saint-Esprit
nos ennemis, et nous persécutons le Dieu gloire, à présent et toujours, et aux siècles
d'amour. Qu'il n'en soit point ainsi. Nous en des siècles. Ainsi soit-ii.

convenons tous de bouche, mais non tous par

HOMELIE IV.

mA parole est fidèle et digne d'être reçue LE CHRIST JÉSUS EST VENU DANS LE MO:iDE POUR SAUVER
:

LES PÉCHEURS, ENTRE LESQUELS JE SUIS LE PREMIER. MAIS j'aI OBTENU MISÉRICORDE, POUR QU'EH
MOI TOUT LE PREMIER JÉSUS-CORIST FIT VOIR TOUTE SA PATIENCE, AFIN QUE JE SERVISSE D'BSEMPLB
A CEUX QUI CROIRONT EN LUI POUR LA VIE ÉTERNELLE. (l, 15-16 JUSQU'A 17.)

Analyse*
1. La justice légale n'est rien.
2. Humiliié de siint Paul.
3. Coaimeat nous pouvons glorifier Dlen.

i. Les bienfaits de Dieu sont si grands et suade de ne pas s'attacher à la loi, car par elle
dépassent de si loin toute attente et toute espé- et sans la foi l'on ne peut être sauvé. Il combat
rance humaine, qu'ils trouvent souvent des in- donc sur ce point. Il pensait qu'on jugerait
crédules. Il nous a en effet accordé ce que incroyable qu'un homme qui aurait étourdi-
jamais n'eût attendu ni pensé l'esprit d'un mentdissipé toute sa vie antérieure, et l'aurait
homme, en sorte que les apôtres ont eu salement employée à de mauvaises actions ,dût
grand'peine à établir la foi aux dons de Dieu. être ensuite sauvé par la seule foi. C'est pour
Car, de même qu'éprouvant quelque grand cela qu'il dit La parole est fidèle. Mais
:

bonheur, on se dit N'est-ce pas un songe?


: quelques-uns ne se bornaient pas à n'y pas
exprimant ainsi qu'on se défie de sa réalité ;
croire, ils s'en faisaient les calomniateurs,
de même en est-il des dons de Dieu. Et quel comme on le fait maintenant encore, lorsque
est ce don auquel on ne croit pas? On se l'on dit : o Faisons le mal, afln que le bien
demande si les ennemis de Dieu, les pé- « arrive ». (Rom. m, 8.) L'apôtre a dit : « Là
cheurs, ceux qui n'étaient justifiés ni dans la « où péché a abondé, la grâce a surabondé».
le
loi ni par les œuvres, obtiendront réellement (Ib. V, 20 .) Mais pourquoi disent-ils : « Fai-
tout à coup et par la seule foi, la justification « sons le mal afin que le bien arrive?» Ce
qui est le premier des biens. L'ajiôtre s'étend sont surtout les gentils qui le disent, tournant
sur ce chapitre dans l'épîlre aux Romains, et en dérision notre doctrine. Lors donc que
il s'y étend ici encore. oLa parole est fidèle », nous leur parlons de l'enfer; comment, di-
dit-il, «et digne d'être reçue le Christ Jésus : sent-ils, ce dogme digne de Dieu? Si un
est-il
o est venu dans le monde pour sauver les pé- homme trouve son serviteur coupable de plu-
acheurs, entre lesquels je suis le premier ». sieurs fautes, il lui fait grâce et le croit digne
Car, comme c'était la surtout la doctrine que de pardon, et Dieu punirait de peines éter-
les juifs avaieut peine à suivre, il leur per- nelles? Puis, quand nous leur parlons du
«âd TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

baptême et de la rémission des péchés con- mi les autres, pourra être appelé juste? Caril
férée par lui, nous disent Comment se-
ils : ne parle pas ainsi en calomniant sa vie il ne ;

rait-il digne de Dieu de pardonner les péchés s'est dit ni impudent, ni débauché, ni avide

à celui qui a commis tant de fautes? Voyez- du bien d'autrui, à Dieu ne plaise; mais, en
vous la perversion de leur pensée, qui cher- comparant une justice avec l'autre, il montre
che surtout à contester? Pourtant, si c'est un que la justice légale n'est rien, et que ceux
mal de pardonner, c'est un bien de punir s'il ; qui la possèdent sont des pécheurs. « Mais j'ai —
n'est pas bien de punir, il est bien de pardon- « obtenu miséricorde, pour qu'en moi tout le
ner. Je parle ainsi en me plaçant à leur point de premier, Jésus-Christ fît voir toute sa patien-
vue mais, selon notre doctrine, il est bon de
; « ce, afin que je servisse d'exemple à tous
punir et il est bon de pardonner comment ; « ceux qui croiront en lui pour la \ie éter-
cela ? C'est ce que nous ferons voir dans une « nelle».
autre occasion, car celle-ci n'est pas oppor- 2. Vous voyez comment ici encore l'apôtre
tune. une question profonde et digne
C'est ^'humilie ets'abaisse, en présentant une autre
d'être longuement développée; il faudra donc cause plus humbledesa justification. Obtenir
l'exposer aux yeux de votre charité. son pardon à cause de son ignorance, ne mon-
Comment cette parole est-elle Adèle ? On le tre pas que l'on aitété fort coupable niquel'on
voit par ce qui précède et par ce qui suit. Con- ait méritédes reproches bien accablants; mais
sidérez comment l'apôtre y prépare les esprits l'obtenir pour que désormais nul pécheur
et s'arrête ensuite sur ce point. Quand il a ne désespère d'obtenir aussi miséricorde, voilà
ditque Dieu lui a fait miséricorde, à lui blas- ce qui témoigne d'un grand, d'un extrême
phémateur et persécuteur, il préparait l'es- abaissement. Et bien qu'il ait dit « Je suis le :

prit à celte parole. Non-seulement, dit-il, Dieu « premier des pécheurs, blasphémateur, persé-

a eu pitié de moi, mais il m'a rendu fidèle ;


« cuteur et coupable d'outrages » ; et encore :

tant il est vrai qu'il a eu pitié de moi. Car « Je ne suis pas digne d'être nommé apôtre»
nul, voyant un prisonnier devenu l'hôte du (ICor. XV, 9), rien de tout cela, ni dece qu'il a
palais, ne doute qu'il ait obtenu sa grâce; et dit ailleurs n'exprime autant d'humilité. C'est
c'est ce ()u'on voit en Paul. Mais encore, com- ce (|u'ane comparaison va éclaircir. Supposez
ment Il en mon-
celte parole est-elle fidèle? une ville populeuse, dont tous les habitants
tre la preuve en lui-même, car il ne craint soient criminels, lesunsplus,lesautres moins,
pas de s'appeler pécheur; mais il se glorifie mais qui tous sont condamnés ;
que l'un soit
d'autant plus d'avoir été l'objet d'une si grande plus que tous les autres digne de châtiments et
bonté, parce que c'est par là surtout qu'il de supplices, qu'il se soit livré à tous les genres
peut montrer la grandeur de la tendresse di- de crimes. Si quelqu'un annonce que l'em-
vine. Et comment ailleurs parle-t-il de lui- pereur veut pardonner à tous, on ne le croira
même? «Suivant la justice qui est dans la pas facilement jusqu'à ce qu'on ait vu la grâce
a loi, j'étais sans reproche » (Phil. m, 6) ; et accordée au plus coupable; mais alors il n'y
ici il proclame qu'il était pécheur et le pre- aura plus de doute. Voilà ce que ditPaul, que
mier des pécheurs. C'est que, suivant la jus- Dieu voulant remplir les hommes de la con-
tice qui est l'œuvre de Dieu et qui est le vrai fiance qu'il leur pardonne tous leurs péchés, a
but de nos devoirs, ceux-mcines(jui sont dans choisi le plus coupable de tous. Car, dit-il,
la loi sont des pécheurs. « Car tous ont péché, quand j'obtiens mon pardon, nul ne peut
a et ne peuvent atteindre à la gloire de Dieuv. douter du pardon des autres ; en sorte qu'on
Il n'a pas dit simplement la justice, mais, la pourrait se servir de la formule Si Dieu par- :

justice qui est dans la loi. Car de même qu^ donne à celui-là, il ne punira personne. Il
celui qui possède beaucoup d'argent paraît «exprime par là qu'il n'était point digne de
riche, à ne considérer que lui, mais est bien grâce, mais qu'il l'a obtenue en vue du salut
pauvre premier des pauvres, si l'on com-
ei le des autres. Que personne donc ne doute, dit-
pare ses trésors à ceux de l'empereur; de il, puisque j'ai été sauvé. Voyez donc l'humi-

même ici, les hommes, même justes, sontdes litéde ce bienheureux. Il n'a pas dit : Pour
pécheurs, si on les compare aux anges. Mais que Dieu montre en moi sa patience, mais
si Paul, ayant i)raliquc la justice qui est dans « toute sa patience » ; comme s'il eût dit : En
la loi, est le premier des pécheurs, qui, par- nui autre, il u'eu pouvait montrer davantage;
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE IV. 280

ilne peut trouver un si grand pécheur qui des siècles, et c'est de son Fils qu'il est dit :

aitbesoin de toute sa miséricorde, de toute sa a Par lequel il a fait aussi les siècles ». (Hébr.
patience et non d'une partie, comme ceux qui 1, 2.) Voici ce qui se passe en ce monde. Chez
ne sont pécheurs qu'en partie. —
a Afin quey" nous, la fabrication et la création sont choses
« servisse d'exemple à ceux qui croiront en lui \)ien difi'érentes. L'un se fatigue et s'épuise à
« pour la vie éternelle » ; c'est-à-dire pour leur effectuerune œuvre un autre en jouit. ;

consolation, pour leur encouragement. Et Pourquoi ? Parce que l'ouvrier est moins puis-
après avoir dit du Fils cette grande parole sant. Mais, dans les cieux, autre n'est pas le
sur l'immense charité qu'il a montrée, afin fabricateur et autre le maître. Ainsi je n'irai
que nul ne suppose qu'il ait voulu priver le pas, à cause de ces mots : « Par lequel il a fait

Père de la gloire qui lui est due, il la lui aussi les siècles», enlever au Père la puissance
rapporte en disant « Et au roi des siècles,
: créatrice ; ni à cause de ceux-ci : « Le Père, roi
« immortel, invisible. Dieu unique, honneur et des siècles B, enlever au Fils sa souveraineté ;

« gloire aux siècles des siècles. Ainsi soit-il ». l'une et l'autre sont communes à tous les
(I Tim. I, 17.) De ces bienfaits, dit-il, nous deux. Le Père est l'auteur du monde, puis-
glorifions non-seulement le Fils, mais le Père. qu'il a engendré le Démiurge ; le Fils est Roi,
Mais écoutons les hérétiques Voyez, il a
: puisqu'il est maître des créatures. Ce n'est
dit :Dieu unique; le Fils n'est donc pas point un ouvrier mercenaire comme les
Dieu; il a dit: Seul immortel; le Fils n'est nôtres ; il n'est point comme eux un instru-

donc pas immortel. —


Eh quoi Ce qu'il nous
! ment passif; mais il agit par sa propre bonté
donne après celte vie, il ne le possède pas? et son amour pour les hommes. Et le Fils a-t-

Oui, dira l'hérétique, il est Dieu et immortel, il été vu? Nul ne l'oserait dire Cepend;mt '.

mais non comme le Père. —


Que voulez-vous l'apôtre dit : «Au roi des immortel, in-
siècles,
dire par là? — C'est qu'il est d'une moindre « visible. Dieu unique». Mais quesera-cequand
substance. — Ainsi il est d'une moindre l'Ecriture dit aussi : a II n'est point d'autre
immorlalité? Qu'est-ce donc qu'une immor- « nom, dans lequel nous devions être sauvés »
talité moindre ou plus grande ? Car l'immor- et a II n'est de salut en aucun autre ? » (Act.
:

talité, qu'est-ce autre chose que de ne pas IV, 12. )

mourir ? La gloire peut être plus grande ou 3. « Honneur et gloire dans tous les siècles,
plus petite, mais non l'immortalité, non plus «ainsi soit-il», continue l'apôtre. L'honneur
que la bonne santé un être doit mourir, ou
: et la gloire ne viennent pas des paroles, et ce
ne pas mourir. —Quoi donc, me répondra-t- n'est pas en paroles que Dieu lui-même nous
on, en est-il de nous comme de Dieu? Non — a honorés, mais par des actes effectifs ; nous
certes ; loin de nous une telle pensée. Et — aussi honorons-le donc par nos actions.
comment l'entendez-vous? — C'est qu'il pos- L'honneur qu'il nous fait nous touche, et
sède l'immortalité par nature, et que nous celui que nous lui rendons ne l'atteint pas,
l'avons reçue. Mais en est-il de même du Fils ? car il n'a pas besoin de ce qui vient de nous,
Nullement, il la possède aussi par nature. — tandis que nous avons besoin de ses faveurs.
Quelle est donc la distinction? — C'est que le En sorte que lui rendre gloire, c'est travailler
Père n'est point engendré d'une autre personne à notre élévation. De même que celui qui
et que le Fils est engendré de son Père. Nous ouvre les yeux pour voir la lumière du soleil,
en convenons; nous ne nions point que le fait un acte utile à lui-même, et qu'en admi-
Fils soit engendré immortel du Père. Nous rant la beauté de cet astre il ne lui fait point
glorifions le Père de ce qu'il a engendré un une faveur, car il ne le rend pas plus brillant
tel Fils. Comprenez-vous que le Père est glori- et le soleil demeure ce qu'il est de même et ;

fié d'autant plus que le Fils est plus grand? bien plus encore en est-il par rapport à Dieu :
Car la gloire du Fils lui est rapportée. Ainsi celui qui vénère Dieu et lui rend honneur, se
Dieu ayant engendré un Fils aussi puissant sauve lui-même et se procure le plus grand
que lui-même, la gloire en appartient-elle des biens. Comment ? Parce qu'il suit la voie
plus au Fils qu'au Père? Il en est de même , de la vertu et est glorifié par Dieu même.
quand nous disons que le Fils est puissant « Ceux qui me glorifient, je les glorifierai »
par lui-même, qu'il se suffit à lui-même et dit-il. (I Rois, ii, 30.) Comment donc dit-il qu'il
qu'il possède la force. C'est en parlant du roi Eli dehors de l'iDcaroation.

S. J. Cil. — T03!E XI. 49


800 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

est glorifié par nous, puisqu'il ne jouit pas de raison d'en agir ainsi. — Pourquoi donc, dites*

riionneur que nous lui rendons? Eh! De moi ? Pour cacher leur laideur ? Peine perdue.
même faim et avoir soif, il s'ap-
qu'il dit avoir Quand donc la nature est-elle vaincue par
proprie ce qui est de rimnianilé, afin de nous Et après tout, en quoi la laideur
l'artifice?

attirer à lui ; il s'approprie et les honneurs et vous afflige-t-clle ? Parce qu'on la repousse?
les offenses, que nous craignions d'en
afin Ecoutez cette parole d'un sage « N'ayez point :

commettre contre nos frères; et nous ne nous « d'éloignement pour un homme à cause de
laissons pas gagner. «son aspect, et ne louez point un homme
« Glorifions dans notre
Dieu et exaltons-le « pour sa beauté ». (Ecclésiast. xi, 2.) Admirez

« corps » (I dans notre esprit.


Cor. vi, 20} et Dieu, le grand artiste, et non un homme qui
Comment un homme peut il le glorifier dans n'est pas l'auteur de sa projire beauté. Quel

son corps ? Et comment dans son esprit? L'es- avantage apporte la beauté? Aucun , mais
prit ici veut dire l'âme, par opposition au plutôt des difficultés plus grandes , plus de

corps. Mais conurient le glorifier dans son malveillance, de dangers et de soupçons. Telle
corps? Comment dans son âme? On le glorifie femme n'eût jamais été soupçonnée sans sa

dans son corps en évitant l'impureté, l'ivro- beauté ; telle autre, si elle n'use d'une réserve
gnerie, la gourmandise, la vaine parure, en ne consommée, d'une réserve extrême, aura bien
prenant de son corps que le soin utile pour la vite une mauvaise renommée. Un mari soup-

santé; celui-là le glorifie qui ne commet point çonne celle qui est sa compagne Que peut-il :

d'adultère ; celle-là, qui


ne se parfume point, y avoir de plus pénible? 11 ne trouvera point
qui ne farde point son visage, qui se contente tant de plaisir à la voir que de souffrances
de ce que Dieu a formé, sans y rien ajouter par dans ses soupçons. Le plaisir s'émousse à la
l'art. Pourquoi, en effet, dites-moi, ajouter ce longue la nonchalance et le laisser-aller pas-
;

qui vientde vous-même à l'œuvre que Dieu a sent pour impudence, l'âme devient vulgaire
parfaite? Vous ne vous êtes pas formée vous- et pleine d'arrogance ; et c'est la beauté sur-

même; et, comme si


vous étiez une ouvrière tout qui amène ces malheurs; sanselle, ilnese
d'un talent supérieur, vous essayez de rectifier troïrvera plus tant d'inconvénients; sans elle,
l'ouvrage; en vous parant ainsi, vous insultez on ne verra pas des chiens insulter l'agneau,
le Créateur i»our vous attirer de nombreux mais il paîtra dans une paix profonde, sans
amants. — Mais comment me direz-vous? faire, que le loup le trouble et l'attaque, et le berger
Je ne le voudrais pas mon mari qui m'y
; c'est pourra demeurer assis auprès de lui. Ce qui
contraint. — Non, cela n'arrive qu'àcelles qui est extraordinaire,, ce n'est pas que l'une soit

veulent provoquer l'amour. Dieu vous a faite belle et que l'autre ne le soit pas; c'estqu'une

belle, pour êlre admiré dans son œuvre et femme ait de mauvaises mœurs sans être

non pour être outragé ; ne lui offrez point belle, et que celle qui l'est soit vertueuse.
pour dons un tel retour, mais une con-
ses Dites-moi : Quelle est la qualité des yeux?
duite modeste et réglée. Dieu vous a faite Est-ce d'être humides, bien mobiles, bien ar-
belle pour accroître le mérite de votre rete- rondis, d'un beau bleu, ou bien d'être clairs
nue car on ne peut mettre sur la même li-
;
et perçants? C'est assurément d'être perçants,
gne la modestie d'une femme pleine d'attraits et en voici la preuve Quelle est la qualité
:

et celle d'une fiiuime à qui nul ne songera. d'une lampe? Est-ce de jeter un vif éclat et
Ecoutez ce que dit l'Ecriture au sujet de Jo- d'éclairer toute la maison, ou d'être bien fa-
seph, «qu'il était jeune et beau de visage i>- çonnée et bien arrondie? C'est d'éclairer, di-
(Gcn. xxxix, 6.) Que nous fait donc à nous rons-nous sans hésiter c'est ce qu'on recher-
;

qu'il fûtbeau ? L'Ecriture le dit pour que nous che en elle, le reste est indifférent. C'est pour
admirions à la fois sa beauté et sa chasteté. cela que nous disons sans cesse à la servante
Dieu vous a faite belle Pourquoi donc vous ! qui en est chargée Vous avez mal préparé
:

•iéligurer? Celles qui se couvrent d'une cou- la lampe. C'est que le fait d'une lampe est d'é-
che de fard ressemblent à l'homme qui bar-
, clairer. L'œil de même ; il n'importe pas qu'il
bouillerait de rouge une statue d'or; c'est une soit telle ou
de rem-
telle façon, dès lors qu'il

boue rouge et blanche que vous répandez sur plit convenablement sa fonction; on le dira
vons-iiiême. mauvais s'il a la vue faible, si son organisme
Mais, dira-t-OH, ccUoî (jui sout lipides ont laisse ù désirer nous dison:- du ceux qui n'y
;
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE V. 2Ôf

'voient pas, les yeux ouverts, qu'ils ont des mes, en effet, prennent garde aux saisons, ne
jeux détestables. Nous appelons ainsi tout ce s'exposent point à la fatigue, mais s'adonnent
qui ne remplit pas la fonction à laquelle il est à l'oisiveté et vivent à l'ombre ; de là vient

destiné, et ne pas bien \oir est le défaut des que leurs facultés physiques sont énervées.
yeux. El le nez, quelle est sa qualité ? Est-ce Les autres femmes, au contraire, débarrassées
d'être bien droit, bien lisse des deux côtés? de ces soucis usent simplement et largement
,

parfaitement symétrique? ou bien d'être bien de ces facultés.


disposé pour l'odorat, ou bien apte à perce- Ainsi donc a glorifions Dieu et portons-le
voir promptement les odeurs, pour les trans- « dans notre corps ». Ne nous parons point :
mettre au cerveau ? Ceci sera clair pour tout c'est là un soin frivole et inutile. N'enseignez
le monde, grâce à cette comparaison L'ins- : point à vos maris à n'aimer que le plaisir des
trument appelé croc, quand est-il bien fait? yeux, car s'ils vous voient ainsi parées, ils ne
Est-ce quand il peut accrocher fort et retenir, songent qu'à votre visage , ils se laisseront
ou quand il est façonné avec élégance? Evi- bientôt séduire mais si vous leur apprenez à
;

demment, c'est le premier qui est bon. Et les aimer vos mœurs et votre modestie, ils ne se-
dents, quand dirons-nous qu'elles sont bien ront pas facilement infidèles, car ce ne sont
faites? quand elles sont bien tranchantes et point ces qualités, mais les vices contraires
mâchent facilement la nourriture, ou quand qu'ils trouveront chez une femme sans pu-
elles sont bien rangées ? Evidemment ce sont deur. Ne leur enseignez point à se laisser ga-
les premières. 11 en est de même de tout le gner par un sourire, par un extérieur efféminé,
corps, si nous lui faisons subir la critique de de peur de préparer des poisons contre vous-
la raison ; nous trouverons que les hommes mêmes apprenez-leur à se plaire à la modes-
;

bien portants sont beaux, dès lors que cha- tie, vous leur plairez, si votre extérieur
et
cun de leurs membres remplit avec exactitude même est modeste; mais si vous êtes évapo-
sa fonction spéciale. Ainsi en est-il d'un ins- rées, effrontées, comment pourrez-vous tenir
trument, d'un animal, d'une plante ce n'est : un langage respectable ? Qui ne se rira pas de
point d'après ses formes ou sa couleur, mais vous, qui ne vous raillera pas? Et qu'est-ce
d'après son usage que nous en jugeons; de que porter Dieu dans son esprit? C'est prati-
même encore nous appelons beau serviteur, quer la vertu, parer son âme, car ceci n'est
celui qui est propre au service et non un jeune point défendu. Nous glorifions Dieu, quand
et gentil fainéant. nous sommes pleinement vertueux, et nous
Voyez-vous maintenant ce que c'est qu'être sommes nous-mêmes glorifiés en même temps,
beile ? Lorsque nous jouissons tous de la non comme des hommes qui se parent, mais
même façon des avantages les plus grands et bien autrement: «Car», ditl'apôlre, «j'estime
les plus magnifiques, nous ne sommes frus- «qu'il n'y a point de proportions entre les
trés en rien. Je m'explique Tous delà même
: « souffrances du temps présent et la gloire
façon nous voyons le monde, le soleil, la « future qui doit se révéler en nous » (Rom.
lune, les étoiles; nous respirons l'air, nous vin, 18), gloire à laquelle je souhaite que
avons part à l'eau et aux aliments , que nous nous ayons tous part en Jésus-Christ Notre-
soyons beaux ou laids. Et s'il faut dire quel- Seigneur, avec qui soient au Père et au Saint-
que chose de surprenant, celles qui ne sont Esprit, gloire, puissance, honneur, mainte-
pas belles, ont une santé plus vigoureuse et nant et toujours, et aux siècles des siècles,
jouissent mieux de ces dons. Les belles fem- Ainsi soit-il.

HOMELIE V:
m vous DONNE CE PRÉCEPTE, MON FILS TIMOTHÉE, CONFORMÉMENT AUX PROPHÉTIES PRONONCÉES SUR
vous, DE COMBATTRE AVEC ELLES LE BON COMBAT, AYANT LA FOI ET UNE BONNE CONSCIENCE; ftUEI*'

ÇUES-UNS l'avant KEJETBE ONT FAIT NAUFRAGE DANS LA 101. (l, 18, 19 ET 20.)
,

m Traduction française de saint jean chrysostome,

Analyse»

. Quels jont ceux que l'on doit choisir pour l'épiscopat. —


Ce qu'il faut entendre ici par ce mot de prophétie. La foi fit —
une bonne conscience sont deux choses qui se soutiennent mutuellement. —
Une mauvaise vie a pour elTet le naufrage dan»
la foi.

. Les apfllres châtiaient eui-mêmes les incorrigibles, et livraient à Satan ceux qu'ils voulaient corriger. Aiosi Satan était

leur serviteur, signe éclataut de la grâce qui opérait en eux.— L'Espril-Saint marquait l'Eglise de même que la nuée marquait
lecamp des Hébreux.
. Contre ceux qui s'approchaient de la sainte Communion indignement ou une seule fois dans l'année.

La dignité de l'enseignement et du sacer-


i. faitce que vous êtes, ne faites pas injure
doce est grande et admirable il faut vraiment ; ethonte au suffrage de Dieu.
le suffrage de Dieu, pour trouver celui qui Puis, après ce mot si redoutable de précepte,
est digue de l'exercer. Ainsi en a-t-il été au- que lui dit-il ? « Je vous donne ce précepte,
trefois ainsi en est-il encore, lorsque nous
; « mon fils Timothée ». 11 lui donne ses ordres
faisons ces choix en dehors de toute passion comme à son véritable fils non comme une ,

humaine, sans considérer rien de terrestre, autorité despotique non comme une puis- ,

ni l'amilié, ni la haine. En effet, bien que l'as- sance souveraine mais il lui dit
, : a Mon fils

sistance de l'Esprit uous soit moins largement a Timothée» .11 montre qu'il confie à sa garde la
accordée qu'aux apôtres, il suffit de la bonne plus exacte, un dépôt qui n'est pas à nous, car
volonté pour que le choix de Dieu s'opère, car nous ne nous le sommes pas approprié, et c'est
les apôtres n'avaient point encore reçu le la grâce de Dieu qui nous l'a remis La foi et :

Saint - Esprit lorsqu'ils choisirent Matthias une bonne conscience. Ce qu'il nous adonné,
mais ils s'en étaient remis à la prière, ils le gardons-le. Car s'il n'était pas venu, la foi
firent entrer au nombre des apôtres sans , elle-même n'eût pas été trouvée, ni la vie
avoir égard à aucun motif humain. Il en de- pure que nous suivons par ses enseignements.
vrait être ainsi parmi nous mais notre mau- : Comme s'il eût dit Ce n'est pas moi qui donne
:

vaise volonté est telle que nous négligeons le précepte ni qui vous ai choisi c'est ce qu'il ;

même les indices certains; lorsque nous nc«gli- entend par o les prophéties prononcées sur
geous ce qui est manifeste, comment Dieu Timothée ». Ecoutez-les, obéissez-leur. Que
nous découvrira-t-il ce qui nous est caché? lui a-t-ii prescrit? De combattre avec elles le
Si vous n'êtes pas fidèles dans ce qui est petit, bon combat. Ce sont elles qui vous ont choisi ;

qui vous confiera ce qui est grand et


dit-il, faites cette guerre pour laquelle elles vous ont
vrai? (Luc, xvi, H.) Alors rien d'humain choisi. Le bon combat; car il en est aussi un
n'agissait, et les prêtres étaient choisis par le mauvais dont il a dit « Comme vous avt z faitde:

don de prophétie. Qu'est-ce à dire? C'est qu'ils vos membres des armes pour le péché etl'im-
étaient choisis par l'Esprit-Saint. La prophétie o pureté ». (Rom. vi, i9.) Ceux-là servent
eu effet ne consiste pas essentiellement à an- sous un Ijran vous, sous un roi. Et pourquoi
;

noncer l'avenir, mais a aussi pour objet le pré- donne-t-il à cette œuvre le nom de combat?
sent, puisque Suùl lut désigné par prophétie, Parce qu'une guerre terrible est allumée pour
tandis qu'il était caché ; car Dieu a des révé- tous, m;iis surtout pour celui qui a la charge
lations pour les justes, il y avait aussi une pro- d'enseigner les autres; parce que nous avons
phétie dans ces paroles : a Séparez -moi Paul besoin d'armes puissantes, du jeûne, des veil-
« et Barnabe » (Act. xui, 2); et c'est ainsi que les, d'une veille incessante, parce que nous
Timolhée lui-même fut choisi. Paul parle ici devons nous préparer pour le sang et les com-
de plusieurs pro[ihétiL'S et |)eut-être de celle bats, paraître sur le champ de bataille et n'a-
par laquelle il choisit Timolhée, lorsqu'il le voir aucun sentiment de lâcheté. « De com-
circoncit et le désigna, comme il l'écrit lui- « battre avec elles», lui dit-il; car, comme

même: Ne négligez point la grâce qui est en


a dans les armées tous ne servent pas avec les
ovous».(l Tim. IV, 14.) Animant donc son mêmes armes, mais dans des corps différents;
zèle elle disposant au jeune et aux veilles, il de même, dans l'Eglise, l'un a la fonction de
le lait souvenir de celui qui l'a choisi et qui maître, l'autre de disciple, unautrede simple
l'a élu; comme s'il lui disait : C'est Dieu fidèle vous servez comme je vous l'ai dit.
;

qui vous a désigné; il a eu confiance en vous; Ensuite pour qu'il ne croie pas que c'est

ce n'est point un suffrage humain qui vous a afscz, il ajoute : » Ayant la foi et une horno
ÉÔiLMENTAlUE SUil LA I" EPITRE A TIMOTHÉE. — lîl MÉLIE V. 293

a conscience », car celui qui enseigne tloil d'a- l'apôtre « afin qu'ils apprennent à ne point
,

bord s'enseigner lui-même. De qu'un même «blasphémer ». Vous voyez que c'est un blas-
général, s'il n'est d'abnrd excellent soldat, ne phème que de soumettre à ses raisonnements
sera jamais un vrai général, de même en est- les choses divines. Sans doute, car qu"'est-ce

il de celui qui est instruit. Il dit ailleurs la que le raisonnement humain a de commun
même chose : « De peur qu'ayant prêché aux avec elles? Et comment Satan leur apprcnd-il
« autre?, je ne sois rejeté moi-même ». (I Cor. à ne point blasphémer? S'il l'apprend aux au-
IX, 27.) —
«Ayant», dit -il, «la foi et une tres, il devrait bien davantage se l'apprendre

a bonne conscience », afin que par là il soit à lui-même ; ne l'a pu jusqu'à présent,
et s'il
supérieur à tous les autres. Que ces paroles comment pour les autres?
le forait-il

nous apprennent à ne pas dédaigner les aver- L'apôlre n'a point dit Afin que Satan leur
:

tissements de ceux qui sont au-dessus de nous, enseigne à ne point blasphémer; mais « Afin :

quand nous aurions à enseigner nous-mêmes. a qu'ils l'apprennent». Ce n'est pas lui qui est
Car si Timothée, que nul de nous n'égale, l'auteur de celte œuvre , elle s'opère par voie
reçoit des avertissements et des enseignements, de conséquence ; c'est ainsi qu'ailleurs l'apôlre
quoiqu'il soit chargé d'enseigner, combien dit du fornicateur a Livrez-le à Satan » non
:

plus le devons-nous faire. Quelques-uns,— a afin que celui-ci sauve son âme, mais «afin
« l'ayant rejelée, ont fait naufrage dans la que son âme soitsauvée».(I Cor. v, 5.) Satan
foi ». Sans doute, car celui qui dit adieu à n'est pas le sujet du verbe. Comment cela se
la vie chrétienne se forme une croyance sem- fait-il? De même que les bourreaux, forts mi-
blable à ses mœurs, et l'on en peut voir beau- sérables eux-mêmes contiennent les autres
,

coup qui de là sont tombés dans un abîme de dans le devoir, ainsi en est-il du mauvais es-
maux et se sont dévoyés jusqu'au paganisme. prit. — Et pourquoi ne les avez-vous pas pu-
Afin de n'être pas tourmentés par la crainte de nis vous-même, comme vous avez puni Bar-
la vie future, ils s'efforcent de persuader à leur Jésus, comme Céphas a puni Ananie, mais
âme que tout est mensonger parmi nous. Et les ? Pour qu'ils soient
avez-vous livrés à Satan
plusieurs sedétournent delà en cherchant foi, instruits plutôtque punis. Paul a cependant
à tout soumettre à leurs raisonnements. Car de la puissance, comme le jour où il a dit :

c'est ainsi que l'on fait naufrage, tandis que la Que voulez-vous? que je vienne vers vous
semblable à une barque impérissable ;
foi est a avec la verge? » (I Cor. iv, 21.) Et encore :

ceux qui s'en écartent font nécessairement a Non pour que nous soyons approuvés, mais
naufrage. « pour que vous fassiez le bien », et encore :

2. Et i'apôtre l'enseigne par un exemple. Non pour perdre, mais pour édifier», (Il
Au nombre desquels», dit-il, a sont Hyménée Cor. xni, 7, 10.) Pounjuoi donc appeler Satan
et Alexandre (20) »; et il nous enseigne ainsi au cliâtiu]enl? Pour qu'avec la vigueur et la
la prudence. Voyez-vous comment, dès ce sévérité de la peine, l'humiliation fût plus
temps de faux docteurs, des gens
là, il existait grande; ou plutôt les apôtres instruisaient
inquiets qui refusent la foi et veulent tout
, eux-mêmes les infidèles et livraient à Satan
chercher par eux-mêmes? Celui qui fait ceux qui s'étaient écartés de l'Evangile. Ce-
naufrage est dépouillé de tout; de même à pendant saint Pierre punit lui-même Ananie?
cehii qui a perdu la foi,il ne reste rien ni , C'est qu'il était encore infidèle, puisqu'il ten-
point d'appui, ni port de refuge, ni une vie tait le Saint-Esprit. Afin que les infiilèlcs ap-
dans laquelle il puisse tirer quelque avantage prissent qu'ils ne peuvent rester ignorés, les
de cet état, car, si la tête est gâtée, à quoi peut apôtres les ont punis par eux-mêmes; mais
servir le reste du corps? Si la foi sans les ceux qui étant instruits se sont dévoyés, ils
mœurs est inutile, combien plus les mœurs les ont livrés à Satan, pour leur montrer que
sans Dieu dédaigne à cause de
la foi. Car, si ce n'était pas à leur propre vertu, mais à la
nous ses propres œuvres, combien plus de- garde des apôtres qu'ils devaient d'être pré-
vons-nous, à cause de lui, dédaigner les nô- servés de Satan, et que ceux qui s'emportaient
tres. Il en est ainsi, lorsqu'un homme a perdu à un orgueil insensé lui étaient livrés. 11 en
la foi il ne peut tenir nulle part, mais il floKe
; est ainsi des rois qui frappent eux-mêmes leurs
de côté et d'autre jusqu'à ce qu'enfin il soit ennemis étrangers et livrent aux bourreaux
englouti. — a Que j'ai livrés à Satan», dit ceu;j qui sont leurs sujets,
â94 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

Paul monlre que les choses se passaient le faire indignement, ne fût-ce qu'une foià
ainsi ]);ir des apôtres. D'ailleurs ce
ie soin dans la vie. Si nous sommes si insensés et si

n'était pas une faible puissance que de pou- malheureux, c'est que, commettant mille
voir commander au démon ; Paul montrait péchés durant tout le cours de l'année, nous

par que celui-ci est asservi et cède malgré


là ne nous mettons point en peine de nous en
lui aux apôtres; signe très-propre à faire bril- laver, et nous croyons qu'il nous suffit de ne
ler la grâce dont jouissaient les apôtres. Et pas commettre de continuelles insolences, de
comment les a-t-il livrés? Ecoutez-le. « Lors- ne pas fouler sans cesse aux pieds le corps du
aque vous serez rassemblés», dit-il, « avec Christ, ne réfléchissant pas que ceux qui ont
«mon esprit et la force de Notre -Seigneur crucifié le Christ ne l'ont crucifié qu'une fois;
Jésus-Christ, livrez-le à Satan». (1 Cor. ¥,4,5,) mais un péché est-il moindre parce qu'il n'est
Il était chassé de l'assemblée des fidèles, sé- commis qu'une fois ? Judas n'a trahi qu'une
paré du troupeau, abandonné, dépouillé, livré fois ;eh bien Cela l'a-t-il sauvé?
1

au loup. Comme la nuée faisait reconnaître Pourquoi donc an êter sa pensée sur le temps
le camp des Hébreux, de même l'Esprit faisait où se fait une action? Que le temps de la
reconnaître l'Eglise. Si donc quelqu'un en communion soit pour vous le temps de puri-
était éloigné, il était consumé et il en était ; fier votre conscience. Le mystère accompli à

éloigne par le jugement des apôtres. C'est Pâques n'est en rien supérieur à celui que nous
ainsi que le Seigneur a livré Judas à Satan; accomplissons en ce temps; c'est un seul et
car dès qu'il eut pris la bouchée de pain, Sa- même mystère, c'est toujours la pâtiue; vous
tan entra dans lui. (Jean, xiii, 26, 27.) Il faut le savez, initiés la veille et le jour du sabbat,'
:

conclure de cela, que ceux qu'ils voulaient le dimanche et le jour de la fête des martyrs,
convertir, ils ne les châtiaient pas eux-mêmes; c'est le même sacrifice qui est offert. «Chaque
mais ne le faisaient que pour ceux qui étaient a fois que vous mangez ce pain ou que vous
incorrigibles; ou du moins qu'ils se rendaient « buvez ce calice, vous annoncez la mort du

plus redoutables en les livrant à un autre


, Seigneur ». (Ib. 26.) L'apôtre ne limite
pouvoir. Job aussi fut livré à Satan, mais ce point le temps du sacrifice. Pourquoi, dira t-on,
n'était pas à cause de ses péchés, c'était pour l'appeler la pàque ? Parce que c'est alors que
accroître sa gloire. le Christ a souffert pour nous.
3. Bien des faits semblables se produisent Que personne donc n'approche en des con-
même de nos jours. Car si les prêtres ne con- ditions différentes dans un temps et un autre
naissent pas tous les pécheurs, tous ceux qui temps; c'est la même vertu du sacrifice, la
participent indignement aux saints mystères, même dignité, la même grâce, le même corps;
Dieu les souvent lui-même à Satan.
livre cette hostie n'est pas plus sainte, cette autre in-
Lorsque les maladies, les trahisons, les dou- férieure en dignité. Vous le savez vous-mêmes,
leurs et les calamités de toutes sortes nous car vous ne voyez rien de nouveau, que ces
arrivent, la cause en est là. C'est ce que tai)isseries terrestres et cette foule parée. Ce que
dit Paul par ces paroles « C'est pour cela : ces jours ont de plus que les autres, c'est iju'ils

« que parmi vous plusieurs sont faibles et furent le principe du jour de notre salut, où le

a débiles, et que ceux qui l'ont mérité dor- Christ a été immolé ; mais quant aux mystères
o ment ». (I Cor. xi, 30.) Et comment cela, eux-mêmes, ils ne l'emportent point sur les au-»

dira-l-on, tandisque nous n'approchons qu'une très. Comment donc, diles-moi, vous lavez-vous
fois chaque année de la sainte table? Et voilà la bouche pour prendre une nourriture maté-
ce qui est effrayant c'est que ce n'est point la
; rielle, et ne lavez-vous pas votre âme, mais
pureté de la conscience mais l'intervalle , demeurez-vous plein d'impureté pour appro-
écoulé qui détermine pour vouslaconvenanco cher de la sainte table ? Les quarante jours de
de cet acte vous croyez que la prudence con-
; jeûne ne suffisent-ils pas, direz-vous encore,
siste à ne pas approcher souvent, ignorant pour nous purifier des nombreuses immon-
que la communion indigne, ne fût-elle faite dices de nos péchés? Mais, dites-moi, à quoi
qu'une seule fois, vous a souillés, tandis qu'une servirait-il de nettoyer la place où l'on versera

communion dignement faite, même souvent des parfums abondants, si, peu après les
répétée, vous sauverait. Ce n'est point témérité avoir répandus, on y jette du fumier? La
qw (l'approcher eouv^jnt; la téinéfité c'est de bonno odeur ne disparaU-elle pas? C'e»l <^
éÔMMENTAlRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE VL 29^

qui nous arrive nous nous sommes roinUis


:
aelion?, « est comme !e chien qui revient à
seion notre pouvoir, dignes de l'Eiicliaristie an a son vomissenient Que mon labeur ne soit
».

moment d'en approcher puis nous nous ;


pas inutile. Car c'est ainsi que nous pourroiis
souillons de nouveau. Nous disons ceci de ceux être jugés dignes de ces récompenses que je
qui peuvent se purifier réellement durant le souhaite que nous obtenions tous, en Jésus-
Carême. Ne i...:ligeons point notre salut, je Christ Notre-Seigneur, avec qui soient au Père
, vous en conjure. Car, dit l'Ecriture, l'homme etau Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur,
'

qui s'éloigne de son péché et qui ensuite maintenant et toujours, et aux siècles des siè-
rentre dans les mêmes voies et fait les mômes cles. Ainsi soit-il.

HOMELIE VI.

JE TOtJS CONJURE DONC QU'AVANT TOIT DES DEMANDES, DES PKIÈRES, DES SIIPPIIC '.TIONS, DES ACTIONS
DE GRACES SE FASSENT POUR TOUS LES HOM.IÎES, POUR LES BOIS ET TOUS CEUX QUI SONT ÉLEVÉS EN
DIGNITÉ, AFIN QUE NOUS MENIONS UNE VIE PAISIBLE ET TRANQUILLE, EN TOUTE PIÉTÉ ET ITETENUE. CAR
VOILA CE QUI EST BEAU ET DIGNE, AUX VEUX DE DIEU NOTRE SAUVEUR, QUI VEUT QUE TOUS LES
UOUUES SOIENT SAUVÉS, ET ARRIVENT A RECONNAÎTRE LA VÉRITÉ, (il, 1-4.)

Analyse.
1. Le devoir du prêtre est de prier pour toute la terre. — Le chrétien doit avoir une élévation d'âme par laquelle il ne soit pka
possible à rien de terrestre de l'alteindre et de le blesser.
8. Ne pas (aire d'imprécation contre ses ennemis, ne pas prier contre eux.
3. Ne pas se contenter d'entendre la prédication, la mettre aussi en pratique.

4. Le prêtre, sur toute la terre, est comme porté par son père, le frappe au visage, la
un père commun. Il doit donc prendre soin tendresse du père envers lui n'en sera jioiut
de tous, comme le fait le Dieu dont il est le diminuée ; de même, si nous sommes frappés
prêtre. C'est pour cela que l'apôtre dit « Je : par les païens, nous ne devons rien perdre de
a vous conjure d'abord qu'avant tout des de- notre bienveillance pour eux.
« mandes, des prières se fassent». Car il en Et que veulent dire ces mots: «Avant tout?»
résulte deux biens l'inimitié que nous avons
: Ils veulent dire Dans le culte rendu à Dieu
:

'
pour ceux qui sont étrangers à notre foi chatjue jour. Ceux qui sont initiés savent com-
s'évanouit nul en effet ne pourra conserver
; ment celte prière se fait tous les jours soir et
de la haine envers celui pour qui il prie et ; malin comment nous adressons nos vœnx
;

eux-mêmes deviendront meilleurs par l'effet pour le monde entier, pour les rois et Ions
des prières adressées pour eux, et parce qu'ils ceux qui sont élevés en dignité. Mais peut èlre
cesseront d'être furieux contre nous. Il n'est on dira que par ces mots o Pour tous les :

rien qui persuade si bien de se laisser instruire a hommes », l'apôLre entend, non le genre
que d'aimer et d'être aimé. Réfléchissez à ce humain, mais les fidèles. Comment disait-il
que devaient ressentir des hommes qui ma- donc a Pour les rois », car alors il n'y avait
:

chinaient contre nous ,


qui nous livraient pas de rois qui fussent chrétiens mais pen- ;

aux jouets, à l'exil, à la mort, en apprenant dant longtemps ce furent des rois impiessuccé-
que ceux qui éprouvaient ces cruels traite- dant à des rois impies. Et afin que sa parole fiîl
ments adressaient à Dieu des prières assidues exempte de ûatleries, il a dit d'abord « Pour :

pour leurs persécuteurs. Vous voyez combien « tous les hommes », et ensuite « Pour les :

l'apôtre veut que le chrétien soit élevé au- rois ». Car s'il n'eût parlé que des rois, il au-
dessus de tout. Qu'un petit enfant sans raison, rait pu donner lieu à ce soupçon Ensuite, parce .

qu'il était vraisemblable que l'âme d'un chré-


* Mfii roùt i?u. On voit par la suite du passage que la pensée tien serait glacée à celte parole , et n'accueil-
de l'orateur te reporte spécialement sur l'époque où vivait l'apOtro
J

^\t (eit«, une |>wti« d« tw «tidltoi{« «vsii vu Juliiai lerait pas l'avis qu'il kut olTrir des piièrea
âôft TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSÔSTOMÈ.

pour un païen, au moment de la célébration vous maudissez, car vous irritoz Dieu en pro»
des mystères, voyez ce qu'ajoute lapôtre, et nonçant des paroles impies Faites-lui sentir :

(|ucl avantage il afm que son avis soit


signale ceci, f.iilcs-liiictla, frappez-le, rendez lui le mal
reçu. « Alin », dit-il, a que nous passions une qu'il me fait. Loin des disciples du Christ de
a vie paisible et tranquille ». C'est-à-dire que telles paroles ils sont faciles et doux; loin
:

le salut de ceux-là, c'estpour nous le repos ; d'une bouche qui est jugée digne de recevoir
c'est ainsi que, dans l'épître aux Romains, les de tels mystères. Qu'elle ne prononce rien
engageant à obéir aux princes, il dit qu'on le d'amer, rien de dur ; la langue sur laquelle
doit faire, non-seulement par nécessité, mais vient reposer le corps divin , gardons-la pure,
aussi par conscience. Car c'est pour l'ulilité en ne lui faisant pointproférer d'imprécations.
commune que Dieu a établi les puissances. Ne Car, si les médisants n'hériteront point du
serait-il donc pas déraisonnable qu'ils mar- royaume de Dieu, combien plus ceux qui
chent à la guerre et dressent des armées, afin maudissent. Celui qui maudit se rend néces-
que nous vivions en sécurité et que nous ne sairement coupable d'offenses envers son pro-
fassions pas même de prières pour ceux qui chain. Prier l'un pour l'autre et s'en rendre
s'exposent aux périls et aux fatigues de la coupable sont choses incompatibles l'impré- ;

guerre ? Ce n'est donc point flatterie, mais cation et la prière sont séparées par un abîme.
justice. Car s'ils n'étaient point préservés dans Vous priez Dieu d'être miséricordieux envers
les périls et n'acquéraient point d'honneur à vous et vous maudissez un autre homme? Si
la guerre, nous serions dans le trouble et les vous ne pardonnez, il ne vous sera point par-
alarmes nous serions obligés, s'ils étaient
; donné ; et non-seulement vous ne pardonnez
massacrés par l'ennemi, ou de marcher nous- pas, mais vous priez Dieu de ne pas pardonner.
mêmes aux combats, ou de fuir et d'errer en Comprenez-vous cet excès de malice ?S'il n'est
tous lieux. Us sont pour nous comme des point pardonné à celui qui ne pardonne pas,
remparts qui gardent en paix les habitants comment le à celui qui supplie le
serait-il
d'une ville. —a Des demandes, des prières, Maîlre commun de ne pas remettre la delte?
« des supplications, des actions de grâces ». Ce" n'est pas à votre ennemi que vous nuisez,
Nous devons en effet rendre grâces à Dieu, mais à vous-même. Non, si Dieu allait vous
même pour le bien qui arrive aux autres ; exaucer priant pour vous-même, vous ne
de ce qu'il fait lever le soleil sur les méchants serez point exaucé, parce que vous priez d'une
et les bons, et donne la pluie aux justes et aux bouche criminelle cette bouche est vraiment
;

injustes. Voyez-vous que ce n'est pas seule- criminelle et impure, pleine de toute infection
ment par la prière, mais par les actions de et de toute impureté. Vous deviez trembler à
grâces qu'il nous unit comme en un seul cause de vos péchés, et ne faire effort que
corps ? Car celui qui est obligé de remercier pour obtenir grâce, et vous venez vers Dieu
Dieu du bonheur de son prochain, est obhgé pour l'exciter contre votre frère? Ne craignez-
de l'aimer, d'être animé envers lui de senti- vous donc point? Ne vous inquiétez- vous
ments de bienveillance. Et si nous devons point pour vous-même? Ne voyez- vous pas à
rendre grâces pour le bien qui est fait au quelle issue vous arrivez?
prochain, combien plus pour celui qui nous Imitez au moins les enfants qui vont à
est lait, même à notre insu pour le bien qui
; l'école : lorsqu'on demande à leur division
nous est fait avec ou malgré notre volonté, et compte de ce qu'elle a appris, et que toussent
même pour ce qui nous paraît fâcheux, car châtiés pour leur paresse qu'ils sont l'un
,

Dieu dispose tout pour notre bien. après l'autre examinés sévèrement et accablés
2. Que toute prière soit donc pour nous de coups, chacun meurt de peur; et quand un
accompagnée d'actions de grâces. Mais s'il de ses condisciples l'aurait battu cent fois,
nous est ordonné de prier pour notre pro- de se mettre en colère,
l'élève n'a pas le loisir
chain, non-seulement fidèle, mais aussi infi- mais la crainte l'occupe tout entier ; il ne s'a-

dèle, réfléchissez combien il est criminel de dresse point à son maître, mais n'a qu'une
prononcer des imprécations contre nos frères. seule chose en vue, c'est d'entrer et de sortir
Que direz-vous? L'apôtre vous a ordonné de sans être frappé ; c'est là le seul point dont il

prier pour vos ennemis et vous maudissez s'occupe; quand il est parti, il ne pense même
son camarade 1'^
>9lre frèrç, Ce n'est pa§ lui, c'est vous que pas, tant il est eoutent, si
,

COliMENTAlRE son LA I" ÊPITRÈ A tIMOTlîÉE. — HOMÉLIE VL 20"?

baltii ou non. Et vous qui êtes là, songeant à cherchant à l'irriter contre ceux des antres :
vos (léeliés, vous ne fféiiii-si z p^-;, paixo que « On usera envers vous de la mesure dont

vous vous rappelez les actions des autres ? Et a vous aurez usé envers les autres , et vous

comment implorez-vous Dieu? En deniandaut « serez jugés comme vous aurezjngé». (Mallh.

qu'il sévisse contre votre frère, vous empirez VII, 2.) Soyons miséricordieux, afin que nous

•votre situation vous ne permettez pas que


,
obtenions de Dieu miséricorde.
Dieu vous pardonne vos fautes. Comment, en 3. Je voudrais que, ne vous bornant point à

effet, dit-il, si tu veux que je demande un entendre ces paroles, vous fussiez fidèles à les
compte sévère des torts qu'on a eus envers observer. Maintenant elles ne vous laissent
toi, comment me demandes-tu de te pardon- qu'un souvenir, et bientôt il sera lui-même
ner tes propres offenses envers moi ? Appre- effacé quand vous vous serez dispersés , si
;

nons enfin à être chrétiens. Si nous ne savons quelqu'un de ceux qui ne sont pas venus ici
pas prier, ce qui est doux et bien facile, com- vous interroge sur ce que nous avons dit, les
ment saurons-nous le reste? Apprenons à uns ne sauront que dire, d'autres sauront seu-
prier comme des chrétiens. Ce ne sont pas là lement répondre quel a été le sujet de l'ho-
des prières de chrétiens, mais de juifs celles ;
mélie, savoir que le prédicateur a dit qu'il ne
du chrétien, tout au contraire, c'est de deman- faut point avoir de ressentiment, mais au con-
der pardon et miséricorde pour les offenses traire prier pour ses ennemis; ajoutant qu'ils

commises envers lui. « Nous sommes maudits, ne chercheront point à reproduire toute la
«et nous bénissons », dit l'apôtre; « nous suite de mes paroles car ils ne sauraient s'en
,

sommes persécutés, et nous le supportons ; souvenir; d'autres se souviennent de quel-


«nous sommes calomniés, et nous prions». ques minces lambeaux. C'est pourquoi je vous
(I Cor. IV, 12, 13.) invite, si vous ne tirez nul profit de mes dis-
Ecoutez ce que dit Etienne « Seigneur, ne
: cours, à ne point vous atiaclier à m'entendre.
«leur imputez pointée péché». (Act. vu, 59.) Car que vous en revient-il, sinon un jugement

Non-seulement il n'apoint lancé d'imprécation plus sévère, un châtiment pins rigoureux,


contre ses bourreaux, mais il a prié pour eux ;
pour demeurer dans le même état après tant
et vous, non-seulement vous ne priez pas pour d'avertissements? Dieu nous a donné une for-
vos ennemis mais vous les maudissez. De
, mule de prière afin que nous ne demandions
même donc qu'il est digne d'admiration, vous, rien de terrestre et d'humain. Vous savez, vous
vous êtes un misérable. Qui admirons-nous, qui êtes fidèles, ce qu'il faut demander, et
dites-moi? Ceux pour qui Etienne priait, ou dans quel sens conçue toute la commune
est
l'auteur de cette prière ? Celui-ci assurément. prière. Mais il dans cette prière,
n'est pas dit ,

Et si nous pensons ainsi, combien plus Dieu me répondrez-vous, que nous devons prier
lui-même. Tu veux que ton ennemi soit châ- pour les infidèles. C'estque vous ne connaissez
tié? Prie pour lui, mais non dans cette pensée, pas la force de cette prière, sa profondeur et le
non pour l'atteindre; cet effet sera produit, trésor qu'elle renferme; si l'on y pénètre, on

mais ne le fais pas dans ce but. Bien que ce l'y trouvera. Car lorsque l'on dit dans sa
saint personnage souffrît injustement cette prière : « Que votre volonté soit faite sur la
persécution , pour ses bourreaux
il priait ;
« terre comme au ciel», c'est là le sens qui se

tandis que nous souffrons souvent de la part trouve caché dans cette parole. Comment cela?
de nos ennemis des maux que nous méritons. C'est qu'au ciel il ne se trouve ni infidèle ni
Et si, souffrant contre toute justice, il n'a prévaricateur. Si donc il n'était question que
point osé maudire bien plus s'il n'a pas osé
; , des fidèles, cette parole n'aurait pas de sens ;

ne point prier pour ses ennemis nous qui , car si les fidèles devaient seuls accomplir la
souffrons avec justice et qui cependant non- , volonté de Dieu, et qu'elle fût enfreinte par
seulement ne prions point pour les nôtres les infidèles, elle ne serait point accomplie
mais les maudissons au contraire de quel , comme dans le ciel. Et quoi encore? Au ciel,

châtiment ne sommes-nous pas dignes? Vous il n'est point de pervers ;


qu'il n'en soit donc
paraissez blesser votre ennemi, mais en réalité plus sur la terre; attirez-les tous, mon Dieu, à
c'est en vous-même que vous enfoncez l'épée, votre crainte, faites des anges de tous les
puisque vous ne permettez point que le juge hommes, quand ils seraient nos ennemis «|^
'

fe HiQntre miséricordieux pour vos iiécbéa, en ceux de l'empire,


éôé TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMë.

Ne voyez -vous pas combien chaque jour ses bonnes actions. De même, nous aussi, c'est
Dieu est blasi)hémé? Combien il est outragé parce que nous n'avons nulle patience , parce
par les iiilidèlesetpar les chrétiens, en paroles que nous ne pratiquons point cette vertu, que
et en actions? Eh bien a t-il pour cela éteint!
nous montrons de l'aversion pour de tels dis-
le soleil, voilé la lune, brisé le ciel, boule- cours; si notre pratique y était conforme ils ,

versé la terre, desséché la mer, fait disparaître ne nous déplairaient pas. Si donc vous ne
les sources des eaux, troublé les airs? Nulle- voulez pas que nous vous soyons à charge et
ment, mais il fait nu contraire lever le soleil, odieux, conformez-vous à nos avis, montrez-
tomber la pluie, pousser les fruits, et il nour- le par vos actions, car nous ne cesserons point
rit chaque année les blasphémateurs, les in- de revenir sur le même sujet jusqu'à coque
sensés, les criminels, les persécuteurs, non un vous soyez convertis. Oui, c'est par zèle et ten-
jour ni deux ou trois jours, mais durant toute dresse pour vous que nous agissons ainsi ;
leur vie. Imitez-le, elîorcez-vous de le faire c'est aussi à cause du péril qui nous menace
suivant l'humaine puissance. Vous ne pouvez nous-même. Le trompette doit sonner quand :

pas faire lever le soleil? Ne dites pas de mal nul ne marcherait à l'ennemi il remplit son ,

de vos ennemis. Vous ne pouvez leur donner devoir. Ce n'est donc pas pour aggraver votre
la pluie? Ne les injuriez pas. Vous ne pouvez châtimentque nous agissons ainsi, mais pour
les nourrir? Ne les insultez pas dans l'ivresse. dégager notre responsabilité. Ensuite notre
De votre part ces bienfaits sufûront. En Dieu, charité pour vous nous anime; nos entrailles
la bienfaisance envers les ennemis se mani- sont saisies et déchirées, quand de tels péchés
feste par des actes; manifestez-la du moins se produisent. Mais qu'il n'en soit point ainsi.
par des paroles : priez pour votre ennemi , et Ce que nous vous demandons là n'exige ni dé-
ainsi vous serez semblable à votre Père qui pense, ni longue route, ni sacrifice de riches-
est dans les cieux. Mille fois nous avons parlé ses; il ne faut que vouloir, qu'un mot, qu'un
de ce sujet, et nous ne cessons point de le acte de volonté. Gardons notre bouche, met-
faire; que seulement il s'opère quelque pro- tons-y une porte et un verrou, afin de ne pas
grès. Nous ne nous engourdissons point, nous prononcer une parole qui déplaise à Dieu.
ne nous lassons point de |)arler nous ne nous , C'est notre intérêt même plutôt que l'intérêt
décourageons point, vous seulement ne pa- de ceux pour qui nous prions. Réfléchissons
raissez pas vous dégoûter de nous entendre. que ennemi se bénit lui-
celui qui bénit son
Or, on paraît se dégoûter quand on ne tient même, que celui qui le maudit se maudit
et
nul compte dus discours que l'on entend, car lui-même; que celui qui prie pour son en-
celui qui s'y conforme, veut les entendre en- nemi prie pour soi plutôt que pour lui. C'est
core, n'y trouvant point un sujet d'ennui, ainsi que nous pourrons réaliser ce progrès et
mais des éloges. Le dégoût ne vient que de ce obtenir les biens i)romi?, que je souhaite à
qu'on n'observe point ce qu'on entend c'est ; tous, par la grâce et la bonté de Noire-Seigneur
ainsi que le prédicateur devient à charge. Jésus-Christ, avec qui soient au l'ère et au
Dites-moi, si un homme
l'aumône et fait Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, à
entend un sermon sur l'aumône, non-seule- présent et toujours, et aux siècles des siècles.
ment il n'hésite pas à venir l'écouter, mais il Ainsi soit-il.
s'y plaît comme si l'on racontait et publiait

HOMELIE VIT.
AFIN QVt NOrS MHNIONS t'NK VIE rU«:ni.R KT TRANQUILLE, EN TOCTE PIÉTÉ ET RETEM'R. C\R VOILA CB
QVl EST BEAU El UKiNE, ALX Yia\ Uc. DIRU KOTHE SAUVEUR, yUl VFUT yUE TOUS LES LO.M.«iiS SOIENT

SAUVÉS KT ARRIVENT A RECONNAÎiRE LA VÉRITÉ, (il, 2-4 JUSQU'A ".,

Analyse.
t. Il 'y i trois sortes de gncrrcs, celle qac nous font les élraagers, celle qu« les concitoyeas se font ealre ettX| celle que fiOSI
fioui Uitou à oous-ioiffle : celle-ci est li pire des trois.
,

ÊÔMMENTAÎRE SUR LA I"* ËPITRE A TIMOTHÉE. - HOMELIE Mî. §69

2. Il n'y a qu'un Dien et qii'nn raédinleur cnlrp, Dieu et les hommes, Jéàus-Chrisl.
3. Eïlioitation à l'aumôue. — Néaiil des liclicssi-s.

veut que les guerres des na-


1. Si l'apôtre ne s'arrête pas là, mais ajoute : « En toute
tions, les combats et les troubles s'apaisent, et « piété et retenue». Or, on ne peut vivre dans
s'il exhorte, pour ce motif, le prêtre à faire la piété et la retenue sans jouir de cette paix.

des prières pour les rois et les princes à bien , Car lorsque des raisonnements inqtiiets trou-
plus forte raison les simples fldèles doivent le blent notre foi , quelle paix pouvons-nous
faire. En effet, il y a trois sortes de guerres qui avoir ? Lorsque nous sommes agités par le
sont cruellement douloureuses la première, : souffle du pouvons-
libertinage, quelle paix
quand nos combattus par les Bar-
soldats sont nous avoir? veut donc prévenir la pensée
Il

bares; la seconde, quand , pendant la paix, qu'il parle d'une paix terrestre , quand il dit :
nous combattons les uns contre les autres la ; « Afin que nous menions une vie paisible et
troisième enfin, quand chacun combat contre « tranquille en ce sens, une vie p.-.isible
d ; car,
lui-même; et celle-ci est la plus douloureuse et tranquille peut être menée par les gentils ,

de toutes. Celle des Barbares ne saurait nous les gens déréglés, ceux qui se livrent à la mol-
nuire beaucoup. Que vous feraient-ils ? Ils lesse et aux plaisirs. Sachez donc qu'il ne p:ir!e
égorgent, ils tuent; mais ils ne nuisent point point de celle-là, mais de celle que l'on trouve
à l'âme. La seconde même, si nous le voulons, dans la piété et la retenue. Car cette autre vie
ne nous fera point de mal. Quand d'autres est pleine d'embûches et de combats l'âme ,

nous attaqueraient nous pouvons demeurer , étant chaque jour atteinte par le trouble des
en paix car écoutez ce que dit le Prophète
, : raisonnements; ce n'est donc point d'elle qu'il
o Au lieu de m'aimer, ils me calomniaient parle, mais de celle qui réside en toute iiicté.
a mais moi je priais » (Ps. cvni 4) et en- , ; « En toute piété » dit-il, pour que l'on
,

core a Avec ceux qui haïssaient la paix, j'é-


: ne pense pas qu'il s'agit seulement de la
B tais pacifique » (Ps. cxix, 7) ; et: « Ils m'at- croyance mais aussi de la conduite car
, ;

a laquaient gratuitement ». Mais pour la troi- c'est là qu'il faut chercher la piété. Que
sième, on ne peut échapper au péril. Car lors- gagnent ceux qui, pieux quant à leuf foi,
que le corps est en lutte contre l'âme, lorsqu'il sont impies dans leur conduite? Et pour ne
éveille de fâcheuses passions, arme les volup- pas douter qu'il y ait aussi là de rimjiiété ,
tés, suscite l'entraînement de ou de
la colère écoutez ce bienheureux dire autre [);irt :

l'envie, il est impossible , si guerre n'est


cette « Ils avouent connaître Dien , et ils le nient

réprimée, d'obtenir les biens promis; mais « par leurs actes » (Tit. i , 16); et aussi : « Il
nécessairement celui qui laisse durer ce trou- a a nié sa foi qu'un infidèle »
et est pire
ble, tombe, reçoit des blessures, et cette guerre (I Tim. v, 8); ailleurs «Si quelqu'un est :

enfante la mort de l'enfer. Il nous faut donc « nommé frère et est impudique, ou avare,

chaque jour vivre dans la sollicitude et la vi- oou idolâtre» (I Cor. v, i\), celui-là n'ho-
gilance, afin que cette guerre ne naisse point nore pas Dieu. L'Ecriture dit aussi que « Celui
en nous, ou si elle naît, qu'elle no persiste
, « qui haitson frère ne connaît pas Dieu» (1 Jean, .

point, mais soit apaisée et assoupie. Car quel II , 9.) Vous voyez combien il y a de sortes
avantage auriez-vous si la terre jouissant , , d'impiété. C'est pourquoi l'apôtre dit : « En
d'une paix profonde, vous étiez en guerre «toute piété et retenue». Car ce n'est pas
contre vous-même? C'est la paix avec nous- l'impudique seul qui manque de retenue ;
même qu'il est nécessaire d'avoir si nous la ; mais l'homme cupide, l'homme sans frein
possédons, rien du dehors ne pourra nous méritent le même reproche; il y a là une
nuire. passion non moindre que la volupté. Celui
Mais la paix du pays y contribue notable- donc qui ne réprime pas est un homme
la
ment; c'est pourquoi le texte dit : « Afin que sans frein, car on appelle ainsi celui qui ne
a nous menions une vie paisible et tranquille». refrène pas ses passions. Je donnerai donc ce
Mais celui qui est troublé pendant la paix est nom à l'homme colère, à l'envieux, à l'avare,
bien malheureux. Voyez -vous que l'apôtre au perfide, à tous ceux qui vivent dans le
parle de cette sorte de paix , de troisième?
la péché; tous sont sans retenue ni modération.
C'est pour cela qu'en disant : o Afin que nous « Car voilà ce qui est beau et digne aux yeux

fi
ïawm9 uae vie paisible et traQi^ulUe » , il a de Dieu notre Sauveur ». Et qu'est-ce?
U'wt
M tUADL'CTîON Fr.AXÇAISt: DÉ SAINT JEAN Clir.YSOlVroMË.

do jirior pour tous; voilàcciiiieDieu accueille, a naître la vérité » , montrant ainsi que la
voilà ce qu'il veut, lui a qui veut que tous les terre n'en est point en possession; puis : « 11

« hommes soient sauvés et arrivent à recon- n'y a qu'un seul Dieu » , et non plusieurs ,

« naître la vorité ». comme le croient les gentils. Pour montrer


2. Imitez Dieu : puisqu'il veut que tous que Dieu veut (|ue tous soient sauvés, il ajoute
soient sauvés, vous devez apparemment prier qu'il a envoyé son Fils comme médiateur. Eh
pour tous; s'il a souhaité que tous le fussent, quoi, le Fils n'est-il pas Dieu? Oui, certes.
souhailez-le aussi. Et s'il en est ainsi, priez, Pourquoi donc l'apôtre dit-il Un seul? Par :

car c'est pour de tels objets qu'il faut prier. opposition aux idoles et non au Fils car , i^l

Voyez-vous comment l'apôtre a de toutes parts parle à la fois ici de la vérité et,de l'erreur.
fait pénétrer dans nos âuies le devoir de prier Mais le mé<lialeur doit participer à ceux dont
même pour les nous montre l'avan-
païens? 11 il est le médiateur; ressciice dela médialion

tage immense que nous eu retirons, en disant: est de tenir et de participer à tous deux; s'il
B Afin que nous menions une vie paisible tient à l'un et est séparé de l'aulre, il n'est pas
« et tranquille » il nous montre aussi ce
; médiateur. Si donc il ne parliciiie pas à la na-
motif bien supérieur, que cela idaît à Dieu et ture du Père, il n'est i)oint médiateur, mais
que nous devenons ainsi semblables à lui, séparé. Car de même qu'il participe à la nature
en ayant le même vouloir que lui. Cela devrait humaine ,
i>arce([u'il est venu parmi les hom-
suffire pour faire honte même à une bêle féroce. mes, il participe à celle de Dieu, parce c]u'il
Ne craignez donc pas de prier pour les païens, est venu de Dieu. Puisqu'il est le médiateur de
Dieu lui-même le veut; craignez seulement de deux natures, il ne peut en être isolé. Comme
maudire, car c'est là ce qu'il ne veut pas. Et un lieu intermédiaire entre deux autres les a
s'il faut prier pour les païens, il est clair qu'il tous deux pour voisins, de même en doit-il
faut aussi prier pour les hérétiques car nous , être pour celui qui est le lien entre deux na-
devons le faire pour tous les hommes, et non tures. S'il s'est fait homme, il n'en était pas
les persécuter. Oui il est beau de prier pour
, iïicids Dieu. Simplement homme, il n'aurait
eux n'ont-ils pas avec nous une môme na-
: pu être médiateur, car il fallait qu'il traitât
ture ? Dieu loue et agrée l'amour et la ten- avec Dieu môme simplement Dieu, il ne l'au-
;

dresse que nous avons les uns pour les autres. rait pu encore, car ceux pour qui il se faisait
Mais, dira-l-on, si le Seigneur a cette volonté, médiateur ne l'auraient pas reçu.
qu'a-l-il besoin de nos prières? Il est fort utile Car de même que dans un autre endroit
aux païens et aux hérétiques que nous les fas- l'apôtre dit a II n'y a qu'un Dieu le Père... et
:

sions; elles les entraînent à nous aimer et « un Seigneur Jésus-Christ» (1 Cor. vui, 6), ainsi

vous empêchent vous-mêmes de vous aigrir : en ce passage mémo, il dit un Dieu et un mé-
tout cela est propre à les attirer à la foi. Car diateur. Il ne met pas « deux », car il parlait
beaucoup d'hommes se sont éloignés de Dieu ici du polythéisme et ne voulait pas (jue per-

paranimosité contre les hommes. C'est là le sonne abusât du mot a deux » pour supposer
salut dont parle l'apôlre, quand il dit: «Notre deux dieux il a dit o un » et puis encore il
;

« Sauveur qui veut que tous les hommes dit a un ». Voyez-vous quelle précision de lan-
« soient sauvés » : c'est là le salut véritable; gage on trouve dans l'Ecriture Un et un sont !

tout autre est peu de chose et n'a que le nom deux, mais nous ne prononcerons jias ce mot,
et le titre de salut. — « Et arrivent à re- bien que le raisonnement nous y invite. Ici
c connaître la vérité ». La vérité , c'est la foi vous ne dites pas Un et un, deux. Vous dites
:

en lui. L'apôlre, en effet, a d'abord averti ce que le raisonnement ne vous suggère pas. S'il
Timothée d'exhorter les hommes à ne point est né, il a souffert. « Il n'y a », dit-il, « qu'un
enseigner de nouvelles doctrines. Et pour o seulDieu et qu'unseul médiateur entre Dieu
qu'il ne trouve \>à: en eux des ennemis pour , a et les hommes, c'est Jésus-Christ, qui est
qu'il n'engage pas de luttes contre eux que , a homme, qui s'est donné comme rançon pour
lui dit-il encore? Dieu veut que tous les hom- « tous». (I Tim. u, 5, 0.) Eh quoi? pour les
mes soient sauvés et arrivent à reconnaître la païens aussi? U est le Christ et il est mort pour
vérité. Il ajoute : « Il n'y a qu'un seul Dieu, eux, et vous, vous no consentez pas à prier
« et qu'un seul médiateur entre Dieu et les pour eux ! Comment donc, niedira-l-on, n'ont»

y UQmmea (5) », Il a dit : <r Arrivent à recoû« iU pas cru? Parce qu'ils ne l'ont pas voulUi
Commentaire sur la i» épitre a timothee. - homélie vit. 30i

Le « lé- distrait privé de nourriture il est malade,'


mais, ce qu'il avait à faire, il l'a fait. ;

c moignage » dont parle l'apôtre (Ibid.), c'est il manque de vêtements et nous n'y prenons

sa passion. Car il est venu rendre témoignage pas garde. Quelle colère, quels châtiments, quel
à la vérité du Père, et il a été égorgé. En sorte enfer ne mérite pas une telle conduite? Quand
que non-seulement le Père lui rend témoi- iln'eût rien fait que daigner s'approprier les
gnage, mais lui aussi au Père. « Pour moi », soulîrances des hommes, que nous dire : J'ai
dit-il, «je suis venu au nom de mon Père ». faim, j'ai soif, n'élait-ce pas assez pour nous
(Jean, v, 43.) Et ailleurs a Nul n'a jamais vu : entraîner tous ? Mais, ô tyrannie des richesses,

a Dieu ». (i, 18.) Et encore « Afin qu'ils vous : ou plutôt, ô perversité de leurs esclaves vo-
«connaissent, vous le seul Dieu véritable » lontaires, de telles pensées ont peu de pou-
(xvii, 3) ; et : a Dieu est esprit ». (iv, 24.) Il a voir; nous sommes lâches et dissolus, abjects
donc rendu témoignage jusqu'à la mort « en et terrestres, charnels et insensés ; car ce ne
a son temps » , c'est-à-dire au temps op- sont pas les richesses qui ont celte puissance.
portun. Que peuvent-elles? Dites-le-moi; elles sont
3. a C'est pourquoi j'ai été placé comme pré- muettes et inanimées. Si le diable, si le mau-
« dicateur et apôtre (je dis la vérité, je ne vais génie ne peut rien sur nous, malgré toute
a ments point) ; docteur des nations dans la foi sa malice et bien qu'il trouble tout, quelle
« et la vérité (7) ». Puis donc que le Sauveur force possèdent les richesses? Quand vous
a souffert pour les nations, et que c'est aussi voyez de l'argent, pensez que c'est de l'élain.
pour être docteur des nations que j'ai été mis Mais vous ne le pensez pas? Pensez alors, ce
à part, pourquoi ne priez-vous pas pour les qui est vrai, que c'est de la terre, car il fait
gentils? Il réclame la confiance, comme ayant partie de la terre. Mais ce raisonnement ne
été mis à part pour être le docteur des na- fait point impression sur vous? Pensez donc

tions car les apôtres s'étaient montrés bien


; que nous mourrons, nous aussi que beau- ;

Ion Isa cet égard. Il ajoute a docteur des nations, coup de ceux qui l'ont possédé n'en ont tiré
a dans la foi et la vérité ». « Dans la foi» — ; presque nul profit qu'un grand nombre de ;

ne pensez pas que ce soit un leurre, car il dit ceux qui s'en sont enorgueillis sont devenus
aussi « Dans la vérité »
: ce n'est point une ; cendre et poussière, qu'ils subissent aujour-
fraude. Vous voyez que la grâce s'étend; chez d'hui les plus rigoureux châtiments, et que bien
les juifs on ne faisait point de prières pour un des hommes qui reposaient sur des lits d'ivoire
tel but mais maintenant la grâce s'est éten-
; sont maintenant beaucoup plus misérables
due, a Docteur des nations dans la foi et la que ceux qui avaient des vases de terre et de
o vérité». —
«Qui s'est donné comme rançon». verre, plus dénués que ceux qui vivaient dans
Comment a-t-il été livré par son Père? C'est la fange. Mais cela réjouit la vue ? 11 est bien
que sa bonté l'a voulu. Qu'est-ce que cette d'autres objets qui le peuvent davantage. Les
rançon ? Il devait punir ces hommes; ils de- fleurs, l'air pur, le ciel, le soleil la réjouissent
vaient périr; mais à leur place il a livré son bien plus. L'argent se rouille au point que
propre fils, afin que la croix fût prêchée. quelques-uns ont montré qu'il est noir,
C'en est assez [lour attirer tous les hommes comme on le voit, puisqu'il noircit la serviette
et pour faire connaître la charité du Christ; qui l'essuie : rien de semblable dans le soleil,
car de tels bienfaits sont immenses et inénar- dans le ciel et dans les étoiles. Les fleurs ont
rables. Il s'est immolé lui-même pour ses en- un aspect bien plus agréable que la couleur de
nemis, pour ceux qui le haïssent et se détour- l'argent. Ce n'est donc pas son éclat qui vous
nent de lui. Ce qu'un homme ne ferait pas enchante, c'est la cupidité, c'est l'injustice;
pour ses amis, pour ses enfants pour ses frè- ,
c'es''-ià ce qui séduit les âmes et non l'argent
pour ses serviteurs et
res, le Maître l'a fait ; lui-même.
non un maître de la même espèce qu'eux, mais Chassez de votre âme, et vous
la cupidité
un Dieu pour des hommes et pour des hommes si digne d'estime,
verrez que ce qui vous paraît
coupables. Ce qui ne se fait pas pour ses est plus méprisable que la boue. Chassez la
semblables, s'est fait alors, et nous, objets l»assion quand ceux qui ont la fièvre aper-
:

d'une nous semblons nous y re-


telle cliaiilé, çoivent une eau bourbeuse, ils désirent s'en
fuser, nous n'aimons pas le Christ. Il s'est abreuver, comme si c'était une source; ceux
immolé pour nous, et nous le voyons d'un œil dont la santé est bonne ne désirent de l'eau
302 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

que par intervalles. Eloignez la maladie, et regarder : bientôt ce lien lui paraîtra pesanl
vous verrez les choses comme elles sont réel- et insupportable. Redoutons, mes bien-aimés,
lement et pour vous prouver que je ne ments
;
d'entendre ces redoutables paroles : o Liez-lui

point, je puis en produire beaucoup d'exem- mains et les pieds ». (Malth. xxii, ^3.)
« les

ples. Eteignez le feu qui vous brûle, et vous Pourquoi dès ce monde vous lier ainsi vous-
verrez que tout cela est moins précieux que mêmes? Un prisonnier n'est pas enchaîné des
des fleurs. L'or est beau oui, mais dans l'au-
; mains et des pieds. Et cela ne vous suffit donc
mône, pour le soulagement des malheureux, pas? Pourquoi lier votre tête, pourquoi envi-
et non pour un vain usage, non pour être en- ronner votre cou de tant de liens? .l'omets les
foui dans un coffre ou dans la terre, non pour soucis qui en résultent, la crainte, les tour-
êlre étalé sur les mains, les pieds et la tête. ments, les querelles avec son mari pour de pa-
S'il a été découvert, ce n'est point pour en reils objets, quand on les demande, le supplice
lier l'image de Dieu, mais pour délivrer les que l'on éprouve, si l'on en perd quelqu'un.
captifs; c'est ainsi que vous en ferez vraiment C'est donc là le bonheur, dites-le-moi? Afin de
usage ; délivrez le captif au lieu d'en lier cette plaire aux yeux d'un autre, vous subissez vo-
image mouvements. Car pourquoi,
libre de ses lontairement les liens, les soucis, les périls,
s'ilvous plaît, préférer à tout un objet de si les chagrins, les querelles de chaque jour.
peu de valeur? Si c'est de l'or, en forme-t-il N'est-ce pas là un sort digne à tous égards de
moins une chaîne? est-ce donc dans le choix blâme de réprobation? Je vous en conjure,
et
de la matière que consiste le lien? D'or ou de n'a;zissons point ainsi, mais dégageons-nous
fer, c'est toujours une chaîne, si ce n'est que de tout lien d'iniquité rompons le pain à
;

l'une est encore plus lourde que l'autre. Mais celui qui a faim, accom[i!issons toutes les œu-
pourquoi vous paraît-elle légère? C'està cause vres qui peuvent nous donner assurance en
de votre cupidité, du désir d'attirer tous les présence de Dieu, afin d'obtenir les biens pro-
regards, ce dont une femme devrait plutôt mis, en le Christ Jésus Notre-Seigneur, avec
rougir. Comme preuve de cette parole, char- Iqui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire,
gez-la de chaînes d'or et envoyez-la dans un puissance, honneur, à présent et toujours, et
désert, où elle ne trouvera personne pour la aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE VIII.

JE VEUX DONC QUE LES HOMMES PRIENT EN TOUT LIEU, EN ÉLEVANT DES MAINS INNOCENTES, SANS COLÈUE
NI DISCUSSION ; ET DE MlÎMl!; AUSSI LES FEMMES, VliTUES AVEC CONVENANCE, SE PARANT AVEC PUDEUR
ET IlETE^UE, SANS FUISURES, SANS OR, SANS PEKLES NI MAUITS LUXUEUX, MAIS COMME IL SIED A DES
FEMMES QUI ANNONCENT LA PIÉTÉ PAR LEURS BONNES OEUVRES, (il, 8-10.)

A.nalyee.

1. On pent prier partoDt sons la loi de grâce, contrairemeat à ce qui avait lieu ssus la loi de Moïse. — Contre le liue dei
femmes.
2 et 3. Contre les vierges dont la mise est trop étudiée.

1. € Lorsque vous prierez», dit le Seigneur, « quemenl ». (Matth. vi, 5, 6.) Pourquoi donc
a ne soyez pas comme les hypocrites, qui ai- Paul dit-il a Je veux que les hommes prient
:

o ment à prier debout dans les synagogues et a en tout lieu, en élevant des mains pures, sans

aux angles des places publiques, afin d'être colère ni discussion ? » N'y a-t-il pas contra-
a vus par les hommes. En vérité, je vous le diction entre ces deux textes? A Dieu ne plaise;
a dis, ils reçoivent ici leur récompense. Mais mais plutôt parfaite conformité. Et comment
a vous, lorsciue vous priez, entrez dans votre donc? D'abord il faut expliijuer ce que veu-
a chambre, fermez la porte et |)riez votre lent dire ces mots « Entrez dans voire cham-
:

a l'ère dans le secret; il vous le rendra publi- « bre », et ce que prescrit l'apôtre s'il faut prier ;
Commentaire sur la i» épitre a timothée. - homélie viii. 303

en tout lieu, ou s'il ne faut pas prier à l'église, et il vous sera pardonné». (Marc, xi, 25.) Voilà
ni dans aucune autre partie de sa maison que ce qu'est une prière faite sans discussion. Et
celle-là. Que signifie ce texte? Le Christ nous comment, me direz-vous, pourrai-je croire
enseignant ici à fuir la vanité, ne nous dit pas que j'obtiendrai l'objet de ma demande? Oui,
absolument de prier dans un lieu secret mais ;
vous l'obtiendrez si vous ne demandez rien qui
de faire nos prières sans ostentation. De même soit contraire à ce que Dieu est résolu d'accor-
que, lorsqu'il dit « Que votre main gauche
: der, rien qui soit indigne de sa royauté,
« ne sache pas ce que fait votre main droite » rien de temporel, mais seulement des cho-
(ibid. 3), il ne parle pas de nos mains, mais il ses spirituelles, et si vous vous présentez
exprime l'humilité par une hyperbole; de devant lui sans colère, avec des mains pu-
même il enseigne ici la même chose dans un res et innocentes. Des mains innocentes
langage figuré. Par là donc, il n'a pas limité sont celles qui pratiquent les œuvres de
la prière à un lieu déterminé, mais il nous a miséricorde. vous vous présentez ainsi
Si
enseigné une seule chose à fuir l'ostentation. : devant Dieu, vous obtiendrez toutes vos de-
Et Paul dit ceci pour distinguer la prière des mandes. «Sivous »,ditle Seigneur, «toutmé-
chrétiens de celle des juifs. Voyez en effet « chants que vous êtes, savez donner de bonnes
comment il s'exprime : « En tout lieu, élevant « choses à vos enfants , combien plus votre
« des mains innocentes » ; ce qui n'était point « Père qui est dans les cieux ». (Matth. vu,
permis aux juifs. Car il ne leur était pcintper H .) La discussion dont parle l'apôtre, c'est le
mis de se présenter devant Dieu, pour offrir des doute.
sacrifices et accomplir les cérémonies du culte, a Et de même aussi les femmes », ajoute
ailleurs que dans un lieu unique, où de tou- l'apôtre ;
je veux, dit-il, que, sans colère et
tes les contrées de la terre chacun devait ac- sans discussion, elles conservent leurs mains
courir pour accomplir dans le temple des cé- innocentes, ne cèdent point à leurs désirs, à
rémonies saintes. Paul nous donne un conseil la rapacité, à l'avarice. Et que penser de celles
tout différent, et nous délivre de cette con- qui, ne se livrant pas elles-mêmes aux rapines,
trainte car notre loi n'est point telle que la
; en font commettre par leurs maris? Mais Paul
loi des juifs. De môme qu'il nous prescrit de demande des femmes quelque chose de plus,
prier pour tous, puisque le Christ a souffert a Qu'elles se parent», dit-il, «avec pudeur etre-
pour tous et que l'apôtre prêche pour tous; de « tenue, d'une façon convenable, sans frisures,
même il est bon de prier partout et désor- ; « sans or, sans perles, mais comme il sied à des
mais ce n'est plus au lieu, mais à la manière « femmes qui annoncent la piété par leurs bon-
dont on prie qu'il faut prendre garde. Priez « nés œuvres ». De quelle parure veut-il par-
partout, dit-il, partout élevez des mains inno- ler? D'une toilette honorable, convenable,
centes; voilà ce qui vous est demandé. exempte de superfluité ; car c'est ainsi qu'elles
Qu'est-ce que des mains innocentes? des observeront la loi Quoi donc
de la réserve. I

mains pures et qu'est-ce que des mains pu-


; vous venez prier Dieu et vous vous couvrez
res? non pas celles qui sont lavées avec de de bijoux et de frisures allez-vous donc dan- 1

l'eau, mais celles qui sont pures d'avarice, de ser? vous rendez-vous donc à des noces? ou
rapine, de meurtres, de violences. « Sans — assistez-vous à une fête mondaine? C'est là
a colère ni discussion » Que veut dire cela?
: que les bijoux, les frisures, les riches vête-
Qui donc se met en colère quand il prie? L'a- ments ont leur place maintenant il n'en est;

pôlre veut dire sans animosité. Que la pensée nul besoin. Vous êtes venue pour supplier,
de celui qui prie soit pure, dégagée de toute pour demander le pardon de vos fautes, la
passion ; que personne ne se présente devant miséricorde pour vos offenses, pour fléchir
Dieu avec de la haine dans le cœur, avec un votre Maître par vos prières. Pourquoi donc
esprit chagrin et discutant avec soi-même. vous parer? Tel n'est point l'appareil d'une
Que veulent dire ces derniers mots? écoutons- suppliante. Comment pouvez-vous gémir et
le : ne faut point mettre en doute si
c'est qu'il pleurer, persévérer dans votre prière, quand
nous serons exaucés « Tout ce que vous de-
: vous êtes ainsi chargée d'ornements ? Si vous
a niaiulcrtzavec foi », dit le Seigneur, « vous le ()leurez, \os larmes feiont rire ceux qui vous
a recevrez » (Matth. xxi, 22): et ailleurs : « Lors- verront, car les bijoux d'or ne conviennent
« qi'e vous serez debout pour prier, pardonnez point à celle qui pleure ; n'est-ce pas comédie
301 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

et spectacle que de faire sortir des larmes Ou peut, avec des vêtements peu coûteut,'
d'un cœur où réside tant d'amour du luxe et avoir plus de recherche qu'unefemme cou-
tant de vanité ? Mettez de côté toute celte comé- Verte de bijoux. Une robe d'un beau bleu,
die on ne se joue point de Dieu. Tout cela
: serrée avec soin par la ceinture, comme cellos
convient aux mimes et aux danseurs qui figu- des danseuses du théâtre, en sorte qu'elle ne
rent sur la scène, mais nullement à une fem- soit ni gonflée à droite ni retirée à gauche,
me pudique. mais que les deux côtés de la taille soient par-
2. Avec pudeur et retenue ». N'imitez donc faitement symétriques, avec des plis nom-
pas les fenmies perdues, car c'est par de telles breux sur la poitrine, ne charmera-t-elle pas
parures qu'elles séduisent leurs amants; c'est plus que des vêlements de soie? La chaussure
là ce qui fait naître tant de soupçons contre d'un noir bien brillant, terminée en pointe,
tant de femmes et sans nul avantage, car celte sera d'une perfection artistique et aura peine
mauvaise renommée n'engendre pour autrui à contenir le pied ? Le visage ne sera pas farde,
que du mal. La femme impudique, eût-elle mais lavé bien à loisir et l'on couvrira le front
bonne renommée, n'en tirera aucun avantage, d'un voile plus blanc que le visage lui-même,
quand celui qui juge les actions cachées pro- puis par dessus on jettera un voile flottant
duira tout au grand jour de même la femme ;
dont la couleur noire ressortira sur le blanc.
honnête, si elle acquiert la réputation d'adul- Et (jue dirait l'apôtre de ces yeux roulant sans
tère par les soins qu'elle donne à son exté- cesse, de ce nœud de la ceinture qui tantôt se
rieur, ne tirera point avantage de son honnê- cache et tantôt se découvre, de manière à faire
teté, car sa renommée a perdu des âmes. Que ressortir l'art avec lequel la ceinture est enla-
puis-je faire, direz-vous, un autre me soup-
si cée, tandis que le voile est relevé autour de la
çonne ? C'est que vous y donnez occasion par tête? Les mains, comme celles des acteurs tra-
votre parure, par vos regards et [lar votre te- giques, sont gantées avec tant de soins, que le
nue. C'est pour cela que Paul insiste sur la gant ne semble faire qu'un à la main. Que di-
toilette et sur la pudeur. Mais s'il retranche encore de cette démarche et de ces ma-
Tait-il
ainsi ce qui n'est que marque d'opulence, l'or, nières plus capables que tous les bijoux de
les perles, les vêtements somptueux, combien séduire ceux qui les voient ? Craignons, mes
plus les artifices de la coquetterie, le fard, la biens-aimés, d'entendre aussi, nous, ce que
peinture des yeux ', la démarche molle, la le Prophète disait aux femmes des Hébreux
voix énervée *, un œil langoureux et impudi- préoccupées de leur parure extérieure. «Au
que, les voiles, les tuniques d'une forme si « lieu d'une ceinture vous vous ceindrez d'une

étudiée, et les ceintures d'un travail encore « corde, et votre tête, aujourd'hui parée, sera
plus exquis, les ciiaussures faites avec tant a ciiauve ». (Isaïe, lu, 24.) Ainsi, cette toilette
d'art. 11 a entendu baimir tout cela, quand il est plus dangereuse que les bijoux; bien d'au-
a dit : « Vêtues avec convenance », et : tres s'y sont étudiéespour être vues et capti-
« Avec pudeur » ; car ce sont là des parures ver ceux qui ks regardaient. Ce n'est point là
qui conviennent à l'impudeur et à l'effronte- une faute légère, mais une arme capable d'ir-
rie. riter Dieu et de corrompre les vierges.
Supportez ce discours, je vous prie, car le 3. Vous avez le Christ pour époux, pour-

prédicateur énonce des repioches sans dégui- quoi voulez-vous gagner des amants parmi les
sement, non pour blesser et faire souffrir, hommes ? Le Christ vous condamnera comme
mais pour éloigner du troupeau tout ce qui adultères. Pourquoi n'adoptez-vous pas la pa-
lui est contraire. El si l'apôUe détend tout cela rure qui lui convient, celle qu'il aime la pu- :

aux femmes mariées et riches ijui vivent dans deur, la retenue, la décence, un vêtement
roi)ulence combien plus à
, celles qui ont modeste ? le vôtre est celui d'une femme
adoiilé la virginité. Mais, dira-t-on ,
quelle déshonorée. On ne reconnaît plus les femmes
vierge porte des bijoux et des frisures? Elles impudiques et les vierges; voyez à quelle in-
apportent tant de leclierclies dans leurs sim- convenance celles-ci sont arrivées. Une vierge
ples vêlements que la parure n'est rien auprès. doit être dépourvue de recherche, simple et
sans art , et celle-ci invente mille artifices
Gel usage existe encore ehu^ lu^ reiniiieh turques. pour son extérieur. Laisse là cette folie,
i)arer
*Comnie les • lacxoyftUlCb » (iu Lf fL-ctcirc, qumxdical tiurrcur dca
ilinme, donne tes soins à la parure intérieure
COMMENTAIRE SUR LA I" ÊPIÎRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE IX. 308

de ton âme, car cette parure extérieure est embarrassée dans cette parure safanîque. Je ne
opposée à la parure intérieure. Celui qui se veux rien dire de cette voix étudiée qu'affec-
préoccupe du dehors dédaigne ce qui est inté- tent un si grand nombre, ni de leurs parfums
rieur, comme celui qui dédaigne le dehors et de leurs molles recherches. C'est pour cela
met tous ses soins à parer son âme. Ne me que les mondaines vous raillent. La dignité
dites pas Ah je ne porte qu'un vêlement
: ! de la virginité est perdue personne ne consi-
;

usé, une chaussure de vil prix, un voile sans dère une vierge avec l'honneur qui lui est dû,
valeur quelle est donc cette parure? Ne vous
;
car elles-mêmes se sont exposées au mépris.
trompez point vous-même. On peut, je vous Ne pas qu'elles fussent admirées dans
fallait-il

l'ai dit, se parer ainsi plus qu'avec une toi- l'Eglise de Dieu commodes êtres descendus du
lette somptueuse on le peut fort bien avec
; ciel? Et maintenant elles sont méprisées par
une étoffe usée, mais aux formes élégantes et leur faute et non par celle des vierges sages.
taillées pour séduire, auxquelles s'adapte une Car vous, qui deviez être crucifiée, lorsqu'une
chaussure noire et brillante. Mais je ne le — femme qui a un mari et des enfants, qui est à
fais point dans une pensée impudique. Vous la tête d'une maison, vous verra plus avide de
pouvez me le dire, mais que direz-vous à Dieu parure qu'elle-même, comment échapperez-
qui pénètre au fond de votre pensée même ? vous à ses railleries et à son dédain? Quel
Vous ne le faites pas dans une pensée impudi- soin, quel empressement! Avec vos vêtements
que? Mais pourquoi? Le faites-vous pour être peu coûteux vous l'emportez sur l'opulence,
admirée ? Et vous n'avez pas honte, vous ne vous êtes mieux parée qu'une femme couverte
rougissez pas de vouloir être admirée pour de bijoux. Vous ne cherchez pas ce qui vous
un tel motif. Mais non, direz-vous encore, je convient, vous poursuivez avec ardeur ce qui
le fais tout simplement et non dans ce but. vous messied, quand vous devriez produire
Dieu connaît la vérité de ce que vous nous des bonnes œuvres. C'est pour cela que les
dites. Ce n'est pas à moi que vous avez à ren- vierges sont moins honorées que les femmes
dre compte, c'est à Dieu présent partout, Dieu mondaines, car elles ne produisent pas d'œu-
qui a scruté votre action. Dieu devant qui tout vrcs dignes de leur virginité. Nous ne par-
est àdécouvert et au grand jour. C'est pour lons point ainsi à toutes, ou plutôt nous par-
celaque nous vous parlons ainsi, afin de vous lons à toutes : à celles qui méritent des repro-
dérober à ce compte redoutable. ches, afin qu'elles deviennent sages, et aux
Craignez reproche adressé par le Prophète
le autres pour qu'elles leur inspirent la sagesse.
aux femmes d'Israël « Les filles de Sion ont
: Mais prenez garde qu'après le blâme ne vienne
a étudié leur démarche et mesuré leurs pas». le châtiment, car nous n'avons point parlé
(Is. III, 16.) Vous avez un grand combat pour dans le but de vous faire de la peine, mais
lequel il faut des exercices d'athlète et non le pour vous redresser et pouvoir nous glorifier
soin de sa parure, la force du pugiliste et non en vous. Puissiez-vous tous faire ce qui plnît
une vie efféminée. Ne voyez-vous pas les pu- à Dieu et vivre pour sa gloire ; de telle sorte
gilistes, les athlètes? s'occupent-ils de leur que vous obteniez les biens promis par la
démarche et de leur toilette? Nullement ;
grâce et la bonté de Noire-Seigneur Jésus-
mais négligeant tout cela, couverts d'un vête- Christ, avec qui soient au Père et au Saint-
ment imbibé d'huile, ils ne songent qu'à une Esprit, gloire, puissance, honneur, mainte-
chose : frapper et ne pas être atteints. Le dé- nant et toujours, et aux siècles des siècles,
mon est là, grinçant des dents, cherchant de Ainsi soit-il.
tous côtés à vous perdre, et vous demeurez

HOMÉUS ÎX.

QCB lA FEMME SE LAISSE INSTRriRE EN SILENCE ET EN TOUTE SOUMISSION. JE NE PERMETS POINT A LA


FEMME d'enseigner, NI d'aVOIR AUTORITÉ SUR L'hOMME MAIS QU'KLtE DEMEURE DANS LE SILENCE,
;

CAR ADAM A ÉTÉ FORMÉ LE PREMIEP., EVE ENSUITE ; ET CE NE FUT POINT ADAM QUI FUT SÉDUIT, CtST
S. i, (H. — TOMB XI. 2Q
30G Tr.ADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

LA FEMME QL'l FUT SÉDUITE ET PKÉVARIQUA ; MAIS ELLE SEUA SAUVÉE PAR SA MATERNITÉ, SI E1.LES

DEMEURENT DANS LA FOI, LA CUAUITÉ ET LA SANCTIFICATION, AVEC TEMPÉRANCE, (il, 11-15.)

Annlyee»
i. Profilant Ju U'xte de rapôtre qui Jéfend aux fomnir; do parler Jans l'église , l'oratoiir hUline vivement les conversations atw
que'los les femiiKs se livraient de son temps pendant le service divin et pendant le sermon.
S. Importance de la bonne éducation des enfants.

1. Le bienheureux Paul demande aux fem- « Eve ensuite et ce ne fut point Adam qui fut
;

mes une grande pudeur, une grande réserve, a trompé c'est la femme qui fut trompée et
;

non-seulement dans la tenue et les vêtements, a prévariqua ». Mais cela concerne-t-il donc
mais jusque dans la voix. Qu'une femme, lesfemmes d'aujourd'hui? Oui, l'homme jouit
dit-il, n'élève pas la voix dans l'église; ce qu'il d'un plus grand honneur il a été formé le ;

cx|irinie dans l'épître aux Corinthiens, quand premier et ailleurs l'apôtre a montré cette
;

il dit a 11 est honteux qu'une femme parle


: supériorité quand il a dit : « L'homnrie n'a
« dans l'église » (I Cor. xiv, 33) et aussi ; : « point été formé pour la femme, mais la
La loi dit qu'elles doivent être soumises. Si « feniiue pour l'homme ». (I Cor. xi, 9). Et
a elles veulent apprendre quelque chose , pourquoi dit-il cela? c'est que l'homme doit
« qu'elles interrogent leurs maris chez elles ». tenir le premier rang, pour ce motif d'abord,
(ll)id. 33.) Aujourd'hui au contraire, quel puis à cause de ce qui s'est passé. La femme
trouble, quelles clameurs, quelles conversa- un jour enseigna l'homme, elle bouleversa
tions I Nulle part on n'en entend de si bruyan- tout et le rendit coupable de désobéissance ;
tes ; on causer comme elles ne le font
les voit aussi Dieu l'a-t-il assiijétie, parce qu'elle avait
pas sur une place puhlique, ni dans les bains; fait mauvais usage de son autorité ou plulôt
on dirait qu'elles viennent à l'église pour se ^e l'égalité des rangs. « Tu seras soumise à
récréer, tant elles s'y livrent toutes à des con- a ton mari », dit l'Ecriture (Gen. ni, 16) ; pa-
versations inutiles. Aussi tout est-il boule- role qui n'avait point été dite avant le péché.
versé ne songent pas que, si elles ne gar-
; elles Mais peut-on dire qu'Adam ne fut pas trompé?
dent le silence, elles n'apprendront point ce car autrement il n'eiit pas désobéi. La femme
qu'elles ont besoin de savoir. Si, en effet, le dit Le serpent m'a trompée (Ib. 13) mais
: ;

sermon vient au travers d'une conversation Adam ne dit pas: a La femme m'a trompé»; il
engagée et que personne n'écoute l'orateur, dit a Elle m'a donné de ce fruit et j'en ai
:

quel profil en peut-on tirer? La fennue doit o mangé ».(lb. 12.) Ce n'est point un crime
si bien être silincieuse ijue, comme l'enseigne semblable d'être séduit par un être de même
le texte, elle ne doit parler dans l'église ni des nature et de même race, ou de l'être par
choses temporelles, ni même des choses s[iiri- un animal, un esclave, un être inférieur par
luelles. Voila sa gloire, voila sa pudeur, voilà sa nature c'est là être vraiment trompé.
;

ce qui la parera mieux que ses vêtements si ; L'apôlre dit donc qu'Adam ne fut pas trompé,
elle se revêt de cette parure, elle pourra faire par conn)araison avec la femme, parce qu'elle
ses prières avec une parfaite décence. — « Je se laissatromper par un esclave, un être d'une
8 ne permets point à la femme d'enseigner », nature inférieure, et qu'il le fut par un être
dit-il. Quelle conséquence a cette parole? une d'Adam qu'il est écrit
libre. Et ce n'est point :

grande assurément. L'apôlre parlait du silence, a Elle que ce fruit était bon à
considéra
de la réserve, de la pudeur il ne veut pas, ; a manger mais c'est la femme qui ea
;

dit-il, que les femmes bavardent et, voulant ; a mangea et en donna à son mari » (Ib. 6) ;
leur enlever toute occasion de le faire, il leur en sorte qu'il ne prévariqua point par mau-
défend d'enseigner, mais kur assigne le rôle vais désir, unis seulement par complaisance
de disciples ainsi par leur silence elles té-
; pour sa femme. La femme a enseigné une
moigneront de leur soumi>sion. Leur nature fois et a tout bouleversé; aussi l'apôtre dit-il :

est parleuse il la réprime ainsi de toute


; V Qu'elle n'enseigne point ». Mais quelle con-
façon. séquence tirer pour les autres lemmes, s'il ea
a Adam d, dit-i), « a été lormé Iq picmïiiv, fut ainsi d'Éjv?? yne gr^inde conséijuyHCt,
eÔMMËNTAlRE SUR LA î'" ÉPiTRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE IX. 301

c'est que leur nature est faible et légc>e. Et dre naturel. — L'autre aussi ;
mais ce n'est pas
ici il est question de leur nature, car le texte seulement l'enfantement naturel c'est l'édu- ,

ne dit pas Eve fut trompée, mais


: « La : cation de ses enfants qui lui est accordée.—
« femme », ce qui est une désignation géné- « Si elles demeurent dans la foi , la charité et

rale. Quoi donc Toute nature féminine


I la sanctification, avec tempérance». C'est-à-
a-t-elle prévariqué par elle ? De même que dire que, après leur avoir donné la vie, la
si,

l'ai'ôlre a dit a Dans la similitude du péché


: femme forme à ces vertus elle en recevra
les ,

« d'Adam, qui est le type de l'avenir » (Rom. une large récompense, parce qu'elle aura
V, 14) ;de même ici il faut entendre que c'est formé des athlètes pour le Christ. «Si elles
la nature féminine qui a prévariqué. a demeurent dans la foi et la charité». C'est

Mais n'y a-t-il point de salut pour elle? Cer- la vie, telle qu'elle doit être; et il mentionne
tes, il y en a. Et comment ? Par sa postérité, aussi la tempérance et la régularité. «Cette
car ce n'est pas d'Eve que le texte dit : « Si a parole est fidèle ». (ni 1.) C'est à cela que se
,

a elles demeurent dans la foi, la charité et la raiiportent ces mots, et non à ce qui suit «Si :

« sanctification, avec tempérance». Quelle foi? « quelqu'un désire l'épiscopat». On doutait de

quelle charité? quelle sanctification ? C'est ce que l'apôire vient de dire aussi ajoute-t-il: ;

comme s'il eût dit : Ne soyez point abattues, « Cette parole est fidèle » que les pères jouis-
;

ô femmes, si vous êtes ainsi blâmées Dieu ;


sent de la vertu des enfants, ainsi que les mè-
TOUS a donné une autre occasion de salut, res, quand ils les ont élevés comme ils le doi-
l'éducation de vos enfants en sorte que les
;
vent. Mais qu'arriverat-il si la mère est per-

femmes peuvent obtenir le salut, non-seule- verse et pleine de vices? tirera-t-elle profit de
ment par elles, mais par autrui. Considérez l'éducation de ses enfants? N'est-il pas vrai-
quelles grandes questions sont ici soulevées. semblable qu'elle les élèvera semblables à
La femme trompée prévariqua. Quelle femme? elle-même? L'apôtre parle ici de la femme
Eve. Est-ce donc elle seule qui sera sauvée vertueuse; en dit, c'est qu'elle sera
et ce qu'il

par la maternité ? Non, mais ce moyen de sa- largement récompensée et rémunérée de ce


lut appartient à toutes. La femme a prévari- qu'elle fait pour ses enfants.
qué mais, si Eve pécha, tout son sexe sera
; Prêtez donc l'oreille, pères et mères; l'édu-
sauvé par la maternité. Pourquoi, dira-t-on, cation de vos enfants ne sera point pour vous-
n'est-ce pas par sa propre vertu car Eve n'a ;
mêmes une œuvre stérile. L'apôtre dit plus
point fermé la voie aux autres femmes? Et loin : «Elle rend témoignage par ses bonnes
qu'en sera-t-il des vierges ? qu'en sera-t-il des «œuvres, si elle a élevé ses enfants »; et il

femmes stériles ? qu'en sera-t-il des veuves joint cette vertu aux autres. Car ce n'est pas
qui ont perdu leurs maris avant d'être mères? une petite chose que de consacrer au service
sont- elles perdues? n'ont-elles plus d'espé- de Dieu les enfants que l'on a reçus de Dieu.
rance? Et pourtant ce sont les vierges qui Si les parents jettent une base et un fonde-
sont le plus en honneur. Que veut donc dire ment solide, ils recevront une grande récom-
l'apôtre ? pense, parce qu'ils ne négligent point de cor-
2. S'il a prescrit la soumission à tout le sexe riger leurs enfants. Car Héli a péri à cause des
féminin, par suite de son origine, à cause de siens, qu'il devait réprimander. 11 le faisait,

l'histoire de la première femme, quand il dit mais non comme il l'aurait dû; ne voulant
qu'Eve a été formée la seconde et que désor- point leur faire de peine , il les a perdus et lui
mais son sexe doit être soumis; est-ce par une avec eux. Pères, prêtez donc l'oreille, instrui-
raison toute semblable qu'il enseigne que sez vos enfants dans la discipline et l'admoni-
parce qu'elle a prévariqué, tout son sexe est tion du Seigneur, avec un soin sévère et vigi-
sous la prévarication? Cela n'est point admis- lant. La jeunesse est difficile à dompter; elle
sible; car l'un de ces fails est simplement un a besoin de beaucoup de surveillants, de pré-
don de Dieu, l'autre une faute de la femme. cepteurs, d'instituteurs, de gardiens, de gou-
Mais il dit que tous sont morts à cause de la verneurs; et, avec tout cela, on doit s'estimer
faute d'un seul, et qu'il en est de même pour heureux de pouvoir la contenir. Elle est sem-
la femme. Qu'elle ne se désole donc point, car blable à un cheval indompté, à un animal
Dieu lui a donné une grande consolation, celle sauvage. Si donc du bouae heure et des lu
de devenir juçre. —
Mais c'est uû fait de l'or- prcu.ier âge, nous lui avvos Ugiiué de fosios
308 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

barrières, nous ne serons point pour cela nul préjudice. Voulez-vous le laisser riche
exempts parla suite de nombreuses peines; après vous? Appreuez-lui à être honnête; car
mais l'habitude prise deviendra désormais une c'est ainsi qu'il pourra faire sa fortune, et s'il

loi. Ne leur permettons donc point de rien ne s'enrichit pas, il n'aura rien à envier aux
faire de séduisant et de pernicieux; ne les flat- riches. Mais, s'il quand vous lais-
est vicieux ,

tons point comme des enfants; prenons soin seriez des millions, vous ne laisserez point un
surtout de les maintenir dans la tempérance, homme capable d'en être dépositaire, mais
car c'est par le vice opposé que la plupart du il resterait au-dessous de ceux qui sont des-

temps la jeunesse se corrompt. Là nous avons cendus au dernier degré de la mi>-ère pour :

beaucoup à lutter, beaucoup à veiller. Marions- des enfants sans frein, mieux vaut pauvreté
les de bonne heure, en sorte que leurs épouses que richesse. La pauvreté défendrait leurs
les reçoivent chastes et purs ; ce seront là les mœurs, même malgré eux; la richesse, le
amours les plus vives. Celui qui est plein de voulussent-ils, ne leur permet point d'être
réserve avant le mariage le sera bien davan- sages, mais les entraîne, les fait tomber, les
tage après; et celui qui, avant mariage, a
le précipite dans un abîme de maux.
fréquenté les courtisanes, en fera de même Mères, dirigez avec grand soin vos filles, la
quand il sera marié o A l'homme débauché
: garde vous en est facile; veillez à ce qu'elles
tout aliment est bon». (Ecclésiasl. xxui, 24.) restent chez elles; avant tout apprenez-leur à
Les mariés portent des couronnes, symboles être prudentes, retenues, à mépriser les ri-
de la victoire, pour signifier qu'ils s'appro- chesses, à ne point aimer la parure, et pré-
chent du lit nuptial sans avoir été vaincus, et parez-les ainsi au mariage. Vous serez ainsi
n'ont jioint cédé à la volupté. Mais celui qui non-seulement leurs prolectrices,maiscellesdes
s'y est lâchement abandonné, pourquoi porte- hommes qui doivent les épouser, et non-seu-
t-il une couronne, quand il est vaincu? lement d'eux, mais de leurs enfants, et même
Que les enfants donc soient exhortés, répri- de leurs descendants. Si la racine est saine, les
mandés, effrayés, menacés; employons avec rameaux se développeront comme ils le doi-
eux tantôt un procédé, tantôt un autre. Nous vent, et de tout ce bien vous recevrez la ré-
avons en eux un grand dépôt. Pensons donc à compense. Agissons donc ainsi toujours pour
eux et faisons tout pour que le démon ne nous sauver non pas seulement une âme, mais plu-
les ravisse jias. Aujourd'hui nous faisons tout sieurs âmes par une seule. La jeune fille doit
le contraire. Nous n'éi)argnons rien pour em- sortir de la maison paternelle [lour se marier,
bellir un domaine et pour le confier à un comme un athlète sort de la palestre, formée
homme fidèle; nous cherchons l'ànier, le mu- cl exercée; il faut que, jiar sa vertu, elle puisse

letier, le gérant, l'intendant le plus dévoué; transformer tout ce qui l'entoure, de même
mais, ce qui pour nous est le plus précieux, que le levain transforme toute la masse à la-
confier notre fils à un homme qui saura garder quelle on le mêle. Que ses enfants, encore une
ses mœurs, nous ne nous en inquiétons point; fois, méritent le respect par leur conduite ré-
pourtant c'est là ce que nous avons de plus gulière et sage, en sorte qu'ils soient loués de
précieux c'est pour cela que nous avons reçu
; Dieu et des hommes. Qu'ils apprennent à
tout le reste. Nous pensons aux biens à acqué- dompter la gourmandise, à s'abstenir du luxe,
rir pour nos enfants, et nous ne songeons point à être économes et affectueux; qu'ils appren-
à eux-mêmes comprenez donc quelle dérai-
: nent à obéir. C'est ainsi qu'ils pourront pro-
son? Formez l'àme de votre enfant, et le reste curer une grande récompense à leurs parents;
vous sera donné par surcroît, tandis que, si c'est ainsi que tout sera pour la gloire de Dieu
son âme n'est pas vertueuse, vos richesses ne et le salut de nos âmes, en Jésus-Christ Notre-
lui serviront de rien; si au contraire elle est Seigneur, à qui gloire aux siècles des siècles.
ce qu'elle doit être, la pauvreté ne lui portera Ainsi soit-il.
.

COMMENTAIRE SUR LA l" ÉPITRE A TIMOTHÉE, - HOMÉLIE X.

HOMELIE X.

SI QCELQD'UN souhaite l'ÉPISCOPAT, IL SOUHAITE UNE ŒUVRE BONNE. IL FAUT DONC QUE l'ÉVÊQUB
SOIT IRRÉPROCHABLE, MARI d'UNE SEULE FEMME ;
QU'lL SOIT SOBRE, PRUDENT, DE BONNES MOEURS,
HOSPITALIER QU'iL SACHE ENSEIGNER, NE SOIT PAS LIVRÉ AU VIN, NE FRAPPE PAS, MAIS SOIT MODÉRÉ,
;

ENNEMI DES QUERELLES, DÉSINTÉRESSÉ, SACHANT BIEN GOUVERNER SA MAISON, ET QUE SES ENFANTS
LUI SOIENT SOUMIS AVEC UNE ENTIÈRE RÉGULARITÉ DE MOEURS, (lll, 1-4 JUSQU'A 8.)

Analyse.

1. Del'épiscopat et des qualités indispensables à an évèqne.


2. Le futur évêque ne doit pas être un néophyte, c'est-à-dire un nouveau conTerti ; il faut aussi qu'il jouisse d'une bonne répu-
tation, même parmi les païens.
3. Des bons exemples. —
Pourquoi il y a si peu de gentils qui se conyertissent.

1. Avant de descendre au détail des devoirs beau et avoir une vie sans tache, en sorte que
de l'épiscopat, l'apôtre expose sommairement tous les regards se portent sur lui et sur sa
ce que doit être un évêque, non sous forme vie. Et ce n'est pas sans dessein que l'apôtre
d'avertissements à Timothée, mais comme écrit cet avis, mais parce que Timothée devait
parlant réglant la conduite de tous
à tous, et à son tour établir des évèques; ce sont les avis
par ses instructions à un seul. Et que dit-il? qu'il donnait à Tite, et c'est dans la prévision
a Si quelqu'un souhaite l'épiscopat», je ne lui que beaucoup désireraient l'épiscopat qu'il
en fais pas un crime, car c'est une autorité énonce ces prescriptions.
tutélaire; donc quelqu'un a ce désir, non
si a Sobre et vigilant», dit-il, et par là il en-

pas seulement parce que c'est un commande- tend plein de perspicacité, ayant l'œil partout
ment et un pouvoir, mais parce que c'est une et le regard perçant. Car il est bien des causes
autorité tutélaire, je ne le lui reproche pas « il ; qui obscurcissent l'œil de l'intelligence; le
a désire une œuvre bonne ». Moïse, en effet, a défaut de zèle, les préoccupations, l'embarras
souhaité la charge et non la puissance, et l'a des affaires, et tant d'objets qui surgissent de
souhaitée assez pour s'entendre dire : « Qui t'a tous côtés. L'évêque doit donc être l'homme
a constitué chef et juge au-dessus de nous?» toujours sur ses gardes, l'homme qui ne s'in-
(Exod. II, 14.) Celui qui désire l'épiscopat de quiète pas seulement de ce qui le touche, mais
cettemanière peut le désirer, car l'épiscopat de ce qui touche les autres. Il doit toujours
emprunte son nom à la surveillance sur tous, veiller, avoir une âme ardente, respirant le
ail faut», continue l'apôtre, «que l'évêque feu, pour ainsi dire, ou plutôt celle d'un chef
a soit irréprochable, mari d'une seule femme» militaire, qui nuit et jour circule à travers soa
11 ne dit pas ceci pour imposer une loi, de telle armée; il doit se fatiguer, être au service de
sorte que le mariage fût nécessaire pour être tous et prendre soin et souci de tous. « Pru-
é\ êque, mais pour réprimer un excès attendu ; « dent, (le bonnes mœurs, hospitalier». Ces
que, chez les Juifs, il était permis de contracter qualités conviennent aussi aux simples fidèles,
un second mariage et d'avoir deux femmes en en cela ils doivent être les égaux des évêques;
même temps. Car, aie mariage est honorable». aussi pour marquer le propre de l'évêque, l'a-
(Ilébr. XIII, 4.) Et quelques-uns affirment que pôtre ajoute : «Qu'il sache enseignera. Cette
par cette parole, l'apôtre exige que l'évêque qualité n'est plus exigée du sim.ple fidèle, mais
n'ait jamais eu qu'une femme. alrrépro-— elle doit appartenir avant toutes les autres à
« chable» en employant ce mot, il a compris
: celui qui a reçu le dépôt de l'éiiiscopat. « Qu'il
toutes les vertus. En sorte que celui qui a cons- « ne soit pas livré au vin » L'apôtre ne veut pa, .

cience de quelques péchés, a tort de désirer dire ivrogne, mais brutal et arrogant. «Qu'il
l'épiscopat, dont il s'est lui-même exclu par « ne frappe pas » L'apôtre ne veut pas dire frap-
.

ses œuvres cekii-là en effet doit être gouverné


; per avec mains. Et que veut-il dire ? c'est
les
et non gouverner les autres. Celui qui gou- qu'il est des hommes qui heurtent sans raison
Terne doit être plus resplendissant qu'un flam- la conscience de leurs frères, et c'est, je pense,
SlO Traduction française de saint jean chrysostome."

de ceux-là qu'il entend parler. —


a Point sor- vertu médiocre et non d'une vertu céleste et
dide, mais modéré, ennemi des querelles, sublime être sobre, prudent et de bonne
:

« désintéresse, sachant bien gouverner sa mai- mœurs est une vertu commune.
son, et que ses enfants lui soient soumis avec
ci 2. « Que ses enfants lui soient
soumis avec
une entière régularité de mœurs». Or, si «une entière régularité de ». Car il mœurs
l'homme qui s'est marié se préoccupe des faut que sa maison donne l'exemple. Qui
choses du monde, et si l'évêque ne doit pas pourra croire en effet qu'un évêque se fasse
s'en préoccuper, comment l'apôtre dit-il: obéir d'un étranger, s'il ne s'est pas fait obéir
« Mari d'une seule femme?» de son fils? « Sachant bien gouverner sa mai-
Plusieurs aftirmentqu'il entendait: «N'ayant a son
». Les païens eux-mêmes disent que, qui
eu qu'une femme» mais quand
; il en serait sait gouverner sa maison deviendra vite un
autrement, on |)eut être marié, comme ne bon administrateur. 11 en est en eCfrt d'une
l'étant pas. L'apôtre a eu raison de faire cette église comme de la moindre famille et de ;

concession à de choses existant alors, et


l'état même que, dans une maison, les enfants, la
l'on pouvait avec la bonne volonlé, en tirer un femme et le mari, au-dessus de tous, forment
bon parti. En tfl'et, de même que la richesse une hiérarchie d'autorité, de môme, dans
laisse entrée au royaume des
difficilement l'église, on retrouve partout des enfants, des

cieux, et que bien des riches y sont entrés femmes, des serviteurs. Si le chef d'une église
néanmoins, il en est de même du mariage. a des associés à son pouvoir, le chef de fa-
Que dites-vous, ô Paul? En parlant des devoirs mille a aussi sa femme. S'il lui faut pourvoir
de l'évêque, vous avez dit qu'il ne doit pas à la nourriture des veuves et des vierges, le
être livré au vin, mais hospitalier, quand chef de famille a ses esclaves, ses filles seule- ;

vous aviez à faire entendre quelque chose de ment une maison est plus facile à gouverner.
bien plus grand. Pourquoi n'avez-vous pas dit: Celui donc qui ne l'a pas su faire, comment
L'évêque doit être un ange, et n'être sujet à po«rra-t-il administrer une église ? « Celui »,
aucune passion humaine? et ces grands ensei- dit l'apôlre, « qui ne sait pas diriger sa mai-
gnements du Christ que ceux qui sont en di- « son, comment prendra-t-il soin de l'Eglise
gnité doivent ohi^erver sans cesse: D'être cru- « de Dieu (5) ? »
cifié, d'avoir toujours son âme entre ses mains? « Que ce ne soit pas un néophyte (6) » ajoute-
et celte parole du Christ « Le bon pasteur
: til ; et par là il n'entend pas un homme jeunn,
« donnesa vie pour ses brebis». (Jean,x, H.)Et mais nouveau dans la doctrine. «J'ai planté»,
encore: o Celui qui ne prend pas sa croix pour dit-il ailleurs, «Apollon a arrosé; mais c'est
me suivre, n'est pas digne de moi » (Matlh. x,
. a Dieu qui a donné l'accroissement ». (1 Cor.

38.) Paul a dit Qu'il ne soit pas livré au vin.


: III, 6.) C'est donc le nouveau converti qu'il a

Voilà de belles espérances, si ce sont là les en vue autrement qu'est-ce qui l'empêchait
;

avis qu'il faut adresser à unévêque Pourquoi I dédire Unjeune homme? Pourquoi a-t-il fait
:

ne dites-vous pas qu'il doit être déjà en de- évêqueTinioIhée lui-inême?Or, Timothée était
hors de la terre? pourquoi prescrivez-vous à jeune, puisque l'apôtre dit «Que personne ne :

nn évêque ce que vous avez prescrit aux gens a méprise votre jeunesse ». (I Tim. iv, 12.)

du monde? Que leur dit-il en effet? «Mortifiez Parce qu'il le connaissait pour très-vertueux
o vos membres terrestres». (Col. m, 5.) «Celui et d'une conduite parfaite : ainsi il lui rend
a qui est mort est justifié du péché». (Rom. vi, plusieurs excellents témoignages: « Vous avez
7.) aCeux qui appartiennent au Christ ont cru- « appris les saintes lettres dès votre enfance»;
a cifié leur chair». (Gai. v, 24). Elle Christ et encore : « Usez d'un peu de vin, à cause de
lui-même a dit a Celui qui ne renonce pas à
: « vos fréquentes indispositions »; ce qui prouve
o tout ce qu'il possède n'est pas digne de moi ». que Timolhée jeûnait. 11 est clair que ces témoi-
(Luc, XIV, 33.) Pounjuoi donc l'apôtre n'a-t-il gnages et ces recommandations ne pouvaient
pas ici tenu ce langage? Parce qu'on ne pou- s'adresser qu'à (juelqu'un de très-vertueux.
vait trouver que peu d'hommes semblables à C'est parce que beaucoup de gentils embras-
ce modèle, et qu'il fallait un grand nombre saient la foi et se faisaient baptiser, que l'apô-

d'évêques, pour administrer les églises de un néophyle, c'est-à-dire


tre défend d'élever
chaque cité; car les églises allaient eue expo- un honnne nouveau dans la doctrine, an faîle
sées aux (.mliV.h'.s. Aussi parlc-t-il d'une de i'uulonlé. Car celui qui deviendrait maître
COMMENTAIRE SUR LA ï" ÉPÎTRE ÀTIMOTHÉE.- HOMÉLIE X. m
avant d'avoir été disciple, se laisserait bientôt Et comment tombe-t-il dans le piège? En
aller au vertige par l'enflure que fait éprouver tombant souvent dans les mêmes fautes qu'eux.
le commandement quand on n'a point appris Car, s'il est tel que nous le disons, le démon
à obéir. C'est pour cela que Paul ajoute « De : lui aura bientôt tendu un autre piège et bien-
« peur que, gonflé d'orgueil, il ne tombe sous tôt aussi ils le condamneront. Mais, s'il doit

« la condamnation du démon (6) », c'est-à-dire avoir bon témoignage des ennemis, il doit
sous la peine que celui-ci a encourue par son bien plus encore l'avoir des amis. Comme
orgueil. preuve, en effet, qu'une vie irréprochable ne
« (1 faut que l'évêque ait aussi un bon té- peut être flétrie, écoutez ce que dit le Christ :
o moignage de ceux du debors, afin qu'il ne « Que votre lumière brille devant les hommes,
a tombe pas dans l'opprobre et dans le piège o afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et qu'ils
« du démon (7) » ; car autrement, il serait ou- a glorifient votre Père qui est dans les cieux».
tragé par eux. C'est pour un motif semblable (Matth. V, 16.) Mais quoi, si un homme est
qu'il a dit encore: « Mari d'une seule femme», poursuivi par la malveillance, quelque cir-
si

bien qu'il ait dit ailleurs : « Je voudrais que constance lui vaut une calomnie ? Cela peut
« tous vécussent comme moi dans la conti- arriver, mais celui-là ne doit pas être élevé
nence ». (I Cor. vu, 7.) Mais, afin de ne pas en dignité, car il y a beaucoup à craindre. II
resserrer trop la voie, s'il exigeait une vertu faut donc, dit l'apôtre, que le futur évêqueait
si rigoureuse, ilne demande qu'une vertu aussi une bonne renommée même chez les
modérée. Il fallait en effet préposer un homme païens, car vos œuvres doivent briller. Et
dans chaque cilé ; car écoutez ce qu'il écrit à comme un aveugle même ne dirait pas que le
Tite : « Afin que dans chaque cité vous éla- soleil est ténébreux, car il aurait honte de
« blissiez des prêtres,comme je vous l'ai pres- combattre le sentiment universel, de même
« crit (13) ». Maisquoi? s'il a bon témoignage personne ne flétrira un homme parfaitement
et flatteuse renommée, mais qu'il ne soit pas honnête; mais les païens pourront le calom-
ce qu'on pense? C'est bien difficile, car ce nier souvent à cause de sa doctrine quant à ;

n'est déjà pas sans peine que même avec une une vie droite ils ne sauraient l'attaquer ; avec
vie droiteon acquiert une bonne réputation tout le monde, ils en sont frappés et l'admi-
parmi des ennemis; mais l'apôlre ne s'en est rent.
pas tenu là, car il n'a pas dit : o II faut qu'il 3. Vivons donc de telle sorte que le nom de
« ait un bon témoignage », mais « Qu'il ait : Dieu ne soit pas blasphémé. Ne considérons
« aussi un bon témoignage » comprenant ; point la gloire humaine et ne nous attirons
cette condition parmi les autres, et ne l'isolant point une mauvaise renommée, mais gardons
point. — Mais l'on en parlait mal sans motif
si une juste mesure, a Vous brillez comme des
et par envie, d'autant plus qu'il des s'agit a flambeaux dans le monde ». (Philip, ii, 15.)

gentils — ?n'en point


Il mais ceux-
est ainsi, Dieu nous a envoyés afin que nous soyons des
làmêmes respectent une vie irréprochable. flambeaux et que nous devenions comme un
Comment cela? dira-t-on. Ecoulez cependant levain, afin que nous instruisions les autres
ce que dit l'apôtre de lui-même : « A travers et que nous vivions comme des anges au mi-
« la mauvaise et la bonne renommée » (I Cor. . lieu des hommes, afin qu'étant semblables à
VI, 8.) —
Ce n'était point sa vie que l'on atta- des hommes parmi de petits enfants, hommes
quait, mais sa prédication c'est ce qu'il en- ; sjtirituels parmi ceux de la vie présente, ceux-
tend par ces mots a A travers la mauvaise : ci en tirent avantage et que nous soyons la
,

renommée» .On accusait les apôtresd'ètre dus semence qui produit des fruits abondants. Il
séducteurs et des magiciens, à cause de leur ne serait pas besoin de discours si notre vie
enseignement, mais on n'attaquait pas leur brillait il ne serait pas besoin de
à ce point ;

vie. Pourquoi personne n'a-t-il dit que ce fus- docteurs nous faisions voir nos œuvres, il
si

sent des impudiques, des insolents, des hom- n'y aurait plus de païens si nous étions chré-
mes cupides, mais seulement des séducteurs, tiens comme nous devons l'êlre, si nous gar-
ce qui ne touckiit qu'à leur prédication ? dions l'enseignement du Christ, si, en butte à
C'est que celui dont la vie brille par la vertu l'injustice et à la cupidité, nous bénissions
s'attire le res]ject des païens eux-mêmes, car dans les outrages, si nous rendions le bien
la vérité iuipose silence même à nos ennemis. liour le mal car
; il n'y a pas d'être si taroucho
9iî TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qui ne se ralliât à la piété, s'il en était ainsi mille jugements; si vous perdez un enfant
chez tous. vous ne vous connaissez plus. Je ne parle pas
Comprenez-le bien Paul était seul quand
: de ces désordres lamentables, les auspices, les
il un si grand nombre d'hommes
a converti ;
augures, les observations superstitieuses, les
si nous lui ressemblions tous, combien de thèmes généthliaques, les amulettes, les divi-
mondes n'aurions-nous pas pu convertir. nations, les fornmles d'incantation, les sorti-
Voici qu'aujourd'hui les chrétiens sont en plus lèges grands crimes et capables de provo-
;

grand nombre que les païens. Dans les autres quer la colère de Dieu, quand il nous voit
arts, un seul maître peut former à la fois une coupables d'une telle audace, après qu'il nous
centaine d'apprentis; ici où nous sommes tant a envoyé son Fils. Eh quoi ne faut- il que se
!

de maîtres et devrions former tant de disci- lamenter quand à grand'peine une faible part
ples ', personne ne se joint plus à nous. Car des hommes arrive au salut éternel? itfais

ceux que l'on veut instruire examinent la ceux qiu se perdent l'entendent dire gaîment,
vertu de leurs maîtres, et, quand ils nous parce qu'ils ne subissent pas seuls leur sort,
voient les mêmes désirs, la même ambition mais se perdent avec un grand nombre. Quelle
qu'à eux-mêmes, celle du pouvoir et de la joie est donc celle-là? Ils en subiront le châ-
considération, comment pourront-ils admirer timent. Ne croyez pas en effet que, comme il
le christianisme? Ils voient des vies dignes de arrive sur la terre, il y ait une consolation
reproches, des âmes terrestres nous sommes ; dans l'autre monde à trouver des compagnons
comme eux et bien plus qu'eux fascinés par de son malheur. Comment le prouveriez-
les richesses ; nous tremblons comme eux à la vous? Je vais vous rendre la vérité mani-
pensée de la mort, nous craignons comme feste.

eux la pauvreté, nous nous irritons comme Dites-moi, en effet, si un homme est con-
eux contre les maladies comme eux, nous ; damné au feu et qu'il voie son fils brûler avec
aimons la gloire et la puissance, nous nous 4yi, s'il voit la fumée s'élever de ses chairs, ne
laissons aller au désespoir de l'avarice, nous ressenti ra-t-il pas une douleur mortelle? Si
courtisons les heureux du siècle *. Comment ceux mêmes qui ne sont pas atteints par le

peuvent-ils croire ? par les miracles ? mais mal sont, à ce spectacle, saisis d'horreur et
nous n'en faisons pas par des changements ;
tombent en défaillance, combien plus ceux
de vie ? mais il n'y en a plus par notre cha- ; qui souffrent aussi. N'en soyez pas surpris,
rité? mais on n'en voit nulle part nulle trace. car écoutez la paiole d'un sage o Tu as été :

Aussi rendrons-nous compte, non-seulement « atteint comme nous, tu as été compté pour
de nos péchés, mais de la perte des autres. a un d'entre nous ». (Is. xiv, 10.) Il y a de la

Revenons de notre égarement, veillons, sympathie entre les hommes, et nous sommes
faisons voir sur la terre la cité céleste, disons frappés par les maux d'autrui. Sera-ce donc
que «notre conversation est dans le ciel», une consolation ou un accroissement de souf-
(Philip, ni, 20.) Montrons-nous sur la terre frances qu'éprouvera un père en voyant son
comme y a eu
des athlètes. Mais, dira-t-on, il fils soumis à la même peine que lui? un mari

parmi nous de grands hommes? Comment le en voyant sa femme? des hommes, un autre
croirai-je, répondra le païen? Je ne vous vfiis homme? Ne sommes-nous pas alors plus dou-
point faire ce qu'ils ont fait. Et puisqu'il faut loureusement atteints? —
Mais les peines de
aborder ce terrain, nous aussi nous avons de l'autre vie ne ressemblent pas à celle-ci. —
grands philosophes dont la vie fut admirable. Non, elles sont bien difl'érentes, car le pleur y
Mais montrez-moi un autre Paul et un autre sera inconsolable, et tous se verront entre eux,
Jean? Qui ne se rirait de ces raisonnements? et souffriront ensemble. Dans une famine
Et qui ne continuera pas à demeurer dans éprouve-t-on quelque soulagement de ses pro-
l'ignorance en nous voyant philosophes, non pres maux, parce qu'on les voit partagés par
en actions, mais en paroles? Maintenant cha- autrui ? Et que sera-ce, quand ce sont un fils,
cun est prêt à se faire tuer ou à tuer pour une un père, une épouse, des petits-fils qui subis-
obole ; pour un vase de terre, vous prononcez sent la même peine que nous? Quand nous
voyons souffrir nos amis, en éprouvons-nous
* Muiiucrit du musée briuaDique de Moscou et de la L>urea> de la consolation ? Non, non mais nos dou- ;

tienne.
? Uuuecnt ds la Uui«aU«iuiei Iuui6 an dttvitiuuuat plus iatenscs. 11 y a d'ail:
COMMENTAIRE SUR LA ï" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - ÎIOMÉLIE XL 313

leurs des souffrances trop aiguës pour être vent-elles pas compter de veuves comme elles ?
soulagées par qu'un homme
le partage. Ainsi, Mais leur mal en devient-il moins grand? Ah 1

soit dans le feu et un autre encore, pourront- ue nous entretenons point d'une telle espé-
ils se consoler entre eux? Dites-moi, je vous rance trouvons la seule consolation véritable
;

prie, si nous sommes saisis d'une fièvre vio- dans regret de nos péchés et la fidélité à la
le

lente, toute consolation n'est-elle pas vaine bonne voie qui conduit au ciel, afin que nous
pour nous? Oui, sans doute; car l'àme, lors- obtenions le royaume des cieux par la grâce

que le mal l'a surmontée, n'a plus le loisir de et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à
se prêter à des consolations. Voyez les femmes qui soient gloire et puissance aux siècles des
qui ont perdu leurs maris ; combien ne peu- siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE XI.

DE MÊME, QCE LES DIACRES SOIENT PCDIQOES, SINCÈRES, QU'iLS NE SOIENT ADONNÉS NI AU VIN, NI A
DES PROFITS HONTEUX, ET QU'lLS GARDENT LE MYSTÈRE DE LA FOI DANS UNE CONSCIENCE PI'RE.
qu'ils SOIENT AUSSI D'aDORD ÉPROUVÉS, PUIS ADMIS A CES FONCTIONS, S'iLS SONT IRRÉPROCHABLES.
(m, 8, 9.)

Analyse.
1. Devoirs des diacres.
2 et 3. De l'usage que l'on doit faire des rictaesses.

1. L'apôtre, après avoir traité des évêques parlant de l'évêque, il le répète par cette
et les avoir caractérisés, et énoncé les qualités phrase conjonctive, qui ne laisse pas d'idée
qu'ils doivent avoir et ce dont ils doivent être intermédiaire. Il fait donc entendre là aussi :

exempts, passe sous silence l'ordre des prêtres « Qu'il ne soit pas néophyte » Ne serait-il pas .

et arrive immédiatement aux diacres. Pour- étrange en effet que dans une maison l'on, ,

quoi cela? C'est qu'entre évêques et les les ne confie pas le service intérieur à un esclave
prêtres la différence n'est pas grande. C'est nouvellement acheté, avant qu'il ait donné,
que les prêtres ont été institués pour ensei- par une expérience répétée des preuves de ,

gner pour avoir autorité dans l'église ce


et ; son intelligence, et que, dans l'EgUse de Dieu,
qu'il a dit des évêques s'applique aussi aux celui qui arrive du dehors fût immédiate-
prêtres. Ce n'est que par l'ordination que les ment admis dans les premiers rangs ?
premiers sont montés plus haut c'est par là ;
a Que de même les femmes » il parle des ,

seulement qu'on leur voit un avantage sur les diaconesses, « soient pudiques, innocentes de
prêtres. — a De même des diacres » , il leur a calomnie, sobres, fidèles en toutes choses

demande les mêmes vertus. Et comment les «(11) B. Quelques-uns pensent que l'apôtre
mêmes? D'être irréprochables, prudents, hos- parle des femmes en général, mais il n'en est
pitaliers, doux, pacifiques, désintéressés. « Pu- point ainsi comment, en effet, eût-il inséré
;

diques, sincères », c'esl-à-dire, sans vice ca- dans ce qu'il dit ici des préceptes concernant
ché, sans artifices; car rien ne produit la les femmes? 11 parle de celles qui possèdent
bassesse de l'âme autant que l'artifice , et rien la dignité de diaconesses. « Que les diacres ne
n'est fâcheux dans l'Eglise comme un vice « soient maris que d'une seule femme (12) ». '

caché. —
Qui ne soient adonnés ni au vin
a Vous le voyez, il demande d'eux aussi cette
« ni à des profits honteux, et gardent le mys- vertu. Car, s'ils ne sont pas égaux en dignité à
atèrede la foi dans une conscience pure». l'évêque, ils doivent, comme lui, être irrépro-
Vous le voyez, il a exprimé ce que c'est qu'être chables et purs. Qu'ils gouvernent bien leurs
irréprochable. Voyez aussi comment il intro- « enfants et leurs maisons. Car Ics diacres qui
duit ici l'idée « Qu'il ne soit pas néophyte ».
:

Car il ajoute « Et qu'ils soient d'abord éprou-


:
* II convient de l'entendre aussi des diaconesses, car c'est una
chose bien nécessaire, profitable et conforme à la régularité de»
« vés »; en soi te que, ce qu'il a exprimé eu aicouis < i^ug les ims^> us s«ieal waiU 'iuu tl'UB« s«tile p ei6«Qu« •
9l<i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

«auront bien rempli leur charge, obtiendront doce donné aucune de ces règles qu'on voU
,

« un rang lionorable et une grande confiance dans mais il élève la pensé»' vers
le Lévitique,

B dans la foi en Jùsiis-Christ (12, 13) ». Par- un autre sujet, savoir que l'Auteur du monde
tout il parle du gouvernement des enfants, a été manifesté dans la chair : vu dans
« 11 a été

afin d'éviter au peuple le scandale qui résul- la chair», dit-il, « et justifié dans l'Esprit».
terait de cet objet. « Car », dit-il, « les diacres L'apôtre veut ici ou rappeler cette parole: «Et la
o qui auront bien rempli leur charge, obtien- a sagesse a été justifié'^ par ses enfants »
a dront un rang honorable » , c'est-à-dire (Malth. XI, ly),ou exprimer que le Christ
un rang « et une grande confiance
plus élevé, n'a point commis de fraude, ce que le Pro-
« dans Ceux qui se seront montrés vi-
la foi ». phète exprime en disant o Qui n'a point :

gilants dans une charge inférieure arriveront « commis de péché, et la fraude ne s'est point
promptement aux plus hautes, dit-il. « trouvée dans sa bouche a
». (Is. lui. 9.) « Il

« Je vous écris ces choses, quoique j'espère a été vu par les anges anges n'ont
». Ainsi les

«me rendre promptement auprès de vous; vu qu'avec nous le Fils de Dieu ils ne le :

« afin que, si je tarde, vous sachiez comment voyaient pas auparavant. Vraun' nt, c'est là
il faut vous conduire dans la maison de un grand mystère. « II a été annoncé aux
« Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la co- «nations, il a été cru dans le monde ».
a lonne et le fondement de la vérité (14, 15) ». Partout sur la terre on a entendu et cru cet
Craignant que son disciple ne se décourage à enseignement ; ne pensez pas que ce ne soient
la pensée de régler lui-même tout cela, il là que de vaines paroles. « II a été élevé

ajoute que, s'il écrit, ce n'est pas qu'il n'ait a dans la gloire celui que vous voyez élevé

point l'intention de venir, et qu'il viendra, « au ciel ». (Act. i, 11.) « Les an^;cs s'appro-

mais pour que, s'il tarde, Timothée ne se cha- « chèrent et ils le servaient ». (Miillh. iv, H.)

grine pas. Il lui adresse donc cette épître pour « Dans toute la terre le bruit s'en est fait
le sauver du découragement , il l'envoie aussi «entendre ». (Ps. xvui, 5.) « II a été élevé
pour en réveiller d'autres et les rendre plus « dans la gloire », sur les nuées.

zélés car l'annonce de son arrivée avait un


;
Considérez, je vous prie, la sagesse du bien-
grand pouvoir. Et ne vous étonnez pas si, pré- heureux apôtre. Lorsqu'il a voulu avertir ceux
voyant l'avenir par inspiration, il s'en montre qui sont jugés dignes du diaconat de ne pas se
ignorant par ces paroles ; a J'espère venir, gorger de boisson il ne leur a pas dit de ne
,

o mais si je tarde », —
paroles qui convien- pas s'enivrer, mais de ne pas être adonnés au
nent à celui qui ignore. Car, puisqu'il était vin. Car si ceux qui entraient dans le temple,
conduit par l'inspiration et n'agissait point n'en goûtaient point, combien plus ceux-ci
par son sentiment propre il devait ignorer , doivent-ils s'en abstenir. Le vin trouble, en
cela. B Afin que vous sachiez », dit-il, a com- effet, même sans conduire jusqu'à l'ivresse;
c ment il faut vous conduire dans la maison la vigueur de l'âme se détend, l'harmonie des
a de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la facultés est détruite. Voyez comment l'apôtre
a colonne et le fondement de la vérité»; ce apiielle toujours mystère, l'incarnation, et
n'est |)lus là le temple juif. Ces paroles com- c'est avec raison, car elle n'est visible ni pour
prennent la foi et la prédication car la vérité ; les regards des hommes ni pour ceux mêmes
est la colonne et le fondement de l'Eglise. des anges; etcommentreùt-elleété puisqu'elle
o Et sans contredit » , ajoute-t-il, « c'est qucl- s'est manifestée par l'Eglise? C'est pour cela
a que chose de grand que ce mystère d'amour. qu'il dit : a Sans contredit c'est un grand
« Dieu a été manifesté dans la chair, justifié «mystère ». Oui, c'en est un grand qu'un
dans l'Esprit (16) ». C'est là l'économie de homme soit Dieu et qu'un Dieu soit homme;
notre salut, c'est-à-dire, l'incarnation. Ne me homme, il a été vu sans péché ; homme, il

parli.z pas des clochettes (Exod. xxviii), du s'est élevé au ciel et a été |)rêclié dans le
Saint des saints, ni du grand prêtre : la co- monde; les anges l'ont vu avec nous. C'est
lonne du monde, c'est l'Eglise. Méditez ce donc un mystère. Ne le divulguons point, ne
mystère et vous tremblerez. C'est un mystère, l'exposons point en toute occasion mais me- ,

un mystère de piété, sans contredit, et non nons une vie qui en digne. Ceux à (jui les
soit
comme un problème à résoudre, car il n'y a mystères sont confiés sont giands. Si l'empe-
point là 'le doute. Il n'a , en traitant du sacer- reur nous confiait un secret, dites-moi, ne
CO.MMENTAIUE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLlE'Xït 31g

nous témoignerait- il pas ainsi une grande spirituels, afin d'apprendre à connaître ma
amitié? Maintenant Dieu nous a confié ce puissance; fuis l'esclavage et le joug des ri-

mystère. Et comment, direz -vous, appeler chesses. Tant que tu es retenu par elles, tu es
mystère ce que tous connaissent? Non, certes, pauvre; lorsque tu les auras méprisées, tu
tous ne le connaissent pas. On l'ignorait avant seras doublement riche, parce que tout abon-
qu'il fût révélé, et c'est maintenant qu'il a été Jera entre tes mains et parce que tu n'auras
manifesté aux hommes. plus besoin de ce qu'il faut au commun des
2. Rendons-nous donc dignes d'être les gar- hommes. Etre riche, en effet, ce n'est pas pos-
diens de ce mystère. Dieu nous a confié un séder beaucoup, c'est avoir besoin de peu en :

mystère si grand et nous, nous ne lui con-


! tant qu'il a des besoins, un roi ne ditfère pas
fions pas nos biens. Mais lui-même vous dit d'un pauvre. La pauvreté, c'est avoir besoin
de les déposer entre ses mains, où personne de ce qu'on n'a pas ; en sorte qu'un roi est
ne vous les ravira où les vers ni les voleurs
, pauvre en tant qu'il a besoin de ses sujets.
ne sauraient les atteindre ; il nous promet de Mais il n'en est pas ainsi de celui qui a cruci-
nous les rendre au centuple, et nous ne le fié sa chair : il n'a besoin de personne ; ses
croyons pas. Cependant, quand nous confions mains suffisent pour le nourrir, o Mes mainï
un dépôt à un homme, il ne nous rend rien a nous ont entretenu, mes compagnons tt

de plus, et, s'il nous le rend tout entier, nous «moi». (Act. XX, 34.) Paul exprimait cette
en sommes reconnaissants; nous n'exigeons pensée quand ildisait « Comme n'ayant rien
:

pas, si un voleur l'a ravi, qu'on nous en tienne a et possédant tout » (11 Cor. vi, 10), lui que
compte, non plus que si les vers l'ont rongé. les habitantsdeLystre ont honoré comme un
Dieu nous rend ici le centuple, il y joint la vie Dieu. Si vous voulez obtenir le monde re- ,

éternelle dans l'autre monde, et personne ne cherchez le ciel ; si vous voulez jouir des
lui confie ses biens. Mais, dit-on, il tarde à les biens d'ici-bas , méprisez-les. « Cherchez le
rendre. C'est la plus grande preuve de sa libé- « royaume des cieux », dit le Sauveur, « et
ralité que de ne pas nous les rendre dans cette « tout le reste vous sera donné par surcroît ».
vie, sujette à tant d'accidents, mais ici même (Matth. VI, 33.)
il nous rend le centuple. Dites-moi, en effet, Pourquoi admirer de si petites choses ?
Paul n'a-t-ilpas quitté le tranchet, Pierre la Pourquoi cet enthousiasme pour ce qui ne
ligne et l'hameçon, Matthieu son bureau, et mérite aucune estime ? Jusqu'à quand serez-
la terre n'a-t-elle pas été ouverte devant leurs vous pauvre et mendiant ? Levez vos reganis
pas plus que devant ceux des rois ? N'est-ce vers le ciel, pensez au trésor qu'il renferme,
pas à leurs pieds qu'étaient déposées les ri- riez-vous de l'or, apprenez-en l'usage et le
chesses de tous ? Ne les en faisait-on pas les prix. La jouissance bornée à la vie présente, à
dispensateurs et les maîtres? Les âmes ne leur cette vie sujette aux accidents, c'est comme
étaient-elles pas confiées, ne s'en remetlait-on un grain de sable ou plutôt comme une
pas à leur volonté se déclarant leurs servi-
, goutte d'eau, comparée à un immense abîme ;

teurs? telle est la vie présente comparée à la vie fu-


Et combien de faits semblables se passent ture. Ce n'est point possession c'est usage , ;

aujourd'hui autour de nous? Combien d'hom- vous n'êtes pas propriétaire, car, dès que vous
mes petits et chétifs, ne maniant que le boyau, aurez expiré, que vous le vouliez ou non,
ayant à peine la nourriture nécessaire, sont, d'autres recevront vos biens et les transmet-
parce qu'ils portent le nom de moines, élevés tront encore à d'autres ,
qui les transmettront
à nos yeux au-dessus de tous honorés par
et à leur tour. Nous sonnncs tous des hôtes, et le
les souverains ? Mais c'est peu ; songez que ce maître d'une maison n'en est que le locataire.
n'est que le surcroît; le principal nous est dis- Souvent, après sa mort, un autre en jouit plus
pensé dans le siècle à venir. Méprisez les ri- que lui, et le premier maître n'avait pas une
chesses, si vous voulez posséder des richesses; condition différente. Il s'est donné beaucoup
si vous voulez être riche, faites-vous pauvre. de peine pour élever cette demeure et la res-
Ce sont là les paradoxes de Dieu il ne veut : taurer; mais la propriété n'est que nominale :

pas (|ue vous deveniez riche par vos propres en nous avons n'est pas à nous.
réalité ce c|ue
eilorls, mais par sa gtâcc. Renonce à cela Nous ne iio^se.ioiis (|uc ce que nous envoyons
pour moi, uousUil-il, uccuporttii dys objets dcvaut nous dans l'autre monde ce qui reslo ;
316 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINf JEAN CHKYSOSTOME.

sur la terre appartient, non à nous, mais à voulez, marchant à pied, vous serez plus élev4
notre vie , et souvent même
nous abandonne que l'homme porté sur un char. Et comment?
de notre vivant. Ce qui esta nous, ce son* Parce que, si son corps est quelque peu élevé
uniquement les biens de l'âme, la miséri- au-dessus de la terre , son âme y est attachée.
corde et la bonté. Les biens matériels, ce sont a Et ma force s'est attachée à ma chair », (Ps.
les choses du dehors, suivant l'expression usi- CI, 6.) Votre pensée, au contraire, plane dans
tée même chez les païens; elles sont effective- les cieux. — Cet homme a des serviteurs qui
ment en dehors de nous. Sachons donc les lui font faire place. — Eh bien 1 est-ce lui ou
faire passer au nombre des biens qui sont à son cheval qui est le plus honoré? Quelle pire
nous. Celui qui sort de ce monde ne peut em- folie que de chasser des hommes pour qu'un
porter ses richesses, mais
il peut recevoir mi- animal ait la voie large devant lui ? Mais —
séricorde.Envoyons plutôt ces biens devant il y a quelque chose de respectable à être
nous pour nous préparer un tabernacle dans porté sur un cheval. Cet honneur lui est com-
les demeures éternelles. mun avec ses esclaves. Il est des gens si or-
3. Le nom que nous donnons aux richesses gueilleux qu'ils se font suivre sans aucun be-
(xpT.(j.aTa) vient de celui de l'usage (xe/.f^sôai) soin. Quoi de plus insensé que ceux-là qui
et non de la possession en avoir c'est en : , veulent attirer les regards par leurs chevaux,
user et non les posséder. Dites-moi com- la magnificence de leurs habits, les serviteurs
bien de maîtres a eus un champ, et combien il qui les suivent? Quoi de plus frivole qu'une
en aura. Il est un proverbe bien sage (car il gloire qui résulte des chevaux et des servi-
ne faut pas dédaigner les proverbes popu- teurs? Etes-vous vertueux? n'usez point de
laires s'ils contiennent quelque sage pensée) : pareilles choses que votre parure soit en
;

Champ, dis-moi à combien de gens tu as été, vous-même et ne provienne pas d'ornements


à combien de gens tu seras. Et la même chose étrangers. Des misérables, des coquins, des
doit se dire des maisons et de l'argent, ^a gens grossiers , tout homme enfin ,
pourvu
vertu seule sait nous accompagner dans ce en avoir autant. Des mi-
qu'il soit riche, peut
grand voyage et passer avec nous dans l'autre mes et des danseurs vont à cheval et ont un
vie. Rompons nos liens éteignons en nous le
,
serviteur qui court devant eux ; ils n'en sont
désir des richesses, afin de nous attacher à pas moins des mimes et des danseurs; leurs
celui des biens futurs. Ces deux amours ne chevaux et leurs suivants ne les ont pas ren-
peuvent posséder une même âme. a Car ou dus vénérables. Lorsqu'un homme entouré
a elle aimera l'un et haïra l'autre, ou elle s'at- de cet appareil ne possède aucun des biens de
« tachera à l'un et méprisera l'autre ». (Mutth. l'âme, tous ces avantages extérieurs sont vains
VI, 21.) s'il vous plaît, un homme
Considérez, et sans valeur. De même que tout ce dont on
traînant à sa suite un grand nombre de ser- revêt un corps débile et corrompu ne l'empê-
viteurs , faisant reculer la foule , couvert de che pas d'être repoussant et corrompu de ;

vêlements de soie, porté sur un cheval et même ici l'âme ne tire aucun avantage de ces
dressant la tête. N'en soyez point ébahi il : objets extérieurs, mais demeure corrompue,
n'est que risible. De même que vous riez s'cnlourât-on de mille bijoux. N'en soyons
quand vous voyez des enfants jouer au souve- donc point fascinés éloignons-nous des avan-
;

rain, faites-ea de même en ce cas; l'un ne tages qui passent, attachons-nous à de plus
diffère pas de l'autre , ou plutôt le jeu dei. ^lands biens, aux biens spirituels, qui nous
enfants est plus acceptable a cause de la , leudeul vraiment respectables, afin d'obtenir
grande simplicité de leur âge. Us n'en fout le bonheur à venir. Soyons -en tous jugés
qu'un sujet de rire et d'anmsement, au lieu dignes en le Christ Jésus Notre-Seigneur, avec
que cet homme est ridicule et plein d'impu- qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire,
dence. puissance, honneur, à présent et toujours, et
Glorifiez Dieu de ce qu'il vous a éloigné de aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.
ce rôle théâtral et de cet orgueil. Si vi>us la
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPiTRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XIL 31Î

HOMELIE XII.

l'esprit dit expressément que, dans les temps ultérieurs, des hommes s'éloigneront de la
FOI, attachant a des esprits d'erreur et aux enseignements des démons, avec l'hypocrisie
s'

DE CEUX QUI profèrent LE MENSONGE, QUI ONT CAUTÉRISÉ LEUR CONSCIENCE, PROHIRENT LE MA-
RIAGE, ENSEIGNENT l'ARSTINENCE DES ALIMENTS QUE DIEU A CRÉÉS, POUR QUE LES FIDÈLES QUI
BBCONNAISSENT LA VÉRITÉ, EN USENT AVEC ACTIONS DE GRACES. EN EFFET, TOUTE CRÉATURE DE DIEU
EST BONNE, ET l'ON NE DOIT REJETER RIEN DE CE QU'ON REÇOIT AVEC ACTIONS DE GRACES, CAR TOUT
OBJET EST SANCTIFIÉ PAR LA PAROLE DE DIEU ET L'ORAISON. (iV, 1-5 JUSQU'A 10.)

Analyse*
1. L'hérésie demeure en «ne fluctuation perpétuelle. — Les manichéens, encratites,
les les marcionites.

2, 3. Les observances judaïques ont fait leur temps. — La foi et lapiété, tout est là.
4. Contre tes avares.

1 . De même que ceux ui s'attachent à la par ignorance, ne sachant ce qu'ils font, maïs
foi mouillent sur une ancre solide, de même par feinte, sachant ce qui est vrai, mais ayant
ceux qui perdue ne peuvent s'arrêter
l'ont cautérisé leur conscience , c'est-à-dire ayant ,

nulle part, mais, errant çà et là en de nom- une vie perverse. Et pourquoi n'a-t-il prophé-
breuses erreurs ils sont enfin entraînés aux
, tisé que
ces hérétiques? Ce ne sont pas les
abîmes de la perdition. L'apôtre l'a déjà ex- seuls dont le Christ a dit « Il faut qu'il :

primé, quand il a dit que quelques-uns ont « vienne des scandales ». (Matth. xviii 7.) Et ,

fait i.aufrage dans la foi, et maintenant il ailleurs il a prédit la zizanie poussant dans le
ajoute a L'Esprit dit expressément que, dans
: champ du père de famille. Mais admirez la
a les temps ultérieurs, des hommes s'éloigne- prophétie de Paul. Avant les temps où les
ront de la foi s' attachant à des esprits d'er-
, choses devaient arriver, il en indiquait le
reur » C'est des manichéens des encratites,
. , temps même. Ne soyez donc pas surpris, si
des marcionites et de toute cette officine, que maintenant que les doctrines de la foi domi-
parle l'apôtre en disant « Dans les temps ul- : nent, quelques hommes s'efforcent de glisser
«iérieurs, des hommes s'éloigneront de la parmi nous ces dogmes funestes longtemps ;

foi ». Vous voyez que la cause de tous les après l'affermissement de la foi plusieurs
maux qu'il prédit est l'éloignement de la foi. l'abandonnèrent.
Et que veut dire le mot « expressément ?» Il a Prohibent le mariage, enseignent l'abs-
veut dire évidemment, clairement, sans con-
: « tinence des aliments » Mais pourquoi donc
.

tredit ni discussion. Ne vous étonnez pas, dit- ne parle-t-il pas des autres hérésies ? Il y a
il, si ceux qui se sont éloignés de la foi judaï- fait allusion par ces mots : « Esprits d'er-
sent encore; il viendra un temps où ceuxqui « reur et a enseignements des démons ».
»
auront reçu la foi feront pis ils ne s'en pren- ; Mais ne voulait pas les semer dès lors dans
il

dront plus seulement aux aliments, mais au les âmes il a seulement désigné ce qui avait
;

mariage, appliquant à tous ces objets leurs commencé à se produire ce qui concerne les ,

funestes conseils. Ce n'est pas des Juifs qu'il aliments. —


« Que Dieu a créés pour l'usage
parle; car comment alors dirait-il a Dans les : « des fidèles qui reconnaissent la vérité ». Ne
temps ultérieurs » et « s'éloigneront de la les a-t-il donc pas créés pour les infidèles ? Et
« foi », mais bien des Manichéens et de leurs comment cela, puisqu'ils s'en écartent eux-
docteurs. 11 les appelle esprits d'erreur, et mêmes par les lois qu'ils s'imposent? Mais quoi,
avec raison , car ce sont des esprits d'erreur la vie sensuelle n'est-elle pas prohibée? —
qui leur inspirent cet enseignement. Et que Energiquement. —
Pourquoi si les aliments ,

veulent dire ces mots Avec l'hypocrisie de : « sont créés pour que nous en usions? Parce
«ceux qui profèrent le mensonge? » C'est que que Dieu a créé le pain et défendu l'intempé-
leurs fausses doctrines il? ne les débitent pas , rance, créé le vin et défendu l'intcrapérar.ce*
,,

m TnADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Ce n'est pas comme impure en elle-même dance.« En présentant », dit-il. Il n'a pas dit:
qu'il nous défend la mollesse , mais parce En ordonnant, en prescrivant, mais: En pré-
qu'elle énerve l'âme par l'intempérance. « En sentant. Présentez-lacomme si vous donniez
«effet, toute créature de Dieu est bonne, et un provoquez des entretiens sur la foi.
avis;
« l'on ne doit rejeter rien de ce qu'on reçoit «Nourri », dit-il encore, montrant ainsi la
a avec actions de grâces ». Ce que Dieu a créé perpétuité du zèle pour la bonne doctrine.
est bon. « Et tout était très-bon ». (Gen. i, 31.) 2. Car de même que nous demandons notre
En disant: Créature de Dieu, a fait entendre
il pain quotidien , de même nous recevons sans
tous les aliments, et d'avance il repousse l'hé- cesse des paroles de foi , qui sont pour non?
résiede ceux qui prêchent une matière éter- une nourriture perpétuelle. « Nourri », c'est-
nelle et disentque les aliments en provien- retournant sans cesse,
à-dire, les digérant, les
nent. Mais , si les créatures sont bonnes lesmédilant toujours; car ce n'est pas une
pourquoi ajnute-t-il : Sanctifié par la parole nourriture vulgaire. « Eloignez-vous des fa-
et par l'oraison? Car ce qui est sanctifié de- « blés profanes et dignes de vieilles femmes ».
vait être impur. Ce n'est point cela, mais il Quelles sont ces fables? Les observances judaï-
parle ici contre ceux qui croient que certains ques. H les appelle fables ; elles le sont assu-
objets sont immondes par eux-mêmes. Il éta- rément, soit comme ajoutées à la parole de
blitdonc deux principes, l'un que nulle créa- Dieu, soit comme n'étant plus de saison. Ce
ture n'estimmonde l'autre que si elle l'était
, qui vient en son temps est utile hors de là ;

vous avez un remède à y apporter. Faites le ce n'est plus seulement inutile, mais nuisible.
signe de la croix, rendez grâces, glorifiez Imaginez un homme de plus de vingt ans ve-
Dieu, et toute impureté s'évanouit. Mais, dira- nant téter sa nourrice combien ne se ren- ,

t-on, pouvons-nous purifier ainsi même ce drait-il pas ridicule? Vous voyez donc dans
qui est immolé aux idoles? Oui, si vous igno- quel sens l'apôtre dit que ces enseignements
rez que ce soit Immolé aux idol'^s si vous le^ ; sont coupables et dignes de vieilles femmes,
savez et que vous en usiez, vous serez impur, parce qu'ils sont d'un autre temps et forment
non parce que l'objet a été immolé, mais obstacle à la foi. Ramener sous la loi de crainte
parce que ayant reçu la défense d'avoir rien
, une âme qui s'est élevée plus haut, c'est un
de commun avec les démons, vous l'avez précepte coupable. «Exercez-vous à la piété»,
ainsi violée. Ce n'est pas l'objet qui est impur c'est-à-dire, à une foi pure, à une vie droite,
par sa nature mais il l'est devenu par suite
, car c'est en cela que consiste la piété. Nous
de votre libre arbitre et de votre désobéis- avons donc besoin de nous y exercer. « L'exer-
sance. La chair de porc n'est-elle donc pas im- a cice corporel », continue l'apôtre, « n'a
pure? Non, si on la prend avec actions de «qu'une mince utilité (8) ». Quelques-uns
grâces, après avoir fait le signe de la croix, et pensent qu'il parle ici du jeûne, mais loin de
nul autre aliment non plus : c'est la volonté nous cette pensée ; ce n'est i)as là un exercice
qui est impure, lorsqu'elle ne rend pas grâces corporel, mais spirituel. S'il était corporel il

à Dieu. nourrirait le corps dessèche et l'amai-


; s'il le
BEn présentant cette doctrine à vos frères grit, il n'est pas corporel. Ce n'est donc point
a vous serez un bon serviteur de Jésus-Christ, des mortifications du corps que parle ici l'apô-
n nourri des paroles de la bonne
foi et de la tre nous avons besoin d'exercer notre âme.
;

doctrine que vous avez suivie (G) ». Que veut L'exercice corporel ne produit pas d'avantage
dire l'apôtre? Ce qu'il a exprimé en disant que réel, mais seulement quelque utilité pour le
c'est un grand mystère, et que s'abstenir de ces corps celui de la piété rend du fruit pour
;

aliments est l'œuvre des démons, parce qu'ils l'avenir, et nous le recueillons en ce monde
sont purifiés par la parole de Dieu et l'orai- et dans le ciel.
scn. a Nourri des paroles de la foi et de la «Cette parole est fidèle (9) », c'est-à-dire
« bonne doctrine que vous avez suivie. Eloi- vraie pour ce monde et pour l'autre '. Consi-
,

a gnez-vous des fables profanes et dignes de dérez comment Paul ramène partout cette
« vieilles femmes exercez-vous à la piété (6,
; pensée; il n'a pas besoin de prouver, mais
a 7) ». « En présentant celte doctrine » : vous seulement d'affirmer, parce que c'est à Timo-
voyez que nulle part ici il n'est question de
'On lit à la fin du verset précédent : La piété est utile i tout, élit
puissance impérieuse , mais de condescen- coDtieot la promesiM d» l6 vie prÔMiile «t d« la via future*
Commentaire sur la i»' èpitrë a timothée. - homélie xn. 319

tbée qu'il s'adresse. Oui, nous vivons ici dans nous-mêmes le mariage? Non certes, à Dieu

d'heureuses espérances. Celui dont la cons- ne nous ne le défendons pas à ceux qui
plaipe,
cience est sans reproche, qui sans cesse agit le désirent, mais ceux qui ne le désirent pas,

avec droiture, se sent heureux, même en ce nous les exhortons à la virginité. Autre chose
monde de même que
; le méchant est châtié est prohiber, autre chose est laisser maître de
non-seulement dans la vie future, mais dans son choix celui qui impose une prohibition le
:

celle-ci, vivant sans cesse dans la crainte, fait d'une manière absolue celui qui exhorte ;

n'osant regarder personne avec aisance, trem- à la virginité comme à quelque chose de plus
blant, pâlissant, tourmenté. N'est il pas vrai grand ne prohibe point le mariage il s'en ;

que les hommes


cupides et voleurs ne sont tient au conseil, a Prohibent le mariage, en-
jamais rassurés sur ce qu'ils possèdent ? Que « seignent l'abstinence des aliments que Dieu
les adultères meurtriers mènent une vie
, les « a créés, pour que les fidèles, qui reconnais-
fort misérable, n'osant lever les yeux sans in- « sent la vérité , en usent avec actions de
quiétude même sur le soleil? Est-ce là vivre? grâces ». L'apôtre a bien dit : Qui « recon-
Non certes une mort douloureuse, o C'est
; c'est « naissent » la vérité. ancien n'était
L'état
a pour cela », dit l'npôtre, « que nous suppor- qu'une figure : il n'y a pas de viande impure
a tons les fatigues il les outrages, parce que par elle-même ; elle ne le devient que par rap-
< nous avons mis notre espérance au Dieu vi- port à la conscience de celui qui en use. Pour-
€ vaut, qui est Sauveur de tous les hommes et quoi Dieu a-t-il interdit aux Juifs tant d'ali-
a surtout des fidèles (10) ». Comme s'il disait : ments? Pour réprimer leur grande sensualité.
Pourquoi nous imposer tant de peines, si nous S'il leur eût dit Ne faites pas de repas sen-
:

n'attendons pas les biens futurs ? Pourquoi suels, ils ne se fussent abstenus de rien il a ;

tous les hommes nous outragent-ils? Tout ce donc renfermé cette règle sous l'obligation de
que nous avons souffert n'est-il pas terrible? la loi, afin de les contenir par une crainte plus
Et avons-nous souffert en vain tant d'injures, grande. Il est évident que le poisson est plus
d'outrages et de maux de toute sorte? Si nous impur que le porc cependant Dieu ne l'a pas
;

n'avons pas mis notre espérance dans le Dieu interdit. Pour savoir combien ils étaient en
vivant, pourquoi les avons-nous supportés? proie à la sensualité, écoutez ce que dit Moïse :

S'il sauve les infidèles en ce monde, combien « Le bien-aimé a mangé, il s'est engraissé, il
plus les fidèles dans l'autre? De quel salut « s'est épaissi, il a regimbé». (Deut. xxxii, 13.)
veut- il parler? De celui de l'autre vie. — Il y a aussi une autre cause. Dieu défendait

a Qui est le Sauveur de tous les hommes et aux Juifs, qui allaient vivre dans un pays res-
«surtout des fidèles », ce qui signifie qu'il serré, d'user des autres animaux, afin qu'ils
leur témoigne un soin plus grand. Il a d'abord fussent contraints de se nourrir de bœufs et
parlé do cette vie. Et comment, dira-t-nn, Dieu d'égorger des brebis, prescription sage à cause
est-il le Sauveur des fidèles? S'il ne Tétait pas, d'Apis et du veau ; car Apis était impur,
il ne les eût pas garantis de leur perte, quand odieux à Dieu, souillé, profane.
ils sont attaqués de toutes parts. En cette vie il 3. Mettez ces objets sous vos yeux, méditez-

exhorte le fidèle à affronter les dangers, à ne les car c'est ce que l'apôfi'e fait entendre par
;

pas se laisser abattrequand il a un Dieu si


,
ces mots o Nourri des paroles de la foi ». Ne
:

bon, à ne pas réclamer une assistance étran- vous bornez pas à exhorter les autres, mais
gère, mais à tout supporter de bon cœur et méditez-les vous-même. « Nourri des paroles
avec générosité. Ceux, en effet, qui aspirent « de la foi et de la bonne doctrine que vous
aux biens de la vie affrontent les soucis lors- , avez suivie. Eloignez-vous des fables pro-
qu'ils aperçoivent l'espoir d'un gain. n fanes et dignes de vieilles ». Pour- femmes
Enfin viendront les derniers temps a Dans : quoi Paul n'a-t-il Abstenez-vous,
pas dit :

« lestemps ultérieurs », a dit l'apôlie, « des mais Eloignez-vous? Ne descendez point à


:

« honunes s'éloigneront de la foi, s'attachant disputer contre ces hommes, mais exhortez
a à des esprits d'erreur et aux enseignements ceux qui vous sont confiés à repousser ces
«des démous, avec l'hypocrisie de ceux qui doctrines. Car on ne saurait rien gagner à
« profèrent des mensonges qui ont cautérisé , lutter ainsi contre ceux qui se sont détournés
Pleur conscience, prohibent le mariage ». de la voie de Dieu, sauf le cas où nous pense-
Mais quoi, (lira-t-on, ne pruhibons-nous pas rions qu'il y eût scandale, parce que nous f>H''
,

33Ô TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

raîtrions nous refuser à la discussion, faute de dents humains sont nombreux) les ait entraî-
bonnes raisons. «Exercez-vous à la piété»; nés les mains vides? — Mais, me
répondra-
or la piété a pour objet une vie pure, une t-on, ne voyez-vous pas ceux qui réussissent,
conduite excellente. Celui qui s'exerce aux ceux qui avec peu de peine se procurent de
, ,

luttes gymnasliques se conduit en tout


, grands biens? —
Et quels biens? Des richesses,
comme un athlète, même en dehors du temps des maisons, tant et tant d'arpents de terre,
destiné aux combats; il supporte les absti- des troupeaux d'esclaves, un grand poids d'ar-
nences prescrites et des sueurs fréquentes. gent et d'or? C'est là ce que vous appelez des
« Exercez-vous à la piété », dit le texte ; a car biens? Et vous ne vous couvrez pas le visage?
« l'exercice corporel n'a qu'une mince utilité; Et vous ne vous cachez pas sous terre, homme
a mais la piété est utile à tout, ayant les pro- instruit dans la philosophie du ciel et qui as-
messes de la vie présente et de la vie fu- pirez aux choses terrestres qui appelez biens ,

« lure n. Pourquoi a-t-il rappelé ici l'exercice ce qui ne mérite pas qu'on en parle' Si ce
corporel? Pour montrer, par la comparaison, sont des biens il faut donc appeler bons ceux
,

la supériorité de l'autre, parce que le premier qui les possèdent; car celui qui possède le
exige de nombreuses fatigues, sans apporter bien , comment ne serait-il pas bon ?
d'avantage qui mérite qu'on en tienne compte, Eh I dites-moi : lorsque ces riches sont in-
tandis que l'exercice de l'âme en apporte de justes et voleurs, dirons-nous qu'ils sontbons?
perpétuels et d'immenses. De même il dit aux Car, si la richesse amassée par la fraude est un
femmes de se parer, non avec des frisures, de bien, plus elle s'accroît plus on devra juger
l'or, des perles et de somptueux vêtements bon celui qui la possède. L'homme d'une cupi-
mais comme il convient à des femmes qui dité sans fiein est donc un homme de bien, et,
enseignent la piété par leurs bonnes œuvres, si la richesse est bonne celui qui l'augmente
,

digne d'être reçue


o Cette parole est fîdèle et ainsi sera d'autant meilleur qu'il aura fraudé
par tous. C'est pour cela que nous support davantage. Voyez-vous la contradiction? —
tons les fatigues et les outrages ». Paul sup- Mais, répondra-t-on s'il n'a dépouillé per-
,

portait les outrages, et vous les trouvez insup- sonne? —


Comment cela se peut-il ? la passion
port;ibles? Paul supportait les fatigues et vous est funeste — mais on le peut— non, non cela
voulez vivre dans la mollesse? y eût vécu,
S'il n'est pas; le Christ l'a : témoigné en disant
il n'eût pas obtenu ces grands biens. Car si les Faites-vous des amis des richesses d'iniquité.
biens précaires et corruptibles de celte vie ne (Luc, XVI, 9.) —
Mais quoi, si l'on a reçu l'hé-
s'acquièrent jamais sans travaux et sans sueurs, ritage de son père? — Eh bien, on a reçu le

à combien plus forte raison les biens spirituels 1 fruitde l'iniquité. Ce n'est pas depuis Adam
— Mais, dira-t'On il en est beaucoup qui re-
, que sa famille est riche; il est probable que
çoivent ceux de cette vie par héritage. Dans — beaucoup de ses ancêtres ont vécu obscurs et
ce cas même, la garde et la conservation des qu'il s'en est trouvé un qui s'est enrichi en
richesses n'est pas dépourvue de peines, et le usurpant le bien d'autrui. — Mais Abraham
riche n'éprouve pas moins de fatigues et de des richesses injustes? et Job,
possédait-il
cliagrins que les autres. Et d'ailleurs com- l'homme sans reproche, juste, véridique ,
bien, après mille fatigues et mille soucis, ont pieux, qui s'abstenait de tout mal? Leurs ri-
vu s'évanouir leur fortune, assaillis à l'entrée chesses ne consistaient pas dans l'or, dans
du port par un coup de vent subit et faisant l'argent ni dans les édifices, mais en trou-
naufrage au plus beau de leurs espérances. peaux, et celui-ci fut enrichi par Dieu '. Qu'il
Pour nous, rien de semblable c'est Dieu qui
: fût riche en troupeaux, cela résulte manifeste-

est l'auteur de la promesse et « l'espérance ne ment du texte où l'écrivain, énumérant ce qui


a confond point ». (Rom. v, 5.) Ne savez- vous arriva à ce saint personnage dit que ses cha- ,

pas, vous aussi qui vous agitez dans les affai-


,
meaux, ses cavales et ses ânes périrent, mais
res de la vie, combien, après d'innombrables ne dit pas que l'on vint lui enlever son or.
travaux, n'en ont point recueilli le fruit, soit Abraham était riche en serviteurs. Quoi donc,
parce que la mort lésa enlevés auparavant, les avait-il achetés? Nullement; c'est pourquoi

soit parce qu'un revers est survenu, une ma- 1 Ecriture dit que ses trois cent dix-huit servi-

ladie les a atteints, des calomniateurs les ont '


eiônyourm, obscurius dicium, i\t ici Field, dan» une noW.
pltaqués soit que toute autre cause (les acci-
,
ilniiif.: JCti^m itcmAim Dmm Aivn frai, Mail voyoj Job jfHl, 18»
COMMENTAIRE SUR LA I" EPITRE A TIMOTHEE. — HOMELIE XIÎ. 321

feurs él.iient nés chez lui. Il avait aussi des c'est-à dire que la nourriture est également
brebis et des bœufs.Comment donc put-il en- partagée à tous , comme sortant de la provi-
voyer des bijoux d'or à Rébecca ? C'est qu'il sion du maître , et sa maison étant destinée à
avait reçu des présents de l'Egypte mais il , l'entretien de tous? Ce qui appartient à l'Etat,
n'avait commis ni violence ni fraude. les villes, les places, les promenades sont com-
Et vous , dites-moi , comment êtes-vous
4. munes à tous; nous y avons tous part égale-
riche? —
J'ai hérité de mes biens. Et de — ment.
qui cet autre les a-t-il reçus? De mon aïeul. — Considérez l'économie divine : Dieu, pour
— Et de qui celui-là? De son père. — — faire rougir les hommes, a mis en commun
Pourrez-vous, en remontant à plusieurs gé- certains objets, tels que l'air, le soleil, l'eau,
nérations, me
montrer que vos richesses sont mer, la lumière, les astres,
la terre, le ciel, la
légitimes? Non, vous ne le pourrez pas il faut ; et nous en a fait part également comme à des
que la racine et l'origine soient entachées d'in- frères; le Créateur a donné semblablement à
justice. Et comment? Parce que Dieu à l'ori- ,
tous des yeux, un corps, une âme, la même
gine, n'a point créé de riche ni de pauvre il ;
nature ; tout provient de la terre , tous pro-
n'a pas non plus amené l'un en présence d'une viennent d'un seul homme, tous ont une
masse d'or, empêchant l'autre de le découvrir, même demeure. Mais rien de tout cela ne fait
mais il a livré à tous la même terre. Comment honte à notre avarice. Il a mis encore en com-
donc, lorsqu'elle est commune, l'un eu pos- mun d'autres objets, les bains, les villes, le
sède-t-il tant et tant d'arpenls et l'autre pas places, les promenades. Voyez, rien de to
une motte? — C'est mon père, répondez vous, cela n'engendre de luttes, et l'on eu jouit
qui me les a transmis. — Mais de qui les paix; c'est quand un homme essaie de*
avait-il reçus? — De ses ancêtres. — Il faut à lui et de s'approprier un objet que la v,

pourtant arriver à un premier terme. Jacob relie commence; comme nature elle- si la
estdevenu riche mais en recevant la récom-
, même s'indignait de ce que Dieu nous ayant
pense de ses peines. Pourtant je ne veux pas réunis pour vivre en société, nous nous que-
creuser cette difficulté ; soit il y a une ri- : pour nousdiviser, et dépeçons ces objets
rellons
chesse légitime, pure de toute rapine ; vous pour nous les approprier, pour user des mots :

n'êtes pas responsable des gains illicites de le tien et le mien. C'est alors qu'ont lieu la

votre père vous possédez le fruit de la rapine,


;
lutte et la souffrance. Mais, pour les biens
mais vous n'avez pas volé vous-même. Je vous communs, ce faitne se produit pas; on ne voit
accorderai même que votre père n'a pas volé donc là notre desti-
ni lutte ni querelle. C'est
non plus, mais qu'il s'est trouvé en possession née la plus conforme à la
réelle et la plus
de cet or, qui a jailli du sein de la terre. Eh nature. Pourquoi jamais personne n'a-t-il un
bien, la richesse est-elle bonne à cause de procès au sujet d'une place publique? C'est
cela? —
Non, sans doute, direz-vous, mais parce qu'elle est commune à tous; tandis qu'à
elle n'est pas non plus mauvaise. Elle ne — chaque instant nous en voyons pour une mai-
l'est pas, si leriche n'a pas commis de rapines son ou pour de l'argent. Ce qui est nécessaire
et en a fait part à ceux qui sont dans le besoin; nous est offert en commun mais nous ne ,

mais s'il a refusé de le faire, elle est mauvaise savons pas maintenir la communauté dans les
et pleine d'embûches. —
Mais tant qu'elle ne , objelsde mince importance. Dieu nous a livré
cause pas déniai, elle n'est pas mauvaise, quand ceux-là en commun pour nous apprendre
,

même elle n'opérerait pas de bien. Soit; — ainsi à jouir en commun des autres; mais
mais n'est-ce pas un mal que de retenir seul cela même ne suffit point à nous instruire.
ce qui appartient au Seigneur, que do iouir E!, comme je le disais, comment celui qui
seul du bien qui est à tous? et la terre n~esl- possède la richesse serait-il bon? C'est impos-
elie pasà Dieu, avec tout ce qu'elle renferme? sible; il ne le devient que s'il en fait part à
Si donc nos richesses appartiennent au Sei- d'autres; s'il s'en dépouille, c'est alors qu'il est
gneur du monde, aux hommes qui
elles sont bon tant qu'il la relient, il ne l'est pas. Est-ce
;

sont ses serviteurs comme nous; car tout ce donc un bien, ce qui nous fait méchants quand
qui appartient au Seigneur est pour l'usage on le conserve, et 'uons quand on s'en dépouille?
de tous. Ne voyons-nous pas que, dans les Ce n'est donc pas posséder des trésors, qui
grandes maisons, les choses sont ainsi réglées, est un bien; cist (juaiid il ne les a plus
S. i. Cir. - ToMiî XI,
3^.2 THADUCtlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

qu'un homme se montre bon. La richesse sain, etvous deviendrez alors uu homme ver-
n'est donc pas un bien, si la refuser, quaH4 tueux; apprenez à connaître les vrais bimis.
TOUS pouvez la recevoir, vous fait homme de Et quels sont-ils? La vertu, la bonté, voilà les
bien. Si donc nous le sommes, en faisant par* biens; ce n'est pas la richesse. Suivant cotte
à d'autres de la richesse, quand nous la possé- règle ,
plus vous serez généreux en aumônes,
dons, et en ne l'acceptant pas, quand on nous plus vous serez honnne de Dieu , en réalité et

la donne; si nous ne le sommes pas, quand dans l'estime des hommes; mais non, si vous
nous la recevons ou l'acquérons, comment se- gardez vos richesses. Devenons vertueux , et
rait-elle un bien? Ne l'appelez donc point ainsi. afin de l'être et afin d'obtenir les biens futurs
Vous n'êtes pas le maître de votre or parce ,
en le Christ Jésus, Notre-Stigneur, avec qui
que vous le regardez comme un bien parce ,
soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puis-
que vous vous laissez enchanter par lui. Pu- sance, honneur, maintenant et toujours, et
rifiez votre eutendemenl, ayez un jugement aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE XIII.

PRESCRIVEZ F.T ENSBiGMiZ CELA. QUE NUL NE MÉPRISE VOTRE JEUNESSE, MAIS SOYKZ l'EXEMPLE DES
FIDÈLES PAR VOS PAROLES, VOS RELA1 IONS, VOTRE CUARITÉ, VOTRE FOI, VOTRE CHASTETÉ. JUSQUA
MON AKUIVKE, APl'LlyUEZ-VOUS A LA LECTURE, A L'EXIIOUTATION, A LENSEIGNEMI.NT. NE NÉGLIGI'.Z
POINT LA GRACE QUI EST EN VOUS, yUl VOUS A ÉTÉ DONNÉE PAU LA PROPHÉllE, AVEC L'iMPOSmON
DES SIAINS SACEUnoïALliS. (iV, 11-14, JUS^U'a V, 7.)

Annlyso.
1. Devoirs d'un évêque ; de la conduite qu'il doit tenir envers les vieillards et les jeunes gens, envers les femmes âgées et le»
jeunes foramos, envers les veuves.
2. Devoirs de la veuve.
3. 4. Contre les excès de la table. — Effrayante peinture.
1. Il est des objets qui ont besoin de pres- a ne méprise votre jeunesse ». Car il faut que
criptions, et d'autres, d'enseignement. Si donc celui qui enseigne soit honoré. — Mais, dira-
vous commandez là où il faut instiuire vous , t-on, (|ue devient le mérite de la modération
vous rendiez ridicule, et il en sera de même et de la condescendance si l'on est défendu
,

si vous enseignez là où il faut commander. contre le mépris? Dans les choses qui le con-
Ainsi, ne (las être pervers, il ne faut jias l'en- cernent lui seul, qu'il souffre le mépris car ;

seigner, mais l'ordonner, l'interdire avec une c'est ainsi que par la longanimité, l'enseigne-
grande énergie ne pas judaïser, c'est matièie
; ment chrétien se perfectionne mais, pour ce ;

à prescri|)tion. Mais si vous dites que l'on doit qui regarde le prochain, il n'en doit plus être
ri-|iaiKhe ses biens, garder la virginité, si vous do même, car ce ne serait plus modération,
discourez sur la foi, alors il faut un enseigne- mais, indifférence. S'il tire vengeance des in-
ment. Aussi Paul ct..blit il les deux choses : jures (lu'il a reçues des insultes des trames
, ,

ol'rescrivezet enseignez», dil-il. Par exemple, ourdies contre lui , on a raison de le blâmer;
si iiuelqu'un porte des amulelles ou que^iue mais, quand il s'wgit du salut d'autrui, (ju'il

ob;et semblable, et sait qu'il fait mal, c'est de parle avec autoiité, (]u'il unisse l'énergie à la
piescri|)tion qu'il a besoin ; s'il l'ignore, c'est prévoyance : c'est d'énergie (ju'il est alors be-
d'instruction. soin et non de douceur, afin d'éviter un dom-
Que nul ne méprise votre jeunesse »,
a mage public. 11 n'y a pas d'ailleurs de moyun
dit-il. Vous voyez que le prêtre doit prescrire, terme: «Que nul ne méprise votre jeunesse» ;

parler avec énergie et non toujours enseigner. c'est (|u'en effet, si l'on mène une vie contraire

La jeunesse est souvent mé|)risée par le pré- à la légèreté de cet âge ,


au lieu du mépris on
jugé comintiD g' Ci}! pourquoi il dit a Que nul ; e'Bçnuiprt une haute estime. « Mais foyei?
;
COMMENTAIRE SUR LA î" EPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE XIIL 323

«l'exemple des fidèles par vos parol(S, vor, ses pères auprès de Gamaliel, en sorte que de-
a relations, votre charité, votre foi, voire chas- puis lors il avait dû s'appliquer à la lecture; il

oteté ;
— vous montrant en toutes choses un s'adressait sans doute les avertissements qu'il

«modèle de bonnes œuvres». (Tit. ii, 7.) adressa depuis à autrui. Vous le voyez sans
C'est-à-dire, soyez un parfait modèle de con- cesse citer les témoignages des prophètes et en
duite, et comme une image offerte aux rc garda scruter le sens caché. Ainsi Paul s'appliquait
de tous, une loi vivante, une règle un exem- ,
à la lecture, et ce n'est pas un mince profit

plaire de bonne vie, car tel doit être celui qui que celui qu'on peut tirer des Ecritures ; mais
enseigne. « Par vos paroles » : qu'elles soient aujourd'hui nous les négligeons. « Afin que —
donc empreintes d'affubilité, o dans vos rela- «votre progrès soit manifeste à tous (15)».
a lions dans la charité, la foi » orthodoxe,
,
Vous voyez qu'il voulait que son disciple de-
la charité », la réserve. vînt, sur ce point aussi, grand et digne d'ad-
«Jusqu'à mon arrivée, appliquez-vous à la miration, mais que Timothée avait encore be-

«lecture, à l'exhortation, à renseignement». soin de cet avis. « Afin que votre progrès soit
L'apôtre ordonne à Timothée de s'appliquer à « manifeste à tous » non -seulement dans ;

la lecture. Ecoutons-le tous et apprenons à ne sa conduite, mais dans les discours de son

pas négliger la méditation des choses divines, enseignement.


il dit aussi: «Jusqu'à mon arrivée». Voyez 2. a Neréiirimanlez point un ancien ». (v, 1.)

comment il le console, car ce disciple orphelin Veut-il ici parler d'un prêtre? je ne le pense
devait chercher son maître. « Jusqu'à monar- pas il parle de tout homme avancé en âge.
:

« rivée, appliquez-vous à la lecture » des Mais quoi ! s'il a besoin d'être redressé? Com-
Ecritures divines, « à l'exhortation » mutuelle, portez-vous envers lui, suivant l'avis de Paul,
« à l'enseignement. Ne négligez point la grâce comme envers un père qui aurait commis une
«qui en vous, qui vous a été donnée par la
est faute, parlez-lui de la même façon. « Repre-
«prophétie». C'est de la grâce d'enseigner « nezfemmes âgées comme des mères, les
les

qu'il parle. « Avec l'imposition des mains sa- «jeunes gens comme des frères, les femmes
« cerdotales » ; non du simple sacerdoce, mais «jeunes comme des sœurs, en toute chasteté
de l'épiscopat, car ce n'étaient pas des prêtres « (2) ». La chose est pénible de sa na-
qui créaient un évêque. ture, je dis la nécessité de reprendre; elle

«Méditez ces closes, arrêtez-y votre es- l'est surtout quand d'un vieillard ; et,
il s'agit

« prit (15) ». Voyez comment il revient auprès si c'est un jeune homme qui doit le faire, il
de Timothée sur les nièaies exhortations, vou- est trois fois ex|iosé à l'accusation de témé-
lant montrer que tel doit être l'objet principal rité.La rudesse du fond est adoucie par la
du zèle de celui qui enseigne. « Veillez sur douceur de la forme. Car il est possible de re-
« vous et sur votre enseignement, ne vous en prendie sans blesser, si l'on veut s'y appli-
« laissez pas distraire ». C'est-à-dire, veilluzsur quer; il y faut une grande prudence, mais on
vous-même et enseignez les autres, a Car en le peut, a Les jeunes gms comme des frères ».
«agissant ainsi, vous vous sauverez, vous et Pourquoi l'aiiôtre lui donne-t-il ici cet avis?
« ceux qui vous écoutent (16) ». Car celui qui Il fait là que la jeunesse estfière.
entendre par
se nourrit des paroles de l'enseignement en 11 donc là ausfi adoucir b réprimande par
faut
recueille le premier les fruits : en avertissant la modération du langage. « Les femmes jeu-
les autres, il atteint son propre cœur. Ce que « nés comme des sœurs». Et il ajoute: «En
dit l'apôtre, il ne le dit pas à Timothée seul, « toute chasteté ». N'évilez pas seulement des
mais à tous. S'il parle ainsi à un homme qui relationscoupables, m;iis touteoccasion de soup-
que pourrons-nous ré-
ressuscitait les morts, çon. Commelesrapportsavecles jeunes femmes
pondre? Le Christ a dit « Semblable à un :
y échappent difficilement, mais que l'évêque
père de famille qui tire de son trésor des doit en avoir, il ajoute « En toute chasteté ». :

«choses nouvelles et anciennes ». (Mallh. Mais, Paul, pourquoi adresser celte prescription
xui, 52.) Et le bienheureux Paul dit à son à Timothée? Je le fais, me répond-il, parce-
tour : « Afin que, par la patience et la conso- qu'en m'a hcs-anl à lui jeparleà touîela terre.
« lation des Ecritures, nous possédions l'esi'é- S'il parie ainsi à Tiniotliée, que chacun de
« rance ». (Rom. xv, 4.) Surtout il l'a pratiqué nous comprenne ce qu'il doit être, évilanî
Jui m^me, lorgciu'il s'irstruisnit do la loi de •L55 ffldt) HWi;<Ht ùi X9î)p«vf, (Ont ici Urifjjcsés,
iu TRÀDL'CTIOX FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

toule occasion de soupçon et ne donnant pas Dieu et persévérant nuit et jour dans la
l'ombre d'un prétexte à ceux qui veulent nous « prière et l'oraison mais celle qui est dans
;

calomnier. « les délices morte toute vivante (5, 6) ».


est
« Honorezveuves qui sont véritablement
les Ainsi l'apôtre nous dit Celle qui n'a pas :

« veuves Pourquoi ne parle-t-il pas ici de


(3) ». choisi une vie mondaine, et qui vit dans
la virginité, pas même pour dire Honorez les : la viduité, celle-là est véritablement veuve ;

vierges?Apparemmentparce qu'il nes'entrou- celle qui espère en Dieu comme on le doit


vaitpoinlalors, ou qu'elles avaient succombé. faire, qui s'adonne à l'oraison et y persé-
Car, dil-il, Satan en a entraîné plusieurs à sa vère nuit et jour, celle-là est veuve ; ce qui
suite, a Honorez les veuves qui sont véritable- ne veut pas dire que la veuve qui a def,
« ment veuves ». L'on peut donc n'avoir plus enfants ne le soit pas véritablement, car l'apô-
de mari et n'êlre pas veuve. De même que tre admire aii^si celle qui donne à ses enfants
Ton n'est pas vierge, pour vivre en deliors du l'éducation qu'elle leur doit, mais il parle ici
mariage, mais qu'il faut être irréprocbable et de celle (pii n'a pas d'enfants, qui est seule,
toujours appliiinée à ses devoirs, de même en llla consoleensuitede ne point avoir d'enfants,
est-il de la viduité ce qui fait la veuve, ce
: en lui disant que c'est ainsi qu'elle est parfai-
n'est pas la perte d'un époux, mais la vie tement veuve, parce qu'elle se trouve privée
passée dans la continence, la patience et la non-seulement de la consolation que lui eiit
solitude. Voilà les veuves que l'apôtre recom- donnée son mari, mais de celle qu'elle eût
mande d'bonorer avec raison. On doit en effet reçue de ses enfants; elle a Dieu pourles rem-
un grand respectàces femmes, puisfju'cUessont placer tous. Car celle qui est privée d'enfants
seules, puisqu'elles n'ont pins un liomme pour n'est pas au-dessous de l'autre mais l'apôtre ;

les protéger; mais, auprès de la foule, leur étal remplit par ses consolations le vide que celle
est ex|)osé au blâme et paraît de mauvais au* privation lui fait éprouver. Ne vou« affligez
gure. Aussi l'apôtre vent-il qu'elles soient pas, lui dit l'apôtre, si vous entendez celte pa-
grandement honorées par le prêtre et ce ; role qu'il faut élever des enfants (4), vous (jui
n'est pas seulement pour cela, mais parce que n'en avez pas, comme
votre dignité en était
si

leur élat en est digne. amoindrie, car vous êtes véritablement veuve.
une veuve a des enfants ou des petits
Si « Celle qui vit dans les délices est morte toute
« enfants, qu'elle apprenne d'abord à faire ré- « vivante ».
gner la piété dans sa maison et à rendre ce 3. Plusieurs en effet, ayant des enfants, con-
qu'elle doit à ses parents Voyez la pru-
(4) ». servent la viduité, non pour s'interdire les
dence de Paul et comment, dans ses avis, il jouissances de la vie, mais plutôt pour en
fait souvent appid à des raisonnements hu- nourrir le j:oût chez elles, pour vivre avec
mains. Il n'a[ioinl apporté ici une idée grande plus d'indépendance et se donner davan-
et sublime, mais quelque chose qui lût acces- tage aux passions du monde; que leur dit-il?
sible à tous rendre ce qu'elle doit à ses pa-
: a Celle qui vit dans les délices est morte toute
rents. Comment cela? Vous avez été nourrie, « vivante ». Quoi une xeuvc ne doit pas vivre
1

vous avez grandi, vous avez joui de l'honneur dans les délices? Non, vous dit l'apôtre. Si donc
qu'ils vous transmettaient. Ils ont quitté ce la faiblesse de l'âge et de la nature ne rend
monde, et vous n'avez pu les payer de re- point nécessaire une pareille vie, mais si cette
four, car vous ne leur avez donné ni la vie ni manière d'agir procure la mort et h. mort
la nourriture rendez-leur ce bienfait dans
; éternelle, que pourraient alléguer des hommes
leurs descendants, acquittez dans vos enfants qui vivent ainsi? C'est avec justice qu'il a dit :

votre dette envers eux a Que ces veuves ap-


: « Celle qui dans les délices est morte toule
vit
a prennent d'abord à faire régner la piété dans avivante». Voyons ce que font les vivants,
a leursmaisons ». L'apôtre exprime ainsi par quelle est la condition des morts et dans quels
un mot l'accomidissement de tous les devoirs, rangs nous devons la placer. Les vivants sont
a Car», dit-il, «cela est favorablement accueilli ceux qui font les œuvres de la vie à venir, de
a de Dieu (4) ». Et comme il a dit «Qui sont : la véritable vie. Or, quelles sont les œuvres
a véritablement veuves», il exprime ce qu'est de dont nous devons nous oc-
la vie à venir,
unovérilable veuve. «Culle-làcstvérilablenieut CU()er sans cesse ?Econlez la parole du Christ :
f veuve fpn vit dans la solitude, espérant en Venez hériter du royaume qui vousaélé pré-
COMMENTAIRE SITR LA r= ÉPITRE A TIMOTIIÉE. - HOMÉLIE XIII.' 323

« paré depuis la création du monde. Car j'ai culminant, y condensent un épais nuage, ne
« eu faim, et vous m'avez donné à manger ;
permettent plus à la raison de se manifester et
« j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ». retiennent dans une nuit profonde celui qui
{Matth.xxv, 34, 33.) Les vivants ne sontpas dis- est dans cet état. Et encore quelle tempête au
tingués des morts seulement par la vue du dedans 1
soleil et des cieux; non, dis-je, ce n'est point De même que, quand une inondation se
ainsi qu'ils diffèrent, mais par la pratitjue du produit etquel'eau franchit le seuildesateliers,
bien, et s'ils ne le pratiquent pas, ils ne vau- nous voyons ceux qui les habitent s'empresser,
dront pas mieux que des morts- pleins de trouble, de saisir des plats, des am-
Et, pour vous en instruire, écoutez comment phores, des éponges et d'autres objets pour
«n peut vivre, bien qu'on soit mort, a Dieu », dit épuiser l'eau et l'empêcher de ruiner les fon-
l'Evangile, « n'est pas le Dieu des morts, mais dements de la maison, de mettre hors d'usage
« des vivants». (Matlh. XXII, 32.) Mais, dira-t-on, tout ce qu'elle renferme de même, lorsque
;

c'est une autre énigme. Eli bien 1 éclaircissons- la volupté s'est glissée de toutes parts dans une
les toutes deux. Celui-là est mort quoique vi- âme, les facultés intellectuelles sont troublées
vant, qui vit dans les délices. Et comment? et ne peuvent suffire à la débarrasser de ce

c'est qu'il ne vit que par son ventre et non qui l'a envahie, parce que l'invasion se renou-
par ses autres sens ; ainsi il ne voit pas ce velle sans cesse, et que la tempête est terrible.
qu'il doit voir, n'entend pas ce qu'il doit en- Ne considérez pas le visage qui est riant et il-
tendre, ne dit pas ce qu'il doit dire, ce luminé, mais fouillez au dedans et vous ver-
que doivent voir, entendre et dire les vi- rez un homme plein d'une tristesse qui l'abat.
vants; mais, tel qu'un homme qui, étendu S'il était possible de faire sortir l'âme du corps

sur son lit, ferme les yeux, et rapprochant et de l'exposer sous nos yeux, vous verriez
ses paupières ne s'aperçoit plus de rien celle du voluptueux, morne, triste, endolorie,
de ce qui se passe, tel est cet homme, ou plu- exténuée. Plus le corps s'engraisse et s'épaissit,
tôt il est dans un état bien pire. Car le pre- plus l'âme s'exténue, s'affaiblit et s'ensevelit.
mier est également insensible à ce qui est Et de même que, devant la prunelle de l'œil,
bon et à ce qui est mauvais; l'autre n'est si la cornée s'épaissit, elle ne peut plus laisser

sensible qu'au mal, et quant au bien il n'en passer le rayon visuel, le sens de la vue s'al-
éprouve pas plus l'impression qu'un cadavre. tère et la cécité se produit souvent, de même
Rien ne l'émeut des choses de la vie future ;
quand le corps est engraissé, il doit obstruer
en cela donc il est mort; sa passion le saisit lesabords de l'âme. Mais les morts se gâtent et se
dans ses bras et l'entraîne comme dans une corrompent, le sang corrompu s'en échappe;
sombre retraite, dans un lieu obscur, dans un de même on voitchezleshommeslivrésà la vie
antre impur, et le fait demeurer dans les ténè- sensuelle, le rhume, l'inflammation, la pituite,
bres, comme les morts dans leur sépulcre. les hoquets, les vomissements, les éructations;
En effet, quand il passe tout son temps à table je passe le reste, que j'aurais honte d'énoncer.
ou dans l'ivresse, n'est-il pas dans les ténè- Car telle est cette tyrannie, qu'elle leur fait
bres? n'est-il pas mort? Le matin même où faire cequ'on n'ose pas exprimer.
il paraît àjeun, il ne l'est pas franchement; il 4. Leur corps aussi laisse échapper la cor-
n'a pas cuvé tout son vin de la soirée, il est ruption de toutes parts. —
Mais ils mangent et
en proie au violent désir de la débauche qui boivent? Est-ce donc là le témoignage de la vie
va commencer, lui qui passe et la soirée et le humaine, puisque les bêles aussi mangent et
milieu du jour dans les festins, toute la nnit boivent? Quand l'âme est morte, quel be-
et la meilleure partie de la matinée dans un soin est-il d'aliments et de boisson? Quand un
sommeil pesant. Dites-moi, devons-nous comp- corps est devenu cadavre, le vêtement par-
ter cet homme au nombre des vivants? Et que fumé qui l'enveloppe ne lui sert de rien, et
dire des tempêtes produites dans l'âme par la quand une âme est morte, un corps parfumé
volupté, tempêtes qui se répandent jusque ne lui sert pas davantage. Si sa pensée ne se
dans le corps? De même qu'un amas continu préoccu[)e que de cuisiniers, de maîtres
de nuages ne laisse plus jtasser un rayon de d'hôtel, de boulangers, si elle ne prononce
'•oleil,de même les vapeurs de la volupté et pas une parole de piété, n'cst-elle pas morte ?
du vin, occupent le cerveau comme un point Qu'est-ce en effet que rhonune?Les philoso-
820 TnADUClîON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

plies païens nous disent que c'est un animal sure, et c'est outre mesure aussi que vou9
raisonnable, mortel, susceptible d'intelligente faites sécher l'autre. Pensez à ce que sont les

et de science; mais ce n'est pas par leur témoi- aliments, comment ils se transforment et ce

gnage, c'tst par l'Ecriture sainte que nous dé- qu'ils deviennent. Ah!
vous blesse de cela
terminons sa nature. Or, comment la déter- m'entcndre? eh bien, pourquoi tant d'em-
mine-t-elle? Ecoutez-la: « 11 était un homme »i pressements à en produire plus largement la
et qu'était-il? «juste, véridique, pieux, s'éloi- réalité, en vous gorgeant de nourriture ? La

gnant de tout ce qui est mal ». (Job, i, 1.) nature a ses bornes, et ce qui les dépasse n'ac-
Voilà le type de l'homme. Un autre écrivain croît pas l'alimentation, mais devient inutile

sacré nous dit « C'est une grande chose que


: et nui>ible. Nourrissez votre corps , ne le

« l'homme, et l'honmie miséricordieux est un tuez pas. Nourriture ne veut pas dire ce qui
a objet précieux». Mais ceux qui ne sont pas tue, mais ce qui alimente. L'économie de la
tels, quand ils seraient doués d'intelligence, et digestion est ainsi disposée, je pense, pour que
mille fois aptes à la science, TEcrilure ne les nous ne soyons pas amis de l'inteinpérance;
reconnaît pas pour des hommes, mais pour car si la nourriture ne pouvait devenir inutile
des chiens, des chevaux, des vipères, des ser- et nuisible, nous nous serions sans cesse dé-
pents, des renards, des loups et des animaux vorés les uns les autres si l'estomac recevait
:

plus odieux que ceux-là, en existe. Si donc s'il tout ce que nous voulons lui donner, s'il le
tel est l'homme, le voluptueux n'est pas un transformait en notre substance, combien ne
homme; ctcomment le serait-il, puisqu'il ne se verrait-on pas de guerres et de combats? Si en
préoccupe de rien de tel? On ne pout être à la effet, bien que tout ne soit pas absorbé mal- ,

fois voluptueux et sobre : l'un exclut l'autre. gré ce qui se transforme soit en sang soit en ,

Les païens eux-mêmes le disent graisse inutile et parasite, nous sommes si


:
^
'.
avides des plaisirs de la table, si souvent nous
A ventre épais, jamais esprit subtil
consumons dans un festin tout un héritage,
L'Ecriture a bien su désigner les hommes que ferions-nous sans cela? Nous nous infec-
dépourvus d'ùme par ces mots : « Parce qu'ils tons nous-mêmes en nous livrant à ces excès
sont chair. » (Gen. vi, 3.) Ils avaient cefien- où noire corps devient semblable à une outre
dant une âme, mais elle était morte. Car de qui laisse échapper le vin '. Si les autres en sont
même que nous disons des hommes vertueux incommodés, que ne doivent pas souffrir et le
qu'ils sont tout âme, tout esprit, bien qu'ils cerveau sans cesse atteint par ces vapeurs, et
aient un corps nous pouvons employer
, les vaisseaux obstrués d'un sangqui bouillonne,
l'expression inverse. C'est ainsi que Paul a dit : et le foie et la rate qui doivent le recevoir ,
a Pour vous, vous n'êtes pas dans la chair d et les intestinseux-mêmes? Chose désolante,
(Rom. viM, 9), parce qu'ils n'accomplissaient nous songeons à prévenir l'obstruction des
pas les œuvres de la chair. Ue même les vo- égouls de peur qu'ils ne regorgent nous
, ;

luptueux ne sont point dans l'àme ni dans avons grand soin de les dégager avec des crocs
l'esprit. et des boyaux, et, pour ceux de notre estomac,
o Celle qui vit dans les délices est morte loin de les tenir libres nous les obstruons ,

toute vivante ». Ecoutez, vous qui passez et les engorgeons les immondices montent à
:

tout votre temps dans les festins et dans l'i- la résidence du roi, je veux dire au cerveau,
vresse, vous (|ui n'arrêtez point vos regards et nous n'y veillons pas. Nous agissc^is comme
sur les pauvres (jui languissent et meurent de si nous n'avions pas là un roi ami de la dé-

faim , mais qui mourez sans cesse dans les cence, mais un chien immonde. Le Créateur
délices. Vous produisez une double mort par a relégué au loin ces organes, afin qu'ils ne
votre intempérance, la mort de ces infortumis nous incommodent pas mais nous t'-oublons ;

et la vôtre vous aviez uni votre superflu


; et si son œuvre et gâtons tout par notre intempé-
à leur misère, vous auriez produit une double rance. Mais que dire des maux qui en résul-
vie. Pounjuoi donc gonfler votre estomac par tent? Bouchez les canaux des égouts, et vous
vos excès et faire languir le pauvre par sa •
San» avoir rien d'alarmant pour la pudeur la plus stricte, la

détresse ? Vous gâtez l'un en dépassant la ine- pbraFK; huivaiite nu peut se traduire qu'en latin et en uole : Eructât
a'irin.^ 'tiieo ut vtl exlTii conchive cercbrum audien'is conculiat

*Le grec t^tme on vers lambique Irioièuc, emprunté sans doulo Wivique e coriiure calii/inoim effiuit guaai « camino fumus, calor

à qiiel^ije poèie comique. intus in putredmem vano.


.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPÎTRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE XlV. âât

verrez bientôt naître la peste. Elle est pro- « est morte toute vivante. Et prescrivez-leur
duite par l'infection qui vient du dehors; mais « d'être irréprochables ». (ITim. v, 6, 7.) Vous
celle qui est au dedans, qui est concentrée par le voyez, c'est une loi il ne le livre pas à leur
;

le corps et n'a point d'issue, ne produit-elle pas choix. Prescrivez-leur, dit-il de ne pas vivre ,

mille maux pour le corps et pour l'âme? Ce dans les délices, car c'est assurément un mal,
qu'ily a de terrible, c'est que plusieurs mur- et l'on ne peut admettre aux mystères ceux
murent contre Dieu pour les nécessités aux- . qui vivent ainsi : « Prescrivez-leur d'être irré-

quelles notre corps est soumis, et eux-mêmes « prochables » ; vous voyez donc qu'il met
les accroissent. Dieu nous a donné ces lois, cette conduite au nombre des péchés; car ce
afin de nous détourner de l'intempérance , qui est libre, quand on ne le pratiquerait pas,
afin de nous persuader même par ces moyens n'empêche pas d'être irréprochable. Ainsi ,

de ne pas nous égarer dans les choses de ce obéissant à Paul, nous aussi nous vous aver-
monde. Mais vous ne vous laissez pas même par tissonsque les veuves qui vivent dans les dé-
là détourner de rintemjiérance; vous vous y licesne sont pas au nombre des veuves. Car
plongez jusqu'au gosier, tant que dure le temps si un soldat qui donne son temjis aux bains,

du repas, ou plutôt vous n'attendez pas jusque- aux théâtres et à ses affaires est regardé comme
là. Le plaisir du goût ne s'éteint-il pas, dès que un déserteur, combien plus le doit-oa dire des
Faliment a dépassé la langue et la gorge ? La veuves? Ne cherchons point ici notre repos ,
sensation disparaît alors , mais le malaise se afin de le trouver dans l'autre vie ; ne vivons
prolonge, parce que l'estomac n'opère pas ou pas ici dans les délices , afin de jouir dans la
opère avec grand'peine. vie future des délices véritables, des véritubk s
L'apôtre a donc dit avec raison « Celle qui : plaisirs quine produisent aucun mal et nous
« vit dans les délices est morte toute vivante » mettent en possession de tant de biens, que je
Elle ne peut ni se faire entendre, ni entendre, souhaite à vous tous en le Christ Jésus Notre-
l'âme qui vit ainsi; elle est amollie, sans gé- Seigneur avec qui soient au Père et au Saint-
nérosité, sans courage, sans liberté, timide et Esprit, gloire, puissance, honneur, mainte-
impudente, vile flatteuse, ignorante, colère, nant et toujours, et aux siècles des siècles.
irascible, pleine de tous les maux et privée de Ainsi soit-il.
tous les biens, a (.elle qui vitdaus les délices

HOMELIE XIV.
61 quelqu'un n'a pas un soin prévoyant des siens, et surtout de ceux de sa maison, il a renié
la foi et est pire qu'un infidèle. (v, 8-10.)

Analyse»
1. C'est un devoir rigoureux que ;le s'occuper du salut de ses proches.
2. Des veuves.
3-5. De la pratique de l'aumône. — Vie admirable des solitaires.
6. Il } a aussi des saints dans la vie commune.

1. Beaucoup pensent que leurs vertus per- « Si quelqu'un n'a pas un soin prévoyant des
sonnelles leur suffisent pour le salut et que, Et il entend par là toute sorte de pré-
« siens ».
s'ils règlent bien leur propre vie, rien ne leur voyance, tant pour l'âme que pour le corps,
manque plus pour l'opérer. Ils se trompent, car celle-ci est aussi prévoyance. « Des siens
et c'est ceque nous montre l'homme qui avait «et surtout de ceux de sa maison» , c'est-à-
enfoui son unique talent; il le représenta tout dire de sa famille. « Celui-là », dit-il, «est pire
entier, sans perte aucune, et tel que le lui avait « qu'un infidèle». C'est ce que dit encore Isa'ie,
confié son maître. C'est aussi ce que nous le plus grand des piopliètcs. « Ne dédaignez
montre ici le bienheureux Paul, en disant : point ceux de votre sang ». (L-aie, lviii , 7.)
328 TliADUCTION FRANÇAISE DE SAINT lEAN CHRYSOSTOME.

Car riiomnie qui dédaignerait les besoins de dans le premier cas le reproche mérité est
ceux qui lui sont proches par la naissance, plus sévère.
unis par la parenté, comment serait-il tendre a Que la veuve qui sera choisie n'ait pas

envers les autres? Cliacun ne regarderait-il «moins de soixante ans, qu'elle n'ait eu qu'un
pas comuie elfet de la vanité la bienfaisance mari et que l'on rende témoignage de ses
qu'exercerait envers les étrangers celui qui abonnes œuvres (9, 10)». L'apôtre a dit:
serait dédaigneux et impitoyable pour les a Qu'elles apprennent d'abord à faire régner la
siens? Et que penser de celui qui, enseignant piété dans leurs maisons età rendre ce qu'elles
la foi aux étrangers , laisse les siens dans Ter- o doivent à leurs parents ». Il a dit ensuite :

reur, quand il lui serait plus facile de les ins- a Celle qui vit dans les délices est morte toute
truire, quand celte bonne œuvre est plus ins- «vivante ». Il a dit : a Ne pas avoir un soin
tauuueut réclamée par la justice? Non certes, «prévoyant de ceux de sa maison, c'est être
diia-t-on, les chrétiens qui laissent sans soins pire qu'un infidèle ». Il a énoncé les défauts
ceux qui leur tiennent de près, ne sont guère qui rendent une femme indigne de figurer
charitables. « Et il est» , dit l'apôtre, « pire parmi les veuves; il énonce maintenant les con-
« qu'un Pourquoi? parce que l'in-
infidèle ». ditions qu'elledoit remplir. Mais quoi? la choi-
fidèle, s'il néglige les autres, ne néglige pas sirons-nous d'après son âge? Quel est donc ce
ses proches. Ainsi, celui qui ne remplit pas ce mérite? car il ne dépend pas d'elle d'avoir
devoir, viole la loi divine et celle de la nature. soixante ans. Non, ce n'est pas seulement d'a-
Mais si celui qui ne prend pas soin de ses pro- près son âge; quand elle l'aurait atteint, si elle

ches a renié la foi et est pire qu'un infidèle, ne possède pas les vertus que demande l'apôtre,
quel rang assigner à celui ([ui commet des elle ne doit pas être inscrite parmi les veuves.

injustices envers eux? avec qui le placer? Il a mais il va dire pourquoi il exige un âge déter-
renié la foi; et comment? C'est que, suivant miné, et le motif ne vient pas de lui, mais des
la parole derapûtre, « ils professent qu'ils veuves elles-mêmes; écoutons donc ce qui
connaissent Dieu , mais ils le renient par vient ensuite « Aux bonnes œuvres de la-
:

leurs œuvres ». (Tit. i, 16.) Qu'a prescrit ce « quelle on rende témoignage». Et quelles œu-

Dieu, objet de leur foi? de ne pas négliger vres? a Si elle a élevé ses enlauls » Ce n'est pas .

ceux de sa famille. Et (luelle est donc la foi de là une œuvre de peu de valeur car il ne s'agit ;

celui qui renie ainsi Dieu? pas seulement de les nourrir, mais de les éle-
Comprenons-le nous tous qui pour épar-
, ,
ver, comme l'apôtre l'a dit plus haut: a Si les
gner nos richesses dédaignons les besoins de
, « femmes persévèrent dans la foi, la charité et
nos proches. Dieu a institué les liens de la pa- « la sanctification», (l Tim. n, 13.) Vous voyez
renté afin que nous ayons des motifs multi- comment partout il met le bien tait à ses pa-
p'iés de nous faire du bien les uns aux autres. rents avant le bien fait aux étrangers. Car il
Quand donc vous ne pratiquez pas une vertu dit en i)remier lieu : « Si elle a élevé ses en-

que pratique un infidèle, n'avez-vous pas re- « fants » , et ensuite : a Si elle a exercé l'hos-
nié la foi? Car il appartient à la foi, non-seule- « pilalité, lavé les pieds des saints, pourvu aux
ment de confessw de bouche sa croyance, « besoins de ceux qui endurent tribulation, si

mais de produire des œuvres qui en soient a elle s'est appliquée à toute sorte de bonnes
dignes. La foi et l'incrédulité s'appliquent a œuvres Maisquoi? si elle est pauvre?
(10)».
à chaque objet. L'apôlre donc, après avoir Elle n'est pas pour cela privée d'élever ses en-
parlé de la mollesse et de la veuve qui vit fants, d'exercer l'hospilalilé, de pourvoir aux
dans les délices , nous dit qu'elle ne périt pas besoins de ceux (jui endurent tribulaUon.
.seulement par sa sensualité , mais [larce Est-il une veuve plus pauvre que celle qui
qu'elle est par là obligée de négliger sa fa- avait versé deux oboles (Luc, xxi)? Quand elle
mille. Et cela est vrai, car elle vit pour son serait pauvre, elle a une demeure elle ;

ventre, et par là elle périt puisqu'elle renie n'habite pas en plein air. « Lavé les pieds des
sa foi. « Est pire qu'un infidèle». Car ce n'est a saints »; ce n'est pas une grande dépense.

pas une faute égale que de négliger les be- « Si elle s'est appliquée à toute sorte de bonnes

soins d'un parent ou d'un étranger, d'une « œuvres » , A quoi se rai)porle ce précepte ?
personne connue ou d'une jKT.sonne incon- Par là elle est exhortée à rendre des services
une, d'un ami ou de celui qui ne l'est pas; corporels, car les fenunes y sont particuliè-
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITOE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XIV. 323

renient propres , comme de dresser un lit , de Quelque riche que une femme, de quelque
soit

procu.er le repos. considéraiion qu'elle jouisse, quand elle serait


2. Ah! quelle exactitude dans ses devoirs il fière de la noblesse de ses ancêtres il n'y a ,

demande à une veuve ;


presqu'autant qu'à pas là tant de distance que du Maître à ses
celui qui est chargé de l'épiscopat. Car ce mot : disciples. Si donc vous recevez votre hôte
« Si elle s'est appliquée à toute sorte de bon- comme le Christ, n'ayez pas honte, mais plu-
«ncsœuvres»,il le prononce, bien qu'elle n'ait tôt soyez glorieuse du soinque vous lui rendez ;

pu les accomplir toutes elle-même mais elle , si vous nele recevez pas comme le Christ, vous

y a pris part, elle en a été l'auxiliaire. Il écarte ne le recevez point du tout a Ct'lui qui vous
:

ainsi d'elle la mollesse, il veut qu'elle soit vi- a reçoit me reçoit » dit-il. (Matth. x
, 40.) Si ,

gilante , bonne économe ,


qu'elle persévère vous ne recevez pas ainsi votre hôte vous ,

sans cesse dans la prière. Telle était Anne. n'aurez point de récompense. Abraham crut
Considérez quelle perfection l'apôtre réclame accueillir des voyageurs qui passaient, et ce-
des veuves, plus grande presque que celle des pendant il ne confia pas tout à ses serviteur?,
vierges mêmes, à qui pourtant il demande une mais il commanda à sa femme de pétrir de la
perfection bien haute ; car lorsqu'il dit : o Ce farine, lui qui avait trois cent dix-huit servi-
« qui est honnête et donne toute facilité pour teurs chez lui et parmi eux assurément des
«s'adresser au Seigneur» (I Cor. vu, 35), il servantes; mais il voulait acquérir lui-même
comprend en abrégé la vertu tout entière. avec son épouse la récompense , non des frais
Vous le voyez, ne pas contracter un second seulement , mais des services.
mariage ne sufQt pas pour faire une veuve, il témoigner son hospita-
C'est ainsi qu'il faut
faut bien d'autres conditions. Pourquoi en effet lité, soi-même, afin que nous
faisant tout par
ne passe remarier ?Condamne-t-il ce fait? Nul- soyons sanctifiés et que nos mains soient bé-
lement ce serait une hérésie; mais c'est
: nies. Si vous donnez aux pauvres, ne dédai-
qu'il veut qu'elle vaque désormais aux œu- gnez pas de donner vous-même, car ce n'est
vres spirituelles, et qu'elle se consacre tout pas au pauvre que vous donnez, mais au
entière à la vertu. Le mariage n'est point Christ. El qui serait assez malheureux pour
impur, mais il enlève le libreemploi du dédaigner de tendre la main au Christ? C'est
temps; l'apôtre en effet dit : Pour vaquer (à là l'hospitalité, c'est là vraiment agir pour
la prière), etnon Pour se purifier. Et réelle-
: Dieu. Mais si vous commandez avec orgueil,
ment le mariage amène de perpétuelles occu- quand vous assigneriez le premier rang à
pations. Si donc vous ne vous mariez pas, afin votre hôte, cen'est pointlàde l'hospitalité. Un
de donner votre temps à la crainte de Dieu, et hôte demande de grands soins, il faut s'esti-
si vous ne le donnez point en effet vous n'en , mer heureux qu'il ne rougisse pas de les avoir
tirez point l'avantage de donner vos soins aux reçus. Puisque la nature est telle que l'on
étrangers, aux saints. Lors donc que vous né- rougit d'un bienfait reçu, il faut vaincre la
gligez ces œuvres, il semble que vous vous êtes honte par l'empressement des services et ,

plutôt éloignée du mariage parce que vous le montrer par ses actes et ses paroles que le
condamnez. C'est ainsi qu'une vierge qui n'est bienfaiteur est l'obligé et reçoit plutôt qu'il
pas vraiment crucifiée s'est apparemment ab- ne donne. C'est ainsi que l'action elle-même
stenue du mariage, parce qu'elle le croit cou- s'agrandit par labonne volonté. Car, de môme
pable et impur. que celui qui croit subir une perte ou être le
Vous voyez que l'apôtre parle de l'hospita- bienfaiteur, a tout perdu, celui qui se regarde
lité et non de la simple affabilité mais de la , comme favorisé par la bonne œuvre qu'il ac-
charité empressée , résultant d'une volonté comiijit a reçu plus qu'il n'a donné. « Dieu
joyeuse , zélée , accomplissant son œuvre « aime celui qui donne avec joie ». (II Cor.
comme si elle accueillait le Christ lui-même. IX, 7.) Vous devez au pauvre plus de recon-
Le Christ, en effuf, ne veut point que ces soins naissance qu'il ne vous en doit. S'il n'y avait
soient remis à des servantes il veut qu'ils ; pas de pauvres, vous n'auriez su effacer la
soient remplis par celles mêmes qui exercent multitude de vos péchés; ils sont les méde-
de mes dis-
l'hospitalité. « Si j'ai lavé les pieds cins de vos blessures, et leurs mains qu'ils
a ciples », dil-il, « combien plus devez-vous le vous tendent sont les remèdes qu'ils vous
«faire les unsenverslesautres». (Jean, xni, 14.) offrent. La main que le médecin étend vers le
330 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

malade, les remèdes qu'il lui présente ne le dans la prière, inquiétez-vous des saints ;
je
guérissent pas aussi bien que le pauvre en dis les véritables saints, ceux qui vivent dans
élenciaut sa main vers vous et recevant votre les déserts et ne peuvent rien demander, se
aumône ne fait disparaître vos maux. Tels les reposant sur Dieu faites une longue route,
;

prêtres, a ils mangeront les péchés de mon donnez par vos propres mains, car, en don»
«peuple». (Osée, iv, 8.] Ainsi vous recevez nant ainsi, vous pouvez acquérir beaucoup.
plus que vous ne donnez, c'est le pauvre, plu- 'Vous voyez une tente et une retraite hospita-
tôt que vous, qui Vous prê-
est le bienfaiteur. lière, un désert, un monastère. Souvent, en y

tez àusure à Dieu, non à l'homme ; vous allant porter des aumônes, vous y donnez
accroissez votre richesse au lieu de la dimi- votre âme tout entière vous êtes retenu,
;

nuer; vous la diminueriez si vous n'y preniez vous en devenez captif, vous vivez en étranger
rien pour le donner. au monde. C'est une grande chose que de voir
3. a Si elle a exercé l'hospitalité », dit l'apô- les pauvres. Il vaut mieux, dit l'Ecriture, en-

tre, o si elle a lavé les pieds des saints». Quels trer dans la maison du deuil que dans celle
saints? Ceux qui endurent tribulalion et non du rire. (Eccl. vu, 3.) Dans celle-ci, l'âii.e
simplement des on peut être saint
saints; car se gontle. Si vous pouvez rire comme ses ha-
et recevoir des hommages universels. Ne vous bitants, vous devenez à la mollesse si vous ;

attachez point à ceux qui sont dans l'abon- ne le pouvez pas, vous y trouvez un sujet de
dance, mais à ceux qui sont dans la tribula- peine. Rien de semblable dans la demeure du
tion, inconnus ou peu connus. Celui qui a deuil mais, si vous ne pouvez vivre dans les
;

fait du bien à l'un de ces petits, c'est à moi délices, vous n'êtes point choqué; si vous le
qu'il l'a fait, dit le Seigneur. Ne chargez pïs jiouvez votre désir est réprimé. La vraie
,

ceux qui sont à la tête de l'Eglise de distribuer maison de deuil, c'est le monastère là sont le ;

vos aumônes, servez vous-même les pauvres, sac et la cendre, là est la solitude, là jamais le
afin de ne pas obtenir seulement la récom- rire ni le tumulte des affaires temporelles,
pense de vos dons, mais aussi de vos services; mais le jeûne, un lit d'herbes étendues ù
donnez de vos propres mains, semez vous- terre ; là tout est [lur de la fumée des viandes
même votre sillon. Il n'est point ici question et du sang des animaux ; tout est exempt de
d'enfoncer la charrue, d'atteler les bœufs, trouble, d'agitation, d'inquiétudes. C'est un
d'attendre la saison, de fendre la terre, de port toujours calme ; ce sont comme des pha-
lutter contre la gelée ; tous ces soins labo- res élevés sur les hauteurs pour briller de
rieux, cette semence en est franche. Car vous loin aux yeux des voyageurs, établis auprès
semez dans le ciel où il n'y a point de gelée, d'un port et attirant chacun dans les eaux
ni d'hiver, ni rien de semblable vous semez ; tranquilles, empêchant le naufrage de ceux
dans les âmes oîi nul ne vient ravir le grain, qui les aperçoivent et dissipant pour eux les
mais où il est gardé sûrement avec le zèle le ténèbres. Allez donc trouver leurs habitants,
plus exact. Semez pourquoi vous i)river de
;
donnez-leur l'hospitalité, présentez-vous aux
la récompense? Et elle est grande, même saints et prosternez-vous à leurs pieds, car il

quand on administre ce qui est donné par les est plushonorable de toucher leurs pieds que
autres. On est récompensé, non-seulement la tête des autres. Dites -moi, si quelques

pour donner le sien, mais pour administrer hommes embrassent les pieds à des statues,
les aumônes d'aulrui. Pourquoi ne pas obte- seulement parce qu'elles offrent l'image de
nir la récompense? Oui, ce soin est récom- l'empereur, vous qui, en la personne de ces
pensé écoutez
; Les apôtres, comme nous
: hommes, trouvez celle du Christ, ne saisirez-

l'apprend l'Ecriture, établirent Etienne pour vous pas leurs pieds pour être sauvé ? Leurs
le service des veuves. Soyez votre propre éco- pieds sont saints, tout vulgaires qu'ils parais-
nome; l'humanité, de Dieu vous
la crainte sent, et chez les profanes la tête niêine n'a
élisent. Cette œuvre, exempte de vaine gloire, rien de vénérable. Les pieds des saints ont
donne le repos à l'âme, sanctifie les mains, une grande puissance, car ils apportent le
ruine l'orgueil, enseigne l'amour de la sagt sse, châtiment quand ils en secouent la pous-
accroît le zèle et fait obtenir des bénédictions; sière.

c'est la têtechargée de leurs bénédictions, Et, lorsqu'un saint se trouve au milieu do

que vous quittez les veuves. Devenez plus zélé nous, ne rougisFons pas d'agir de même.
.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHËE. - HOMÉLIE XIV. m


Tous ceux-là sont sainis qui reproduisent dans leur être, et leurs songes ne sont point l'œu-
leur vie l'orthodoxie de la foi quand ils ne ;
vre d'une imagination dcsordonnéeiii éiiatige.
feraient pas de miracles, quand ils ne chasse- Mais, comme je le dirais, le coq a chanté et
raient pas les démons, ce sont des saints. Allez aussitôt le supérieur s'estmis en marche il a ;

vers les tentes des saints. Pour un saint, se simplement touché du pied chaque moine
nfugier dans uu monastère, c'est comme s'en- endormi et les a tous fait lever, car il ne leur
fuir de la terreau ciel. Vous ne voyez pas là est pas permis de se dépouiller pour dormir.
tout ce qu'on voit dans vos demeures ce lieu ; S'étant donc levés, ils se tiennent debout,
est pur de tout ce qui souille, là régnent le chantant les hymnes des prophètes avec un
silence et la tranquillité on n'y connaît pas ;
grand accord et une modulation cadencée. Ni
le tien et le mien. Mais, si vous y demeurez cithare, ni flûte champêtre, ni aucun instru-
un jour ou deux, vous éprouverez plus de ment de musique ne produit des sons tels que
joie. Le jour vient, ou plutôt, avant le jour, le ceux que l'on entend lorsque ces saints chan-
coq a chanté. Ce n'est point l'aspect d'une tent dans leur solitude, au milieu d'un calme
maison, où les serviteurs ronflent encore, où profond ; chants salutaires et respirant l'amour
les portes sont fermées et où tous les habitants de Dieu. « Durant les nuits, étendez vos mains
endormis ressembU nt à des morts; où le mu- «vers Dieu» (Ps. cxxxni), dit l'Ecriture; et
Ittier agite ses clochettes. Là, rien de sembla- ailleurs « Dès la nuit mon esprit veille vers
:

ble mais tous sans relard cessent pieusement


; « vous, ô Dieu, parce que vos commandements
leur sonmieil et se lèvent, réveillés par leur « sont une lumière sur la terre « . {Isaïe, xxvi, 9.)
supérieur ; formant un chœur
alors debout, Les chants de David produisent des sources de
saint, étendant leurs mains, ils chantent les larmes. En effet, lorsque l'on chante « Je :

hymnes sacrées. Il ne leur faut pas comme à a me suis fatigué dans mes gémissements ;

nous des heures entières pour secouer le som- « chaque nuit je laverai mon lit, j'arroserai
meil et la pesanteur de tête. Mais, à peine « de mes larmes ma couche ». (Ps. vi, 7.) —
nous sommes-noiis dressés sur nos lits que « Je mangeais la cendre comme du pain »

nous retombons pour étendre longtemps les (ci, 10.) — « Qu'est-ce que l'homme pour
bras. Plus tard nous nous lavons le visage et « que vous vous souveniez de lui?» (vai, .5.) —
les mains, puis nous prenons nos chaussures, « L'homme est devenu semblable à ce qui est
nos vêtements, et un long temps se passe. a vain, et ses jours passent comme une oin-
4. Là, rien de pareil point de serviteur ;
« bre ». (cxLiii, A.) — « Ne craignez point
pour les appeler on se suffit à soi-même
; ;
quand un homme
devenu riche et quand
est
point tant de vêlements à prendre, point de a la gloire de sa maison s'est multipliée ».
temps pour secouer le sommeil, mais à peine (xLVui, 17.) —
a C'est Dieu qui fait habiter
ont-ils ouvert les yeux que les sobres habi- « ensemble des hommes dont les mœurs s'ac-
tants du monastère sont aussi éveillés que s'ils « cordent ». (lxvii, 7.) —
« Sept fois le jour
l'étaient depuis longtemps. Car, lorsque le «je vous ai loué pour les jugements de votre
cœur n'est pas appesanti et incliné vers la «justice», (cxviu, 104.) —
« Je m'éveillais au
terre par la nourriture qui remplit l'estomac, 9 milieu de la nuit pour confesser devant vous
il faut peu de temps pour recueillir ses es- « les jugements de votre justice ». (Ib. 62.) —
prits ; on quand on
le fait vile est sobre ; les « Dieu, rachetez mon âme de la main de l'en-
mains sont propres, le sommeil est bien réglé, « fer ». (xLviii, 10.) —
« Quand je marcherais
on n'y entend pas ronfler ni haleter ; nul ne «au milieu des ombres de la mort, je ne
s'est jeté à bas de son
ni dépouillé durantlit « craindrais point de mal, parce que vousêles
le sommeil ; mais
en dormant, une atti-
ils ont, « avec moi ». (xxii, 4.) —
« Je ne craindrai
tude plus décente que des gens éveillés; et « point la terreur de la nuit, ni la flèche qui
tout cela grâce à l'ordre parfait qui règne « vole durant le jour, ni ce qui marche dans
dans leur âme. Ce sont vraiment des saints «les ténèbres, ni les mauvaises rencontres,
et des anges parmi les hommes. Leur grande « ni le démon du midi ». (xc, 5,6.) — « Nous
crainte de Dieu ne leur permet pas de s'en- « avons été estimés comme des brebis pour la
gourdir dans le sommeil et d'y ensevelir leur « boucherie ». (xuii, 2"2.) Quand ils chantent
inîelligcnce; mais, en leur procurant le re- avec les auges, car les anges aussi chauteiit
pos, le sommeil ne s'étend qu'à la surface de alors avec eux : a Louez le Seigneur Uu haut
333 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

des cienx » (cxlviii,


1) et cela à l'hcnre où
; reurs des e?clnves, point d'asilation des fem-
nous où nous ronflons, où nous som-
bâillons, mes ni de tapage des enfants, jioint de nulti-
mes étendus sur nos lits et où nous méditons tude de coffre? ni de réserve inutile d'habils,
mille fraudes, que penser d'hommes qui em- point d'or ni d'argent, point de garde ni de
ploient saintement les nuits?
si précautions, point d'office ni rien de sembla-
Lorsque le jour va paraître, ils se reposent ble; tout respire la (jrière, les hymnes, la
un peu, et, à l'heure où nous commençons bonne odeur spirituelle; rien de charnel ne
nos travaux, le temps de prendre du repos est s'y trouve. Ils ne craignent point l'arrivée des
venu pour eux. Quand le jour a paru, chacun voleurs, car ils n'ont rien à perdre; point de
de nous appelle quelqu'un, calcule l'argent richesses, ils n'ont que leurs corps et leurs
distribué, court à la place, va trouver un ma- âmes on leur prend la vie, ils n'en éprou-
; si

gistrat, tremble et craint pour les comptes vent point de tort, mais plutôt un avantage.
qu'il doit rendre ; un autre se rend sur la « Ma vie, c'est le Christ, et la mort m'est un
scène, un autre à ses occupations. Pour les a gain» (Phil. i, 21) : ils seraient alors déli-
moines, après qu'ils ont achevé leurs prières vrés de leurs liens. Vraiment, « la voix de
du matin et leurs hymnes, ils s'adonnent à la « l'allégresse est dans les tentes des justes».
lecture des Ecritures il en est aussi qui ont
; (Ps. cxvn, tS.) On n'entend là ni sanglots ni
appris à transcrire des livres. Chacun se relire lamentations ; leur toit est exempt de ces
dans la chambre qui lui est assignée et s'y peines et de ces clameurs. Ils meurent dans
tient dans une tranquillité constante, sans que les mêmes sentiments, car leurs corps ne sont
personne bavarde ou même parle. Ils disent "point immortels, mais ne pensent pas que ils

Tierce, Sexte, Noue et les prières du soir, par- la mort soit une mort.
accompagnent avec Ils

tageant la journée en quatre parts, et à la fin des hymnes ceux qui sont décédés, et ils ap-
de chacune, ils louent Dieu par leurs hymnes. pellent celte cérémonie une conduite et non
Tandis que tous les autres hommes dînent, des funérailles. Si on leur apprend que tel ou
rient, jouent et se gorgent d'aliments, eux tel est mort, c'est une grande et douce joie;
s'appliquent à chanter ses louanges. Jamais on n'ose pas même dire II est mort, mais :

de temps pour les plaisirs de la table et des plutôt : II a achevé sa carrière. Puis ce sont
sens. Après le repas, ils se livrent aux mêmes des actions de grâces, on le glorifie, on se ré-

occupations, ayant d'abord fait la sieste; car, jouit chacun prie Dieu d'avoir une semblable
;

au lieu les gens du monde dorment le


que fin, de sortir ainsi du combat, pour voirie

jour, eux ont veillé la nuit. Ce sont vrai-


ils Christ à la fin de ses combats et de ses tra-
ment des enfants de lumière. Les gens du vaux. Si (jnelqu'un d'eux est malade, ce ne
monde, après avoir perdu un long temps dans sont point des larmes et des lamentations,
le sommeil, marchent tout appesantis; eux, mais des prières ; et souvent ce ne sont pas
toujours sobres, restent longtemps sans nour- les soins des médecins, mais
la foi seule qui
riture, adonnés au chant des hymnes. Quand guérit malade. Mais s'il est besoin de mé-
le

le soir est venu, les autres vont se baigner ou decins, on trouve là une grande jihilosophie
se reposer pour eux, ayant achevé leurs tra-
;
et une grande fermeté. On ne voit pas aufirès
vaux, ils s'apiiroclient de la table sans mettre du malade une femme qui s'arrache les che-
en mouvement une troupe d'esclaves, sans veux, des enfants qui se lamentent d'avance
courir la maison, sans désordre ne char- ; ils d'être orphelins, des serviteurs qui conjurent
gent point leur table de mets somptueux, le mourant de les léguer à un bon maître ;
exhalant l'odeur des viandes, mais les uns se l'âme est libre de ce spectacle et ne pense qu'à
contentent de pain et de sel, d'autres y joi- se préparerau dernier instant pour paraître
gnent de l'huile, d'autres, les plus faillies, devant Dieu agréable à ses yeux. Et si une
font usage d'herbes potagères et de légumes. maladie survient, elle n'a pas pour cause la
Puis, après être demeurés peu de temps assis gourmandise ni l'appcsantifsement de la tête,
et ayant clos la journée par des hymnes, ciia- mais l'origine en est digne de louange et non
cun va dormir sur un lit de feuilles fait pour de flétrissure un excès de veilles ou déjeune
:

le repos et non [lonr le luxe. ou (|uelque chose de semblable aussi est-elle ;

5. J>;'t, point de crainte des magistrats, point facile à guérir, car il suffit de ne plus se fati-

^'orgueil insensé des maîtres, point de ter- guer pour être délivré de tout.
COMMET^AIUE SUR LA I'* EPÏTRE A TIJIOTIIEE. - HOMELIE XIV. 333

6. Mais, dira-t-on, où trourer des saints tels îen-.mc qui n'a jamais mis obstacle â vos
que ceux-là pour leur larer les pieds ? Il y en bonnes œuvres s'avise de le faire par vanité
a dans l'Eglise. N'allez points p.irce que nous ou pour quelque autre motif. Abraham, qui
vous avons décrit la vie des solitaires, mépri- avait une femme admirable, lui cacha qu'il
ser les saints qui sont dans les églises. Beau- allait immoler son fils parce qu'il ignorait ce

coup de saints tels que ceux-là vivent au mi- qui allait se produire et croyait le sacrifier en
lieu des fidèles ; mais ils sont cachés. Non, ne effet. Qu'est-ce qu'aurait dit à sa place un
les dédaignons point parce qu'ils habitent des homme de sentiments vulgaires? Qui donc —
maisons, parce qu'ils se montrent sur les a jamais fait pareille chose, eût-il dit? quelle
places publiques, parce qu'ils exercentquelque cruauté quelle barbarie Ce juste ne songea
1 1

charge. C'est Dieu lui-même qui l'a prescrit : à rien de semblable, son amour pour son fils

a Rendez la justice en faveur de l'orphelin, et ne l'égara pas à ce point. Mais sans permettre
a faites justice à la veuve ». (Is. i, 17.) La vertu à la mère de voir une dernière fois son fils,
a divers sentiers, de même qu'il y a des perles d'entendre ses dernières paroles, de recueillir
bien différentes les unes des autres, et que sa dernière palpitation, il emmena le jeune
toutes pourtant sont des perles l'une est bril- ; homme comme un captif. Il n'avait qu'une
lante et parfaitement ronde, l'autre n'a pas la seule chose en vue, accomplir l'ordre divin.
même beauté, mais a une beauté d'autre sorte. Ni sa femme ni son fils n'étaient présents à sa
Comment cela? De même qu'il est un art de pensée. L'enfant ignorait ce qui allait arriver,
donner au corail de longues branches et des Abraham faisait tous ses efforts pour offrir
angles bien ciselés, qu'il en est d'une couleur une victime pure^ et pour ne point la souiller
pins agréable à la vue que le blanc, qu'il en est par des larmes et des murmures. Isaac lui
de la nuance verte la plus agréable ;
que telle dit : a Voici le bois et le feu ; oîi donc est la
pi:rre est d'un rouge de sang éclatant, telle a brebis? » (Gen. xxii, 7.) Et que lui répond
autre d'un bleu plus vif que celui de la mer, son père ?« Dieu pourvoira, mon fils, à lavic-
qu'une autre surpasse la pourpre par son time de son holocauste ». (Ib. 8.) Parole pro-
éclat que dans les fleurs et dans les couleurs
; phétique, car Dieu verra son propre fils offert
du soleil on peut trouver tant de teintes di- en holocauste ; et Abraham s'est mis en mar-
verses ' ; il en est de même des saints, les uns che. — Dites-moi : pourquoi lui cachez-vous
mènent la vie ascétique, les autres édifient les qu'il doit être immolé
que je crains ? — C'est
églises. « Si elle a lavé les pieds des saints et qu'il ne ne paraisse une indigne
faiblisse et
pourvu aux besoins de ceux qui endui'ent victime. Vous avez vu avec quelle exactitude
tribulation ». il accomplit celte parole : «Que votre main
Hàtons-nous de le faire, afin de pouvoir a gauche ignore ce que fait votre main droite » ;

nous féliciter au ciel d'avoir lavé les pieds des c'est-à-dire ne cherchons point sans nécessité
:

saints. S'il faut laver leurs pieds, il faut sur- à le faire connaître à ceux qui font partie de
tout que notre main leur fasse l'aumône. nous-même; il en résulterait bien des maux.
« Que votre main gauche » dit l'Evangile , ,
On est entraîné vers la vanité, souvent des
«ignore ce que fait votre main droite ». obstacles se présentent. Cachons-nous donc à
(Mallh. VI, 3.) Pourquoi tant de témoins ? Que nous-même, s'il est possible, afin d'obtenir
votre serviteur et votre femme même l'igno- les biens promis, en Jésus-Christ Noire-Sei-
rent, s'il est possible. Les scandales produits gneur, avec qui soient au Père et au Saint-
par le perfide sont nombreux; souvent une Esprit, gloire, puissance , honneur , mainte-
nant et toujours, et aux siècles des siècles,
* rj.-cc qu'en coasiaisiAl-. la décomposition de la Xamiite nolùrt
Ainsi soit- IL
334 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CliRYSOSTO.'.ïl.

HOMELIE XV.
MAIS ÉVITEZ LESvrrvrs tiïop jeunes; car, loksqu'ei.les sont sorties des rornes nE la MODEST!»
CHRÉTIENNE, ELLES VEULENT SE MARIER, ET SONT CONDAMNABLES PARCE QU'EILES ONT TRANSGRESSÉ
LEIR FOI PREMIÈRE. ELLES SONT d'aILLEURS OISIVES ET APPRENNENT A SE PROMENER DE MAISONS
EN MAISONS NON-SEl'LEMENT OISIVES, MAIS BAVARDES ET CURIEUSES, DISANT CE QU'ELLES NE DE-
;

VRAIENT PAS DIRE. JE VEUX DONC QUE LES JEUNES VEUVES SE MARIENT, AIENT DES ENFANTS, GOUVER-
NENT LEUR MAISON, ET NE DONNENT POINT A l'eNNEMI UNE OCCASION DE DIFFAMATION. CAR DÉJÀ
QUELQUES-UNES ONT ÉTÉ DÉTOURNÉES DE LEUR VOIE, A LA SUITE DE SATAN, (v, H-IS JUSQU'A 21.)

Analyse.

1. Se défier des jeunes veuves. — L'oisiveté enseigne Ions les vices.


2. Tout ouvrier mérite uu salaire, l'ouvrier de la prédication non moins que les autres.

3. 4. Instabilité et néant des choses humaines.

1. Paul tient grand compte des veuves; il a ce à dire a Sorties desbornps delà modrstie?» :

déterminé leur âere, en disant: « Qu'elle n'ait- C'est lorsqu'elles sont coquettes, amollies par
a pas moins de soixante ans », et fait connaître ks délices; semblables à l'épouse d'un homme
les qualités qu'elles doivent rcmiilir quand de bien, qui l'abandonnerait pour un autre.
il ajoutait : « Si elle a élevé ses enfants, exercé L'apôlre fait voir par là, qu'elles avaient em-

l'hospitalité, lavé les pieds des saints». Main- brassé la viduité sans une résolution réfléchie.
tenant il dit encore « Evitez les veuves trop : La vraie veuve devient épouse du Christ dans
H jeunes». Quant aux vierges, bien que leur son veuvage. Car c'est lui, dit l'Ecriture, qui
état soit bien plus difficile, il ne fait rien en- est le protecteur des veuves et le père des or-
tendre, et avecraison. Pourquoi ?Parcequ'elles phelins. (Ps. Lxvii, 5, 6.) L'apôtre fait voir
se sont enrôlées pour une milice plus haute, qu'elles n'ont pas vraiment choisi la viduité,

et que leur état vient d'une pensée plus su- mais qu'elles se sont livrées à la mollesse. Il
blime. Les mots : « Si elle a exercé l'hospita- lessupporte cependant; mais il dit ailleurs
a lité, lavé les pieds des saints » et tout ce qui aux Corinthiens a Je vous ai fiancés comme
:

s'y rapporte, il les a impliciteiuent compris « une vierge chaste au Christ pour uni(|ue
dans l'apiilication aux bonnes œuvres, et dans « époux ». (II Cor. XI, 2.) Et, après qu'elles se

cette parole : « Celle qui n'est point mariée sont inscrites au nombre des veuves, « elles
w songe au service du Seigneur ». (I Cor. vu, « veulent se marier, et sont condamnables,

34.) El, s'il ne s'étend pas avec détail sur la « parce qu'elles ont transgressé leur foi pre-
question du temps, n'en soyez pas surpris ;
«mière». Par leur foi, il entend leur pro-

car les conséqui nées de ce qu'il dit sont fort messe; elles ont menti, abandonné le Christ,
claires. J'ai dit ailleurs qu'une grande pensée trangressé leurs engagements.
leur a fait choisir la virginité. En outre il s'é- a Elles apprennent d'ailleurs à cire oisives».
tait déjà produit ries chutes, et c'est à l'occa- C;>r ce n'est pas seulement aux hommes que
sion des coupables que vient cette prescription le travail est prescrit; c'est aussi aux femmes,
dont il n'est pas question dans l'autre passage. car l'oisiveté enseigne tous les vices. Et ce
Qu'il y en ait eu, cela résulte clairement de n'est pas seulement de leurs fautes qu'elles
ces mots Car lorsqu'elles sont sorties des
: « ont à répondre, mais des péchés d'aulrui. S'il
» bornes de la modestie chrétienne, elles veu- e.stinconvenant pour une femme de se pro-
« lent se marier », et de ceux-ci « Car déjà : mener de maisons en maisons, combien plus
• quelques-unes ont été détournées de leur à une vierge « Non-seulement elles apprcn-
I

« voie, à la suite de Satan ». «Evitez les veu- — « nent à être oisives , mais bavardes et cu-
a ves trop jeuniis ». Pourquoi ces mots « Car : « rieuses, disant ce qu'elles ne devraient pv.s

a lorsqu'elle sont sorties des bornes de la nio- a dire. Je veux donc que les jeunes veuves se

» deslie, elles veulent se marier?» Et qu'est- a marient, aient des enfants, gouveracnl leur
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTIIÉË. - HOMÉLIE XV. 335

«maison ». Qu'arrivera-t-il en efft-f, si une nourrissant ces veuves, — et l'Egli?e n'était

femme n'a plus à s'occuper de son mari, et que pas surchargée. Il ajoute fort à propos : « Si

la pensée de Dieu ne la remplisse pas? Elle « quelque fidèle » ; caries veuves fidèlesnede-
deviendra naturellement oisive, bavarde et v.iient pas être nourries par les infidèles, il ne
curieuse. Car celui qui ne se préoccupe pas de convenait pasqu'elles eussent besoin d'unetelle
ce qui le regarde, se préoccupe sans cesse des assistance. Et voyezcommentilestpeu exigeant.
affaires d'au Irui ; de même quecelui qui songe 11 ne parle point d'un secours dispendieux,
à ce qui le concerne n'aura ni souci ni curio- mais dit seulement « Qu'il pourvoie à leurs
:

sité de ce qui regarde les autres. « Disant ce « besoins, afin que l'Eglise... suffise à celles qui
a qu'elles ». Rien n'est
ne devraient pas dire « sont vraiment veuves ». Le bienfaiteur aura

si inconvenant pour une femme que ces double récompense; car en assistant l'une,
recherches d'une vaine curiosité, et non- il aide aussi les autres, en permettant à l'Eglise

seulement pour une femme, mais pour un de les secourir plus largement, a Je veux que
homme, car c'est une grande preuve d'effron- « les jeunes veuves » —
Et quoi ? vivent dans
terie et d'impudence, a Je veux donc », puis- la mollesse ? dans les délices ? Nullement mais ;

qu'elles le veulent, je le veux aussi moi, « que « se marient, aient des enfants, gouvernent
o les jeunes veuves se marient, aient des en- « leur maison ». Et la gouvernent, comment?
fants, gouvernent leur maison » et s'y tien- Afin que l'on ne pense pas qu'il les engage à
nent, car cela vaut beaucoup mieux que de se une vie molle, il ajoute: « Et ne donnent point
conduire ainsi. 11 fallait se préoccuper du ser- « à l'enneminneoccasionde diffamation » . Elles
vice de Dieu et lui garder fidélité mais, puis- ; devaient être au-dessus des pensées mondai-
qu'il n'en est point ainsi, mieux vaut se ma- nes; puisqu'elles sont descendues plus bas,
rier, car Dieu n'est pas renoncé et elles ne qu'elles sachent au moins s'y maintenir.
contractent pas ces défauts. Une telle viduité 2. « Que les prêtres qui administrent bien
ne produit rien de bon, et au contraire en ,
a soient jugés dignesd'un double honneur, sur-
pareil cas, le mariage a d'heureux effets; il tout ceux qui se fatiguent dans la parcJe et
pourra détourner leurs cspiits de la langueur « l'enseignement. Car l'Ecriture dit : Vous ne
et delà paresse. Et pourquoi, voyait la chute « lierez point la bouche du bœuf qui travaille
de plusieurs, n'a-t-il pas dit qu'elles devaient « dans Le travailleur mérite de rece-
l'aire, et :

de grands soins pour ne pas tom-


être l'objet « voir son salaire (18) ». Par l'honneur il
ber dans un tel malheur, mais leur recom- entend les soins et l'attention à fournir les ob-
mande-t-il le mariage? Parce que le mariage jets nécessaires à la vie, comme on le voit par
n'est pas défendu. « Qu'elles ne donnent peint les textes qu'il cite. Lorsqu'il dit a Honorez les :

«à l'ennemi une occasion de diffamation», « veuves B,il parle dem.ême de pourvoira leur

ni de prise aucune; « car déjà quelques-unes subsistance ; car ildit aussi : « Afin que l'Eglise
o ont été détournées de leur voie, à la suite B puisse suffire à celles qui sont vraiment veu-
«de Satan». Il s'oppose donc à une viduité a ves», et : « Honorez celles qui sont vraiment
pareille,ne voulant pas de veuves trop jeunes « veuves » c'est-à dire
, qui sontdansla pauvreté,
qui se rendent coupables d'adullère, ne vou- car elles sont d'autant plus veuves. Il cite des
lant pas d'oisives qui disent ce qu'elles de- paroles de la loi et des paroles du Christ, pa-
vraient taire, de curieuses, qui donnent occa- roles qui concordent entre elles. Caria loi dit :

sion au démon ; si pareille chose n'avait pas eu a Vous ne bouche du bœuf qui
lierez point la
lieu, il mis cette opposition.
n'aurait pas «travaille dans l'aire ». (Deut. xxv, 4.) Vous
oMais,quelque fidèle a près de lui des
si voyez dans quelles conditions il veut que tra-
«veuves, qu'il pourvoie à leurs besoins, et vaille celui qui enseigne. Il n'est point de tra-

que l'Eglise n'en ait pas le fardeau, afin vail semblable à celui-là, il n'en est point.
a qu'elle suffise à celles qui sont vraiment Voilà le témoignage de la loi; et celui du Christ,
veuves (IC) ». Il appelle de nouveau vrai- le voici « Le travailleur mérite de recevoir
:

ment veuves, celles qui vivent dans la solitude « son salaire ». (Luc, x, 7.) Ne nous attachons

et qui n'ont de consolation nulle part. Le paspour cela seulement au salaire, et le Christ
conseil que donne ici l'apôlre est excellent, il le fait entendre puisqu'il dit « Celui qui tra- :

produisait deux grands résultats Les uns : « vaille mérite de trouver sa nourriture ».
trpnvaipiit une oçcagiou de faire le bien ea (MaitlJ. X, 10.) En sorte que s'il vil ^!an5 In m^l»
iié TRAffUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

losse et le relâclieinent, il n'est pas digne. Si quand il se donne tant de peines ? Il est exposé
le bœuf ne travaille pas dans l'aire, s'il ne à bien des langues ; l'un l'a blâmé, l'autre l'a

traîne pas un joug pesant, sous une chaleur loué, un troisième l'a raillé, un quatrième a
étouffante et à travers les épines, s'il ne per- attaqué sa mémoire ou sa méthode il lui faut ;

sévère pas jusqu'à la fin de sa tâche, il n'a pas bien de la force pour endurer tout cela. C'est
gagné les aliments qu'on lui laisse prendre. une grande chose pour l'édification d'une
Mais il que ceux qui enseignent se
faut certes église, c'est une chose de grande importance
voient fournir en abondance les objets néces- que de savoir enseigner, quand on la gouverne;
saires à la vie, afin qu'ils ne succombent pas sans cela bien des choses tombent en ruine.
à la fatigue, et de peur qu'ayant à s'occuper C'est pour cela qu'avec les autres qualités, avec
de petites choses, ils ne se détournent des l'hospitalité, la modération, en demandant que
grandes; ils se donneront ainsi aux œuvres spi- l'évêque soit irréprochable, l'apôtre ajoute :

rituelles, sans songer aux besoins de la vie. a Qu'il sache enseigner Le docteur, ce doit
».
Tels étaient les lévites ils ne pensaient pas
: être celui qui, par sa vie, enseigne l'amour de
aux moyens de vivre; c'était aux laïques à y la sagesse. Rien de mieux mais il faut en même ;

pourvoir envers eux, et la loi prescrivait de temps l'enseigner par ses discours. C'est pour
payer la dîme du revenu, les olTrandes sur les cela que Paul dit « Surtout ceux qui se fati-
;

objets en or, les prémices, les vœux et plu- guentdans la parole et l'enseignement» ;car,
sieurs autres objets. Ces avantages étaient ju«^ quand il s'agit d'exposer les dogmes, quelle vie
tement garantis par la loi à des hommes qui saurait suppléer aux paroles? Et quelles pa.
cherchaient les avantages de la vie présente; rôles? Non celles qui sont pompeuses et revê-
mais je ne demande pour ceux qui gouvernent tues d'ornements profanes, mais des paroles
de plus que la nourriture et le
les églises rien pleines de force, de lumière et de prudence.
vêtement, afin qu'ils ne soient pas entraînés Ce qu'il faut, ce n'est pas l'art du style et du
à y donner leurs pensées. Et qu'est-ce qu'un langage; il faut des pensées, de quelque fa-
double honneur? Double de celui des veuves, çon qu'on les exprime non l'art de la com- ;

ou des diacres, ou simplement un grand hon- position, mais seulement la sagesse.


neur. Ne nous arrêtons pas à ce mot de double « N'accueillez pas d'accusation contre un
honneur, mais à ce que l'apôtre y a joint : a ancien, s'il n'y a deux ou
témoins (19) ». trois
Ceux qui administrent bien. Et quels sont-ils? Faut-il donc accueillir contre un jeune homme,
Ecoutons la parole du Christ a Le bon pas- : ou contre qui que ce soit, une accusation sans
a leur donne sa vie pour ses brebis ». (Jean, x, témoignage? Ne faut-il pas prêter l'oreille avec
11.) Ainsi bien administrer, c'est ne rien épar- un discernement scrupuleux? Que veut donc
gner pour prendre soin de son troupeau. P ri n- dire l'apôtre ? Qu'il ne faut accueillir ces sortes
ciiialement ceux qui travaillent dans la préili- d'accusations contre personne mais surtout
,

cvilion et l'enseignement. — Où sont ici ceux qui contre un ancien. Et il ne parle pas ici de la
disL'ut qu'il n'est pas besoin de parole et d'en- dignité sacerdotale, mais de l'âge, car les

seignement? Quand l'apôtre donne de tels jeunes gens sont plus sujets à faillir que les
avis à Timothée o Méditez ces choses, atta-
: vieillards. Il est évident par tout ceci que dé-
chez-vous-y ». Et ailleurs : «Apiili(iuez-vous sormais une église est confiée à Timothée, ou
« à la lecture, à l'exhortation, car, en le fai- même toute la province d'Asie; aussi lui

tant, vous vous sauverez vous ceux qui et parle-t-il des anciens. — « Ceux qui sont en
vous écoulent ». (I Tini. iv, 15.) Voilà ceux « faute, réprimandez-les en présence de tous,
que l'apôtre veut que l'on honore plus que a afin que les autres en conçoivent de la
tous les autres, et il en donne le juste motif : crainte (2i») ». C'est-à-dire, ne les rejetez pas
c'est qu'ils supportent de grandes fatigues. trop vite, mais examinez tout avec une grande
Car lorsque l'un ne veille ni ne médite, exactitude et, quand vous vous serez rendu
;

mais reste tranquillement assis sans crainte clairement compte de l'allaire, montrez-vous
ni soucis, tandis que l'autre se fatigue en plein d'énergie, afin que les autres deviennent
occupant son esprit et ses soins, surtout plus retenus. Car, est nuisible de con-
s'il

s'il est étranger à la science profane, com- damner sans ne pas agir contre les
raison,
ment celui-ci ne devrait-il pas être honoré fautes manifestes, c'est ouvrir la voie aux au-
gnindement et plus que tous les autres, tres, pour qu'ils osent en fuireaulanl.il ne dit
COMMENTAmE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XV. 337

pas seulement de réprimander, mais de le la révélation nila menace, en sorte,


comnip je le
faire avec sévérité, car que les au-
c'est ainsi dis sans cesse, que l'enfer ne montre pas moins
tres en concevront de la crainte. Pourquoi l'intérêt que Dieu nous porte que son royaume
donc le Cbrist a-t-il dit « Va, et reprends ton
: céleste. L'enfer conspire avec le paradis, puis-
« frère entre toi et lui seul, s'il a péché contre que la crainte de l'un nous pousse vers l'autre.
«toi B (Matth. xviii, IS), tandis que Paul Ne croyons donc pas que c'est l'œuvre d'un
permet de l'accuser devant l'Eglise ? être cruel et impitoyable, mais plutôt l'œuvre
3. N'y aura-t-il pas là plus de scandale? Pour- de la miséricorde et d'une immense bonté, du
quoi ? Il y en aurait davantage si l'on connais- zèle avec lequel veut nous attirer à lui. Si
il

sait la faute et non le châtiment. Mais de Ninive n'eût pas été menacée par Jouas de sa
même que, si les fautes restent impunies, les ruine, cette ruine se serait accomplie s'il n'eût ;

coupables se multiplient, de même la répres- pasdit que Ninive serait détruite, Ninive n'au-
sion en redresse un grand nombre. C'est ce rait pas subsisté nous n'avions été mena-
; si

qu'a fait Dieu, en châtiant aux yeux de tous cés de l'enfer, nous y serions tous tombés si ;

Pharaon, Nabuchodonosor et bien d'autres ; nous n'avions été menacés du feu, nul n'y eût
nous voyons que cités et individus ont porté la échappé. Dieu dit le contraire do ce qu'il veut,
peine de leurs crimes. L'apôtre veut donc que afin d'accomplir ce qu'il veut il ne veut j>as :

tous craignent l'évêque, et il lui donne auto- la mort du pécheur, et il rjarle de la mort du
rité sur tous. Parce que souvent les accusa- pécheur, afin qu'il ne so précipite pas dans la
tions proviennent du ressentiment, dit-il, il mort. Ce n'est pas una simple parole il nous ;

faut des témoins, des hommes qui discutent montre la réalité, afi.n que nous l'évitions.
contre l'accusé, conformément à l'ancienne Et pour que personne ne pense que c'est une
loi. a Toute parole doit être appuyée par deux vaine menace, pyur qu'on en connaisse la réa-
ou témoins ». (Deut. xix, 15.) o N'ac-
trois lité, monde le rend ma-
ce qui s'est passé en ce
8 cueillez pas d'accusation contre un ancien ». Le déluge de pluie qui a fait périr le
nifeste.
Il n'a pas dit Ne condamnez pas, mais N'ac-
: : genre humain n'est-il pas une image de la gé-
cueillez pas même d'accusation, ne le tradui- henne du feu ? De même », dit l'Evangile ,
sez pas en jugement. Mais si deux témoins a que dans les jours deNoé..,ilyavaitdeshom-

mentent? Cela est rare, mais on peutTéclair- « mes qui se mariaient, des hommes qui don-
cir dans le jugement et faire briller la vérité. « liaient leurs filles en mariage... il en sera de
On doit s'estimer heureux qu'une faute ait « même alors». (Matth. xxiv, 37, 38.) Il aprédit
deux témoins, car elles se commettent en secret cet événement longtemps d'avance dans l'E- ;

et à la dérobée en sorte que c'est là matière


; vangile encore il le prédit d'avance quatre
à examen approfondi. Mais si les fautes sont siècles et davantage ' mais nul ne médite ses
;

reconnues et qu'il n'y ait pas de témoins, menaces, tous les regardent comme des fables
mais qu'on ait mauvaise opinion de l'alfaire? et tomme un objet de risée nul n'a de crainte,;

L'apôtre l'a dit plus hcut « Il faut que l'évê-


: nul ne pleure ses fautes, nul ne se frappe la
oque ait bon témoignage de ceux du dehors». poitrine. Le fleuve de feu bouillonne, la
Ayons donc l'amour et la crainte de Dieu. flamme s'élève, et nous, nous rions, nous vi-
Il n'y a point de loi pour le juste, mais la plu- vons dans les délices, nous péchons sans
part, suivant la vertu par contrainte et non crainte. Nul ne fait entrer dans son esprit ce
par préférence, retirent de grands fruits de la dernier jour, nul ne pense que la vie présente
crainte et répriment souvent leurs mauvais passe, que tout ce que nous voyous n'a qu'un
désirs. Ecoutons à cause de cela les menaces temps, bien que chaque jour les événements
qui nous sont faites de l'enfer, afin de recueil- nous le crientetnousfassententendreleur voix.
lir les précieux fruits de cette crainte. Car si Les morts prématurées, les changements qui
Dieu, qui y précipitera les pécheurs, ne nous ont lieu même pendant notre vie, ne nous ins-
en eût pas d'avance adressé la menace, un bien truisent pas, non plus que nos maladies de
jr.rand nombre y fussent tombés. Si en effet, toute sorte. Et ce n'est pas dans nos corps seu-
maintenant que la terreur agite nos âmes, il lement, mais dans les éléments aussi que l'on
s'en trouve plusieurs qui pèchentsi facilement,
comme s'il n'y avait pas d'enfer, quels crimes ne * L'orateur s'exprime ainsi parce qu'il parle quatre sièclefl aprAg
JésuB-Cbtisi, daas l'iguoiaoce abiolue du uœp» où viendra U ia»
commettrions-nous pas si nous n'en avions ni Dieijotiit

5. J. Ca. — Tome XI. S3


338 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

peut voir les changements se produire tout : ne trouve pas mais où réside la vé-
la vanité ,

nous donne occasion de méditer sur cela même rité, où tout sohde et stable, où tout est
est
dans noire jeunesse ; partout et en tout l'insta- fondé sur la pierre, où rien ne vieillit ni ne
bilité est signalée.Ni l'iiiver, ni l'été, ni le passe où tout est florissant et jeune où le
, ,

printemps, ni l'automne ne se sont jamais ar- temps n'a point d'action, où rien ne doit dis-
rêtés dans leur cours ; ils s'écoulent, ils s'en- paraître. Je vous en conjure, désirons sincère-
volent. Mais que dis-je les années et les fleurs? ment Dieu, non par la terreur de l'enfer, mais
Voulez-vous parler des dignités ? des rois qui par le désir du royaume éternel. Dites-moi, en
sont aujourd'hui et ne seront plus demain, effet, qu'y a-t-il de semblable au bonheur de
des riches, des demeures somptueuses, de la voir le Christ? Rien assurément. Qu'y a-t-il de
nuit et du jour, du soleil? N'est-il pas souvent semblable à la jouissance des biens célestes?
éclipsé, disparu dans les ténèbres, caché par Assurément rien. Biens oque l'œil n'a point
un nuage? Rien demeure-t-il de tout ce que vus,que l'oreille n'apointentendus,qui n'ont
nous voyons? Non, rien que notre âme, et point pénétré dans le cœur de l'homme et
nous la négligeons nous faisons grand cas de
;
a que Dieu a préparés à ceux qui l'aiment»;
ce qui change, et ce qui demeure à jamais, (I Cor. u, 9.)
nous y restons indifférents, comme nous
Efforçons-nous de les obtenir, et méprisons
s'il

échappait sans cesse. —


Un tel est puissant. —
les biens terrestres. Ne nous plaignons-nous
Oui, jusqu'à demain, et ensuite il périra; vous pas souvent de ce que la vie de l'homme n'est
le voyez par l'exemple de ceux qui furent plus ^ rien ? Pourquoi donc cet empressement pour
puissants que lui et qui ont disparu. La vie un rien ? Pourquoi se donner tant de peine
est un théâtre, un songe. De même que, chez pour un rien? Vous considérez des habitations
les acteurs, quand le théâtre est enlevé, la somptueuses est-ce cette vue qui vous trompe ?
;

de même que les


diversité des rôles disparaît, Levez donc les yeux au ciel comparez-en la ,

songes s'envolent aux premiers rayons du beauté avec ces pierres et ces colonnes, et
matin, de même ici quand notre rôle est vous verrez qu'elles ne sont qu'un ou-
achevé dans la vie publique ou privée, tout vrage de fourmis et de moucherons. Adonnez-
se dissipe et disparaît. L'arbreque vous avez vous à la contemplation élevez-vous vers les
,

planté, lamaison que vous avez bâtie demeu- objets célestes, voyez de là ce que sont de
rent après vous l'architecte et le laboureur
; somptueux édifices, et vous verrez qu'ils ne
sont enlevés et meurent. Et, quand nous en sont rien que des jeux de petits enfants. Vous
sommes témoins, cela ne nous change point; savez que l'air devient plus subtil, plus léger,
nous disposons tout comme si nous étions im- plus pur, plus transparent, à mesure que l'on
mortels, et nous vivons dans le luxe et la mol- s'é.'ève ? C'est dans une semblable région
lesse. qu'oiît leurs demeures, leurs tabernacles;
4. Ecoutez ce que dit Salomon, qui a éprouvé ceux qîii pratiquent les œuvres de miséri-
par lui-même ce que sont les choses do la vie corde. Toute habitation terrestre sera détruite
présente : « Je me suis élevé des demeures », à la résurrection , et, avant la résurrection, le
dit-il, oj'ai planté des jardins et des parcs, temps, dans son cours, la détruit, la dissout,
a des vignobles... des piscines... j'ai acquis de la fait disparaître. Souvent même, avant l'ac-
l'or et de l'argent... je me suis procuré des
fl
tion du temps, dans l'éclat de la nouveauté,
«chanteurs et des chanteuses, des troupeaux un tremblement de terre la renverse, un in-
a de gros et de menu bétail ». (Eccl. ii, 4-8.) cendie la dévore car il y a des morts préma-
;

Nul n'a joui de tant de délices, nul u'a été si turées pour les édifices, comme il y en a pour
illustre et si sage, nul n'a été maître si puis- les hommes souvent, quand !a terre est ébran-
:

sant, nul n'a connu comme lui les événements lée, des bâtiments usés par le te:nps restent en
passés. Mais quoi ! rien de tout cela ne l'a sa- équilibre, et ceux qui brillent de jeunesse,
tisfait, et que dit-il après en avoir joui ? « Va- qui sont solides et nouvellement achevés, sont
« nilé des vanités, tout est vanité ». (Ib. i, 2.) ébranlés et renversés par la foudre seule; Dieu
Non pas vanité seulement, mais il s'exprime l'a réglé ainsi sans doute pour que nous ne
avec plus d'énergie. Croyons-en je vous en ,
soyons pas orgueilleux de nos constructions.
conjure, un homme qui en a fuit l'expérience, Voulez-vous ne pas vous laisser décoiiraijer?
écoulons-le et eolreprenons des choses où l'oo Allez dans ces édifices publics dont vous jouia-
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XV. 339

sez comme les autres; car il n'est point de faitde me connaître est plus grand que celui
maison, il n'en est point, quelque somptueuse de voir le soleil. Tu ne peux créer un homme,
qu'elle soit, qui l'emporte sur les édifices pu- mais tu peux former un juste, un homme
blics ; demeurez-y autant qu'il vous plaira agréable à Dieu. J'ai créé sa substance, em-
ils sont à vous, à vous comme aux autres ; ils bellis sa volonté. Vois combien je t'aime et
sont publics et non privés. Mais cela ne vous pour quels grands objets je t'ai donné du
sa isfait pas, dites-vous. Non, d'abord par l'ef- pouvoir.
fetde l'habitude, puis par celui de la cupi- Voyez , mes bien-aimés quel honneur vous ,

donc la cupidité qui fait l'agrément


dité. C'est recevez ; et cependant il est des insensés, des
d'une cbose, et non sa propre beauté. Le plai- ingrats quidemandent pourquoi nous sommes
sir c'est d'être cupide et de vouloir s'appro- maîtres de notre volonté. Dans tous ces objets
prier ce qui est à tous. que nous venons de parcourir, nous pouvons
Eh jusques
I à quand serons-nous cloués et imiter Dieu il nous serait impossible de le ;

collés à la terre? Jusques à quand nous rou- faire si notre volonté n'était pas libre. Je
lerons-nous dans la boue comme des vermis- règne, dit-il, sur les anges, et toi aussi par tes

seaux? Dieu nous a fait un corps de terre afin prémices. Je suis assis sur un trône royal et ,

que nous relevions vers le ciel, et non pour qu'il toi aussi par tes prémices * : nous a res-
a II

nous serve à abaisser notre âme elle-même « suscités etnous a fait asseoir à la droite de
vers la terre ; mon corps est terrestre, mais, aDieu ». (Ephés. ii, 6.) Les chérubins, les sé-
si je le veux, il devient céleste. Voyez quel raphins, toute l'armée des anges, les princi-
honneur Dieu nous a fait, en nous confiant pautés, les puissances, les trônes, les domina-
une si grande œuvre. C'est moi , dit-il qui ai ,
tions s'inclinent devant toi à cause de tes
,

fait le ciel et la terre je te rends participant ;


prémices. N'accuse pas ton corps, qui jouit
de la création fais de la terre un ciel
: tu le , d'un honneur si grand, que les puissances in-
peux. On dit de Dieu qu'il fait et qu'il change corporelles vénèrent. Mais que dis-je? Ce n'est
tout. (Amos, V, 8.) Il a aussi donné cette puis- pas seulement par là que je veux te gagner,
sance aux hommes, comme un père plein de mais aussi par mes souffrances. C'est pour toi
tendresse, qui sait peindre, mais qui veut que l'on m'a craché au visage, que l'on m'a
aussi instruire son fils dans cet art. Je t'ai souffleté, que j'ai anéanti ma gloire, et que,
donné nous dit-il un corps qui est beau ; je
, , descendant du séjour de mon Père, je suis
te confie l'accomplissement d'une œuvre plus venu vers toi qui me haïssais qui te détour- , ,

grande fais une belle âme. J'ai dit en effet :


: nais de moi et ne voulais pas entendre mon
a Que la terre produise l'herbe verdoyante... nom j'ai couru à ta poursuite afin de te sai-
;

« et les arbres portant des fruits » (Gen. i, H); sir je t'ai uni et attaché à moi-même je t'ai
; ;

dis aussi, toi : Que la terre produise son fruit, dit Mange ma chair et bois mon sang je
:
;

et tout ce que tu voudras faire se produira. Je t'élève au ciel et je viens t'embrasser sur la
fais la chaleur et le brouillard ;
je suis l'au- terre. Je ne me suis pas contenté de placer si
teur du tonnerre et le créateur du vent, j'ai haut tes prémices cela ne suffisait pas à mon ,

formé le dragon , c'est-à-dire le démon pour amour. Je suis descendu sur la terre et je ne ;

me jouer de lui. (Ps. cm , ne t'ai point


26.) Je me joins pas seulement à toi , mais je pénètre
envié celte puissance : joue-toi de lui, si tu tout ton être, je suis mangé par toi, je m'amin-
le veux ; car tu peux le lier comme un petit cis peu à peu, afin que la fusion, que l'union
oiseau. Je fais lever mon soleil sur les bons et soient plus parfaites. Ce qui s'unit demeure
sur les méchants : imite-moi, fais part de tes dans les limites de sa propre étendue, mais
biens aux bons et aux méchants. Je suis pa- moi je ne fais plus qu'un tout avec toi. Je
tient dans les outrages , et je fais du bien à veux que rien ne nous sépare plus je veux ;

ceux qui me les adressent ; imite-moi, car tu que nous ne fassions plus qu'un. Sachant cela,
lepeux. Je fais le bien , non pour en obtenir sachant la grande tendresse de Dieu pour
en retour; imite-moi, et tu ne le feras plus nous, faisons tout pour ne pas être indignes
pour obtenir un retour, pour qu'on te le de si grands dons obtenons-les tous dans le ;

rende. J'ai allumé des flambeaux pour le ciel:


allumes-en de plus brillants, car tu le peux;
* C'e>t-à-dire, l'Horame-Dieu, qui est le> prémices de l'humMltéi
éclaire ceux qui sont dans l'erreur, le bien- (t <)ui uii 3MIS à lu oigita de Dieu son Para. (J.-B. J.)
340 TRADUCTIOxN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSlOMEi

Christ Jésus Notre-Seigneur, avec qui scient honneur, maintenant et toujours, et aux siè-
au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, cles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE XVI.
JE YOCS ATTESTE EN PRÉSERCB DE DIEU, ET DE JÉSUS-CHRIST, ET DES ANGES ÉLCS, DE GARDER
TOUTKS CES PAROLES, SANS PRÉJUGÉ, NE FAISANT RIEN PAR SIMPLE PENCHANT. N'IMPOSEZ PROMP-
TEMENT LES MAINS A PERSONNE, ET NE VOUS RENDEZ PAS COUPABLE DES FAUTES d'AUTRUI. CONSER-
VEZ-VOUS CHASTE. CESSEZ DE NE BOIRE QUE DE l'EAO, MAIS FAITES USAGE DUN PEU DE VIN, A
CAUSE DE VOTRE ESTOMAC ET DE VOTRE FRÉQUENT ÉPCISEMENT. (v, 21-23, JUSQO'a VI, 1.)

Analyae»
1. Des ordinations qu'elles ne doivent pas se faire trop promptement et sans un examen préalable très-eérleu.
2. Devoirs des serviteurs.
;

— Exhortation morale au service de Dieu.

Après avoir parlé des évêques, des dia-


1. Ainsi nous-même nous prenons souvent à té-
cres, des hommes, des femmes, des veuves, moin des personnages éminents et d'autres
des vieillards et de tous; après avoir montré moindres, afin de rendre notre témoignage
quels sont les pouvoirs de l'évêque en qualité plus imposant. C'est comme s'il disait : Je
déjuge, l'apôtre ajoute « Je vous atteste en : prends à témoin Dieu, son Fils et ses servi-
a présence de Dieu et de Jésus-Christ et des an- teurs des préceptes que je vous ai donnés ;
,

gesélus, de garder toutes ces paroles, sans pré- c'est en leur présence que je vous les donne ;

« jugé, ne faisant rien par simple penchant ». inspirant par là de la crai"i)i> à Timothée.
C'est sur un ton terrible qu'il continue ses Puis il continue par l'objet le plus oppor-
prescriptions car, si Timolhée est son en-
,
tun, celui qui renferme surtout le salut de
fant chéri, il n'hésite pas i>our cela. Celui qui l'Eglise, les ordinations, o N'imposez promp-
n'a pas craint de dire de lui-même : a Je crains B tement », dit-il, « les mains à personne, et
qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois o ne vous rendez pas coupable des fautes d'au»

c réprouvé moi-même» (I Cor. ix, 27), n'aurait trui B. Qu'est-ce à dire : o Promptement? »
pas hésité ni craint en parlant de Timothée. C'est-à-dire, qu'il ne
d'une première,
suffit pas
Mais il atteste le Père et le Fils; et pourquoi d'une seconde, ni d'une troisième épreuve,
aussi les anges? C'est un effet de sa grande mais qu'il faut une élude bien des fois répé-
modestie. Moïse dit de même : o Je prends à tée et un examen approfondi car ce n'est pas ,

témoin le ciel et la terre» (Deut. iv, 20), pour une œuvre sans Vous serez en effet res-
péril.
ne pas prononcer le nom du Seigneur ; et il ponsable des fautes du prêtre, si vous êtes
est dit encore « Ecoutez, précipices et fonde-
: l'auteur de leur origine, des fautes qui ont
a ments de la terre ». (Mich. vi, 2.) Paul prend précédé l'ordination et de celles qui la sui-
le Père et le Fils à témoin de ses paroles , se vront. Parce que vous aurez été à contre-
justifiant devant eux pour le jour à venir, s'il temps indulgent pour les premières, vous
se produit quelque infraction au devoir, serez responsable des secondes dont vous
,

comme s'étant acquitté de tout le sien. — serez la cause , et aussi des fautes passées
De garder toutes ces paroles sans préjugé, parce que vous aurez dispensé le coupable
« ne faisant rien par simple penchant »; c'est- du repentir et de la componction. Car de
à-dire vous mettant vous-même au rang de
, même que vous avez part aux avantages spi-
ceux qui sont jugés par vous, afin que per- rituels de vos disciples, vous participez aussi
sonne ne vous gagne et ne se rende maître de à leurs fautes. —
« Conservez-vous chaste».
votre jugement. Et pourquoi dire «Les anges : 11 parle ici de la continence. « Cessez de ne

élus?» C'est qu'il y en a qui ne le sont pas. a boire que de l'eau , mais faites usage d'un

Jacob aussi prend à témoin Dieu et la colline. « peu de vin, à cause de votre estomac et de
,
.

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. ~ HOMÉUE \^. 34i

« votre fréquent épuisement ». Si , à un un acte de liberté que de mieux aimer servir.'


homme si fort adonné au jeûne , et faisant de Car l'infidèle, s'il voit que ses esclaves se
l'eau un usage si constant, qu'il se trouve comportent avec insolence, parce qu'ils ont la
épuisé et fréquemment épuisé, l'apôtre pres- foi, proférera des blasphèmes, en disant que
crit de se modérer, Timothée ne s'y re-
et si la croyance chrétienne rend séditieux ; s'il les
fuse pas, combien plus ne devons-nous pas voit obéissants , il cédera plus facilement et
nous irriter si nous entendons quelque discours prêteramieux l'oreille à la parole de Dieu.
qui nous froisse. Et comment, dira-t-on, n'a- Car autrement Dieu et sa prédication seront
t-il pas fortifié l'estomac de son disciple lui , blasphémés. Mais, dira-t-on, si les maîtres
dont les vêtements ressuscitaient les morts? sont fidèles?Même alors il faut être docile, à
Car il est clair qu'il le pouvait. Pourquoi donc cause du nom du Seigneur, a Que ceux qui
ne l'a-t-il pas fait? Afin que si nous voyons « ont des maîtres fidèles ne les méprisent
aujourd'hui de grands hommes des hommes ,
a point parce qu'ils sont leurs frères , mais

vertueux affligés de maladies , nous n'en a qu'ils les servent avec plus de soin, parce
soyons pas scandalisés car c'est pour leur , a qu'ils sont fidèles et aimés de Dieu , partici-
avantage qu'il en arrive ainsi. Si un ange de pant au même bienfait (2) ».

Satan a été donné à Paul pour qu'il ne s'enor- 2. Si donc vous avez reçu cet honneur de
gueillit point (II Cor. xii, 7), combien plus à trouver des frères dans vos maîtres c'est un ,

Timothée, car ses miracles auraient pu l'en- devoir plus grand d'être dociles envers eux.
traîner à l'orgueil. Il le laisse donc soumis — a Antérieurement au jugement ». L'apôtre

aux lois de la médecine, afin qu'il modère veut dire que, parmi les mauvaises actions , il
aussi ses pensées et que les autres ne soient en est qui sont ignorées , et d'autres qui ne le
pas scandalisés, mais qu'ils apprennent que sont pas, mais qu'au jour du jugement, ni les
I*aul et Timothée étaient de notre nature, eux bonnes ni les mauvaises ne resteront cachées.
qui ont fait de tels progrès dans la vertu. Car Qu'est-ce à dire antérieurement au jugement
,

Timothée paraît avoir été maladif, ce que qu'elles provoquent? Par exemple lorsqu'un ,

l'apôtre fait entendre quand il dit « A cause : homme commet des péchés qui le condam-
a de votre fréquent épuisement » de l'esto- , nent à l'avance, quand il est incorrigible,
mac et du reste du corps. Mais il ne lui per- quand on espère en vain qu'il se corrigera.
met pas de se remplir de vin sans modéra- Et pourquoi l'apôtre dit-il cela ? Parce que
tion il le lui permet pour la santé, non pour
; quand ces pécheurs se cacheraient ici-bas , ils
la mollesse. ne seront point ignorés dans ce jugement où
« Les péchés de certains hommes sont ma- tout sera mis à nu. Il y a là aussi un grand
nifestes et précèdent le jugement; pour d'au- encouragement pour les justes. Entre les pres-
s très, les péchés suivent (24) ». L'apôtre vient criptions précédentes, telles que : Ne faisant rien
de dire en parlant des ordinations «Ne vous
, : par simple penchant etc., et celle-ci Tous
, :

« rendez pas coupable des fautes d'autrui » Mais, . ceux qui sont sous le joug, il y a une suite
dira-t-on, si je les ignore? a Les péchés de naturelle, nécessaire; celles-ci sont le dévelop-
a certains hommes sont manifestes et précè- pement de celles-là. Celles-ci regardent-elles
dent le jugement
pour d'autres les péchés
; , l'évêLjue ? Oui, sans doute, puisqu'il doit exhor-
« suivent ». Les péchés des uns sont connus ter les serviteurs. Nous voyons partout l'apôtre
parce qu'ils sont antérieurs au jugement; et adresser ses préceptes aux esclaves plus qu'aux
ceux des autres non parce qu'ils sont posté-
,
maîtres; leur montrant les voies de la soumis-
rieurs, a De même aussi les bonnes œuvres sion , et tenant un très-grand compte.
d'eux
a sont manifestes et celles qui ne le sont pas
, Aux maîtres il Renoncez aux menaces »
dit : a

ne peuvent longtemps rester cachées (25) ». (Eph. VI, 9.) —


Mais pourquoi ces avis? Les
« Que ceux qui sont sous le joug de la ser- infidèles en avaient besoin mais il ne pouvait
;

« vitude regardent leurs maîtres comme dignes s'adresser qu'à ceux qui avaient embrassé la
« de tout honneur, afin que le nom et la doc- foi; et pour ceux-ci, à quoi bon? Parce que
a trine du Seigneur ne soient point blasphé- les maîtres donnent plus à leurs serviteurs
«mésB. (vi, 1.) Qu'ils les regardent comme que les serviteurs à leurs maîtres. Ce sont les
dignes de tout hunneur. Ne pensez pas être maîtres qui paient pour l'entretien de leurs
libre ,
parce que vous êtes fidèle ; mais c'est sp.rvi tours, pour leur habillement, pour tous
,,

m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

leurs besoins ; en sorte que les maîtres sont il, le maître? La liberté qui est souvent plus
plutôt les serviteurs de leurs esclaves , et c'est difficile à supporter que la servitude. Souvent,
ce qu'il veut faire entendre, quand il dit : sous la pression de la faim , on la trouve plus
« Parce qu'ils sont fidèles et aimés de Dieu anière ,
quelque grand qu'en soit le don. Au-
« participant au même bienfait ». Ils se fati- près de Dieu, rien de précaire, rien de corrup-
guent et prennent de la peine pour votre re- tible ; mais que nous promet-il ? a Je ne vous
pos ne doivent-ils pas être grandement ho-
; appellerai plus serviteurs , vous êtes mes
norés de leurs serviteurs? oamis ». (Jean, xv, 15.)
Mais, s'il a prescrit aux esclaves d'être ainsi Rougissons et craignons, mes bien-aimés,
obéissants, songez comment nous devons nous nous devrions servir noire maître au moins
conduire envers notre Maître, qui nous a fait comme nos domestiques nous servent; mais
passer du néant à l'être, qui nous donne la la plupart du temps nous ne lui témoignons
nourriture et le vêlement. Servons -le au point notre service. Ceux-là sont philosophes
moins comme nos domestiques nous servent. malgré eux; ils n'ont que le vêlement et la
N'y emploient-ils pas leur vie tout entière, nourriture ; tandis que nous insultons à Dieu
pour que leurs maîtres vivent en repos? Leur par notre mollesse. Si nous n'en recevons pas
occupalion, leur vie, c'est de prendre soin des d'ailleurs, recevons d'eux des leçons de sa-
intérêts de leurs maîtres. Ne s'en préoccu- gesse. L'Ecriture renvoie bien les hommes à
pent-iis pas toute la journée, n'ayant souvent l'école non des esclaves, mais des animaux
,

à disposer pour eux-mêmes que d'une petite sans raison, quand elle nous commande d'imi-
partie de la soirée? Nous, tout au contraire, ter les abeilles ou les fourmis. Pour moi je ,

nous nous préoccupons sans cesse de nos in- vous exhorte à imiter vos serviteurs faisons :

térêts; ceux de notre maître ne nous prennent au moins par crainte de Dieu tout ce qu'ils font
pas la moindre partie du jour et pourtant il ; par crainte de leurs maîtres ; car je ne vois
ne nous demande pas ce qui est à nous, connue [)as que vous le fassiez. Bien souvent par

le font les maîtres à l'égard de leurs esclaves; crainte ils se laissent insulter et demeurent
mais ce que nous faisons pour lui tourne à plus silencieux que n'importe quel philoso-
notre propre avantage. Là, en effet, le travail phe ; on ou à raison, et ils ne
les insulte à tort
du serviteur était profitable au maître ici le ; répliquent pas; mais demandent pardon, ils

service de l'esclave ne profite point au maître, souvent sans avoir fait de mal. Us ne reçoi-
mais au serviteur seul. « Vous n'avez pas be- vent que le nécessaire souvent moins que le ,

« soin de mes biens», dit le Psalmisle. (Ps. nécessaire prennent patience ils dor-
, et ils ;

XV, 2.) Car, dites-moi, quel profit revient-il à ment sur une natte de jonc ils ne se nourris- ,

Dieu que je sois juste? Que perd-il si je suis sent que de pain, toute leur existence est pau-
injuste? Son essence n'est-elle pas inaltérable vre, et ils ne réclament point, ils ne se fâchent
et impassible? N'est-elle pas au-dessus delà point, parce qu'ils nous craignent. Quand on
souffrance ? Les esclaves n'ont rien à eux ; leur confie de l'argent ils le rendent tout en- ,

tout est à leur maître, quelque riches qu'ils tier ne me parlez pas de ceux qui sont per-
:

deviennent, et nous avons bien des choses en vers, mais ceux qui ne sont pas trop mauvais
jiropre. Et cet honneur n'est pas tout ce ijue cèdent à la première menace. N'est-ce pas là
nous recevons du Roi de l'univers. Quel maî- de la philosophie? Ne me dites pas qu'ils le
tre a donné son propre fils pour sou servileui? font par nécessité, car vous avez, vous aussi,
Aucun ; tous donneraient plulôl leurs servi- la nécessité d'éviter l'enfer, et cependant vous
teurs pour leurs enfants. Ici c'est tout le con- n'avez point tant de prudence et ne rendez
traire.Dieu n'a pas épargné son propre Fils point tant d'honneur à Dieu que ne vous eu
mais l'a livré pour nous tous, pour tousses rendent vos esclaves. Chacun d'eux a sa de-
ennemis, pour ceux qui le haïssent. Les escla- meure déterminée, et n'empiète pas sur celle
ves, quand on leur donnerait des ordres péni- de son camarade, non plus que la cupidité de
bles , ne se fâchent point, mais se montrent celui-ci ne lui fait tort. La crainte de leur
pleins de reconnaissance; et nous, nous re- commun maître les maintient dans le devoir.
gimbons en mille occasions. Un maître ne Rarement un serviteur fait tort à un autre ou
promet point à ses serviteurs de récompenses en reçoit quelque dommage.
telles que Dieu nous en promet. Que promet- Mais, parmi les hommes libres, le contraire
,

COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XVlI. Ui


a lieu nous nous déchirons, nous nous dévo-
; Dieu nous comble. Eux aussi sont libres par
rons les uns les autres; nous ne craignons nature. La parole : a Qu'ils commandent aux
point notre maître, nous ravissons ce qui ap- « poissons, etc. » (Gen. i, 26), a été dite aussi
partient à des serviteurs comme nous , nous pour eux. La servitude ne vient pas de la na-
volons , nous frappons , sous ses yeux. Nul ture ; elle vient d'un châtiment et de circons-
esclave ne ferait cela ; s'il frappe , c'est loin tances malheureuses, et cependant ils nous
des yeux de son maître ; s'il profère des inju- portent un grand respect. Nous leur prescri-
de ses oreilles ; mais nous osons
res, c'est loin vons exactement tout ce qui concerne notre
tout, et pourtant Dieu nous voit et nous en- service et la plupart du temps nous nous dé-
,

tend. La crainte du maître leur est toujours robons à celui de Dieu dont tout l'avantage est
présente à nous jamais. C'est pour cela que
; ,
pour nous. Car plus nous serons zélés à ce ser-
l'on voit partout le bouleversement, la con- vice, plus nous aurons de bonheur et de gain.
fusion , la corruption nous ne réfléchissons ; Ne nous privons point nous-mêmes d'un tel
point à nos péchés, et, quand nos serviteurs avantage car Dieu se suffit et n'a besoin de
;

commettent des fautes même les plus petites, rien récompense et gain retomberont sur
;

nous les examinons toutes avec rigueur. Je nous. Il semble donc que ce ne soit pas Dieu
ne dis point cela pour enseigner la paresse que nous servons, mais nous-mêmes; obéis-
aux esclaves, mais pour secouer la nôtre, sons-lui avec crainte et tremblement, afin
pour réveiller notre nonchalance, afin que d'obtenir les biens promis par Jésus -Christ
nous soyons au moins pour Dieu ce que nos Notre-Seigneur, avec qui soient au Père et au
esclaves sont pour nous, eux qui sont de Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur,
même nature que nous et n'ont point reçu de maintenant et toujours , et aux siècles des siè-
nous des bienfaits comparables à ceux dont cles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE XVIi:
ENSEIGNEZ CELA, EXHORTEZ A l' ACCOMPLIR. SI QUELQU'UN DONNE UN ENSEIGNEMENT DIFFÉRENT ET H'aC-
QLIESCE POINT AUX PURES DOCTRINES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, ET A LA SCIENCE QUI EST
CONFORME A LA PIÉTÉ, C'EST UN ORGUEILLEUX QUI NE SAIT RIEN, MAIS QUI A LA MALADIE DES
RECHEKCHES ET DES DISPUTES D8 MOTS, d'oU NAISSENT l'ENVIE, LES QUERELLES, LES BLASPHÈMES,
LES SOUPÇONS MAUVAIS, LES FROISSEMEITS EICITÉS PAB DES HOMMES d'US ESPRIT GÂTÉ, ÉLOIGNÉS
DE LA VÉRITÉ, CONFONDANT LE GAIN ET LA PIÉTÉ [ÉLOIGBEZ-VOUS DE CES HOMMES]. OUI, c'eST UN
GRAND GAIN QUE LA PIÉTÉ AVEC LA MODÉRATION DANS LES DÉSIRS. C A8 NOUS N'aVONS RIEN APPORTÉ
EN CE MONDE, ET IL N'EST PAS DOUTEUX QUE NOUS n'EN POCRBONS BIEN EMPORTER. (VI, 2-7 JUS-
QU'A 12.)

Analyse.
1. Il faut, à ceini qui est chargé d'enseigner, de l'autorité et de la douceur. — L'orgueil naît de l'ignorance.
2. La CQpidilé est snneniie Je la foi et du salut.
3. Elle est la racine de tous les maux.

1. Celui qui enseigne n'a pas seulement tre sur pied, nous devons bien davantage user
besoin d'autorité , mais d'une grande dou- aussi d'exhortations envers ceux que nous
ceur; comme il n'a pas besoin de douceur enseignons. Le bienheureux Paul, en effet, ne

seulement , mais aussi d'autorité. Tout cela, refuse point de servir, quand il dit o Nous ne :

le bienheureux Paul l'enseigne en disant nous prêchons point nous - mêmes mais ,

tantôt o Prescrivez et enseignez ceci», tantôt


: : a nous prêchons le Christ Jésus et quant à ;

«Enseignez cela, exhortez à l'accomplir». Car, « nous nous nous regardons comme vos
,

si les médecins exhortent leurs malades, non serviteurs, à cause de Jésus » (II Cor. iv, 5);
pour revenir eux-mêmes à la santé mais , et ailleurs : « Tout est à vous, que ce soit Paul
pour les guérir de leurs maladies et les remet- « ou Apollon ». (I Cor. m, 22.) 11 sert ainsi de
944 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

grand cœur, car ce n'est point une servitude, regard du lieu de ses recherches, il ne pourra
mais un état meilleur que la liberté, a Celui-là rien trouver. C'est ainsi qu'en dehors de la
« est esclave », dit l'Ecriture, o qui commetle foi,rien ne se découvre, mais il naît inévita-
€ péché ». (Jean, viii, 34.) blement des troubles. a D'oià naissent les—
a Si quelqu'un donne un enseignement blasphèmes, les soupçons mauvais » ; c'est-
a différent, et n'acquiesce point aux pures à dire les opinions et les doctrines perverses
doctrines de Notre-Seigneur Josus-Clirisl et qui proviennent de ces recherches alors, en ;

à la science qui est conforme à la piété, c'est etî'et,nous soupçonnons au sujet de Dieu ce
a un orgueilleux qui ne sait rien ». Ce n'est qu'il ne faut pas. « Les froissements », c'est-à-

donc pas la science qui conduit au vertige de dire les exercices inutiles de la parole. Ou
l'orgueil, c'est l'ignorance. Car celui qui con- peut-être encore veul-il dire que, comme les

naît la doctrine conforme à la piété, sait par- brebis galeuses communiquent leur mal à
faitement se modérer; celui qui connaît les celles qui sont saines, il en est de même des
saines doctrines n'a pas l'esprit malade. Ce hommes pervers.
qu'est l'inflammation pour les corps, l'orgueil a Eloignés de la vérité, confondant le gain
l'est pour les âmes ; nous ne pouvons pas plus a et la piété » Vous voyez combien de mal-
.

dire d'un orgueilleux que d'un homme souf- heurs l'apôtre nous dit produits par les dis-
frant d'une inflannnation, qu'il se porte bien. liules de mots l'avidité honteuse pour le
:

Mais est-il donc possible de ne rien savoir en sa- gain, l'ignorance, l'orgueil, qui est enfanté

chant quelque chose ? Oui, car celui qui ne sait par l'ignorance elle-même. Eloignez-vous —
pas ce qu'il doit savoir, ne sait rien et l'on ;
de ces hommes, —
ne vous rencontrez point
voit ici manifestement ijue l'arrogance naît de avec eux. « Evitez l'hérétique, après une pre-
l'ignorance. Le Christ s'est anéanti celui qui ;
a mière et une seconde réprimande ». (lit.

sait cela ne s'enflera jamais; car l'honune n'a ni, 10.) 11 nous montre que leur ignorance

rien qu'il ne tienne de Dieu il ne s'enflera


;
même vient surtout de leur négligence. Pour-
donc pas. « Qu'avez-vous que vous n'ayez rcz-vous persuader des hommes qui luttent
a reçu? » (I Cor. iv, 7.) Le Christ lui-même a pour des richesses? Non, vous ne le pourrez
lavé les pieds de ses disciples; q>ii donc, qu'en leur donnant encore, et même ainsi
sachant cela , pourra se gonfler d'orgueil? vous ne contenterez point leurs désirs. «L'œil
C'est pourquoi il a dit : o Quand vous aurez ode l'homme cupide est insatiable; il ne se
c tout accompli, dites : Nous sommes des ser- « contente point d'un résultat partiel » (Ecclés. .

c vileurs iimliles ». (Luc, xvii, 10.) Le pubii- XIV, 9.) Il faut donc se détourner de ceux qui

cain a été loué, seulement pour son humilité, sont incorrigibles. Mais s'il avertit celui qui se
et le pharisien s'est perdu j)ar son arrogance. trouvait dans la nécessité de lutter, de ne pas
Celui donc qui s'enorgueillit ne sait rien de se rencontrer avec ces hommes et de ne pas
tout cela. Le Christ a dit aussi : a Si j'ai mal se lier avec eux, combien plus nous, qui
parlé, rendez-en témoignage; si j'ai bien sommes au rang des simiilos disciples.
a parlé, pourquoi me frappez-vous? » (Jean, Et comme il a dit que ces hommes confon-
xviii, 23.) L'apôtre dit « Mais qui a la maladie
: dent le gain et la piété, il ajoute : a Oui, c'est
odes recherches ». Rechercher ces choses, « un grand gain que la piété, avecmodé- la

c'est donc être malade; a et des disputes de « ration dans les désirs » ; non lorsqu'on pos-
mots »; oui, sans doute; car lors(jue les sède des richesses, mais lorsqu'on n'en possède
raisonnements ont donné la fièvre à une âme, pas. Car, afin que son disciple ne tombe pas
lorsqu'elle est agitée, elle cherche; lorsqu'elle dans l'abattement à cause de sa pauvreté, il le
est en santé, elle ne cherche point, elle accepte relève et le soutient, o Ils la confondent avec
la foi. La recherche et les disputes de mots ne a le gain ». Oui, c'en est un, mais d'une autre

conduisent à rien. Car ce que la foi seule et meilleure nature. Ayant abaissé l'un de ces
annonce, quand la recherche veut se charger avantages, il exalte l'autre. Le gain d'ici-bas
de le découvrir, elle ne nous le fait pas voir n'est rien : il demeure sur la terre, il ne nous
et ne nous le laisse pas comprendre. Si quel- suit pas, n'émigre point avec nous. Qu'est-ce
il

qu'un veut trouver, en fermant les yeux, un qui le prouve? C'est que nous sommes venus
objet qu'il cherche, ou si, les tenant ouverts, dans la vie sans rien avoir nous devons ;

il s'easevclit dans une fosse et détourne son donc en partir sans rien emporter ; nu est
,

COMMENTAIRE SUR' LA I" ÉPITRE A TIMOIHÉE. - HOMÉLIE XVII. 34^

venu notre corps, nu il s'en ira. Nous n'avons a àvez noblement confessée», dans l'espérance

doue pas besoin de superflu si nous n'avons ;


de la vie éternelle, a en présence de nombreux
rien apporté, nous partirons sans rien avoir, o témoins (12) » c'est-à-dire , ne faites pas
;

comme le dit l'apôtre. « Si nous avons ici la honte à votre généreuse confession pourquoi ;

a nourriture et le vêtement, nous nous con- auriez-vous subi des travaux inutiles?
« teuterons de cela (8) ». Il faut manger seu- Et à quelle tentation, à quel piège l'apôtre
lement ce qui suffît à nous nourrir, se vêtir dit-il que sont exposés ceux qui veulent s'en-

seulement de ce qui suffit à nous couvrir, à richir? Cette passion les égare hors de la foi,

envelopper notre nudité; rien de superflu le : les environne de périls, et les rend timides.
premier vêtement venu peut y sufQre. Il parle de désirs vains ; comment leurs désirs
2. L'ai)ôtre ensuite nous excite à nous dé- ne quand on leur voit des
le seraient-ils pas,

tacher des biens terrestres, a Ceux qui veu- fous, des nains non par humanité mais
, ,

lent s'enrichir ». Il ne dit pas simplement : comme des amusements; quand ils renferment
Ceux qui sont riches, mais Ceux qui veulent : des poissons dans les cours de leurs palais,
l'être. Car il est possible qu'un homme pos- quand ils nourrissent des bêtes sauvages,
sède des richesses et en fasse un emploi hono- quand ils donnent leur temps à des chiens,
rable, en les méprisant et les distribuant aux quand parent des chevaux et ne s'en épren-
ils

pauvres. Ce ne sont pas ceux-là qu'il accuse, nent pas moins que de leurs enfants? Tout cela
mais ceux qui désirent les richesses. « Ceux est vain et superflu il n'y a là rien de néces-
;

« qui veulent s'enrichir », dit-il, « tombent naire ni d'utile. « Des désirs vains et nuisi-
dans la tentation et dans le piège du démon, 8 blés ». Quels sont ces désirs nuisibles? Les
o et dans beaucoup de désirs vains et nuisi- passions déraisonnables, le désir du bien d'au-

a blés qui engloutissent les hommes (9) ». trui, la recherche ardente de la mollesse, l'at-

Oui, engloutissent, en sorte qu'ils ne peuvent traitpour l'ivrognerie, pour le meurtre et la


plusse relever, a dans leur ruine et leur perte», perte d'autrui. Beaucoup, poussés par ces pas-
et en ce monde et en l'autre. « En effet, la sions, ont aspiré au pouvoir et y ont trouvé
racine de tous les maux
l'amour de l'ar- est leur perte; vraiment, celui qui se conduit
a gent, dont le désir en a conduit plusieurs à ainsi se fatigue pour des objets inutiles, ou
s'égarer hors de la foi, et à se tourmenter de plutôt nuisibles. L'apôtre s'est parfaitement
«nombreuses douleurs (tO) ». Ici l'apôtre exprimé : « Ils se sont égarés hors de la foi » ;

signale deux malheurs, mais il place le der- car la cupidité, attirant leurs yeux ne leur ,

nier celui qui leur paraît le plus grand, les permet plus de voir le chemin, et peu à peu
nombreuses douleurs. On ne peut savoir, sans les soustrait à la vérité. Car, de même qu'un
demeurer près des riches, combien ils font homme, suivant un chemin bien tracé, et
entendre de gémissements et de lamentations. préoccupé de quelque chose, continue de
Mais vous, homme de Dieu ». C'est là une marcher, mais dépasse souvent, sans le savoir,
grande dignité car tous les hommes appar-
; la ville où il se rendait, parce que ses pirds
tiennent à Dieu, mais spécialement les justes, l'ont conduit machinalement et sans but, la
qui ne lui appartiennent pas seulement par cupidité a des effets semblables. « Ils se sont
leur création, mais par les liens de l'amour. a embarrassés dans de nombreuses douleurs».
Si vous êtes un homme de Dieu, lui fait-il Vous voyez ce qu'il fait entendre par « Se :

entendre, ne cherchez pas ce qui est superflu « sont embarrassés ». Ce sont comme des
et ne conduit point à Dieu mais « fuyez ces ; épines ceux qui y touchent ensanglantent
:

choses », ajoute-t-il, « etrecherchez la jus- leurs mains et se blessent. C'est ce qu'éprouve


a tice ». L'un et l'autre avec ardeur; car il n'a celui qui s'engage dans la cupidité son âme :

pas dit : Ecartez-vous, approchez-vous; mais: y trouve des chagrins qui l'enveloppent
Fuyez, poursuivez; a la justice », afin de ne comme un filet douloureux. Combien ces
pas commettre de fraudes ; a la piété » dans la
, hommes n'ont-ils pas de soucis et de dou-
croyance ; « la foi » ,
qui est opposée à la leurs? Aussi l'apôtre ajoute-t-il a Fuyez ces :

recherche ; a la charité, la patience, la dou- a choses et poursuivez la justice, la piété, la


te ceur (11). Combattez le bon combat de la foi, a foi, la charité, la patience, la douceur ». De
« atteignez la vie éternelle ,
(voici le prix) la charité naît la douceur. L'aiiôtre loue aussi
« à laquelle vous avea çté appelé, et que vous la hardie sincérité et le courage de son disci-
316 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

pie, sa noble confession en présence de nom- plutôt contre nos propres âmes et pour offenser
breux témoins. Il lui rappelle son enseigne- Dieu. Un homme dépouille son prochain de
ment : o Atteignez », lui dit-il, a la vie ce qui est à lui ; il l'a précipité dans la misère,
a éternelle ». mais il s'est précipité dans la mort; le spolié
Il ne faut donc pas seulement confesser la sèche de misère, mais le spoliateur se livre à
foi, mais pratiquer la patience, en persistant un châtiment sans fin. N'est-il pas aussi
dans cette confession endurer, comme il est ; malheureux? Et quel est le
ré- mal qui n'en
juste, un rude combat et des sueurs abon- sulte pas? Les suites n'en sont-elles pas les
dantes, en sorte que l'on n'en dévie point, car fraudes, les rapines, les pleurs, les haines, les
les scandales et les obstacles sont nombreux. luttes, les querelles? On porte la main jusque

C'est pour cela que le cbemin est étroit et dif- sur morts, jusque sur son père et son
les
ficile. Il faut donc être léger de bagage et frère ; on ne respecte
ni lois de la nature, ni
agile de tous côtés mille plaisirs se présentent,
;
commandements de Dieu tout est bouleversé, ;

qui séduisent les yeux de l'âme plaisirs des : en un mot, n'est-ce pas la cupidité qui tyran-
sens, des ricbesses, de ta mollesse, de la non-^ nise ainsi les hommes ? N'est-ce pas là ce qui
cbalance, de la réputation, de la colère, du a fait établir les tribunaux? Faites disparaître
pouvoir, de l'ambition montrent avec ; ils se l'amour des richesses, et la guerre a pris lin,
un visage éclatant et attrayant, capable de les luttes, les haines, les altercations, les que-
fasciner et d'entraîner ceux qui ne sont pas relles n'existent plus. De tels hommes de-
énergiquemenl amoureux de la vérité. Car vraient être chassés de la terre, comme des
elle est sèche et n'a rien qui séduise. Pour- fléaux publics et des loups. De même que des
quoi ? Parce qu'elle ne promet de plaisir que vents violents et contraires, tombant sur une
pour un temps futur, tandis que ses rivales mer calme, la soulèvent jusqu'aux abîmes et

nous offrent des honneurs, des voluptés, un mêlent aux vagues le sable qui se trouve au
repos, non pas véritables, mais revêtus de fond, de même les hommes, amoureux de
fausses couleurs. Celui donc qui a une âme la richesse, bouleversent le monde. Un tel
vulgaire, qui est mou et lâche, s'attache à homme ne connaît point d'ami, que dis-je,
elles et renonce aux travaux. C'est ainsi que, d'ami ? Il ne sait pas même qu'il y a un Dieu;
dans les combats du paganisme, celui qui ne sous l'empire de sa passion, il est devenu
souhaite pas ardemment d'obtenir des cou- insensé.
ronnes, peut, après la première, s'adonner aux Ne voyez-vous pas les Titans qui se préci-
banquets et au vin ; c'est ce que font les pugi- pitent, prêts à frapper? C'est l'image de cette
listes sans résolution ni courage. Mais ceux fureur, c'en est l'image fidèle; ils sontcomme
qui ont les yeux fixés sur la couronne, profè- les Titans furieux et hors d'eux-mêmes. Si
rent mille coups, car l'espoir des prix à venir vous mettez leur âme à nu, vous la trouverez
les soutient et les relève. dans de semblables dispositions; ce n'est pas
3. Ecartons-nous donc de la racine des un glaive ou deux qu'elle a saisis, mais des
maux, et nous les éviterons tous. « La racine milliers; elle ne reconnaît plus personne, mais
de tous les maux», dit l'apôtre, a est l'amour elle est transportée de rage contre tous, elle
« de l'argent ». C'est Paul qui l'a dit, ou plu- s'élance et aboie contre tous; ce ne sont pas
tôt c'est Jésus-Christ. Et voyons comment le des chiens mais des âmes humaines qui sont
témoigne l'expérience même de la vie. Quel ses victimes, et contre le ciel même elle pousse
est, en effet, le mal qui n'est pas produit par d'affreux blasphèmes. De tels hommes ont tout
les richesses, ou plutôt, non par les richesses bouleversé, tout perdu, entraînés qu'ils sont
elles-mêmes, mais par la volonté mauvaise de par la fureur des richesses. Je ne sais, non je
ceux qui n'en savent pas faire usage? On pou- ne qui mettre en cause, tant cette peste
sais

vait s'en servir pour l'accomplissement de sus est universelle ; les uns en sont atteints davan-
devoirs et acquérir par leur moyen l'héritago tage, d'autres moins, mais tous le sont. Comme
du royaume céleste; mais aujourd'hui, ce qui un bûcher allumé au milieu d'un bois le
nous a donné pour le soulagement des
été détruit et en fait un désert, de même cette
pauvres, pour alléger le poids de nos péchés, passion a dévasté toute la terre rois, magis :

pour honorer Dieu et lui plaire, nous nous en trats, citoyens, pauvres, femmes, hommes,
servons contre les malheureux iodigeats, ou enfants, tous euûn sont eu sou pouvoir. C'est
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE XVIÏ. 341

comme une nuit qui s'est étendue sur le n'a pas besoin qu'on enseigne à le remarquer.
monde; nul ne sort de cet enivrement; mille vous voyez une pièce de cuivre simple-
Si
accusations publiques et privées s'élèvent ment recouverte d'or, vous l'admirez en l'ap-
contre la cupidité, mais personne ne s'en cor- pelant de l'or, mais, quand les gens du métier
rige. vous auront fait connaître la fraude, l'admi-
Que pourrait-on faire ? Comment éteindre ration aura disparu avec l'erreur. Voyez-vous
cette flamme? Eh bien quand elle se serait
! que cette beauté ne réside pas dans la nature?
élevée jusqu'au ciel, pour s'en rendre maître Et l'argent? En voyant de l'étain vous l'admi-
il suffit de le vouloir. Comme c'est la volonté rez pour de l'argent, comme du cuivre pour
qui l'a développée, c'est la volonté qui l'anéan- de l'or ; il faut se faire instruire pour savoir
tira. N'est-ce pas notre libre arbitre qui en est si l'on doit admirer. Ainsi, les yeux ne suffi-
l'auteur? Il pourra aussi l'éteindre ; veuillons- sent pas pour le reconnaître. Les fleurs va-
le seulement. Et cette volonté, comment naî- lent mieux ; il n'en est pas ainsi d'elles. Si
tra-t-elle en nous?nous considérons com-
Si vous voyez une rose, vous n'avez pas besoin
bien cette possession est frivole et vaine que ;
qu'on vous apprenne ce qu'elle est vous sau- ;

les richesses ne sauraient nous suivre dans rez bien la disliuguer de l'anémone ; et de
l'autre vie, que même en cette vie elles nous même la violette, le lys, chaque fleur enfin.

abandonnent souvent que cette passion de-


;
C'est donc un préjugé que l'admiration dont
meure ici, mais que les blessures qu'elle nous je parlais. Et, pour vous faire comprendre
a faites, nous les emportons dans l'autre qu'un préjugé en est la source, dites-moi, s'il
monde; si nous considérons encore quelle est plaisait à l'empereur de décréter que l'argent
la richesse des cieux pour la comparer avec vaut plus que l'or, cet enthousiasme séduc-
celle de la terre, celle-ci nous paraîtra plus teur ne changerait-il pas d'objet ? Ainsi nous
vile que de la boue; si nous voyons qu'elle sommes partout les jouets de la cupidité et de
comporte mille dangers, que le plaisir en est l'opinion. Qu'il en soit ainsi, que la rareté soit

passager et mêlé de dégoûts si nous méditons ;


la cause des prix qu'on met aux objets, en
sur la richesse de la vie éternelle, alors nous voici une preuve. Il est des fruits vendus ici à
pourrons mépriser celle du monde si nous ;
vil prix et qui sont chers en Cappadoce, plus

voyons que celle-ci nous est inutile pour notre chers que ceux qui sont précieux chez nous ;
renommée notre santé tout enfin mais
, , ,
il en est de même pour les pays des Sères
qu'elle nous abîme au contraire dans notre d'où nous viennent ces étoffes de luxe dans ;

perte et notre ruine. Ici vous êtes riches et l'Arabie et l'Inde, pays des aromates et des
avec de nombreux subordonnés là-bas vous ;
pierres précieuses, on signalerait bien des faits
arriverez seul et nu. Si nous nous le répétons semblables. C'est donc un préjugé que cette
sans cesse et que nous l'entendions répéter, opinion nous n'agissons jamais avec juge-
;

peut-être guérirons-nous, peut-être échappe- ment, mais par caprice et à l'aventure. Sor-
rons-nous à ce terrible châtiment. Une perle tons donc de celte ivresse, considérons ce qui
est belle ? Pensez que c'est de l'eau de mer, est véritabkmeut beau, ce qui est beau par sa
qu'elle y était d'abord perdue. L'or et l'ar- nature, la piélé, la justice, afin d'obtenir les
gent sont beaux? Pensez donc que c'est de la biens promis, que je vous souhaite à tous,
terre et de la cendre. Les vêtements de soie par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur
sont beaux ? mais ils sont tissés par des Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au
vers. Cette beauté réside dans l'opinion, dans Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, main-
le préjugé des hommes et non dans la tenaul et toujours, et aux siècles des siècles.
nature; car ce qui est naturellemeut beau Ainsi soit-iU
348 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT lEAN CHRYSOSTOME.

HO^rÉLIE XVIII.
J8 VOUS PUBSCRIS, EN FHÉSENCE DE DIEU QUI VIVIFIE TOUS LES ÊTRES, ET DU SEIGNEUR JÈSUS-CHRIST,
QUI, SOIS PONCE-PILATE , A RENDU CE MAGNIFIQUE TÉMOIGNAGE, DE GARDER LE COMMANDEMENT
SANS TACHE ET SANS REPROCHE, JUSQU'a l'aVÉNEMENT DE KOTItE-SElGNEUR JÉSUS-CIIRIST QUE
MANIFESTERA EN SON TEMPS LE BIENHEUREUX ET UNIQUE SOUVHRAIN LE ROI DES ROIS ET SEI- ,

NEIR ors SEIGNEURS, QUI SEUL POSSÈDE LIMMORTALITÉ ET HABITE UNE LUMIÈRE INACCESSIBLE , LUI
QUE NUL HOMME N'A VU NI NE PEUT VOIR, A QUI HONNEUR ET PUISSANCE ÉTERNELLE. AINSI SOIT-IL.
(VI, 13-16 JUSQU'A LA FIN.)

Analyse*

i. L'apfllre en appelle à Dieu pour donner plus de poids k ses recommandations, et faire ainsi plus d'effet sur l'esprit de soa
disciple.
2. Adhérer, non i la icience humaine, mais i. la foi. — Instabilité des choses de ce monde.

1. L'apôtre atteste encore Dieu, comme il l'a magnifique témoignage ? Quand Pilate lui dit :
fait psu auparavant, pour rendre sa parole a Etes- vous roi ? » (Ib. 37.) Jésus lui répondit:

plus redoutable et affermir davantage son dis- a Je suis né pour cela ». (Ib. 37.) Et au pon-

ciple en lui montrant que ses préceptes ne tife «Voyez, ceux-ci m'ont entendu ». (Ib.
:

sont pas des préceptes humains ; il veut en 21.) Puis, comme on lui demandait s'il était le

effet ijue recevant ce commandement comme Fils de Dieu, il répondit « Tu l'as dit, je le
:

venant du Maître lui-même, et ayant toujours M suis ». Il y a beaucoup d'autres choses encore

dans la pensée celui qui l'a instruit, ce témoin qu'il affirma et confessa.

rendu présent par le souvenir tienne son âme a De garder le commandement sans tac'ue
en éveil. « Je vous prescris, en présence du « et sans reproche jusqu'à l'avènement de
'
a Dieu qui vivifie tous les êtres ». C'est là un « Notre-Seigneur Jésus-Christ », c'est-à-dire
encouragement iiour les un souvenir
périls, jusqu'à votre mort, jusqu'à votre soriie de ce
de la résurrection. — a Et du Seigneur monde. Mais il ne s'est pas exprimé ainsi il a ;

Jésus-Christ qui a rendu témoignage sous dit: a Jusqu'à l'avènement », afin d'animer
a Ponce-Pilate encore une exhorta-
». Voici davantage Timotliéc. Et qu'est-ce que garder
tion tirée de la personne du Maître. Ce qu'il le commandement sans tache ? C'est n'en con-
veut dire, le voici Ce qu'il a fait, il faut que
: tracter dans sa foi ni dans ses mœurs.
ni

vous le fassiez aussi. C'est afin que nous mar- L'avcnement que manifestera en son temps
chions sur ses traces qu'il a rendu ce beau le bienheureux et unique souverain, le Roi

témoignage. a des rois et Seigneur des seigneurs, qui seul

Ce que faisait l'apôtre, lorsqu'il disait aux o possède l'immortalité et habite une lumière
Hébreux a Portant vos regards vers l'auteur
:
a inaccessible ».De qui l'apôtre dit-il cela?
et le consommateur de la foi, Jésus, qui, au Est-ce du Père? est-ce du Fils? Oui, c'est du
a lieu de la vie heureuse dont il pouvait jouir, Fils, a L'avéïiement que manifestera en son

a subi la croix, mé[)risant la confusion, et temps le bienheureux et unique souverain ».


a qui est assis à la droite du trône de Dieu; Ces paroles sont pour la consolation de Timo-
a considérez celui qui a supporté de la part thée, afin que les rois de la terre ne lui inspi-
a des pécheurs une telle contradiction, afin rent ni étonnement ni crainte. o En son —
a que vos âmes ne se laissent pas abattre à la « temps », c'est-à-dire au temps convenable,
a fatigue » (Hébr. xii,2, 3); ce qu'il faisait, au temps qu'il faut, afin que Timothée ne se
dis-je, il le fait ici encore à l'égard de son chagrine pas, s'il n'est pas encore arrivé. Mais,
disciple. C'est comme s'il lui disait : Ne crai- pour le manifester, il est seul souverain ; il le
gnez pas la mort, car vous êtes le serviteur de manifestera donc, Le bienheureux », celui
a

Dieu qui peut vivifier tous les êtres, a Je suis qui est heureux par lui-même car il n'y a au ;

a venu», dit Jésus, a pour rendre témoignage à ciel rien de douloureux ni de pénible, o Le
« la vérité ». (Jean, xvin, 37.) Et quel est ce 9 bienheureux, unique souverain », par oppo-
COMMENTAIRE SUR LA I" ÉPITRE A TlMOTHÉE. - HOMÉLIE XVIII. 349

si lion à la condition des hommes, ou parce de la lumière, de l'eau, et de tout le reste.


qu'il n'a pas commencé d'être ; nous donnons Vous voyez quelle est la magnificence et la li-
aussi la même épithète à des hommes q'ie béralité de ses dons. Si vous cherchez la ri-
nous voulons exalter. chesse, cherchez une richesse permanente,
a Qui seul possède l'immortalité » Le Fils . solide, celle que l'on acquiert par les bonnes
ne la possède-t-il pas, el par lui-même? Et oeuvres. Et quelles œuvres? — «De faire le
comment ne la posséderait- il pas, étant de la a bien », continue l'apôtre, « de devenir riches
même substance que le Père? « Et habite — « en bonnes œuvres, d'être faciles à donner, à
a une lumière inaccessible ». La lumière qu'il «communiquer ce qu'ils possèdent (18)». L'un
habite est-elle autre que celle qu'il est ? Est-il est le fait de la fortune, l'autre de la cha-
enfermé dans un lieu? Loin de nous cette rité se montrant affables et doux. « De thé-
;

pensée. L'apôtre ne veut pas nous l'inspirer, a sauriser pour eux-mêmes un établissement
il veut nous faire entendre l'incompréhensibi- « (19) ». Rien n'est in-
glorieux dans l'avenir
lité de Dieu, voilà pourquoi il se sert de celte certain, ni instable, là où le fondement est
expression Qui habite une lumière inacces-
: « solide mais tout est solide, immuable
; fixe ,

a sible». Il parlede Dieu comme il peut. Vous et permanent, a Afin d'acquérir la vie éter-
voyez, quand la langue veut exprimer quel- « nelle ». Car c'est la pratique des bonnes
que chose de grand comment la force lui , œuvres qui peut nous en ménager la jouis-
manque. —
« Que nul homme n'a vu ni ne sance.
«peut voir, à qui honneur et puissance éter- 2. « Timothée, gardez le dépôt (20) » . Ne
« nelle. Ainsi soit-il ». C'est là une belle théo- l'amoindrissez pas; il n'est pas à vous, c'est le
logie et qui devait se trouver ici. Car, ayant bien d'autrui qui vous a été confié ; ne le di-
Dieu à témoin, l'apôtre s'étend sur ce té-
pris minuez pas. « Evitant les nouveautés profanes
moin , afin de faire plus d'impression sur son dis- « du langage ». Il y a donc une nouveauté de
ciple. Gloire à Dieu, c'est tout ce que nous pou- langage qui n'est pas profane. « Et les opposi-
vons dire et faire, et non rechercher curieuse- « tions d'une fausse science ». Oui, car là où
ment quel il est. Si donc sa puissance est éter- la foi n'est pas, la science n'est pas; ce qui
nelle, ne craignez pas quand son avènement ; naît de raisonnements tout humains n'est pas
n'aurait pas lieu encore, honneur et puissance la science. C'est ainsi que quelques-uns se
à lui pour toujours. sont donné le nom de gnostiques, comme s'ils
a Prescrivez aux riches du siècle présent de savaient quelque chose de plus que les autres.
« ne pas enfler leur cœur (17) ». L'apôtre a dit « Science que quelques hommes promettaient,
avec justesse : « Du siècle présent », car
ya il « mais ils se sont égarés dans la foi ». Vous
aussi les riches du siècle futur. Rien autant voyez comment il prescrit encore de ne point
que les richesses ne produit l'enflure, la dé- se rencontrer avec eux. Evitant, dit-il, les
mence de l'orgueil, l'arrogance. Et aussitôt il oppositions en est auxquelles il ne faut
; car il

les rabaisse en disant a Et de ne pas mettre


: pas même répondre. Pourquoi ? parce qu'elles
« leur espoir dans l'incertitude des richesses font perdre la foi, parce qu'elles ébranlent la
« (17) » Car c'est de là que vient la démence de
. solidité de notre confiance.
l'orgueil celui qui espère en Dieu ne s'enor-
; Ne nous attachons point à ces doctrines,
gueillit point. Comment mettre son espoir en mais au rocher indestructible de la foi. Ni le
ce qui se déplace sans cesse? car telle est la choc des fleuves ni celui des vents, ne pourront
richesse ; comment espérer en ce qui ne peut l'endommager; nous sommes inébranlables
inspirer confiance? Mais comment pourront- sur ce rocher. Ainsi, durant cette vie, si nous
ilsne pas enfler leur cœur? En considérant avons choisi celui qui est le fondement véri-
que la richesse est instable caduque, en et table, nous demeurons debout, sans rien subir
considérant que l'espérance en Dieu vaut d'effrayant. Celui-là ne subira rien de terrible,
mieux qu'elle, et que Dieu est l'auteur de la qui choisit pour richesse pour renommée,
,

richesse elle-même. —
a Mais dans le Dieu gloire, honneur et jouissance, ceux de l'autre
« vivant, (jui nous donne avec magnificence vie; ils sont assurés contre tout changement ;

«tout ce dont nous devons jouir (17) ». mais, en ce monde, tout est sujet à s'altérer,
Oui, tout avec magnificence, voulant parler à changer, à se transformer. Car que désirez-
des saisons diverses de chaque année, de l'air, vous? la gloire? « Sa gloire ue le suivra point
350 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

au tombeau» (Ps. xlviii, 18), et souvent elle sions. Déshonore ton âme, disent-elles, sans
n'est pas même fidèle à l'homme durant sa raison ni motif; oITense Dieu, méconnais la
vie. Il n'en est pas de même de ce qui tient à nature elle-même qu'il s'agisse d'un père ou
;

la vertu ; là tout est permanent. Celui qui tire d'une mère, n'aie point de pudeur, foule-les
son illustration de sa charge, devient un homme aux pieds. Tels sont les ordres de l'avarice.
vulgaire, quand un autre lui a succédé; il re- Sacrifie-moi, dit-elle, non des veaux, mais des
çoit des ordres àson tour. Le riche, attaqué hommes, a Immolez-moi des hommes, car les
par des brigands, des délateurs ou des traî- a veaux manquent ». (Os. xni, 2.) Ce n'est pas

tres, devient pauvre tout à coup. Mais il n'en là ce qu'elle dit, mais bien : Quoiqu'il y ait
est point ainsi chez nous : si l'homme tempé- des veaux, sacrifie des hommes et des hom-
rant veille sur lui-même, nul ne saurait lui mes innocents. Fût-ce ton bienfaiteur, fais-le
enlever sa tempérance ;
personne ne fera un périr. Sois hostile à chacun, montre-toi l'en-
simple sujet de celui qui est souverain de lui- hemi commun de tous, de la nature elle-même
même. Apprenez par un examen attentif que et de Dieu ; amasse l'or, non pour en jouir,
celte autorité est supérieure à l'autre. Car à mais pour le garder et pour accroître les tour-
quoi bon, dites-moi, commander à des peu- ments. Car il n'est pas possible d'être avare
ples entiers, et vivre esclave de ses passions? et de jouir de sa fortune l'avare craint tou-
;

Quel dommage y a-t-il à ne commander à jours que son or ne diminue, que ses trésors
personne, étant élevé au-dessus de leur tyran- ne deviennent vides. Fuis le sommeil, dit
nie? Ici est la liberté, l'autorité, la royauté, l'avarice, étend tes soupçons à tous, amis et
la puissance; là au contraire est la servitude, serviteurs ; retiens le bien d'autrui ;
tu vois

quand on aurait la tête chargée de diadèmes. un pauvre mourant de faim, ne lui fais pas
Car lorsqu'on domine en soi-même une mul- l'aumône, mais, s'il est possible, dépouille-le
titude de despotes, je veux dire l'amour de de sa peau. Parjure, menls, jure accuse, ,

l'argent, l'amour des plaisirs, la colère et les fais-toi délateur ; ne le refuse ni à marcher
autres passions, à quoi servirait un diadème ? dans le feu, ni à l'exposer à mille morts, ni
La tyrannie des passions est la plus grande ;
à mourir de faim, ni à lutter contre la ma-

la couronne même ne saurait nous soustraire ladie.

à leur empire. Ne sont-ce pas là les lois que prescrit l'ava-


Qu'un homme se trouve esclave chez les rice ? Sois effronté et impudent sans ver-,

barbares, et que ceux-ci, pour mieux consta- gogne et audacieux, coquin et malfaiteur ; ni
ter leur force, lui laissent la pourpre et le reconnaissance, ni sensibilité, ni amitié sois ;

diadème, mais lui commandent de porter de sans foi, sans cœur, parricide, une bête féroce
l'eau avec eux, de préparer le repas et de plutôt qu'un homme. Dépasse le serpent en
remplir toutes les autres fonctions de la ser- méchanceté, le loup en rapacité, sois plus fa-
vitude, pour s'en faire plus d'honneur et lui rouche que ces animaux ne refuse point, s'il
;

infliger plus de honte le sort de cet honur.e


;
le faut, d'imiter la perversité du démon, m^
sera moins barbare que n'est chez nous le connais ton bienfaiteur. N'est-ce pas là ce
joug imposé par nos passions. Celui qui les qu'elle dit et ce qu'on écoute? Dieu dit au
méprise se rira aussi des barbares ; mais celui contraire : Sois ami de tous, doux, aimé de
qui se soumet à elles, subira une condition tous, n'offense personne sans nécessité, ho-
bien plus terrible que ne la lui feraient les nore ton père, honore ta mère, jouis d'une
barbares. Le barbare, quelle que soit sa force, réputation pure, ne sois pas un homme, mais
ne sévira que contre les corps ; mais les pas- un ange; ne prononce ni une parole impu-
sions torturent l'àme et la déchirent de toutes dente, ni un mensonge, bannis-les même de
parts. Quelle que soit la force du barbare, il ne ta pensée; porte secours aux indigents, ne
peut donner que la mort temporelle, mais les crois pas nécessaire d'avoir des richesses au
passions donnent la mort éternelle. En sorte prix de la rapine, ne sois ni injuste ni effronté;
que celui-là seul est libre qui est libre dans mais personne ne l'écoute. Les peines de l'en-
son âme, et celui-là est esclave qui se soumet fer ne sont-elles pas bien méritées ainsi que

à des passions insensées. Quelque inhumain le feu, et le ver qui ne meurt pas? Jusques à

que soit un maître, il ne commandera jamais quand courrons-nous au précipice? jusijues à


quand marcherons-nous sur des épines, jus-
61 durement et si cruellement que les pas-
COMMENTAIRE SUR LA I^ ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE î. 3S1

ques à quand nous percerons-nous de clous convertissons-nous ,


préparons-nous à bien
et saurons-nous gré de ces maux? Nous som- vivre, aimons Dieu comme nousle devons, afin
mes soumis à de cruels tyrans, et nous refu- d'être jugés dignes des biens promis à ceux
sons un bon maître qui n'a point un langage qui l'aiment, par la grâce et la bonté de Notre-
odieux, qui n'est ni fâcheux ni barbare, dont Seigneur Jésus-Christ avec qui soient au,

le service n'est pas infructueux, mais qui Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance,
nous procure des avantages immenses, les honneur, maintenant et toujours, et aux siè-
biens les plus précieux. Levons-nous donc et cles des siècles. Ainsi soit-il.

Traduit par M. Félix ROniOU.

COMMENTAIRE
SUR LA DEUXIÈME ÉPITRE A TIMOTHÉE.

HOMÉLIE PREMIÈRE.
fAVL, APOTRE DB JÉSUS-CHRIST, PAR LA VOLONTÉ DE DIEU, SELON LA PROMESSE DE LA VIE QUE NOUS
AVONS EN JÉSUS-CHRIST : A TIMOTHÉE, SON FILS RIEN-AIMÉ, GRACE, MISÉRICORDE ET PAIX DE LA PART
DE DIEU LE PÈRE ET DE JÉSUS CHRIST NOTRE-SEIGNEUR. (l, d-2WUSQU'A 7.)

Analyse.
1. Tendresse de saint Paul pour son disciple Timolhée.
2. Foi bérédiiaire dans la famille de Timotbée. — La grice est en noos comme nu feu qu'il dépend de nous de laisser s'éteindre
ou de ranimer.
3 et 4. Que l'bomme n'est Jamais exempt de peines et de soucis.

1 . Pourquoi cette seconde lettre à Timothée ? expressément dans sa première épître. Ici il
L'apôtre avait dit : a J'espère aller vous trouver ne console pas seulement son disciple par sa
bientôt», (l Tim. m, 14.) C'est qu'il ne put lettre, mais encore il l'appelle près de lui :
le faire. Il le console donc par ses lettres, ne Hâtez-vous »,lui dit-il, a de venir me trouver
pouvant pas le consoler par sa présence. Timo- « promptement» ; et : « En venant, apportez

thée était peut-être affligé de l'absence de son a mes livres et surtout mes papiers». (II Tim.
maître, et aussi de ce qu'il lui avait fallu se IV, 8, 13.) Je crois qu'il a écrit cette lettre
charger du gouvernement des âmes. Si grand vers la fin de sa vie: «Je suis», dit-il, a comme
et si capable que l'on soit, dès qu'on met la « une victime qui a déjà reçu l'aspersion » et ;

main au timon pour gouverner le vaisseau de encore Dès la première fois que j'ai défendu
: o
l'Eglise, on éprouve un embarras étrange à la a ma cause, personne ne m'a assisté». (II Tim.
vue des difficultés qui se soulèvent de toutes IV, 6, 16.) Mais il trouve un remède à tout cela,
parts comme les flots de la mer. 11 devait sur- et c'est de ses épreuves elles-mêmes qu'il tire
tout en être ainsi alors que l'on n'était qu'au la consolation et il dit : a Paul, apôtre de Jé-
,

début de la prédication alors que tout était , « sus-Christ par la volonté de Dieu, selon la pro-
encore à faire alors que l'on ne rencontrait
, messe de la vie qui est en Jésus-Christ». Dès
qu'hostilités et périls. Ce n'est pas tout, les hé- les premiers mots de sa lettre il relève l'âme
résies commençaient à se montrer, produites de son disciple. C'est comme s'il disait : Ne me
par les docteurs du judaïsme; saint Paul le dit parlez pas des dangers d'ici-bas; ils ne fuat
.

3S2 TRAOrCTION FRANÇAISE" DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

que nous procurer la vie éternelle qui ne con- lettre lorsqu'il appelle son disciple auprès de
naît i>as les maux,
d'où sont bannis la peine, lui. Il se garde de l'affliger dès le début, il lui
le chagrin et les larmes. Dieu ne nous a pas laisse même espérer qu'il le verra. «Je désire
faits apôtres seulement afin que nous courions « vous voir », dit-il en commençant, et il dii
des dangers, mais afin que nous mourions en finissant : « Hâtez-vous de venir vers moJ
après avoir souffert. Raconter ses maux tout «promptement». Dès le début donc illerelève
au long, c'eût été ajouter au chagrin de Ti- de profonde lriste?se, et il continue par der
sa
mothée, loin de le consoler; aussi commence- compliments. «Je rends grâces à Dieu que fc
t-il sa lettre par des paroles de consolation : « sers depuis mes ancêtres avec une consciencs
o Selon la promesse de vie qui est en Jésus- « pure, de ce que sans cesse je fais mémoiro
« Christ». « de vous dans mes prières de nuit et de jour,,
Puisqu'il d'une promesse de vie,
s'agit « désirant de vous voir, me souvenant de voi;
attendez-en l'effet non
ici-bas, mais pour plus « larmes, afin que je sois rempli de joie».
tard. oUne espérance qui se verrait ne seraSt Je rends grâces à Dieu de ce que je me
plus une espérance». (Rom. viii, 24.) «A — souviens de vous, dit-il, tant je vous aime.
«Timothée, son fils bien-aimé». Non-seulement C'est aimer extrêmement que d'aimer jusqu'à
« à son fils» mais «à son fils bien-aimé». On se faire honneur de son amitié. «Je rends —
peut être un fils et n'être pas un fils bien-aimé. « grâces», dit-il, «au Dieu que je sers». Com-
Mais pas Timothée, et Paul ne l'ap-
tel n'est ment? «Avec une conscience puredepuismes
pelle passeulement son fils, mais son fils bien- « ancêtres ». Sa conscience était toujours restée
aimé. Aux Galates aussi il donne le nom de fils, sans atteinte. Il de sa vie; chez
veut parler ici
et néanmoins il s'afflige sur leur compte. «Mes lui le terme de conscience se dit toujours de la
o petits enfants», leurdit-il, «que j'enfante vie bonne ou mauvaise. Ou bien encore il veut
«de nouveau». (Galat. iv, 19.) L'apôtre rend dire Nul motif humain ne m'a jamais fait
:

donc un grand témoignage à la vertu de Ti- trahir rien de ce que j'ai regardé et désiré
mothée en l'appelant son bien-aimé. C'est que comme un bien , même lorsque j'étais persé-
la tendresse, lorsqu'elle ne vient pas de la na- cuteur. C'est dans le même sens qu'il dit :

Ceux qui nous doivent


ture, vient de la vertu. «Mais j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai
la vie ne sont pas seulement nos bien-aimés «agi en état d'ignorance et d'incrédulité».
par leur vertu, mais encore par l'impulsion (I Tim. 1, 13.) C'est presque dire Ne soupçonnez :

de la nature. Mais nos fils selon la foi ne sont rien de malicieux dans ma conduite grandere- :

pas nos bien-aimés autrement que par la vertu. commandation pour son caractère, et qui ne
D'où pourrait venir en effet notre tendresse permettra pas qu'on se défie le moindrement
pour eux ailleurs que de là? Cela est surtout de son amitié. C'est comme
disait Je ne s'il :

vrai de saint Paul qui ne faisait rien par pure mens ne suis pas autrement que je ne
pas, je
inclination. Ce mot, «mon fils bien-aimé», dis. 11 fait ici son propre éloge parce qu'il y est
montre encore que si saint Paul n'a pas été voir forcé comme quelque part dans le livre des
,

son disciple, ce n'est pas qu'il soit fâché contre Actes. Comme on l'accusait d'être un factieux
lui, ni qu'il le méprise, ni qu'il le blâme. et un novateur, il parle ainsi : « Et Ananie me
«Grâce, miséricorde, paix delaparl de Dieu « dit : le Dieu de nos pères t'a choisi d'avance
a et de la part de Jésus-Christ Notre-Seigneur» «pour connaître sa volonté, et pour voirie
C'est le même souhait qu'il avait déjà fait au- Juste, et entendre la voix de sa bouche, parce
paravant. Ces mots l'excusent de ce qu'il n'est a que tu seras son témoin devant tous les
pas venu voir Timothée. Car en lui disant dans « hommes, des choses que tu as vues et enten-
sa première lettre (ITim. iv, 13 et ni, 14), «en « dues». (Act. II, 14.) De même ici c'est avec
a attendantqueje vienne», et: «Jemehâted'al- raison que, pour ne point passer pour un
« 1er à vous prompteraent», il lui avait donné homme sans amitié comme sans conscience,
l'assurance qu'il viendrait bientôt. C'est donc il fait son propre éloge et qu'il dit : « Sans
à ce sujet qu'il s'excuse tout d'abord. Quant à « cesse je fais mémoire de vous», et non pas
la cause qui l'a empêché de partir, il ne l'in- simplement, mais, «dans mes prières». C'est-
dique pas aussitôt pour ne pas trop affliger à-dire, la prière est mon occupation, j'y con-
Timothée cette cause, c'était qu'il était retenu
: sacre tout mon temps. Il le déclare en disant La :

captif par César. Il ne l'a dit qu'à la fin de sa nuit et le jour j'invoquais Dieu à ce sujet, «je
COMMEiNTAIRE SUR LA IV ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE L

« désirais vous voir » : Voyez-vous quel ardent vous la gardez dans toute sa pureté. Les avan-
désir! quel excès de tendresse! Voyez-vous tages de nos ancêtres sont les nôtres, lorsque
aussi riiumililé de l'apôtre, qui s'excuse au- nous partageons leurs vertus, si non, ils sont
près de son disciple? Il montre ensuite qu'il nuls pour nous ou plutôt ils servent à notre
n'agit pas sans raison ni au hasard ;
il l'a déjà condamnation. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute
montré, et il le montre encore ici, car il dit : ces mots «J'ai la certitude que cette foi est
:

a Me souvenant de vos larmes». Il est vraisem- « aussi en vous». Ce n'est pas de ma part une

blable que, séparé de son ami, il pleurait, il gé- conjecture, mais j'en ai la persuasion et la
missait plus qu'un enfant que l'on sépare de la certitude. Si donc il n'y a rien d'humain dans
mamelle de sa nourrice et que l'on sèvre de votre foi, rien non plus ne pourra l'ébranler.
son lait. —
«Afin que je sois comblé de joie, « C'est pourquoi je vous avertis de rallumer

a je désire vous voir». Je ne me serais donc « ce feu de la grâce de Dieu que vous avez

pas privé moi-même d'un tel plaisir. Quand je « reçue par l'imposition de mes mains». Ces

serais un être insensible, cruel, une bête fé- paroles montrent que celui à qui elles s'adres-
roce, le souvenir de vos larmes m'aurait en- sent est dans un grand abattement et dans une
core fléchi. Mais je ne suis pas au contraire, tel, nftliclion extrême. C'est pr^'sque dire : Ne
je sers Dieu avec une conscience pure. Bien croyez pas que je vous aie méprisé. Sachez
des motifs donc me poussaient vers vous. Et bien au contraire que je ne vous ai ni con-
alors il pleurait. Il énonce encore une autre damné Songez seulement à votre
ni oublié.
raison qui emporte avec soi la consolation : aïeule et à votre mère. Parce que je sais que
«En me rappelant», dit-il, «votre foi qui est vous avez une foi sincère, je vous avertis et je
« si sincère». vous dis Vous avez besoin de zèle pour ral-
:

2. Il ajoute ensuite un autre éloge, savoir lumer le feu de la grâce de Dieu. Comme le
que Timothée ne sort pas du milieu des païens, feu a besoin de bois pour l'alimenter, de même
ni des infidèles, mais d'une famille qui sert de- la grâce a besoin de notre zèle pour ne pas
puis longtemps le Seigneur. «Foi», dit-il, «qui s'éteindre. —
a Je vous avertis de rallumer ce

« a été premièrement en Loïde, votre aïeule, « feu de la grâce de Dieu que vous avez reçue

a et Eunice, votre mère». Timothée était fils « par l'imposition de mes mains», c'est-à-dire

d'une juive fidèle. Comment juive? comment la grâce du Saint-Esprit que vous avez reçue
fidèle? Elle n'était pas de la race des gentils. pour le gouvernement de l'Eglise, pour les
Ce fut à cause de sou père qui était gentil et à signes miraculeux et pour tout le service de
cause des juifs qui étaient en ces lieux, que Dieu. Car il dépend de nous d'allumer connne
Paul le prit et qu'il le circoncit. Voyez-vous d'éteindre ce feu. Aussi l'apôtre dit-il dans un
comme de Moïse commençait à n'être
la loi autre endroit: «N'éteignez pas l'Esprit». (I Thés.
plus observée, puisque ces unions entre juifs V, 49.) Il s'éteint par la nonchalance et la lâ-

et gentils avaient Remarquez aussi


lieu? cheté, et s'embrase de plus en plus par la
il

comme saint Paul prouve surabondamment à vigilance et l'attention. Il est en vous ce feu,
son disci[ile qu'il n'a eu pour lui aucun mépris : mais il vous appartient de le rendre plus vif;
Je sers Dieu, une conscience droite, vos
j'ai c'est-à-dire alimentez-le avec la confiance, la
larmes me touchent, etc. Ce n'est pas seule- joie et l'allégresse. Résistez courageusement.
ment à cause de vos larmes que je désire vous « Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de
voir, mais encore à cause de votre foi parce ;
a timidité, mais un esprit de courage, d'amour
que vous êtes un ouvrier de vérité, et qu'il n'y « et de sagesse». C'est-à-dire, nous n'avons pas

a pas de fraude en vous. Lors donc que vous reçu l'Esprit pour vivre contractés par la
vous montrez si digne d'être aimé, étant vous- peur, mais pour parler avec hardiesse. Car il
même si aimant, étant un si sincère disciple donne à beaucoup l'esprit de la peur, comme
de Jésus-Christ, lorsque je nu suis pas moi- il est dit dans les livres des Rois à profios des
même du nombre des insensibles, ma:s du guerres. « Et l'esprit de terreur», est-il dit,
nombre de ceux qui aiment la vérité, qu'est- « tomba sur eux ». (Exod. xv, 16.) C'est-à-dire,

ce qui m'aurait empêché de vous aller voir? il la terreur. Mais vous, au con-
leur inspira de
— «Foi que je suis très-persuadé que vous traire, il vous a donné l'esprit de force et d'a-^

« avez aussi ». Cette foi est chez vous un bien mour pour lui. C'est donc là un effet de la

héréditaire, vous la tenez de vos ancêtres et grâce, mais non de la grâce seule il faut <im
;

S. J. Cil. - Tome XI. 2.'}


TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CURYSOSTOME.

nous commencions par faire ce qui dépend de par méfiance à cause des ennemu à cause
, ,

nous. Cet Esprit qui fait que nous crions : des amis. Souvent, lorsqu'il entreprend quel-
n Abba, notre Père», nous inspire aussi l'a- que chose qui lui plaît, il perd tout le plaisir
mour pour lui, et l'amour pour le prochain, qu'il y trouve par le grand nombre de ceux
afin que nous nous aimions les uns les autres. qui lui font de l'opposition.
Car de la force et de l'intrépidilé naît la cha- Mais quoi pensez-vous que du moins ceux
I

rité.Rien ne dissout l'amitié comme la timi- qui mènent une vie inoccupée soient exempts
dité et l'appréhension de trahison. — «Car de soucis? Il n'en est pas ainsi. L'homme ne
a Dieu ne nous a pas donné un esprit de timi- peut pas plus être exempt de chagrin qu'exempt
dite, mais un esprit d'amour, de force et de de mourir. Combien de désagréments ils en-
« sagesse». Il entend par sagesse le bon état durent nécessairement, que notre discours ne
de la pensée et de l'âme, ou encore il veut dire peut vous dévoiler, mais que leur expérience
que l'Esprit nous rend sages, et qu'il naj.is leur fait si bien connaître! Combien ont sou-
maintient dans la sagesse, quoiqu'il arrive et haité la mort au sein même des richesses et
qu'il retranche le superflu. Soyons donc sans des délices! Car les délices ne mettent pas
douleur dans les maux qui nous arrivent, c'est toujours à l'abri de la douleur. Ou plutôt les
en quoi consiste la sagesse, a Ne vous hâtez délices produisent mille peines, des maladies,
a point», est-il dit, «au temps de l'obscurité». des dcgoùls. Et même sans cela le chagrin
(Eccl. II, 2.) Beaucoup trouvent le chagrin naît de lui-même et sans cause. L'âme en cet
sans sortir de leur maison. Nous avons cela de état se sent chagrine sans savoir pourquoi. Les
commun que nous sommes tous dans le cha- médecins disent qu'un estomac malade cause
grin, mais nous différons parles causes de nos des chagrins hors de propos. N'est-ce pas là
Couleurs. La peine vient à celui-ci de sa femme, ce qui nous arrive lorsque nous sommes cha-
à celui-là de son enfant, à un autre d'un ser- grins sans que nous en sachions le motif? En
viteur, à un autre d'un ami, à un autre d'un un mot vous ne trouverez personne qui soit
ennemi, à un autre d'un voisin, à un autre sans chagrin. L'homme qui a moins sujet de
enfin d'une perte qu'il a faite. Les causes de se chagriner que nous, s'imagine encore avoir
nos peines sont nombreuses et diverses. II est raison de s'affliger autant que nous parce que ;

complètement impossible de trouver quelqu'un ce qui nous touche nous affecte plus que ce
qui soit exempt de peine et d'ennui l'un en a; qui nous est étranger. Ceux qui souffrent en
plus, l'autre moins. Ne nous révoltons donc quelque partie de leur corps se croient tou-
point, et soyons persuadés que nous ne sommes jours les plus affligés du monde; celui qui a
pas seuls dans la peine. mal aux yeux par exemple croit bien qu'il n'y
3. Il n'est pas possible, quand on est homme a pas de douleur comparable aux mal d'yeux.
et que l'on est encore dans cette vie fugitive A son tour celui qui souffre de l'estomac re-
d'ici-bas, que l'on soit sans chagrin. Si ce n'est garde ce mal comme
le plus cruel de tous.
aujourd'hui, ce sera demain, si ce n'est pas Enfin chacun pour le pire des maux
tient
demain, ce sera plus tard que viendra le cha- celui dont il est affligé. 11 en est de môme du
grin. De même que l'on ne peut être sans chagrin le plus cruel, au jiigementde chacun,
;

crainte lorsqu'on navigue sur une grande mer, est toujours le sien propre. On en juge par son
de même il est impossible, tant qu'on est dans expérience personnelle.
cette vie, de ne pas éprouver de dégoût et de Celui qui n'a pas d'enfant ne voit rien de
peine; je n'excepte pas le riche. Car puisqu'il plus malheureux que de n'avoir pas d'enfant.
est riche, nécessairement beaucoup d'occasions Celui au contraire qui en a beaucoup et qui
sollicitent sa concupiscence. Je n'excepte pas est pauvre ne trouve rien de pénible comme
le roi.Car lui-même subit la domination de d'avoir une famille nombreuse, celui même
beaucoup de choses; il ne mène pas tout à son qui n'en a qu'un dira qu'il n'est rien de pire
gré; que de choses contrarient sa volonté I que de n'en avoir qu'un parce qu'il devient
;

C'est l'homme du monde qui fait le moins ce paresseux et qu'il cause à son père un conti-
qu'il voudrait. Pourquoi? Parce que beaucoup nuel chagrin; parce qu'on l'aime à l'excès et
veulent prendre pari à ce qu'il fait. Or, songez que c'est rare s'il tourne bien. Celui qui a une
dans quel abattement il est lorsqu'il veut faire belle femme dit qu'il n'est rien de pire que
quelque chose et qu'il ne le peut par crainte. d'avoir une belle femme. C'est une source de
,

COMMENTAIRE SUR LÀ lî' ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE L 388

une laide
défiance et de périls. Celui qui en a le soulagez d'autant; il en est de même des
dit n'est pire que d'avoir une laide
que rien fardeaux de l'âme. Quand nous perdons quel-
femme, c'est un objet de dégoût. Le simple qu'un des nôtres, nous ne manquons pas de gens
pariiculierne trouve rien de plus inutile et de qui nous consolent. Qu'une bête de somme
plus insipide que sa vie. Le soldat ne voit rien vienne à tomber, nous la relevons, et quand ce
au monde de plus fatiguant et de plus péril- sont les âmes de nos tombent, nous
frères qui
leux que le service militaire.il vaudrait mieux, )assons avec indifférence. Sinous voyons notre
à l'entendre, vivre au pain et à l'eau que d'a- prochain entrer dans unmauvais lieu, nous ne
voir tant de rudes travaux à supporter. Celui lui barrons point le passage. Si nous le voyons
qui est au pouvoir trouve que ce qu'il y a de s'enivrer, ou faire n'importe quelle autre ac-
plus fâcheux c'est d'avoir à s'occuper des inté- tion déshonnête, nous ne l'empêchons pas, au
rêts des autres. Le sujet regarde comme une contraire nous faisons comme lui. a Non-
,

intolérable servitude la soumission où il se « seulement », dit saint Paul, « ils font lesmê-

trouve à l'égard du prince. « mes choses, mais encore ils approuvent ceux

L'homme marié ne voit rien de pire qu'une « qui les font ». On s'associe pour boire et s'e-

femme et que le souci qu'elle donne. Celui qui nivrer. Associez-vous, ô hommes, mais que
ne l'est pas ne voit rien de plus triste pour un ce soit pour proscrire la folie de l'ivresse.
homme comme il faut que de n'avoir ni femme, Associez-vous pour secourir les captifs et les
ni maison, ni intérieur. Le marchand trouve infortunés. Saint Paul recommandait la même
heureux le laboureur dans sa sécurité; le la- chose aux Corinthiens, en leur disant de faire
boureur trouve heureux le marchand qui s'en- des collectes pour les pauvres. (1 Cor. xvi 2.) ,

richit. En somme, l'espèce humaine n'est ja- Mais aujourd'hui nous faisons tout en com-
mais satisfaite, toujours elle se plaint, toujours mun pour l'ivresse, les délices et la volupté,
elle se chagrine. Entendez chaque individu lit commun, table commune vin commun ,
,

accuser la condition humaine et dire Ce n'est :


dépense commune mais l'aumône, personne
:

rien que l'homme, l'homme est un animal ne s'associe pour la faire. C'est ce qu'on aimait
condamné au travail et à la peine. Combien à faire au temps des apôtres , les fidèles met-
envient la vieillesse ? Combien d'autres ne taient en commun tout ce qu'ils possédaient.
voient rien d'heureux que la 'jeunesse? Tant Je ne vous commande
pas de tout mettre en
ily a de tristesse en chaque âge! Lorsqu'on commun que vous avez, mais seulement
ce
nous trouve trop jeunes, nous disons Hélas : I
une portion. « Que chacun », dit l'apôtre,
pourquoi ne sommes-nous pas plus âgés? Et « mette de côté, le dimanche, ce qu'il pourra

puis, quand notre tête blanchit, on nous en- «donner ». (Ibid.) C'est-à-dire, que chacun
tend dire Où donc la jeunesse s'est-elle envo-
: paie comme un tribut, pour les sept jours de
lée? En un mot nous avons mille sujets de la semaine, et donne l'aumône plus ou moins

chagrins. 11 n'existe qu'une seule voie où ces généreusement. Car en agissant de la sorte
anomalies ne se rencontrent pas, c'est celle de « vous ne paraîtrez pas les mains vides devant
la vertu. Ou plutôt celle-là aussi a ses chagrins, c( le Seigneur ». (Exod. xxni, 15.)
mais chagrins avantageux, féconds. Ou
utiles, Si l'on recommandait cela aux juifs, à plus
bien l'on a péché, et touché de componction, forte raison doit-on le recommander aux chré-
on efface ses péchés par ses larmes. Ou bien tiens.Des pauvres se tiennent à l'entrée de
on compatit à la chute d'un frère, et en le nos églises afin que personne n'y entre les
faisanton obtient une récompense considé- mains vides, mais pleines d'aumônes distri-
rable. Car Dieu réserve une grande récom- buées. Vous entrez ici pour obtenir la pitié ,

pense à ceux qui compatissent aux maux de ayez d'abord pitié vous-même de votre pro-
leurs frères. chain. Qui entre plus tard doit davantage.
4. Ecoutez toutes de l'Ecri-
les sages paroles Lorsque nous aurons commencé à nous acquit-
ture au sujet de Job. Ecoutez aussi saint Paul : ter, celui qui se présentera ensuite aura davan-
Pleurer », dit-il, « avec ceux qui pleurent », tage à donner. Faites de Dieu votre débiteur;
et « Condescendre à la faiblesse ». (Rom.xii
: puis ensuite priez-le. Prêtez d'abord, puis ré-
15, 46.) Partager les chagrins des autres c'est clamez vous recevrez capital et intérêts.
et
un bon moyen d'y remédier. Quand un homme C'est là ce que Dieu désire, loin qu'il s'y refuse.
porte un pesant fardeau, si vous l'aidez vous Si vous l'implorez par l'aumône il vous eq
356 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sait gré.Faire l'aumône, c'est prêter à intérêt. nos mains ni de la multitude de nos paroles
Faites ainsi, je vous y exhorte. 11 ne suffit pas que nous soyons exaucés, mais de nos bonnes
de tondre ses mains pour être exaucé. Tendez œuvres. Ecoutez le Prophète vous dire :«Lors-
vos mains, mais vers les mains de vos frères a que vous élèverez vos mains, je détournerai

plutôt encore que vers le ciel. En tendant de vous mes yeux, et si vous muUipliez vos
votre main vers les mains des pauvres, vous « ne vous écouterai point ». (Isaïe,
prières, je
atteignez au plus haut du ciel. Car c'est celui I, 15.) Au lieu de se taire et de ne pas même

qui trône là-haut qui reçoit raumôiic. Tendre oser regarder le ciel, le pécheur parle souvent
ses mains vides, c'est les tendre inutilement. avec beaucoup de confiance et longuement.
Dites-moi, si le roi, s'approchant de vous re- « Mais », dit Dieu par le même prophète, «ju-
vêtu de pourpre, vous demandait quelque
la a gez en faveur de l'orphelin et de l'opprimé,
chose, ne lui donneriez-vous pas aussitôt tout « faites jusiice à la veuve, et apprenez à faire
ce que vous possédez? Maintenant ce n'est pas « le bien ». C'est ainsi que nous pourrons être

un roi de la terre, mais le roi du ciel qui vous exaucés sans avoir même besoin d'élever nos
implore par la voix des pauvres, et vous l'ac- mains, de rien dire, de rien demander. Effor-
cueillez par le dédain, et tout au moins vous çons-nous donc d'agir ainsi, afin que nousob-
hésitez à donner! Quel châtiment ne méritez- tenions les biens qui nous sont promis, Ainsi
vous pas? 11 ne dépend pas de l'élévation de soit-il.

HOMELIE II.

NE nour.issrz doî^c point de notue-seignkur quf.vous devez confesser, Nr de moi qui suis son
CAPTIF. MAIS SOUFIHKZ AVEC MOI POl'R LÈVANGILE SELON LA FOUCE DE DIEU QUI NOUS A SAUVÉS
ET NOUS A APIM-LÉS PAU SA VOCATION SAINTIC, NON SELON NOS OiUVRl-S, MAIS SiiLON LE DÉCRET DE
SA VOLONTli ET SELON LA GRACE OUI NOUS A ÉTÉ DONNÉE EN JÈSUS-CllRiST AVANT TOUS LES SIÈCLES ;

ET QUI A PARU MAINTENANT PAR L'aVÉNEMENT DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CUUIST. (l, 810 JUSQU'A 13.)

Analyse.
4. No pis rniiKir de la croix de nolro Smiveiir, ni des liens de saint Paul captif pour Jésus-Christ.
2. Ile l'idiéis^incc duc aux pnçtfnrs des Smcs.
3. S'..xiininer ^oi-Mli;llle et inin les autres.
4. La dignité du sacrifice Eucharistique ne dépend pas de l'homme qui l'olîre. — Jésus-Christ est vraiment dans l'Eucharistie.

1. Rien n'est [lire que de prendre les raison- l'Incarnation et de la Rédemption. Cependant
nements humains pour règle et pour mesure rien n'est plus glorieux que la croix de Jésus-
des choses divines. Quiconque le fera tombera Christ, bien loin qu'on doive en rougir. La croix
nécessairement du rocher de la foi et sera privé est la plus grande marque d'amour que Dieu
de la lumière. Si les yeux de notre corfis ne peu- ait donnée aux hommes, et il nous a moins
vent supporter les rayons du soleil, s'il est vrai bien témoigné combien il nous aime, en créant
qu'il y aurait périlpour nous a vouloir fixer le ciel et la terre et en nous tirant nous-mê-
nos regards sur cet astre combien plus celui
; mes du néant, qu'en souffrant le supplice de
qui voudrait fixer le faible regard de sa rai- la croix. Aussi saint Paul se glorifie dans la
son sur la lumière éternelle n'en serait-il pas croix et dit « A Dieu ne plaise que je me glo-
:

ébloui, sans compter qu'il outragerait le don rifie sinon dans la croix de Nolrc-Seigneur
,

de Dieu? Voyez Marcion, Manès et Valenlin et (( Jésus-Christ ». (Gai. vi, 14.) Mais l'homme
tous ceux qui ont introduit des hérésies et des animal, au contraire, celui (]ui juge de Dieu
doctrines de mort dans l'Eglise de Dieu; c'est par l'fiomme, se scandalise et rougit.
pour avoir voulu mesurer les choses de Dieu Voilà pourquoi saint Paul prescrit à son dis-
à la règle des raisonnements humains qu'ils ciple et par lui à tous les fidèles de ne pas
tint to U8 eu honte de confesser le mystère do rougir du témoignage de Noire-Seigneur;
, ,

COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE II. SST

c'est-à-dire de ne pas rougir de prèciier le cun dommage, mais afin d'exciter son disciple
Crucifié, mais d'en être fler. Par eux-mêmes à souffrir pour l'Evangile.
la mort, la prison et les fers sont choses dignes Selon la force de Dieu qui nous a sauvés
de honte et d'opprobre; mais dès que l'on con- « et nous a appelés par sa vocation sainte, non

sidère aussi la cause, que l'on envisage le mys- a selon nos œuvres, mais selon le décret de sa

tère comme il faut, ces mêmes choses devien- a volonté, et selon la grâce qui nous a été

nent des objets augustes et glorieux. Cette « donnée en Jésus-Christ avant tous les siè-

mortde Jésus-Christ a sauvé le monde qui était « clés ». Comme d'ailleurs c'était tenir un
perdu cette mort a réconcilié le ciel avec la
; langage quelque peu dur que de dire «Souf- :

terre ; cette mort a détruit la tyrannie du «frez », il le console en disant a Non selon:

diable ; des hommes elle a fait des anges et «nos œuvres»: c'est-à-dire, ne comptez pas sur
des enfants de Dieu. Cette mort a exalté notre votre force mais sur celle de Dieu pour souf-
nature sur le trône du Dieu de l'univers. frir ces Il dépend de vous de choisir
choses.
.Quant aux liens de l'apôtre, ils ont converti des et d'avoir de la bonne volonté, mais c'est Dieu
peuples. —
a Ne rougissez donc pas du témoi- qui vous donnera le soulagement et le repos.
« gnage de Notie-Seigneur, ni de moi qui suis Ensuite il montre des marques delà puissance
« son captif, mais souffrez avec moi pour l'E- de Dieu. Songez, dit-il, comment vous ayez
« vangile ». C'est-à-dire, quand même vous été sauvé comment vous avez été appelé
, :

souffririez les mêmes choses, n'en rougissez c'est la même pensée qu'il exprime ailleurs :

pas. C'est lace qu'il donne à entendre, on le «Selon sa vertu qui opère en nous ». Ainsi il
voit, par ce qu'il a dit plus haut o Dieu nous
: fallait une plus grande puissance pour con-
a donné l'esprit de force, de charité et de vertir la terre que pour créer le ciel. Com- —
« sagesse » ; on le voit aussi par ce qui suit : ment donc nous a-t-il appelés par sa vocation
« Souffrez avec moi pour l'Evangile ». C'est-à- sainte? c'est-à-dire qu'il nous a rendus saints
dire, non-seulement n'ayez pas honte, mais de pécheurs et d'ennemis de Dieu que nous
n'ayez pas honte en cas d'épreuve. Il ne dit étions. Et cela ne vient nullement de nous,
pas Ne craignez pas, n'ayez pas peur, mais il
: mais est un don de Dieu. Si donc Dieu est
dit pour l'exhorter mieux encore « Ne rou- : assez puissant pour appeler, et assez bon pour
gissez pas », comme s'il n'y avait plus de appeler gratuitement et non comme s'il payait
danger, une fois la honte surmontée. C'est le une dette, il ne faut rien craindre. Si voulant
seul malheur de la honte que l'on soit vaincu nous sauver. Dieu l'a fait gratuitement lors-
par elle. N'ayez donc pas honte, si moi qui que nous étions ses ennemis, combien le fera-
ressuscite les morts, qui opère mille prodiges, t-il davantage s'il voit que nous coopérions à

moi qui parcours toute la terre pour l'évan- notre salut? —


« Non selon nos œuvres, mais

géliser, je suis maintenant dans les liens. Ce « selon le décret de sa volonté », c'est-à-dire
n'est pas comme un malfaiteur que je suis sans être contraint ni conseillé par personne ;

maintenant dans les fers, mais c'est à cause il nous a sauvés par une décision de sa vo-
du Crucifié.Simon Maître n'a pas eu honte lonté propre, par un mouvement de sa bonté
de la croix,moi, je n'ai pas honte de mes personnelle. C'est là ce que veut dire « par un
liens. Et pour l'exhorter à ne pas avoir honte, décret de sa propre volonté ». — « Et selon
il a bien fait de lui rappeler d'abord le souve- « la grâce qui vous a été donnée en Jésus-
nir de la croix. Si vous ne rougissez pas de la a Christ avant tous les siècles ». C'est-à-dire,
croix, veut-il dire,ne rougissez pas non plus de toute éternité ces choses avaient été prédé-
de mes liens. Si notre Seigneur et Maître terminées pour être accomplies en Jésus-Christ.
a souffert le supplice de la croix, combien Ce n'est pas peu que notre salut soit l'effet
plus devons-nous souffrir les liens ? Rougir des d'une résolution éternelle, et non d'une vo-
liens de l'apôtre ce serait aussi rougir de la lonté passagère. Comment donc le Fils ne se-
croix de Jésus-Christ. Car, dit-il, ce n'est pas rait-il pas éternel, lui qui a voulu ces choses
à cause de moi que je porte ces liens; donc éternellement?
pas de faiblesse, mais partagez mes souffran- 2. Et qui a paru maintenant par l'avéne-
ces, souffrez avec moi pour l'Evangile, liUé- « ment de Notre-Scigneur Jésus-Christ, qui a
ralement « compatissez à l'Evangile » il par- : a détruit la mort, et nous a découvert la vie

lait de la sorte non que l'Evangile touffrit au- « et l'incorruptibilité par l'Evangile ». VoycZ'
dss TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CÏIRYSOSTOME.

vous la puissance, voyez-vous le don qui vient votre pasteur est exposé, et vous, vous ne vou-
non par nos œuvres mais par l'Evangile? C'est lez même pas lui obéir, et cela quand il s'agit

là un sujet d'espérance. Ces deux choses se de votre intérêt. 11 ne lui suffit pas, à lui, de
sont vues dans le corps de Jésus-Clirist et se mettre ses propres affaires en bon état, tant
verront dans El de quelle manière?
le nôtre. que les vôtres sont en souffrance, il est dans
a Par l'Evangile, pour lequel j"ai été établi l'angoisse, et exposé à rendre doublement
o prédicateur, apôtre et docteur des nations». compte. Songez que ce n'est pas peu de chose
Pourquoi revient-il sans cesse sur cette idée pour un pasteur qued'avoir un compte à rendre
et s'appelle-t-il ainsi le docteur des nations? pour chacune des âmes dont il est chargé, que
Pour faire comprendre, comme je l'ai déjà d'avnîy à trembler pour le salut de toutes.
dit, qu'il fallait aussi annoncer l'Evangile aux Quels honneurs lui rendrez-vous, quels témoi-
gentils. Ne vous laissez pas abattre parN^mes gnages d'affection pourrez-vous lui donner
souffrances, veut dire l'apôtre, la puissance qui compensent pour lui de tels dangers?
de la mort est anéantie. Je ne soulTre pas Donnerez-vous pour lui votre vie; or lui, il
comme un malfaiteur, mais je souffre pour donne sa vie pour vous. Et s'il ne la donne
l'enseignement des nations. Puis il ajoute la pas maintenant en temps opportun, il la per-
raison pour rendre son langage digne de foi. dra plus lard. El vous, vous lui refusez toute
— «C'est aussi pour cette raison que je souffre obéissance, même celle qui n'est qu'en pa-
ces maux mais je : n'en rougis point ; car je roles. La cause de tous nos maux, c'est que
sais en qui j'ai mis ma confiance et ma foi, aux pieds. On
l'autorité des pasteurs est foulée

«je sais qu'il est assez puissant pour garder ne connaît plus ni aucun respect ni aucune
a mon dépôt jusqu'à ce grand jour». — Qu'en- crainte. «Obéissezàvos chefs», ditl'apôtre, «et
tend-il par B dépôt? » La foi, la prédication. « soyez-leur soumis » or, maintenant tout est
;

Celui-là même qui m'a confié ce dépôt, saura bouleversé et confondu. Je ne dis pas ceci dans
le garder intact. Je jouffre tout pour que ce l'intérêt de ceux qui vous conduisent. Que leur
trésor ne soit point ravi. Je ne rougis pas de revient-il en effet des honneurs que vous leur
mes maux, il me suffit que ce déjiôt soit con- rendez, excepté votre obéissance? Je le dis
servé pur. Peut-être encore par ce dépôt en- dans votre intérêt, mes frères. Les honneurs
tend-il les fidèles que Dieu lui a confiés ou qu'on leur rend ne leur sont d'aucune utilité
qu'il a lui-même confiés à Dieu. Maintenant, pour l'avenir, ils rendront même leur juge-
dit-il, que je vous confie au Seigneur.
voici ment plus sévère. Les injures ne compromet-
C'est-à-dire, ceci ne me sera pas inutile; et Ti- tront |)as non plus leur avenir, elles serviront
mothée me montre le fruit du dépôt. Voyez- au contraire à les justifier. C'est donc votre
vous comme il ne sent iiiCme pas ses maux que j'ai en vue en toutes choses. Les
intérêt
par l'espérance qu'il a de faire des disci[iles? honneurs que les pasteurs reçoivent de leurs
tel doit être un bon pasteur; il doit s'occuper ouailles leur sont même reprochés comme
des disciples et les compter pour tout. « Main- lorscju'il fut dit à Héli : o Je t"ai tiré de la mai-
o tenant », dit-il ailleurs, o nousvivons, si vous « son de ton père ». On leur lient compte au
a vous tenez fermes dans le Seigneur » ; et en- contraire des outrages auxquels ils sont en
core : Quelle est notre espérance, notre joie, butte ; c'est ainsi que Dieu dit à Samuel :

notre couronne de gloire? n'est-ce pas vous « Ce n'est pas toi qu'ils ont méprisé, c'est moi-
odevautNolre-Seigneur Jésus-Christ?» (1 Thess. « même ». (IKois u,28 et vni,7.) En sorleque
m, 8, et Le vojez-\ous se préoccuper
II, 19.) l'injure leur est un gain, et les honneurs une
de ses disciples plus que de lui-même? 11 faut charge. Ce n'est donc pas, je le répète, dans
en effet que les pères selon la grâce l'empor- Lur que je parle, mais bien dans le
inlérêl
tent sur les pères selon la nature par un plus vôtre. Qui honore le prêtre, honore Dieu. Qui
ardent amour pour leurs enfants. Mais il con- s'accoutume à mépriser le prêtre, s'achemine
vient aussi que leurs enfants aient i>our eux vers le mépris de Dieu, et il y viendra un
de la tendresse. «Obéissez », dit le même ajiô- jour, a Celui qui vous reçoit me reçoit, dit
tre, et soyez soumis à vos conducteurs, sa- « Notre-Seigneur ». (Matth. x, 40.) « Honore
« chant qu'ils veillent sur vos âmes comme a ses prêtres », est-il dit encore. Avant d'en

« devant en rendre compte ». (llébr. xui 17.) , venir a mé|)riser Dieu, les Hébreux commen-
Dites-moi, voilà le danger terrible auquel cèrent par mé|tnser Moïse qu'ils voulaient la-
,

COMMENTAIRE SUR LA IV ÉPITRE A TIMOTHÉE, - HOMÉLIE Ui 3SÔ

piuc». Quelqu'un qui sera pieux envers le saint Paul a Pour moi, je me mets fort peu
:

prêtre, le sera à plus forte raison envers Dieu. a en peine d'être jugé par vous, ou par quel-
S'il arrive que le prêtre soit mauvais, Dieu, « que homme que ce soit »; et encore aPour- :

voyant que pour lui plaire vous honorez même a quoi jugez-vous votre frère ?» (I Cor. iv, 3 ; et
un indigne, vous en récompensera. oSi celui Rom. vous ne devez pasjuger votre
XIV, 10.) Si
a qui reçoit un prophète comme prophète ob- Jrère,f vous devez encore bien moins juger le
lient la récompense d'un prophète» (Matth. prêtre. Si Dieu vous l'a commandé, vous
X, ii] il en sera de même pour celui qui ho-
: avez raison de le faire, et vous péchez en ne le
nore le prêtre, qui lui accorde soumission et faisant pas. Mais s'il vous l'a défendu, gardez-
obéissance. Si, lorsqu'il s'agit de l'hospitalité vous de le faire; n'allez pas franchir la barrière
accordée à un inconnu, vous recevez une si des commandements. Après la prévarication du
grande récompense, il est clair que vous en veau d'or, Coré, DathanetAbiron, et leurs parti-
obtiendrez une beaucoup plus grande pour sans, se soulevèrent contre Aaron. Or, qu'ar-
vous soumettre à ceux à qui Dieu vous com- riva-t-il ? vous le savez, ils furent anéantis.
mande d'être soumis. « Les Scribes et les Que chacun s'occupe de ce qui le regarde. Si
Pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse » quelqu'un altère le dogme, ne l'écoutez pas,
dit Notre-Seigneur, « faites donc ce qu'ils vous quand ce serait un ange. Si quelqu'un ensei-
a diront; mais n'imitez pas leurs œuvres». gne selon l'orthodoxie, ne faites pas attention
(Matth. xxui, 2, 3.) Ignorez-vous ce que c'est à sa vie mais seulement à ses paroles. Vous
qu'un prêtre? C'est un ange du Seigneur. Car avez saint Paul pour vous former au bien par
les paroles qu'il dit ne sont pas de lui. Si vous ses exemples comme par ses discours.
le méprisez, ce n'est pas lui que vous mépri •
Mais il ne donne pas aux pauvres, dites-vous,
sez, mais Dieu qui vous l'envoie. Et qu'est- — et il administre mal. Qu'en savez-vous ? N'ac-
ce qui me prouve que c'est Dieu qui me l'en- cusez pas avant d'être sûr, craignez le compte
voie, direz-vous? —
Si vous n'avez pas celte que vous aurez à rendre. Ou juge souvent sur
croyance votre espérance est donc vaine.
, desimpies soupçons. Imitez votre Maître, écou-
Car si Dieu n'opère point par l'intermédiaire tez ce qu'il dit : a Je descendrai et je verrai si

du prêtre, vous ne recevez pas le baptême, « leurs œuvres répondent à ce cri qui est venu
vous ne participez pas aux divins mystères, a jusqu'à moi, pour savoir si cela est ainsi, ou
vous ne recevez pas les eulogies, vous n'êtes a si cela n'estpas ». (Gen. xvni, 21.) Etcs-vous
pas chrétien. instruit, vous êtes -vous informé, avez- vous
3. Quoi donc direz-vous, est-ce que Dieu
! même été témoin, atteudez encore le juge :

les ordonne tous, même lesindignes? Dieu ne ne prenez pas le rôle de Jésus-Christ. C'est à
les ordonne pas tous, mais il opère lui-même lui qu'il appartient de s'enquérir, non à vous.
par le ministère de tous, même des indignes, Vous n'êtes, vous, que le dernier des esclaves,
pour le du peuple. S'il s'est autrefois
salut et non le maître. Vous êtes une des brebis du
servi d'un âne, etd'un méchant homme tel que troupeau, n'examinez pas trop rigoureuse-
Balaam pour bénir son peuple (Nomb. xxn), ment votre pasteur, si vous ne voulez pas
pourquoi ne se servirait-il pas d'un prêtre ? avoir à rendre compte des accusations que
Qu'est-ce qu'il ne fait pas pour notre salut? vous portez contre
lui. —
Et comment me com-
Que ne dit-il pas? De quel intermédiaire dé- mande-t-il ce qu'il ne fait pas lui-même, direz-
daigne-t-il de se servir ? S'il a opéré par le vous ? — Ce n'est pas lui qui vous commande ;
ministère de Judas, et par celui de ces pro- si que vous obéissez vous n'aurez
c'est à lui
phètes auxquels il dit a Je ne vous connais
: pas de récompense. C'est Jésus-Christ qui vous
« pas, retirez-vous de moi, vous qui opérez commande. Que dis-jc? 11 ne faudrait pas
« l'iniquité » Matth. vu, 23) si d'autres pé-;
mêmeobéirà saint Paul s'il prescrivait quelque
cheurs ont chassé les démons en son nom ; à chose de son chef, quelque chose d'humaiu;
plus forte raison opèrera-t-il par le ministère il faut obéir à l'apôtre portant en lui Jésus-
des prêtres. Si nous devions scruter la vie et Christ qui parle par sa bouche.
la conduite de nos pasteurs, ce serait nous en Ne nousjugeons pas les uns les autres, que
réalité qui les ordonnerions, et alors tout se- chacun se juge soi-même et examine sa pro-
raitmis sens dessus dessous, les pieds seraient pre vie. Mais il doit être meilleur que moi,
en haut et la tête en bas. Ecoutez ce que dit direz-vous.— Pourquoi? — Parce qu'il est
dco TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN GlIRYSOSTOME.

prêtre. — Est-ce qu'aussi il n'a pas de plus dant, que le pharisien dise seulement : « Je HO
que vous les travaux, les dangers, les com- suis pas comme
cepublieain », et voilà aus-
bats de chaque jour, et les pénibles soucis? sitôt tout son mérite perdu. Et vous, si vous

avec tout cela comment pouvez-vous dire qu'il dites : Je ne suis pas comme ce prêtre un vo-
n'est pas meilleur que vous? Et quand il ne leur sacrilège, comment ne perdrez-vous pas
serait pas meilleur, est-ce une raison pour que tout ce que vous avez de mérite? Si je dis ces
vous vous perdiez? Ces paroles viennent d'un choses, et si je me crois obligé d'y insister, ce
fol orgueil. U'oii savez-vous qu'il n'est pas n'est pas que je m'intéresse à ces coupables,
meilleur que vous? — Mais s'il vole, direz- mais c'est que je crains que vous ne perdiez
vons, s'il dépouille l'Eglise ? — D'où sa- tout le fruit de votre vertu en vous glorifiant
vez-vous cela, ô homme? Pourquoi vous vous-même et en condamnant les autres.
jeter vous-même dans le précipice? Si ([uel- Ecoutez ce conseil de saint Paul a Que cha- :

qu'un vous dit: Un tel a revêtu laiiourRi'e; «cun examine bien ses propres actions, et
bien que vous en soyez instruit, vous vous Lou- « alors il trouvera sa gloire en lui-même, et

chez les oreilles. Quoique vous puissiez prou- « non point en se comparant avec les autres ».

ver le contraire, vous vous retirez aussitôt, (Job, VI, 4.)


vous feignez de ne rien savoir, ne vonlant pas •l. Dites-moi, lorsque vous êtes blessé et que
courir un danger sunerHu mais ici vouscourez
; vous allez médecin, est-ce que vous
trouver le

encore au devant. Ces sortes d? paroles ne nég!i;;ez d'appliquer le remède et de panser


passeront pas sans qu'il ea soil demauf'é votre blessure, pour vous occuper de savoirs!
com;)le. Ecoutez ce que dit Jébus-Ch;i^l « J:j : le médecin a lui-même ou s'il n'a pas de bles-

« vous le déclare, It'u'o parole inutile q\ie les sure? Et s"il se (rouve qu'il en ait une, vous
8 liommcs auront tiite, ils en rendront compte en inquiétez-vous? Est-ce que vous négligez
« au jour du jugeaient». (Ma'.th. xii, 30.)Yûns pour cela votre propre blessure? Est-ce que
vous llallez d'être meilieur qu'un autre, et vov 'i'ps Il devrait n'être pas malade, étant
:

pour cette seule pensée d'orgueil, vous i;c 1 :\':'s:iu'il se porte mal, tout médecin

gémissez point, vous ne vous frappez point (;;. laisse, moi aussi, ma blessuresans
..j

I^ "oitrine, vous no baissez pss les yei'X, vous 1^. La malice du prêtre sera-t-elle une
'
[ii.cv.

n'imitez pas le puMica'n? E'i' en rste'ris-, '


excuse [iour le fidèle? Nullement. Le mauvais
vons vous êtes per îu vous-m'Orno, fuïs: ï-vons prèlre subira une peine proportionnée à sa
réellement meilleur que tel o:; til. Et s-toi;s malice, sans doute, mais vous aussi vous aurez
meilleur? {-.lisez-voi-s, si vous vouiez res'.j.- le chi:imeiit qui vous estdûet<pii vous re-

raeilleur. Si vous p.irlez, tout est ;:2vdi'.. Si vient; d'ailleurs le maître n'a que le rang du
vous vous croyes :n jïlleur, vous ne l'éles pas ;
fidèle, olls seront tous enseignés par Dieu eton ;

si vous ne le croyez ;ias, "ous avez beiuicoup « ne dira plus: Connaissez le Seigneur; car tout
faitp urrètre. Si celui qui éiûil pécheur se retira B le monde me connaîtra, depuis le plus petit
jusliSé pour avoir confessé ses péchés, que ne «jusqu'au plus grand ». (Jean, vi, 43; Isaïe,

gagnera jia"' celui (pii sans être un granil uir Liv, 13; Jéréin. xxxi, 34.) donc — Pourquoi
cheur, se croira uéaumoins tel? Faites l'exa- din.z-vous Pourquoi occnpe-t-il
: Préside-t-il?

men de votre vie. Vous ne volez pas; mais la place qu'il occupe? Cessons, je vous en —
vous ravissez^ mais vous extorquez, mais vous conjure, de médire de nos pasteurs; n'exami-

faites mille choses de ce genre. nons pas maintenant ce qu'ils font, si nous ne

Je ne dis pas ceci pour faire l'éloge du vol, voulons pas nous nuire à nous-mêmes. Exa-
loin de là, je déplore au contraire l'état de minons-nous nous-mêmes, et nous ne dirons
ceux qui s'en rendent coupables, s'il en est de du mal de personne. Souvenons-nous avec
tels parmi les minisires de l'Eglise; ce que je respect de ce jour où il nous donna le bap-
ne crois pas. Le vol sacrilège est un crime dont tême. Quels que soient les vices d'un père, son
fils les cache avec soin, o Ne vous glorifiez
on ne peut dire toute Pénormité. Mais je prends
vos intérêts je ne veux pas que toute votre
:
« point », dit le Sage, a de ce qui déshonore

vertu soil rendue inutile par vos médisances. « votre père car ce n'est pas votre gloire, mais
;

Quoi de pire qu'un publicain? Or, celui dont « plutôt votre honte ». (Eccl. m, 12.) Quand
parle l'Evangile était réellement jiublieain et mèiiie il manquerait de prudence, ayez de
comme tel couj);iblc de mille fautes. Et cepen- l'indulgence. Si cette parole a été dite des
COMMENTAIRE SUR LA IV ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE III. 3C1

pferes selon la nature, elle peut l'être, à plus homme qu'entre Jean et Jésus; néanmoins,
forte raison, des pères selon la grâce. Respectez Jean baptise Jésus, et le Saint-Esjrt descend,
celui qui, tous les jours, travaille àvous ser- afin que vous appreniez que c'est Dieu qui fait

vir. C'est pour vous pour


qu'il lit les Ecritures, et opère tout.
vous qu'il orne la maison de Dieu, pour vous Je vais dire quelque chose qui paraîtra
qu'il veille, pour vous qu'il prie, pour vous peut-être incroyable, mais ne vous en étonnez
qu'il se tient devant Dieu en l'invoquant, pour point, ne vous troublez pas. L'oblation est la
vous qu'il administre les choses saintes. Res- même, qu'elle soit faite par le premier venu,
pectez-le en songeant à ces bienfaits, ne l'ap- ou par saint Paul, ou saint Pierre. Celle que
prochez qu'avec vénération. le Christ donna autrefois à ses disciples était
Est-il mauvais? dites-moi. Qu'est-ce que la même que celle que célèbrent aujourd'hui
cela? Est-ce qu'il faut qu'il ne soit pas mau- les prêtres. Celle-ci n'est en rien inférieure à
vais pour vous distribuer ks plus grandes celle-là ;
parce que ce ne sont pas les hommes
grâces? Nullement. Tout s'opère selon votre qui la sanctifient, mais cchii-là qui même
foi. Un homme juste ne vous servira de rien sanctifia la première. Les paroles que Dieu
si vous n'êtes pas fidèle un méchant ne vous
; prononça alors sont les mêmes que celles que
nuira en rien si vous êtes fidèle. Dieu s'est le prêtre prononce encore maintenant; l'obla-
servi de bœufs pour reconduire l'arche, quand tion est donc aussi la même. On en peut dire
il voulut sauver son peuple. Est-ce la vie du autant du baiilème. Ainsi tout dépend de la
prêtre, est-ce sa vertu, qui opère notre salut? foi. Ce Saint-Esprit descendit aussitôt sur le

Les dons que Dieu nous accorde ne sont pas centurion Corneille, parce qu'il avait fait ce
de nature à pouvoir être produits par la vertu qui dépendait de lui et témoigné sa foi. Donc
de ses prêtres. Tout vient de la grâce. Le prê- le coriis de Jésus-Christ est ici comme il était
tre ne fait qu'ouvrir la bouche et prêter son là.Celui qui s'imagine qu'il y a ici quelque
organe à Dieu qui opère; le prêtre accomplit chose de moins qu'il n'y avait là, ne sait pas
seulement le symbole. Songez quelle différence que le Christ est encore présent et que c'est
il y a entre Jean-Baptiste et Jésus-Christ : toujours lui qui opère.
Jean dit: «J'ai besoin d'être baptisé par vous », Puisque vous savez ces choses, comme je ne
et « Je ne suis pas digne de délier le cordon de
: vous les dis pas sans motif, mais pour vous
a ses souliers » . (Matlh. m, U ; et Jean, i, 2C.) corriger de vos défauts, et pour vous rendre
Et cependant, malgré cette différence, lorsque plus prudents à l'avenir, conservez soigneuse-
Jean baptisa Jésus, le Saint-Esprit descendit, ment mes paroles. Si nous nous contentons
quoique Jean ne disposât point du Saiut-Es- d'entendre, sans jamais pratiquer, nous ne
pril. Nous recevons tous de sa plénitude», retirerons aucun profit des prédications. Don-
est-il dit. (Jean, i, 16.) Cependant le Saint-Es- nons une entière attention une attention ,

prit ne descendit pas avant le baptême, et ce très-diligente à la parole de Dieu; gravons-la


n'est pas Jean qui le fit descendre. Pour- dans notre cœur ayons-la toujours imprimée
;

quoi les choses se passent-elles ainsi? Afin que dans notre conscience, et ne cessonsjamais de
vous sachiez que le prêtre accomplit un sym- renvoyer la gloire au Père, au Fils et au
bole et rien de plus. Jamais il n'y eut autant Saint-Esprit. Aiuà soit-U.
de distance entre un homme et un autre

HOMELIE m.
PROPOSEZ-VOUS POUR MODELE LES SAINES INSTRUCTIONS QUE VOUS AVEZ ENTENDCES DE MOT SUR LA FOI
ET LA CHARITÉ QUI EST EN JÉSUS-CHRIST. GARDEZ, PAR LE SAINT-ESFRIT QUI HABITE EN NOUS, LE
PRÉCIEUX DÉPÔT QUI VOUS A ÉTÉ CONFIÉ. VOUS SAVEZ QUE TOUS CEUX QUI SONT EN ASIE SE SONT
SÉPARÉS DE MOI PHIGÈLE ET HERMOGÈNE SONT DE CE NOMBRE. QUE DIEU DONNE MISÉRICORDE A LA
:

MAISON D'ONÉSIPHORE, PARCE QU'iL m'a SOUVENT SOULAGÉ ET QU'lL N'A PAS ROUGI DE MES CHAÎNES ;

MAIS qu'Étant venu a rome, il m'a cherché avec grand soin et il m'a trouvé, que le seigneur
362 TIL\DUCT[ON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

LUI FASSE LA GRACE DE TROUVER MISÉRICORDE DEVANT LE SEIGNEUR EN CE JOUR. CAR VOUS SAVEZ
MIEUX QUE PERSONNE COMBIEN D'aSSISTANGES IL M'A RENDUES A ÉPHÈSE. (l, 13-18.)

Anolyae.

I. Que slgniQe « Formant habe sanorum verborum ? a


:

S. Que nous avons besoin de miséricorde pour obtenir le salut.


S. Que les jugements de Dieu sont à craindre.

1. Ce n'était pas seulement par lettres qu'il qu'est-il besoin de préceptes? C'est afin que

prescrivait à son disciple ce qu'il devait faire, nous conservions le Saint-Esprit, que nous le
mais encore par l'enseignement oral. On en gardions, et que nous ne le fassions pas fuir
voit la preuve dans beaucoup d'autres pas- par nos mauvaises actions. Ensuite, il énu-
sages, tel que celui-ci a Soit de bouche, soit : mère ses épreuves, non pour décourager son
« par lettres» mais ce passage-ci;le démontre disciple, mais pour affermir son cœur, afin

encore mieux que tout autre. Il ne lui a donc que, si un jour il était lui-même aux prises
pas légué un enseignement incomplet, ne le avec les mômes épreuves, il n'en fût pas sur-
croyez pas il lui a communiqué beaucoup
;
pris,en considérant son maître, et en se sou-
d'instructions de vive voix ; ce sont ces ins- venant de tout ce qui lui était arrivé.
tructions qu'il lui rappelle par ces mc^s : 11 est vraisemblable qu'aussitôt après son
a Proposez-vous pour modèle les saines ins- arrestation il se vit abandonné et privé de
o truclions que vous avez entendues de moi ». marque de bienveillance de
toute la part des
Que veut-il dire par là? Je vous ai tracé, hommes, de tout appui, de tout secours, et
comme ferait un peintre, un portrait de la qu'il fut trahi par les fidèles eux - mêmes
vertu et de tout ce qui plaît à Dieu ; c'est et par ses amis; veut dire parées
c'est ce qu'il

comme une règle, un archétype, une défini- mots a Vous savez que tous ceux d'Asie se
:

tion exacte que j'ai déposés dans votre âme. a sont éloignés de moi ». Il est probable qu'il

Conservez cela; et quand vous aurez à décider y avait à Rome beaucoup d'Asiaticiues. Aucun
quelque chose concernant soit la foi, soit la d'eux, dit-il, ne m'a assisté; aucun ne m'a
charité, soit la chasteté, tirez de là vos exem- reconnu, tous se sont détournés de moi. Et,
ples. —
Vous aurez en vous-même tout ce qui admirez l'élévation de son âme, il se contente
•vous sera nécessaire, et vous n'aurez pas be- de marquer le fait, il n'ajoute pas une parole
soin de consulter les autres. de blâme. Pour celui qui l'a assisté, il le loue
<j Gardez le précieux dépôt ». Comment? et lui souhaite mille biens. Quant aux autres,
«Far le Saint-Esprit qui habite en nous ». il ne maudit jias, il dit simplement
les :

Abandonnée à ses seules forces, l'âme humaine a Phigèle et Ilermogène sont de ce nombre.
serait incapable, après avoir reçu un tel dépôt, « Que le Seigneur fasse miséricorde à la inai-

de pouvoir le conserver. Pourquoi ? Parce que « son d'Onésiphoie, parce qu'il m'a souvent
les voleurs sont nombreux et la nuit pro- B soulagé, et qu'il n'a pas eu honte de mes
fonde. Le diable est toujours là qui nous tend « ; mais qu'étant venu à Rome, il m'a
chaînes
des pièges ; nous ne savons ni l'heure ni l'ins- « cherché avec grand soin, et il m'a trouvé ».
tant auquel il doit tondre sur nous. Comment Voyez comme partout il parle de honte et nulle
donc réussirons-nous Parà garder ce trésor? part de danger, pour ne pas effrayer Timolhée,
le Saint-Esprit; c'est-à-dire, si nous avions le quoique sa situation fût pleine de périls. Il
Saint-Esprit avec nous. Si nous ne repoussons avait offensé Néron par la conversion de quel-
pas la grâce, elle ne nous manquera point. ques-uns de ses familiers. A son arrivée à
Si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en Rome, dit-il, Onési|)hore n'a pas évité ma
a vain que travaillent ceux qui la bâtissent. rencontre, mais il m'a cherché avec emjires-
a Si le Seigneur ne garde la cité, c'est en vain sement et m'a trouvé.
que veillent ceux qui la gardent «. (Ps. a Que le Seigneur luidonne de trouver
cxxvi, 1.) Voilà notre rempart, voilà notre « miséricorde devant le Seigneur en ce jour-là.
garde, voilà notre refuge. — Si le Saint-Esprit a Vous savez mieux que personne combien
habite en nous, s'il garde lui-même le dépôt, a d'assistances il m'a rendues à Ephèse». Tels
,

COMMENTAIRE SUR LA II' ÉPITRE A TIMOTHÉE, - HOMÉLIE III. 363

doivent être les fidèles ils né doivent se laisser


: sont cause de la victoire remportée, méritent
arrêter, ni par la crainte, ni par la boute, ni bien de partager la couronne. Faut-il s'éton-
par la menace, mais s'entr'aider, s'assister, se ner si parmi les vivants celui qui prend part
secourir entre eux, comme font à la guerre aux combats est appelé à partager les récom-
les soldats d'une même armée. Car ce n'est penses des combattants, lorsque cette sorte de
pas tant à ceux qui sont dans le péril qu'ils communion n'est pas même interdite avec
sont utiles qu'à eux-mêmes, puisqu'en partici- ceux qui sont morts, couchés dans la tombe,
pant à leurs maux, ils méritent aussi de parti- déjà couronnés et qui n'ont plus besoin de
ciper à leurs couronnes. Par exemple, un ami rien? C'est saint Paul lui-même qui le dit:
de Dieu est dans la tribulation il souffre toutes
; Communiquant avec les mémoires des
sortes de peines avec beaucoup de fermeté il ;
saints». — Comment cela possible, est-il

lutte comme un atblèle courageux; pour vous, direz-vous ? — Lorsque vous admirez un saint,
vous restez à l'abri de toute persécution, vous lorsque vous imitez quelqu'une des belles ac-
pouvez cependant, si vous voulez, sans mettre tions qui l'ont fait couronner, vous participez
le pied dans le stade, partager la couronne à ses combats et à ses couronnes.
avec l'athlète de Dieu il vous suffit de l'assis-
: Que le Seigneur
accorde de trouver lui
ter, de lui procurer l'huile de la consolation, « miséricorde devant Seigneur en ce jour- le

de l'encourager, de l'exciter. Et pour vous « là ». Il a eu pilié de moi, veut-il dire, donc

prouver que je dis vrai, écoutez ce que l'apôtre il recevra à son tour miséricorde en ce jour

dit dans une autre épître a Vous avez bien


: terrible et redoutale, où nous aurons tant be-
« fait de vous unir à moi dans la tribulation » ;
soin de miséricorde. « Que le Seigneur », dit-
et encore :« Vous m'avez envoyé à Thessalo- il, «lui accorde de trouver miséricorde devant

« nique une et deux fois de quoi satisfaire à a le Seigneur ». Quoi donc, y a-t-il deux Sei-

« mes besoins ». (Philip, iv, 14, 16.) Et com- gneurs? Nullement nous n'avons qu'un seul,

ment, quoique absents, pouvaient-ils partager Seigneur qui est Jésus-Christ, et qu'un seul
ses tribulations? Saint Paul le dit lui-même : Dieu. C'est un des passages dont abusent les
a Vous m'avez envoyé une et deux fois de quoi marcionites. Mais qu'ils sachent que c'est une
« satisfaire à mes besoins ». Il dit encore au minière de parler familière à la sainte Ecriture
sujet d'Epaphrodite « Il s'est vu tout proche
: et qu'elle en use fréquemment. Par exemple
de la mort, exposant sa vie, afin de suppléer, elle dit: Le Seigneur a dit à mon Seigneur»,
«

a par son assistance, à celle que vous ne pou- et encore « J'ai dit au Seigneur Vous êtes mon
: :

viez me rendre vous-mêmes». (Ibid. ii, 30.) Seigneur » (Ps. cix 1 et xv, 2) et ailleurs
. , , ;

De même qu'auprès des rois de la terre, ceux encore Le Seigneur fit pleuvoir de la part
: «

qui combattent ne sont pas les seuls qui soient « du Seigneur». (Gen. xix, 24.) Cette manière

honorés, mais que ceux qui gardent les ba- de parler indique des personnes consubstan-
gages ont aussi part aux récompenses, et tielles, et non une différence de nature. L'Ecri-

quelquefois une part égale aux autres, bien ture parle ainsi non pour nous faire entendre
qu'ils n'aient pas ensanglanté leurs mains, deux substances différentes l'une de l'autre,
pas pris l'épée, pas même vu les rangs enne- mais deux personnes de la même substance
mis; de même en est-il, et à plus forte raison, l'une et l'autre. Remarquez encore ce que dit
dans le service de Dieu. Celui qui porte l'apôtre o Que le Seigneur lui accorde.... »
:

secours au combattant mourant de faim, celui Quoi? Rien autre chose que la miséricorde.
qui l'assiste, qui l'encourage par ses paroles, Comme Onésiphore avait eu pitié de lui il ,

qui prodigue tous les soins qu'on peut donner souhaite que Dieu ait aussi pitié d'Onésipliore.
en pareille rencontre, celui-là obtient la même Si Onésiphore, qui s'était exposé aux dangers,
récompense que le combattant. avait besoin de miséricorde pour être sauvé,
2. En m'entendant parler d'athlète n'allez , nous en aurons aussi besoin à bien plus forte
pas vous représenter un saint Paul, un homme raison.
invincible, mais quelqu'un du commun qui, Car il sera terrible, deux fois terrible le
s'il n'était grandement soutenu et encouragé, compte à rendre au Seigneur. Nous aurons —
ne demeurerait peut-être pas ferme, et n'enga- besoin de beaucoup d'indulgence pour ne pas
gerait peut-être pas même la lutte. De cette nous entendre dire « Retirez-vous de moi :

manière ceux qui, sans combattre eux-mêmes. (I je ne vous connais pas , vous qui opérez l'i-
364 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

a niquitê t> ; et encore : « Allez, maudits, au tout révélé et expliqué, cl non-seulement ex-
« feu éternel, qui a été préparé pour le diable pliqué par des paroles mais confirmé par des
< et pour ses anges » (Mattli. vi, 23 et xxv, 41); œuvres. Certes on pouvait en croire sa parole ;
et encore « 11 y a un abîme entre vous et
: mais pour que personne ne s'imagine que
nous B (Luc, XVI, 20); et encore ce mot plein l'enfer ne soit qu'une exagération de langage
de terreur « Prenez-le, et le jetez dans les
: et un
vain épouvantait, il ajoute à sa parole la
« ténèbres extérieures» ; et encore celui-ci qui preuve par les faits. Comment cela? en infli-
n'est pas moins affreux : a Serviteur mécbaut geant dts châtiments aux particuliers et aux
« et paresseux ». ( Matlh. xxii, 13 et xxv, 20.) nations. Celle preuve par les faits, il vous la
Rien de plus terrible et de plus épouvantable donne tantôt en châtiant Pharaon, tantôt en
que ce tribunal et cependant Dieu est doux
;
versant sur la terre les eaux du déluge pour la
et clément. Il se nomme le Dieu des mi|cri- destrucUon du genre humain , tantôt en ré-
cordes et le Dieu de la consolation et il est ,
pandant des torrents de feu sur des villes cou-
bon comme personne n'est bon, il est plein de pables. Et aujourd'huimême que de méchants
bénignité, de mansuétude et de compassion, ne voyons-nous pas punis el châtiés? Ce sont
et il ne veut pas la mort du pécheur, mais là autant de preuves de rexistence de l'eiifcr.

qu'il se convertisse et qu'il vive. (Ezéch. xviii, 3. Pour nous empêcher de nous endormir

23.) D'où vient donc, d'où vient que ce jour du sommeil de la négligence, et d'oublier ses
est rempli de tant d'épouvante? Un fleuve de paroles Dieu nous donne des faits pour ra-
,

feu coule devant sa face; les livres où nos ac- viver notre souvenir et nous faire ouvrir les
tions se trouvent écrites, sont ouverts; ce yeux; ainsi il nous montre ici-bas des juge-
jour est comme une fournaise ardente; les ments, des tribunaux, des peines. Quoi ! les

anges parcourent l'univers en tout sens, par- hommes prendraient tant de souci du juste et
tout les feux s'embrasent. Comment donc — de l'injuïtt!, el Dieu le souverain législateur y
peut-on dire que le Seigneur est clément, qu'il serait indifférent? Cela n'est jias admissible.
est miséricordieux, qu'il est bon ? — bon
Il est Dans maisons des particuliers, sur la place
les

même ainsi ; c'est cela même qui montre la publique, nous voyons paiioiit des tribunaux.
grandeur de sa bonté. Car par ce moyen il Un père de famille, dans sa maison, juge
nous inspire une grande terreur, afin qu'exci- chaque jour ses serviteurs, il leur demande
tés par cette raison nous concevions enfin le com[)te de leurs fautes, punit les uns et jiar-
désir du céleste royaume. donne aux autres. Dans les champs, le fermier
Remarquez comme le témoignage qu'il rend et sa femme sont jugés tous les jours. Sur son
à Onésipliore n'est pas un témoignage ordi- navire le capitaine exerce la justice comme le

naire et (el quel. « Souvent il m'a soulagé », général d'armée dans son camp. Enfin on voit
dit-il. J'étais comme un athlète que la fatigue des tribunaux partout, on en trouverait jus-
et la chaleur accablent, cl il m'a rafraîchi, que dans les écoles où le maître juge ses dis-
"réconforté. —
o Vous savez mieux que per- ciples. Dans leur particulier comme en public,
• sonne toutes les assistances qu'il m'a ren- partout les hommes exercent lajuslice les uns
dues à Ephèse ». Il m'a consolé non-seule- envers les autres nulle part on ne voit la jus-
;

ment à Ephèse, mais aussi à Rome. Tel doit tice négligée, partout au contraire il faut que

être l'homme vigilant et sobre ce n'est pas ,


l'on compte avec elle. Quoi donc, encore une
une fois, ni deux, ni trois, qu'il doit travailler, fois [larmi nous la justice portera de tous
!

mais toute sa vie. De même que ce n'est pas côlés ses investigations dans les villes, dans
assez pour notre corps de se nourrir une fois les maisons, nul ne sera oublié; et en ce jour-

pour subsister ensuite le reste du temps de là, lorsque la main de Dieu sera pleine de
notre vie, mais qu'il a besoin d'une nourri- justice, que les monta-
sa justice sera comme
ture quotidienne de même notre piété veut
; gnes de Dieu en ce jour-là il ne serait pas
,

être chaque jour entretenue par la pratique *<!nu compte de la justice !

des bonnes œuvres. Nous avons un grand be- Et comment ce Dieu qui juge, ce Dieu juste
soin de miséricorde. C'est pour nous guérir de et fort supporte-t-il le mal avec tant de longa-
nos péchés que le bon Dieu a fait tout ce qu'il nimiti', et ne le de suite?
punit-il pas tout —
a fait; pour lui il n'a besoin de rien, c'est Tant (jue nous sommes ici-bas, il a raison d'être
pour nous qu'il agit. C'est pourquoi il nous a patient. Il use de patience pour vous attirer h
COMMENTAIRE SUR LA II" ÉPITRE A TIMOTHÉE. ~ HOMÉLIE III. 3C5

la pénitence mais si vous persistez dans votre


; donnait que deux oboles ne faisait pas une
malice, vous amassez un Ircsor de colère par
« moindre aumône que ceux-là. Pourquoi cela?
« votre cœur dur et imiiénitent ». (Rom. ii, 5.) Parce que c'est la volonté que Dieu juge, et
Si Dieu est juste, il rend à chacun son mérite ;
non le don. Et si, à propos de l'aumône, Dieu
et il ne laisse pas sans vengeance les victimes juge que deux oboles données par la pauvreté
de l'injustice; car c'est là même une œuvre de •valent autant que des milliers de talents d'or
justice. S'il est puissant, il exerce sa justice offerts par l'opulence, pensez-vous qu'il juge
même après la mort , et au jour de la résur- différemment, quand il s'agit du bien d'autrui
rection, car c'est là l'œuvre de la puissance. que l'on dérobe? Cela conforme à la
serait-il
Que s'il est patient et tolérant, ne nous eu raison ? De même que la veuve en donnant
troublons pas, ne disons pas : Pourquoi ne deux oboles égala l'aumône des autres par sa
punit-il pas dès maintenant? 11 y a longtemps bonne volonté de même vous, en prenant
;

que l'espèce humaine n'existerait plus, si les deux oboles, vous n'êtes pas moins coupable
choses se passaient de la sorte , s'il nous fai- que ceux qui prennent des talents, et s'il faut
sait chaque jour expier nos péchés. Il n'y a dire quelque chose d'étonnant, vous l'êtes da-
pas un de nos
jours, pas un seul qui ne soit vantage. L'adultère est également coupable,
souillé de quelque péché peu ou beaucoup ;
qu'il corrompe la femme d'un roi, ou celle
nous péchons tous les jours. Nul homme n'at- d'un pauvre homme, ou même celle d'un es-
teindrait sa vingtième année, si la patiente clave, parce que la gravité du péché ne se juge
bonté de Dieu était moins grande, s'il ne nous point par la différence des personnes, mais par
accordait pas le délai suffisant pour effacer la méchnnceté de celui qui le commet. Or, il en

nos péchés. Que chacun de nous donc examine est de même en la matière dont nous traitons.
avec une conscience droite tout ce qu'il a fait, Je trouve même plus adultère celui qui va à
qu'il passe en revue toute sa vie , et qu'il juge la première venue, que celui qui s'edresse à la
lui-même s'il n'a pas mérité mille châtiments reine. Car ici la richesse et la beauté, et beau-
et mille peines; et lorsqu'il se sentira porté à coup d'autres choses attirent; mais là rien de
s'indigner de ce qu'un beaucoup de tel qui fait semblable, de sorte que celui qui commet l'a-

mal n'en est pas jiuni sur-le-cliamp, qu'il songe dultère dans le premier cas est plus aduilcre
à ce qu'il a fait lui-même et il ne s'indignera que l'autre.
plus. Il y a de certaines injustices qui vous Autre exemple De même que le pire ivro-
:

paraissent grandes, parce qu'elles se commet- gne est celui qui s'enivre de mauvais vin, de
tent en des choses importantes et exposées aux même le pire ravisseur du bien d'autrui est
regards de tous; mais si vous examiniez bien celui qui ne dédaigne pas de prendre même
vos propres injustices vous arriveriez peut-
,
les plus petites choses. On
peut croire que
être à les trouver plus graves. Ravir le bien celui qui prend beaucoup, dédaignerait de
d'autrui est toujours la même chose, que prendre peu ; mais comment penser que celui
l'objet ravi soit de l'or ou de l'argent. C'est la qui prend peu s'abstiendrait de prendre beau-
même disposition, la même intention dans les coup ? Il est donc plus voleur que l'autre.
deux cas; et celui qui ravit peu n'hésitera pas Celui qui ne dédaigne pas l'argent, dédai-
à ravir beaucoup. S'il n'en trouve pas l'occa- gnera-t-il l'or ? Donc lorsque nous accusons
sion, cela ne dépend pas de lui, mais unique- nos pasteurs, faisons un retour sur nous-
ment du hasard des choses. Le pauvre qui en mêmes, et nous trouverons que nous sommes
lèse un plus pauvre que lui, n'hésiterait pas à plus voleurs et plus ravisseurs qu'eux, sinon
8'attaquer à un plus riche s'il le pouvait; s'il par le fait, du moins par l'intention or c'est :

ne le fait pas, cela dépend de sa faiblesse et par là qu'il faut juger de ces choses. Dites-
non de sa volonté. moi, si deux hommes étaient amenés devant
Un tel , gouverne et il prend le
dites -vous , les juges pour avoir volé, l'un le bien d'uii
bien de ceux qui sont soumis à son pouvoir. pauvre, l'autre celui d'un riche, ne seraient-
Et vous, dites-moi , ne prenez-vous rien ? Ne ils pas condamnés tous lesdeux à la même
me dites pas que celui-là ravit des talents peine? Et le meurtrier, pas également
n'est-il
d'or, et vous seulement des oboles. Souvenez- meurtrier soit qu'il ait tué un pauvre et un
vous (]u'ii estdit dans l'Evangile que les autres un homme riche et
estropié, soit qu'il ait tué
donnaient de l'or et que la veuve qui ne
, beau? Lors donc que nous dirous: Un tel s'est
366 TRADUCTFON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

emparé par fraude du champ d'un tel, son- que au lieu de nous indigner de
les autres,
geons à ce que nous faisons nous-mêmes et leur conduite, nous nous éloignerons nous-
nous ne condamnerons pas les autres, el nous mêmes des péchés et nous obtiendrons les
admirerons Dieu pour sa patience, et nous ne biens futurs en Jésus-Christ Notre- Soigneur,
nous indignerons pas de ce que le jugement à qui, en même temps qu'au Père et au Saint-
de Dieu ne fond pas sur eux aussitôt, et nous- Esprit, gloire, empire, honneur, maintenant d
mêmes nous serons moins prompts à faire le toujours, et dans les siècles des siècles. Ain i

mal. Nous voyant sujets aux mêmes péchés soit-il.

IIOMKLIE IV.

FOBTIFIEZ-VOUS DONC, MON FILS, PAR LA GRACE QL'I EST EN JÉSUS-CHRIST ET LES CHOSES QUE VOUS ;

AVEZ APPRISES DE MOI, AVEC DE NOMBREUX TÉMOINS, CONFIEZ-LES AUX HOMMES FIDÈLES QUI SE' ONT
CAPABLES d'en INSTRUIRE d'aUTRES. POUR VOUS, SOUFFREZ COMME UN BON SOLDAT DE JÉSUS-CilUlST.
CELUI QUI EST ENROLE DANS LA MILICE NE S'EMBARUASSE POINT DANS LES AFFAIHES SÉCULIKBES POUR
NE s'occuper qu'a PLAIRE A SON GÉNÉRAL. CELUI QUI COMBAT AUX JEUX, n'EST COURONNÉ QUE S'iL
COMBAT SUIVANT LA LOI. LE LABOUBEUR QUI TBAVAILLE DOIT LE PREMIER AVOIR PART A LA BÉCOLTE
DES FRUITS. COMPRENEZ BIEN CE QUE JE VOUS DIS, QUE LE SEIGNEUR VOUS DONNE L'iNTELLIGENCE EN
TOUTES CHOSES, (il, 1-7.)

Analyse.
^. Garder le dépôt précieux de la foi. — Comparaisons du soldat, de r»llilète, du laboureur.
2. La parole de Dieu n'csl pas enchaînée.
3 et 4. Sur la terre ne se trouvent ni la vraie gloire ni les vrais biens. — Parallèle de saint Paul avec Néron.

t. Une chose qui donne beaucoup de con- nécessairement croire qu'ils étnient inhérents
fiance dans la tempête à un disciple, c'est que à la nature des choses. D'yilleurs l'apôtre agis-
son maître ait fait naufrage et se soit sauvé du sait de la sorte et racontait ses souffrances
péril. Il comprendra désormais que les orages pour affermir son disciftle et relever son cou-
n'arrivent point par le fait de son ignorance, rage. Aussi après avoir raconté ses tribulations
mais par la nature même des choses, ce qui et ses épreuves, il conclut en disant: a Vous
est très-important pour savoir se conduiredans donc, mon fils, forlifiez-vous dans la grâce
ces rencontres. A la guerre, l'officier d'un rang « de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Que dites-
inférieur s'encourage aussi à la vue de son vous, saintapôtre?Vousnous avez fait trembler

général qui, après avoir été blessé, reprend ses de crainte, vous nous avez dit que vous étiez
forces avec le commandement. De même c'é- dans les fers et dans la tribulation, et que tous
tait une consolation pour les fidèles de voir se sont détournés de vous ; et comme si vous
l'apôtre souffrir tant de maux sans en être aviez dit au contraire que vous n'avez point
aucunement ébranlé; autrement il n'aurait souffert, que personne ne vous a délaissé,
pas ainsi raconté ses souffrances. Timothée, en vous concluez « Vous donc, mon fils, forti-
:

apprenant que celui qui avait tant de pouvoir fiez-vous » est-ce conséquent? Certaine-
;

et qui avait cominis le monde, était dans les ment, car ces épreuves de l'aiiôtre sont de na-
fers et dans la tribulalion, et qu'il ne s'aigris- ture à fortifier son disciple plus encore que
sait ni ne s'indignait point même lorsque les l'ajjôtre même. Si je souffre ces choses, pour-
siens l'abandonnaient, Timothée aurait beau rait dire saintPaul, à [dus forte raison devez-
souffrir lui-même des maux sembl.ibles, il ne vous les souffrir. Le maître les souffre, et le
pourrait plus les attribuer à la faiblesse hu- disciple en serait exempt ? Et cet encoura-
maine ni à son propre élat de disciple, et à gement, il le lui donne avec beaucoup de ten-
son infériorité a l'ég.rd de saint Paul; puisque dresse, en l'appelant fils et même omon fils».

6oa maître y était lui-même sujet, il devait Si vous êtes mon fils, imitez donc votre père j
COMMENTAIRE SUR LA II« ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE IV. i&i

sî vous êtes mon fils, laissez-vous fortifier par a Celui qui est enrôlé dans la milice, ne

mes paroles, ou plutôt non pas tant par mes et s'embarrasse pointdans les affaires séculières
paroles que par la grâce de Dieu, a Fortifiez- a pour ne s'occuper qu'à plaire à son général.
vous dans la grâce qui est en Notre-Seigneur « Celui qui combat auxjeux n'est couronné que
Jésus-Christ » ; c'est-à-dire par la grâce de s'il a combattu suivant la loi ». Qu'est-ce à

Notre -Seigneur Jésus-Christ. C'est-à-dire en- dire: a S'il n'a combattu suivant la loi? » Ce
core, tenez ferme, vous savez quel combat vous n'est pas assez d'entrer dans l'arène, de se
êtes destiné à soutenir. Lorsqu'il dit ailleurs : frotter d'huile, d'en venir aux mains, il faut
Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le encore garder toute la loi des athlètes, le ré-
sang» (Ephés. VI, 42), il ne parle pas de la sorte gime alimentaire, tempérance et la conti-
la
pour abattre, mais pour relever le courage des nence, le règlement de la palestre, il faut en
fidèles. Donc, soyez sobre, veut-il dire, veillez, un mot observer tout ce qui est recommandé
ayez la grâce du Seigneur pour auxiliaire dans aux athlètes; la couronne est à ce prix. Et
vos combats; avec beaucoup de zèle et de voyez la sagesse de saint Paul. Il a parlé d'ath-
bonne volonté faites ce qui dépend de vous. lètes et de soldats pour faire songer d'une part
Et ce que vous avez appris de moi avec de à la mort violente et au sang versé dans les
a nombreux témoins, confiez-le à des hommes persécutions, et d'autre part pour montrer la
fidèles ». — o Fidèles » et non pas question- nécessité d'être fort, de tout supporter avec
neurs et raisonneurs. Qu'est-ce à dire encore courage et de ne jamais cesser de s'exercer.
ceux qui ne trahi-
a fidèles? » C'est-à-dire à « Le laboureur qui travaille doit le premier
ront pas la prédication, a Ce que vous avez « avoir part à la récolte des fruits ». II avait
appris, entendu, et non ce que vous avez cité l'exemple du Seigneur, le sien propre
«trouvé par vos propres recherches». — maintenant comparaisons de l'ordre
il tire ses
;

a Car la foi vient par l'audition, et l'audition commun, des athlètes, des soldats; il indique
«par la parole de Dieu». (Rom. x, 17.) pour récompense au soldat de plaire à son gé-
Qu'est-ce à dire, avec de nombreux témoins? néral, à l'athlète, d'être couronné. Voici en-
C'est comme s'il disait : Ces enseignements, core un troisième exemple qui lui convient à
vous ne les avez pas reçus secrètement ni en lui surtout. Celuidu soldat et celui de l'athlète
cachette, mais en présence de beaucoup de convenaient aux simples tîdèles, mais celui du
monde et par une fianche prédication.
Il ne laboureur convient particulièrement au doc-
ditpas : mais « confiez-le » comme un
dites-le, teur. Ne soyez pas seulement tel que le soldat,
trésor que l'on ne confie et dépose qu'avec tel que l'athlète, mais encore tel que le labou-
soin. Voilà encore de quoi inspirer des crain- reur. Le laboureur n'a pas soin seulement de
tes àTimolhée. Ce n'est pas à des fidèles seu- lui-même, mais encore des fruits de la terre.
lement qu'il recommande de confier l'ensei- Aussi reçoit-il une large récompense.
gnement. Que servirait en effet d'être fidèle Par cet exemple tiré de la vie commune;
2.
si l'on ne pouvait transmettre la foi à d'autres, ilmontre la souveraine indépendance de Dieu
si, content de ne pas trahir la foi, on ne savait qui ne manque de rien, et la distribution libé-
pas faire d'autres fidèles. II faut donc deux rale de l'enseignement qu'il fait porter à tous.
conditions pour former un docteur: qu'il soit De même, veut-il dire, que le laboureur ne tra-
fidèle et capable d'enseigner. Voilà pourquoi pour rien, mais qu'il jouit avant tous
vaille pas
saint Paul ajoute : «Qui seront capables d'en les autres de la peine qu'il a prise, ainsi doit-il ea
a instruire d'autres ». être du docteur. Tel est le sens, à moins qu'il ne
« Pour vous, souffrez comme un bon soldat veuille parler de l'honneur que l'on doit au doc-
a de Jésus-Christ ». Quelle grande dignité que teur, mais cela n'est pas probable, car alors
celle de soldat de Jésus-Christ 1 Considérez les pourquoi n'a-t-il pas mis simplement le labou- :

rois de la terre, et voyez quelle estime font reur, mais le laboureur qui travaille, qui fati-
d'eux-mêmes ceux qui les servent. II est d'un gue? Il parle aussi de la sorte afin de prévenir
du grand Roi de souffrir qui ne souf-
soldat ;
l'impatience que pourrait causer le retard de
fre pas n'est point soldat. Donc, pas d'impa- 1 récompense, comme s'il disait Vous recel- :

tience si vous souffrez, un soldat doit souffrir iez déjà, et la récompense est déjà dans le tra-
sans se plaindre, il devrait même se plaindre vail lui-même. Après ces exemples du soldat,
de ne pas souffrir. de l'athlète, du laboureur, après ces parolea

368 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

énigmaliqiies : o Personue n'est couronné, s'il ne peut nous vaincre. Les mains sont cncliaî-
n'a légiliinenient combattu », et : « Le la- nées, mais la langue ne l'est pas. Rien ne peut

« bourour qui travaille doit le premier avoir lier la langue, excepté la timidité et le man-
part à la récolte des fruits »; il ajoute laCom- que de Tant que nous ne serons ni lâches
foi.

prenez ce que je dis. Que le Seigneur vous


« ni chancelants dans la foi, liez tant qu'il vous
donne l'intelligence en toutes choses». Celte plaira nos mains, la prédication restera libre.
forme sentenlieuse est amenée par les précé- Par exemple, si vous liez un laboureur, vous
dents exemples. Ensuite il témoigne sa ten- empêchez la semence, car c'est avec la main
dresse à Timothée en ne cessant pas de faire qu'il sème. Mais quand même vous lieriez le
des souhaits en sa faveur, comme s'il craignait docteur, vous n'arrêteriez ]ias la parole qui se
(lour son cher flls; il dit donc : « Souvenez- sème non avec la main, mais avec la langue.
« vous que Jésus-Christ est ressuscité, qu il est Notre parole n'est donc pas susceptible d'être
«delà race de David, selon mon Evangile, assujétie aux liens. Pendant que nous sommes
« pour lequel je souffre jusqu'aux fers, comme enchaînés, elle court librement. Vous en avez
« un scélérat ». la preuve puisqu'en ce moment nous prêchons,
Pourquoi rappelle-t-il ici ces choses? C'est bien qu'enchaîné. C'est là un encouragement
en même temps et pour lancer un trait aux pour ceux qui sont libres. Si nous prêchons
hérétiques, et pour raffermir Timothée, et pour tout enchaîné combien plus devez-vous le
,

montrer l'avantage des souffrances, puisque faire, vous qui êtes libres. Vous m'entendez
notre maître, le Christ, a vaincu la mort par la dire que je souffre comme un malfaiteur,
souffrance. Souvenez-vous de cela, dit-il, et n'en soyez pas abattu. N'est-ce pas merveil-
vous aurez une consolalion suffisante. « Sou- leux qu'un homme enchaîné fasse l'œuvre
« venez-vous que Jésus-Christ est ressuscité d'un homme libre, que tout lié qu'il est, il

des morts, qu'il est de la race de David ». triomphe de tout, que tout lié
qu'il est, il vain-
Quelques-uns avaient déjà commencé à rejeter que ceux qui l'ont lié? C'est qu'il s'agit de la
l'Incarnation, parce qu'elle suppose en Dieu parole de Dieu, non de la nôlre; or des liens
une grandeur de bonté qui les confondait. Tels liumains ne sauraient entraver la parole de
étaient les bienfaits de Dieu envers nous, que Dieu.
ces hommes n'osaient les attribuer à Dieu, ni pourquoi j'endure tout pour les élus,
« C'est

croire qu'il se fùl si fort abaissé pour nous. acquièrent au*«i le salut qui est
« afin qu'ils

Scion mon Evangile ». Il s'exprime souvent «en Jésus-Christ avec la gloire éternelle ».
de la sorte dans ses épîtres a Selon mon : Voici encore une autre exhortation. Ce n'est
a Evangile », soit pour faire entendre qu'il pas pour moi, dit l'apôlre, mais pour le salut
fallait lui obéir, soit parce que d'autres prê- des autres que je souffre ces choses. Je pour-
chaient autre chose. — o Pour lequel je souffre rais vivre exempt de danger, je pourrais me
ojustju'aux fers, comme un scélérat». Voici délivrer de tous ces maux, si je ne considérais
que de nouveau il tire de sa propre personne que ma personne. Mais pourquoi enduré-je ces
une consolalion et un encouragement. Le dis- maux? pour le bien des autres, pour que d'au-
ciple apprend par là que son maître a souffert tres acquièrent la vie éternelle. Que promet-
et qu'il n'a pas souffert inutilement, deux tez-vous ? 11 n'a pas dit : Je souffre pour les
choses propres à lui donner du courage pour hommes quels qu'ils soient, mais a pour les
la lutte. gagnera à faire de même, comme
Il « élus ». Si Dieu lui-même les a choisis, il

il perdra à faire autrement. Que servirait-il convient que nous souffrions tout pour eux,
de montrer les souffrances endurées par le a afin qu'eux aussi acciuièrent le salut ». Dire
maître, si elles n'étaient d'aucune utilité? L'im- eux aussi », c'est donner à entendre comme
portant c'est qu'elles aient été supportées uti- nous-mêmes. En effet. Dieu nous a aussi choi-
lement et dans l'intérêl des disciples. sis. Et de même que Dieu a soufferl pour nous,
a Mais la parole de Dieu n'est point enchaî- de même nous souffrons pour eux c'est donc :

« née 0. C'est-à-dire, si nous étions des soldats une dette que nous payons et non une grâce
de ce monde, si la guerre que nous faisons que nous faisons. De la part de Dieu c'était
étaitune guerre sensible, ces fers qui lient une grâce, puisque ses propres bienfaits n'a-
nos mains pourraient quelque cliose mais : vaient pas été précédés de bienfaits (ju'il eût
Pieu noue a faits de telle sorte que personne reçus. Mais de notre part ce n'est qu'une ré»
COMMENTAIRE SUR LA 11= ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE IV. 3C9

tribulion. C'est parce que nous avons reçu de dessus de toutes les idoles des païens, au-dessus
Dieu des bienfaits, qu'à notre tour nous souf- du vrai Dieu lui-même, et se faisait honorer
frons pour ses élus afin qu'ils acquièrent le comme un dieu. Quoi de plus grand qu'une
salut.Que dites-vous? de quel salut voulez- telle gloire? Ou plutôt, (juoi de pire qu'une
vous parler? vous qui ne vous êtes pas sauvé telle infamie? Je ne sais comment, par l'effet

par vous-même, mais qui étiez perdu si un de la vérité, ma bouche a devancé ma pensée
autre ne vous eût sauvé, vous seriez l'auteur et prononcé la sentence avant le jugement.
du salut de quelqu'un? C'est pour prévenir Mais continuons d'examiner la question au
cette objection qu'il ajoute : « Du salut qui point de vue de la multitude, et selon les idées
«esten Jésus-Christ, avec la gloire éternelle». des païens et des flatteurs. Quoi de plus grand,
Le présent est dur, mais il ne va pas plus loin sous le rapport de la gloire, que d'être regardé
que la terre; le présent est misérable, mais il comme un dieu ? C'est en réalité une grande
est passager; il est plein d'amertume, mais il infamie qu'un homme ait une si folle préten-
ne dure que jusqu'à demain. tion; mais nous continuons d'examiner la
3. Tels ne sont pas les vrais biens; ils sont question selon les idées du grand nombre.
éternels, ils sont dans le ciel. C'est là qu'est la Rien ne lui manquait donc de ce qui fait la
vraie gloire, celle de ce monde n'est qu'un gloire humaine il était honoré comme un
:

opprobre. Pénétrez-vous de cette vérité , mon dieu.


cher auditeur, il n'y a pas de gloire sur la Mais mettons en face de lui saint Paul, si
dans les cieux.
terre, la gloire véritable habite vous voulez bien. C'était un homme de Cilicie ;
Voulez-vous être glorifié exposez-vous aux , or, tout le monde sait la différence qu'il y a
outrages; voulez-vous jouir du bonheur de entre Rome Il était ouvrier en
et la Cilicie.
la liberté, soyez écrasé par l'oppression. Vou- cuir, pauvre, peu instruit de la science pro-
lez-vous nager dans la gloire et les délices, fane, ne sachant que l'hébreu, langue mépri-
répudiez tout ce qui est du temps. Oui, l'op- sée de tous, surtout des Italiens. Ils ont, en
probre est une gloire, et la gloire un oppro- effet, moins de mépris pour la langue des

bre mettons cette vérité dans tout son jour,


;
barbares, pour celle des Grecs, pour aucune
afin que nous voyions la face de la vraie gloire. autre que pour celle des Syriens qui ressem-
Il n'est pas donné à l'homme de trouver la ble beaucoup à l'hébreu. Il ne faut pas s'éton-
gloire sur la terre vous voulez la rencon-
; si ner s'ils méprisaient l'hébreu , puisqu'ils
trer, c'est par l'opprobre que vous devrez pas- méprisent même la langue grecque, si belle,
ser. Examinons cette question en considérant si admirable. C'était un homme qui connais-

deux hommes, l'empereur Néron et l'apôtre sait la faim et la soif, qui allait plus d'une fois
saint Paul. Celui-là avait la gloire du monde dormir sans être rassasié, un homme qui avait
en partage; celui-ci l'opprobre; celui-là était à peine de quoi se vêtir. « Dans le froid et la
empereur, il avait fait beaucoup d'exploits et nudité », lui-même. (Il Cor. xi, 27.) Ce
dit-il

dressé de nombreux trophées. Il était inondé n'est pas tout, il était dans les fers, il y était
de richesses des armées innombrables et la
; avec des brigands, des imposteurs, des viola-
plus grande partie de la terre recevaient ses teurs de tombeaux, des meurtriers, il y avait
ordres. La capitale du monde était à ses pieds; été mis par l'ordre de Néron et battu de verges
tout le sénat s'inclinait devant lui rien n'é- ; comme un vil malfaiteur c'est saint Paul lui-
;

galait la splendeur de ses palais. A la guerre, même qui le dit. Quel est cependant le plus
il portait des armes d'or et de pierres pré- illustre des deux? N'est-il pas vrai que la mul-
cieuses; en temps de paix, il trônait sous la titude a oublié jusqu'au nom de l'empereur,
pourpre. Il avait beaucoup de gardes et de dory- tandis que Grecs, Barbares et Scythes, que les

phores. Il portail les noms de maître de la terre peuples les plus éloignés célèbrent chaque
etde la mer, d'empereur, d'Auguste, de César, jour le nom de l'apôtre? Mais ne considérons
de prince et de beaucoup d'autres, inventés pas encore ce qui a lieu maintenant, et voyons
par l'adulation et la flatterie. Rien enfin ne lui les choses telles qu'elles étaient alors. Encore
manquait de ce qui gloire de ce monde.
fait la un coup, quel était le plus illustre, quel était le
Les siges, les potentats et les rois tremblaient plus glorieux de ces deux hommes, celui qui
devant lui. On savait qu'il était féroce et sans enfermé dans une chaîne de fer,
avait le corp.»
pudeur. Il voulait être dieu ; il se mettait au- celui que l'on traînait hors de sa prison avec

S. J, fiT. - Tome XI. S4


m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

la chaîne qui le liait, ou celui qui était vêtu du char d'or de l'empereur pour s'arrêter sur
de pourpre, et qui s'avançait avec pompe hors lui, et c'était naturel. Car c'était une chose
de son palais? Je réponds sans hésiter que ordinaire de voir l'empereur conduit par un
c'est le captif. Pourquoi? C'est que le prince, attelage blanc mais ce qui était nouveau et
;

avec toutes ses armées, avec tout son luxe, ne étrange, c'était de voir un prisonnier parler à
pouvait faire ce qu'il voulait, et que le captif, remi>ereur avec autant de hardiesse et de
sous ses simples et pauvres vêtements, exer- liberté que l'empereur en mettrait à parler à
çaitune plus grande autorité que lui. Com- un vil et misérable esclave. Une foule nom-
ment et de quelle manière? Celui-là disait : breuse était présente ,
toute composée des
Ne répands pas la semence de la paille évan- esclaves de Néron. Ils admiraient, non leur
gélique. Celui-ci répondait : Je ne puis ne prince, mais son vainqueur. Celui que tous
pas répandre, car la parole de Dieu n'est
la ensemble redoutaient, saint Paul seul le foulait
point liée. Et le Cilicien, le captif, le faiseur aux pieds. Voyez quelle splendeur dans les fers.
de tentes, le pauvre, l'homme exposé à souf- Que dirons -nous encore? Le tombeau du
frir la faim, méprisait le Romain, le riche, le prince n'est pas même connu; et l'apôtre,
prince, le maître du monde, celui de qui effaçant en éclat tous les empereurs, repose
dépendaient tant de vies, et ses nombreuses dans la ville capitale du monde, là où il a
armées ne lui servaient de rien. Lequel des remporté la victoire et dressé son trophée. On
deux était illustre et glorieux? Celui qui était ne parle de celui-là que pour le mépriser,
vaincu sous la pourpre, ou celui qui vainquait même parmi les païens, car c'était un impie;
dans les fers? Celui qui se tenait en bas et qui la mémoire de celui-ci est partout accompa-

lançait des traits, ou celui qui, assis en haut, gnée de bénédictions, même chez nos enne-
était en butte aux coups? Celui qui donnait mis. Lorsque la vérité brille, les ennemis
des ordres qui étaient méprisés, ou celui qui mêmes n'ont pas l'impudence de la repousser.
ne tenait pas compte des ordres qu'il rece- S'ils n'admirent pas la foi de saint Paul, ils

vait? Celui qui était vaincu au milieu d'ar- admirent sa franchise et sa hardiesse. Celui-ci
mées innombrables, ou celui qui était vain- vole tous les jours de bouche en bouche, cou-
queur, quoique seul et sans secours humain? ronné d'une renommée glorieuse celui-là ne ;

L'empereur donc céda la victoire au captif. reçoit partout qu'injures et mépris. De quel
Dites-moi donc lequel des deux partis vous côté donc se trouve la gloire ?
embrasseriez? Il ne s'agit pas encore de la vie Mais, à mon insu je n'ai loué du lion que
,

future; nous ne considérons i)as encore la son ongle, au lieu de dire le plus important.
question à ce point de vue. De quel i)arti vou- Quel est le plus im|)ortant? Le bonheur du
dricz-vous avoir été, de celui de saint Paul, ou ciel la splendeur dont Paul sera revêtu lors-
;

de celui de Néron? Je ne dis pas au point de qu'il viendra avec le Roi des cieux, et d'un
vue de la foi, ce serait trop éviilcnl, mais à autre côté l'abaissement de Néron , son état
celui de la gloire, de l'honneur, de l'éclat. misérable. Si je vous semble dire des choses
Tout cœur généreux préférera le parti de saint incroyables et ridicules, vous vous rendez ri-
Paul, parce qu'il est plus beau de vaincre ijue dicules vous-mêmes, vous qui riez de choses
d'être vaincu. Et encore cette victoire est moins nullement risibles. Si vous ne croyez pas à la
étonnante par elle-même que par les circons- vie à venir, croyez-y du moins par la considé-
tances et par ra|)pareil du vainqueur et du ration des choses passées. Le temps des cou-
vaincu. Car je veux le redire, et je ne me las- ronnes n'est pas encore venu, et cependant
serai pas de le répéter L'homme enchaîné
: voyez l'honneur dont jouit déjà le vaillant
terrassa l'homme couronné. athlète du Christ ; de quel honneur donc
4. Telle est la vertu du Christ
une chaîne : jouira-t-il lorsque viendra l'Agonothèle avec
de fer triomi)hail decouronne impériale;
la toutes ses couronnes. S'il est ainsi admiré, lui
un captif, d'un César. Paul, comme un prison- étranger parmi des étrangers, quel sera donc
nier, ne portait que des haillons et ces hail-; son bonheur quand il sera parmi les siens?
lons, avec les fers du prisonnier, attiraient Maintenant notre vie est cachée avec Jésus-
plus les regards que la pour[»re. 11 était par « Christ en Dieu » (Colos. ni, 3), et cependant
terre et le Iront dans la poussière et néan- , l'apôtre, quoique mort, est plus puissant que
moins les yeux des hommes se détournaient les vivants, plus honoré. Lors donc que Iq
COMMENTAIRE SUR LA IV EPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE V. 3tl

grand jour de la vie sera venu , de quelle où ne monto!a-t-il point dans le séjour de la
abondance de vie et de bonheur ne jouira-t-il gloire? Peut-on éviter de voir les faits? Qui
pas ? C'est pour cela que Dieu le fait jouir de ne serait ému de voir un faiseur de tentes
tant d'honneurs qu'il ne demandait pas. S'il a environné de plus d'honneurs que les plus
méprisé la gloire du monde lorsqu'il était grands monarques de la terre ? Si dès ici-bas
dans son corps, combien plus doit-il la mépri- nous voyons des choses qui surpassent la na-
ser maintenant qu'il en est délivré? Dieu l'a ture, pourquoi n'en serait-il pas de même dans
encore comblé de toute cette gloire afin que l'avenir? Crois donc le présent, ô homme, si
ceux qui n'ont pas foi dans l'avenir se laissent tu ne veux pas croire l'avenir crois les cho- ;

du moins conduire par le spectacle du pré- ses visibles , si tu refuses de croire les invisi-
sent. Je dis que saint Paul viendra avec le Roi bles. Ajoute foi à ce que tu vois, et de la sorte
des cieux au jour de la résurrection et qu'il , tu ajouteras foi à ce que tu ne vois pas encore.
jouira de tous les biens de la vie glorieuse. Situ dans ton incrédulité, ce sera
t'obstines
Mais l'incrédule refuse de me croire alors , le cas de mot de l'apôtre a Nous
te dire le :

j'attire son attention sur le présent pour for- « sommes purs du sang de vous tous ». (Act.

cer sa croyance. XX, 26.) Nous avons rendu témoignage de


Le faiseur de tentes est plus glorieux, plus toute manière nous n'avons rien omis de ce
,

honoré que l'empereur. Jamais souverain de que nous devions dire, et vous ne pourrez
Rome n'a joui d'autant d'honneurs que l'ou- imputer qu'à vous-mêmes le supplice de l'en-
vrier en cuirs. L'empereur Néron gît dans fer qui vous attend.
quelque lieu ignoré où il a été jeté au hasard, Pour nous, mes chers enfants, imitons saint
et l'apôtre Paul occupe le centre de Rome, il Paul, non-seulement dans sa foi , mais encore
en est le maître et le roi. En voyant cela, dans sa vie. Pour obtenir la gloire du ciel,
croyez donc aussi à l'avenir. S'il reçoit main- foulons aux pieds la gloire de ce monde.
tenant tant d'honneurs là même où il fut mal- Qu'aucune des choses présentes ne nous atta-
traité, persécuté, que sera-ce lorsqu'il viendra che. Méprisons les biens visibles pour obtenir
avec Jésus-Christ? S'il a acquis tant de gloire, les invisibles ; ou plutôt obtenons-les tous en
quoiqu'il ne fût qu'un simple faiseur de ten- acquérant ces derniers, auxquels principale-
tes, que sera-ce quand il viendra revêtu de ment nous devons tendre. Puissions-nous tous
toutes les splendeurs célestes? S'il est parvenu en être jugés dignes. Ainsi soit-il.
à tant de grandeur, parti de tant de bassesse,

HOMELIE V.
c'est CNE vérité TRÉS-ASSTOÉE que, si nous mourons avec JÉSUS-CHRIST, NOUS VIVRONS AUSSI AVEC
LUI. SI NOUS SOUFFRONS AVEC LUI, NOUS RÉGNERONS AUSSI AVEC LUI. SI NOUS LE RLNONf.ONS^ IL

NOUS RENONCERA AUSSI. SI NOUS RESTONS INCRÉDULES, IL n'EN DEMEURE PAS MOINS FIDÈLE, CAR IL
NE PEUT SE RENIER LUI-MÊME. DONNEZ CES AVERTISSEMENTS ET PBENEZ-tN LE SEIGNEUR A TÉMOIN.
NE VOUS LIVREZ PAS A DE VAINES DISPUTES DE PAROLES, QUI NE SONT BONNES A RIEN QU'A PERVERTIR
CEUX QUI LES ÉCOUTENT, (il, H-14.)

Analyse.
1. Souffriravec Jésus-Christ pour régner avec lui.
2. Conserver l'enseignement évangélique dans toute sa pureté ; n'y souffrir aucune nouveauté profane.
3. Quels sont les caractères qui distinguent les hommes fermement attachés à la foi.
4. Une mauvaise conscience ne connaît pas de repos. — Il n'est personne qui ne redoute le jugement. — Dien punit quelque»
fois les méchants dès cette vie.

d.Rpaucoup de personnes faibles succom- chent au présent et en tirent des conjectures


bent FOUS le fardeau de la foi , et ne peuvent pour l'avenir. Or, à cette époque, le présent,
attendre le délai de l'espérance. Ils s'atta- c'était la mort, c'étaient les supplices, c'était
,

'Âli TRADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

la prison. Ces apparences n'étaient pas faites longue patience, vertu qui était surtout néces-
pour donner de la confiance, et en promettant saire à "Timothée. Commencer n'est rien si l'on
une vie éternelle , l'apôtre pouvait rencontrer ne persévère. Ensuite il a recours à un autre
des incrédules : Quoi! pouvait-on lui dire, inotif; après avoir exhorté parla considération
est-il bien vrai que je meure alors que je vis, des biens, il exhorte par la considération des
et que je vive alors que je meurs ? Vous ne maux. Si les pécheurs devaient avoir part aux
promettez rien pour la terre, et vous donnez mêmes biens, ce ne serait plus une consola-
tout dans le ciel ? Vous ne pouvez pas même tion. De ceux qui souffrent avec Jésus-
plus, si

donner peu, vous promettez beaucoup?...


et Christ devaient à la vérité régner avec lui
, ,

Il prévient ces pensées par une affirmation mais que ceux qui ne souffrent pas avec lui
nette et précise appuyée sur des preuves
, en fussent quilles pour ne pas régner avec
données d'avance (par exemple il a dit : lui, ce serait bien une peine grave, mais dont

Souvenez-vous que le Chiist est ressuscité la mullilude ne serait pas très-vivement tou-

«des morts», c'est-à-dire, que sa mort a été chée. C'est pourquoi l'apôtre les menace de
suivie de sa résurrection) maintenant encore : quelque chose de plus terrible « Si nous le :

il affirme la même chose en disant : « C'est «renonçons», dit-il, a il nous renoncera».


une vérité très-assurée que celui qui ob- La rétribution se fera donc non-seulement
« tiendra la vie céleste, obtiendra aussi la vie par les biens mais aussi par les maux. Que
,

éternelle ». Qu'est-ce qui le prouve? « C'est devra donc souffrir celui que le Fils de Dieu
aque si nous mourons avec Josus-Christ, nous reniera dans son royaume? Songez-y. « Celui
vivrons aussi avec lui ». Se peut-il que parta- « qui m'aura renié, je le renierai moi aussi ».
geant ses douleurs et ses travaux, nous ne (Matth. X, 33.) Entre ces deux reniements,
partagions pas son bonheur? Mais un homme l'égalité n'est qu'apparente ; nous ne sommes
même ne le ferait pas. Comment quelqu'un ! que des hommes, et lui est Dieu; c'est tout
await volontairement été au supplice avec dire.
lui à la mort avec lui
, , et lorsque seraient 2. Tout le mal que nous faisons retombe
venus des jours meilleurs, pour il le renierait sur nous, non sur lui que rien ne peut attein-
«on compagnon ? C'est impossible. Où donc — dre. C'est ce que l'apôtre indique par ces
sommes -nous morts avec Jésus -Christ? La mots: «Si nous restons incrédules, il n'en
worl dont saint Paul parle ici est la mort par demeure pas moins fidèle car il ne peut se ,

ic baptême et par les souffrances. En effet, il « renier lui-même », c'est-à-dire, nous avons
dit ailleurs a Portant en tout lieu dans notre
: beau ne pas croire en sa résurrection , il n'en
« corps la mortification du Seigneur » (Il Cor. est aucunement lésé. Il est la vérité même, il

IV, iO); et encore : «Ensevelis avec lui par le est infaillible, quoi que nous puissions dire
t baptême »; et : o Notre vieil homme a été ou ne pas dire. Puisque notre dénégation ne
a crucifié avec lui »; et enfin : nous avons
« Si lui faitaucun tort, s'il demande notre confes-
a été entés en lui par la ressemblance de sa sion, c'est donc uniquement dans notre inté-
a mort, nous y serons aussi entés par la res- rêt. Pour lui il demeure le même, quelque
semblance de sa résurrection ». (Hom. vi, chose que nous puissions confesser ou nier,
4,6.) a Pour lui, il ne peut se renier », c'est-à-dire,
Mais dans lepassage qui nous occupe c'est , il ne peut pas ne pas être. Nous, nous disons

surtout de la mort parles souffrances qu'il en- qu'il n'est pas ,


j)arlant contre la vérité. Il n'a
tend parler, parce qu'il était dans les é|)reuves pas une nature à cesser d'être, il ne le peut

lorsqu'il écrivait ces choses. Voici le sens de pas ne peut pas être réduit à n'être plus,
; il

ses paroles Si nous mourons par lui, ne res-


: 11 demeure à jamais, sa substance est éter-
susciterons-nous pas par lui? Cela est incon- nelle. N'ayons donc pas d'illusion et ne
testable. — « Si nous souffrons avec lui, nous croyons jjas que nous puissions ni lui procu-
,

« régnerons aussi avec lui ». 11 n'a pas dit ab- rer quelque avantage, ni lui nuire. Ensuite
solument Nous régnerons avec lui », mais
:
pour qu'on ne croie pas que Timothée ait
conditionnellement a Si nous souffrons avec : besoin de ces instructions pour lui-même,
lui », indiquant :;nsi que ce n'est pas assez ajiôtre ajoute « Donnez ces avertissements
_ :
,

de mourir une tois {^ bienheureux apôtre « et prenez-en le Sejgneur à témoin. Ne vous


mourait tous le» r:>ui^), mais qu'il faut une « livrez pas à de vaines disputes de paroles
,

COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE Y: 373

« qui ne sont bonnes à rien qu'à pervertir propres idées. Le mot dont il se sert signifie '

a ceux qui les Prendre le Seigneur


écoutent ». trancher selon la droiture. C'est comme si
à témoin, c'est grave. Si le témoignage môme l'apôtre disait : Retranchez ce qu'il y a d'é-
d'un homme n'est pas à mépriser, que sera-ce tranger, coupez-le ,rejetez-le avec beaucoup
de celui de Dieu? Par exemple, quelqu'un ap- de vigueur. Comme
l'ouvrier qui taille une
pelle des témoins dignes de foi pour assister lanière prenez le glaive du Saint-Esprit , et
,

à un contrat ou bien à un testament, est-ce retranchez de toutes parts tout ce qu'il y a de


que nul d'entre eux voudra trahir le secret trop , tout ce qu'il y a d'étranger dans la pré-
qu'on lui a confié? Non; il le voudrait, que dication.
la discrétion à laquelle est obligé un témoin « Evitez les profanes nouveautés de paroles » ;
le retiendrait. Qu'est-ce à dire, « Prenante L'erreur ne sait pas s'arrêter. Dès qu'une nou-
témoin? » Il appelle Dieu pour être témoin veauté s'est introduite, elle en provoque tou-
de ce qu'il dira, de ce qu'il fera. — « Ne vous jours de nouvelles. Oîi voulez-vous que s'ar-
a livrez pas à des disputes de paroles qui ne rête l'égarement des esprits une fois sortis du
a sont bonnes à rien», il ajoute même «à port de l'immuable vérité ? — « Car elles pro-
a rien qu'à pervertir ceux qui les écoutent ». « fitent beaucoup à l'impiété : et leurs dis-
Aucun proflt et de grands dommages , voilà « comme la gangrène, gagnent de pro-
cours,
ce qui résulte de ces disputes. Donnez donc « che en proche » C'est un mal que rien ne .

ces avertissements et Dieu jugera ceux qui les peut contenir dans ses limites, qui avance tou-
mépriseront. Pourquoi donc ce conseil de ne jours , et qui finit par tout perdre. L'apôtre
pas disputer? Il connaissait le penchant de la montre donc la nouveauté comme une mala-
nature humaine pour les contestations et les die et quelque chose de pire. Il montre aussi
,

discussions. Pour s'y opposer, il ne se con- que ces esprits sont d'autant plus incorrigi-
tente pas de dire Ne disputez pas il ajoute,
:
; bles que leurs erreurs sont volontaires.
pour que sa défense soit plus terrible « Pour : « De ce nombre sont Hyménée et Philète
« la perversion de ceux qui écoutent b. « qui se sont écartés de la vérité, disant que
a Ayez soin de vous présenter devant Dieu «la résurrection est déjà arrivée, et qui ont
« comme un ministre digne de son approba- «renversé la foi de quelques-uns ». II dit
tion, comme un ouvrier qui ne rougit point, très-justement :« Ils profiteront beaucoup à
« et qui saitbien dispenser la parole de vé- a l'impiété ». Il semble d'abord que ce soit là
o rite B. Ne pas rougir est un commandement le seul mal , mais voyez combien d'autres en
qui revient souvent, pourquoi cette insistance naissent. Si la résurrection est déjà arrivée
de saint Paul à parler de la honte? C'est parce nous voilà premièrement privés de cette
y en avait plusieurs qui vraisemblable-
qu'il grande gloire qui doit en être la consé-
ment rougissaient de saint Paul lui-même, quence, mais ensuite que devient le juge-
qui n'était qu'un faiseur de tentes, et de l'E- ment, que devient la rétribution? Voilà les
vangile , en voyant périr ceux qui le prê- bons frustrés du prix de leurs afflictions et de
chaient. Le Christ était mort en croix, saint leurs douleurs voilà les méchants restés sans
;

Paul allait être décapité, saint Pierre, crucifié punition et ceux qui vivent au sein des plai-
,

la tête en bas ; et c'étaient les plus méprisa- sirs ont bien raison. Il vaudrait mieux dire

bles et les plus insolents des hommes qui les qu'il n'y a pas de résurrection que de préten-
traitaient de la sorte. Le pouvoir étaitdans les dre qu'elle a déjà eu lieu. — a Et ils renver-
mains de ces hommes, voilà la raison de ce « sent », dit-il, a la foi de quelques-uns ».

commandement « Ne rougissez pas : », c'est-à- Non de tous, mais de quelques-uns. « S'il n'y
dire, n'ayez pas honte de faire tout ce qu'exige « a pas de résurrection, la foi ne se soutient

la religion ,
quand même il faudrait pour cela « plus. S'il n'y a pas de résurrection, notre
s'exposer à l'esclavage et à tous les supplices. « prédication est vaine », et le Christ n'est pas
Comment mérite-t-on l'approbation ? En tra- ressuscité. (1 Cor. xv, 14.) S'il n'est pas res-
vaillant sans rougir à propager l'Evangile , en suscité, né non plus, ni il n'est pas
il n'est pas
endurant tout pour cela. « Dispensant en droi- monté au ciel. Voyez-vous que de ruines, bien
a ture la parole de la vérité ». Ceci n'est pas qu'en apparence on ne s'attaque qu'au dogme
hors de propos il y en a beaucoup qui la dé-
; de la Résurrection? Mais ne reste- t-ilj'ien à —
naturent et qui la faussent, en y mêlant leurs * *OfiOl3TO/J.oijVTa,
â74 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

faire pour ceux qui ont dévié de I3 foi ? Ecou- tes les âmes ; et ce qu'il y a de plus fâcheux,'
tez : Mais le fondement de Dieu reste ferme
« c'est qu'il se fait obéir non par la contrainte
ayant pour sceau cette parole Le Seigneur : et la force, mais par la persuasion et la dou-
a connaît ceux qui sont à lui »; et « Que qui- : ceur ; on de l'esclavage dans lequel
lui sait gré
« conque invoque le nom de Jésus -Christ, il réduit. C'est réellement là ce qu'il y a de

o s'éloigne de l'iniquité ». plus fâcheux, parce que s'il retenait par la vio-
3. Cela veut dire que même avant d'être lence et non par l'amour, on échapperait vite
renversés ils n'étaient pas fermes ; autrement à son étreinte. D'où vient qu'on trouve douce
ils n'auraient pu être renversés par un pre- une chose en amère ? D'où vient au con-
soi si
mier choc. Adam non plus n'étail^^pas ferme traire que l'on trouve amère la justice qui est
avant sa chute. Ceux dont la foi est solide- si douce? Cela vient de l'état où sont nos sens.

ment plantée, excitent l'admiration des séduc- Il y en a de même qui trouvent le miel amer,
teurs, loin de subir leur mauvaise influence. et qui goûtent avec plaisir des aliments nuisi-
Inébranlable comme un édifice assis sur un bles. La cause n'en est pas dans la nature des
fondement solide, telle doit être la foi. choses, mais dans la perversion du goût. Tout
« Ayant pour sceau cette parole : Le Seigneur dépend de notre jugement. Une balance qui
connaît ceux qui sont à lui Que veut dire ». trébuche ne saurait peser juste. 11 en est de
cette parole tirée du Deutéronome? Elle veut même de notre âme. Si le jugement avec le-
dire que les âmes fermes sont si bien atta- quel elle balance et pèse toute chose n'est pas
chées à la foi ,
qu'elles ne peuvent être ren- étroitement et solidement fixé à la loi de Dieu,
versées ni même ébranlées. A quelles mar- elle ne peut rien apprécier comme il faut, elle
ques les reconnaît-on ? Elles ont ces paroles ne fait que vaciller et trébucher à l'aven-
comme œuvres elles sont
écrites sur leurs ; ture.
connues de Dieu ne se i)erdent pas avec
; elles Si l'on examinait bien exactement, on se
la foule; elles s'abstiennent de l'injustice. convaincrait que l'injustice contient beaucoup
« Que quiconque invoque le nom du Sei- d'amertume, non pas seulement pour ceux qui
o gneur, s'éloigne de l'iniquité ». Voilà quels la soulfrent, mais aussi pour ceux qui la font
sont les caractères d'une âme solidement fon- souffrir et surtout pour ceux-ci. Sans parler
dée en la foi elle est comme un fondement
;
de l'avenir, à s'en tenir au présent, n'engen-
solide. Elle est comme une pierre sur laquelle dre-t-elle pas les querelles, les procès, les in-
des lettres sont gravées , lettres pleines de jures, l'envie et la médisance? Et quoi de plus
sens, lettres qui sont des œuvres. Ayant en- amer que tout cela ? N'est-ce pas aussi l'injus-
core pour sceau indélébile cette parole : « Que tice qui produit les haines, les guerres, les
quiconque invoque le nom du Seigneur, délations? N'est-ce pas elle qui cause le re-
« s'éloigne de l'iniciuité ». Donc tout homme mords qui tourmente l'âme sans relâche? Je
qui est injuste n'adhère point au fondement. voudrais si c'était possible, tirer pour un ins-

C'est donc une marque d'une foi solide, que tant l'âme injuste de son enveloppe corporelle,
de ne pas commettre d'injustice. vous la verriez d'une pâleur livide , toute
Ne perdons point ce sceau et cette marque tremblante, couverte de confusion, anxieuse
royale gardons notre caractère et notre beauté.
;
et se condamnant elle-même. Quand même
Ne soyons pas comme une maison qui tombe nous serions tombés au fond de l'abîme du
en ruine, soyons ce fondement, ce fondement mal, la faculté de juger que possède notre
solide dont parle saint Paul, le(|uel reste im- raison n'en serait pas altérée, elle demeurerait
mobile dans la vérité. Cela montre que pour intacte. Personne ne commet l'injustice, parce
appartenir à Dieu, il faut s'éloigner de l'ini- qu'il trouve beau de la commettre mais ,

quité. Comment, en elfet, serait-on à Dieu on se forge des prétextes, et il n'est rien qu'on
qui est le Juste par excellence, quand on fait ne lente pour se disculper du moins en pa-
ce qui est injuste, quand on combat Dieu par roles. Mais grâce à la conscience on n'y peut
ses œuvres et qu'on l'outrage par ses actions? jamais parvenir. En apparence, la pompe des
Voilà que nous accusons encore une fois l'in- paroles, la corruption des princes, la multi-
justice et qu'en l'accusant nous excitons
, tude des flatteurs obscurcissent la justice ;

contre nous l'inimitié d'un grand nombre. Ce mais dans le fond de la conscience il n'y a rien
mal est comme un tyran qui a subjugué tou- de tout cela, il n'y a pas de flatteurs, il n'y a
'COMMENTAIRE SUR LA IV ÉPITRE A TIMOTHÊE, — HOMÉLIE V, 378

pas d'argent pour corrompre le juge. Nous l'impuissance. Tant qu'on est plein de santé,
avons en nous un jugement naturel que Dieu une âme adonnée aux voluptés ne sent pas
nous a donné et qui ne laisse pas obscurcir la beaucoup ce que la vie a d'amer. Mais lors-
justice. qu'elle est sur le point de sortir du corps,
4. Des sommeils pénibles, des images im- lorsqu'elle se voit déjà comme dans le vesti-
portunes, le souvenir sans cesse renaissant du bule du redoutable tribunal, alors elle est.
mal qu'on a fait viennent toujours troubler saisie d'un effroi qui domine tout autre senti-

notre repos. Par exemple, on s'est emparé in- ment. Tant que les voleurs sont dans la pri-
justement de la maison d'autrui la victime ; son, ils ne tremblent point; mais dès qu'on les
de l'injustice n'est pas seule à gémir, l'auteur amène devant le voile qui cache le tribunal
du vol gémit aussi pour peu qu'il croie au ju- du juge, ils meurent de frayeur. La crainte
gement dernier. Celui qui a cette croyance est d'une mort prochaine est comme un feu qui
dans une cuisante inquiétude. Celui même détruit dans l'âme toutes les pensées mau-
qui ne l'a point n'est pas pour cela exempt de vaises, qui oblige l'homme à devenir sage et à
honte et de confusion. Ou pour dire la vérité, réfléchir sérieusement à l'autre vie; elle exclut
il n'est personne soit grec, soit juif, soit héré- l'amour de l'argent, la passion des richesses
tique qui ne redoute le jugement. Si ce n'est pas et tous les désirs charnels. Les fumées de la
lapensée d'un avenir qui l'inquiète, il tremble concupiscence et de la cupidité une fois dissi-
encore à l'idée des châtiments de la vie pré- pées, lejugement reprend toute sa clarté et sa
sente ; il dans ses biens,
craint d'être frappé pureté. La dureté même du cœur s'amollit
dans ses enfants, dans ses proches, dans son sous la pression de la douleur. La sagesse n'a
âme et sa vie car ce sont là de ces coups que
;
pas de plus grand ennemi que les délices, ni
Dieu frappe. Parce que le dogme de la résur- de meilleur auxiliaire que la douleur. Consi-
rection ne suffit pas pour nous rendre tous dérez quel peut être à son heure dernière l'étal

sages, Dieu donne dès ici-bas des preuves et d'un avare enrichi du bien d'autrui. a Une
des marques signalées de la justice de ses ju- « heure d'affliction », dit le sage, «fait oublier

gements. Un tel qui s'est enrichi en violant la « tous les plaisirs dont on a joui ». (Ecclés. xi,

justice, n'a pas d'enfant, un tel périt à la 29.) Quel sera donc l'état de son âme, lorsqu'il
guerre ; un autre perd un membre, un autre songera à ceux qu'il a lésés, volés, frustrés?
se voit enlever son Ces peines,
il y songe,
fils. lorsqu'il verra que d'autres vont profiter de
il se les représente, dans de perpétuelles
il vit ses injustices, et qu'il va, lui, en rendre
alarmes. Voyez-vous ce que souffrent ceux qui compte ? Il n'est pas possible que ces réflexions
commettent l'injustice ? Croyez - vous que ne se présentent pas à la pensée avec la ma-
l'amertume manque à leur vie? Supposez ladie qui survient l'âme alors en est boule-
:

qu'il ne leur arrive rien de semblable , est-ce versée, tourmentée, épouvantée. Songez quelle
qu'il ne leur reste pas pour les punir le blâme, amertume Or cela arrive nécessairement à
I

la haine, et l'aversion de tous les hommes? chaque maladie. Si avec cela il en voit d'au-
Tous s'accordent, ceux mêmes qui leur res- tres punis et emportés par la mort, quel sur-
semblent, pour les mettre au-dessous des bêtes croît d'angoisses pour lui?
féroces. Si chacun se condamne soi-même, à Voilà pour cette vie; mais qui dira le?
plus forte raison condamne-t-on les autres et châtiments de l'autre vie, ses vengeances,
les appelle-t-on ravisseurs, voleurs, fléaux du ses supplices et ses tortures? Nous vous le
genre humain. Quel agrément procure donc disons : «Que celui qui a des oreilles poui
la pratique de l'injustice? Aucun, si ce n'est le « entendre, entende». (Luc, vin, 8.) Nous re-
souci qu'elle donne pour conserver ce qu'elle venons souvent là-dessus, non que ce sujet
a fait acquérir; elle ajoute à nos inquiétudes, nous plaise, mais parce que nous y sommes
voilà tout. Plus en effet on amasse de richesses, forcé. Nous voudrions pouvoir nous dispenser
plus on augmente la cause de ses insomnies. de vous parler jamais de ces choses; nous dé-
Que dirai-je des malédictions de ceux qui sirerions du moins qu'il suffit d'une légère
ont été lésés, de leurs supplications? Et si la application de ce remède pour guérir vos âmes
maladie survient?... L'impie le plus déterminé, de la maladie du péché; mais puisque vous
dès qu'il se sent malade, s'inquiète nécessaire- demeurez dans votre infirmité, il y aurait de
ment de ses injustices eu se voyant réduit à ma part làclieté et bassesse à ne pas user de ce
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

moyen de guérison, ce serait même de la tomber. Cependant ce n'est pas le dernier coup
cruauté et de la barbarie. Si, lorsque les mé- qui a tout fuit; s'il a réussi, c'est grâce aux dix
decins désespèrent de guérir nos corps, nous premiers. En regardant à la racine on se rend
ne laissons pas que de les encourager et di compte de ce fait, mais on ne s'en rend pas
leur dire Ne vous rebutez point, jusqu'à ce
:
compte en regardant le sommet ou même le
que malade ait rendu le dernier soupir faites
le tronc de l'arbre. C'est la même chose ici. Les
ce qui dépendra de vous, usez de tous les médecins appliquent quelquefois de nombreux
moyens; ne devons-nous pas à plus forte rai- remèdes sans arriver à aucun résultat, puis

son faire de même pour les âmes malades? un dernier emploient amène enfin la
qu'ils

Une âme peut aller jusqu'aux portes de l'enfer, guérison. Ce n'est pas cependant le dernier
jusqu'aux dernières limites du vice, et devenir remède qui a tout fait, les autres avaient déjà
après à résipiscence, se corriger, revenir au préparé l'œuvre qu'il a enfin accomplie. Donc
bien et acquérir la vie éternelle. Combien en si lesinstructions que nous entendons ne don-
a-l-on vus que dix sermons n'ont pu toucher, nent pas immédiatement leur fruit, elles le
et que le onzième a convertis? Ou plutôt, ce donneront plus tard j'en ai la ferme confiance.
;

n'est pas le onzième tout seul qui a opéré leur Le désir que vous témoignez d'entendre la pa-
conversion, les dix premiers, sans les toucher role de Dieu ne tombera pas en pure perte, ce
visiblement, avaient déposé dans leurs âmes n'est pas possible. Puissions-nous, nous tous
une semence qui a enfin porté son fruit. C'est qui avons été jugés dignes d'entendre les ensei-
ainsiqu'un arbre recevra dix coups de hache gnements de Jésus -Chiist, obtenir les biens
sans branler, et qu'un onzième coup le fera éternels ! Ainsi soit-il.

HOMELIE . VI.

OH, DANS UNE GHANDE MAISON, IL N'y A PAS SELLEME.M- DES VASES D'OR ET D'ARGENT, MAIS AUSSI DB

BOIS ET DE terre; ET LES UNS SONT POUIt DES LSAGKS HONNÊTES, LES AlTItES POUR DES USAGES
HONTEUX. SI yi'ELyUÏN DONC SE CARDE DE TOIT CE gi'l EST IMPUR, IL SE^A UN VASE d'iIONNEI'H
SANCTIFIÉ ET PROPRE AU SERVICE DU SEIGNEUR, PRÉPARÉ POUR TOUTES SORTES DE BONNES ŒUVRES.
(il, 20, 21, jusqu'à la fin du chapitre).

Analyse»
t. Ponrquoi Dieu souffre les méchants dans le monde.
2. Quele servileurde Oieu s'abstienne des conleslalions.

3 et 4. Celui qui est assujéti an diable en quelque ctiose, lui est assujétl en tout. — EztiortatiOD à l'anmSne.

1. Pourquoi Dieu laisse-t-il vivre les mé- n'est pas l'Eglise, mais le monde qu'il a en
cliants? pouniuoi ne les fait-il pas tous périr? vue. N'allez pas en effet appliquer cette parole
Voilà une question qui jette le trouble dans à l'Eglise. L'Eglise qui est le corps même du
beaucoup d'esprits. On pourrait donner de Christ, l'Eglise qui est une vierge pure, n'ayant
cela plusieurs raisons, par exemple que Dieu ni souillure ni ride, l'Eglise ne souffre pas des
attend leur conversion, ou qu'il veut par leur vases de bois ou de terre, elle ne veut que des
punition intimider les autres. Ici saint Paul vases d'or et d'argent. Ce qu'il dit revient à ceci:
en apporte une raison très-plausible il dit que : Ne vous troublez point de ce qu'il y a des mé-
dans une grande maison, il n'y a pas seule- chants, des scélérats, puisque dansunegrande
« ment des vases d'or et d'argent, mais aussi maison vous trouvez aussi des vases d'igno-
a de bois et de terre »; ce qui veut dire De : minie. Mais tous ces vases, dites-vous, ne sont
même que dans une grande maison il faut pas également en honneur; les uns sont pour
qu'il y ait différentes sortes de vases, ainsi il des usages honnêtes, les autres pour des usa-
faut qu'il y ait dans le monde diverses espèces geslioiileux. Cependant ces vases, quelque vils
de personnes. Et lorsqu'il s'exprime ainsi, ce qu'ils soient, ne laissent pas de tenir leur
COMAIENTAIRE SUR LA IP ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE VI. 377

place et d'avoir leur usage dans cette grande resse? Etles chairs en quoi diffèrent-elles de

maison. Dieu de même se sert des méchants laboue, ne sont-elles pas aussi molles et hu-
pour des usages qui leur sont proportionnés mides? Pourquoi donc, encore une fois, l'apôtre
dans le monde. Par exemple un amateur de ne prend-il pas en cet endroit le terme « vase
vaine gloire bâtit pour faire parler de lui il ;
«déterre» en mauvaise part? C'est qu'il y
en est de même du marchand, du cabaretier, parle de la nature, et que dans le verset que
du prince, chacun d'eux trouve dans le monde nous interprétons il parle de la volonté.
les usages qui leur conviennent; mais un a Si donc quelqu'un se garde parfaitement

vase d'or n'est que pour la table du prince. pur» non pas seulement pur, mais a parfaite-
,

L'apôtre ne veut pas dire pour cela que la mé- « ment pur, il sera un vase sanctifié pourl'hon-

chanceté soit nécessaire ; comment le serait- a neur, propre au service du Seigneur ». Les

elle? Mais il veut dire que les méchants trou- autres donc lui sont inutiles, bien qu'ils aient
vent eux-mêmes leur œuvre à faire dans le peut-être leur usage à quelque chose; mais ils
monde. Si tous les hommes étaient des vases ne sont point « préparés pour toutes sortes de
d'or, on n'aurait pas besoin des méchants. abonnes oeuvres », comme les vases d'hon-
Par exemple, si tous étaient patients et durs, neur qui, même lorsqu'ils ne servent pas, sont
il ne faudrait pas de maisons; si nul n'était bons et susceptibles de servir. Il faut donc être
esclave de la volupté, il ne faudrait point tant préparé à tout, et à la mort, et au martyre il ;

d'apprêts pour les aliments; si l'on savait se faut être préparé à la virginité et à tous ces
contenter du nécessaire, on n'aurait pas besoin sacrifices ensemble. — « Fuyez les désirs des
d'appartements somptueux. Quiconque s'af- «jeunes gens ». Saint Paul n'entend pas ici
franchira de ces sujétions sera un vase sancti- seulement les désirs contraires à la chasteté,
fiépour un noble usage. Vous le voyez, il ne mais tous désordonnés. Que ceux
les désirs
dépend pas de la nature ni d'une nécessité qui ont apprennent ici à ne pas se li-
vieilli

matérielle que l'onsoitunvase d'or ou un vase vrer aux passions de la jeunesse. L'insolence,
de terre, cela dépend de notre seule volonté. l'ambition, la cupidité, l'amour charnel, voilà
Si la nature en décidait, dès qu'on serait vase des désirs de jeunesse, désirs insensés, désirs
de terre, on ne deviendrait plus vase d'or et d'un cœur non encore affermi, d'un esprit
réciproquement; mais du moment que c'est la sans solidité, sans fixité, et qui voltige à tous
volonté qui fait tout, il y a de grands change- les souffles du monde. Fuyez les chimères de
ments et d'entières conversions. Paul était d'a- la jeunesse pour ne pas être pris de ces pas-
bord un vase de terre, ensuite il devint un vase sions. — a Et suivez la justice, la foi, la cha-

d'or. Judas était vase d'or, mais il devint vase « rite, lapaix avec tous ceux qui invoquent le
de terre. C'est donc l'impureté qui fait les va- «Seigneur d'un cœur pur ». Par le mot « jus-
ses de terre : le fornicateur, l'avare sont des o tice » saint Paul entend la vertu en général,
,

vases de terre. — Comment donc saint Paul la piété, la foi, la charité, la douceur. Qu'est-
dit- il ailleurs : o Portant ce trésor dans des ce à dire, a avec ceux qui invoquent le Sei-
vases de terre? » (I Cor. iv, 7.) Le vase de « gneur d'un cœur pur? » C'est comme s'il

terre n'est donc pas à mépriser, puisque selon disait : Ne vous fiez qu'à ceux-là seuls, et non
l'apôtre lui-même, il contient un trésor. — à ceux qui invoquent simplement; fiez-vous à
En cet endroit, c'est la matière elle-même ceux qui invoquent sans déguisement, sans
dont est fait notre corps, et non sa forme qu'il hypocrisie, à ceux qui sont sans fraude, à ceux
désigne. Voici ce qu'il veut dire : C'est un qui procèdent en tout avec calme et dans la
vase de terre que noire corps. De qu'un même paix, et qui n'aiment pas les querelles, Joi»
vase de terre n'est autre chose qu'un peu d'ar- gnez-vous à ceux-là; quant aux autres, il ne
gilepasséeau feu, de même notre corps n'est non faut pas se lier avec eux, mais seulement
plus qu'un peu de boue solidifiée par la chaleur g irder avec eux la paix autant que faire se
de l'âme. Que notre corps soit d'argile, rien de peut.
plus évident. Souvent il arrive qu'un vase de 2. « Quant aux questions impertinentes et
terre tombe et se brise, notre corps se dissout a oiseuses, évitez-les, sachant bien qu'elles en-
de même heurté par la mort. Quelle diffé- « fautent les contestations». Vous voyez com-
rence y a-t-il entre la terre cuite elles os? ment partout saint Paul éloigne Timothée des
N'est-ce pas même dureté et même séche- disputes. Ce n'est pas que ce disciple n'eût assez
— i

3-8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

de lumières pour réfuter l'erreur ;


s'il en eût été moment où notre découragement est venu
ainsi, l'apôlre lui aurait recommandé de se tout perdre. La même chose arrive que si un
reiulre capable de coufoiulre l'erreur, comme agriculteur ignorant, après avoir planté une
lorsqu'il lui dit « Appliquez-vous à la lec-
: vigne, la cultivait une première année, puis
t tare en faisant ainsi, vous vous sauverez
:
une seconde, et encore une troisième, s'atten-

a vous-même et ceux qui vous écouteront ». dant toujours à récolter, et, découragé de ne
(1 Tim. IV, 13.) Mais il savait qu'il est absolu- pas trouver de fruit, cessait de la travailler
ment inutile d'engager ces disputes, qui ne la quatrième année, c'est-à-dire au moment
peuvent aboutir qu'à des contestations, à des même où sa vigne allait le payer de ses
haines, à des insultes, à des injures. Evitez peines.
donc ces disputes. Mais il y en a d'autres, H y en Saint Paul ne se contente pas encore des qua-
a sur les Ecritures et sur d'autres questions. lités qu'il vient denumérer, il ajoute « II :

a ne faut pas que le serviteur du Seigneur


II « iloit instruire avecdouceur ceux qui résis-
« combatte». Il ne doit jias combattre même « teiit à la vérité ». Pour instruire, la douceur

en contestation. Le serviteur de Dieu doit se est avant tout nécessaire. Une âme ne profite

tenir éloigné de toute sorte de luttes. Dieu est pas de l'instruction qu'elle reçoit si on la
un Dieu de paix. Comment le serviteur du traite avec rudesse. Quelque bonne volonté

Dieu de paix vivrait-il dans les combats? — qu'elle ait, le trouble qu'on lui cause l'em-
« Mais il faut qu'il soit doux envers tout le pêche de rien retenir. Pour suivre utilement
a monde». Comment cela s'accorde-t-il avec les leçons d'un maître, il faut avant tout être
ce qu'il dit ailleurs : Reprenez-les avec une
« bien disposé en sa faveur. A défaut de cette
entière autorité » (Tit. ii, 15); et dans la pre- condition préalable, rien d'utile ni de bon ne
mière épître à Timotbée « Que personne : se fait. Or, le moyen d'aimer quelqu'un qui
« parmi les jeunes gens ne vous méprise » vous rudoie, qui vous insulte ? Mais comment
(1 Tim. IV, 12 ) et encore « Reprenez-les for-
; : cela s'accorde-l-il encore avec le passage déjà
ci tement?» (Tit. I, 15.) C'est que, reprendre cité plus haut « Quant à l'hérétique, après
:

ainsi, c'est faire œuvre de mansuétude. Rien a l'avoir averti une ou deux fois, évitez-le? »

ne pénètre plus avant qu'une forte réprimande Il veut parler de l'hérétique incorrigible, de

faite avec modération. On peut, sacliez-le celui dont la perversité est incurable. —
bien, on peut frapper plus fortement par la a Dans l'espérance que Dieu leur donnera un

douceur que par la dureté. — « Qu'il soit ca- a jour l'esprit de pénitence pour la connais-
« pable d'instruire » tous ceux qui s'adressent « sance de la vérité, et qu'ils viendront à ré-
à lui pour le consulter. Saint Paul dit aussi à a sipiscence, se dégagcanldes filets dudiable ».
Tite (m, 10) qu'il faut éviter celui qui est hé- Voici ce qu'il veut dire : Peut-être se conver-
rétique, après l'avoir averti une ou deux fois. tiront-ils. Peut-être » marque l'incertitude.
Il faut aussi qu'il soit « patient ». Ceci est Il ceux seulement de qui on
faut s'éloigner de
ajouté fort à propos, car rien n'est plus né- peut affirmer (ju'ils ne se corrigeront pas, et
cessaire que la patience à celui qui instruit les qui certainement ne reviendront pas de leur
autres, sans elle tout le reste est inutile. Si les égarement. —
a Avec douceur «.Vous voyez

pécheurs qui jettent tout le jour leurs filets dans quelle disposition il faut s'approcher de
sans rien prendre, ne se découragent pas néan- ceux (jui veulent s'instruire, et qu'il ne faut
moins, à plus forte raison devons-nous avoir pas aliandoniiir les conférences avant la dé-
autant de patience qu'eux. Voici en effet ce monstration complète de la vérité. « Du —
qui se passe il arrive très-souvent que parla
: a diable qui les tient captifs pour en faire ce

continuité de renseignement, le discours pé- B (jui lui plaîl ». L'exjJHission a les tient caj)-
nétrant jusqu'au fond de l'âme, comme le soc e til's» est bien choisie, elle fait songer à des
de la charrue en terre, coupe jusqu'à la racine poissons retenus enfermés dans les eaux de
la passion mauvaise qui rem[iêchait d'être l'erreur. Ce passage contient aussi une leçon
fertile. A force d'entendre la |)arole, on en d'humilité. II ne dit pas : Peut-être pourront-
éprouvera nécessairement de l'effet. Il n'est ils se corriger, maisPeut être Dieu leur fera-
:

pas possible que la parole évangélique, conti- til la grâce de se corriger. S'il s'opère quelque
nuellement enlendue, reste sans opérer. Un tel chose, ce sera r(BUvre du Seigneur. Vous
allait peut-être enfin se laisser convaincre au planterez, vous arroserez, mais c'est lui qui
COMMENTAIRE SUR LA IP ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE VI. 370

fécondera et fera porter des fruits. Ne nous d'huile, c'est-à-dire de n'avoir pas fait l'au-
flattons donc pas d'avoir converti personne, mône, car c'est ce que signifie l'huile. On
quand même quelqu'un se serait converti à accuse aussi ceux qui seront condamnés au
notre parole. —
« Qui les retient captifs pour dernier jour et à qui l'on dira a Allez, mau- :

a en faire ce qui lui plaît » Ceci ne concerne


. dits, au feu éternel
de n'avoir pas donné à
»,
pas seulement les dogmes, mais aussi la vie manger à Jésus-Christ on ne leur parle ;

et la conduite. Dieu veut que notre vie soit d'aucun autre crime.
droite. Il y en a de retenus dans les filets du Comprenez-vous donc assez, mes frères, que
diable à cause de leur vie. Il ne faut pas non la seuleomission de l'aumône vous fera con-
plus désespérer d'eux, « dans l'espérance damner au feu de l'enfer ? En effet, à quoi
« qu'ils reviendront à résipiscence, et qu'ils se pourrez-vous être utiles en ne faisant pas
a dégageront des filets du diable où ils sont l'aumône? —
Vous jeûnez tous les jours? —
« maintenant retenus captifs ». —
« Dans l'es- Mais de quoi servit aux vierges folles de
« pérance que... » indiqueassez lalonganimité l'avoir fait ? —
Vous faites beaucoup de
dont il faut user. Le filet du diable c'est de ne prières ? — Mais la prière est stérile sans l'au-
pas faire la volonté de Dieu. mône. Sans l'aumône tout est inutile, tout est
3. Qu'un oiseau ne soit point pris par tout impur, et tout le reste de la vertu est en
le corps dans un filet, mais seulement par un pure perte, o Celui qui n'aime pas son frère
pied, il ne laisse d'être en la puissance de l'oi- « ignore Dieu », dit l'Ecriture. (Jean, m, iO.)

seleur qui l'a pris de même il n'est pas né-


; Et comment pourriez-vous dire que vous l'ai-
cessaire pour que le démon nous tienne en mez, si vous ne voulez pas partager avec lui
son pouvoir, que nous lui donnions prise par- ce qu'il y a de plus vil et de plus commun ?
tout à la fois, c'est-à-dire sur notre foi et sur Vous direz peut-être que vous vivez chas-
notre vie, il suffit qu'il ait prise sur notre tement. Par quelle raison le faites-vous ? Est-
vie. a Celui qui me dira : Seigneur, Seigneur, ce par la crainte du supplice, ou par votre
o n'entrera pas pour cela dans le royaume des heureux tempérament? Si c'est la crainte
cieux.... Mais je leur dirai, je ne vous con- du supplice qui vous rend chaste, et qui vous
nais pas, retirez-vous de moi, vous qui opé- fait résister aux feux de l'intempérance, com-
« rez l'iniquité ». (Matth. vu, 22.) Voyez-vous bien plus devrait-elle vous faire pratiquer
que la foine sert à rien sans les œuvres, puis- l'aumône II y a bien moins de peine à mé-
I

qu'elle ne fait pas que le Seigneur nous con- priser l'argent qu'à dompter la concupiscence.
naisse? Cette même parole « Je ne vous con-
: Celle-ci est innée en nous et profondément
nais pas », il y aura même des vierges à qui enracinée dans notre chair il n'en est pas de ;

le Seigneur la dira. (Ibid. xxv, 12.) Quel profit même de la passion de l'argent. Enfin il n'y a
retireront-elles donc de leur virginité et de que l'aumône et la miséricorde qui nous
leurs travaux, puisque le Seigneur ne les con- rende semblables à Dieu. Si elle nous man-
naîtra même pas ? C'est partout que nous que, tout nous manque. Jésus-Christ ne nous
voyons des personnes irrépréhensibles quant dit pas Si vous jeûnez, si vous gardez la vir-
:

à la foi, punies pour leur mauvaise vie seu- ginité, si vous priez, vous serez semblables à
lement. Nous voyons aussi tout le contraire, votre Père car Dieu ne fait rien de semblable,
:

c'est-à-dire, des personnes qui se perdent par et il ne le peut par sa nature mais « Soyez ; :

le défaut de foi, quoique d'ailleurs leur vie miséricordieux », dit Jésus-Christ, « comme
soit irréprochable. Ce sont là deux choses qui a votre Père céleste est miséricordieux » . (Luc,
se complètent l'une l'autre. Vous le voyez VI, 36.) C'est là l'ouvrage de Dieu ; si cela vous
donc, nous tombons sous le filet du diable manque, que vous rcste-t-il? a Je veux la mi-
pour ne faire pas la volonté de Dieu. Pour « séricorde et non le sacrifice», dit encore

nous jeter en enfer, il n'est pas même besoin Dieu. (Osée, vi, 6.) Dieu a fait le ciel, il a fait
de toute une vie passée dans le mal, il suffit la terre et la mer. Cela est grand sans doute
d'un défaut s'il n'est pas racheté par un grand et digne de sa sagesse infinie mais rien de :

nombre de bonnes œuvres. On n'accuse point tout cela n'a fait autant d'impression à l'hom-
les vierges folles de fornication, d'adultère, me que son amour infini et sa tendresse in-
d'envie, de jalousie, d'excès de vin, ni d'infi- compréhensible. est assurément
L'univers
délité, on ne les accuse que d'avoir manqué une œuvre de sagesse, de puissance et de
380 TRADUCTION FRANÇAISE DE JAINT JEAN CHRYSOSTOME.

bonté, mais ce qui l'est encore beaucoup plus, là se purifier de ses souillures ; c'est là la
c'est que Dieu s'est fait esclave pour nous. netteté que Dieu demande. La pureté exté-
Voilà ce qui excite surtout notre admiration rieure sert fort peu, mais la pureté intérieure
et notre élonnement. Rien n'attire Dieu à nous donne accès auprès de Dieu et nous
nous comme la miséricorde. Tous les pro- remplit d'une sainte confiance. La pureté ex-
phètes ne cessent de le répéter sur tous les térieure peut se trouver chez les adultères, les
quand je parle de miséricorde et
tons. Mais voleurs, les homicides, les impudiques, lesfor-
d'aumône, je n'entends point parler de celle nicateurs et les infâmes de toute espèce, et
qui se fait de rapines. Ce n'est point là de la surtout chez eux. Ils ont un soin extrême de

miséricorde. L'huile ne sort point de la cette propreté du corps dont ils sont idolâtres,
racine des épines, elle ne sort que de l*bli- se parfumant des odeurs les plus exquises, et

\ier de même l'aumône ne peut sortir de la


;
lavant leur corps qui n'est plus qu'un sépul-
racine de l'avarice ou de l'injustice et des ra- «•e, puisqu'il renfermeune âme qui ne vit
pines. Ne ravalez pas l'aumône, ne l'exposez donc la pureté extérieure, mais
plus. Ils ont
pas au mépris de tout le monde. Si vous ra- ils ne peuvent avoir la pureté intérieure.
vissez pour faire l'aumône , votre aumône est Qu'avez-vous fait de considérable en net-
tout ce qu'il y a de pire. Tout ce qui vient de toyant votre corps ? C'est une purification
rapines ne doit point s'appeler charité, mais judaïque inutile et superflue, si la pureté in-
cruauté, mais inhumanité, mais barbarie qui térieure vous manque. Qu'un homme ait le
attaque non-seulement les hommes, mais corps plein de pourriture et d'ulcères, il aura
Dieu même. Si Gain l'offensa si fort autrefois beau se corps, ce sera en vain. Si
laver le
seulement parce qu'il lui offrait ce qu'il avait donc ne peut servir de rien au dehors à
l'eau
de moindre, combien l'offensera plus celui un corps corrompu et remidi d'infection, de
qui lui offre le bien des autres. L'offrande quoi pourrait-elle servir quand c'est l'âme
n'est rien moins qu'un sacrifice, c'est un elle-même qui est remplie de corruption?
moyen de purification et non une souillure. Il nous faut des prières pures; or les prières

Vous n'osez prier ayant les mains sales, et no sauraient être pures, lorsque l'âme d'où
vous croyez, en offrant des biens de vos injus- elles sortent est souillée. Rien en effet ne rend

tices, que Dieu souffrira l'impureté de ces l'âme plus impure que l'avarice et la rapine.
offrandes ? Vous ne pouvez souffrir à vos Cependant beaucoup de personnes, après avoir
mains des malpropretés qui sont sans crime, et commis une infinité de crimes pendant le
vous en souffrez dans votre âme qui sont très- jour, se lavent le soir, entrent hardiment dans
criminelles? l'église, et lèvent leurs mains pour |)rier,

4. N'ayons donc point tant à cœur de faire comme si par cette eau ils en avaient ôté
nos offrandes et nos prières avec des mains toutes les souillures. Hélas ! si celaétait, j'avoue
nettes, que de n'offrir que des choses qui que ces bains où vous allez tous les jours, vcus
soient pures. Le contraire serait ridicule. Que seraient très-avantageux. m'y trouverais
Je
diriez-vous, si l'on frottait avec soin une table moi-même souvent, s'ils avaient la vertu de
pour rendre propre et nette, et qu'on n'y ser-
la purifier nos péchés. Mais ce sont là des plai-
vît ensuite que des choses dont la saleté ferait santeries, des niaiseries, des puérilités. Ce
horreur Ne serait-ce pas une moquerie in-
? n'est point de la saleté des corps, mais de
digne? Que nos mains soient nettes, à la l'impureté des âmes que Dieu a horreur.
bonne heure, mais de cette pureté que l'eau «Bienheureux», dit-il, «ceux qui sont purs de
ne peut donner, qui est peu de chose
et ;
a cœur (enlendcz-vous, jjurs de cœur, non de

qu'elles aient cette pureté que la justice seule ocorpi), parce qu'ils verionl Dieu ». (Matth. ii,

donne et qui est la |)ureté véritable. Si elles 5, 8. ) Et le l'salmiste, ijue dit-il ? « Créez en
sont pleines d'injustices, lavez-les mille fois a moi un cœur pur, ô Dieu ». (Ps. xii.) a Pu-
si vous vous n'y
voulez, gagnerez rien, orifiez votre cœur de la malice », dit Jéré-
a Lavez-vous, soyez purs», dit le Prophète. mie. ( Jér. iv, 14.) Il est très-avantageux de

(Isaïe, I, i6.) Dit-il ensuite : Allez aux fon- prendre de bonne heure de bonnes habitudes.
taines, allez aux bains, allez aux étangs, allez C'e?l [leu de chose que celle dont nous par-
aux fleuves ? Nullement mais, ôlez, dit il,
: lons; cependant l'âme n'ose se présenter
la malice de vos âmes. C'est là être pur, c'est devant Dieu pour prier avant que de s'en être
COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE VI. 381

acquittée. et ensuite nous


Nous nous lavons, travaillez à vous en acquérir une heureuse
prions comme ne nous était pas permis de
s'il qui n'aura jamais de fin. C'est cette dernière
prier avant que de nous être lavés. Nous ne que je veux vous vendre et non l'autre. Je ne
prions point Dieu de bon cœur, si nous n'a- veux pas vous tromper. Je sais, quand vous
vons auparavant cette pureté des mains; nous auriez celle-ci, que vous n'auriez rien mais :

croirions l'offenser en priant sans cette pré- je connais le prix de celle que je vous réserve.
cautioUj et souiller notre conscience. Si cette Je ne ressemble pas à ces marchands qui ne
coutume qui, comme j'ai dit, est peu impor- pensent qu'à tromper, et à vendre cher ce qui
tante, a tant de force néanmoins que c'est en soi vaut peu de chose. Ce n'est pas là ma con-
pour nous une espèce de nécessité de nous en duite, pour peu de chose, je donne beaucoup.'
acquitter tous les jours, qui peut douter que Dites-moi, si, entrantchezun joaillier, vous
si nous avions pris la même habitude pour voyez là deux pierres, l'une tout à fait com-
faire l'aumône avec la ferme résolution de mune et de nul prix, l'autre fort précieuse
n'entrer point les mains vides dans la maison constituant à elle seule une fortune, et que,
de prière, nous ne nous en acquittassions avec payant le prix de la pierre commune, vous
la même fidélité? et j'ajoute avec la même faci- reçussiez du vendeur la pierre précieuse,
lité ? Car la force de l'habitude est extrême, feriez-vous à celui-ci un crime de
sa généro-
soit dans le bien, soit dans le mal. Quand elle sité ? Point du tout, vous l'admireriez au
nous entraîne, rien ne nous coûte plus. contraire. C'est ainsique l'on vous traite. On
Il y en a beaucoup qui ont pris l'habitude vous propose deux vies, l'une temporelle et
de faire sur eux-mêmes des signes de croix l'autre sans fin. Dieu en est le vendeur; mais
continuels. Dès lors ils n'ont plus besoin il lui plaît de nous livrer celle-ci et non
qu'on les avertisse de le faire, ils le font celle-là, pourquoi nous fâcher comme des en-
comme naturellement, et souvent lorsque leur fants sans raison de ce que nous recevons la
esprit est ailleurs; cette coutume qu'ils ont précieuse et non pas l'autre ? Peut-on —
prise est comme un maître animé qui les acheter la vie avec de l'argent, dites-vous ?
avertit et conduit leurs mains dans l'impres- On le pourvu que nous donnions de
peut,
sion de ce signe sacré. D'autres se sont accou- notre bien et non du bien d'autrui. Mon —
tumés à ne jurer jamais, de bon gré, ni de
ni bien est à moi, dites-vous, ce que vous—
force; et alors ils ne peuvent plus jurer. Ha- volez n'est pas à vous; quand vous diriez mille
bituons-nous de même à faire l'aumône et fois que vous en êtes maître, il ne vous ap-
nous n'y trouverons plus aucune peine. Com- partient pas. Qu'on mette un dépôt entre vos
bien aurions-nous besoin de nous fatiguer mains; il est chez vous pendant l'absence de
pour trouver un autre remède qui fût aussi celui qui vous l'a confié direz-vous pour cela
;

puissant et aussi efficace ? Si, étant aussi chargé qu'il vous appartient ? Si donc lorsqu'un ami
de péchés que nous le sommes, nousn'avions met ce dépôt entre vos mains, et vous sait gré
cette consolation entre les mains, combien de le vouloir bien garder, vous ne pouvez
gémirions-nous dans le désir de pouvoir ra- néanmoins dire qu'il soit à vous, pendant le
cheter nos péchés avec de l'argent Ne don- I temps même qu'il est dans votre maison,
nerions-nous pas de bon cœur tout notre bien combien moins pouvez-vous le dire d'un ar-
pour apaiser la colère de notre juge ? Si dans gent que vous enlevez aux autres malgré eux
les grandes maladies, on dit de plusieurs per- et par violence ? Il leur appartient toujours
sonnes: si l'on pouvait se racheter de la mort, quoi que vous puissiez dire et faire. Il n'y a
cet homme donnerait tout son bien pour le que la vertu qui soit réellement à nous. Quant
faire;ne s'y résoudrait-on pas avec beaucoup à l'argent, le nôlre ne nous appartient même
plus d'empressement encore pour se racheter pas, loin que celui des autres nous appartienne.
des rigueurs du jugement suprême ? Admirez 11 est à nous aujourd'hui, et demain il n'est

quelle est la bonté de Dieu.


ne vous a pas Il plus à nous. La vertu au contraire est à nous,
donné les moyens devons racheter de la mort car elle ne se perd pas comme l'argent, elle
temporelle, mais il fait qu'il dépend de vous reste tout entière à ceux qui la possèdent. Ac-
de vous racheter d'une plus terrible, de la quérons-la donc et méprisons les richesses,
mort éternelle. Ne pensez point, dit-il, à vous afin que uous puissions être trouvés dignes des
conserver une vie si courte et si misérable; vrais biens. Ainsi soit-il.

382 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

HOMÉLIE VII.

ou, SACHEZ QUE DANS LES DERNIETIS JOURS, IL VIENDRA DES TEMPS FACnEUX. CAR IL Y AURA DES
HOMMES AMOUREUX d'EUX-MÈMES. (III, 1-2.)

s^Analyae.

1. Les derniers jours marqué'! par l'invasion des méctianls : propliélie plusieurs fois répétée par saint Paul.
?-' N'e point mépriicr son prochain. — Amour de Di<;u et du prochain. —
Quelle doit être la vie d'une veuve chrétienne.

Saint Paul, dans sa première épître à Ti-


I . sommes les membres uns des autres, le
les
mothée, dit que l'Esprit de Dieu déclare expres- salut du prochain est même
temps le nôtre
en
sément que dans les temps à venir « quelques- puisqu'il contribue à celui de tout le corps :

B uns abandonneront la foi». (I Tim. iv, 1.) Il le dommage aussi que subit notre prochain,

répète la même prophétie dans un autre pas- il ne le subit pas seul, mais il cause une dou-

sage de la même épître, et il l'énonce encore leur qui se fait ressentir à tout le corps. Si
une fois ici «Sachez (jne dans les derniers
: nous ne formons tous qu'un seul et même
jours il viendra des temps fâcheux». Non édifice, l'édifice tout entier est affecté de ce
content d'envisager l'avenir, il en appelle en- que l'un de nous soull're, comme aussi il se
core au témoignnge du passé «De la même : corrobore de tout ce que chacun de nous gagne
« manière», dit-il, «queJannès etMambrèsse en force.
«soulevèrent contre Moïse, etc. » 11 a même C'est ce qui arrive dans l'Eglise. Méprisez-
recours aux raisonnements pour appuyer sa vous votre frère, vous vous faites tort à vous-
prophétie «Dans une grande maison», dit-il,
: iriême, puisqu'un de vos membres souffre ua
a il n'y a pas seulement des vases d'or et d'ar- dommage considérable. Si celui qui ne donne
a gent, etc.» Pourquoi cette prophétie? Afin pas de son argent aux pauvres va en enfer, que
que Timothée ne se trouble point, non plus sera-ce de celui qui ne tend pas la main à soq
que nous, lorsque les méchants prévalent dans frère, lorsqu'il le voitdans un danger spiri-
le monde. Son raisonnement revient à ceci : tuel incomparablement plus grave que tous
S'il y a eu des méchants du temps de Moïse et les dangers qui peuvent menacer le corps?

après Moïse, il n'y a pas lieu de s'étonner (ju'il « Il y aura des hommes amis d'eux-mêmes».

yen ait de notre temps. «Dans les derniers L'homme ami de soi-même est réellement
o jours, il viendra des temps fâcheux». Ce ne celui qui s'aime le moins; l'homme ami de
sont pas les temps ni les jours eux-mêmes que son frère est au contraire celui qui s'aime
saint Paul accuse, mais les hommes qu'ils ver- véritablement. L'avarice naît de l'amour de
ront naître. Nous nous exprimons aussi de soi-même, puisque cet amour funeste et mes-
même et nous disons que les temps sont bons quin borne et resserre l'amour naturel, qui
ou mauvais, en voulant parler des hommes et est large et se répand sur tous les hommes.
de leurs œuvres. Et du premier coup il dévoile «Avides d'argent». De la cupidité naît l'en-
lacause de tous les maux, la racine et la source flure; de l'euilure, le dédain des autres; de ce
d'où ils proviennent tous, à savoir l'orgueil. dédain, le blasphème du blasphème, l'orgueil
;

Celui que cette passion domine n'a même plus insensé et l'incrédulité. Celui qui s'élève conlie
d'yeux pour voir ses propres intérêts. Com- les hommes, s'élèverade même aisément contre
ment celui qui ne voit pas les intérêts du pro- Dieu. C'est ainsi que croissent les péchés et
chain, qui les néglige comme chose indillé- que, de petits commencements, ils s'élèvent
rente, pourrait-il voir les siens propres? De jusqu'aux grands excès. Celui qui se montre
même que celui qui a l'œil ouvert sur les in- pieux envers les hommes le sera bien davan-
térêts du prochain, pourvoira eu même temps tage envers Dieu; celui qui a de la modestie
aux siens, de même celui qui néglige les inté- envers les serviteurs n'en manquera pas envers
rêtsdu prochain, ne saura pas voir clair en ce le maître, et il méprisera bientôt le maître
qui le concerne lui-même. Si, en efl'et, nous s'il s'accoutume à mépriser les serviteurs,
COMMENTAIRE SUR LA IP ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE VII. m
Ne nous méprisons donc point les uns les faite. Quoi que vous fassiez pour le contenter,
autres. C'est une mauvaise école que celle où il ne sera jamais satisfait et il ne vous saura
l'on s'accoutume à mépriser Dieu. Or, mépri- aucun gré de vos sacrifices. Sa reconnaissance,
ser les autres, c'est mépriser Dieu qui nous il ne saurait l'accorder qu'à celui qui lui don
commande d'avoir des égards les uns pour les nerait tout ce qu'il désire. Or, qui lui donnera
autres. Eclaircissons ceci par un exemple. tout ce qu'il désire, puisque ses désirs sont sans
Caïn méprisa son frère, et bientôt après il mé- bornes? Il ne témoignera donc de reconnais-
prisa Dieu. Voyez la réponse insolente qu'il sance à personne au monde. Il n'y a donc rien
lui fit «Suis-je le gardien de mon frère?»
: de plus ingrat qu'un avare. Il n'y a rien de
Esaû de même méprisa son frère, ensuite il plus insensé que l'homme cupide. Il semble

méprisa Dieu. C'est pourquoi Dieu dit «J'aime : qu'il ait déclaré la guerre à tout le genre hu-
Jacob et je hais Esaû». (Rom. ix, 13.) Saint main. Il s'indigne qu'il y ait des hommes. Il
Paul aussi a dit « Que personne ne soit forni-
: voudrait être seul au monde pour tout possé-
f cateur et profane comme Esaii ». (Hébr. xu, der seul. Voici quels sont ses rêves Oh I si :

16). Les frères de Joseph le méprisèrent et ils un tremblement de terre pouvait ruiner la
méprisèrent aussi Dieu. Les Israélites mépri- villeetqueje survécusse seul au désastre pour
sèrent Moïse méprisèrent Dieu ensuite.
et être maître de toutl S'il arrivait donc une
Après avoir méprisé le peuple, les fils d'Héli peste qui détruisît tout hormis l'argent S'il 1

méprisèrent aussi Dieu. Voyons maintenant le survenait un déluge, siles eaux de la mer
contraire par d'autres exemples. Abraham eut pouvaient se précipiter sur la terre ! Voilà les
de la considération pour son neveu, il en eut souhaits qu'il forme et mille autres pareils. Il
infiniment plus pour Dieu, comme il le montra ne lui vient à l'esprit aucune pensée chari-
par le sacrifice de son fils et par toutes ses table. Il ne s'occupe de rien que de tremble-
autres vertus. Abel fut doux et humble envers ments de terre, de tonnerres, de guerres, de
son frère, il le fut encore plus envers Dieu. pestes, il souhaite que tous ces maux arrivent.
Ainsi ne nous méprisons point, mais rendons- Ame malheureuse, dis-moi, esclave plus vil
nous un honneur réciproque afin de nous , que les esclaves, si tout était changé en or,
accoutumer à honorer Dieu. Celui qui traite est-ce l'or qui t'empêcherait de mourir de
insolemment les hommes n'épargnera pas faim? Si un tremblement de terre, comblant
Dieu même. Mais lorsque l'avarice, l'amour- tes vœux, détruisait tout ce qui est sur la sur-
propre et l'orgueil se rencontrent ensemble face de la terre, tu périrais toi-même, puisque
dans un homm 'la perte n'est-elle pas inévi- tu ne trouverais plus sur la terre désolée de
table? Oui, c'en est fait de lui et il se plonge , quoi soutenir ton existence. Supposons qu'il
dans la fange de tous les péchés, ails sont n'y ait plus un seul homme sur la terre, et
ingrats», dit l'apôtre. Comment l'avare se- que tout l'or, tout l'argent qui
s'y trouve
rait-il reconnaissant? A qui saura-t-il gré de afflue de lui-même dans votre maison,
quoi que ce soit? A personne. 11 regarde tous supposons supposition folle comme leurs
,

les hommes comme autant d'ennemis, puis- rêves, mais enfin supposons que la richesse
qu'il voudrait prendre le bien de tous. Quand de tous ceux qui ne sont plus, que leur or,
vous lui donneriez tout ce que vous possédez, que leur argent, que leurs étoffes de soies
il ne vous en saurait aucun gré, il serait fâché ou brochées d'or, que tout cela vienne dans
que vous n'eussiez pas davantage à lui donner. vos mains que gagneriez -vous? Pourriez-
:

Quand vous auriez trouvé le secret de le rendre vous éviter la mort, lorsque vous n'aurez plus
maître du monde entier, il n'en aurait point personne pour cuire votre pain, pour semer
de reconnaissance. 11 croirait n'avoir rien reçu. vos champs, pour vous défendre des bêtes?
Son désir est insatiable; car c'est un désir de Les démons, dans cette solitude effroyable,
malade; or les désirs de malades ne se peuvent rempliraient votre âme de mille frayeurs; ils
assouvir. la possèdent dès maintenant, mais alors ils
2. Un homme brûlé de la fièvre peut-il vous feraient tourner l'esprit et mourir enflnv
éteindre le désir qu'il a de boire? Plus il boit, Je voudrais, dites-vous, qu'il restât quelnues
plus il veut encore boire. Ainsi en est-il de laboureurs et quelques boulangers pour me
l'homme passionné pour les richesses jusqu'à servir. Mais s'ils restaient avec vous, ils vou-
la folie, sa passion ne peut jamais être satis- draient partager ces biens avec vous. Vous oe
364 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

le leur permettriez pas, tant votre avarice est de préférable à cette haine? L'amitié que l'on
insatiable. Voyez, mes frères, combien cette s'attirepour Dieu ne vaut pas, à beaucoup
passion rend un homme ridicule, et l'extré- près, la haine que l'on encourt à cause de lui.
mité où elle le réduit. Un avare est jaloux Lorsqu'on nous aime à cause de Dieu, c'est un
d'avoir un grand nombre de serviteurs, et il honneur dont nous lui sommes redevables ;
ne peut souffrir qu'ils aient le nécessaire pour Lorsqu'au contraire nous nous faisons haïr à
vivre, parce qu'il craint la dépense. Voulez- cause de Dieu, c'est lui qui nous doit pour
vous donc que les hommes soient de pierre? cela une récompense. Quelque amour que les
passion aveugle et méprisable que démolies, I
avares montrent pour l'or, ils n'y peuvent
que de troubles et de tempêtes, que d'imagi- mettre de bornes, et dès que nous avons fait
nations ridicules ne causes-tu pas dans les la moindre chose pour Dieu, nous croyons
âmes L'avare
! a toujours faim, toujours soif. avoir tout fait. Nous sommes bien loin d'aimer
Ayons pitié de lui, mes frères, déplorons son Dieu autant qu'ils aiment l'or. Ils sont certes
sort. Il que
n'y a pas de plus cruelle maladie bien coupables d'avoir cette folle passion pour
celle faim incessanteque les médecins nom- l'or; mais que nous sommes nous-mêmo
ment a boulimie » on a beau manger, rien ne
; condamnables de n'avoir pas autant d'amour
la peut calmer. Transportez une telle maladie pour Dieu Cet honneur qu'ils rendent à un
!

du corps à l'âme, quoi de plus affreux ? Or la peu de terre, car l'or n'est pas autre chose,
« boulimie» de l'âme, c'est l'avarice plus ; que nous sommes malheureux de ne pas le
elle gorge d'aliments, plus elle en désire.
se rendre au Maître de toutes choses.
Elle étend toujours ses souhaits au-delà de ce 3. Considérons, mes frères, cette folle pas-
qu'elle possède. Si l'ellébore nous pouvait sion, et rougissons de notre indifférence. Que
guérir de cette folie, ne faudrait-il pas tout gagnerons-nous à être moins enflammés pour
faire pour s'en affranchir? Il n'y a pas assez l'or, si nous sommes froids pour Dieu dans

de richesses au monde pour remplir le ventre nos prières. Les avares méprisent leurs fem-
affamé de l'avarice. mes, leurs enfants et même leur salut, et cela
Quelle confusion pour nous, mes frères," sans savoir s'ils réussiront à grossir leur
que certains hommes aiment l'argent beau- avoir, puisque souvent ils meurent au milieu
coup plus que nous n'aimons Dieu, et que de leurs plus belles espérances, après avoir
Dieu soit pour nous d'un moindre prix que travaillé en vain nous qui sommes certains
; et
n'est l'or pour eux? Veilles, lointains voyages, d'atteindre l'objet de nos désirs,si nous l'ai-

dangers sur dangers, inimitiés et embûches, mons comme il faut l'aimer, nous ne daignons
les hommes bravent tout pour l'amour de pas même l'aimer ainsi, mais nous sommes
l'argent. Et nous, nous ne hasarderions pas froids en tout, froids dans l'amour du pro-
de dire une simple parole pour Dieu, ni d'en- chain, froids dans l'amour de Dieu. Car notre
courir la moindre disgrâce? Quand il faudrait indifférence pour Dieu vient de celle que
venir en aide à quelque opprimé, comme nous avons pour notre prochain. Il n'est pas
nous redoutons de nous exposer au ressenti- possible qu'un homme qui ne sait pas aimer
ment de quelque grand personnage, comme soit d'un sentiment noble et viril.
capable
nous avons peur d'une ombre de péril, comme L'amour est le fondement de toutes les vertus.
nous nous hâtons d'abandonner la malheu- La charité, dit Notre-Seigneur, renferme la
reuse victime de l'injustice Lorsque nous1 loi et les prophètes. (Matth. xxii, 40.) Comme
avons reçu de Dieu le pouvoir de secourir lorsque d'une forêt d'épines,
le feu s'est saisi

ceux qui en ont besoin, nous laissons ce pou- il les réduit en cendres, et en purifie la terre ;

voir se perdre inutilement entre nos mains, de même le feu de la charité brûle et détruit,
pour ne pas nous attirer de désagréments ni partout où il tombe, tout ce qui peut être con-
de haines. Cette lâcheté est même réputée sa- traire à la moisson de Dieu, et purifiant la
gesse et est passée en proverbe « Sans ra-ion : terre de nos âmes, la rend propre à recevoir
t faites-vous aimer, mais sans raison ne vous la semence que Dieu y répand. Là où se trouve
«faites point haïr». Voilà un propos que le l'amour, tous les maux disparaissent. Il n'y
monde a sans cesse à la bouche. Quoi est-ce 1
maux,
a plus d'avarice, cette racine de tous les
donc s'exposer sans raison à la haine que de il n'y a plus d'égoïsme, plus de morgue; qui
la faire pour secourir un malheureux? Quoi voudrait, en effet, s'élever au-dessus d'un ami.''
COMMENTAIRE SUR LA II« ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE VU. 38S

Rien ne nous rend si humbles que la charité. pour son ami. ne l'accusa point, il réfuta
Il

Elle nous fait, sans rougir, rendre à nos amis même de son père. 11 ne fut
les accusations

les plus bas services^ et même nous leur en pas envieux contre son ami, il l'aida au con-
rendons grâces. La charité fait que nous n'é- traire non-seulement de son bien, mais il lui
pargnons pas notre argent, ni même nos per- sauva la vie, il exposa pour lui la sienne pro-
sonnes pour le bien de nos amis, puisque nous pre. 11 ne considéra point son père lorsqu'il
exposons pour eux notre vie. La charité vé- s'agissait de sauver son ami parce que Saiil
,

ritable et sincère ne souffre ni envie ni médi- avait des desseins criminels que Jonathas dé-
sance. Bien loin de calomnier nos amis, nous testait. Voilà quelle était l'amitié de Jonathas
fermons au contraire la bouche à ceux qui les pour David. Voyons maintenant celle de Da-
calomnient. La charité met partout le calme vid pour Jonathas. Il ne put le payer de tout
et la tranquillité, elle bannit les disputes et ce qu'il avait fait pour lui puisque cet ami
,

les querelles, elle fait régner une paix pro- si bienfaisant mourut avant que lui, David,

fonde. « La charité », dit saint Paul, «est l'ac- qui avait reçu ses bienfaits fût devenu roi. ,

a complissement de la loi». (Rom. xui, 10.) Voyons cependant comment ce juste témoi-
Il n'y a rien de désagréable en elle. Tous les gna son amitié dans la mesure du possible.
crimes qui troublent la paix l'avarice, la : « Que Jonathas est beau pour moi ta mort ;

violence, les rapines, l'envie, les accusations, « m'a fait une blessure mortelle ». Nous trou-

le parjure, le mensonge, disparaissent en pré- vons encore d'autres marques de sa tendresse-.


sence de la charité, puisqu'on ne commet des 11sauva son fils et son petit-fils de mille périls
parjures que pour ravir le bien des autres. en mémoire de leur père. II ne cessa jamais
Qui voudrait penser à ravir bien d'un ami ? le de les regarder comme ses propres enfants. Je
On est prêt donner ce qu'on
au contraire à lui souhniterais de vous tous, mes frères, que
a, et on croit même qu'il nous fait grcàce de le vous eussiez une tendresse semblable envers
recevoir. Vous me comprenez, vous tous qui les vivants et envers les morts.
avez des amis, non pas des amis de nom seu- A.Que les femmes écoutent ceci, car ce sont
lement, mais des amis véritables et que vous les femmes que j'ai surtout en vue lorsque je
aimez autant qu'on doit aimer des amis. Si dis: Envers les morts; qu'elles écoutent donc,
quelqu'un ignore ces choses, qu'il les apprenne celles qui convolent à de secondes noces, dés-
de ceux qui les savent. honorant ainsi la couche de votre mari mort,
Ecoutez un modèle d'amitié tiré de l'Ecri- de celui que vous avez aimé le premier. Je ne
ture. Jonathas, fils du roi Saiil, aimait David : dis pas cela néanmoins pour condamner les
« Son âme était étroitement unie à la sienne» secondes noces ou pour faire croire qu'elles
(I Rois, XVIII, 1), au point que pleurant sa ,
soient impures. Saint Paul ne me le permet
mort David disait o Ton amour m'a saisi
, : pas il me ferme la bouche lorsqu'il dit « Si
; :

« comme l'amour des femmes ta mort m'a ; même elle se remarie, elle ne pèche point ».
fait une blessure mortelle ». {II Rois, i, 26.) Cependant voyons aussi la suite « Mais elle :

Jonathas porta-t-il envie à David? Nullement, « est plus heureuse si elle demeure telle
,

et cependant il avait un motif de lui porter « qu'elle est ». (I Cor. vu, 28, 40.) La viduilc

envie ,
puisqu'il voyait qu'il allait devenir roi est bien plus excellente que les secondes no-
à son détriment. n'éprouva cependant au-
Il ces pour plusieurs raisons. Car s'il vaut mieux
cun mouvement Il ne dit point
d'envie. Cet : ne se point marier , il s'ensuit qu'il vaut
homme me chasse du trône de mon père. Il mieux ne se marier qu'une fois que plu-
l'aida même à entrer en possession de son sieurs. Vous m'objecterez peut-être que plu-
royaume. Il résista à son propre père en fa- sieurs n'ont pu supporter le veuvage et sont
veur de son ami. Ce que je dis néanmoins ne tombées en de grands malheurs? Elles y sont
doit point le faire passer pour un rebelle ou tombées parce qu'elles n'ont pas su ce que
un parricide il ne viola en rien le respect
; c'était que la viduité. Elle ne consiste point
qu'il devait à son père, il se contenta d'empê- seulement à ne pas contracter un second
cher ses pièges et ses injustices. C'était lui té- mariage, comme la virginité ne consiste
moigner du respect et non lui faire tort puis- ,
point simplement à ne point se marier du
qu'il l'empêchait de commettre un meurtre tout. Ce qui fait proprement la vierge, c'est
injuste. Il s'exposa même souvent à mourir la modcMie et la prière assidue, et et; qiii

S. J. Ch. — Tome XI, S5


,

3R6 TRADUCTION l^UANÇ.MSE DE SAINT JEAN CIlIWSOSTOMË.

fnit la veuve, c'est la solitude et imo prière con- vous a commandé


de bien élever vos enfants.
tinuelle avec l'abstinence des délices, o Celle Il est impossiblequ'une maison fondée sur la
«qui dans les délices », dit saint Paul,
vit charité envers les pauvres souffre aucun mal.
est morte toute vivante qu'elle est ». (I Tiin. Quand elle en souffrirait, le succès en serait
V, 6.) Si, en demeurant veuve, vous avez la heureux dans la suite. La charité protégera
même magnificence dans vos habits et le cette maison mieux que la lance et le bou-
même luxe et le même faste que vous aviez clier. Voyez ce que le démon dit lui-même à

du vivant de votre mari il vaudrait mieux , Dieu au sujet du saint homme Job a Ne :

vous retnarier. Ce n'est pas l'union du mariage B lavez-vous pas environné, comme d'une

qui est mauvaise, mais ces vanités que vous forte mnr.iille, an dedans et au dehors?»

rcclii rchez. Vous fuyez ce qui en soi n'est Pourquoi ? —


Job va lui-même vous répon-
pas un mal, et vous faites ce qui de soi est dre «J'étais », dit-il, « l'œil des aveugles,
:

mauvais. le pied des boiteux et le père des orphe-

'.'est la raison pour laquelle quelques veuves « lins B. (Job, I, 10; et xxix, 15.)

s'étaient égarées à la suite de Satan elles ne : Celui qui prend part aux maux des autres,
savaient pas garder, comme il convient, l'état ne sera point abattu de ses maux propres;
de veuve. Voulez-vous savoir ce que c'est que celui au contraire qui refuse de s'unir à la
la viduité, et quel est son caractère? Ecoutez douleur des autres, sera bien plus rudement
saint Paul « Qu'on puisse lui rendre témoi-
: frappé de ses propres malheurs. Si, dans le
goage de ses bonnes oeuvres », dit-il, a si corps, lorsque le pied est blessé, la main ne lui
« elle a bien élevé ses enfants , si elle a exercé porte point de secours, si elle ne lave point la
«l'hospitalité, a lavé les pieds des
si elle plaie si elle n'y applique point de remède
,

a saints, si elle a secouru les affligés, si elle pour la guérir, elle sera bientôt elle-même
« s'est appliquée à toute sorte d'actions pieu- atteinte du même mal, et pour n'avoir pas
ases ». [I Tini. v, 14.) Si maintenant que voulu rendre service à un autre membre lors-
votre mari est mort, vous paraissez toujours qu'elle était exempte de mal, elle se verra
entourée du faste de la richesse, vous ne savez elle-même sujette au mal. Le mal se glissant
pas vivre en veuve. Transférez vos richesses dans tout le corps, viendra enfin jusqu'à la
dans le ciel, et le poids de votre viduité vous main, pour qui il ne sera plus question de
deviendra léger. —
Mais si j'ai, dites-vous, des rendre service à un autre, mais de pourvoir à
enfants qui doivent hériter du patrimoine de sa propre guérison, à son propre salut. Disons
leur père? Apprenez-leur à eux-mêmes à mé- de même que celui qui refuse de compatir
priser les richesses. Faites passer vos biens au aux maux des autres, sera lui-même affligé
ciel, eten leur donnant à chacun ce qui leur par le mal. « Vous avez environné Job comme
suffit,apprenez-leur à se mettre au-dessus de « d'un rempart », dit Satan « et je n'ose l'at-
,

leur argent. —
Mais si j'ai un grand nombre « taquer». — Mais ce saint homme, direz-vous,
d'esclaves, dites-vous; si j'ai une multitude éprouva cependant de dures afflictions. —
d'afTaires, de l'argent? Conmientsuf-
de l'or, Oui mais ces afflictions devinrent pour lui
, la
firai-je à l'administration de tant de biens cause de très-grands biens. Ses richesses fu-
sans le secours d'un homme? Ce sont là de — rent doublées, sa récompense fut augmentée,
vains prétextes, si vous n'aimiez point l'ar- sa justice grandit, sa couronne s'enrichit de
gent, si vous ne vouliez point encore augmen- nouveaux rayons , le prix remporté par
ter votre bien, toutes ces raisons disparaî- l'athlète fut plus splendide, en un mot Job
traient. Il y a bien plus de peine à étaler ses vit s'accroître ensemble ses biens spirituels et
richesses qu'à les conserver. Si vous retran- SCS biens temporels. Il perdit ses enfants, il

chez l'ostentation, et si vous donnez de vos est vrai,mais Dieu lui en rendit d'autres et il
biens aux pauvres, Dieu étendra sur vous la se réserva de lui rendre les premiers au jour
protection de sa main. Si c'est vraiment le de la résurrection. Si Job avait recouvré les
désir de conserver l'héritage de vos pupilles mêmes, le nombre de ses enfants en eût été
qui vous fait parler de la sorte, et non les pré- diminué; mais outre qu'il en a reçu d'autres,
textesque votre avarice cherche si adroite- «1 recevra encore les premiers au dernier
ment, Dieu qui sonde les cœurs saura conser- jour. Tous ces biens lui furent donnés parce
ver en sûreté k bien de çq» QD^anU» lui qui qu'il avait M l'aumône avec joie. FaisQiii
COMMENTAIRE SUR LA IP ÉPITRE A TIMOTHÉE. — HOMÉLIE VIIL 387

donc aussi l'aumône, mes frères, afin que la miséricorde et la bonté de Notre-Seigneur
nous obtenions de Dieu les mêmes grâces, par Jésus-Cbrist. Ainsi soit-il.

HOMELIE VIII.

on SACHEZ QUE DANS LES DERNIERS JOURS IL VIENDRA DES TEMPS FACHEUX CAR IL t AURA DES B0UUE3 ;

AMOUREUX d'eux-mêmes, AVARES, GLORIEUX, SUPERBES, MÉDISANTS, DÉSOBÉISSANTS A LEURS PARENTS,


INGRATS, IMPIES, ENNEMIS DE LA PAIX ET DE LA CHARITÉ, CALOMNIATEURS, INTEMPÉRANTS, INHUMAINS,'
SANS AFFECTION, TRAÎTRES, INSOLENTS, ENFLÉS d'ORGUEIL, ET PLUS AMATEURS DE LA VOLUPTÉ QUB'DB
DIEU, (m, l-i jusqu'au verset 15.)

Analyse*
1. C'a été de lout temps qiie le démon a cherché à opposer le mensonge à la véiilé, le mal au bien.'
2 et 3, La vie de l'homme est un combat sans trêve.
4, S. Le saint orateur exhorte à la lecture de l'Ecriture. — Il conjure ses auditeurs de ne pas vouloir eiaminer trop carieuement
les secrets de Dieu, dans la conduite qu'il tient envers les bons et les méchants. —
Contre les devins et la vanité de leurg
prédictions.

1. Si quelqu'un trouve étrange qu'il y ai L'ingrat est donc un grand coupable; et


aujourd'hui des hérétiques qu'il considère ,
cela se comprend. En effet, comment devra
qu'il en a toujours été ainsi dès le commen- 68 conduire envers les autres hommes celui
cement, parce que, de tout temps, le diable a qui est sans reconnaissance envers son bien-
cherché adroitement à mêler le mensonge à faiteur? L'ingrat est un homme sans foi, l'in-
la vérité. Dieu, dès le commencement, avait grat est un homme sans entrailles, a Calom-
promis à l'homme beaucoup de biens le dé- ; niateurs », dit saint Paul; comme ils ne
mon aussi vint les séduire par ses promesses sentent en eux-mêmes rien de bon , ils trou-
trompeuses. Dieu leur avait planté un jardin vent une sorte de consolation à incriminer les
de délices, et le démon leur vint dire « Vous : intentions des autres, ce qui est pour eux l'oc-
«serez comme des dieux». Ne pouvant rien casion de mille péchés. —
a Intempérants »

leur donner en effet, il par ses pro-


les éblouit de la du ventre et de tout le reste.
langue ,

messes c'est : ce que font tous les séducteurs. « Inhumains ». La dureté et la cruauté vien-
Après on vit Gain et Abel, ensuite les fils de nent de ce qu'on a la passion de l'argent, de
Seth et les filles des hommes; puis encore ce qu'on s'aime trop soi-même, de ce qu'on
Cham et Japhet, Abraham et Pharaon, Jacob est ingrat ou débauché. — «Sans affection,
et Esaû, Moïse et les magiciens, les prophètes « traîtres, insolents ». Traîtres à l'amitié ; in-
de Dieu elles faux prophètes, les apôtres et solents et téméraires, c'est-à-dire, ne se sou-
les faux apôtres, Jésus-Christ et l'antechrist. mettant à aucune loi. —
aEnQés», c'est-à-
Après la venue du Sauveur on a encore vu la dire, remplis d'orgueil. —
a Plus amateurs de

même opposition , et en même temps que les a la volupté que de Dieu qui auront une ;

apôtres on voit paraître Teudas, Simon le ma- « apparence de piété , mais qui en ruineront
gicien, Hermogènes, Philète et d'autres. Vous a la vérité». L'apôtre s'exprime presque de

ne trouverez pas une époque où le démon même dans son épître aux Romains c Ils :

n'ait opposé le mensonge à la vérité. Ne nous «ont », dit-il, «l'apparence, la forme de la


scandalisons donc point de voir des hérésies, a science et de la vérité dans la loi », (Rom.

il y a longtemps qu'elles ont été prédites. C'est n, 20.) Mais là c'est un éloge qu'il décerne , et
ce qui fait dire à saint Paul « Sachez que dans : ici c'est un blâme qu'il inflige , et même uu
« les derniers jours il viendra des temps fâ- blâme très-sévère. D'où vient cette différence?
« cheux car il y aura des hommes amou-
; C'est que le même mot n'est pas pris selon la
a reux d'eux-mêmes, avares, glorieux, super- même acception. C'est ainsi que le mot image
« bes, médisants, désobéissants à leurs parents, se prend dans l'Ecriture , tantôt dans le sens
« ingrats^ impies, etc. • de ressemblance, et tantôt en mauvaise part
â88 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

pour exprimer quelque chose crinaniiiié, un nous tous. — « Car de ce nombre sont ceux
objet de rien. Par exemple, écrivant aux Co- « qui s'introduisent dans les maisons, et qui
rinthiens, l'apôtre dit « L'homme ne doit
: B traînent après eux comme captives, des fem-
« point se voiler la tèle parce qu il est riniajic a mes de rien, chargées de péchés et possé-
« et la gloire de Dieu e (I Cor. xi, 7); et de son B dées de diverses passions; lesquelles ap-
côté le Psalmiste dit : a L'homme passe en a prennent toujours et n'arrivent jamais à la
a image ». (Ps. xxxviii, 7.) a connaissance de la vérité (6, 7) ».

C'est ainsi que le lion est tantôt pris pour 2. Voyez-les user de la même fraude que
signifier quelque chose de royal et de majes- l'antique séducteur. Ils se servent du même
tueux, comme dans ce passage « 11 s'est en- : instrument dont le démon se servit contre
<f dormi comme un lion et comme un lion- Adam. —
« Qui s'introduisent dans les mai-

«ceau,qui le réveillera? » (Gen. xlix, 9.) 8 sons », dit l'apôtre, employant ime expres-
Tantôt pour exprimer quel(|ue chose de mal sion (jui peint parfaitement l'impudence, la
comme la rapine o Tel qu'un lion ravisseur
: dégr.uiation , la fraude , la basse flatterie. —
« et rugissant». (Ps. xxi, 14.) Nous ne par- a Qui traînent après eux comme captives, des
lons |)as autrement nous-mêmes. L'infinie va- o femmelettes ». Est femmelette quiconque se

riété des objets que, pour


de la nature est telle laisse facilement séduire et est loin de la fer-
les exprimer, nous sommes obligés d'avoir meté virile. C'est le propre des femmes de se
recours à toute sorte d'exemples et de compa- laisser tromper, ou plutôt c'est le propre non
raisons. Ainsi, quand nous voulons parler des femmes, mais des femmelettes. o Char- —
avec admiration d'une belle personne, nous a gées de péchés ». Vous voyez d'où vient

la comparons à une peinture nous disons ; qu'elles se laissent facilement séduire; cela
d'une belle peinture qu'elle eirt parlante. Nous vient de la multitude de leurs péchés et du
n'avons pas la même cliose en vue dans les mauvais de leur conscience, a Chargées
état
deux cas dans celui-ci nous considérons la
: a de péchés » est une expression d'une admi-

ressemblance, dans celui-là la beauté. 11 en rable [tropriété elle peint non-seulement la


;

est de même du mot de « forme » dont saint multitude des péchés, mais encore le désor-
Paul se sert, et qu'il prend là pour la figure, dre et la confusion. —
a Et possédées de di-

l'image, la règle et le modèle de la piété, ici a verses passions ». Ce n'est point le sexe qu'il
pour une image inanimée, pour une figure accuse, il ne dit pas simplement des femmes,

morte et une vaine représentation. La foi mais il ajoute de quelle sorte de femmes il veut
donc sans les œavres n'est qu'une apparence parler. — a De diverses passions ». Quelles
sans solidité. Un beau corps, paré des plus passions? lia en vue la mollesse, le déver-
belles couleurs, niais sans vigueur, et pareil gondage, la luxure, ainsi que la cupidité, la
il ceux que l'on voit sur les tableaux des pein- vanité, présomption, l'amour des hon-
la
tres, telle est la pure foi sans les œuvres. neurs, et peut-être d'autres passions encore
Admettons qu'un homme soit un avare, un plus honteuses. —
« Les(iuelles apprennent
traître, un insolent, et que sa foi soit pure ,
a toujours, et qui n'arrivent jamais jusqu'à la
qu'y gagnera-t-il s'il n'a aucune des autres a connaissance de la vérité ». Ce n'est pas pour
qualités qui font le chrétien, s'il ne pratique les excuser qu'il parle de la sorte, mais bien
aucune œuvre de piété, s'il est plus im()ie pour les menacer fortement car elles ontelles- ;

qu'un païen, s'il ne vit que pour la perle de mêmes enseveli sous la masse de leurs péchés
ceux qui le fréquentent, que pour blasi)hé- leur intelligence qui en a été aveuglée.
nier le saint nom de Dieu et pour déshonorer a Comme Jannès et Mambrès résistèrent à
par sa conduite la foi dont il fait profession? a Moïse, ceux-ci de même résistent à la vé-
« Fuyez-les », dit saint l'aul. Mais si ces hom- a rite ». Qui sont ces hommes, sinon des ma-
mes ne devaient venir qu'à la fin des temps, giciens du temps de Moïse ? Mais comment se
pourquoi l'apôtre recommande-t-il à son dis- fait-il qu'on ne lit leurs noms nulle part ail-
ciple de les éviter? C'est que vraisenibl;il)le- leurs? Il faut que saint Paul ait appris leurs
nient il y en avait déjà de lels dès ce temps-la, noms soit par la tradition, soit par l'inspira-
quoique relativement en petit nombre; mais tion (lu Saint-Esprit. — a Ceux-ci de même
la vérité est que le conseil d'éviter ces hom- « résisteront à la vérité. Ce sont des hommes
lues ne s'adresse pas plus à Timolhée qu'à a corrompus dans l'esprit et [ ervertis dans la
COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE VIlL 389

«foi. Mais le progrès qu'ils feront aura ses « Quelles ont été mes persécutions , mes
«bornes». Leur folie sera rendue \isible à a afflictions ». Voilà deux choses capables d'ef-
tous les yeux comme celle des magiciens. frayer un prédicateur de la foi, le grand nom-
a Mais leur progrès aura des bornes ». Cepen- bre des hérétiques , et le manque de force
dant saint Paul dit plus haut (ii, 16) que leur pour souffrir les afflictions. Ces hérétiques, il
impiété n'aura pas de bornes; comment con- en a déjà beaucoup parlé il a dit qu'il y en a
;

cilier cela? Plus haut il veut dire que les toujours eu, qu'il y en aura toujours, qu'au-
novateurs, une fois qu'ils se seront mis à cune époque n'en est exempte, qu'ils ne pour-
l'œuvre, ne s'arrêteront plus dans la voie de ront en aucune façon nous nuire; enfin, qu'il
l'égarement, qu'ils inventeront sans cesse de y a dans le monde des vases d'or et des vases
nouvelles fraudes et de nouveaux mensonges. d'argent. C'est pourquoi il ne parle plus que
Ici il déclare qu'ils ne tromperont pas tou- de ses afflictions. —
« Ce qui m'est arrivé à

jours, qu'ils n'entraîneront jamais tout après a Antioche à Icône


, à Lystre». Pourquoi,
,

eux, quelques chutes qu'ils aient d'abord cau- d'un si grand nombre d'afflictions qu'il avait
sées, mais que bientôt ils seront démasqués. souffertes, ne rapporte-t-il que celles-ci, sinon
Que ce soit là sa pensée, ce qui suit le prouve. parce que son disciple connaissait les autres?
«Car leur folie sera rendue visible à tous, Peut-être aussi fait-il une mention particu-
« comme le fut alors celle de ces magiciens ». lière de celles-ci par la seule raison qu'elles
Quelque prestige qu'exerce d'abord l'erreur, étaient toutes récentes. Il ne s'arrête pas à
jamais elle ne subsiste jusqu'à la fln. Telle est énumérer toutes ses tribulations parce qu'il ,

la destinée des choses qui ne sont belles qu'en est ennemi de la vaine gloire et de l'ostenta-
apparence et non en réalité. Elles ont un ins- tion. 11 parle pour encourager et consoler son
tant de vogue puis on en voit le néant et
, , disciple, et non pour faire étalage de ses mé-
elles tombent aussitôt. Mais telle n'est pas rites. Il s'agit ici d'Antioche , de Pisidie et de
notre doctrine, vous en êtes témoins, nous ne Lystre ,
patrie de Timothée. — a Quelles per-
nous soutenons point par la fraude. Le men- a sécutions j'ai endurées , et comment le Sei-

songe n'est pas ce que nous prêchons qui ;


« gneur m'a tiré de toutes » . Voilà deux grands
voudrait mourir pour le mensonge ? motifs d'encouragement. J'ai montré une gé-
«Quanta vous, vous avez été assez long- néreuse ardeur, dit saint Paul, et Dieu de son
« temps avec moi pour savoir quelle est ma côté ne m'a pas abandonné ma couronne a ;

n doctrine, ma manière de vie, la tin que je été d'autant plus glorieuse que j'avais plus
« me propose, ma foi, ma tolérance, ma cha- souffert. Voilà ce qu'il veut dire par ces mots :

« rite, ma Vous avez été


patience, etc. » — « « Quelles persécutions endurées, etcom-
j'ai

a assez longtemps avec moi, etc. », soyez donc e ment le Seigneur m'a tiré de toutes ».
fort. L'apôtre ne dit pas seulement Vous avez : 3. a Ainsi tous ceux qui veulent vivre avec

été avec moi, mais: « Vous avez été assez long- « piété en Jésus -Christ seront persécutés ».

citemps avec moi »; tel est le sens du mot Pourquoi parler de moi en particulier? dit-il,
dont il se sert, a Quelle est ma doctrine », est-ce que tout homme qui voudra vivre dans
voilà pour l'enseignement par la parole. — la piété ne sera pas persécuté? Par persécu-
« Quelle est ma manière de vie », voilà pour tions il entend ici les peines et les tribulations
la conduite et les œuvres. — a Quelle est la de la vie. On ne peut point marcher par le
« fin que je me propose », voilà pour l'inten- chemin de la vertu et être exempt de cha-
tion et le but pratique. Je ne me suis pas grin, d'affliction, de douleur, d'épreuves de
borné à parler, dit-il, j'ai agi je ne me suis toutes sortes. Comment en serait-il autrement

;

pas contenté d'une sagesse en paroles. puisque c'est marcher dans la voie étroite et
a Quelle est ma foi, ma longanimité »; vous resserrée puisqu'il a été dit
,
« Vous aurez :

savez que rien ne m'a troublé dans l'accom- a des tribulations dans ce monde?» (Jean,

plissement de ma mission. a Quelle a été — XVI, 33.) Si de son temps Job a pu dire « La :

a ma charité », vertu étrangère aux partisans a vie de l'homme sur la terre n'est qu'une

de l'erreur, ainsi que la patience et vous , a épreuve continuelle » (Job, vu, 1), combien

savez qu'elle a été la mienne. Il ausé de lon- cela est-il plus vrai encore aujourd'hui ?
ganimité envers les hérétiques, et de patience a Mais les hommes méchants et les impos-
contre les persécutions. « teurs avanceront de plus en plus dans le
,

3dO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

mal , égarant les autres , et s'égarant eux- néanmoins il passa tout


n'égalait saint Paul, et
« mêmes ». Si les méchants sont dans la joie letemps de sa vie dans l'affliction, dans les lar-
et vous dansles épreuves, ne vous en troublez mes, dans les gémissements le jour et la nuit.
pas : nature des choses le veut ainsi. Mon
la «Avec des larmes répandues jour et nuit»,
histoire vous apprendra que l'homme qui fait dit-il, «pendant trois ans, je n'ai pas cessé
la guerre aux méchants ne peut pas ne pas « d'avertir» ; et encore : «Je suis accablé d'af-
être dans la tribulation. L'athlète ne peut « faires tous les jours». (Act. xx, 31 et II Cor.
vivre dans les délices ; le lutteur ne saurait se XI, 28.) 11 n'était pas aujourd'hui dans la joie,

livrer à la bonne chère. Est-ce qu'un soldat demain dans la douleur


ne se passait pas; il

connaît les délices? La vie f»réspnte


le repos et un jour sans quelque peine.
qu'il souffrît —
est un combat, une guerre, une tribal. ition Cependant saint Paul dit que les méchants
perpétuelle, une angoisse sans fin, une épreuve, avanceront de plus en plus dans le mal. Oui, —
c'est un stade où les luttes sont incessantes. Le mais il ne dit pas qu'ils trouveront le repos ;
temps du repos viendra plus tard, le temps pré- c'est vers le mal que se fait leur progrès. Il ne
sent est celui des travaux et des fatigues. Est- dit pas qu'ils seront dans la joie. S'il arrive
ce que l'alhlètd qui est déjà entré dans la lice, qu'ils soient châtiés, ils le sont pour que vous
qui a dé|iosé ses vêtements et qui s'est frotté ne croyiez pas à l'imiiunité du péché. Comme
d huiledemande à se reposer? Si vous voulez la menace de l'enfer ne suffit pas pour arrêter

vous reposer, pourquoi êtes-vous entré dans notre malice, il nous réveille de temps en
la lice? 11 ne vous reste plus qu'à lutter. Est- temps dans sa bonté par le châtiment tem-
ce que je ne lutte point, direz-vous? — Non porel.
vous ne luttez point, puisque vous ne domptez aucun méchant n'était puni, personne no
Si
pas votre concupiscence, puisque vous ne ré- que Dieu préside aux affaires de ce
croirait
sistez pas à l'entraînement de votre nature. monde. Si tous étaient punis, personne n'at-
«Quant à vous, demeurez ferme dans les tendrait plus la résurrection , si l'on voyait
• choses que vous avez apprises, et qui vous que tous reçoivent ici-bas leur récompense.
«ont été conliées, sachant de qui vous les Voilà pour quelle raison Dieu tantôt punit et
a avez apprises; et considérant que vous avez tantôt ne punit point ici-bas. Si les justes sont
H été nourri dès votre enfance dans les lettres affligés en ce monde, c'est qu'ils n'y sont qu'en
« saintes qui peuvent vous instruire pour le passant, comme des étrangers et des exilés. De
a salut par la foi qui est en Jésus-Christ», plus les épreuves qu'endurent les justes ser-
S. Paul donne ici le même avis que David vent à épurer leur vertu. Ecoutez ce que Dieu
lorsqu'il dit Ne soyez point jaloux des mé-
: a dit à Job «Croyez-vous que je vous aie traité
:

chants». (Ps. xxxvi, i.) Demeurez ferme, « de la pour une autre raison, sinon
sorte
dil-il, dans les choses non-seulement que vous « afin que vous parussiez juste?» (Job, xl, 3.)
avez iip[)rises, mais qui vous ont été confiées, Quant aux pécheurs, s'il leur arrive aussi
etoù vous avez vu qu'est la véritable vie. Si d'être affligés, c'est en punition de leurs
vou^ voyez des apparences contraires à votre iniquités. Rendons grâces à Dieu, quelle que
croyance ne vous troublez pas. Abraham
, soit la manière dont il nous traite, car c'est
voy.iit des choses contraires à ce (|u'on lui toujours pour notre bien. Il n'agit jamais par
a\ait promis, et néanmoins il n'hésita pas. haine et aversion pour nous, il est toujours
Dieu promis que ce serait d'isaac
lui avait mu par une tendre sollicitude pour nos inté-
que sortirait sa pos-tciité; cependant lorsque rêts. Saint Paul ditàTimothée qu'il a été nourri
Dieu lui commanda de lui immoler ce même dans les saintes lettres dès le berceau, c'est-à-
Isaac, il n'en fut ni ébranlé ni troublé. dire dans l'Ecriture sainte. Puisqu'il a été
Que personne donc, mesfrères, ne se scan- nourri de cet aliment sacré dès son enfance,
daliseau sujet des méchants. Il y a longtemps sa foi doit s'en être fortifiéeau point d'être
que l'Kcriture nous a donné cet avis. Et que devenue inébranlable. eu le temps de Elle a
penser en voyant les bons dans la joie et les pousser d'assez profondes racines pour résister
niech;mts châties? — Que les méchants soient à tous les assauts. Ces saintes lettres, lui dit-il
châtiés, rien de plus naturel; mais que les encore, sont capables de vous rendre sage,
bons jouissent d'une prospérité inaltérable c'est-à-dire qu'elles le préserveront de toutes
ici-ba.s, c'e&tcequi n'est pas possibl'i. Personne les folies où donnent la plupart des hommes.
éOMMENTAlRE SUR lA ÏV ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE Vlli; S9l

4, En effet, l'homme qui sait les Ecritures truisez-vous ensuite de ce qui est bien, de ce
comme il faut les savoir, ne se scandalise ja- qui est mal, et de ce qui est indifférent la :

mais; quoiqu'il arrive,il supporte tout avec un vertu est un bien, le péché est un mal les ri- ;

généreux courage, tantôt il se réfugie dans la chesses ou la pauvreté, la mort ou la vie sont
foi et dans la divine providence dont les secrets des choses indifférentes. De ces instructions
sont souvent impénétrables, tantôt aussi il dé- passez à celles-ci Que les bons sont affligés
:

couvre les raisons des événements, guidé par afin d'être couronnés , et les méchants afin de
les exemples qu'il voit dans les Ecritures. C'est recevoir la peine qu'ils méritent; mais que
du reste la preuve d'un véritable savoir, que tous les méchants ne sont point punis en ce
de ne pas céder à une curiosité superflue, que monde, de peur que les hommes ne croient
de ne pas vouloir tout savoir. Et si vous voulez, point la résurrection; que tous les bons ne
je m'expliquerai par un exemple. Supposons sont pas non plus dans l'affliction, de peur que
un fleuve, ou plutôt supposons des fleuves, le crime ne passe pour une chose louable et

(ma supposition n'est pas gratuite, elle est qu'il n'usurpe les hommages dus à la vertu.
conforme à la vérité) ils ne se trouvent pas
;
Que ce soient là vos règles, vos principes, et
tous également profonds; les uns le sont plus, faites ce que vous voudrez; pourvu que vous
les autres moins. Les uns peuvent noyer dans les suiviez, vous ne courrez aucun risque. De
leurs eaux profondes et emporter dans leurs même qu'il y a chez le grammatiste un nom-
tourbillons les imprudents qui s'y aventurent; bre de six mille lettres qui servent à toutes
les autres sont faciles à traverser sans danger. espèces d'opérations, et qu'au moyen de ce
C'est donc une grande sagesse que de ne pas nombre de six mille lettres on peut, comme
s'exposer également à tous les fleuves, et ce le savent ceux qui ont appris à calculer par
n'est pasune preuve médiocre de science que cette méthode, faire toutes les divisions et
de vouloir bien ne pas sonder toutes les pro- toutes les multiplications possibles sans ris-
fondeurs. Vouloir en effet affronter tous les quer de se tromper; de même celui qui saura
endroits d'un fleuve, c'est montrer qu'on bien ces règles, que je vais répéter plus briè-
ignore les propriétés des fleuves. Si la facilité vement, pourra s'avancer hardiment dans la
avec laquelle vous avez passé un endroit peu vie sans heurter à aucune pierre de scandale.
profond vous enhardit à tenter le pass-age aux Quelles sont donc ces règles? Que la vertu est
endroits profondSjVous périrez infailliblement. un bien, que le péché est un mal, que les ma-
Il en de Dieu; vouloir pénétrer tous
est ainsi ladies, la pauvreté, les embûches qu'on nous
les mystères dela divinité, et s'aventurer dans tend, les calomnies qui attaquent notre répu-
cette recherche, c'est montrer qu'on ignore tation, et autres disgrâces de ce genre, sont des
entièrement ce qu'est Dieu. Encore ma com- choses indifférentes; que généralement les
paraison est-elle insuCûsante, car au lieu que justes sont ici-bas dans l'affliction; que s'il y
dans les fleuves la plupart des endroits sont en a qui coulent des jours exempts d'affliction,
sûrs et que les tourbillons et les endroits pro- c'est pour empêcher que la vertu ne soit
fonds tiennent moins de place que les autres, odieuse; que les méchants sont ici- bas dans la
en Dieu c'est tout le contraire qui est vrai, il joie, parce que Dieu se réserve de ks jinnir
est presque partout insondable, tt il n'y a pas ailleurs; que s'il y en a quelques-uns que Dieu
moyen de suivre la trace de ses œuvres. Pour- punit dès cette vie c'est pour empêcher que
,

quoi nous précipiter dans ces abîmes? Sachez le péché ne passe pour un bien, et qu'on ne
seulement que Dieu mène tout [)ar sa provi- croie qu'il demeurera impuni; que tous ne
dence, qu'il pourvoit à tout, qu'il nous laisse sont pas punis afin de ne pas discrodiler le

notre hbre arbitre, qu'il fait ou permet tout dogme de la Résurrection. Que les hommes les

ce qui arrive; qu'il ne veut pas le mal; que plus vertueux ne sont pas sans quelques taules
tout ne se fait pas par sa seule volonté, mais qu'ils expient dès ici-bas parleurs souffrances;
aussi par la nôtre; que tout le mal se fait par que les plus pervers peuvent avoir fait (jnel-

la nôtre seule ;
que tout le bien s'accomplit et ques bonnes actions dont Dieu les récompense
par notre volonté et par sa grâce; enfin que en ce monde afin de n'avoir plus qu'à les châ-
rien ne lui est caché. C'est pourquoi il opère tier dans l'autre (|ue les actes de Dieu sont la
;

tout le bien. plupart incompréhensibles; qu'il y a entre


Instruit de ces véi ités fondamentales, ins-; Dieu et nous une distance infinie. Ayons sans
m TRADLCÎION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

cesse ces pensées présentes à l'esprit, et quoi ajouter aux paroles de ces impostenrt, de-
foi

qu'il arrive nous ne nous troublerons point. vient d'une crédulité qui fait admirablement
Lisons les Ecritures, et nous y trouverons beau- leurs affaires. On ne remarque même pas s'ils
coup d'exemples semblables, lisons-les, car se trompent, mais seulement si par hasard ils
elles nous instruiront pour le salut, comme rencontrent juste. S'il est vrai qu'ils savent
dit saint Paul à son disciple, puisqu'elles nous prédire l'avenir, amenez-les-moi à moi qui
marquent ce que nous devons ou ce que nous suis fidèle. Ce n'est pas l'orgueil qui me fait

ne devons pas faire. Ecoutez ce que dit encore parler de la sorte ; il n'y a pas assez de mérite
ce bienbeureux apôtre dans un autre endroit: à s'affranchir de ces sottises, pour qu'on en soit
a Vous vous flattez d'être le conducteur des fler. Je suis plein de péchés, mais je ne crois
a aveugles, la lumière de ceux qui sont dans pas pour cela devoir m'humilier
ici; par la

«les ténèbres, le docteur des ignorants, le grâce de Dieu je me


de tous ces sortilèges.
ris

« maître des simples et des enfants » (Rom. ii, . Je vous le répète, amenez-moi un de vos ma-
19.) Voyez-vous que la loi est la lumière de giciens, et s'il a quelque vertu prophétique,
ceux qui sont dans les ténèbres? Si l'on peut qu'il me dise ce qui m'arrivera demain, ce
dire de la loi qui nous a donné la lettre, la que je deviendrai. Je suis sûr qu'il ne parlera
lettre qui tue, qu'elle est une lumière, que pas. Car je suis sous la puissance de mon roi
dira-t-on de la loi qui nous a donné l'Esprit légitime. Le tyran n'a aucun pouvoir sur moi;
qui vivilie? Si la loi ancienne est une lumière, je me tiens éloigné de ses antres et de ses
que sera la loi nouvelle qui nous a révélé de si cavernes; je sers dans l'armée du roi. Mais,

grands mystères? Que diraient des personnes direz-vous, un tel a conunis un vol, et tel ma-
qui ne connaîtraient que la terre, et à qui on gicien l'a décelé. Cela n'est pas toujours vrai.
découvrirait tout à coup le ciel et les mer- Ce n'est qu'une plaisanterie, ce n'est qu'un
veilles qu'il renferme? Or, il n'y a pas moins mensonge. Ils ne savent rien; s'ils savent de-
de différence entre l'Ancien et le Nouveau Tes- viner, ils devraient bien employer leur art
tament. Le Nouveau Testament nous a fait pour eux-mêmes, et dire que sont devenues les
connaître avec certitude les supplices de l'en- offrandes de. leurs idoles qui ont été enlevées,
fer, le bonheur du ciel, et la sévérité du juge- et découvrir tout l'or qui a été fondu. Pour-
ment final. quoi ne l'ont-ils pas prédit à leurs prêtres? Ils
N'ajoutons pas foi aux jongleries des devins, ne savent donc rien. Ainsi ils ne peuvent pas
il n'y a làque de l'imposture. Mais, direz- — dire même un mot pour sauver leurs richesses
vous, si cependant ce qu'ils disent arrive? ni pour prévenir les incendies qui les ont sou-
Cela arrive parce que vous y croyez, si toute- vent dévoréseux etleurs temples. Pourquoi ne
fois cela arrive. Mais un charlatan vous tient s'occupent-ils pas d'abord de leur propre salut?
captif, il est maître de vous, de votre vie, il Si donc ils ont jamais fait une prédiction qui
fait de vous ce qu'il veut. Diles-moi, si un chef se soit réalisée, c'a été par pur ha^ard.
de brigands avait entre ses mains et dans sa Nous avons des proi)hètcs nous autres, mais
puissance le (ils d'un roi qui se serait donné à ilsne se trompent jamais. On ne les voit point
lui et qui serait venu volontairement vivre tantôt rencontrer juste, tantôt se tromper, mais
dans sa société, pourrait il lui dire s'il vivra ou dire infailliblement la vérité. Le propre de la
s'il mourra? Assurément il le pourrait; non vertu prophétique est en effet de ne se tromper
pas purce qu'il saurait l'avenir, mais parce jamais. Abstenez-vous donc, mes frères, je vous
qu'il serait le maître de laisser vivre ou de en conjure, abstenez-vous de ces folies, si vous
faire mourir l'cnfaul qui l'aurait fait l'arbilre croyez en Jésus-Christ. Que si vous ne croyez
de sa destinée. 11 est clair que ce chef de bri- pas en Jésus-Christ, pourquoi vous dégradez-
gands pourrait dis|<oser à son gré de celte vie vous ,
pourquoi vous tromiiez-vous vous-
quon a livrée, de l'anéantir ou de la laisser
lui mêmes? Jusques à quand clocherez-vous des
subsister. 11 peut encoie lui dire Vous serez : deux jambes? Pourquoi allez-vous à ces de-
riche ou vous serez pauvre, parce qu'il |)eut vins? Que leur demandez-vous? Dès que vous
La plus grande partie de
faiie l'un et l'autre. allez à eux, dès que vous les interrogez, vous
elle-même assujétie à la puis-
la terre s'est vous faites leur esclave. Si vous les consultez,
sance du dsmon. c'est que vous croyez en eux. Nullement, —
5>. De plus l'hoinuie qui s'est habitué à dites-vous, je les consulte, non parce que j'ai
COMMEiNTAÎRE SUR LA II' ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE IX. 393

!oî en eux , mais parce que je veux les éprou- ces misères, et il a dédaigné de nous les faire

ver. — Vouloir les éprouver, c'est n'être pas savoir. Que nous apprend-il en échange ? Des
encore pleinement convaincu qu'ils mentent, vérités que les juifs n'ont pas eu le bonheur
c'est encore en douter. Quand même ils vous d'apprendre. Ces divinations étaient peu de
diraient : Voici ce qui arrivera, mais faites ceci chose. Mais nous, voici ce que nous appre-
et vous éviterez le mal qui vous menace, ce nons Que nous ressusciterons que nous som-
:
;

ne serait pas une raison pour vous livrera mes immortels, qu'une vie
incorruptibles,
l'idolâtrie. Mais leur efTronterie ne va pas jus- sans fin nous est réservée de
;
que la figure
que-là. Si leur prédiction se trouve par hasard ce monde passera que nous serons ravis dans
;

exacte, qu'y gagnez-vous, sinon une tristesse les nues du ciel que les méchants subiront
;

inutile? Si la prédiction est fausse, et que leur juste châtiment, et mille autres choses
l'événement ne la justifie pas, cela n'empêche importantes, qui sont autant de vérités certai-
pas le chagrin de vous consumer pour rien. nes. N'est-il pas plus important de savoir ces
S'il vous était expédient de connaître l'a- choses que de savoir où l'on retrouvera une
venir, Dieu ne nous eût pas envié cet avantage, ânesse perdue ? Voilà que vous avez recou-
ilne nous eût pas privés par jalousie, lui qui vré votre ânesse vous l'avez retrouvée, quel
;

nous a dévoilé les secrets du ciel, a Je vous ai avantage est-ce pour vous ? Ne la pcrdrez-vous
o fait savoir », dit-il, « tout ce que j'ai appris pas de nouveau d'une autre manière ? Si elle
a de mou Père je vous ai annoncé tout ce
; ne vous quitte plus, vous la quitterez, vous, à
a que mon Père m'a dit, c'est pourquoi je ne la mort. Quant aux vérités que je vous ai
vous appelle pas serviteurs, mais je vous ap- dites, si vous voulez vous en mettre en posses-
a pelle mes amis». (Jean, xv, dS.) Pourquoi sion, vous en jouirez éternellement. Voilà ce
donc ne nous a-t-il pas fait connaître ces cho- qu'il nous faut rechercher, les biens qui sont
ses, sinon parce qu'il veut que nous n'en te- stables, les biens qui sont sûrs. Méprisons les
nions aucun compte? Ce qui montre que ce devins, les sorciers, les imposteurs de toute
n'est point par envie qu'il nous refuse ces sor- espèce, n'écoutons que Dieu qui sait tout avec
tes de connaissances, c'est qu'il les communi- certitude, qui possède la pleine connaissance
quait aux anciens, et qu'il faisait par exemple de toutes choses. C'est ainsi que nous saurons
retrouver des ânesses perdues. Il agissait ainsi tout ce qu'il f lut savoir, et que nous obtien»
alors parce qu'il avait affaire à un peuple en- droas tous les biens. Ainsi soit-il.
fant : pour nous, il veut que nous méprisions

HOMELIE IX.
rOCTE ÉCRITURE QUI EST INSPIRÉE DE DIEU, EST ITILE POUR INSTRUIRE, POUR REPRENDRE, POUR CORRI-
GER ET POUR CONDL'IRE A LA JUSTICE AFIN QUE l'hOMME DE DIEU SOIT PARFAIT ET DISPOSÉ A TOUTES
;

SORTES DE BONNES ŒUVRES. (UI, 16, H JUSQD'A IV, 7.)

Analyse.
1. TJlililé des Ecritures inspirées. — Un pableur doit piècher sans relâclie.
2. Saint Paul devant bientôt mourir se rend à lui-même le témoignage d'avoir bien rempli sa mission.
3. Comment on témoigne que Ton aime l'avènement de Jésus-Christ. — Ce que c'est que cet avènement. —
Pour
Jésus-Christ, il faut être dégagé des choses de la terre. — U faut souffrir patiemment les maux qui nous arrivent.

i. Après que saint Paul a exhorté et consolé demeura auprès de son maître jusqu'au der-
Timothée de toutes manières, il lui donne une
nier instant, et qui se le vit enlever par
maintenant la consolation la plus solide et la fin miraculeuse, éprouva cependant tant de
plus parfaite de toutes, celle de la sainte Ecri- douleur qu'il déchira ses vêtements, que pen-
ture. Ce n'est pas sans raison qu'il use de cette sez-vous que dût éprouver Timothée qui ai-
puissante consolation, car il va dire quehjue mait tant son maître et qui en était tant aimé,
chose de grave et de pénible. Si Elisée qui lorsqu'il apprit que ce maître allait bientôt
394 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË;

mourir, et, ce qu'il y a de plus pénible au « glorieux et dans l'établissement de son règne.
monde, qu'il ne l'assisterait pas à sa dernière « d'annoncer la parole ». (iv, i, 2.) Il jugera
heure? Car nous ne ressentons pas tant de joie donc les pécheurs et les justes, les trépassés et

du temps que nous avons passé avec nos amis ceux qui vivront encore, et qui seront en grand
pendant leur vie, que de douleur de n'être nombre. Il l'avait effrayé dans sa première
pas auprès d'eux au moment de leur mort. épître , en lui disant : o Je vous ordonne
Saint Paul a donc soin de consoler son disciple « devant Dieu, qui donne la vie à tout ce qui
avant de l'entretenir de sa mort. Et encore il « vit ».(I Tim. VI, 13.) Ici il s'exprime d'une

n"'en parle pas tout uniment, mais en termes manière plus terrible encore « Qui jugera les :

choisis, propres à le com-


consoler et à le avivants et les morts », dit-il c'est-à-dire, ;

bler de joie, en lui présentant sa mort, moins qui leur demandera compte de leurs ac'ions.
comme une mort que comme un sacriQce, — « Dans son avènement glorieux et dans

comme un départ ou un passage à un état a l'établissement de son règne ». Quand se fera

meilleur, o Je suis », dit-il, « comme une vic- ce jugement? Lors de la manifestation glo-
time qui a déjà reçu l'aspersion pour être rieuse du Fils de Dieu, lors de son second
o sacrifice ». (II Tim. iv, 6.) avènement, quand il viendra avec l'appareil
C'est donc dans cette vue qu'il lui dit : du Roi de l'univers. Ce second avènement ne
Toute Ecriture inspirée de Dieu est utile sera pas semblable au premier, il sera envi-
« pour instruire, pour reprendre, pour cor- ronné de gloire; voilà le sens que présente le
n riger et pour conduire à la justice ».
, texte, ou bien il veut dire encore J'atteste :

Ce qui doit s'entendre de toute l'Ecriture son avènement et son règne, je prends ce
sainte, dans laquelle Timothée avait été ins- juste juge à témoin que je vous ai donné ces
truit (lès son enfance. Cette Ecriture, étant avis.
inspirée de Dieu, est utile. Qui peut en douter? Ensuite pour lui enseigner comment il faut
€ Elle est utile pour instruire, pour repren- prêcher , il ajoute : a Annoncez la parole ;

€ dre, pour corriger, afin que l'homme de « pressez les hommes à temps, à contre-temps;
« Dieu soit parfait et parfaitement disposé à reprenez, suppliez, exhortez eu toute pa-
« toutes sortes de bonnes œuvres ». o Utile— a tience et en vue de l'instruction ». Qu'est-ce
< pour instruire ». L'Ecriture nous apprendra à dire : « A temps, à contre-temps? » C'est-à-

ce (jue nous devons savoir, et nous laissera dire , n'ayez point de temps marqué pour
ignorer ce que nous devons ignorer. Si nous instruire. Que tout temps vous soit propre
avons des erreurs à réfuter, des désordres à pour cela ; enseignez durant la paix et la
redresser, l'Ecriture nous fournira les prin- tranquillité; enseignez assis dans l'église ;
cipes nécessaires. Elle sera bonne aussi pour enseignez encore au milieu des périls; ensei-
consoler et pour encourager. « Pour corri- gnez en prison, et chargé de chaînes, et à la
ger », c'est-à-dire que nous y trouvons de veille de marcher au su|»plice, et en y allant,
quoi suppléer à ce qui nous manque. — ne cessez jamais de reprendre et de menacer.
o Afin que l'homme de Dieu soit puifait ». La réprimande n'est pas hors de propos, même
Ainsi les Ecritures sont un encouragement quand elle a déjà profité et produit de l'elfet.
au bien, destiné à conduire l'homme à la — « Suppliez », dit-il. Il faut qu'un pasteur

perfection. Sans elles on n'est point par-


, agisse comme un médecin, qu'il mette le doigt
fait. Au lieu de moi, dit saint Paul, vous sur la plaie, qu'il pratique une incision, et
aurez la sainte Ecriture qui vous apprendra ce qu'ensuite il applique un remède pour adou-
que vous voudrez savoir. S'il écrivait ces cir. Si l'une de ces choses est omise, l'autre
choses à Timothée qui était cependant rempli est inutile. Si vous réprimandez quelqu'un
du Saint-Esprit, combien plus les écrivait-il avant de l'avoir convaincu du mal qu'il a fait,
pour nous —
« Parfaitement disposé à toutes
! vous passerez pour téméraire, et personne ne
c sortes de bonnes œuvres ». Il ne doit pas se vous souffrira. Une fois convaincu, il recevra
coitenter d'y prendre part, il doit s'y exercer alors une réprimande qui, auparavant, l'eût
a la perfection. exaspéré. Mais après que vous aurez convaincu
« Je vous conjure donc devant Dieu et de- et réprimandé fortement, si vous négligez de
« vant le Seigneur Jésus-Christ, qui jugera les supplier, tout est perdu encore une fois car ;

4 vivants et les morts dans son avènement la réprimande est quelque chose d'intolérable
,

COMMENTAmE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉLIE IX. 308

en pas tempérée par la


soi, lorsqu'elle n'est pour les rendre vigilants et pour les exciter i
supplication. De même qu'une incision ne user sagement du temps favorable que Dieu
serait pas endurée par le patient, quelque salu- leur donnait encore. —
« Pour vous, veillez,
taire qu'elle fût, si elle n'était accompagnée « souffrez constamment toutes sortes de tra-
d'adoucissements; ainsi en est-il de la répri- « vaux ». Voyez-vous que c'était à cette con-
mande. — a En toute patience et en vue de clusion que tendaient les paroles précédentes?
l'instruction ». Celui qui veut convaincre a Jésus-Christ, peu avant sa mort, avait dit : a II
besoin de patience pour ne pas croire trop légè- a s'élèvera à la fin des temps de faux christs
rement tout ce qu'on Quant à la répri-lui dit. « et de faux prophètes ». Et saint Paul, à la
mande il tempérée par la dou-
faut qu'elle soit veille de quitter ce monde , dit avec une
ceur pour se faire accepter. Après avoir dit : intention pareille « Pour vous , veillez
:

En toute patience » il ajoute « Et en vue de


, : «souffrez constamment...» c'est-à-dire, tra-
a l'instruction «.Qu'est-ce à dire? C'est-à-dire, vaillez, prévenez le fléau avant qu'il arrive,
en témoignez ni colère, ni aversion, ni inten- hàtez-vous de mettre les brebis en sûreté,
tion d'insulte comme si vous aviez affaire à un tandis que les loups ne sont pas encore venus.
ennemi, gardez-vous-en bien. Au contraire, « Souffrez, travaillez, faites la charge d'un
faites voir à ce pécheur que vous l'aimez, que « évangéliste, remplissez tous les devoirs de
vous compatissez à sa misère, que vous en avez votre ministère ». C'est donc faire la charge
plus de douleur que lui-même, que vous êtes d'un évangéliste que de souffrir, que de s'affli-
profondément affligé de son sort. a En — ger soi-même et d'être affligé par les autres.
«toute patience et en vue de l'instruction », — « Remplissez tous les devoirs de votre

non pas d'une instruction telle quelle mais , « charge ». Ceci est encore un autre motif de
saine. travail. —« Car pour moi je suis déjà comme

2. «Car il viendra un temps que les hommes « offert en libation, et le temps de la dissolu-
« ne pourront plus souffrir la saine doctrine». a tion de mon être approche ». Il ne dit pas :

Avant que tout soit renversé et désespéré en Mon immolation il se sert d'un terme plus
;

eux, hâtez-vous de les prévenir. Voilà pour- fort. Car la victime qu'on immole n'est pas
quoi il disait Pressez à temps et à contre-
: tout entière offerte à Dieu, au lieu que la
temps ; ne négligez rien pour avoir des disci- libation l'est en entier. « J'ai combattu le —
ples dociles. —
« Mais cédant à leurs passions, « bon combat, j'ai terminé ma course, j'ai

« ils se donneront des tas de docteurs ». Rien « gardé la foi ». Souvent, prenant saint Paul

de plus énergique que cette expression. « Tas en main, j'ai examiné ce passage, et, sans
a de docteurs » marque la multitude confuse pouvoir sortir de mon étonnement, je me suis
des docteurs de l'erreur; « ils se donneront» demandé quelle raison avait le saint apôtre de
signifie qu'ils les choisiront et les ordonneront parler de lui-même si avantageusement. « J'ai
eux-mêmes. « Ils se donneront à eux-mêmes « combattu le bon combat », dit-il. Cette rai-

des tas de docteurs, dans leur démangeaison son, je crois maintenant l'avoir trouvée, par
« d'entendre » ; c'est-à-dire qu'ils recherche- la grâce de Dieu. Pourquoi donc tient-il ce
ront ceux qui parlent pour plaire à l'esprit et langage? Il veut consoler l'extrême tristesse
pour chatouiller l'oreille. — « Et fermant de son disciple il l'engage à prendre con-
;

a l'oreille à la vérité , ils l'ouvriront à des fiance, puisque son maître s'en va pour rece-
«fables ». prévient de ces choses, non
Il le voir la couronne qu'il a méritée, puisqu'il a
pour dans l'abattement, mais afin de
le jeter achevé sa tâche, puisqu'il aura une belle et
le mettre en état de les recevoir avec courage glorieuse fin. 11 faut se réjouir, dit-il, et non
lorsqu'elles arriveront. Jésus-Christ en a usé s'attrister. Pourquoi ? Parce que « j'ai com-
de même lorsqu'il a dil à ses disciples : « Ils « battu le bon combat » . L'apôtre fait comme
«vous vous fouetteront, ils vous
livreront, ils un bon père sur de mourir, lequel,
le point

« traîneront dans leurs synagogues à cause de voyant son fils inconsolable de se trouver
«mon nom ». (Malth. x, 17.) Notre saint bientôt orphelin, lui dirait pour le consoler :

apôtre dit aussi ailleurs « Je sais qu'il vien- : Ne pleurez pas, mon
vécu avec hon- fils, j'ai

« dra après mon départ des loups dévorants qui neur, je suis arrivé à une heureuse vieillesse,
« n'épargneront pas le troupeau ». (Act. xx, je puis vous quitter, je vous lègue l'exemple
29.) Il donnait ces avertissements aux prêtres d'une vie sans tache ma gloire, quand je ne
;
,

3èô TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

serai plus, rejaillira sur vous.Le roi lui-même rir et être avec Jésus-Christ. (Philip, i, 23.)
m'a souvent témoigné me savoir gré des ser- achevé ma course ». 11 faut donc com-
J'ai

vices que je lui ai rendus ; j'ai remporté des battre et courir combattre en endurant les
:

victoires ; j'ai mis les ennemis en fuite. Un afflictions, courir non pas en vain, mais eu

père qui parlerait de la sorte, ne le ferait point tendant à un but utile. Il est vraiment bon le
par vanité, mais pour relever le courage de combat qui n'est pas seulement agréable
sou fils et l'aider à supporter doucement sa mais utile au spectateur. C'est aussi une
mort. Car on ne peut nier que les séparations bonne course que celle qui au lieu de ne
ne soient pénibles. mener à rien, au lieu de n'être qu'un moyen
Ecoutez de quelle manière saint Baul en de montrer sa force et d'acquérir une inutile
parle dans son épitre aux Thessaloniciens : gloire, élève jusqu'au ciel ceux qui courent.
J'ai quelque temps séparé de vous de
été Cette course de saint Paul sur la terre était
«corps, non de cœur ». (1 Thess. ii, 17.) Si plus glorieuse et éclairait plus le monde que
saint Paul souffrait à ce point quand il était celle que dans le ciel. Mais
le soleil acconi|)lit

séparé de ses disciples, que croyez-vous que de quelle manière saint Paul a-t-il achevé sa
devait éprouver Timothée, sur le point de course ? Il a parcouru la terre en com-
perdre pour toujours un tel maître ? Si ce dis- mençant depuis la Galilée et l'Arabie, et allant
ciple, pour s'être seulement séparé d'avec saint de là jusqu'aux exlrémilés du monde, « J'ai »,
Paul, de son vivant, répandait tant de larmes dit-il lui-même dans son épître aux Romains
que saint Paul dit lui-même (Il Tim. i, 4) qu'il M rempli de l'Evangile de Jésus-Christ tous les
ne perdait point le souvenir de ces larmes, et « pays qui sont entre Jérusalem et l'Illyrie ».
que ce souvenir le remplissait de joie, combien (Rom. XV, 19.) Il parcourait toute la terre avec
en devait-il verser davantage à sa mort? C'est la vitesse de l'aigle, ou même avec un vol plus
donc pour le consoler que saint Paul lui écrit rapide et plus merveilleux encore. Car porté
ces choses, et toute cette épître est remplie de sur les ailes de l'Esprit-Saint il passait au tra-

consolations et forme comme un testament. — vers de mille obstacles, de mille morts, de


J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma mille pièges, de mille afflictions. Si son vol
course, j'ai gardé la foi » ;combattez bien n'eût été que celui de l'aigle, il eût pu être
aussi à mon exemple. Mais est-ce un combat abattu et pris ; mais soulevé par rEs[)rit-Saint
que l'on puisse appeler bon que d'être dans il passait par-dessus tous les filets; son vol
les prisons, dans les chaînes, dans les persé- était celui d'un aigle aux ailes de feu.
cutions ? Oui, c'est bien combattre que d'être «J'ai gardé la foi ». Et cependant combien
dans ces souffrances pour Jésus-Christ, et elles de choses pouvaient la lui ravir I Les amitiés
seront enfln couronnées. Il n'y a pas de com- des hommes, leurs menaces de mort et leurs
bat comparable à celui-là. La couronne que mauvais traitements. Mais il avait résisté à
l'on y acquiert ne se flétrit jioint. Elle n'est tout. Par quel moyen ? Par la sobriété et la
point composée de feuilles d'oliviers; ce n'est vii^ilance. Cela pouvait suffire pour consoler
pas un homme qui nous la pose sur la tête ,
ses disciples, mais saint Paul veut bien encore
ce n'est pas non plus dans une assemblée y ajouter les récompenses qu'il attend. «Il —
d'hommes qu'elle nous est décernée, c'est « ne me reste (ju'à attendre la couronne de
dans un théâtre tout composé d'anges. Dans « justice qui m'est réservée, etc ». Ici, par le
les combats de la terre, on lutte, on se fatigue mot de « justice », ilentend toute la vertu.
durant plusieurs jours et de longs travaux
; Qu'on ne s'afflige donc point, puisque je m'en
sont récompensés d'une couronne qui se flétrit vais pour recevoir une couronne que Jésus-
en moins d'une heure; et avec son éclat qui Christ lui-même posera sur ma tête. Si je
s'obscurcit, s'envole en même temps le plaisir restais en ce monde, c'est alors qu'il con-
qu'elle nous cause. Il n'en est pas de même viendrait bien plutôt de pleurer et d'appré-
ici; mais la couronne que l'on reçoit est éter- hender ma chute et ma perte. a Cou- —
nellement brillante , honorable glorieuse.
,
« ronne que me donnera en ce jour le Sei-

Réjoiiissez-vous donc, dit saint Paul à son gneur, ce juste juge, et non-seulement à
disciple, car j'entre dans le repos éternel, je « moi, mais à tous ceux qui aiment son avéne-
sors pour toujours de l'arène des combats. Je « ment ». Ceci encore est l'ail pour donner de

l'ai déjà dit, il vaut mieux pour moi mou- la confiance à Timothée. Celte couionne ré-
COMMENTAIRE SUR LA II' ÉPITRE A TIMOTIIÉE. — HOMÉLIE IX. 397

>ervée à tous ne peut manquer à Timotliée. rer en vous l'esprit d'orgueil, de peur qu'il ne
Saint Paul ne dit pas Le Seigneur vous la
: vous soufflette, selon l'expression de saint
donnera aussi à vous, mais il la donnera à Paul, et qu'il ne vous terrasse. N'ayez pas un
tous, donnant à entendre qu'il la donnera à cœur de pierre, ni rempli de ténèbres pour
plus forte raison à Timothée. n'y pas briser votre navire. Pas de fraude :

3. Mais comment peut-on témoigner que les écueils cachés causent les plus terribles
l'on aime l'avènement de Jésus-Christ? C'est naufrages. Ne nourrissez pas de bêtes féroces,
en se réjouissant de sa présence. Celui qui se j'appelle ainsi les passions , car il n'y a pas de
réjouit de la présence de Jésus-Christ fait fout bêtes féroces plus terribles qu'elles. N'ap-
son possible pour mériter cette joie. U aban- puyez point votre vie sur les choses qui s'é-

donne, s'il le faut, non-seulement ses biens coulent comme l'eau, afin que vous puissiez
mais sa vie même pour conquérir les biens demeurer fermes. L'eau n'offre point un fon-
éternels, pour se rendre digne et se mettre en dement solide, c'est sur le roc qu'il faut s'éta-
état de voir le second avènement avec une blir pour être fermement assis. L'eau, ce sont
sainte confiance, et d'en envisager avec joie les choses de ce monde. « Les eaux sont ve-
l'éclat et la splendeur. C'est là proprement a nues jusqu'à mon âme » , dit le Prophète (Ps.
aimer l'avènement de Jésus-Christ. Celui qui Lxvni, 2); c'est un torrent qui s'écoule. La
l'aime fait tout pour se préparer à lui-même pierre, ce sont les choses spirituelles. « Vous
un avènement particulier avant l'avènement a avez élevé mes pieds sur la pierre » . (Ps.
général. Et comment faire cette préparation, xxxix, 3.) Les choses de ce monde ne sont que
direz-vous ? Ecoutez Jésus-Christ qui vous dit : de la boue et de la fange sortons-en, afin de
;

« Celui qui m'aime gardera mes commande- pouvoir jouir de l'avènement de Jésus-Christ.
ments, et nous viendrons, mon Père et moi, QueU(ue chose qui nous arrive, supportons
« et nous demeurerons en lui». (Jean, xit, tout patiemment. Dans toutes les situations
23.) Songez quelle grâce et quelle faveur c'est possibles, c'est une suffisante consolation que
pour nous, que celui qui doit venir en géné- de souffrir pour Jésus-Christ. Ne cessons pas
ral pour tous, daigne renir pour chacun de de nous dire cela à nous-même, et toute dou-
nous en particulier a Nous viendrons», dit-il,
I leur disparaîtra comme par enchantement.
«et nous ferons notre demeure en lui ». Et comment tout souffrir pour Jésus-Christ,
Celui qui aime son avènement fera tout pour direz-vous ? —
Un homme vous a calomnié
l'appeler à lui, le posséder et jouir de sa divine pour une raison ou pour une autre, mais non
lumière. Qu'il n'y ait rien en nous qui soit pour Jésus-Christ eh bien si vous le suppor-
; I

indigne de sa présence, et bientôt nous le tez avec constance, si vous en rendez grâces,
verrons venir se reposer en nous. Cet avène- si vous priez pour cet homme, Jésus-Christ

ment s'exprime par le mot grec « Epiphanie » regardera tout cela commeètant fait pour lui.
qui marque une apparition qui se fait d'en- Si, au contraire, vous répondez par l'impré-
haut. Recherchons ce qui est au-dessus de cation et par l'indignation, si vous cherchez
nous, hâtons-nous d'attirer sur nous l'éclat à vous venger, même sans pouvoir y parve-
des divins rayons. Celui qui tiendra ses yeux nir, ce n'est plus pour Jésus-Christ que vous
abaissés sur les choses d'ici-bas, et qui s'en- souffrez vous subissez un dommage
; vous ;

fouira dans la terre, ne pourra contempler la perdez volontairement le fruit que vous
lumière de ce soleil. Celui qui traîne son âme pouviez recueillir de vos afflictions. Car il dé-
dans la boue de ce monde, ne pourra fixer le pend de nous de faire servir à notre avantage
soleil de justice. Il ne luit point sur ceux qui le mal qui nous arrive ou d'en être lésé ; la

se plongent dans ces épaisses ténèbres. nature des maux n'y fait rien, tout dépend de
Levez du moins un peu vos regards en notre volonté. Par exemple, Job a souffert de
haut, levez-les du fond de cet abîme du siècle très-grands maux, mais il les a soufferts avec
ou vous êtes englouti, si vous voulez voir ce actions de grâces; Dieu l'a déclaré juste, non
soleil et attirer en vous ses rayons divins. Si parce qu'il les avait endurés, mais parce
vous obtenez qu'il vienne déjà en vous, de qu'il les avaitendurés avec courage. Qu'un
cette manière, vous le verrez à son second autre souffre lesmêmes maux que Job, mais
avéneraent avec une entière confiance. Pra- qui a jamais tant souffert ? qu'il souffre donc
tiquez donc la sagesse : ne laissez pas demeu- des maux infiniment moindres, cependant il
398 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT /EAN CHRYSOSTOMË.

blasphème, il se dépite, il murmure, il mau- lera. Mais si nous ne nous attachons à Dieil
dit, il prend à tout le monde et à Dieu
s'en que superficiellement, le moindre choc nous
même. Cet homme est jugé et condamné de fera tomber. C'estpourquoi,je vousen conjure,
Dieu, non parce qu'il a souffert, mais parce mes frères, supportons tout ce qui nous
qu'il a blasphémé. Car il n'a pas blasphémé arrive avec courage , et imitons le Prophète
par la force des choses, mais librement, puis- qui a dit : a Mon âme est fortement attachée
que s'il y avait une nécessité de blasphémer après vous, mon Dieu ». (Ps. lxii, 8.) Voyez
dans la souffrance. Job aurait dû blasphémer ;
comme il s'exprime ; il ne dit pas simple-
que s'il ne l'a pas fait quoique sous le poids de ment : Mon âme s'est approchée, mais : «Mon
maux beaucoup plus affreux, il n'^ a donc «âme s'est fortement attachée après vous».
aucune nécessité de le faire, et si on le fait, Ildit encore dans le même psaume « Mon :

c'est par un vice de la volonté. a âme a soif de vous ». Il ne dit pas Mon :

Il faut donc avoir un cœur ferme et géné- âme vous a désiré, il s'exprime plus forte-
reux. Après cela nous ne trouverons rien de ment. Il a dit encore dans un autre endroit :

pénible; si au contraire nous avons peu de « Enfoncez dans ma chair les traits de votre
courage, tout nous sera insupportable. C'est crainte ». (Ps. cxvni, 120.) Dieu veut que
donc notre volonté seule qui fait que les nous nous attachions à lui de manière que
choses nous paraissent accablantes ou légères. nous ne puissions plus nous en séparer. Si nous
Fortifions-la et nous supporterons tout facile- nous attachons à Dieu de la sorte, si nous
ment. Quand un arbre a poussé de profondes clouons à lui toutes nos pensées, si nous
racines en terre, les plus violentes tempêtes avons soif de lui, tout arrivera à notre gré, et
ne peuvent le déraciner. Si au contraire il ne nous obtiendrons les biens éternels en Jésus-
s'attache qu'à la surface, le moindre souffle Christ Notre-Seigneur, à qui soient avec le Père
le renverse. C'est notre image : si la crainte et le Saint-Esprit, gloire, empire, honneur,
de Dieu pénètre notre chair jusqu'au fond maintenant et toujours, dans les siècles des
pour nous attacher à lui, rien ne nous ébran- siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE X.
TACHEZ DE ME VENIR TnOtlVER AD PLl'S TOT. CAR DKMAS m'A ABANDONNÉ S'ÉTANT LAISSÉ EMPORTER A
l'amour du siècle, et il s'en est allé a THESSALONIQUE, CRESCENT EN GALATIE, TITE EN DALMATIE.
LUC EST SFUL AVEC MOI. PRENEZ MARC ET l'aMENEZ AVEC VOUS, CAR IL ME PEUT BEAUCOUP SERVIR
POUR LE MINISTÈRE. JAI ENVOYÉ TVCIliyUE A ÉPIIÈSE. APPORTEZ-MOI EN VENANT LE MANTEAU QUE
j'ai LAISSÉ A TROADE CHEL CARPUS, ET MES LIVRES, SURTOUT MES PAPIERS. (iV, 8-13 JUSQD'A
LA FIN.)

%nalyse.
i. Saini Paul devant bientût ilrc conduit au supplice, appelle auprès de lui Timottiée pour lui faire ses dernières recomtnan*
dations. — Saint Luc l'évangélisle est auprès de lui dans sa prison.
2. Saint Paul dit que Dieu l'a délivré de la gueule du lion. — Ce lion c'est l'empereur Néron.
1. Que apùtres ou ne pouvaient ou ne jugeaient pas à propos de guérir toutes les maladies.
les —H ne fallait pas qu'on les prit
pour des êtres supérieurs à l'humanité.
4 et 5. Oue le meilleur moyen de pourvoir à nos intérêts c'est de travailler à ceux de Dieu. — Le royaume du ciel ne se donne
qu'aux violents.

1. On doit se demander pourquoi saint Paul aller voir, c'est afin que vous sachiez com-
appelle auprès de luiTimolhéequi était chargé « ment il faut se conduire dans la maison de
du gouvernement d'une église et de toute une
a Dieu » (I Tim. m, 13.) Quelle raison avait-il .

nation. 11 n'agissait point par orgueil puisqu'il


donc de l'appeler? La nécessité l'y forçait, il
dit dans sa première épître être tout prêt à" n'avait pas la liberté d'aller partout où il au-
{iller trouver 8on disciple « Si je larde à vqus rait bien voulu aller. Il était retenu en prison
;
COMMENTAIRE SUR LA tl' ÉPITRE A TlMOTHÉE. - HOMÉLIE X. 399

par l'ordre de Néron, et il allait bie ntôt mou- a J'dienvoyé Tychique à Ephèse. Apportez-
rir. Ilne voulait pas mourir sans voir son dis- « n'ji en venant le manteau que j'ai laissé à
ciple à qui vraisemblablement il avait d'im- Troade chez Carpus, et mes livres, et surtout
portantes recommandations à faire. Voilà a mespapiers ». Ce qu'il nomme ici tpsXoW c'é-
pourquoi il lui dit « Hàtez-vous de me venir
: taitson manteau d'autres disent que c'était
,

« voir avant l'hiver». (11 Tim. iv, 21.) un sac où l'on enfermait les papiers. Mais
« Démas m'a quitté, emporté par l'amour du qu'avait-il besoin de livres lui qui allait pa-
c siècle ». 11 ne dit pas : Venez me voir avant raître devant Dieu ? Il en avait un besoin ur-
que je meure, c'eût été trop triste ; mais il dit : gent pour les léguer aux fidèles qui les con-
'Venez me voir parce que je suis seul ,
parce serveraient pour suppléer à son enseigne-
que je n'ai personne pour me seconder. Car ment. Sa mori fut un coup terrible pour ton*
Démas m'a quitté emporté par l'amour du , les fidèles, mais surtout pour ceux qui en fu-
a siècle , et s'en est allé à Thessalonique » ;
rent les témoins et qui alors jouissaient de sa
c'est-à-dire, il s'est épris du repos et de la sé- présence. Il demande son manteau afin de
curité, mieux aimé
il a vivre commodément n'avoir pas besoin d'emprunter celui d'un
dans sa maison que de souffrir avec moi et autre : ce à quoi extrêmement.
il tenait
partager mes dangers présents. Saint Paul a Vous savez en parlant aux Ephé-
» , dit-il

parle désavantageusementde Démas seul, non siens, « que ces mains ont fourni à tout ce
pour réputation
flétrir sa mais pour nous , qui m'était nécessaire et à ceux qui étaient
fortifiernous-mêmes, de peur que nous ne fai- « avec moi» il dit encore au même endroit
; :

blissions lorsque nous nous trouvons dans les « Qu'il est plus heureux de donner que de re-
maux. C'est ce que veut dire ce mot « emporté cevoir ». (Act. xx, 34, 33.)
8 par l'amour du siècle » Saint Paul voulait . a Alexandre l'ouvrier en cuivre
, m'a fait ,

aussi par ce moyen engager plus fortement a beaucoup de mal. Que le Seigneur lui rende
Timolhée à le venir voir. a Crescent est allé — « selon ses œuvres ». Saint Paul parle encore

en Galalie Tite en Dalmatie». Il ne parle


, ici de ses persécutions non pour accuser ,

point désavantageusement de ceux-ci. Tite Alexandre ni pour le décrier, mais pour en-
,

était un homme d'une admirable vertu, et courager son disciple à souffrir courageuse-
saint Paul lui confia le soin d'une grande île, ment la persécution de quelque part qu'elle
de l'île de Crète. vienne, vînt-elle d'hommes de la dernière con-
Luc est seul avec moi ». On ne pouvait dition, d'hommes de rien. Celui qui est mal-
séparer ce disciple d'avec saint Paul , on ne traité par un homme puissant, trouve immé-
pouvait l'en arracher. C'est lui qui a écrit diatement une consolation dans le haut rang
l'Evangile qui porte son nom, et les Actes des de son persécuteur. Celui qui subit l'injure
apôtres. Il aimait à travailler et à s'instruire, d'un misérable , en conçoit une plus grande
et était d'une admirable patience. C'est de lui indignation, a II m'a fait beaucoup de mal »,
que saint Paul a dit : « Son éloge est dans c'est-à-dire il m'a affligé de mille manières,

toutes les églises, à cause de l'Evangile». mais ce ne sera pas impunément, dit-il; car
(I Cor. viu, 18.) le Seigneur lui rendra selon ses œuvres. Plus
a Prenez Marc et l'amenez avec vous». haut il disait « Vous savez quelles persécu-
:

Pourquoi? o Parce qu'il peut beaucoup me a fions j'ai endurées, et comment le Seigneur
servir pour le ministère ». Il ne dit pas: a m'a tiré de toutes ». (II Tim. ni, 11.) Il

Pour mon repos mais « pour le ministère »


, donne de même ici une double consolation à
de l'Evangile. Car bien qu'il fût dans les fers, son disciple l'une que les maux qu'on lui fait
:

il ne cessait cependant pas de prêcher. Voilà souffrir sont injustes l'autre que les auteurs
,

pourquoi il faisait venir Timothée; ce n'était de ces maux recevront de Dieu ce que leurs
pas pour ses intérêts particuliers, mais pour le œuvres méritent. Ce n'est pas que les saints so
bien de l'Evangile, afin qu'aucune crainte ne réjouissent des supplices des méchants mais ,

s'emparât des fidèles à sa mort, ses disciples il est nécessaire pour ruffcimissenient de la

étant là pour éloigner toutes les causes de trou- prédication que les faibles reçoivent une es-
ble et pour consoler les fidèles désolés de la mort pèce de consolation pour se soutenir. a Car* —
de l'apôtre. Je me figure que des personnes a dez-vous de lui parce qu'il a fortement com-

coDsid'jrabks avai-nl timbrasse la foi à Rome. aballu lu docU'iiic que j'cnsiul^nti », eu sg


iOO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOilË,

soulevant contre elle, en tâchant de soulever pciil. — que toutes les nations l'enleni»
a Afin

tout le monde. Il ne dit peint à Timothée : a que tous les peuples reçussent la
dissent» ;

Punissez cet homme, châtiez-le, persécutez-le, lumière de l'Evangile et reconnussent com-


comme il le pouvait en usant de la puissaùre bien Dieu veille sur moi.
que la grâce lui donnait. Il se contente de lui « Dieu m'a délivré de la gueule du lion et ,

dire :Gardez-vous de lui laissez à Dieu le


« , a le Seigneur me délivrera de toute action
B soin de le punir ». Il dit seulement pour la a mauvaise ». Voyez combien il avait été près

consolation des faibles « Dieu lui rendra : de mourir. Il avait été jusque dans la gueule
selon ses œuvres » parole qui est une pro- : du lion. C'est ce nom qu'il donne à Néron à
phétie ou une imprécation. Que ce soU |iour cause de sa cruauté, de sa puissance et de la
encourager son disciple qu'il parle de la sorte, force de son empire. — a Le Seigneur m'a dé-
on le voit clairement par la suite. Mais écou- a livré, et il me délivrera» , dit saint Paul. Si
tons encore saint Paul faire le récit de ses le Seigneur doit encore le délivrer, comment
épreuves. dit-il : a Je suis déjà offert en libation ? » Mais
B La première fois que j'ai défendu ma remarquez qu'il dit : a II m'a délivré de la
a cause, nul ne m'a assisté, et tous m'ont a gueule du lion ; et il me délivrera » non plus
« abandonné; je prie Dieu de ne le leur point de la gueule du lion : De quoi donc? a De
« imputer Admirez combien saint Paul
». a toute action mauvaise». C'est vraiment alors

ménage ses amis quoiqu'ils lui eussent causé que Dieu me délivrera de tout péril après ,

une si sensible douleur en l'abandonnant. que j'aurai satisfiit à tout ce qui était néces-
Car il y a bien de la différence entre être saire pour la prédication de l'Evangile. Le
ab'iuloniié par des étrangers ou par des amis. Seigneur me délivrera de tout péché il ne ,

Sa tiistesse était extrême. Il ne peut pas dire permettra pas que je sorte de celte vie avec
pour se consoler Si les étrangers m'atta-
: quoique tache. Avoir la force de résister au
quent, au moins les miens me soutiennent. péché jusqu'au sang et de ne pas céder, c'est
Les sieii« mêmes l'avaient abandonné, a Ils être vraiment délivré d'un autre lion plus à
B m'ont tous abandonné » , dit-il. Ce n'était craindre , c'est-à-dire du démon. Cette der-
pas une faute d'une petite gravité. Si dans la nière délivrance est sans comparaison préfé-
guerre, le soldat qui ne secourt pas son géné- rable à l'autre par laquelle Dieu ne nous sauve
ral en péril, et ([ui se dérobe par la fuite aux que de la mort corporelle. a Et me sauvant, —
coups de l'ennemi, est puni avec raison par a meconduira dans son royaume céleste :
les siens pour avoir été cause de la perte de la a Gloire à lui dans les siècles des siècles. Ainsi

bataille, pourquoi n'en serait-il pas de même «soit-il». Le véritable salut ne s'accomplira
dans la prédication? Mais quelle est cette pre- pour nous que lorsque nous serons brillants
mière fois que saint Paul dit avoir défendu sa de gloire dans ce divin royaume. Qu'est-ce à
cause? il avait déjà été cité devant Néron et , dire, a me sauvera dans son royaume?» C'est-
il était sorti heureusement de cette affaire. à-direil me délivrera de toute faute, et me

Mais ensuite ayant instruitet converti l'échan- gardera dans ce séjour. C'est cire sauvé dans
son de l'empereur celui-ci lui fit trancher la
, son royaume, que de mourir ici-bas pour ce
tête. Mais voici pour le disciple une nouvelle royaume, a Celui qui hait son âme en ce
consolation. — a Mais le Seigneur m'a assisté a monde, la conservera pour la vie éternelle ».

« et m'a fortifié ». Dieu vient toujours au se- (Jean, xii 23.)— a Gloire à lui, etc. » Voici
,

cours de celui qui est abandonné, a II m'a une doxologic pour le Fils.
a fortifié B, dit saint Paul , c'est-à-dire il m'a « Saluez Priscille et Aquila et la maison
donné la hardiesse , il ne m'a pas laissé tom- a d'Onésiphore », qui était alors à Rome,
ber dans l'abattement. que j'ache- — a Afin comme on le voit au commencement de celte
a vasse la prédication de l'Evangile ». Admi- lettre : « Que
Seigneur répande sa miséri-
le
tiz l'humilité de l'apôtre. Il m'a fortifié, dit-il, a corde sur maison d'Onésiphore, qui étant
la
non que je fusse digne de cette grâce, mais a venu à Rome m'a cherché avec grand soin,
afin que je pusse achever la prédication dont a Que le Seigneur lui donne de trouver en ce
j'étais chargé. C'est comme si quelqu'un por- a jour-là miséricorde devant le Seigneur ».
tail la pour^)re et le diadème du roi, et qu'il En le saluant de la sorte, saint Paul excite
(|'i\ h ces insignes d'être sauvé de quelque toute sa famille à imiter la vertu de son chef,
1

COMMENTAIRE SUR LA II* ÉPITRE A TÎMOTHÉE. - HOMELIE X: 401

<t Saluez Priscille et Aquilas». Saint Paul parle cle qu'il avait fait en guérissant un homme
souvent de ces personnes chez qui il avait de- boiteux dès sa naissance, leur disait aussi :

meuré avec Apollon. Il met la femme avant le « Israélites, pourquoi vous étonnez-vous, ou
mari, à ce qu'il me semble, parce qu'elle avait «pourquoi nous regardez - vous fixement,
plus de zèle et de foi. C'était elle qui avait « comme si c'était par notre puissance et
pris Apollon chez elle. Ou bien saint Paul les notre piété que nous eussions fait marcher
nomme ainsi indifféremment et au hasard. Ce cet homme? » (Act. m, 12.) Ecoutez encore
n'était pas une faible consolation pour eux saint Paul dire : « Il m'a étédonné un aiguil-
que cette salutation , c'était une preuve de a Ion de la chair, afin que je ne m'élève
considération et d'affectionc'était en même
; «point». (II Cor. XII, 7.) Mais, dira-t-on, il

temps une communication de la grâce. Il parle ainsi par humilité. Non, il n'en est rien.
n'en fallait pas plus que la salutation de ce Cet aiguillon ne lui a pas été donné seulement
grand et bienheureux apôtre pour combler de pour qu'il s'humiliât; et il ne tient pas seule-
grâce celui à qui elle était adressée. — « Eraste ment ce langage par humilité, mais par d'au-
« est demeuré à Corinthe, j'ai laissé Troiihime- tres raisons encore. Remarquez en effet que
a malade à Miletn. Nous avons fait connais- Dieu en lui répondant ne lui dit pas Ma :

sance avec celui-ci ainsi qu'avec Tychique grâce vous suffit pour que vous ne vous éle-
dans le livre des Actes. Il les avait amenés de viez pas, mais que lui dit-il? « Ma puissance
la Judée, et les conduisait partout avec lui, «se montre tout entière dans la faiblesse».
peut-être parce qu'ils étaient plus zélés que Celte conduite avait deux avantages les mi- :

les autres. — a J'ai laissé Trophime malade à racles éclataient aux yeux de tous, et c'est à
«Mik't». Pourquoi ne l'avez-vous pas plutôt Dieu qu'on les attribuait. A cela se rapporte
guéri, saint apôtre? Pourquoi l'avez-vous ce que saint Paul dit dans un autre endroit :

laissé? Les apôtres ne pouvaient pas tout. Ou a Nous portons ce trésor dans des vases d'ar-
bien encore ne voulaient pas prodiguer en
ils «gile» (II Cor. iv, 7), c'est-à-dire, dans des
toute rencontre la grâce dont ils étaient dépo- corps passibles et fragiles. Pourquoi? Afin
sitaires, de peur qu'on ne vît en eux plus que que celle grande puissance qui éclate dans
des hommes. Nous pouvons faire la même re- nos œuvres soit reconnue pour appartenir à
marque au sujet des justes de l'Ancien Testa- Dieu non pas à nous. Si leurs corps
et
ment. Moïse, par exemple, était bègue, pour- n'avaient pas été sujets aux infirmités , on
quoi ne se débarrassa-t-il pas de ce défaut? Il leur eût attribué à eux-mêmes les miracles
était exposé à la tristesse et à l'abattement. 11 qu'ils opéraient. On voit encore ailleurs que
n'entra pas dans la terre de promission. saint Paul est affligé de la maladie d'un autre
3.Dieu permettait beaucoup de choses sem- de ses disciples, et en parlant d'Epaphrodite,

blables pour laisser paraître dans ses servi-


,
il malade jusqu'à la mort, mais
dit qu'il a été
teurs la faiblesse de la nature humaine. Car que Dieu a eu pitié de lui. On voit encore que
si nonobstant ces défauts et ces preuves de cet a| ôlre a ignoré beaucoup de choses con-
leur fragihté, les Juifs slupides ne laissaient cernant son utilité propre et celle de ses dis-
pas de dire Où est ce Moïse qui nous a tirés
: ciples.
de la terre d'Egypte? que n'auraient-ils point «J'ai laissé Trophime à Milet ». Milet est
dit et pensé, s'il les avait introduits dans la une ville proche d'Ephèse. Saint Paul y avait
terre promise? Si Dieu n'avait permis que ce laissé son disciple lorsqu'il se rendait par mer
même Moïse tremblât de paraître devant Pha- en Judée, ou dans un autre temps. Après avoir
raon, ne l'aurail-on pas pris pour un Dieu? été à Rome, il partit pour l'Espagne. S'il revint
Ne voyons-nous pas que les habitants de Lys- de là dans les contrées de l'Orient, nous ne
tre, prenant Paul et Barnabe pour des divi- saurions le dire. Nous le voyons donc seul 1

nités, voulaient leur sacrifier, de telle sorte abandonné de tous, a Dénias », dit-iï, «m'a
que ces apôtres, déchirant leurs vêtements, se B abandonné, Crescent est allé en Galatie, Tite

jetèrent au milieu de la foule en criant, en a en Ddmatie, Eraste est demeuré à Corinthe.

disant Hommes, que faites-vous là? Nous


: « « J'ai laissé Trophime malade à Milet ».
sommes des hommes comme vous et sujets « Tâchez de venir avant l'hiver. Eubule ,

aux mêmes infirmités ». (Act. xiv, 14.) Saint « Pudens, Lin, Claudie, et tous les frères vous
Pierre, voyant les juifs épouvantés du raira- a saluent ». On sait que ce Lin fut après saint

S. J. Cb. — TouB XI.


4Ô2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË."

Pierre le second évêque de l'Eglise romaine. Seigneur est avec vous, et non simplement
— Lin et Claudie », dit-il. Les femmes alors avec vous , mais avec votre esprit double se- :

étaient pieuses et ferventes, comme Priscille cours; la grâce de l'Esprit et l'aide de Dieu.
et Claudie dont on parle ici. Elles étaient déjà El Dieu ne peut être avec nous sans que la
crucidées au monde et prêles à tout soulTrir. grâce de son Esprit y soit aussi. Si elle nous
Mai> pour quelle raison, lorsqu'il y avait tant quittait, comment serait-il avec nous? a Que —
de disciples, saint Paul nomme-t-il ces femmes? B la grâce soit avec nous. Ainsi soil-il ». Saint

C'est sans aucun doute parce qu'elles étaient Paul tait aussi enfin une prière pour lui-même.
élevées par leurs sentiments au-dessus des Il veut dire Que nous soyons toujours agréa-
:

chof es de ce monde ,
parce qu'elles brillaient bles à Dieu que nous ayons sa faveur et ses
,

par leur vertu entre tous les disciplrs. Son dons avec cela, il n'y aura plus rien de pé-
:

sexe n'est pas pour la femme un obstacle à la nible. Celui qui jouit de la vue du prince et
vertu. C'est un grand don de Dieu qu'il n'y qui possède sa faveur, n'a rien à redouter ni à
ait que les clioses de ce monde oij le sexe de souffrir; de même fussions-nous abandonnés
la lemme soit pour elle un désavantage; ou, de nos amis, ou tombés dans quelque danger,
pour dire la vérité, son sexe n'est point un nous serons insensibles à tout, si cette grâce
désavantage pour elle-même dans les choses est avec nous et nous entoure de sa protec-
de ce monde. Car la femme n'a pas une petite tion.

part dans l'adminislriilion puisqu'elle a pour ,


4. Par quel moyen nous concilier cette
sa i)arl les alîaires domestiques. Sans elle, on grâce? En faisant ce qui plaît à Dieu, et en
peut dire que les affaires publiques mêmes lui obéissant en tout. Dans les grandes mai-

seraient bientôt ruinées. Si elle n'était là i)0ur sons, les serviteurs qui ont le plus de part aux
emj)ècher le trouble et le désordre de se bonnes grâces de leur maître sont toujours ,

mettre dans l'intérieur des maisons, les ci- ceux qui, s'oubliant eux-mêmes, ne s'occu-
toyens seraient obligés de rester chez eux et pent (jue des affaires de leur maître, mais de
les affaires publiques en souffriraient. Elle toute leur âme et avec ardeur, qui mettent
n'a donc pas un rôle moins important que tout en bon ordre non par force et parce
l'homme tant dans les alf.iires du monde que qu'on le leur commande, mais par bonne vo-
dans les choses spirituelles. Dieu ne lui a pas lonté et par affection ;
qui ont toujours les
même du martyre, et il y en a
ôté la gloire yeux attachés sur ceux de leur maître; qui
eu un très-grand nombre qui ont été glorieu- courent, qui volent au moindre signe, qui
sement couronnées pour la loi. Elles peuvent n'ont pas d'affaires ni d'intérêts propres ,

même mieux garder la chasteté que Its hom- excei)lé ceux de leur maître. Le serviteur qui
mes, n'étant pas emportées par des ardeurs fait de tout ce qu'il a, la propriété de son maî-

aussi violentes. Elles peuvent aussi mieux tre, fait de tout ce qu'a son maître sa pro-
pratiquer l'humilité, la modestie, et parvenir priété particulière. Il commande comme lui
à cette sainteté « sans laquelle nul ne verra dans ses domaines, il est maître comme lui.
«jamais Dieu ». (Ilébr. xn, 14.) On en pour- Les autres serviteurs le respectent ce qu'il ;

rait direautant du mépris des richesses et de dit, son maître le confirme. Quant aux enne-
toutes les autres vertus. « Tâchez de venir — mis, ils le redoutent. Si dans les choses de ce
« avant l'hiver ». Comme il le presse 1 Ce|ien- monde, celui qui néglige ses propres intérêts
dant il ne dit rien pour l'allliger. llnedili)as: pour prendre ceux de son maître, ne néglige
Avant (]ue je meure, pour ne pas l'uttiister, en réalité point ses afiàires, mais les avance
mais «avant l'hiver», de peur que le mau- considérablement, combien cela est-il plus
vais tem[)S ne vous relii^nne. « Eubtile — vrai dans les choses S|)irituelles ! Méprisez donc
« vous salue, ainsi que Pudens, Lin et Clau- ce i\\ù est à vous, et vous acquerrez ce qui est
a Il ne nomme
die et tous les autres frères ». de Dieu. C'est vous le commande. Mé-
lui (jui
pas les autres,accorde cet honneur à ceu,\-
il [irisez la terre pour coni|uérir le ciel. Soyez-y
ci en considération de leur vertu. d'esprit et de cœur, et non sur la terre. Faites-
Que le Seigneur Jésus-Christ soit nvec vous craindre du côté de l'esprit, non du côté
«votre esprit». Il ne pouvait faire un meil- matériel. Si vous vous rendez redoutable du
leur souhait que celui-là. Ne vous affligez pas, côté du ciel, vous ne le serez pas seulement
dit- il, de ce que je vais bientôt mourir. Le aux hommes, mais encore aux démons, et
,
,

COMMENTAIRE SUR LA II» ÉPITRE A TIMOTHÉE. - HOMÉUE X. m


leur prince même ne vous verra qu'en trem- nous régnerons aussi avec lui. (II Tim. ii, H.)
blant. Si vous voulez vous faire craindre par Nous sommes ses cohéritiers et ses frères.
vos richesses, les démons vous mépriseront et (Rom. viu, 17.) Pourquoi nous rabaissons-nous
souvent les hommes. Ce que vous pouvez ac- vers la terre lorsque Dieu nous relève vers le
quérir sur la terre n'est qu'une récompense ciel? Jusques à quand demeurerons-nous vo-
vile et servile. Méprisez cela et vous serez lontairement dans notre pauvreté et notre mi-
grand dans le palais de votre Roi. sère ? Dieu nous propose le ciel , et nous
Tels étaient les apôtres, pour avoir méprisé n'avons des yeux et des désirs que pour la
une maison monde.
servile et les biens de ce On nous offre le royaume du ciel et
terre. ,

Et voyez comme
commandaient dans le do-
ils nous aimons mieux la pauvreté sur la terre ;
maine de leur Seigneur et Maître. Qu'un tel, on nous offre la vie éternelle et nous nous ,

disaient-ils, soit délivré de sa maladie, tel consumons à remuer du bois , des pierres et
autre, du démon. Liez celui-ci, déliez celui-là. de la terre. Devenez riche je le veux bien ; ,

Cela se passait sur la terre et étaitratifié dans gagnez et ravissez il n'y a pas de mal à cela.
,

le ciel. « Tout ce que vous aurez lié sur la Il y a un gain qu'on est coupable de ne pas

« terre, sera lié dans le ciel ». (Matth. xvui, rechercher il y a vol dont c'est un péché de
;

48.) Jésus-Christ a donné un plus grand pou- s'abstenir. Qu'est-ce à dire? a Le royaume des
voir à ses serviteurs qu'il ne semblait en avoir « cieux », dit le Sauveur, « souffre violence,
lui-même, et il a vérifié ce qu'il avait dit: « et ce sont les violents qui le ravissent ».
a Celui qui croit en moi fera de plus grandes (Matth. XI, 12.) Soyez violent en ce sens; soyez
a choses que je n'en fais ». (Jean, xiv, 12.) un ravisseur ce que vous ravissez de la sorte
;

Pourquoi, sinon parce que la gloire de ce que ne diminuera pas. La vertu ne se partage pas,
font les serviteurs remonte jusqu'à leur maî- non plus que la piété et le royaume du ciel.
tre, comme parmi les hommes, plus un servi- La vertu s'augmente à la ravir, c'est le con-
teur est puissant, plus son maître est consi- traire pour les biens corporels. Par exemple,
déré. Si telle est la puissance du serviteur, je suppose une cité dans laquelle il y a dix
dit-on, quelle ne sera pas celle du maître? mille citoyens. Si tous ravissent la vertu et la
Mais si un serviteur, négligeant les intérêts et justice , il est clair qu'ils la multiplieront
le service ne pensait qu'à lui-
de son maître , puisqu'elle sera dans les dix mille tous en-
même, à sa femme, à son fils, à son serviteur semble. Si au contraire ils ne la ravissent

et ne travaillait qu'à s'enrichir, et à voler ou point, ils la diminueront évidemment puis-


attraper par artifice le bien de son maître, qu'elle ne sera plus nulle part.
n'est-il pas clair qu'il se perdrait bientôt lui- 5. Comprenez-vous que les vrais biens se
même avec ses richesses mal acquises ? Que multi()lient à les ravir, et que les faux biens
ces exemples, mes nous rappellent à
frères, diminuent? Ne croupissons pas dans une lâ-

nous-mêmes et nous empêchent de chercher che pauvreté, mais enrichissons-nous. La ri-

nos intérêts particuliers , afin d'y pourvoir chesse de Dieu consiste dans le grand nombre

avec plus de sûreté et d'avantage par le mé- de ceux qui jouissent de son royaume. « Il est
pris que nous en ferons. Car si nous les négli- riche en tous ceux qui l'invoquent ». (Rom.
geons, Dieu s'en occupera; si nous nous en X, 12.) Augmentez donc sa richesse. Vous
occupons, Dieu les négligera. l'augmenterez si vous ravissez son royaume
Travaillons aux affaires de Dieu et non pas si vous le gagnez, si vous l'emportez d'assaut.
aux nôtres, ou plutôt aux nôtres, puisque les Il faut réellement pour cela de la violence.
siennes sont les nôtres. Je ne parle pas du ciel Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup d'obsta-
matériel, ni de la terre, ni de tout ce qui est cles à vaincre, les femmes, les enfants, les
dans le monde. Ce sont là des biens qui ne soucis, les affaires temporelles, après cela les
sont pus dignes de lui , et qui appartiennent démons, et surtout leur prince, le diable. Il
aux infidèles comme à nous. Quels sont les faut donc de la force, il faut de la persévé-
biens que je dis être les biens de Dieu et les rance. Celui qui fait violence est dans la
nôtres par lui ? C'est la gloire éternelle et le peine, parce qu'il supporte tout, parce qu'il
royaume céleste. Saint Paul nous assure que résiste à la nécessité. 11 tente presque à l'im-
si nous mourons avec Jésus-Christ, nous vi- possible. Voilà ce que fout les violents , et
vruus autsi aveclui ; si nous souffioas avec lui, nous, nous ne teiilous pas même le possible,
,

m Traduction française de saint jean chrysostome.

quand donc obtiendrons-nous quelque chose ? tent, comme ils renversent tout sur leur
Quand posséderons-nous les biens désirables passage. Oui il faut courir car le démon
, ;

et désirés? « Les violents ravissent le royaume court après vous et il crie à ceux qui sont
,

« du ciel ». Il faut réellement de la violence devant vous de vous arrêter. Mais si vous êtes
il faut emporter le ciel On ne le
de vive force. fort, si vous êtes vigilant, vous avez bientôt
gagne pas sans peine , on n'y entre pas sans écarté du pied et de la main tous ceux qui
coup férir. Le violent est toujours sobre, tou- veulent vous prendre, et vous vous échappez
jours vigilant ; il n'a de soins et de pensées comme si vous aviez des ailes. Il ne vous faut
que pour ravir ce qu'il désire, et pour épier qu'un instant pour vous tirer d'embarras,
les occasions.
^ pour traverser la place publique et la foule
A la guerre, celui qui veut enlever quelque tumultueuse qui s'y presse, je veux dire la vie
butin veille toute la nuit, toute la nuit il est d'ici-bas et pour parvenir dans la région su-
,

en armes. pour ravir les biens de cette vie


Si périeure, c'est-à-dire l'éternité, région où
on veille ainsi et on passe toute la nuit sous règne le calme, où il n'y a ni tumulte ni obs-
les armes, comment se fait-il que nous, qui tacle. Quand vous aurez une fois accompli
voulons ravir des biens sans comparaison plus vos violences et enlevé de force ce que vous
désirables et plus difficiles à saisir, les biens vouliez, vous n'aurez pas de peine à le con-
spirituels, comment se fait-il que nous dor- server, on ne vous l'enlèvera pas. Courons, ne
mions mêmejour du plus profond som-
le regardons même pas ce qui est devant nos
meil comment se fait-il que nous soyons tou-
; yeux, n'ayons d'autre souci que d'éviter ceux
jours sans armes ni cuirasse? Car celui qui qui veulent nous arrêter, et nous sommes sûrs
demeure dans le péché est un homme qui n'a de conserver intact ce que nous avons ravi.
ni épée ni cuirasse et celui au contraire qui
; Vous avez, par exemple, ravi la chasteté, n'at-
vit dans la justice est l'homme toujours armé tendez pas, fuyez, éloignez-vous du diable.
de pied en cap. Nous ne nous revêlons pas de S'il ne pourra vous atteindre , il ne
voit qu'il
l'aumône comme d'une armure, nous ne te- vous poursuivra même pas. Autant nous en
nons pas nos lampes allumées et toutes prêtes, arrive tous les jours lorsque nous n'aperce-
:

nous ne nous munissons pas des armes spiri- vons plus ceux qui nous ont volé quelque
iuelles, nous ne nous informons pas de la voie chose, nous désespérons de les rejoindre, nous
qui conduit au ciel, nous ne sommes point renonçons à les poursuivre et à les faire pour-
sobres, ni vigilants, voilà pourquoi nous ne suivre et arrêter, nous les laissons partir tran-
pouvons rien ravir. Celui qui a formé le pro- quilles. Faites de même, courez fort dès le
jet de conquérir une couronne terrestre n'est- commencement. Dès que vous serez loin du
il pas prêt à braver mille fois la mort? Néan- diable, il n'essaiera plus de vous atteindre.
moins il s'arme, combine ses plans, et quand Vous pourrez en toute sécurité jouir des biens
il a tout préparé, marche en avant. 11 en est
il ineffables que vous avez ravis. Puissions-nous
tout autrement de nous, nous voulons ravir tous les posséder, en Jésus-Christ Notre-Sei-
Uiulen dormant, de là vient que nous nous gneur, avec qui soient au Père et au Saint-
relirons toujours les mains vides. Esprit, gloire, force, honneur et adoration,
Jetez les yeux sur les ravisseurs du siècle : maintenant et toujours, et dans les siècles des
voyez comme ils courent, comme ils se hâ- siècles. Ainsi soit-il.

IWuAiiï par U. JBASKOL


COMMENTAIRE
SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE.

AVERTISSEMENT.
Les homélies sur prononcées à Antioche ; Tillemont le prouve très-bien par la
l'épitre à Tite furent
citation d'un passage qu'il tire de l'homélie 3% nombre 2*. Voici ce passage « Que dire de ces chré- :

« tiens qui jeûnent avec les juifs, qui observent les sabbats ; de ceux qui s'en vont à ces rendez-vous
« de superstitions païennes, à Daphné, à la grotte dite de la Matrone, à ce lieu consacré à Saturne dans
« ta Cilicie ? Dirons-nous qu'ils ont leur bon sens ? Ils ont donc besoin d'une correction sévère ». Ce--
paroles s'adressent évidemment aux habitants de la ville d'Antioche dans les environs de laquelle be
trouvaient le bois de Daphné et la grotte de la Matrone. —
On remarque un grand soin dans ces Ho-
mélies ; les questions y sont traitées largement. Dans la troisième et dans la cinquième il est questioa
des vices et des crimes des Cretois et des philosophes grecs; dans la sixième, du martyre accompli
dans des circonstances singulières, de deux chrétiens que l'orateur ne uomrae pas.

HO^IÉLIE PREMIÈRE.
PAUL, SERVITEUR DE DIEU ET APOTRE DE JÉSUS-CHRIST, SELON LA FOI DES ÉLUS DE DIEU ET LA CONNAIS-
SANCE DE LA VÉRITÉ QUI EST SELON LA PIÉTÉ SOUS l'ESPÉRANCE DE LA VIE ÉTERNELLE QUE DIEU,
;

QUI NE PEUT MENTIR, AVAIT PROMISE AVANT TOUS LES TEMPS, MAIS QU'iL A MANIFESTÉE EN SON TEMPS
PROPRE (savoir) sa PAROLE DANS LA PRÉDICATION QUI m'eST COMMISE PAR LE COMMANDEMINT DE
DIEU NOTRE SAUVEUR A TITE MON VRAI FILS SELON LA FOI QUI NOUS EST COMMUNE, GRACE, MISÉRI-
:

CORDE ET PAIX DE LA PART DE DIEU ET DE LA PART DE JÉSUS-CHRIST NOTRE SAUVEUR. (l, i-i.)

A.nalyse.

1. Différents caractères de l'épitre à Tite : qa'il y est souTent question de la grâce de Dieu.
2. Que la prédication doit être accomplie avec confiance.— Ce que c'est qu'un vrai fils dans l'ordre de la grâce.
3. De la difficulté de la charge pastorale. — Mallieur à ceux qui élèvent à cette dignité des personnes qui en sont indignes.
4. Que les pasteurs sont en butte à la médisance des peuples, quelques mesures qu'ils prennent pour défendre. Un pasteur peut
avoir un soin raisonnable de sa santé.

i. Tite était l'un des plus distingués des com- l'apôtre appelle à lui Zénas et il désire qu'A-
pagnons de saint Paul s'il n'en avait pas été
; pollon lui soit envoyé, et ; non
car il celui-ci
ainsi, l'apôtre ne lui aurait pas confié une île témoignait qu'ils auraient plus de courage eu
tout entière il ne lui aurait pas prescrit de
; présence de l'empereur. Il me semble que
mettre en bon ordre les choses qui restaient à saint Paul était en liberté , lorsqu'il écrivit
régler, car il dit: a Afin que tu mettes en bon cette épître. Car il ne parle pas de ses persé-
« ordre ce qui reste » il n'aurait pas soumis
; entions, et sans cesse il revient sur la grâce
à son jugement tant d'évèques, s'il n'avait pas de Dieu ; on peut le voir à la fin comme au
eu en lui la plus grande confiance. On dit commencement, et c'est là une exhortation à
que c'était un jeune homme, parce que saint la vertu toute-puissante sur l'esprit de ceux qui
Paul l'appelle son fils, mais la raison n'est pas croient.N'était-ce pas un grand encoura-
convaincante. Je crois que c'est de lui qu'il gement pour eux, que de savoir ce qu'ils mé-
est fait mention dans les Actes des apôtres. Il ritaient, à quel étatavaient été élevés pa''
ils

était probablement de Corinthe, à moins qu'il grâce, à quelle dignité ils étaient appelés? Il
n'y en ait eu un autre du même nom. Déplus s'élève aussi contre les juifs; et s'il s'emporte
m ÏRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

contre la nation tout entière, ne vous en éton- mais c'est moi qui vous ai choisis ».
choisi,

nez point. Il ne s'y prend pas autrement, lors- (Jean, xv, 16.) De même le bienheureux apô-
qu'il s'agit des Galates. Ne s'écrie-t-il pas : tre saint Paul dit dans un autre endroit h le :

« Galates insensés Ce ne sont point là les


I » connaîtrai selon que j'ai été aussi connu »
paroles d'une haine injurieuse mais celles , (I Cor. xui, 12) ; et ailleurs : « Si je puis com-
d'un amour ardent. S'il avait agi ainsi dans « prendre de même que j'ai été compris par
son intérêt, il serait justement blâmable, mais Jésus-Christ ». (Philip, m, 12.) Ainsi, d'abord
si c'est par ardeur et par zèle pour la prédica- nous sommes compris, ensuite nous connais-
tion, il n'y a point d'injure. Le Christ lui- sons d'abord nous sommes connus, et ensuite
;

même a fait mille reproches aux scrFBes et aux nous comprenons d'abord nous sommes
;

pharisiens, mais était-ce par un motif intéressé? appelés, et ensuite nous obéissons. Lorsqu'il
non, c'est parce qu'ils perdaient tous les au- dit : «Selon la foi », il fait entendre qu'il n'est
tres. — Lépîtreest courte, et ce n'est pas sans rien que par les élus. C'est comme s'il disait :

raison. Par là un hommage est rendu à la C'estpour eux que je suis apôtre, je ne le suis

vertu de Tite qui nous est représenté comme pas pour mes mérites, mais pour l'intérêt des

n'ayant pas besoin de longs discours mais , élus. C'est ce qu'il dit ailleurs : a Toutes choses
d'un simple avertissement. Il niesemble a sont à vous, soit Paul, soit Apollon ». ( 1 Cor.
qu'elle a été écrite avant l'cpître à Timothée : ni, 22.)
il a fait celle-ci vers la lin de sa vie, lorsqu'il « Et la connaissance de la vérité qui est
était dans les fers; mais au moment où il a « selon la piété ». 11 y a en effet une connais-

composé répîlre emprisonné,


à Tite il n'était ni sance vraie des choses qui n'est pas selon la
ni enchaîné, car ces mots résolu de : « J'ai piété. Ainsi connaître l'agriculture, connaître
passer l'hiver à Nicopolis», prouvent qu'il les arts, c'est bien véritablement connaître ;

n'était pas encore dans les liens; dans son mais la connaissance dont il parle, c'est celle
épîlre à Timolhée au contraire il dit souvent qui est selon la piété, a Selon la foi » peut en-
qu'il est enchaîné. core avoir été écrit parce qu'ils ont eu la foi
Que (iit-il donc ? o l*aul, serviteur de Dieu comme les autres élus et qu'ils ont connu la
• et apôtre de Jésus-Christ, selon la foi des élus vérilé: c'est de la foi (jue vient la connaissance
de Dieu ». Voyez-vous comme il se sert in- et non des raisonnements. Sous l'espérance «

dllféremment de ces expressions? il s'appelle « de que la vie pré-


la vie éternelle ». Il a dit

tantôt serviteur de Dieu et apôtre de Jésus- sente est toute dans la grâce de Dieu il parie ;

Christ, tantôt serviteur de Jésus-Christ «Paul, : maintenant de la vie future, et il met devant
a serviteur de Jésus-Christ ». Ainsi il n'établit nos yeux les récompenses qui nous sont desti-
aucune dllfurence entre le Père et le Fils. nées pour les bienfaits que nous avons reçus.
a Selon la foi des élus de Dieu ». Veut-il dire Car Dieu veut nous couronner parce que nous
qu'il avait la foi, ou qu'on avait foi en lui ? Je avons cru en lui et qu'il nous a dégagés de l'er-
crois qu'il veut dire que les élus lui ont été reur. Vous voyez comme le début de l'épître est
confiés; comme s'il disait: Je ne dois i)as ma rempli de la pensée des bienfaits de Dieu;
dignité à mes mérites, à mes fatigues et a mes toute la suite ressemble à ce commencement
sueurs, mais je dois tout à la bonté de Dieu, et elle encourage le juste Tite et ses disciples
qui a mis en moi sa confiance. Ensuite, pour à supporter les peines. Il n'y a rien en effet de
qu'on n aille pas croire que la grâce se com- plus utile que de se rapjieler sans cesse les
munique sans raison ,
puisqu'il faut que bienfaits c|ue Dieu répand soit sur tous les hom-
l'homme y corresponde, et que ce n'était pas mes, soit sur chacun de nous. Car si notre zèle
sans raison que Paul avait été préféré à d'au- s'eiillamme, lorsque nous recevons un bien-
tres, il ajoute o Et la connaissance de la vé-
: fait d'un ami, ou qu'on nous adresse soit une

o rite qui est selon la piété ». C'est parce qu'il bonne parole, soit un geste bienveillant, com-
a\ait cette connaissance de la vérité que les bien plus grande ne doit pas être notre ardeur
élus lui ont été confiés. Mais alors ils lui ont à obéir, lorsque nous voyons à quels dangers
été confiés à bien plus forte raison i)ar la grâce nous avons été exposés, et comment Dieu nous
de Dieu, puisque c'est Dieu qui lui a donné en a toujours délivrés.
cette connaissance. Aussi écoutez Jésus-Christ « Et la connaissance de la vérité». Ici il dit

lui-même: « Ce n'est pas vous qui m'avez a ia vérité» par opposition a la figure. Car au-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. - HOMÉLIE !, iol

paravant y avait bien une connaissance, il


il l'éternité, la vie, la piété, la foi, touten un
y avait bien une piété, seulement elle ne con- mot. «Dans la prédication », c'est-à-dire ouver-
sistait pas dans la vérité, encore moins dans tement, avec franchise, car c'est le sens de ces
le mensonge, mais dans les images et dans les mots «Dans la prédication». De même que
:

figures. Il dit très-bien « Sous l'espérance de


: le héraut élève la voix dans le théâtre en pré-
a la vie éternelle » parce que l'autre con-
,
sence de toute l'assistance, de même nous aussi
naissance était pour l'espérance de la vie pré- nous prêchons sans rien ajouter du nôtre ; nous
sente. « Car lliomme qui fera ces choses vivra ne faisons que répéter ce que nous avons en-
« par elles ». (Rom. x. S.) Voyez-vous comme tendu. Car la vertu du héraut consiste à dire
dès le début il donne la mesure de la grâce ? à tout le monde comment les choses se sont
Ceux-là ne sont pas les élus, c'est nous qui le passées, sans rien retrancher ni ajouter.
sommes et bien qu'autrefois ils aient été
; Si donc il faut prêcher, il faut le faire avec
appelés les élus, ils ne le sont |)lus. franchise, autrement serait-ce encore prêcher?
«Que Dieu qui ne peut mentir avait promise C'est pourquoi le Christ ne dit pas Parlez sur :

« avant tous les temps», c'est-à-dire. Dieu ne les toits, mais «Prêchez sur les toits ».(Matth.
:

l'a point promise en changeant sa première montre où et comment il faut prêcher.


X, 27.) 11
pensée, mais il a fait cette promesse dès le «Qui m'a été commise par le commandement
principe. C'est ce que l'apôtre a exprimé en a de Dieu notre Sauveur». Ces mots: «Qui
beaucoup de passages, comme lorsqu'il dit: « m'a été commise » ces autres mots a Par le
, :

o J'ai été mis à part pour annoncer l'Evangile « commandement», montrent que la prédica-

o de Dieu», et ailleurs «El ceux qu'il a appe-


: tion est digne de foi que personne donc ne ;

a lés et ceux qu'il a prédestinés» il montre


; l'entende d'une manière indigne, ni avec dé-
par là notre dignité, puisque ce n'est pas d'au- goût, ni avec impatience. Mais s'il y a com-
jourd'hui que Dieu nous aime, mais qu'il nous mandement, je ne suis pas maître c'est un :

a aimés auparavant, et il ne faut pas compter ordre que j'exécute. Parmi nos actions, les
pour peu qu'il nous ait aimés auparavant et unes nous appartiennent, les autres, non. Pour
dès le principe. ce que Dieu ordonne de dire, nous ne sommes
2. « Que Dieu, qui ne peut pas mentir, nous pas maîtres mais pour ce qu'il permet, nous
;

« avait promise ». S'il ne peut pas mentir, tout sommes libres dans notre parole. Par exemple :
ce qu'il a promis s'accomplira; s'il ne peut o Celui qui dira à son frère, Raca, sera punis-
pas mentir, il ne faut pas douter de sa parole, « sable par le conseil», c'est là un comman-
quand même l'accomplissement n'en aurait dement ou bien « Si tu apportes ton offrande
; :

lieu qu'après notre mort. «Que Dieu, qui ne « à l'autel, et que là il te sou vienne que ton frère
a peut pas mentir, nous avait promise avant a a quelque chose contre toi, laisse là ton of-
«les temps éternels». Par cela même qu'il « frande devant l'autel et va d'abord te récon-
dit :«Avant tous les temps», il montre que B cilier avec ton frère , puis viens et offre ton

cette promesse mérite notre foi. Ce n'est point a offrande». (Matth. v, 22-24). C'est encore là

parce que les juifs ne sont pas venus à la foi, un commandement, un ordre, et si quelqu'un
dit-il, qu'il en est ainsi, mais c'est ce qui a ne s'y conforme pas, il y a nécessité qu'il su-
été figuré dès le principe. Ecoutez, en effet, bisse le châtiment. Mais lorsque Jésus-Christ
ses propres paroles « 11 l'a manifestée dans
: dit : a Si tu veux être parfait, vends ce que tu
son temps propre «.Pourquoi ce retard? Par possèdes», ou bien : «Que celui qui peut
une raison providentielle et pour que toutes a comprendre ceci, le comprenne » (Matth. xix, .

choses se fissent au moment convenable. « 11 21, 12). Ce n'est pas un commandement, car
«est temps», dit le Prophète, «que l'Eternel il laisse l'auditeur libre d'écouter ses paroles,
opère». (Ps. cxvni, 126.) Par ces mots «Dans : illui donne à choisir ce qu'il doit faire ou ne
o son temps propre», il faut entendre dans le pas faire, cela reste en notre pouvoir. Il n'en
temps qui convenait, dans le temps qu'il fal- est pas de même pour les commandements, il

lait, dans le temps favorable. «11 a manifesté faut de toute nécessité les remplir, sous peine
a en son temps propre sa parole dans la prédi' d'être puni. C'est ce que saint Paul dit lui-
« cation qui m'est commise ». Par là il entend même « La nécessité m'en est
par ces paroles :

la prédication : car l'Evangile contient toutes a imposée, et malheur à moi si je n'évangélise


choses, les promesses pour le présent et pour G pas». (I Cor. IX, 16.) Pour moi, je le dirai
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

bien haut, afin que cette vérité éclate à tous par elle que toi et moi nous avons été engen-
les yeux. Ainsi, si celui qui a étô préposé au drés. Mais alors pourquoi l'appelle-t-il son lils?
gouvernement de l'Eglise et qui a été honoré C'estou pour montrer seulement qu'il a l'af-
de la dignité d evèque, n'indique pas au peuple fection d'un père, ou parce qu'il l'a précédé
ce qu'il l'.i t faire, il encourt une grande res- dans l'apostolat, ou parce que Tite u été bap-
ponsabilité; mais le laïque n'est tenu par au- tisé par lui. C'est pour cette raison qu'il appelle
cune nécessité de ce genre. C'est pour celte les fidèles ses fils et ses frères : ses frères, parce
raison que l'aiiôtre Paul dit «Selon le com- : qu'ils ont été engendrés par la même foi; ses
« mandement de Dieu notre Sau>6urB. Et fils, parce qu'ils ont été engendrés à la foi par

voyez comme la suite s'accorde avec ce que je son ministère. Lors donc qu'il dit «Selon la :

viens de dire. Paul venait de dire «Dieu qui : « foi qui nous est commune», il indique qu'il

« ne ment point »; il dit maintenant a Par le : est le frère de Tite.


« commandement de Dieu notre Sauveur». Si « Grâce et paix de la part de Dieu le Père et

donc il est notre Sauveur, et qu'il nous donne « de Jésus-Christ notre Sauveur». Après avoir

des commandements, par le désir qu'il a de dit: «Mon fils», il ajoute: «Delà part de Dieu le
nous sauver, la prédication n'est point une « Père», pour élever son âme, cl lui apprendre

œuvre d'ambition, c'est une mission de foi, de qui il est fils; il ne se contente pas de dire:
c'est un commandement de Dieu notre Sau- « Selon la foi qui nous est comnmne», il ajoute

veur. encore « De la part de notre Père», et par là


:

« A Tite, mon vrai fils ». Il y a en effet des fils il lui montre unefoisde plus qu'il est son égal

qu'on ne reconnaît point pour ses vrais (ils, en dignité.


connue celui dont il est dit «Si quelqu'un, : 3. Voyez comme il demande pour le maître

« quisenomme ou avare,
frère, est fornicateur, les mêmes grâces que pour les disciples et la
a ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ra- foule des fidèles. C'est qu'il a besoin des mêmes
o visseur, ne mangez pas même avec un tel prières, et même en a plus besoin que les
il

« homme ». (I Cor. v, 11.) Un tel homme est autres, parce qu'il a un |>lus grand nombre
un mais ce n'est point un vrai fils; c'est
fils, d'ennemis, parce qu'il lui est plus difficile
un fils, car il a reçu la grâce une fois et il a été d'éviter la colère de Dieu. Car plus grande est
régénéré; ce n'est point un vrai fils, car il est la dignité de celui ([ui est chargé du saint mi-
indigne de son i)ère, car il se met sous un nistère et plus grands sont ses dangers. Il suffit
autre maître. En etPet, dans l'ordre de la na- souvent d'une seule grande œuvre apostolique
ture, le vrai fils se dislingue du fils illégitime pour l'élever au ciel , comme aussi d'une
par sa mère, et il porte le nom de son père. seule faute pour le précipiter dans l'enfer. En
Dans l'ordre de la grâce il n'en est pas ainsi, etfel,pour passer sous silence ce qui survient
c'est par choix qu'on est fils; aussi appartient- tous les jours, si par amitié ou parquelqu'autre
il à celui qui est un vrai fils de ne pas demeu- motif, il lui arrive d'élever un indigne à l'é-
rer tel, et à celui qui ne l'est pas, de le devenir. piscopat et de lui confier le gouvernement des
En effet, ce n'est point par la nécessité de la âmes dans une grande ville, voyez comme il
nature que cette question est décidée, c'est par s'expose aux flammes de l'enfer. Il ne sera pas
du choix de là tant de changements.
la liberté : puni seulement pour toutes les âmes qui pé-
Onésime, par exemple, était un vrai fils, mais que celui qu'il a ordonné man-
rissent, parce
il cessa de l'être pour un temps, parce qu'il que de mais encore pour toutes les ac-
piété,
devint méchant. Ensuite il le redevint au tions de l'évêque indigne. Celui qui dans
point que l'apôtre l'ajipelait ses entrailles. l'ordre laïque n'était pas religieux, le sera
€ A Tite, mon vrai fils, selon la foi qui nous encore bien moins, lorsqu'un tel homme
t est commune ». Qu'entend-il par ces mots: aura le gouvernement des âmes; pour celui
« Selon la foi qui nous est commune ?» Après qui était jiieux auparavant, il lui sera difficile
l'avoir appelé son fils et s'être lui-même donné de rester tel sous un indigne pasteur. Car la
pour un père, pourquoi diminue-t-il et afiai- vaine gloire, l'amour des richesses, l'arro-
blit-il cet honneur? En voici la raison «Selon : gance ont plus de puissance lorsqu'ils s'auto-
t la foi qui nous est commune», ajoute-t-il, risent des vices de l'évêque, et de même pour
c'est-à-dire, selon la loi je n'ai rien de plus les olfenses, les outrages, les insultes et mille
que toi; car elle nous est commune et c'est autres péchés. Si donc quelqu'un n'est pas
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. - HOMÉLIE I. m
religieux, il le deviendra moins encore dans lorsque son maître lui donne un ordre qui le
ces circonstances. Ainsi, lorsqu'on établit un contrarie mais toi, lorsque tant de maîtres
,

tel homme prince de l'Eglise, on se rend res- te donneront les ordres les plus contraires, si
ponsable de toutes ses fautes et de toutes celles tu le supportes avec peine, pour cela même tu
de la multitude qui lui est conQée. Si quel- seras puni et tu déchaîneras toules les langues
qu'un scandalise une seule âme, il lui vaudrait contre toi. Est-ce là, je t'en prie, est-ce là une
mieux qu'on lui pendît une meule d'âne au dignité? est-ce là un commandement? est-ce
cou et qu'on le jetât au fond de la mer. Que là un pouvoir?
ne souffrira donc pas celui qui scandalise tant 4. L'évêque ordonne qu'on donne de l'argent;
d'âmes, des cités, des peuples entiers, des mil- si soumis s'y refuse, non-seu-
celui qui lui est
liers d'hommes, de femmes, d'enfants, de ci- lement il n'en apporte pas, mais pour qu'on
tadins, de laboureurs, ceux qui sont dans sa ne puisse pas lui reprocher la tiédeur de son
ville, ceux qui lui sont soumis dans d'autres zèle, il accuse l'évêque. 11 vole, dit-il, il pille,

villes? Si vous dites que sa peine sera triplée, il absorbe la substance des pauvres, il dévore
vous ne dites rien, tant sera grand son sup- les ressources des indigents. Mets fin à ses
plice et son châtiment. L'évêque a donc le plus injures et dis-lui Jusqu'à quand médiras-tu?
:

grand besoin de la grâce et de la paix qui Tu ne veux pas donner d'argent? Personne ne
viennent de Dieu ; s'il gouverne la ville sans t'y force, personne n'emploie la violence, pour-
ce secours, tout est en ruine, tout est perdu, quoi l'emporter en injures contre celui qui te
car il n'a pas de gouvernail. Quand il serait conseille et qui t'exhorte? Mais quelqu'un
habile dans l'art de gouverner, s'il n'a pas ce tombe dans la misère, et il ne lui tend pas la
gouvernail, je veux dire la grâce et la paix qui main, soit qu'il ne le puisse pas, soit qu'il ait
viennent de Dieu , navires et navigateurs se- autre chose à faire. On ne lui fait pas grâce, ce
ront submergés. sont de nouvelles récriminations, pires encore
Aussi, je m'étonne lorsque j'en vois qui dé- que premières. Est-ce là gouverner? dit-on.
les

sirent un fardeau. Homme malheureux,


tel El ne peut pas même se venger, car les fidèles
il

homme infortuné, ne vois-tu donc pas ce que sont ses entrailles. Or, de même que si les en-
tu désires? Si lu vivais pour toi seul d'une trailles se gonflent et donnent mal à la tête et
vie inconnue et sans gloire, quand tu com- à tout le reste du corps, nous n'osons pas nous
mettrais mille péchés, au moins tu n'aurais à venger, car nous ne pouvons pas prendre le
rendre compte que d'une seule âme. Voilà à fer pour les déchirer de même si quelqu'un :

quoi se réduirait ta responsabilité. Mais que de ceux qui nous sont soumis tient cette con-
tu viennes à obtenir une telle dignité, vois de duite, et par des accusations de ce genre nous
coniDien d'âmes tu es responsable au jour du fait souffrir et gémir, nous n'osons pas nous

châtiment! Ecoute saint Paul: «Obéissez», venger, car cela est loin des sentiments d'un
dit-il, oiàvos conducteurs et soyez-leur sou- père, il nous faut supporter notre douleur,
mis, car ils veillent sur vos âmes, comme jusqu'à ce qu'ils reviennent à de bonnes pen-
« devant en rendre compte». (Hébr. xiii, 17.) sées.
Et cependant lu désires la dignité du comman- L'esclave acheté à prix d'argent a une tâche
dement. Quel plaisir trouveras-tu donc dans qui imposée lorsqu'il l'a finie, il est le
lui est ;

celte dignité? Je n'en vois pas, car personne reste du temps maître de lui-même. Mais l'é-
dans cette dignité n'est véritablement maître. vêque est tiraillé de toutes parts, on exige de
Comment cela? C'est qu'il est remis à la liberté lui beaucoup de choses qui dépassent ses
de ceux qu'on commande, d'obéir ou de déso- forces s'il n'est pas éloquent, ce ne sont que
;

béir, et s'il veut voir au fond des choses, celui des murmures; s'il est éloquent, ce sont de
qui a cette ambition, bien loin de marcher nouvelles accusations, c'est un homme vain ;
vers le commandement, sera l'esclave de mille s'il ne ressuscite pas les morts, c'est un homme

maîtres, tous opposés dans leurs désirs comme de rien celui-ci est un juste, mais lui non.
,

dans leurs paroles. Ce qui est loué par l'un est S'il prend une nourriture modérée, autres

blâmé par l'autre; ce qui est critiqué par accusations, il devrait suffoquer, dit-on; si

celui-ci, est admiré par celui-là. Qui faut-il quelqu'un l'a vu prendre un bain, nombreux
écouter? à qui obéir? il est impossible de le reproches, il n'est pas digne de voir la lumière
voir. L'esclave acheté à prix d'argent s'irrite du soleil. Car s'il fait les mêmes choses que
410 TUADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

moi, s'il se baigne , s'il boit et s'il mange, s'il irrépréhensibles, tempérants, décents, hos-
a des habits, s'il prend soin de sa maison et de pitaliers, savants dans la doctrine. Voilà ce
ses serviteurs, pourquoi est-il élevé au-dessus qu'exige l'apôtre, ce qu'il faut demander à
de moi? Voilà qu'il a des domestiques pour le l'évêque et rien de plus. Tu n'es pas plus dili-
servir, un âne pour le traîner pourquoi
: gent que saintPaul, quedis-je? tu n'es pas plus
est-il élevé au-dessus de moi ? —
Dis-moi diligentque le Saint-Esprit. S'il est violent,
donc ainsi il ne faut pas qu'il ait un serviteur,
:
adonné au vin, cruel et inhumain, accuse-le;
mais il doit allumer son feu lui-même, aller voilà des vices indignes d'un évêque. S'il vit

chercher son eau, couper son boisv- aller au dans la mollesse, lu peux encore lui en faire
marché ? quelle honte Les apôtres, ces saints
1
un crime. Mais prend soin de son corps
s'il

hommes, ne veulent pas que celui qui est pour te servir et l'être utile, l'en blàmeras-tu?
assidu dans la prédication se mette au service N» sais-tu pas que la mauvaise santé du corps
des veuves, ils croient que c'est une occupa- ne nuit pas moins à nous-même et à l'Eglise
tion indigne de lui, et toi tu le rabaisses au que la mauvaise santé de l'âme? Pourquoi
nombre de tes domestiques Mais puisque tu! saint Paul s'en occupe-t-il dans son épîlre à Ti-
lui traces ainsi sa conduite, pourquoi ne te pré- mothée ? « Use d'un [leu de vin à cause de ton
senles-tu pas pour l'occuper de ces soins? a estomac maladies que tu as souvent».
et des

Dia-moi ne te rend-il pas de plus grands ser-


: (I Tim. y, 23.) Voilà ce qu'il dit, car si, pour
vices que toi qui t'occupes des choses du exercer la vertu, nous n'avions besoin que du
corps? Pourquoi nenvoies-lu pas ton esclave seul secours de l'àme, il serait inutile de soi-

pour le servir ? Le Christ a lavé les pieds de gner son corps. Demandons-nous pourquoi
ses disciples :crois-lu donc faire qutlque nous sommes ainsi nés. Mais du moment que
chose de si admirable, parce que lu fournirais le corps est très-utile, le négliger ne serait-ce

à son train de maison ? Mais lu n'y fournis pas pas d'une extrême démence ? Car supposons
et tu l'empêches d'y fournir. Quoi donc? est- un homme honoré de la dignité épiscopale,
ce qu'il doit vivre du ciel ? Dieu ne le veut pas chargé du gouvernement de l'Eglise, vertueux
ainsi. Mais tu vas me dire : Les apôtres ont-ils et orné de toutes les qualités que doit avoir

eu des hommes libres pour les servir ? Veux- un évêque, mais d'une saute débile et toujours
tu donc savoir cornnienl les apôtres ont vécu? au lit, à quoi pourra-t-il être bon? Quel
Ils voyai^caient, et des hommes, des femmes voyage pourra-t-il entreprendre? Quelle ins-
libres s'employaient corps et âme pour leur pection pourra-t-il faire ? Qui pourra-t-il blâ-
donner du repos. Ecoute l'exhortation et les mer? Qui pourra-t-il avertir ?
paroles de l'apôtre Paul « Ayez de l'estime
: Si j'ai tenu ce discours, c'est pour que vous
a pour ceux qui sont tels que lui. Car il a été appreniez à ne plus blâmer témérairement vos
proche de la mort pour le service de Jésus- pasteurs, mais à les entourer de déférence et
Christ, n'ayant eu aucun égard à sa propre de respect, et que, si quelqu'un est rempli du
a vie, afin de su[)plécr au défaut de votre ser- désir d'obtenir une telle dij^nilé, la considéra-
vice envers moi ». (l'hibp. ii, 29.) Entends- tion de toutes ces accusations éteigne son dé-
tu ce qu'il dit? Toi cependant tu n'oses pas, je sir. Car c'est assurément un grand péiil et
ne dis point supporter un péril, mais même pour lequel il est besoin de la giâce et de la
prononcer une seule parole en faveur de ton paix de Dieu. Je vous en prie, demandez-la
père spirituel. Mais, dis-tu, il ne doit pas pren- pour nous comme nous la demandons pour
dre de bains. Pourquoi, dis-moi ? où cela est- vous, afin que les uns et les autres, couronnés
il défendu? Ce n'est certes pas une belle chose par la vertu, nous obtenions les biens qui nous
que la malpropreté. Nulle part nous ne ont été promis en Jésus-Christ qui partage
voyons qu'on fasse un crime de ces soins, pas avec le père et le Saint-Esprit la gloire, la

plus qu'on ne les admire. puissance et l'honneur, maintenant et tou-


Ce n'est pas sur ces choses, mais sur d'autres jours, et dans les siècles des siècles. Ainsi
que portent les prescriptions faites aux évo- soit-il.

ques par l'apôtre Paul ; il veut qu'ils soient


COiMMENTAlHE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TlTE. - HOMÉLIE II. Ui

HOMELIE II.

t» BAfSON POUR LAOPELLE JE t'aF LAISSÉ EN CRÈTE, C'eST AFIN QUE TU METTES EN BON ORDRE LES
CHOSK< Qll RESTENT A RÉGLER, ET QUE TU ÉTABLISSES DES PRÊTRES DE VILLE EN VILLE, SUIVANT CE
QUE JE t'ai ORD0N^É; NE CHOISISSANT AUCUN HOMME QUI NE SOIT IRRÉPRÉHENSIBLE, MARI d'UNE
SEULE FEMME, ET DONT LES ENFANTS SOIENT FIDÈLES ET QUI NE SOIENT PAS ACCUSÉS DE DISSOLUTION,
Ml DÉSOBÉISSANTS. (l, 5, 6-11.)

Analyse.
1 Travaux auxquels se livraient les apôtres. — Devoirs des pasteurs.
2. Porlrait de l'évêque tel que le veut saint Paul. — Que saint Paul a eu plus de pouvoir que Platon et tout les philosophe».
3. Combieii est difficile le mépris des honneurs.
4. Ce n'est pas l'honneur et la gloire de ce monde que l'on doit rechercher.

^. Toute la vie des anciens était en action et autres choses qui avaient besoin d'être redres-
en lutle; il n'en est pas de même de la nôtre, sées, ou plutôt, pourrait-on dire, qui avaient
elle est pleine de négligence. Ceux-là savaient besoin d'une plus grande perfection. Que —
qu'ils avaient été mis au monde pour tra- dis-tu, je t'en prie ? mettra en bon ordre ce
11

vailler en se conformant à la volonté du Créa- qui t'est soumis et tu ne regardes pas cela
,

teur; mais nous, il semble que nous soyons comme une honte ni comme un déshonneur
nés pour manger, boire et vivre dans la mol- pour toi ? Pas le moins du monde, car je ne
lesse, tant nous faisons peu de cas des choses pense qu'à l'intérêt de l'Eglise et que ce soit ;

spirituelles Je ne parle pas des apôtres seu-


! par moi ou par un autre que tout aille bien,
lement, mais encore de ceux qui sont venus peu m'importe. —
Tels doivent être les senti-
après eux. Voyez-les donc parcourir tous les ments d'un bon pasteur, il ne doit pas recher-
pays, et, se livrant tout entiers à cette occu- cher sa propre gloire, mais l'utilité de tous.
pation, vivre toujours sur la terre étrangère : « Et que tu établisses des prêtres de ville en
on croirait qu'ils n'avaient pas de patrie sur « ville », cela veut dire des évêques, comme
la terre. nous l'avons expliqué ailleurs. a Suivant —
Ecoutez ce que dit le bienheureux Paul : «que je t'ai ordonné, ne choisissant aucun
La raison pour laquelle je t'ai laissé en « homme qui ne soit irrépréhensible ». «De —
Crète » il semble que se distribuant le
: « ville en ville », dit-il, car il ne voulait pas

monde tout entier, comme ils eus.«ent fait que toute l'île fût à la charge d'un seul, mais
pour une seule maison, ils administraient chacun devait avoir sa part de soucis et d'in-
ainsi toutes choses et étendaient leur vigilance quiétudes. En effet, la fatigue serait moins
à tous les lieux , l'un se chargeant de telle ré- grande et les fldèles seraient gouvernés avec
gion et l'autre de telle autre. « La raison — plus de sollicitude du moment qu'un seul maî-
pour laquelle je t'ai laissé en Crète, c'est
a tre ne se contenterait pas de parcourir un
« afin que lu mettes en bon ordre les choses grand nombre d'églises, mais que chacune
a qui restent à régler». Il ne prend pas un d'elles serait confiée à un évêque et embellie
ton de commandement « Afin que tu mettes : par ses soins.
a en bon ordre », dit-il. Voyez-vous comme il a Ne choisissant aucun homme qui ne soit
a l'àme pure de toute jalousie, comme il re- « irrépréhensible, mari d'une seule femme, et
cherche partout l'intérêt de ses disciples , « dont les enfants soient fidèles et qui ne
,

comme il ne se demande pas si c'est lui ou un « soient pas accusés de dissolution, ni déso-
autre qui gouvernera? Là où il y avait le plus « béissants».4*ourquoi nous o£fre-t-il ce por-
de dangers et de difficultés il allait en per- trait? Il ferme la bouche aux hérétiques qui
sonne mettre les choses en ordre. Mais ce qui condamnent le mariage, en montrant que l'u-
rapportait plus de gloire sans mériter autant nion des épouxn'est point blâmable, et qu'elle
d'éloges, il le confie à son disciple, j'entends estau contraire si honorable qu'un homme
par là l'ordination des évèques et toutes les marié peut monter sur le siège épiscopal. Mais
4l2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

en même temps il flétrit les incontinents en Et l'apôtre ne dit pas seulement que les fils de
ne leur permettant pas d'obtenir cette di- l'évêque ne doivent pas être dissolus , mais il
gnité après un second mariage. Car comment ne veut pas même qu'on puisse les accuser de
l'homme qui n'a gardé aucun amour pour la l'être ni qu'ils aient une mauvaise réputation,
femme qu'il a perdue, pourra-t il être un « Car il faut que l'évêque soit irrépréhensible,
bon pasteur de l'église? Quels reproches ne a comme étant dispensateur dans la maison de
l'atteindront pas? Vous savez tous en effet, a Dieu, non superbe, non colère, non sujet au
vous savez qu'un mariage en secondes noces, «vin. Don batteur (7) ».
bien qu'il ne soit pas interdit parles lois, offre 2. Un prince séculier, qui commande par la
pourtant matière à de nombreuses accusa- loi et par la contrainte, ne gouverne pas sou-
tions. —Ainsi il ne veut point qu'un pasteur vent d'après les désirs de ceux qui lui sont
se présente devant les fidèles avec une seule soumis, et c'est naturel. Mais un évêque qui doit
tache. C'est pourquoi il dit a Aucun homme
: son autorité à des gens qui la lui ont accordée
qui ne soit irrépréhensible». C'est-à-dire dont de leur plein gré et qui lui sont reconnaissants
la vie soit pure de toute faute et qui n'olTre de l'avoir accejitée, s'il se conduit de telle sorte
aucune prise à celui qui voudra l'examiner. qu'il ne fasse rien que par ses propres idées ,

Ecoutez les paroles de Jésus-Christ : « Si la sans rendre aucun compte à personne, il exerce
« lumière qui est en toi n'est que ténèbres, bien plutôt un pouvoir tyrannique qu'une ma-
« combien seront grandes les ténèbres mè- gistrature populaire. «Car il faut», dit l'apô-
« mes ». (Malth. vi 23.) , — a Dont les enfants tre, a que l'évêque soit irrépréhensible, comme
ne soient pas accusés de
€ soient fidèles et qui «étant dispensateur dans la maison de Dieu,
a dissolution, ni désobéissants». Considérons a non attaché à son sens propre, non colère ».
comme il porte sa sage prévoyance jusque sur Comment en effet apprendra-t-il aux autres à
les enfants. En effet, comment celui qui n'a vaincre un vice qu'il n'a pas pu s'apprendre à
pu former ses enfants, formerait-il les autres? détruire en lui ? Sa charge le fera entrer dans
Si ceux qu'il a eus dès leurs premiers jours nombre de difficultés qui aigriraient et met-
avec lui, qu'il a nourris, et sur lesquels la loi traient hors de lui un homme plus pâlit nt :

et la nature lui donnent autorité, il n'a pas pu elle lui donnera mille occasions de céder à la
les instruire , comment pourra-t-il être utile colère. S'il n'y est pas préparé d'avance, on ne
aux autres? Si le jière n'avait pas eu la plus pourra pas le souffrir, et le plus souvent dans
grande négligence, il n'aurait pas souffert que l'exercice de son ministère il portera le trouble
ceux qui étaient sous son autorité devinssent et la ruine partout. — «Non porté au vin, non
méchants. Il n'est pas possible, non il n'est a batteur». Il parle ici de l'évêque qui injurie:
pas possible qu'après avoir été élevé dès les or il faut plutôt agir par l'exhortation que par
premières années avec la plus grande sollici- le reproche, mais p^ir l'injure, jamais. Car,
tude, qu'api èf avoir été entouré des plus grands dites-moi, quelle nécessité y a-t-il d'injurier?
soins , on devienne pervers car il n'y a pas
: Il taut effrayer par la menace de l'enfer et ins-
de défauts naturels que ne puisse vaincre une pirer une grande terreur. Mais celui qu'on
telle diligence. Si, ne plaçant qu'en seconde injurie, prend plus d'audace encore et mé-
ligne l'éducation de ses enfants, un père s'ap- prise davantage celui qui le traite ainsi. Rien
plique à acquérir des richesses et a plus d'a- ne porte au mépris comme l'injure elle dés- :

mour pour que pour sa famille, c'est un


elles honore celui qui s'en rend coupable, et ne lui
homme indigne. Car si malgré la loi de la na- permet pas d'inspirer le respect. II faut que
ture il a eu tant d'insensibilité ou de démence l'évêque parle avec une grande piété qu'il ,

qu'il s'est moiiue pius mquiei pour ses biens rappelle les pécheurs à la pensée du jugement
que pour ses enfants, comment pourrait-il dernier, et que jamais l'injure ne le souille.
monter sur le trône épiscopal et mériter une S'il y en a qui l'empêchent de remplir son
telle dignité? S'il n'a pas pu co^figer ses en- ministère, alors il doit agir avec toute son au-
fants, quelle insouciance ne peut-on pas lui torité. « Non dit-il. Le maître est le
batteur »,
reprocher? S'il ne s'en est pas occupé, quelle médecin des âmes, or le médecin ne frappe
insensibilité ne peut-on point blâmer en lui ? point, il ranime et guérit celui qui a été frappé.
Comment donc celui qui n'a pas pris soin de « Non porté à un gain honteux, mais hos-

»e8 enfants, prendra-l-il soin des étrangers? a pitalier, aimant les gens de bien, sage, juste,
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SALNT PAUL A TITE. — HOMÉLIE II. 41 â

« saint , continent retenant fortement la pa-


, « se soumettre, vains discoureurs et séducteurs
a rôle de la vérité comme elle lui a été ensei- « d'esprits, principalement ceux qui sont delà
« gnée (8, 9) » Voyez-vous quelle haute vertu
. « circoncision( 10), auxquels il faut fermer la

il requiert? « Non porté à un gain déshon- «bouche». Voyez- vous comme il montre la
« néte », c'est-à-dire montrantun grand mé- cause de leur perversité? C'est quils vou-
pris pour les riciiesses. « Hospitalier, aimant draient commander au lieu d'être commandés,
« les gens de bien sage, juste, saint» il fait
, : car c'est là ce que l'apôtre a fait entendre. Si
entendre qu'il doit abandonner tout son bien donc tu ne peux pas les persuader, ne leur
à ceux qui ont betoiii. « Continent » il n'en- : donne pas les saints ordres , mais impose-ieur
tend point par là celui qui se livre au jeûne, silence dans l'intérêt des autres. De quelle
mais celui qui réprime les désirs coupables utilité seraient-ils , s'ils n'obéissent pas que ,

de sa langue, de sa main, de ses yeux. Car la dis-je, s'ils sont insoumis? Mais pourquoi leur
continence consiste à ne se laisser entraîner fermer la bouche? C'est qu'il y va de l'intérêt
par aucun vice. « Retenant fortement la pa- des autres.
« rôle fidèle de la vérité, comme elle lui a été « Et qui renversent les maisons tout entiè-
« enseignée Par « fidèle » il veut dire vrai
». « res, enseignant pour un gain déshonnête
ou qui nous a été transmis par la foi, qui n'a odes choses qu'on ne doit point enseigner (11)».
besoin ni de raisonnements ni de recherches. Si celui qui a reçu mission d'enseigner , n'est
« Retenant fortement». C'est-à-dire, pre- pas capable de les combattre et de leur impo-
nant d'elle un soin inquiet faisant d'elle , ser silence lorsqu'ils se conduisent si effron-
toute son occupation. Mais quoi, s'il n'aaucune tément deviendra lui-même cause de la
, il

culture profane ? C'est pour cela qu'il dit : perdition de tous ceux qui périront. Car si l'on
La parole comme elle lui a été enseignée. nous exhorte par ces paroles « Ne cherche :

« Afin qu'il soit capable d'exhorter et de con- a pas à devenir juge, si tu ne peux détruire
« vaincre les contradicteurs » ; il n'est donc « l'injustice » (Ecclés. vu, 6), on pourrait dire
pas besoin de l'éclat des expressions , ce qu'il ici avec bien plus de raison encore Ne cher-
:

faut c'est l'intelligence, c'est la connaissance che pas à devenir évêque si tu n'es pas capa- ,

des Ecritures , c'est la force des pensées. ble d'une telle dignité au contraire, si l'on te
;

Ne voyez-vous pas que saint Paul qui a con- forçait à l'être, refuse. Voyez-vous comme par-
verti le monde, a eu plus de pouvoirque Platon tout c'est l'amour de l'argent et le désir d'un
etque tous les autres ensemble? Mais c'est par gain déshonnête qui est le principe de tous les
les miracles, direz-vous?Ce n'est point par les désordres? « Ils enseignent pour un gain dés-
miracles seuls, car si vous parcourez les Actes « honnête des choses qu'on ne doit point en-

des apôtres, vous le verrez en beaucoup d'en- « seigner ».

droits remporter la victoire même avant tout 3. Il que ces vices n'ébranlent,
n'y a rien
miracle. — « Afin qu'il soit capable d'exhorter car de même
qu'un vent violent, lorsqu'il s'a-
« par la saine doctrine», c'est-à-dire pour pro- bat sur une mer calme, la trouble jusque dans
téger les fidèles et pour renverser les ennemis. ses profondeurs, au point que les flots charient
— «Et de convaincre les contradicteurs», c'est le sable, de même ceux-ci, une fois entrés dans
qu'en eflet sans cela il n'y a rien. Car celui l'âme, la bouleversent de fond en comble, l'a-
qui ne sait pas combattre un adversaire , as- veuglent et lui enlèvent sa clairvoyance. Cela
servir toute intelligence à l'obéissance de Jésus- est surtout vrai du fol amour de la gloire.
tomber les faux raisonnements;
Christ, et faire Pour les richesses il est facile à qui le veut de
celui qui ne sait pas enseigner la vraie doc- les mépriser, mais dédaigner un honneur qui
trine que celui-là s'éloigne du trône aposto-
, nous est accordé par un grand nombre d'hom-
lique. Les autres quaUtés requises on les trou- mes, voilà qui exige un grand courage, une
vera dans les fidèles, comme d'être irrépré- grande philosophie, une âme angélique et qui
hensible, d'avoir des enfants obéissants, d'être s'élève jusqu'au sommet du ciel. Il n'y a pas,
hospitalier, juste , saint : mais ce qui est sur- non il n'y a pas un seul vice qui ait une puis-
tout le propre du docteur, c'est qu'il puisse ins- sance aussi tyrannique, et qui règne ainsi par*
truire par sa parole cependant c'est ce dont ; tout. Car il règne partout, ici plus, là moins,
on ne prend aucun souci aujourd'hui. mais partout cependant. Comment pourrons»
» Car il y en a plusieurs qui ne veulent point nous donc le vaincre , sinon tout à fait, au
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

moins en partie? Ce sera en nous tournant conscience de vos fautes, vous paraissez pur
vers le ciel, en ayant l'image de la Divinité à tous les yeux, non -seulement il ne faut pas
sous les yeux, en élevant notre pensée au- vous réjouir, mais bien plutôt devez-vous
dessus des choses de la terre. Toutes les fois que pleurer et pleurer amèrement sur vous-même,
vous vous sentirez tenté du désir de la gloire, en pensant à ce jour où tout sera révélé, où
pensez que vous l'avez acquise considérez à, les ténèbres montreront leurs secrets à la lu-
quoi elle se termine enfin , et comprenez mière. Vous possédez de la gloire? dépouil-
qu'elle n'est rien. Voyez quels maux elle lez-vous-en, dans la conviction qu'il vous faud ra
traîne après elle et de quels bien* elle nous payer ces hommes. Personne ne vous honore ?
prive. Vous supporterez les fatigues vous af- ,
Et bien, vous devez même vous en réjouir:
fronterez les dangers, mais le prix de vos ef- car Dieu n'ajoutera pas un nouveau reproche
forts, mais la récompense vous échappera. à tous ceux qu'il vous fera, il ne pourra pas
Songez que la plupart des hommes sont mé- vous blâmer d'avoir joui de la gloire. Ne
chants, et méprisez leur gloire. Car prenez-les voyez-vous pas en effet que l'Eternel, dans
un à un, voyez quels ils sont, vous trouverez rénumération de tant de bienfaits méconnus,
que les honneurs sont ridicules, et qu'ils sont met encore ceci en ligne de compte ? « J'ai »,
moins une gloire qu'une honte ensuite éle- ;
dit-il par la bouche d'Amos, «suscité quelques-

vez votre pensée vers le trône de Dieu. Lors- « unsd'entrevous pour être prophètes, etquel-
que vous aurez fait une bonne action, si vous « ques-uns d'entre vos jeunes gens pour être

pensez que vous devez la montrer aux hom- a nazaréens ». (Amos, ii, H.) Ainsi, pour tout

mes, si vous recherchez des spectateurs pour le moins vous aurez cet avantage, que vous ne
qu'elle soit vue, songez que Dieu la voit, et ré- serez pas exposé à de plus grands supplices.
primez tous ces désirs. Eloignez voire pensée Car n'êtes-vous pas honoré en celte vie ?
de la terre pour la porter vers le céleste séjour. êtes-vous méprisé ? ne fait-on de vous au-
Si les hommes vous louent, jilus tard ils cun cas? que dis-je êtes-vous insulté et
1

vous blâmeront, ils vous porteront envie ,


outragé ? ce dédommagement vous reste,
ils vous déchireront supposons qu'il n'en
; (|u'on ne vous demandera pas compte des
soit rien,du moins leurs éloges ne vous rap- honneurs que vous auront accordés vos com-
porteront aucun avantage. En Dieu rien de pagnons d'esclavage. Mais vous retirez de là
.«emblnble il aime à nous louer de nos bonnes
: bien d'autres avantages rabaissé et humilié
:

œuvres. Vous avez bien parlé et vous avez été comme vous l'êtes, vous ne pouvez pas,
applaudi quel profit en retirez-vous? Si vous
: quand même vous le voudriez, céder à l'or-
avez été utile à ceux qui vous applaudissent, gueil, lorsque vous portez voire attention sur
si vous les avez convertis, si vous les avez vous-même. Pour celui au contraire qui jouit
rendus meilleurs, si vous les avez guéris de de grands honneurs, outre qu'il aura de ter-
leurs plaies, il faut vous réjouir assurément ribles dettes à solder, il se laisse aller à l'arro-
non pas des éloges qu'ils vous donnent, mais gance et à la vaine gloire, et il se fait l'esclave
d'une conversion si belle et si merveilleuse. des hommes. De plus, àmesure que sa puissan-
Mais si malgré leurs louanges continuelles et ce s'étend, il est obligé de faire beaucoup de
le tumulte de leurs battements de mains, choses qui lui déplaisent.
ils ne retirent aucun fruit de ce qu'ils louent, \. Convaincus qu'il est préférable pour nous
il faut plutôt gémir sur leur en voyant
sort, d'agir ainsi, ne recherchons pas les dignités,
que leurs applaudissements seront leur con- et si on nous les offre, rejetons-les, faisons
damnation. Du moins votre piété sera-t-elle effort pour nous en éloigner, et étouffons nos
une gloire pour vous ? Si vous êtes pieux et désirs ambitieux. Je le dis à ceux qui
que vous n'ayez conscience d'aucune faute, gouvernent comme à ceux qui sont gouver-
vous devez être content non point de paraître nés. Car l'âme qui désire les honneurs et la
ce que vous êtes, mais d'être ce que vous parais- réputation ne verra pas le royaume des
,

sez. Que si, sans être pieux, vous êtes honoré cieux. Ce n'est pas moi qui le dis, ce ne sont
par les hommes, songez que vous ne les aurez point mes paroles, ce sont celles du Saint-Esprit;
pas pour juges au dernier jour, mais que elle ne le verra pas, quand même elle aurait
Celui qui vous jugera connaît les ténèbres et pratiqué la vertu. Car, dit l'Ecriture, « ils ont
leurs mystères. Oui, si, lorsque vous avez « reçu leur récompense », (Mallh. vi, 3.) Mais
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE DE SAINT PAUL A TITE. — HOMÉLIE II. m
pour celui qui n'a pas eu sa récompense, com- hommes ; et, s'ils viennent d'eux-mêmes à nous,
ment ne verrait-il pas le royaume des cieux ? nous les dédaignerons, nous nous en moque-
Je ne défends pas qu'on recherche la gloire, rons, nous les mépriserons et quand nous ;

mais je veux que ce soit la vraie gloire, celle trouverons un lingot d'or, nous aurons les sen-
qui vient de Dieu « Sa gloire », dit l'apôtre,
: timents que nous éprouverions devant de la
n'est pas des hommes, mais de Dieu » (Rom, . boue. Que personne donc ne vous loue, car
II, 29.) Soyons pieux loin des regards, sans cela ne vous servira de rien, et s'il vous blâme,
faste, sans appareil, sans hypocrisie. Au loin cela ne saurait vous nuire. A la louange qui
la toison de la brebis ! Efforçons-nous plutôt vous viendra de Dieu sera jointe une récom-
d'être des brebis véritables. Il n'y a rien de pense, et à son blâme un châtiment mais de :

plus vil que la gloire humaine. Car, dites-moi, la part des hommes, blâme et louange, tout
si vous voyiez une multitude d'enfants encore est vain.
à la mamelle, désireriez-vous leurs louanges? C'est même en cela que nous sommes égaux
Vous devez avoir ces sentiments à l'égard de à Dieu, car Dieu n'a pas besoin des louanges
tous les hommes pour
ce qui concerne les des hommes: o Je ne tire point ma gloire des
honneurs ;pourquoi on les appelle
et voilà « hommes », dit-il. (Jean, v, 41.) Est-ce là peu
une vaine gloire. Voyez les masques que les de chose, dites-moi? Lorsque vous ne pourrez
comédiens portent sur la scène comme ils : pasarriver à mépriserla gloire, dites-vous qu'en
sont beaux et brillants comme on les a façon-! la méprisant vous serez égaux à Dieu et aussitôt
nés avec le dernier soin pour leur donner la vous la mépriserez. Il n'est pas possible que
perfection de la forme Pourriez-vous dans la! celui qui est esclave de l'honneur, ne le soit
vie réelle me montrer tant de beauté ? Non pas de toutes choses, il est même plus esclave
sans doute. Mais quoi ? votre amour se porte-t-il que les esclaves eux-mêmes. Car nous ne fai-
sur quelque chose de semblable? Non, dites- sons pas faire à nos esclaves tout ce que la gloire
vous. Pourquoi ? Parce que ces masques sont exige de ceux qu'elle tient sous ses lois. Elle
vains, et qu'ils imitent, sans l'avoir, la vraie nous force à dire et à souffrir des choses hon-
beauté. teuses, pleines de déshonneur ; et c'est surtout
Il en est de même de la gloire, et cette beauté lorsqu'elle voit qu'où lui obéit, qn'elle se mon-
qu'elle imite, elle ne l'a pas. Seule la vraie tre plustyrannique dans ses ordres. Fuyons
gloire subsiste, c'est celle qui est dans le fond donc, fuyons, je vous en prie, cette ser-
de notre nature. Mais pour celle qui brille au vitude. Mais, comment le pour-
dira-t-on,
dehors, elle cache souvent la laideur, elle la rons-nous nous avons de sages pensées
? Si

cache, dis-je, dans les hommes, et souvent jus- sur ce monde, si nous le regardons comme
qu'au soir. Mais détruisez le théâtre, arrachez un rêve et une ombre, et rien de plus, nous
les masques, et chacun paraît ce qu'il est. N'al- en viendrons facilement à bout, et nous ne
lons donc pas chercher la vérité pour ainsi dire nous laisserons prendre par la gloire ni dans
sur la scène et dans l'hypocrisie. Dites-moi en les petites, ni dans les grandes choses. Mais si
effet ce qu'il y a d'utile à être vu de la multi- nous ne la méprisons pas dans les petites,
tude ? C'est une vaine gloire et rien de plus; nous succomberons facilement dans les gran-
car rentrez chez vous, et trouvez-vous seul, des. Ecartons donc loin de nous les sources de
la voilà tout entière évanouie aussitôt. Vous cette funeste passion, je veux dire la sottise
vous êtes montré dans l'agora, et tous les re- et la bassesse de l'âme. Si nous prenons des
gards se sont tournés vers vous eh bien, et : sentiments sublimes, nous pourrons mépriser
après ? Il n'y a plus rien, elle s'est éclipsée, elle la gloire qui vient de la multitude, élever no-
a fui comme la fumée qui se dissipe. Pou- tre pensée vers le ciel, et gagner les récom-
vons-nous aimer ainsi l'instabilité même? penses éternelles. Puissions-nous les obtenir
Ouelle démence 1 ne pensant
quelle folie ! tous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur
qu'à une chose, demandons-nous seulement Jésus-Christ, qui partage avec le Père et lo
quelles louanges nous donnera Dieu. Si c'est là Saint-Esprit la gloire, la puissance et l'hon-
ce qui fixe notre attention, jamais nous ne re- neur, maintenant et toujours, et dans les
chercherons les honneurs qui viennent des siècles des siècles. Ainsi soit-il.
M Tn.SDUCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

HOMELIE III.

QUBIQU'UN d'entre EUX, OUI ÉTAIT LEUR PROPRE PROPHÈTE, A DIT LES CRETOIS SONT TOUJOURS MEN- :

TEURS, DB MAUVAISES BÊTES, DES VEKTRES PARESSEIX.CE TÉMOIGNAGE EST VÉRITABLE C'EST POURQUOI ;

BEPUENDS-LES VlVEMEiNT, AFIN C'U ILS SOIENT SAINS EN LA FOI, NE S ADONNANT PAS AUX FABLES
JUDAÏQUES ET AUX COMMANDEMENTS DES UOHUES QUI SE DÉTOURNENT DE LA VÉRITÉ. (l, 12, 13 ',

II, 1.)

Analyse.
1. Citation d'an poète grec sens de cette citation, et pourquoi saint Paul y a reconn.
:

2. Rois-rnaces, pourquoi conduits par une étoile.


3. En qimi consistent la vérilahlo iiurelé ft la vDrital)le impureté.
i. Oue liiiiies les impuretés marquées autrefois par la loi n'étaient que des ligures et des ombres. — Qu'il n'y a proprement qna
le péché qui soit impur.

1. Il y a ici plusieurs choses à se demander, a gnage est vrai ». Que devons-nous donc
d'abord, quel est celui qui a parlé ainsi en- ; penser? Ou pluiôt comment résoudrons-nous
suite, jniurquoi saint Paul s'est servi de ces cette difficulté? Le voici: l'apôtre ne parle
paroles; enfin, pourquoi il s'est appuyé sur pas en son nom, il accepte simplement ce té-
un téniiiignage profane. En expliquant encore moignage et il l'applique à leur habitude de
quelques autres points, nous donnerons ainsi mentir. Car pourquoi n'a-t-il pas aussi ajou-
la réponse qui convient. Connue rapôtre par- té : « roi, les Cretois t'ont construit un
lait un jour aux Athéniens, il leur cita l'ins- tombeau ? » ne le rapporte
Cela, l'apôtre
cripiion qu'il avait lue sur un autel : « Au pas, il dit seulement qu'Epiménide a eu rai-
a Dieu inconnu »,etun peu plus loin il ajouta : son d'appeler les Cretois des menteurs. Ce
a Car nous sommes aussi sa race, selon ce n'est pas la seule raison sur laquelle nous
que quelques-uns même de vos poètes ont nous appuyons pour déclarer que Jupiter
dit ». C'est Epiménide qui parlait ainsi des n'est pas Dieu. Nous en avons mille autres
Cretois , et lui-même était Cretois. Mais il preuves ailleurs, et nous n'avons pas besoin
faut vous dire pour quelle raison il a parlé du témoignage des Cretois. Du reste saint
ainsi ; or voici comment les choses se sont Paul ne dit pas que c'est en ceci qu'ils ont
passées. Les Cretois ont un tombeau de Jupi- menti. S'ils ont menti, c'est bien plutôt lors-
ter avec cette inscription: Ici repose Zas, qu'on qu'ils ont dit que Jupiter était un dieu; ils

appelle Zeus (Jupiter). Le poète, rai)porlant croyaient du reste qu'il y avait encore d'au-
celte inscription, trouvaune occasiondese mo- tres dieux. Voilà pourquoi l'apôtre dit qu'ils
quer des mensonges des Cretois; mais dans ce sont menteurs.
qui suit il poussa encore plus loin la moque- Maintenant il faut rechercher pourquoi
rie : o roi, les Cretois t'ont construit un saint Paul emprunte des témoignages aux
« tombeau, toi cependant tu ne meurs pas, Grecs. C'est que nous les réfutons mieux
« car tu es immoitel ». Si ce témoignage est lorsque nous avons à leur montrer leurs pro-
vrai, voyez combien est grave la conséquence pres témoignages, leurs propres accusations,
qui en découle. En eflét, si le poète est dans la lorsque nous leur opposons pour les condam-
vérité, lorsqu'il leur reproche de mentir parce ner ceux mêmes qu'ils admirent. Aussi l'apô-
qu'ils prétendent que Jupiter est mort, et c'est tre dit-il dans un autre endroit o Au Dieu :

ce que rapporte l'apôtre, le danger est grand. a inconnu ». En effet, comme les Athéniens
Prêtez ici toute votre attention, je vous prie, n'ont pas eu dès l'origine tous leurs dieux,
mes frères. Le poète dit que les Cretois men- mais qu'ils en ont reconnu quelques nou-
tent lorsqu'ils prétendent que Jupiter est veaux dans la suite des temps, par exemple
mort, et le témoignage de l'apôtre confirme le ceux qui leur sont venus des contrées du
sien donc d'après le témoignage de l'apôtre
; Nord, et que c'est ainsi qu'ils ont institué le
Jupiter est immortel. II dit enfin aCetémoi- : culte de Pan, les petits et les grands mystères,
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITÈ. — HOMÉLIE III. 417

ils ont été amenés par là à croire qu'il y du Dieu souverain et ils
sont les serviteurs
avait probablement un autre Dieu qui leur vous annoncent la voie du salut ? » Pour-
était inconnu, et, pour être pieux envers lui, quoi Jésus-Christ lui-même empêche-t-il les
ils lui ont élevé un autel avec cette ins- démons de parler ? (Act. xvi, il Marc, i, ;

cription : a Au Dieu inconnu », comme s'ils 25.) C'est parce que saint Paul avait déjà fait
avaient voulu dire qu'il y avait peut-être un des miracles qui avaient témoigné pour lui ;

a'itrc Dieu qu'ils ne connaissaient pas. L'apô- quant à Jésus-Christ ce n'était plus une étoile
tre leur dit donc Le Dieu que vous avez
: qui l'annonçait, mais lui-même qui se révé-
reconnu d'avance, vous l'annoncer.
je viens lait au monde. Or les démons ne l'adoraient

Quant à ces mots « Car nous sommes aussi sa


: pas, et il ne devait pas souffrir qu'une idole
a race», c'est Aralus qui s'était ainsi exprimé, parlât de manière à entraver son action. Mais
en parlant de Jupiter. A près avoir dit d'abord : Dieu Balaam sans l'en empêcher
laissa parler :

La terre est pleine de Jupiter, la mer en est c'est ainsi que toujours il condescend à nos
pleine, il ajoute « Car nous sommes aussi sa
: besoins. Vous en étonnez-vous ? Il a souffert
a race » il veut montrer par là, selon moi,
; qu'on se fît de lui une idée grossière et in-
que c'est Dieu qui nous a créés. Comment digne, par exemple, qu'il était matériel,
donc saint Paul a-t-il appliqué au Dieu, qui qu'il était visible. M lis il combat cette opinion
gouverne toutes choses, ce qui avait été dit par ces paroles Dieu est esprit ». (Jean, iv,
: «

de Jupiter? 11 n'applique pas à Dieu ce qui a 24.) C'est ainsi encore qu'il se réjouissait des
été dit de Jupiter; mais ce qui appartenait à sacrifices, ce qui ne peut convenir à sa nature,
Dieu, ce qu'on ne pouvait pas attribuer et qu'il aurait proféré des paroles qui ne peu-
raisonnablement à Jupiter, il l'a rendu à vent s'accorder entre elles, et mille autres
Dieu. Ainsi le nom de Dieu n'appartient choses semblables. C'est que ce n'est jamais sa
qu'à Dieu lui-même, et il est injustement dignité, mais toujours notre utilité qu'il con-
donné aux idoles. Du reste sur qui se serait- sidère. Un père tient-il compte de sa dignité?
il appuyé pour leur parler ? Sur les pro- il balbutie avef ses petits enfants, il ne dé-

phètes ? Mais il ne l'auraient pas cru. C'est signe pas les mets, les plats, les coupes par
ainsi que même en s'adressant aux juifs, il ne leurs noms grecs, il se sert d'un langage
leur dit rien qu'il tire des Evangiles, il em- enfantin et barbare, c'est ce que Dieu fait
prunte tout aux prophètes «Je me suis fait : d'une manière plus complète encore. Dans les
a juif avec les juifs, avec ceux qui sont sans reproches qu'il adresse par la bouche du Pro-
la loi, comme si j'étais sans la loi; avec phète, il mots que nous puissions
se sert de
ceux qui vivent sous la loi, comme si j'étais comprendre « Si une nation change de
:

a sous la loi ». (I Cor. ix. H.) adieux», dit-il. (Jérémie,u, li.) Partout dans
2. C'est ainsi que Dieu agit lui-même, les Ecritures, les choses mêmes aussi bien que

comme par exemple dans l'histoire des mages. les mots sont mises à notre portée.
Car ce n'est point par un ange qu'il les guida, pourquoi reprends-les vivement, afin
« C'est

ni par un prophète, ni par un apôtre, ni par qu'ils soient sains en la foi». Si l'apôtre
un évangéliste. Par donc ? Par une
quoi parle en ces termes, c'est que dans leurs
étoile. Comme ils étaient versés dans l'astro- mœurs ils étaient impudents, fourbes, incor-
nomie, c'est par cet art qu'il les prend. C'est ce rigibles. Ils étaient rongés de mille vices.
que nous montrent encore les vaches qui Aussi comme prompts au men-
ils étaient
traînent l'arche. Si elles suivent ce chemin, songe, accoutumés à la fourberie, adonnés à
disent les devins, l'indignation de Dieu leur ventre, plongés dans la paresse, il était
contre nous est véritable. (I Rois, vi, 9.) Les besoin de paroles fortes et frappantes. Un tel
devins disent-ils donc vrai? Il s'en faut de caractère en effet ne peut pas être mené par
beaucoup, mais Dieu les réfute et les confond la douceur, a C'est pourquoi reprends-les».
par leurs propres paroles. Il en est de mêmft Il ne s'agit pas ici de ceux qui sont étrangers
pour la pythonisse car comme Saûl avait eu : à la foi, mais bien des fidèles. « Vive-
foi en elle, Dieu lui fit annoncer par sa
• B ment », ajoute-t-il, c'est-à-dire frappe^les de
bouche le sort qui l'attendait. (I Rois, xxviii, coups qui fassent des bJessures profondes. II
8.) Pourquoi donc saint Paul impose-t-il si- faut se comporter en effet, non pas de la même

lence au démon qui disait « Ces hommes : façon avec tous, mais de différentes manières,

S. J. Ch. — Tome XI.


i(8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

selon la diversilé des circonstances. Nulle « lés. Ils font profession de connaître Dieu,

part en cet endroit il ne se sert de douces « mais ils le nient par leurs œuvres, car ils

exhortations. Car si en adressant de durs a sont abominables, rebelles, et réprouvés


reproches à un homme d'un caractère tendre B pour toute bonne œuvre ». Ainsi le porc
et noble, on le déchire, on le perd, en flattant lui-même est pur; pourquoi donc est-il dé-

celui qui a besoin d'être repris avec véhé- fendu d'en manger, comme si c'était un ani-
mence, on le corrompt, on l'empêche de se mal impur ? Ce n'est point par sa propre
relever. Afin », dit saint Paul, o qu'ils
« nature qu'il est impur, car toutes choses son»
«soient sains dans la foi ». Etre sain, c'est pures. Rien n'est plus impur que le poissoR
n'avoir aucun élément impur, aucuiT élé- qui se nourrit des corps des hommes, et

ment étranger à notre nature. Que si ceux cependant il est permis d'en manger, il a paru
mêmes qui observent les prescriptions judaï- pur. Rien n'est plus impur qu'une poule,
ques touchant les viandes, ne sont pas sains puisiiu'cUe avale des vers; rien n'est plus
dans la foi, mais s'ils sont faibles et malades, inii-ur qu'un cerf, car le nom qu'on lui a
quant à celui qui est faible en la foi, donné en Grèce vient de ce qu'il dévore des
a recevez-le et n'ayez point avec lui de con- serpents et cependant il est permis d'en
;

a teslations ni de disputes » (Rom. xiv, i), manger. Pourquoi donc défend-on de manger
que dira-t-on de ceux qui jeûnent avec les du porc et de certains autres animaux? Ce
juifs,de ceux qui observent le sabbat, de ceux n'est pas qu'ils soient impurs, mais Dieu a

qui vont dans les lieux consacrés par les voulu nous priver d'une grande partie des
païens, qui se rendent à Diphné dans la plaisirs du ventre. S'il avait donné cette raison

caverne de la Matrone, ou en Cilicie dans le il n'aurait pas persuadé, tandis que les regar-

sanctuaire dédié à Saturne? Comment ceux-là dant comme impurs, nous avons peur d'en
seraient-ils sains dans la foi? C'est pour cela goûter. Qu'y a-t-il, je vous prie, de plus impur
qu'il leur porter des coups sensibles.
faut que le vin, si vous y faites bien attention?
Pourquoi l'apôtre n'a-t-il pas la même con- Qu'y a-t-il de plus impur que l'eau? Cepen-
duite avec les Romams? C'est qu'ils n'avaient dant c'est surtout l'eau qui servait à purifier.
pas les mêmes mœurs et qu'ils avaient une Il était défendu de toucher un cadavre, et

meilleure nature. c'était par des cadavres qu'on se purifiait, car

« Et qu'ils ne s'arrêtent pas aux fables ju- les victimes qu'on immolait étaient des cada-

« daïques ». C'est que ces fables sont double- vres, et c'est en sacrifiant des victimes qu'on
ment des fables, et parce qu'elles sont fausses, se délivrait de ses fautes. N'étaient-ce pas là
et parce qu'elles sont sans à-propos ainsi ce ; des prescriptions puériles? Prêtez-moi voire
sont de pures fables. Il ne faut pas s'y adonner, attention le vin ne vient-il pas du fumier?
:

et si l'on s'y adonne, c'est se nuire à soi-même. En vigne pompe l'humidité qui est
effet, si la

Ce sont donc des fables et des fables inutiles. dans en même temps la
la terre, elle boit

C'est pourquoi il ne faut pas plus s'adonner graisse du fumier qui la couvre. Enfin, si
aux unes qu'aux autres, car on ne serait plus nous voulons y regarder attentivement, tout
sain selon la foi. Si l'on croit à la foi, pourquoi est impur. Mais si nous y faisons également
ferait-on appel à autre chose, comme si la foi attention, bien loin qu'il y ait rien d'impur,
ne pas? Pourquoi s'asservirait-on se
suffisait , tout est pur; Dieu, en effet, n'a rien créé
soumettrait-on à la loi ? N'aurait-on pas con- d'impur, et il n'y a d'impur que le péché, car
fiance en la foi? Cela est d'un esprit malade et il touche l'âme et la souille. C'est là, du reste,

incrédule; car, lorsqu'on est ferme dans la foi, un préjugé; a mais rien n'est pur », dit l'a-
on ne doute pas; or, agir ainsi, c'est douter. pôtre, « pour les impurs et les infidèles, car
Toutes choses sont pures pour ceux qui « leur entendement et leur conscience sont

a sont purs ». Voyez- vous où tendent ces souillés ».


paroles? a Mais rien n'est pur pour les impurs Comment, en effet, trouverait-on quelque
tet les infidèles ». chose d'impur dans ce qui est pur? Mais celui
Les choses pures ou impures ne sont
3. dont l'âme est malade souille tout. Si donc on
donc pas telles par elles-mêmes, elles le sont s'arrête à ce scrupule de vouloir discerner
par l'intention de ceux qui les font. «Mais leur quelles sont les choses pures, et quelles les
H entendement et leur conscience 8ont eouil- impures, on ne trouvera rien de pur. Pour ces
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. — HOMÉLIE III. -419

personnes, ni les poissons, ni les autres ani- reste,il n'y a rien d'impur. Ainsi, avons-nous

maux ne sont purs, mais ils sont tous impurs. la bouche malade, tous les aliments nous
« Leur entendement et leur conscience sont paraissent impurs, mais cela provient de notre
« souillés ». Mais quoi donc! Tout est impur? malailie il faut donc connaître à fond la
;

Loin de nous celte pensée. Ce n'est pas celle nature des choses pures et des impures.
de saint Paul. 11 rejette toute l'impureté sur 4. Qu'y a-t-il donc d'impur? C'est le péché,
les méchants : Il n'y a rien d'impur, dit-il, si la méchanceté, l'avarice, la perversité, o La-
ce n'est eux, si ce n'est leur pensée et leur « vez-vous, nettoyez-vous, ôtezde devant mes
conscience, et rien n'est plus impur. « Ils font « yeux malice de vos actions.
la Créez en —
« profession de connaître Dieu , mais ils le *moi un cœur pur, ô Dieu. Retirez-vous —
« nient par leurs œuvres, car
ils sont abomi- « d'au milieu d'eux, séparez-vous, et ne tou-
9 nables, rebellesréprouvés pour toute
, et « chez à aucune chose souillée ». (Isaïe, i, i6;
d bonne œuvre. Mais toi, enseigne les choses Ps. L, 12; Isaïe, lu, 11.) Les prescriptions

« qui conviennent à la saine doctrine ». Voilà suivantes figuraient les choses pures d'une
en quoi consiste l'impureté, voilà ceux qui manière symbolique : « Ne touche pas un ca-
sont impurs, mais ne te tais pas pour cela. a davre ». (Lévit. xi, 8.) C'est qu'en effet le
Quand ils ne t'écouteraient pas, dit l'apôtre, péché ressemble à un cadavre d'une odeur
fais ton devoir; quand ils ne t'obéiraient pas, nauséabonde. « Le lépreux », dit le Lévitique,
exhorte-les, conseille-les ; et par là , il les a est impur ». (Lévit. xiii, 13.) C'est-à-dire, la
accable plus encore. Ceux qui sont fous variété, la diversité, c'est le péché. C'est ce que
croient que rien ne reste en place mais ce ne ;
font entendre les saintes Ecritures, comme le
sont pas les choses qu'ils voient qui leur don- montre ce qui suit. Si, en effet, la lèpre
nent cette idée, ce sont leurs yeux qui voient couvre tout le corps, celui qui en est atteint
ainsi les choses. Car, comme ils sont sans est pur; ne le couvre qu'en partie, il est
si elle
cesse en mouvement et qu'ils sont aveuglés, impur. Ne voyez-vous point par là que c'est
il leur paraît que toute la terre tourne, tandis ce qui est varié, ce qui change qui est impur?
qu'elle ne tourne pas et qu'elle reste ferme De même celui qui est atteint d'une gonorrhée
Cette démence vient de l'état où ils se trouvent est impur dans son âme; considérez comme
eux-mêmes, et non de l'état où se trouvent les atteint de gonorrhée celui qui perd de la se-
éléments. Il en est de même ici lorsque l'âme : mence spirituelle de la parole de Dieu. Celui
est impure, elle croit impures toutes choses. qui n'est pas circoncis est également impur.
La pureté ne se révèle point par des scrupules Il ne faut voir là que des figures, et entendre
superstitieux, mais par la confiance à manger que celui-là est impur qui n'a pas retranché
de tout. Car celui dont la nature est pure ose de son âme la méchanceté. Celui qui travaille
tout, mais celui qui est souillé, n'ose rien. dans le jour du sabbat est lapidé; c'est-à-dire,
C'est ce qu'on peut dire encore contre Mar- celui qui n'est pas entièrement dévoué à Dieu,
cion. Ne voyez-vous pas que la vraie pureté périt. Voyez-vous combien il y a de sortes
consiste à s'élever au-dessus de toutes ces d'impuretés? « La femme qui a ses règles est

pensées d'impureté, et qu'au contraire l'im- «impure ». (Lévit. xv, 19.) Pourquoi
donc?
pureté consiste à s'abstenir de certaines choses semence et qui
N'est-ce pas Dieu qui a fait la
comme impures ? Il n'en est pas autrement préside à la génération? Pourquoi donc cette
pour Dieu même : il a osé se faire chair, c'est femme est-elle impure? Il faut qu'il y ait là
marque de pureté ; s'il ne l'avait pas osé, c'eût un sens caché. Quel est-il? Dieu veut faire
été signe d'impureté. Celui qui ne mange pas naître la piété dans nos âmes et nous éloigner
certaines choses parce qu'elles lui paraissent du libertinage. Car si la mère de famille est

impures, celui-là est impur et malade il n'en ;


impure, combien plus la prostituée ne l'est-elle

est nullement de même de celui qui les pas ? S'il n'est pas très-pur de s'approcher de
mange. N'appelons donc pas purs ceux qui ont sa femme, combien n'est-il pas impur de souil-
de vains scrupules ceux-là sont les impurs;
: ler le lit d'autrui? «Celui qui revient d'un
l'homme pur est celui qui mange de tout. Il a enterrement estcombien plus ne
impur » ;

faut montrer cette piété scrupuleuse en écar- l'est-il du meurtre et de


pas, celui qui revient
tant ce qui peut souiller l'âme, car c'est là la guerre? On pourrait trouver beaucoup de

l'impureté, c'est là ce qui tache; dans tout le niaiiiùres d'èlie impur, si on voulait ks re-
*20 TRADl'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

chercher toutes. Mais maintenant nous ne avait de plus précieux. Ne voyez-vous pas que
sommes plus soumis à ces prescriptions du : c'est la perversité qui est impure? Celui qui
corps, tout est passé à l'âme. Comme les objets avait deux femmes n'était pas impur, car Da-
matériels sont plus à notre portée, Dieu, pour vid, qui en avait plusieurs, ne l'était pas; mais
ce motif, s'est d'abord servi d'images sensibles. lorsqu'il s'en donna une seule autre injuste-
Il n'en est plus ainsi, car on ne devait pas s'arrê- ment, il se souilla pourquoi? Parce qu'il avait
;

ter à des figures et s'attacher à des ombres, il commis une injustice, parce qu'il s'était laissé
qu'on possédât la vérité et
fallait qu'on la retînt. aller à la cupidité. Pour le débauché, s'il est
L'impureté, c'est
le péché , fuyon&Je, abste- impur, ce n'est pas davantage pour avoir eu un
nons-nous-en « Si tu vas vers lui, il te rece-
: commerce charnel, mais pour l'avoir eu contre
« vra B . (Ecclés. xxii, 2.) R'en n'est plus impur la loi, parce qu'il viole une pauvre créature ;
que la cupidité. Qu'est-ce prouve? Ce qui le ils se font tort réciproquement, ceux qui ont

sont les faits eux-mêmes. Car, que ne souille- ime femme en commun, et ils renversent les
t-elle pas? Elle souille les mains, l'âme, la lois de la nature. Car une femme doit n'être
maison même où elle dépose ce qu'elle a ravi. qu'à un seul homme. « Ils les créa mâle et
Pour les juifs, ce vice-là n'est rien. Cependant « femelle », dit l'Ecriture. « A eux deux, ils ne
flioïse transporta les os de Joseph, Samson a seront qu'une même chair ». (Gen. i, 27, et
trouvé de l'eau dans une mâchoire d'âne, et II, 24.) Il n'est pas dit Plusieurs, mais « Deux
: :

du miel dans le corps d'un lion mort; Elie a a en une même chair ». Ici donc encore, il y
été nourri par des corbeaux et par une femme a injustice, et par conséquent cette action est
veuve. Mais quoi, je vous prie, si nous voulions mauvaise. Lorsque la colère passe les bornes,
attention à tout, y a-t-il rien de plus exé-
l'aire elle rend encore l'homme impur, non point
crable que les membranes des livres? Ne les parce qu'elle est colère, mais parce qu'elle
tire-t-on pas des cadavres des animaux? Ainsi, passe les bornes. En effet, l'Evangile ne dit
ce n'est pas seulement le débauché qui est pas seulement « Celui qui se met en colère »,
:

impur, mais il en est d'autres plus coupables mais il ajoute « Sans cause ». (Matth. v, 22.)
;

encore. L'adultère est également souillé. Si Ainsi, en toutes choses, avoir des désirs exces-
l'adultère et le débauché sont impurs, ce n'est sifs, c'est être impur. Car l'impureté vient
pas pour avoir eu un commerce charnel; car, d'une cupidité insatiable. Veillons donc, je
par la même raison, l'iiomme marié qui s'ap- vous en conjure, et devenons véritablement
proche de sa femme
serait impur; c'est pour purs pour mériter de voir Dieu, en Jésus-Christ
avoir violé pour avoir cédé à la cupi-
le droit, Notre-Seigneur, qui partage avec le Père et le
dité, pour avoir dérobé à un frère ce qu'il Saint-Esprit, la gloire, etc.

HOMELIE IV.
ODB LBS VIEILLARDS SOIENT SOBUES, GRAVES, PRUDF.NTS, SAINS EN LA FOI, EN LA CHAIIITÉ ET EN LA
PATIENCE. DE MÊME, QUE LES FEMMES AGliES KÈGLENT LEUR EXTlilUEUR d'uNE MANIÈRE CONVENADLB
A LA SAINTETK; qu'elles ne SOIENT NI MÉDISANTES, NI SUJETTES AU VIN, MAIS QU'ELLES ENSEIGNENT
DE BONNES CHOSES, AFIN QU'ELLES INSTRUISENT LES JEUNES FEMMES A ÊTRE MODESTES, A AIMER LEURS
MARIS, A AIMER LEURS ENFANTS, A ÊTRE SAGES, PURES, GARDANT LA MAISON, BONNES, SOUMISES A
LEURS MARIS, AFIN QUE LA PAROLE DE DIEU NE SOIT POINT BLASPHÉMÉE, (il, 2-5, JUSQU'A 10.)

Analyse.
1. Les vices des vieillards.
2. Que la concorde d'un époux est un très-grand bien.
3. De l'heureuse influence que peuvent exercer sur leurs maîtres, les esclaves qui vivent en bons chrétiens.
et 5. Excellents avis aux serviteurs. —
Le saint orateur leur propose l'exemple du patriarche Joseph.

1. La vieillesse a certains vices que n'a pis oublieuse, elle a les sens émoussés, elle est co-
la jeunesse, et certains autres qui lui sont lun-. C'est pourquoi l'apôtre prescrit aux vieil-
communs avec elle. Elle est paresseuse, lente, lards d'être sobres et vigilants, Car il y a beau-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SMNT PAUL A TITE. — HOMÉLIE IV. 421

coup d'obstacles qui entravent leur vigilance a son mari ».— « Qu'elles enseignent la pru-
dans cet âge avancé et tout d'abord cette tor- , « dence aux jeunes femmes », dit-il.
peur des sens que je viens d'indiquer et qui fait 2. Voyez-vous comment saint Paul met l'u-
qu'ils s'éveillent d fficilement, qu'ils sei mettent nion et la concorde dans le peuple? Comment
diiïicilement en mouvement; aussi l'apôtre il soumet les jeunes femmes aux femmes
ajoute-t-il Graves, prudents ». Saint Paul
: « âgées? Car par ces jeunes femmes il n'entend
parle donc de la prudence, et cette vertu peut pas seulement leurs filles, mais il parle des
être en quelque sorte appelée la sauvegarde droits de la vieillesse. Que toute femme âgée,
de l'àme. Il y a, oui il y a même parmi les dit-il, apprenne aux jeunes à être modestes,
vieillards des hommes qui se laissent emporter « a aimer leurs maris », c'est là en effet dans
a la fureur et à la démence , les uns à la suite une maison la source de tous les biens. « Que
de l'ivresse , les autres à cause de leurs cha- a la femme », dit l'Ecriture a soit en bon ac-
,

grins ; car la vieillesse nous apporte la pusil- B cord avec le mari ». (Ecclés. xxv, 2.) S'il en
lanimité. — « Sains en la foi , en la charité et est ainsi , il ne naîtra aucun désagrément. En
«en la patience». L'apôtre dit très-bien : effet, supposez que la tête vive en bonne intelli-

« Et en la patience » . C'est là en effet une qua- gence avec le corps, et qu'il n'y ait entre eux
lité qui convient particulièrement à la vieil- aucun dissentiment, tout le reste ne sera-t-il
lesse. pas en paix? Lorsque les princes vivent en
« De même que les femmes âgées règlent paix qui oserait troubler la tranquillité pu-
,

« leur extérieur d'une manière convenable », blique ? Mais qu'au contraire ils soient en
c'est-à-dire qu'elles fassent briller leur modes- lutte, rien n'est sans trouble. 11 n'y a donc
tie par la manière dont elles s'habillent. « Ni rien de préférable à la concorde des époux,
« médisantes, ni sujettes au vin » , c'est là en elle est beaucoup plus utile que l'or, la no-

eif'et surtout le vice des femmes et des vieil- blesse, la puissance et tous les autres biens.
lards, car lorsque l'âge nous refroidit, nous L'apôtre ne dit pas seulement : Que les fem-
aimons passionnément le vin. C'est pourquoi mes vivent en paix, mais: «Qu'elles aiment
l'apôtre s'attache surtout à ce point dans les « leurs maris ». Une fois que l'amour unira les

conseils qu'il donne aux femmes âgées, il veut époux, aucune difficulté ne s'élèvera entre
extirper partout l'ivrognerie , leur enlever ce eux, et tous les autres biens naîtront de cette
défaut, et écarter d'elles le rire qui les suit bonne entente. «A aimer leurs enfants », cela
lorsqu'elles ont bu. Les vapeurs du vin leur est très-bien dit Car celle qui aime l'arbre,
!

montent plus facilement à la tête, et attaquent aimera bien plus encore les fruits. « Sages,
très-vite les membranes du cerveau grâce à « pures, gardant la maison, bonnes » tout :

l'affaiblissement de l'âge : c'est de là surtout vient de l'amour , et si les femmes sont bon-
que vient l'ivresse. C'est principalement à cet nes, si elles prennent soin de leur maison,
âge de vin, car la vieillesse est
qu'il est besoin c'est parce qu'elles aiment leurs maris.

débile mais il n'en faut pas beaucoup, et il en


;
a Soumises à leurs maris, afin que la parole

est de même pour les jeunes femmes, non par a de Dieu ne soit point blasphémée» car celle
:

la même l'aison, mais parce que le vin allume qui dédaigne son mari, n'a pas soin de sa mai-
en elles les désirs coupables, a Qu'elles ensei- son non plus; c'est de l'amour que provient la
a gnent de bonnes choses » et cependant l'a- , sagesse, c'est l'amour qui termine tout dissen-
pôtre leur défend d'enseigner: comment donc timent; l'amour persuadera facilement le
le leur permet-il ici lui qui a dit ailleurs : mari, si c'est un gentil, et le rendra meilleur,
o Je ne permets point à la femme d'ensei- si c'est un chrétien. Voyez-vous la condescen-

agner?» Mais écoutez ce qu'il ajoute: «Ni dance de l'apôtre? 11 n'y a rien qu'il ne fasse
«d'user d'autorité sur son mari». (ITim. Il, 12.) pour nous arracher aux affaires du monde et
En effet il a déjà autorisé les hommes à ensei- le voici maintenant qui prend le plus grand

gner l'un et l'autre sexe ; s'il donne maintenant souci du ménage des époux. C'est que si tout
aux femmes le droit d'enseigner, c'est seule- est en bon ordre dans la maison, les choses de
ment dans la maison mais nulle part il ne ;
l'ordre spirituel auront aussi leur place, autre-
veut qu'elles occupent la première place et ment l'âme elle-même sera ravagée. La femme
tiennent de longs distours, et c'est pour cette qui reste chez elle ne peut qu'être sage la ,

raison qu'il ajoute : « Ni d'user d'autorité sur femme qui reste chez elle ne peut qu'être ha-
m ÎRAbltTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

bile à gouverner sa famille; elle ne s'appli- modèle de toutes les qualités à ceux qui vou«
quera pas à vivre dans la mollesse, à dépenser dront se former sur lui « Montre-toi toi-même:

Fîins motif, ni à faire rien de semblable, a Afin pour modèle de bonnes œuvres en toutes
« que la parole de Dieu ne soit pas blasphé- a choses, en une doctrine exempte de toute
« mée ». Le voyez-vous? il pense à In prédica- a altération, en intégrité, en gravité, en pa-
tion et non aux choses du siècle. Dans son 8 rôles saintes qu'on ne puisse pas condamner,
épître à Timothée il y a ces paroles : « AQn « afin que celui qui nous est contraire soit
«que nous puissions mener une vie paisible a rendu confus n'ayant rien à dire de nous ».
« et tranquille en toute piété et honnêteté ». 3. Par «celui qui nous est contraire» , il
(I Tim. II, 2.) Ici, que la pa-
que dit-il? «Afin faut entendre le diable et tous ceux qui le
« rôle de Dieu ne soit point blasphémée ». S'il servent. Lorsque notre vie est belle, que nos
arrive en effet qu'une chrétienne mariée avec paroles s'accordent avec nos actions que ,

un infidèle ne soit pas vertueuse, il s'élève nous sommes modérés, doux, bienveillants, et
souvent de là des blasphèmes contre Dieu ;
que nous ne donnons aucune prise à nos ad-
mais si elle a l'ornement de la vertu, la pré- versaires, n'avons-nous pas les plus grands
dication tire gloire et d'elle et de ses bonnes biens, des biens ineffables? Quelle n'est donc
œuvres. Qu'elles m'entendent, celles qui sont pas l'utilité du ministère de la parole, je ne
mariées avec des hommes pervers ou avec des dis pas de toute parole, mais d'une parole
infi'lèles qu'elles m'entendent et qu'elles
;
sainte, irrépréhensible et qui n'offre aucune
sachent (|ue par leurs bonnes mœurs elles les prise à nos adversaires 1 — « Que les serviteurs
mèneront à la piété. Quand vous ne pourriez B soumis à leurs maîtres, leur complai-
soient
pas remporter d'autre victoire, quand vous ne a sant en toutes choses ». Mais voyez ce qui a
pourriez pas les pousser à partager votre foi été dit auparavant « Afin que celui qui nous
:

en nos saints dogmes, du moins vous leur a est contraire soit rendu confus, n'ayant au-
fermerez la bouche, et ne les laisserez pas cun mal à dire de nous ». 11 est donc blâ-
tourner leurs blasphèmes contre le christia- mable celui qui sous prétexte de continence
nisme. Cela n'est p;is un petit résultat, il est sépare les femmes de leurs maris, et de la
immense ,
pui-^que par votre conduite vous même manière enlève les esclaves à leurs
leur ferez admirer notre religion. possesseurs. Ce n'est plus avoir une doctrine
«Exhorte aussi les jeunes gensàêtre sobres». saine et irréprochable, c'est au contraire
Voyez- vous comme l'apôtre veut toujours que donner aux infidèles contre nous, c'est
prise
la bienséance soit observée; tout à l'heure il a exciter contre nous toutes les langues. —
confié en grande partie aux femmes l'instruc- « Que les serviteurs » , dit-il , « soient soumis
tion des femmes en soumettant les jeunes
, « à leurs maîtres, leur complaisent en toutes
femmes aux femmes âgées, mais pour l'ensei- « choses, n'étant point contredisants, ne dé-
gnement des hommes, il le remet à Tite. Car « tournant rien, mais faisant toujours paraître
rien non rien ne peut être plus difficile et
, « une grande fidélité , afin de rendre boiiora-
p/us pénible à cet âge que de triompher dos , ble en toutes choses la doctrine de Dieu
pl'iisirs coiip.ibles.Ni la passion des richesses, anotre Sauveur ». Aussi disait-il avec raison
ni ledésir de la gloire, ni rien enfin ne trouble dans un autre passage « Qu'ils servent :

autant cet âge que l'amour sensuel. Aussi l'a- «comme s'ils servaient le Seigneur et non
pôtre laisse-t-il de côté tout le reste pour ne ,
pas les hommes ». (Ephés. vi, 7.) Je veux
s'attacher qu'à ce seul point dans son exhor- que vous serviez votre maître avec amour ;
tation. ne néglige cependant pas le reste,
Il cet amour néanmoins vient de la crainte de
car que dit-il? a Montre-loi toi-même pour Dieu, et celui qui, possédé d'une telle crainte,
« modèle de bonnes œuvres en toutes choses ». sert fidèlement son maître recevra les plus ,

L'entendez-vous? Que les femmes âgées, dit-il, grandes récompenses. S'il ne sait ni arrêter sa
enseignent les plus jeunes, mais toi, exhorte main, ni contenir sa langue, comment le
lesjeunes gens à être tempérants. Que ta vie gentil admirera-t-il notre doctrine ? Si au
soitime éclatante leçon, un exemple de vertu, contraire on voit qu'un esclave, sage en Jé-
qu'elle soit exposée à tous les yeux, comme un sus-Christ, montre plus de force d'àme que
type qui contienne en lui tout ce qu'il y a de lessages du monde, et qu'il sert avec la plus
beau et qui puisse donner très-facil«ment le grande deuceur sans aucun mauvais senti-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. — HOMÉLIE IV. 423

ment, de toute manière il faudra qu'on ad- plaisir que procurent les vices une salutaire
mire la puissance de la prédication. Car les terreur. Ce n'est pas sans raison, sans motif
gentils ne jugent pas de nos dogmes par nos que les maîtres tiennent partout compte de
dogmes mêmes ces dogmes ils les apprécient
, ces grands effets : plus leurs esclaves ont été
d'après nos actions et notre conduite. Que les pervers, et plus la puissance de la prédication
femmes et les donc pour eux
enfants soient est admirable dans leur conversion. Quand
mœurs.
des docteurs par leur vie et par leurs disons-nous qu'un médecin est digne d'admi-
Chez eux comme partout on convient que ration? N'est-ce pas quand il ramène à la
les esclaves sont effrontés , difûciles à former santé, quand il guérit un malade désespéré,
et à conduire, et très-peu propres à recevoir privé de tout secours , n'ayant pas la force de
l'enseignement de la vertu : ce n'est point par contenir ses passions intempestives , et s'y
nature qu'ils sont tels, loin de moi cette idée, abandonnant tout entier ? Voyez encore ce
c'est par leur genre de vie et la négligence que l'apôtre exige des serviteurs c'est ce qui ,

des maîtres. Car ceux-ci ne leur demandent peut apporter le plus de tranquillité aux maî-
qu'une chose, c'est qu'ils les servent; pour tres a Ni contredisants
: ni ne détournant
,

leurs mœurs , si par hasard ils essaient de les a rien », c'est-à-dire, qu'ils doivent montrer

corriger, ils le font en vue de leur propre beaucoup de bon vouloir dans tout ce qu'on
tranquillité, et à cette seule fin qu'ils ne leur leur donne à faire, avoir les meilleurs senti-
créent point d'embarras en se prostituant en ,
ments à l'égard de leurs maîtres et obéir à
volant, en s'enivrant. Aussi comme ils sont leurs ordres.
négligés et qu'ils n'ont personne qui veille 4.Ne croyez pas qu'en continuant à traiter
sur eux il arrive qu'ils se jettent dans un
, ce sujet, je marche à l'aventure car c'est sur ;

abîme de perversité. Parmi les hommes libres, les serviteurs que roule tout le reste de mon
malgré les instances du père, de la mère du ,
discours. Ainsi donc, mon ami, ce qu'il te faut

pédagogue, du nourricier, des compagnons penser, c'est que tu sers non pas un homme ,

d'âge, malgré la voix même de la liberté, c'est mais Dieu, parce que tu es l'ornement de la

à peine s'il en est qui peuvent éviter le com- prédication. De la sorte tu supporteras facile-
merce des méchants. Qu'adviendra-t-il donc ment toutes choses, tu obéiras à ton maître et
de ceux qui, privés de tous ces secours, mêlés tu ne te révolteras point parce qu'il sera mé-
à des compagnons pervertis, et pouvant fré- content et colère sans un juste motif. Songe
quenter tous ceux qu'il leur plaît, tandis que en que ce n'est pas une grâce que tu lui
effet

personne ne se soucie de leur amitié, je le de- fais, mais que tu suis le commandement de
mande, qu'en adviendra-t-il ? C'est pour cela Dieu , et tu te soumettras facilement à tout.
qu'un esclave soit homme de
qu'il est difficile Mais ce que je ne cesse de répéter je le dirai ,

bien. Du ne reçoivent aucun enseigne-


reste ils ici encore Ayez d'abord les biens spirituels, et
:

ment, ni chrétien, ni profane. Ils ne vivent pas vous aurez encore par surcroît les biens ter-
avec des hommes libres pleins de décence et
,
restres. Car si un esclave se conduit ainsi s'il ,

ayant le plus grand souci de leur réputation. a tout ce bon vouloir et toute cette douceur,
Pour tous ces motifs il est très-rare, il est mer- ce n'est pas seulement Dieu qui l'approuvera
veilleux qu'un esclave devienne jamais bon à et qui lui donnera les plus éclatantes couron-
quelque chose. nes ; mais son maître même, à l'égard duquel
Si donc on voit que la prédication aeu la force il agit si bien, quand ce serait un monstre,
d'imposer un frein à des hommes si effrontés, quand il aurait un cœur de pierre quand il ,

et qu'elle les a rendus plus tempérants et plus serait inhumain et cruel le louera , l'admi-
,

doux que tous les autres, leurs maîtres, quand rera, le préférera à tous les autres, et, tout
ils seraient les derniers pour l'intelligence, gentil qu'il sera , le placera à la tête de ses
concevront une grande idée de la beauté de compagnons. Oui, lors même que les maîtres
nos dogmes. Car il est évident que la crainte sont infidèles, ilfautquelesserviteurstiennent
de la résurrection du jugement dernier et des cette conduite, et, si vous le voulez, je vais
autres châtiments que nous annonçons pour la vous le prouver par un exemple.
\ie future, a pris racine dans leur âme et en a Joseph a été vendu au chef des cuisiniers, il

chassé la perversité qui y était si puissante. suivait la religion juive, et non l'égyptienne.

C'e^t ainsi, en effet, que nous opposons au Qu'arriva-t-il donc? Lorsque le maître eut re-
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHUYSOSTOME.

connu la •vertu du jeune homme, il ne fit conduite envers tous ceux qui sont jetés en
point attention à la différence de leurs croyan- prison. Car pour ceux qui ont été les victimes
ces, mais il l'aima, le chérit, l'admira, lui de la calomnie, qui n'ont été que diffamés et
conlia la direction des autres esclaves, au qu'on a emprisonnés pour cela , il peut leur
point qu'il ne savait rien par lui-même de ce arriver d'en avoir ensuite pitié. Mais ceux qui
qui se passait dans sa propre maison ; Joseph ont été jetés dans les fers pour les forfaits les
était un second maître, et même il était plt.s plus odieux, les plus révoltants, ils les déchi-
maître que celui qui l'avait acheté, puisque rent de mille coups. Ainsi ne sont pas seu-
ils

celui-ci ne connaissait pas l'état de ses affaires lement cruels par nature, ils le sont encore
et que Joseph le connaissait mieux que lui. d'après les motifs qui ont fait mettre en prison
Lorsque plus lard ce maître crut aux indignes un infortuné. Qui en effet cet adolescent n'au-
calomnies qu'une femme coupable dirigeait rait-il pas excité contre lui, lorsqu'après avoir
contre lui, il me semble que c'est à cause du été élevé à une telle dignité, il était soupçonné
respect et de l'estime qu'il avait eus autrefois d'avoir tenté de violer sa maîtresse et d'avoir
pour ce juste, qu'il arrêta l'effet de sa colère répondu ainsi à tant de bienfaits? En s'arrê-
à la peine de la prison seulement. S'il ne l'a- tant à ces pensées, en voyant les anciens hon-
vait pas tellement respecté et admiré pour sa neurs dont il avait été précipité et les raisons
conduite d'autrefois, il l'aurait tué aussitôt et pour lesquelles il avait été jeté dans les fers,
lui aurait passé l'épée au travers du corps : le gardien de la prison ne devait-il pas s'atta-
a Car la jalousie est une fureur de mari qui quer à Joseph avec plus de férocité qu'une
n'épargnera point l'adultère au jour de la bête sauvage ? Mais son espoir en Dieu triom-
a vengeance ». (Prov, vi,54.) Si telle est la ja- pha de tout c'est ainsi que la vertu sait apai-
:

lousie dans tout mari, combien plus grande ser les monstres eux-mêmes. La même dou-
ne devait elle pas être dans celui-ci, qui était ceur qui lui avait servi à s'emparer de l'esprit
E|.'y|)ticn, barbare, et qui croyait avoir été de son maître, lui servit à s'emparer de l'esprit
blessé dans son honneur par celui qu'il avait de son gardien. De nouveau, Joseph avait le
élevé en dignité? Vous le savez en effet, toutes pouvoir, et il commandait dans la prison
les injures qu'on nous fait ne sont pas égale- comme il avait fait dans le palais. Comme il

ment cfuelles, notre indignation s'élève avec devait régner, c'est avec raison qu'il a d'a-
plus d'amertume contre ceux qui d'abord ont bord appris à obéir même lorsqu'il était es-
:

eu pour nous de bons sentiments, en qui nous clave il donnait des ordres et il gouvernait la
avons eu confiance, qui nous ont été fidèles et maison de son maître.
qui ont reçu de nombreux bienfaits de nous. 5. Kcoutez ce que saint Paul exige de celui
Le maître de Joseph ne s'est pas dit en lui- qu'on prépose au gouvernement de l'Eglise, il
n)cme Quoi donc? Voilà un esclave que j'ai
: dit :Si quelqu'un ne sait pas conduire sa
arcucilli je lui ai confié toute ma maison, je
; a propre maison, comment pourrait-il gou-
lui ai donné sa liberté, je l'ai fait plus grand « verner l'Eglise de Dieu? » (I Tim. ni, 5.) II

que moi, et c'est ainsi qu'il me répond Il ne ! était bon que celui que Dieu allait élever au
.s'est rien dit de tout cela, tant il était encore gouvernement d'un grand empire, se signalât
tenu par la considération qu'il avait eue peur d'abord par la conduite d'une maison, et en-
lui. suite d'une prison que Joseph gouverna, non
Qu'y a-t-il d'étonnant qu'ayant été si honoré comme une prison, mais comme une maison.
dans celle maison il ait inspiré tant d'intérêt Il consolait toutes les afflictions, et dans son

même dans les fers? Vous savez combien sont autorité sur les prisonniers il agissait comme
ordinairement cruels les gardiens des prisons. s'il de ses propres membres. Il ne
se fût agi
Ils prélèvent un tribut sur les malheurs d'au- se contentait pas de tout faire pour les relever
trui et les infortunés que d'autres pren-
, lorsqu'ils étaient abattus par les malheurs,
draient soin de nourrir, ils les déchirent pour mais s'il voyait quelqu'un absorbé dans ses
laire aes gams dignes de bien des larmes, avec réflexions, il s'approchait pour lui en deman-
plus de cruauté que des bêtes féroces. Dans der la cause, car il ne pouvait pas voir un
ies maux qui devraient émouvoir leur pitié, ils homme triste sans essayer aussitôt de le déli-
nfc voient (ju'une occasion de gagner de l'ar- vrer de sa tristesse : personne n'est si sensible
gent. Ce n'est pas tout. Ils n'ont pas la même même à l'égard d'un fils. C'est par là qu'a
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. — HOMÉLIE V. 425

commencé sa fortune. Il faut en effet faire d'a- plus doux qu'un caractère facile, obéissant et
bord ce que nous pouvons, Dieu agit ensuite. ami des convenances quand on a ces qualités
:

Quant à la compassion et à la solllcllude dont on plaît à tout le monde quand on a ces qua-
;

il a fait preuve, en voici un exemple Il vit, : lités, on ne rougit ni de l'esclave ni de la pau-

dit l'Ecriture, les eunuques mis dans les fers vreté, ni de l'impuissance, ni de la maladie;
par Pharaon, c'étaient le grand échanson et le car la vertu triomphe de tout, est supérieure
grand panetier. « Pourquoi », leur demanda- à tout. Que si les esclaves ont ainsi tant de
t-il,« vos visages sont-ils tristes? » (Gen. xl,7.) force, combien plus encore n'en auront pas
Leur conduite à son égard non moins que ses les hommeslibres! Appliquons-nous donc à
paroles, prouvesa vertu. Us ne l'ont ni méprisé mener une telle vie que nous soyons libres ou
parce qu'ils étaient serviteurs du roi, ni re- esclaves, hommes ou femmes. Par là nous se-
poussé parce qu'ils étaient tristes et affligés rons aimés de Dieu et des hommes, non des
mais ils lui ont raconté toute leur histoire hommes vertueux seulement, mais encore des
comme à un véritable frère qui savait com- méchants, et de ceux-ci surtout ; car ce sont
patir à toutes les souffrances. Si je suis entré ceux-ci qui honorent et respectent le plus la
dans ces développements, c'est pour montrer vertu. Les esclaves ne tremblent-ils pas da-
que l'homme vertueux, quand il serait es- vantage sous des maîtres modérés ? Il en est
clave, quand il serait prisonnier, quand il de même des méchants à l'égard des bons, car
serait dans les fers, quand il serait sous la ils voient de quels biens ils se privent eux-

terre , ne trouvera jamais rien qui puisse mêmes. Puis donc que la vertu offre de si
triompher de lui. grands avantages, suivons-la. Si nous l'acqué-
Voilà ce que j'avais à dire aux esclaves, rons, nous ne trouverons plus rien de pénible,
pourquoi? Parce que, eussent-ils pour maître tout nous sera facile, tout nous sera léger.
une bête sauvage comme l'Egytien, féroce Quand nous devrions passer soit au milieu
comme le gardien d'une prison, il leur sera des flammes, soit au milieu des flots, tout
cependant possible de les fléchir. Quand leurs cédera à la vertu, jusqu'à la mort elle-même.
maîtres seraient des gentils comme ceux-ci, ils Qu'elle excitedonc notre émulation et nos ef-
trouveront toujours le moyen de les adoucir. fortspour que nous obtenions les récompenses
C'est qu'il n'y a rien de plus avenant que les futures en Jésus-Christ Notre-Seigueur.
bonnes mœurs, rien de plus agréable et de

HOMELIE V:
CAR LA GRACE DE DIEU, SALUTAIRE A TOUS LES HOMMES, A ÉTÉ MANIFESTÉE NOUS ENSEIGNANT QUE, ÏH :

RENONÇANT A l'iMPIÉTÉ ET AUX PASSIONS MONDAINES, NOUS VIVIONS DANS CE PRÉSENT SIÈCLE SOBRE-
MENT, JUSTEMENT ET RELIGIEUSEMENT EN ATTENDANT LA BIENHEUREUSE ESPÉRANCE ET l'aVÉNEMIiNT
;

DE LA GLOIRE DU GRAND DIEU ET NOTRE SAUVEUR JÉSUS-CHRIST, QUI s'EST DONNÉ LUI-MÊME POl R
NOUS, AFIN DE NOUS RACHETER DE TOUTE INIQUITÉ ET DE NOUS PURIFIER, POUR LUI ÊTRE UN PEUPLE
QUI LUI APPARTIENNE EN PROPRE, ET QUI SOIT ZÉLÉ POUR LES BONNES CEUVRES. (il, 11, 12, 1 J, 14,
jusqu'à III, 7.)

i\nalyse«

i . Effets de la grâce de Dicn. — Passions mondaines.


2. Conlre la cupidité et l'avarice. — Contre ceux qui soutiennent que le Fils est moindre que ie Vhè.
3. Qu'il ne faut pas user de propos injurieux.
4. Etat du monde avant Jésus-Clirist, et à ce propos, histoire d'Androgée et de Minos.
5. Nous devons porter tout le monde à la vertu, quelque outrage qu'on nous fasse. — On doit être plus soigneux des maladies d«
l'ime que de celles du corps.

i Après avoir exigé des serviteurs une grande


.
Dieu notre Sauveur, et que de ne donner à ses
vertu (car c'est une grande vertu que d'être en maîlres aucune occasion de se plaindre même
toutes choses un ornement pour la doctrine de pour les plus petites choses), l'apôtre donne
42(5 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

un juste motif de la conduite qu'ils doivent siècle, que la cupidité : et c'est ce qu'il ap-

tenir. Et quel est ce motif? C'est que, dit-il, pelle de Tontes nos passions pour
l'idolâtrie.

o la grâce de Dieu, salutaire à tous les hommes, les biens qui regardent la vie présente sent
«a été manifestée». Comment ceux qui ont des passions du siècle, tous nos désirs pour
Dieu pour docteur ne seraient-ils pas tels que des biens qui périssent dans ce bas monde, sont
je viens de le dire, après avoir déjà trouvé grâce des désirs mondains. Rejetons-les tous, c;>r le

pour mille fautes? Car vous le savez entreau- : Christ est venu pour que nous renoncions à
tres considérations, il y en a une quia le plus l'impiété : par impiété il entend les fausses

grand poids pour détourner l'âme du mal et doctrines, par passion du siècle il entend une
la faire rougir d'elle-même, c'est de voir que vie coupable. « Afin que nous vivions dans ce
malgré les mille péchés dont elle doit compte, « présent siècle sobrement, justement et reli-
bien loin d'élre punie, elle trouve grâce et ob- « giensement ».
tient mainte faveur. Dites-moi en effet si , 2. Voyez-vous ce que je vous dis toujours,

quelqu'un après avoir subi mille offenses de c'est que pour être sobre il ne suffit point de

la part de son esclave, ne le fait point battre de s'abstenir de toute fornic.ilion, mais qu'il faut
verges, mais lui accorde son pardon pour tout encore être pur de tout autre vice? Ainsi donc
le passé, lui dit de craindre le châtiment pour celui qui aime l'argent n'est pas sobre. Car de
l'avenir, lui recommande de prendre garde même que l'un aime les plaisirs charnels, de
de retomber dans les mêmes errements, puis même l'autre .linie l'argent, et même celui-ci
le comble de grands biens, y a-t-il quelqu'un a moins encore de continence, puisqu'il cède
selon vous, qui ne change pas de conduite en à une moins grande violence. On ne dirait
s'entendant pardonner ainsi ? Ne croyez pas pas d'un cocher qu'il est inhabile, parce qu'il
cependant que la grâce s'arrête au pardon des ne saurait pas contenir un cheval impétueux
péchés déjà commis; elle nous prémunit en- et sans frein, mais parce qu'il ne saurait pas
core pour l'avenir, car c'est là aussi un de ses en soumettre un qui serait plein de douceur.
eflels. Si ceux qui font le mal ne devaient ja- Quoi donc direz-vous, la passion de l'or est-
,

mais être punis, ce ne serait pluslà de la grâce, elle moins forte (|ue l'amour des plaisirs char-
ce serait une manière de nous exciter à cou- nels ? Cela est évident pour tout le monde, et
rir à notre ruine et à notre perte. ily a beaucoup d'arguments à l'appui. D'abord
Car a la grâce de Dieu, salutaire à tous les le désirdes plaisirs de la chair naît nécessai-
a hommes, a été manifestée nous enseignant : rement en nous, or l'on sait que l'on ne peut
o que, renonçant à l'impiété et aux passions se corriger que très-difficilement d'une pas-
« mondaines, nous vivions dans le présent sion que la nécessité nous impose, car elle a
siècle sobrement, justement et rcligieuse- même. En second
son siège dans notre nature
ment, en attendant labienheureuse espérance lieu chez les anciens on tenait très-peu de
« et l'apparition de la gloire de notre grand compte de l'argent, mais on n'avait pas la
Dieu et Sauveur Jésus-Christ ». Voyez-vous même indifférence pour les femmes. Si quel-
comme à côté des récompenses il place la qu'un s'approche de sa femme jusque dans la
vertu ? De plus c'est bien là l'effet de la grâce vieillesse, comme le permettent les lois, per-
de nous arracher aux biens terrestres pour sonne ne blâmera mais tous reprennent
l'en ,

nous conduire au ciel. L'apôtre nous montre celui qui amasse de l'argent. Parmi les philo-
ici deux avènements et il y en a deux en effet,
, sophes profanes, beaucoup ont méprisé les ri-
l'un de grâce , l'autre de rétribution ou de chesses sans avoir le même dédain pour les
justice. —
Renonçant à l'impiété et aux pas- femmes, tellement l'amour qu'elles nous ins-
€ sions mondaines ». C'est là le résumé de pirent est tyrannique. M:iis puisiiue nous par-
toute la vertu. Il ne dit pas Fuyant l'impiété,
: lons à l'assemblée des fidèles, n'allons pas cher-
mais a Renonçant à l'impiété ». Le renonce-
: cher nos exemples au dehors, tirons-les de
ment montre un grand éloignement, une l'Ecriture. Voici ce que dit le bienheureux
grande haine, une grande aversion. Détour- Paul, en quelque sorte sous forme de précepte
nons-nous, dit-il, de la perversité et des pas- impératif o Ayant la nourriture et le vête-
:

sions du siècle avec toute l'ardeur du zèle que a ment, que cela nous suffise». (1 Tim. vi, 8.)
nous mettons à nous éloigner des idoles car : Quant aux époux « Ne vdus privez point l'un
:

ce sont aussi des idoles que les passions du a de l'autre », dit-il, o si ce n'est par un con-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE, - HOMÉLIE V. 427

««enfeiiient niulnel, mais après cela retour- nous donc? Quelles récompenses obtiendrons-
a nez ensemble J Cor, vu, 5.)». nous pour nos labeurs? « En attendant », dit-
Vous pouvez le voir donner souvent des il, a la bienheureuse espérance et l'avéne-

pi'oceptes sur le commerce légitime des ment » assurément on ne peut y voir rien
:

époux. Il permet qu'on jouisse de ces plaisirs de plus heureux, rien de plus désirable : ce
de la chair, et tolère les secondes noces. C'est sont là des biens que les paroles sont impuis-
là un point qui excite toute sa sollicitude, et ja- santes à rendre, car ils dépassent la pensée,
mais il ne châtie pour cela, tandis qu'il con- a En attendant », dit-il, « la bienheureuse es-
damne partout celui qui a la passion de l'or. ^pérance et l'avènement de la gloire de notre
Le Christ en effet nous a souvent donné des «grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ». Où
préceptes sur les richesses, nous engageant à sont ceux qui prétendent que le Fils est infé-
fuir cette poste, mais il n'en est pas de même rieur au Père? «Notre grand Dieu et Sau-
pour le commerce des époux. Ecoutez ce qu'il « veur », dit il. Lui qui a sauvé ses ennemis,

dit des richesses en a un qui ne re-


: « S'il y que ne fera-t-il point lorsqu'il recevra dans le
« nonce pas à tout ce qu'il a, il ne peut être ciel ceux qui auront bien agi? a Notre grand
a mon disciple». (Luc, xv, 33.) Nulle partit ne «Dieu». En disant notre grand Dieu, il ne
dit : S'il y en a un qui ne renouce pas à sa dit pas à quel point il est grand, il l'appelle
femme, car il savait combien cet amour est grand d'une manière absolue. Au-dessous de
fortement enraciné dans la nature. Pour l'a- lui personne ne pourra véritablement être
pôtre il Le mariage est ho-
s'exprime ainsi : « appelé grand, car il sera grand par rapport à
« norable et le lit conjugal sans souillure ». quelque chose, et celui qui est grand par com-
(Hébr. xiii, i.) En aucun endroit il ne dit que paraison, n'est pas grand par sa propre na-
le souci de devenir riche est honorable, bien ture. Or ici le mot grand est employé sans
au contraire. Ecoutez-le dans son épître à Ti- comparaison.
mothée a Ceux qui veulent devenir riches,
: a Qui s'est donné lui-même pour nous afin

a tombent dans la tentation et dans le piège, a de nous racheter de toute iniquité et de

et en plusieurs désirs fous et nuisibles ». a nous purifier pour lui être un peuple qui

{I Tim, vi, 9.) Il ne dit pas amasser de l'argent, « lui appartienne en propre et qui soit zélé

mais « Devenir riches », et pour que vous en


: «pour bonnes œuvres», c'est-à-dire un
les

jugiez par le sens commun, il est nécessaire de peuple élu et qui n'ait rien de commun avec
donner ici quelques développements. Celui les autres. «Zélé pour les bonnes œuvres».

qui une fois s'est vu privé de toute sa fortune Voyez-vous comme on exige de vous les bonnes
n'est plus tenu par la passion de l'or; car rien œuvres ? et on ne nous demande pas seulement
ne nous donne l'amour des richesses comme des bonnes (Euvres, on vsut que nous soyons
leur possession même. Les choses ne se pas- zélés, c'est-à-dire que nous nous portions à la
sent pas ainsi pour l'amour des femmes au : vertu avec la plus grande ardeur, avec toute
contraire beaucoup ont été faits eunuques, la véhémence désirable. Ainsi, s'il en a arra-
mais n'ont pas pu éteindre la flamme inté- ché plusieurs aux maux qui les accablaient,
rieure qui les dévorait c'est que la concupis- : à l'incurable maladie qui les travaillait, c'a été
cence réside dans d'autres organes que ceux un effet de sa bonté. Pour ce qui suivra, c'est
dont on les avait privés, et qu'elle est placée notre affaire et la sienne. « Enseigne ces —
dans le fond même de notre nature. Pourquoi « choses, exhorte et reprends avec toute auto-
ai-je dit tout cela? C'est pour montrer que les « rite. —
Enseigne ces "choses et exhorte ».
hommes cupides sont plus intempérants que Voyez quels préceptes il adresse à Timo-
3.
les débauchés, parce qu'ils sont troublés par thée « Prêche la parole, reprends, censure».
:

une passion moins forte encore n'est ce pas ; (II Tim. IV, 2.) Il dit ici « Enseigne ces choses,
:

à proprement parler de la passion c'est de la , «exhorte reprends avec toute autorité».


et

lâcheté. La concupiscence est si naturelle que Comme les Cretois étaient d'un naturel plus
ne s'approchât-on point d'une femme, la na- indocile, l'apôtre dit à son disciple d'employer
ture n'en agirait pas moins mais il n'y a : la sévérité et de reprendre avec toute autorité.
rien de tel pour l'amour de l'or. II y a en effet des péchés qu'il faut réprimer
« Que nous vivions religieusement dans le d'autorité. Ainsi pour les richesses, c'est par
«présent siècle ». Quelle espérance avons- des exhortations qu'il faut persuader aux
428 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

hommes de les mépriser; il faut se servir des C'est comme s'il disait : Tu ne feras de reuro-
mêmes moyens pour engager les auditeurs à ches à personne, car toi aussi tu as tenu là
être doux et honnêtes. Mais a-t-on affaire à un même conduite.
adultère, à un débauché, à un homme pas- « Car nous étions aussi autrefois insensé?,
sionné pour les richesses, il est nécessaire rebelles, égarés, asservis à diverses convoi-
d'user d'autorité afin de les convertir. Pour « lises et voluptés, vivant dans la malice et
celui qui observe les présages ,
qui s'adonne «dans l'envie, dignes d'être haïs, et nous hais-
à la divination et autres choses semblables, sant l'un l'autre ». Nous devons donc être
ce n'est seulement avec autorité ,\ c'est
pas les mêmes avec tous et nous conduire avec
avec toute autorité qu'on doit les ramener douceur. Car celui qui s'est trouvé dans l'état
dans la bonne voie. Voyez-vous comme l'apô- dont parle l'apôtre, et qui ensuite a été délivré,
tre veut que Tite commande avec la plus ne doit pas accabler les méchants d'outrages,
grande autorité, la plus grande puissance? mais prier pour eux et rendre grâces à Dieu,
Que personne ne te méprise. Avertis-les qui lui a permis, à lui et aux autres, de se
B d'être soumis aux principautés et aux puis- délivrer de leurs anciens maux. Que personne
a sances, d'obéir aux gouverneurs, d'être prêts ne se glorifie, car tous ont péché. Lors donc
« à faire toutes sortes de bonnes actions, de que vous voudrez couvrir queUju'un de boue,
Œ ne médire de personne, de n'être point que- interrogez-vous avec équité, pensez à la con-
cirelieurs», (ui, l.) Quoi donc? N'est-il pas duite que vous avez tenue, à l'incertitude oîi
permis de couvrir d'injures ceux qui ont une vous êtes sur votre avenir, et retenez votre
mauvaise conduite? « D'être prêts à faire tou- indignation. Quand vous auriez cultivé la
rtes sortes de bonnes actions, de ne médire vertu dès vos premières années, vous auriez
« de personne ». Ecoutons celte exhortation : cependant commis encore beaucoup de fau-
« De ne médire de personne ». Notre bouche tes et si vous êtes purs, songez que vous ne
;

doit être pur-^, de toute injure quand nos ac- ;


le devez point à votre vertu, mais à la grâce de
cusations seraient fondées, ce n'est pas à nous Dieu car s'il n'avait pas appelé à lui vos aieux,
;

à les élever, c'est au juge à examiner les cho- vous seriez infidèles.
ses « Mais toi, dit -il, pourquoi juges -lu
: Voyez comme l'apôtre parcourt tout le do-
« ton frère? » (Rom. xiv, 40.) Si elles ne sont maine de la perversité. Dieu ne nous a-t-il pas
pas fondées, voyez à quelles flammes terribles dispensé mille grâces par les prophètes, par
vous vous exposez. Entendez l'un des larrons tous les hommes? Et l'avons-nous entendu?
dire à l'autre « Nous sommes dans la même
: « Car nous étions aussi autrefois égarés ; mais
a condamnation », nous courons les mêmes « quand la bonté de Dieu notre Sauveur et
risques. Si vous dites du mal des autres, bien- a son amour envers les hommes ont été mani-
tôt vous-même vous serez en butte à des at- « testés, il nous a sauvés» ; comment cela?
taques semblables. C'est pourquoi saint Paul « Non par des œuvres de justice que nous eus-
nous avertit en ces termes « Que celui donc : « sions faites, mais selon sa miséricorde, parle
« qui croit rester debout, prenne garde qu'il baptême de la régénération et le renouvelle-
« ne tombe ». (I Cor. x, 12.) o mentduSaint-Espril». Eh quoi nous étions !

a De n'être point querelleurs, mais retenus tellement plongés dans le vice, que nous ne
a et montrant une parfaite douceur envers pouvions nous purifier, mais que nous avions
a tous les hommes » , c'est-à-dire envers les besoin de régénération C'est là en effet une1

gentils et les juifs, les criminels et les mé- régénération. Car lorsqu'une maison menace
chants. Plus haut en effet nous effrayait en ii ruine, personne n'y met de support, "ai ne
parlant de l'avenir : o Que
donc qui croit celui répare les vieux bâtiments mais on les ren-
,

o rester debout, prenne garde qu'il ne tombe»; verse de fond en comble pour les relever et
mais ici il nous exhorte non en parlant de les renouveler. Il en est de même de Dieu il :

l'avenir, mais en rappelant le passé, c'est ce ne répare pas un vieil édifice, il le reconstruit
qu'il fait dans ce qui suit « Car nous étions : jusque dans ses fondements c'est ce que veu- ;

a aussi autrefois insensés » et de même dans ; lent dire ces paroles « Et le renouvellement
:

l'épître aux Calâtes « Nous aussi lorsque


: , « du Sdint-Esprit » il nous fait neufs depuis
;

a nous étions enfants , nous étions asservis les pieds jusqu'à la têle, comment? par (e
« sous les nidimenls du monde». (Gai. iv, 3.) Saint-Esprit, C'est ce que l'apôtre moutre en-
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TITE. — HOMÉLIE V. m


core d'une autre manière en ajoutant « Lequel : un de leurs philosophes a porté une loi par
répandu en nous abondamment par Jésus-
il a laquelle il défendait aux esclaves ces sortes
« Ohrisl notre Sauveur ». Ainsi nous avons un d'amours et de se frotter d'huile, réservant
grand besoin de la miséricorde de Dieu, a Afin cela comme un aux hom-
privilège honorable
qu'ayant été justifiés par sa grâce », c'est en- mes grand jour
libres. Aussi le faisaient-ils^u
core par sa grâce et non par nos mérites, dans leurs maisons. Si on examine tout ce qui
« nous soyons les héritiers de la vie éternelle les concerne, on trouvera qu'ils ont insulté à
selon notre espérance ». Il y a là tout à la la nature elle-même et que personne n'y met-
fois exhortation à l'humilité et espérance des tait obstacle. Tout leur théâtre est rempli de
récompenses futures. Car si Dieu nous a sau- crimes de ce genre, d'adultères et de débau-
vés, lorsque nous étions dans un état telle- ches, d'impureté et de corruption. Il y avait
ment désespéré qu'il nous fallait être renou- des nuits entières passées dans des veillées
velés et sauvés par la grâce, puisque nous abominables, et les femmes étaient appelées à
n'avions pas un seul bien en propre, à com- ces spectacles. pendant la nuit,
souillure I

bien plus forte raison ne nous sauvera-t-il pas sous tous les yeux
y avait de ces veillées, et
il

dans l'avenir? les vierges se trouvaient parmi des jeunes


A. Il n'y avait rien de pire que la férocité gens en délire au milieu d'une multitude ivre.
humaine avant la venue de Jésus-Christ ;
pres- Ces veillées se passaient dans les ténèbres, et
que tous les hommes étaient en inimitié ou en on y faisait des actions exécrables. C'est pour-
guerre les uns avec les autres ; les pères égor- quoi l'apôlre dit a Car nous étions aussi au-
:

geaient leurs fils, les mères entraient en fu- « trefois insensés, rebelles, égarés, asservis à
reur contre leurs enfants il n'y avait rien de : « diverses convoitises et voluptés». Celui-ci,
fixe, pas de loi naturelle, pas de loi écrite, veut-il dire, a aimé sa belle-mère,celle-là a
tout était dans le plus grand désordre, il y aimé son pendue. Car pour
beau-fils, puis s'est
avait continuellement des adultères, des meur- l'amour qu'on porte aux enfants, et qu'on ap-
tres, et des choses plus odieuses que le meur- pelle la pédérastie, on ne peut pas même en
tre, s'il en est, des vols à chaque moment. parler. Mais quoi voulez-vous voir des fils
!

Un auteur profane dit II semblait que le lar- : épouser leurs mères? c'est ce qui s'ast ren-
cin passât pour vertu, et ce n'est pas étonnant, contré chez eux, et, ce qui est plus grave, cela
si l'on voit qu'on adorait un dieu du vol : il
y arrivait par ignorance ; et leur dieu, bien loin
avait souvent des oracles qui ordonnaient de de s'y opposer, se riait de voir la nature ou-
tuer tel ou tel. Raconterai-je un fait qui s'est tragée, quoique les plus illustres personnages
passé alors? Androgée, deMinos, étant un fils fussent en cause. Mais si ceux qu'on devait
venu à Athènes, et ayant été vainqueur dans s'attendre à voir cultiver la vertu, pour tout
les jeux, subit le supplice et fut tué. Apollon lemoins dans le désir d'arriver à la gloire,
guérissant le mal par le mal, ordonna que sinon pour un autre motif, étaient si enclins à
pour le venger on enlèverait quatorze enfants la perversité, qu'a-t-ildû en être, pensez-vous,

u leurs familles et qu'on les ferait périr. Y a- de ceux qui menaient une vie obscure ? Qu'y
t-il rien déplus cruel que cette tyrannie? C'est a-t-ilde plus inconstant que ces plaisirs? Voilà
ce qui fut exécuté. Pour satisfaire la fureur du une femme qui aime un certain Egisthe, et
dieu, il se trouva un homme qui égorgea ces par condescendance pour cet adultère elle ,

enfants, car l'erreur régnait parmi ce peuple. tue son mari à son retour. Vous connaissez
Plus tard ils refusèrent ce tribut et brisèrent pour la plupart cette histoire. Le fils de la vic-
ce joug. Si cependant ils avaient eu raison time fait périr celui qui a souillé la couche de
d'égorger ces enfants, il ne fallait pas cesser son père, il égorge même sa mère, ensuite il
de au contraire, c'était une inju."?-
le faire; si, entre en démence et est agité par les furies,
tice criminelle, comme de fait c'en était une, puis dans son délire il en tue un autre et lui
c'était mal de leur donner cet ordre dans le prend sa femme. Y a-t-il rien qu'on puisse
principe. comparer à ces déplorables événements ?
On adorait des lutteurs au pugilat ou à la J'ai pris du dehors ces exemples pour mon-

palestre. ïi y avait sans cesse la guerre dans trer aux gentils combien de maux ont régné
les villes, dans les villages, dans les maisons. alors sur la terre. Mais, si vous le voulez, je
Les amours contre nature étaient communs, et m'en tiendrai aux saintes Ecritures « Ils im* :
430 TP.APITCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

« molèrent aux démons leurs flls et leurs tiennent lieu de femmes, et qui conduisez à
« filles D. (Ps. cv, 35.) De leur
Sodo- côté, les laguerre des femmes qui vous tiennent lieu
niites n'ont péri que pour avoir outragé la d'honmies , c'est bien là l'œuvre du diable,
nature par de brutales amours. Au commence- que de tout confondre et bouleverser, que de
ment même de la venue du Christ, la fille s'attaquer à l'ordre établi dès le commence-
d'un roi n'a-t-elle pas dansé pendant un repas ment du monde, que de changer les lois don-
au milieu d'hommes ivres? n'a-t-elle pas de- nées par Dieu même à la nature. Dieu en ellèt
mandé un meurtre et reçu pour prix de sa n'a accordé à la femme que la garde de la
danse la tête d'un prophète? Qui célébrel^ les maison, à l'homme il a confié le soin des af-
bienfaits de Dieu qui a mis fin à ces abomi- faires publiques. Mais toi tu mets les pieds à
nations? la place de la tèle et la tête à la place des pieds.
a Dignes d'être haïs et nous haïssant l'un Tu armes les femmes et tu n'en rougis pas I

« l'autre ». En effet, lorsqu'on lâche la bride Mais pourtiuoi m'arrèter à ce fait? Chez eux,
au plaisir, ce désordre doit nécessairement à ce qu'ils racontent, on a vu une mère tuer
exciter partout des haines; au contraire, là où ses enfants, et ils ne rougissent pas, et ils
l'amour personne ne peut
est joint à la vertu, n'ont pas honte de dire à des oreilles humaines
rien ravir à personne. Ecoutez ce que dit saint ces faits exécrables.
Paul a Ne vous trompez point vous-mêmes;
: « Mais quand la bonté de Dieu notre Sau-
ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les « veur et son amour envers les hommes ont
« adultères, ni les efféminés, ni ceux qui com- a été manifestés, nous a sauvés, non par
il

mettent des péchés contre nature, ni les lar- des œuvres de justice que nous eussions
« rons, ni les avares, ni les ivrognes, ni les <r faites, mais selon sa miséricorde, par le
o médisants , ni les ravisseurs n'hériteront « baplème de la régénération et le renouvel-
« point le royaume de Dieu. Or vous étiez a lement du Saint-Esprit, lequel il a répandu
«cela, quelques-uns de vous. (I Cor. vi, 9.) a abondamment en nous par Jésus notre Sau-
Voyez-vous comme tous les genres de per- « veur, afin qu'étant justifiés par sa grâce, nous
versité étaient répandus, combien il y avait « soyons les héritiers de la vie éternelle, selon

de ténèbres et comment toute justice était


, notre espérance ». Qu'est-ce à dire, « selon
violée? Car si ceux qui avaient le don de pro- « notre espérance? » Cela signifie Puissions- :

phétie et qui voyaient d'innombrables vices, nous avoir le bonheur que nous avons espéré ;

soit chez les autres peuples soit dans le leur, on peut encore lui donner ce sens car vous :

ne se modéraient pas cependant, mais com- êtes déjà les héritiers. « Cette parole est cer-
mettaient mille fautes nouvelles, que ne de- w taine ». Comme il parle des biens futurs et
vaient pas faire les autres? En Grèce, un lé- non de ceux de la vie présente, il a soin d'a-
gislateur a ordonné que les jeunes filles com- jouter que ce qu'il dit est digne de foi. Ces
battraient nues sous les yeux des hommes. choses sont vraies, dit-il, et c'est ce qui a été
Combien n'avez -vous pas gagné en vertu, rendu évident par tout ce qui a précédé. Celui
puisque vous ne pouvez pas même entendre en effet qui nous a délivrés d'une telle iniquité,
parler de ces choses ? Voilà cependant ce dont de tant de maux, nous accordera certainement
ne rougissaient pas les philosophes, même les récompenses futures si nous persévérons
l'un d'entre eux et le plus grand, va jusqu'à dans la grâce car c'est la même Providence
:

conduire les femmes à la guerre, et il veut qui s'étend à tout.


qu'elles soient toutes à tous comme un entre- 5. C'est pourquoi rendons grâces à Dieu et

metteur, un proxénète. —
a Vivant dans la ne lançons contre les autres ni injures, ni ac-
o malice et dans l'envie». En effet, si ceux cusations; exhortons-les plutôt, prions pour
qui s'adonnaient à la philosophie, portaient de eux, donnons-leur des conseils, quand même
telles lois, que dirons-nous de ceux qui ne s'y ils nous outrageraient, quand même ils tiépi-
adonnaient pas? Si ceux qui avaient la longue gneraient : car il faut s'attendre à cela de ia
barbe et le manteau des philosophes, tenaient part des malades. Mais ceux qui veulent les
ce langage, que dirions-nous des autres? sauver, supportent tout, font tout, même lors-
Non, Platon, la femme n'a pas été faite pour qu'ils n'obtiennent nfm de
aucun résultat ,

être à tous. vous qui renversez toutes cho- n' voir pas à se reprochera eux-mêmes d'avoir

ses, qui VOUS unigseï à des hommes qui vous rien négligé. Ignorez-vous que souvent, lors-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TiTË. — ÎÎOMÉLIE VI. 4SI

qu'un médecin désespère d'un malade, quel- prévoir ce qui arrivera, combien cela n'est- il
qu'un des parents de celui-ci lui dit Donne de : pas plus vrai encore, lorsqu'il s'agit de la vie
nouveaux soins, ne néglige rien, pour que je ne future et que nous entendons tant de voix
puisse pas m'accuser, me blâmer moi-même, nous donner des conseils et nous dire ce qu'il
pour que je n'aie pas le moindre motif de faut faire, ce qu'il ne faut pas faire.
m'adresser des reproches. Ne voyez-vous pas Attachons-nous donc à cette espérance, pre-
tous les soins que les amis et les parents ont nons souci de notre salut, et en toute cir-
pour ceux qui les touchent? Que ne font-ils constance, prions Dieu de nous tendre la main.
pas dans leur sollicitude I Ils interrogent les Jusqu'à quand serons-nous négligents ? jusqu'à
médecins, ils sont toujours là. quand serons-nous indifférents? jusqu'à quand
Imitons-les, bien que notre inquiétude porte ne ferons-nous aucun cas ni de nous-mêmes ni de
sur d'autres maux. En ce moment si son fils nos compagnons d'esclavage ? Dieu a répandu
était atteint d'une maladie, un père n'hésite- abondamment en nous la grâce du Saint-Esprit.
rait pas à entreprendre un long voyage pour l'en Pensons donc quelle bonté il nous a montrée,
délivrer. Mais l'àme est-elle dans un mauvais et à notre tour montrons-lui un zèle aussi
état, personne n'y prend garde. Tous nous grand aussi grand, nous ne le pouvons pas,
;

sommes languissants, tous nous sommes mous, mais quand il serait plus petit, ne l'en mon-
tous nous sommes négligents et nous regar- trons pas moins. Car si après avoir été visités
dons avec indifférence nos enfants, nos fem- par la grâce, nous retombons dans notre apa-
mes, nous-mêmes attaqués par un si grand thie, des supplices plus terribles nous sont ré-
mal. Ce n'est que plus tard que nous arrivons servés « Si je ne fusse point venu, et que je
:

à en comprendre la gravité mais songez com- : ane leur eusse point parlé, ils n'auraient point
bien il sera honteux, combien il sera risible « de péché, mais maintenant ils n'ont point
de venir dire ensuite Nous ne nous y atten-
: « d'excuse de leur péché». (Jean,xv, 22.) Mais

dions pas, nous ne croyions pas qu'il en serait loin de nous la pensée qu'on puisse dire cela
ainsi. Ce ne sera pas seulement honteux, ce de nous, puissions-nous au contraire mériter
sera très-dangereux. Car si dans la vie pré- les biens promis à ceux qui aiment Dieu en
sente c'est le propre des insensés de ne pas Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

HOMELIE VI.

ET JE VEUX QUE TO AFFIRMES CES CHOSES, AFIN QUE CEUX QUI ONT CRU EN DIEU AIENT SOIN LES PRE-
MIERS DE s'appliquer AUX DONNES CEUVRES VOILA LES CHOSES QUI SONT BONNES ET UTILES AUX
:

HOMMES. MAIS RÉPRIME LES FOLLES QUESTIONS, LES GÉNÉALOGIES, LES CONTESTATIONS ET LES DISPUTES
DE LA LOI, CAR ELLES SONT INUTILES ET VAINES. REJETTE LHOMME HÉRÉTIQUE APRÈS LE PREMIER BT
LE SECOND AVERTISSEMENT, SACHANT QU'UN TEL HOMME EST PERVERTI ET QU'lL PÈCHE, ÉTANT CON-
DAMNÉ PAR SOI-MÊME, [m, 8-15.)

Analyse.
1. Ne pas Irop disputer avec les héréticpies.
2. Aller au-devant des besoins des pauvres. — Celui qui fait l'aumône gagne plus que celui qui la refoS.
3. De la porte étroite, ce que c'est. — Les richesses comparées aux épines.
i. Il faut souffrir avec patience les maux qui nous arrivent. — Histoire de deux martyrs.

Après avoir parlé de la bonté de Dieu et


i. c'est-à-dire, il faut affirmer ces choses et par
de Providence avec laquelle il prend
l'ineffable elles exciter les fidèles à l'aumône. En effet,
soin de nous, après avoir dit quels nous étions ces paroles ne nous exhortent pas seulement
et quels il nous a faits, l'apôtre continue et à l'humilité, elles ne nous enseignent pas seu-
dit Et je veux que tu affirmes ces choses, afin
: lement que personne ne doit se glorifier, ni
« que ceux qui ont cru en Dieu aient soin les injurier autrui elles conviennent encore à
;

< premiers de s'appliquer aux bonnes œuvres » ; toutes les autres vertus. Ainsi dans une épîlrô
43f TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JKAN CHRYSOSTOME.

aux Corinlliiens, saint Paul dit : « Vous con- connu publiquement pour tel, pourquoi com-
a naissez la grâce de Notre-Seigneur Jésus- battre en vain, pourquoi porter vos coups dans
« Christ, qui, étant riche, s'estrendu pauvre le vide ? Qu'entend-il par ces mots : « Etant
« pour vous, afin que par sa pauvreté vous «condamné par soi-même?» que l'hé- C'est
a fussiez rendus riches». (H Cor. vni, 9.) Ainsi rétique ne peut pas dire Personne ne m'a en-
:

donc par la pensée de la providence de Dieu seigné, personne ne m'a averti. Lors donc que
cl de son infinie bonté, il les exhorte à la pra- malgré les avertissements il reste le même, il
tique de l'aumône, mais non pas à l'aventure est condamné par son propre jugement.
et négligemment, car que dit-il ? « Afin que « Quand j'aurai envoyé vers toi Artémas ou

ceux qui ont cru en Dieu aient soin les pre- « Tychique, hâte-toi de venir vers moi à Ni-

« miers de s'appliquer aux bonnes œuvres » : « copolis B. — Que dis-tu, saint apôtre? Tu
ceux
c'est-à-dire qu'ils doivent porter secours à viens de placer la Crète sous son autorité, et de
qui sont lésés injustement, non-seulement en nouveau tu l'appelles vers toi. Oui, mais ce —
leur donnant de l'argent, mais encore en pre- n'est pas pour le détourner de ses devoirs,
nant leur défense, protéger les veuves et les c'est pour lui donner plus de force. En effet —
orphelins, et remettre en sûreté tous ceux qui il ne l'appelle pas à lui pour qu'il l'accompa-

souffrent; c'est là en effet «s'appliquer aux gne et le suive partout, écoutez en effet ce
«bonnes œuvres». — « Voilà », dit-il, « les qu'il dit «Car j'ai résolu d'y passer l'hiver ».
:

« chosesquisontbonnesetutiles aux liommes. Quant à Nicopolis, c'est une ville de Thrace.


a Mais réprime les folles questions, les généa- « Envoie devant Zénas homme de loi , et
,

« logies, les contestations et les disputes de la « Apollon, et prends soin que rien ne leur
a loi, car elles sont inutiles et vaines ». « manque » On ne leur avait pas encore confié
.

Qu'entend-il par ces « généalogies? » Dans d'églises à gouverner mais c'étaient des com-
;

une Timothée
épître à il en fait mention éga- pagnons de saint Paul Apollon était vélié-
;

lement en ces termes : « Les fables et les généa- ment, il était savant dans les Ecritures et ha-
« logies qui sont sans fin ». (1 Tim. i, 4.) Peut- bile à manier la parole. Pour Zénas, puiscjue
être ici et là fait-il allusion aux juifs qui étaient c'était un homme de loi, il ne devait pas, diras-

très-orgueilleux d'avoir pourancètre Abraham, tu, être instruit par les autres. Mais ici par
et qui étaient négligents dans les choses qui homme de loi » il faut entendre qu'il était
les concernaient eux-mêmes. C'est pourquoi versé dans le droit judaïque et ce que dit ,

il appelle ces généalogies insensées et inutiles, rapôtre écjuivaut à ceci Procure-leur tout en
:

car c'est de la démence que de mettre sa con- abondance, afin que rien ne leur manque. —
fiance en des choses inutiles. a Que les nôtres aussi apprennent à être les

Quant aux contestations avec les hérétiques, premiers à s'appliquer aux bonnes œuvres
l'apôtrenous recommande de les éviter, pour pour les usages nécessaires, afin qu'ils ne
ne pas nous fatiguer en vain car en fin de ; a soient pas sans fruit. Tous ceux qui sont avec
compte nous n'y gagnerons rien. Lorsqu'il y !noi te saluent. Salue ceux qui nous aiment
a un homme assez pervers pour décider que, a en la foi (parla il faut entendre ou bien ceux
quoi qu'il arrive, il ne changera pas de sen- « qui aiment Paul, ou bien les fidèles). Grâce

timent, vous épuiserez-vous en vain à répandre « soit avec vous tous. Ainsi soit-il »,

la semence sur pierre, au lieu d'orner les


la 2. Pourquoi donc, saint apôtre, ordonnes-tu
âmes des en leur parlant de la charité
fidèles à Tite de fermer la bouche aux contradicteurs,
et des autres vertus? Pourquoi donc l'apôtre s'il faut les éviter, lorsqu'il font tout pour leur

dit-il dans un autre endroit: «Afin d'essayer perte ? — Saint Paul dit très-bien qu'il ne faut
« si quelque jour Dieu leur donnera la repen- jamais les réfuter en vue de leur être utile :

« tance» (11 Tim. ii, 25), tandis qu'ici «Rejette : car jamais ils n'en retireront le moindre profit
a l'hommehérétique», dit-il, « après le premier puisqu'ils ont l'âme pervertie. Mais s'ils veu-
« et le second avertissement, sachant qu'uo lent perdre aussi les autres, c'est alors qu'il
« tel homme est perverti et qu'il pèche, étant faut lutter contre eux, les combattre, et leur
« condamné par soi-même ? » Dans le premier résister de toutes ses forces. Si donc tu en
passage il parle de ceux qu'on pouvait espérer vois d'autres se corrompre, et que dans
tu sois
de voir se corriger et qui résislaien t seulement : la nécessité de parler, ne te tais point, ferme*
(nais dès qu'il s'agit d'un ennemi manifeete et leur la bouche pour guérir ceux qui vont à
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A TiTE. - HOMÉLIE VI. 433

leur perte. Un homme qui a du zèle et qui est nourrir par des femmes ? « Il y avait là des
vertueux, ne peut pas toujours éviter le com- femmes qui le suivaient et le servaient ».
bat. Seulement qu'il ait soin de se conduire de (Marc, XV, .) Il M
nous apprend par là qu'il
la manière que je viens de dire. Car souvent prend soin de ceux qui font le bien. Saint Paul
'inoccupation et une pliilosophie inutile font ne pouvait-il pas ne rien recevoir de personne,
qu'on donne tousses soins à la parole -.or c'est lui qui de ses propres mains fournissait aux
se préparer un grand châtiment que de parler autres leur subsistance ? Vous le voyez cepen-
inutilement lorsqu'il faudrait ou enseigner, dant recevoir et demander; pour quel motif?
ou prier, ou rendre grâces. Il ne faut pas croire écoutez : a Ce n'est pas que je recherche des
que nous devons épargner nos richesses, mais « présents, mais je cherche un fruitabondant
non, nos paroles il faudrait plutôt encoreêtre
: «pour votre compte ». (Philipp. iv, 27.) Au
économe? de celles-ci que de celles-là et ne , commencement, lorsque, vendant tous leurs
pas nous livrer sans réflexion à tout le monde. biens, les fidèles venaient en déposer le prix
Que veulent dire ces paroles a Qu'ils ap- : aux pieds des apôtres, vous voyez les apôtres
« prennent à être les premiers à s'appliquer s'inquiéter plus de ceux qui donnaient que de
aux bonnes œuvres? » C'est comme s'il y ceux qui recevaient. S'ils avaient eu peu de
avait : que les pauvres
Qu'ils n'attendent pas souci des pauvres, ils n'auraient pas puni Sa-
mais qu'eux-niêmes cherchent
aillent vers eux, phire et Ananie, lorsqu'ils eurent retenu une
avec soin quels sont ceux qui ont besoin de partie de leur argent. Quelqu'un leur com-
leur aide. En effet,lorsqu'on se soucie des mandait-il de tout donner à l'Eglise? ce n'est
pauvres, c'est de cette manière qu'on s'en pas saint Paul, car il dit : « Non point à regret
soucie, c'est avec le plus grand soin et le plus « ni par contrainte ». (Il Cor. ix, 7.) Mais quoi !

grand zèle, et, lorsqu'on agit ainsi, il y a saint apôlre, veux-tu être un obstacle pour les
moindre profit pour ceux qui acceptent que ^pauvres? Nullement, répond-il, mais ce —
pour ceux qui donnent car l'aumône donne n'est pas à leur intérêt, c'est à celui des bien-
:

accès auprès de Dieu. Au contraire, le combat faiteurs que je veille en ce moment. Voyez
dont nous avons parlé n'a jamais de fin, paice encore le prophète, il ne pense pas seulement
qu'il est très-difficile de corriger un hérétique. aux pauvres lorsqu'il donne les meilleurs con-
Or, de même que ce serait de la paresse, si l'on seils à Nabuchodonosor, il ne dit pas seule-
ne donnait pas ses soins à ceux dont on peut ment Donne aux pauvres, mais « Rachète : :

espérer la conversion, de même ce serait de la tes péchés par des aumônes, et tes iniquités
folie, ce serait une extrême démence que de «en faisant miséricorde aux pauvres » (Dan.
perdre son temps auprès de ceux qui sont IV, 24) c'est-à-dire Répands tes richesses non ; :

travaillés d'une maladie incurable ce serait pas seulement pour nourrir les autres, mais
:

leur donner plus d'audace. pour t'arracher toi-même au châtiment. De


« Que les nôtres aussi apprennent à être les même le Christ dit « Vends ce que tu as et le :

« premiers à s'appliquer aux bonnes œuvres « donne aux pauvres, puis \iens et me suis ».

a pour les usages nécessaires, aQn qu'ils ne (Matth. xix, 21.) Voyez-vous ici encore que ce
« soient pas sans fruit » Remarquez-vous qu'il
. précepte était donné à ceux qui voulaient
s'occupe plus de ceux qui donnent que de ceux suivre Jésus? Comme les richesses sont un
qui reçoivent? Il pouvait sans doute les passer empêchement pour la vertu, il ordonne de les
sous silence pour bien des raisons mais, dit- donner aux pauvres, et apprend à l'âme à être
:

il, je prends souci des nôtres. En quoi donc, miséricordieuse, à mé|iriper l'or, à fuir l'ava-
dites-moi, l'apôtre veille-t-il à leurs intérêts? rice; car celui qui apprend à donner à celui
Le voici : si d'autres qu'eux découvrant ces qui n'a rien, apprendra ensuite à ne rien re-
trésors spirituels de l'aumône, se les appro- cevoir de ceux qui sont riches. C'est par là
priaient en nourrissant les docteurs, ils ne fe- que nous nous rendons semblables à Dieu. Il
raient, eux, aucun profit, ils resteraient sans y a plus de difficulté à rester vierge, à jeûner,
frnit. Ainsi, dites-moi, le Christ, qui avec cint; à coucher sur la terre, mais rien n'a autant
pains a nourri cinq mille hommes, qui avec de force et de puissance que la miséricorde
sept pains en a nourri quatre mille, n'aurait-il pour éteindre la flamme de nos péchés c'est :

pas pu se nourrir lui-même, lui et ceux qui de toutes les vertus la (ilus grande, elle rap-
vivaient avec lui ? Pourquoi donc se laissait-il proche du souverain Maître lui-même ceu*
g, I. Ch. - TOM? Xî,
m TRAnrCTÎON FRANCAÎSÎÎ Î>E SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

qui la ciillivent, et en cela il n'y a rien que de l'aumône du peu qu'ils ont, comme cette veuve
juste. Car être vierge, jeûner, coucher sur la dont parlent les livres saints; ils n'auront au-
dure, cela ne profite qu'à celui qui tient cette cune occasion d'entrer en intimitié avec leurs
conduite, nul autre n'est sauvé par là ; la mi- proches et ils seront les plus libres du monde:
séricorde au contraire s'étend à tous et em- personne ne pourra les menacer de la confis-
brasse tous les membres de Jésus-Christ. Or cation ils seront supérieurs à tous les maux.
,

il y a bien plus de grandeur dans les belles Ceux qui fuient nus donnent peu de prise à
actions qui s'étendent à tous les hoini^cs que ceux qui veulent les saisir, tandis que celui
dans celles qui ne servent qu'à un seul. qui est couvert et chargé de vêtements est
3. C'est cette comi)assion pour les pauvres facilement pris. Il en est de même du riche et
qui est la mère de la charité, de la charité, du pauvre. Celui-ci, fût-il pris, échappera faci-
dis-je, cette vertu qui caractérise le christia- lement ; celui-là, fût-il libre , s'embarrassera
nisme, qui l'emporte sur tous les autres signes lui-même dans ses propres filets, dans mille
de la foi, et à laquelle on reconnaît les disci- soucis, mille chagrins, mille sujets d'irritation
ples du Christ. C'est le remède de nos fautes ;
et de colère : toutes ces choses accablent l'ârae,
c'est elle qui lave les souillures de notre âme, mais ce n'est pas tout, il y a encore bien d'au-
c'est l'échelle par laquelle nous montons au tres maux qui viennent à la suite des richesses.
ciel, c'est elle qui réunit en un seul corps les Il est bien plus pour le riche que
difficile

membres de Jésus-Christ. Voulez-vous savoir pour pauvre de se conduire avec modéra-


le
quel grand bien est la charité? Au temps des tion il est bien plus difficile pour le riche que
;

apôtres tous vendaient leurs biens pour leur pour le pauvre de vivre avec simplicité et d'é-
en apporter le prix qui était ensuite distribué: viter la colère. Mais, direz-vous, il aura une
o Et il était distribué à chacun selon qu'il en plus belle récompense. —
Nullement. —-Pour-
a avait besoin». (Act. iv, 35.) Dites-le-moi, et quoi? ne surmonle-t-il pas de bien plus grandes
de c(Mé les biens futurs, car nous
ici je laisse difficultés? —
Oui, mais ces difficultés, il se
ne parlerons pas encore du royaume éternel : les est préparées lui -même, car il ne lui était
voyons seulement les biens de ce monde : pas commandé d'être riche, au contraire, c'est
dites-le-moi, qui sont ceux qui gagnent à cela? lui-même qui se crée mille obstacles, mille
Sont-ce ceux qui reçoivent ou ceux qui don- empêchements. Les autres ne quittent pas seu-
nent? Ceux-là murmuraient et avaient entre lement leur argent, ils soumettent encore leur
eux des altercations, pour ceux-ci ils n'avaient corps à de nombreuses macérations. Car ils
qu'une âme oTous en effet n'étaient qu'un
: marchent dans la voie étroite. Mais toi , non-
a cœur et qu'une âme» la grâce était en eux
; seulement tu conserves tes biens, tu donnes
tous, et ce ([u'ils faisaient, ils le faisaient avec encore des aliments à la fournaise de tes pas-
grande utilité (lour eux. Mais ne voyez-vous sions, et tu te mets au milieu de nouveaux
pas que les autres y gagnaient aussi? Mainte- embarras. Va donc dans grand chemin, c'est
le

nant, dites-moi, au nombre desquels voudriez- lui qui reçoit tes pareils; pour la voie étroite
vous être? est-ce au nombre de ceux qui se elle s'ouvre aux affligés, aux opprimés, à ceux
défaisaient de toutes leurs richesses et res- qui n'ont pas d'autres fardeaux que ceux qu'on
taient sans rien, ou au nombre de ceux qui y peut porter, la miséricorde, la bonté, la pro-
recevaient quelque chose des autres? bité, la douceur. Si c'est là ce dont tu es chargé,
Voyez l'utilité de l'auniône tous les obsta- : il te sera facile d'y entrer, mais si tu es arro-

cles, tous les empêchements sont enlevés et gant, orgueilleux, si tu es chargé d'épines,
aussitôt toutes les âmes sont unies: «Tous n'é- qu'on appelle les richesses, il te faudra une
« talent qu'un cœur et qu'une âme»; ainsi, large voie. En effet, tu ne pourras pas percer
quand ce ne serait pas pour faire l'aumône, il la foule sans te heurter à beaucoup d'autres,
serait encore très-avantageux de donner ses lorsque tu feras eflort pour avancer il te :

tenu ce discours, c'est pour


richesses. Si j'ai faudra beaucoup d'espace. Celui qui porte l'or
que ceux qui n'Ont reçu aucun héritage de et l'argent véritables, je veux dire les bonnes
leurs (>areuls, ne soient pas pour cela tristes et œuvres, ne blessera point je ne dis pas seule-
tli igrins par la pensée qu'ils ont moins de ment ceux qui se pressent à côté de lui, mais
biens (|ue les riches :ils en ont plus, s'ils le même ses parents, ceux avec lesquels il vit.
>t;ulcnl. Car il leur sera plus facile de faire Maintenant, si les richesses sont des épiaes^
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAIiNT PAUL A TITE. - HOMÉLIE VI. 435

que sera-ce du désir de les posséder? Pour- voilà pourquoi nous ne sommes pas délivrés.
quoi emportes-tu avec toi tes biens? E<;t-ce Lorsqu'Abraham allait vers la montagne du
pour produire une plus grande flarame^ en sacrifice, il ne croyait pas que son fils serait
jetant tes fardeaux dans le brasier? N'y a-t-il sauvé, il marchait avec l'intention de l'im-

donc pas assez de feu dans l'enfer? Vois com- moler, et contre son attente il le vit sauvé.
irent trois enfants ont triomplié de la four- Vous aussi, lorsque vous tomberez dans l'ad-
naise. Suppose que c'est l'enfer c'est avec: versité, ne demandez pas d'être aussitôt déli-
l'affliction qu'ils y tombèrent, liés et enchaînés vrés, disposez votre âme à tout supporter, et
qu'ils étaient cependant ils y trouvèrent un
: bientôt le malheur vous lâchera
car si Dieu :

large espace libre oîi ils étaient à l'aise; il n'en vous l'inflige, c'est pour vous instruire. Lors
fut pas ainsi de ceux qui les entouraient. donc qu'une fois nous avons été formés à le
A. Même maintenant il se produira quelque supporter patiemment et sans aigreur, il s'é-
chose de semblable, si nous voulons résister loigne enfin de nous pour toujours, parce que
avec une force virile aux tentations qui nous tout est en bon ordre dans notre âme.
assiègent. Si nous avons espoir en Dieu, nous Je veux vous raconter un fait qu'il vous sera
serons en sécurité, large et à l'aise; mais pour très-utile et très-profitable d'entendre. Quel
ceux qui nous auront persécutés, ils périront. est-il? Comme la persécution sévissait et que

Car, dit l'Ecriture «Celui qui creuse une


: l'Eglise était troublée par une guerre violente,
fosse y tombera». (Ecclés. xxvn, 29.) Qu'ils on se saisit de deux chrétiens, dont l'un était
enchaînent nos pieds et nos mains; la torture prêta tout supporter, tandis que l'autre, qui
même pourra nous délivrer de nos fers. Voyez aurait courageusement donné sa tête au bour-
une chose merveilleuse voilà des hommes :
reau, craignait et redoutait les autres tour-
qu'on a liés, le feu les délie. En effet, qu'on ments. Voyez comment Dieu a arrangé les
livre à des esclaves les amis de leurs maîtres, choses. Lorsque le juge fut sur son siège, il
ceux-ci craignant cette amitié, bien loin de ordonna qu'on couperait la tête à celui qui
leur faire mal , auront pour eux les plus était prêt à tout, pour l'autre, il le fit torturer,
grands égards; il en est de même du feu :
non pas une ou deux fois, mais dans toutes
comme il savait que ces enfants étaient les par lesquelles il passait. Or, pour-
les villes
amis de son maître, il rompit leurs fers, les quoi Dieu a-t-il permis cela? C'était assuré-
délia et les mit en liberté, il était pour eux ment pour donner de la fermeté et de la vi-
comme un tapis sur lequel ils se promenaient, gueur au moyen des tourments, à l'àrae qui
et ce n'est pas sans raison, puisqu'ils avaient n'avait pas été assez exercée. C'était pour lui
été jetés là pour de Dieu, Si nous
la gloire enlever toute terreur, afin qu'elle ne craignît
sommes torturés, rappelons-nous ces exem- pas plus longtemps, qu'elle ne fût point lâche
ples. et ne tremblât pas pendant le supplice. De
Mais, direz-vous, ceux-ci ont été délivrés de même, c'est au moment où Joseph faisait le

leurs tourments, mais il n'en sera pas de même plus d'efforts pour sortir de prison, qu'il y
de nous. C'est justice, car les enfants ne sont était retenu pour plus longtemps; écouîez-le:
pas entrés dans la fournaise avec l'espérance a J'ai été dérobé du pays des Hébreux», dit-il,

d'être délivrés, mais avec la pensée qu'ils « mais souviens-toi de moi auprès de Pharaon».
allaient mourir. Ecoutez-les en effet « Il y a : (Genès. xl, 13.) Pourquoi était-il retenu? C'est
a un Dieu dans qui peut nous délivrer;
le ciel pour qu'il apprît qu'il ne fallait pas mettre sa
a s'il n'en est rien, sache, ô roi, que nous ne confiance dans les hommes, mais s'en rappor-
que nous ne nous
« servirons pas tes dieux, et ter entièrement à Dieu. Maintenant donc que
« prosternerons pointdevantla statue d'orque nous savons cela, reniions grâces au souverain
otu as dressée». (Dan. m, 17, 18.) Pour nous, maître, et faisons tout ce qu'il convient, afin
nous mettons une sorte de condition aux de gagner les biens éternels en Jésus-Christ
épreuves que Dieu nous envoie, nous mar- Notre-Seigneur, qui partage la gloire du Père
quons la limite du temps et nous disons S'il: et du Saint-Esprit, maintenant et toujours, et
n'a pas pillé de nous d'ici au temps marqué; dans les siècles des siècles. Aiasi soit-ii«
COmmp:ntaire
SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A PHILÉMON.
s

AVERTISSEMENT.
Des contemporains de saint Chrysostome disaient que l'épître à Phil6mon était un écrit superflu
composé pour uu intérêt passager et pour un seul liomme, Onésime. C'est avec une exti'èuie vigueur
que le saint Docteur les réliitc. Il montre qu'il est très-important pour notre instruction que nous ayons
iioii-senlcment les grandesépiircs de l'apôtre, mais même la relation détaillée de ses moindres actions-
Celle épiire est commentée avec un soin qu'on trouverait A pein(! dans ses aiilies ouvrages.
Ouanl à la question de savoir si ces trois furent liomélies prononcées à Anlioche ou à Conslantinople, il
evtà peu près impossilile de la résoudre, l'aule de données d'aucune sorte. Pliotius dit que les homélies
prononcées à Constaniinople sont moins soignées que les antres; mais c'est là on le comprend facile- ,

ment, une règle trop générale et trop vague pour être sCiic- cl infaillible. Saint Chrysostome combat
souvent les marcionltes, nous l'avons vu. Ici encore, dans la dernière homélie, il rapporte un argument
qu'un homme de cette secte lui avait opposé, et il en donne une remarquable réiulation.

ARGUMENT.
Il faut d'abord dire quel est le sujet de cette cun châtiment et qu'il le reprît comme un
épître , et quelles questions s'y rapportent. honune régénéré.
Quel en est donc le sujet? Philémon était un Mais quelques-uns prétendent qu'il était inu-
liomme noble et distingué. Qu'il ait été dis- tile d'insérer cette épître dans les saintes Ecri-
tingué, voici un fait qui le prouve, c'est que tures, coiTime traitant un trop mince sujet et
toute sa maison était Adèle et qu'elle était ne concernant qu'un seul homme. Qu'ils sa-
même appelée une église. C'est pourquoi saint chent, ceux qui font ces reproches, qu'ils sa-
Paul écrit ces mots a Et à l'église qui est en
: chent qu'ils se rendent eux-mêmes dignes de
o tamaison ». Il témoigne encore qu'on lui mille reproches. Car, non-seulement il fallait
accordait une grande obéissance, il ajoute : insérer une si petite lettre écrite sur un sujet
a Tu as réjoui les entrailles des saints ». De si intime, mais bien plus puissions-nous trou-

plus il l'avertit, dans cette même é|)îlre, qu'il ver ([uelqu'un qui nous donne l'histoire des
doit lui [iréparer un logement. Il me semble apôtres je ne dis pas sur ce qu'ils ont dit ou
donc pour toute sorte de raisons que samai- écrit, mais encore sur toute leur manière de

son était l'asile des saints. Cet homme si dis- vivre ; qui nous api)renne ce qu'ils ont mangé
tingué avait un esclave du nom d'Onésirne. et quand ils mangeaient, quand ils sont restés
Celui-ci, après avoir dérobé quelque chose à dans les villes, quand ils ont voyagé, ce qu'ils
son maître, s'était sauvé. Son larcin nous est ont fait chaque jour, au milieu de quels hom-
attesté par ces paroles : « S'il t'a fait queiiiue mes ils se sont trouvés, dans quelle maison
«tort, ou s'il te doit quelque chose, je le le ils sont entrés; qui enfin nous raconte exacte-

« payerai ». Comme il était venu à Home vers ment toute leur vie dans ses moindres détails,
saint Paul, qu'il l'avait trouvé dans les fers et tant toutes leurs actions sont pleines d'ensei-
entendu son enseignement, il y reçut
qu'il avait gnements utiles pour nous Mais parce que
!

le baptême. Ce qui prouve qu'il y a reçu le don beaucoup ne comprennent pas l'utilité qu'on
du baptême, ce sont ces mots « Onésime (|ue : peut retirer de là, ils se mettent à blâmer celle
«j'ai engendré dans mes liens». (l'hilém. 2, épître. Cependant, lorsque nous voyons seule-
7 i8 40.) L'apôtre écrit donc pour le re-
, , ment les lieux où ils ont vécu, où ils ont été
commander à son riiaître, afin que, pour enchaînés, bien que ces lieux soient inanimés,
toutes ces r^isoDS, celui-ci ne lui Ht subir au* nous arrêtons souvent notre pensée sur eux,
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A PHILÉMON. - ARGUMENT. 43t

nous nous représentons leur vertu, et ainsi vais ? — Comment? dites-le-moi, je vous prie :

nous nous sentons encouragés nous avons ,


est-ce parce qu'il est entré dans la ville ? Mais
plus d'ardeur. Combien donc cet effet ne se- pcnsez-y, s'il était dehors, il serait encore pire.
rait-il pas plus grand si nous entendions rap- Car celui qui étant dans la ville devient mau-
porter leurs paroles et toutes leurs actions I vais, deviendrait bien pire, s'il était hors des
Est-ce qu'on ne s'informe pas d'un ami, pour murs. En effet, au dedans il est libre de toute
savoir où il vit, ce qu'il fait, où il va? et cela, inquiétude sur son sort, c'est son maître qui a
dites-moi, il ne faudrait pas le savoir, lorsqu'il tous les soucis mais au dehors, les soins qu'il
;

s'agit des docteurs qui ont enseigné toute la devrait prendre pour pourvoir à sa nourriture
terre Lorsque quelqu'un vit de la vraie vie
1 l'écarteraient davantage de ses devoirs les plus
de tenue, sa démarche, ses paroles,
la foi, sa nécessaires, les plus spirituels. C'est même
ses actions, tout en lui est utile à ceux qui en pour cela que saint Paul, leur donnant un ex-
entendent parler, et il n'y a aucun inconvénient cellent conseil, leur dit : a Es-tu appelé à la foi
à tout savoir. « étant esclave, ne
mets point en peine,
t'en
Maintenant il est bon de vous apprendre a mais quand même tu pourrais être mis en
pourquoi dans cette épître il est traité d'un « liberté, fais plutôt un bon usage de ton état »
sujet tout domestique. Voyez donc combien (I Cor. VII , 21), c'est-à-dire continue à être
d'excellents enseignements nous sont donnés esclave. Car ce qu'il y a de plus nécessaire
par là. L'un, et le premier de tous, c'est que pour lui, c'est qu'il n'entende point blasphé-
nous devons être diligents sur toutes choses. mer le nom de Dieu, comme le dit l'apôtre en
Si en effet saint Paul a tant de sollicitude pour ces termes : « Que tous les serviteurs qui sont
un fugitif, un larron, un voleur; s'il ne craint « sous le joug, sachent qu'ils doivent à leurs
pas, s'il ne rougit pas de le renvoyer à son « maîtres toute sorte d'honneurs, afin qu'on ne
maître avec tant d'éloges il nous convient , « blasphème point le nom de Dieu et sa doc-
bien moins encore d'être négligents dans des « trine ». (I Tim. vi, i.) Les gentils eux-mêmes

circonstances semblables. Le second enseigne- devront dire qu'un esclave peut plaire à Dieu,
ment, c'est qu'il ne faut pas désespérer des sinon il faudra de toute nécessité qu'on blas-
esclaves même lorsqu'ils en sont arrivés à
, phème etqu'on dise Le christianisme a été
:

une extrême perversité. Or, si ce fugitif, ce introduit dans la vie pour tout renverser ; si

voleur est devenu assez honnête pour que Paul les esclaves sont enlevés à leurs maîtres, c'est
voulût en faire son compagnon, et qu'il écrivît là une grande violence. Que dirai-je de plus?
ceci « Afin qu'il me servît à ta place », nous
: L'apôtre nous enseigne encore que nous ne
devons désespérer bien moins encore des hom- devons pas rougir de vivre avec des esclaves,
mes libres. Le troisième enseignement, c'est pourvu qu'ils soient honnêtes. Si en effet saint
qu'il n'est pas bien d'enlever aux maîtres leurs Paul, qui l'emportait sur tous les hommes, a
esclaves. Car si l'apôtre qui avait une telle con- de bien d'Onésime, à plus forte raison
dit tant
fiance en Philémon, n'a pas voulu retenir sans devons-nous agir comme lui. Puis donc qu'il
l'aveu de son maître, Onésime qui pouvait lui y a dans cette épître tant d'utiles enseigne-
rendre tant de services dans son ministère, il ments, bien que nous n'ayons pas encore tout
nous convient bien moins encore de faire ce dit, quelqu'un pourra-t-il croire qu'il était su-
qu'il n'a pas fait. Plus un esclave est vertueux perflu de la mettre au nombre des Ecritures
et plus il est bon qu'il reste esclave, qu'il re- sacrées ? Un tel sentiment ne montrerait-il pas
connaisse son maître afin qu'il soit utile à tous une extrême démence? Prêtons donc toute
ceux qui sont dans la maison. Pourquoi ôter notre attention, je vous prie, à la lettre écrite
la lumière de dessus le chandelier pour la par l'apôlre. Déjà elle nous a été fort utile,
mettre sous le boisseau? Plût à Dieu qu'on elle le sera plus eacore, si nous l'examinons
pût faire rentrer dans les villes tous les fugi- de près.
tifs I Mais quoi, dira-t-on, et s'il devenait mau-
'493 TR.vi)UCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIUïSCSTOME,

HOMELIE PREMIERE.
PiCL, PRISONNIER DE JÉSUS-CHRIST, ET LE FIUÎRE TlMOTllÉE, A HHILÉMON. NOTRE BIEN-AIMK ET COOPR-
BATEl'R, ET A APPIE, NOTRE BIEN-AIMÉE, ET A ARCIIIPPE, LE COMPAGNON DE NOS COMBATS, ET A
t'Ér.LlSE Qll EST EN TA MAISON, GRACE ET PAIX DE LA PART DE DIEU NOTRE PÈRE, ET DE LA PART DD
SEIGNEUR JÉSUS-CURIST. (1, 2, 3.)

\
Analyse.

i. Toutes les expressions employées par l'apôtre dans le préambule de cette épltre sont très-propres à fléchir Philémon.
\> et 3. Le saint nous montre excellemment que nous devons pardonner à nos frères, et l'avantage qui nous revient de celte
cliarilé, non-seulement devant Dieu, mais encore devant les hommes. —
Combien sont durs ceux qui ne veulent pas pardonner

\ . un maître pour
Cette épître a été écrite à saint Paul. Ainsi, dit l'apôtre, laissons de côté

un esclave début saint Paul le rap-


; dès le ma prière, il y a une autre nécessité qui te

pelle à riiumilité il ne veut pas le faire rou-


;
forcera à accorder ce bienfait : car si Onésime
gir, mais il éteint sa colère, en s'appelant pri- est utile à l'Evangile, et que tu sois plein de
sonnier, il l'adoucit et le force à rentrer en zèle pour eu propager la doctrine, il ne faut
lui-même, et il fait que les choses de ce monde déjà plus qu'on te fasse cette demande, c'est
ne lui paraissent être rien. Si en effet les lions toi-même qui dois la faire.
qu'on jiorte pour le Christ, bien loin d'être une «Et à Apple, notre bien-aimée ». C'était
honte, sont une {gloire, l'esclavage ebt beau- sans doute l'épouse de Philémon. Voyez l'hu-
coup moins ignominieux. S'il parle ainsi, ce milité de saint Paul il s'appuie sur Timothée
:

n'est pas pour se glorifier, il fait une œuvre pour faire sa demande, et il l'adresse non-seu-
utile, et il montre son autorité, non dans son lemeiit au mari, mais encore à la femme et à
intérêt, mais seulement pour que Philémon un autre qui était sans doule un ami « Et à :

lui accorde plus facilement ce bienfait, que s'il a Archippe, le comjj.ignon de nos combats».

disait, comme il l'a dit ailleurs C'est pour vous : Car il ne veut pas obtenir par un ordre ce
que je suis chargé de ces chaînes. Dans ces qu'il désire, et il ne s'indigne pas, si on n'o-

dernières paroles il fait voir sa sollicitude, ici béit pas immédiatement à ses exhortations :

ilmontre son autorité. 11 n'y a rien de plus tout ce qu'un inconnu ferait pour lui, il les

grand qu'une telle gloire, c'est au point qu'il manière à ce qu'ils s'inté-
prie de le faire, de

est appelé le sti^'matisé de Jésus-Christ : Car, ressent à sa demande. En effet il est bon qu'une
o dit-il, je porte le stigmate de Jésus-Christ ». prière soit non-seulement appuyée par beau-
(Gai. VI, 17.) coup de gens, mais encore adressée à beaucoup
a Prisonnier de Jésus-Christ». C'est en effet de personnes, pour qu'on obtienne ce qu'on
pour Jésus qu'il avait été lié. Qui ne sérail plein réclame. C'est pourquoi il dit : « Et à Archippe,
de respect, qui ne serait adouci, en entendant compagnon de nos combats ». Si tu es son
a le

parler des liens de Jésus-Christ? Oui ne don- compagnon d'armes, voilà une occasion dans
nerait toute son âme bien loin de refuser un laquelle tu dois encore lui venir en aide. Et
seul esclave? — «Et le frère Timothée ». Il Archippe est celui dont il est dit dans l'épîtrc
on prend un second avec lui, pour que Philé- aux Colossiens « Dites à Archippe
: prends :

mon, ébranlé par les prières de i)lusieurs, cède a garde à l'administration que tu as reçue en

plus facilement et accorde le bienfait qu'on lui « Notre-Seigneur, afin que tu l'accomplisses ».

demande. — a A Philémon, notre bien-aimé (Coloss. IV, 17.) Il me semble qu'il a dû être
et coopérateur ». S'il est son bien-aimé, il encore un de ceux qui ont été appelés à exer-
n'y a ni audace ni témérilé à se confier en lui, cer le saint ministère il s'appuie sur lui pour
;

c'est une singulière marque d'amitié. S'il est demande, et il l'appelle son compagnon
faire sa
son coopérateur, il devait non-seulement re- d'armes, pour que de toute manière il lui prête
cevoir une telle prière, mais même en être son secours. — « Et à l'église qui est en ta

reconnaissant, car c'est h hii-même qu'il ren- «maison ». Il ne passe pas sous silence les
dra service, puisqu'il bâtit le même édifice que esclaves, car il savait que souvent les paroles
Commentaire sur l'êpitre de saint paul a philémon. - homélie i. 430

des serviteurs peuvent changer les sentiments Mais si celui qui blesse un roi, est livré à un
d'un maître, surtout lorsqu'on demande quel- supplice intolérable à cause de la considération
que chose pour un esclave; du reste c'étaient qui s'attache à la royauté, combien de talents
Philémon
peut-être eux qui excitaient le plus ne devra pas à Dieu celui qui l'aura insulté ?
contre Onésime. Il ne veut donc pas qu'ils C'est pourquoi, quand les péchés que nous
puissent avoir des sentiments de haine, et il commettons contre Dieu seraient les mêmes
daigne parler d'eux à côté de leur maître. Mais que ceux que nous commettons contre les
il ne veut pas non plus que le maître s'in- hommes, ils ne seront cependant pas égaux ;
digne. Or s'il les avait appelés par leurs noms, il y aura entre eux toute la différence qu'il y a

peut-être se serait-il indigné ; s'il n'avait pas entre l'homme et la divinité.


fait mention d'eux, peut-être eût-il été mécon- Mais je trouve un plus grand nombre de
tent. Voyez-donc quelle prudence éclate dans fautes encore qui sont très-graves, non-seule-
la manière dont il en parle, lorsqu'il les juge ment par l'excellence de celui qu'elles blessent,
dignes d'être mentionnés, sans cependant of- mais par elles-mêmes. C'est une chose hor-
fenser Philémon. Le nom d'église qui leur est rible que je vais dire, une chose vraiment ter-
donné ne permet pas que les maîtres s'indi- rible : il faut la dire cependant, pour qu'ainsi
gnent s'ils sont comptés avec leurs esclaves. les âmes soient frappées et émues : oui, je
Car l'Eglise ne connaît pas la différence de vous montrerai que nous craignons les hom-
l'esclave et du maître c'est par leurs honnes
; mes beaucoup plus que Dieu, que nous hono-
ou leurs mauvaises actions qu'elle fait une rons les hommes beaucoup plus que Dieu 1
distinction entre eux. Si donc ils forment une Faites attention en effet celui qui commet
:

église, ne t'indigne pas de ce que ton esclave un adultère sait que Dieu le voit, et il le mé-
est nommé à côté de toi. « En Jésus-Christ il prise mais si un homme le voit, il réprime
;

« n'y a ni esclave ni libre ». (Gai. ni, 28.) sa concupiscence. Celui qui agit ainsi, celui-là
Grâce et paix ». L'apôtre rappelle à Philé- non-seulement estime les hommes plus que
mon ses péchés, en le faisant souvenir
de la Dieu, non seulement fait une injure à Dieu,
grâce. Pense, dit-il, combien de fautes Dieu t'a mais même, ce qui est plus grave, craint ses
remises, et comment tu as été sauvé par la semblables et méprise le Seigneur. Car s'il
grâce imite le Seigneur. 11 demande aussi
: voit un mortel, il éteint la flamme de sa pas-
pour lui la paix, et avec raison. Car nous la sion, ou plutôt est-ce bien une flamme? non,
possédons, lorsque nous imitons le Seigneur, c'est une insolence. S'il n'était pas permis d'a-
lorsque la grâce reste en nous. Ainsi pour cet voir un commerce avec une femme, on aurait
esclave qui était sans pitié pour son compagnon droit de dire que c'est une flamme, mais main-
de servitude, tant qu'il ne lui redemanda pas tenant c'est une insolence une débauche ;
,

les cent deniers, la grâce de Dieu resta en lui; voit-il des hommes, sa démence tombe aus-
mais lorsqu'il les réclama, elle lui fut enlevée, sitôt, mais il se soucie moins de lasser la lon-
et il fut lui-même aux bourreaux.
livré ganimité de Dieu. De même cet autre qui vole
2. Pensant à cet exemple, soyons miséricor- a conscience de son larcin , et il essaie de
dieux, et pardonnons facilement à ceux qui tromper les hommes, il se défend contre les
nous offensent. Les cent deniers, dont il est accusateurs, il donne une apparence spécieuse
parlé dans la parabole ce sont les offenses
, à sa défense mais pour Dieu qu'il ne peut
;

qu'on nous fait; mais les offenses que nous pas tromper, il n'en a nul souci, il ne le
faisons à Dieu seraient des milliers de talents. craint pas, il ne l'honore pas. Si un roi nous

Vous savez, en effet, qu'on juge aussi les fautes ordonne de ne pas mettre la main sur l'argent
d'après la qualité des personnes que nousv d'autrui, ou même de donner nos propres ri-
offensons. Par exemple, celui qui offense un chesses, nous les apportons aussitôt et quand :

simple citoyen, pèche, mais non pas comme Dieu nous ordonne de ne pas ravir, de ne pas
celui qui insulte un prince. L'offense croît à prendre les biens des autres, nous n'obéissons
proportion que celui qui l'a reçue est élevé en pas. Ne voyez-vous pas que nous avons plus
dignité. Si on offense le roi, la faute est beau- d'estime pour les hommes que pour Dieu?
coup plus considérable encore. L'injure est la Ces mots vous sont pénibles et vous bles-
même, à la vérité, mais elle devient plus grave sent, dites-vous? —
Montrez donc par les faits
à cause de la dignité de la personne offensée. mêmes combien ils vous sont pénibles. Fuyez
,

440 TRADUCTION FRANÇAISE ÔE SAINT JEAN CHRYSOSIOME.

les péchés qu'ils désignent, car si vous ne travaux, de grandes dépenses, ni rien de tel,

fuyez pas ces péchés, comment pourrai-je vous mais seulement la volonté de l'ànie ; il n'est
croire loi'sqiie vous direz Les mots nous font
: pas besoin d'entret)rendre un voyage, de par-
peur et tu nous accahles? —
C'est vous qui tir i)Our une autre contrée , d'affronter des
vous accahlez vous-mêmes par vos fautes moi ; dangers, de supporter des fatigues, il suffit de
je me contente de dire la qualité des péchés vouloir.
que vous commettez, et vous vous indignez : 3. Comment, dites-moi, obtiendrons-nous
n'est-ce pas déraisonnable ? Plaise à Dieu que notre pardon pour les fautes qu'il nous paraît
tout ce que je dis soit faux J'aime mieux ! diflicile d'éviter, si nous ne faisons pas une
emi)Oiler la réputation d'a\oir été injiïrieux petite chose qui a tant d'utilité et de profit, et
en ce jour, comme vous ayant fait des rei)ro- qui n'exige aucun labeur? Vous ne pouvez pas
ches inutiles et nullement tondes, que de vous mé|iriser les richesses? Vous ne pouvez pas
voir de ces péchés, accusés au tribunal redou- donner vos biens aux pauvres? Mais du moins
table. — Maintenant uon-seulement vous pré- ne pouvez-vous pas vouloir faire une bonne
férez les hommes même vous
à Dieu, mais action ? Ne pouvez-vous i)as pardonner à ceux
forcez les autres à faire comme
vous beau- : qui vous ont offensé? Quand vous n'auriez pas
coup y lorcent nombre d'esclaves et de servi- tant de dettes à payer et que Dieu vous ferait
teurs. On contraint les uns à se marier malgré seulement un précepte du pardon, ne pardon-
eux, les autres à rendre des services criminels neriez-vous pas? et maintenant que vous avez
pour un amour impur, pour des vols, des tant de comptes à rendre, vous ne pardonnerez
fraudes et des violences. Ainsi c'est double pas, et cela, lorsque vous savez qu'on vous de-
crime , ceux mêmes qui agissent malgré
et mande raison des fautes que vous avez com-
eux, ne peuvent pas obtenir le pardon en don- mises vous-même Je suppose que nous al-
!

nant cette excuse. Si vous faites une mauvaise lions chez notre débiteur; celui-ci, le sachant,
action malgré vous pour obéir au prince
,
nous entoure de soins, nous reçoit, nous rend
l'ordre que vous avez reçu ne vous sera pas des honneurs et nous montre par sa libéralité
une délense sidlisante mais votre péché de-
; les dispositions les (dus bienveillantes : et cela,

vient plus giand, lors(iue vous forcez aussi les ce n'est pas lorsqu'il est débarrassé de sa dette,
autres à mal faire. Quelle grâce pourra donc s'ilagit ainsi, c'est jiour nous rendre modérés
être faite à un tel coupable? Si j'ai dit ces dans nosréclamations vous cependant, lorsque
:

choses, ce n'est pas que je veuille vous con- vous devez tant à Dieu et qu'on vous ordonne
damner seulement voulu montrer com-
;
j'ai de remettre aux autres leurs péchés, pour que
bien nous sommes
les débiteurs de Dieu. Car les vôtres vous soient remis, vous ne les re-

si, lors même que nous honorons Dieu autant mettez pas Pourquoi donc, je vous prie ?
I

que l'homme, nous faisons encore injure à Hélas quelle bonté Dieu a pour nous mais
I !

Dieu, combien plus grande ne sera pas l'in- nous, quelle n'est pas notre malicul notre
jure lorsque nous lui préférons les hommes? sommeil! notre paressel Combien la vertu est
Si les oITenses que nous laisons aux hommes facile, et combien elle nous est avantageuse I

deviennent bien autrement graves lorsque nous Combien la malice coûte de fatigues nous ce- I

les faisons à Dieu, combien ne sont-elles pas pendant, nous fuyons une chose si légère pour
plus graves encore, lorsque par elles-mêmes en suivre une qui est plus lourde que le plomb.
elles sont déjàgrandes et considérables? Que Il n'est pas besoin pour être vertueux d'avoir

chacun s'examine attentivement et il recon- de la santé, des richesses, de l'argent, de la


iiaîlra qu'il fait tout pour les hommes. Nous puissance, des amis, ni rien de semblable,
serions bien heureux si nous faisions autant mais il suffit de vouloir, et c'est tout. Quel-
pour Dieu que pour les hommes, pour l'estime qu'un vous a-t-il couvert d'injures et d'oppro-

que nous attendons d'eux, pour la crainio ou bres Pensez que vous-même vous avez beau-
?

le respect qu'ils nous inspirent. Puis donc que coai) de pareilles offenses à vous reprocher
no(\s avons tant et de si grandes dettes, nous envers les autres, même envers Dieu, et ainsi
devons mettre la plus grande ardeur à i)ar- remettez-lui sa faute et pardonnez-lui ; pensez
donner à ceux qui nous oll'onsent et nous que vous dites « Remettez-nous nos dettes
:

Iro.i.pcnt, et à oublier les injures. Car pour « connue nous les remettons à nos débiteurs».
se délivrer de ses fautes, il ne fuut pas de rudes (Matlh. VI, 13.) Pensez que si vous ne les re-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A PHILÉMON. — HOMÉLIE II. 441

mettez pas, vous ne pouvez pas prononcer ces envers nos amis et nos parents, mais même
mots avec confiance mais si vous les remettez,
; envers nos esclaves car, dit l'apôtre: : o Mo-
c'estune action dont vous pourrez demander a dérez vos menaces, sachant que le Seigneur
qu'on vous tienne compte comme d'une dette « et d'eux et de vous est au ciel ». (Ephés. vi,
que Dieu a envers vous, non qu'elle soit telle 9.) Si nous remettons au prochain ses offenses,
par sa nature, mais c'est la bonté de celui à les nôtres nous seront remises aussi elles nous ;

qui nous devons tant, qui l'a rendue telle. Est- seront remises, si nous faisons l'aumône, si
ce là de l'égalité? Comment? celui qui remet nous sommes humbles, car c'est ainsi encore
leurs dettes à ses compagnons d'esclavage ob- que nous nous délivrons de nos péchés. En
tiendra la rémission des péchés qu'il a commis effet, si un publicain, pour avoir dit seulement:

envers le Seigneur I Oui, nous jouissons d'une « Soyez-moi propice, moi qui suis pécheur »

telle bonté, car il est riche en miséricorde et (Luc, xviii, 13), s'est retiré justifié, combien
en pitié. plus facilement n'obtiendrons -nous pas une
Mais pour vous montrer qu'en dehors même grande bienveillance, si nous sommes humbles
de ces considérations, en dehors de cette ré- et contrits? Confessons nos péchés, condamnons-
mission de vos fautes, par cela seul que vous nous nous-mêmes et nous effacerons unegrande
remettez aux autres leurs péchés, vous retirez partie de nos souillures car il y a beaucoup
:

vous-même de là un grand profit, voyez com- de voies pour se purifier. Combattons donc
bien celui qui agit ainsi a d'amis et comment partout le diable. Je n'ai rien dit qui fût diffi-
son éloge est dans toutes les bouches. Ne dit- qui fût pénible à faire. Pardonnez à celui
cile,

on pas : C'est un honnête homme, facile à qui vous a offensés, ayez pitié des pauvres,
apaiser, qui n'a pas la mémoire des injures et humiliez votre âme, et quand vous seriez de
qui est aussi vite guéri que blessé? Qu'un tel grands pécheurs, vous pourrez avoir votre part
homme vienne à tomber dans quelque mal- du royaume clernel, en vous purgeant ainsi
heur, qui n'aura pitié de lui ? qui ne lui par- de vos fautes, en effaçant ainsi vos taches.
donnera ses faules? qui n'e l'exaucera, lorsiiu'il Puissions-nous tous, lavés ici-bas de toutes les
demandera une faveur pour autrui? qui ne souillures de nos péchés par le moyen de la
voudra être l'ami ou le serviteur d'un homme confession, obtenir là-haut les biens promis
si bon ? Ah je vous prie, agissons ainsi en
I en Jésus-Christ Notre-Seigneur ,
qui partage
toutes choses pour celte raison, non-seulement avec le Père, la gloire, la puissance, etc.

HOMELIE Ii;

lE RENDS GRACES A MON DIEU, FAISANT TOUJOURS MENTION DE TOI DANS MES PRIÈRES ;
APPRENANT LA
FOI QUE TU AS AU SEIGNEUR JÉSUS, ET TA CHARITÉ ENVERS TOUS LES SAINTS, AFIN QUE LA COMMU-
NICATION DE TA FOI MONTRE SON EFFICACE EN SE FAISANT CONNAITRE PAR TOUT LE BIEN QUI EST EN
VOUS, PAR JÉSUS-CURIST. (i, 5, 6, JUSQU'A 16.)

Analyse.
1. Philémon ne peut refuser à Paul la consolation qu'il lui demande, lui qui a l'habituae de consoler les cœnri de tons les

fidèles. — L'apôtre de Jésus-Christ pourrait user d'auloritè, mais il préfère employer la prière.
2. Piiilénifin n'avait perdu qu'un esclave inutile, et il recouvre un frère Irès-utile.
3 et 4. De quelle manière un chrétien doit regarder ses serviteurs. — Ne point tirer vanité de ses bonnes œuvres, et particuliè-
rement des actions d'huraililé : ce qui néanmoins est fort à craindre. — Considérez à fond l'humilité du Fils de Dieu. — De
la bonté de Dieu à notre égard. — Il ne méprise pas le peu de bien que nous faisons.

1. L'apôtre ne demande pas grâce pourOné- qu'il se souvient toujours de 'ui dans ses
sime dès le débui, il ne le fait qu'après avoir prières, et que beaucoup d'entre les fidèles

admiré et loué son maître pour ses bonnes trouvaient en lui leur rafraîchissement, et qu'il
œuvres, et lui avoir donné une gcande mar- obéit, qu'il cède aux désirs de tous. C'est alors
que de son affection pour lui, en lui disant qu'il arrive enfin à demander cette grâce et
%Ai Traduction française de saint jean chrysostomè.

qu'il fait tout pour fléchir Philémon. Si les droits qu'eux au respect. Il ne dit pas Si tu :

autres obtiennent ce qu'ils demandent, com- fais celapour d'autres, à plus forte raison le
bien plus ne doit pas l'obtenir saint Paul s'il ; dois-tu faire pour moi, mais il le laisse enten-
était digne d'être exaucé même en se présen- dre, seulement il s'y prend par une voie plus
tant avant tous les autres, combien plus n'en douce « Nous avons une grande Joie ». c'est-à-
:

éiait-ii pas digne en venant après les autres, dire: Tu m'as inspiré de laconûanceeii toi parles
alors surtout qu'il ne demande rien pour services que tu as rendus aux autres. «Et une
lui-même. Ensuite, comme il ne veut point « grande consolation », c'est-à-dire, non-seu-

paraître écrire pour un seul, de peur qu'on ne lement nous nous en réjouissons, mais même
pût dire que, sans Onésime, il n'aurait pas nous sommes consolés par là car ces chrétiens, ;

écrit,voyez comme il donne d'autres causes à ce sont nos membres. Si donc il doit y avoir
son épîlre, d'abord en parlant de la vertu de une telle concorde entre les fidèles, que ceux
Pbilémon, ensuite en l'invitant à lui préparer qui sont dans l'affliction se réjouissent par cela
un logement. « Apprenant ta charité», dit-il : seul qu'ils voient les autres éprouver de la
cela est bien plus beau et bien plus grand que consolation, combien plus ne nous réjouirions-
s'il en avait vu lui-même les effets. Car évi- nous pas, si tu nous consolais nous-même ?
demment il fallait qu'elle fût bien supérieure Et il ne dit point Parce que tu obéis, parce
:

pour connue, et qu'elle fiit


qu'elle ait été si que tu cèdes aux désirs des saints, mais :

arrivée jusqu'à lui malgré la grande distan- « Parce que tu as réjoui les entrailles des

ce qu'il y a entre Rome et la Phrygie. C'est en « saints » : ce sont des expressions plus fortes
effet en Phrygie que devait vivre Philémon ;
et énergiques on croirait qu'il parle
i>lus ,

cela ressort, suivant moi, de ce qu'il est parlé d'un enfant qui fait l'amour et la joie de ses
d'Archippe; or les Colossiens sont Phrygiens, parents. Cette tendresse, cette affection mon-
et dans l'épître qui leur est adressée, saint Paul tre iiii'il aimé passionnément par eux,
est
dit : Quand cette lettre aura été lue parmi « C'est pourquoi, bien que j'aie une grande

a vous, faites qu'elle soit lue aussi dans l'église a liberté en Jésus-Christ de te commander ce

a des Laodicéens, et vous aussi lisez celle a qui est de ton devoir.... » Voyez comme il

qui est venue de Laodicée » (Coloss. iv, 16) ;


prend garde qu'aucune des choses qu'il disait
et Laodicée est une ville de Phrygie. « Je de- même par l'effet de sa grande charité, ne
« mande», dit-il, « que la communication de puisse offenser Philémon et le rebuter. C'est
a ta montre son efficace ».
foi pouniuoi avant de dire : «De te commander»,
Remarquez-vous qu'il donne avant de rece- ce (jui est grave, (juoique cette parole, si elle

voir, et qu'avant de demander un bienfait, il est proférée par l'amour, puisse plutôt nous
en accorde lui-inêuie un bien plus grand ? rendre bienveillants, il la corrige longuement,
a Afin que la coiiununication de ta foi ait son surabondaumient jiar ces mois « Bien que :

o efficace en se faisant connaître par tout le a j'aie une grande liberté ». Par là il montre
bien qui est en vous par Jésus-Christ». que riiilémon jouit dune grande coiisidéia-
C'est-à-dire, afin que lu cultives toutes les ver- tion auprès de lui ; c'est comme s'il disait : Tu
tus, afin que rien ne te fasse défaut. La foi en nous as insjjiré une grande confiance. Ce n'est
effet est efficace lorsqu'elle se révèle par les pas tout, il ajoute encore « En Jésus-Christ »,:

œuvres « La foi qui est sans les œuvres est


: et par là il fait entendre que s'il peut lui com-

morte ». L'upôtre ne dit pas ta foi, mais : : mander, ce n'est point à cause de sa gloire ni
a La communication de ta foi » par là il s'unit ;
de sa i)uissance tlans le monde, mais en vertu
à lui, il montre qu'ils sont un seul corps, de sa foi en Jésus-(;hrist. C'est alors qu'il écrit:
et c'était le meilleur moyen de le fléchir. Si De te commander » mais cela ne le contente,

tu es mon compagnon dans la foi, dit-.M, pas, il met encore : « Ce qui est de ton
tu dois dans les autres choses.
l'être aussi « devoir», c'est-à-dire une chose qui s'accorde
a Car, mon frère, nous avons une grande avec la raison. Voyez sur combien de mo-
«joie et une grande consolation de ta charité, tifs il s'appuie : Tu rends des bienfaits aux au-
« en ce que tu as réjoui les entrailles des rends-m'en à moi aussi, et parce que
tres, dit-il,

a saints ». 11 n'y a de meilleur moyen de tou- c'estpour le Christ, et parce que c'est une
cher les hommes que de leur rappeler leurs chose conforme à lu raison, et parce i|ue c'est
bonnes actions, surtout lorsqu'on a plus de là une grâce que la charité ue refuse pas.
. ,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A PHILÉMON. - HOMÉLIE 11. 443

C'est pourquoi il ajoute « L'amour que j'ai : Christ.— «Onésimequi l'a été autrefois inu-
« pour toi fait que j'aime mieux te supplier». « tile» Voyez quelle est sa prudence, comment
.

C'est comme s'il disait : Je sais qu'en te com- il reconnaît la faute de l'esclave, et par ce moyen
mandant je ne en vain ferais pas preuve apaise la colère du maître. Je sais, dit-il,
d'une grande autorité, car d'autres ont déjà qu'il l'a été inutile, « mais maintenant il est
obtenu de toi de telles faveurs mais comme ; « bien utile et à loi et à moi ». Il ne dit pas :
la chose que je te demande me tient fort au Mais maintenant il te sera utile, car celui-ci
cœur, je te prie plutôt. Il montre deux
ainsi pourrait mais il se met lui-même en
le nier ;

choses à la fois, c'est qu'il a confiance en lui cause pour rendre dignes de foi les espérances
( du reste il lui a donné un ordre et qu'il est ) qu'il donne, et il dit « Mais maintenant il est :

grandement inquiet sur cette affaire, et c'est « bien utile et à toi et à moi ». S'il est utile
pour cela qu'il se sert de la prière « Bien . à Paul qui exige une telle diligence, il le sera
8 que je sois ce que je suis, savoir, Paul, le bien davantage à son maître.
vieux Paul » « Et lequel je te renvoie » c'est encore un :

2. Oh que de
! raisons puissantes 1 a Paul », moyen d'éteindre sa colère que de le lui livrer.
c'est-à-dire la dignité de la personne ; « le En effet, si les maîtres s'irritent, c'est surtout
vieux Paul », c'est-à-dire, le respect dû à lorsqu'on leur demande grâce pour des esclaves
la vieillesse ; et ce qui estplus touchant encore qui ne sont pas rentrés chez eux : ainsi de cet-
il ajoute : « Prisonnier de Jésus-Christ ». te manière il l'adoucit davantage. « Reçois-le
Qui ne recevrait avec des mains suppliantes a donc comme mes propres entrailles» il ne :

cet athlète couronné ? En le voyant enchaîné se contente pas de l'appeler simplement par
pour Jésus-Christ, qui ne lui accorderait mil- son nom, il ajoute des paroles persuasives
le faveurs ? Bien qu'il ait d'avance adouci plus tendres encore que le nom de fils. Il a
l'âme de Philémon par tant de raisons, il ne dit : « Mon fils» ; il a dit : « Que j'ai engen-
prononce pas encore le nom d'Onésime, mais « dré » ; c'était surtout pour montrer combien
même après de telles sollicitations il diffère , il était naturel qu'il l'aimât, puisqu'il l'avait

encore. Vous savez en effet quelle est la colère engendré au milieu des épreuves. Car que
des maîtres contre leurs esclaves fugitifs, et notre amour soit surtout très-ardent pour les
surtout comment elle grandit même chez les enfants que nous avons eus dans le malheur,
plus doux, lorsque cette fuite a été précédée c'est ce qui est manifeste, lorsque nous avons
d'un vol. C'est cette colère qu'il a essayé de échappé aux dangers, au milieu desquels nous
calmer par tout ce que nous avons vu. Après les avons engendrés. C'est ce qu'on voit dans
lui avoir d'abord persuadé qu'il devait être l'Ecriture « Malheur à Icabod », y est-il dit ;
:

prêt à lui céder en toutes choses, et avoir pré" et ailleurs, lorsque Rachel appelle Benjamin,
paré son âme à toute obéissance, alors il mon- elle dit: o Benjamin le fils de ma douleur». —
tre ce qu'il demande et il dit : « Jeté prie », et « Reçois-le donc comme mes propres entrail-

cela est élogieux pour lui, «je te prie pour « les » Il montre ainsi toute la grandeur de
.

« mon fils que


engendré dans mes liens ».
j'ai son amour. Il ne dit pas: Recouvre-le; il ne
Ces liens ont encore une grande puissance dit pas Ne t'irrite point mais « Reçois-le »,
: ; :

pour supplier. C'est ici enfin que paraît le c'est-à-dire, il est digne, non de pardon, mais
nom d'Onésime. Car il n'a pas seulement d'honneur. Pourquoi? C'est qu'il est devenu le
éteint la colère, il a encore fait naître la joie fils de saint Paul.

dans le cœur de Philémon. Je ne l'appellerais Je voulais le retenir auprès de moi afin ,

pas mon fils, senible-t-il dire, s'il ne m'était qu'il me servît à ta place dans les liens de
grandement utile. Je l'appelle du même nom a l'Evangile». Voyez- vous après combien de
que j'ai donné à Timothée. De plus, en même préparations il nous le fait paraître ici comme
temps qu'il montre son amour, il tire du devant être honoré dans la maison de .son
temps où il l'a engendré une grande exhorta- maître? Voyez encore de quelle sagesse l'apô-
tion, a Je l'ai engendré dans mes liens », tre fait preuve en ce moment. Voyez comme
dit-il c'est afin que par cela même il mérite
; il dit tout ce à quoi Philémon est tenu envers

d'être tenuen haute estime puisqu'il a été en- lui, et combien il l'honore. Tu as trouvé, dit-
gendré au milieu des combats de l'apôlre, au il à m'nidor comme tu le devais dans mes
,

milieu des épreuves qu'il a soutenues pour lo fonctions par le moyen de ton esclave. Ici il
,

m tllADL'CTION FRANÇAISE DE SAIiNT JEAN CHRYSOSTOMË.

Itioulre qu'il a eu plus de sollicitude pour le bien-aimé principalement de moi*.


frère
maître que pour le serviteur, puisqu'il lui ac- Tu un esclave pour un temps, lu
avais perdu
corde tant de respect. « Mais je n'ai rien voulu trouves un frère pour toujours, et un frère
« faire sans ton avis , afin que ce ne fût point qui n'est pas seulement le tien, mais encore
comme par contrainte, mais volontairement le mien. Cela a encore une grande force. S'il
« que tu me fisses le bien que je te propose ». est mon frère, dit-il, tu ne rougiras (>ointde
Ce qui adoucit le plus celui à qui on fait une le reconnaître toi-même pour ton frère. Ainsi
prière, c'est de lui dire qu'on pense à une en l'appelant son fils il a montré l'amour ,

chose très-utile en soi, mais cependant qu'on qu'il lui portait; en l'appelant son frère, il
n'en veut rien fairesansconsentement. De là il prouve sa bienveillance et témoigne qu'il le
résulte deux avantages, c'est que l'un y trouve regarde comme son égal.
son profit, et que l'autre est plus sûr de réus- 3. Toutes ces choses n'ont pas été écrites
sir. Remarquez encore que l'apôtre ne dit pas : sans motif; l'apôtre veut que nous maîtres, ,

Afin que ce ne fût point par contrainte, mais : nous ne désespérions pas de nos esclaves, que
« Comme par contrainte ». Je savais, semble- nous ne sévissions pas avec violence contre
t-il dire, que quand tu n'aurais pas été pré- eux, mais que nous apprenions à leur iiardon-
venu d'avance tu ne te serais pas indigné en
, ner leurs fautes il veut que nous ne soyons
;

api)renant tout à coup ce dont il s'agit j'ai : pas toujours durs, et que nous ne rougissions
mieux aimé toutefois user d'une préparation pas à cause de leur condition , de les accepter
même surabondante «afin que ce ne lût point en toutes choses comme nos compagnons, s'ils
comme par contrainte ». sont vertueux. Paul n'a pas rougi d'apjielor
« Car peut-être a-t-il été séparé de toi pour Onésime ses entrailles, son frère et son frère
B un temps afin que tu le recouvres pour tou- chéri, et nous, nous rougirions Mais qu'ai-jo 1

« jours ». 11 a eu raison de dire « Peut-êtn », : besoin de parler de Paul? Le Maître de Paul


afin que le maître cédât plus facilement. En ne rougit pas d'appeler nos esclaves ses frères,
efTtt, s'il dit : « Peut-être », c'est parce que la et nous, nous rougirions! Voyez comme le
fuite d'Onésinie aeu pour cause l'indocuiie Seigneur nous honore nos esclaves, il les :

de sou caractère, et non paS


et la perversité appelle ses frères, ses amis, ses cohéritiers :

une juste détermination. Mais il ne dit pas voilà jusqu'où descendu. Que pouvons-
il est
qu'il a fui , il dit « qu'il a été séparé »; il se nous donc faire, pour qu'on puisse dire (|ue
sert d'une expression adoucie. Encore ne dit- nous avons tout fait? Uien, absolunicut riuu :
il [vas : Il s'est séparé, mais : « Il a été séparé », car à quelque degré d'humilité que nous
connue s'il n'avait pas le dessein de s'éloigner soyons parvenus, nous avons toujours à ga-
pour telle ou telle cause. C'est ainsi que parle gner plus que nous n'avons acquis. Faites
Josrph pour défendre ses frères « Car Dieu : attention en elTct tout ce que vous pouvez
:

« m'a envoyé ici », c'est-à-dire, il a fait tour- faire, vous le faites pour des compagnons
ner à bien leur méchanceté. « Il a été séparé d'esclavage; mais ce que votre Maître a fuit,
« pour un temps » ainsi il : rédiiit le temps, il l'a fait pour vos esclaves.

il confesse la faute, et il attribue tout à la di- Flcoulez et tremblez que jamais l'humilité :

vine Providence, o Afin que tu le recouvres ne vous inspire des sentiments d'orgueil. Ces
« pour toujours », c'est-à-dire, afin que tu le paroles peut-être vous font rire quoi! l'hii- :

recouvres non-seulement dans celte vie, mais mililé nous rend orgueilleux Ne vous en ! —
dans l'autre, non plus comme un esclave, étonnez pas elle enorgueillit, à moins qu'elle
:

mais comme étant au-dessus d'un esclave ne soit sans fard. Conunent et de quelle ma-
puisque, tout en restant esclave, il aiu-a pour nière? C'est lorsque par l'humilité nous re-
toi plus d'amour qu'un frère. Ainsi il lire cherchons les louanges des hommes et nun
parti et supputation du temps et de la
de la celles de Dieu c'est quand nous somiiies
;

dignité d'Onésinie, car, dit-il, par la suite il humbles pour qu'on nous loue et que nous
ne s'enfuira plus o Afin que tu : le recouvres ayons une haute idée de nous-mêmes cela :

pour toujours », vous le voyez : o Que tu le en effet vient du diable. Il y a des hommes
« recouvres », et non pas ; Que tu le reçoives. qui par cela même qu'ils recherchent une
,

8 Non plus comme un esclave, mais comme gloire qui ne soit pas vaine, aiment la fausse
«étant au-dessus d'un esclave, comme un gloire ; et de même il y en a qui, au moment
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL A PHILÊMON. - HOMÉLIE II. 448

où ils s'humilient, s'enorgueillissent parce dont ils fussent indignes? Ils se sont livrés
qu'ils ont des sentiments de fierté. Par exem- eux-mêmes pour être jetés dans la fournaise,
ple ,vous vient un de vos frères ou même
il ils ont été emmenés captifs à Babylone pour
de vos esclaves, vous le recevez, vous lui la- lespéchés des autres car pour eux ils étaient ,

vez les pieds, et aussitôt pleins d'orgueil, nous encore très-jeunes, et toutefois ils ne murmu-
avons fait, dites-vous, ce que personne ne fait, raient pas, ils ne s'irritaient pas, ils ne disaient
nous avons rempli un devoir d'humilité. Mais pas Quel avantage avons-nous donc à servir
:

comment donc pourrait -on rester humble? leSeigneur? A quoi nous a-t-il servi de l'ado-
Qu'on se souvienne du précepte de Jésus- rer? Celui-ci est impie, et il a été fait notre
Christ Quand vous aurez fait toutes les
: ot maître. Nous sommes châtiés par un idolâtre
choses qui vous sont commandées dites , : au milieu d'idolâtres nous avons été emme- ;

« Nous sommes des serviteurs inutiles » . (Luc, nés en captivité nous avons perdu notre pa- ;

xvii, 10.) Ecoutez encore l'apôtre, qui a été le trie, notre hberté, tous les biens de nos pères;
précepteur de tout le genre humain « Pour : nous avons été faits prisonniers et esclaves, et
« moi », dit-il, «je ne me persuade pas d'avoir nous servons un roi barbare. Ils n'ont rien dit
« atteint le but ». (Philipp. m, 13.) Celui qui de semblable et que disent-ils donc? « Nous
,

a la ferme croyance que ,


quoi qu'il ait fait , il « avons péché nous avons vécu dans l'ini-
,

n'a rien fait de remarquable , celui qui ne « quité ». Ensuite, lorsqu'ils prient, ce n'est
pense jamais qu'il soit arrivé au but, celui-là pas pour eux, c'est pour les autres. « Tu nous
seul peut être humble de cœur. L'humilité a a as livrés », disent-ils, « à un roi très-cruel

enorgueilli beaucoup de personnes ne souf- : a et très -méchant ». Voyez encore Daniel;


frons pas qu'elle produise le même effet sur jeté dans la fosse aux lions, il dit « Dieu s'est
:

nous. Vous avez montré de l'humilité dans a souvenu de moi ». (Dan. xiv, 37.) Comment
telle circonstance? Ne vous en faites pas gloire, ne s'en serait-il pas souvenu, ô Daniel, puis-
sinon vous perdrez tout le fruit de votre ac- que tu l'as glorifié devant le roi en disant :

tion. Tel était le pharisien : il se glorifiait de « Ce secret m'a été révélé, non point par quel-

donner aux pauvres la dîme de ses biens, et il que sagesse qui soit en moi? » (Dan. ii, 30.)
la donnait en pure perte. Il n'en fut pas de Aussi lorsque tu étais jeté dans la fosse aux
même du publicain. Ecoutez saint Paul : il lions pour n'avoir pas voulu obéir à un ordre
dit encore : « Je ne me sens coupable de rien, impie comment ne se serait-il pas souvenu
,

«mais pour cela je ne suis pas justifié ». de toi? Il s'en est souvenu en effet, et pour
(I Cor. IV, Voyez- vous comment, bien loin
4.) cela même. N'as-tu donc pas été livré aux
de se surfaire, il se rabaisse et s'humilie de lions à cause de lui ? C'est vrai dit-il, mais — ,

toutes les manières, et cela, lorsqu'il avait j'ai de grandes dettes envers le Seigneur. —
atteint le faîte de la vertu ? Si Daniel parle ainsi après avoir fait preuve
Et ces trois jeunes gens, qui étaient envi- de tant de vertu , nous autres que dirons- ,

ronnés de flammes au milieu de la fournaise, nous donc? Mais écoutez encore David a Que :

que disaient-ils? « Nous avons péché et nous a s'il me dit Je ne prends point de plaisir en
:

a avons partagé l'iniquité de nos pères ». a toi ;


qu'il fasse de moi ce qu'il lui
me voici ,

(Dan. III, 29.) C'est là ce qu'on peut appeler «semblera bon » (11 Rois, xv, 25); et cepen-
avoir un cœur contrit. Aussi pouvaient- ils dant il aurait pu rapporter mille bonnes ac-
dire « Mais que la contrition de notre cœur
: tions qu'il avait faites. Héli dit aussi : a C'est

«et l'humilité de notre esprit nous fassent «l'Eternel, qu'il fasse ce qui lui semblera
trouver grâce ». Ainsi après avoir été jetés ,
a bon ». (1 Rois, m, 18.)

dans la fournaise ils se montrèrent humbles


, Les esclaves de Dieu doivent montrer
4.

et même plus humbles qu'avant. Car lors- leur sagesse en s'en rapportant à lui pour
qu'ils eurent vu le miracle qui s'accomplit en toutes choses, non-seulement lorsqu'ils reçoi-
leur faveur, la pensée qu'ils étaient indignes vent des bienfaits mais même au milieu des ,

d'être sauvés, les conduisit à l'humilité. N'est- châtiments et des supplices. En effet, nous
ce pas, en effet, lorsque nous avons la persua- permettons aux maîtres de frapper leurs ser-
sion d'avoir reçu de grands bienfaits sans les viteurs car nous savons qu'ils les épargne-
,

mériter, que nous nous sentons le plus con- ront, puisqu'ils leur appartiennent ne serait- :

trrstés?Et cependant quel bienfait ont-ils reçu il donc pas absurde de croire que Dieu nou?
Ué TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË;

châtie nous épargner ? Ecoulez saint


sans toujours pour nous, et que, tout ce qu'ils ont,
Paul : que nous vivions, soit que nous
Soit ils l'aient pour nous mais celui qui lorsque
: ,

«mourions, nous sommes au Seigneur », nous n'étions pas, nous a tirés du néant, celui
(Rom. XIV, 8.) II ne veut pas, dit-il, diminuer qui nous a rachetés de son sang précieux, n'a-
ses richesses, il sait comment il punit, et ceux t-il pas bien plus de droits à exiger de nous la

qu'il châtie, ce sont ses propres esclaves. Per- même chose? Il a donné pour nous un prix
sonne ne nous épargne plus que celui qui, qu'un père ne consentirait pas à donner même
lorsque nous n'étions pas encore, nous a fait pour son fils il a répandu son propre sang
:

sortir du néant, qui nous envoie les rayons du Aussi quand nous aurions des milliers de vies
soleil, qui nous accorde la pluie, qui inspire à lui donner en retour, les choses seraient-
notre âme et qui nous a donné son Fils pour
, elles égales ? Nullement. Pourquoi ? Parce
nous racheter. qu'il a agi ainsi sans nous rien devoir, parce
Voilà ce que je voulais dire, et si j'ai dit que tous ses bienfaits sont un pur effet de sa
toutes ces choses, c'est pour que nous soyons grâce, tandis que nous, au contraire, nous
humbles comme il le faut, modérés comme il sommes déjà ses débiteurs. Il était Dieu et
le faut, et que nous ne trouvions pas dans s'est fait esclave, il était immortel et il s'est
cette conduite une occasion de nous enor- soumis à la mort en s'incarnant; mais nous,
gueillir. Tu es humble et plus humble que quand nous ne lui abandonnerions pas notre
tous les hommes. Que ce ne soit pas un mo- vie, la loi de la nature ne nous en forcerait
tif pour te gloriûer toi-même et pour accuser pas moins à l'abandonner un jour quelques :

les autres, sinon toute la gloire s'évanouira. moments après nous la quitterions malgré
Pourquoi dois-tu être humble? C'est pour évi- nous. Je ferai le même raisonnement pour
ter l'insolence mais si ton humilité t'y fait
, les richesses quand nous ne les donnerions
:

tomber, il eût mieux valu n'être pas humble. pas en son nom, la nécessité et la mort nous
Voici eu effet ce que dit l'ajôtre « Le péché : contraindraient bientôt à les rendre. Il en est
a m'a causé la mort par le bien, afin que le de même encore pour l'humilité quand nous :

a péché fût rendu par le commandement ne nous humilierions pas pour lui les afflic- ,

«excessivement péchant ». (Rom. vu, 43.) tions, les malheurs, les ordres des tyrans nous
Que vient la pensée de l'admirer toi-
s'il te humilieraient assez.
même pour ton humilité, pense jusqu'où Voyez-vous combien grande est la grâce qu'il
Jésus a poussé celte vertu, et lu ne t'admire- nous a faite ? Il ne dit pas Que font donc de :

ras pas plus longtemps tu ne te donneras , si grand ces martyrs? Quand ils ne mourraient

plus déloges, lu te riras de toi-même comme pas pour moi, ils n'en mourraient pas moins
d'un homme qui n'est encore arrivé à rien. bientôt. Non, mais il leur sait grand gré de
Persuade-toi bien que tu es son débiteur en vouloir bien quitter de leur propre mouve-
toutes choses; et quoi que tu fasses, rappelle- ment que la loi de la nature leur en-j
cette vie,
toi cette parabole o Quel est celui d'entre
: lèverait ensuite malgré eux. II ne dit pas :
o vous qui, ayant un serviteur, lui dise incon- Que font donc de si grand ceux qui donnent
« tinent : .\vance-loi et mets-toi à table; et qui toute leur fortune en aumônes? malgré eux il
« plutôt ne lui dise : Reste là, et prépare-moi faudra bien qu'ils les quittent. Non, mais il
« d'abord à souper ? » (Luc, xvu, 7.) Sommes- leur sait grand gré de cela, et il ne rougit pas
nous reconnaissants à nos esclaves de ce qu'ils d'avouer devant tout le monde, que lui le ,

nous servent? Nullement. Pour Dieu au con- Seigneur, il a élé nourri par des esclaves. En
traire, il nous sait gré non pas de ce que nous effet, c'est la gloire du maître que d'avoir des
le servons, mais de ce que nous faisons ce qui esclaves reconnaissants; c'est la gloire du maî-
nous est utile. Néanmoins n'agissons pas avec tre que aimé de ses esclaves c'est
d'être ainsi ;

l'idée qu'il nous sait gré de nos vertus, et la gloire du maître que de pouvoir se servir
comme si nous voulions qu'il nous en sût gré de leurs biens comme des siens ; c'est la gloire
encore davantage croyons que nous acquit-
, du maître que de ne pas rougir d'avouer pu-
tons une dette; car c'est bien en effet une bliquement qu'il en est ainsi. Que cette im-
dette, et tout ce que nous faisons nous le de- mense charité du Christ nous inspire donc le
vons. Voilà des esclaves que nous avons ache- plus grand respect et le plus ardent amour,
lv8 à prix U'argeatj nous vouloae qu'ils vivent Si humble, si nul que soit un homme, du mo*
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE DE SAINT PAUL A PHILÉMON. -- HOMÉLIE Ilî. U1
mont que nous savons qu'il nous aime, nous à lui, mais à nous que nous les offrions. Telle
nous embrasons d'une belle flamme pour lui, est en effet la loi de l'amour. Les amants
et nous en faisons le plus grand cas. Ains" troient qu'on leur accorde toutes les faveurs,
nous l'aimerons, et lorsque notre Maître su- lorsqu'ils peuvent souffrir pour ceux qu'ils
prême nous porte tant d'amour, nous restons aiment. Ayons donc aussi ces sentiments à l'é-
froids Ne soyons pas, je vous en prie, ne
I gard de notre souverain Maître, afin que nous
soyons pas aussi insouciants , lorsqu'il s'agit ayons notre part des biens éternels en Jésus-
du salut de nos âmes. Aimons-le de toutes nos Christ Nutre-Seigneur qui partage la gloire
forces, et pour l'amour de lui donnons tout, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et
la vie, la fortune, la gloire avec joie, avec toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi
plaisir, avec ardeur, comme si ce n'était pas soit-il.

HOMELIE III.

SI DONC TU ME TIENS POUR TON COMPAGNON, REÇOIS-LE COMME MOI-MÊME. QUE S'iL t'a FAIT QUELQUE
TOUT, OU s'il te doit QUELQUE CHOSE, MtLS-Li;-.UOI EN COMPTE MOI, PAUL, J Al ÉCiUT CECI DE MA :

PROPRE MAIN, JE TE LE PAYERAI, POUR NE PAS TE DIRE QUE TU TE DOIS TOI-MÊME A MOI. (17, 18,
19, ETC.)

Analyse,
t. Si Onésime a fait quelque tort à son maître, je me porte caution pour lui, dit graciensement saint Paul.
2. De la miséricorde de Dieu, qui est inséparable de sa justice. — Que Dieu, dans sa bonté,
nous fait des menaces ponr noM
reteuic. — Mais si nous regardons ces menaces comme de simples paroles, nous en éprouverons la vérité.

1. Il n'y a pas de meilleur moyen pour per- déjà dépensé ),place ici ces mots :
l'apôtre
suader que de ne pas demander tout à la fois. Que quelque tort ». Il ne dit pas
s'il t'a fait :

Voyez en effet après quels éloges, après quelle « S'il t'a volé »; quoi donc ? « S'il t'a faitquel-
longue préparation l'apôtre ose enfin écrire « que tort ». Ainsi il avoue la faute, non toute-
ces paroles. Après avoir dit C'est mon fils, : fois comme une faute d'esclave, mais comme
mon compagnon dans les liens de l'Evangile, la faute d'un ami envers un ami, en se ser-
mes entrailles, reçois-le comme un frère, re- vant plutôt du mot a tort » que du mot «vol».
garde-le comme un frère , il ajoute ici : « Mets-le-moi en compte », c'est-à-dire, re-
«Comme moi-même». Et Paul n'en rougit garde cela comme une dette que je contracte
pas. Celui en effet qui ne rougit pas d'être envers toi, « je te le payerai ». Il dit même
appelé l'esclave des fidèles, et qui même se avec une grâce spirituelle : « Moi, Paul, j'ai
reconnaît hautement pour tel, peut à bien a écrit ceci de ma propre main ». Cela est tout
plus forte raison ne pas redouter d'écrire ces à la fois persuasif et gracieux : si Paul ne se
mots. Maintenant que dit-il? le voici : Si tu refuse pas à donner caution pour Onésime,
as les mêmes sentiments que moi, si tu pour- Philémon ne se refusera pas à le recevoir. Par
suis le même but, si tu crois à mon amitié, ce moyen il agit puissamment sur l'âme du
reçois-le comme moi-même. maître, et il délivre l'esclave de toute pertur-
a Que s'il t'a fait quelque tort » voyez
•.
bation. B De ma propre main », dit-il ; il n'y
dans quel endroit de l'épître et dans quel mo- a rien de plus tendre que ces entrailles de
ment il lui parle du tort qui lui a été fait; c'est père, rien de plus inquiet, rien de plus zélé.
tout à fait à la fin, et après avoir déjà parlé Voyez de quelle sollicitude il est plein pour
longtemps d'Onésime. Comme ce sont surtout un seul homme a Pour ne pas te dire que lu
:

les pertes d'argent qui sont les plus sensibles ate dois toi-même à moi » Comme il eût paru .

aux hommes, pour que Piiilémon ne puisse faire injure à celui qu'il priait, s'il n'avait pas
passe plaindre à ce sujet (et il est probable osé le supplier pour un vol, et s'il avait déses»
eQ effet que ce qu'on lui avait dérobé était néré de réussir, il lui adresse , pour éviief
,

448 Traduction française de saint jean chrysostome.

cela, ces paroles adoucies « Pour ne pas te : son retour il connaîtrait parfaitement l'élat
a dire que tu le dois toi-même à moi ». Il ne des choses, ils perdissent tout souvenir du tort
dit pas seulement Tes biens, mais « Toi- : : qui leur avait été montrassent plus
fait, et se

« même». S'il parle ainsi, c'est un effet de son bienveillants. C'était une grande grâce, un
affection, conforme aux lois de l'amilié,
il se grand honneur que d'avoir Paul chez toi, et
il indique qu'il a en Philémon une grande Paul à un tel âge , et Paul après sa sortie de
confiance. Voyez- vous comme partout il prend prison 1 D'autre part nous avons un témoi-
soin et de montrer une grande sollicitude gnage de l'amour que cette maison lui por-
pour Onésime dans ses demandes, et d'empê- tait, car l'apôtre dit qu'ils priaient pour lui, et
cher que cela ne paraisse une marque de dé- il accorde un grand prix à leurs prières. En
fiance pour Philémon? effet, bien que je sois environné de dangers,
a Oui, mon frère ». Que faut-il entendre vous me verrez, si vous priez.
dit-il,

par ces mots : «Oui, mon frère? » Reçois-le Epaphras qui est prisonnier avec moi en
«
dit-il, car c'est là ce qu'il faut sous-entendre. « Jésus-Christ, te salue » il avait été envoyé :

Il laisse ici de côté le gracieux pour revenir à chez les Colossiens et c'est une nouvelle ,

son sujet, aux choses sérieuses. Du reste ce , preuve que Philémon était de ce pays. Il
qu'il vient de dire est sérieux aussi, car tout l'appelle son compagnon de captivité et mon-
ce qui sort de la bouche des saints est sérieux tre par là qu'il était dans une grande afflic-
bien que de temps en tcm|is ils puissent em- tion; de sorte que quand il ne l'aurait pas
ployer les grâces du discours. « Oui , mon écouté par amour pour lui-même, il auraitdû
frère, que je reçoive ce plaisir de toi en No- le faire par affection pour celui-ci. Car celui
Ire-Seigneur ; réjouis mes entrailles en qui est dans l'affliction et qui néglige ses pro-
Notre-Seigneur » c'est-à-dire accorde la : pres intérêts pour s'occuper de ceux des au-
grâce que je te demande, non pas à moi, tres, doit être écouté. En outre , c'est encore
mais au Sei^'neur. Par a mes entrailles », il un moyen de l'exhorter; en effet si l'un de
veut dire Les enlrailles de père que j'ai pour
: ses concitoyens est devenu le compagnon de
toi.Quel rocher ne se laisserait fléchir par ces l'apôtre dans ses fers et dans ses tourments,
paroles? Quel monstre ne su laisserait adoucir comment Philémon refuserait-il d'accorder à
par elles, et ne se préparerait à recevoir Oné- son esclave la grâce qu'on lui demande ?
sime avec une véritable tendresse? Après lui Saint Paul ajoute o Prisonnier avec moi en:

avoir reconnu de si grandes vertus, il necr;iint «Jésus-Christ », c'est-à-dire, pour Jésus-


pas de s'excuser une seconde ne lui dit fois. Il Christ. « Ainsique Marc, et Aristarque, et Dé-
pas simplement de l'excuser, ne le lui com- il « mas, et Luc mes aides et mes compagnons».
mande pas il ne montre pas de présomp-
, Pourquoi parle-t-il de Luc en dernier lieu
tion, il s'exprime ainsi n Je t'ai écrit, élant : lorsqu'il dit Luc est seul avec
ailleurs : «
« persuadé de ton obéissance ». Ce qu'il avait a moi? » Et Démas,
un de ceux qui
dit-il, est
dit au début « Bien que j'aie une grande li-
: m'ont abandonné et qui ont aimé le présent
M berlé en Jésus-Christ de te commander », siècle. (11 Tini. iv, H, 9.) Bien que ces phra-
il le répète ici au moment de sceller sa lettre. ses soient d'une autre épître, il ne faut pas les
— Et sachant que tu f ras même plus que je laisser passer sans discussion, ni les entendre
o ne te dis » c'est encore un moyen de l'exci-
: sans attention. Comment peut-il dire que celui
ter que de lui dire cela. Car n'eùl-il pas fait qui l'a abandonné salue Philémon ? Car « pour
plus, au moins il aurait eu honte de ne pas a Eraste », dit-il, a il est resté à Corinlhe ».
faire autant qu'il lui était demandé, lorsque (II Tim. IV, 20.) Il ajoute Epaphras parce qu'il
saint Paul avait de lui cette idée qu'il ferait était connu de Philémon et qu'il était de la
plus qu'il ne lui disait. même ville, et Marc, à cause de son grand
« Mais aussi en même temps prépare-moi mérite : mais pourquoi met-il aussi Démas?
« un logement, car j'espère que je vous serai Peut-être qu'il se relâcha lorsqu'il vit autour
a donné par vos prières ». Ces parob s mon- de lui mille dangers, et c'est ainsi que Luc
trent une grande confiance, mais c'était bien qui était le dernier serait devenu le premier.
plus encore dans
d'Onésime qu'il l'intérêt Il salue Philémon de leur part pour l'exhorter
parlait ainsi; il voulait que ses maîtres ne avec plus de force à l'obéissance, et il les ap-
fufseut pas négligents et que sachant qu'à pelle ses coopérateurs pour le forcer par Ci?
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT t»AUL A PHILÉMON. — HOMÉLIE III. 449

moyen à prêter toute son attention à la de- a nous parce que nous ne sommes point sous
mande qui lui est faite, s La grâce de Notre- mais sous la grâce ? A Dieu ne plaise »
a la loi, I

« Seigneur Jésus-Christ soit avec ton esprit. (Rom. VI, 2, 15.) Le baptême t'a délivré de tes
« Ainsi soit-il ». fautes, mais c'est pour que tu ne retombes
2. C'est une prière qui termine cette lettre; plus dans le même péché. Ainsi les médecins
or la prière est un grand bien, un bien salu- qui soignent la fièvre, nous délivrent de son
taire, un bien qui garde nos âmes. C'est un ardeur brûlante, non pas afin que nous abu-
grand bien mais lorsque nos actions sont
, sions de nos forces pour retomber dans le mal
dignes de lorsque nous ne nous ren-
la prière, et le désordre (car il vaudrait mieux rester
dons pas nous-mêmes indignes d'elle. Lors malade que de ne sortir de maladie que pour
donc que tu auras été trouver un prêtre et y retomber d'une manière plus fâcheuse), mais
qu'il t'aura dit Mon fils, Dieu aura pitié de
: afin que, connaissant par expérience notre fai-
toi,ne mets pas ta confiance dans cette parole blesse, nous prenions plus de soin de notre
seulement, mais applique -toi aux œuvres, santé, et que nous fassions tout ce qui peut
rends -toi digne de la miséricorde de Dieu. lui être utile.
Dieu te bénira, mon fils, si par tes actions tu Où est donc, diras-tu, la bonté de Dieu, s'il
mérites d'être béni il te bénira, si tu as de la
; ne veut pas sauver les méchants ? Ce que—
compassion pour ton prochain, car ce que nous j'ai entendu souvent dire par bien des bouches,

voulons obtenir de Dieu, nous devons d'abord c'estque Dieu est bon, et il nous sauvera tous
l'accorder à autrui, mais si nous en privons sans exception. Mais pour que nous ne nous
les autres, comment voulons-nous l'obtenir ? trompions pas nous-mêmes inconsidéicment,
a Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils je vais tenirune promesse que je me rappelle
a trouveront miséricorde ». (Matth. v, 7.) Si vous avoir faite à ce propos, et débattre au-
en effet il y a des hommes qui ont pitié des jourd'hui même de\ant vous.
cette question
infortunés. Dieu aura plus de miséricorde en- Il n'y a pas longtemps je vous parlé de l'eu-
ai

core pour eux-mêmes mais il n'en sera pas ; fer, et je me suis réservé de vous parler une

ainsi pour ceux qui n'auront pas eu pitié. autre fois de la clémence de Dieu voici le:

Car le jugement sera sans miséricorde pour moment opportun pour tenir une promesse.
« ceux qui n'auront pas été miséricordieux ». Que l'enfer soit éternel, c'est, je crois, ce que
(Jac. XI, 15.) C'est une bonne chose que la mi- nous avons sans doute suffisamment démontré
séricorde pourquoi donc ne l'accordes-tu pas
: par l'exemple du déluge et des maux qui ont
aux autres? Veux-tu qu'on te pardonne lorsque frappé les premiers hommes nous disions
:

tu as fait un faute? Pourquoi donc ne pardon- qu'il n'était pas possible que le Dieu qui a
nes-tu pas à celui qui a péché? Quoi tu t'ap- I montré alors cette rigueur, laissât iin|iiinis les
proches de Dieu pour lui demander le royaume coupables qui vivent en ce moment. Car s'il a
des cieux, et toi, lorsqu'on te demande de l'ar- infligé ces châtiments à ceux qui ont péché
gent, tu n'en donnes pas Si donc nous n'ob- 1 sous la loi, il ne laissera pas sans punition
tenons pas miséricorde, c'est parce que nous ceux qui, sous le règne de la grâce, ont com-
ne sommes pas miséricordieux. mis des fautes bien [ilus grandes encore. Nous
Pourquoi? diras-tu car ce serait un effet de
: nous demandions donc comment sa bonté,
la miséricorde de Dieu que d'avoir pitié de comment sa clémence s'accorde avec les châti-
ceux mêmes qui sont sans pitié. Ainsi celui ments qu'il inflige et nous avons remis ce point
;

qui montre de la bienveillance à un homme à un autre jour, pour ne pas fatiguer vos oreilles
cruel, farouche, qui a causé mille maux au par la longueur de notre discours. Payons au-
prochain, celui-là pourrait être appelé misé- jourd'hui notre dette et montrons comment
ricordieux? —
Pourquoi non, dis-tu? est-ce Dieu est bon lors même qu'il punit. Ce discours
que baptême ne nous sauve pas malgré les
le pourrait encore nous être utile pour réfuter
mille fautes que nous avons commises ? — les hérétiques prêtons-y donc toute notre at-
:

Nous en avons été délivrés, oui, mais ce n'est tention.


pas pour que nous recommencions à pécher, Dieu nous a créés sans avoir aucunement
c'est pour que nous ne péchions plus « Si : besoin de nos services qu'il n'en ait nul be-
;

a nous sommes morts au péché, comment y soin, c'est ce qu'il a montré en nous créant si
« vivrons-nous encore ? Quoi donc pécherons- 1 tard ; car s'il eût eu besoin do nous, il nous

S. J. Ch. — Tome XI. 29


iso •IRADlîCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

aurait créés longtemps auparavant. Mais s'il même une guerre servile, et cela sans que les
était tout hii-mème sans nous, et si nous n'a- maîtres emploient la menace ou le châtiment,
vons été créés que longtemps après, c'est qu'il sans qu'ils se vengent, sans qu'ils les affligent
nous a créés sans nul besoin. 11 a fait pour même en paroles, croyez-vous que ce serait
nous le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui de bonté? Moi je dis que ce serait une ex-
la

existe. Ne sont-ce point là , dites-moi , des trême cruauté, non-seulement parce que cette
preuves de sa bonté ? Certes, on pourrait s'é- inopportune bonté exposerait la femme et les
tendre longuement sur ce sujet, mais ^our enfants du maître, mais encore parce que les
nous resserrer, citons seulement ces paroles : esclaves eux-mêmes se perdraient avant de
a II fait lever son soleil sur les méchants et perdre les autres. Ils s'adonneraient au vin,
« sur les gens de bien, il envoie sa pluie sur ils seraient débauchés, impudiques, et plus
« les justes et sur les injustes». (Matth. v, 35.) déraisonnables que les bêles. Est-ce faire
N'est-ce point là de la bonté? — Non, me dira- preuve de bonté, dites-moi, que de fouler aux
t-on. El en effet je me rappelle qu'un jour je pieds les nobles sentiments des âmes, que de
demandais à un marcionile si ce n'était point les perdre eux et nous avec eux? Voyez-vous
là de la bonté, et qu'il me répondit : S'il ne maintenant que c'est être bon que de nous
nous demande pas compte de nos péchés, il est demander compte de nos péchés. Mais pour-
bon, mais il ne l'est pas^ s'il nous en demande quoi parler des esclaves? Un homme libre a
compte. Cet hérétique n'est pas ici, mais je des fils qu'il leur permette de tout oser, sans
:

vais rapporter ce que j'ai dit alors, et j'en dirai les punir; dites-moi, ne deviendront-ils pas
plus encore : car j'ai plus de raisons qu'il n'en pires que les plus pervers? Ainsi, lorsque
faut pour montrer qu'il ne serait pas bon, s'il parmi les hommes, punir c'est être bon, ne
ne nous demandait pas compte de nos fautes, pas punir c'est être cruel, n'en sera-t-il pas de
et que, par cela même qu'il en demande même pour Dieu ? C'est donc parce qu'il est
compte, il est bon. Diles-moi. je vous prie, bon qu'il a préparé d'avance pour les cou-
.
'.,
i)(demandait pas compte de nos pé-
iiiius pables les peines de l'enfer.
chés, est-ce que notre vie serait encore une Voulez-vous que je vous montre encore un
vie humaine ? Ne descendrions-nous pas au autre effet de sa bonté? Il est bon non-seule-
rang des bêtes? En effet, lorsque, en dépit de ment parce qu'il tient prêt l'enfer, mais encore
la crainte toujours présente d'avoir à rendre parce qu'il ne souffre pas que les gens de bien
nos comptes et d'être jugé au dernier jour, deviennent méchants. Si en effet tous les hom-
nous l'emportons sur les monstres marins, en mes obtenaient la même récompense, tous se-
nous dévorant les uns les autres, sur les lions raient méchants; mais il n'en est pas ainsi, et
et les loup? en nous ravissant les biens les uns c'est une grande consolation pour ceux qui
des autres que serait-ce donc si Dieu n'exigeait
; sont vertueux. Ecoutez en effet les paroles du
plus de nous aucun compte, et que nous en prophète a Le juste se réjouira quand il aura
:

fussions persuadés? De quelle confusion, de « vu la vengeance, il lavera ses mains au sang


quel trouble notre vie ne serait-elle pas pleine ? « du méchant ». (Ps. lvii, 10.) Ce n'est pas
ûue fameux labyrinthe dont parle la
serait ce que le châtiment le fasse bondir de joie, non,
fable, en comparaison du désordre qui régne- mais craignant de souffrir les mêmes peines,
rait dans le monde? Ne verrions-nous pas il corrigera sa conduite. Cela prouve donc en-

mille iniquités, mille dérèglements? Qui au- core une grande sollicitude pour nous. —
rait encore du respect pour son père, des Soit, dira-l-on, mais il suffisait de menacer, et
égards pour sa mère ? Est-il un seul plaisir, et il ne faudrait pas punir. —
Lorsqu'il punit,
un seul vice dont on voulût s'abstenir? Je tu prétends que ce ne sont que des menaces,
n'exagère pas, et j'essaierai de vous le prou- et tu t'en autorises pour être indifférent s'il :

ver par l'exemple d'une seule maison. n'y avait en réalité que des menaces, ne de-
Vous, qui mettez en question cette vérité, viendrais-tu pas plus tiède encore? Les habi-
TOUS avez des esclaves; eh bien, si je leur per- tants de Ninive n'eussent point fait pénitence,
suadais (|u'ils peuvent secouer le joug, se por- avaient su que Dieu s'en tiendrait aux
s'ils me-
ter aux derniers outrages sur le corps de leurs naces; mais comme ils firent pénitence, ils
maîtres, emporter tous vos biens avec eux, arrêtèrent le bras du Seigneur. Veux-lu donc
bouleverser tout de fond en comble, engager qu'il n'y ait que des menaces? Cela est en Iqq
COMMENTAIRE SUR L'IiPlTRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX. - ARGUMENT. 4bl

pouvoir, fais des progrès dans la vertu, et la que la bonté de Dieu fasse que, ramenés à plus
menace n'aura pas mais si, ce
d'autre effet, de sagesse, nous obtenions les biens ineffables
qu'à Dieu ne plaise, tu méprises les menaces, du royaume éternel. Puissions-nous tous nous
tu connaîtras la punition dont tu étais menacé. en montrer dignes par la grâce et le bienfait
Si les hommes d'avant le déluge avaient re- de Noire-Seigneur Jésus-Christ qui partage
douté ce dont ils étaient menacés, ils n'auraient avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire, la

pas élé châtiés. De même pour nous, si nous puissance et l'honneur, maintenant et tou-
craignons les menaces nous ne serons pas
, jours , et dans les siècles des siècles. Ainsi
punis. Ah I puissionsrnous ne pas l'être, et soii-ii.

Traduit par It. B. A.

COMMENTAIRE DE SAINT JEAN GHRYSOSTOME

SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX,


PUBLIÉ APRÈS SA MORT, D'APRÈS SES NOTES, PAR CONSTANTIN, PRÊTRE D'ANTIOCHE.

ARGUMENT.

Analyse»
Pourquoi Paul, étant juif, n'a-t-il pas élé envoyé vers les juifs. — Pourquoi, à quelle époque et à quelle occasion a-t-i, ^ril
une épître aux llébrtuxî

Le bienheureux Paul écrit aux Romains : « Tant étaient précisément autant de titres à Ifur anti-
« que je serai l'apôtre des gentils, j'honorerai pathie. Cette antipathie. Dieu la counais.sait da-
« mon ministère, en tâchant d'exciter de Témula- vauce; il savait que Paul ne serait pas accueilli
« lion dans ceux qui me. sont unis selou la chair » par Il lui dit donc
les juifs. « Va trouver lesgen-
:

(Rom.xt, 13, 14) ; et ailleurs encore «Celui


il dit : « tils,car les juifs ne recevront pas le témoignage
« qui a agi efficacement dans Pierre, pour le rendre « que tu leur rendras de moi ». (Act. xxii, 18.) Il
« apôtre des circoncis, a aussi agi eflicacementen répondit :« Seigneur, ils savent eux-mêmes que
« moi pour me rendre l'apôtre des gentils ». (Gai. « c'était moi qui mettais en prison et qui faisais

II, 8.) Donc il était l'apôtre des gentils, ce qui ré- « fouetter dans les synagogues ceux qui croyaient

sulte des Actes des apôtres oii Dieu lui dit « Va, : « en vous, et que lorsqu'on répandait le sang de
« je vais l'envoyer bien loin chez les gentils ». « votre martyr Etienne, j'étais présent,je consentais
(Act. XXII, 21.) Qu'avait-il de commun avec les « à sa mort et je gardais les vêlements de ceux qui
Hébreux? Pourquoi cette épitre qu'il leur adresse, « le lapidaient ». (Ibid. xix, 20.) Il veut montrer
lui surtout qui leur inspirait une haine évidem- et prouver par là qu'on ne croira pas à sa parole.
ment prouvée par plusieurs passages ? Ecoulez ce Car il en est ainsi une nation se voit-elle aban-
:

que lui dit Jacques « Tu vois, frtre, combien de


: donnée par un homme infime et de nulle valeur,
« milliers de juil's ont cru, eh hieu ils ont tous en-
! cet abandon ne lui tait pas grand'peine. Mais si le
« tendu dire que tu leur prêches l'apostasie de la transfuge est un homme distingué et brûlant de
« loi » (XXI, 20, 21) et bien des questions lui fu-
: zèle qui partageait autrefois ses idées, cet aban-
rent souvent adressées à ce sujet. don est pour la nation entière un chagrin, un tour-
Pourquoi donc, dira quelqu'un, versé comme il ment, c'est une atteinte grave portée à ses dogmes.
était dans la loi, en disciple élevé aux pieds de Il y avait encore une chose
qui pouvait rendre les
Gamaliel, pourquoi transporté comme il était du juifs incrédules. Pierre et les autres avaient vécu

zèle de cette loi, et capable par conséquent de avec le Christ ; ils avaient été témoins de ses pro-
confondre ses adversaires, n'a-t-il pas été envoyé diges et de ses miracles; mais, pour Paul, rien da
par Dieu aux juifs? C'est que toutes ces qualités tout cela n'avait eu lieu. C'était un transfuge qui,
tn« TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CllRYSOSTOME.

après avoir été avec les juifs, était tout ;l coup « Ils nous recommandèrent seulement de nous
liasse dans notre camp, ce qui avait donné beau- « souvenir des pauvres, ce que j'ai eu aussi grand
coup de force à notre doctrine. Les autres pou- « soin de faire ». C'est la même sollicitude qui le
vaient passer pour des témoins complaisants qui guide (Gai. ii, 10) ; c'est elle encore qui lui dicte
rendaient témoignage à un mailri^bien-airaé qu'ils ces paroles « Il nous donnèrent la main, à Bar-
:

regrettaient; mais lorsque Paul témoignait delà « nahé et à moi, en signe d'union, pour que nous
résurrection de Jésus-Clirisl, il était évident qu'il « prêchions l'Evangile aux gentils, et eux aux cir-
n'écoulait que la voix do la vérité. Aussi voyez-les « concis ». (Ibid. 9.) Il ne parle pas ainsi des
à l'œuvre ils le détestent du fond du cœur; ils
: pauvres qui étaient là. Mais il veut nous faire par-
excitent contre lui la sédilion, ils l'ont ton! pour le ticiper à l'œuvre de la bienfaisance qui a ces pau-
perdre. Mais, si les juifs incrédules avaient leurs vres pour objet. Il n'en est pas, en effet, de la
raisons pour lui être hostiles, pourquoi lescroynnis charité comme de la prédication. Nous n'avons
ne l'aimaienl-ils pas ? C'est qu'il était obligé de pas chargé les uns de laire la charité aux juifs,
piocher aux gentils la religion chrétienne dans les autres de la faire aux gentils. Vous voyez cette
toute sa pureté, et, si parfois il se trouvait en Judée, sollicitude de Paul, qui s'exerce en tous lieux, et
il ne faisait nulle attention au pays où il était. c'était justice. Dans les autres pays où les juifs
Pierre et ses compagnons prêchaient à Jérusalem, vivaient pêle-mêle avec les gentils, les choses ne
où le zélé de la loi était dans toute sa ferveur; ils se passaient pas comme en Judée. La Judée avait
devaient donc permettre ruhservation de la loi : conservé une apparence de liberté;lesJuifsélaient
mais Paul usait d'une grande liberté. Il y avait plus encore autonomes, et n'étaient pas pleinement
de gentils que de juifs en dehors de Jérusalem. Ce soumis aux Romains. Quoi d'étonnant s'ils s'arro-
qui les détachait de la loi, ce qui les portait às'en geaient le pouvoir le plus tyrannique? Si dans les
all'ranchir, c'est que Paul précliait le pur christia- villes apparieiiant aux gentils, comme à Corinthe,
nisme. De là ces avis adressés à Paul, pour l'enga- ils Irapiniienl le chef de la synagogue, sous les
ger à respecter la mulliliide « Tu vois, mon : yeux même du proconsul siégeant à son tribunal,
« frère, combien de milliers de juifs ont cru; eh que ne devaient-ils pas faire en Judée ?
« bien ils te haïssent, parée qu'ils ont ou'i dire
! 2. Vous voyez comme dans ces villes, les juifs
<i que lu prêches aux juifs dapostasier leur loi ». traînent les apôtres devant les magistrats, en ré-
Pourquoi donc aux juifs, puisqu'il n'est
écrit-il clamant contre eux l'assistance des gentils. Chez
pas chargé de instruire? Où leur écrit-il? A
les eux, ils n'agissent pas ainsi, ils convoquent un
Jérusalem et en Palestine, selon moi. Mais com- conseil et punissent ceux qu'il leur plaît. C'est
ment leur écrit-il ? Comme il baptisait sans en ainsi qu'ils ont fait [xirir Etienne ,c'eslainsi qu'ils
avoir reçu l'ordre. 11 dit, en edel (1 Cor. i, 17), qu'il ont fait subir aux apôtres le supplice du fouet,
n'a pas reçu mission de baptiser ; non que cela lui sans consulter les magistrats; c'est ainsi qu'ils
fiit interdit, mais c'était un surcroit à son œuvre. auraient fait périr Paul, sans l'intervention d'un
El pourquoi n'écrivait-il pas à ceux pour lesquels tribun. Quand ils se livraient à de pareils excès,
il eût voulu être analliéme? (Rom. ix, 3.) C'est ce l'autorité des pontifes subsistait encore, le temple
qui lui faisait dire : « Vous savez que notre frère était debout ils avaient conservé leur culte et
;

« Timothée est en liberté, et, s'il vient bientôt, je leurs sacrilices. Voyez Paul au tribunal du grand
« viendrai vous voir avec lui ». (Hébr. xiii, 23.) A prêtre. « Je ne savais pas que c'était le grand
cette époque, il n'était pas encore prisonnier. Après « prêtre », dit-il (Act. xxiii, S) ; et cela se passait
deux ans de détention à Rome, il sortit enfin de devant un magistrat romain, tant les Juifs pre-
prison. Puis il partit pour l'Espagne, se rendit en- naient de licence Voyez quel était à cette
!

suite en Judée et vit les Juifs. Ce fut alors qu'il époque le malheur des fidèles qui habitaient Jé-
îpvinl il Kome, où il lut mis à mort sous Néron, rusalem elle reste de la Judée Quoi d'éionnant !

telle épitre est postérieure à celle à Timothée, alors, si l'homme qui voulait être anathème pour
où il est dit : «Je suiscommc une victimeque l'on les incrédules, et qui s'inquiétait si fort des nou-
va immoler»; et la première fois que j'ai dé- veaux convertis, si l'homme qui consentait à par-
fendu ma cause, nul ne m'a assisté. (Il Tim. iv, 6, tir au besoin, pour leur venir en aide, daigne
Ifi.) Car il aeu bien des luttes à soutenir. Ainsi K leur écrire pour les consoler et pour relever leur
écrit aux Thessaloniciens : « Vous êtes devenus courage? Leurs forces et leurs cœurs succom-
les imitateurs des églises de la Judée ». (1 Thess. baient sous le poids de leurs tribulations. C'est
II, 14.) El ^'adressant aux juifs eux-mêmes, il ce que montre évidemment la fin de celle épitre :
leur dit : « C'est avec joie que vous avez accepté « Relevez donc », leur dit saint Paul, « vos mains
« le pillage de vos biens ». (Hébr. x, 34.) Voyez « languissantes et vos genoux affaiblis » . (Hébr. xii,
comme il a combattu. Ah s'ils traitaient ainsi les
! 12.) El il Encore un peu de temps, el
dit aussi : «

aiùires, non-seulciiieiit en Judée, mais partout « culu; qui doit venir viendra et ne tardera pas» ;

où ils les rencoutiaieiit, comment auraieiit-ils et plus lias « Si vous n'èles point châtié.s, quand
:

iiaitéle reste des lidèles? Aussi voyez (lueile est « tous les autres l'ont été, vous êtes donc des bà-
pour ces (idèles la sollicitude de Paul, lorsqu'il « tards el non des fils légitimes ». (Ibid. x, 37, et
dit : « Je vais prêter mon
ministère aux .saints de XII, H En leur qualité de juifs, ils avaient appris
)

Jirusah m » (Uoni. xv, 25), lorsqu'il exhurle les de, leurs IVéïes qu'ils devaient s'attendre à rencon-
t^.iiiiithiens à la bienlaitance, en disant que les trer sous leurs pas lesliieus el les maux, et que la
Aidi cdoniensont déjà contribué (Il Cor. i, 3), en vie était ainsi faite. Maintenant tout leur était con-
ajoutant Que^ s'il le l4ut, il pariira, iQrsqu'il ii\ ; trairç, Les biens n'tiui^n^ pgui' uu» que a»» tii>^^<
ÔOMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE ï. 483

rances qui devaient se réaliser après leur mort ; proie. Pour affermir leurs cœurs, il invoque non-
les maux, ils les touchaient du doigt, et l'excès seulement l'avenir qui aurait pu ne pas faire assez
de leurs souffrances était bien capable de les d'impression sur eux, mais le passé et l'histoire des
abattre. malheurs de leurs pères. Et c'est ainsi ce que fait
Voilà pourquoi Paul s'étend sur ce chapitre. le Christ, lorsqu'il déclare que l'esclave n'est pas
Mais nous développerons ce sujet en son lieu; plus grand que le maître, lorsqu'il affirme qu'il y a
pour le moment nous nous bornerons à montrer plus d'une place auprès de son père, lorsqu'il ne
qu'il devait nécessairement écrire à des hommes cesse de crier Malheur aux incrédules
: !

dont le sort causait tant d'inquiétude. Quoi-


lui L'apôtre fait souvent mention de l'Ancien et du
qu'il ne leur ait pas été envoyé pour les motifs Nouveau Testament, parce qu'il remarquait que
que nous connaissons, rien ne l'empêchait de leur c'était là un puissant moyen pour les (aire croire
écrire. C'est à leur abattement qu'il fait allusion à la résurrection. Pour que la passion de Notre-
par ces mots « Relevez vos mains languissantes,
: Seigneur ne jette aucun doute sur sa résurrection,
« vos genoux qui fléchissent, et marchez dans la il entasse autour de ce dogme les témoignages des

« droite voie » ; et il leur dit en outre : « Dieu prophètes, et apprend à ses auditeurs que c'est
« n'est pas injuste pour oublier vos œuvres et notre religion et non celle des juifs qu'il faut vé-
« votre charité ». (Ibid. .xxii, 12, 13, etvi, tO.)Car nérer. C'est que le temple était encore debout avec
l'âme ébranlée par des tentations fréquentes, est ses sacrifices, et voilà ce qui lui fait dire « Sor- :

sujette à sortir du giron de la foi. De là ces exhor- ti tons du camp, en portant l'ignominie de sa
tations de Paul qui cherche à les rafl'errair et à les « croix ». (Hébr. xiii, 13.) Ici des contradicteurs
garantir de l'incrédulité. Voilà pourquoi, dans pouvaient lui dire Si tout cela est ombre et sym-
:

cette épitre surtout, il s'étend sur le chapitre de la bole, pourquoi toutes ces ombres ne passent-elles
foi, et leur montre entln par de nombreux exem- pas, pourquoi ne s'effacent-elles pas aux rayons
ples, que leurs pères aussi n'ont pas vu se réaliser de la vérité qui se lève? Pourquoi l'ancien état de
ces promesses d'un bonheur imméliat. Puis, afin choses est-il toujours florissant? H leur fait donc
que dans leur malheur ils ne se crussent point entendre que ce qui n'est point encore arrivé, arri-
tout à fait abandonnés de Dieu, il les instruit de veraen temps et lieu. 11 leur fait voir enfin qu'autre-
deux manièies. Il les engage d'abord à supporter foisdéjà, et pendant longtemps, ils avaient persévé-
toutes les tribulations avec courage, ensuite à es- ré dans la foi, au milieu des tribulations. Depuis le
pérer une palme assurée; car Dieu ne laissera pas temps qu'on vous instruit, leur dit-il, vous devriez
sans récompense Abel et les justes qui lui ont suc- déjà être maîtres. —
Que nul d'entre vous ne laisse
cédé. Puis il leur offre trois sortes de consola- pénétrer dans son cœur le poison de rinfidélilé.
tions c'est la passion du Christ qu'il leur otl'ie
:
— « Vous vous êtes rendus les imitateurs de ceux
pour exemple ; le serviteur ne doit pas être mieux « qui, par leur foi et parleur patience, sont deve-
traité que le maître ; ce sont les prix que Dieu pro- a nus les héritiers des promesses ». (Ibid. v, 12;
pose à ceux qui croient en lui c'est entin la na- : m, 12; VI, 12.)
ture même des tribulations auxquelles ils sont en

HOMELIE PREMIERE.
DIEU AYANl PARIÉ AnTREFOIS A NOS PÈRES EN DIVERS TEMPS ET EN DIVERSES MANIÈRES PAR LES PRO-
PHÈTES, NOUS A ENFIN PARLÉ, EN CES DERNlIiUS JOIRS, PAR SON PROPRE FILS, QU'iL A FAIT HÉRllTtR
DE TOUTES CUOSËS, ET PAR QUI IL A MÊME CRÉÉ LES SIÈCLI.S. (l, 1, 2.)

Analyse.
1. Eloge de saint Paul. — Il est plus grand que les prophètes. — Grandeur da Fils deOiea.
2. Paul réfute les ariens. — Degrés de grandeur du Christ.
la

S. Exhortation à la vertu. — Ce qu'on fait à son prochain, ou le fait i Dieu.

4. La médisance, t'envie, l'avarice, la colère retnmbent sur ceux qui s'en rendent conpahles. — Peines de l'enfer. — Estiortatlnn
àl'aumône. —
Explication de ces paroles de l'Evangile : Facile vobis amicos ex mainona imquitatis.

Oui, partout où abonde les péchés, on voit sur-


1. leur ont fait obtenir une grâce surabondante. Au
abonder la grâce. (Rom. v, 20.) C'est ce que fait début même de son discours, il éveille l'aitention
entendre le bienheureux Paul, en commençant son de ses aucliieiirs, auxquels il dit : « Dieu ayant
épître aux Hébreux. Naturellement, les toitures, « pailé uuiri'l'-i à nos pères en divers temps et en
-

les persécutions auxquelles ils avaient été en butte « diverses inaiiii'ri-s par les prophètes , nous a

de la part des méchants, devaient les rabaisser à « entin parlé, tu ces deiniersjours, par son propre
leurs propres yeux, au-dessous des autres. Paul « Fils ».

leur montre doue que ces persécuteurs mêmes Pourquoi Paul ne s'esl-ilpas comparé aux pro-
m TRADUCTION FRANÇAISE i)E SAINT JÈÂN CHRYSOSTOMfi;

pliètesîllles surpassait de toute la grandeur de Mais où donc est la supériorité? Car tu as d(5*
sa mission. Mais il n'en l'ait rien et pourquoi? montré que l'Ancien et le Nouveau Testament sont
C'est qu'il ne voulait pas se glorifier ; c'est que d'un seul et même auteur; la supériorité
de celui-
ses auditeurs n'étaient point parfaits; c'est qu'il ci n'est donc pas grande. Voilà pourquoi
il pour-

voulait les relever davantage à leurs propres yeux, suit, et il s'explique en ces termes : « Et il nous a
et leurmontrer leur supériorité c'est comme s'il : « parlé en son Fils ». Voyez comme Paul se met
disait Quelle faveur si grande Dieu a-t-il fait à
: en cause et sur la même ligne que ses disciples, en
nos pères, en leur envoyant les prophètes? 11 nous disant Il « nous » a parlé. Pourtant ce n'est pas
:

aenvoyéànousson Fils unique. Ces belles paroles: à lui qu'il a parlé, c'est aux apôtres, et par eux,
« En divers lemps et en diverses manière^ », nion- à beaucoup d'autres. Mais il les relève à leurs pro-
irenl que les pioplièles eux-nièraes n'ont pas vu pres yeux, et leur montre qu'à eux aussi il leur a
Dieu, tandis que le Fils de Dieu l'a vu. « J'ai », dit parlé. Et en même temps ce sont les juifs qu'il
)e Tiès-Haul, « multiplié les visions, et entre les attaque; car presque tous ces hommes, auxquels
« mains des prophètes j'ai pris diverses figures». les prophètes ont parlé, étaient de grands coupa-
(Osée, XII, 10.) Nous avons donc sur nos pères bles et des monstres. Et ce n'est pas encore d'eux
deux avautages Dieu leur a envoyé les prophètes
: qu'il parle, mais il parle des bienfaits de Dieu à
tandis qu'il nous a envoyé son Fils les prophètes ; leur égard. Voilà pourquoi il ajoute:* Qu'ilainsti-
n'oni pas vu Dieu, et le Fils de Dieu l'a vu. Cette « tué son héritier universel». Il parle ici de la chair :
véiiié, il ne l'expose pas tout d'abord il la prouve ; et c'est ainsi que David a dit « Demande, et je te
:

par ce qui suit, en disani,à propos de l'humanité : « donnerai les nations pour héritage ». Car ce n'est

t Dieu a-t-il jamais dil à quelqu'un de ses anges : plus Jacob qui est la pari de Dieu ; ce n'est plus
«Tu es mon fils? »ei :« Assieds-loi à ma droite seulement Israël qui est son lot, mais l'univers est
« (S, 13)?» Voyez ici l'habileté de l'orateur. Il com- à lui Que veulent dire ces mots « Qu'il a insli- :

mence par citer les prophètes, pour monlrer « tué son héritier?» Cesmots veulent dire qu'il l'a
notre supériorité. Puis, quand il a bien établi ce fait maître et Seigneur de toutes choses. C'est
lait qui doit èlie tenu pour constant, il déclare que aussi ce que dit Pierre dans les Actes. « Dieu t'a fait
Dieu a parlé à nos pères, par la bouche des pro- « Seigneur et Christ ». (Act. ii, 30.) Ce nom « d'iié-
phèles, et à nous, par la bouche de son Fils « ri lier » a deux significations il désigne le propre
:

unique ; et s'il leur a parlé par la bouche des Fils, le véritable Fils de Dieu. Il veut dire aussi que
anges (car les anges aussi se sont entretenus avec son titre de maître ne peut lui être arraché. « Hé-
les juifs), notre supériorité estencore ici la même. « ritier universel », c'est-à-dire du monde entier.
N(ius avons eu all'aire au maître; ils n'ont eu at'- Puis il revient à ce qu'il a dit d'abord Par lequel ;

lairequ'aux serviteurs. Car les anges, aussi bien il a aussi les siècles.
fait
que les prophètes, sont les serviteurs de Dieu. 2. Où sont ceux qui disent: Il était quand il n'é-
C'est avec raison qu'il dit « Dans ces derniers
: tait pas? Avançant ensuite par degrés, Paul s'élève
« temps ». De telles paroles les relèvent et les bien plus haut : « Comme il est la splendeur de sa
consolent dans leur accablement. El ailleurs « Le : « gloire et le caractère de sa substance, et qu'il
« Seigneur est proche, soyez sans inquiétude » « soutient tout par la puissance de sa parole, après
(Philip. IV, 6) ; puis encore : « Maintenant noire « nous avoir purifiés de nos péchés, il est assis au
« salut est plus proche que lorsque nous avons « plus haut du ciel, à la droite de la souveraine
« cru ». C'est encore ainsi qu'il procède en ce pas- « Majesté {'.i). Etant aussi élevé au-dessus des anges
sage. Que dil-ildonc? Il dit que l'athlète qui s'est « que le nom qu'il a reçu est (ilus excellent que le
consumé, qui s'est épuisé dans la lutte, dès qu'il « leur (4) ». qu'elle est grande celte sagesse de
apprend la lin du combat, commence à respirer, l'apôtre Mais que dis-je? Ce n'est pas la sagesse de
!

en voyant arriver le terme de ses fatigues, et le Paul, c'est celle du Saint-Esprit qu'il faut admirer
commencement du repos. ici. Ce n'est pas de son propre fonds qu'il a tiré ces
« En ces derniers jours, il nous a parlé en son paroles; il n'aurait pas trouvé par lui-même une
« Fils ». Voici celte parole qui revient. « Par » son telle sagesse. Où donc aurait-il appris ce langage î
Fils, répète-t-il, pour confondre ceux qui veulent Serait-ce dans son atelier, au milieu de ses peaux,
que cela s'apjiliqiie à
l'Eipiil-Saint. Ici, « en » et son couteau à la main ? Ah c'était une inspi-!

signifie « par », comme vous voyez. Ces mots, ration divine qu'un semblable langage. De telles
« dans ces derniers temps », ont encore un autre pensées ne pouvaient éclore dans cette intelli-
sens. Lequel? Le voici. Il y avait Uinglemps que gence grossière et simple qui ne dépassait pas
DOUS devions être châtiés, que les grâces nous velle des gens du peuple. Et pouvait-il en êlre
avaient abandonnés, que nous avions pi-rdu tout autrementchez un homme dont les facultés étaient
espoir de salut, que nous nous attendions à voir concentrées sur son commerce de peaux? C'était
londre sur nous de toutes parts un déliigr; de donc la grâce de l'Esprit-Saint qui opérait en lui,
maux. C'est alors que Dieu nous a donné davan- cette grâce qui choisit, pour monlrer sa puissance,
tage. Mais voyez les précautions oratoires île Paul. les instruments Voulez-vous amener
qu'il lui plaît.
Il ne dit pas Le Christ a parlé, quoique le Christ
:
un enfant jusqu'à une hauteur dont la cime touche
eût parlé en ellet. Mais ses auditeurs étaient fai- au ciel même, vous le conduisez doucement et
bles d'esprit, et ne pouvaient encore entendre ce peu à peu par les pentes inférieures, puis, quand
qui se rapportait au Christ.Il leur dit donc « Il : vous l'avez fait monter, vous lui dites de regarder
• nous aparlé en son Fils ». Que dis-tu là, Paul? en bas le voyez-vous saisi de vertige, troublé,
;

Dieu nous a parlé par son Fils Oui sans doute. !


comme si ses yeux étaient couverts d'un brouil-
,,
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX. ~ HOMÉLIE I. 4SS

ard, vous le prenez, vous le reconduisez plus bas, n'est pas devenu meilleur que les anges, à dater
et vous lui donnez le lemps de respirer, puis, du jour où il nous a purifiés de nos péchés; mais
qyaud il a repris ses sens, vous le faites alternati- il leur a toujours été supérieur et incomparable-

vement remonter et descendre. Cette méthode, le ment supérieur. Paul parle ici au point de vue de
Dienheureux Paul raappliquéeauxHébreux,et par- la chair. C'est ainsi qu'en parlant do l'homme,
tout, après l'avoir apprise de son Maître. Oui, telle nous le rabaissons et nous l'élevons tour à tour.
est sa méthode : tantôt il élève, tantôt il abaisse Quand nous disons: L'homme n'est rien, l'homme
les âmes de ses auditeurs, sans jamais leur per- est terre, l'homme est poussière, nous prenons
mettre de rester longtemps dans le même état. l'homme entier par son plus bas côté. Quand nous
Voyez comme il s'y prcud dans ce passage, et com- ^
disons au contraire L'homme est immortel et
:

bien de degrés il leur fait d'abord gravir. Puis, doué de raison, il a quelque chose de céleste, nous
quand il les a fait monter jusqu'au sommet de la prenons l'homme entier par son côté le plus no-
piété, avant qu'un vertige ténébreux ne les sai- ble. Il en est de même du Christ tantôt c'est ce
:

sisse, comme il les fait redescendre, comme il les qu'il y a d'inférieur, tantôt c'est ce qu'il y a de
laisse respirer, eu leur disant : « 11 nous a parlé supérieur en sa personne que Paul considère
« en son Fils » ; et plus bas : « En son Fils qu'il a pour établir le dogme de l'Incarnation et pour
« institué son héritier universel ». Quand on com- montrer en même temps sa nature immortelle.
prend cette filiation, on reconnaît que c'est le plus 3. Puis donc que le Christ nous a purifiés de nos
beau de tous les titres, et, quel qu'il soit, on re- péchés, restons purs et immaculés; cette beauté
connaît que ce titre vient d'en-haut. qu'il nous a donnée, cet éclat, gardons-nous d'en
Voyez comme il commence par placer ses audi- ternir la pureté point de tache, point de ride
:

teurs à un degré inférieur, par ces mots: « Qu'il a rien qui y ressemble! Les taches et les rides, ce
« fait héritier de toutes choses?» Car cette expres- sont les fautes même légères; ce sont les médi-
sion « qu'il a fait héritier » n'a rien de bien relevé. sances, les injures, les mensonges. Mais que dis-
Puis il les fait monter plus haut, quand il leur dit : je? Ce ne sont pas là des fautes légères; ce sont
« Par qui il a même créé les siècles». Enfin il les au contraire des fautes graves et tellement graves
fait monter encore et jusqu'à une hauteur au- qu'elles nous font perdre le royaume des cieux.
dessus de laquelle il n'y a plus rien, dans ce pas- El voici comment : celui qui traite son frère d'in-
sage : « Comme il est la splendeur de sa gloire et sensé, encourt, est-il dit, le supplice de la géhenne.
« le caractère de sa substance ». Oui : c'est jus- Or si telle est la peine qu'entraîne une injure qui
qu'aux régions de la lumière matérielle, jusqu'aux semble si légère, et qui a l'air d'un jeu d'enfant
régions mêmes de la splendeur qu'il les a fait celui qui traite son frère d'homme sans mœurs,
monter. Mais avant qu'un brouillard couvre de misérable envieux, et qui l'accable d'outrages,
leur vue, voyez comme il les fait doucement re- à quel châtiment ne s'expose-t-il pas? Quoi de
descendre, en leur disant : « Comme il soutient plus affreux que sa situation? Mais laissez-moi
« tout par la puissance de sa parole, après nous poursuivre, je vous prie. Si ce qu'on fait à la plus
« avoir purifiés de nos péchés, il est assis au plus infime créature, c'est à Dieu qu'on le fait, si ce
« haut du ciel , à la droite de la souveraine Ma- qu'on ne fait pas à la plus infime créature, c'est à
te jesté ». Il ne s'est pas contenté de dire : « Il est Dieu qu'on ne le fait pas, n'est-on pas louable ou
« assis au plus haut du ciel » ; il aaiouté : « Après blâmable, comme si celte créature était Dieu lui-
•i la purification de nos péchés ». Voilà le mystère même? Oui, c'est offenser Dieu que d'offenser son
de l'Incarnation, ce mystère d'humilité. Il s'élève frère; c'est honorer Dieu que d'honorer son frère.
ensuite en disant : « Il est assis au plus haut du 4. Apprenons donc à notre langue à parler,
«ciel, à la droite de la souveraine Majesté «.Puis il comme il faut que notre langue, est-il dit, s'abs-
prend un langage plus humble et il ajoute:«Etant tienne de dire le mal. Nous ne l'avons pas reçue
« aussi élevé au-dessus des anges que le nom de Dieu pour en faire un instrument d'accusation,
« qu'il a reçu est plus excellent que le leur ». Paul d'insulte et de calomnie. Nous devons nous en
parle ici de ce qui se rapporte à la chair. Par ce servir pour chanter les louanges de Dieu, pour en
mot: Son père l'a « fait» plus grand que les anges; faire l'instrument de la grâce, pour édifier notre
l'apôtre ne parle point de sa filiation spirituelle ; prochain, pour lui être utile. Vous avez médit de
car sous ce rapport, il n'a pas été tait ni créé, quelqu'un? Eh bien! qu'avez-vous gagné à vous
mais engendré. Il parle de sa filiation charnelle; faire tort ainsi à vous-même, à passer pour uu
car sous ce rapport, il a été fait et créé. médisant? Le mal, en eftet, le mal ne s'arrête pas
Mais pour le moment il n'est pas question de à celui qui en est victime; il remonte jusqu'à son
son essence. Jean avait dit : « Celui qui vient auteur. L'envieux, par exemple, en croyant laire
« après moi m'a été préféré, parce qu'il était avant tomber les autres dans ses pièges, est le premier à
«moi ». C'est comme s'il avait dit: Il est plus recueillir le fruit de son injustice; il se dessèche,
honoré, plus glorieux que moi. De même ici Paul il se fiètrit,etse rend odieux à tout le monde. L'a-

dit à son tour : « Etant aussi élevé au-dessus des . vare dépouille les autres de leur argent, mais il se
« anges », c'est-à-dire, leur étant aussi supérieur prive lui-même de toute affection; que dis-je? il
en vertu et en gloire, que le nom qu'il a reçu est s'attire les malédictions de tout le monde. Or bonne
plus excellent que le leur. Paul, remarquez-le renommée vaut bien mieux que richesse. L'une
bien, parle ici de la chair, car ce nom de Uieu- n'est pas facile à ôter; l'autre est facile à perdre. Il
Verbe, il l'a toujours possédé; ce n'est pas là un y a plus. N'ayez pas de lorlune.on ne vous fait pas
bénlage qui lui est survenu avec lu temps, et il uu onmo de votre iiidi^jeiice ; mais si vous n'avea
,

m tRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

une bonne réputation, vous voilà en butte au blâ- réels. Car tout ce que je vous dis là s'accomplira
me, à la risée, à la haine générale vous voilà en
; de point en point. De tous ceux qui auront mérité
puerre avec la société. L'homme irascible se punit d'être punis, pas un seul n'échappera au châtiment.
en se déchirant lui-même avant de châtier celui Personne, ni père, ni mère, ni frère, ne pourra
qui est l'objet de sa colère. Peut-être même est-il obtenir leur grâce, quelque puissante que soit sa
réduit à se retirer, après s'être acquis la réputation parole, quelque grand que soit son crédit auprès
d'un scélérat et d'un homme abominable, tandis de Dieu. « Le frère ne rachète pas; l'homme ra-
qu'il rend plus intéressante la personne qu'il a « chètera-t-ilî » C'est Dieu qui donne à chacun
attaquée. Quand l'objet de vos médisances, loin selon ses œuvres; ce sont nos œuvres qui feront
de vous rendre la pareille, vous loue et vous ad- notre salut ou notre perte.
mire, c'est son éloge qu'il fait et non pas le vôt>e. € Faites-vous des amis avec l'argent de l'injus-

Car, je l'ai dit plus haut, si la médisance frappe « tice»: c'est l'ordre du Seigneur, et nous devons

d'abord son auteur, le bien profite d'abord à celui obéir; que le superfiu de nos richesses soit versé
qui le fait. Oui, le bien et le mal que vous faites, dans le sein de l'indigence ; faisons l'aumône,
commencent, et c'est justice, par tomber sur vous. tandis que nous le pouvons c'est se faire des amis
:

1/eau salée, aussi binn que l'eau douce, remplit avec de l'argent laissons tomber nos richesses en-
:

les vases dans lesquels on la puise, sans que sa tre les mains des pauvres, pour que ce feu tombe
source diminue ; il eu est de même du vice ou de et s'éteigne, pour que nous paraissions là-haut avec
la vertu : ils font le bonheur ou la perte de celui confiance. Ce ne sont pas ceux qui nous accueil-
dont ils émanent. Voilà la vérité. lent, ce sont nos œuvres que nous trouverons là-
Quelle parole pourrait décrire les peines ou les haut pour nous délendre que nos amis soient
:

récompenses qui nous sont réservées dans l'autre incapables de nous sauver, c'est ce que nous ap-
vie? La parole ici est impuissante. Les récompen- prend ce qui vieul ensuite. Pourquoi en effet le
ses dépassent toute idée et à plus forte raison Christ n'a-t-il pas dit: Faites-vous des amis, pour
toute expression. Les peines ont des noms que qu'ils vous reçoivent dans les demeures éternel-
nous sommes accoutumés à leur donner. 11 y a, les? Pourquoi nous a-t-il indiqué en outre le
dit-on, pour les coupables, du feu, des ténèbres et moyen de nous en faire? Ces mots avec « l'argent
un ver toujours dévorant, mais il n'y a pas seule- « de l'iniquité » prouvent que ce sont nos riches-
UR'iit les peines énuinérées ci-dessus; il y a des ses qui doivent nous faire des amis. Nous voyons
châtiments bien plus terribles encore. Voulez-vous par là que l'amitié à elle seule ne pourra nous dé-
me comprendre'? vous devez tout d'abord faire la fendre, si nous ne faisons provision de bonnes
réilexion suivante. Dites-moi : S'il y a du feu, œuvres, si la justice ne préside pas à l'emploi de
comment y a-t-il des ténèbres? Voyez-vous com- ces richesses, injustement amassées. Ce que nous
bien ce feu est plus terrible que le nôtre j c'est un disons de l'aumône, doit s'applniuer non-seule-
feu qui ne s'éteint pas. Aussi l'appelle-t-on le feu ment aux riches, mais aux pauvres. Celui-là même
éternel. Pensons donc quel malheur c'est de brû- qui vit d'aumône doit prendre pour lui nos paro-
ler sans cesse, d'être plongé dans les ténèbres, de les. Car il n'y a pas, non il n'y a pas de pauvre,
se répandre en gémissements, et de grincer des quel(|ue pauvre qu'il soit, qui ne possède deux
di.nis sans qu'on vous écoute. Si un homme bien petites pièces d'argent. Le pauvre qui prend sur
élevé, jeté dans un cachot, trouve que l'odeur fé- le peu qu'il a pour donner peu de chose, peut être
tide de la prison, les ténèbres et la société des supérieur au riche qui donne plus que lui témoin
:

hommes de sang à elles seules, sont plus cruelles la veuve. Car ce n'est pas à l'importance de la
que la mort la plus allreuse, qu'est-ce donc, son- somme, mais au moyen et à la bonne volonté dp
gez-y bien, de brûler toujours en compagnie des celui qui donne que se mesure l'aumône. Ce qu'il
assassins qui ont infesté la terre, de brûler sans faut toujours avoir, c'est la bonne volonté; ce qu'il
rien voir, sans être vu de personne, en se croyant faut toujours avoir, c'est l'amour de Dieu. Que ce
seul au milieu de toute cette foule de coupables? mobile nous fasse toujours agir, et quelque mo-
Au milieu de ces ténèbres profondes, ne pouvant deste que soit notre avoir, quelque modeste que
apercevoir ceux qui seroiii près de lui, chacun de soit notre aumône. Dieu ne se détournera pas de
nuus croira être seul à soutlrir. Si les ténèbres nous, cl notre offrande sera reçue de lui, comme
suffisent pour troubler nos âmes oppressées, que si elle était riche et magnifique : c'est la bonne
sera-ci!, dites-moi, lorsqu'à l'horreur des ténèbres volonté, ce n'est pas le don qu'il regarde ; et si
se joindra l'horreur des touimeuts? C'est pourquoi, notre bonne volonté lui paiait grande, le souverain
je vous en conjure, réfiéchissez sans cesse à ces Juge nous accorde son suIVrage et nous fait partici-
mystères de l'autre vie, et supportez l'ennui que per aux biens éternels. Puissent-ils devenir notre
peuvent vous ciuser mes paroles, pour n'avoir pas partage à tous, par sa grâce et sa miséricorde !
à supporter det> supplices qui ue bout que trop
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAIiM PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE IL iîi?

HOI^IELIE II.

en, ÉTANT LA SPI.ENDEOR DE SA GLOIRE ET LE CARACTÈRE DE SA PUISSANCE, SOUTIENT TOUT PAR LA


PI ISSANCE DE SA PAROLE, APRÈS NOUS AVOIR PURIFIÉS DE NOS PÉCL'liS. (I, 3.)

Analyse.
4. C'est avec respect que nous devons parler de Dieu — Hé-ésies de Marce)lns et de Ptiotin. — Contre Sabellins et Arius.
2. Héiésie de Paul de Saiuoàate. — Refutalion d'Anus, de Sabellius, de Marcellin, de Pliotin et de Marcion.
3. Créer le monde est une œuvre moins grande que de le conserver. — Le Fils de Dieu est tel, non-seulemeat par la grtce^
mais par la nature.
4. Exhortation à l'humililé. —
Combien les choses de cette vie sont passagères.
5. La condition du pauvre vaut mieux que celle du riche.

^. L'esprit de piété est nécessaire en toute cir- d'augmentation ni de diminution. Il y a des Som-
constance, mais surtout lorsque l'on parle ou qu'on mes qui s'emparent de cette image, pour en tirer
entend parler de Dieu la langue en eflel ne peut
: des conséquences absurdes. La splendeur, disent-
prolérer, l'oreille ne peut entendre de parole qui ils, n'est pas une substance, mais elle a une exis--
soit à la hauteur de la divinité. Et que dis-je, la tence dépendante.
langue et l'oreille? notre àme qui leur est bien homme! ne prenez pas ainsi la parole de l'a-
supérieure ne nous tournit pas des idées bien pôtre; ne gagnez pas la maladie de Marcellus et
exactes, quand nous voulons parler de Dieu. Car de Pliotin. Paul vous met lui-même sous la main
si la paix de Dieu est au-dessus de'toule intelli- un préservatif contre cette erreur; il ne veut pas
gence, si l'image des biens préparés à ceux qui vous voir affligé de cette maladie mortelle. Que
l'aiment ne peut entrer dans le cœur humain, com- vous dit-il encore? «Le caractère de sa substance».
bien le Dieu de paix lui-même, le créateur de l'u- Cette parole qu'il ajoute montre que, tout comme
nivers, ne dépasse-l-il pas mille fois la mesure de le Père, le Fils subsiste en lui-même. Par cette
notre raison! Il faut donc, avec foi et piété, ac- parole, il vous fait voir qu'il n'y a pas entre eux
cepter tous les mystères, et c'est quand notre faible de différence, il met devant vos yeux le caractère
raison ne peut saisir sa parole que nous devons propre et original du Fils de Dieu, il vous apprend
surtout glorifier Dieu, ce Dieu si supérieur à notre qu'il subsiste en lui- même dans son hypostase.
intelligence et à notre raison. Car nous avons sur Après avoir dit que Dieu a créé toutes choses par
Dieu bien des idées que nous ne pouvons expri- lui, il lui attribue ici la souveraine autorité. Qu'a-
mer; nous avançons à sou sujet bien des proposi- joute-l-il en effet? « Soutenant tout par la parole
tions que nous ne pouvons comprendre. Nous sa- « de sa puissance ». Par là il veut nous faire tou-
vons par exemple que Dieu est partout; mais cher du doigt non-seulement le caractère de sa
comment cela se fait-il? nous ne le comprenons puissance, mais l'autorité souveraine avec laquelle
pas. Nous savons que c'est une force immatérielle, il gouverne tout. Voyez comme il attribue au Fils
source de tout bien. Mais quelle est cette force? les qualités du Père. Pourquoi ne s'est-il pas con-
BOUS l'ignorons. Ici nous parlons sans compren- tenté de dire « Soutenant tout? » Pourquoi n'a-
:

dre. 11 est partout je l'ai dit, mais je ne le com-


: t-il pas dit simplement Par sa puissance? Pour-
:

prends pas. Il n'a pas eu de commencement ; je quoi a-t-ildit: « Par la parole de sa puissance? »
parle encore sans comprendre. Je dis qu'il a en- Tout à l'heure il s'élevait peu à peu, pour redes-
gendré un Fils de lui-même, et ici encore je trouve cendre bientôt; maintenant encore de degrés en
mon intelligence en défaut. Il y a donc de ces degrés, pour ainsi diie, il s'élève bien haut, puis il
choses qu'on ne peut pas même exprimer. L'in- redescend él nous dit « Par lequel il a créé les siè-
:

telligence conçoit mais la parole est impuissante.


;
« clés ». Voyez comme il sait ici se frayer un double

Et tenez; vous allez voir la faiblesse de Paul lui- chemin. Pour nous détourner des hérésies de Sabel-
même, vous allez le voir dans l'impuissance de lius et d'Anus, dont l'un ne conserve de Dieu que
s'expliquer clairement, et vous frémirez, et vous la substance, dont l'autre partage la nature do
n'en demanderez pas davantage. Ecoutez seule- Dieu en deux natures inégales, il bat complète-
ment. Après avoir parlé du Fils de Dieu et avoir ment en brèche ces deux systèmes. Et comment
établi qu'il est le créateur , qu'ajoute-t il? « Qui s'y prend-il ? Il tourne et retourne sans cesse les
« était la splendeur de sa gloire et le caractère de mêmes idées pour qu'on n'aille pas s'imaginer que
« sa substance ». H faut accepter ces paroles avec le Fils ne procède pas de Dieu, et qu'il lui e.'-t
piété, eu en retranchant tout sens déplacé. « La étranger. Et n'allez pas trouverson discoursétrange,
« splendeur de sa gloire », dit-il. Mais voyez dans puisque, après une pareille démonstration, il s'est
quel sens Paul prend ces paroles, et prenez-les trouvé des hommes qui ont dit que le Christ n'a-
dans le même sens que lui. 11 veut dire que le vait rien de commun avec Dieu, qui lui ont donné
Christ tire de lui-même cette splendeur, qu'elle ne un autre père, qui le déclarent ennemi de Dieu;
peut souffrir d'éclipsé, qu'elle n'est susceptible ni que u'auiail-on pas dit, si Paul n'avait pas tenu ca
,

458 TRADUCIION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

langage? Obligé de remédier à ces erreurs, il est ble encore être fort. Voyez pourtant comme Paul
obligé aussi d'employer un langage plus humble renverse à son tour cet adversaire, en disant:» Qui
et de dire Dieu l'a institué son héiitier universel,
: « étant la splendeur de sa gloire ». Mais voici de
et c'est par lui qu'il a t'ait les siècles. Puis d'un nouveaux assaillants, Sabellius, Marcellus et Pbo-
autre côté, pour ne pas porter atteinte à la gran- tin. A tous ces adversaires il porte un seul coup.

deur du Christ, il s'élève et parle de sa puissance, Il dit « 11 est le caractère de sa puissance et sou-
:

11 le met sur la même ligne que le Père, si bien « tient tout par la puissance de sa parole ». Ici

que beaucoup de gens le confondent avec le Père. c'est encore Marcion qu'il Irappe, légèrement il est
Mais voyez comme il procède avec prudence. Il vrai, mais toujours est-il qu'il le frappe; car,
pose d'abord et a soin de bien établir ^es bases. dans tout le cours de cette épitre, il le combat.
Puis, quand il a démontré que loin d'èlre étranger Mais, je l'ai dit plus haut, il appelle le Fils « la
à Dieu, le Christ est le Fils de Dieu, il s'élève sans « splendeur de la gloire » et avec raison. Ecoulez
difficulté aussi haut qu'il veut. Comme en parlant en effet le Christ, parlant de lui-même : « Je suis »,
de Jésus-Christ d'une manière sublime il risquait dit-il, « la lumière du monde ». Voilà pourquoi

d'en porter plusieurs à le confondre avec le Père, Paul appelle le Christ « la splendeur de la gloire
il a soin d'en parler d'abord d'une manière lium- «divine », pour montrer que c'est là aussi le lan-
ble, afin de pouvoir ensuite sans danger donner gage du Christ qui est éviileniment lumière de lu-
tout son essor à sa parole. Après avoir dit « Dieu : mière. 11 ne s'en tient point là; il montre que celle
« l'a établi son héritier universel » , Dieu par lui a lumière a illuminé nos âmes. Ces mots «splendeur
créé les siècles, il ajoute « 11 soutient tout par la
: « de sa gloire » veulent dire égalité de substance
,

« parole de sa puissance ». Celui qui d'un seul mot propinqiiité du Fils avec le Père. Pensez à la sub-
gouverne l'univers, n'a besoin de personne pour le tilité de ces paroles. 11 ne prend qu'une essence et

créer. une substance, pour nous présenter deux hypos-


2. Cela étant, voyez comme
Paul va plus loin tases. Il fait de môme pour la science de l'Esprit-
comme il donne au mots « par
Fils l'autorité. Ces Saint. Selon lui, la science du Père et celle du
« qui » se trouvent maintenant supprimés. Comme Saint-Esprit forment une science unique; car elles
il a fait par lui-même ce qu'il a voulu, Paul le sé- ne sont en vérité qu'une seule et même science.
pare du Père, et que dil-il? «Dès le commence- De même en ce passage, il se sert d'un seul mot,
o ment du monde. Seigneur, vous avez créé la pour désigner les deux hypostases.
« terre,et les cieux sont l'ouvrage de vos mains ». ajoute le mot « canictère ». Le caractère est
11

Il ne dit plus « par qui », il ne dit plus : C'est par autre chose que le prototype; ilu'est pas tout autre,
lui que Dieu a fait les siècles. Et pourquoi donc? il n'en dilfère qu'en ce qui regarde l'hyposlase.
Est-ce que les siècles n'ont pas été faits par lui? Car ici le mot « caractère » annonce une similitude,
Certainement; mais ce n'est pas comme vous le une ressemblance parfaite. Lors donc que Paul
dites, comme vous le croyez. 11 n'a pas été réduit emploie ces dénominations de forme et de carac-
au rôle d'un instrument incapable d'agir par lui- tère, que peuvcntdire lesliérétiques?Maisrhomme
même, si son Père n'avait mis la main à l'œuvre. aussi a été appelé une image (Gen. i, 20). Quoi
De même que le Père ne juge personne et juge, donc! Est-ce de la même manière que le Fils? Non,
dit-on, par la bouche de son Fils, parce qu'il a en- vous dit-on, sachez que l'image n'implique pas la
gendré en lui le souverain Juge, de même c'est, ressembUiice parfaite le mot image appliqué à
:

dit-on, par son Fils qu'il crée, parce qu'il a en- l'homnie signifie une ressemblance compatible
gendré en lui le créateur. Car si le Fils est engen- avec l'humanité. Ce que Dieu est dans le ciel,
dré du Père, c'est le Père qui a engendré à plus l'homme l'est sur la terre, quant à l'autorité. Si
forte raison tout ce qui a été fait par le Fils. sur la terre l'homme est le maître. Dieu est le sou-
Lors donc que Paul veut montrer que le Fils est verain maitre de la terre et du ciel. D'^ailleurs
engendré du Père, il est obligé de baisser le ton. l'homme n'a pas été appelé figure, splendeur,
Mais lorsqu'il veut parler un langage plus élevé, il forme, ce qui indique l'essence ou une ressem-
donne prise aux attaques de Marcellus et de Sa- blance essentielle. De même que le terme « la
bellius. Mais entre ces deux excès qu'elle fuit, « forme d'esclave » veut dire un homme ayant tous
l'Eglise suit une ligne intermédiaire. Elle ne se les attributs de l'humanité, ainsi le
terme « la forme
renferme pas dans un humble langage, pour ne « de Dieu » ne peut rien signifier autre chose que
pas donner lieu à Paul de Samosate ; elle ne plane Dieu. « Qui étant la splendeur de sa gloire», dit
pas toujours dans les hautes régions et elle nous Paul. Voyez comment l'apôtre s'y prend. Après
montre un Dieu qui se rapproche beaucoup de avoir dit « Etant la splendeur de sa gloire », il a
:

l'humanité, pour éviter les assauts de Sabellius. ajouté «Il est assis à la droite de la souveraine
:

Paul dit « le Fils» et aussitôt Paul de Samosate Majesté». Examinez les mots dont il se sert; ici
l'arrête, en s'écriant Le Fils soit! comme tant
: il n'est plus question d'essence. Ni le mot de ma-
d'autres. Mais Paul a porté à l'hérétique un coup jesté, en effet, ni le mot de gloire ne rendent bien
mortel, avec un seul mot, le mot a d'héritier ». son idée. Mais il ne trouve pas de mot pour l'ex-
Alors Paul de Samosate s'allie sans rougir à Arius, primer. Voilà ce que je disais en commençant. 11
car tous les deux s'emparent de ce mot ; l'ua y a bien des choses que nous comprenons, sans
pour dire que c'est un témoignage de faiblesse, pouvoir rendre notre pensée. Car le mot Dieu ne
l'autre (lour attaquer ce qui suit. D'un seul mot, désigne pas l'essence. Mais comment désigner l'es-
en disant » Par (|ui il a lait les siècles », Paul a
: sence divine ? El qu'y a-t-il d'eloiiiiaiit à ce
tcnoiiïù l'Uvréli^ue de Samosate; mais Arius acai- qu'où oe trouve pas un nom pour celle esbciicc?
COMMENI'AIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE U. 459

Le mot ange en lui-même n'a dans sa significa- nous parle de sa sollicitude pour les hommes. Ce
tion aucun rapport avec l'idée d'essence. Peut-être mot « Soutenant tout » était bien vaste et embras-
:

eu est-il de même du mot « àme », qui, selon moi, sait tout. Le mot suivant est plus grand encore,
a la signification de « souffle ». Ame, cœur, pen- car lui aussi il embrasse tout. En tant qu'il a dé-
sée, sont termes synonymes: « Meis en moi un pendu de lui, le Fils nous a tous sauvés. Jean,
« cœur pur, mon Dieu », dit le psalmiste. Il y a après avoir dit « En lui était la vie», pour marquer
:

même des cas où le mot « àme » s'emploie dans sa providence, ajoute « Et il était la lumière »,
;

l'acception « d'esprit ». « Et soutenant tout par la ce qui revient à ce que dit saint Paul. «Nous ayant
« parole de sa puissance ». Entendez-vous ce qu'il « par lui-même purifiés de nos péchés, il est assis
dit? « à la droite de la majesté suprême ». 11 y a
3. Comment donc, hérétiques, pouvez-vous vous là deux preuves éclatantes de sa sollicitude
armer de celte parole del'Ecriiure: « Dieu dit que pour nous: il nous purifie de nos péchés, et il le

« la lumière soit », pour soutenir que le Père fait par ses mérites. Que de fois ne le voyons-nous
seul a ordonné, que le Fils n'a fait qu'obéir? Mais pas se glorifier de cet événement, non-seulement
voila le Fils qui agit ici par sa parole. » Soutenant parce que Dieu s'est réconcilié avec les houiuies,
« tout», dit l'apôtie c'est-à-dire gouvernant tout,
; mais parce que le Fils a été le médiateur de cette
an èlant l'édifice dans sa chute. Ah c'est une œu- ! réconciliation devenue ainsi de sa part un plus
vre aussi grande, que dis-je ? c'est une œuvre plus éclatant bienfait. Après avoir dit qu'il s'est assis
grande de soutenir le monde que de le créer. Créer, à la droite du Père, et qu'il nous a purifiés de nos
c'est faire quelque chose de rien. Mais arrêter dans péchés, après avoir rappelé la croix, l'apôtre nous
sa chute ce qui va tomber dans le néant, rattacher parle de sa Résurrection et de son Ascension. Et
entre eux lantd'élénients, voilà qui estgrand, voilà voyez ici sa prudence inefîable. Il ne dit pas: On
qui est admirable, voilà qui révèle un grand pou- l'a lait asseoir; il dit: «Il s'est assis ». Puis, pour
voir. El comme l'apôtre montre que cette œuvre qu'on ne pense pas qu'il se tient debout, il ajoute:
est facile au Fils par ce seul soutenant ». U
mot « « Qui est l'ange à qui le Seigneur ait jamais dit:
n'a pas dit, gouvernant; il a emprunté une image; « Asseyez-vous à ma droite? » —
« Il est assis à la
c'est l'être fort qui remue et porte un fardeau avec « droite de la majesté suprême, au plus haut des
un seul doigt. Il montre la pesanteur du fardeau: « cieux ».Que signifie « au plus haut des cieux?»
c'est le monde, et ce fardeau n'est rien pour celui Veut-il donc reufermer Dieu dans un espace
qui le porte. Celte dernière vérité est encore ex- limité? Loin de là. 11 ne veut pas nous donner de
primée en ces mots: « Par la parole de sa puis- Dieu une semblable idée. Quand il a dit « 11 est :

sance ». C'est bien dit car c'est montrer la puis-


: « assis à la droite du Père », il a voulu seulement
sance de celte parole divine différente de la parole faire allusion à la dignité de Fils qui égale celle
humaine qui est si peu de chose. Mais en nous du Père; quand il a dit: « Au plus haut des
et,
disant que la parole divine soutient le monde, il « cieux », il a voulu non pas reufermer Dieu dans

ne nous dit pas comment car il est impossible de


; ces limites, mais nous montrer ce Dieu dominant
le savuir. 11 passe à la majesté divine. Et c'est ce l'univers, et s'élevant jusqu'au trône de son Père!
qu'afailsaint Jean, qui, après avoir parlé de l'exis- Comme son Père, il est au plus haut des cieux, et
tence de Dieu, parle de la création. Ce que l'évan- ce trône qu'ils partagent montre qu'ils sont égaux
gélisle a fait entendre en disant « Au commen- : eu dignité. Mais, poursuivent les hérétiques, le Père
« cément était le Verbe et tout a été fait par lui » a dit au Fils « Asseyez-vous à ma droite ». Eh
:

(Jeau, 1, 1, 3), l'apôlro le dit à son tour et l'exprime bien cela prouve-t-il que le Fils se tenait debout?
!

clairement en ces turuies :« Parce qu'il a même Voilàce que les hérétiques eux-mêmes ne sauraient
o créé les siècles ». Voilà l'ouvrier qui a fait les prouver. D'ailleurs Paul ne dit pas que le mot pré-
siècles et qui subsistait avant tous les siècles. Que cédent soit un ordre ou une injonction ; il n'a d'au-
dire en présence de ces paroles du Prophète, à tre but que de nous faire voir que le Fils procède
propos du Père « Tu existes depuis le conimen-
: d'un principe et d'une cause. Et la preuve, c'est la
« cernent des siècles jusqu'à la fin des siècles» place à laquelle ce Fils est invité à s'asseoir. Elle
(Ps. Lxxxix, 2), si on les compare à ces paroles de l'a- est à la droite du Père... Pour désigner l'infériorité,
pôtre, à propos du Fils « 11 existait avant tous les
: le Père aurait dit Asseyez-vous à ma gauche.
:

« siècles et il a lait tous les siècles?» Ne se hâte- 4. «Etant aussi supérieur aux anges que le nom
ra-t-on pas d'appliquer au Fils ces mots qui ont « qu'il a reçu est plus excellent que le leur ». Le
été dit du Père Il existe avant les siècles? » En
: mot « étant » signifie ici « déclaré », pour ainsi dire.
« lui était la vie », dit saint Jean, pour faire voir Paul prouve. Comment est-il supérieur aux
le
qu'il a la force elle pouvoir de soutenir l'univers, anges? Par le nom qu'i a reçu. « Voyez-vous que
puisqu'il est la vie universelle. Saint Paul tient le « le nom de Fils désigne ici la parenté légitime ? »
môme langage: « il soutient tout par la parole de Certes, s'il ne se lût agi d'un fils légitime, Paul
« sa puissance ». Il ne fait pas comme les philo- n'auraitpas tenu ce langage. Pourquoi? Parce que
sophes grecs, qui, autant que cela dépend d'eux, le Fils n'est légitime qu'à la condition d'avoir été
le dépuuillent de sa force créatrice et de sa Provi- engendré par le Père. Paul confirme donc ici sa
dence, et qui renferment son pouvoir dans un cer- parole. Car si le Christ est Fils de Dieu par la grâce,
cle qui s'arrête à la lune. loin d'être supérieur aux anges, il leur sérail inl'é-
«Nous ayant par lui-même purifiés de nos pé- rieur. Comment? c'est que les justes ont aussi été
« chés ». Après avoir parlé de ses œuvres, si gran- appelés les fils de Dieu, et le nom de fils, quand il
des, qui sont autant de suprêmes merveilles, Paul ne s'agit pas du Fils proprement dit, du Fils léti-
460 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

time, n'est pas un titre de supériorité. Et, pour mille soucis ? d'être entouré de flatteurs? Mais ce
marquer l'intervalle qui existe entre les créatures sont autant de chaînes que vous avez là. Voulez-
et le créateur, Paul s'exprime ainsi : • Qui est l'ange à vous sentir le poids de ces chaînes, écoutez-moi
« qui Dieu ail jamaisriit : Vousèlesmon filsje vous bien. Les autres passions ont parfois leur utilité.
• ai engendré aujoiird'luiiî » El ailleurs t Je serai : La colère est quelquefois utile. « Colère injuste »,
« son Père, et il sura mon Fils ». Ces paroles mar- dit l'Ecclésiaste,«colère coupable». (Ecclés.i, 22.)
quent la liliation selon la chair. Car le mot « Je serai : La colère peut donc être juste en certains cas.
son Père, et il sera mon Fils », fait allusion évi- Ecoutez encore saint Malthieu : « Se fâcher sans
demment à l'Incarnalion. Mais cet autre >: Vous êtes «raison contre son frère, c'est s'exposer à lagé-
«mon Fils», ne prouve qu'une chose: c'est qu^l est « henné ». (Matlh. v, 22.) La jalousie et la concu-

de lui. De même qu'il est dit «qui est»,ûv, au temps piscence ont aussi leur bon côté celle-ci quand
:

présent, car cela lui convient admirablement; de elle a pour but la procréation des enfants ; celle-
même le mot «aujourd'hui » s'applique, selon moi, à là quand elle produit une noble émulation. C'est
l'Incarnation. Lorsqu'on eflet ilaborde ce mystère, ce que dit saint Paul. « Il est toujours bien d'éln;
son langage est plein d'assurance. La chair parti- « jaloux de bien faire », et ailleurs « Cliuisissi^z
:

cipe à l'élévation, comme la divinité à l'abais- « enire les dons de la grâce et monlrcz-vous jaloux
sement. Dieu n'a pas dédaigné de se faire homme; « d'acquérir les meilleurs ». (Galal. iv, 18; Cor. I

il n'a pas reculé devant cette humiliation réelle ;


xn, 31.) Voilà donc deux passions qui peuvciil
pourquoi donc n'accepterait-il pas le mol qui l'ex- avoir leur utilité. Mais l'orgueil n'est jamais bon ;
prime? il est toujours inutileet nuisible. S'il faut s'enor-
5. Puisque nous sommes pénétrés de ces vérités, gueillir de quelque chose, c'est de la pauv h'

plus de mauvaise honte, plus d'orgueil. Si Jésus non de la richesse. Pourquoi? C'est que l'Iioii' nu
qui est Dieu, maître et Fils de Dieu, a daigné pren- qui sait vivre de peu, est bien plus grand et bien
dre la forme d'un esclave, ne devons-nous pas ac- meilleur que celui qui ne lésait pas.
cepter toutes les tâches, même les plus humbles? Dites-moi : voilà des gens qui sont invités à se
Répondez, homme, d'où vient votre orgueil ? Des rendre dans une résidence royale ; les uns n'oiii
biens que vouspossédezencettevie?Maisilss'éclip- besoin en voyage ni de nombreux attelages, ni de
sent avant de briller. Des dons spirituels? Mais serviteurs, ni de parasols, ni d'hôtelleries, ni de
c'en est un que de n'avoir pas d'oigueil. D'où vient chaussures, ni de vaisselles; il leur suftit d'avoir
donc votre orgueil? De votre droiture? Ecoulez du pain et del'eaudessources Les autres disent Si :

cette parole du Christ: «Quand vous aurez fait vous ne nous donnez pas des charriuls et de bons
« touteschoses, dites Noussommes des serviteurs
: lils, nous ne pouvons pas venir; nous ne pouvons
« inutiles» (Luc, xvii, 10), car nous avons faitce que venir, si nous n'avons pas une suile nonibnuise,
nous devions faire. Mais c'est votre richesse qui si nousne pouvons nous reposera chaque instani;
vous rend orgueilleux. Eh! pourquoi donc? Ne nous ne pouvons venir, si nous n'avons pas des
savez-vous pas que nous sommes entrés nus dans attelages à notre disposition, et si nousne passons
la vie, et que nous en sortirons nus? Ne voyez-vous une partie du jour a nous promener; et nous
pas que ceux qui vous ont précédés sont partis nus, avons besoin de bien d'autreschoses encore. Deces
et dépouillés? Pourquoi s'enorgueillir de la posses- deux espèces d'hommes, laquelle excitera notre
sion des biens extérieurs? Ceux qui veulent s'en admiration? Sera-ce la première? Sera-ce la der-
servir et en jouir, ne s'en voient-ils pas privés, nière? 11 est évident que nous réserverons notre ad-
même malgré eux, souvent avant leur mort, tou- miration pour ceux qui n'ont besoin de rien. Il en
jours au moment de la mort ? Mais, de notre vivant, est de même ici. Pour faire le voyage de la vie, les
diles-vous, nous en faisons ce que nous voulons. uns ont besoin de mille choses, les autres n'ont
D'abord on voit rarement les riches jouir de leur besoin de rien. Et ce seraient les pauvres qui de-
fortune, comme ils l'entendent. Et quand on serait vriiii'iit èlro orgueilleux, s'il fallait avoir de l'or-
assez heureux pour cela, ce ne serait pas là un gueil. Mais, dira-t-on, c'est un être méprisable que
grand bonheur. Le présent en etfet est bien court, le pauvre. Non ce n'est pasiui (|u'il faut mépriser;
:

quand on le compare aux siècles sans fin. ce sont ceux qui le méprisent. Eh! Pourquoi ne
Tu es orgueilleux de tes richesses, ô homme ! mépriserais-je pas ceux qui ne placent pas bien
Et pourquoi donc ? C'est un avantage qui t'est com- leur admiration? lin bon peintre se moquera de
mun avec les brigands, avec les voleurs, avec les tous ceux qui s'aviseront de le railler, si les l'ail-
meurtriers, avec une foule de gens efféminés et leurs sont des ignorants ; il ne fera pas attimlion
corrompus, avec tous les méchants. Pourquoi donc à leurs propos; il se contentera du téiiujignage
cet orgueil? Si tu fais de ta fortune un bon usage, qu'il se rend à lui-même eliiousautre:j, nous dé-
:

tu dois bannir l'orgueil, pour ne pas enfreindre pendrons de l'opinion du vulgaire Quelle impar-
!

les commandements; si tu fais un mauvais usage donnable faiblesse !

de tes biens, l'orgueil te sied moins encore, puis- Aussi sommes-nous méprisables, quand nous
que tu es l'esclave de ces biens, de ces trésors qui ne méprisons pas ceux qui nous rnépriscnl à cause
sont devenustes tyrans. Dites-moi, ce fiévreux qui de notre pauvreté, quand nous ne les trouvons
boit de, l'eau avec excès et dont la soif s'éteint un pas malheureux. Je passe sous silence toutes les
instant pourse rallumer, doit-il s'enorgueillir? Cet fautes dont la richesse est la source, tous les avan-
honmie ((ui se forge mille soucis inutiles, doit-il tages de la pauvreté. Mais que dis- je? Ni la richesse,
s'enorgueillir? De quoi vous enorgueillissez-vous, ni la pauvreté ne sont pas elles-mêmes des
dites-moi 7 d'avoir une foule de maiiresî d'avoir biens; elle ne le deviennent que par l'usage qu'on
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE II. 461

en fait. La vertu du chrétien brille d'un plusgrand sommes-nous prives , n'en gémissons pas, mais
lustre dans la pauvreté que dans la ricliesse. Com- remercions Dieu de ce qu'il nous permet d'obtenir
ment? C'est que dans la pauvreté, il est plus mo- facilement la même récompense que les riches, el
deste, plus sage, plus respectueux, plus juste, plus une plus grande encore, si nous le voulons. Alors
prudent ; dans la richesse au contraire, la vertu notre faible capital nous rapportera un gros revenu.
trouve mille obstacles. Examinons les actions du Celui qui rapporta les deux talents ne fut-il pas
riche, de celui-là surtout qui fait de sa richesse un aussi honoré, aussi admiré que celui qui en rap-
mauvais usage. Ce ne sont que rapines, fraudes, porta cinq ? Pourquoi ? C'est que ces deux talents
pièges, violences. Que dis-je? Les passions déré- lui avaientélé confiés, c'est qu'il sut remplir toutes
glées, les commerces illicites, les sortilèges, les ses obligations; c'est qu'il rapporta le double de
maléfices, toutes les noirceurs en un mot ne déri- ce qu'on lui avait confié. Pourquoi donc cher-
vent-elles pas de la richesse? Ne voyez-vous pas chons-nous à nous faire confier des trésors, lors-
qu'il est plus facile d'être vertueux au sein de la que nous pouvons retirer autant de fruit d'un mo-
pauvreté qu'au sein de la richesse? Et parce que destedépôtque d'un dépôt considérable; lorsqu'avec
les riches ne sont pas punis ici-bas, n'allez pas moins de peine, nous pouvons obtenir une récom-
croire qu'ils ne commettent pas de fautes. S'il pense bien plus grande ? Le pauvre renoncera plus
était facile de punir les riches, ils peupleraient les facilement à ce qu'il possède que le riche, qui
cachots. Mais entre autres inconvénients, la richesse nage dans l'opulence. Ne savez-vous pas que, plus
a celui-ci le riche, qui fait le mal impunément,
: on est environné de richesses, plus on a soi! de
ne s'arrêtera jamais dans la voie du mal pour lui, ;
richesses? Pour éviter ce tourment, ne cherchons
le remède ne sera jamais à côté de la blessure, et pas la richesse et supportons sans peine la pau-
nul homme ne pourra lui mettre un frein. La pau- vreté. Avons-nous de la fortune, servons-nous-en,
vreté au contraire, si l'on veut y regarder, oiTrira comme le veutsaint Paul que ceux qui possèdent,
:

à nos yeux bien des côtés agréables. N'aflranchil- soient comme s'ils ne possédaient point, et que
elle pas l'homme des soucis, de la haine, des luttes, ceux qui usent de ce monde, soient comme n'en
des rivalités, des querelles, de mille maux enfin ? usant point, afin d'obtenir les biens promis, et
Ne courons donc pas après la richesse, et n'en- puissions-nous les obtenir avec la grâce de Dieu et
vions pas le sort de ceux qui la possèdent. Avons- par un elTet de sa bonté 1
nous de la fortune, faisons-en un ton usage. En

HOMELIE III.

MAIS APRÈS AVOIR INTROmiT SOS PREMIER-NÉ SUR LA TERRE, IL DIT QUE TOUS LES ANGES DE DIEH :

l'adorent. ET l'ÉCRITI ItE DIT HES AMiES DIEU SE SRR f DES ESPRITS POUR EN FAIRE SES ANGES. ET
:

DES FLA.WMIÎS AUDENTKS POUR EN FAIRE SES MINISTRES. MAIS IL DIT AU FILS VOIUE TRONE, DliiU, :

SERA UN TRÔNK ÉTEllNEL. (l, C, 7, JUSQU'A 11, 4.)

Analyse.
1. Dieu ne parle pas à son Fils comme à ses anges — Panl réfute tes juifs, Paul de Samosate, les ariens, Marcellus, Sabellius
et Mariinn.
2. Gloire du Ctirist. — Ministère des anges,
o II fant s'allacfier i) la parole du Clirist.
4. Itnpnriaiice de la parole du Chriit. — Témo'gnages rendus à cette parole.
5. Dieu dispen.-e les i/ràces ;ivi'c sasiesse.

6. La cliacite est le plus précieux de tous les dons.

1. Notre-Seigneur Jésus-Christ appelle son avè- Voyez les palais des rois. Les prisonniers et ceux
nement dans la chair une sortie. C'est ainsi qu'il qui ont offensé le roi se tienuent en dehors. Celui
dit :« Le semeur est sorti pour semer », et ailleurs : qui veut les réconcilier avec le prince, ne les intro-
« Je suis sorti de mon Père et me voici ». (Matth. duit pas tout d'abord ; il s'entretient avec eux
XIII, 3 ; et Jean, xvi, 28.) 11 s'exprime de même en hors de la maison royale et ce n'est que lorsqu'il
plufiniirs passages. Paul au contraire donne le nom les a rendus dignes de paraître devant le roi qu'il
d'iniroduction à cet avènement dans la chair: les introduit. C'est ce qu'a fait le Christ. Il est
« Aprèsavoirintroduitson premier-né sur la terre». sorti pour venir à nous , c'est-à-dire , a pris
L'incarnation, chez lui, prend le nom d'introduc- notre chair, il nous a parlé do la part du roi, et il
tion. Pourquoi ces expressions différentes pour ne nous a introduit devant lui qu'après nous avoir
désigner une même chose, et d'oii vient ce langa- purifiés de nos péchés et nous avoir réconciliés avec
ge? On voit clairement ce qu'il signifie. Le Christ le Souverain suprême. Voilà pourquoi il appelle
appelle son avènement dans la chair une sortie, et son incarnation une sortie- Paul au contraire l'ap-
\\ a ïmQU, car nous éiious en dehors do Dieu. pelle une « entrée ;
en se servant d'une fi^ur§
463 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHUÏSOSTOME.

empruntée a. la situation de l'homme qui hérite, et frappe les juifs, en démontrant que le Christ est
qui entre dansson héritage. Cesmots« après avoir Dieu et homme tout ensemble. Quant aux autres,
« introduit son premier-né sur la terre », signi- c'est-à-dire quant aux disciples de Paul de Samo-
fient évidemment « aprèsl'avolr mis en possession sate, il leur montre qu'il s'agit ici de l'éternelle
« de la terre ». Car il est entré en possession de substance et de l'être incréé. A ces mots il a
cette terre aussitôt qu'il a été reconnu Fils de « fait •, oppose ceux-ci « Votre trône, ô Dieu,
il :

Dieu. Ce n'est pas du Verbe divin, c'est du Christ « subsiste dans lessiècles des siècles ». Aux Ariens
selon la chair qu'il parle ainsi, et avec raison. il dit que le Christ n'est pas un esclave, et il
Car s'il était dans le monde, selon la parole de en serait un, s'il n'était qu'une créature. A
Jean, et si le monde a été fait par lui, conilnent Marcellus et aux autres il répond que le Père elle
pourrait-il y être introduit autrement que dans la Fils sont deux personnes hyposlatiquement dis-
chair? « Et que tous les anges de Dieu l'adorent». tinctes; aux disciples de Marcion, que l'oint du
Paul a quelque chose de grand et d'élevé à dire ; Seigneur dans le Christ, ce n'est pas le Dieu, c'est
il prépare donc son discours et dispose ses audi- l'homme. Puis il dit:'tD'une manière plus excellente
teurs à l'accueillir, en faisant introduire le Fils par « que vos participants ». Or ces participants, quels
le Père, Voyez plutôt il a dit plus haut que Dieu
: sont-ils, sinon les hommes? Cela veut dire que le
nous a parlé par son Fils et non par les prophètes; Christ a reçu l'Esprit de Dieu sans mesure.
il a montré que le Fils est supérieur aux anges, et 2. Voyez-vous comme il joint toujours, dans son
cela d'abord par le nom qu'il porte, puie par cette langage, la nature incréée et l'incarnation? Quoi
circonstance que le Père introduit le Fils. de plus clair? Voyez-vous la différence qu'il y a
Autre preuve de cette supériorité l'adoration.
: entre « créé » et « engendré? » Autrement il n'au-
L'adoration fait éclater toute la supériorité du rai! pas se paré ces deux manières d'être. Autrement,
Christ sur l'ange: c'est celle du maître sur le ser- en regard de ce mot « Il a fait », il n'aurait pas
:

viteur. Ce queferaitun introducteur en présentant placé, pour les opposera lui, ces paroles « Quant :

un grand personnage dans la maison d'un roi, et en « au Fils, il lui a dit Votre trône, à vous qui êtes
:

ordonnant à tous ceux qui s'y trouveraient de se « le Dieu de l'univers, sera éternel ». il n'aurait
prosterner devant le nouveau venu, Paul le l'ail ici pas, pour marquer sa prééminence, appelé le Christ
en parlant de l'introduction selon la chair du Fils du nom de Fils, si ce n'était pas là une marque
dans le monde et en disant « Que tous les anges
: de distinction. Où serait en effet la différence, où
« de Dieu l'adorent ». Quoi Les anges seuls, et
! serait laprééminence, si « être créé » était la môme
non les autres puissances Loin de lui ce langage!
! chose qu'être engendré? Puis voici ce mott le Dieu»,
Ecoutez ce qui suit. « Et des anges il est dit Dieu : i ©£3{ avec l'article. Puis il dit encore «Seigneur,:

« se sert des esprits pour en faire ses anges, et des « vous avez fondé la terre dès le commencement
« flammes ardentes pour en faire ses ministres ». t du monde, et les cieux sont l'ouvrage de vos

Quant au Fils, il lui dit :« Votre trône sera un trône a mains. Us périront, mais vous demeurerez; tous
« éternel ». Quelle diflérence entre ces deux sortes « vieilliront comme un vêtement, et vous les chan-
de langage! Les anges sont créés; le Fils est incréé. tegérez comme un manteau et ils seront changés;
Pourquoi dit-il aux anges: Celui qui « fait» des » mais vous, vous êtes toujours le même, et vos

espiils ses anges; et ne s'est-il pas servi de ce mot, « années ne finiront pas ». Et pour que ces mots:
en pailani du Fils? Il pouvait cependant exprimer t Lorsqu'il a introduit son premier-né dans le mon-

la (litlércnce qui les sépare, en ces termes Il est:


« de», ne vous lassent pas croire qu'il y a eu un
dii des anges: Celui qui « tait » des esprits ses an- don accordé au Fils dans la suite des temps, il
ges; eldu Fils:<'Le Seigneur m'a ciéé», et ailleurs: a corrigé plus haut celle expression et il la corrige
« Dieu l'a (ait Seigneur même et Christ ». Mais ces encore d'un seul mot « Dans le principe », c'est-
:

mots n'ont jamais été appliqués ni au Christ, Fils à-dire, non pas maintenant, mais dès l'origine
de Dieu Noire-Seigneur, ni à Dieu le Verbe; ils ne du monde. C'est encore un coup mortel qu'il porte
l'ont été qu'au Dieu incarné. Quand l'aul veut à Paul de Samosate ainsi qu'à Arius, lorsqu'il
montrer la vraie différence qui existe entre Dieu applique au Fils les paroles qui s'appliquent au
et ses ministres, sa parole embrasse non-seulement Père.
les anges, mais toute la hiérarchie des ministres Il fait entendre en outre, comme en passant,
célestes. Voyez-vous avec quelle netteté il sépare quelque chose de plus grand encore. C'est à la
les créatures du créateur, lesserviteursdu maître, transliguralion du monde qu'il fait allusion, en
l'héritier, le Fils légitime des esclaves? Au Fils il disant « Ils vieilliront, comme un manteau, lu les
:

dit : « Votre Irône, ô Dieu, est un trône éternel ». « rouleras comme un vêtement, et ils seront clian-
Voilà un des emblèmes de la royauté La verge de ! « gés ». C'est comme dans l'épîlreaux Homainsoù

votre royauté est la verge de la justice. Voilà en- il dit qu'il transformera le monde. La lacilité avec
core un emblème royal Puis en parlant de Dieu
! laquelle celle Iranslbrnialions'opéreraesl indiquée
fait homme : « Vous avez aimé la justice et détesté par le mot « Tu rouleras ». Il changera le monde
:

« l'injustice », dit-il, pourquoi vous êtes


« voilà qui sera entre ses mains, comme un vêlement que
« l'oint du Seigneur votre Dieu ». Pourquoi ces l'on roule. Si, quand il s'agit de la partie la meil-
ir.ots « Votre Dieu ? » c'est que son langage d'abord
: leure et la plus importante de la création, il la
si élevé, s'abaisse quand il descend à l'incarnation. transforme avec celle facilité, a-t-il besoin, pour
Ici ce sont les juifs, c'est Paul de Samosate, ce une œuvre moindre, d'une main étrangère? Jus-
Bout les ariens, c'est Marcellus, Sabellius et Marcion qu'à quand conserverez-vous ce front d'airain ?
(jue Paul attaque à la fois, et voici comment : il ^'est-ce pas une grande consolation de savoir que
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE SAINTAUX PAUL HÉBREUX. - HOMÉLIE HI. 463

le monde ne sera pas toujours le même, et qu'il d'esclavage. Songez à cette faible différence qu'il
subiraune transformation, un changement complet, met entre les créatures. Et pourtant elle est grande
tandis que Dieu lui-même jouit d'une existence la distance qui sépare l'ange de l'homme. Mais il
éternelle et d'une vie sans fin 7 « Vos années », dit- les rabaisse jusqu'à nous. C'est à peu près comme
il, « ne s'évanouiront pas. Et quel est l'ange à qui s'il disait pour nous qu'ils travaillent, c'est
: C'est
« Dieu ait jamais dit Asseyez-vous à ma droite,
: pour nous courent de tous côtés; on pour-
qu'ils
« jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à vous rait presque dire qu'ils sont nos serviteurs. Etre
« servir de marchepied? » envoyés partout, dans notre intérêt, voilà leur
\oilà en outre un encouragement pour ses audi- ministère !

teurs. Leurs ennemis auront le dessous; car leurs 3. A l'appui de cette vérité, les exemples abon-
ennemis sont les mêmes que ceux du Christ. Un dent dans l'Ancien Testament; ils abondent dans
nouveau signe de la royauté, du partage de la di- le Nouveau Testament. Quand les anges annoncent
gnité divine, un nouveau signe d'honneur et non aux bergers la bonne nouvelle, quand ils l'an-
de faiblesse, c'est cette colère du Père excitée par noncent à Marie, à Joseph, quand ils viennent
les offenses qui s'adressent au Fils. Quelle preuve s'asseoir auprès du monument, quand ils sont
d'amour etde filiation légitime c'est bien l'atta-
: envoyés pour dire aux disciples « Galiléens,
:

chement d'un père pour son fils véritable. Celui « pourquoi restez-vous là les yeux levés vers le

qui s'irrite ainsi en prenant ses intérêts, comment « ciel ? » (Act. I, H.) Quand ils délivrent Pierre de
lui serait-il étranger? «Jusqu'à ce que j'aie réduit sa prison, quand ils parlent à Philippe, est-ce que
« vos ennemis ». Cela revient à ce qui est dit dans ce n'est pas pour nous qu'ils travaillent ? Quel
le psaume deuxième: » Celui qui habite danslescieux honneur n'est-ce pas pour nous de voir le Seigneur
« se rira d'eux, et le Seigneur les raillera araère- se servir de ses anges pour les envoyer aux hom-
« ment. C'est alors qu'il leur parlera dans sa co- mes, comme à des amis, lorsqu'un ange apparaît
« 1ère et que, dans son courroux, il les confondra ». à Corneille, lorsqu'un ange fait sortir de prison
Et ailleurs « Ceux qui n'ont pas accepté monrè-
: tous les apôtres, en leur disant: i Allez et faites en-
« gne, conduisez-les devant moi et mettez-les à « tendre au peuple, dans le temple, la parole de vie».

« mort ». (Luc, xi.x, 27.) Ce sont bien là ses paroles: Pourquoi en dire davantage ? Paul lui-même ne
écoutez en effet ce qu'il dit ailleurs « Que de fois : voit-il pas apparaître un ange? Voyez-vous
«n'ai-je pas voulu rassembler autour de moi tes comme les anges nous servent à cause de Dieu,
« enfants et vous ne l'avez pas voulu. Votre mai-
! et cela dans les choses de la plus haute impor-
« son sera donc laissée à l'abandon ». (Luc, xiii, tance ? Aussi saint Paul dit-il: « Tout vous appar-
34.) Et encore « Le royaume vous sera enlevé,
: t tient à vous la vie, à vous la mort, à vous le
:

« pour être donné à une nation qui le fera fructi- € monde, à vous le présent, à vous l'avenir ». Le

« fier ». Et dans un autre endroit: « Celui qui Fils aussi a été envoyé, il est vrai, mais non comme
« tombera sur cette pierre, s'y brisera, et celui sur serviteur, non comme ministre, mais comme Fils
« qui elle tombera serabroyé». (Malth. x.xi, 43,44.) unique du Père; et son Père et lui n'ont qu'une
D'ailleurs, celui qui là-haut doit les juger, a pro- même volonté. Ou plutôt il n'a pas été envoyé ; car
noncé ici-bas contre eux un arrêt beaucoup plus il n'est point passé d'un lieu dans un autre ; mais

sévère, pour les punir de leur cruauté envers lui. il s'est incarné. Les anges au contraire changent

C'est donc uniquement pour faire honneur au Fils de lieux, ils abandonnent le séjour où ils sont,
qu'ont été dites ces paroles « Jusqu'à ce que j'aie
: pour aller dans celui où ils n'étaient pas. Et c'est
« réduit vos ennemis à vous servir de marche- pourquoi il leur dit, afin de les encourager Que :

« pied ». craignez- vous? Les anges vous servent.


«iSe sont-ils pas tous ces esprits qui le servent, Après avoir parlé du Fils, de son incarnation,
« envoyés pour exercer leur ministère en faveur de de sa puissance comme créateur, de sa royauté,
« ceux qui doivent être les héritiers du salut? » de son rang égal à celui du Père, de son autorité
Quoi d'étonnant, dit-il, s'ils sont les ministres du qui s'étend non-seulement sur les hommes, mais
Fils , puisqu'ils doivent s'employer aussi à notre sur les puissances d'en-haut, il exhorte ceux à qui
salut, en qualité de ministres? Voyez comme il il écrit, en usant de précautions oratoires,
en nous
relève esprits, et comme il nous montre
leurs présentant sous forme de conclusion le devoir de
l'excèsd'honneur que Dieu nous fait, en ordon- recueillir avec attention ce que nous avons en-
nant à ses anges de s'employer pour nous. C'est tendu, et il dit « Nous devons donc à proportion
:

comme s'il disait En quoi consiste le ministère


: « nous attacher avec plus de soin aux choses que
des anges ? A servir Dieu pour notre salut. C'est a nous avons entendues ». Il veut dire qu'il faut
donc une œuvre angélique de tout faire pour le s'y attacher avec plus d'attention encore qu'à la
salut de ses frères ; c'est plus encore, l'œuvre loi; mais il a passé le mot de « loi» sous silence,
du Christ. Mais le Christ travaille en maître toujours est-il que son langage est clair, quoi-
à notre salut, et les anges y travaillent, comme qu'il exprime une conclusion au lieu d'une exhor-
serviteurs. Et nous, toulesclaves que nous sommes, tation et d'un conseil. La forme qu'il emploie était
nous avons les anges pour compagnons d'escla- du reste la meilleure. « Car », dit-il, « si la parole
vages. Pourquoi donc, nous dit-il, lever sur les an- « sortie de la bouche des anges est demeurée
ges des yeux étonnés? Ce sont les esclaves du Fils « stable, si toute transgression, toute désobéis-
de Dieu, e ibien souvent c'est pour nous qu'ils sont « sauce à cette parole a reçu son juste salaire,
envoyés, et c'est pour notre salut qu'ils exercent « comment nous autres échapperons-nous au
leur mioislôrej ce sont donc nos conipuguons « cliàiiment, si uous négligeons un tel moyeu da
4é4 TRADl CTION FRxVNÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

« salut, la paroleque le Seigneur a d'abord laissé même ce qu'il rapporte; il le prouve, en s'ap-
« lomher de sa bouche et qui nous a été confir- puyant sur Dieu lui-même dont il est l'écho et
« mée par ceux qui l'ont entendue ? » Pourquoi qui parle non-seulement avec sa voix retentis-
donc devons-nous nous attacher davantage à ce sante qui traverse les airs, comme du temps de
que nous avons entendu î Est-ce que les deux Moïse, mais en se manifestant par les prodiges et
doctrines ne viennent pas de Dieu ? Est-ce une par les événements.
attention plus grande (|ue jamais, ou une grande 4 Mais que veulent dire ces mots « Si la pa-
:

attention qu'il faut ici ? Il n'y a pas là de compa- « rôle transmise par les anges a été confirmée? »
raison, à Dieu ne plaise Mais comme l'Ancien
! Dans l'épiire aux Calâtes aussi, il dit: « Donné par
Testament devait à sa longue existence (hie grande <ile ministère des anges et par l'entremise du
autoriié, tandis que l'autre était dédaigné comme « médiateur », et ailleurs « Vous avez reçu la loi
:

nouveau, il monti'e surabondamment qu'il faut « jiar l'intermédiaire des anges et vous ne l'avez
être surtout altenlil' au Nouveau Testament. Com- « pas gardée ». (Gai. m, 10; et Act. vn,S3.) El partout
ment fait-il pour cela? Ce qu'il dit revient à ceci : il est dit que c'est par le moyen des anges qu'elle
Les deux doctrines viennent de Di(ïu; mais non est donnée. U y en a qui disent qu'il est fait ici
de la nièiiie manière. Cette vérité, il nous la dé- allusion à Moïse; mais celte assertion n'est pas
montre plus tard. Pour le moment il ne fait qu'y fondée, car il est ici question de plusieurs anges,
toucher superficiellement et il nous prépare à et ces anges sont ceux qui habitent le cjel. Que
l'entendre; mais plus tard, il devient plus clair et dire ? Serait-il ici purement et simplement ques-
il dit « Si la première loi eùl été sans défaut »,
: tion du décalogue ? Là c'était Moïse qui parlait et
puis encore « i:e qui est ancien et vieux est bien
: Dieu qui répondait. Veut-on dire que les anges
« près de pi'rir » et beaucoup d'autres choses sem- étaient là par l'ordre de Dieu ? Serait-il question
blables. Mais il n'ose encore rien dire de tel en de tout ce qui se dit, de tout ce qui se passe dans
comnienraut son épitre; il s'empan; d'abord à l'Ancien Testament, comme si les anges y avaient
l'avance de son auditeur et le captive, à force de pris part ? Mais pourquoi lisons-nous ailleurs que
préparations. Pourquoi donc devons-nous nous la loi a été donnée par Moïse, tandis qu'ici elle est
attacher davantage à ce que nous avons entendu î donnée par les anges ? Car il est dit : Et Dieu est
Il nous le dit « C'est pour que nous ne passions
: descendu dans une nuée.
«pas comme Tonde »j c'est-à-dire, pour que « Si la parole transmise par les anges s''est con-
nous ne périssions pas, pour que nous ne tom- « firmée ». Que veut dire « confirmée ? » Fidèle-
bions pas. Et il nous montre ici le danger de la ment vérifiée, parce que tout ce qui a été dit est
chute, quand elle arrive par notre négligence, en arrivé en son temps. Cela pourrait signifier en-
nous mettant sous les yeux cette eau qui coule et core que la puissance de cette parole s'est révélée,
qui remonterait difficilement à sa source. Il em- et que les menaces de Dieu ont eu leur plein e»
prunte son expression au livre des Proverbes : entier elTet. Peut-être encore « parole » a-t-il ici le
« Mon fils », y est-il dit, « ne passez pas comme sens de commandements. Car, en dehors de la
l'onde ». Il nous montre combien il est facile de loi, un grand nombre d'ordres émanés de Dieu
glisser et combien il est dangereux de tomber, ont été transmis par les anges, à l'époque du
c'est-à-dire combien la désobéissance est pé- deuil par exemple, au temps des Juges et de Sam-
rilleuse. son. Voilà pourquoi c'est le mot « parole » et non
En raisonnant ainsi, il nous montre la grandeur le mot « loi » qui est ici employé. Mais, selon
du châtiment. Ce châtiment il le livre à nos re- moi, Paul entend peut-être ici ce qui s'est fait par
cherches sans tirer de conclusion expresse. C'est le ministère des anges. Parlant, que devons-nous
un moyen de faire accepter sa parole que de ne dire ? Il y avait alors des anges commis à la garde
pas toujours porter soi-mônie un jugement et de de la nation tout entière qui était avertie par leurs
laisser à l'auditeur le soin de prononcer c'est là : trompettes relenlissanles; à eux de susciter le?
un moyen de seconciliersa bienveillance. C'est ce flammes et d'évoquer les ténèbres. « Toute »
quêtait dans l'Ancien Testament le Prophète Na- transgression, « toute » désobéissance recevait
than; c'est ce que fait le Christ dans l'Evangile « sa juste récompense ». Il ne dit pas telle ou
selon saint .Matthieu, en ces termes « Que fera-t-il
: telle transgression, mais « toute » transgression.
« aux cultivateurs de cette vigne ? » Il force ainsi Ici nulle injustice ne restait impunie et « juste
les auditeurs à prononcer eux-mêmes. Voilà le « récompense » veut dire ici châtiment. Mais pour-
triomphe de la parole Puis, après avoir dit « Si
! : quoi dil-il récompense ? C'est une habitude de
« la parole des anges a été coulirmée », il n'ajoute Paul de ne pas laiie grand cas des paroles, et
pas A plus forte raison celle du Christ le sera, il
: d'employer en mauvaise part celles qui se pren-
omet cette conclusion et se contente de dire : nent d'ordinaire en bonne part et réciproquement.
« Comment éviterons-nous le chàlimenl, si nous Ainsi il dit ailleurs : « Asscrvissanl toute intcUi-
« négligeons un tel moyen de salut ?» Et suivez la « gence à la parole du Christ ». Ailleurs encore
comparaison dans ses détails. Là, c'est la « parole il a substitué le mot de récompense à celui de
« des anges »; ici c'est ce qui est annoncé par le châlinient, et dans le passage suivant, le châti-
Seigneur. Là c'est « la parole »j ici c'est le ment devient une rétribulion. « S'il est juste •,
salut». Et, pour qu'on ne vienne pas lui dire :Ces dit-il, « aux yeux de Dieu qu'il rétribue ceux qui
paroles, ô Paul, sont-elles bien celles du Christ ? « vous iitfiigent en les alfiigi'ant, et vous qui êles
il prévient l'objection et montre qu'il est digne de « affligés, en vous donnant la [uiix »(ll Thessal.
!

fvi, U le (Ji'ouve, en disant qu'il a entendu lui- I; 6|7.) Ctist-à-due; lajuiiliue u'd puï perdu bu»
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE III. 465

droits, mais Dieu l'a maintenue et il a frappé les diges des magiciens n'annoncent point la force et
pécheurs, lors même que toutes les fautes n'a- la puissance. Tout cela n'est que faiblesse, chi-
vaient pas paru au grand jour, bien que les lois mères, imaginations et futilités. Voilà pourquoi il
établies n'eussent pas été enfreintes. est dit ici : « Par la distribution des grâces du
« Comment donc, nous autres échapperons- « Saint-Esprit, qu'il a réparties comme il a voulu ».
« nous, si nous négligeons un tel moyen de 5. Ici Paul me semble encore faire allusion à

« salut ? » Il montre par là que la loi n'était pas un une autre circonstance. Probablement, dans l'as-

grand moyen a raison de dire «un tel


de salut. Il semblée à laquelle il s'adresse, il n'y avait pas
tt moyen ». Ce n'est pas des guerres, dit-il, qu'il beaucoup de gens qui fussent pourvus des grâces
nous sauvera ; ce n'est pas la terre, ce ne sont divines ; ces dons étaient devenus plus rares,
pas les biens terrestres qu'il nous donnera ; mais parce que les hommes étaient devenus plus né-
c'est la délivrance de la mort, c'est l'anéantisse- gligents. Voilà pourquoi, afin de les consoler et
ment du démon, c'est le royaume des cieux , c'est pour ne pas les laisser tomber dans le découra-
la vie éternelle qu'il nous apporte. Voilà tout ce gement, il a attribué toutes ces grâces à la volonté
qui est renfermé dans ce mot « Un tel salut ». Et
:
divine. Il quel est l'avantage de cha-
sait, dit-il,

pour montrer qu'il est digne de foi, il ajoute : cun, qu'Use fonde pour distribuer
et c'estlà-dessus

« Qui ayant été premièrement annoncé par le Sei- ses grâces. C'est ce qu'il dit encore dans l'épitre
« gneur même » ; c'est-à-dire que c'est la source aux Corinthiens. « Le Seigneur a donné à chacun
« la place qu'il a voulu ». Et ailleurs « Les
de ce salut qui nous l'annonce. Ce n'est pas un :

homme qui est venu l'annoncer à la terre, ce n'est dons du Saint-Esprit qui se mauilestent au
« dehors ont été donnés à chacun pour l'utilité de
pas une puissance créée, mais c'est le Fils unique
de Dieu lui-même « La nouvelle nous a été con-
:
« l'Eglise ». (I Cor. xti, 18, 7.) Il montre par là que

« firniée par ceux qui l'ont entendue ». Que veut les grâces sont réparties, suivant la volonté du

dire :« A été confirmée? » Cela veut-il dire rendue Père. Souvent, à cause de leur vie impure et de
croyable ou répandue ? Nous avons un gage de sa leur paresse, bien des gens n'ont eu aucune part
vérité, dit-il c'est que la bonne nouvelle ne s'est
:
aux grâces du Seigneur. Ils ont été quelquefois
pas évanouie, n'a pas eu de fin, elle règne et assez mal partagés, malgré leur existence hono-
triomphe, grâce à la vertu divine, à laquelle nous la rable et pure. Pourquoi cela ? c'est pour qu'ils ne
devons. Que signifient ces mots « Par ceux qui :
lèvent point une tête orgueilleuse c'est pour qu'ils
;

« l'ont entendue ? Ils veulent dire que ceux qui l'ont ne s'enflent point, pour qu'ils ne tombent point
recueillie de la bouche du Seigneur nous l'ont dans la négligence ou dansia présomption. Car si,
confirmée. Voilà qui est grave et bien digne de même sans la grâce, la conscience que l'on a de
foi. C'est ce que ditsaint Luc, au commencement de la pureté de sa vie, suffit pour donner de l'orgueil,
son Evangile « Ainsi que nous l'ont transmise, dès
: il en est ainsi à plus forte raison, quand le don
o l'origine, des témoins oculaires et des ministres des grâces vient s'y joindre. C'est pourquoi ce
a de la parole divine ». (Luc, i, 2.) Comment donc don est le privilège des humbles et des simples, et
s'est-elle confirmée ? Mais, pourrait-on dire, si surtout des simples. « Avec joie », dit-il, « etsim-
« plicilé de cœur ». (Act. ii, 46.) Voilà
surtout comme
elle a été inventée par ceux-là même qui l'ont
entendue ? C'est pour prévenir une pareille ob- il s'y prend pour les exhorter et pour stimuler
jection, c'estpour montrer que l'homme n'est là leur lenteur. Celui qui est humble en effet, celui
pour que saint Paul a ajouté
rien, «Dieu même : qui n'a pas de lui-même une haute idée, redouble
de zèle, quand il reçoit le don des giâces;
il croit
«leur a rendu témoignage». Dieu ne leur aurait pas
avoir reçu plus qu'il ne méritait il se
regarde
rendu témoignage, s'ils l'avaient inventée. Or à ;

leur témoignage est venu se joindre celui de Dieu comme indigne d'un pareil don. Mais l'homme
qui a conscience de son mérite, accepte
ce don
qui se manifeste non par ses paroles, non par sa
voix qui serait pourtant un témoignage irrécu- comme s'il lui était dû, et s'enorgueillit. Dieu a
sable, mais par des signes miraculeux, par des donc consulté l'intérêt de l'Eglise pour dispenser
prodiges, par les dillérents eflets de sa puissance. ces grâces. Aussi, voyons-nous,
dans l'Eglise, le
Il a raison de dire, « par les différents effets de sa don de l'enseignement accordé à celui-ci, tandis
« puissance », pour désigner le grand nombre des que celui-là ne peut pas même ouvrir la bouche.
grâces. Rien de pareil en effet n'a eu lieu dans les Il ne faut pas se chagriner pour cela. « Car les
premiers temps; il n'y a eu ni autant de signes, « dons de l'Esprit, qui se manifestent au dehors,
ni des signes si différents ; ce qui revient à dire « ont été donnés à chacun, pour l'avantage de
que nous n'avons pas cru les témoins téméraire- « l'Eglise ». Si un maître de maison sait à quoi il
ment et à la légère, et que notre foi s'est appuyée peut employer chacun de ses serviteurs, à plus
sur des signes et sur des prodiges. Ce ne sont forte raison il doit en être ainsi de Dieu qui con-
donc pas les hommes, c'est Dieu lui-môme que naît l'esprit des hommes, et qui sait tout avant
nous avons cru. « Et par la distribution des qu'ils ne soient nés. Une seule chose doit nous
« grâces du Saint-Esprit qu'il a réparties comme affliger, c'est le péché.
« il lui a plu ». Les magiciens aussi font des pro- Ne dites pasPourquoi n'ai-je pas de fortune î
:

diges, et les juifs disaient que c'était au nom de si j'en avais, j'en ferais part aux pauvres. Peut-
Belzébuth que le Christ chassait les démons. Mais être, si vous en aviez, seriez-vous plus ambitieux.
leurs prodiges ne ressemblent point à ceux que Vous parlez ainsi maintenant, mais, si vous étiez
Dieu opère. Voilà pourquoi il est dit ici « Par les : mis à l'épreuve, vous seriez un autre homme.
« diirérenls effets de sa puissance ». Car les pro- Sommes-nous rassasiés, il nous semble que noua
S. J, Ch. — Tome XI. 30
4C6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

sommes à l'épreuve du jeûne, et bientôt après des comptes; car ce serait le comble de l'impiété
nous raisonnons autrement. Quand nous ne et de la folie. Nous sommes des esclaves, et il y a
sommes pas enclins à l'ivrognerie, nous croyons entre notre maître el nous, esclaves que nous
pouvoir surmonter la passion du vin; celte pas- sommes, un intervalle immense; nous ne voyons
sion s'empare-t-elle de nous, nos idées changent. même pas à nos pieds. N'allons donc pas
Ne dites pas Pourquoi n'ai-je pas reçu le don
: scruter les desseins de Dieu ; conservons précieu-
d'enseigner î Si je l'avais, j'aurais édifié bien du sement ses moindres dons, ses dons les plus in-
monde. Si vous l'aviez eu, on vous en aurait peut- fimes et nous serons considérés. Mais que dis-je t
être fait un crime; l'envie et la paresse vous Parmi les dons du Seigneur il n'y en a pas un
auraient peut-être forcé à enfouir votr^ talent. qui n'ait son prix. Vous vous plaignez de n'avoir
Vous êtes maintenant à l'abri de leurs attaques, pas le don d'enseigner. Dites-moi, je vous prie,
et si vous ne donnez pas votre mesure de fro- lequel préférez-vous du don d'enseignement ou
ment, on ne vous fera pas de reproche. Si vous du don de guérison ? Le don de giiérison assu-
n'étiez pas dans la situation où vous êtes, vous rément. Et le don de guérir les maladies, n'est-il
auriez mille comptes à rendre. D'ailleurs, vous pas, selon vous, inférieur au pouvoir de rendre
n'êtes pas absolument dépourvu des grâces du la vue aux aveugles, inférieur au don de résur-
Seigneur. Montrez, dans votre humble situation, rection ? Et maintenant dites-moi ressusciter un
:

ce que vous seriez dans une position plus élevée. mort avec sa parole, n'est-ce pas moins encore
Si, « quand vous avez un petit dépôt à conser- que de le ressusciter avec son ombre par le
« ver », est-il dit, « vous ne vous montrez pas simple contact d'un morceau de linge? Qu'aimez-
« fidèle, que sera-ce quand vous serez dépositaire vous mieux, dites-moi ressusciter les morts avec
:

«d'un trésor? «(Lue, xvi, U.) Faites comme la votre ombre, par le « simple contact » d'un mor-
veuve. Elle n'avait que deux oboles et elle a ceau de linge, ou avoir le don d'enseigner ? As-
donné tout ce qu'elle possédait. Sont-ce les ri- surément, répondrez-vous, je préfère avoir le don
chesses que vous recherchez ? Montrez que de de ressusciter les morts.
faibles sommes n'excitent pas votre convoitise, 6. Si donc je parviens à vous démontrer que ce
pour que je vous en confie de plus grandes. Si dernier don est bien inférieur à l'autre, et qu'en
vous n'êtes pas au-dessus de quelques deniers, négligeant d'acquérir ce don le plus grand de
vous serez encore bien plus faible devant une tous, vous méritez d'être privé de tous les autres,
masse d'or. Dans vos discours, montrez que vous que direz-vous ? Et le don auquel je fais allusion,
savez adresser à propos une exhortation ou un ce n'est pas à un ou deux hommes, c'est à tout
conseil. Manquez-vous d'éloquence ? manquez- le monde qu'il est permis de l'acquérir. Vous voilà
vous d'abondance ? vous pouvez faire cependant tous ébahis, je le vois, vous voilà frappés de
ce que fait le commun des hommes. Vous avez stupeur ! Quoi ! vous pourriez acquérir un don
un enfant, un voisin, un ami, un frère, des encore plus grand que le pouvoir de rendre la vie
proches; si vous ne pouvez parler en public et aux morts et la vue aux aveugles Vous pourriez
!

développer un sujet devant une grande assem- faire ce qui s'est fait au temps des apôtres Voilà
!

blée, vous avez des auditeurs auxquels vous qui vous parait peut-ôlre incroyable quel est ce !

pouvez donner un bon conseil en particulier. Il don enfin ? C'est la charité. Mais croyez-moi bien.
n'y a besoin pour cela ni d'éloquence ni de longs Car ce n'est pas moi qui parle; c'est le Christ par
développements. Montrez devant un auditoire la bouche de saint Paul. Que dit-il ? « Entre
restreint que, si vous aviez reçu le don de la pa- « tous les dons, empressez-vous de choisir les
role, vous sauriez le cultiver. Si, quand votre « meilleurs, et je vais vous montrer une voie qui
œuvre est peu de chose, vous ne déployez aucun «est encore au-dessus de tout». (1 Cor. xii, 31.)
zèle, comment vous confierais-je une œuvre im- Qu'est-ce à dire « Encore au-dessus de tout? »
:

portante ? Ce que je vous dis là, chacun est en Voici le sens de ces paroles. Les Corinthiens, à
état de le faire. Ecoutez plutôt saint Paul s'adres- cette époque, se faisaient gloire de posséder les
sant aux laïques « Edifiez-vous », dit-il, « les uns
: dons de la grâce, et ceux qui avaient le don des
« les autres, comme vous le faites »; et ailleurs : langues qui est le dernier de tous, étaient gonflés
« Consolez-vous les uns les autres, dans vos entre- d'orgueil, et se mettaient au-dessusde tout le monde.
« tiens». (I Thess. T, H et iv, 17.) Valez-vous Paul dit donc : Vous voulez absolument posséder
mieux que Moise ? Ecoulez-le et voyez comme il les dons de la grâce. Eh bien je vais vous mon-
!

se décourage : que je puis les porter »,


« Est-ce trerune voie pour y parvenir, el cette voie n'est
dit-il, « pour que vous me disiez Porte-les,
: pas seulement supérieure aux autres; elle est au-
« comme une nourrice porte son nourrisson ? » dessus de tout. Puis il ajoute : « Quand je parlerais
(Nombr. XI, 12.) Que fait Dieu alors ? 11 lui re- « le langage des anges, si je n'ai point la charité,
tire son esprit pour le donner aux autres, montrant « je ne suis rien. El quand j'aurais cette foi vive
par là que lorsqu'il leur servait de soutien, ce « qui transporte les montagnes, si je n'ai pas la
n'était point par lui-même, mais parla grâce du « charité, je ne suis rien ». (I Cor. xiii, 1, 2.)
Saint-Esprit. Si vous aviez les dons de la grâce, Voilà ce qui s'appelle un don précieux Soyez !

souvent vous vous élèveriez, souvent vous seriez donc jaloux de l'acquérir. Cela vaut mieux que de
ahattu; vous ne vous connaissez pas vous-même, ressusciler les morts Ce don est de beaucoup
!

comme Dieu vuus connaît. Ne disons pas A quui : au-dessus de tous les dons. Ecoutez plutôt ce que
bon ceci ? Pourquoi cela ? Quand c'est Dieu qui dit le Christ à ses disciples, en s'entretenani avec
ordonne toutes choses, n'alloqs pas lui demander eux ; « A quoi lout le monde reconnaltia-t-il qug
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE IV. 467

«vous êtes mes disciples ? à votre charité les uns homme a deux ou trois amis; cet autre en a
« pour les autres ». (Jean, xiii, 33.) Ce signe par- quatre. Mais ce n'est pas là ce qui s'appelle aimer
ticulier qui les fait reconnaître, il le montre ici. pour Dieu; c'est aimer pour être aimé. L'amour
Ce ne sont pas les miracles, et qu'est-ce donc? qui a Dieu pour cause, ne dérive pas d'un sem-
C'est la charité qu'ils ont les uns pour les autres. blable principe. L'homme qui aime pour Dieu re-
El ailleurs il dit à son Père « On reconnaîtra que
: gardera tous les hommes comme ses frères. Ceux
« vous m'avez envoyé à ce signe ils ne seront : qui partagent sa croyance, il les aimera comme
«qu'un». (Jean, xvii, 21.) Et lui-même dit à ses dis- des frères germains; quant aux hérétiques, aux
ciples :« Voici un nouveau précepte que je vous don- grecs et aux juifs qui sont ses frères selon la na-
c ne, aimez-vous les unsles autres ».(Jean,xiii, 34.) ture, mais qui sont des membres corrompus et
Il y a doue plus de mérite et de gloire à cela inutiles, il pitié, et se consumera dans
en aura
qu'à ressusciter les morts, et c'est justice. Car les larmes, en déplorant leur sort.
tous ces dons que nous avons mentionnés, sont Le moyen de ressembler à Dieu, c'est d'aimer
des présents de la grâce divine; celui-ci est le tout le monde et même ses ennemis; ce n'est pas
fruit du
zèle ; c'est l'apanage du vrai chrétien ; de faire des miracles. Car Dieu lui-même, si nous
c'est le sceau du disciple de Jésus-Christ, de ce l'admirons quand il fait des miracles, nous l'ad-
disciple que l'on crucifie et qui n'a rien de mirons bien davantage encore, quand il mani-
commun avec la terre. Sans la charité, le mar- feste sa bonté et sa patience. Si donc ces vertus
tyre même est inutile. Voulez-vous le savoir ? Re- sont tellement admirables dans la nature divine,
marquez bien ceci. Saint Paul divise les vertus en à plus forte raison sont-elles admirables chez
trois classes principales celle des signes mira-
: l'homme. Montrons-nous donc jaloux d'acquérir
culeux, celle de la science, celle qui consiste la charité, et nous égalerons saint Pierre,saintPaul,
dans une vie droite. Eh bien ces vertus, selon ! et ces hommes qui ont opéré des milliers de résur-
lui, ne sont rien, sans la charité. Comment cela ? rections. Oui : nous les égalerons, quand même
je vais vous le dire : « Quand j'aurais distribué nous n'aurions pas le pouvoir de guérir une
« tout mon
bien pour nourrir les pauvres, si je simple fièvre. Mais, sans la charité, quauJ même
« n'ai point la charité, cela ne me sert de rien ». nous ferions plus de miracles que les apôtres,
(I Cor. XIII, 3.) Il est possible en effet que celui quand nous affronterions mille dangers, pour
qui distribue ainsi son bien, ne soit point chari- faire triompher la foi, tout cela sera en pure
table et ne soit qu'un prodigue. C'est ce qui a été perte. Et ici ce n'est pas moi qui parle; cette
suffisamment développé dans le passage où nous doctrine est celle du nourrisson de la charité, et
avons parlé de la charité, et nous y renvoyons le c'est à lui que nous devons obéir. C'est ainsi que
lecteur Soyons donc jaloux, je le répète, d'ac-
! nous obtiendrons les biens qui nous sont promis.
quérir la charité, aimons-nous les uns les autres, Ces biens, puissions-nous tous les acquérir, par
nous fera parvenir à la
et cette voie, à elle seule, la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
vertu. Tout nous sera facile. Plus de sueurs, tout Christ. A lui, au Père et au Saint-Esprit, gloire,
nous réussira et nous ferons tout avec zèle. Oui, puissance et honneur, maintenant et toujours, et
répète-t-il, aimons-nous les uns les autres. Cet dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE IV.
CAR DIEC n'a point SOUMIS ACX ANGES LE MONDE FBTUR DONT NOUS PARLONS. OR QUELQu'CN A DIT
DANS UN ENDROIT DE l'ÉCRITURE QU'EST-CE QUE l'HOMME POUR MÉRITER VOTRE SOUVENIR ? ET
:

qu'est CE QUE LE FILS DE l'HOMME POURÈTUE HONORÉ DE VOTRE \ MTE? VOUS L'aVEZ RENDU, POUR
UN TEMPS, INFÉRIEUR AUX ANGES, (il, 5, JUSQU'A 15.)

Analyse»
4. Pourquoi Dieu n'a-t-il pas voulu nous faire connaître d'avance le jour de noire morlt
2. Le royaume de Dieu. — La du Fils de l'homme.
gloire —
Les fruits de la croix.
3. L'incarnation et la passion du Christ plus grandes que la création.
4. Le Christ a terrassé la mort et le démon. —
Celui qui ne craint pas la mort est libre et grand.
5. Il ne faut pas, dans les funérailles, faire étalage de sa douleur. —
11 ne faut pas payer des pleureuses à gages.

6. 11 faut se soumettre à l'Eglise. —


il faut savoir supporter les réprimandes.

1. Je voudrais savoir positivement si quelques- sans doute, parce que nous craignons le Sauveur.
uns d'entre vous écoutent comme il faut nos paro- Car il est dit Rendez-nous témoignage devant ce
:

les, et si nous ne jetons pas la semence le long de peuple et, s'il ne vous écoute pas, vous n'en serez
la route. Votre attention nous donnerait plus d'ar- pas responsable. Mais si j'étais sûr de votre atten-
deur à poursuivre cet enseignement. Quand per- tion, ce n'est pas la crainte qui me ferait par-
sonne no devrait nous écouter, nous parlerons ler, mais ce serait avec plaibir que je reiuplirala
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN GHRYSOSTOME.

ce devoir. Mainlenant, eu eflel, quand votre inat- dit au Fils, c'est chose certaine, et l'on ne saurait
tention serait pour moi sans péril, puisque je fais avancer que cela ait été dit aux anges. Puis il
mon devoir, je nie livre à un travail ingrat. A quoi apporte un nouveau témoignage de cette vérité, ca
bon, en efïet, quand même on ne me reprocherait disant « Or quelqu'un a dit dans un endroit de
:

rien, poursuivre une œuvre qui ne profite à per- «l'Ecriture». Et pourquoi donc ne pas nommer
sonne? Mais si nous devons trouver en vous des ici le témoin? Pourquoi cacher le nom du Pro-

auditeurs attentifs, nous serons encore plus heu- phète ? Nous répondrons que c'est sa méthode et
reux d'obtenir votre altemion que d'évite^^le châ- qu'il l'emploie ailleurs, quand il à recours à tel
timent. Comment donc que vous m'é-
saurai-je ou tel témoignage. C'est ainsi qu'il dit « Quand :

cûutcz? j'observerai ceux d'enlre vous qui ne « il eut envoyé son premier-né sur la terre, il parle
sont pas très-attentifs, je les prendrai h part, je les « ainsi Que tous les anges de Dieu l'adorent ».
:

interrogerai, et vois qu'ils ont retenu quel-


si je Et ailleurs: « Je serai son père. Et il dit aux an-
ques-unes de mes paroles (je ne dis pas toutes, ce «ges Celui qui se sert des esprits pour en faire
:

qui n'est pas irùs-facile, mais seulement quelques- « ses anges. El il a dit au Fils Seigneur, vous :

unes), alors évidemment je serai sûr du reste de « avez créé la terre dès le commencement du
mon auditoire. J'aurais dû vous prendre à l'im- « monde». C'est toujours la même méthode qu'il
proviste, sans vous prévenir. Mais nous serons suit, en disant « Or quelqu'un a dit dans un pas-
:

heureux, si l'épreuve, telle qu'elle est, nous réussit. usage del'Ecriture». Quand il ne nomme pas, quand
Car, même de cette manière, je puis encore vous il passe sous silence le nom de son témoin, quand

surprendre. Je vous interrogerai je vous eu ai il lance ainsi dans la foule une citation, comme si
,

avertis, mais quand vous interrogerai-jeî Là-des- elle était connue de tous, il s'adresse aux Hébreux

sus je ne m'explique pas. Peul-êtresera-ce aujour- comme à des hommes versés dans les saintes
d'hui, peut-être demain peut-être sera-ce dans
;
Ecritures « Qu'est-ce que l'homme, pour que
:

vingt jours, dans quarante jours, plus ou moins. « vous vous souveniez de lui ? Qu'est-ce que le lils
C'est ainsi que Dieu ne nousapas révélé d'avance « de l'homme, pour que vous laissiez tomber sur

le jour de notre mort. Sera-ce aujourd'hui ? sera-ce « lui vos regards? Vous l'avez rabaissé un peuau-

demain? sera-ce dans une année entière? sera-ce « dessous des anges puis vous l'avez couronné
;

dans plusieurs années? Là-dessusilnousa laissés « d'honneur et de gloire Vous lui avez donné:

dans l'incertitude, afin que, n'étant pas fixés sur « l'empire sur les œuvres de vos mains, et vous
ce point, nous restions toujours vertueux. Qu'on « avez mis l'univers sous ses pieds ».

ne vienne pas me dire Il y a quatre ou cinq se-


: 2. Ces paroles peuvent s'appliquer au commun
maines et plus, que j'ai entendu ces paroles, et je des hommes mais elles s'appliquent plus parti-
;

ne puis les retenir. Celui qui m'écoute, je veux qu'il culièrement, je crois, au Christ incarné. Car ces
retienne fidèlement mes paroles, qu'elles restent mots « Vous avez mis l'univers sous ses pieds»,
:

gravées dans sa mémoire et qu'elles n'en sortent lui conviennent mieux qu'à nous. Le Fils de Dieu
pas. Je ne veux pas qu'il les accueille avec dédain. nous a visités, nous qui ne sommes rien, il s'est
Jeveux que vous reteniez mes discours, non pour l'cvêtu de notre humanité, et s'est élevé au-des-
que vous me les répétiez, mais pour qu'ils vous sus de tous. « Car, en disant qu'il lui a assujéti
profitent. "Voilà le but que je suis jaloux d'attein- « toutes choses. Dieu n'a rien laissé qui ne lui soit
dre. Après ce préamliule nécessaire, je dois pour- « assujéti; et cependant nous ne voyons pas en-
suivre la tâche que j'ai commencée. De quoi s'agit- ci core que tout lui soit assujéti ». Voici le sens de
ilaujourd'hui? ces paroles. Il avait dit « Jusqu'à ce que j'aie ré-
:

« Dieu », dit-il, « n'a point soumis aux anges le « duit vos ennemis à vous servir de marchepied »,
«monde futur dont nous parlons». Est-ce qu'il parle et probablement les Hébreux étaient encore dans
d'un autre monde que le nôtre? Cela ne peut être. l'affliction. Alors il leur adresse quelques paroles
C'est bien de celui-ci qu'il parle. Aussi ajoute-I-il: pour amener un témoignage qui vient confirmer le
dont nous parlons, pour que l'esprit de ses audi- premier. Pour qu'ils ne pussentpas s'écrier: Com-
teurs ne s'égare pas et n'aille pas en chercher un ment se fait-il qu'il ait réduit ses ennemis à lui
autre. Mais pourquoi dit-il Ce monde « futur? »
: servir de marchepied, puisque nous sommes en
par la même raison qu'il dit ailleurs : « Qui est la proie à tant de maux? Il avait déjà, dans le texte
« figure de celui qui doit venir». (Rom. v, )4.) C'est précédent, réfuté implicitement cette objection.
d'Adam et du Christ qu'il parle dans son épitre Ce mot « jusqu'à ce que », en effet, annonçait
aux Romains, où il appelle, en ayant égard aux une délivrance amenée par le temps, et non immé-
temps, le Christ fait homme, un Adam « futur », diate. Il revient maintenant encore sur ce point.
car il n'était pas encore venu. De même , dans ce Parce que tout ne lui est pas encore assujéti, ne
passage, après avoir dit « Lorsqu'il eut introduit
: croyez pas, dit-il, que les choses resteront dans
« son premier-né dans le monde »; pour qu'on cet état; car tout doit lui être assujéti : tel est 1©
n'aille pas croire qu'il s'agit d'un monde autre que sens de prophétie. « En disant qu'il lui a assu-
la
celui où nous sommes, il montre que c'est bien «jéti toutes choses, il n'a rien laissé qui ne lui
celui-là qu'il désigne en divers endroits, et notam- « soit assujéti ». Comment donc
ne lui est-il tout
ment par cette expression le monde « futur »;
ici : pas assujéti ? C'est un jour. Si
que tout doit l'être

car ce monde devait avoir un commenct^nient; donc tout doit être assujéti au Christ et ne l'est
tandis que le Fils de Dieu a toujours existé. Donc pas encore, n'allez pas vous affliger et vous trou-
ce monde qui allait commencer, il ne l'a pas sou- bler pour cela. Si tout était fini , si tout était sou-
mis aux angeS; mais au Christ. Que cela ait été mis et que vous fussiez toujours en pfoie au}
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S, PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLÎE iV. 4fi5

mêmes tourments, vous auriez raison de vous affli- besoin de goûter les remèdes présentés au malade,
ger. Mais tout n'est pas encore assujéti, nous le et cependant, il commence par les goûter, dans
voyons Le souverain n'a pas encore pleinement
: sa sollicitude pour ce client qu'il veut déterminer
établi son autorité. Pourquoi donc vous troubler, à boire hardiment un breuvage salutaire. Eh bien!
parce que vous soufïrez? « La bonne nouvelle » ainsi fait le Christ à l'égard de tous les hommes.
ne triomphe pas encore partout; les temps ne sont 11 craignaient la mort et, pour les enhardir contre

pas encore accomplis. Autre consolation Celui : elle, il la goûte, sans nécessité pour lui. Car, dit-
qui doit tout assujétir est mort lui-même, et a il, « voici venir le prince de ce monde, quoiqu'il
souffert mille tourments. « n'y ait rien en moi qui lui appartienne ». (Jean,
« Mais nous voyons que Jésus a été rendu, pour XIV, 30.) Ainsi l'explication de ces mots « par une
* un peu de temps, intérieur aux anges, à cause « grâce de Dieu » et de ceux-ci « il goûtera la mort
«de la mort qu'il a soufferte ». Puis viennent ces a pour le salut de tous », se trouve dans ce verset :
belles paroles: «Couronné d'honneuret de gloire». « Car il était bien digne de Celui pour lequel et par
Voyez-vous comme tout cela s'applique à Jésus? « lequel toutes choses ont été faites, que voulant
Cette expression « pour un peu de temps» doits'ap- « conduire à la gloire plusieurs de ses enfants, il
pliquer à celui qui ne reste que trois joursaux en- « perfectionnât par la souffrance l'auteur de leur
fers, bien plutôt qu'à nous, créatures éminemment « salut ».
périssables. De même les mots de « gloire et 3. C'est du Père qu'il parle ici. Voyez-vous
« d'honneur » lui conviennent bien mieux qu'à comme ces mots « par lequel toutes choses ont été
nous. Ensuite il leur rappelle la croix, dans un <t faites », s'appliquent bien à lui? Tel n'aurait
pas
double but, afin de leur montrer la sollicitude de été son langage s'il avait voulu exprimer des idées
Jésus pour l'humanité, afin aussi de les exhorter moins relevées, et s'il n'était ici question que du
à tout supporter avec courage, à l'exemple du Fils. Voici le sens de ses paroles!: Dieu a fait un acte
maître. Si celui que les anges adorent, leur dit-il digne de sa bonté pour nous, en revêtant son pre-
par là, a consenti pour vous à devenir pendant mier-né d'un éclat dont rien n'approche, et en l'of-
quelque temps inférieur aux anges, à plus forte frant pour exemple au monde comme un athlète
raison vous qui êtes inférieurs aux anges, devez- généreux et supérieur à tous. Voyez la différence:
vous tout supporter pour l'amour de lui. Alors il Il est le Fils de Dieu et nous aussi, nous sommes

leur montre que c'est la croix qui est la gloire et les enfants de Dieu mais c'est lui qui nous sauve,
;

l'honneur. Jésus lui-même ne l'appelle-t-il pas et c'est nous qui sommes sauvés. Voyez comme
ainsi , quand il dit : Voici l'heure où le Fils de tour à tour il nous rassemble et nous sépare.
l'homme va être glorifié ? Si donc, à ses yeux, « Voulant conduire à la gloire plusieurs de ses
c'est une gloire de souffrir pour des esclaves, « enfants », dit-il, « il devait perfectionner » par la
combien doit-il être plus glorieux pour nous de souffrance celui qui allait être l'auteur de notre
souffrir pour notre maître ! salut. La souffrance est donc un moyen d'arriver
Voyez-vous quels sont les fruits de la croix ? Ne à la perfection, et une source de salut. Voyez-vous
la redoutez pas. Elle vous effraie, et pourtant elle quel n'est pas le partage de ceux que Dieu a aban-
produit de grands avantages. 11 nous montre par donnés?
là l'utilité de la tentation, puis il ajoute: «Afin que, Dieu a donc particulièrement honoré le Fils, en
« par la grâce de Dieu, il goûtât la mort, pour le le faisant passer par la souffrance. Et en effet se
« salut de tous les hommes ». — «Afin que, par la revêtir de notre chair pour souffrir, est certes bien
o grâce de Dieu », dit-il. Oui, s'il a tant souffert, plus grand que de créer le monde et de le tirer du
c'est en vertu d'une grâce que Dieu a faite à tous néant :ce dernier acte est un bienfait; mais
les hommes. «Dieu », ditsaint Paul, « n'apasépar- l'autre en est un bien plus grand encore. Et c'est à
« gné son propre Fils, et l'a sacrifié pour nous la grandeur de ce bienfait que Paul fait allusion,
« tous». (Rom. VIII, 32.) Cesacrifice, il ne nous le par ces mots « Pour faire éclater, dans les siè-
:

devait pas; c'est une grâce qu'il nous a faite. Et « des à venir, les richesses surabondantes de sa
dans un autre passage de l'épître aux Romains, il «grâce, il nous a ressuscites avec lui, et nous a
nous dit « La miséricorde et le don de Dieu se
: « fait asseoir dans le ciel, en Jésus-Christ. Il fal-
«sont répandus avec bien plus d'abondance sur « lait bien que Celui par qui et pour qui toutes
« plusieurs, par la grâce d'un seul homme qui « choses ont été faites et qui avait conduit à la
«est Jésus-Christ ».(Rom. v, 15.) « Pour que, « gloire de si nombreux enfants, perfectionnât par
« par la grâce de Dieu, il goûtât la mort , pour le « la souffrance celui qui devait être l'auteur
« salut de tous ». Oui, pour tous les hommes, et « de notre salut ». Il fallait que celui qui a tant
non pas seulement pour les fidèles, car c'est pour de sollicitude pournous, et qui a fait toutes choses,
tous qu'il est mort. Mais, si tous n'ont pas cru? livrât son Fils pour le salut de tous, un seul pour
N'importe il a rempli sa mission. Celte expres-
: plusieurs. Mais tel n'est pas le langage de Paul :
sion il a « goûté » la mort, est pleine de justesse. il a employé les mots «Perfectionner par lasouf-
:

Il n'a pas dit: « Afin qu'il mourût » ; car il n'a fait « france », pour montrer que, lorsqu'on souffre
que séjourner dans la mort, il n'a « fait que la pour autrui, non-seulement on lui est utile, mais
« goûter », et sa résurrection a été prompte. Mais on devient soi-même plus illustre et plus parfait.
ces mots « à cause de la mort qu'il a soufferte », Ils'adresse à ses disciples pour les encourager.
expriment bien la mort véritable. Quant à ces Oui, le Christ a été glorifié, lorsqu'il a souffert.
mots « supérieur aux anges», ils font une allusion Mais quand je dis qu'il a été glorifié, n'allez pas
évidente à la résurrection. Le médecin n'a pas croire qu'il y ail eu là un accroissement de gloire
m TRADtCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHaYSOSTOME,

pour lui ; car la gloire était dans sa nature et rien «Et afin de mettre en liberté ceux que la crainte
ne pouvait l'augmenter. « dela mort tenait en servitude durant toute leur
« Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, « vie ». Pourquoi frémir, dit-il? Pourquoi redouter
« viennent tous d'un même Père. C'est pourquoi cette ennemie détruite à jamais? Elle n'est plus
« il ne rougit point de les appelerses frères ». Ici à craindre. La voilà foulée aux pieds; ce n'est
l'apôtre honore et console tous ses auditeurs; de plus qu'un objet digne de mépris, une chose vile
tous ces hommes il l'ait les frères du Chrtst, puis- et abjecte, ce n'est plus rien. Mais que veulent
qu'ils ont le même Père que lui. Puis établissant dire ces mots « Ceux que la crainte de la mort
:

bien et montrant clairement qu'il parle selon la « tenait en servitude durant toute leur vie?»
chair, il ajoute « Celui qui sanctifie et ceux qui
: cela veut dire que redouter la mort, c'est être
« sont sanctifiés ». Voyez quelle distance il y a esclave et prêt à tout supporter pour ne pas mou-
du Christ à nous ; c'est lui qui sanctifie, c'est nous rir. Cela peut vouloir dire aussi que tous les hom-
qui sommes sanctifiés. Et plus haut, saint Paul mes étaient esclaves de la mort et soumis à l'em-
l'appelle l'auteur de notre salut. « n'y a qu'un 11 pire de ce monstre qui n'était pas encore détruit.
« Dieu en effet, de qui procèdent toutes choses; Cela peut signifier aussi que les hommes vivaient
« c'est pourquoi il ne rougit point de les appeler dans des transes continuelles, s'atlendant toujours
« ses frères ». Voyez comme il fait ressortir ici la à mourir et redoutant toujours la mort, ne pou-
supériorité du Christ. Dire « il ne rougit point», vant goliter aucun plaisir, à cause de la terreur
cela signifie que ce n'est pas de sa part chose qui les assiégeait continuellement. Voilà, en effet,
toute naturelle de nous donner un pareil nom, mais à quoi semblent faire allusion ces mots « Durant :

que c'est l'effet d'une bonté et d'une humilité « leur vie entière ». Il fait voir ici que les affligés,
extrême. (;ar, bien que nous ayons tous le même les bannis, les hommes privés de leur patrie,
Père, toujours est-il que c'est lui qui sanctifie et de leur fortune, et de tous les biens, sont plus heu-
que c'est nous qui sommes sanctifiés. Quelle dif- reux et plus libres que ceux qui jadis vivaient dans
férence! El puis il procède du Père, comme un les délices, que ceux qui n'avaient jamais souf-
Fils véritable et légitime qui participe à son es- fert, que ceux à qui tout réussissait. Ceshommes
sence ; tandis que nous, c'est en qualité de créa- d'autrelois, durant leur vie entière, étaient sujets
tures tirées du néant que nous reconnaissons Dieu à la crainte de la mort, ils étaient esclaves; les
pour Père. La distance entre le Christ et nous est hommes d'aujourd'hui au contraire sont délivrés de
donc bien grande. Voilà pourquoi ildil:- Une rougit ces terreurs et rient de ce fantôme qui faisait frémir
« pas de les appeler ses frères », en disant a J'an- : leurs aïeux. Autrefois nous étions des prisonniers
« noncerai votre nom à mes frères». Car en même qui devaient être conduits à la mort et qui, en
temps que notre chair, il a revêtu cette fraternité, attendant le moment fatal , s'engraissaient dans
suite naturelle de l'incarnation; c'est là une con- les délices voilà ce que la mort faisait de nous-
:

séquence toute simple. Mais que veulent dire ces Aujourd'hui la mort n'est plus à craindre. Nous
mots « Je mettrai en lui ma confiance ? » car cette
: sommes des alhlôtes; nous avons à lutter contre les
autre expression «Me voici, et voici les enfants
: délices, et ce n'est plus à la mort, c'est à la royauté
« que Dieu m'a donnés», est remplie de justesse. que nous marchons. Quel sort est préférable à vos
Ici c'est comme Père des hommes qu'il s'offre à, yeux? Voulez-vous être le prisonnier qui s'en-
nous; tout à l'heure c'était comme fièie. « J'an- graisse dans son cachot en attendant chaque jour
« noncerai », dit-il, « votre nom à mes frères ». sa sentence, ou l'athlète qui brave la fatigue cl la
Puis vient une nouvelle preuve de sa supériorité souffrance, pour ceindre enfin le diadème royal?
et de la diflérence qu'il y a entre lui et nous. Voyez-vous comme il les ranime, comme il relève
« Comme donc ses enfants sont d'une nature leur courage î 11 leur montre non-seulement la
« composée de chair et de sang, il a pris aussi mort dont le règne est passé, mais notre ennemi
« celte môme nature ». La ressemblance, vous le implacable, et déclare le démon terrassé par la
voyez, est tirée de l'incarnation. Que les hérétiques mort; car l'homme qui ne craint pas la mort est
rougissent tous, qu'ils se cachent de honte, ceux affranchi de la tyrannie du démon. Oui l'homme :

qui piélendenl que la venue du Christ est une ap- qui pour conserver sa vie, donnerait les lambeaux
parence et non une vérité. L'apôtre ne s'est pas en de sa chair et tout au monde, une fois qu'il sera
edet borné à dire « Il s'est lait participant de cette
: parvenu à mépriser la mort, que craindra-t-il dé-
o nature», ce qui aurait pourtant suffi ; il a été plus sormais? Le voilà désormais exempt de crainte,
loin et il a dit « De celle même nature », pour mon-
: au-dessus de tout, le plus linre de tous les êtres!
trer que ce n'est pas là une apparence, une image, Quand on méprise la vie, en effet, on méprise à
mais une fraternité véritable. Autrement, que si- plus forte raison tout le reste. Une àme de cette
gnifierait le mol « même » Puis il nous
'?
dit trempe est assurée contre toutes les attaques du
le motif de cette métamorphose providentielle. démon. A quoi bon, je vous le demande, menacer
C'était « afin de détruire par sa mort celui qui un pareil homme de la ruine, de l'infamie, de
« était le prince de la mort, c'est-à-dire le démon ». l'exil ? Qu'est-ce qui; tout cela, dit saint Paul, pour
Voilà où est le miracle C'est par la mort que le
! celui qui ne tient pas même à la vie? Voyez-vous
démon a vaincu; c'est par «Ile qu'il a été vaincu. comme en nous allranchissant de la crainte de la
Cette arme terrible dont il se servait contre la terre, mort, il a brisé la puissance du démon? Car
la mort, a été entre les mains du Christ l'instru- l'homme qui pense sérieusement à la résurrection,
ment de sa perte, preuve éclatante de la puissance comment craindrait-il la mort? Quel danger pour-
du vainqueur! Voyez-vous quel bien la mort a fait? rait le taire frémir? INe vousabandonnezdonc pas
COMMENTAIRE SUR L'ÉPlTRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX.' - HOMELIE iV; iW
à la tristesse dites pas
! NePourquoi tous ces
: « vous affliger, comme
toutes ces personnes qui
maux que nous soulTrous? Notre victoire n'en « n'ont point ». (1 Thess. rv, 12.) Cela
d'espérance
sera que plus brillante, et quel éclat aurait-elle, si n'est pas écrit pour les religieuses, pour celles qui
la mort n'avait été vaincue par lamort? Le miracle, ont fait vœu de virginité, mais pour les femmes
c'est d'avoir vaincu le démon avec les armes qui fai- mondaines, pour les femmes mariées, pour les
saient sa force, et voilà ce qui fait ressortir le gé- femmes du siècle.
nie fécond en ressources de son vainqueur ! Jusqu'ici pourtant, il n'y a pas grand mal. Mais
« Car », dit-il, « ce n'est pas un esprit de faiblesse, quand on voit une femme ou un homme soi-di-
« c'est un esprit de force, de chanté et de sagesses sant mort pour le monde, s'arracher les cheveux,
« que nous avons reçu ». (Rom. ¥111, IS, coll.; II pousser de grands gémissements, qu'y a-t-il de
Tim. I, 7.) Résistons donc généreusement et mo- plus honteux? Croyez-moi il faudrait, pour bien
:

quons-nous de la mort. faire, interdire pour longtemps à ces gens-là le


5. Mais il me prend envie de gémir, dans toute seuil de l'église. Ceux qui méritent d'être pleures
l'amertume de mon cœur, quand je compare le en etîet, ce sont ceux qui craignent la mort, ceux
degré d'élévation auquel le Christ nous a l'ait par- qu'elle lait frémir et qui ne croient pas à la résur-
venir,audegré d'abaissement auquel nous sommes rection. Je crois à la résurrection, me direz-vous,
descendus par notre faute. A l'aspect de cette foule mais je veux suivre la coutume. Pourquoi donc,
qui se frappe la poitrine sur la place publique, qui dites-moi, quand vous partez pour un long voyage,
gémit sur ceux qui sortent de la vie, à l'aspect de n'en faites-vous pas autant? —
Alors aussi, dites-
tous ces gens qui hurlent de douleur et se livrent vous, je pleure, je me lamente et j'exprime mes
à toutes ces lâches démouslrations, croyez-moi, je regrets. Mais les larmes des funérailles sont celles
rougis devant ces grecs, ces juifs, ces hérétiques de l'habitude, les larmes du départ sont celles du
qui nous regardent, et dont toutes ces manifesta- désespoir. Réfléchissez donc aux paroles que vous
tions nous rendent la fable. Désormais toutes les chantez quand vous pleurez ainsi. « Tourne-toi,
méditations philosophiques que je puis faire sur » mon àme, vers ce port tranquille ; car Dieu a
la résurrection, sont en pure perte. Pourquoi? « répandu sur toi ses bienfaits », et ailleurs : a Je
C'est que ce n'est pas à mes paroles que les grecs « braverai le malheur, car tu es avec moi », et
font attention, c'est à vos actes. Car ils disent aus- ailleurs encore : « Tu es mon refuge au milieu
sitôt Comment trouver un seul homme capable
: « des tribulations qui m'environnent ». (Ps. cxrv,
de mépriser la mort, parmi tous ces hommes qui 7 ; xxii, 4 et XXXI, 9.) Réfléchissez au sens de ces
ne sauraient envisager un cadavre"? Elles soi t paroles que vous chantez. Mais vous n'y faites pas
bien belles les paroles de saint Paul: oui, elles attention ; vous êtes ivre de douleur. Rétléchissez
sont bien belles, elles sont dignes du ciel et de la pourtant, réfléchissez avec soin, durant ces funé-
bonté divine. Que dit-il, en effet? «Et il aflran- railles, afin d'être sauvé quand l'heure de vos fu-
« chira tous ceux que la crainte de la mort tenait, nérailles à vous, viendra à sonner. « Tourne-toi,
«durant toute leur vie, dans l'esclavage ». Mais « mon àme, vers le lieu du repos; car le Seigneur
vous empêchez les pa'iens de croire à ces paroles «a répandu ses bienfaits sur toi ». Quoi donc!
par votre conduite qui est en contradiction avec Voilà ce que vous dites et vous pleurez! N'est-ce
elles. Et pourtant Dieu nous a prémunis contre pas là une scène de théâtre, n'est-ce pas là un rôle
cette faiblesse et contre ces mauvaises habitudes. que vous jouez? Car enfin, si vous êtes bien
Car, je vous le demande, que veulent dire ces convaincu de ce que vous dites, votre douleur est
lampes qui brillent? Ces morts, ne les accompa- gratciîe. Si d'un autre côté, tout cela n'est qu'un
gnons-nous pas, comme s'ils étaient des athlètes jeu d'enfant, un rôle que vous jouez, une fable,
victorieux? Que signifient ces hymnes? N'est-ce pourquoi chanter? pourquoi permettre à vos voi-
pas Dieu que nous glorifions, que nous remercions sins de chanter? pourquoi ne pas les chasser?
d'avoir enfin couronné le lutteur sorti de la lice, Mais, direz-vous, ce serait de la folie. Ah votre!

de l'avoir affranchi de ses fatigues, de lavoir reçu conduite en est une bien plus grande encore...
dans son sein, en bannissant toutes ses inquié- Pour le moment, je me borne à vous avertir. Avec
tudes? N'est-ce pas là le sens de ces hymnes, de le temps, j'insisterai sur ce point , car j'ai bien
ces psaumes? Ce sont là autant de manifestations peur que cette coutume ne devienne la plaie de
joyeuses. « Quelqu'un est-il dans la joie, qu'il l'Eglise. Plus tard, je tâcherai de la déraciner.
«chante ». (Jac. v, 13.) Mais les grecs ne pensent Pour aujourd'hui je me contente de la dénoncer,
pas à tout cela. Ne nous parlez pas, disent-ils, de et je vous conjure, vous tous, riches et pauvres,
ces hommes qui font les sages, quand ils n'ont femmes et entants, de vous en défaire.
rien à souffrir ; car il n'y a rien là de bien grand Puissiez-vous tous sortir de la vie, sans être
ni de bien merveilleux; montrez-nous un homme entourés de tout cet appareil de deuil que, d'a-
!

qui raisonne en philosophe, au sein même de la près la loi de la nature, les pères arrivés à la
souffrance, et nous croirons
alors à la résurrec- vieillesse soient conduits à leur dernière demeure
tion. Que les femmes mondaines
se conduisent par leurs lils; que parvenues à une vieillesse avan-
ainsi, il n'y a rien là d'étonnant, bien qu'il y ail cée et tranquille , les mères soient conduites par
aussi du mal à cela. Car on leur demande aussi à leurs tilles, par leurs petits-fils et par leurs arrière-
elles, cette philosophie du chrétien, témoin cette petits-fils, et que votre mort ne soit jamais pré-
parole de Paul « Quant à ceux qui dorment dans
: maturée. Puissiez-vous avoir ce bonheur Je vous !

« le sein du Seigneur, ne veux pas vous le


je le souhaite et je le demande à Dieu pour vous.
« laisser ignorer, mes frères, vous ne devez pas Je vous en prie, je vous y exhorte; priez Dieu les
473 tRADUCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRVSOSTOME,

uns pour les autres, et que mes vœux soient instruise en ces termes « Tout ce que vous aureï
:

les vôtres à tous! Si, ce qu'à Dieu ne plaise, vo- « lié sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce
ire mort était cruelle {je dis cruelle, non que la « que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans

mort soit cruelle en elle-même, puisque c'est un tile ciel ». (Matlh. xviii, 18.) Malgré notre néant,
sommeil, mais enfin je dis cruelle, pour me mettre et tout malheureux, tout digne de mépris que nous
à votre point de vue), s'il en était ainsi, <t si;]uel- sommes, nous ne nous vengeons pas, nous ne vous
qii'un d'entre vous louait des pleureuses à gages, rendons pas outrage pour outrage, mais nous
croyez-moi, car je parle sérieusement et j'y suis veillons à votre salut.
bien décidé, croyez-moi, et fàchez-vous , si vous Rougissez donc, je vous en supplie, et que votre
voulez, j'interdirai pour longtemps l'église au visage se couvre de confusion ; car si l'on souffre
coupable. Car si Paul traite les avares d'idolâtres, la véhémence d'un ami qui s'emporte contre nous,
ils sont bien plus idolâtres encore ceux qui intro- par égard pour le but qu'il se propose, et pour la
duisent dans le séjour des fidèles les pratiques de bienveillance dénuée de hauteur qui lui dicte ses
l'idolâtrie. Pourquoi en effet, je vous le demande, paroles, à combien plus forte raison ne devez-vous
appeler des prêtres et des cliantres? N'est-ce pas pas supporter reproches d'un maître, sur-
les
pour vous consoler vous-même, n'est-ce pas pour tout quand ce maître ne vous parle point en son
jionorer celui qui est sorti de ce monde ? Pourquoi nom, surtout quand il vous parle non comme un
donc l'insulter? Pourquoi le donner en spectacle? chef, mais comme un tuteur! Ici en effet nous n'a-
Pourquoi ces pratiques théâtrales? Nous venons vons pas pour but de faire acte d'autorité, puisque
à vous pour méditer sur la résurrection, pour vous notre désir est que vous ne nous réduisiez pas à
instruire tous, pour apprendre, par honneur pour vous faii'e sentir notre pouvoir. Mais nous vous
l'apôtre, à ceux qui ne sont point encore frappés, plaignons et nous pleurons sur vous. Pardonnez-
le moyen de supporter avec courage les coups du nous et ne méprisez pas les liens de l'Eglise ; car
sort, et vous nous amenez des personnes qui s'ef- ce n'est pas l'homme qui lie, c'est le Christ qui
forcent pour leur part, de détruire noire ou- nous a donné le pouvoir de lier et qui a voulu
vrage ? que les hommes fussent honorés de ce pouvoir:
6. (Juoi de plus odieux qu'une dérision aussi nous voudrions n'en faire usage que pour délier,
amére? Quoi de plus grave qu'une conduite aussi que dis-je? nous voudrions que ce dernier acte
irrégulière? Rougissez et soyez couverts de con- même ne fût pas nécessaire. Car nous ne vou-
fusion. Si vous ne voulez pas changer de con- drions pas qu'il y eùl des prisonniers parmi vous;
duite, nous ne pouvons souffrir, nous, que ces nous ne sommes point assez infortuné et assez
pernicieuses habitudes s'iniroduisent dans l'E- misérable pour former un pareil vœu, malgré
glise. « Accusez », est-il dit, « les pécheurs devant noire néant. Mais si vous nous imposez un triste
a tout le monde ». (I Tira, v, 28.) Oui, nous dé- devoir, pardonnez-nous. Ce n'est pas de bon cœur,
fendons à ces malheureuses que vous amenez ici, ce n'est pas de plein gré, c'est en gémissant plus
d'assister aux funérailles des fidèles, sous peine que ceux qui sont dans nos liens, que nous vous
de se voir forcées à jileurer, avec des larmes véri- chargeons de chaînes. Et si vous méprisez nos
tables, non pas le malheur des autres, mais leurs liens, le joui' du jugement viendra vous instruire.
propres infortunes. Un père qui aime son fils, Je ne veux pas vous en dire davantage, pour ne
quand ce lils se dérange, ne se borne pas à lui pas frapper vos âmes de terreur. Car avant tout,
interdire la société des méchants, il etliaie les nous vous prions de ne pas nous réduire à une
méchants. Je vous engage donc à ne pas appeler dure nécessité; mais, si vous nous y forcez, nous
ces femmes, et je les engage â ne pas se présen- ferons notre devoir, nous vous chargerons de
ter. Et tasse le ciel que nos paroles soient écoutées liens. Si vous les brisez, j'aurai fait ce qui dé-
et que nos menaces ne soient pas vaines Si, ce ! pend de moi et je ne serai pas en faute. Mais il
qu'à Dieu ne plaise, on nn^jrisait nos avis, nous vous faudra compter avec celui qui m'a donné
serions Ibrcé de joindre l'etfet à la menace, en l'ordre de lier. Que sur l'ordre du roi, un de ses
vous traitant d'après les lois ecclésiastiques, et en gardes reçoive l'ordre de lier un des assistants et
traitant ces femmes, comme elles le méritent. Si de le charger déchaînes, si le condamné repousse
quelqu'un accueillait nos paroles avec un mépris le garde, et non content de cela, brise ses fers, ce
in.solent, nous lui dirions d'écouter du moins ces ne sera pas le satellite qui sera outragé, ce sera
paroles du Christ: « Si votre frère a péché conire bien plutôt le roi de qui l'ordre émane. Si donc,
« vous, allez lui représenter sa faute en particulier selon Dieu même, ce que l'on fait à ses fidèles,
« entre vous etiui s'il ne vous écoule point, pre-
; on le fait à Dieu, les outragers que vous adressez
« nez encore avec vous une ou deux personnes; à ceux qui ont reçu mission de vous instruire, re-
« s'il ne les écoule pas non plus, dites-le à l'Eglise; montent jusqu'à lui ; c'est comme si vous l'outra-
« et s'iln'écoute pas l'Eglise môme, qu'il soit à giez lui-même.
« votre égard comme un païen et un publicain ». Mais à Dieu ne plaise que l'un de ceux qui sont
(Matth. xviii, 15, te, 17.) Si je dois haïr ainsi celui qui dans cette assemblée en vienne à cette extrémité
se rend coupable de désobéissance envers moi, je et nous réduise à le lier Car s'il est bon de ne
!

vous laisse à penser la conduite que je dois tenir pas pécher, il est utile de savoir supporter les ré-
à l'égard de celui qui est coupable envers Uieu et primandes; sachons donc lessupporter, étudions-
envers lui-même, puisque vous condamnez la mol- nous à ne pas pécher; mais si nous péchons,
lesse et Tindulgence dont nous usons envers vous. sachons supporter la réprimande, il est bon
Si vous méprisez nos lieii.s, que le Christ vous d'éviter les blessures; mais, en cas de blés-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE V. «3
sure, il faut panser la plaie. Agissons de même pourrait déplaire à Dieu. Nous avons confiance en
ici. Ah ! fasse le ciel que personne ici n'ait Vii, et nous croyons que cette réprimande ne vous
besoin des secours de la médecine « Car ! serapas inutile; nous croyons que vous vouscor-
« nous avons une meilleure opinion de vous et rigere-, et que, grâce à ces observations, vous fi-
« de votre salut, quoique nous parlions de la nirez par mériternos éloges. Puissions-nous vivre
« sorte ». (Hébr. vi, 9.) Si nous vous avons parlé de manière à nous rendre agréables à Dieu, de
avec quelque vivacité, avec quelque véhémence, manière à obtenir tous tant que nous sommes, les
c'est pour plusdesùrelé. J'aime mieux en eflet pas- biens qu'il a promis à ceux qui l'aiment, par la
ser à vos yeux pour un homme audacieux, cruel et grâce de Jésus-Christ, Notre-Seigneur....
fier, que de vous voir faire quelque chose qui

HOMELIE V.
CAR IL n'a pas pris LA NATCRE DES ANGES, MAIS IL A PRIS CELLE DE LA RACE D'ABRAHAM. c'EST POUB-
QLOl IL A FALLU QU'iL FUT EN TOUT SEMBLABLE A SES FRÈRES. (U, 16, 17, JUSQU'A lil, 6.)

A.nalyse«

t. Dieu s'est montré libéral envers le genre humain.


2. Jésus, apôtre et poiiîife de notre religion.
3. Exhortation à s'affermir dans l'espérance et dans la foi.
4. Du bonlieur des méchants.
5. 11 faut, pour la religion, être prêt à tout souffrir.

1. Afin de montrer toute la bonté et toute la un jour plus grand encore, au moyen d'une com-
tendresse de Dieu pour le genre humain , après paraison conçue en ces termes « Il ne prend pas :

avoir dit « Parce que ses enfants avaient une na-


: « la nature des anges ». C'est qu'il y a là un miracle
« ture composée de chair et de sang, il s'est fait bien capable de nous remplir d'étonnemeut; c'est
« participant de celte même nature », Paul expli- notre chair qui se trouve élevée à ce degré de
que ce passage et continue en ces termes « Car : grandeur et qui devient l'objet de l'adoration des
« il ne prend pas la nature des anges ». Pour que anges, des archanges, des séraphins et des chéru-
l'on fasse une sérieuse attention à ces paroles, bins.
pour que l'on ne regarde pas comme un léger Que de en réfléchissantàce prodige, j'ai été
fois,
iîienfait cette faveur qu'il nous a faite de se revêtir ravi en extase et quelle haute idée j'aiconçue alors
de notre chair, faveur qu'il n'a pas faite aux anges, de la nature humaine Voilà un magnifique et
!

il dit « Il n'a pas pris la nature des anges, mais


: brillant privilège! Voilà une sollicitude singulière
« il a pris celle de la race d'Abraham ». Que si- de Dieu pour l'homme Et Paul ne dit pas sim-
!

gnifient ces mots « 11 n'a pas pris la nature de


: plement Il prend la nature de l'homme ; mais,
;

« l'ange; il a pris celle de l'homme?» Pourquoi pour élever l'àme de ses auditeurs, pour leur
cette expression « Il a pris ? » Pourquoi ne pas
: montrer toute la grandeur et toute la splendeur
dire : 11 s'est revèiu », mais
a. « Il a pris? » C'est : de leur naissance, il leur dit « Il prend la nature:

une métaphore empruntée à l'homme qui court « de la race d'Abraham; il fallait donc qu'il fût en
après un autre, quand celui-ci se détourne c'est : «tout semblable à ses frères». Ces mots«en tout»,
une métaphore empruntée à cet homme qui fait que veulent-ils dire? Ils signifient que le Christ a
tous ses efl'orls pour saisir le fuyard et pour pren- été enfanté et élevé, qu'il a grandi, qu'il a souf-
dre celui qui s'échappe. 11 a pris la nature de fert tout ce qu'il fallait souffrir, et qu'enfin il est
l'homme qui le fuyait et qui s'éloignait de lui. mort. En un mot, il a été en tout semblable à ses
« Car nous nous étions éloignés de Dieu, et nous frères. Après avoir longtemps entretenu son
« étions dans le monde, sans connaître Dieu ». auditoire de la grandeur du Christ, de sa gloire
(Ephés. Il, 12.) Dieu a poursuivi l'homme qui le suprême, il parle de sa Providence. Et voyez
fuyait et il a pris sa nature. H montre que cette comme sa parole est adroite et puissante, comme
conduite de Dieu à notre égard est un eflel de sa il fait que le Christ apporte à
ressortir l'attention
bonté, de sa tendresse et de sa sollicitude pour nous ressembler complètement. sollicitude de
nous. C'est comme lorsqu'il dit « Est-ce que tous : Dieu à notre égard Après avoir dit :« Parce que ses
!

« les esprits, ministres de Dieu, n'ont pas été en- « enfants ont une nature composée de chair et de
« voyés pour prêter leur ministère aux héritiers « sang, il s'est fait participant de cette même na-
«du salut?» (Hébreux, 1,14.) Il montre par là toute ît ture », il insiste et dit ici : « Il est devenu sem-
la sollicitude de Dieu pour la nature humaine, et « blable en tout à ses frères ». C'est comme s'il

tous les égards qu'il a pour nous. Ainsi dans le disait; Lui qui est si grand, lui qui est la splendeur
passage qui nous occupe, il met celte vérilé dans de la gloire, le caraclèie de la substance divine,
,

474 ïftADtCTiôN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSObTOME,

lui qui a fait les siècles, lui qui est à la droite du qui les rend supérieurs à eux. C'est d'eux que
Père, a consenti, il s'est étudié à devenir notre
il vient le salut; c'est leur nature qu'il a prise d'a-
frère en tout, et c'est pour cela qu'il a envoyé ses bord, puisque c'est chez eux qu'il s'est incarné.
anges et les puissances d'en-haut, qu'il est venu à Car, dil-il, « il ne prend pas la nature des anges;
nous et qu'il a pris notre nature. Voyez tous les « il prend la nalure de la race d'Abraham ». C'est
bienfaits dont il nous a comblés il a détruit la
: un honneur qu'il fait au patriarche, et il montre
mort, il nous a aiïranchis de la tyrannie du dé- aussi ce que c'est que la race d'Abraham. Il leur
mon, il nous a délivrés de la servitude, il nous rappelle cette promesse qui leur a clé faile « Je :

a fait rtiouueur de devenir noire frère, et il « donnerai cette terre à toi et à ta race ». (Genès.
nous a honorés , non-seulement de ce bien- XIII, IS.) Un petit mot lui suffit pour leur mon-
fait mais d'une foule d'autres bienfaits. 11 a
, trer leur parenté avec le Christ: « Ils sont tous
bien voulu devenir notre grand pontife au- « les enfants d'un même père ». Mais, comme
près de son père. Car saint Paul ajoute « Pour : cette parenté n'était pas grande, il y revient et
« être envers Dieu un pontife compatissant et s'arrête sur cette incarnation providenllelle
« lidèle (17) ». C'est pour cela, dit Paul, que le en ces termes : « Afin d'expier les péchés du
Christ a pris notre chair. C'est un effet de sa « peuple ».
bonté pour les hommes; il voulait que Dieu eût Consentir à devenir un homme, c'était nous
pitié de nous. Voilà le motif, l'unique motif de sa donner une grande preuve de sollicitude et d'a-
conduite providentielle. 11 nous a vus abattus, mour. Mais tout n'est pas là; il y a en outre les
mourants, tyrannisés par la mort, et il nous a pris biens impérissables qui nous ont été donnés par
en pilié. « Alin d'expier les péchés du peuple », son moyen. « Pour expier les péchés du peuple ».
dit l'apôlre, « afin d'èire un pontife compatissant Pourquoi pas « de la terre?» N'a-t-il pas porté
« et lidèle ». —
Fidèle », que veut dire ce mot? 11
« les péchés de tout le monde? C'est qu'il parlait
veut dire: sincère et puissant médiateur. Car le seul aux Hébreux des Hébreux. L'ange ne disait-il pas
pontife fidèle, c'est le fils. 11 peut, en sa qualité de à Joseph : « Tu l'appelleras Jésus, car il sauvera
pontife, absoudre son peuple de ses péchés. C'est « son peuple?» (Matth. i, 21.) Voilà en effet ce qui
donc pour offrir à Dieu une victime capable de devait avoir lieu d'abord il est venu pour sau-
:

nous purifier et d'expier nos fautes, qu'il s'est fait ver d'abord ce peuple, et par lui les autres hom-
homme; voilà pourquoi l'apôlre a ajouté :« Envers mes; quoique le contraire ait eu lieu. C'est ce que
« Dieu nos fautes envers Dieu ».
», c'est-à-dire « disaient aussi les apôtres, dès le commencement.
Nous étions, ennemis de Dieu, nous
dit-il, les « Par amour pour vous, il a suscité son Fils et l'a

étions condamnés, nous étions notés d'infamie; il « envoyé pour vous bénir ». (Act. m, 2C.) Et ail-

n'y avait personne pour ofirir, en notre faveur, le leurs « Le Verbe du salut vous a été envoyé ».
:

sacrifice. Il nous a vus en cet état et il nous a pris (Act. xiii, 26.) 11 montre la noblesse du peuple
en pitié. 11 ne nous a pas donné un pontife; mais juil, lorsqu'il dit « Pour expier les péchés de son
:

il s'est constitué lui-même notre pontife fidèle. « peuple ». C'est ici qu'il tient ce langage; car

Puis nous faisant voir en quoi c'est un pontife qu'il ait effacé les péchés du monde entier, c'est
fidèle, l'apôtre a ajouté « Alin d'expier les pé-
: ce que prouvent ces mots adressés au paralytique:
« chés du peuple ». « Car — c'est des souflrances « Vos péchés vous sont remis », c'est ce que prou-
o mêmes par lesquelles il a été éprouvé, qu'il tire vent ces paroles adressées à ses disciples, à pro-
la force de secourir ceux qui sont éprouvés(18) ». pos du baplême : « Allez et instruisez toutes les
2. Voilà le comble de l'humilialion Voilà un ! « nations, et baptisez-les au nom du Père et du
abaissement indigne d'un Dieu ! « De ses souf- « Fils etdu Saint-Esprit». (Matth. ix, 5 et xxviii,
« frances mêmes ». C'est de l'Incarnation qu'il abordé le chapitre de l'Incarnation,
l'J.JAprès avoir
parle ici, et peut-être avait-il pour but de raffermir Paul entre sans crainte dans les moindres et dans
ces âmes faibles. Toujours est-il que voici ce qu'il les plus humbles détails voyez plutôt « Ainsi,
; :

veut dire C'est pour souffrir ce que nous souf-


:
« mes avez part à la vocation
saints Irères, (|ui

frons qu'il est venu, et maintenant il connaît nos « céleste, considérez l'apôlre et le pontife de notre

souffrances, et il les connaît non-seulement comme M confession dans la personne de Jésus , qui
Dieu, mais comme homme , par l'expérience qu'il « est fidèle à celui qui l'a établi, comme Moïse

en a laite; ses nombreuses souflrances lui ont « lui a été fidèle en toute sa maison ». (m,

appris à compatir aux nôtres. Pourtant Dieu ne 1,2.)


connaît point la souBrance; mais Paul aborde ici Il vale comparer et le préférer à Moïse, et il
le mystère de l'Incarnation ; c'est comme s'il di- parle en premier lieu des devoirs du sacerdoce ;
sait: Le corps du Christ lui-même a été en proie car tous ses auditeurs avaient de Moïse une haute
à la souffrance. Il sait ce que c'est que l'affliction; opinion. 11 commence par jeter les germes de la

il sait ceque c'est que la tentation et il le sait supériorité de Jésus, et part de son incarnation
aussi bien que nous qui avons souffert; car il a pour arriver à sa divinité ; là nécessairement
soufl'ert lui-même. Mais que signifient ces mots: s'arrêtait la comparaison. 11 commence par les
« Il a la force de secourir ceux qui sont éprouvés ? » mettre comme « hommes »sur la même ligne, et il

C'est comme s'il disait : C'est avec ardeur qu'il dit : « Comme
Moise en toute sa maison ». Il ne
nous tendra la main ; car il est compatissant. montre pas tout d'abord la supériorité de Jésus;
Comme les Hébreux voulaient avoir sur les gen- il craindrait que son auditoire ne se révoliàt et ue

tils une supériorité quelconque, il leur montre, se bouchât les oreilles. Car ses audi leurs avaient
wns blesser les gentils, que voilà piécisémeut ce beau être des fidèles, le souvenir de Moise était
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE V. i1^

encore profondément gravé dans leur cœur. « Qui déjà entrés dans leur cœur. Mais c'est jusqu'à la
« est fidèle à celui qui l'a établi ». Daos quelle fin qu'il faut persévérer; il faut savoir non-seule-
charge l'avait-il établi ? Dans la charge d'apôtre ment résister mais avoir une confiance ferme et
et de pontife. Passaut ici sous silence son essence stable fortement appuyée sur la foi, sans jamais
et sa divinité, il ne parle que de ses dignités, au se laisser ébranler par les épreuves. Ne vous éton-
point de vue purement humain. « Comme Moïse nez pas sice mot: «Il a été éprouvé lui-même »,
« en toute sa maison », c'est-à-dire au milieu de rappelle un peu trop la nature humaine. Si, en par-
son peuple ou bien dans le temple. Il dit ici : lant du Père qui n'a pourtant pas été incarné,
« En maison », et c'est comme s'il disait « Au
sa : l'Ecriture dit « Le Seigneur a regardé du haut
:

« milieu de ceux qui sont dans cette maison ». « des cieux et il a vu tous les enfants des hom-
Car Moïse était pour le peuple Hébreux comme un « mes» (Ps. XIII, 2); c'est-à-dire, il s'est rendu
intendant, comme un économe. Et, pour prouver de toutes choses un compte fidèle et exact; si elle
qu'il s'agit ici de ce peuple, il a ajouté : « C'est dit : descendrai des cieux et je verrai si leurs
« Je
« nous qui sommes sa maison », c'est-à-dire sa « plaintes sont légitimes » {Gen. xviii, 21); si
j chose. Puis voici la supériorité de Jésus mise en elle dit : « Dieu ne peut supporter les vices des
pleine lumière « Il a été jugé digne d'une gloire
: € hommes», pour exprimer la grandeur de la co-
« d'autant plus grande que celle de Moïse, que lère divine, on peut parler à plus forte raison
a celui qui a bâti la maison est plus estimable que « des épreuves » du Christ dont la chair a connu
« la maison même (3) ». la souffrance. Comme beaucoup d'hommes pen-
3. Et lui-même, de la maison. 11 n'a
dil-il, était sent que l'épreuve des maux est le meilleur
pas dit : L'un maître;
était l'esclave, l'autre était le moyen de les connaître, il veut montrer que celui
mais il l'a fait entendre discrèlement. Si maison, qui a souffert, connaît les souffrances de la nature
veut dire ici peuple, et si Jésus était du peuple, humaine. « Vous donc, mes saints frères • (donc,
c'est qu'il était de la maison. Nous aussi nous c'est-à-dire « par ce motif) « vous qui avez part
avons l'habitude de dire ; Voilà un homme qui est « à la vocation céleste ». N'en demandez pas da-

de la maison. 11 dit ici « maison » et non pas vantage, si vous êtes appelés à cette vocation :
o temple », car le temple avait été construit non voilà la récompense voilà la rémunération !
!

par Dieu lui-même, mais par les hommes. Quant Ecoutez ce qui suit « Considérez l'apôtre et le
:

à celui qui l'a établi, c est Dieu; il est ici question « pontife de notre confession dans la personne

de Moïse. Voyez comme la supériorité de Dieu est « de Jésus-Christ qui est fidèle à celui qui l'a
indiquée. 11 était fidèle, dit-il, en toute sa maison, « établi, comme Moïse lui a été fidèle eu toute sa
et il était de cette maison , c'est-à-dire du peuple. « maison ». Que signifient ces mots : « Qui est fi-

Or, l'ouvrier est plus estimable que l'ouvrage, et « dèle à celui qui l'a établi ? » Ils signifient : qui

l'architecte que la maison. « Et l'arcliitecie de pourvoit à tout, qui conduit les siens, qui ne les
toutes choses, c'est Dieu (4)». Vous voyez qu'il est laisse ni errer au hasard ni s'égarer. « Comme
questiou ici du peuple tout entier, et non du tem- « Moïse, en toute sa maison », c'est-à-dire : Appre-

ple. « Quant à Moïse, il a été fidèle dans toute nez à connaître ce pontife et vous n'aurez pas be-
« la maison de Dieu, comme un serviteur envoyé soin d'autre consolation, d'autre exhortation. Il
« pour annoncer au peuple tout ce qu'il lui était l'appelle apôtre, parce qu'il a été envoyé ; il l'ap-
«ordonné de dire (S)». Voilà encore une autre diffé- pelle pontife de « notre confession », c'est-à-dire
rence qui résulte de l'état de fils et de celui de de € notre foi ». Il a eu raison de dire « Comme :

serviteur. Voyez-vous comme par ce nom de fils « Moïse ». Car, comme lui, Jésus a été chargé de
il entendre que le titre de Fils de Dieu appar-
fait conduire et de gouverner son peuple ; mais sa
tient à Jésus en toute propriété î « Mais le Christ, mission était plus haute et plus importante. Moïse
«comme Fils, a l'autorité dans sa maison (6) ». n'était qu'un serviteur; le Christ est le Fils de Dieu.
Voyez-vous comme il dislingue et sépare l'oeuvre Celui-là avait sous sa tutelle. d&« étrangers ; celui-ci
de l'ouvrier, le serviteur du Fils? Celui-ci entre est le tuteur des siens.
dans le bien de son père, comme Fils de la mai- « Pour annoncer tout ce qu'il mi était ordonné
son, celui-là comme serviteur. « El c'est nous qui « de dire «.Quediles-vous, Paul? Dieu accepte-l-il
« sommes sa maison, pourvu que nous conser- le témoignage des hommes? Sans doute, il l'ac-'
« vions jusqu'à la fin une ferme confiance el l'es- cepte. S'il prend à témoin le ciel, la terre et les
« poir glorieux des biens qui nous attendent ». collines, en disant par la bouche des prophètes :

Ici nouvelle exhortation à résister fortement, à € Cieux, entendez-moi; terre, écoule; car le Sei-

ne pas tomber dans le découragement. Comme « gneur a parlé écoulez,vallées et fondements de


;

Moïse, dil-il, nous serons de la maison de Dieu, si « la terre » (Isaïe, i, 2 Mich. vi, 2), parce que le
;

nous conservons jusqu'à la fin une ferme con- Seigneur porte son jugement contre son peuple,
fiance et un glorieux espoir. Celui que la douleur à plus forte raison peut-il prendre les hommes à
abat dans les épreuves et qui sent son cœur dé- témoin. Que veulent dire ces mots c Pour annon-
:

faillir, n'est pas glorifié ; celui qui, tout couvert de « cer, pour rendre témoignage? » C'est qu'il faut à
confusion, va se cacher, n'a pas la confiance ; Dieu des témoins contre des hommes qui ont ab-
celui qui est triste n'est pas glorifié. Et puis c'est juré la pudeur. «Le Christ gouverne comme Fils».
faire leur éloge que de dire « Si nous conser-
: Moïse était tuteur d'enfants étrangers; le Christ est
« vons jusqu'à la fin une ferme confiance et l'es- le tuteur de sa famille, t Et la glorieuse espé-
« pérance de la gloire qui nous attend». C'est « rance ». C'est bien dit car les biens qui leur
:

montrer que cette confiance et cet espoir sont étaient promis n'étaient encore que des espéran-
476 tRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ces. Oril faut conserver l'espérance et


nous glo- d'Abraham «Vous avez reçu votre part de bon-
:

rifier de ces promesses, comme si elles s'étaient <iheur dans votre vie, et Lazare n'a eu que le mal-
< heur en partage ». (Luc, xvi, 25.) De quels biens
réalisées déjà. C'est pour cela qu'il parle « d'es-
« pérance glorieuse .; c'est pour cela qu'il ajoute: s'agit-il ici? Ces mots :« Vous avez reçu votre

Conservons-la fermement jusqu'au bout^car c'est part », montrent que le bonheur de l'un, comme le
l'espérance qui nous a sauvés. Si donc nous lui malheur de l'autre, était le paiement d'une dette.
devons notre salut, et si nous savons attendre pa- Aussi ajoute-t-il « C'est pourquoi il est dans la
:

tiemment, ne nous atfligeons pas des maux pré- « consolation ». Car vous le voyez, il est purifié

sents et ne cherchons pas à voir l'effet des pro- de ses péchés, t et vous » vous êtes dans les tour-
messes divines ; « car lorsque l'on voit ce qu'on ments.
<ia espéré, ce n'est plus espérance ». (Rom. viii, Ne nous attristons donc pas , lorsque nous
24.)— Ils sont grands les biens qui nous sont pro- voyons les pécheurs favorisés ici-bas; mais quand
mis, et ce n'est point dans celte vie passagère et nous sommes dans le malheur, réjouissons-nous,
périssable que nous pouvons les goûler. Mais car ce malheur est le paiement de nos fautes. Ne
pourquoi donc alors nous prédire un bonheur qui cherchons pas le repos; car le Christ a promis
« Tous
ne doit pas être ici-bas notre partage? C'est que l'aflliction à ses disciples et Paul dit
: :

« ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-


Dieu, au moyen de cette promesse, veut ranimer
noire ùme, affermir et fortifier notre ardeur, rele- « Christ, soufïrenl la persécution». (Il Tini. m, 12.)
ver et fortifier nos esprits. Voiià le but véritable de Un courageux athlète, au moment du combat, ne
toutes ces promesses. recherche pas les biens, les tables bien servies ;
4. Giu-dons-nous donc de nous troubler ; une pareille conduite n'est pas celle d'un allilète,
n'éprouvons aucun trouble à l'aspect du bon- mais celle d'un homme mou et efféminé. Un
heur des méchants ; ce n'est point ici-bas athlète qui combat est tout frotté d'huile, il sup-

que le vice et la vertu sont rémunérés; si cela


porte la poussière, la chaleur, la sueur, les per-
arrive quelquefois, ce n'est pas pour que justice plexités, les angoisses de la lutte. Voici le mo-
soit faite ; c'est un avant-goùl du jugement, c'est ment du combat donc voici le moment des bles-
;

pour que ceux qui ne croient pas à la résurrection sures , de l'effusion du sang , de la douleur !

rentrent en eux-mêmes. Quand donc nous voyons Ecoutez les paroles de saint Paul : t Je ne com-
• bats pas en lutteur qui frappe dans le vide ».
le méchant dans l'opulence, ne tombons pas dans
le découragement; quand nous voyons l'homme (I Cor. IX, 26.) Songeons que noire vie n'est

de bien dans le malheur, ne nous troublons pas ;


qu'un combat et jamais nous ne chercherons le
c'est là-bas que sont les couronnes; c'est là-bas repos; jamais nous ne regarderons l'alfliction
que sont les supplices. D'ailleurs, il est impos- comme un accident nouveau et extraordinaire de
sible que le méchant soit complètement méchant; noire existence; nous ressemblerons à l'allilèle
ilpeut avoir quelques qualités il est impossible :
qui ne regarde pas la lutte comme un accident
aussi que le bon soit parlait il peut avoir quelques
;
nouveau el extraordinaire pour lui. Il n'esl pas
défauts. Quand donc le méchant est dans la pros- temps encore de nous reposer; il laul que nous
périté, c'est pour son malheur , sachez-le bien ; soyons perfectionnés par la souffrance. Quoique
c'est pour qu'après avoir reçu ici-bas la récom- nous ne soyons pas en butte à la persécution, aux
pense du peu de mérite qu'il peut avoir, il reçoive vexations, il y a cependant des afflictions journa-
là-bas son châtiment plein et entier. Le plus heu- lières qui nous éprouvent; si nous ne savons pas

reux est celui qui est puni ici-bas de manière à les supporter, comment supporterions-nous la
sortir de cette vie éprouvé par la soulliance, pur persécution? « Vous n'avez-eu », dit-il, « que des
< persécutions humaines «. (I Cor. x, 13.) Ainsi
et irréprochable, après avoir déposé le fardeau de
ses péchés. Et c'est aussi ce que nous enseigne prions Dieu de ne pas subir la persécution mais ;

Paul, en ces termes « C'est pour cela qu'il y a


: si nous la subissons, sachons la supporter avec

t parmi vousbien des malades, bien des infirmes, courage. 11 appartient au sage qui sait garder une
c et que beaucoup dorment du dernier som- juste mesure, de ne pas se jeter à la légère dans le
« meil » ; et ailleurs: « Livrez cet homme à Sa- péril; mais il appartient à l'homme courageux, au
« tan, pour mortifier sa chair, afin que son âme philosophe de se raidir contre le péril, (juaiid il y
« soit sauvée, au grand jour du jugement ». I Cor. tombe. N'allons donc pas nous y jeter légèrement;
xïi, 30, et V, 5.) Et le Prophète dit : « 11 a reçu de il y aurait là une audace téméraire, mais, quand

« main du Seigueur un double fardeau de pô-


la nos chefs, quand les circonstances nous appclhiiit,
« chés.» (Isaîe, xl, 2.) EtDavid dit ailleurs: .Voyez ne reculons pas, il y aurait là de la lâcheté. En un
« mes ennemis; ils se sont multipliés plus que les ^lot, ne courons pas au danger en témèiaircs,
« cheveux de ma tèle,et ils me poursuivent de leur f'ans cause, sans profit, sans une pieuse nécessité;
« injuste haine; pardonnez -moi tous mes pé- il y aurait de l'ostentation, un amour de- la gloire

< chés ». (Ps. XXIV, 19, 18.) Et nous lisons ail- vain cl superflu. Mais pour défendre la religion,
leurs :t Seigneur, notre Dieu, donnez-nous la paix; bravons mille morts, s'il le faut. N'appelez pas les
car VOUS nous avez rendu tout le mal que nous persécutions, si votre piété ne rencontre rien qui
t avons fait ». (Isaîe, xxvi, 12.) Voilà ce qui l'airèle. A quoi bon attirer sur vous des dangers
prouve que les bons expient ici-bas leurs péchés. superflus el inutiles ?
Pour vous convaincre maintenant que bien des 5. Ce qui me dicte ce langage, c'est le désir que

méchants favorisés ici-bas reçoivent dans l'autre j'ai de vous voir observer les lois du Christ qui

vie un châtiment complet, écoulez ces paroles nous ordonne de prier Dieu, de ne pas entrer eu
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE VÎ. 477

tentation, qui nous ordonne aussi de prendre que ne sont qu'illusion et mensonge;
les passions
notre croix et de le suivre. Ce ne sont pas là des comme quelque pari David « Mes reins étaient
dit :

ordres contradictoires; ce sont des ordres qui « remplis d'illusions ». Ps. xxxvii, 8.) Ce n'est
(

s'accordent et qui sont en parfaite harmonie. Pré- pas la volupté, ce n'est que l'ombre de la volupté.
parez-vous, équipez-vous comme un vaillant sol- C'est pourquoi, dit-il, ceignez vos reins avec la
dat, soyez toujours en armes, toujours sobre, ceinture de la vérité, c'est-à-dire de la vraie vo-
toujours vigilant, toujours attendant l'ennemi ; lupté, de la sagesse, de l'honnêteté.
mais n'allumez pas le flambeau de la guerre ; De là ces conseils qu'il nous donne, en voyant
ce ne serait pas d'un soldat, ce serait d'un combien le péché est déraisonnable, et dans son
séditieux. Mais la trompette de la foi vous désir que tous nos membres soient bien munis de
appelle-t-elle? marchez aussitôt, ne tenez plus toutes parts: « La colère injuste », dit-il, « ne sera
à la vie, marchez avec ardeur au combat, en- « jamais innocente aux yeux de Dieu ». (Ecclés.
foncez les bataillons ennemis, frappez le démon I, 22.) Il veut dire que nous prenions la cuirasse et

au visage, élevez un trophée. Mais si la religion le bouclier. C'est que la colère est une bête féroce
ne reçoit aucune atteinte, si nos dogmes spiri- toujours prête à s'élancer. Pour la vaincre, pour
tuels ne sont point attaqués, si l'on ne vous force la conlerir, nous avons besoin de mille fossés, de
point à faire ce qui déplaît à Dieu, ne prenez point mille barrières. Voilà pourquoi Dieu a construit
de peine superflue. Il faut que la vie d'un chrétien avec des os presque aussi durs que la pierre, celte
soit une vie sanglante. Oui, il doit être toujours partie de l'édifice humain où la colère cherche à
prêt à verser le sang, non pas celui d'autrui, mais se glisser. Il lui a donné une base solide, il l'a en-

le sien: quand il s'agit de verser son sang pour le tourée d'un rempart; il ne fallait pas qu'en rom-
Christ, il faut èlre prêt à le verser comme de pant et en brisant tous les obstacles, la colère
l'eau; car ce sang qui circule dans nos veines détruisît tout l'édifice animé. C'est un feu, dit-il,
n'est que de l'eau; il faut se dépouiller de sa chair c'est une tempête et, sans toutes ces précautions,
avec autant de facilité que d'un vêtement. Et c'est aucun de nos membres ne pourrait soutenir ses
ce que nous ferons, si nous ne nous attachons assauts. Les médecins disent aussi que, pour ce
pas aux richesses, si nous ne sommes pas es- motif, le poumon a été placé au-dessous du cœur.
claves des beaux édifices, de la volupté et des Il fallait que le cœur, environné de parties molles,

biens de ce monde. Si ceux qui passent leur vie se reposât en rencontrant ce poumon spongieux,
sous les drapeaux mènent une vie d'abnégation, et non les parois dures et résistantes de la poitrine
vont où la guerre les appelle, entrent en campa- sur lesquelles, dans sesbonds précipités, il aurait pu
gne et supportent de bon cœur toutes les fatigues, se blesser. Nous avons donc besoin d'une forte
ne devons-nous pas, nous,soldats du Christ, nous cuirasse, pour tenir continuellement en respect la
tenir toujours prêts et équipés, et nous ranger en bête féroce. Il nous faut aussi un casque; c'est
bataille pour faire la guerre aux vices ? sous le casque qu'est le siège du raisonnement
La persécution n'existe plus aujourd'hui, et à d'où dépend notn; salut, quand nous agissons bien,
Dieu ne plaise qu'elle revienne Mais nous avons
! et qui fait notre perte, quand nous agissons mal.
à soutenir d'autres guerres, la guerre de l'avarice, Voilà pourquoi il dit « Le casque du
: salut »;
la guerre de l'envie, la guerre des autres passions. car le cerveau est mou de sa nature », et voilà
<•

C'est à cette guerre que Paul fait allusion, en ces pourquoi il est protégé par une sorte de test ap-
termes : « Nous n'avons pas à lutter contre des pelé crâne. La source de tous nos biens et de tous
« hommes de chair et de sang >>. (Ephés.vi,{2, 14.) nos maux c'est d'avoir ou de n'avoir pas la con-
Cette guerre-là nous menace toujours. C'est pour- naissance de ce qui nous est utile ou nuisible.
quoi il veut que nous restions toujours en armes Nos pieds et nos mains aussi ont besoin d'ar-
« Soyez donc », dit-il, « toujours armés ». Cette mures; mais il ne s'agit pas ici des mains et des
recommandation s'applique même à l'heure pré- pieds du corps ; il s'agit des mains et des pieds de
sente, et il montre pourquoi il faut toujours être l'àme; les unes doivent s'efforcer de remplir leur
armé. Nous avons une grande guerre à soutenir tâche, les autres doivent aller où il faut. Armons-
contre notre langue, contre nos yeux; cette guerre, nous donc ainsi et nous pourrons vaincre nos en-
repoussons-la. Nous avons une grande guerre à nemis et ceindre la couronne de gloire par la
soutenir contre nos passions, c'est pourquoi il grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur. A lui, au
s'occupe de l'armure du soldat du Christ. * Restez Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance et hon-
« fermes », dit-il, «ceignez vosreins », et il ajoute: neur, maintenant et toujours et dans tous les siè-
« Avec la ceinture de la vérité ». Pourquoi ? C'est cles des siècles Ainsi soit-il t
!

HOMELIE Vi.
c'est pour cela que le SArNT-ESPRlT DIT SI vous ENTENDEZ AUJOURD'HUI SA VOIX, n'eNDURCISSÈ^
:

POINT VOS COEl'RS, COMME AU TEMPS DE MA COLÈRE ET AU JOUR DE LA TKKTATION DANS LE


DÉSERT,
OU vos PÈRES ME TENTERENT, OU ILS VOULURENT ÉPROUVER MA PUISSANCE, ET OU ILS VIRENT LES
CHOSES QUE JE FIS PENDANT QUARANTE ANNÉES. AUSSI ME SUIS-JE IRRITÉ CONTRE CETTE GÉNÉRATION,
BT iM PIT
; il8 SB LAISSENT TOUJOURS E.MP0RTEH PAR L'ÉGAREMENT DB LEURS CCEUB8, ILS K(5 COR*
4*?8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CÎIRYSOSTOMÊ.

haïssent point mes voies C est pourquoi } AI JURÉ, DANS MA COLERE, QU ILS N ENTREHAIENt
;

POINT DANS LE LIEU DE MON REPOS, (lll, 7, 8, 9, 10, H, JUSQU'A IV, 10.)

Analyse*
1. Repos du sabbat, représentaiion temporelle du repos éternel.
2. L'incré'lulilé attire la colère de Dieu.
3. Conservons l'espoir tant que nous vivons.
4. Bonheur réservé aux élus dans le royaume des deux.

Après avoir parlé de l'espérance, après avoir


1. parcourue, ils se répandaient en éloges sur la fer-
dit :Nous serons de sa maison, si nous conser-
« du sol, tout en disant qu'il était habité par une
tilité

« vons une ferme confiance en lui et la glorifica- nation courageuse et indomptable. Alors les Juifs,
« tion de l'espéiance », Paul nous montre qu'il peuple ingrat et insensible, au lieu de se souvenir
faut savoir attendre avec confiance, et il le prouve des anciens bienfaits de Dieu qui, lorsqu'ils étaient
par les Ecritures. Mais faites attention ; car cernés partant d'armées égyptiennes leur barrant
ce passage est tant soit peu difficile et obscur; le passage, les avait arrachés aux périls ; au lieu
c'est pourquoi nous devons vous exprimer notre de penser au rocher du désert, ouvert par la ba-
opinion et vous exposer en peu de mots le sujet guette de Moïse, à l'eau jaillissante, à la manne,
dans son ensemble, avant d'arriver au texte. Vous et à tant d'autres miracles bien faits pour affer-
n'aurez plus besoin de nous une fois que vous mir leur foi, perdirent complètement la mémoire.
connaîtrez le but et le plan de l'apôtre. C'était de Frappés d'élonnem.enl et de stupeur, ils voulaient
l'espérance qu'il parlait; il nous disait qu'il faut revenir en Egypte eu disant Dieu nous a amenés
:

espérer dans l'avenir, et que ceux qui auront souf- ici, pour nous faire périr avec nos femmes et nos

fert ici-bas trouveront ailleurs leur récompense, enlaiits. Dieu donc, dans sa colère contre ces in-
le fruit de leurs fatigues et le repos. Il le prouve grats qui avaient sitôt oublié ses bienfaits, jura
en se servant des paroles du prophète, et en nous que génération qui avait proféré de telles paro-
la
disant « C'est pour cela que le Saint-Esprit dit Si
: : les n'entrerait pas dans le lieu du repos, et tous
o vous entendez aujourd'hui sa voix, n'endurcis- périrent dans le désert. Plus tard, quand cette gé-
« sez pas votre cœur, comme au temps de ma nération n'éiait plus, David disait : « Aujourd'hui,
« colère et au jour de la tentation dans le désert, « si vous écoutez sa voix, n'endurcissez pas vos

«OÙ vos pères me tentèrent, où ils voulurent « cœurs, comme autrefois dans des jours de
« éprouver ma puissance, et où ils virent lescho- « colère ». Pourquoi ? C'est pour que vous ne
« ses que je fis pendant quarante jours. Aussi me soyez pas punis comme vos pères, c'est pour que
« suis-je irrité contre celte génération, et j'ai dit : vous ne soyez pas privés du repos.— Il parle ainsi,
« Ils se laissent toujours emporter par l'égarement sans doute en faisant allusion à l'asile du repos
« de leurs cœurs, ils ne connaissent point mes véritable. Car, s'ils avaient déjà trouvé le repos,
« voies ; c'est pourquoi je leur ai juré, dans ma pourquoi leur dirait-il encore : « Aujourd'hui, si
« colère, qu'ils n'entreraient point dans le lieu de « vous écoutez sa voix, n'endurcissez pas vos
« mon repos». (Ps.xciv, 8, 9, 10, H.) Il y a, dit-il, « cœurs, comme autrefois, en des jours de co-
trois sortes de repos. Il y a le repos de Dieu après « 1ère î »
la création, le repos de la Palestine où les Juifs de- Quel est donc ce lieu de repos, si ce n'est le
vaient entrer, pour se reposer de tant de jours d'af- royaume des cieux dont l'image et la représenta-
flictions et de leurs travaux, enfin (et c'est bien là tion est le jour du sabal?Il cite donc, je le ré-
le repos), il y a le royaume des cieux où les élus se pète, le témoignage du prophète en ces termes :
reposent éternellement de leurs travaux et de leurs « Aujourd'hui, vous écoulez sa voix, ne vous
si

afllictions. C'est de ces trois sortes de repos qu'il a endurcissez pas comme
en des jours de colère,
fait icimention. Et pourquoi cette mention, s'il « comme à l'époque de la tentation dans le désert,
ne parle que d'un seul? C'est pour montrer que « lorsque vos aïeux me tentèrent, firent l'épreuve
le prophète parle de cette troisième espèce de « de mes puissances et virent, durant quarante
repos. Le premier, dit-il, il ne s'en occupe pas. « ans, ce que je pouvais faire; c'est pour celaque
Pourquoi remonter jusqu'aux premiers temps? «je me suis irrité contre cette génération, et j'ai
Le repos de la Palestine, il n'en parle pas non « dit Leurs cœurs sont toujours égarés : ils n'ont
:

plus, puisqu'il est arrivé à sa fin. Reste le troi- « pas connu mes voies; et je leurai juré, dans ma
sième repos, et ici nous devons ouvrir l'histoire, « colère, qu'ils n'entreraient pas dans mon lieu
pour que nos paroles soient plus claires. « de repos ». Puis il ajoute « Prenez garde, mes
:

Après la sortie d'Egypte, et les fatigues d'une « frères, que quelqu'un de vous ne tombe dans
longue route, après avoir en Egypte, sur la mer « un dérèglement de cœur et dans une incrédulité
ftouge et dans le désert, reçu d'innombrables té- « qui le sépare du Dieu vivant (12) ». Car c'est la
moignages de la puissance divine, les Juifs se dé- dureté du cœur qui produit l'incrédulité. Sembla-
cidèrent à envoyer des éclaireurs chargés d'explo- bles à ces membres raides et couverts d'un calus,
rer la nature du sol. Les éclaireurs revinrent et, qui résistent à la main du médecin, les âmes en-
çieins d'admiration pour la contrée qu'ils avaient durcies résistent à la parole de Dieu. Car il y ft
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. ~ HOMÉLIE VI. 47Ô

probablement des hommes qui ne croient plus et « d'hui si vous entendez sa voix».— «Aujourd'hui »
pour qui les miracles opérés sont comme s'ils signifie « en tout temps » ensuite il dit « Mais la
: :

n'avaient pas eu lieu ; c'est pour cela qu'il dit : «parole qu'ils entendirent ne leur servit de rien,
M Prenez garde que quelqu'un d'entre vous ne « n'étant pas accompagnée de la foi dans ceux qui
«tombe dans un dérèglement de cœur, et dans « l'entendirent (2)». 11 montre pourquoi cette parole
« une incrédulité qui le sépare du Dieu vivant ». est restée inutile; c'est qu'elle n'était point accom-
Quand on parle de l'avenir, on rencontre plus pagnée de la foi. Il prouve cette vérité par les exem-
d'incrédules que lorsqu'on parle du passé. Voilà ples qu'il expose « Quelques-uns», dit-il, « ayant
:

pourquoi il leur rappelle l'histoire et les circons- « entendu sa voix, irritèrent Dieu par leurs mur-
tances dans lesquelles ils ont manqué de foi. Si a mures; mais cela n'arriva pas à tous ceux que
vos pères, dit-il, ont souffert pour n'avoir pas es- « Dieu avait fait sortir de l'Egypte (16)». —
«Or qui
péré comme ils le devaient, à plus forte raison, « sont ceux que Dieu supporta avec peine pendant
vous, vous souffrirez; car il s'adresse à eux, aux « quarante ans, sinon ceux qui avaient péché, dont
hommes du temps présent. C'est toujours ce que « les corps demeurèrent étendus dans le désert
veut dire ce mot « aujourd'hui ». « Mais exhor- — « (17) ?» —
« Et qui sontceux à qui Dieu jurailqu'ils

«tez-vous chaque jour les uns les autres, pendant « n'entreraient jamais dans son repos, sinon ceux

«ce temps que l'Ecriture appelle aujourd'hui (13)»; «qui ne crurent pas en lui (18)? ». —
« En

c'est-à-dire édifiez-vous les uns les autres, encou-


, « effet, nous voyous qu'ils ne purent y entrer, à
ragez-vous pour qu'il ne vous arrive pas la même « cause de leur incrédulité (19) ».

chose qu'à vos pères, « de peur que quelqu'un de Après avoir cité le témoignage de l'histoire, il
« vous, étant séduit par le péché, ne tombe dans emploie la forme inlerrogalive, pour donner plus
« l'endurcissement ». d'éclat à sa parole. « Il a dit, en efiet, » s'écrie-il,
2. Voyez-vous comme le péché engendre l'in- « aujourd'hui si vous écoutez sa voix, n'endurcis-
crédulité?Si l'incrédulité produit la vie criminelle, « sez pas vos cœurs, comme au jour de sa co-
l'àme, arrivée au fond de l'abime, méprise, et dans « 1ère ». Quels sont ces cœurs endurcis dont il se
son dédain elle ne veut plus rien croire, pour se souvient? Quels sont ceux qui n'ont pas cru en
délivrer de toute crainte. Nous lisons dans le lui? Ne sont-ce pas les Juifs? Voici le sens de
Psalmiste « Ils:ont dit Le Seigneur ne nous
: ces paroles Ils ont entendu comme nous; mais
:

« verra pas, et le Dieu de Jacob n'en saura rien ». cela ne leur a servi de rien. N'allez donc pas croire
(Ps. xciii , 7.) Et ailleurs : « Nos lèvres sont à qu'il voue suffira d'entendre la parole de Dieu pour
« nous, qui donc est notre Seigneur? » (Ps. xi, 5.) en profiter Eux aussi , ils l'ont entendue, mais
!

Et encore : « Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu? » sans profit, parce qu'ils n'ont pas cru. Chaleb et
(Ps.x, 13.) Et ailleurs « L'insensé a dit en son
: Jésus n'ayant pas fait cause commune avec les
« cœur 11 n'y a pas de Dieu. Ils se sontcorrompus
: incrédules, ont évité le châtiment qui leur a été
« et ils ont contracté des penchants abominables ». infligé. Et voyez ce qu'il y a ici d'admirable. Il n'a
(Ps. xni, 1 .) Et ailleurs « La crainte de Dieu n'est
: pas dit Ils n'ont pas fait cause commune ; il a dit :
:

» plus devant leurs yeux ». Et ailleurs «llausé de : « Ils ne se sont pas mêlés à eux ». Us se sont sé-
«ruse devant lui; Dieu a découvert et détesté l'ini- parés de ces séditieux unis dans une même pen-
« quité de l'impie ».(Ps. xxxv, 2, 3.) Le Christ aussi sée. Ici, selon moi, il nous fait entendre que cette
parle en ces termes « Tout homme qui agit mal
: pensée était une pensée de révolte.
« craint la lumière et la fuit ». (Jean, m, 20.) Puis «Nous entrerons dans son repos », dit -il,
il ajoute « Nous sommes entrés dans la partici-
: « nous qui avons cru »; et pour confirmer cette
« palion du Christ » que veut dire ce mot? Nous
: proposition, il ajoute : « Dans ce repos dont il
ne faisons qu'un, lui et nous. Il est la tête, nous « parle en disant : J'ai juré dans ma colère qu'ils
sommes le corps, nous sommes ses cohéritiers «n'entreraient pas dans mon repos», et Dieu
et nous ne faisons avec lui qu'un même corps. parle du repos qui suivit l'accomplissement de
Nous ne sommes qu'un seul corps, dit-il, formé ses ouvrages, dans la création du monde (3). On
de sa chair et de ses os ; « à condition toute- couvait peut-être lui dire Cela ne signifie pas que
:

« fois de conserver jusqu'à la fin ce commence- nous n'entrerons pas dans le repos; cela signifie
« ment de substance nouvelle qu'il a mis eu que ces hommes d'autrefois n'y sont pas entrés.
« nous ». —
« Qu'est-ce que ce« commencement de Que fait-il, pour prévenir cette objection? Il s'é-
« substance nouvelle? » C'est la foi par laquelle tudie à prouver que ce repos des premiers temps
nous subsistons, par laquelle nous avons été ré- n'empêche pas de parler d'un autre; que ce repos
gouéiés, par laquelle nous sommes consubstau- n'empêche pas de parler du repos qui nous attend
tielsau Christ. Puis il ajoute : « Pendant que l'on au royaume descieux. Il veut donc montrer qu'ils
« nous dit aujourd'hui, si vous entendez sa voix,
: n'ont point obtenu ce lieu du repos. Pour que vous
« n'endurcissez pas vos cœurs comme il arriva sachiez que c'est bien là ce qu'il veut dire, il
« au temps du murmure qui excita ma colère ajoute : < Car l'Ecriture dit en quelque lieu, par-
« (15) ». Il —
y a ici une transposition, voici o lant du septième jour :Dieu se reposa le sep-
quelle est la suite des idées : « Craignons donc « tième jour, après avoir achevé toutes ses œuvres
« que, négligeant la promesse qui nous est faite « (4) ». Et il est dit encore ici :« Ils neulreront point

« d'entrer dans le repos de Dieu, il n'y ait quel- « dans mon repos (S) ». Vous voyez qu'un lepog
« qu'un d'entre vous qui en soit exclu? » (iv, I.) n'exclut pas l'autre. « Puisqu'il faut donc », dit-il,
— « Car on nous l'a annoncé aussi bien qu'à eux « que quelques-uns y entrent, et que ceux à quj
f (2) ». — I Pendant que l'on nous dit : Aujour- « la parole en fut premièrement portée, n'y §onj
,

m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

« point entrés à cause de leur incrédulité (6), Dieu pour que ses auditeurs n'aillent pas s'imagioer que
« détermine encore un jour particulier qu'il ap- le châtiment du coupable se bornera à la privation
« pelle aujourd'hui, en disanltant de temps après du repos, il met devant leurs yeux le supplice qui
« par David, ainsi que je viens de dire (7) ». Que lui est réservé et il ajoute « La parole de Dieu :

veut-il dire ici? Puisque, dit-il, quelques élus doi- « est vivante et efficace, et elle perce plus qu'une
vent entrer dans le repos de Dieu et que les an- « épée à deux tranchants; elle pénètre jusque
ciens Hébreux n'y sont pas entrés, voici une troi- « dans les replis de l'âme et de l'esprit, jusque

sième espèce de repos qu'il établit. Mais comment « dans les jointures et la moelle des os; et elle

prouve-t-il que certains élus doivent entrer dans « démêle les pensées et les mouvements du
ce repos de Dieu ? Ecoutons-le « C'est que »,
: • cœur (12) »; c'est du supplice de la géhenne qu'il

dil-il, « après tant d'années », voilà David qui ré- parle ici. C'est un supplice, dit-il, qui pénètre
pète :« Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, jusque dans les replis de notre cœur et qui dessè-
« n'endurcissez pas vos cœurs, comme aux jours che notre àme. 11 ne s'agit point ici de cadavres
« de sa colère. Car, si Jésus les avait établis dans étendus dans le désert, sans sépullure; ils ne sont
€ ce repos, l'Ecriture n'aurait jamais parlé, après pas prives de la terre ils sont privés du royaume
;

« cela, d'un autre jour (8) ». Ce langage est clair des cieux ils sont livrés pour toujours à la gé-
;

et nous fait entrevoir quelqu'autre récompense. henne ils sont livrés à une peine, à un supplice
;

« Il y a donc encore un sabbat réservé au peuple qui n'aura pas de fin.


« de Dieu (9) »; d'où résulte cette conclusion , « Mais exhorlez-vous les uns les autres ». (Hébr.
ce précepte t N'endurcissez pas vos cœurs». Car
: III, 13.) Remarquez la douceur de ce langage. 11

si un sabbat n'existait pas, et s'ils n'étaient pas ne dit pas Adressez - vous des réprimandes
;

exposés à subir les mêmes châtiments, à quoi mais exhortez - vous les uns les autres. C'est
bon ce précepte, à quoi bon cette recommandation ainsi que nous devons nous comporter envers
de ne pas retomber dans les mêmes fautes, pour ceux que le chagrin accable c'est ce qu'il dit :

ne pas retomber dans le même abîme de souf- dans sa lettre aux habitants de Thessalonique:
frances? Et comment ceux qui étaient en Pales- « Donnez des avis à ceux dont l'àme est in-
tine pouvaient-ilssubir les mêmes supplices, « quiète ». Quant aux esprits pusillanimes, voici

s'il n'y pas encore un repos?


avait ce qu'il dit : « Consolez ceux qui ont l'esprit
3. C'est bien conclure que d'employer le mot de abattu ; supportez les faibles soyez patients ;

« sabbat », et non celui de « repos ", que d'em- « envers tous ». (I Thess. v, l-i.) Que veut dire ce
ployer ici le nom du jour où le peuple de Dieu mot « consolez? » 11 veut dire Ne les faites pas :

courait se réjouir. Le sabbat, selon l'apôtre, c'est tomber dans le désespoir ne leur faites pas perdre
;

le royaume des cieux. Au jour du sabbat, les Hé- courage; car ne pas consoler l'iiomme que l'afflic-
breux doivent se garder de tout péché, ils ne doi- tion accable, c'est le jeter dans l'endurcissement.
vent songer qu'à adorer Dieu, comme faisaient 11 ne faut pas, dit-il, que vous vous endurcissiez
les prêtres; ils ne doivent songer qu'aux œuvres dans les pièges du péché. Les pièges du péché sont
spiriluelles. Voilà quelle doit être leur occupation peut-être les pièges du démon, car c'est tomber
au jour du sabbat voilà quelle sera l'occupation
: dans le piège et l'erreur que de ne rien attendre
des élus dans le royaume des cieux. Paul n'a pas de l'avenir, que de croire que nous n'avons pas de
précisément tenu ce langage, mais voici ce qu'il comptes à rendre, que nous n'expierons pas nos
a dit : « Celui qui est entré dans le repos de fautes, que nous ne ressusciterons pas un jour.
« Dieu se repose aussi lui-même, en cessant de Une erreur encore, c'est l'indifférence ou le déses-
« travailler, comme Dieu s'est reposé après ses poir. Une erreur c'est de tenir ce langage J'ai pé- :

« ouvrages (10)». Dieu, dit-il, s'est reposé après ses ché et il n'y a plus d'espoir pour moi. Puis il les
ouvrages, et l'homme qui est entré dans le repos fait espérer en leur disant « Nous sommes entrés :

de Dieu, se repose comme lui il leur parlait du


:
« dans la participation de Jésus-Christ ». (Hébr. m,

repos, et ils voulaient savoir quand ce repos 14.) C'est comme s'il leur disait Celui qui nous a :

aurait lieu. 11 répond donc à leurs désirs, en finis- assez aimés, celui qui nous a assez estimés pour
sant. se revêtir de notre chair, ne nous laissera pas
Quant à ce mot « aujourd'hui ", il le leur dit pour périr. Réfléchissons, dit-il , à l'honneur qu'il a
les sauver du désespoir. Exhorlezvous les uns daigné nous faire. Le Christ et nous, nous ne tai-
les autres, dit-il, exhortez-vous chaque jour, tant sons qu'un ;
gardons-nous donc de ne pas croire
que vous pouvez dire « Aujourd'hui ». Cela veut
: en lui.
dire que le pécheur même, tant qu'il peut dire Et il revient encore sur ce qu'il a dit ailleurs :

« aujourd'hui », doit espérer. Loin de nous le dé- « Sinous souffrons avec lui, nous régnerons avec
sespoir, tant que nous vivons Veillonsseulement,
! «lui»(lITim. II, 12), c'est-à-dire Nous sommes :

dit-il, à ce que notre cœur ne soit jamais en proie entrés en « participation avec lui », en participa-
à l'incrédulité. Et encore, si cela arrive, ne nous tion des biens du Christ. Après avoir exhorté ses
désespérons pas; mais ranimons- nous. Tant que auditeurs par ces paroles qui leur montrent la ré-
nous sommes de ce monde; tant que nous pou- compense et le prix, après nous avoir dit « Nous :

vons dire • aujourd'hui », nous avons du temps f sommes entrés en participation avec le Christ»,
devant nous. Dans ce passage, il parle non-seule- il les exhorte, en les affligeant et en les inquié-
ment de l'incrédulité, mais des murmures- « Des tant « Craignons », dil-il, « que négligeant la
:

» murmures de ces hommes dont les cadavres 1 promesse qui nous est faite d'entrer dans le
f sont étendus dans le désert ». (Hébr. in, 17.) Puis, « repos de Dieu, il n'y ait quoiqu'un d'entre nous
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE ^^. tëi

« qui en soit exclu ». Voici en effet qui est clair tence d'Adam, au milieu du Paradis? Entre cetto
et certain. « Us voulurent éprouver ma puissance existence et la nôtre il y a la distance du ciel à
,

« et me virent à l'œuvre durant quarante jours ». la terre. Mais cherchons une autre comparaison.
Voyez-vous ? Il ne faut pas demander de comptes Que l'empereur aujourd'hui régnant ait le bon-
à Dieu, qu'il nous défende ou non telle ou telle heur de soumettre à son sceptre l'univers entier,
chose, il faut le croire, car Paul accuse ici ceux qu'il soit affranchi des maux de la guerre et des
qui ont tenté Dieu. Exiger de lui des preuves de soucis, qu'il soit entouré d'honneurs, qu'il passe
son pouvoir, de sa Providence, de sa sollicitude, sa vie dans les délices, qu'il ait une foule de sa-
c'est n'être pas encore bien sur de sa puissance, tellites, que l'orafllue vers lui de tous côtés, qu'il
de sa bonté et de sa clémence. C'est ce qu'il fait commande l'admiration, quel sera, selon vous, la
entendre aux Hébreux dans celte épître. Peut-être joie de ce souverain qui verra la guerre dispa-
voulaient-ils dans leur tentation, peser et mettre raître de la surface du globe? voilà ce qui aura
à l'épreuve son pouvoir, sa sollicitude et sa Pro- lieu alors. Mais nous ne sommes pas encore par-
vidence. Voyez-vous aussi comme l'incrédulité venus à donner une idée exacte du bonheur cé-
irrite Dieu et attire sa colère? Que dit-il mainte- leste ; il faut chercher une autre image.
nant ? « Il y a donc encore un sabbat réservé au Figurez-vous donc un fds d'empereur qui, après
« peuple de Dieu «. Voyez comme il raisonne et avoir été enfermé dans le sein de sa mère, après
comme il conclut. Il a juré, dit-il, que vos pères être restédans un état complet d'insensibilité,
n'entreraient pas dans son repos, et ils n'y sont parait tout àcoup à la lumière, monte sur le trône
pas entrés. Puis, longtemps après, il s'adresse impérial et se trouve en état de goûter non suc-
aux Juifs et leur dit « N'endurcissez pas vos
: cessivement, mais tout à coup et à la fois toutes
t cœurs comme vos pères «. C'est une preuve évi- les joies du rang suprême tel sera l'élu de Dieu.
:

dente qu'il s'agit ici d'une nouvelle espèce de Il sera encore comme un captif qui, après avoir

repos. Car le repos de la Palestine, nous ne pou- été chargé de fer, après avoir été en proie à d'in-
vons plus en parler; les Hébreux y étaient arrivés. nombrables souffrances, se verrait tout à coup
Quant au repos du septième jour, il ne peut ici transporté dans un palais. Mais non cette image
:

en être question; c'était une histoire des anciens n'est pas encore fidèle. Ce bonheur, quoique ce
jours. Il est donc ici question d'un autre repos soit un bonheur de roi, celui qui le possède le
qui est le repos véritable. goûtera avec délices deux ou trois jours; avec le
4. Oui : c'est bien là le lieu de repos d'où la temps, il y trouvera encore du plaisir; mais ce
tristesse , la douleur et les gémissements sont plaisir sera moins vif, car ici-bas le sentiment de
bannis, où l'on ne connaît plus les soucis, les fa- la félicité, quelle qu'elle soit,s'émousse par l'ha-
tigues, les angoisses, les craintes qui frappent et bitude ,là-haut ce sentiment, loin de diminuer,
ébranlent l'àme. En fait de crainte, il n'y a là que ne fait que croître. Réfléchissez en effet au bon-
la crainte de Dieu, crainte pleine de charmes. On heur de l'àme parvenue à ce séjour où elle a de-
n'entendra point en ce lieu retentir ces paroles : vant elle une félicité sans fia, une félicité immua-
« Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front •. ble et toujours croissante, une immortalité qui ne
Il n'y a là ni épines, ni ronces. Là, on n'entend connaît ni les chagrins, ni les périls, une immor-
pas répéter : « Tu enfanteras dans la douleur. Tu talité pleine de joies spirituelles et de délices in-
c te tourneras vers ton époux et il sera ton mal- nombrables.
« tre ». (Gen. m, 19, xviii, 16.) Là tout respire la Quand nous voyons dans la plaine les tentes des
paix, la joie, la gaieté, le plaisir, la bonté, la dou- soldats formées de riches tapisseries, quand nous
ceur, l'équité, la ciiarilé. Il n'y a là ni rivalité, ni voyons briller les lances, les casques et les bou-
jalousie, ni maladie, ni mort corporelle, ni mort cliers, nous voilà tout ébahis et immobiles d'éton-
spirituelle, ni ténèbres, ni nuit ; partout le jour, nemenl quand nous voyons le roi traverser le
;

partout la lumière, partout le repos. Là point de camp avec son armure d'or, et pousser son cheval
fatigues, point de dégoût, là toujours un bonheur avec ardeur, rien ne manque à notre admiration.
nouveau en perspective. Voulez-vous que je vous Qu'éprouverons -nous donc, je vous le demande,
trace ici l'image du sort réservé aux élus, en ce lieu ? quand nous verrons les tabernacles des saints
C'est impossible; mais je m'efforcerai de vous en dressés pour toujours dans le ciel ? « Ils vous rece-
offrir une ombre. Levons les yeux au ciel, quand il « vront », dit l'Evangile, « dans leurs tabernacles
n'y a pas de nuages à l'horizon, quand le ciel nous € éternels ». Que direz-vous, quand vous verrez
-montre sa coupole azurée; puis, après avoir long- tous ces saints plus resplendissants que les rayons
temps contemplé dans l'immobilité de l'extase ce du soleil, et environnés non pas de l'éclat du
ravissant spectacle, considérons le sol que nous au- ' bronze ou du fer, mais de cette gloire dont l'œil
rons sous nos pieds, sol aussi supérieur à notre sol, de l'homme ne peut supporter les lueurs ? Je parle
que l'or est supérieur à la boue ; puis élevons en- ici des saints, c'est-à-dire des hommes. Mais que
core nos yeux vers le pavillon qui s'étend au-des- direz-vous, à l'aspect de ces milliers d'anges, d'ar-
sus de nos tètes. Contemplons là-haut les anges, changes, de chérubins, de séraphins, de trônes,
les archanges, la foule innombrable des puissan- de dominations, de principautés, de puissances
ces immatérielles, le palais même de Dieu, le dont la beauté surpasse l'imagination? Mais quand
trône du Père. Mais ici, je le répète, la parole cesserai-je d'énumérer des merveilles que l'on ne
est impuissante à tout décrire, à tout peindre. 11 peut comprendre? « Jamais l'œil n'a vu, jamais
faudrait ici l'expérience et la connaissance qui en « l'oreille n'a entendu, jamais l'esprit n'a pénétré
est le fruit. Vous figurez-vous, dites-moi, l'exis- i ce que Dieu prépare à ceux (jui l'aiment ». (ICor»

S. J. Cm. — Tome XI. 31


iii'i î'ftADUCTiOM Fi\A^'CAlSE DE SAINT JEAN CliR^'SOStOME.

Qu'ils sont donc malheureux ceux qui n'ob-


II, 0.) Jésus-Christ Notre-Seigneur, auquel conjointement
liennenl pas ce bonheur! Qu'ils sont heureux avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur et
ceux qui l'obliennent Soyons donc dik,Dombre
! puissance, mainlenantet toujours et dans tous les
des heureux, pour acquérir la félicité éternelle eu siècles des siècles. Ainsi soit-il

HOMÉLIE VII.

BMPRESSONS-NOl'S nONC n'FNTBF.R PANS CE REPOS, DF, PEl'R QUE QUELQU'UN DE NOUS NE TOMBE DAN?
UNE DÈ«011ÉISSANCE SF.MRLADI.E A CEI I.E DF. CFS INCRÉDULES. CAR ELLE EST VIVANTE ET EFFICACE LA
^AR0LE DE dieu; elle PFUCE plus qu'une ÉPfiE A DEUX TRANCHANTS; ELLE PÉNÈTRE JUSQUE DANS
LES REPLIS DE LAME ET DE L ESPRIT, JUSQUE DANS LES JOINTUIIES ET DANS LA MOELLE DES OS ELLB ;

DÉMÊLE LES PKNSÈES ET LES MOUVEMENTS DU CCEUR. NULLIC CRÉATURE NR LUI EST CACHÉE, CAR TOUl
EST A NU ET A DÉCOUVERT DEVANT LES YEUX DE CELUI AUQUEL NOUS PARLONS. (iV, H, 12, 13
jusqu'à la fin du CHAPITRE.)

Analyse.
1. Combien la foi est salutaire. — Dangers de l'incrédulilé. — Rien ii'écliappe à l'œil de Dien.
2. Images énergiques el terribles employées par saint Paul pour peinJre la puissance de la parole divine.

3. La miséricorde de Dieu estune muniiicence royale. —


Les vieillards doivent, comme les jeunes gens, courir dans la carrièit
de la vertu. — Vices des contemporains de Chrysoslome.
vieillards
i. La vieillesse est honorable par elle-même.

La foi est une vertu grande et salutaire; sans


1. « dans la moelle des os ; elle démêle les pensées
elle, nous ne pouvons ôlre sauvés. Mais la foi ne « et les mouvements du cœur ». Il montre ici la
suffit pas, il faut encore mener une vie pure. puissance de cette parole de Dieu toujours vivante
Voilà pourquoi Paul, s'adressant à ces hommes et immortelle. Ce n'est pas une simple parole, ne
initiés aux mystères du Christ, leur parle en ces le croyez pas, ne vous bornez pas à ce mot Celte :

termes : « Empressons-nous d'entrer dans son re- parole est plus perçante qu'un glaive. Voyez
« pos».— «Empressons-nous», dit-il, « appliquons- comme il poursuit, et apprenez ici pourquoi les
« nous ». La foi ne suffit pas, il faut y joindre prophètes ont élé obligés de parler du glaive, de
une vie pure et un zèle ardent. Car il faut avoir l'arc et de l'épée de Dieu. «Si vous ne vous con-
un zèle véritable et ardent pour monter au ciel. « vertissez pas », dit le Psalmiste, « il dirigera
Si des hommes qui avaient enduré dans le désert « contre vous son glaive ; son arc est déjà tendu ;
tant de souffrances et de calamités n'ont pas été « son arc est déjà prêt ». (Ps. vu, 13.)
jugés dignes d'entrer dans la terre promise et Si aujourd'hui, après tant d'années, lorsque tant
n'ont pu atteindre cette terre, parce qu'ils s'é- d'événements se sont accomplis, il ne sulfit pas à
taient livrés à la fornication, comment serions- l'apôtre de ce seul mot, la parole de Dieu, pour
nous jugés dignes du ciel, nous qui menons une frapper son auditoire, s'il a besoin de tout cet at-
vie inconsidérée, lâche et inactive? Il faut donc tirail d'expressions, pour montrer par la compa-
avoir beaucoup de zèle. Mais remarquez que, selon raison combien la parole de Dieu est puissante,
lui, la punition du pécheur ne consiste pas uni- cela était nécessaire à plus forle raison, au temps
quement à ne pas entrer dans le repos de Dieu. 11 de prophètes. « Pénétrant jusque dans les replis
ne s'est pas borné à dire Efforçons-nous d'entrer
: ode l'àmeelde l'esprit ». Que signifient ces mots?
dans ce repos, pour ne pas nous voir privés de si Quelque chose de terrible. L'apôtre nous montre
grands biens. 11 a ajouté quelque chose qui est la parole de Dieu séparant l'àme de l'esprit ou
bien capable d'éveiller nos esprits. Qu'a-t-il donc pénétrant même les substances immatérielles , et
ajouté? Il a continué en ces termes: « De peur ne se bornant pas à percer les corps, comme le
« que quelqu'un ne tombe dans une désobéissance glaive. Il montre ici la punition de l'àme, la pa-
semblable à celle de ces incrédules » ; ce qui role de Dieu qui en fouille les profondeurs et qui
veut dire que nous devons nous appliquer, nous pénètre l'homme tout entier. « Elle démêle les
arranger de manière à ne pas tomber comme eux. « pensées el les mouvements du cœur, et nulle
Il nous donne là un exemple de l'incrédulité hu- « créature ne lui est cachée ». C'est parla surtout
maine. Ne tombons pas où ils sont tombés, dit-il. qu'il les épouvante. Vous avez beau avoir la foi,
Mais n'allez pas vous appuyer sur ces mots pour leur dit-il, si celle loi n'est pas accompagnée
croire que Dieu se bornera à vous punir, comme d'une persuasion pleine et entière , ne soyez pas
il les a punis; écoulez ce que l'apùlre ajoulc : pleinement rassurés. Dieu jugera ce que vous avez
« La parole de Dieu est vivante et eflicace; elle dans le cœur ; car c'est jus(jue-là qu'il pénètre,
« perce plus qu'une épée à deux tranchants; elle pour vous examiner et vous punir. El pourquoi
« pénètre jusque dans les replis de l'àrne et de parler dos hommes? Passez en revue les anges,
,« i'esprit, jusque daus les artiçulitUons, jusque les archanges , les chérubins, les séraphinsi leî
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HEBREUX. - HOMÉLIE VII. 483

créatures quelles qu'elles soient, tout, pour l'œil démontre, qu'ille prouve et qu'il l'établisse; l'exem-
de Dieu, est à découvert, tout est clair et manileste ple qu'il cite en dit assez. A quelle guerre en effet,
pour lui, rien ne peut lui échapper. « Tout est à sous quel glaive ont-ils succombé? Ne sont-ils
i nu et dépouillé devant les yeux de Celui dont pas tombés d'eux-mêmes ? Si nous n'avons pas
«nous parlons». Ce mot «dépouillé» est une souffert autant qu'eux, ne soyons pas exempts de
métaphoretirée des victimes écorchées. Quand un crainte tant que nous pouvons dire « aujour-
:

sacrificateur, après avoir égorgé la victime, sépare « d'hui » , relevons-nous et réparons nos forces.
la peau de la chair, il met à nu les moindres Après avoir ainsi parlé, de peur que ses auditeurs,
fibres qui apparaissent alors à nos yeux c'est : en apprenant ces châtiments de l'âme, ne restent
ainsi que, sous l'œil de Dieu, apparaissent claire- froids et languissants, il ajoute à ces châtiments des
ment et dans un jour complet, les moindres fibres peines corporelles, en faisant entendre que Dieu,
de noire ànie. Voyez conuiie saint Paul a toujours armé du glaive spirituel de sa parole , fait comme
besoin de recourir à des images matérielles; c'est un souverain qui punit ses officiers coupables da
que ses auditeurs élaient faibles d'esprit. Ce qui quelque grande faute. Il leur ôte le droit de servir
prouve cette faiblesse, c'est qu'il les traite quelque dans ses armées, il leur ôte leur ceinturon et leur
part d'êtres maladifs, auxquels il faut du lait, aux- grade, et les condamne aune peine proclamée par
quels ne faut pas une nourriture solide. « Tout
il la voix du crieur public. Puis, à propos du Fils,
« est nu
et dépouillé », dit-il, « aux yeux de Celui il laisse tomber ces mots terribles « Celui auquel
:

« duquel nous parlons». « nous parlons» : c'est-à-dire, celui auquel nous


Mais que signifient ces mots « Dans une déso- : devons rendre compte. Ainsi ne nous laissons pas
« béissance semblable à celle de ces incrédules?» abattre, ne nous décourageons pas. Ce qu'il a dit
Ils ont pour but de répondre à ceux qui deman- suffisait bien pour nous instruire; mais pour lui,
deraient pourquoi ces hommes n'ont point vu la ce n'est point assez et il ajoute i « Nous avons un
terre promise. Ils avaient reçu un gage de la puis- « grand pontife qui est monté au plus haut du
sance de Dieu et, au lieu de croire en lui, ils ont « ciel c'est Jésus, Fils de Dieu (14) ».
:

cédé à la crainte, et, sans que Dieu leur donnât 2. Il veut par là soutenir notre courage et voilà
aucun avis qui pût les effrayer, ils ont péri vic- pourquoi il ajoute « Le pontife que nous avons
:

times de leur pusillanimité et de leur décourage- « n'est pas tel qu'il ne puisse compatir à nos fai-
ment. On peut dire encore qu'après avoir fait la « blesses ». C'est encore pour cela qu'il disait plus
plus grande partie du chemin, sur le seuil même haut Par cela même qu'il a souffert et qu'il a été
:

de la terre promise , en arrivant au port , ils ont mis à l'épreuve, il est à même de secourir ceux
sombré. Voilà ce que je crains pour vous, dit l'a- qui sont éprouvés. Vous voyez qu'il a toujours le
pôtre, et tel est le sens de ces paroles : « Dans une même but. Ce qu'il dit là revient à dire La voie ;

« désobéissance semblable à celle de ces incré- dans laquelle il était entré était encore plus rude
« dules », car eux aussi ils ont beaucoup souffert, que la nôtre; car il a fait l'expérience de toutes les
et c'est ce qui est attesté par saint Paul , quand il misères humaines. 11 avait dit « Nulle créature ne
:

dit « Souvenez-vous de ces anciens jours oùvous


: « lui est cachée », pour faire allusion à sa divinité.
« avez été éclairés par les combats que vous avez Mais, lorsqu'il arrive à l'Incarnation, il prend un
« eu à soutenir contre la souffrance». (Hébr.x,32.) langage plus modeste et plus humble. « Nous
Loin de nous donc la pusillanimité et l'abatte- « avons », dit-il, « un grand pontife qui est monté
ment Ne perdons pas courage à la fin de la lutte.
! «au plus haut du ciel», et il montre sa sollicitude
Il y a des athlètes en effet qui sont tout feu et pour détendre et protéger les siens, pour les pré-
toulflamrae,encommençant le combat, etqui, pour server de toute chute. Moïse, dit-il, n'est pas entré
n'avoir pas voulu faire encore quelques efforts, ont dans lerepos de Dieu mais lui, il y est entré, et
;

tout perdu. L'exemple de vos pères, dit saint Paul, comment? Je vais vous le dire. Que l'apôtre n'ait
suffit pour vous instruire et pour vous empêcher tenu hautement dans aucun passage, le langage
de souffrir ce qu'ils ont souffert eux-mêmes. Voilà que je lui prête, il n'y a rien d'étonnant à cela.
ce que veulent dire ces mots « Ne tombez pas dans
: C'est pour qu'ils ne croient pas avoir trouvé dans
«une désobéissance semblable à celle de ces incré- l'exemple de Mo'ise un moyen de défense, qu'il at-
« dules ». Ne nous relâchons pas, dit l'apôtre, ne taque indirectement .Mo'ise lui-même ; c'est pour ne
perdons pas nos forces. Et c'est ce qu'il dit encore pas avoir l'air de l'accuser, qu'il ne dit pas tout
en terminant: «Relevez vos mains languissantes et cela ouvertement. Car si, malgré sa discrétion, ils
« fortifiez vos genoux affaiblis » (Hébreux, xii, 12.)
. lui reprochaient de parler contre Mo'ise et contre
« Il ne faut pas», dit-il, «que vous tombiez dans la loi, ils se seraient récriés bien davantage, s'il
« une désobéissance semblable à celle de ces in- avait dit Le lieu de repos dont je parle ce n'est pas
:

« crédules ». C'est là en eiïet une chute bien réelle. la Palestine, c'est le ciel. Mais il ne se repose pas
Puis, pour que vous ne vous attendiez pas à subir entièrement du soin de notre salut sur le pontife;
seulement, comme peine de celle chute, le même il veut aussi que nous agissions de notre côté il :

genre de mort qu'eux, voyez ce qu'il ajoute « La : veut que nous demeurions fermes dans la foi dont
« parole de Dieu est vivante et efficace; elle est nous avons fait profession. «Ayant», dit-il, «pour
« plus perçante qu'un glaive à deux tranchants». « grand pontife, Jésus le Fils de Dieu, qui est monté
Oui la parole de Dieu est le mieux affilé de
: a au plus haut des cieux , demeurons fermes dans
tous les glaives ; elle perce les âmes; elle leur porte « la foi dont nous avons fait professiou».
des coups mortels et leur fait de mortelles bles- Qu'entend -il par là? 11 veut dire que nous
îures. Ce qu'il dit là, il n'est pas nécessaire qu'il le devons croire fermement à la rôsurrectioD, à la
iBÀ ïnADUCTION FRANÇAISE DÉ SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

rémunéralion, aux biens innombiablos que Dieu « derons à propos». Il a raison de dire « Quand :

nous promet, à la divinilé du Christ, à !a vérité de «nous le demanderons à propos», approchez-


notre foi voilà les croyances dans lesquelles nous
: vous de lui maintenant ; il vous fera grâce et misé-
devons rester termes. Ce qui prouve d'une manière ricorde, parce que vous arriverez àlemps. Mais si
évidente que la vérité est là, c'est le caractère de vous vous présentez au jour fatal, c'est inutilement;
Dolre pontife. Nous ne sommes pas encore tom- votre arrivée est inopportune; vous ne pouvez
l)és; restons fermes dans notre foi quand les
: plus vous présenter devant le trône de la grâce.
événements prédits ne seraient pas encore arrivés, 'V^ous pouvez comparaître devant ce trône, tant
restons fermes dans nos croyances s'ils étaient
: qu'il est occupé pur le souverain dispensateur des
déjà arrivés, ce serait un démenti donné aux livres grâces, mais une fois que les temps sont accom-
saints. S'ils tardentà s'accomplir, cela prouve en- plis, voilà votre juge qui se dresse devant vous !
core que les livres saints disent la vérité. Car notre « Levez-vous, mon Dieu », dit le Psalmiste, « et
pontife est grand. —
« Notre pontife n'est pas tel « venez juger la terre ». (Psaume, lxxxi, 8.) Di-
« qu'il ne puisse compatir à nos faiblesses ». 11 ne sons encor(^ avec l'apôtre « Approchons-nous :

peut pas ignorer notre situation , comme tant de « avec conliance », c'esl-à-dire , sans avoir de re-
pontifes qui ne savent pas quels sont ceux qui proche à nous faire, sans hésitation; car celui qui
sont dans l'affliction, qui ne savent pas ce que a quelque chose à se reprocher, ne peut pas se
c'est que l'afOiclion. Car, chez nous autres hom- présenter avec confiance. C'est pourquoi il est
mes, il est impossible que l'on connaisse les tri- dit ailleurs « J'ai exaucé votre prière faite en
:

bulations de celui qui est persécuté, si l'on n'a « temps opportun, et je vous ai secouru au
pas fait soi-même l'épreuve du malheur, si l'on « jour du salut ». (Isaïe , XLix, 8.) En effet,
n'a pas souflert. Notre pontife à nous a tout souf- si ceux qui pèchent , après avoir reçu le bap-
fert. 11 a sûuflerl, il est monté aux cieux, pour tême, ont la ressource de la pénitence , c'est là
compatir à nos douleurs. « Il a éprouvé, comme un don de la grâce ne croyez point, parce que
:

«nous, toutes sortes de tentations, hormis le vous avez entendu dire que Jésus est un pon-
« péché». Voyez comme il revient sur ce mot tife, qu'il reste debout; saint Paul dit qu'il est
« comme nous » ; c'est-à-dire qu'il a été persécuté, assis, quoique le prêtre ordinairement ne soit pas
conspué, accusé, tourné en ridicule, attaqué par la assis, mais se tienne debout. Vous voyez que, s'il
calomnie, chassé et enfin crucifié. « lia souffert, a été fait pontife, ce n'est pas là un don de la na-
« comme nous, toutes sortes de tentations, hormis ture, mais un don de la grâce, un elfet de son
« le péché». Il y a encore ici une chose qu'il fait abaissement volontaire et de son humilité. Disons,
entendre, c'est que les souffrances ne sont pas in- il en est temps encore Approchons-nous de lui
:

compatibles avec l'innocence, et que sans péché avec confiance et demandons. Nous n'avons qu'à
on peut souffrir. C'est pourquoi quand il dit « en lui offrir notre loi; il nous accordera tout. Voici
« prenant un corps semblable au nôtre » , l'apôtre le moment des libéralités; qu'on ne désespère pas
ne veut pas dire que celle ressemblance fiit ab- de soi-même. Il sera temps de désespérer, quand
solue, il a voulu seulement parler de l'Incarna- la salle sera fermée, quand le roi sera entré pour
tion. Pourquoi donc ces mots « Comme nous ? »
: voir ceux qui sont assis au festin, quand les pa-
Il a voulu faire allusion à la faiblesse de la chair, triarches auront reçu dans leur sein ceux qui en
il s'était fait homme « comme nous», matérielle- sont dignes. Mais aujourd'hui ce n'est pas l'heure
ment par là ; mais, en ce qui concerne le péché, du désespoir. Le théâtre est encore là; c'est en-
sa nature n'était pas la nôtre. « Allons donc core le moment du combat; la palme est encore
o nous présenter avec confiance devant le trône de incertaine.
o la grâce, afin d'y recevoir miséricorde et d'y 3.Hâtons-nous donc. C'est Paul qui nous le
« trouver le secours de sa grâce, dans nos be- dit : Pour moi
« je ne cours pas au hasard .
,

« soins (16) ». Quel est ce trône de la grâce? C'est (I Cor. IX, 26.) Il faut courir et courir avec ardeur.

ce trône royal dont il est dit: «Le Seigneur a dit à Quand on couj'l, on ne fait pas attention aux ob-
« mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jus- jets environnants, aux prés dans lesquels on entre,
(1 qu'à ce que je réduise vos ennemis à vous servir aux chemins arides et âpres que l'on traverse.
« de marchepied ». (Ps. cix, 1.) C'est comme Quand on court, on ne voit pas les spectateurs,
s'il disait : Marchons avec conliance, puisque nous on ne voit que le prix. Qu'on ail autour de soi des
avons un pontife exempt de péché, qui a vaincu riches ou des pauvres, qu'on soil en bulle aux
le monde. «Ayez conliance », dil-il, «j'ai vaincu le moqueries, ou qu'on reçoive des éloges, qu'on vous
« monde » (Jean , xvi, 33); ce qui veut dire qu'il adresse des outrages, qu'on vous lance des pier-
« connu toutes les souiïrances, sans connaître le res, qu'on pille votre maison, qu'on voie devant
péché. Mais si nous sommes soumis au péché et soi ses fils, son épouse, n'importe quoi , on n'est
s'il en est allranclii, comment ferons-nous pour pas distrait, â celte vue; on ne fait attention quà
nous présenter avec confiance? C'est qu'il s'agit une chose, à courir, à remporter le prix. Quand
ici du trône de la grâce et non du tribunal su- on court, on ne s'arrête pas, car la moindre len-
prême. teur, la moindre halte peut vous faire perdre tout
«Approchons donc avec confiance», dit-il, le fruit de vos efforts. Quand on court, on ne se
« pour recevoir celte nnséncorde que nous de- ralentit pas avant d'ariiver au but; que dis-je?
« mandons». Celle miséricorde est de la munifi- C'est quand on est près du but qu'on redouble
cence ; c'est un don royal. « Et afin d'y trouver d'ardeur. Ce que j'en dis s'adresse à ceux qui ré-
« le secours de ë» grâce , quand nous le deman- pèlent Nous nous sommes eji.ercés daus notrQ
:
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMIÎLIE VII. 4S^

Jeunesse; nous avons jeûné dans notre jeunesse ; Ne perdez donc point l'occasion que vous offre
aujourd'hui , nous voilà vieux !.... Ah c'est alors
! votre vieillesse de (aire excuser les fautes de
surtout qu'il (aut redoubler de piété. Ne racontez votre jeune âge. N'est-elle pas' absurde et inexcu-
pas en détail vos bonnes actions. Voici le mo- sable la conduite de ce vieillard qui s'enivre, qui
ment de vous montrer jeune et vigoureux, comme hante les cabarets, qui va voir les courses, qui
si vous étiez dans la fleur de l'âge. Les alhlèles qui monte sur un théâtre, qui court avec la foule,
disputent le prix de la course, quand la vieillesse comme un enfant? C'est grande honte et c'est
chenue vient à les glacer, ne sont plus agiles ; chose bien ridicule d'avoir des cheveux blancs
mais leur vigueur à eux n'est autre chose qu'une sur la tête, et la légèreté de l'enfance dans le
vigueur physique. cœur. Si la jeunesse vous outrage, vous parlez
Mais vous, pourquoi ralentir votre course? Ce aussitôt de vos cheveux blancs. Soyez donc le
qu'il faut ici, c'est la vigueur de l'âme, la vigueur premier â les respecter. Si vous ne les respectez pas,
d'une âme toujours éveillée. Or c'est dans la vieil- vous, vieillard, comment voulez-vous que la jeu-
lesse que l'âme se fortifie; c'est alors qu'elle a le uesse les respecte? Loin de les respecter, vous les
plus de vigueur; c'est alors qu'elle s'élance. Le couvrez d'opprobre et d'ignominie. Dieu, en vous
corps a beau être fort et robuste ; tant qu'il est en donnant celte couronne de cheveux blancs, a mis
proie aux fièvres, aux assauts fréquents et succes- sur votre front un diadème. Pourquoi méconnaître
sifs de la maladie, les maladies minent ses forces ; cet honneur? Comment voulez-vous que la jeu-
mais il les recouvre, quand il est délivré des ma- nesse vous respecte, quand vous êtes encore plus
ladies qui l'assiègent. 11 en est de même de l'âme. dissipé, encore plus débauché que les jeunes
Tant que dure la jeunesse, elle a la fièvre, elle est gens? Les cheveux blancs sont respectables,
en proie à l'amour de la gloire et des plaisirs et à quand celui qui les porte fait ce qu'ils comman-
une foule d'autres afiections. Mais la vieillesse, en dent ; mais quand le vieillard se conduit en jeune
arrivant, chasse tous ces penchants matériels ; ses homme, il est, avec ses cheveux blancs, plus ri-
remèdes pour nous en guérir, sont le temps et la dicule que lui. Comment oserez-vous donner des
philosophie. En détendant les ressorts de la ma- avis à la jeunesse, vous autres vieillards ivres et
tière, la vieillesse ne permet pas à l'âme de s'en dissolus? Ce que j'en dis n'est pas pour accuser
servir, quand même elle le voudrait; mais, comme tous les vieillards. Dieu m'en garde je n'accuse ici!

si elle domptait ses ennemis de touï genre, elle que le vieillard qui agit en jeune homme. Ceux
l'élève à des hauteurs que le tumulte des passions qui agissent ainsi en effet, fussent- ils cente-
ne peut atteindre, elle lui donne un calme pro- naires, ne sont à mes yeux que des jeunes gens,
fond et lui inspire surtout une terreur salutaire. de même que les jeunes gens, quand ils seraient
Mieux que personne en effet les vieillards savent tout jeunes, valent mieux, selon moi
que des ,

qu'ils doivent mourir et qu'ils sont tout près de la vieillards, quand ces jeunes gens ont la modestie
mort. Lors donc que les passions et que les désirs et la tempérance en partage. Et ce que je dis là
mondains s'éloignent,quand on attend à chaque n'est pas de moi; c'est l'Ecriture qui établit cette
instant l'heure du jugement, quand cette attente distinction « Ce qui rend la vieillesse respecla-
:

triomphe de notre obstination et de notre déso- " ble », dit-elle, « ce n'est pas le nombre des an-

béissance, comment l'âme, pour peu qu'elle soit « nées, le grand âge; c'est un grand nombre d'an-

bien disposée, ne deviendrait-elle pas plus atten- « nées passées dans la vertu ». (Livre de la Sa-

tive? Mais quoi? me direz-vous, ne trouve-t-on pas gesse, IV, 9.)


des vieillards plus corrompus que des jeunes 4. Honneur aux cheveux blancs, non que nous
gens? Vous considérez ici le vice à ses dernières ayons une prédilection pour cette couleur, mais
limites. Ne voyons-nous pas aussi des fous fu- parce que c'est la couleur de la vertu, et parce que
rieux qui d'eux-mêmes vont se jeter dans un pré- cet extérieur vénérable nous fait conjecturer que
cipice ? Quand donc un vieillard a les maladies de l'homme intérieur a aussi des cheveux blancs !

la jeunesse, c'est un grand mal :uu vieillard de Mais un vieillard qui donne à ses cheveux blancs
celte espèce ne peut pas donner son âge pour ex- un démenti par sa conduite, n'en est que plus ri-
cuse; il ne peut pas dire t Ne vous souvenez plus
: dicule. Pourquoi honorons-nous la royauté, la
€ des fautes et de l'étourderie de ma jeunesse ». pourpre, le diadème? C'est que ce sont là les em-
(Ps. XXIV, 7.) Car celui qui, dans sa vieillesse, ne blèmes du commandement. Mais que ce roi velu
change pas, montre que les fautes de sa jeunesse de pourpre vienne à être conspué, foulé aux pieds
viennent, non de l'ignorance, non de l'inexpé- par ses satellites, saisi à la gorge, jeté en prison
rience, non de l'âge, mais d'un défaut de cœur. et déchiré, respecterons-nous encore cette pour-
Pour avoir le droit de dire « Ne vous souvenez
: pre et ce diadème, et ne plaindrons-nous pas cette
« plus des fautes de ma jeunesse et de mon inex- majesté outragée? N'exigez donc pas qu'on res-
t périence », il faut se conduire comme un vieil- pecte vos cheveux blancs, quand vous les outra-
lard doit le faire, il faut que la vieillesse nous gez vous-même; c'est vous rendre coupable en-
change. Mais si, dans notre vieillesse, notre con- vers eux que d'avilir une parure si imposante et si
duite est toujours aussi honteuse, aussi déshono- précieuse. Mes reproches ne s'adressent pas à tous
rante, méritons-nous le nom de vieillards, alors les vieillards, et ce n'est pas la vieillesse en géné-
que nous ne respectons pas notre âge? Lorsqu'on ral que j'attaque, je ne suis point assez insensé
dit: « Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeu- pour cela je m'en prends à ce caractère juvénil
;

« nesse et de mon étourderie », on parle en vieil- qui déshonore la vieillesse; j'adresse ces paroles
lard bounéte. amères noa pas aux vieillards, mais à ceux qui
48â Traduction française de saint jean chrysostome.

déshonorent leurs cheveux blancs. Un vieillard par magie, endormir le monstre. Ses moyens sont
est roi, s'il le veut} il est plus roi qu^le souve- les travaux, la lecture, les veilles et le jeùuo.
rain revêtu de la pourpre, s'il commande à ses Nous ne sommes pas des moines, m'objecterez-
passions, s'il foule aux pieds les vices, comme de vous, pourquoi nous tenir ce langage? Kh bien!
vils satellites. Mais s'il se laisse entraîner, s'il se adressez cette objection à Paul, quand il vous dit ;
dégrade, s'il se rend l'esclave de l'avarice, de l'a- « Persévérez et veillez dans la prière ». (Coloss.
mour, de la vanité, des rairinements de la mol- IV, 2.) « Ne cherchez point à contenter votre sen-
lesse, du vin, de la colère et des plaisirs, s'il se « sualilé,ensalisfaisantvosdésirs)).(Rom.xni, 14.)
pai fume les cheveux , si de gaieté de cœur il fait Ses avis en effet ne s'appliquent pas seulement
lui-même injure à sa vieillesse, quel châtiment n« aux moines, mais aux habitants des villes. Un
mérile-l-il pas? Quant àvous, jeunes gens, n'imi- homme du monde en effet ne doit avoir sur le
tez pas les vices de ces vieillards, vous n'êtes pas moine qu'un seul avantage celui de pouvoir co-
:

excusables non plus, quand vous vous égarez, habiter avec une épouse légitime. 11 a ce droit-là,
l'ourquoi? C'est que dans la jeunesse on peut être mais du reste, il a les mêmes devoirs à remplir
mùr, et s'il y a des vieillards toujours jeunes, il y que le moine. La béatitude dont le Christ a parlé
a des jeunes gens déjà vieux. Les cheveux blancs n'est pas le piivilége des moines; autrement le
ne sont pas toujours un préservatif; maislesche- monde aurait péri et nous accuserions Dieu de
vcux noirs ne sont pas un nbstacle. Les vices que cruauté. Si la béatitude n'est faite que pour le
j'ai signalés sont plus honteux chez un vieillard moine, si l'homme du monde ne peut y atteindre,
que chez un jeune homme, sans que, pour cela, le et si Dieu lui-même a permis le mariage, c'est
jeune homme vicieux soit complètement à l'ab i Dieu qui nous a tous perdus. Si en effet on ne
(lu blâme. La jeunesse n'est une excuse que lors- peut, quand on est marié, remplir les devoirs des
que le jeune homme est appelé au maniement des moines, tout est perdu et la vertu est réduite aux
affaires. Dans ce cas son jeune âge et son inexpé- dernières extrémités. Comment donc serait-ce
rience peuvent lui faire pardonner son inhabi- chose honorable que le mariage, quand il devient
leté. Mais faut-il déployer une .sagesse virile, taut-il pour nous un si grand obstacle? Que faut-il con-
tiiompherde l'avarice, le jeune âge n'est plus une clure? Il faut dire qu'il est possible et très-pos-
tîxcuse. Il y a des cas en effet où la jeunesse est sible, quand on est marié, de suivre le chemin de
plus répréhcnsible que la vieillesse. Le vieillard la vertu, et de la pratiquer si l'on veut. Ayons une
alTaibli par l'âge a grand besoin de se ménager ; femme; mais soyons comme si nous n'en avions

niais le jeune homme qui peut, s'il le veut, se suf- pas ne nous enivrons pas de nos richesses ; usons
;

fire à lui-môme, est-il excusable de se montrer du monde, sans en abuser. (1 Cor. vu, 31.) Si pour
plus rapace qu'un vieillard , d'avoir plus de ran- certains hommes le mariage est un obstacle , ce
cune que lui, de se montrer négligent, de ne pas n'est pas la faute du mariage, qu'ils le sachent
être plus prompt que le vieillard à protéger les bien; c'est la faute de leur volonté qui leur a fait
faibles, de parler sans cesse à tort et à travers, abuser du mariage. Ce n'est pas non plus la faute
d'avoir l'injure et la médisance à la bouche, de du vin, si l'ivresse arrive, c'est la faute de nos goûts
se livrer à l'ivrognerie? S'il croit qu'on doit lui dépravés et de l'abus de cette liqueur. Usez avec
passer toute espèce de contravention aux lois de modération du mariage, et vous occuperez la pre-
la tempérance et de la continence , il faut remar- mièie place dans le royaume des cieux, et vous
quer qu'il a de bons moyens d'observer aussi ces jouirez de tous les hiens. Puissions-nous tous les
deux vertus. Eu admettant que les désirs et les obtenir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur
passions aient plus d'empire sur lui que sur le Jésus-Christ auquel, conjoinlement avec le Père et
vieillard, on doit pourtant convenir qu'il a, pour le Saint-Esprit, gloire, honneur, etc.
h ur résister, plus de moyens, elqu'il peut, comme

HOMELIE VIII.
CAR TOCT PONTIFE, ÉTANT PRIS D'ENTRE LES HOMMES, EST ÉTABLI POUR LES HOMMES^ EN CE QUI RE-
GARUE LK CI LTE DE DIEU, AFIN QU'lL OFFRE DES DONS ET DES SACRIFICES POUR LES PÉCHÉS, ET QU'lL
PLISSE Éilîi; lOLCIliC DINE JIÎSTE COMPASSION POUR CEUX yi PÈCHENT PAR IGNORANCE ET PAR
I

EIIIIEDIi, COMME LIANT LUI -.Ilii'iIE E N IttONNÉ DiC FAIllI.ESSE. El CESTCE-.JI l'OBLIGE A OFFRIR LE
\

SACRIFICE DE L EXPIATION LES l'ÉCIlliS ALSSI MEN POUR LUI-MÊME QUE POUR LE PEUPLE. (V, 1, 2,
3, JUSUUA LA FIN OU CHAPITRE.)

). 2Saccnloce du Clirisl.
Paul repiociic aux Hébreux la faiblesse de leur intelligence
3. Swiiii
4. Commcul peul-ou s'Iiabiluer à discerner l'erreur de ta vérité.— Devoir do lecteur dans l'église.

I. Saint Paul s'attache maintenant il démontrer mence par exposer les raisons sur lesquelles il se
combien Nouveau Testament est préférable à
le fonde. Sous la loi nouvelle, rien ne parle aux sens,
l'Aucien, comlien il lui esl supérieur, et il coui- il n'y a pas do représentation matérielle point :

i
Commentaire sur l'épitre de s. Paul aux hébreux. - îîomélîè vm. is-ï

de temple, point de saint des saints, point de montrer, il fait voir que le Christ est l'envoyé de

prêtre revêtu de l'appareil sacerdotal, point de cé- Dieu. C'est ce que le Christ ne cessait de dire, en
rémonies légales tout est plus élevé, tout est plus
j
conversant avec les juifs «Celui qui m'a envoyé:

parfait. Rien pour le corps; tout pour l'esprit. Or, « est plus grand que moi». (Jean viii, 42.) Et ail-

ce qui est du ressort de l'esprit ne frappe pas les leurs : «Je ne suis pas venu de moi-même». Selon
âmes faibles comme ce qui parle aux sens; voilà moi, ces paroles font allusion aux pontifes juifs
pourquoi l'apôtre tourne et retourne son sujet de qui envahissaient le sacerdoce au mépris de la loi.
mille manières. Voyez combien il est habile. 11 nous « Ainsi Jésus-Christ ne s'est pas élevé de lui-même

représente d'abord le Christ comme prêtre, il ne « à la dignité de souverain pontife (5)». Quand

cesse de lui donner le nom de pontife, et il part de donc a-t-il été institué et ordonné pontife? Aaron,
là pour nous montrer combien il diflere des autres en effet, a été souvent institué et ordonné pontife,
pontifes. 11 donne la définition du prêtre, il nous par la verge, par le feu du ciel, qui consuma ceux
montre les caractères et les symboles du sacerdoce qui voulaient lui ravir le sacerdoce. Ici, rien de pa-
réunis dans la personne du Christ. Ce qu'on pou- reil non-seulement il n'est pas arrivé malheur
:

vait lui objecter, ce qui lui faisait obstacle, c'est aux faux pontifes, mais ils sont en bonne odeur.
qu'il n'était ni d'une haute naissance, ni d'une Comment donc saint Paul prouve-t-il l'ordination
tribu sacerdotale, ni revêtu d'un sacerdoce ter- de Jésus-Christ? Par les prophéties. Son pontificat
restre. On pouvait donc craindre d'entendre sortir n'a rien de matériel et ne tombe pas sous les sens.
de quelques bouches cette question Comment se
: Ce qui prouve sa dignité de pontife, ce sont les
fait-il qu'il soit prêtre? Eh bien! Paul procède ici prophéties, la prédiction de ce qui devait arriver,
comme dans l'épitre aux Romains. (Rom. iv.) Il « c'est celui qui lui a dit Vous êtes mon Fils, je
:

s'était chargé de soutenir une thèse difficile; il «vous ai engendré aujourd'hui». Ces paroles se
fallait prouver que la foi opère des effets que n'ont rapportent-elles au Fils de Dieu? Sans doute, c'est
pu opérer la loi, ni toutes les peines et tous les de lui qu'il s'agit ici. Mais quel rapport ces paroles
travaux qu'elle imposait. Pour montrer que cet effet ont-elles avec la question qui nous occupe? Elles
s'est produit et qu'il pouvait se produire, il a re- en ont un très-grand. C'est la démonstration anti-
cours à l'exemple des patriarches et il ri^raonte aux cipée qu'il a été institué et ordonné contife par Dieu
temps anciens. C'est ainsi qu'il entre dans la se- même.
conde voie suivie par le sacerdoce, en citant d'a- « Selon qu'il lui dit aussi dans ua autre endroit:
bord les anciens pontifes. De même qu'à propos «Vous êtes le pontife selon l'ordre de Melchisé-
des peines infligées aux méchants, il a cité à ses « dech (6) ». A qui s'appliquent ces paroles? Quel
auditeurs non-seulement la géhenne, mais encore est ce pontife qui est selon l'ordre de Melchisédech ?
l'exemple de leurs pères; de même ici il commence Nul autre que le Christ. Tous en effet étaient sou-
par leur rappeler les faits présents à leur mémoire. mis à tous observaient le sabbat; tous
la loi;
Au lieu de leur montrer le ciel, pour les faire étaient circoncis. Il ne peut être ici question que

croire aux choses terrestres, il fait le contraire, en du Christ. «Ainsi, durant les jours de sa chair,
considération de leur faiblesse. Il expose d'abord « ayant offert avec un grand cri et avec des larmes,
les points de contact que le Christ peut avoir avec « ses prières et ses supplications à celui qui pou-
les autres pontifes, pour montrer ensuite la supé- « vait le tirer a été exaucé à cause
de la mort, il

riorité qu'il a sur eux. La comparaison est donc à « de son humble respect pour son Père (7). E(, quoi-
l'avantage du Christ, puisque sous certains rapports, « qu'il fût le Fils de Dieu, il n'a pas cessé d'ap-
il y a ressemblance et affinité entre eux et lui, « prendre l'obéissance par ce qu'il a souffert (8)».
tandis que sous d'autres points de vue, il leur est Voyez-vous comme l'apôtre s'applique uniquement
supérieur. Autrement, à quoi aboutirait cette com- à montrer la sollicitude et la haute charité du
paraison? Christ pour les hommes? Quel est le sens de ces
«Tout pontife pris d'entre les hommes». Voilà mots «Avec un grand cri?» On ne trouve nulle
:

une condition qui se rencontre dans le Christ, part dans l'Evangile qu'il ait adressé cette prière
comme dans les autres. « Est établi pour les hommes, les larmes aux yeux et en poussant de grands cris.
t en ce qui tient au culte de Dieu ». Même observa- Mais ne voyez-vous pas que saint Paul descend ici
tion. «Afin qu'il offre des dons et des sacrifices jusqu'à nous, jusqu'à notre faible intelligence?
€ pour peuple». Cela est encore, jusqu'à un cer-
le 11 ne lui suffit pas de nous montrer le Christ en

tain point, commun au Christ et aux autres. Mais prières il nous le montre poussant de grands cris.
;

il n'en est pas ainsi du reste. « Afin qu'il puisse être «Et il a été exaucé», dit-il, «à cause de son
« touché de compassion pour ceux qui sont dans « humble respect pour son Père; quoiqu'il fût le
€ l'ignorance et l'erreur». Voilà déjà un avantage « Fils de Dieu, il n'a pas laissé d'apprendre l'obéis-
que le Christ a sur les autres pontifes. «Comme f sance par ce qu'il a souff'ert. Et étant entré dans
1 étant lui-même environné de faiblesse, et c'est « la consommation de sa gloire, il est devenu l'au-

« ce qui l'oblige à offrir le sacrifice de l'expiation « teur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéis-
« des péchés, aussi bien pour lui-même que pour < sent (9). Dieu l'ayant déclaré pontife, selon l'or-
« le peuple». Puis il ajoute :Il a reçu le pontificat, t dre de Melchisédech (10) ». Il a offert ses prières
mais il ne s'est pas fait lui-même pontife. Il a en- avec des cris, soit :mais pourquoi avec de grands
core cela de commun avec les autres pontifes. cris? 11 les a même offertes en versant des larmes,
« Nul ne s'est attribué à soi-même cet honneur; dit-il, et il a été exaucé à cause de son respect pour
« mais il faut y être appelé de Dieu comme Auron son Père. Qu'ils rougissent, les hérétiques qui nient
« (4)». Ici c'est autre chose qu'il s'applique à dé- la réalité de l'iucarnatiou Que dites-vous? Quoi t I
488 tHADL'CTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

le Fils de Dieu était exaucé à cause de son reSpect? à profit un semblable apprentissage. 'Voyez-vous
Que dircz-vous de plus, en parlant des prophètes? comme il s'étend sur l'obéissance, afin de parvenir
Et n'est-ce pas une inconséquence, lorsqu'on a dit : à les persuader? Ils m'ont tous l'air en effet d'être
«Il a été exaucé à cause de son respect», d'ajouter fort disposés à secouer le frein et à se révolter.
ces paroles «Quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il n'a
: C'est ce que saint Paul fait entendre par ces mots :
« pas laissé d'apprendre l'obéissance par tout ce « Votre attention s'est refroidie» Ses souflrances,
:

« qu'il a soulTert». Peut-on teniruu pareil langage, dit-il, lui ont appris à obéir à Dieu. Et il est entré

en parlant de Dieu? Qui serait assez insensé pour dans la consommation de sa gloire par la souf-
cela? Où trouver un homme qui aurait assez peu france. C'est donc là ce qui parfait l'homme, et la
de raison pour parler ainsi? «Il a été exaucé à soufl'rance est le chemin de la perfection. Non-
« cause de son respect, il a appris l'obéissance par seulement il s'est sauvé lui-même, mais il a sauvé
« tout ce qu'il a souffert». Quelle obéissance? 11 les autres. « Etant entré dans la consommation de
avait appris, jusqu'à en mourir, l'obéissance qu'un « sa gloire, il est devenu l'auteur du salut éternel

fils doit à son père? Avait-il donc besoin de faire « pour tous ceux qui lui obéissent. Dieu l'ayant
encore l'appreiilissage de l'obéissance? « déclaré pontife, selon l'ordre de Melchisédech;
2. Ne voyez-vous pas qu'il s'agit ici de l'incarna- « sur quoi nous aurions beaucoup de choses à dire,
lion réelle? Ce qu'il dit là le fait assez entendre. « qui sont difficiles à expliquer, à cause de votre
Dites-moi ne demandait-il point à son Père d'être
: « lenteur et de votre peu d'application pour Içs
préservé de la mort; n'était-il pas attristé par cette « entendre (11)».
perspective de la mort? Ne disait-il pas «Que ce : Avant d'en veniraux deuxespèces de sacerdoce, il
« calice, s'il est possible, s'éloigne de mes lèvres? » reprend ses auditeurs en leur montrant qu'il abaisse
Mais, pour ce qui est de la résurrection, il n'a ja- son style pour descendre jusqu'à eux, et qu'il les
mais prié son Père; au contraire, il dit lui-même traite comme des enfants à la mamelle; par con-
tout haut : «Renversez ce temple, et dans trois séquent il prend un ton plus humble, approprié
• jours, je le relèverai». Etildit encore «Je puis : aux choses de la chair et il parle du Christ, comme
« déposer reprendre; personne ne me
la vie et la on parlerait d'un homme juste. Voyez, sans garder
« l'ôte; c'est moi-môme qui la dépose ». (Jean, ir, un silence absolu, il ne s'explique pas complète-
i9,etx, 18.)Qu'est-ce donc et pourquoi priait-il? El ment; il ne dit que ce qu'il faut pour les engager
il disait aussi « Nous allons à Jérusalem, et le Fils
: à mener une vie parfaite et à ne pas se priver d'un
« de Dieu sera livré aux princes des prêtres et aux haut enseignement; mais il s'arrange de manière
» scribes qui le condamneront à mort et le livre- à ne pas accabler leur intelligence; et il s'exprime
« ront aux gentils, afin qu'ils le tournent en déri- ainsi « Sur quoi nous aurions beaucoup de clioses
:

« sion, qu'ils le fouettent et le crucifient; et il res- « à dire, qui sont dilliciles à expliquer, à cause de
« suscitera le troisième jour». (Matlh. .xx, 18, 19.) 11 « votre lenteur et de votre peu d'application pour
n'a pas dit Mon Père me fera ressusciter. Comment
: « les apprendre ». C'est parce qu'il a affaire à des
donc peut-on dire qu'il le priât pour le faire res- auditeurs peu attentifs qu'il lui est difficile de
susciter? Mais pour qui priait-il? Pour ceux qui s'expliquer. Car lorsqu'on s'adresse à des auditeurs
avaient cru en lui. Ce que dit l'apôtre revient à bornés, dont l'intelligence n'est pas à la hauteur
ceci 11 n'a pas de peine à se faire exaucer. Comme
: du sujet, il n'est pas aisé de leur bien faire com-
ses auditeurs ne se faisaient pas une juste idée du prendre la vérité. Mais peut-être y a-t-il parmi
Christ, il dit qu'il a été exaucé, en tenant le lan- vous qui m'écoutez, quelques hommes dont la tête
gage que le Christ tenait lui-même, pour consoler se trouble et qui regrettent que la nature do son
ses disciples «Si vous m'aimiez, vous vous ré-
: auditoire ait empêché saint Paul de mieux s'expli-
« jouiriez, parce que je vais trouver mon Père quer. Eh bien! à l'exception d'un petit nombre
«qui est plus grand que moi ». (Jean, xiv, 28.) d'auditeurs, vous êtes, je crois, dans le même cas
Comment donc ne s'esl-il pas glorifié lui-môme, ce que les Hébreux, et vous pouvez vous appliquer les
Uieu qui a été assez dévoué pour s'annihiler, pour paroles de l'upôtre. Malgré cela, je vais m'adresser
se livrer lui-môme? «11 s'est sacrifié pour nos à ce petit nombre d'auditeurs. Saint Paul a-t-il
«péchés», dit l'apùtre. (Gai. i, -i.jEt ailleurs: «C'est donc abandonné le sujet qu'il traitait ou l'a-t-il
« lui qui s'est livré, pour nous racheter tous». repris dans les versets suivants, comme il l'a fait
(ITirn. II, (j.) Qu'est-ce donc? Ne voyez-vous pas dans l'épitre aux Romains? Car là aussi il ferme
que c'est le Dieu fait chair qui s'humilie? Aussi, tout d'abord la bouche aux contradicteurs en ces
quoiqu'il fût le Fils de Dieu, a-t-il élé exaucé, en termes « homme, qui donc es-tu, pour répondre
:

considération de son respect pour son Père. Il « à Dieu?» (Rom. ix, 20.) Mais il résout aussitôt le
veut montrer, en elfet, que l'œuvre qui s'est accom- problème dont il s'agit. Eh bien! ici je crois que,
plie a été opérée par lui plutôt que par la grâce de sans garder un silence complet, il ne s'est pas
Dieu. Tel était son respect filial et sa piété, dit l'a- tout à fait expliqué, afin de jeter ses auditeurs
pôtre, que Dieu son Père le respectait. 11 a appris dans l'attente.Après les avoir avertis, après leur
à obéir à Dieu. Il montre encore quels sont les avoir fait entendre qu'il abordait un grand sujet,
fruits de la souffrance. « Et étant entré dans la voyez comme il les loue et les reprend tout à la
• consommation de sa gloire, il est devenu l'auteur fois. Car c'est toujours sa méthode de mêler de
a du salut éternel pour tous ceux qui lui obéis- douces paroles aux paroles amères. C'est ainsi que,
« sent». Or, si lui qui était le Fils de Dieu a pro- dans son éjiitre aux Galales, il dit nVouscou- :

fité de ses soufl'rances pour apprendre à obéir, à riez avec ardeur; qui doue a pu vous arrêter?»
plus forte raison nous autres devons-nous mettre (Galat. v, 7.) « Serait-ce donc en vain que vous avez
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE VIIL 189

K tant souffert, si toutefois ce n'est qu'en vain?» gage à exprimer ce qui se rapporte à l'homme. Il
(Galal. m,«J'espère, pour vous, dans le Sei-
4.) avait pour raison l'intelligence de ses auditeurs
agneur». (Galat. m, 10.) Et ici il dit de même: qui n'étaient pas en état de comprendre des iaées
« Nous avons une meilleure opinion de vous et de plus relevées. C'est ce qu'il voulait dire dans son
« voire salut ». (Hébr. vi, 9.) Il lait donc deux choses épitre aux Corinthiens, par ces mots « Puisqu'il
:

k la fois il ne les exalte pas et il ne les laisse pas


: « y a parmi vous des jalousies et des disputes, n'est-

tomber dans l'abattement. Car si l'exemple d'autrui € il pas visible que vous êtes charnels ? » (I Cor. m,

est propre à exciter l'auditeur et à faire nailre 3.) Voyez quelle est sa prudence, et comme il s'en-

dans son àme le sentiment de l'émulation, quand tend à traiter tous ces malades, dont il est le mé-
ou peut se prendre soi-même pour exemple e' decin. La faiblesse des Corinthiens venait en
qu'on vous engage à élre pour vous-même un grande partie de leur ignorance ou plutôt de leurs
objet d'émulation, la leçon est encore plus efficace. péchés; celle des Hébreux ue provient pas de leurs
Voilà ce que saint Paul fait ici il ne les laisse pas
: péchés, mais de leurs afflictions continuelles.
iomber dans l'abaltement, comme des réprouvés C'est pourquoi il emploie des expressions bien
qui auraient toujours fait le mal; il leur montre propres à faire ressortir cette différence. « N'est-il
que parfois ils out fait le bien. «Tandis que depuis « pas visible que vous êtes charnels?» dit-il aux
« le temps qu'on vous instruit, vous devriez déjà Corinthiens. Et il dit aux Hébreux : L'excès de
« être des maîtres (12)». 11 montre ici qu'il y a long- votre douleur a émoussé vos facultés. Les Corin-
temps qu'ils ont commencé à croire; il montre thiens, hommes charnels, n'ont jamais pu sup-
aussi qu'ils devraient instruire les autres. Voyez porter l'enseignement spirituel; mais les Hébreux
comme il travaille à amener ce qu'il peut avoir à le pouvaient autrefois. Car ces paroles : i Votre
dire du pontife, et comme il diffère toujours ses « application à m'entendre s'est ralentie », indi-

explications. Ecoutez son début : « Ayant un grand quent qu'autrefois leurs âmes étaient saines,
« pontife qui est monté au plus haut des cieux ». Et fortes et pleines d'ardeur. Et plus tard, il atteste
après avoir passé sous silence l'explication du mot ainsi leur faiblesse « Vous êtes tombés en enfance;
:

« grand », il reprend ainsi « Car tout pontife, étant


: « ce n'est pas une nourriture solide; c'est du lait

f pris d'entre les hommes, est établi pour les « vous faut ».
qu'il
«hommes, en ce qui regarde le culte de Dieu ». Puis Dans plusieurs passages et même toujours il
il dit « Ainsi Jésus-Christ ne s'est pas élevé de
: appelle « qui s'abaisse. « Tandis que
lait » fe style
« lui-même à la dignité de souverain pontife ». Et « depuis le temps », dit-il, « vous devriez être des
après avoir dit: «Vous êtes le prêtre éternel, selon « maîtres ». C'est comme s'il disait Ce qui a pro-
:

« l'ordre de Melchisédech »,remet encore son


il duit votre relâchement et votre abattement, c'est
explication, pour dire : « Qui durant les jours de le temps qui aurait dit vous rendre forts. Le laity
• sa chair, a offert ses prières et ses supplica- selon lui, c'est ce style terre à terre qui convient
€ tions». aux simples; cette nourriture ne convient pas à
3. Après s'être détourné tant de foisde son but, par des auditeurs plus avancés, et ce serait pour eux
forme de réponse et d'excuse, il leur dit C'est votre
: un dangereux régime. Aujourd'hui il ne faudrait
faute. Quelle différence eu elTet? Ils devraient être plus citer l'ancienne loi et y puiser des comparai-
des maîtres, et ils ne sont que des disciples, les der- sons ; il ne faudrait plus nous représenter le pon-
niers de tous. «Depuis le temps qu'on vous instruit, tife sacrifiant et priant avec des cris et des suppli-
« vous devriez être des maîtres et vousauriez encore cations. Voyez comme tout cela est devenu pour
« besoin qu'on vous apprit les premiers éléments, nous un objet de dédain mais alors c'était pour
;

« par lesquels on commence à expliquer la parole les Hébreux une nourriture qu'ils ne dédaignaient
€ de Dieu ». Ces premiers éléments sont ici la pas. Oui la parole de Dieu est bien une nourri-
:

science humaine. Dans les lettres profanes, il faut ture qui soutient l'âme. Ecoutez plutôt le Prophète
d'abord apprendre les éléments; ici aussi il faut et l'apôtre « Je ferai en sorte qu'ils soient non pas
:

d'abord apprendre ce qui se rapporte à l'homme. « affamés de pain, non pas altérés d'eau, mais affa-
Vous voyez pourquoi il abaisse ici son langage : « mes de la parole de Dieu. (Amos, viii. H.) Je
c'est ce qu'il faisait en parlant aux Athéniens : « vous ai donné à boire du lait, au lieu de vous
« Dieu laissant passer ces temps d'ignorance, fait, « donner une nourriture solide ». (I Cor. m, 2.)'
« maintenant annoncer à tous les hommes et en Il n'a pas dit Je vous ai nourris, montrant par là
:

€ tous lieux qu'ils fassent pénitence, parce qu'il a que ce n'est pas une nourriture solide qu'il leur a
( arrêté un jour oti il doit juger le monde selon donnée, mais qu'il les a nourris comme des en-
K sa justice, par celui qu'il a destiné à en être le fants qui ne peuvent encore manger du pain; car
« juge, de quoi il a donné à tous les hommes une le breuvage des enfants est leur unique nourri-
f preuve certaine, en le ressuscitant d'entre les ture. Il n'a pas parle de leurs besoins mais il a ;

« morts». {Act. XVII, 30, 31.) Lorsque Paul exprime dit « Vous êtes faits pour vous nourrir de lait, et
:

quelque idée haute et sublime, il l'exprime briè- « non d'aliments solides »; c'est-à-dire C'est vous
:

vement, tandis que dans celte épitre, il s'étend en qui l'avez voulu ; c'est vous qui vous êtes réduits
maint endroit sur l'anéantissement de Jésus-Christ. vous-mêmes à cette extrémité, à cette nécessité.
C'est donc à la brièveté de l'expression que l'on —« Car quiconque n'est nourri que de lait, estin-
reconnaît chez lui l'élévation de l'idée; et d'autre « capable d'entendre le langage de la justice; car
part l'humilité du langage indique sûrement qu'il « il n'est encore qu'un enfant (13) ».
ne parle pas du Christ en tant que Dieu. Ici donc, Ce langage de la justice, quel est-il? Je crois
pour plus de sûreté , il emploie un humble lan- qu'il entend par là un plan de vie conforme à la
400 ÏRAOUCTION FRANÇAISE DE SAIM JEAN CHRYSOSTOME.
N
verlu, et c'est ce que voulait dire le Christ, quand il ne vous restera plus rien à apprendre, il ne vous

il s'exprimait ainsi u Si votre justice n'est pas


: restera plus rien à connaître, et si aujourd'hui
« plus abondante que relie des scribes et des pha- vous ne comprenez pas, vous comprendrez de-
« risiens ». (Mutib. v, 20.) C'est ce que l'apôtre lui- main. « Ceux », dit-il, « dont les sens sont exer-
même veut dire par ces mots« Si vous ne con-
: « ces ». Voyez-vous comme nos oreilles doivent
« naissez pas langage de la justice ». Cela
le s'Iuibiluer à ces enseignements divins, pour se re-
si.2ni(ie:Si vous ne connaissez pas la philoso- fuser à entendre des doctrines éliiingères? « Nous
phie d'en-haut, vous ne pouvez pas tendre à la « devons être exercés », dit l'apôtre, «à discerner
perfeciion. Peut-filre à ses yeux la justice n'est- o le bien et le mal »; c'est-à-dire, que nous de-
elle iiuirechose que le Christ, et la parole élevée vons èlre habiles à distinguer l'un de l'autre. L'un
et sublime de l'orateur qui parle du Christ. Il les ne croit pas à la résurrection ; l'autre ne croit pas
a traités d'esprits faibles et bornés. Pourquoi? Il à la vie future; un autre dit qu'il y a un autre
ne s'est pas expliqué là-dessus. Il leur permet de Dieu; un autre dit que Jésus-Christ lire son prin-
deviner et il ne veut pas les choquer. Dans son cipe de Marie. Voyez comme tous ces hérétiques
épitie aux Calâtes, au contraire, il a l'air d'être sont tombés dans l'erreur, faute de garder une
surpris et d'hésiter, et celte forme de style est plus juste mesure. Les uns ont été trop loin; les autres
consolante; elle est d'un homme qui ne s'attend se sont arrêtés en route. En voulez-vous un exem-
pas au mal. Voyez-vous la dilTérence qui existe ple? C'est Marcion qui a donné le signal de l'hé-
entre l'enfance de l'àme et sa perfection? Tâchons résie. Il a introduit un autre Dieu qui n'existe pas,
donc d'atteindre à cette perfection. Tout enfants, il est allé trop loin. Voici venir après luiSabfllius

tout jeunes que nous sommes , nous pouvons qui prétend que le Père, le Fils et le Saint-Esprit
y atteindre; ce n'est point ici l'œuvre delà na- ne font qu'une seule et même personne. Puis c'est
ture, c'est l'œuvre de la vertu. —
« La nourriture l'hérésie de Marcellus et de Photin qui prêchent la
« solide est pour les parfaits, pour ceux dont Tes- même doclrine. Puis c'est l'hérésie de Paul de Sa-
« prit, par l'habitude et par l'exercice, s'est accou- mosaie qui avance que Dieu n'a commencé à exis-
« tuméà discerner le bien du mal (14) ». Eh quoi? ter qu'en sortant du sein de Marie. C'est ensuite
Leurs sens n'étaient-ils pas exercés? Ne savaient- l'hérésie des manichéens, qui vient après toutes
ils pas ce que c'est que le bien, ce que c'est que les autres. Et puis c'est Arius; et puis ce sont
le mal? C'est que, quand il parle de discerner le d'autres hérésies encore.
bien et le mal, il ne parle pas de ce discernement C'est pour cela que nous avons reçu la foi; c'est
appliqué aux choses ordinaires de la vie. Ce dis- afin que nous ne soyons pas obligés de nous jeter
cernement-là, le premier venu en est capable; dans ces hérésies sans nombre ; c'est afin que
saint Paul parle ici de ce discernement qui dis- nous n'en soyons pas le jouet et les victimes;
tingue les hautes et sublimes doctrines des croyan- c'est afin que nous regardions comme faux tout
ces fausses et abjectes. Le petit enfant ne sait pas ce qu'on pourrait ajouter ou retrancher aux arti-
distinguer les aliments bons ou mauvais, souvent cles de la foi. Ceux qui admettent les mesures
il avale de la poussière, il prend une nourriture légales ne sont pas obligés de recourir laborieu-
malsaine, il agit en tout sans discernement. Il n'en sement à une foule de poids et de mesures arbi-
est pas ainsi de l'homme fait. Oui ce sont des
: traires; ils veulent que l'on s'en tienne aux me-
enfants, ces hommes qui croient sans rélléchir à sures établies; il en est de même pour nos dogmes.
tout ce qu'on leur dit, qui prêtent indifléremment Mais on ne veut pas faire attention aux saintes Ecri-
l'oreille à tous les discours ; saint Paul reproche tures. Sinous y faisions atlention, non-seulement
ici à ses auditeurs de tourner à tout vent, de prê- nous ne tomberions point dans l'erreur, mais nous
ter l'oreille tantôt à l'un, tantôt à l'autre. C'est ce délivrerions les hommes abusés et nous les tire-
qu'il finit par faire entendre, lorsqu'il dit : « Ne rions du péril. Un brave soldat, en effet, n'est pas
vous laissez pas séduire par toutes sortes de bon pour lui seul il sait défendre le camarade
;

« doctrines étranges ». Et il sous-entend : o Si qui est près de lui et le soustraire aux coups de
« vous voulez distinguer le bien du mal »; car l'ennemi. Mais aujourd'hui on ne connaît pas les
c'est le palais qui juge des mets, et c'est l'âme qui saintes Ecritures, malgré toutes les précautions
juge des paroles. prises par le Saint-Esprit pour que ce dépôt fût
4. El nous aussi, instruisvns-nous. En appre- conservé. Remontez jus(|u'aux premiers temps, et
nant que cet homme n'est ni gentil, ni juif, «'allez apprenez à connaître l'ineffable bonté de Dieu.
pas en conclure qu'il est chrétien. Car les mani- C'est lui qui a inspiré Moïse, qui a fait graver ses
chéens et les hérétiques de toutes sortes ont pris commandements sur les tables de la loi, qui l'a
le masque du christianisme pour tromper les âmes retenu à cet ellet quarante jours sur la montagne,
simples. Mais, si nous sommes exercés à distin- qui l'y a retenu quarante jours encore pour pu-
guer le bien du mal, nous pourrons appliquer ici blier sa loi. (Exod. xxxii.) Puis il a envoyé des
notre discernement. Or quels moyens avons-nous yrophètes qui ont subi des épreuves sans nombre,
de nous exercer? Nous n'avons qu'à écouter sans "voilà la guerre allumée, les prophètes morts, les
cesse la parole de Dieu, et qu'à nous fortifier dans livres brûlés! Dieu inspire un autre législateur ad-
la connaissance de l'Ecriture sainte. Quand nous mirable, Esdras, pour exposer sa loi et pour eu
vous aurons mis devant les yeux l'égarement de rassembler les débris. Puis il l'a fait interpréter
ces héréliques, quand aujourd'hui vous aurez en- par les Septante.
tendu parler de leurs erreurs, quand demain vous Le Christ arrive, il prend les tablettes de la loi,
serez convaincu de la fausseté de leurs doctrines, les apôtres vont la publier partout. Le Christ lait
'

COMJIENTAIRE SUR L'ÉPURE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE IX. 491

des signes et des miracles. Qu'arrive-t-il ensuite t « faites le bien ; recherchez la paix ». Savez-vous
Après tant de soins, tant de précautions, les apô- quel est leprophète, l'historien, l'apôtre ou l'évan-
tres, à leur tour, se mettent à l'œuvre, comme dit géliste qui a dit cela? Je crois que, parmi vous, il
Paul : « Toutes ces choses ont été écrites pour en est peu qui le sachent; et ces quelques hommes
« notre instruction, à nous autres, qui nous trou- qui le savent seraient à leur tour en défaut, si je
« voQs à la fin des siècles ». (1 Cor. x. 11.) El le leur citais un autre passage. Tenez, voici la même
Christ disait : « Vous vous trompez, parce que pensée exprimée en d'autres termes : « Lavez vos
« vous ne connaissez pas les Ecritures ». (Matth. « souillures, soyez purs, faites disparaître de de-
XXII, 29.) Et Paul disait encore « C'est dans notre
:
ce vanl mes yeux cette perversité que j'aperçois
« résignation et dans le-> paroles consolantes de? « dans vos âmes ; apprenez à faire le bien ; re-
« saintes Ecritures que nous avons confiance » a cherchez la justice : ne souillez point votre
(Rum. XV, 4) ; et ailleurs « L'Ecriture sainte, ce
: « langue et faites le bien ; oui, apprenez à faire le
a livre si utile, est d'un bout à l'autre une inspi- « bien ». (Is. i, 16, 17.) Voyez-vous comme la vertu
« ration divine. (11 Tim. m, 16 ) Que la parole du a besoin d'être enseignée? Plus haut, nous lisons :
« Christ habite eu vous et remplisse vos âmes ». « Je vous enseignerai la crainte de Dieu p. Ici
(Col. III, 16.) El le Prophète dit « Il méditera la : nous lisons « Apprenez à faire le bien ».
:

« loi, nuit et jour». (Ps. i, 2.) Et il dit ailleurs : Savez-vous d'où ces paroles sont tirées? Peu
« Ne vous lassez pas d'expliquer la loi de l'Etre d'entre vous le savent, à ce que je crois. Et pour-
« suprême». (Ecclés.ix,23.) Et il dit encore « Que : tant voilà des choses que nous vous lisons deux
« vos paroles sont douces pour mon palais » (Il ! ou par semaine. Et, quand le lecteur ar-
trois fois
ne dit pas: pour mes oreilles, mais» pour mon pa- rive, il commence par citer le livre dont il cite un
« lais). Je les trouve plus douces que le miel ». fragment c'est tiré de tel Prophète, de tel apôtre,
:

(Ps. xvni 1 1 .) El
, Moïse dit aussi « Méditez les : de tel évangélisle. 11 vous le dit, pour vous faire
« saintes Ecritures, en vous levant, en vous repo- mieux remarquer et retenir le passage, pour que
li sant, en vous couchant ». (Deut. vi, 7.) C'est ce vous en connaissiez la lettre, l'esprit et l'auteur.
que dit encore saini Paul dans son épitre à Timo- Mais toutes ces attentions sont peine perdue; vous
thée : « Appesantissez-vous sur les saintes Ecri- ne pensez qu'à la vie présente , sans lenir aucun
« tures et méditez-les ». (I Tim. iv, 15.) On pour- compte des choses spirituelles. Voilà pourquoi les
rait s'étendre à l'infini sur ce chapitre. Et après événements même de cette vie présente ne sont
tout cela pourtant, il y a des gens qui n'ont pas pas conformes à ce que vous souhaitez; voilà
la moindre idée de l'Ecriture sainte. Aussi ne con- pourquoi vous trouvez tant d'écueils sous vos pas.
naissons-nous ni les saines doctrines, ni la jus- Le Christ ne dit-il pas : « Demandez le royaume
tice, ni notre intérêt. Pourtant si Ton veut con- « de Dieu et vous obtiendrez avec lui tout le
naitre l'art militaire , il faut en apprendre les «reste » (Matth. vi,33); c'est-à-dire, que nous
règles. Si veut connaître la politique, la
l'on obtiendrons tout le reste par-dessus le marché.
science du forgeron ou toute autre , il faut ap- Mais nous intervertissons cet ordre ; c'est la terre
prendre. Eh bien pour acquérir la science qui
! que nous cherchons, et avec elle, tous les biens
nous occupe, on ne fait rien de semblable, et ce- terrestres, comme si les autres nous devaient être
pendant il faut bien des veilles pour l'acquérir. donnés par surcroît. Aussi n'avons-nous ni les
Si vous voulez le savoir, écoulez cette parole du uns ni les autres. Revenons donc enfin à la raison
Prophète « Venez, mes enfants, écoutez-moi, et
: et désirons les biens à venir; avec eux, les autres
«je vous enseignerai la crainte de Dieu ». (Ps. nous arriveront. Car, lorsqu'on recherche les cho-
XXXIII, 12, 14.) La crainte de Dieu est donc une ses de Dieu, on obtient aussi nécessairement les
chose qui s'apprend. Puis il est dit « Quel est : biens terrestres s'il faut en croire la vérité éter-
,

« l'homme qui veut vivre? » vivre de la vie d'en- nelle dont ce sont là les paroles. Recherchons
haut. Et ailleurs « Ne souillez point votre lan-
: donc les choses de Dieu, pour ne pas tout perdre.
« gue ; que vos lèvres ne laissent point échapper Dieu peut nous toucher et nous rendre meilleurs,
« de paroles perfides ; détouraez-vous du mal et par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

HOMELIE IX,
QCITTANT DONC LES INSTRUCTIONS QUE l'ON DONNE A CEUX QUI NE FONT QUE COMMENCER A CROIRS
EN JÉSUS-CHRIST, PASSONS A CE QU'iL Y A DE PLUS PARFAIT, SANS NOUS ARRÊTER A ÉTABLIR DE
NOUVEAU CE QUI N EST QUE LE FONDEMENT DE LA RELIGION, LA PÉNITENCE DES OEUVRES MOIUES, LA
FOI EN DIEU, ET CE QU'oN ENSEIGNE TOUCHANT LES BAPTÈMliS, LIMPOSITION UES MAINS, LA RÉSUR-
RECTION DES MORTS ET LE JUGEMENT ÉTERNEL. ET C EST CE QUE NOUS FERONS, SI DIEU LE PERMET,
(VI, 1, 2, 3, JUSQU'A 6.)

Analt se.
1. Avant d'aller plus loin, il fjut être tiien convaincu des vcnlés fondamentales de la religion.

2. La foi ferme et sincère conduit à la vie parfaite.


a. Le baptême ae peut être couléié deux fois.
, ,

493 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

4. A défaut d'un second baptême qui ne peut élre conféré, la pénitence est pour nous un moyen de salut. Mais la pénitence,
afin de porter ses fruits, doit être accompagnée de la contrition parfaite, du pardon et de l'oubli des injures, et surtout de ia
charité et de l'auniSne.
5. Effets de la pénitence. — La gloire de saint Paul comparée aux vanités de ce monde.

l.Vous avez vu comme il reproche aux Hébreux elles sont l'objet, nous frappent toujours davan-
de vouloir qu'on leur dise toujours ia même chose. tage, quand nous les aurions entendu répéter
Et il a raison. Depuis le temps qu'on vous instruit, mille fois. A plus forte raison nous pouvons au-
dit-il, vous devriez être passés maîtres et vous jourd'hui vous dire sans manquer d'à-propos :
avez encore besoin d'apprendre les principes de la « Quittant les instructions que l'on donne à ceux
religion. Et vous aussi, j'ai bien peur que vous no « qui ne font que commencer à croire en Jésus-
méritiez ce reproche; j'ai bien peur, moi aussJ, « Christ, passons à ce qu'il y a de plus parfait ».
d'être obligé de vous dire que, lorsque vous de- Quelles sont ces instructions premières, l'apôtre
vriez élre des maîtres, vous n'êtes môme pas en- nous le dit en ces termes « Ne nous arrêtons
:

core des disciples. 11 faut toujours vous répéter la « pas à établir de nouveau ce qui n'est que le fon-
même chose, et vous avez toujours l'air de ne pas « dément de la religion, c'est-à-dire, la pénitence
entendre. Vous interroge-t-on, un petit nombre « des œuvres mortes, la foi en Dieu, et ce qu'on
d'entre vous seulement, quelques auditeurs faciles « enseigne touchant les baptêmes , l'imposition
à compter sont en état de répondre, et ce n'est pas « des mains, la résurrection des morts et le juge-
là un léger inconvénient; car le maître voudrait « ment
éternel ».
aller plus loin; il voudrait aborder quelque grand ce sont là des vérités premières, il s'ensuit
Si
mystère, et la paresse, la négligence de son audi- que le fond de tous nos dogmes, c'est la croyance
toire ne le lui permettent pas. Voyez les maîtres à la nécessité de la pénitence, c'est la foi venant
d'école. Si la leçon roule toujours sur les mêmes du Saint-Esprit à la résurrection des morts et au
éléments, et si l'enfant ne la retient pas, il faudra jugement éternel. Voilà le commencement, voilà
toujours revenir sur la même chose et la répéter les premières vérités que l'on apprend, alors que
sans cesse, jusqu'à ce que l'enfant sache bien sa la vie n'est pas encore parfaite. Pour apprendre à
leçon. Car ce serait folie d'aller en avant, quand lire, il faut d'abord apprendre les éléments; pour
l'écolier n'est pas encore bien pénétré des principes apprendre à êtie chrétien, les vérités exposées ci-
fondamentaux. 11 en est de même dans cette as- dessus sont celles qu'il faut connaître avant tout
semblée. Si nos redites perpétuelles ne vous ser- et dont il faut être bien convaincu. Si l'on a be-
vent à rien, nous serons obligé do revenir sans soin encore d'être éclairé là-dessus, c'est que la
cesse sur les mêmes matières. Si l'enseignement religion du Christ n'est pas bien établie dans notre
était pour nous une affaire d'ostcninïion et de va- cœur; car avant tout, ces vérités fondamenlales
nité, nous nous verrions forcé de passer, de sauter doivent y être fermement assises. Si après avoir
d'un sujet à un autre, sans faire attention à vous été instruit sur le catéchisme, si, après avoir reçu
dans l'unique but de nous attirer vos applaudisse- le baptême, on a encore besoin d'affermir sa toi
ments. Mais ce n'est pas là notre ambition et nous et d'apprendre à croire à la résurrection, c'est
ne cherchons que l'intérêt de vos âmes. Nous ne qu'on ne possède pas encore le fond du christia-
cesserons donc de vous répéter les mômes pré- nisme, c'est qu'on a besoin d'y être initié. Pour
ceptes jusqu'à ce que vous ayez bien appris à les être persuadé que ces articles de foi sont la base
pratiquer. Nous aurions pu vous entretenir long- du christianisme et que le reste est l'édifice, écou-
temps de la superstition des gentils, des mani- tez ces paroles du maître « J'ai jeté le fondement,
:

chéens, des marcionites; nous aurions pu, avec « un autre bàtil dessus. Si l'on élève sur ce fon-
la grâce de Dieu, porter des coups terribles à nos « dément un édifice d'or, d'argent, de pierres pré-
adversaires, mais ce n'est pas là ce qui doit nous « cieuses, de bois, do foin, de paille, l'ouvrage de
occuper, pour le moment. Quand on a alfaire à des « chacun paraîtra enfin». (I Cor. m, 10, 12, 13.J

auditeurs qui ne savent pas encore que l'avarice est Voilà pourquoi l'apôtre disait « Ne nous arrêtons
:

un mal, peut-on passer à autre chose et aborder « pas à établir de nouveau ce qui est le fonde-

de grands sujets? Que nous venions à bout de « ment de la religion, la pénitence des œuvres

vous persuader ou non, nous vous dirons donc « mortes ».


toujours la môme chose. Nous craignons seule- 2. Mais que signifient ces mots « Passons à ce
:

ment qu'en écoutant, sans en profiter , des leçons « qu'il y a de plus parfait?» Il veut dire Elevons- :

qui seront toujours les mûmes, vous n'en deveniez nous jusqu'au atteignons à la perfection,
faite;

que plus coupables. Ce que je dis là ne s'adresse dans notre vie. L'A est la première lettre de l'ai-
pas à tout le monde. Parmi vous, il en est l>eau phabel; l'édifice repose en entier sur ses fonde-
coup, je le sais, qui m'ont toujours écouté avec ments : ainsi la pureté de la vie repose sur une
fruit et qui pourraient accuser à bon droit ceux foi sincère. Sans la foi, on ne peut être chrétien;
dont la lenteur et la négligence est un piège tendu sans les fondements, on ne peut bâtir; sans la
à leurs progrès; mais ce piège, ils n'y tomberont connaissance de l'al[(liabet, on ne peut être gram-
pas. Ces mêmes leçons répétées à ceux qui les sa- mairien. Mais si l'on s'arrête aux éléments, si l'on
vent leur seront utiles, car ce que nous savons s'arrête à la base, sans arriver à l'édilice, où sera
déjà, à force d'être entendu, nous louche davan- le progrès? Eh bien! il en sera de même pour

tage. Nous savons;, par exemple, que la charité est nous autres chrétiens si nous nous arrêtons aux
:

uni- bonne chose, et que le Christ en a souvent principes de la foi, nous n'airiverons jamais à la
parlé mais ces vérités et les médilatioûS dont perfection. El n'allez pas croire que l'on rabaisse
i
,,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE IX. 493

la foi, en lui donnant le nom d'élément; c'est là C'est que probablement leur foi était vacillante
précisément qu'est sa toule-puissance. Lorsque c'est qu'ils menaient une vie coupable et dissolue.
l'apôtre dit :« Quand on est à la mamelle, on ne C'est pourquoi il leur dit Veillez sur vous. 11 dis-
:

« connaît pas encore le langage de la justice, car sipe leur indolence; leur attention. Ils
il éveille
« on n'est qu'un enfant », il n'appelle pas la foi le n'ont pas le droit de dire Si nous menons une
:

lait de la justice; mais, selon lui, douter des pre- vie dissolue et négligente, nous en serons quittes
mières vérités de la religion, est le propre d'un pour recevoir un nouveau baptême, pour appren-
îsprit faible qui a encore besoin de leçons. Ces dre encore le catéchisme, pour recevoir encore le
)érités sont la droite raison elle-même, et nous Saint-Esprit. ne peuvent pas dire
Ils Si nous :

appelons parfait l'homme qui a la foi et dont la abandonnons nous en serons quittes pour
la foi,
vie est droite. Si maintenant on a une certaine foi laver nos péchés dans le baptême, et nous serons
qui ne vous empêche pas de commettre des cri- aussi avancés qu'auparavant. Erreur, dit l'apôtre!
mes, de douter et d'outrager la doctrine du Christ, « Il est impossible que ceux qui ont été une fois

on méritera le nom d'enfant; car ce sera rétro- € éclairés, qui ont goûté le don «du ciel, qui ont

grader jusqu'aux éléments. Quand donc nous per- « été rendus participants du Saint-Esprit, qui ont
sisterions dans la foi pendant mille ans, si notre « goûté la parole de Dieu et l'espérance des gran-

foi n'est pas ferme et stable, nous serons toujours « deurs du siècle à venir et qui, après cela, sont

des enfants; car notre vie ne sera pas conforme à « tombés, se renouvellent par la pénitence , parce
notre foi; car nous serons toujours arrêtés aux « qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient de nou-

bases de l'édifice. « veau le Fils de Dieu et l'exposent à l'ignominie


Or ce que l'apôtre reprend chez les Hébreux, c'est (4-6) ». Remarquez ce début qui est bien fait pour les
leur genre de vie, c'est leur foi vacillante, c'est le couvrir de honte et pour les retenir. « Il est im-
besoin qu'ils ont d'établir un fondement de péni- « possible », dit-il, c'est-à-dire Ne vous attendez
:

tence par des oeuvres mortes ; car l'homme qui pas à ce qui ne peut pas arriver. Il n'a pas dit Il :

passe d'une chose à une autre, qui laisse ceci de ne convient pas, il n'est pas avantageux, il n'est
côté pour s'attacher à cela, doit nécessairement pas permis. Il a dit « Il est impossible ». Il a
:

condamner ce qu'il rejette; il doit s'en détacher voulu leur faire comprendre qu'après avoir été
pour passer à un autre objet. Si, après cela, il re- éclairés, c'est-à-dire baptisés une fois pour toutes
vient toujours au premier principe, objet de ses ils devaient désespérer de l'être une seconde foisj
rebuts, quand donc arrivera-t-il au second? — Et 3. c Qui ont goûté le don du ciel •, ajoute-t-il
la loi? La loi, nous l'avons condamnée et nous y c'est-à-dire la rémission des péchés, « qui ont été
sommes revenus. Ce n'est pas là changer car : « rendus participants de l'Esprit-Saint et qui ont
avec la foi, nous avons encore la loi. « Détruisons- « été nourris de la parole de Dieu •. 11 est ici ques-

« nous donc la loi par la foi?» dit l'apôtre. « A tion de la doctrine. —


t Et de l'espérance des

« Dieu ne plaise! nous l'établissons au contraire». € grandeurs du siècle avenir ». Quelles sont ces
(Rom. ni, 31.) Le changement dont il était ques- grandeurs? Le don des miracles, les gages donnés
tion était le changement du mal en bien. Pour par le Saint-Esprit. —
« Et qui après cela sont
passer dans le camp de la vertu en effet, il faut « tombés, se renouvellent par la pénitence, parce

commencer par condamner le vice. La pénitence « qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient le Fils

n'avait pas le pouvoir de purifier les convertis « de î)\eu


et l'exposent à l'ignominie ». « Se re- —
voilà pourquoi ils se faisaient baptiser aussitôi ::ouvellent par la pénitence ». Eh quoi
II
Faut-il I

après, afin d'obtenir par la grâce du Christ ce qu'ils qu'ils renoncent à la pénitence? non pas à toute
ne pouvaient obtenir par eux-mêmes. La péni- pénitence, à Dieu ne plaise mais au renouvelle-
!

tence ne suffit donc point à la purification ; il faut ment qui a lieu par le baptême; car l'apôtre ne
y joindre le baptême. C'est pourquoi on mène en- s'est pas borné à dire « Il est impossible qu'ils se
:

core au baptême le nouveau converti qui a déjà « renouvellent par la pénitence », mais il a ajouté :
accusé ses péchés. « Parce qu'ils crucifient encore une fois le Fils de
Mais que signifient ces mots « Ce qu'on en-
: « Dieu». —
« Se renouveler », signifie devenir un
« seigue touchant les baptêmes? » Saint Paul ne nouvel homme, et il n'y a que le baptême qui puisse
veut pas dire par là qu'il y a plusieurs baptêmes; il opérer ce miracle. « Ta jeunesse », dit le psal-
n'y en a qu'un seul. Pourquoi donc parle-t-il au miste, « se renouvellera comme celle de l'aigle ».
pluriel? C'est qu'il avait dit : » Ne nous arrêtons La pénitence a pour effet de nous faire dépouil-
« pas à établir de nouveau ce qui n'est que le fon- ler le vieil homme et de faire des hommes nou-
« dément de la religion, c'est-à-dire la pénitence «, veaux de ceux qui étaient retombés dans leurs
Et s'il avait passé son temps à leur donner un nou- anciens péchés; mais elle ne peut rendre à l'homme
veau baptême, à les instruire encore sur le caté- ce premier éclat qui est uniquement l'ouvrage de
chisme, à leur tracer encore leur ligne de conduite, la grâce. « Parce qu'ils crucifient de nouveau le
il n'y avait pas de raison pour qu'ils ne restassent « Fils de Dieu », dit-il, et « parce qu'ils l'exposent
toujours imparfaits. « L'imposition des mains ». « à l'ignominie ». C'est que le baptême est une
C'est ainsi en efièl qu'ils recevaient le Saint-Esprit. croix, dit-il : Grâce à lui, » le vieil homme se
« Paul leur imposa les mains, et l'Esprit-Saint des- « trouve crucifié. Nous mourons, comme le Christ
f cendit sur eux ». (Act. xix, C.) « Et la résurrec- est mort. Par le baptême, nous avons été ense-
« tion des morts ». C'est là un dogme dont il est « velis avec le Christ ». Si donc il est impossiblo
fait mention dans le baptême et dans le Symbole que le Christ soit crucifié de nouveau, il est ira»
I lEt le jugement étemel ». Pourquoi ces paroles? possible que nous recevions un nouveau bapiOiue,
491 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

Car s'il est dit que la mort ne prévaudra plus second par le troisième et ainsi 1e suite à l'infini.
contre lui, s'il est ressuscité, si cette résurrection « Qui se sont nourris de la saintn parole de Dieu
l'a leniiu plus puissant que la mort, s'il a triom- « et de l'espoir des grandeurs du siècle avenir». Il
phé et terrassé la mort par la mort même, et si, n'explique pas ces paroles; mais c'est comme s'il
après tout cela, il est crucifié de nouveau, tout ce disait Vivre comme les anges, se passer des biens
:

qu'on vient de dire n'est qu'un tissu de tables ri- de ce monde, savoir que Dieu, en nous adoptant,
dicules. Celui qui reçoit un nouveau baptême cru- nous accorde les biens du siècle à venir, avoir en
cifie de nouveau le Christ. Le Christ est mort sur perspective ces sanctuaires oii nous serons admis
la croix; et nous mourons dans le baptême, non un jour, voilà les fruits du Saint-Esprit et de ses
à la chair, mais au péclié. 11 y a là deux genres leçons Mais quelles sont ces grandeurs du siècle
!

de mort difTérents; le Christ meurt à la chair et à venir? C'est la vie éternelle, la vie angélique. Le
nous au péché. Par le baptême, le vieil homme qui Saint-Esprit, en nous donnant la foi, nous a déjà
était en nous est enseveli, et c'est un nouvel homme donné un avant-goût de tous ces biens. Mainte-
qui ressuscite comme Jésus-Christ est ressuscité nant, je vous le demande si l'on vous introduisait
:

après sa mort. Si donc un second baptême est né- dans le palais d'un souverain, si l'on vous confiait
cessaire, une seconde mort est nécessaire aussi ; toutes les richesses qu'il renferme, et si vous les
car le baptême n'est rien autre chose que la mort perdiez, vous les confierait-on de nouveau?
du vieil homme et la création d'un homme nou- 4. Eh quoi! dira-t-on, est-ce qu'il n'y a plus de
veau dans celui qui est baptisé. L'expression pénitence possible? Il y en a une, mais ce n'est
• parce que nous crucifions de nouveau» est belle. plus celle du baptême. Cette sorte de pénitence
Car ces hommes déchus dont il parle, oublieux de est cependant très-eflicace; elle peut délivrer du
la grâce qu'ils ont reçue autrefois, mènent une vie fardeau de ses péchés l'homme qui est plongé dans
lâche et dissolue, et se conduisent en tout point, le péché elle peut ramener au port celui-là même
;

comme y avait un nouveau baptême. Il faut


s'il qui est au fond de l'abime. Cette vérité est prou-
donc ici faire bien attention. «Ce don du ciel qu'ils vée en maint passage. « Est-ce que celui qui tombe,
« ont goûté », c'est la rémission des péchés. Il » ne peut pas se relever? Est-ce que l'homme qui

n'appartient qu'à Dieu d'accorder ce don. C'est une « tourne le dos à Dieu ne peut pas se retourner
grâce qu'il nous lait une fois dans le baptême. « vers lui? » (Jérém. VIII, 4.) Le Christ, si nous

Mais quoi? Demeurerons-nous dans le péché, voulons, peut encore se former en nous Enten- :

« pour doimer lieu à une surabondance de grâce? dez-vous Paul qui vous dit « Mes petits entants, :

« à Dieu ne plaise » (Rom. vi, i, 2.) Si, pour être


I « pour qui je sens de nouveau les douleurs de

sauvés, il nous faut toujours la grâce, nous ne « l'enfantement


, jusqu'à
ce que le Christ soit formé
serons jamais vertueux. Puisque nous sommes si € en vous?» (Gai. iv, 19.) Or pour cela, il n'y a

lâches et si négligents, quand la grâce du baptême qu'une condition à remplir c'est que la pénitence
:

n'est conférée qu'une fois, comment pourrions- entre dans nos âmes. 'Voyez en cfiet comme Dieu
nous renoncer à nos péchés, si nous savions que est bon et clément. Nous méritions, dans le prin-
nous pouvons encore laver cette tache î Nous n'y cipe, toutes sortes de châtiments, pour avoir, mal-
renoncerions pas, j'en suis bien sûr. gré les lumières de la loi naturelle et mille faveurs
Sainl Paul énumère ici une foule de dons qui divines, ignoré Dieu et mené une vie impure et
vieiiiient de Dieu. Si vous voulez comprendre, immonde. Et Dieu, loin de nous punir, nous a
écoutez bien Pécheur, dit-il. Dieu a daigné vous
: comblés de biens, comme si nous avions fait les
accorder la rémission la plus éclatante. Celui qui actions les plus grandes et les plus belles.
était plongé dans les ténèbres, celui qui était l'en- Nous avons encore failli et, loip de nous punir,
nemi déclaré de Dieu, celui dont Dieu s'était dé- il nous a apporté un remède à nos maux, la péni-

tourné avec horreur, celui qui était perdu, celui-là tence qui suffit pour détruire et effacer tous nos
a été tout à coup éclairé, jugé digne de la grâce péchés, pourvu que nous connaissions bien la na-
du Saint-Esprit, des dons célestes, de l'adoption ture de ce remède et la manière dont il faut l'ap-
divine, du royaume des cieux, d'autres faveurs pliquer. Il faut d'abord nous condamner nous-
encore, de l'initiation à de saints mystères, et tout mêmes et confesser tous nos péchés. «Je vous ai
cela ne l'a pas rendu meilleur. Après avoir obtenu « fait connaître mes fautes et je n'ai pas caché mes
le don du salut et s'éire vu honoré, comme s'il « péchés. Je déclarerai hautement, et en m'accu-
s'était distingué par sa vertu, le voilà en état de « sant moi-même, mon impiété au Seigneur,
perdition. Comment donc pounait-il recevoir en- « et vous m'avez pardonné mon impiété ». (Ps.
core le baptême? C'est impossible, et l'apùtre éta- XXXI, 56.) M Commencez par avouer vos péchés,
blit cette impossibilité sur deux raisons dont la « pour qu'on vous les pardonne ». (Isaie, xuii, 20.)
dernière est la plus forte. Ces raisons quelles sont- «Le juste commence par s'accuser lui-même».
elles? C'est d'abord l'indignité de l'homme qui a (Prov. xvm, n.) Il faut, en second lieu, nous hu-
abusé de tous les dons que Dieu a daigné lui faire. milier profondément car il y a là comme une
;

Un pareil homme ne mérite pas de se renouveler chaîne d'or dont premier anneau amène tous
le
par la pénitence. C'est ensuite que le Christ ne les autres. Une bonne confession amène l'humi-
peut être crucifié une seconde fois car ce serait : lité; car, lorsqu'on réfléchit sérieusement à ses
l'exposer à l'ignominie. Il n'y a donc pas, non il fautes, on ne peut s'empêcher d'être humilié.
n'y a pas de second baptême. Autrement, il y en Mais l'humilité ne suffit pas il faut ressentir ce
;

aurait aussi un second, un troisième, un quatrième; qu'éprouvait le saint roi David, quand il disait :

cdr le premier se trouve dissous par le second, le « Purifiez mon cœur, ô mon Dieu » i
etlorsqu'jl
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE IX. A9S

disaitencore « Dieu ne dédaignera pas la prière


: la voie de la pénitence et tout ira de soi-même.
« d'un cœur contrit et humilié » (Ps. l, 12, 19), Ce y a de difficile, c'est de commencer. Je-
qu'il
car le pécheur contrit ne s'élève pas lui-même. tons les bases de l'édifice ; le reste ira tout seul.
Loin d'être aggressif, il est prêt à tout supporter. Commençons donc, je vous en prie prions :

Oui tel est l'effet de la contrition


: l'àme ne se
: avec instance, pleurons sans cesse ou gémissons.
révolte ni contre l'outrage, ni contre les mauvais Le moindre signe de repentir porte ses fruits.
traitements; l'âme ne s'éveille plus pour la ven- « J'ai vu », dit l'Ecriture, « j'ai vu l'affliction du
geance. Après s'être humilié, il faut prier avec « pécheur ; il marchait tristement et je lui ai aplani
ardeur, il faut verser, nuit et jour, des larmes « la voie ». (Isa'ie, ltii, 17.) Ayons tous recours à
abondantes « Toutes les nuits», dit le Psalmistè,
: "aumôue, au pardon, à l'oubli des injures, et re-
« j'arroserai mon ht de mes larmes ». (Ps. vi, 7.) nonçons à la vengeance, afin d'humilier nos âmes.
« Je dévorais la cendre comme le pain, et mes Si nous ne perdons pas de vue nos péchés, les
« larmes se mêlaient à mon breuvage ». (Ps. ci, biens extérieurs ne pourront jamais enfler nos
10.) A la prière, il faut joindre l'aumône. C'est âmes. Les richesses, la puissance, le rang su-
l'aumône qui fait produire au remède de la péni- prême, les dignités, les honneurs n'auront sur nous
tence son plein et entier effet. Les remèdes or- aucune influence; quand nous serions assis sur
donnés par les médecins se composent souvent un char royal, nous gémirons toujours avec amer-
de certaines plantes, parmi lesquelles il y en a tume. Le bienheureux David aussi était roi et il
une qui est plus salutaire que toutes les autres. Il disait : « J'arroserai, chaque nuit, mon lit de mes
en est ainsi du remède de la pénitence. Parmi les « larmes ». (Ps. vi, 6.) La pourpre et le diadème ne
ingrédients qui le composent, 11 se trouve une gâtèrent point son cœur et ne lui donnèrent pas
plante plus eflicace que toutes les autres et qui d'orgueil. 11 n'oubliait pas qu'il élait homme et,
est tout. Cette plante s'appelle l'aumône. Voici les comme il avait la contrition, il se lamentait. Les
paroles de l'Ecriture sainle : « Faites l'aumône et choses humaines, en effet, ne sont que cendre et
« vous serez purifiés». (Luc, xi, 41.) « L'aumône poussière ; c'est une poussière que le vent dis-
« et la foi sont les deux grands moyens de purifl- sipe ; c'est une ombre, une fumée ; c'est la feuille
« cation ». (Tob. iv. 11.) L'eau éteint le feu et la qui est jouet d'un souffle, c'est une fleur, un
le
flamme l'aumône étouffe le péché. (Ecclés. m, 33.)
; songe, un bruit qui passe, un air léger.qui s'éva-
Nous devons, outre cela, bannir de notre cœur la nouit au hasard ; c'est la plume sans consistance
colère et les sentiments de vengeance; nous de- qui s'envole ; c'est l'eau qui s'écoule; c'est moins
vons pardonner à tout le monde. « Eh quoi » ! que tout cela... Qu'est-ce qu'il y a de grand ici-
dit l'Ecclésiaste, « l'homme veut que le Seigneur bas, je vous le demande ? Quelle est la dignité qui
« le guérisse et il garde sa colère contre son sem- vous éblouit? Est-ce la dignité consulaire, celte
« blable » (Ecclés. xxviii, 3.) « Pardon nez », dit saint
! dignité qui, dans l'opinion du vulgaire, est le
Matthieu, « pour que l'on vous pardonne ». (Mallh. degré suprême de la grandeur? Mais l'homme qui
VI, U.) 11 faut travailler en outre à la conversion s'est trouvé revêtu d'une dignité aussi éclatante,
de ses frères. « Allez », est-il dit, « et converlis- l'homme qui s'est attiré tant d'admirateurs, n'est
« sez vos frères » (Luc, xxii, 52), aOn que vos pas plus avancé que celui qui n'est pas consul. Ils
péchés vous soient remis. Il faut se conduire con- sont égaux devant la mort; encore un peu de
venablement envers les prêtres. « L'un d'entre eux temps, et tous les deux ne seront plus. Répondez :
« pèche-t-il, il faut lui pardonner». (Jac. v, 15.) combien de temps a duré cette splendeur? Deux
II faut défendre et proléger les opprimés, se gar- jours, l'espace d'un songe. Mais, me direz-vous,
der de la colère, se montrer en tout calme et un songe n'est qu'un songe. Eh bien ! ce qui se
modéré. passe ici-bas, en plein jour, n'est-ce pas un songe
5. Eh bien avant de connaître quel est le pou-
! aussi? Pourquoi donner un autre nom à ces évé-
voir de la pénitence pour effacer nos péchés, n'é- nements ? Quand le jour paraît, le songe rentre dans
tiez-vous pas inquiets, à l'idée qu'il ne pouvait y le néant une fois la nuit venue, ces grands évé-
;

avoir deux baptêmes et que vous n'aviez plus rien nements du jour ne sont plus rien. Eh bien le !

à espérer? .Mais aujourd'hui que vous connaissez jour et la nuit ne se partagent-ils point la durée
les moyens de faire une bonne pénitence et d'ob- par égales portions? Si donc ces agréables rêves
tenir la rémission de vos péchés, aujourd'hui que d'une nuit ne laissent pas de trace pendant le
vous voyez dans la pénitence, si elle est ce qu'elle jour, comment les événements de la journée lais-
doit être, une planche de salut, comment obtenir seraient-ils pendant la nuit une impression de
votre pardon, si vous ne vous souvenez môme pas plaisir? Vous avez été consul, et moi aussi. La
de vos fautes? Si vous y songez, en effet, votre différence entre nous, c'est que vous avez été
lâche est accomplie. Quand on a dépassé le seuil, consul, pendant le jour, et moi pendant la nuit.
ou est dans la maison, de même quand on repasse Qu'en résulte-t-il ? C'est que vous n'êtes pas plus
ses fautes en soi-même, quand on fait, chaque avancé que moi.
jour, son examen de conscience, on parvient à Mais, direz-vous nom de consul
peut-être, ce
s'en corriger. Mais si l'on se borne à dire J'ai : que l'on vous donne en ne résonne-t-il pas
réalité
péché, sans penser aux diverses espèces de pé- à vos oreilles avec plus de douceur, et n'a-t-il pas
chés que l'on a commis ; si Ion ne se dit pas j'ai : tous les charmes de la renommée? Eh quoi car !

péché de telle et telle manière, on ne se corrigera jeveux faire une supposition et rn'expliquer plug
jamais. On se confessera toujours et l'on ne songera clairement, une fois que j'aurai dit: Un tel est con-
jEtumis à s'anii^nder. Cuinmençous, ealion« Jaas sul, une fois que je lui aurai donné ce aoiu,n'esl*
/

«6 TRADUCTION PHANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ce pas là un mol qui s'envole aussitôt qu'on le plus illustre encore et bien plus illustre que de
prononce? El certes, la chose a le même sort que son vivant. Et je ne parle ici que de sa gloire ter-
le mot. Le cousu) ne fait que paraître, et il n'est restre car la gloire dont il est revêtu dans les
;

déjà plus. Donnons à ce dignitaire un ou deux deux, quelle bouche pourrait l'exprimer? Aspi
ans, trois ou quatre ans, pour rester consul... c'est rons donc, je vous en prie, à cette gloire céleste ;
bien assez. Car où trouver des hommes qui aient tâchons de l'obtenir car c'est la seule gloire véri-
;

été consuls pendant dix ans? Mais il n'en est pas table. Laissons de côté les biens de cette vie, pour
ainsi de Paul. Tant qu'il a vécu, sa splendeur n'a pas trouver grâce et miséricorde devant Jésus-Chris»
clé celte splendeur éphémère qui brille un ou Notre-Seigneur, auquel, conjointement avec le
deux jours, qui s'éclipse au bout de dix, de vingt Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur, puissance
ou de trente jours, qui s'efTace au bout de dix ans, et adoration, maintenant et toujours, et dans touf
de vingt ans ou de trente ans. Quatre cents ans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
ont déjà passé sur sa cendre, et aujourd'hui il est

HOMELIE X.

lorsqu'une TERHE, souvent arrosée par la pluie, produit des nERBAGES UTILES A CEUX QUI L>
CILTIVENT. ELLE RI ÇOIT LA BÉNÉDICTION DE DIKU; MAIS QUAND ELLE NE Jf.TTE QUE DES ÉPINES El
DES RONCIS, c'est l'NE TERRE REriniVÉE QUI EST MENACÉE DE LA MALÉDICTION DU SEIGNEUR, ET A
LAQUELLE IL FINIT PAR METTRE LE ItU. (VI, 7, 8, JUSQUA i2.)

). La terre dont il est question dans le septième et dans le du chapitre vi, c'est l'ime humaine
liuitième verset ; la pluie, c'est
la doctrine céleste. — La crainte du Seigneur ne doit pas abandonner nos âmes.
2. En médiiant les paroles du verset 8, on voit que Dieu laisse jusqu'à la fin la porte du saint ouverte au repentir, et que c'est
à la persistance dans le mal qu'il réserve ses terribles châtiments.
3. Paul, en parlant aux Hébreux, sait mêler, dans de justes proportions, l'éloge et le blâme. Il rappelle aux Hèbrenx leur passé ;

il leur cite l'exempled'Abraham.


4. La charité du clirétieu ne doit avoir rien de mesquin ni d'étroit. —
Elle doit s'étendre aux laïques comme aux religieux, aux
païens comme aux lidèles. —
Userait honteux pour lui de rester, en fait de charité, au-dessous du bon samaritain.

1. Ecoutonsavec crainte la parole de Dieu ; écou- bler de sentir les épines germer dans nos âmes.
tons-la avec crainte et avec une crainte profonde. Mais, quand nous sommes au dedans tout hérissés
« Servez Dieu avec crainte », dit le Psalmiste, « et d'épines et de ronces, d'où nous vient tant de
« réjouissez-vous devant lui avec terreur ». (Ps. confiance, je vous le demande? Pourquoi tant de
II, tt.) Or, si notre joie et notre allégresse doivent paresse et tant de lenteur? Quand on est debout,
être mêlées de terreur, que sera-ce donc quand on doit craindre de tomber. « Que celui qui est
nous entendrons des paroles, comme celles de ce « debout prenne garde de tomber, dit saint Paul».
chapitre, et quel châtiment ne méritons-nous pas (F Cor. X, 12.) A plus forte raison, quand on est

si nous écoutons ces paroles sans émotion ? tombé, on doit avoir peur de ne plus pouvoir se
Après avoir d\l que l'homme devenu pécheur après relever. Si Paul, ce prédicateur de la foi, cet homme
le baptême, ne peut en recevoir un second et ob- juste craint d'être réprouvé (I Cor. ix, 27); nous
tenir, par ce second baptême, la rémission de ses qui sommes des réprouvés en effet, quel pardon
péchés, l'apôtre ajoute aussitôt « Lorsqu'une : pouvons-nous attendre, quand nous ne craignons
« terre, souvent arrosée par la pluie produit des pas Dieu, quand nous remplissons nos devoirs de
«herbages utiles à ceux qui la cullivcnl, elle re- chrétiens par routine et à la légère? Tremblons
« çoit la bénédiction de Dieu. Mais, quand elle ne donc, ô mes chers frères ; « car Dieu manifeste sa
«jette que des épines et des ronces, c'est une « colère du haut des cieux ». (Rom. i, 18.) Cette
a terre réprouvée qui est menacée de la malédic- colère éclate non-seulement contre l'impiélé, mais
« lion du Seigneur, et à laquelle il finit par mettre contre toute iniquité grande et petite.
« le feu ». Tremblez donc, ô mes chers frères- tes Puis saint Paul fait allusion à labonté de Dieu et à
paroles menaçantes ne sont ni celles de saint sa clémence. Cette pluie dont il nous parle, c'est
Paul, ni celles d'un homme; ce sont celles de la doctrine céleste. Par ce seul mot, il rappelle ce
i'Esprit-Saint, ce sont celles du Christ qui em- qu'il a dit plus haut : « Vousdevriez déjà êlre des
prunte la voix de l'apôtre. Où trouver ces âmes « maîtres ». Dans maints passages de l'Ecriture
qui ressemblent à des champs sans épines? Quand on rencontre cette comparaison de la doctrine
nous serions tout à fait purs, il ne faudrait pas céleste avec une pluie féconde. « J'ordonnerai aux
encore avoir trop de confiance. Nous devrions «nuages », dit le Seigneur, «de ne pas laisser
toujours craindre, nous devrions toujours trem- « tomber la pluie sur celle vigne ». (Isaic, v, 6.)
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE X. 497

Ailleurs l'amour de la doctrine chrétienne est loin. Autre consolation : il n'a pas dit: C'est une terre
comparé à la faim et à la soif. (Araos, lv, tl.) Et à laquelle il mettra le feu, maisà laquelle il « finit»
dans un autre endroit, il est dit encore « Le neuve : parmeltre le feu. Ce châtiment est réservé à la terre
« de Dieu coule à pleins bords ». (Ps. lxiv, 10.) qui continue jusqu'à la fin à être une mauvaise
Ces mots « une terre souventarrosée par la pluie », ^erre. Si donc nous chassons avec le fer et le feu les
montrent que les Hébreux ont enteudu la parole épines de notre cœur, nous pou; ions jouir d'avan-
de Dieu, mais que celle parole a arrosé leurs tages sans nombre, nous pourrons èlie au nombre
âmes sans les féconder. Paul semble dire à ses desbons, et participer à la bénédiction de Dieu. C'est
auc!i!i!urs Si vos âmes n'avaient pas été culiivées et
: avcciaison qu'il compare les péchés à des ronces;
arrosées, votremallieur no serait pas si grand. « Si le péché en effet, annonce partout son contact par
«je n'étais pas venu», esl-il dit, « si je ne leur des lésions, pardesdéchirements;sonaspeclmème
«avais pas parlé, il n'y aurait pas eu péché de est hideux et repoussant. .\près les avoir frappés,
« leur part ». (Jean, xv, 22.) Mais, puisque vous épouvantés et piqués au vif, il met un baume sur
avez reçu en abondance la parole de Dieu, pour- pour qu'ils ne soient
les plaies qu'il leur a faites,
quoi ces mauvaises heibes qui ont remplacé les pas trop
abattus ; car des coups trop violents
fruits? « J'attendais des raisins et je trouve des changent la lenteur en apathie. Il ne les flatte pas
«épines». (Isaïe, vi, 2.) Vous voyez que dans trop, pour ne pas leur donner trop de confiance,
l'Ecriture, les épines représentent toujours les il ne de peur de les abrutir;
les frai)pe pas trop,
péchés « Je me suis tourné et retourné dans
: mais môle, dans de justes proportions, les coups
il

« mon malheur, et les épines se sont enfoncées qu'il porte et les remèdes, pour arrivera ses fins.
« dans ma chair ». (Ps. xxxi, 4.) C'est que l'épine Voici sou langage En vous parlant ainsi, nous
:

n'entre pas seulement dansl'àme, elle s'y en- n'avons pas pour but de vous condamner, nous ne
fonce. C'est qu'il en est du péché comme de vous regardons pas comme des natures hérissées
l'épine ; si nous ne l'arrachons en entier de notre d'épines, nous ne craignons môme pas que vous
àme, le peu qui reste, nous fait souffrir. Que dis-je î soyez jamais ainsi, mais nous aimons mieux vous
le péché une fois arraché tout entier de notre imposer une crainte salutaire que de vous voir
âme, y laisse de douloureuses cicatrices. 11 faut bien souffrir un jour. Voilà comment saint Paul sait s'y
des remèdes, il faut un traitement assidu pour prendre. 11 n'a pas dit Nous pensons, nous con-
:

opérer la guérison pleine et entière de cette àme jecturons, nous espérons que vous serez sauvés;
blessée et endolorie par le péché. 11 ne suflit pas il a dit « Nous avons confiance en vous », nous
:

d'extirper le péché, il faut panser et soigner la attendons de vous une conduite meilleure et plus
plaie qu'il a faite. Mais j'ai bien peur que plus en- en rapport avec votre salut. Il écrivait aux Calâtes :

core que les juifs, nous ne devions nous appli- J'espère de la bonté du Seigneur que vous n'aurez
quer lesparolesde l'apôtre: «Une terre souvent ar- pas d'autres sentiments quelesniiens. (Calâtes, V,
« rosée ». Celte parole de Dieu en effet descend sur 10.) Il parle ainsi pour l'avenir; car il avait répri-
nous sans cesse, elle imprègne sans cesse nos âmes. mandé les Galales; et leur conduite, pour le mo-
Mais, au premier rayon de soleil, toute cette pluie ment, ne méritait pas ses éloges. Mais dans celte
s'évapore, et voilà pourquoi nous ne produisons épitre aux Hébreux, il parle du présent « Nous :

que des épines. Ces épines quelles sont-elles? « avons confiance, nous augurons ».
Ecoutons le Christ; il nous dira que ce sont les Mais n'ayant pas grand'chose de bon à dire de
préoccupations mondaines et les trompeuses ri- l'étal des juifs, à l'époque où il parle, il cherche
chesses de celte terre qui étouffent la doctrine de dans leur passé des motifs de consolation qu'il
Dieu et qui la rendent stérile. (Luc, viir, 14.) Notre leur présente en ces termes « Dieu n'est pas
:

âme, sans cela, serait « une terre fréquemment « injuste pour oublier vos bonnes œuvres et la
« arrosée et produisant des plantes utiles ». « charité que vous avez témoignée par l'assistance
2. 11 n'y a rien d'aussi utile que la pureté de la « que vous avez rendue eu son nom et que vous
vie, rien qui offre un ensemble
aussi harmonieux « rendez encore aux saints (10) ». Ali! comme il
que la vie rien qui convienne autant à
pail'aite, sait bien ranimer, ralTermir leurs âmes, en leur
l'homme que la vertu. « Produisant », est-il dit, rappelant le passé, en leur rappelant que Dieu
« des herbages utiles à ceux qui la cultivent, elle n'a rien oublié Le moyen d'éviter le péché en
!

« reçoit la bénédiction de Dieu». Il rapporte ici effet, si l'on ne croit pas fermement à la justice
tout à Dieu, en attaquant indirectement les gen- des jugements de Dieu, si l'on ne croit pas fer-
tils qui attribuaient la production des fruits à la mement qu'il récompensera chacun selon ses
fertilité de la terre. Ce n'est pas la main du la- œuvres? Sans cette conviction, comment peul-on
boureur, dit-il, c'est l'ordre de Dieu qui lui lait croire à Injustice de Dieu? Il force donc les Hé-
porter ces fruits. « Elle reçoit la bénédiction do breux à tourner leurs regards vers l'avenir. Car
« Dieu ». Et voyez comment il s'exprime en par- l'homme que le présent décourage et désespère,
lant des épines. 11 ne dit pas « produisant », mot peut encore puiser dans lacontemplalion de l'ave-
qui entraîne une idée d'utilité ; il dit: « Jetant » nir une certaine conliance. Voilà pourquoi il écri-
des épines. « Est une terre réprouvée », dil-il, 'jail aux Calâtes « Vous couriez si bien autrefois.
:

«cl menacée de la malédiction du Seigneur». «Qui donc est venu enchaîner votre ardeur?»
Ah con)hien ces paroles sont consolantes. Elle est
! Puis « Avez-vous donc souifert en vain tant
:

menacée d'être maudiie ; mais elle ne l'est pas en- « d'épreuves, si toutefois vous les avez souffertes
core. Or, quand on n'est pas encore maudit, quand «en vain?» Dans cette épitre aux Hébreux no
oun'estencoreiinemenaci;, la malédiction peut être leur dil-il pas, d'un Ion de reproche qui renlerme

S. i. Cil. — ToBiu XI. a:


,

498 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRY OSTOMË.

aussi un éloge. Depuis le leiiips que vous oppie- t'ait bien, on doit avoir bon espoir, on ne doit ja-

nez, vous devriez ôUe des maîtres? Eh bien} U mais désespérer. « Afin que vous ne deveniezpoint
dit aussi aux Galates : «Je m'étonne que vous ayez « paresseux ». Il leur a dit plus haut « Vous êtes
:

a changé si vite ». Cet élonnemenl implique un « devenus inattentifs ». Mais, en parlant ainsi, il
éloge; car lorsqu'on a fait de grandes choses et ne s'en prend qu'à leur inattention du moment;
qu'on ne les fait plus, nous nous étonnons. Voyez- maintenant ses paroles ont un autre sens. Il était
vous maintenant comme, sous l'accusation et la sur le point de leur dire Ne persistez pas dans
:

réprimande, l'apôtre s'entend bien à cacher un votre tiédeur, mais il leur dit Gardez-vous de
:

éloge? Et il ne parle pas en son nom il parle au


; tomber dans la paresse. Il parle pour l'avenir, et
nom de tout le monde II ne dit pas J'ai con- : ses paroles n'ont rien de compromettant; car on
fiance, mais : « Nous avons confiance en vous. ne p»ut condamner l'avenir qui n'existe pas en-
« Nous augurons mieux de votre salut » c'est-à-
: core. Direàun homme négligent Maintenant faites
:

dire de votre conduite à l'avenir ou de la ré- diligence et montrez-vous vigilant, c'est peut-êtie
munération qui vous attend. S'il a parlé plus haut le moyen de le rendre plus négligent et plus pa-
de cette terre réprouvée qui est menacée de la malé- resseux. Mais, quand on dit « A l'avenir », il
:

diction et du feu, il prévient toute application que n'en est pas ainsi. « Nous désirons», dit-il, « que
les Hébreux pourraient se l'aire à eux-mêmes de « chacun de vous fasse paraître le même zèle ».
ces paroles, et il se hâte d'ajouter « Dieu n'est
: C'est un langage plein de bienveillance; il s'oc-
«poiut injuste pour oublier vos œuvres et votre cupe des grands et des petits; il les connaît tous,
«charité», leur monlriinl par là que ce qu'il a il ne méprise personne; tousses auditeurs ont
dit plus haut ne s'applique pas directement à eux. également part à sa sollicitude et à sa considéra-
Mais si ces menaces ne s'appliquent pas à nous, tion. C'est ainsi qu'il leur faisait accepter sa pa-
pourraient objecter ses auditeurs, pouiquoi ces role, quelque sévère, quelque amère qu'elle fût.
paroles qui semblent nous reprocher noire pa- « Il ne faut pas que vous deveniez paresseux »,
resse? Pourquoi nous rappeler cette terre qui jette dit-il, car, si la paresse altère les forces physi-
des épines et des ronces? « Nous désirons », dit ques, elle rend l'àme moins ardente pour le bien,
l'apùtre , « que chacun de vous fasse paraître elle l'éuerve, elle l'affaiblit.
«jusqu'à la fin le même zèle, afin que votre es- « Imitez », dit-il, « ceux qui par leur foi et par
« pérance soit accomplie et que vous ne soyez « leur patience sont devenus les héritiers dos pro-
« point paresseux, mais que vous vous rendiez les « messes ». Et ceux-là quels sont-ils? Il vous le
« imitateurs de ceux qui, par leur foi et par leur dit plus bas. Marchez sur les traces de votre passé.
t patience, sont devenus les héritiers des pro- Et, pour qu'ils ne l'interrogent plus à ce sujet, il
« messes (H, 12) ». remonte jusqu'à Abraham le patriarche, il leur
3. Nous désirons, dit-il, et notre désir est bien montre le beau côlé de leur propre histoire, il leur
réel. Mais que désirez-vous, à saint apôlre? Nous oflre, pour affermir leursàmes, l'exempledu saint
désirons que vous persévériez dans la vertu, non patriarche. Il ne veut pas qu'ils se regardent comme
parce que nous condamnons votre passé, mais une race dédaignée, comme une race sans valeur
parce que nous craignons pour l'avenir. Il n'a pas et abandonnée de Dieu, il faut qu'ils se pénètrent
dit: Ce n'est pas votre passé que je condamne, de celle vérité, qu'il appartient aux âmes nobles
c'est le présent, c'est votre dissolution, c'est la et courageuses de traverseï les épreuves, et que
paresse dans laquelle vous 'êtes tombés. Non Dieu s'est servi des grands hommes, pour ofl'rir
le reproche, il le leur adresse avec douceur et à cet exemple au monde. Il faut, dit-il, tout suiipor-
mots couverts; il ne les Irapiie pas brutalement. ter avec patience celle patience esl encore de la
;

Que dit-il en ell'el? Il dit u Nous désirons quecha-


: foi. Car si celui qui vous fait une promesse l'ac-
« cun de vous fasse paraître jusqu'à la fin le même complit à l'instant même, quelle occasion avez-
«zèle». Paul, en cette circonstance, fait preuve d'un vous eue de prouver voire confiance en lui? Le
tact admirable. Une leur met pas sous les y eux leur mérite n'est plus de votre côté; il est du mien.
tiédeur. « Nous souhaitons que chacun de vous C'est moi qui ai prouvé tout d'abord ma fidélité à
« fasse paraître jusqu'à la (in le même zèle », leur tenir ma parole. Mais si je vous dis Voilà un don
:

dit-il; c'est-à-dire : Je fais des vœux pour que que je vous promets et si je ne vous fais ce don
votre ardeur ne se refroidisse pas, pour que vous que dans cent ans, sans que, pour cela, vous ne
soyez maintenant et toujours tels qu'on vous a cessiez de compter sur moi, oh! alors, c'est ;|ue
vus d'abord. Cesménagementsôtentramertunie du vous avez confiance en moi, c'est que vous avez
reproche qui de celte manière est accepté lacilc- de moi l'opinion que je mérite. Vous voyez que
menl. Et encore ne dit-il |jas Je veux ; ce n'est
: l'incrédulité prend souveni sa source, non-seule-
pas un maître qui commande c'est un père bien-
; iiienl dans le désespoir, mais encore dans la fai-
veillant quiexpiime un souhait. € Nous désirons »; blesse, dans l'impatience; vous voyez qu'elle ne
c'est comme s'il s'excusait d'avoir quelque chose vient pas de celui qui promet. « Dieu n'est pas in-
de pénible à leur dire. « Nous désirons que ajuste», dit l'apôlie, «pour oublierla tendre solli-
€ chacun de vous fasse paraître jusqu'à la fin « citude que vous avez témoignée par les assis-
« le môme zèle, afin que votre espérance soit ac- « tances que vous avez rendues en son nom et que
« compile ». Quel est le sens de ces mots? L'es- « vous rendez encore aux saints ». Voyez comme
pérance, dit-il, vous soutient et vous ranime. Ne illes ménage et comme il insiste sur ce point.
vous laissez pointabattre, ne vous désespérez pas; Celle tendre sollicitmle, ce n'est pas seulement aux
,vos espérances ne seront point vaines. Quand ou saints, c'est à Dieu uiOiiie que vuu6 i'avuï téiuyi;
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE X. Ma
gnée. Tel est le sens de ces trois mots : « En son Jésus ,« et faites de même ». Comprenez-vous
« nom «, c'est comme s'il disait : C'est pour la le sens de cette parole? Il n'y est pas fait mention
gloire de son nom que
vous avez tout fait, et celui de la rîEonnaissance du juif pour le Samaritain,
auquel vous avez témoigné cette tendre sollicitude mais il la conduite généreuse de ce dernier. La
ne vous dédaignera jamais et ne vous oublier*- mora.e de celte parabole, c'est que notre charité
pas. doit être universelle, qu'elle ne doit pas s'étendre
4. Soyons attentifs à ces paroles, et prêtons aux uniquement aux fidèles qui servent le Seigneur
saints notre assistance, car tous les fidèles sont comme nous. Vous aussi faites comme le Samari-
des saints tant qu'ils restent fidèles. Qu'ils soient tain. Si vous voyez un malheureux, n'en deman-
la'iques et séculiers, peu importe. L'apôtre ne dit-il dez pas davantage ; son malheur est un titre qui
pas : «Le mari inlidèle est sanctifié par une épouse lui donne droit à votre assistance. Si vous secou-
« fidèle, et l'épouse infidèle par un mari fidèle? » rez un àne qui va périr, sans demandera qui il
Voyez comme la foi sanctifie. Si donc nous voyons appartient, vous devez à plus forte raison secourir
un la'ique dans le malheur, tendons-lui la main. un homme, sans vous demander s'il appartient à
Que les solitaires qui se sont retirés sur la mon- Dieu, s'il est juif ou païen. Si c'est un infidèle,
tagne ne soient pas les seuls objets de notre sym- c'est une raison de plus pour venir à son secours.
pathie. Ils sont saints en même temps par leur vie S'il vous était permis d'examiner qui il est, et de

et par leur foi iMais, outre ces hommes, il en


: le juger, toutes vos réflexions pourraient être

est d'autres qui sont saints par leur foi, et beau- raisonnables; mais son malheur vous ôte le droit
coup d'autres par leur vie. Entrons dans le cachot de l'examiner. Car, s'il ne faut pas s'enquérir cu-
du moine mais pénétrons aussi dans celui du
; rieusement de ceux qui sont dans un état floris-
laïque. Le laïque aussi est un saint; le laïque aussi sant, s'il ne faut pas se mêler des affaires des
est notre frère. Mais si c'est un pécheur souillé de antres, la curiosité est encore bien plus condam-
crimes? Eh bien! n'entendez-vous pas la voix du nable, quand elle s'exerce aux dépens d'un mal-
Christ qui vous dit Ne jugez pas les autres, pour
: heureux. Mais vous, que tailes-vûus? Lorsque vous
n'être pas jugés vous-mêmes?
(Matih. vu, i.) Faites traitez cet lionime de méchant et de pervers, est-il
cela pour Dieu. Mais que dis-je? Quand cet infor- dans la prospérité, es',-il tout brillant de gloire et
tuné serait un païen, il faudrait encore le secou- de renommée? Non cet homme est malheureux.
:

rir. 11 faut secourir en un mot tous les malheu- Eh bien! respect au malheur; ne traitez pas un
reux, mais surtout les laïques, quand ce sont des infortuné de méchant et de pervers. C'est à celui
fidèles. Ecoulez cette parole de Paul «Faites du : que l'éclat environne qu'il faut adresser de sem-
« bien à tout le monde », mais surtout « aux fi- blables épiihètes. Mais, quand un homme est dans
« dèles qui servent, comme vous, le Seigneur ». le malheur, quand ila besoin de secours, il y au-
(Gai. VI, 10.) Je ne sais où nous avons pris cette rait de la cruauté, il y aurait de l'inhumanité à
habitude qui s'est introduite chez nous. Mais re- l'appeler méchant et pervers.
cherclier exclusivement, pour répandre sur eux Quoi de plus injuste que les juifs? Cependant,
ses bienfaits, les hommes voués à la vie monasti- tout en les punissant, comme ils le méritaient.
que, entrer dans mille détails minutieux et dire : Dieu a jeté un regard favorable sur ceux qui
Si ce n'est pas un digne homme, si ce n'est pas avaient pitié d'eux, et il a puni à leur tour ceux
un juste, s'il ne fait pas de miracles, je ne lui qui insultaient et qui applaudissaient à leur mal-
tends pas la main, c'est rapetisser la charité, c'est heur. Ils n'étaient [las touchés », est-il dit, « de
11

même l'anéantir avec le temps. Oui telle est la : « la contrition de Joseph ». (Ainos, vi. G.) Etil est
nature de la charité, qu'il faut la faire même aux dit encore :« Rachetez les captifs que l'on est en
pécheurs, même aux coupables. Etre charitable, « d'immoler; pour les racheter, n'épargnez
train
c'est avoir pitié non-seulemeut des bous, mais des « pas vos lithesses ». (Prov. xxiv, 11.) Le livre ne

pécheurs. dit pas: Examinez bien cet homme et sachez qui il


Pour vous en convaincre, écoulez cette parabole est: car il est vrai de dire que ces esclaves ont pour la
du Christ « Un homme qui descendait de Jérusa-
: plupart bien des défauts. Mais le livre dit.simple-
« lem à Jéricho, tomba entre les mains des vo- ment: «Itachetez-les», quels qu'ils soient. Voilà sur-
« leurs (Luc, x, 30, etc.) Ils le maltraitèrent et
». tout ce qui constitue la chariié. Faire du bien à un
s'en le laissant sur la route ble.ssé et
allèrent, ami, en effet, ce n'est pas agir en vue de Dieu;
demi-mort. Survint un lévite qui aperçut le blessé mais faire du bien à un inconnu, voilà ce qui s'ap-
et qui passa son chemin. Un prêtre en fit autant; pelle faire le bien pour Dieu, dans toute la pu-
il vit ce malheureux et passa outre Maisun Sama- reté, dans toute lasincéiité de son âme. L'Ecriture
ritain étant venu à l'endroit où était cet homme, dit N'épargnez pas vos richesses s'il laul donner
: ;

en prit le plus grand soin. 11 pansa ses blessures, tout l'or que vous possédez, donnez-le. Et nous,
y versa de l'huile, et l'ayant mis sur un àne, il le à l'aspect de nos Irères qui périssent, qui se la-
conduisit à une hôtellerie, et le tecomnianda à mentent, qui soutirent, injustement parfois, des
l'hôte. Et voyez la générosité de ce Samaritain Je .-
tourments mille fois plus cruels que la mort, c'est
voiis rembourserai de tous vos frais, dit-il à notre argent, ce ne sont pas nos frères que nous
l'hôte. Eli bien! dit Jésus à un docteur de la loi, épargnons. Nous ménageons ce qui n'a point
« quel est du lévite, du prêtre ou du Samaritain, d'ànie, sans nous inquiéter des êtres animés. Ce-
« celui qui s'est montré le prochain de cet huuime ?u pendant Paul nous dit «Il faut reprendre avec
:

Le docteur lui répondit « C'est celui qui aexercé


: « douceur ceux qui résistent à la vérité, dansPes-
« lu miséricorde envers lui ». « Allez donc », lui dit « pérance que Dieu pourra leur donner un jour
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMË.

« Tespi'itde pôniti-nce^ pour la leur faire connaître, fruits mûrissent dans vos Ames. Quand le labou-
« et ils sortiront des pièges du démon qui
qu'ainsi reur a semé, il attend un jour, deux jours, bien
« les tient captifs, pour en taire ce qu'iliui plaît». des jours encore ; puis tout à coup il voit de tou-
(Il Timolhée, it, 23, 2fi.) « Dans l'espoir ». Quelle tes parts germer la moisson. Cette moisson, nous
patience sublime cxpiimée par ce seul mot Fai- 1 l'attendons tomme
lui et nous la recueillerons
sons donc ainsi eliiedésespérons de personne. Les dans vos Ames, par la grâce et la bonté de Notre-
pécheurs jettent souvent leurs filets à la mer, sans Seigneur Jésus-Christ, auquel conjointement avec
rien prendre; mais s'ils persévèrent, ils finissent le Père et le .S.tint-Espnl, gloire, honneur et puis-
par faire une bonne pèclie. C'est pourquoi nous sance, maintenant et '.oujours, etdanslous les siè-
aussi nous ne désespérons pas et nous attendons cles des siècles. Ainsi soit-il.
que nos insliuctions portent leurs fruits et que ces

Traduit par RI. BAISSE Y.

HOMÉLIE XI.

CAR DIEU, DANS LA PROMESSE QV'lL FIT A AltRAIlAM. n'aYANT POINT DE PLIS f.RAND Ql"E LUI FAR QUI
IL PUT JL'RER, JIRA PAR Lt.l-J1ÈME. (vi, 13, JL'SQU'a 19.)

Analyse.
1 et 2. Abraliam est cité comme type de l'espérance clirétieune. —
Il a vu se réaliser certaines promesses dans le temps ; il a
attendu la réalisation des autres dans une vie meilleure. —
La promesse de Dieu est appuyée de son serment. Le Péro —
et le Fils s'ahaisseni i nos usages pour exciter notre foi et notre espérance. —
L'espérance est une ancre solide, et Jésus
est noire précurseur ou ciel.
3 et 4. Le sacri'ice que Dieu demande est, avant tout, celui du cœur et l'olTrande de la vertu. Bien noble est aussi — le sacrifice

du corps, le martyre volontaire de la pénitence. —


Le sacrilice de l'argent par l'auiuônc ciimpléte notre liolocaustc. — Ayons
l'intelligence du pauvre. — Vaines excuses pour ne pas donner ; reproches cruels faits aux pauvres. — La malignité accuse
même tes moines mendiants.

1. L'apôtre avait commencé par remuer forte- « n'ayant point de plus grand que lui-même par
ment, par l'tTraycr saintement ses chers Hébreux. « qui il pût jurer, jura par lui-môme, et lui dit
Maintenant il leur donne une double consolation: « ensuite Soyez assuré que je vous comblerai de
:

la louanse d'abord, et bientôt, ce qui est plus en- a mes bénédictions et que je multiplierai votre
courageant encore, l'assurance certaine de possé- « race cà l'infini ; et ayant ainsi attendu avec pa-
der un jourcesbiens qui font l'objet de leur espé- « tience, il a obtenu l'effet de ses promesses
rance, lit celte consolation il la lire non du présent, « (13-15) ». Comment donc l'apôtre, à la fin de cette
mais encore une fois du passé ce qui élait plus : épiire, avance-t-il qu'Abraham môme ne reçut
persuasit pour eux. De même que pour les elfrayer point l'accomplissement des promesses, tandis
davantage, il leur a lait envisager le cliàtiment à qu'ici, selon lui, sa longue patience lui en obtint
venir, de mènu!, pour mieux les consoler mainte- retfut? En quel sens n'a-t-il pas reçu? En quel
nant, il leur faitentrevoirles récompensesfutures. sens a-t-il obtenu? —
C'est qu'il ne s'agit pas des
Il montre aussi que la conduite ordinaire de Dieu mêmes promesses et récompenses dans les deux
est non pas de réaliser sur-le-cbamp ses promes- passages. Abraliam a été, lui, doublement cou-
ses, mais de les ajourner au conliaire longtemps. ronné. Des promesses lui ont été faites. Les premiè-
Et ce plan divin révèle deux inlenlions: Dieu veut res, celles dont il s'agit ici, se réalisèrent dans sa
d'abord nous donnerainsi une preuve de sa grande vie après un long délai, mais non pas les secondes;
puissance, puis nous exciter à la cunnance en lui, celles-ci regardent un autre avenir; dans les deux
afin que vivant au sein des tribulations sans rece- cas, au reste, sa longue patience lui en valut l'ac-
voirencore lesrécompensespromises, nous soyons complissement. Voyez-vous que la promesse àelle
engagés à ne point défaillir à la peine. Oubliant seule n'a pas tout fait, mais qu'il fallut encore une
tous les autres modèles en ce genre, bien qu'il en luii.Liue patience? Celte éHcxion de l'apôtre est faite
i

ait beaucoup, saint l'aul met en scène Abraham , pour inspiicr aux Hébicux la terreur, en leur appre-
tant à cause de la dignité de ce grand bomine, nant que souvent la promesse se brise contre une
que parce que, plus que personne, il a ici donné honteuse pusillanimité. Et il le prouve par l'histoire
l'exemple. Il avoue, cependant, à la fin de son ,'e son peuple. C'est par le fait de leur étroitesse
épitre, que tous les élus de l'Ancien 'festament (le cœur que les Isr;iélitcs n'ont jias atteint le but

dont il rappelle la mémoire, après avoir contem- de la promesse; Abr;iliam lui sert i\ montrer tout
plé et embrassé do loin les promesses, ne les ont l'opposé. Quant aux jiaroles qui terminent son
pas reçues toutefois Dieu n'ayant pas voulu
; écrit, elles nous apprennent que ceux mêmes
qu'ils fussent couronnés sans nous. dont la longue patience n'afias éic couronnée paf
• Car Dieu, duuslupruuicsse qu'ilûlii Abiuliara, le succès, lie se boni uuo puui' coin dccoui^^^s

J
— , »,

COMMENTAIRE SUR L'EPITUE DE S. PAUL AUX HEBREUX. -^ HOMELIE XI. Soi

« Les hommes jurent


par un plus grand qu'eux- Quant à la nature du serment, il la définit en di-
« mêmes, serment à leurs yeux doit clore tout
et le sant qu'onjure parplus grand que soi. C'est parce
« débat important. Or, Dieu ne pouvant jurer par que les hommes sont incrédules, que Dieu s'abaiîse
« un plus grand que lui, ajuré par lui-même (16)». ainsi à nos idées et à nos exemples. Oui, c'est à
C'est vrai. Mais qui est celui qui fit à Abraham ce cause de nous qu'il fait serment, bien que ce soit
serment? N'est-ce pas le Fils? Non, diles-vous. une indignité de ne pas le croire simplement.
Et pourquoi dites-vous non ? —
C'est bien cer- C'estdans le même sens qu'il est écrit « Il a:

tainement lui; mais je ne dispute pas. Car, lors- « appris par les épreuves qu'il a subies», parci
qu'il se sert lui-mêmede cette formule de serment: que aux yeux des hommes, pour être plus digne
« En vérité, en vérité, je vous le dis », n'est-ce de foi sur un point, il faut en avoir fait l'expé-
pas, de fait, parce qu'il n'a pas non plus de supé- rience. — Qu'est-ce que «l'espéranceproposéeî
rieur par qui il puisse jurer? En effet, aussi bien Que le passé, dit-il, nous garantisse l'avenir. Car
que le Père, le Fils jure par lui-même, quand il si une première promesse s'est ainsi réalisée après
s'exprime ainsi « En vérité, en vérité, je vous le
: un long délai, ainsi bien certainement en sera-t-il
« dis». L'apôtre rappelle aux Hébreux les formules des secondes promesses. Ce qui est arrivé à Abra-
de serment dont le Christ usait si fréquemment : ham, nous fait foi des biens à venir.
«En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui « Espérance qui sert à notre âme comme d'une
« croit en moi ne mourra point éternellement ». « ancre ferme et assurée et qui pénètre jusqu'au
Mais que veut dire ceci « Le serment clôt et
: « dedans du voile, où Jésus comme précurseur
« confirme toute controverse ?» —
Comprenez que « est entré pour nous, ayant été établi Pontife
le serment, dans toute discussion, fait évanouir « éternel selon l'ordre de Melchisédech (19, 20) ».
les doutes; et entendez-le, non de telle ou telle Bien que nous soyons encore dans ce monde, et
discussion, mais de toutes en général. Cependant, non délivrés de la vie présente, l'apôtre nous
même sans ajouter de serment. Dieu doit avoir montre en possession des promesses. Grâce à l'es-
toute notre foi. pérance, en effet, nous sommes déjà dans les
« C'est pourquoi Dieu voulant faire voir avec cieux. Attendez, nous dit-il, le succès est certain.
« plus de certitude aux héritiers de la promesse Et bientôt nous apportant une conviction pleine
« la fermeté immuable de sa résolution, a employé et définitive; pour mieux dire, s'écrie-t-il, l'espé-
« le serment (n) ». Ces «héritiers» comprennent rance vous met déjà en possession. Il ne dit pas :
aussi les chrétiens fidèles, et c'est pourquoi l'apôtre Nous sommes dans le ciel mais Notre espérance
; :

rappelle cette promesse faite à toute la commu- y est entrée, ce qui est plus vrai et plus persuasif.
nauté des croyants. Il a, dit-il, employé le moyen Telle, en effet, que l'ancre une fois fixée ne laisse
du serment. Ce serment qui sert de moyen terme, plus ballotter follement le navire, mais qu'en dépit
nous rappelle que le Fils a été intercesseur entre des vents qui le battent, cette ancre fixée le rend
Dieu et nous. « Afin qu'étant appuyés sur ces deux ferme et immobile , ainsi fait l'espérance. Et
choses inébranlables par lesquelles il est impos- voyez quelle justesse danslacomparaisonemployée
« sible que Dieu nous trompe... (18)». Quelles sont par l'apôtre. Il dit une ancre, et non pas un fon-
ces deux choses? Sa parole et la promesse d'une dement, qui rendrait mal l'idée. Car tout eu flottant
serment qu'il ajoute à sa pro-
part, et de l'autre le sur l'eau, tout en ne paraissant avoir ni fermeté, ni
messe. Car, comme
chez les humains, le serment stabilité, un navire se maintient sur l'eau comme
paraii plus croyable que la simple affirmation, il sur la terre, chancelant et ne chancelant point,
a bien voulu le donner par surcroit. tour à tour. Ceux qui sont très-fermes, très-solides,
2. Vous voyez que Dieu ne tient pas compte de vraiment sages, se trouvent admirablementdépeints
sa dignité, mais que son but est de persuader les dans la parabole du Sauveur « Ils ont », dit-il
:

hommes; à ce prix, il permet qu'on parle de lui- « bâti leur maison sur la pierre ». (Matth. vu, 24.)
même en termes si peu dignes, parce qu'il veut Mais au contraire ceux qui déjà s'affaissent et veu-
nous convaincre pleinement et sûrement. Dans le lent être portés par l'espérance, trouvent leur por-
fait d'Abraham, l'apôtre nous montre que tout trait dans ces paroles de saint Paul. Les vagues et
vient de Dieu, et non pas de la longue patience l'effort d'une violente tempête secouent une bar-
de ce patriarche, puisque Dieu daigne et pro- que; mais l'espérance l'empêche d'être emportée
mettre et jurer. Les hommes jurent par Lui ; Dieu à l'aventure, parles vents qui sans cesse l'agitent.
aussi jure par lui-même; mais les hommes lui Si donc nous n'avions pas eu cette espérance,
font appel comme à plus grand qu'eux; lui qui déjà depuis longtemps nous aurions sombré. Et
ne peut invoquer plus grand que soi, s'invoque ce n'est pas seulement dans les choses spirituelles,
cependant. Car il y a une grande difTérence qu'un c'est aussi dans les nécessités de la vie que vous
homme jure par soi ou jure au nom de Dieu, puis- retrouvez cette salutaire vertu de l'espérance, par
que l'homme n'est aucunement maître desa ché- exemple dans le commerce, dans le labour, sous
:

tive personnalité. Or, voyez que ces paroles ne les drapeaux ; nul, s'il n'avait devant soi l'espé-
sont pas plus à l'adresse d'Abraham qu'à la nôtre. rance, ne pourrait seulement mettre la main à
«Ayons», dit l'apôtre,» ayons une très-solide l'œuvie. Lapôtre ne l'appelle pas simplement
« consolation, nous qui avons mis notre refuge une ancre, il ajoute ancre ferme et inébranlable,
« dans la conquête des biens qui nous sont pro- pour montrer quelle fermeté elle procure à ceux
« posés par l'espérance ». Ici encore la réalisation qui s'appuient sur elle pour être sauvés. Aussi
des promesses est présentée comme étant l'cITet ajoute-l-il Qu'elle pénètre jusqu'au dedans dtJ
:

de la patience de l'attente et aou pas du serment. voile, c'est-à-dire qu'elle monte jusqu'au ciel.
,

b02 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

A l'espérance l'apôtre ajoute la foi, pour que chesse et de ceux qui la possèdent ; la seconde est
nous n'ayons pas seulement l'espérance vague le propre de la verlu. L'une est extérieure, l'autre

mais la ferme et véritable espérance. Après le intérieure. Les premiers venus pouvaient prati-
serment divin, il place une nouvelle démonstra- quer celle-là; celle-ci est l'œuvre du petit nom-
tion par les faits eux-mêmes; je veux dire, par ce bre. Autant l'homme est meilleur et d'un plus
fait , que Jésus, comme précurseur, es'c entré grand prix que la brebis, autant noire sacrifice
pour nous. Un précurseur est précurseur de quel- l'emporte sur l'ancien. Ici, en ell'et, vous apportez
qu'un , comme Jean le fut de Jésus-Christ. Et il votre âme comme victime.
ne dit pas seulement 11 est entré , mais
: a Où : Toutefois il y a d'autres hosties encore, et qui.
« comme précurseur il est entré pour nous », son ta la lettre des holocaustes j'ai nommé le corps
:

parce que, nous aussi, nous devons arriver au de nos martyrs; en eux, corps et âme, tout est saint.
même terme. La dislance ne doit pas même être Tout, chez eux, respire un parfum d'agréable
bien grande entre le précurseur et ceux qui le odeur. El vous aussi, si vous le voulez, vouspouvez
suivent; autrement il ne serait plus leur précur- offrir un sacrifice de ce genre. Pourquoi regretter

seur. Le précurseur et les suivants sont nécessai- de n'avoir pu livrer votre corps aux llammes ?
rement sur la même roule; l'un ouvre la niarcbe, Ne pouvez-vous le consumer par un autre feu,
les autres le pressent. « .\yanl été établi l'ontifeéler- par celui de la pauvreté volontaire, par celui do
« nel selon l'ordre de Melchisédecb».Voil:\ encore la soullrance? En elfet, avoir la faculté de mener

une consolation, puisque notre Pontife est à une vie joyeuse, abondante, délicate, et choisir un ré-
telle hauteur et qu'il l'emporte si fort sur ceux des gime laborieux et ci'ucifianl, et mortifier
ainsi
Juifs non-seulement quant au mode du sacrifice, votre corps, n'est-ce pas vraiment offrir un holo-
mais quant à la résidence, au tabernacle, au testa- causte? Frappez de mort, crucifiez cette chair,
ment, à la personne. Ce qu'on ditici de Jésus, est et vous recevrez la couronne d'un si noble mar-
dit de Jésus comme homme. tyre. Ce que le glaive lait ailleurs, l'ardent hé-
3. tel prêtre, nous devons donc
Fidèles d'un roïsme de votre cœ.ur le reproduit ici. Que l'a-
nécessairement être d'autant plus parfaits; oui, mour de l'argent ne vous brûle ni ne vous
toute la distance qui sépare Jésus-Christ d'Aaron captive; mais que le feu de l'esprit chrétien, au
doit se retrouver entre nous et les Juifs. Voilà contraire, dévore el consume celle cupidité hon-
qu'en elfcl au ciel nous avons notre victime, au teuse et criminelle; qu'elle tombe sous ce glaive
ciel notre Prêtre, au ciel notre sacrifice. Offrons spirituel. Voilà un beau sacrifice; il n'a pas besoin
donc des hosties dignes d'être placées sur un autel d'une main sacerdotale, mais la viclimeelle-uiôme
semblable, non plus, par conséquent, des bœufs doiU'olTrir; il s'achève dans ce bas monde, mais il
et des brebis, non plus de la graisse et du sang. monte aussitôt vers les célestes hauteurs. N'ad-
Ces symboles sont abolis et remplacés par l'in- mirons-nous pas (pi'auticl'ois le leu, descendant du
troduction d'un culte raisonnable. El qu'appelé-je ciel, dévorait une oblation ? Il se peut, aujour-

un culte raisonnable? Les olfrandes de l'àine, de d'hui même, qu'il descende encore un feu bien
l'esprit. « Dieu est esprit », dit le Seigneur, « et autrement admirable, et qui dévore toute une
« ceux qui l'adorent, doivent l'adorer en esprit et olfrande, ou plutôt, non, qui ne la dévore pas,
« en vérilé » (Jean, iv, 24), ce qui ne réclame ni mai« la transporte tout entière au ciel ! Loin de
le corps, ni les instruments, ni les lieux, mais réduire nos dons en cendres, cette llamme les
bien la modestie, la tempérance, raumône,He sup- oflre à Dieu. Telles étaient les offrandes de Cor-
port nmtuel, la douceur, la patience. Ces sacri- neille dont il est dit « Vos prières et vos aumô-
:

lices ont été figurés déjà dans les siècles passés. « nés sont montées jusqu'en la présence et au
M OH'rez », dit David, « offrez au Seigneur un sa- « souvenir de Dieu ». (Act. x, 4.)
« crifice de justice. Oui, je vous sacrilieroi une Comprenez-vous ce qu'il y a d'excellent dans
a victime de louanges; — c'est un sacrifice de l'union de ces deux œuvres? Oui, nous sommes
« louange qui me glorifiera devant Dieu , un es- exaucés, quand nous exauçons nous-mêmes le pau-
« prit péniteiilesl un sacrilicc ». (Ps. IV, 6;oxv, 17; vre qui nous plil^ « Celui », dit l'Eciiture, «celui
XLix,'23etL,l'J.) — « Que vousdemandeleSeigneui-, « qui se bou.;he les oreilles pour ne pas entendre
« sinon que vousl'écouliez?» (Midi, vi, 8.)— « Les « la prière du pauvre, est certain que Dieu n'en-
« liolocauslesolferts[)ourles péchésnevous étaient « tendra pas non plus ses prières
plus agréiibles ; alors j'ai dit Je viens pour faire,
: « Bienheureux qui a l'intelligence
« ù mon Dieu, votre volonté ». (Ps. L, 18 etxxXLX, « pauvre et l'indigent : au jour m

8,9.) Kl en d'iiuties Prophètes :« Pourquoi m'ap- « délivrera ». (l's. XL, 2.) Ce joui
« portez-vous l'encens de Saba? » (Jérém. vi, 207) autre chose que celui qui sera si
— 1 Eloignez de moi le son de vos cantiques: je pécheurs. Mais que veut dire «ceti
« n'écoulerai plus les accents de vos instrumcnis du pauvre? c'est l'étude de l'indif
« de musique ».(Amos,v, 23.) «Au lieu de tout cela, zèle à connaître ses souffrances. . , .

o je veux la miséricorde et non le sacrifice ». (Osée, aura compris ces soudrances du pauvre, bien cer-
VI, 6.) tainement en prendra pitié. Si donc vous voyez
Voyez-vous quels sacrifices rendent Dieu pro- un nécessiteux, ne passez pas votre chemin, mais
pice? Voyez-vous qu'il y a déjà plusieurs siècles plutôt pensez à ce que vous seriez, si vous étiez
que cette sorle d'olfiande est sans valeur, tandis à sa place. Que ne voudriez-vous pas alors que
qu'une ollrande nuuvi'llfi y a été substituée? Pré- chacun fil pour vous? Celui qui a l'intelligence,
sentons celle-ci. La première est le lail de la ri- dit l'Esprit-Saiut; réfléchissez donc que le pauvre
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. ~ HOMÉLIE XI. K03

est commevous, un homme libre , qu'il partage culte sa longue chevelure, se couvrir de haillons,
vos de noblesse, que tout est commun entre
titres lui jetterons-nous aussilôtlesnomsd'imposteur, de
lui et vous; hélas! et souvent, vous ne le faites vagabond, de trompeur? N'ôtes-vous pas honteux
pas même l'égal de vos chiens, que vous rassasiez de prodiguer cette appellation odieuse ? Nelui don-
de pain, tandis que lui s'endort avec la faim ; sou- nez rien et ne l'insultez pas. —
Mais il a de quoi^,
vent cet homme libre est rabaissé, dégradé au- me dites-vous, et il joue la misère. —
Cette accu-
dessous de vos esclaves. —
Mais, direz-vous, ceux- sation retombe sur vous, et non sur lui. Il sait
ci nous rendent service. En quoi? Ils vous sont trop qu'il a affaire à des êtres cruels, à des bêtes
utiles? Alors que direz-vous si je vous montre féroces plutôt qu'à des hommes; il sait qu'en
que, bien plus qu'eux, l'indigent travaille pour vos vain voudrait-il employer le langage le plus tou-
intérêts? Car c'est lui qui sera votre défenseur au chant, parce qu'il ne gagnerait personne; il lui
jour du jugement; c'est lui qui vous arrachera aux faut donc nécessairement s'envelopper de dehurs
flaramesdévorantes. Quel service pareil vous ren- plus misérables encore que sa condition même,
dent jamais vos esclaves? Quand Tabitha mourut, pour vous briser le cœur. Qu'un homme ose implo-
qui donc la ressuscita, de ses esclaves nombreux ou rernolre chanté avec un vêlement honnête Voilà :

des pauvres mendiants? Mais vous, de cethomme bien un trompeur, disons-nous; il se présente
libre vous ne voulez pas faire l'égal même d'un ainsi pour laire croire qu'il est d'une condition
esclave. Le froid est intense, et le pauvre gît, cou- distinguée. Qu'il se montre avec des dehors tout
vert de haillons, mourant, les dents serrées et opposés, nous le blâmons encore. Que feront donc
grinçantes; horrible tableau fait pour émouvoir! ces malheureux? cruauté! ô insensibilité Pour- !

Et vous, bien réchauffé, bien repu, vous passez ! quoi montrenl-ils leurs membresmutilés? La faute
Comment voulez-vous que Dieu vous sauve, quand en est à vous. Si nous étions charitables, ils n'au-
vous serez sous le poids du malheur? raient pas besoin de semblables moyens s'ils pou- ;

Souvent vous osez dire «Si c'était moi, si j'avais


: vaient toucher notre cœur au premier abord, ils
«surpris quelqu'un à m'offenser beaucoup, volon- n'auraient pas recours à ces tristes moyens. Qui,
« tiers j'aurais pardonné, et Dieu ne pardonne pas! » en elfet, serait assez misérable pour se plaire à
Oh ne tenez point ce langage ; car voici un homme
! jeier les hauts cris, à se conduire de cette façon
qui n'a aucunement péché contre vous, vous pou- dégi'adée, à pleurer ainsi en public, à se lamenter
vez le sauver, et vous le méprisez. Si vous le mé- avec une épouse toute nue, à se couvrir de cen-
prisez, comment Dieu vous pardoniiera-t-il, à vous di-es avec ses enfants? Ces accessoires sont pires
qui péchez contre sa Majesté sainte? De pareils que la pauvreté même. Et toutefois ces spectacles,
niélails ne méritent-ils point l'enfer? Mais faut-il loin de nous mspirer la pitié pour eux, nous four-
s'en étonner? Souvent vous prodiguez à un ca- nissent conire eux un prétexte d'insulte. Et nous
davreprivédesenliment, incapable d'apprécier cet serons, à noire tour, indignés contre Dieu, parce
honneur funèbre, vous prodiguez, dis-je, les vète- qu'il n'exauce pas nos prières? Nous serons au
nienls les plus variés, les tissus d'or et de pourprej désespoir de ne pouvoir le fléchir par nos sup-
et cet autre corps qui soulfre, qui est déchiré, plications? Etnousne frissonnons pas d'épouvante,
torturé, supplicié par la faim et le froid, vous le frères bien-airaés !

méprisez; vous accordez plus à la vaine gloire qu'à Mais, direz-vous, j'ai donné souvent. Eh bien I —
la crainte de Dieu. Et plût au ciel que votre du- ne mangez-vous pas aussi tous les jours? Et bien
reté n'allât pas plus loin. Mais, dès nu'il s'appro- que vos enfants souvent demandent, les repous-
che, ce pauvre, vous l'accusez aussitôt pourquoi,
: sez-vous? impudence! Vous appelez le' pauvre
dites-vous, pourquoi ne travaille-l-il pas? Pour- impudent Vous, qui êtes un ravisseur, vous n'ê-
!

quoi nourrir un oisif? Répondez-moi, à votre tes pas impudent sans doute; mais lui, l'humble
tour ce que vous possédez vous-même, le devez-
: suppliant, il est impudeni, parce qu'il vous de-
vous à votre travail? ne l'avez-vous pas reçu en mande du pain .Ne rélléthissez-vous donc pas
!

héritage de vos pères? En supposant même que aux exigences de l'estomac ? Est-ce que vous ne
vous travaillez, pourquoi cette insulte au prochain? faites pas tout au monde pour le saiisfaire? Ne
N'entendez-vous pas ce que dit saint Paul « Celui : négligez-vous pas pour lui votre religion ? Le ciel,
« qui ne travaille pas ne doit pas manger »; voilà le royaume des cieux, ne vous est-il pas proposé?
ce qu'il dit; mais il ajoute aussitôt : «Pour vous, Mais pour contenter la tyrannie de l'appétit, loin
« faites le bien, sans jamais vous lasser». d'en mépriser les exigences, vous supportez tout;
4. Mais que répondez-vous? —
Ce pauvre est voilà l'impudence!
un fripon. —
Que dites-vous, malheureux? Quoi ! Ne voyez-vous pas ces vieillards mutilés ou boi-
pour un pain, pour un vèiemeiil vous l'appulez teux? — Mais, ô délire Celui-ci, m'objectez-vous,
!

fripon! —
Oui, parce qu'il vend ce qu'il reçoit. prèle à ustiic tant d'écus d'or; tel autre, tant; et
— Et vous, disposez-vous toujours sagement de ce avec cela il mendie —
Vous contez là des labiés,
!

que vous avez? Puis, tous les pauvres le sont-ils des soUises, des lolies, liignes d'enlants sans in-
pour cause de paresse ? N'en est-il aucun qui le telligence ; les nouniccs, en (ffei, leur font de
soit par suite d'un malheur, d'un naulrage, par semblables conies. Eh bien, moi je n'y crois pas,
!

exemple, ou d'un vol, ou d'un procès injusie, ou je lel'use d'y troite, et absolument. Quoi ! cet
d'aventures périlleuses, ou de maladies, enhn par homme piêie à usure, et comblé de lichesses
suite de tout autre accident? Et dès que nous enten- )l mendie? Expliquez-moi donc pourquoi? Est-il
drons quelqu'un déplorer uncseniblableiniorlune; chose plus honteuse que de mendier? Juscju'à
regarder, pauvre et nu, vers le ciel; porter in- quand serons-nous cruels et inhumains? Car enfin.
504 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

quoi sonl-ils tous des usuriers? sont-ils tous des


!
lesmoines. Tel ou tel de ceux-ci, dit-on, est un
fripons? N'cst-il point de vrais pauvres? Sans imposteur. Nedisais-je pas tout à l'heure, que si
doute, nae répondez-vous, il y en a beaucoup. nous sommes résolus à donner à tous indifl'érem-
Pourquoi donc ne leur portez-vous pas secours, ment, nous serons toujours charitables; mais que,
vous qui examinez de si près leur conduite? Au- si une fois nous écoulons une coupable curiosité,
tant de prélexies, autant d'excuses. « Donnez à nous ne serons plus jamais charitables? Que dites-
« quiconque vous demande, et ne vous 'détournez vous? Pour recevoir du pain, il joue le rùle d'un
pas de celui qui vous veut emprunter. Etendez imposteur S'il demandait des talents d'or et d'ar-
!

..voire main, et qu'elle ne soit pas resserrée ». gent, des habits précieux et magnifiques, un cor-
Nous ne sommes pas chargés d'examiner la con- tège d'esclaves, vous auriez raison de le qualifier
duite des pauvres, autrement nous n'aurions pitié d'escroc. S'il ne demande rien de pareil, au con-
de personne. Pourquoi, quand vous priez Dieu, traire, mais seulement la nourriture et le vêlement,
(liles-vous Seigneur ne vous souvenez pas de
: ainsi qu'un philosophe, comment alors, dites-moi,
mes péchés? Quand bien même l'indigent, lui comment, pour peu, l'appeler trompeur ? Bri-
si
aussi, serait un grand pécheur, appliquez celte sons, mes frères, avec cette curiosité absurde,
parole, et ne vous souvenez pas de ses péchés. 'Voici salanique, pernicieuse. Si cet homme se prétend
le temps de la charité et du pardon, et non pas d'un membre du clergé, s'il se donne le titre de prêtre,
examen rigoureux et sévère; de la miséricorde, faites votre examen alors, soyez curieux de savoir le
etnon d'un l'roid raisonnement. Il vous demande sa vrai. Ce n'est pas sans danger qu'en cas semblable
nourriture donnez, si vous voulez; sinon renvoyez-
: on se livre à de tels hommes; il y va de trop pré-
le, mais sans chercher cruellement la cause de sa cieux inlérôls. Mais demande-l-il à manger ? Ne
misère et de sou malheur. Pourquoi non contents cherchez rien au delà; car vous ne donnez pas,
d'être sans pilié vous-mêmes, détournez-vous en- vous recevez. Uecherchez, si vous voulez, oui,
core les autres de la charité? Que tel ou tel ap- examinez comment Abraham se montrait hospita-
prenne de vous que ce pauvre est un trompeur, cet lier pour tous ceux qui l'approchaient. S'il avait
autre un hypocrite, un comédien, ce troisième trop curieusement scruté pour savoir à qui il don-
un usurier; dès lors il ne donne plus ni à ceux- nait refuge, il n'aurait pas donné l'hospitalilé à
ci, ni à ceux-li\; car il les soupçonne d'êlre tous des anges. Car, peut-èlre ne croyant pas qu'ils
pareils. Soyons miséricordieux, non d'une fa- fussent des anges, les eût-il repoussés avec les
çon telle quelle, mais comme l'est notre Père autres; mais recevant tout le monde, il accueillit
céleste. Il nourrit les adultères, les débauchés, les aussi les anges. Est-ce que Dieu vous doime la
charlatans, que dis-]eî ceux mêmes qui réuni- récompense d'après la conduite de ceux qui re-
raient tous les vices. Il en faut de semblables çoivent votre aumône ? Non, mais bien d'après la
pour composer ce monde immense; toutefois il libre et bonne résolution de votre cœur, d'après
donne à tous et la nourriture, et le vêtement; votre grande lihéialité et générosité, d'après votre
personne ne meurt de faim , à moins par hasard bienveillance et bonté. Ayez cela, et vous gagnerez
qu'il ne meure ainsi de son choix. Soyons aussi tous les biens. Puisse-t-il nous être donné à tous
miséricordieux, et venons en aide à quiconque est de les acquérir par la grâce et la bonté de Notre-
dans le besoin. Seigneur Jésus-Christ, avec lequel appartient, ainsi
Hélas de nos jours, nous sommes arrivés à un
! (ju'au Père et au Saint-Esprit, la gloire, l'empire,
tel degré d'Inhumanité, que, non contents d'ap- riionneur, maintenant et toujours, et dans les siè-
pliquer notre blànie à ces pauvres qui courent les cles des siècles. Ainsi soit-il.
rues et les carrefours, nous n'épargnons pas même

HOMELIE XII.

CAR CE MELCHISÉDECH, BOI DE SALEM, l'IlÉTRE DU DIEU TRÈS-HAUT, QUI VINT AU-DEVANT d'*""»"*'
LORRQUK Cl 1.1 1-CI REVENAIT DE A Ui.I'AnE DES ROIS, Ql LK IlÉNIT, A (,ILI ADRAIIAM nON^
I I

DE TOI T CE Ql'll- AVAIT PUIS, OU S AriM.I.Lt, SELON LINTEIlPHÉTAilON DE SON NOM, rREf
ItOI DE JlsTICE, PLIS IlOl DE S.M.IM. C'eST-A-DIRI; IlOI DE lAlX, QLl EST SANS PÈRE ET f

SANS CENÉAl.OGIE, QUI n'a NI COMMENCESII NT DE SES JOURS NI PIN DE SA VIE, ÉTANT AU
DU FILS DE DIEU, DEUEURE PRÊTRE POUR TOUJOURS, (Vll, 1, 2, 3, JUSQU'A 10.)

i%nalyse.

1 êl S. Résumé de l'épllre aux Hébreux : comment s'échelonnent tes raisonnemenUde saint Paul. — Melchisédccti, parle silence
mystérieux de l'Ecriture sur sa naissance et sa morl, était la figure ilc Jésus comme Verbe éternel. — néeiinaleur d'Abialiam
qu'il bénit, H est, à ce double litre, plus ijraud qu'Abialiam ; si telle esl la ligure, quelle sera la vérité? lévi uièmc a pajé
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XII. 508

la dirae au roi de Salem, abaissant ainsi son ponliflcat devant lui : combien plus devant Jésus, dont Melcliisédecli n'est que la

figure?
3 et 4. Part de notre libre arbitre dans nos bornes œuvres, de l'aveu des saintes Ecritures. Mauvais usage de notre volonté, —
qui ue s'instruit pas à l'école du malheur d'autrui, et se profane par le péché. —
Salut usage de notre liberté par la conver-
sion. — Retour à Dieu qui nous appelle, nous aide et nous purifiera.

1. Saint Paul vouiantmontrerla différence entre « qui n'a ni commencement, ni fin de sa vie, étant
l'Ancien et le Nouveau Testament, dissémine, en « ainsi l'image du Fils de Dieu, qui demeure prêtre
plusieurs passages, ses instructions à ce sujet, t pour toujours ». Mais ici se présentait un texte

pour y amener par des préludes, par des essais, qu'on pouvait objecter : « Vous êtes prêtre pour
qui préparent d'avance les esprits de ses auditeurs. « l'élernilé selon l'ordre de Melchisédech », parce

Dès le début de son épilre, il a jeté coiume une que celui-ci était mori, et n'étail pas prêtre pour
base fondamentale cette vérité que Dieu a parlé : l'éternité. Voyez donc à quel point de vue élevé
aux anciens dans les prophètes, tandis qu'à nous, se place l'apôtre. On va lui objecter Comment :

c'est dans son Fils à eux, de plusieurs manières


;
parler ainsi d'un homme? Aussi, dit-il, je ne
et en divers temps, à nous, par ce Fils adorable. En- prends pas cette parole au pied de la lettre, mais
suite il a dit quel est ce Fils et quelle est son œuvre; voici ce que je veux dire Nous ne savons quel
:

il a exhorté à lui obéir, pour éviter de partager le père ni quelle mère eut ce prince ; nous ne le
malheur des Juifs insoumis il a dit que Jésus est ;
voyons ni naître, ni mourir. Eh bien alors, — !

prêtre selon l'ordre de Melchisédech il a voulu ; que conclure, diia-t-on? Dece que nous ne savons
aborder toutefois la question de cette différence es- rien, s'ensuit-il qu'il ne soit pas mort, qu'il n'ait
sentielle et après maintes préparations prudentes,
;
pas eu de parents? —
Non, vous avez raison d'af-
après des reproches adressés à leur faiblesse, mê- firmer qu'il est mort, qu'il a eu des parents. —
lés à des encouragements et à des consolations Comment donc est-il sans père ni mère? Comment
capables de leur rendre confiance après les avoir ;
n'a-t-il ni commencement de ses jours, ni fin de
mis en état d'écouter avec docilité ses enseigne- sa vie? Comment? En ce sens que l'Ecriture n'en
ments, il entreprend enfin de leur expliquer la dif- dit rien. —
Et où va cette remarque? A dire —
férence entre Jésus-Christ et leur grand prêtre. que ce prince estsanspère, parce qu'on ne donne
Car une âme abaissée et découragée ne peut faci- pas sa généalogie, mais que Jésus-Christ possède
lement écouler, comme peut vous en convaincre ce privilège réellement el en toute vérité.
l'Ecriture quand elle dit « Et ils n'écoulèrent pas
: 2. Voici donc un roi qui n'a ni commencement
« Moïse à cause de leur nhatlenient ». L'apôtre a ni fin ; c'est-à-dire, que comine nous ignorons el
donc eu soin de guérir celle maladie de leur àme son commencement et sa lin, parce que ces faits
par ses paroles tantôt terribles, tantôt calmes et n'ont pas été écrits, ainsi les ignorons-nous de
charitables; en sorte qu'il petit maintenant abor- Jésus, non parce que l'Ecriture n'en dit rien, mais
der la question de la différence entre les deu.'c parce qu'en réalité il n'a ni l'un ni l'autre. Parce
rois. Voici donc ce qu'il dit « Car ce Mclchisô-
: que le premier est la figure, l'Ecriture se tait sur
« dech, roi de Salem, prêtre du Dieu Très-Haut ». son commencement et sa fin; et parce que le se-
Chose admirable dans le type même qu'il choisit,
! cond est la vérité, il n'a réellement ni commen-
il montre déjà comliien est grande la différence. cement ni fin. Ainsi en est-il de leurs noms ;
Car, comme je l'ai dit, il emprunte toujours une pour l'un, sa royauté de justice et de paix n'est
ligure pour concilier la foi à la vérité il se sert du ; qu'un pur titre sans réalité; pour Jésus-Christ, il
passé pour affirmer le présent, à cause de la fai- est tout cela véritablement. Comment donc a-t-il
blesse de ses auditeurs. Donc « Ce Melchisé- : un principe? Vous voyez que le Fils est sans prin-
« dech, roi de Salem, el prètie du Dieu Très-Haut, cipe, non dans ce sens qu'il existe sans cause, car
« qui vint au-devant d'Abraham, lorsqu'il revenait c'est impossible il a un père, autrement comment
:

« de la défaite des rois, et le bénil; à qui Abraham serait-il Fils ? Mais il est sans principe oivap-x,o«, en
«donna la dîme de tout ce qu'il avait pris ». ce sens que sa vie n'a ni commencement ni fin.
Après avoir résumé tout le récit du Livre saint, il Melchisédech semblable au Fils de Dieu ». Où
est
l'interprète mystiquement. C'est d'abord le nom est la ressemblance ? C'est que de l'un comme de
de Melchisédech qui attire son attention. « Qui l'autre. notiS ne savons ni le commencement ni la
:, selon l'interprétation do son nom, pre- fin ; de l'un, il est vrai, parce que ces dates n'ont
nt Roi de Justice ». En effet, « Sédech » pas été écriiM, |t de l'autre, au contraire, parce
Melchi », roi; d'où Melchi-
justice cl que ces termes n'existent pas voilà la ressem- :

de justice. Voyez-vous, jusque dans


i blance. Que si celle ressemblance portait sur tous
quel choix el quelle exaclilude ? Or, les poinis, vous ne verriez pas d'un côté la
roi de justice, sinon Noire-Seigneur
! (iguie, el de l'autre la vérité; tous deux seraient
11 —
Puis :«Roi de Salem »,nom de sa figures. C'est ainsi que dans les portraits et images,
s est roi de paix, car telle est la tra- vous trouvez et ressemblance el différence. Les
duclion de Salem encore un trait du Christ. Car
: Irails et le dessin reproduisent la ressemblance;
c'est lui qui nous a faits justes et qui a pacifié mais les couleurs une fois posées, la différence
tout ce qui est au ciel et tout ce qui est sur la s'accuse évidemment, on voii similitude ici, el là,
terre. Quel homme est vraiment roi de justice el dissemblance.
(le paix? Aucun, à l'exception du seul Jésus-Christ « Considérez donc combien giand il devait
Noire-Seigneur. —
H ajoute bienlôi une autre dif- « èlre, puisque Abraham même lui donna la dime
férence : » Sans père, sans raèrc; saos généalogie. » de ce qu'il y avait de meilleur (-1) ». l\ a l'ail res-
S06 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sorlir la justesse de la figure. Enhardi dès lors, il « En effet, dans là loi, ceux qui reçoivent la
moiilre qu'elle est plus glorieuse que les réalités «dîme sont des hommes mortels; au lieu que
juives elles-mêmes. Or, si par cela seul que ce roi ici n'est repré.sentéque comme
« celui qui la reçoit
portail en lui la figure deJésus-Clirist, il se trouvait Mais pour qu'on ne lui dise pas
« vivant (8) ». :

ainsi plusgrandel plus remarquable non-seulement Pourquoi invoquer ces siècles si loinlains? Que
que les prêtres, mais même quecet Abraliara, d'oîi fait à nos pi'êlres ,
qu'Abraham ait donné la
que direz-vous de la
sortait la tribu des prêtres, dime Parlez de ce qui nous regarde nous-mcmos?
?
Vérité? Voyez-vous comme il prouve surabondam- il continue et ajoute « El pour ainsi dire» {Paul
:


ment la supériorité de Jésus-Christ? « Regardez», faii bien de ne pas parler affirmativement, de
dit-il, « combien est grand celui à qui Abraham peur de blesser trop ses lecteurs), « pour ainsi
« donna la dime de ce qu'il y avait de meilleur ». «dire, Lévi l'a payée aussi lui-même dans laper-
Cette expression « de meilleur», fait allusion aux « sonne d'Abraham, lui qui la reçoit des autres ».
dépouilles. Et l'on ne peut dire qu'Abraham les ait Comment l'a-t-il payée ? — « Parce qu'il était en-
partagées avec lui, parce qu'il aurait pris part au « coro dans Abiabam son a'ieul, lorsi|ue Melchisé-
combat. Paul a soin de vous l'aire observer que le « dcch vint au-devant de ce palriarche ». Enten-
patriarche était revenu de la défaite des rois, quand dez Lévi était en lui, bien (|ii'il ne fût pas encore
:

il le rencontra. Ainsi, nous dit-il, le prince était né cl par son père, il a payé la dime. Remarquez
; :

chez lui, quand Abraham lui donna les prémices il ne dit pas « Les lévites», mais
: « Lévi », choi- :

du butin conquis par ses travaux. sissant ainsi ce qu'il y a de plus grand pour
« Aussi ceux qui, étant de la race de Lévi, en- mieux faire ressortir la supériorité de Melclii-
« trent dans le sacerdoce, ont droit, selon la loi, séduch.
«de prendre la dime du peuple, c'est-à-dire de Avez-vous compris (pielle distance séiiare Abra-
« leurs frères, quoique ceux-ci soient sortis d'A- ham de Meleliisédecli, qui n'est cependant que
« braham aussi bien qu'eux (5) ». Telle est la di- la figure (le noire ponlife? Encore l'apôtre nous
gnité du sacerdoce, dit-il, que des hommes égaux y fait-il voir une piéémine,nce de pouvoir, et non
à d'autres par les ancêtres, n'ayant avec eux (ju'un de nécessité. L'un, en efl'et, donne la dime qui est
seul et même père et principe de leur commune un droit sacerdotal ; l'autre donne la bénédiction
famille, se trouvent cependant préférés et pri\ilé- quiiirouveun pouvoir de supériorité et d'excel-
giés de beaucoup à l'égard des autres, puisqu'ils lence. Cette prééminence a passé jusqu'aux des-
prélèvent la dîme sur eux. Or, si vous trouvez un cendants. Et voilà comme Paul, par une vic-
|iersonnage qui reçoive la dime de ces privilégiés toire admirable et gloiieuse, lenverse l'édifice du
eux-mêmes, u'esl-il pas vrai que ceux-ci descen- judaïsme. Voilà pourquoi il leur disait: « Vous
dent dès lors au rang des laïques, et que lui [)rend « êtes devenus faibles ». (Hébr. v, H.) Celait une
place parmi les prêtres? 11 y a plus le roi de : précaution qu'il prenait pour ne pas les faire re-
Salem n'avait pas, du côté de la naissance, l'éga- gimber, en leur montrant trop brusquement la vé-
lité d'honneur avec eux; il était d'une autre race. rité. Telle est la prudence de l'aul il n'aborde les ;

Aussi Abraham n'eùt-il point donné la dime à un questions qu'après y avoir préparé les esprits. Car
étranger, s'il n'avait reconnu on lui une giande l'esprit buniain est dillicile à persuader; il de-
supériorité d'honneur. Mais, ù ciel Que vient de
! mande pour être redressé plus de précautions que
démontrer le grand apôtre ? Une vérité incroyable, les plantes. On ne trouve en celles-ci ([ue la na-
plus étonnante que celle qu'il a énoncée dans l'ê- ture des éléments et de la terre, qui obéit aux
pitre aux Romains. Car dans cette épîlre, il se mains des laboureurs; mais chez nous se ren-
contente de déclarer qu'Abraham est le chef et le contre la libie volonté de choisir, qui prend à
premier père de notre religion, comme de celle son gré mille lormes changeantes, et opte tantôt
des Juifs. Mais ici il ose plus encore à l'égard de pour une chose, tantôt pour l'autre, et qui a tou-
ce patriarche, il montre qu'un incirconcis l'emporte jours une grande pente pour le mal.
sur lui de beaucoup. Et quelle preuve en donne-t- 3. 11 nous faut doue constamment veiller sur

il? C'est que l.évi a donné la dime. Abraham, dit- nous-mêmes, pour ne jamais sommeiller. « Car »,
il, en a fait l'oirracidc. —
Et que nous impoile, .à dit le l'ro|ihète, « il ne sommeillera pas, il ne
nous, diront les Juifs? —
Mais beaucoup, sans «durmiia pas, celui qui garde Israël. IN'exjiosez
doute, car vous ne pouvez prétendre ijue les lévites « donc pas votre pied à chanceler ». (Ps. cxx, 4,

soient au-dessus d'Abraham. « Or, celui qui n'a 3.) Il n'a pas dit Ne soyez pas ébi'anlés, mais :
:

« [loint de place dans leur géiu'alogic, prit la dime N'exposez pas, ne donnez pas donner, exitoser, :

« surMiraham». Et pou me
point passe légéiement
i cela dépend de nous, à l'exclusion de toute autre
sur ce fait, il ajoute «Et il bénit cf;lui qui avail reçu
:
puissance. Car si nous voulons nous maintenir
« lesiiromesscs ». Ces promesses éi. lient iiH,onl{;s- fermes, debout, immobiles, nous ne scions pas
tablement la gloire des Juifs saint Paul montre
; ébranlés. Ces paioles du Piojdiète insinuent co
qu'ils sont inférieurs à cet élianger, en honneur sens.
et on gloire, et cela au jugenienide tout le monde. Mais quoi? La puissance même de Dieu n'a-l-elle
« Or, il est inconlesiahlequecidiii qui leçoit labé- ici aucune action ? —
Cerlaiiu nient tout au mon J«,
« nédiction, est inférieur à celui qui la donne », est soiiinis à la divine puissance, mais de telle
c'est-à-dire, d'après l'estimation commune, ce qui sorte que notre libre aibilre n'en est ancuneirii'ut
est moindre est béni par ce qui est plus grand. blessé. —
Mais alors, si tout dépend de Irieu,
Dune ce roi, figure de Jésus-Christ, est plus grand direz-vous, pourquoi nous alliibue-t-il la hiute?
que le dépositaire iiième des prouicsscs. — Aussi bien ai-jc dit : De telle aorte ce-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XII. S07

pendant que nolie libre arbitre n'en est point nous-mêmes, que ne ferions-nous pas si tout était
blessé. L'œuvre dépend donc à la fois et de son en notre pouvoir ? Dieua pristoutes les précautions
pouvoir et de noire, pouvoir. Il faut, en effet, que possibles pour prévenir notre orgueil. Et d'ailleurs
nous choisissions d'abord le bien, et après notre de combien de faiblesses sa main adorable nous a
choix fait. Dieu apporte son concours. Il ne pré- entourés, pour briser ainsi notre vaine gloire ? De
vient pas nos volontés, pour ne pasanéantir notre combien de monstres il nous a environnés? Car
liberté. Mais quand nous avons choisi, aassilôl il lorsque bien des gens s'écrient Pourquoi ceci? A:

nous apporte un secours abondant. quoi bon cela? ils parlent contre les desseins de
Comment donc alors, si tel est notre pouvoir, Dieu. Il vous a placés au sein de mille terreurs, et

Paul affirme-t-il que « cela ne dépend ni de celui malgré cet état, vous n'avez pas encore d'humbles
« qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui sentiments de vous-mêmes; mais au moindre suc-
« fait miséricorde ? » (Rom. ix, 16.) Je réponds — cès qui vous arrive, votre cœur s'enfle jusqu'au
d'abord que saint Paul ne donne pas ici son sen- ciel!
timent personnel, mais il conclut d'après le but 4. Et voilà ce qui explique ces perpétuelles ré-

qu'il se propose et d'après les prémisses qu'il a po- volutions et ces misérables chutes, qui ne servent
sées. 11 vient de dire : << 11 est écrit : Je ferai misé- pas même à nous corriger. Voilà pourquoi les
« ncorde à qui il me plaira de faire miséricorde, morts prématurées, bien que fréquentes, nous
« et j'aurai pitié de celui de qui il me plaira d'a- laissent encore l'orgueilleuse idée que person-
« voir pitié » ; il conclut: «Cela ne dépend donc nellement nous sommes immortels, comme si le
M ni de celui qui veut, ni de celui qui court ; mais coup fatal ne devait jamais nous atteindre. De là
« de Dieu qui fait miséricorde ». Pourquoi donc — nos rapines, nos attentats à la propriété d'autrui,
alors Dieu nous blàme-t-il, objecterez-vous? — comme si nous ne devions jamais en rendre compte.
C'est qu'il est permis de dire du principal auteur Ainsi nous bâtissons, comme si nous avions ici-
d'une œuvre qu'il a fait l'œuvre tout entière. Oui, bas une demeure permanente et éternelle, et ni la
le premier choix, la volonté est notre fait à nous. parole de Dieu qui retentit tous les jours à nos
Parfaire et conduire l'œuvre à sa fin, est la part oreilles, ni le^ faits journaliers eux-mêmes ne
de Dieu. Or, comme celte part, qui est de beaucoup nous servent de leçons. 11 n'est pas un jour,
la plus importante, se trouve être la sienne, Paul pas une heure qui ne nous donne le spectacle de
lui attribue tout, et en cela il se conforme à nos quelques convois funèbres. C'est en vain Rien ne !

idées et à notre langage humain; nous ne faisons peut toucher notre insensibilité. Nous ne pou-
pas autrement, en effet. Par exemple, nous voyons vons, nous ne voulons même pas nous amender
un édifice admirablement construit, nous le rap- par les malheurs d'autrui. Alors seulement nous
portons en entier à l'architecte, et cependant la rentrons en nous-mêmes, quand seuls nous avons
construction n'est pus entièrement de lui, mais à gémir; et si Dieu retient la main qui nous frappe,
des ouvriers aussi, mais du propriétaire qui four- nous relevons aussitôt la nôtre pour commettre le
nit les matériaux, mais d'une foule d'autres agents. mal.
Mais comme l'archilectea plus contribué que per- Personne n'a de goût pour les choses spiri-
sonne, nous le disons auteur du tout. C'est ce qui tuelles; personne ne méprise la terre, personne
arrive ici. —
De même encore, en présence d'une ne regarde le ciel. Mais semblables à l'animal im-
foule où il y a beaucoup de monde, nous disons: monde dont l'œil abaissé cherche la terre, que son
Tout le monde est là; et s'il y a peu de monde, ventre y incline, qui se roule dans la fange, des
nous disons qu'on ne voit personne. C'est ainsi hommes, et en grand nombre, et sans même en
que Paul a dit dans ce passage « Cela ne dépend: être affectés, se souillent d'une boue sans nom;
« ni de celui qui veut, ni de celui qui court; mais car mieux vaut se souiller de fange que de péché.
« de Dieu, qui fait miséricorde». 11 nous donne Ainsi souillé, on peut être lavé bientôt et rede-
ainsi deux grandes et nuignifiques leçons. La pre- venir semblable à celui qui ne s'est pas d'abord
mière, que nous ne devons pas nous enorgueillir plongé dans le bourbier. Mais celui qui se préci-
de nos bonnes œuvics; la seconde, qu'il convient pite dans le cloaque du péché, y contracte une
d'attribuer à Dieu la cause de nos saintes actions. souillure que l'eau ne saurait elfacer, et qui exige
Mnloii! voire course empressée, dit-il, malgré le Eèle bien du temps, une pénitence parfaite, des larmes
déployez, ne regardez pas comme vôtre
.
et des sanglots, plus de gémissements et de plus
•ainlement faite. Car si vous n'oblenezpas amers que ceux que vous faites entendre sur les
s d'en-haut, tout est vain. Toutefois, il têtes les plus chères. Il est, en effet, telle ordure
•t qu'avec cette aide puissante, vous at- qui nous arrive du dehors et dont nous sommes
j but de votre elTorl mais à la condition
: bientôt débarrassés; mais celles-ci naissent au de-
saurez et courir et vouloir. L'apôtre ne dans de nous, et c'est à peine si tous nos elTorts
'n vain courez-vous! mais En vain cou- :
nous en puriliont.
rez-vous, SI vous croyez que tout dépend de votre « C'est du cœur en effet », a dit Jésus-Christ,
course, si vous n'attribuez encore plus le succès à « que sortent les mauvaises pensées, les fornica-
Dieu. Dieu n'a pas voulu que tout fût son œuvre « lions, les adultères, les vols, les faux témoi-
à lui seul, pour n'avoir pas l'air de nous couron- « gnages ». xv, 19.) Aussi le Prophète
(Matth.
ner au hasard; ni que tout vint de nous, pour ne s'écriait « Créez en moi un cœur pur, ô mon
:

pas nous exposer à l'orgueil. Car si, lorsque nous « Dieu ». (PS. L, 12.) Et un autre « Lave les vices:

n'avons que la moindre pari, nous concevuns di'jà « de ton cœur, ô Jérusalem » (Jérém. iv, 14.) Voua
!

un sentiment d'orgueil, un vainconleulemcnt de voyez ici encore que le bien dépend et de nous et
xs TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

de Dieu. Et ailleurs : « Bienheureux ceux qui ont gneur, quand même vous auriez revêtu le vêtement
« le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu ». (Malth. et presque la nature même du vice, ne craignez
V, 8.) Faisons loua nos elVorls pour nous rendre pas. Il ne s'agit pas de couleurs fugitives et sans
purs; lavons nos pécliés. Et comment peut-on les consistance, mais de celles qui font partie de l'es-
laver, le Proptièlc nous l'enseigne, en disant : sence même du corps; or, ceux qui en sont im-
« Lavez-vous, soyez purs; ôtez vos vices de vos prégnés peuvent retrouver un état tout contraire;
« âmes devant mes yeux ». (Is. i, 16.) Devant car il ne parle pas seulement de les laver, mais de les
mes yeux, qu'est-ce à dire? C'est que plusieurs blanchir comme la neige et comme la laine, alin
paraissent être exempts de vices, mais devant les de nous donner bon espoir.
hommes; au contraire, aux yeux de Dieu, ils ne Quelle est donc la vertu de la pénitence, puis-
sont que des sépulcres blanchis. Et c'est pourquoi qu'elle nous rend beaux comme la neige, blancs
il dit Olez-les tels que je les vois. «Apprenez à
:
comme la laine, quand bien méuie le péché aurait
« faire le bien , cherchez la justice, rendez-la au déjà envahi et imprégné nosàuies? Etudions-nous
«petit et au pauvre, et puis venez et discutons donc à devenir purs; Dieu n'a pas fait un com-
« ensemble, dit le Seigneur. Et quand vos péchés mandement difficile rendez justice à l'orphelin,
:

«seraient comme la pourpre, je vous blanchirai et traitez la veuve selon le droit. Vous voyez com-
«comme lu neige; et quand même ils seraient ment Dieu lient compte partout et toujours de la
« comme l'écarlate, je vous rendrai blancs comme miséricorde et de la protection donnée à ceux qui
tt la laine ». (Isaie, t, 17, IS.) Vous voyez que nous sont sous le poids de l'mjustice. Abordons ces
devons commencer à nous piirillcr, et alors Dieu bonnes œuvres et nous poui'rons obtenir aussi par
nous purifiera. Car après avoir dit d'abord: «Soyez la grâce de Dieu les biens à venir. Puissions-nous
a purs », il ajoute:» El moi je vous blanchi l'ai «.nue tous en devenir dignes en Jésus-Christ Notre-Sei-
nul donc, parmi ceux qui sont arrivés au laite du gueur ! Ainsi soit-il.

«rime, ne désespère de lui-même. Car, dit le Sei-

HOMELIE XTII.

fltE SAr.RRPOr.F, DE LKVI, SOVS I.F.QIIEL LE PEl PI.R A REÇU LA LOI, AVAIT VV HENHUE LES HOMMES PAR-
FAITS, rair IL iCTÉ uisoin oij'ii. paiuit un ai r';!i piiirmi:, appri.k VKÈriiiv skion i.'ottnitE de mel-
CniSÉDECII, ET ^0N PAS SliLON L'oUDRE UAAKUiN'.'' (vU, 11, JUSQU'A LA EIN DU ClIAPllKE.)

Anals'se.

1-3. Le «acerdoce tévitique n'a rien perfectionné : aussi l'Ancien Tcst:iment lui-même annonçait un sacerdoce nouveau et
élcrncl. —
La tribu de Juda est appelée an sacerdoce dans la personne do .lésus-Ctirisl ; elle se trouve désormais tribu royale

et Gacerdolalc ; mais le poutifiral n'a idiis do succession ctiarnelto. I.a l"i de crainte est alir^iRoc et fait place h une loi de
meilleure espérance. — Nous n'avons qu'un pontife désormais; il est donc imrnnrtcl et loiijiiurs prie pour nous. —
Nous
n'avons qu'un seul sacrifice ; encore Jésus ne l'a-t-il pas olferl pour lui-même, puisqu'il était iuipcccable.
i et 5. Beaucoup différaient de recevoir le baptême, et le retardaient jusqu'à leur mort conduite dangereuse, vrai mépris de
: la
vertu en elle-même. — En se sauvant ii la dernière heure, on n'arrive qu'à la dernière place au ciel quelle houle !:

Pourquoi tarder d'accomplir des commandements si doux, que souvent les vices contraires sont plus pénibles même à la

nature (

1. « Si donc la perfection était l'œuvre du sacer- prie, son incomparable habileté! La raison même
«docelévilique»,dil rapàlrc,etc. Après avoir parlé qui, selon toute vraisemblance, devait exclure du
de Mclchisédech, et avoir montré qu'elle était sa sacerdoce Mclchisédech qui n'était pas de la race
prééminence sur Ahraham, après avoir ainsi établi d'Aaron, lui sert au contraire à l'y maintenir et à
une grande différence, il continue à prouver la détrôner les autres. Et pour arrivera cette conclu-
distance qui sépare les deux Testamenis, dont l'un sion, il se pose à lui-même un doute Pourquoi :

était imparfait, tandis que l'autre est la perfection n'est-il pas dit (piètre) selon l'ordre d'Aaron? Et
mômi,'. Toutefois,il ne vapasaucœur même de son voici la solution qu'il donne : Et moi aussi, je me
sujet; ne raisonne et ne combat d'abord que
il demande pourquoi il selon l'ordre
n'a pas été
par la comparaison du sacerdoce et de l'alliance; d'Aaron; car c'est ainsi qu'il faut entendre ce
car pour les incrédules d'alors ces preuves étaient qu'il dit « Si donc la perfection eût été l'œuvre
:

plus saisissables, puisque la démonstration allait « du sacerdoce lévilique, etc. », et celte parole en-

porter sur le dép6l même cju'rts avaient reçu. core: «Pourquoidèslorsa-t-il été nécessaire», etc.,
Il a donc montré que Lévi et Abraham restent phrase extrêmement significative. En effet, siJésus-
bien en arrière de Melchisédecb, lequel, même de Christ était venu d'abord selon la chair pour être
leur aveu, a eu rang parmi les prêtres. Il part main- prèlre selon l'ordre de Mclchisédech, et qu'aïuès
tenant d'une autre preuve; ut d'où? Du sacerdoce lui fût survenue la loi avec le sacei'doce d'Aiirun,
chrétien comparé à celui des juifs. Et voyez, je vous on aurait eu raison du conclure quu le second
CÔMMENTAÎRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XHl. 509

fail était un perfectionnemeat qui anéanlissait le étaitd'abord, elle est maintenant devenue sacer-
premier, puisqu'il lui succédait. Mais si Jésus- dotale. Ainsi s'est-il fait en Jésus-Christ. Lui qui
Clirist, au contraire, est postérieur à la loi, s'il a fut toujours roi, a été fait prêtre quand il prit notre
adoplé un autre type sacerdotal, il est évident que chair,quand il offrit le sacrifice. Voyez-vous le
tout le lévilisme est imparlait; car supposons un changement? Ce qu'on lui présentait comme une
instant, dit l'apôtre, que le sacerdoce antérieur à objecliofl, l'apôtre l'élablit précisément et par la
Jésus-Christ, celui d'Aaron , était partait et ne seule logique des faits. « En effet, celui dont ces
laissait à désirer; pourquoi donc dès lors
rien « choses ont été prédites », nous dit-il, « est d'une

l'Ecriture nous parle-t-e!led'un prêtre selon l'ordre € autre tribu dont personne n'a jamais servi à l'au-

de Melcliisédecli et non selon l'ordre d'Aaron? « tel ; puisqu'il est manifeste que Notre-Seigneur
Pourquoi laisser Aaron et introduire un autre sacer- « est sorti de Juda, tribu à laquelle Moïse n'a ja-
doce, à savoir, celui de Melchisédech, si la porfec- « mais attribué le sacerdoce (13, 14) ». L'apôtre dit
tion se trouvait dans le sacerdoce lévitique, c'est- donc équivalemment Et moi aussi je sais qu'il
:

à-dire, si ce sacerdoce lévitique avait, au complet, n'a eu aucune part à votre sacerdoce; que nul de
toute la doctrine et de la foi et des mœurs? Et remar- cette tribu ne l'a exercé, comme le montre évi-
quez, comme sans dévier d'un pas, l'apôtre avance : demment cette affirmation « Nul n'a jamais servi
:

Il avait dit a selon l'ordre de Melcliisédech » et avait « à l'autel ». Tout est donc transféré. Ainsi élait-il
montré que ce sacerdoce était le plus grand, parce nécessaire que la loi ancienne et l'Ancien Testa-
que Melchisédecb était plus grand qu'Abraham. ment fussent transférés , puisque la tribu [sacer-
Puis, il prouve encore la même chose par la con- dotale] elle-même a changée.
été
sidération du temps, en disant que, puisque le 2. Or, voyez commeva dévoiler une autre dif-
il

sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech a paru férence que celle que lui fournit déjà ce change-
après celui d'Aaron, c'est qu'il est plus grand. ment de tribu. 11 ne lui suffit pas de montrer la
Mais que signifient ces paroles qui suivent immé- différence immense qui résulte de la tribu, de la
diatement «Sous lequel [sacerdoce] le peuple a
: personne, de la manière, du testament, mais il va
« reçu la loi? » Que veut dire « sous lui ? » C'est la prouver par le personnage figuratif. « Lequel
que par lui le peuple marche, le peuple fait tout « [Melchisédecb] n'est point établi selon la dispo-
par lui on ne peut dire qu'il ait été donné à d'au-
: « sition d'une loi charnelle, mais par la puissance
tres qu'à lui. C'est sous lui que le peuple a reçu « de sa vie immortelle (16) ». —
11 a été fait prêtre,

la loi, c'est-à-dire, grâce à son ministère. Et l'on dit-il, non pas selon la disposition d'une loi char-
ne peut dire que la loi était parfaite, mais non nelle; car celte loi, dans sa plus grande partie,
imposée au peuple. Le peuple , dit l'apôlre , a n'était point légitime ; et l'apôtre a raison de l'ap-
reçu la loi sous lui, c'est-à-dire par son organe et peler une loi charnelle; car tous ses règlements
intermédiaire. Qu'était-il donc besoin d'un autre étaient charnels. Car voici ce qu'elle commandait :
sacerdoce, si celui-là était parfait? « Car le sacer- Coupez votre chair, oignez votre chair, lavez votre
€ doce étant transféré,
il faut aussi que la loi chair, purifiez votre chair, tondez votre chair, liez
donc un autre prêtre, ou plutôt un
« le soit ». Si votre chair, nourrissez votre chair, donnez le re-
autre sacerdoce est devenu nécessaire, il faut aussi pos à votre chair; ne sont-ce pas, je vous prie,
nécessairement une autre loi. Ceci est à l'adresse autant de lois charnelles? Que si vous voulez sa-
de ceux qui disent Qu'était-il besoin d'un Nou-
: voir quels biens elle promettait, écoutez Longue
:

veau Testament? Il aurait pu prouver ce besoin vie à votre chair, était-il dit, à votre chair lait et
par les prophètes eux-mêmes « Voici », disent- : miel, paix à votre chair, plaisir à votre chair. C'est
ils, «le testament, l'alliance que j'ai faite avec vos d'une telle loi qu'Aaron reçut le sacerdoce, mais
« pères». Pour le moment, il n'argue que d'après le non pas certes Melchisédech.
sacerdoce. Et voyez comme il brûlait d'arriver à « Et ceci parait encore plus clairement, en ce
cette conclusion. Il a dit Selon l'ordre de Melchi-
: « qu'il se lève un autre prêtre selon l'ordre de
sédecb c'était rejeter déjà le sacerdoce d'Aaron.
: « Melchisédech (15) ». Qu'est-ce qui parait claire-
Car si un autre sacerdoce a été introduit depuis ment? La différence qui est très-grande entre les
lors, il a bien fallu aussi qu'il vint un autre testa- deux sacerdoces, et l'incontestable prééminence du
ment. Car il est impossible qu'un prêtre soit sans personnage qui n'a pas été fait prêtre par la dispo-
testament, ni lois, ni préceptes; oh qu'en recevant sition d'une loi charnelle. Et qui est celui-ci? Est-
son sacerdoce, il se serve de l'antique alliance. ce Melchisédech? Non, mais Jésus-Christ, qui l'est
Onpourrait lui objecter Comment fut donc
: par la vertu de sa vie immortelle; ainsi que l'E-
prêtre celui qui n'était pas lévite? Mais comme il criture le déclare par ces mots « Vous êtes le
:

a établi plus haut comme vérité fondamentale la « Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech (17)»,
maxime contraire, il ne veut pas même résoudre c'est-à-dire, non pour un temps, non pour finir,
une telle objection, et ne lui jette qu'en passant mais selon la vertu d'une vie immortelle. Par ces
cette réponse Je vous ai dit que le sacerdoce a
: paroles, il nous montre que Jésus a été fait prêtre
élé transféré ; donc aussi le testament; et Dieu ne par sa vertu et par celle de son Père, par sa vie
l'a pas seulement changé dans son mode et dans qui n'a point de fin. Toutefois, ceci ne s'ensuit
ses règles, mais même dans la tribu. Comment? pas logiquement de ce qui a été dit plus haut ; « Il
C'est que le sacerdoce est transféré d'une tribu à « n'a pas été fait prêtre par la disposition d'une loi
une nulle, de la tribu sacerdotale à la tribu royale, < charnelle »; le raisonnement exigeait Il l'a été
:

de sorte qu'à l'avenir elle réunit sacerdoce et par une loi spirituelle. Mais, par « charnel » l'apô-
roputé. Or, voyez le mystère. De royale qu'elle tre entend plutôt temporel, comme quand il dij
SIO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ailleurs lois ne devaient durer que jusqu'à


: Ces core c'est que nous serons auprès de Dieu, que
:

un temps meilleur, elles n'élaienl que des jusiili- nous arriverons jusqu'à ce irôiie de notre Père, el
calions charnelles, en attendanlla vertu de la vie; que nous le servirons avec les anges. Car Paul
c'esl-à-dire, en attendant celui qui vit par sa pro- disait plus haut « Nous entrons jusqu'au-delà du
:

pre vertu. Après avoir dit que la loi subit un chan- « voile »; mais ici « Par elle nous approchons
:

gement, et montré la nature de ce changement, « jusqu'à Dieu ».


il en cherche la cause, satisfaisant ainsi l'esiinl hu- « El de plus, ce n'est pas sans un serment de sa

main, qui aime à savoirlacause de tout, et gagnant u part «. Qu'est-ce à dire : « Et de plus, ce n'est

dailleurs ainsi notre conliance , puisqu'il nous « pas sans un serment ?« C'esi cela même non :

apprend la cause et la raison de celte mutation. sans un serment; et voilà une autre dilféronce;
« Car la première loi est réprouvée comme étant car nos promesses ne sont pas sans raison dii-il. ,

« impuissante et inutile (18) ». Ici les hérétiques M Car au lieu que les autres prélres ont été établis
s'élèvent contre nous et nous disent Voila Paul : « sans serment, celui-ci l'a été avec serment. Dieu
qui déclare la loi mauvaise! Mais soyez allenlirs et « lui ayant dit Le Seigneur a juré, et son seiniunl
:

remarquez qu'il ne dit pas Elle est rejetée comme


: « demeurera immuable : Vous êtes le Prêtre éter-
vicieuse et dépravée, mais comme impuissante et « nel selon Melchisédech ; tant il est
l'ordre de
inutile. Il a déjà montré ailleurs celte impuis- « vrai que l'alliance dont Jésus est le médiateur
sance, quand il disait par exemple « Dans cette : « est plus parfaite que la première; aussi y a-t-il
« loi on était intlrme par la chair «j nous étions « eu autrefois successivement plusieurs prêtres,
donc infirmes, et non pas la loi. « parce que la mort les empêciiait de l'êlre lou-
« Car rien conduit à la perfection (19) ».
la loi n'a « jours; mais comme celui-ci demeure éternelle-
yu'esl-ce à dire, elle n'a rien conduit à la perfec- « ment, il possède un sacerdoce qui est éternel
tion î Elle n'i rendu parfait aucun homme, parce « (21-24) ».
qu'aucun ne lui obéit; et quand bien même on L'apôtre établit deux diflérences le sacerdoce :

l'eût écoulée, elle n''aurait pu produire la perfec- nouveau, contrairement au .sacerdoce légal, n'a pas
tion, la vraie vertu. Pour le moment, il n'alFirme de fin el s'appuie sur un serment. Il le prouve par
pas môme cela, et se contenle de dire qu'elles n'a Jésus-Christ qui le reçoit et en remplit les fonc-
pas eu de force. El c'est vrai c'était la condition; tions, en effet, selon la vertu d'une vie immor-
des lettres sacrées mêmes Faites ceci, ne faites
: telle. Il démonlre le second point par le serment
pas cela; elles ne pouvaient que proposer, sans qu'il cite et par la nature même du ponliticat; le
apporter en même temps la force et le pouvoir précédent a été rejeté pour cause d'imijuissance;
d'accomplir le précepte. Telle n'est pas la véritable celui-ci reste el demeure parce qu'il est puissant
espérance. Pourquoi dit- il « réprouvée?» Com- et fort; le prêtre nouveau lui fournil aussi une
prenez Rejetée. Et sur quoi porte ce rejet, il l'in-
: preuve, et comment? C'est qu'il est seul el unique;
dique « Sur la loi précédente », désignant ainsi
: et ne serait pas seul, s'il n'était immortel. Car
il

la loi [mosaïque] qui a été rejetée à cause de son comme les prêtres ne sont nombreux que parce
impuissance. La réprobation, c'est l'abrogation, la qu'ils sont sujets à la mort, ainsi dans le cas pré-
destruction dérègles qui jusque-là avaient force sent, le prêlre est unique parce qu'il est immortel.
et vigueur. C'est assez dire que la loi eut dans un Et Jésus est devenu le gaiant d'une alliance d'au-
temps vigueur et force, mais que plus tard elle fut tant meilleure, que Dieu lui a juré de le maintenir
vouée au mépris, pour n'avoir rieu produit. La loi prêtre à jamais, serment qu'il n'eût point fait, si
n'a donc servi de rien ? Au contraire , elle eut son Jésus n'était vivant.
utilité, sa grande utilité même, mais elle ne servit 3. « C'est pourquoi il est toujours en état de
aucunement à créer des hommes parfaits car elle- ; «sauver ceux qui s'approchent de Dieu par sou
même n'a rien perfectionné. L'apôtre dit ([iii^ la loi « entremise, étant toujours vivant alln d'intercé-
n'a rien parfait, parce que sous son régne tout était « der pour nous (2!)) ». Vous voyez (ju'en parlant
ligure, tout était vaine ombre, circoncision, saeri- ainsi, Paul considère Jésus dans son humanilé.
lice, satibat.Ces institutions n'ont pu arriver jus- En le manlianl comme piètre,il le déclare aussi-

qu'aux âmes, et partout elles cèdent et se retirent. tôt notre intercesseur. JNous affirmer qu'il inter-
* -Mais voici que s'introduit une cspéiaiice niell- cède pour nous, c'est sous-cnfi.'iulre ((u'alors il
« lenre par laquelle nous nous approchons de agit comme piètre. Car de celui qui, à son gré,
« Dieu. El de [dus, ce sacerdoce n'est pas établi irssuscite les moiis el qui donne la vie comme, le
a sans serment». Vous voyez qu'ici encore le ser- l'èie, tomment dit-on qu'il inteicède, lorsqu'il
ment a été nécessaire, et ceci vous explique pour- déviait sauver? Coiiimeiit inlcicède Celui à qui
quoi, précédemment, il a discuié avec tant de sa- appaiiient tout jugement ? Comiuent iiilerccde
gesse cette question du serment de Dieu, et la Celui qui envoie les anges pour jeter ceux-ci dans
raison qui le détermine à jurer pour que noire la fouinaise et sauver ceux-là? Aussi l'apôtre dit:
conviclion soit plus certaine el plus pleine. — a 11 peut sauver», et il sauve, parce que lui-même
Voici a l'introduction d'une meilleure espérance » : ne meurt point. El paice qu'il ne meurt pas et
qu'est-ce à dire? La loi aussi avait une espérance, qu'il vil à jamais, il n'a pas, selon l'apôtre, de suc-
mais non telle que celle-ci, ses observateurs espé- cesseur. Et s'il n'a pas de successeur, c'est qu'il
raient posséder la terre el ne pas trop soutliir. El peut défendre tous les hommes. Car, en Israël, le
nous, nous espérons qu'en faisant la volonté de ponlife, bien qu'admirable, ne durait qu'autant
iiiKU, nous posséderons non pus la ieric, mais le que. sa vie iiiêinii ; ainsi S.iiuutd, ainsi tous ceux
Uti; <iue dis-jc?ûous etijùrons bien iujcux en- qui l'uvëlu'uiil celle di^juiiéi eii>>uile, iliju'cluieut
Commentaire sur l-épitre de s. paul aux hébreux. — homélie xiii. su
plus rien, puisqu'ils mouraient. Pour le nôtre, leste, il soit debout, agissant comme ministre.
c'est l'opposé, il sauve atout jamais. Qu'est-ce à C'est là l'œuvre de l'incarnation. En devenant es-
dire « A tout jamais? » Ceci donne à entendre
: clave, il devint aussi prêtre et ministre. Mais de
quelque grand mystère. Ce n'est pas ici-bas seule- même que devenu esclave, il n'est pas demeuré
ment, nous répond saint Paul, c'est dans l'autre esclave; de même s'il s'est fait ministre, il n'est
vie aussi qu'il sauve tous ceux qui par lui s'ap- pas resté ministre la marque du serviteur, en
:

prochent de Dieu. Comment les sauve-t-il? C'est effet, ce n'est pas d'être assis, mais debout. Ces
qu'il est toujours vivant afin d'intercéder pour paroles marquent donc la grandeur de son sacri-
eux. Remarquez-vous l'iiumililé de sa très-sainte fice qui, bien qu'unique, a suffi cependant; et bien
humanité? Car il ne dit pas qu'une fois par ha- qu'olTert une seule fois, eut une valeur que n'ont
sard remplira ce rôle ; mais toujours, mais tant
il pas eue tous les sacrifices du monde. Mais nous
qu'il sera besoin, il prie pour eux à tout jamais. n'avons pas encore à traiter ce sujet.
Que signifie encore « à tout jamais? » Non-seule- II l'a donc fait une fois », ce sacrifice, dit saint
Il

ment dans le temps présent, mais jusque dans la Paul. Lequel? Le sacrifice « nécessaire », nous
vie iuture. 11 a donc toujours besoin de prier? Et répond-il encore ; il lui a fallu trouver une of-
par quelle convenance s'y soumet-il? Souvent des frande aussi ; « non pas pour lui-même » : com-
justes, par une seule prière , ont tout obtenu et : ment pour lui, étant impeccable? Mais
ofirirait-il
lui doit toujours prier ? Pourquoi donc est-il assis « pour peuple ». Que dites-vous, ô Paul ! Il n'a
le

sur un trône? Voyez-vous que c'est par condes- pas besoin d'offrir pour lui-même, et telle est sa
cendance que l'apôlre tient ce langage humble? puissance? Certainement, nous répond-il. Car
Voici ce que saint Paul veut nous laire compren- pour vous empêcher de croire que cette affirma-
dre Ne craignez pas, dit-il; et ne dites pas Cer-
: : tion : B 11 l'a fait une fois », s'applique aussi à lui,

tainemcni il nous aime, et il a toute liberté de écoulez ce que l'apôtre ajoute « Car la loi établit
parler à son Père, mais il ne peut pas toujours a pour pontifes des hommes faibles », c'est pour-

vivre. Au contraire, il vil toujours. quoi ils otTrent toujours pour eux-mêmes; mais
t Car convenable que nous eussions un
il était celui-là, qui est si puissant, qui n'a pas même de
f pontife comme celui-ci, saint, innocent, sans péché, pourquoi offrirait-il pour lui-même? Donc
t tache, séparé des pécheurs (26) ». Vous voyez ce ne tut pas pour lui-même, mais pour le peuple
que tout cela est dit de son humanité. Mais quand qu'il offrit, et qu'il n'offrit qu'une fois.
je dis rimmanilé, je parle d'une humanité qui « Mais parole de Dieu , confirmée par le ser-
la
possède la divinité ne partageant pas Jésus, mais
; « ment qu'il a fait depuis la loi, établit pour pon-
vous donnant facilité de mieux comprendre ce qui « tife le Fils qui est parfait à jamais ». Parfait,
convient. Avez-vous vu la différence de poniif'es? qu'est-ce à dire? Paul n'établit pas d'antithèses
Il résume ce qu'il a dit plus haut. « H a été rigoureuses. Il disait des autres prêtres qu'ils sont
« éprouvé de toutes manières, sauf par le péché, faibles, il ne dit pas que le Fils est puissant, mais
t pour nous ressembler ». Tel convenait-il que « parfait », ce qui comprend la puissance ; et vous

fût notre pontife, saint, innocent. Qu'est-ce à dire, pourriez ajouter Voyez- vous que le nom de Fils
:

« innocent? n Ni méchant, ni trompeur; ce qu'un est ici rappelé par opposition à esclave? Par fai-
autre Prophète exprime ainsi « Le mensonge n'a : blesse, ici, il entend ou le péché ou la mort. —
« pas élé trouvé sur ses lèvres ». Qui parlerait Mais que veut dire : « A jamais parfait? » Inacces-
ainsi de Dieu, et ne rougirait de dire qu'un Dieu sible à tout péché, non-seulement maintenant,
n'est ni menteur ni tourbe? Mais de Jésus selon mais toujours- Si donc il est parfait, s'il. ne pèche
la chair il convient de déclarer qu'il est saint. jamais, s'il est toujours vivant, pourquoi offri-
« Sans tache » vous ne direz tien de pareil de
: rait-il pour nous plusieurs sacrifices? Mais il n'in-

Dieu, parce que sa nature est telle qu'elle ne peut sisle pas sur ce point; il s'appesantit seulement
être souillée. « Séparé des pécheurs ». Ceci n'in- sur cette vérité qu'il n'offre pas pour lui-même.
:

dique-l-il qu'une dilTérence, et ne rappelle-t-il pas Puis donc que nous avons un tel pontife, imi-
son sacrifice? Oui , son sacrifice aussi, et com- tons-le, marchons sur ses traces. Plus d'autre sa-
ment? crifice que le sien : un seul nous a purifiés; au
« Qui ne fût point obligé, comme les autres delà, il n'y a plus que l'enfer et le feu. C'est pour
a prêtres, d'offrir tous les jours des viclimies, pre- cela que Paul remue ciel et terre pour nous répé-
<r mièrement pour ses péchés, et ensuite pour ceux ter que nous n'avons qu'un prêtre, qu'un sacri-
i> du peuple; ce qu'il a fait une fois en s'otfrant fice; de peur que s'imaginanl qu'il y en a plu-
« lui-même (27) ". Ces paroles sont comme l'in- sieurs, quelqu'un ne pèche avec assurance.
troduction à ce qu'il dira touchant l'excellence i. Nous tous donc qui avons élé admis à la
du sacrifice spirituel. Déjà il a marqué la dilfé- dignité de chrétiens, et "'^i avons reçu le carac-
rence de prêtre et la différence de testament. Il ne tère baptismal, nous ".ous qui avons eu part au sa-
l'a pas traitée entièrement mais il l'a indiquée : crifice, nous '^us qui avons participé à la table
déjà cependant. Ici , il donne en quelque sorte le immortelle, conservons intacte notre noblesse et
prélude du sacrifice même. N'allez pas croire, noire honneur car une chute ne serait pas sans
:

quand vous entendez parler de Jésus comme prê- un immense danger. Quant à ceux qui n'ont pas
tre, qu'il remplisse toujours la fonction du sacer- été ennoblis par de semblables honneurs, qu'ils
doce. Il a rempli cette chnrge de sacrificateur une n'aient pas pour cela une triste confiance. Quand
fois, et niaintenaiil il s'est assis poui' toujouis. Ne un homme pèche, en elTel, avec l'idée de recevoir
pensez pas que parmi les Uabityn's de la cour cé- le baDiême au deinicr soupir, souvent il ae reçoij
SI 2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

pas celle gràco. Ci'oyez-moi co n'est p;is pour


: remords, quand il ainsi son compagnon
verra
vous épouvanter que je poursuis ce que j'ai à dire. d'armes élevé au des dignités, parvenu au
faîte
J'en connais plusieui's à qui ce niallieur est arrivé; comble de la gloire, dictant des lois au monde
dans l'espoir et l'attente de ce sacrement de l'illu- entier, lorsque lui-même reste au plus bas degré,
mination, ils péchaient beaucoup ; et au terme de et ne peut môme s'honorer d'avoir échappé au
leurs jours, ils sont partis vides et nus. Car c'est supplice, cet honneur appartenant tout entier
pour briser les chaînes du péché et non pour les à la clémence et au pardon de son prince !

multiplier, que Dieu a donné le baptême. S'en Ah ! quand bien même le souverain l'aurait
servir pour pécher plus à l'aise, c'est se créer relâché et lui aurait pardonné ses crimes, il ne
des raisons de lâcheté et de négligence. Si le bain vivra que couvert de honte et d'ignominie; il no
sacré n'existait pas, tel vivrait avec plus de pré- sera pas, certes, admiré des autres, car dans le
caution, parce qu'il n'aurait pas de pardon à espé- cas d'une grâce semblable, on n'admire pas celui
rer. Vous connaissez le détestable principe Fai- : qui la reçoit, mais celui qui l'accorde; plus est
sons le mal pour que le bien s'ensuive; c'est nous grand le don oclroyé, plus est aiïieuse la honte
qui pratiquons ce prineipe et voulons qu'on le ré- de celui qui en est l'objet, puisqu'il suppose de
pète Aussi, je vous en prie, vous qui n'avez pas
! grands crimes commis.
encore été initiés aux saints mystères, réveillez- De quels yeux donc un tel chrétien pourra-l-il
vous. Que nul n'aborde la pratique de la vertu en voir ceux qui sont dans la cour céleste, et qui
vrai mercenaire, en véritable ingrat; que personne montrent et leurs blessures et leurs travaux in-
n'y entre comme dans une entreprise pénible et nombrables, lorsque lui-même ne pourra rien
ennuyeuse. Non mais approchons avec un cœur
! montrer, lorsqu'il ne devra (ju'à la bonté et à la
allègre, une âme joyeuse Quand bien même, en
! clémence de Dieu d'être relâché sain et sauf ?
eflet, on ne nous proposerait aucune récompense, Tel qu'un homicide, un voleur, un adultère prêt
ne t'audrait-il pas être vertueux? Soyons-le donc à niarclii'r_au dernier supplice, et qu'un haut per-
encore avec l'espoir d'une récompense. N'est-ce sonnage s'est fait donner à discrétion, et qu'il fait
pas ici une lionte et le comble du déshonneur? Si tenir à la porte de son misérable n'o-
palais : le
vous ne me donnez point de salaire, dites-vous, je sera, d'ailleurs, regarder personne en lace, bien
ne veux être ni modeste ni tempérant. Eh bien ! qu'après tout il ait échappé au coup fatal : tel sera
moi, j'ose vous dire que vous ne serez jamais ce chrétien.
tempérants ni modestes, si vous voulez l'être pour 5. Car de ce qu'on appelle ce séjour la cour
un salaire. Vous n'estimez point la verlu, si vous céleste, n'allez pas croire que tous y occupent le
ne l'aimez pas. El toutelois Dieu, à cause de notre même rang. Dans les cours de nos princes, vous
infirmité, a bien voulu y attacher une récompense; voyez des premiers olllciers, et tous ceux qui font
et nous, même à ce prix, nous n'en essayons cortège au souverain, et toutes sortes de bas offi-
point. ciers, et jusqu'à ces licteurs qui occupent l'emploi
Or, supposons, si vous le vouliez, qu'un homme appelé de Décan ; tous s'y rencontrent, bien
meure, après avoir commis des péchés sans nom- qu'entre le licteur et le grand officier, la dislance
bre, et cependant après avoir reçu le baptême, ce soit immense. Bien plus grandes encore seront les
qui, à mon sens, n'arrivera pas de sitôt. Comment diflérences dans la cour céleste. Et je ne dis pas
cet homme partira-t-il pour le ciel? S'il n'est plus cela de moi-même, car saint Paul élablit une
accusé du mal qu'il aura commis; il est certain autre différence bien autrement eonsidérable que
cependant qu'il ne jouira pas d'une grande con- toutes celles-là. Les diflérences qui se remarquent
fiance. Car après avoir vécu un siècle, il ne montre entre les astres, depuis le soleil jusqu'à la lune,
dans sa conduite qu'un bien, c'est qu'il n'a plus jusqu'aux étoiles, jusqu'à la moins brillante de
de péchés ; je me trompe, il ne peut même mon- celles-ci, ne sont pas en plus grand nombre ni
trer si peu; il est sauvé uniquement par la grâce : plus grandes que celles qui existent entre les ha-
or, quand il verra les autres élus couronnés, glo- bitants de la cour divine. Or, qu'entre le grand
rieux, environnés d'honneur et d'eslime, quoiqu'il oflicier et le licteur il y ait une distance bien
ne tombe pas en enfer, supportera-t-il, dites-moi, moindre qu'entre le soleil et la moindre étoile,
l'angoisse et la honte qui tourmenteront son àme? c'est chose évidente à tous les yeux; car le soleil
Un exemple éclaircira ma pcnséi'. Voici deux éclaire à la fois cl réjouit la terre tout entière, et
soldats; l'un est voleur, habiiué à l'injustice, sa lumièie éclipse la lune et les étoiles; et telle
ravisseur du bien d'autrui; l'aulic, au con- petite étoile ne parait peut-être même jamais ot
traire, se en brave, s'illustre par
conduit reste perdue dans les ténèbres, car il est l)inn des
des hauts faits, se couvre de trophées en trem- étoiles que nous n'aiiercevons même pas.
pant ses mains dans le sang des ennemis. Quand donc nous veii'ons les autres devenir
TMus tard, quand le moment est venu, on vient le des soleils, tandis que nous irons prendre la
prendre dans le rang où était avec lui le soldat place des moindres étoiles, de celles qui ne se
voleur, on le conduit soudain au trône impérial, devinent même pas, quelle consolation nous res-
on le revêt de pourpre, tandis que l'autie est tera-t-il ? Ah ! je vous en prie, ne soyons pas
maintenu à .sa place vulgaire, et ne doit qu'à la ainsi tardifs, lourds et lâches ; ne traitons pas
clémence du souverain de n'être pas puni de ses l'affaire du salut dont Dieu est l'enjeu, de façon
crimes; mais il reste au dernier plan, mais on lui à la changer en œuvre de loisir; exerçons sur
assigne sa place loin de l'empereur suppoilera- : elle un saint négoce, .sachons la faire valoir et la
l-il, dites-moi, le poids de son chagrin et de ses multiplier. Car enfin chacun ici, fût-ce un calé-;
COMMENTAIRE SUR L'ÈPITRE DE S. PAUL AUX HEBREUX. — HOMÉLIE XIY. 513

cliiimène,chacun connaît cependant Jésus-Christ, trageant Dieu car il est présent partout, il
?
chacun apprécie la foi, entend la divine parole, entend tout. —
Gardez-vous de vous enivrer :
approche plus ou moins de la connaissance de c'est simple et beau. L'ivresse par elle-même
Dieu, et sait la volonté de son maître. n'est-elle pas un supplice ? Dieu ne vous dit pas :
Pourquoi ces délais, ces hésitations, ces re- Disloquez votre corpsj mais quoi ? Ne vous eni-
tards 1 Rien n'est meilleur qu'une vie vertueuse vrez pas, c'est-à-dire ne le dégradez pas au point
pour ce monde comme pour l'autre, pour les de faire perdre à l'àme sa royauté. Quoi donc î
fidèles bnpiisés et pour les catéchumènes. Car, Faut-il refuserions les soins à son corps? Arrière
je vous le demande, quel est le commandement cette doctrine; je ne la prêche pas; Paul a for-
qui soit pour nous lourd et intolérable ? Ayez, mulé ainsile précepte « N'ayez aucun souci delà
:

Dieu le dit, ayez une épouse et soyez modéré et «chair dans ses mauvais désirs» (Rom. xiii, 14);
continent est-ce donc difRcile ? Comment le
: ne vous prêtez jamais à sa concupiscence. Ne —
prétendre, lorsque tant de personnes même sans ravissez pas ce qui n'est point à vous; gardez-vous
épouse savent être chastes, non-seulement parmi d'envahir par avarice le bien d'autrui ; ne com-
les chrétieus, mais parmi les gentils ? Une pas- mettez point de parjure. Faut-il, pour accomplir
sion que le gentil domine par vanité, ne sauriez- cesdevoirs, beaucoup travailler, beaucoup suer? —
vous l'éviter, vous, par crainte de Dieu? « Don- — N'accusez pas, est-il dit, ne calomniez pas : est-
« nez », Dieu le dit, « donnez aux pauvres suivant ce donc pénible ? C'est ie contraire qui est pé-
« vos moyens » : est-ce un devoir lourd et into- nible. Car lorsque vous prononcez une parole de
lérable ? Mais ici encore les gentils nous ac- délraction, vous êlcs en dniiger; vous tremblez
cusent, eu.x^ qui, par vaine gloire, jettent parfois d'avoir été entendu par la ))prsoMne, considérable
leur fortune entière à pleines mains. tenez —Ne ou chélive, dont vous avez .linsi parlé. Si c'est un
point de discours obscènes. Est-ce dillicile?Ne grand de ce monde, vous êtes de fait en danger ;
devrions-nous pas nous conduire assez honnête- si c'est un petit selon le siècle, il vous rendra la
ment pour y voir notre propre déshonneur? C'est pareille, il vous paiera même avec usure, il vous
le contraire, c'est, veux-je dire, tenir des discours allaq\iera par des discours plus malveillants. —
déshonnctesqui est une difficulté, et vous )e voyez Non, sachons vouloir, et aucun précepte ne sera
avec évidence, par ce fait qu'on a la honte au pour nous lourd ni dilficile. Mais si nous n'avons
cœur et la rougeur au front, lorsqu'on a laissé pas de volonté, tout ce qui est le plus facile nous
échapper des paroles de ce genre, qu'on ne pro- paraîtra malaisé. —
Quoi de plus facile que de
noncera pas, à moins d'être ivre. Pourquoi, en manger ? Mais telle est la mollesse de quckiues
effet, une fois assis sur la pldce publique, n'y gens, qu'ils trouvent même cette l'onciion pénible.
faites-vous plus ce que vous vous permettez peut- El j'entends plusieurs personnes dire que manger
être à la maison ? N'êtes-vous pas retenu par les est un travail. Aucune fonction n'est laborieuse,
témoins qui sont là ? Pourquoi ne le feriez-vous si vous le voulez, car avec la grâce céleste tout
pas même en présence de votre femme ? N'est-ce repose sur votre volonté. Veuillons donc le bien,
pas de peur de la couvrir de honte ? Or, ce que afin de gagner aussi les biens éternels, par la grâce
vous ne faites pas par respect pour votre épouse, et la bonté etc.
comment ne rougissez-vous pas de le faire en ou-

HOMELIE XIV.
TOUT CE QUE NOUS VENONS DE DIRE SE RÉDLIT A CECI LE PONTIFE QUE NOUS AVONS EST SI GRAND, :

yUIL RST ASSIS DANS LE CIEL A LA DROITE DU TRONE DE LA SOUVERAINE .MAJESTÉ. (CHAlMTllE VUI
EN ENTIER.)

Analyse»
1-3. Grandeurs et humitialionsdans Jésus-Christ, ministre d'un nouveau tabernacle qui est le ciel. — Celui-ci n'est pas sphérique
oi mobile courte excursion dans l'astronomie.
: —
Le sacerdoce de la loi nouvelle est tout céleste : admirable idée des sacre-
ments cl de la liturgie chrétienne, dont les riles juifs n'avaient que t'ombre et l'ébauche. — L'alliance nouvelle a été prédite;
l'ancienne a été réprouvée d'avance en toutes lettres. —
Caraclére de la loi de grâce. —
Elle n'est pas écrile ; les apôtres
n'ont reçu du ciel aucun livre : témoignage écrasant contre le prolestanlisme. —
L'alliance est nouvelle bien que contenant les
débris de l'ancienne.
4. La pénitence, l'oubli de mal faire et ta réparation des méfaits, rend i l'àme sa première beauté. — La nuit est le temps
favorable à la contrition et à la prière. — La prière du matin et du soir est nécessaire, mais surtout le bon emploi de la nuit.

Saint Paul mêle dans son discours les humi-


1. parent la voie aiix choses sublimes et divines.
liations et les grandeurs; il imite en cela son La vue de celles-ci nous apprend que celles-là
divin Maître. Les choses humbles et basses pré- élaient un effet de la bonté de Dieu qui voulait

S. J. Cil. — To-iiE XI. 33


tu TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMB.

condescendre à notre faiblesse. C'est ce plan gé- miséricordieux abaissements. 11 y revient donc, et
néral qu'il suit en particulier dans ce passage. 11 comme quelques-uns demandaient : Pourquoi
a commencé par dire que Jésus s'est offert, et est-il mort? Parce qu'il était prêtre, répond-il;
puis, nous l'ayant montré comme Pontife, il pas de prêtre sans sacrifice; il lui faut donc un
ajoute « Voici maintenant le comble et le cou-
: sacrifice, à lui aussi. Saint Paul, qui a déclaré
« ronnement de tout ce qui a été dit jusqu'ici; d'ailleurs que Jésus est dans le ciel, dit donc et
« nous avons un Pontife si grand qu'il s'est assis montre de toute manière qu'il est prêtre, rappe-
« dans le ciel à la droite du trône de la Majesté lant et Melcliisédech, et le tabernacle, et le sacri-
«souveraine ». Or, être assis n'est pas le propre par Notrc-Seigneur. Et, toujours dans
fice offert le
d'un pontife, mais de celui à qui le sacrifice est but de prouver le sacerdoce de Jésus-Christ, il

offert par le pontife. —


« Etant le ministre du construit un nouveau raisonnement :

« sanctuaire » ; non pas simplement « ministre », « S'il avait été prêtre surla terre », dit-il, « il ne
mais ministre du sanctuaire; «et du vrai taher- « serait pas prêire, puisqu'il y avait déjà des prô-
« nacle que Dieu a fixé et non pas un homme ». « 1res pour des dons selon la loi (4)». Si
od'rir
Voyez-vous ici l'abaissement volontaire ? Car donc il il l'est certainement, il faut
est prêtre, et
l'apôlre n'a-t-il pas établi, au début de son épitre, qu'il le soit ailleurs qu'ici-bas. Car s'il était prêtre
celte différence en faveur du Fils de Dieu, que les sur la terre, il ne serait pas prêtre, et pourquoi?
anges « sont tous des esprits ministres », et que parce qu'il n'a jamais offert de sacrifice, et qu'il
pour cette raison la parole « Asseyez-vous à ma : n'a pas rempli de fonction sacerdotale; et cela
«droite », ne leur sera jamais adressée ? 11 af- se comprend, puisqu'il y avait des prêtres cliargés
firme donc que celui qui s'assied n'est pas un de ces sacrifices. L'apôtre prouve qu'il était même
ministre, un simple serviteur. Comment donc ici impossible à Jésus-Christ d'être piètre sur la terra :
est-il appelé ministre, et ministre du sanctuaire 1 comment, en eflet, dit-il, l'aurait-il pu avant la
C'est donc comme homme que cette affirmation résurrection?
lui convient. Maintenant, mes frères, il vous faut élever vos
Quant au « tabernacle n, ici, c'est le ciel. Et pour âmes, et contempler la science apostolique de
moiilrei- la différence entre ce tabernacle et celui Paul; car voici une nouvelle différence de sacer-
des juifs, il dit que c'est non pas un homme mais doce qu'il nous dévoile. —
«Dont le ministère a
Dii'u ijui l'a fixé. Remarquez comment il élève les « pour objet la ligure et l'ombre des choses du

àinesdes |uifs qui ont cru en Jésus-Christ. Vrai- « ciel ». Que sonlici les choses du ciel? Lesclioses
seinlilablement, ilss'iiiiaginaient que nous n'avions spirituelles. Car bien que les saints mystères s'ac-
fidinlde tabernacle. Voici, leur dit-il, le prêtre, complissent en ce bas monde, ils sont néanmoins
le prêtre vraiment grand, bien plus grand que les digoes du ciel. En effet, quand on nous met de-
piiiiilfes d'Israël, et qui a offert un sacrifice plus vant les yeux Jésus-Christ tué et immolé; quand
adiiiiiable. Mais ne va-l-on pas voir ici un vain l'Esprit-Saint descend; quand ici se rend présent
étalage de mots pour séduire les esprits ? Non, Celui qui est assis à la droite du Père ; quand le bain
car il leur rend ses affirmations dignes de foi, en sacré engendre des enfants de Dieu; quand ceux-
les (trouvant et par le serment divin, et par le ci deviennent concitoyens des habitants du ciel,

tabernacle nouveau. Sur ce dernier point la diffé- puisque nous avons là-haut droit de patrie, de
rence était déjà éclatante; il leur en fait encore cité, puisque désormais ici-bas nous sommes
considérer une toute particulière « Il a été fixé», : étrangers et voyageurs, comment tous ces mystères
dit-il, « non de main d'homme, mais par Dieu ne sont- ifs point célestes? Et quoi encore? Nos
« même ». Où sont maintenant ceux qui affirment hymnes ne sont-elles point célestes? Les mêmes
le mouvement du ciel ? Où sont ceux qui disent chants que font entendre au ciel les chœurs des
que sa forme est sphérique ? L'une cl l'autre idée puissances incorporelles, n'en avons-nous pas
sontdélruitcs par ce seul texte « Or voici le comble : l'écho, cette humble terre?
nous qui sommes sur
« de tout ce qui a été dit ». Le comble, la tête, Elnolreautcl pas céleste aussi? Coinmcnlî
n'est-il

c'esl tout ce qu'il y a de plus élevé. Mais il va ra- C'est qu'il n'a rien de charnel ; toutes les offrandes
baisser son langage, et après avoir parlé des qui s'y font, sont spirituelles. Notre sacrifice ne
grandeurs du Christ, il peut sans crainte parler s'évanouit pas en cendre, en graisse, en fumée;
des abaissements. Pour que vous sachiez donc mais il ennoblit et glorifie les dons qu'on y pré-
que ce mot : « ministre », qu'il écrit ensuite, se sente. N'esl-il pas céleste le sacrement qui s'ac-
rapporte à l'humanité de Notre-Seigneur, écoutez complit en vertu de ces paroles adressées aux mi-
comme de nouveau il va le déclarer. nistres de tousIcH temps; « Les péchés seront remis
« Car tout pontife », dit-il, « est établi pour offrir « à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront

« à Dieu des dons et des victimes; c'est pourquoi « retenus à ceux à qui vous les retiendrez? » (Jean,

€ il est nécessaire que celui-ci ait aussi quelque XX, 23.) N'exercent-ils pas un pouvoir céleste, ceux
« chose qu'il puisse ofïrir (3)». Enm'entendantdire qui possèdent même les clefs du royaume des
qu'if est assis, n'allez pas croire qu'il n'ait pas été cieux?
appelé sérieusement pontife. On dit qu'if est assis 2. «Leurministêre apourobjet», dit-il, «la figure
|if)ur marquer sa divinité; on dit qu'if est pontife « et l'ombre des choses du ciel, comme il fut —
pour montrer sa miséricorde envers nous. L'apôlre « répondu à Moïse lorsqu'if construisait fe taber-
niMSle avec compfaisance sur ce dernier point, « nacfe. Voyez», disait le Seigneur, «et faites

il b'y étend davantage. Ilcraignait que l'idée de fa « tout selon le modèle qui vous a été montré sur

divinité de Jésus-CLrisl n'empèchùt de croire à ses « la montagne (5),»} c'est qu'en efléi, l'cuïu est un
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMELIE XIV. 515

moyen plus lent que la vue pour apprendre une « dans cette alliance que j'avais faite avec eux,
chose; ce que nous entendons ne se grave pas « et c'est pourquoi je les ai méprisés, dit le Sei-
dans notre esprit comme ce que nous voyons. « gneur ». Soit,dira-l-on et où esl la preuve que
;

« fJieu luimontre toutes clioses» ; peul-êlre ne les cette alliance soit finie? 11 l'a déjà fait voir par le
lui monirc-t-il qu'en modèle et en ombre, peut- prêtre; mais maintenant, il démontre plus claire-
être veut-il ici parler du temple. Car il a dit d'a- ment et-en termes exprès, qu'elle est rejetée. Com-
bord «Voyez et faites tout selon le modèle qui
: ment? «Par des promesses mtilleuresnOùcst, en
« vous a été montré sur la montagne». N'a-t-il vu vous prie,régalilé c.nlie le ciel et laterreî
efTet, je
que ce qui avait tiait à la construction du temple, Considérez ce terme Meilleures promesses; il
:

ou aussi ce qui se rapportait aus sacrifices et à est mis pour calmer les susceplibililés. 11 a dit plus
tout en général? Ce second sentiment peut êlre haut dans la même inicDiion «Parcelle espérance :

soutenu sans erreur. Car l'Eglise est céleste, elle « nous approchons de Dicu,es|)éran(:e meilleure»,

n'est rien moins qu'un ciel. dit-il. (Héb. VII, 19.) En elTet, dire meilleures pro-
« Au lieu que Jésus a reçu une sacrificature messes, meilleure espérance, c'est donner à en-
«d'autant plus excellente, qu'il est le médiateur tendre que l'ancienne alliance avait déjà ses pro-
« d'une meilleure alliauce{C)». Voyez combien, dit messes et son espérance. Mais ce peuple l'accu-
l'apôtre, le second sacerdoce l'emporte sur le pre- sant toujours « Voici », ajoute-t-il , « vuici que
;

mier, puisque l'ancien n'est que copies et figures, « des jours viendront, dit le Seigneur, où je con-
et que le nouveau est la vérité même. Mais cette « sommerai une alliance uouvc'le avec la maison

assertion était peu consolante pour les Hébreux, « d'Israël et la maison de Juda ». 11 ne s'agit pas
et ne pouvait leur causer du plaisir; l'apôtre s'em- d'une ancienne alliance quelconque; car, pour
presse donc d'ajouter quelque chose qui devait les qu'on ne pût s'y tromper, il a mariiué la dale
combler de joie « L'alliance nouvelle est établie
: même. Il ne dit pas absolument Non pas selon :

« sur de meilleures promesses». Après l'avoirdéjà l'alliance que j'ai laite avec leurs pères, parce que
montrée plus grande par le lieu, le prêtre et le sa- vous auriez pu répondre qu'il s'agit de celle que
crifice, il établit maintenant la diQérence d'alliance. Dieu fit avec Abr.iham ou inèrae avec Noé. Laquelle
11 avait déclaré plus haut que l'ancienne était faible désigne-t-il donc? Ecoutez «Non uas selon l'al-
:

et inutile, et toutefois remarquez les précautions « liaiice que j'ai faite avec leurs pères qui assis-
qu'il prend avant d'en venir à lui faire son procès. « talent à la sortie»; et Dieu même ajoute « En :

Plus haut (vu) avant de prononcer la réprobation « ce jour où je les pris par la main pour les tirer

du sacerdoce antique, il avait eu soin de parler de « de la terre d'Egypte; car ils ne sont p.unl de-
l'immortalité du nouveau pontife, à qui ensuite il « meures dans celte alliance que j'ai faite avec

attribuait cette haute prérogative que « par lui « eux, et c'est pourquoi je les ai méprisés, dit le
« nous approchons de Dieu». Ici, ce n'est qu'après Seigneur ». Voyez-vous que le mal c<imiiirnce
nous avoir élevés jusqu'aux cienx, après nous avoir par nous? Ce sont eux qui n'ont point persévéré,
montré que le ciel remplace pour nous le temple, dit-il; ainsi la négligence esl notre l'ail. Le bien,
et que le lévitisme ne possédait que les figures de je veux dire tous les bienfaits, viennent de Dieu.
nos saintes réalités; c'est après avoir ainsi relevé Ici, il semble lui-même faire son apologie, et il
le culte nouveau qu'à bon droit dès lors il relève dit pour quelle raison il les abandonne.
aussi le sacerdoce. —
Mais, je l'ai dit, il établit 3. «Mais voici l'alliance que je ferai avec la
spécialement ce qui doit causer aux Hébreux une M maison d'Israël, après que ce temps-là sera venu,
joie incomparable, à savoir « Que notre alliance
: « dit le Seigneur; j'imprimerai mes lois dans leur
« repose sur des promesses meilleures». Et qui le « esprit et je les écrirai dans leur cœur, et je serai
prouve? Ce fait même que l'antique alliance est « leur Dieu, et ils seront mon peuple (lo)». Dieu
rejetée, et qu'une autre est introduite à sa place. parle évidemment de la nouvelle alliance, puis-
Si désormais celle-ci a l'empire, c'est parce qu'elle qu'il a dit Ce n'est plus selon l'alliance que j'ai
:

est meilleure; car de même qu'il disait : Si par le faite jadis. Telle esl la grande différence des deux
sacerdoce lévitique la perfection était atteinte, alliances; la dernière esl écrite dans les cœiiis. La
pourquoi y a-t-il eu besoin qu'un autre prêtre se diflérence n'est pas tant dans les commandements
levât selon l'ordre de Melchisédech; ainsi em- que dans la manière de les donner et de les graver.
ployant ici le même argument, il dit : « Mon alliance ne sera plus écrite en lettres», dit-
« Car s'il n'y avait rien de défectueux dans la il, mais dans les cœurs». Que le juif nous montre
<i

«première alliance, il n'y aurait pas lieu-d'en la réalisation de celte prophétie à une époque quel-
« substituer une seconde. El cependant Dieu leur conque; mais non, il ne la trouvera pas, car la loi
« adresse une parole de blâme (7, 8)», c'est-à-dire, futde nouveau reproduite en caiaclères écrits après
si l'alliance n'avait pas eu quelque défaut, si elle le retour de la captivité de Bahykjne. Moi, au con-
avait délivré les hommes de tout péché. Car pour traire, je leur monire que les apôlres n'ont rien
vous convaincre que tel esl le sens de ces paroles, reçu pai écrit, mais que l'Espiil-Saint a gravé tout
écoulez la suite « Leur adressant un blâme», aux
: dans leur cœur. Aussi Jésus-Clirisl disait-il :

juifs, non à l'alliance, le Seigneur dit « H viendra


: t Quand il sera venu, il vous émettra toutes choses
i

« un temps où je ferai une nouvelle alliance avec « en mémoire et vous enseignera».


• la maison d'Israël et la maison de Juda. Non se- t El chacun d'eux n'aura plus besoin d'cnsei-

« Ion l'alliance que j'ai faite avec leurs pères au « gner son prochain et son frère, en disant Con- :

« jour où je les ai pris par la main pour les faire « naissez le Seigneur paice que tous nie connai-
;

» sortir d'Egypte j car ils ne sont point demeurés « tront, depuis le plus pelil jusqu'au plus grand;
sid TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

« car je leur pardonnerai leurs iniquités, et je ne qu'elle l'était cependant. Car si elle était nou-
« me souviendrai plus de leurs péchés (11, 12)». velle, ne donnerait pas cette qualification de
il

Voici un autre signe Du petit au grand, dit-il, on


: nouvelle à la nôtre. Ainsi Dieu donnant davan-
me connaîtra; on ne dira plus Connaissez le Sei-: tage, dil-il, par là même a mis la précédente al-
gneur. Quand donc s'est réalisée celle prédiction, liance au rang des choses antiques. Donc elle .'•fj
sinon maintenant? car notre grande révélation dissout et s'éleint, elle n'est déjà plus. Encouraj;é
chrétienne a éclaté partout; et la leur, loin d'être par le Prophète, il poursuit utilement ce thème,
ainsi manifeste, est entermée dans un étroit re- montrant que noire religion est florissante, par
coin. On dit qu'une chose est nouvelle, quand elle cela seul que l'autre alliance est usée. Prenant
est tout autre, ou quand elle montre ce que n'avait ensuite ce terme de chose antique, il en ajoute un
pas celle qui l'a précédée. Une chose encore de- autre encore, celui de chose vieillie, et le coup de
vient nouvelle quand on en retranche une forle grâce se déduit aussitôt des qualifications sus-
partie sans toucher au reste. Par exemple, que dites « Elle est », dit-il, « proche de sa fin ». Ce
:

quelqu'un répare une maison qui menace ruine, n'est donc pas, à proprement parler, la nouvelle
et que sans touchera l'ensemble de la construction, alliance qui adélruil l'ancienne; c'est que celle-ci
il en relasse les fondations, nous dirons aussitôt : vieillit, c'est qu'elle est devenue inutile. Voilà
Il a fait une maison neuve, parce qu'il a enlevé pourquoi il disait : A raison de son impuissance
certaines parties qu'il a remplacées par d'autres. et de son encore La loi n'a rien mené
inutilité; et :

Nous disons aussi que le ciel est nouveau, quand, à la perfection la première alliance avait
; et : Si
cessant d'êlre d'-'./rain, il nous verse la pluie; élé sans défaut, on ne chercherait pas la place
ainsi encore panons-nous d'une terre qui cesse d'une seconde. Qu'est-ce qu'être sans défaut ?
d'être stérile, sans avoir été changée autrement; C'est être utile, puissant. Il parle ainsi , non
ainsi appelons-nous édifice neuf celui dont on que la loi doive être accusée positivement; mais,
relire certaines parties en respectant les autres. la voyant insuffisante, il s'exprime plus simple-
Saint Paul a donc eu raison d'appeler nouvelle ment, comme si l'on disait Voire maison n'est :

notre alliance, pour montrer que la précédente a pas sans défaut; c'est-à-dire, elle a quelque vice
vieilli, étant devenue absolument inféconde. Pour de construction; elle n'est ni ferme ni solide;
vous en convaincre , lisez les reproches d'Aggée, votre vêlement n'est pas sans défaut; c'est-à-dire,
deZacharie.de l'ange; lisez spécialement les griefs il s'en va. Il ne dit donc pas que l'alliance antique

d'E-.dias contre le peuple, comment il fut reçu, fut mauvaise, mais qu'elle laissait prise au blâme,
lorsqu'ils étaient transgresseurs, et qu'ils ne s'en aux accusations.
doutaient même pas.— Voyez-vous comment votre 4. Ainsi nous sommes nouveaux, ou plutôt, nous
alliance a été violée et supprimée, comment la l'avons élé, car maintenant nous avons vieilli , et
mienne mérite à bon droit le titre de nouvelle? partant nous sommes près de la mort. Toutefois,
Je n'admets pas d'ailleurs que ce texte «Il y : si nous le voulons, nous pouvons conjurer, répa-
« aura un ciel nouveau » (Isaïe, lxv, n), ait élé rer cette caducité honteuse. Nous ne le pouvons
dit dans le sens indiqué toul à l'heure. En ellet, plus par le baptême, mais nous le pouvons par la
lorsque Dieu, dans le Deuléronome, annonce que pénitence. Si nous avons quehjue symptôme de
le ciel serait d'airain, il n'a pas ajouté cette anti- vieillesse, rejelons-le; si déjà nous comptons
thèse Si au contraire vous obéissez, le ciel sera
: quelque ride, quelque tache, quelque souillure,
nouveau; mais il déclare que c'est parce que les sachons tout effacer el recouvrons notre beauté
juifs n'ont point gardé la première alliance qu'il première, alin que le Roi nous aime dans cette
en donnera une nouvelle. Je le prouve par ces beauté renouvelée. Bien que tombés peul-êlre
paroles de l'apôlre lui-même : « Car ce qui était dans une laideur extrême, il nous est permis do
« impossible à la loi, qui étaitalfaiblie par la chair»; retrouver ce charme et cette grâce dont parle ainsi
et ailleurs « Pounpiui tentez-vous Dieu, en impo-
: David « Ecoutiez, ô ma fille, voyez, prêtez l'oreille,
:

li saut sur le cou dr^ d.-ciples un juiig que ni nos « oubliez votre peuple et la maison de votre père,
tt pères, ni nous-niéuies n'avons pu porter? » (Uom. «et le roi sera épiis de voire beauté». Ce n'est
VIII, 3; Acl.xv, tO.)Puis(iu'ils n'ont pas persévéré, pas l'oubli qui fait la beauté de l'âme. Quel oubli est
dit-il. Ceci montre que nous sommes honorés de donc ici désigné? L'oubli des péchés. Car le Pro-
faveurs plus grandes et plus spirituelles. «Car», phète s'adresse à l'Eglise appelée du milieu des
dit-il, « leur voix a retenti par toute la terre, et nations païennes, et lui conseille de ne pas se
« leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde ». souvenir de ses pères, de ceux sans doute qui sa-
C'est l'explicalion du texte : « Chacun ne dira plus crifiaient aux idoles; c'est parmi eux, en cfl'et,
« à sou prochain Connaissez le Seigneur», et
: qu'elle a été choisie. Et il ne lui dit pas N'en ap- :

ailleurs « La terre sera remplie de la connaissance


: prochez point; mais ce qui est bien autrement
« du Seigneur, comme la mer jadis l'a couverte de iort N'en concevez plus même la pensée Ce qui
: !

oses flots», (llabac. ii, 14.) s'accorde avec cet autre passage « Je ne me sou- :

«Or,en appelant cette alliance une alliance nou- « viendrai plus même de leurs noms sur mes lè-
« velle, il a mis la première au rang des choses «vres», et ailleurs « Puisse ma bouche ne pas :

passées. Or, ce qui passe et vieillit,


a vieillies et « parler des œuvres de ces hommes » (Ps. xv, 4 et !

a est proche de sa fin (13) • . Voyez eonmie il a xvi, 4.) Ceci n'est pas encore d'une grande vertu;
dévoilé ce qu'il a de plus caché, la pensée même ou plutôt c'est une vertu déjà grande, mais non
du Prophète. Il a honoré la loi, el n'a pas voulu parlaite. Car que dit-il ici? Il ne s'arrête pas à cet
l'appeler vieille en toutes lettres; mais il a dit avis ^'e parlez pas le langage do vos pères; il
;
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XIV. 517

poursuit Ne leur gardez pas même un souvenir,


: que longue journée s'achève sans naufrage n
la

n'en conservez pas même l'idée. Vous voyez à blessure ; car chaque jour voit surgir de nom-
quelle distance il veut nous éloigner du vice. En breux écueils, et trop souvent contre eux la bar-
effet, qui ne se souvient plus d'une chose, n'y que se brise et s'engloutit.
pense pas; qui n'y pense pas, n'en parle pas; qui Voilà pourquoi nous avons besoin de prière,
n'en parle pas, est bien loin de la commellre. Com- surtout le matin et le soir. Plusieurs d'entre vous
prenez-vous combien d'étapes il jette entre nous souvent ont vu les jeux Olympiques; et non con-
et le péclié, combien de haltes, d'intervalles, doi- tents d'en être témoins, se sont portés fauteurs et
vent nous en éloigner ? admirateurs de ceux qui concourent, prenant parti
Ecoutons donc, nous aussi; oublions nos maux, l'un pour celui-ci, l'autre pour celui-là.Vous savez
et non pourtant les péchés que nous avons com-r que pendant ces jours et ces nuits de combats, le
mis. Car, souvenez-vous-en le premier, dit le Sei- héraut n'a toute la nuit même qu'une pensée, qu'un
gneur, et moi, je ne m'en souviendrai plus. Pre- souci, c'est qu'aucun des combattants ne se con-
nons un exemple Loin d'avoir un souvenir de
: duise d'une manière indigne. Ceux qui patron-
vol, rendons le bien volé. C'est oublier le vice que nent un joueur de trompette, lui conseillent de ne
de chasser ainsi toute pensée de rapacité sans dire mot à qui que ce soit, de peur d'épuiser son
jamais plus l'accueillir, ayant même souci d'effacer haleine et de prêter à rire. Si donc celui qui va
la trace de nos péchés. lutter en face des hommes y met un soin pareil,
Mais comment ainsi oublier le mal? Par le sou- bien plus convient-il que nous soyons constam-
venir des bienlails de Dieu. Si nous avions cons- ment sur nos gardes et toujours réfléchis, nous
tamment mémoire de ce grand Dieu, nous pour- dont la vie entière est un combat. Que la nuit donc
rions aussi nous rappeler ses bontés. « Heureux », tout entière soit pour nous une longue veille, une
dit le Prophète, « si je me suis souvenu de vous continuelle précaution, de peur que nos démar-
« sur ma couche même, si je méditais alors sur ches de la journée ne prêtent au ridicule; et plût
« vous dès le matin » (Ps. lxii, 7.) Car toujours
! à Dieu que nous ne fussions jamais que ridicules !
sans doute il faut se souvenir de Dieu, mais plus Or sachons qu'à la droite du Père siège le Juge
que jamais il le faut à l'heure où notre pensée est du combat; il écoute attentivement s'il nous échap-
dans le silence et le calme, à l'heure où par ce pera quelque accent discordant et qui blesse l'har-
souvenir elle peut se condamner, à l'heure où la monie; car il n'est pas seulement juge des faits,
mémoire est plus fidèle. Quand ce souvenir nous mais aussi des paroles. Veillons toute la nuit, ô
revient pendant le jour, bientôt d'autres soucis bien-aimés frères, et nous aussi, si nous voulons,
tumultueux chassent la bonne pensée. Durant la nous aurons des partisans. Près de chacun de
nuit, au contraire, nous pouvons nous souvenir nous siège un ange, tandis que nous dormons
toujours, dès que notre âme jouit de la tranquil- profondément toute la nuit. Et encore si nous ne
lité, du repos, qu'elle est au port et dans une at- faisions que dormir; mais plusieurs alors commet-
mosphère sereine. « Ce que vous dites dans vos tent des turpitudes; les uns courent aux mauvais
« cœurs », ajoute le Prophète, « repassez-le avec lieux les autres prostituent leurs maisons mêmes,
;

« amertume dans votre lit ». (Ps. iv, S.) Il faudrait en y admettant des courtisanes. Je me tais : car
sans doute, môme durant le jour, conserver ces ceux-là n'ont aucun souci de bien combattre.
souvenirs ; mais parce qu'alors -vous êtes sans D'autres s'abandonnent à l'ivresse et aux grossières
cesse inquiets et distraits par les affaires de la vie conversations; d'autres aiment le bruit et le trou-
présente, au moins alors et dans voire lit, souve- ble; d'autres passent toute la nuit dans une veille
nez-vous de Dieu et méditez sur lui dès les heures criminelle et méditent contre ceux qui dorment
matinales. Si telle est, dès le matin, notre médi- des complots détestables; d'autres comptent leurs
tation, nous irons ensuite à nos afl'aires avec une profits usuraires; d'autres sont rongés de soucis
sécurité heureuse; si par la prière tout d'abord et font tout excepté ce qui convient au bon com-
nous gagnons l'amitié de Dieu, nous marcherons bat. Aussi je vous prie d'abandonner toute pensée
dès lors sans rencontrer d'ennemi, ou, s'il s'en semblable et de n'avoir qu'un but, c'est de recevoir
présente, nous en rirons, ayant Dieu pour nous. la récompense, d'ambitionner pour nos fronts la
La guerre est sur la place publique, les embarras couronne, de tout faire enfin pour pouvoir attein-
de chaque jour sont autant de combats, de vagues, dre les, biens promis. Puisse-t-il nous être donné
de tempêtes. Nous avons besoin d'armes; les priè- d'en jouir par la grâce et bonté de Notre-Seigneur
res sont des armes puissantes. C'est quand les Jésus-Cbristl
Tenls sont favorables qu'il faut tout étudier, pour
siâ TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHllYSOSTOME,

HOMELIE XV.
CETTE PREMIÈRE ALLIANCE A EU DES LOIS ET DES RÈGLEMENTS TOCCIIANT LE CULTE DE DIEU, ET OH
SANCTUAIRE ÏEURESTHE. (iX, 1 JUSQU'A 13,)

Analyse.
! et 2. Rappel, en quelques mots, des rites anciens : le laberuacle, l'arche et tous les objets qu'on y gardait, accusaient les
Juifs. — Sacrifice unique et sanglant par le seul grand piètre, et son entrée alors, une fois par au, dansle Saint des Saints :

image du sacrifice unique et sanglant de Jésus-Clirist, et de son entrée définitive au ciel.


3 et 4. .Mal du péché en géuéral ; il compare au cadavre empesté.
le —
Mal de l'avance, qui se place au-dessous de la prostitution

même : détails navrants. — Mal rire insensé, qui va se moquer de cette doctrine.
du — Jésus-Christ n'a jamais ri. — Mal
spécial du rire dans l'égUse. — O.ijurgatiou spéciale aux femmes.

1. Il a montré par le prêtre, par le sacerdoce, muré; «la verge d'Aaron», qu'ils s'étaient révoltés.
par l'alliance même la fin certaine de celle-ci; il Les juifs , oublieux de si nombreux
ingrats et
va la prouver enfin par la figure du tabernacle lui- bienlaits, durent placer ces objets dans l'arche
nièine. Comment? en y distinguant le Saint, et le par ordre du législateur , el transmettre ainsi
Saint des Saints. Le Saint contenait les symholes à la postérité le souvenir de leurs méfaits. « Au-
el les signes do la période précédente, puisque « dessus de l'arche, des chérubins de gloire cou-

tout s'y faisait par divers sacrifices. Le Saint des « vraient le propitiatoire (5) ». Qu'est-ce à dire,
Saints, au contraire, appartient à notre époque. chérubins de gloire? Comprenez : glorieux , ou
D'après saint Paul, le Saint des Saints marque à la bien qui sous Dieu même couvrent le propitiatoire.

l'ois le ciel, le voile du ciel, la chair du Christ qui Saint Paul devait ainsi faire ressortir et exalter ces
entre par-delà ce voile, du Christ qui pénètre là détails, pour montrer que ce qui va suivre est plus
par le voile de sa chair. Mais il est à propos de grand encore. « Mais ce n'est pas ici le lieu d'élu-
reprendre ce sujet de plus haut. Que dit-il donc? « dier une à une toutes ces choses ». Ceci nous
« La première eut aussi... » Qu'est-ce à dire la , fait comprendre qu'il y .avait là non-seulement ce
première? La première alliance. « Ses règlements qu'on voyait, mais encore du mystère. De toutes
« de culte ». Règlements, qu'est-ce? Des symboles ces choses, dit-il, nous ne devons pas parler en
ou des rites; comme s'il disait Elle les a eus au- : détail, peut-être parce qu'elles exigeraient un long
trefois, elle ne les a plus. Il montre que déjà une discours.
alliance a supplanté l'autre elle eut alors , dit-il. : «Or, ces choses étant ainsi disposées,les prêtres
Aussi maintenant, quoique debout encore, elle « entraient à toute heure dans le premier taber-
n'est plus; —
elle eut aussi « un sanctuaire du « nacle, pour y remplir les fonctions du sacri-
« siècle », c'est-à-dire, séculier, mondain, parce « fice ((i) ». Coinprenez tout cela existait, mais
:

que tous les hommes pouvaient y pénétrer; il y les simples juifs n'en jotiissaienl pas, ils ne pou-
avait un lieu ouvert el coiniiiun à tous dans le vaient même y plonger la vue. Aussi, ces choses
temple où se voyaient prêtres et simples juifs, n'étaient pas tant à eux (|u'à nous, pour qui ces
prosélytes mômes, gentils et nazaréens. El parce objets étaient des figures |)r(jphéli(iues.
que l'entrée en était libre même aux nations étran- « Mais dans le second tabernacle, seul, une seule
gères, il l'appelle « mondain », car les juifs n'é- « fois dans l'année le pontife entrait, non sans y
taient pas le monde. « porter du sang (ju'il devait offrir pour lui-même
« Car dans le tabernacle qui fut dressé, il y avait «et pour les ignorances du peuple (7) ». Voyez-
• une première partie où étaient le chandelier, la vous comment les figures ont été comine des
« table el les pains de proposition, el cette partie pierres d'attente posées d'avance pour l'avenir?
symboles du inonde.
« s'appelait le Saint». Voilà les L'Apôtre prévient cette objection Pour(pioi un :

« Après le second voile... » Il y avait donc plus sacrifice unique? pourquoi le grand Pontife n'a-t-il
d'un voile; du côté du dehors, en elfel, il y en ollerl qu'une seule fois? 11 montre que cet usage
avait un premier... Après le second voile était « le datait de loin, el que le sacrifice le plus saint, le
« tabernacle qu'on appelle le Saint des Saints » plus redoutable était uniipie. C'était ranliijue usage
Vous voyez qu'il l'appelle un tabernacle , une que le grand prêtre n'olli il qu'une fois. Et il ajoute
tente, parce qu'on ne fait qu'y passer comme dans avec raison : « Non sans porter du sang »; il y
une tente; « où il y avait», dil-il, « un encensoir avait du sang, à la vérité, mais ce n'était pas, ce-
« d'or, el l'arche de l'alliance toute couverte d'or, lui-là, le sang divin. Le sacrifice d'alors n'avait pas
o dans laquelle était une urne pleine de manne, la celle importance. Ceci figure le sacrifice à venir
« verge d'Aaron qui avait fleuri el les tables de la que le feu ne doit pas consumer, mais qui s'ac-
o loi (4)». Autant de témoignages éclatanls de l'in- complit surtout par le sang. Car ayant appelé sa-
gratitude des juits. Ainsi les « tables de la loi » crifice le crucifiement, où l'on ne vil ni llamme,
rappelaient que Moïse les avait brisées; « la manne» ni bûcher, mais seulement une imrnolalion san-
déposée dans une urne d'or, qu'ils avaient mur- glante, il montre que cet antique sacrifice availun

f
, ,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE PE S- PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XV. 519

semblable caractère : il se réduisait à celte oblution « main d'homme (H) ». Il désigne sa chair; et il a
sanglante et unique... —
« Qu'il devait offrir pour raison d'appeler ce tabernacle plus grand et plus
« lui-même et pour les ignorauces du peuple ». Il parfait, puisque le Dieu Verbe, ainsi que toute la
ne dit pas, remarquez-le, pour les péchés, mais vertu de l'Esprit, habite en lui : « Car Dieu ne lui
pour les ignorances, afin d'abaisser leur orgueil. a donne pas son Esprit avec épargne et mesure »;
Eu eflet, il se peut que vous n'ayez pas péché de ou bien encore, il est plus parfait, en ce sens que
plein gré; mais, malgré vous, l'ignorauce vous a le blâme ne tomba jamais sur cette sainte huma-
entraînés; personne n'est pur à ce titre. Et nité, et qu'elle accomplit largement les plus hautes
partout il fait ressortir qu'il olTre « pour lui », vertus. « Tabernacle qui n'est point de cette créa-
pour montrer ainsi que Jésus-Christ est tout « tion », et c'est en ce sens qu'il est plus grand
autrement saint et grand que le pontife dont se que l'ancien. Il n'aurait pas été conçu de l'Esprit,
glorifiaient les juifs. Si celui-ci avait été séparé si un homme l'avait construit. Il n'est pas non
des pécheurs et du péché, comment aurait-il offert plus de cette cièaiion, en ce sens qu'il n'est pas
pour lui-même? Où tend alors, bienheureux Paul, composé de ces élémenis créés que nous voyons,
votre réflexion ?à faire entendre que d'être exempt mais tout spirituel; en eflet, c'est l'Esprit-Saint
de péché devait être le privilège d'un pontife plus même qui l'a construit. Voyez-vous comme ce
grand, de celui que je veux maintenant vous faire corps sacré estappelé par l'apôire, tabeinacle,voi!e,
contempler. ciel? « Par un tabernacle plus grand et plus par-
« Le Saint-Esprit nous montrant par là que la « fait » ; et plus bas : « Par le voile, c'est-à-dire
«voie du sanctuaire n'était pas encore découverte, « par sa chair » ; et encore : « Jusqu'au dedans du
« pendant que le premier tabernacle existait (8) ». Ilvoile » ; et ailleurs : « Entrant dans le Saint des
La raison de tout cet arrangement, nous dit-il, « Saints, pour paraître devant la face de Dieu ».
était de nous instruire que l'entrée du Saint des (Hèbr. VI, 19.) Pourquoi ce langage de l'Apôtre?
Saints, c'est-à-dire du ciel , n'était pas encore Pour nous apprendre qu'une même expression
ouverte. Voici ce que cela voulait dire De ce que
: peut avoir deux sens, un sens littéral et un sens
vous ne pénétrez pas encore dans le ciel, n'allez allégorique. Ainsi le ciel est un voile , parce qu'il
pas en nier l'existence ; car avez-vous même l'en- cache le Saint; il en est de même de la chair de
trée du sanctuaire terrestre? Jésus que nous dérobe sa divinilé, et cette chair
2. « Et cela même qu'une figure pour un
n'était qui possède la divinité est en même temps un
ft temps d'un instant temps d'un
(9)». Qu'appelle-t-il tabernacle; le ciel est cncoie un tabernacle,
instant? Celui qui précède l'avènement de Jésus- puisque le pontife y réside. —
Or, Jésus-Christ»,
1<

Christ; car après l'arrivée du Sauveur, il n'y a plus dit-il ,« s'étanl présenté comme le pontife ».
de temps d'un instant. Comment y en aurait-il, Il ne dit pas Etant devenu, mais s'étant présenté
:

puisqu'il est la consommation et la fin des temps? c'est-à-dire étant venu de lui-même pour cette
« C'est donc une image » autrement dit, « c'est
; fonction, sans succéder à personne. Et quand il
« une figure pour un temps d'un instant, pendant s'est présenté, il n'a pas été fait pontife; il est venu
« lequel on offrait des dons et des victimes qui ne avec le pontificat. Et il ne dit pas qu'il soit venu
« pouvaient rendre parfaits selon la conscience, les comme pontife des sacrifices, mais comme pontife
« serviteurs de Dieu ». Vous voyez ici la claire ex- des biens futurs; son discours, ici, semble im-
plication des paroles qu'il a précédemment écrites: puissant à tout dire.
« La loi n'a rien mené à perfeciion » ; et encore : « non avec le sang des boucs et des
Et il est entré
« Si la première alliance avait été sans reproche ». « veaux Tout est changé ; « mais c'est avec son
».
— « Selon la conscience », qu'est-ce à dire? C'est « propre sang qu'il a pénétré une fois dans le
que les sacrifices d'alors ne détruisaient pas les « sanctuaire », c'est le ciel qu'il nomme ainsi ;
souillures de l'àme, mais ils n'atteignaient que le «ayant trouvé ainsi pour nous une rédemption
corps « Selon la loi d'un précepte charnel ».
: « éternelle (12)». Ce mot «trouvé» exprime un de
(Hèbr. VII, 16.) Ils ne pouvaient remettre l'adul- ces mystères profonds, inattendus; on demande
tère, le meurtre, le sacrilège. Lisez plutôt ces rè- comment par une seule entrée, il a trouvé une
glements Mangez ou ne mangez pas telles ou telles
: rédemption éternelle. L'Apôtre poursuit et nous
choses; autant d'objets indifférents. « Ce culte ne donne les motifs de croire à ce mystère. « Car si
« consistait qu'en des viandes et des breuvages et « le sang des boucs et des taureaux et l'aspersion
o en diverses ablutions (10) ». Buvez ceci, dit-il « de l'eau mêlée avecla cendre d'une génisse sanc-
bien qu'il n'y eût dans la loi aucune prescription « tifie ceux qui ont été souillés, en leur donnant
sur le boire ; mais son but est de montrer la gros- « une pureté extérieure et charnelle, combien plus
sièreté de ces prescriptions. —
« En diverses prescri- « le sang de Jésus-Christ, qui par le Saint-Esprit
« plions charnelles, imposées jusqu'à une époque « s'est offert lui-même à Dieu comme une victime
« d'amendement ». En effet, c'était une justice pu- « sans tache, purifiera- t-il notre conscience des
rement charnelle. L'Apôtre renverse ces sacrifices, « œuvres mortes pour nous faire rendre un vrai
qu'il montre avoir été sans vertu aucune, et im- « culte au Dieu vivant (1,3, 14)? » Car, dit-il, si le
posés jusqu'à une époque d'amendement, c'est-à- sang du taureau peut purifier la chair, bien plus
dire, pour attendre le temps qui devait amender et le sang de Jésus-Christ purifiera-t-il les souillures
corriger toutes choses. de l'àme. Et quand vousentendezdire « Sanctifie», :

« Mais Jésus-Christ s'élant présenté comme pon- n'allez pas croire à un effet merveilleux. L'apôlre
« tife des biens futurs, est entré par un tabeniacle prévient votre erreur, en remarquant et démon-
« plus grand et plus parlai t,qui n'a point été fait de trant quelle différence existe entre les deux
820 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sanctificalioii5,etconime()tl''.in3est;ijblimeiraatre à tour bas à l'excèî et arrogant outre mesure.


grossière; el il est bien juste, selon lui, qu'il un La fe.ni.n-.e perdue, elle, se tient enfermée; son
soil ainsi, puisque d'un cOlo est Icsangduiau- crime est de trafiquer de son corps à prix d'ar-
reau, ei de l'iuiro le sang de Jésus-Clirisl. Et il gent. Mais elle a une certaine excuse dans la
ne se coo;enle pas d'une dill'éience de nom; il pauvreté et la faim; bien que cette excuse soit
établit aussi la nianaMo d'olTiir: « Lui», dit-il, insuffisante, puisqu'elle pourrait se nourrir eu
€ s'est oITert à Oicu, par le Saint-Esprit, conime travaillant. L'avure, au contraire, ne reste point
« une viclinic sans Victime sans taclie
taclie » : chez lui; il se montre au milieu de la cité, pros-
signifie pure de tout péché. Et TeNprcssion « par tituant non pas son corps, mais son âme au
« le Saint-Esprit », veut dire Non par le l'eu, ni
: démon qui en abuse comme d'une prostituée, et
par tout autre intermédiaire. Ce sang, dit-il, « pii- ne la laisse qu'après en avoir joui et cela non en ;

rifiera notre conscience des œuvres mortes ». — présence de deux ou de trois témoins, mais de
« Œuvres mortes », est une locution tiès-juste; tout une ville.
car, cliez les juifs, si quelqu'un loucli.iil un mort. La piostiiuée s'abandonne à qui la paye; es-
Il devenait impur ; elcliei nous loudii'r une œuvre clave, homme libre, gladiateur, quiconque vient
morte, c'est souiller sa conscience. « Pour nous avec de l'argent est bien reçu; mais sans cet or
t faire rendre un vrai culte au Dieu vivant et véri- maudit, l'homme le plus riche elle plus noble
t lable », ajoute-l-il. Il montre ici qu'il est impos- n'est [loint admis. Ainsi faiU'avare les meilleures :

sible que celui qui a des œuvres mortes, serve un pensées, (juand l'or n'est pas au bout, sont reje-
Dieu vivant el véritable. Réflexion liès-vraie, et técs; mais il embrasse pour de rai'gent les plus
qui nous montre le caractère des oiïiandes que criminelles et les plus impies, il leur saciifie
nous devons faire à Dieu oui, celles que nous
: la beauté de son âme. La lille de joie est par na-
présentons, sont vivantes et véritables; celles qui ture laide, noiie, grossière, épaisse, sans grâce ni
viennent des juifs, sont mortes et fausses: tout beauté, hideuse ainsi devient l'âme cupide, dont
:

cela est conséquent. la laideur ne pourrait se cacher, même sous une


3. Que nul donc n'entre au saint lieu avec des couche et un enduit de faid. Une fois parvenue à
œuvres mortes. Si l'entrée en était interdite à celui cette laideur extrême, quelque moyen qu'il ima-
qui louchait un cadavre, bien plus l'est-elle à gine, il ne peut la couvrir.
celui qui a des œuvres mortes; car c'est la souil- Que l'impudence fait la prostituée, le Prophète
lure la plus honteuse. Or, j'appelle œuviesmortes, même déclare
le a Vous êtes devenue impudente
:

toutes celles qui n'ont point la vie, qui déjà exha- « à la face de tous; vous avez un front de pros-
lent une odeur infecle. De même en ellel qu'un « lilnée ». (Jéivm. m, 3.) Pareille apostrophe
cadavie, loin de Ihitlei' nos sens, incommode qui- pouiiait s'adresser aux avares vous êtes deve- :

coDciuc s'en aiipioihe; ainsi le péché frappe et nu impudent à la face de tous; non de tels ou de
alieint nolie intelligence même, enlève à notre tels, mais de tous. Comment ? C'est que père,
àine tout son repos, y jette le trouble et le boule- fils, épouse, ami, frère, bienfaiteur, personne
ver.^cment. On dit que la peste a la malheureuse n'est respecté par un être ainsi déchu. Et que
vertu de corrompre les corps tel est aussi le pé- : parlé -je d'ami, de fière ou de père ? 11 ne respecte
ché. Peste affreuse et trop vraie, il ne corrompt pas plus Dieu lui-même; tout ce qu'on en dil lui semble
l'air d'abord, elles corps ensuite, mais il attaque des tables; afl'dlé par son ivi'esse, il l'itde tout, elses
aussitôt l'Ame elle-même. Ne voyez-vous pas com- oreilles se refusent à admettre une parole utile.
me les victimes de la peste soutirent, s'agitent, se Au eontiaire, ô absurdité Quel est le langage de
!

roulent, sont bri'ilées vives, exhalent une odeure re- l'avare :Malheur à vous, argent, et à ceux qui
poussante, otTreni un aspect révoltant, sont immon- ne vous possèdent pas Oh plutôt malheur i
! !

des enfin dans tout leur être? Telles sont, sans le ceux qui parlent ainsi, quand même ils parle-
savoir, les victimes du péché. raient en liant Car, dites-moi; est-ce que Dieu
!

Car, dites-it.oi, n'est-il pas plusmisérable qu'un n'a pas fait la terrible menace que vous savez :

fiévreux, celui qui est épris d'amour pour l'argent « Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois ? »
ou pour la chair? n'est-il pas plus immonde que Vous croyez réduire cette menace à
(Maltli. VI, 24.)
les pestiférés, celui qui commet ou qui subit toutes néant, en prononçant ces blasphèmes, mais
les hontes? Se peut-il un être plus hideux que malheur à vous Paul n'a-t-il pas déclaré que
!

l'homme captif de l'avarice? Les courlisanes, les l'avarice est une idolâtrie et l'avare un idolâtrée ?
comédiennes ne lietident pas une conduite plus 4. Mais vous, par ce rire hardi, vous imitez les
abjecte que lui. Je crois même qu'il va plus loin femmes insensées et mondaines, et comme celles
qu'elles dans la honte. Il subit des tiailenieiils mêmes qui paraissent sur les planches des
d'esclave, tantôt s'abaissant à des llatieiies sans lliéâiies, vous essayez de faire rire les autres.
nom, et tantôt audacieux et fier à l'excès; mais Voili le renversement, voilà la desliuciion de
toujours inégal. Souventdesscéléfals, des escrocs, tout bien. iSos allaires sérieuses deviennent des
corrompus et abjects , incomparablement plus sujets de rire, do plaisanteries et de jeux de
pauvres, d'une moindre condition que lui, le mots. Rien de (erme, rien de grave dans notre
voient cependant assis à leurs côtés, comme conduite, Je ne parle pas ici .seulement aux sécu-
un vil courtisan, tandis que les gens d'honneur liers; je sais ceux que j'ai encore en vue; car
el de vertu n'auront que ses insultes, ses ou- l'Eglise même s'est remplie de rires insensés.
trages, ses insolences. Vous le voyez, du reste, Que quelqu'un prononce un mot plaisant, le
dans les deux cas, impudent et insolent, tour rire aussitôt parait sur les lèvres des assistants ;
COMMENTAIRE SUR L'ÈPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XV. 821

et chose étonnante, plusieurs continuent de rire Mon discours s'adresse aussi aux femmes. En
même jusque pendant le temps des prières pu- présence de leurs maris, elles n'osent pas sitôt se
bliques. Le démon partout dirige ce triste con- permettre un tel excès; quand elles rient alors,
cert, il pénètre dans tout, il exerce sur tous son ce n'est pas constamment, mais à flieure d'une
empire. Jesus-Christ est méprisé, il est cliassé; honnête et nécessaire lécrtaiion mais ici, c'est :

l'église est regardée comme un lieu profane. toujours Quoi donc, ô femme, vous uu-ilezua
!

N'eniendez-vous pas saint Paul s'écrier « Que : voile sur votre tête, dès que vous prenez place à
« toute honte, toute sottise de langage, toute l'église, et vous riez Vous j êies entrée avec la ré-
!

« bouiïonnerie soit bannie du milieu de vous ». soluiion de confesser vos péchèt., de vous proster-
Il place ainsi la boulTonnerie au même rang que ner devant Dieu, de prier et de supplier pour les
les tuipitudes. Et vous riez toutefois Qu'est-ce ! fautes que vous avez eu le mallieui de commettre,
que la sottise de langage ? C'est dire ce qui n'a et dans l'accomplissement de ces devoirs, vous
rieu d'utile. Mais vous riez quand même; le rire riez ! Comment donc pourrez-vous apaiser votre
sans cesse épanouit votre visage, et vous êtes Juge?— Mais, dites-vous, le rire esl-ii donc uu
moine ? Vous faites profession d'être crucifié au péché î — Non, le rire n'est pas uu péché; mais
monde, et vous riez "Votre état est de pleurer, et
! ce qui est un péché, c'est l'excès, c'esi de prendre
eus riez ! mal son temps. Le rire nous est naturel, quand
Vous qui riez, dites-moi où avez-vous vu que : par exemple nous revoyons un ami après un long
Jcsus-Cliiist vous ait donné l'exemple ? Nulle temps d'absence ou quand, rencontrant des per-
;

part mais souvent vous l'avez vu affligé


; En ! sonnes frappées de vaines terreurs, nous voulons
eiïet, à la vue de Jérusalem, il pleura à la pensée ;
les rassurer et les récréer; rions alors, mais ja-
du traître, il se troubla; sur le point de ressusciter mais jusqu'aux éclats, mais point constamment.
Lazare, il versa des larmes. Et vous riez ! Notre cœur a besoin de cet épanouissement pour
Si ceux qui ne savent pas gémir sur les péchés se détendre quelquefois, mais non pour se dissi-
d'autrui sont dignes de blâme, quel pardon mérite per. Les désirs de la chair sont naturels aussi ; et
celui qui loin d'être aftligé de ses fautes person- toutefois il n'est pas nécessaire absolument d'y
nelles, ne sait que rire ? Voici le temps du deuil obéir, et moins encore d'en user avec excès; nous
et de rafllictioa, le moment de châtier votre devons dominer, loin de dire c'est naturel,
les :

corps et de le réduire en servitude, l'heure des jouissons !


sueurs et des combats. Et vous riez Et vous ne ! Servez Dieu avec larmes, pour pouvoir laver
remarquez pas comme Sara fut reprise pour ce vos péchés. Je sais que plusieurs se moquent de
fait! Et' vous n'entendez pas cet anathème de nous et répètent Les larmes c'est leur premier
: !

Jésus-Christ « Malheur à ceux qui rient, parce


: mot. C'est toujours le temps des larmes. Je sais
« qu'ils pleureront » (Luc, v, 23.) Voilià pour-
! quelles sont les maximes dos hommes sensuels :
tant ce que chaque jour vous répétez dans les «Mangeons et buvons; car demain nous niour-
saints cantiques. Car enfin, quelles paroles expri- « rons ». (I Cor. xv, 32.) Mais rappelez-vous cet
mez-vous alors, dites-moi ? Dites-vous avec le oracle :« Vanité des vanités, ei tout est vanité ».
Prophète J'ai ri ? Non
: mais que dites-vous ? ; (Ecclés. 1, 2.) Ce n'est pas moi qui parle ici, c'est
« Je me suis fatigué à gémir ». celui-là même qui goùla de tout plaisir, c'est lui
Mais peut-être il en
de tellement dissi-
est ici qui dit «Je me suis bàli des nasous royales;
:

pés, tellement elféminés, que nos reproches les « j'ai planté pour moi des vignes. Ji me suis créé
Ibiil rire encore, par cela seul que nous parlons « des viviers et des bains; j'ai eu des seiviteurs
de rire. Car le caractère de ce défaut, c'est la folie « et des servantes pour me verser à boue ».
et l'hébétement d'esprit; il ne comprend pas, il (Ecclés. Il, 4, 5.) Et après celte énumèraliou, que
ne sent pas le reproche. Le prêtre de Dieu est dit-il ? « Vanité des vanités, et tout est vanité ».
debout, offrant la prière universelle; et vous riez, Pleurons donc, ô mesbien-aimés, pleurons, pour
sans pudeur aucune Lui tout tremblant, offre ! que nous ayons un jour le rire vrai, la joie véri-
pour vous des prières; vous, vous n'avez que du table au jour de la sainte allégresse. Car l'allé-
mépris. N'entcndez-vous donc pas cette parole gresse d'ici-bas est nécessairement mêlée de tris-
de l'Ecriture Malheur aux moqueurs Vous ne
: ! tesse, et l'on ne peut la trouver franche et pure.
tremblez pas Vous ne rentrez pas en vous-
1 Mais l'autre sera sincère, exempte de mensonge
même Quand vous entrez dans un palais, votre
! et de déception, à l'abri de tout piège, sans mé-
allure, votre regard, votre démarche, tout votre lange enlin. Il n'est, au teste, qu'un moyeu de
extérieur enfin sait s'ennoblir et se composer : l'acquérir : c'est de choisir, dès cette vie, non pas
mais où est le palais véritable, où tout est
ici ce qui nous plait, mais te qui nous est utile ; c'est
l'image du ciel, vous liez Et pourtant, il est ! de nous aitrisiti bien peu de notre plein gré, mais
une assistance invisible à vos yeux, je le sais, de supporter avec action de grâces tout ce qui
mais itelle, entendez-le; c'est celle des anges nous arrive. Ainsi pourrons-nous gagner le
partout présents, mais qui surtout dans la maison royaume des cieux, par lagiàce et la bonté de
de Dieu font cortège au souverain roi; tout est Notre-Seigueur Jésus-CInist. Ainsi soit-il.
rempli de ces puissances spirituelles.
b22 THVDUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHilYSOSTuME.

HOMÉLIE XVI.
AUSSI BST-IL LE MEDIATEUR D UN NOUVEAU TESTAMEiM, AFIN QUE SA MORT INTERVENANT FOUR LE
RACHAT DES IM.J liCS QVl SE COMMETFAIENT SOUS I.li l'IiËMIEU TESTAMENT, CEUX QUI SONT APPELÉS
1

DE DIEU KEÇOlVENf L'UERUAGE QU'lL LEUR A PROMIS. (iX, 15^ JUSQU'A "23.)

A lalyse.
1 et 2. Le nnnveau Tosl^ment est un tcstameat vrai : ses disposilions, ses lois, ses lénioins ; raort du testât ur qui le rend
définitif. — Li mort sauclaiite de noire ti'staleur fl^îmée par les hoilies sai]L;laiiies iimu ilèrs au moment où Dieu consacra le

premier Testament. — Magnifii|ue téniniiinage de la présence réelle. — Preuve du secret chez les premiers initia ou premiers
clirétieiis. —
La vertu des anciens sacriPices sanglants venait du sang de Jésus-Clirist.
3 et 4. La vertu fera de notre cœur un vrai ciel magnifuiue comparaison.
: —
Exemples des saints arrivés, dès cette vie, à la
hauteur des cieux et plus haut même encore. —
Les funambules et bien d'autres, dont la profession est rude et dangereuse,
devraient nous faire rougir. —
Toujours vouloir et prouver notre volonté en mettant la main à l'œuvre : Dieu nous aidera.

1. Vraisemblablement un certain nombre des il nous gardait comme à des ennemis sa rude et
plus faibles convertis, étonnés de la mort même légitime sévérité. Jésus, intercédant entre lui et
de Jésus-Christ, n'avaient pas eu foi en sa pro- nous, a fléchi son cœur. Et voyez comme il a rem-
messe. Paul, pour donner à leurs idées une réfu- pli ce rôle porta et reporta les
d'inlermédiaire. Il

tation sans réplique, cite un exemple emprunté paroles échangées du ciel à la lerre, transmit à
aux coutumes les plus communes de la vie. Quel Dieu l'exposé de nos besoins, s'offrit même à su-
est cet exemple? Le motif même, dit-il, qui doit bir la mort. Oui, nous avions péché, nous devions
vous donner confiance et joie, c'est que précisé- miiurir; mais il mourut pour nous, et nous rendit
menl un testament n'est pas certain, ni valide, ni dignes de paraître sur le testamenl. Et ce qui éta-
d'cfîei définitif pendant la vie, mais bien après la blit définitivement cet acte testamentaire, c'est que
mort du testateur. Voilà pourquoi il avance que désormais il ne concerne plus des indignes. Car, dès
Jisuswest médiateur d'un nouveau Testament». Un le commencement, en père affectueux. Dieu nous
testament se fait aux approches de la mort ; son avait fait un testament mais devenus indignes,
:

essence est de reconnaiiro certains héritiers et de nous n'avions phis à figurer au testament, mais
déshériter d'autres personnes. Ainsi en est-il ici au supplice. Pourquoi, dès lors, dit saint Paul
quant aux héritiers.» Je veux», a dit Jésus- aux Juifs, pourquoi vous glorifier de la loi'' Le
Christ, « qu'ils soient où je suis moi-même ». péché nous a réduits à une si triste cundilion que
(Jean, xvii, 24.) Et quant aux déshérités, écoutez désormais le salut nous était impossiitle, si Noire-
son arrêt: «Je ne prie pas pour tous, mais pour Seigneur n'avait pour nous subi la mort; la loi
« ceux qui, par leur parole, croiront en moi ». faible et nulle , aurait été absolument impuis-
(Jean, xvii, 20.) De plus, un testament énonce les sante.
dispositions du testateur, et impose aux léga- Non content de confirmer ses assertions par la
taires certaines dispositions, aussi ont à rece-
; ils coutume universelle, l'apôlre l'appuie sur les cir-
voir telle chose, et à faire telle autre chose. Ainsi, constances qui consacrèrent l'aïuique Testament :
dans ce môme cas, Jésus après avoir fait des pro- Cette preuve est tout à fait choisie pour eux. On
messes sans nombre , énonce certains devoirs lui aurait dit: Mais personne alors ne mourut pour
qu'il exige en retour, quand il dit : « Je vous l'établir; où fut donc le principe de sa solidité, de
« donne un commandement nouveau». (Jean, xvii, sa stabilité? 11 répond La consécration de l'anli-
:

13.) En troisième lieu, le testament doit avoir des que alliance fut toute semblable. Comment? — —
témoins. Ecoutez ses paroles à cet endroit : C'est qu'on y versa le sang, comme le sang coule
C'est moi qui rends témoignage de moi-même; chez nous. Et ne vous étonnez pas si ce n'était
« mais mon Père qui m'a envoyé me rend aussi pas alors le sang du Messie : Cette alliance an-
a témoignage ». Et ailleurs, parlant de l'Esprit cienne n'était qu'une figure. Voilà pûurqu(ji l'apô-
consolateur « C'est lui », dit-il, « qui me rendra
: tre ajoute « C'est p luiquoi le premier Tes-
:

« témoignage ». (Jean, vin, 18 et xv, 26.) Et il en- « tament lui-même ne fut consacré qu'avec le
voya ses apôtres en disant « Soyez mes témoins
: « sang (18) ». Consacré, qu'est-ce-à-diie? Com-
« devant Dieu ». prenez établi, confirmé, ratifié. H fallut donc,
« Il est », dit-il, médiateur de la nouvelle al- dit-il, qu'on vit alors la figure et d'un testament
« liance ». Quel est te droit du médiateur? 11 n'a el d'une morl. Autrement, expliquez-moi pour
pas en son pouvoir l'objet pour lequel il s'inter- quelle raison le livre du 'Testamenl reçoit une
pose. Autre est cet objet, autre le médiateur. Ainsi aspersion sanglante ? Car voici le texte de l'his-
l'entremetteur d'un mariage n'est pas le fiancé, toire sainte :
n;ais celui qui aide le fiancé à trouver une épouse. 2. « Moïse ayant lu devant tout le peuple toutes
De même, au cas présent, le Fils fut à la fois noire «les ordonnances de la loi, prit du sang des
médiateur el celui du l'èie. Le l'ère ne voulait pas «veaux et des boucs avec de l'eau , de la laine
nous laisser son héritage infini; irrité contre uous^ « teinle en écarlalc et de l'hysope el en jeta sur
COMMENTAIRE SUR LtPlTRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XVI. bâ3

« le livre même et sur tout le peuple, en disant : « figure des choses célestes, fût purifié par le sang
« C'est le sang du testament et de l'alliance que « des animaux ; mais que les choses célestes
« (19, 20) «.Pour quelle
Dieu a faite en votre faveur « elles-mêmes le fussent par des victimes plus
raison, dites-moi , se fait cette aspersion et du « excellentes que n'ont été les premières (23) ».
livre, et du peuple, sinon parce qu'un sang pré- Quelles sont ces figures des choses célestes ?
cieux était figuré ainsi, bien des siècles àl'avance? Quelles sont les choses que l'apôtre nomme main-
Pourquoi l'hysope ? Parce que son feuillage épais tenant célestes ? Entend-il par là le ciel, les anges?
et spongieux retenait mieux le sang. Pourquoi Non, il désigne ainsi ce que nous avons. Nos
l'eau? Pour montrer cette purification qui se fait saints mystères sont donc dans le ciel, ils sont
aussi par l'eau. Pourquoi la laine? Pour mieux célestes, bien qu'ils se célèbrent sur la terre. Car
absorber aussi le sang. Il montre ici que le les anges, bien que sur terre, sont appelés anges
sang et l'eau étaient lamême chose et en effet
: du ciel , et les chérubins sont célestes, bien
le baptême symbole de sa passion.
est le qu'ayant apparu sur la terre. Apparu, que dis-je?
« Il jeta encore du sang sur le tabernacle et sur Ils vivent sur la terre, comme dans le paradis;
6 tous les vases qui servaient au culte. Selon la mais cette circonstance ne fait rien ils sont cé- ;

« loi, enfin, presque tout se purifie avec le sang, lestes par nature. « Et notre conversation à nous-
« et les péchés ne sont pas remis sans effusion de « mêmes est dans les cieux » (Philip, m, 20), bien
« sang (21, 22) ». Pourquoi le mot « presque ? » que nous habitions ici-bas. Ainsi, « les choses —
Pourquoi ce correctif? Parce que la purification « célestes mêmes ». C'est la sagesse que nous pra-
d'alors n'était point parfaite, non plus que la ré- tiquons, nous qui sommes appelés là-haut. « Par —
mission des péchés; la justification était incom- « des victimes », ajoute-t-il, « meilleures que les
plète et pour une partie très-peu considérable. « premières ». Qui dit « meilleur », suppose la
Chez nous, au contraire, écoutez « C'est le sang
: comparaison de supériorité avec « bon ». Ainsi
« de la nouvelle alliance qui est répandu pour alors déjà il y avait des institutions bonnes et des
o vous pour la rémission des péchés ». (Matth. copies de ce qui est au ciel; et les copies mêmes
XXVI, 28.) Le livre aujourd'hui est l'âme des chré- n'étalent pas un mal, car autrement vous déclarez
tiens que Dieu purifie; les fidèles sont les livres mauvais les originaux eux-mêmes.
de la nouvelle alliance. Quels sont les vases ser- '.i. Si donc nous sommes tout
célestes, si nous
vant au culte? Eux encore. Et le tabernacle? Eux sommes montés à cette haute nature, tremblons,
toujours. Car « j'habiterai en eux », dit-il, « et je et ne faisons plus de celte terre notre demeure.
« marcherai en eux ». Mais on ne les aspergeait Car dès qu'on le veut sincèrement aujourd'hui, ou
ni avec la laine ni avec l'hysope? Pourquoi? peut n'être plus sur la terre. Pour y être et n'y pa<
Parce que leur purification n'était plus corporelle, nous avons un moyen sur, une mé-
être à la fois,
mais spirituelle ;sang même était spirituel ici.
le thode certaine. Par exemple on dit que Dieu es( :

Comment? Parce qu'il ne coula pas des veines dans le ciel comment ? Est-ce parce qu'il y e3.
;

d'animaux sans raison, mais d'un corps préparé renfermé comme dans un lieu? Arrière cetU;
par le Saint-Esprit. Voilà le sang dont Jésus-Christ, idée mais sans que la terre soit déserte et privée
;

et non plus Mo'ise, nous arrosa par la parole déjà de sa sublime présence, il garde une amitié, une
rapportée « C'est le sang de la nouvelle alliance
: familiarité, une union plus intime avec ses auges.
« pour la rémission des péchés ». Cette parole te- Si donc nous sommes proches de Dieu, nous ha-
nant lieu de l'hysope imprégnée de sang, nous a bitons le ciel. Eh que me fait en eflet le ciel
!

tous arrosés. Jadis le corps était purifié extérieu- même, quand je contemple le Seigneur du ciel,
rement, ce n'était qu'une purification matérielle. quand moi-même je serai devenu le ciel? Or, dit
Mais ici la purification toute spirituelle pénètre Jésus-Christ, « nous viendrons, mon Père et moi,
l'âme et n'est pas une simple aspersion, c'est une « et nous ferons en lui notre demeure ».
source vive qui jaillit dans nos âmes Ceux qui
: Ah faisons de notre âme un ciel Le ciel, de sa
! !

sont initiés aux saints mystères me comprennent. nature, est si beau, si joyeux, que l'orage même
Moïse ne répandait l'aspersion que sur la surface, ne peut l'assombrir son aspect ne change pas en
;

et après l'aspersion il fallait se laver de nouveau : réalité les nuages amoncelés ne font que le ca-
;

On ne pouvait garder longtemps cette rosée de cher. Le ciel possède le soleil ; nous avons, nous
sang. Dans nos âmes il n'en va pas ainsi le : aussi, le Soleil de justice.
sang se mêle à leur nature ; il les rend fortes et J'ai dit qu'il nous
permis de aevenir autant
est
chastes; il y produit une beauté que le langage de cieux ; et je vois même
que nous pouvons sur-
humain ne peut expliquer. passer le ciel en beauté en éclat. El comment ? ,

L'apôtre démontre encore que la mort du Sau- Dès que nous posséderons le Dieu du ciel. Le ciel,
veur n'a pas seulement une vertu confirmalive, dans toutes ses parties, est pur, sans tache ni la ;

mais une vertu purificative. La mort, en elfet, qui saison mauvaise, ni la nuit ne peuvent l'altérer.
paraissait une exécration, surtout celle qu'on su- Pour éviter aussi de tristes vicissitudes, veillons à
bissait sur une croix, celte mort nous a purifiés, ne subir aucune atteinte des afflictions qui nous
dit-il, et par une purification inappréciable, et frappent ou des dénions qui nous aUa((uenl res- :

pour des faits bien autrement graves. Si les sacri- tons purs et sans tache. Le ciel esl élevé ; il est
fices antiques ont précédé,c'eslen vue de ce sang; loin delà terie ; imitons cette peifection, sépa-
ainsi s'explique l'iramulation des agneaux, et tout rons-nous de la terre, élevons-nous à celle hau-
ce qui s'est fait en lin. teur; et comment ainsi quiUer la terre? Par les
« Il était donc nécessaire que ce qui n'était que pensées célesles. Le ciel esl au-dessus des pluies
S24 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

et des orages; rien ne le captive. Nous pouvons, le ferait sur un sol uni ; et, tout en se promenant
si nous voulons, a ni ver là; et comme il semble souf- dans le vide, de de se déshabiller
s'habiller et
frirde ces lempèles, tout en restant en etiet impassi- comme si on était assis sur son lit? Ces expérien-
ble, ainsi sachons ne point pàtir, .ilois même que ces ne nous semblent-elles pas tellement eO'rayan-
nous paraissons soulFiants. En eflel, dans la mau- tes, que loin de vouloir les regarder, nous trem-
vaise saison, le vulgaire, ignorant la beauté inal- blons, nous avons le frisson rien qu'à les aper-
U^rable de ce dùnie céleste , s'imagine qu'il subit cevoir? Dites-moi encore, quoi de plus pénible et
des changements; les philosophes au contraire de plus dillicile que de se placer une perche en
savent qu'il n'en apoiul soutVert; ainsi la patience équilibre sur le front, el de porter sur la pointe un
peut nous rendre immuables jusque dans les souf- misérable enfant qui fait mille évolutions dange-
frances. Plusieurs nous croiront changés et sup- reuses pour l'amusement du public ? Quoi de plus
poseront que la douleur nous a touchés au pénible el de plus dillicile que de jouera la paume
cœur; mais les sages sauront qu'elle n'a pu nous sur des épées dressées? Esl-il rien de dangereux
frapper. comme de fouiller en plongeant le fond des meisî
Encore une devenons un ciel montons à
fois, : Vous me citeriez vous-mêmes mille autres profes-
celte hauteur, et de lànous verrons les hommes sions périlleuses.
tout pareils à de pauvres fourmis; et nous juge- Or, la vertu est plus aisée que tout cela, quand
rons ainsi les pauvres comme les riches, les même une sainte ambition nous porterait à mon-
grands, l'empereur même; nous ne distinguerons ter jusqu'au ciel. Ici, il ne s'agit que de vouloir,
plus ni souverain, ni sujet; nous ne saurons plus el tout s'ensuit. Il n'est pas permis de dire Je ne :

ce que c'est que l'or ou l'argent, la soie ou la saurais Ce serait accuser votre créateur; car s'il
!

pourpre. Assis à cette hauteur, nous verrons nous a faits trop faibles, et qu'il nous commande
luui comme des moucherons; pour nous, plus cependant, l'accusation retombe sur lui. Com-
de tumulte, de révolution, de clameur. ment donc, direz-vous, tant d'hommes ne peu-
Mais comment, direz-vous, comment peut s'éle- vent-ils pas arriver? C'est qu'ils ne veulent pas. Et
ver si haut un mortel qui habile ce bas monde ? pourquoi ne veulent-ils pas? C'est lâcheté:
Je laisse les paroles pour vous répondre par les s'ils voulaient, certainement ils pourraient. Paul
laits, etvous montrer des hommes (lui ont su ar- n'a-l-il pas dit : « Je veux que tout homme soit
river à celte sublime élévation. Qui sont-ils? Paul « comme moi-même ? » (I Cor. vu, 7.) 11 savait, en
et ses disciples, qui même en habitant la terre, effet, que tous peuvent être comme lui; si la
conversaient dans le ciel. Dans le ciel, quedis-je? chose était impossible, il n'aurait pas écrit cette
Plus haut que le ciel, dans un autre ciel que parole.
celui-ci jusqu'à Dieu même ils monlaieni, ils ar-
;
Voulez-vous devenir vertueux ? Avant tout, com-
rivaient !« Qui nous séparera », s'écrie-t-il, « de l'a- mencez. Car, dites-moi, dans toute profession, dès
« mour de Jésus-Chrisl? Sera-ce la tribulation ou qu'on veut savoir, sullil-il de vouloir, sans mettre
« l'angoisse, la faim ou la persécution, la nudité, la main à l'œuvre? Par exemple, quelqu'un veut
le danger, le glaive ? » (Hom. viii, 33.) El ail- devenir pilote il ne dit pas
; Je le veux; c'est in-
:

leurs « Nous ne contemplons point désormais les


: sulllsant, en effet; aussi, il commence. Veut-on
« choses visibles, mais les invisibles ». (Il Cor. devenir marchand? On ne dit pas seulement Je :

IV, 18.) Remai(iuez-vous qu'il n'avait plus de re- veux; on enlreiireiid le commerce. Veut -on
gard pour les choses d'ici-bas? El pour vous prou- voyager au loin? On ne dit pas seulement: Je
ver qu'il était plus élevé que les cieux, je vous veux; on se met en roule. En toutes choses enfin,
citerai sa parole « Je suis certain en elle! que la
. vouloir ne sullil pas; agir est nécessaire. Et quand
« mort ni la vie, les choses présentes ni les futures, vous voulez monter au ciel, vous vous contentez
« la hauteur ni la profondeur, qu'aucune créature de dire Je le veux.
:

« enfin ne pourra nous séparer de l'amour de Jé- On m'objectera que je disais tout à l'heure Il :

« sus-Christ ». sullit de vouloir Oui, de vouloir avec des actes,


!

4. Voyez -vous comment sa pensée s'élevant de commencerlagrandeaffaire et les saints travaux.


au-dessus de tout, le rendait supérieur, non- Car nous avons un Dieu qui nous seconde el nous
seulement à loute créature , non - seulement à aide. Seulement, prenons notre parti, mettons-nous
ce ciel visible , mais à tous les cieux qui à l'œuvre comme à une chose sérieuse, soyons di-
peuvent exister? Avez-vous compris cette éléva- ligents, soyons appliiiués el attentifs, el le reste
tion d'ûme? Avez-vous vu quel homme admirable se fera. Que si nous dormons, si nous attendons
était devenu ce faiseur de lentes, quand il l'a en plein sommeil que le ciel s'ouvre, quand ooiic
voulu, lui qui avait passé toute sa vie dans les pourrons-nous saisir ce sublime héritage ? De la
rues et les places publiques? Non, non, avec une volonté, donc, je vous en prie, de la volonté!
ferme volonté, rien ne peut arrêter notre vol Pourquoi toujours traiter uniquement les affaires
sublime. Car si nous apprenons parfaitement, si de cette vie que nous quitterons demain? Ah!
nous pouvons exercer certaines professions dont plutôt, faisons choix delà vertu, qui nous suffira
les résultats étonnent et surpassent le vulgaire, pour les siècles sans fin, où nous serons à tout
bien plus est-il possible d'atteindre à uneperleclion jamais, où nous jouirons de biens impérissables!
qui deœaDde moins de travail. Quoi de plus dif- Puissions-nous les gagner tous, par la grâce et la
ficile, de plus pénible, par exemple, dites-moi, bonté de Notre-Seigneur Jésus-Clirist, etc.
que de marcher sur une corde tendue, comme ou
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HEBREUX. - HOMÉLIE XVlI. 523

HOMELIE XVII.

CAK JÉSUS-CHKIST n'kSÏ rCNT EîiTllÈ DANS CE SANCTt'AlRE FAIT DE MAIN d'hOMME, QUI N'ÉTAIT QUE LA
Fir.URE DU VÉniTADLE, MAIS IL EST ENTRÉ DANS LE CIEL JlftME, AFIN DE SE l'IlÉSENTER MAINTENANT
POUR NOUS DEVANT LA FACE DE DIEU. (iX, 2i, JUSQU'a X, '.)

1. Gloire du premier et du second temple juif. —


Le ciel est le temple des ciiréliens, et leur ponlife y fnire couvert de son
propre sang. —
Cette entrée, ce sang, ce temple, celte oblatioa unique et suffisante, marquent assez la ptééminence de Jésus-
Clirisl et de son Testament.

2. 11 nous a délivrés de la mort, simple sommeil, en attendant la résurrection. — Il est mort pour tous les hommes, et pour les

anges mêmes, dit l'orateur.


3. Un seul sacnlice est désormais suffisant la muUiplicilé Jes victimes chez les Juifs prouve leur impuissance.
:
— Pourquoi la
messe quotidienne cependant. —
Admirable doctrine dont le concile de Trente n'est que l'écho.
4 et 5. Le nombre des communions n'en fait pas le mérite, mais bien la préparation. —
Celle de la sainte quarantaine ne siiflit
pas, surtout si la communion est suivie de rechutes. —
l.a sainteté est nécessaire. —
Voix du diacre, voix du prêtre qui nous
crie Les choses saintes sont pour les saints.
: —
La sainteté consiste surtout k voir juste et à bien vivie. —Longue et belle
métaphore tirée de l'œil humain.

1. Un grand sujet d'orgueil pour les juifs, c'était nouveau, non-seulement à raison du ciel où il est,
leur temple et leur tabernacle. » Le temple du Sei- mais aussi pour celte entrée sublime du pontife,
« gneur», répétaient-ils, «le temple duSeigneur ». qui lui fait contempler non par symbole seule-
(Jérém. vu, 5.) Et, en efi'et, jamais au monde ne ment, mais en face DIEU lui-même. Comprenez-
fut construit temple pareil, au point de vue de la vous maintenant que tout ce qu'il a dit d'humble
dépense et de la beauté; sous tout rapport, enfin. au sujet de Jésus , il l'a dit par condescendance
Dieu qui l'avait t'ait bâtir, avait voulu qu'on le pour nous? Serez-vous encore étonnés que le
construisit avec beaucoup de magnificence, parce divin Sauveur intercède, puisque Tapôtre vous
que son peuple se laissait éprendre et attirer par montre en lui le Ponlife? « Non cependant qu'il
les splendeurs matérielles. Les parois intérieures « s'offre souvent lui-même, comme ce grand prêtre
étaient donc revêtues de lames d'or, et si vous « qui entre dans le Saint des Saints tous les ans,
voulez savoir d'autres détails, consultez le second « en se couvrant du sang d'une victime étran-
livre des Rois ou le prophète Ezécliiel , vous ver- « gère (25) » car Jésus n'est pas entré dans un
;

rez quelle énorme quantité d'or y fut dépensée. sanctuaire fait de main d'homme, qui n'était que
Le second temple fut encore plus magnifique en la figure du véritable. Ainsi celui d'à-présent est
beauté et sous bien d'autres rapports. 11 n'était pas véritable; l'autre n'était que figuratif. Le temple
seulement splendide et vénérable ; il était encore était construit sur le modèle du ciel des cieux.
unique, et ses splendeurs attiraient à lui le monde Mais que dit l'apôtre? Quoi? S'il n'était pas entré
entier. On s'y rendait des confins de la terre ha- au ciel, il n'aurait pas eu la claire vision de Celui
bitée, de Babylone comme del'Etlnopie. Saint Luc qui est partout et emplit tout? Vous voyez que
fait allusion à ce concours dans les Actes « H y : c'est de Jésus-Christ comme homme que parle l'a-
« avait », dit-il, « à Jérusalem des Parthes, des pôtre. 11 dit que « pour nous» il s'est présenté de-
« Mèdes, des Elamites, de ceux qui habitent la vant la face de Dieu. Qu'est-ce à dire, pour nous?
« Mésopotamie, la Judée et la Cappadoce, le Pont Il est monté, nous dit-il, avec un sacrifice capable
o et l'Asie, la Pbrygie et la Pamphylie, l'Egypte et d'apaiser le Père. —
Mais pourquoi , dites-moi ?
« la contrée de Lybie qui est autour de Cyiène ». Etait-il ennemi lui-même? —
Les anges l'étaient,
(Act. II, de toute la terre, on s'y était
5.) Ainsi mais non pas lui car pour ce qui regarde les an-
;

rendu et le nom du temple était connu au loin.


; ges, écoulez l'oracle de saint Paul : « Jésus a pa-
Que va faire saint Paul? Il va raisonner ici, « cifié tout ce qui était sur la terre et tout ce qui
comme il a fait à propos des sacrifices. Comme « était au ciel ». (Colos. i, 20.) 11 a donc raison de
en face de ces immolalions antiques il a placé la dire que Jésus est entré dans le ciel, afin de se
mort de Jésus-Christ, ainsi va-t-il au temple an- présenter pour nous devant la l'ace de Dieu. 11 s'y
cien opposer le ciel tout entier. Et non content de présente, en effet, mais pour nous.
cette dillérence matérielle, il ajoutera que le prè- « Et il n'y est pas ainsi entré pour s'offrir lui-
!/e de la nouvelle alliance s'est bien plus appro- « même souvent, comme le grand prêtre enlic
ché de Dieu. « Jésus-Christ», dil-il, « n'est pas « tous les ans dans le sanctuaire, en se couvrant
« entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, « d'un sang étranger ». Vous voyez comme les
«mais dans le ciel même, afin de se présenter différences sont nombreuses. Une fois, lui ; l'au-
« maintenant pour nous devant la face de Dieu ». tre, souvent; l'un entre avec son propre sang,
11 déclare que Notre-Seigneur s'est présenté de- l'autre avec un sang étranger. Grandesdifférenccs.
vant la face de Dieu ; il grandit ainsi le sacerdoce Jésus est donc à la l'ois sacrifice, pi être et victime,
526 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.'

S'il n'était pas tout cela, s'il devait offrir plusieurs « ché pour le salut de ceux qui l'attendent sans
sacrifices, faudrait qu'il lût plusieurs fois cru-
il « péché ». Qu'est-ce à dire? C'est-à-dire qu'il ne
cifié : «Autrement» , dit-il, « il aurait fallu qu'il viendra plus pour effacer nos péchés, pour anéan-
« eût souffert plus d'une fois depuis la création du tir nos iniquités, pour mourir de nouveau. Car

• monde (26) >. s'il est mort, ce n'est pas qu'il dût ce tribut à la

Mais voici une parole pruConJe mystérieuse et : nature, ce n'est pas non plus qu'il eût péché. « 11
f Au litu », dit-il, « qu'une fois
qu'il n'a souffert « apparaîtra » , comment? Comme vengeur, pou-

« vei's la fin des siècles ». Pourquoi « Vers la fin : vait-il dire; mais laissant cette parole, il en pro-
« dessiècles?» Aprèsde nombreux péchés commis nonce une bienheureuse et bien douce: « Il appa-
dans le monde. Si tout s'était passé dès le com- « rai Ira sans péché, pour le salut de ceux qui
:aiencement, personne ne l'aurait cru; et son incar- « rallendent », pour que désormais ils n'aient
nation avec tous ses dévouements devenaient inuti- plus besoin de sacrifices; pour les sauver enfin,
les ; Jésus-Christ, en effet, n'aurait pu convenable- mais d'après leurs œuvres.
ment mourir deux l'ois. Mais après un long règne « Car la loi n'ayant que l'ombre même des biens
du péché, il convenait qu'il se montrât. C'est, « à venir el non l'image même des choses réelles»,

au reste, ce qu'il dit ailleurs «Oiile péché a abon-


: c'est-à-dire qu'elle n'en avait pas la vérité. Car
• dé, la grâce a surabondé ».(Rom. v, 20. ) « Et jusqu'à ce qu'on pose les couleurs sur un tableau,
« maintenant une seule fois vers la fin des siècles, ce n'est qu'une ébauche; mais quand le dessin a
« il a souffert pour abolir le péché en s'offiant disiiaru sous la couleur, c'est un portrait. La loi,
c lui-même pour victime ». c'était quelque chose de pareil. Heprenons :

2. « Et comme il est anèté que tous les hommes « Car la loi n'ayant que l'ombre des biens à
« meurent une fois,et qu'ensuite ils soienljugés... « venir et non la vérité même des choses enten-
(

« (21) ». Après avoir prouvé que Jésus-Christ n'a- « dez le vrai sacrifice, la vraie rémission des pé-
vait pas besoin de subir la mort plus d'une fois, « chés), malgré les mèmesvictimesqu'on ne cesse
Eïint Paul nous apprend pourquoi il dut mourir « d'offrir, elle ne peut rendre justes el parfails
u oe fois. 11 est établi, dii-il, pour tous les hommes « ceux qui s'appioelient de l'autel. Aulrcnieut on
d.i mourir une fois, voilà donc pourquoi il est mort « aurait cessé de les offrir, parce que ceux qui
u.le fois pour tous les hommes. Mais, dès lors, « lui rendent ce culte n'auraient plus senti leur
ccmment? Est-ce que nous ne subissons plus la « conscience chargée de péchés, en ayant été une
m irt dont il s'agit ici? Sans doute, oui, nous la « fois purifiés. Et cependant on y fait mention de
iu lissons, mais non pour y demeurer; et déjà ce « nouveau tous lesansdes péchés. Car ilestimpos-
D't H plus mourir. Car la tyrannie de la mort, sa « sible que le sang des taureaux et des boucs ôle
terrible réalitéexiste tout entière quand le mort « le péché. C'est pourquoi le Fils de Dieu entrant
n'a plus pouvoir de revenir à la vie. Que s'il revit « dans le monde, dit Vous n'avez pas voulu d'iios-
:

après le coup fatal, et surtout s'il retrouve une vie « lie ni d'oblation; mais vous m'avez formé un
meilleure , non ce n'est plus c'est unune mort, « corps. Vous n'avez point agréé les holocaustes
sommeil. Or, comme nous condamnés à étions « ni les sacrifices pour le péché. Alors j'ai dit: Me
rester toujours captifs sous celte main de la mort, « voici; il est écrit de moi à la tête du livre Je :

le Sauveur est mort précisément pour nous déli- «viens, mon Dieu, pour faire votre volonté. Après
vrer. « avoir dit Vous n'avez point voulu et vous n'a-
:

une seule fois (28)».


Ainsi Jésus-Christ aété offert « vez point agréé les hosties, les oblations, les
Parqui, offert? Par lui-même, ce qui montre en lui • holocaustes et les sacrifices pour le péché, qui
uon-seulement le prêtre, mais encore la victime et « sont toutes choses qui s'offrent selon la loi; il
le sacrifice. Ensuite l'apôtre nous donne la raison « ajoute ensuite Me voici , je viens pour faire, ô
:

de cette oblation a Offert une fois », dit-il, « pour


: t Dieu, votre volonté. U abolit ces premiers sa-
« effacer les péchésde plusieurs». Pourquoi de plu- «crifices, pour établir le second ». (x, 1-9.)
sieurs et non pas de tous? Parce que tous n'ont Vous voyez quelle abondance de preuves. Notre
pas cru. Il est mort pour les sauver tous; il a fait, victime est unique, dit-il; les vôtres nombreuses;
en ceci, tout son devoir. Cette mort divine équi- et leur grand nombre même prouve leur impuis-
valait à la mort de tous les hommes; mais elle sance.
n'a ni éteint, ni levé les péchés de tous les hom- 3. En effet, diles-moi, à quoi bon plusieurs vic-
mes, parce qu'eux-mêmes s'y sont refusés. Mais times, quand une seule suffit? Leur nombre et leur
qu'est-ce que « lever les péchés? » Celte expres- offrande perpéluellfi montrent que ceux qui les
sion rappelle notre prière à l'offertoire, alors que offrent no sont pas purifiés. Quand un médica-
présentant nos péchés, nous disons : « Que nous ment est foi t, capable de rendre la santé et de
« ayons péché volontairement ou involontaiie- guérirenlièiement la maladie, il suffit de leprescriie
« ment. Seigneur, pardonnez-nous». Aiii.si les une fois pour qu'il opère tout son effet. Et si,
lever, c'est nous en souvenir, et en imi)lorei' aus- prescrit une fois, il a opéré parlailement, sa force
sitôt le pardon. C'est exactement ce qui s'est lait est démontrée par cela seul qu'on ne l'ordonnera
par Notre-Seigneur. Et quand l'at-il fait? Ecoutez plus; son action est évidente, par cela même
sa réponse t Pour eux, je me sanctifie moi-
: qu'on n'y fait plus appel. Au contraire, s'il faut le
« même ». (Jean, xvii, 19.) 11enlevé aux hom-
a répéter toujours, c'est qu'évidemment il est sans
mes leurs péchés et les a offerts à son Père, non veriu; car le propre d'un spécifique, c'est d'être
pour requérir contre eux, mais pour les leur re- prescrit une fois et non pas souvent. Appliquezici
pettre j « Et la seconde fois il apparaîtra sans pé- cette comparaison. Pourquoi enfin faut-il toujours
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XVII. Sâî

les mêmes victimes? S'ils étaient délivrés de tous entier là, un seul et même corps. Comme donc»
leurs péchés, pourquoi offrir chaque jour de nou- bien qu'offert en plusieurs lieux, il est un seul
veaux sacrifices? En effet, il était établi qu'on sa- corps et non pas plusieurs corps, ainsi n'avons-
crifierait pour le peuple entier tous les jours, cha- nous non plus qu'un seul sacrifice. C'est notre
que soir et même pendant la journée. Cette pratique Pontife qui a offert cette victime, qui nous pu-
accusait les péchés des juifs et ne les remettait rifie. Et nous offrons maintenant aussi celle qui

pas; elle avouait leur faiblesse et ne manifestait fut alors présentée et qui ne peut s'épuiser jamais.
pas sa vertu. Une première immolation avait été Et nous le faisons maintenant en souvenir de ce
impuissante on en offrait une seconde; celle-ci
: qui se fit alors « Faites ceci en mémoire de
:

ne produisait rien elle-même, il en fallait une troi- « moi », dit-il. Ce n'est pas à chaque fois une im-

sième ; c'était donc une déclaration sans réplique molation différente, comme le grand prêtre
de leurs péchés. Le sacrifice était une preuve du d'alors, c'est la même que nous faisons; ou plutôt
péché, le sacrifice sans cesse réitéré était un aveu d'un seul sacrifice nous faisons perpétuellement
de l'impuissance du sacrifice. mémoire.
Eq Jésus-Christ, le contraire a lieu. 11 a été offert puisque j'ai rappelé ce grand sacrifice,
4. Mais,
une fois, et à perpétuité ce sacrifice suffit. Aussi il que je vous en parle un peu, à vous qui êtes
faut
l'apôtre, avec raison, appelle les offrandes anti- initiés aux mystères je dis un peu, parce que je
;

ques des « copies » elfes n'ont, de leur modèle,


: serai court; je devrais dire grandement, à cause
que la figure , et non pas la vertu. C'est ainsi que de l'importance et de l'utilité de ce sujet, car ce
les portraits ont l'image du modèle, sans en avoir n'est pas moi qui parle, mais le Saint-Esprit. Que
la vertu. L'original et la figure ont quelque chose dirai-je donc? Plusieurs, en toute une année, ne
de commun: ils ont la même apparence, mais non participent qu'une fois à ce sacrifice; d'autres,
la même force. Ainsi en va-t-il du ciel com- deux fois d'autres, souvent. Je m'adresse donc à
;

paré au tabernacle; il y a similitude entre eux , tous les chrétiens, non-seulement à ceux qui sont
sainteté de part et d'autre : mais la vertu et le reste ici, mais encore à ceux qui demeurent dans le dé-
ne sont plus les mêmes. sert car les solitaires n'y prennent part qu'uue
;

Comment entendre que le Seigneur, par son fois l'an, souvent même à peine une fois en deux
sacrifice, est apparu pour la ruine du péché? ans. Mais, après tout, qui sont ceux que nous ap-
Qu'est-ce que cette ruine ? C'est une sorte d'ex- prouverons le plus de ceux qui communient une
clusion avec mépris; le péché n'a plus de pouvoir, fois, de ceux qui communient souvent, ou de
il est ruiné, disgracié. Comment encore ? 11 avait ceux qui cominunieut rarement? Pas plus les uns
droit à réclamer notre châtiment, et il ne l'a pas que les autres; mais ceux-là seuls qui s'y présen-
obtenu ; en cela, il est exclu avec violence. Lui qui tent avec une conscience pure, avec la pureté du
attendait l'heure de nous évincer tous et de nous cœur, avec une vie à l'abri de tout reproche. Pré-
détruire, a été lui-même supprimé et anéanti. sentez-vous ces garanties? venez toujours! Ne les
— Jésus est apparu par son sacrifice, c'est- offrez-vous point? ne venez pas même une fois.
à-dire, il s'est montré lui-même, il s'est approché Pourquoi? parce que vous y recevriez votre juge-
de Dieu. Quant aux prêtres des juifs, n'allez pas ment, votre condamnation, votre supplice. N'en
croire qu'en répétant souvent leur immolation soyez pas étonnés car ainsi qu'un aliment nour-
:

dans une même année, ils le fissent au hasard, rissant de sa nature, mais qui tombe dans un corps
et non pas à cause de l'impuissance de leurs sa- rempli déjà d'autres aliments mauvais ou d'hu-
crifices. Si ce n'était par impuissance, pour quel meurs malignes, achève de tout perdre etde tout
autre motif agir ainsi ? Quand une plaie est gâter, et occasionne une maladie ; ainsi agissent
guérie, il n'est plus besoin d'appliquer les médi- nos augustes mystères.
caments. C'est pourquoi, dit saint Paul, Dieu a Quoi vous jouissez d'une table spirituelle,
!

ordonné qu'on ne cessât d'offrir par impuissance d'une table royale, et de nouveau votre bouche se
même de guérir, pour rappeler sans cesse aux souille de fange? 'Vous parfumez vos lèvres pour
juifs la mémoire de leurs péchés. les remplir bientôt d'ordure? Dites-moi, lorsqu'au
Mais quoi ? Est-ce que nous n'offrons pas aussi ternie d'une longue année vous participez à la
tous les jours ? Sans doute, nous offrons ainsi ; mais communion, pensez-vous que quarante jours vous
pous ne faisons que rappeler la mémoire de la suffisent pour purifier les péchés de toute cette
moi; de Jésus-Christ, car il n'y a qu'une hostie période? El même encore, à peine une semaine
et non pas plusieurs. Pourquoi une seulement et se sera-t-elle écoulée après votre communion,
non pas plusieurs ? Parce qu'elle n'a été offerte que vous vous livreiez à vos anciens excès! Or, si
qu'une seule lois , comme il n'y avait qu'un seul après quarante jours à peine de convalescence
sacrifice ofl'ert dans le Saint des Saints or ce sa-
: d'une longue maladie, vous vous permettiez sans
crifice était la fi^^ure du nôtre, de celui que nous mesure tous les aliments qui engendrent lesmala-
continuons d'olliir. Car nous offrons toujours le dies, ne perdriez-vous pas votre peine et vos ef-
même, et non pas aujourd'hui un agneau, forts passés? Car si les forces naturelles subissent
demain un autre; non, mais toujours le même. elles-mêmes des altérations, combien plus celles
Pour celte raison, notre sacrifice est unique. de nos résolutions et de notre libre arbitre! Par
En effet, de ce qu'on l'offre en plusieurs exemple, la vue est une faculté naturelle; nous
endroits, s'ensuit-il qu'il y ait plusieurs Jésus- avons naturellement les yeux sains, mais souvent
Christ ? Non, certes, mais un seul et même Jésus- une indisposition blesse chez nous ce précieux
Christ partout, qui est tout entier ici, et tout organe. Si donc ces facultés physiques peuvent
528 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

s'altérer,combien plus facilement celles qui dé- ces exercices purement corporels, on fait une en-
pendent de noire liberté! Vous accordez quarante quête si sérieuse des habitudes et de la conduite,
jours, peut-être même moins, à la santé de votre bien plus est-elle requise quand il s'agit enlière-
àme, et vous croyez avoir apaisé votre Dieu ! ment d'un combat de l'âme. Voici donc parmi
homme! vous moquez-vous enfin? nous aussi un héraut debout, prêt déjà, non pas à
Je parle ainsi, non pour vous éloigner de cet nous prendre et à nous conduire en nous tenant
unique et annuel accomplissement d'un devoir, par la tête, mais à nous tenir tous ensemble par
mais parce que je voudrais que tous nous pus- notre conscience; le voici qui ne fait pas appel
sions le remplir assidûment. Au reste, je ne suis à des accusateurs contre nous, mais qui nous
que l'écho de ce cri du diacre qui tout à l'heure oblige à nous accuser nous-mêmes. Il ne de-
appellera les saints, et qui par celte parole sem- mande pas Est-il quelqu'un pour accuser cet
:

blera sonder les dispositions de chacun, afin que homme? Mais, écoutez; est-il quelqu'un qui s'ac-
personne n'approche sans préparation. De même cuse lui-même? Car lorsqu'il dit Les choses
:

que dans un troupeau où la plupart même des saintes sont pour les saints, il dit quelque chose
brebis sont saines, s'il s'en trouve qui soient ma- d'équivalent Arrière celui qui n'est pas saint Il
: !

lades, il faut qu'on les sépare des brebis saines, faut, dit-il, non-seulem(Mit êtie pur de péchés,
ainsi en est-il dans l'Eglise; parmi nos ouailles, mais être saint. La délivrance et le pardon des
les unes sont saines, les autres malades, et la voix fautes ne suffisent pas pour sanctifier; il faut en-
du ministre de l'autel partout retentissante, les sé- core la présence de l'Esprit-Saint, et l'abondance
pare ; et cette voix terrible est l'écho de celle du des bonnes œuvres. Je vous veux, ajoute-t-il, non-
prêtre qui appelle et attire exclusivement les seulement exempts de souillures, mais déjà splen-
saints. En il est impossible à l'homme
eftet, de dides de beauté et de blancheur. Car si le roi de
connaiire conscience de son prochain
la «Car», : Babylone, en choisissant les jeunes gens de la
dit l'apùtre, « qui parmi les hommes connaît les captivité, s'arrêta sur les mieux faits de corps et
« secrets de l'homme, sinon la conscience hu- les plus beaux de visage, bien plus faut-il que les
' maine, parce qu'elle est dans l'hoiiime ? » convives de cette table du souverain Roi, brillent
(1 Cor.

II, il.) C'est pourquoi la voix terrible retentit au par la beauté de leur âme, que l'or éclate sur eux,
moment où s'est achevé le sacrifice, afin que per- que leurs vêtcmenls soient irréprochables, leur
sonne ne s'approche avec irréllexion et témérité chaussure royale et toute leur physionomie spiri-
de la grande source des grâces. tuelle pleine de giàce, qu'ils aient parure d'or et
Dans un troupeau (car rien ne nous empêche ceinture de vérité. Qu'il approche le chrétien ainsi
d'exploiter encore cet exemple], dans un trou- disposé, qu'il trempe ses lèvres au royal breu-
peau, nuus démêlons, pour les enfermer à part, Tage!
les animaux malades; nous les retenons dans les Mais s'il en est un, couvert de haillons, souillé
ténèbres, nous leur donnons une nouriilure spé- d'ordure, et qu'il veuille avec ce honteux appa-
ciale ; nous ne leur permettons ni de respirer reil approcher du banquet royal, imaginez quel
l'air frais, ni de se nourrir de l'herbe pure, ni de supplice et quels remords l'attendent, puisque
sortir pour aller boire aux fontaines. Eh bien! quarante jours ne suffisent pas à laver les péchés
celle voix du sanctuaire est aussi comme une commis pendant une longue période de temps.
chaîne. Vous ne pouvez dire: J'ignorais, je ne sa- Car si l'enfer ne suffit pas, bien qu'il soit ''jlf-rnel,
vais pas que la chose eût des conséquences dan- (il n'est éternel, en effet, que parce qr 'il f iJt in-

gereuses. C'est contre cette ignorance surtout que suffisant), bien moins doit-on se contenter de ce
Paul a tonné. Vous direz peut-être Je ne l'ai pas : temps si court de la sainte quarantaine. Ainsi faite,
lu. Cela vous accuse, loin de vous excuser. Vous notre pénitence n'est point valide, mais impuis-
venez tous les jours à l'Eglise et vous ignorez un sante.
point de cette importance ! Le divin Roi demande surtout de saints eunu-
5. Au reste, pour que vous ne puissiez vous ques. Par eunuques j'entends ceux qui ont le
couvrir d'un tel prétexte, le prêtre debout en un cœur pur, sans souillure, sans tache, ceux dont
lieu éminent, et levant la main, comme le héraut l'âme est élevée ; je leur demande surtout un œil
de Dieu, crie à haute voix et d'un ton terrible; du cœur, doux et pacifique, un œil pénétrant et
vous l'entendez au milieu d'un silence redoulable vif, sévère et attentif, et non pas somnolent et pa-
appeler d'une voix forte les uns, et repousser les resseux ; un œil libre et franc, mais non point
autres c'est le prêtre, il ne fait pas seulement le
: hardi ni présomptueux ; un œil vigilant et fort,
geste de la main, mais ses lèvres s'expriment [dus ennemi de la tristesse exagérée autant que d'una
clairement, plus nettement qu'une main mena- gaieté folle et dissipée. L'a^il de notre cœur avec
çanle. Celle voix pénétrant dans nos oreilles, est toutes ses vertus, sera noire œuvre; si nous vou-
comme un bras puissant qui expulse les uns et lons, nous pouvons nous former un regard très-
les chasse dehors, tandis qu'il fait entrer et placer beau et irès-pénélrant. Evitons d'exposer cet or-
les autres. Dites-moi, je vous prie, aux jeux olym- gane de la vue à la fumée et à la poussière, image
piques, n'avez-vous pas vu se lever le héraut, trop vraie de toutes les choses humaines; nour-
criant à haute etintelligible voix Est-il quelqu'un
: rissons-le d'air pur et vif; dressons-le à contem-
qui accuse tel candidat d'être un vil esclave, un pler les hauteurs et lessommets sublimes, à plon-
voleur, un libertin? Or ces combats n'ont rien ger dans les milieux calmes, purs, réjouissants:
pour l'esprit, le cœur ni les mœurs; tout y repré- bientôt nous l'aurons à la fois guéri et fortifié, en
sente le corps et la force physique. Si donc pour le baignant dans ces perspectives enchanteresses
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HEBREUX. — HOMÉLIE XVHI. m
Ainsi, avez-vous aperçu des richesses mal ac- gnez-lui celte triste épreuve , et vous le rendrez
quises et excessives? Ne levez pas les yeux de ce joyeux, vif et fort, ei capable de se nourrir tou-
côté : votre organe y trouverait boue et fumée, jours de saintes espérances.
vapeur malsaine et ténèbres, angoisses cuisantes Que Dieu nous donne à tous d'acquérir cet œil
et ennuis suffocants. Avez-vous vu au contraire parfait et de régler ainsi toutes les opérations de
un homme juste, content de ce qu'il a, très-largt, notre âme selon la volonté de Jésus-Christ, afin
à pardonner, sans souci ni inquiétude des biens que devenus dignes du chef sublime qui nous
présents ? Fixez, élevez sur lui votre regard ; votre commande, nous partions un jour pour son saint
œil n'en deviendra que plus beau et plus clair, rendez-vous. Car il dit Où je suis, je veux qu'ils
:

si vous le repaissez non de la vue des fleurs, soient aussi avec moi, et qu'ils aient la vision de
mais plutôt de celle de la vertu, du désinté- ma gloire. (Jean, xvii, 24.) Puisse-t-il nous être
ressement, de la modération, de la justice, de fou- donné de gagner en Jésus-Christ Notre-Sei-
la
tes les saintes habitudes. Car rien ne trouble l'œil gneur, avec lequel soient au Père etau Saint-Esprit,
autant que la mauvaise conscience. « Mon cœur la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et tou-
« s'est troublé de colère », dit le Prophète; rien jours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
ne répand en effet de plus épaisses ténèbres. Epar-

HOMELIE XVIII.

vous n'avez point voulu et vous n'avez point agréé les hosties, les oblations, les holocaustes
ET LES sacrifices POUR LE PÉCHÉ, TOUTES CHOSES QUI S'OFFRENT SELON LA LOI. (X, 8, JUSQU'A 18.)

Analyse»
. Les sacrifices étaient abolis dans la — La volonté de Dieu ne confond pas avec
volonté de Dieu, quand arriva Jésus-Christ. se
son désir : il n'exige pas toujours ce qu'il désirerait de nous. — Pourquoi Notre-Seigneur attend avant de frapper ennemis? ses
Qui sont ceux qui encourent son inimitié ?
et 3. La pauvreté enseignée déjà comme vertu dans l'Ancien Testament, est déclarée comme telle avec bien plus d'évidence
dans le Nouveau. — C'est la pauvreté qui donne
aux prophètes et aux apôtres leur sublime courage, et à tout homme une
sainte liberté. —
La pauvreté est une véritable richesse. —
Elle vous donne, à vous personnellement, de grandes vertus et
des facilités pour le ciel ; extérieurement, d'ailleurs, elle vous affranchit du besoio des autres et vous rend plus heureux qu'un
roi. — La pauvreté fait des miracles avec saint Pierre, et vous gagne le ciel quand, par amour pour elle et pour les indigents,
00 s'est dépouillé de tout.

1. L'apôtre a démontré précédemment l'inutilité sent reconnus inutiles même parmi eux. Voici en
des sacrifices juifs pour la pureté et la sainteté effet ce que dit le Seigneur, par la bouche du Pro-
parfaite de nos âmes ; il a fait voir en eux des fi- phète : « Vous n'avez plus voulu de sacrillces ni
gures et des images, et encore bien impuissantes. « d'offrandes » ; paroles qui anéantissent tous les
Une objection se présentait Pourquoi, si c'étaient : anciens rites; et après s'être ainsi exprimé en gé-
des figures et des ombres, pourquoi n'ont-ils pas néral, il condamne chacun de ces rites en particu-
cessé, aussitôt l'avènement de la vérité? Comment, lier : « Vous n'avez pas agréé les holocaustes
loin d'avoir fini, se célèbrent-ils encore? Il prouve « pour le péché », continue-t-il. Tout ce qu'on
donc maintenant avec évidence qu'ils ne s'accom- présentait à Dieu, en dehors du sacrifice, s'appelait
plissent déjà plus, pas même à titre de copies et offrande.
de figures, puisque Dieu ne veut plus les accepter. « Alors j'ai dit Voici que je viens ». Quel est le
:

il n'invoque, au reste, aucun nouvel argument iiour personnage désigné ici par le Prophète î Nul autre
les condamner; il lui suffit de produire un témoi- que Noire-Seigneur Jésus-Christ lequel en ce ,

gnage antique autant qu'ii'ièl'ragable, celui des passage n'accuse point ceux qui faisaient les of-
prophètes qui rappellent au.^ juils la fin et la frandes; montrant que, s'il ne les agrée plus, ce
mort imminente de ces rites usés, et qui leur re- n'est pas à cause de leur malice et de leurs pé-
prochent d'agir avec témérité en toutes choses et ché.-^, raison qu'il allègue ailleurs pour réprouver
de résister toujours à l'Esprit-Saint. Il prouve leurs présents; mais qu'il les repousse aujour-
même clairement que leurs sacrifices n'ont pas d'hui parce qu'il est d'ailleurs prouvé, parce que
cessé du jour où il parle, mais dès celui où Notre- l'expérience a démontré que tout ce culte est sans
Seigneur entra dans le monde, et môme avant son puissance aucune et n'est plus en harmonie avec
avènement; de sorle que Jésus-Christ n'a pas dû son époque. N'est-ce pas ajouter une nouvelle
les réprouver ni les abolir, mais qu'aussitôt leur raison à celle déjà donnée, de la multiplicité des
abolition et réprobation, le Messie arriva. Afin que sacrifices? Mais ce n'est pas seulement cette mul-
les juifs ne pussent dire Nous pouvons encore
: tiplicité qui, selon en révèle l'impuissance et
lui,
plaire à Dieu sans le nouveau sacrifice, le Christ a le néant ; c'est ce fait encore, que Dieu n'en veut
ftttendu pour venir que les anciens sacrifices fus- plus comme étant inutiles et stériles. Aussi dU-ii

S. t. Cr, - Toj:s XI,


830 TKAUUCflOiN l'KAiNÇAISE DE SAINT JEAN CHRVSOSTOML'.

ailleurs : « Si vous aviez voulu un sacrifîcft, j'en démontre par les faits écrits el non écrits. Au
t aurais oiïerl » (Ps. l, 18); indiquant encore qu'il reste, il avait cité auparavant le texte du Prophète ;

n'en veut plus. Donc les sacrifices ne sont plus le « Vous n'avez plus voulu de sacrifice ni d'of-
désir de Dieu, qui en veulau contraire l'abolilion, « frande ». 11 avance aussi que Dieu a remis nos

el c'est contre son gré que désormais on les péchés, elil le prouve cette fois par un témoignage
lait. d'Ecriture sainte « L'Esprit-Saint », dit-il, « nous
:

«Pour faire votre volonté ». Qu'est-ce à dire? « l'a déclaré lui-même, car après avoir dit Voici :

Pour me donner moi-même; car telle est la vo- « l'alliance que je ferai avec eux après que ce
;

lonté de Dieu, volonté par laquelle nous avons été « temps-là sera arrivé, dit le Seigneur, j'imprime-

sanctiliés. Il nous révèle ainsi que la volonté de « rai mes lois dans leur cœuret je les écrirai dans

Dieu, et non pas les sacrifices, purifie les hom- « leuresprit, il ajoute Et je ne me souviendrai
:

mes; la couiinualiondes sacrifices n'était donc pas « plus de leurs péchés ni de leurs iniquités or, :

dans la volonté de Dieu. Serez-vous étonnés , au n quand les péchés sont remis, il n'y a plus d'obla-

reste, qu'ils ne soient plus maintenant dans le « lion à faire pour les péchés (10-18) ».
désir de Dieu, lorsque déjà, dès le commencement Il a donc remis les péchés, quand il nous a
ils lui étaient pins qu*indi(Térents? « Car», dit-il donné son testament; et il nous a donné son tes-
dans Isaïe, « qui donc vous a demandé ces ofiran- tament par son sacrifice. Si donc il a ell'acé les
« des de vos mains?» (Isaïe, i, 12.) Et toute- — péchés par ce sacrifice unique, il n'en l'aul plus
fois, il les avait commandées
pourquoi? Pour ;
même un second. «11 est assis », remarqiie-t-il,
s'abaisser à leur niveau, comme quand Paul di- « à la droite de Dieu, attendant le reste ». Quelle
sait « Je désire que tous les hommes vivent
: est la cause de ce délai? C'est que ses ennemis
« comme moi dans la continence » (1 Cor. vu, 7); doivent être placés sous ses pieds. « Car une seule
ajoutant au contraire « Je veux que les jeunes
: « offrande, d'ailleurs, arendu parfaits pour toujours
« veuves se marient, qu'elles aient des enfants ». «ceux qu'il a sanclifiés ». —
Mais, dira pcul-êlre
(l Tim. V, 43.) Voilà l'expression de deux volontés, quelqu'un Pourquoi ne pas prosternersur-l(-i;liamp
:

mais qui ne sont pas toutes deux son désir, bien ses ennemis? —
A cause des fidèles qui devaient
qu'il commande dans les deux cas la première : naître et lui Cire engendrés. —
Mais qu'est-ce qui
est bien la sienne, et il la déclare sans y apporter prouve qu'un jour cet abaissement aura lieu? —
(le motif; la seconde, bien qu'il l'énonce, n'est C'est cette position assise et majestueuse que lui
pas son désir, aussi en a-t-il formulé la raison, donne Dieu môme. —
L'apôtre a donc rappelé le
commençant par accuser ces femmes de s'adon- magnifique témoignage de David « Jusqu'à ce
:

ner au luxe et au plaisir contre la loi do Jésus- « qu'il place ses ennemis sous ses pieds », et ses
Cliiist, el ajoutant en conséquence : « Je veux que ennemis sont les juifs. Après avoir rappelé cette
« les jeunes veuves se marient, qu'elles aient des promesse de Dieu au Christ, de réduire ses enne-
a enl.inls ». C'est ainsi que Dieu, s'accommodant mis à lui servir de marchepied, comme cette pro-
à la faiblesse de son peuple, avait réglé son culte. raes.se ne s'accordait *pas avec l'élat actuel des
Sd volonté première n'était pas pour ce rite des choses, puisqu'alors lesjuifs persécutaient les chré-
sacrifices. Ainsi quelque part il déclare qu'il ne tiens, saint Paul pour rassurer les fidèles, leur
veut pas la mort du pécheur, mais plutôt qu'il se parle longuement de la foi dans ce qui suit. Mais
convertisse el qu'il vive. (Ézéch. xviii, 23.) Ail- encore une fois, qui sont ses ennemis ? Les juifs,
leurs, au contraire, il déclare non-seulement qu'il sans doute, mais aussi tous les infidèles et les
l'a voulue, mais qu'il l'a désirée. Voilà deux idées démons. Et pour indiquer à demi-mot leur humi-
contraires car le désir est une forte volonté.
: liation complète, il ne dit pas qu'ils lui seront
Comment pouvez-vous, ô mon Dieu, refuser ici soumis seulement, mais qu'ils seront placés sous
ce que vous désirez ailleurs, puisque ce désir in- ses pieds. Gardons-nous donc d'ôtre de ses enne-
dique votre volonté plus grande? C'est dans le mis, et sachons que les infidèles et les juifs ne
sens que nous avons dit ici. sont pas les seuls dans son inimitié, mais aussi
« El c'est cette volonté de Dieu qui nous a tous ceux dont la vie est remplie d'impuretés et
« sanctifiés », ajoute-t-il. « Sanctifiés », comment? de péchés. « Caria prudence de la chair estenim-
Lui-même l'explique « Pai' l'oblalion du corpsde
: « mie de Dieu ; elle n'est pas soumise, en elfet,
« Jésus-Clirist
qui a été l'aile une seule l'ois. Aussi, « elle ne peut même l'èlre à la loi de Dieu ». Quoi
« au lieu que tous les prouesse tiennent debout donc? direz-vous est-ce là un crime ?
; Et un —
« tous les jours devant Dieu sacrilianl el odrant Irès-grand. Le méchant, tant qu'il reste dans sa
« plusieurs fois les mêmes victimes ». La position malice, ne peut être soumis à Dieu ; mais le re-
debout accuse donc le serviteur et le ministre; pentir qui lui esl possible, peut lo rendre bon el
tandis que la position assise indique celui qui re- fidèle.
çoit le service et l'hommage. « Celui-ci ayant of- 2. Bannissons donc les pensées et les senti-
« fart une seule hostie pour les péchés, est assis ments charnels. Charnels, qu'entcnds-je parla?
t pour toujours à la droite de Dieu, oii il attend ce Tout ce qui rend le corps florissant et brillant de
« qui reste à accomplir Que ses ennemis soient
: santé, et qui apporte à l'âme la laideur el la ma-
« réduits à lui servir de marchepied. Car par ladie : comme par exemple, tout ce qu'on appelle
une seule oblalion il a rendu parfaits pour tou- richesses, délices, gloire. Le principe charnel se
« jours ceux qu'il a sanctiliés. Et c'est ce que reconnaît tout entier en un mot : c'est l'amour de
t l'Esprit-Saint nous a déclaré lui-même ». 11 dé- nos cori)s. Ne désirons point la richesse, embras-
clare que ces oblalions n'ont plus lieu, et il le sons plutôt la pauvreté , car elle est un grand
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XVIII. 831

hien. —Mais elle rabaisse, dira-t-on; elle dé- ni le bannissement. Si la pauvreté enlevait aux
grade el avilit aux yeux des hommes. C'est — hommes leur liberté de parole, Jésus-Christ n'au-
précisément ce dont nous avons le plus besoin, rait pas envoyé ses disciples avec cette pauvreté
c'est notre plus grand intérêt. « La pauvreté », dit pour seule arme, à une conquête qui exigeait
le Sage, t donne l'iiumililé ». Et Jésns-Cbrist : avant tout une parole libre et confiante.
« Bienheureux les pauvres de bon gré! » Quoi! Le pauvre, lui, est fort et courageux; il ne
vous plaindrez-vous d'être sur la voie qui conduit donne pas prise à l'injustice, on ne sait par où le
à la vertu? Ignorez-vous que la pauvreté nous maltraiter; le riche, au contraire, est attaquable
donne une grande confiance auprès de Dieu? — et prenable de tous côlés. Qu'un malheureux
Mais, répliquez-vous, «le Sage a dit que la sa- traîne autour de lui-même des lieus nombreux et
« gesse du pauvre n'est pas estimée » (Eccl. prolongés, facilement on l'arrête mais il est mal-
;

IX, 16); il s'écrie ailleurs « Seigneur, ne me don-


: aisé de saisir el de retenir un homme nu. La
« nez pas la pauvreté ! » (Proverb. x.xx, 8.) Et : première partie de cette image vous peintle riche :
« De celle fournaise de la pauvreté. Seigneur, déli- esclaves, argent, vastes domaines, afiaires infinies,
a vrez-moi » Mais, s'il est vrai que les richesses
! soins innombrables, ennuis, accidents, besoins,
comme la pauvreté viennent de Dieu, comment sont autant de chaines par lesquelles tout le
seraient-elles ud mal? Comment accorder tout monde peut aisément le prendre et l'arrêter.
cela? —
Je réponds que l'on parlait ainsi dans 3. Que personne donc n'envisage la pauvreté
l'Ancien Testament, sous l'empire duquel les ri- comme une cause d'infamie et de déshonneur.
chesses comptaient pour beaucoup, tandis que la Ayez la vertu, el toutes les richesses de la terre ne
pauvreté était en grand mépris, tellement qu'on vous seront que de la boue, qu'un fétu de paille en
voyait en celle-ci une exécration et une malédic- comparaison. Embrassons la pauvreté, si nous vou-
tion, tandis que celles-là étaient une bénédic- lonsentrer dansie royaume descieux « Vendez », :

tion. a dit Jésus, « vendez tout ce que vous avez et


Mais voulez-vous entendre l'éloge de la pauvreté? « donnez-le aux pauvres, el vous aurez un trésor

Jésus-Christ même l'a prise pour lui « Le Fils : « dans le ciel ». Et encore « Il est difficile à un
:

« de l'homme », dit-il, « n'a pas où reposer sa « riche d'entrer dans le royaume des cieux ».
« tête». Et parlant à ses disciples « Ne possé- : (Matth. XIX, 21, 23.) Voyez-vous que si la pau-
« dez», leur prescrit-il, « ni or, ni argent, ni deux vreté n'est pas déjà votre patrmioine, il faut lâcher
« tuniques ». (Malth. vrii, 20; x, 9.) Paul écrivait: de l'acquérir? tant elle est un bien inappréciable!
« Nous sommes comme n'ayant rien, et possédant Oui, car elle vous mène comme par la main sur
« tout ». (Il Cor. vt, 10.) Pierre disait à cet homme le chemin qui conduit au ciel; elle est comme
boiteux de naissance « Moi, je n'ai ni or ni ar-
: l'onction des athlètes, comme une gymnastique
t gent ». (Act. m, 6.) Jusque dans l'Ancien Testa- sublime et merveilleuse, comme un port tran-
ment, d'ailleurs, alors que les richesses étaient quille. —Mais j'ai de grands besoins, dites-vous,
l.mt admirées, quels étaient cependant, dites-moi, et je ne veux rien recevoir gratuitement de per-
les hommes admirables? N'est-ce pas Elle, qui ne sonne. En cela le riche est encore bien plus à
possédait que son vêtement de peau de brebis? plaindre que vous. Peut-être, en ellet, ne deman-
N'est-ce pas Elisée? N'est-ce pas Jean-Baptiste? dez-vous que le nécessaire; tandis qu'ila, lui, mille
Que nul donc, à raison de sa pauvreté, ne soit raisons honteuses de désirer la richesse, en par-
humilié à ses propres yeux. Ce n'est pas la pau- ticulier l'avarice. Les riches ont des besoins nom-
vreté qui humilie c'est plutôt la richesse qui vous
; breux. Quedis-je, nombreux? Souvent ils mani-
condamne à avoir besoin de tant de personnes el festent des besoins indignes d'eux-mêmes; par
vous crée à leur égard mille obligations de recon- exemple, il leur faut faire appel à des soldats, à des
naissance. Qui fut plus pauvre que Jacob qui di- esclaves! Le pauvre, lui, n'a pas même besoin de
sait « Si le Seigneur me donne du pain à man-
: l'empereur, et, pauvre de bon gré, eùt-il besoin,
« ger el un vêtement pour me couvrir? (Gen. >> il n'est que plus admirable de s'être réduit à l'in-

xxvm, 20.) Et cependant étaient-ils humiliés de digence volontaire, pouvant être riche.
leur pauvreté, Elle et Jean-Baptiste? Ne parlaient- Non, que personne n'accuse la pauvreté d'être
ils pas au contraire avec beaucoup de hardiesse la cause de maux sans nombre; ce serait démentir
et de liberté? N'accusaient-ils pas hautement les Jésus-Christ qui la déclare, au contraire, la per-
rois; l'un, Achab ; l'autre, Hérode ? A celui-ci, fection de la vertu, quand il dit :Si vous voulez
'.<

Jean disait « Il ne t'est pas permis de garder la


: t être parfait ».... Il l'a proclamé par ses paroles,

K femme de Philippe ton frère •. (Marc, vt, 8.) A il l'a montré par ses exemples, il l'a enseigné

celui-là. Elle répondait librement et hardiment : par ses disciples. Encore une fois, embrassons
« Ce n'est pas moi, c'est vous-même el la mai- la pauvreté : car elle est un grand bien pour
« son de votre père , qui jetez le trouble en les vrais sages. Peut-être déjà me comprend-on
Israël ». (111 Rois, xviii, 18.) Voyez-vous que parmi mes chers auditeurs, el j'ose croire que
celle condition même, que
leur pauvreté donnait plusieurs m'applaudissent. En effet, la grande
encore une plus grande confiance et une plus maladie chez la plupart des hommes est là :
grande liberté de parole ? telle est la tyrannie de cette passion de l'argent,
En effet, un riche n'est qu'un esclave, parce qu'il qu'ils n'auraient pas même le courage de le refu-
peut perdre quelque chose, et qu'il prête le flanc ser en paroles, et qu'il est pour eux comme una
par là môme à qui veut le maltraiter. Mais celui qui religion et un dieu. Loin de vous ce malheur,
p'ft rien, ne craint ni la confiscation de ses biens, àines chrétiennes! Sachez que rien n'est ricliQ
fiâê TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

comme cpIui qui volontairement et de grand a gagnée auprès de Dieu par la sainteté de sa vie?
cœur choisit la pauvreté. Est-ce possible? oui, et N'entendez-vous donc pas Jésus-Christ déclarer :
j'aflirme même, si vous voulez, que celui qui choi- » Ne vous réjouissez pas de ce que les démons

sit cette pauvreté volontaire est plus riche qu'un « "ous obéissent; si vous voulez être parfaits,

roi. Car celui-ci a de nombreux besoins, des en- " vendez ce que vous avez et donnez-le aux pau-

nuis, des craintes, par exemple, pour ses convois vres, et vous aurez un trésor dans les cieux ? »
<<

jnilitaires qui peuvent manquer; celui-l;"i, au con- (Mallh. XIX, 20.) Ecoulez ce que dit Pierre lui-
traire, jouitd'une quiétude parfaite, et loin d'éprou- même : « Je n'ai ni or ni argent ; mais ce que j'ai,
ver mille craintes, n'en garde aucune. Or, dites- « je te le donne ». (Act. ni, 6.) Ceci, voyez-vous,
moi, quel est le vrai riche, de celui qui chaque on ne l'a point, quand on a l'or et l'argent. —
jour est inquiet, qui pense, qui s'étudie à amasser Mais, répondez-vous , bien des gens n'ont ni le
'•iicore et toujours, et qui craint de manquer un don de Pierre, ni ceux de la fortune C'est ([u'ils ! —
iiiiji'; ou de celui qui n'amasse rien, à qui tout ne sont pas pauvres de leur gré; car tout pauvre
suflil et abonde, qui n'éprouve aucun besoin, car vraiment volontaire, possède tous les biens. En-
la vertu et la crainte de Dieu, et non l'argent, don- core qu'il ne ressuscite point les morts, encore
nent une sainte confiance? L'or possède même le qu'il ne redresse point les boiteux, il possède, et
privilège de vous asservir. « Les cadeaux et les ce don vaut mieux que ceux du thaumaturge, il
« présents», dit l'Ecriture, « aveuglent les yeux possède la confiance en Dieu. De tels pauvres en-
« des sages ils sont dans leurs bouches comme
; tendront au grand jour ce bienheureux arrêt :
« un frein qui empêche leurs arrêts et leurs ré- « Venez, les bénis de mon Père (Se peut-il quel-
!

« primandes •. (Ecclés. xx, 31.) que chose de meilleur?) Possédez le royaume


Considérez comment Pierre, ce noble indigent, « qui vous a été préparé dès la création du monde.
punit le riche Ananie. Car celui-ci n'était-il pas « Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à inan-
riche ; et celui-là, pauvre? Or, écoutez-le parlant « ger j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire;
;

avec autorité et disant « Est-ce bien à tel prix


: « j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; j'étais
« que vous avez vendu votre champ?» et l'autre « nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade et en
liuniblement répond : « Oui, c'est à ce prixl » a prison, etvous m'avez visité. Possédez le royaume

(Act. V, 10.) — Mais, dites-vous, qui me donnera « qui vous a été préparé dès la création du
d'arriver à la hauteur de Pierre? Vous pouvez — « monde ». (Mallh. xxv, 34-36.) Fuyons donc l'a-
être aussi grand que Pierre, si vous voulez vous varice et la cupidité, pour gagner le royaume des
dépouiller de tout ce (\ua vous avez. Semez, don- cieux. Nourrissons les pauvres, afin de nourrir
nez aux pauvres, suivez Jésus, et vous serez un Jésus-Christ, et de devenir les cohéritiers de ce
autre Pierre. — Mais conmient? car (me dites- Sauveur Jésus, Notre-Seigneur, avec lequel soient
vous) il a l'ait des miracles. Est-ce donc là, — au Pèi'e et au Sainl-EoprU,gloire, puissance, hon-
répondez-moi, ce qui a rendu cet apôtre admira- neur, et dans les siècles
ble; et n'est-ce pas plutôt la pleine confiance qu'il des siècles. Ainsi soit-il.

HOMELIE XIX.
AYANT DONC, MES FRÈRES, LA CONFIANCE QUE NOUS ENTRERONS DANS LE SANCTUAIRE PAR LE SANG DK
JÉSUS, PAR CETTE VOIE NOUVELLE QUI MÈNE A LA VIE, ETC. (x, 20, JUS^u'a 20.)

Analyse»
. L'orateur résume les dilTérenccs déjà trouvées entre le culte israélile et le culte chrétien, et conclut par nous commander la
conllance, la foi pleine et entière, et les œuvres saintes. — Il nous recommande une sainte rivalité dans la |iralique du bien,
une grande droiture dans nos rapports muUiels.
, L'amour muUinl, plénitude de la loi, n'a qu'une règle aimer son prochain comme soi-même.
: —
Le pardon des injur«s est
l'application de Nul
ce principe. — ne voudrait se hair ne haïssons point nos frères.
: —
Le Nouveau Testament et même
l'Ancien nous donnent des exemples. — Aimer ses ennemis, c'est au fond s'aimer soi-même et centupler sa récompense.

1. «Ayez confiance », Paul peut nous parler « charnelle, c'est en vertu de sa vie immortelle »
ainsi quand il a montré la différence de pontife, que Jésus est prêtre, nous dit-il ; ajoutant qu'il est
de sacrifice, de tabernacle, de testament, de pro- écrit ailleurs « Vous êtes prôlre pour l'éternité » :
;

messes; dillérence très-grande en eflet, puisque voilà déjà la j^erpôtuité du sacerdoce. Quant au
chez les Juifs tout cela est temporel, et chez nous, testament, « celui-là», dit-il », est ancien; or
éternel; que là tout s'efTace et tombe; ici, tout « ce qui passe et vieillit, va bientôt finir ».
est permanent; d'un côté, on
voit la faiblesse ; de (Hébr. VII, 16; viii, 13.) —
Le Nouveau possède
l'autre, des ombres et des figures
la perfection; la rémission des péchés l'autre n'a rien de sem-
:

enfin, en face de l'immuable vérité. Ecoulez, en blable « Car la loi », nous dit-il, « n'a rien mené
:

edet ; « Ce n'est pas selon la dispositioa (i'uua loi tt à pei'feclioa ». (Hébi', vu, 10.) ti ^ncgre : « Mqq
,

Commentaire sur L'épitre de s. paul aux hébreux. - homélie xiX. B35

« Dieu ! vous n'avez voulu ni ofTrande ni sacrifice». perçoit ; enseignements de la foi


mais dans les
— Le tabernacle était l'ail de main d'iiomnie la : Dans le premier cas, nous
l'erreur est impossible.
main de l'homme n'a point construit le nôtre. — écoutons un de nos sens; dans le second, l'Esprit
L'un vit couler le sang des boucs, l'autre le sang divin est notre maître.
du Seigneur: en celui-là le prêtre se tient debout; « Ayant le cœur de la mau-
purifié des souillures
dans notre sanctuaire, il est assis. « vaise conscience (23) enseigne que non-
». Il

Tout étant donc bien moindre d'un côté, et bien seulement la foi est exigée pour le salut, mais
plus grand de l'autre , il conclut et nous dit : aussi la conduite et la vie vertueuse, et une con-
«C'est pourquoi, mes frères, ayez confiance». science qui ne se reproche aucune iniquité. A
Et pourquoi, confiance? à cause du pardon. Car, défaut de cet ensemble de dispositions, l'on ne
dit-il, comme le péché produit et apporte la honte, peut recevoir en leur plénitude les choses saintes,
ainsi la confiance nait et se produit par la certi- car saintes en elles-mêmes , les choses saintes
tude que tous nos péchés nous ont été remis. Et sont surtout pour les saints. Aucun profane n'en-
ce n'est pas pour cette raison seulement; c''est tre donc ici Israël se purifiait de corps, nous de
;

aussi parce que nous sommes devenus ses cohéri- conscience. Une sainte aspersion nous est encore
tiers et les objets de cette immense charité. — permise, celle de la vertu. « Ayant eu aussi le
« Dans l'entrée au sanctuaire ». Où, cette entrée ? « corps lavé dans l'eau qui purifie ». 11 parle ici

Au ciel, dans une voie et un progrès tout spiri- d'un bain qui ne purifie pas le corps, mais l'àme.
tuels. —« La voie qu'il a ouverte pour nous», — « Car l'auteur de nos promesses est fidèle ».

c'est-à dire, a
qu'il construite, et par où il est Mais à quelles promesses doit-il être fidèle? C'est
entré tout d'abord. En effet, ouvrir signifie ici que nous avons à sortir d'ici, pour entrer dans un
commencer d'user. Or il Ta préparée, celte voie, royaume. Au reste, ne sondez pas avec curiosité
nous dit-il, et lui-même est entré • dans cette la parole divine, n'en exigez pas les raisons. Nos
«voie nouvelle et vivante ».ll montre ici la plé- saintes vérités requièrent la simplicité de la foi.
nitude de notre espérance. Cette voie est nou- « El ayons les yeux les uns sur les autres pour
velle, dit-il car il veut nous montrer que nous
;
« nous provoquer mutuellement à la charité et
sommes bien plus giandeniunt partagés que les « aux bonnes œuvres, ne nous retirant pas de
anciens, puisqu'à présent les portes du ciel sont « l'assemblée des fidèles, comme quelques-uns
ouvertes, bonheur que n'avait pas l'époque d'A- « ont accoutumé de faire, mais nous exhortant
braham. Et c'est avec raison qu'il l'appelle voie « les uns les autres, d'autant plus que vous voyez

nouvelle et vivante; car l'antique voie était un « que le jour approche (2-i, 2b) ». Conformé- —
chemin de mort conduisant aux enters; celle- ment à ce qu'il dit ailleurs « Le Seigneur est
:

ci mène à la vie. Et loutyfois il ne rappelle pas la «proche; soyez sans inquiétude (Philip, iv, 5);
route de vie, mais la route vivante, c'est-à-dire « Car aujourd'hui notre salut est plus près de
permanente. —
« Par le voile », dit-il, « par sa t nous ». Et encore « Le temps est court ».
:

« chair »; car cette chair sacrée lui ouvrit à lui- (1 Cor. VII, 29.) —
Mais pourquoi faut-il « ne pas
même et tout d'abord ce bienheureux chemin, « abandonner l'assemblée des fidèles?» C'est qu'il
qu'il est dit avoir inauguré, puisqu'avec cette chair, sait qu'une réunion, une congrégation présente,
il y est entré le premier. Cette chair, il l'appelle un devant Dieu, une force particulière. « Car », a
voile, et à bon droit; car lorsqu'il eut été enlevé dit le Seigneur, « quand deux ou trois d'entre
dans le ciel, alors tout ce qui est dans les cieux « vous se rassemblent en mon nom, je suis là, au
s'est dévoilé. « milieu d'eux ». 11 dit aussi « Qu'ils ne soient
:

« Approchons-nous », dit-il, « avec un cœur « qu'un, comme nous ne sommes qu'un ». (Jean,

« sincère ». Qui pourra donc approcher de lui? xvii, 1 .) Et on lit ailleurs


1 « Tous n'avaient qu'un
:

L'homme saint, armé de la foi et de l'adoration en « cœur et qu'une âme ». (Act. iv, 32.) El ce n'est
esprit; —« avec un cœur sincère et dans la plé- pas là le seul avantage d'une réunion; par sa na-
nitude de la foi », parce qu'en effet, rien chez ture, une assemblée chrétienne commande et aug-
nous n'est visible , ni le prêtre, ni le sacrifice, ni mente la charité ; et cet accroissement de charité
l'autel; bien que, chez les juifs mêmes, le grand emporte et attire un surcroit de bénédictions di-
prêtre fut invisible aussi, entrant seul au Saint des vines. « La prière », est-il dit, « se faisait sans
Saints, tandis que tous les autres, tout le peuple « relâche par tout le peuple ». (Act. xii, 5.) —
restait dehors. Ici au contraire, non content de « Comme quelques-uns ont l'habitude de s'isoler» :
montrer que notre prêtre a pénétré dans le sanc- il ne s'en tient pas à exhorter, il sait reprendre

tuaire, (ce qu'il déclare en ces termes « Nous : aussi. —


« Et ayons les yeux les uns sur les au-
« avons aussi un grand prêtre qui est établi sur « très pour nous provoquer muluellement à la
« la maison de Dieu »), il déclare que nous y en- « charité et aux bonnes œuvres ». Il sait que déjà
trerons après lui. « Ayons donc », dit-il, « la plé- leurs réunions suivent cette règle. Comme le ler
H nitude delà toi (21, '22) ». Il peut arriver, en eflet, aiguise le 1er, ainsi le rapprochement augmenle
que vous croyiez, mais avec des doutes ; comme plu- la charité; et si une pierre broyée contre une
sieurs même à, présent prétendent que tels ressus- autre pierre, fait jaillir le feu, combien plus une
citeront, et que tels autres ne ressusciteront pas. âme qui se fond dans une àme Voyez il ne dit ! :

Ce n'est pas là une foi pleine et entière, il faut pas Pour rivaliser entre vous; mais « Pour pro-
: :

croire comme vous croyez à ce que vous voyez, « voquer votre charité mutuelle ». Mais , qu'est-ce
et bien plus fermement encore; car noire vue que cette provocation de charité ? C'est le désir
peut se tromper nièiUB daus les objets qu'elle d'aiuier et d'être aimé davantage; « et vos bonnes
Bâ4 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

M œuvres » , pour en devenir plus zélés. Car si disposé à tout faire. Si nous avons les mêmes son»
l'exemple a toujours, bien plus que la parole, la timents pour le prochain, tous les maux de l'hu-
force d'enseigner, vous avez bien des docteurs et manité sont guéris plus d'inimitiés désormais,
:

des maîtres parmi votre multitude même , puis- plus d'avarice, plus de cupidité. Car qui voudrait
qu'ils paieront ainsi d'exemple. se frustrer soi-même ? Personne; on ferait plutôt
«Approchons avec un cœur sincère ». Qu'est- le contraire. Dès lors nous posséderons en com-
ce à dire? c'est l'horreur de toute hypocrisie , de mun tous les biens, et nous ne cesserons pas de
toi:te dissimulation. «Mallieur », est-il écrit, « au resserrer nos rangs.
« coeur hésitant, aux mains lâches et paresseuses! » Si telle est notre ligne de conduite, le ressen-
(Ecriés. II, 14.) Qu'aucun mensonge non plus n'ait timent des injures n'est plus possible entre nous.
lieu parmi nous. N'allons pas avoir une parole Qui pourrait, en eflet, se mettre au cœur une
contraire à notre pensée c'est là le mensonge.
: haine contre soi-même, et garder le souvenird'une
Gardons-nous de la pusillanimité ce n'est pas : injure qu'il se serait faite volontairement? Qui
la marque d'un cœur vrai. C'est notre défaut de voudrait se fâcher contre soi-même? Ne suis-je
l'oi qui nous rend pusillanimes. Comment acquer- pas, de lous les hommes, celui à qui je pardonne
rons-nous la vertu opposée? si nous savons nous le plus volontiers ? Si donc tels sont aussi nos sen-
furmer par la toi des convictions inébranlables. timentsà l'égard du pi'ochain la mémoire des
,

— « .\yant le cœur aspergé ». Pourquoi n'a-t-il injures est àjamais éteinte.


pas dit purilié, mais aspergé? 11 veut montrer le
: Mais, dircz-vous, est-il possible d'aimer son pro-
caractère propre de ce qui fait l'aspersion. Car chain connne soi-même? —
Si cette charité est
elle suppose à la l'ois une œuvre de Dieu et noire sans exemple, vous avez le droit de la déclarer
œuvre aussi. Aspeiger et laver la conscience, c'est impossible. Mais si d'autres l'ont pratiquée, il est
l'action divine mais s'olliir à l'aspersion avec
; évident qu'en ne les suivant pas nous faisons
sincérité, avec une conviction pleine et assurée uniquement preuve de lâcheté et de paresse. D'ail-
qui vient de la foi, c'est notre part. Ensuite il — leurs Jésus-Christ n'a jamais pu commander ce
alUibue aussi à la foi une grande vertu, fondée qui serait impraticable; il s'est vu bien des
sur sa vérité et sur la force divine de l'auteur des chrétiens qui ont même dépassé ses lois. Quels—
promesses. —
Mais que veut dire « Ayantaussi le
: sont ces héros? —
Paul, Pierre, toutle chœur des
« corps lavé par l'eau pure?» Entendez: par l'eau saints. Si j'avance qu'ils ont aimé le prochain,
qui donne une pureté vraie, ou encore par l'eau je ne fais que faiblement leur éloge; car ils ont
non mêlée de sang. —
Ensuite il ajoute un com- aimé leurs ennemis autant qu'on aime l'ami le
mandement de perfection, c'est-à-dn'e la charité : plus intime. Quel homme au monde, en ell'et,
« Ne délaissant pas nos saintes assemblées, comme libre d'aller prendre la céleste couronne , choi-
« font plusieurs », qui produisent les schismes. U sirait l'enferpour sauver ses amis intimes? Au-
le leur défend expressément.» Car le frère secondé cun. El Paul, toutefois, l'a choisi pour ses enne-
n par le frère est comme une ville fortifiée ». (Prov. mis, pour ceux qui l'avaient lapidé, pour ceux qui
xviii, l'J.) — B -Mais considérons-nous les uns les l'avaient battu de verges. Quel pardon pouvons-
» autres pour nous provoquer à la charité ». Qu'est- nous donc attendre, quelle excuse aurons- nous, si
ce que nous considérer mutuellement? C'est imiter nous n'accordons pas même à nos amis la plus fai-
nos frères vertueux; c'est avoir les yeux sur eux, ble partie de l'amour que Paul a montré pour ses
pour les aimer et en être aimé. Car la charité est ennemis?
la source des bonnes œuvres. Répélons-le donc : Avant lui déjà, le bienheureux Moïse deman-
se réunir est chose bien utile c'est le moyen de
; dait à être rayé du livre de vie, à la place d'en-
rendre la charité plus ardente, et de la charité nemis qui l'avaient reçu à coups de pierres. (Exod.
naissent tous les biens, puisqu'il n'en est aucun XXXII, 32.) David aussi, voyant périr ceux qui lui
que la charité ne puisse produire. avaient résisté, disait « C'est moi, leur pasteur,
:

Confirmons donc entre nous la charité; « car


2. « qui ai péché mais eux, qu'ont-ils fait ? » (Il Uois,
:

« l'amour est la plénitude de la loi ». (Rom. xiii, XXIV, 17.) Et quand Saiil lut entre ses mains, loin de
10.) Aimons-nous les uns les autres, et nous n'au- vouloir attenter à ses jours, il le sauva, alors môme
rons besoin ni de travaux ni de sueurs pour nous que sa générosité allait le mettre en danger. Or, si
sauver. Ce chemin, de lui-même, conduit à la l'Ancien Testament a fourni de pareils exemples,
vertu. Ainsi qu'un voyageur, dès qu'il a trouvé la quel pardon oblieiidrons-nous, nous qui vivons
tête d'une route publique, se trouve aussitôt con- sous le Nouveau, et qui ne savonspas arriver môme
duit par elle et n'a pas besoin d'autre guide ainsi, : à la hauteur où ils sont parvenus? « Car si notre
pour la chanté, saisissez-en seulement le com- « justice n'abonde pas plus que celle des Scribes
mencement, et ce aébut vous conduira et vous « et des Pharisiens, nous n'entrerons pas dans le
dirigera. « royaume des cieux ». Et si nous avons moins de
« La charité », dit saint Paul, «est patiente, elle justice que ces gens-là mômes, comment entre-
« est bienveillante ; elle ne suppose point le mal ». rons-nous? « Aimez », dit le Seigneur, « aimez vos
(l Cor. xni, 4.) Que chacun de nous
rélléchisse en a ennemis et vous serez semblables à votre Père
soi-même sur manière dont il est disposé pour
la « qui est dans le ciel ». (Matth. v, 44, 45.)
lui-même, et qu'il ait pour le prochain ce môme Aimez donc votre ennemi. Ce n'est pas à lui
sentiment. Ainsi nul n'est jaloux de soi-même; que vous faites ainsi du bien, c'est à vous-même.
chacun se souhaite tous les bieus; l'on se pi'é- Comment? C'est que vous devenez semblable à
fèru iiulurcllenicnt aux autres; pour soi l'on est Dieu. Aimé de vous, votre prochain n'y gagne
Commentaire sur l'êpitre de s. pâul aux hébreux. - homélie xx. b33

que bien peu; c'est un compagnon de service sont d'autant plus vigoureux et plus solides, qu'il
qui le chérit. Mais aimant ce com-
vous, eu sont plus forlemenl battus des vents? Chez nous
pagnon de service, vous v gagnez beaucoup ;
aussi, avec l'épreuve et la patience, grandira la
vous vous rendez pareil à Dieu. Voyez-vous que le vigueur. « Car » dit le Sage, « l'homme patient et
,

béuéfice est à vous et non pas à voire prochain î « longanime abonde en prudence ; le pusillanime
Car Dieu vous propose la couronne, et non à lui. « au contraire n'apprend ni ne sait rien ». (Prov.
— Mais qu'arrivera-l-il, si c'est un méchant? — XIV, 29.) Comprenez-vous ce magnifique éloge
Votre récompense n'en sera que plus grande; de l'un, celte grave accusation de l'autre? 11 est
vous serez donc reconnaissant à voire ennemi fort ignorant, le paresseux; il ne sait rien. Gar-
jiour la malice qu'il montre encore après vos in- dons-nous donc de porter cet esprit étroit et petit
nombrables bienlaits. Car s'il n'avait été profon- dans nos rapports mutuels car notre malheur ne;

dément méchant, votre trésor au ciel n'aurait pas viendrait pas de ces inimitiés qu'on rencontre
si merveilleusement augmenté. Sa malice, qui toujours, mais bien de notre propre cœur, faible
vous autorisait à ne l'aimer point, est donc vrai- et rancunier. S'il est fort, ce cœur, il supportera
ment un niotif pour l'aimer davantage. Faites dis- aisément tous les mages ; aucun ne pourra le faire
paraître votre adversaire, voire antagoniste, vous sombrer ; ils contribueront même à le conduire au
détruisez l'occasion que vous avez d'être récom- port tranquille. Puissions-nous y toucher elabor-
pensé. Ne voyez-vous pas comme les athlètes der un jour, par la gr<ù-e et la bonté de Noire-Sei-
s'exercent avec des corbeilles pleines de sable? gneur Jésus-Christ, avec lequel soient au Père et
Vous n'avez pas besoin de vous imposer ce la- au Sainl-Esprit, gloire, empire et honneur, mainte-
beur; la vie est pleine d'occasions qui vous tien- nant et toujours, et dans les siècles des siècles.
nent en haleine et nourrissenl en vous la force et Ainsi soil-il.
le courage. Ne remarquez-vous pas que les arbres

HOMELIE XX.
SI NOl s PÉCHONS V01.0MAIREMENT APRÈS AVOIR REÇU LA CONNAISSANCE DE lA VÉRITÉ, IL N'V A DÉ-
SORMAIS PLUS d'iiusiik pour nos pkcués; il nk nous reste que l'attente effroyable do
JLGE8IENT ET d'uN FEU ARDENT yUl DOIT DÉVOUER LES ENNEMIS DE DIEU. (X, 27, JUSQU'A 'S'2,)

1. Après les motifs d'Iionncur, les raisons de crainte. TouleCois saint P.<iil n'iDseigne |ias l'erreur desNovaliens el ne proscrit pas
la pénitence, mais seulement l'anabaptisme.
2. L'enfer a un véritable el redoutable feu pour les prévaricateurs, el surtout pour les communions indignes. — La vengeance
réservée el patiente n'en est que plus à craindre.
3 et 4. La richesse est une lourde chaîne, un préjugé. —
Un mol aux femmes luxueuses et avares lonl i la fois. La cupidité —
est un esclavage compaiabtc à celui des Israélites courbés sous le jous de l'haraon. —
Ceux-ci emportèrent l'or d'Ei^jpie nous
n'emportons que les verges. —
La ruine n'est qu'un mot, pour qui conserve l'action de grâces. —
Exemple de lob; sortie
;

contre les femmes. —


Pourquoi la ricliesse n'échoit pas à tous. —
Malheur à qui la reçoit et n'en est pas meilleur!

l.Tout arbre dont la plantation et la culture cher le grand jour, qui suffit, en effet, à lui seul,
auront demandé la main et les sueurs du labou- pour vous consoler de toul. .Maintenant il ajoute :

reur, doit rapporter son fruil, sous peine d'être « Si nous péchons volontairement après avoir
déraciné el jeté au feu. Celle comparaison s'ap- «reçu la connaissance de la vérité», tremblons,
plique aux âmes qui auront reçu la lumière, c'est- car il faut, entendez-le, il nous faut absolument
à-dire le baptême. Après avoir été plantés par des bonnes œuvres; autrement, « il ne nous reste
Jésus-Christ et avoir reçu sa rosée spirituelle, « plus désormais de victime pour nos péchés ».

si nous ne donnons aucun fruit, le feu de l'enfer Comprenez donc. Vous voilà inirifié, délivré de
nous attend, avec ses llammes qui ne peuvent vos crimes, monté au rang de fils. Si vous revenez
s'éteindre. Et c'est pourquoi non content de à votre ancien vomissement, il ne vous reste que
nous exhorter àpratiquerlachariléelà produire les l'analhème, le feu, et tout ce que rappelle cet
fruits des bonnes œuvres, par les motifs les plus arrêt. Car vous n'avez pas une seconde victime.
saints elles plus doux, tels que notre entrée assurée A ce propos, nous sommes attaqués par l'hérésie
dans le ciel et la voie nouvelle que Jésus-Christ qui déclare la pénitence impossible, et par ceux
nous y a ouverte, saint Paul recommence à nous qui dilTùrent à recevoir le baptême. Ceux-ci pré-
y exciter, en faisant appel aussi à des motifs plus tendent qu'il y a danger à recevoir le baptême,
terribles et plus redoutables. 11 venait d'écrire : puisqu'il n'y a point de second pardon; ceux-là
Ne délaissez pas nos saintes réunions, comme c'est déclarent qu'il y a péril à admettre les pécheurs
l'habitude de quelques-uns; mais consolez-vous aux saints mystères, puisque le second pardon
mutuellement, d'autant plus que vous voyez appro- est impossible. Aux uns comme aux autres, que
,

fe5fl ÏRADI'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

dirons-nous? Que saint Paul ici ne détruit ni la « le sang de l'alliance, et qui aura fait outrago à
pénitence , ni l'expiation qui en est l'œuvre; « l'Esprit de la grâce (29) ! »
et qu'il ne prétend ni chasser, ni abattre par le 2.Mais comment un homme foule-t-il aux pieds
désespoir celui qui est tombé. Paul n'est pas ù ce le Fils de Dieu? C'est quand, admis ù parliciper à
point l'ennemi de notre salut; il ne détruit que ses mystères, il commet, nous dit l'apôtre, un pé-
l'espoir d'un second baplôme. En cITcl, il no dit ché grave. Alors n'est-il pas vrai qu'il le foule aux
pas Point de pénitence
: plus de pardon
! mais ! pieds? N'est-il pas vrai qu'il le méprise? Nous
simplement: Désormais pas de victime, c'esl-à-dire, foulons aux pieds ainsi ce dont nous ne faisons
la croix, qu'il appelle victime, ne se dressera pas aucun cas : ainsi les pécheurs ne tiennent aucun
une seconde lois. Une seule immolation a rendu cas de Jésus-Christ, et c'est là le caractère du pé-
parfaits à tout jamais ceux qui se sont sanctifiés ché. Quoi! vous êtes devenu le corps de Jésus-
lia difTérence de l'oblation judaïque et des of- Christ, et vous le jetez sous les pieds du démon !

frandes multipliées. Tel a été le dessein de l'apô- — « Il a tenu pour vil et profane le sang de l'al-
tre, quand parlant de notre victime , il a si fort « liance ». Qu'est-ce qu'une chose vile et profane?
insisté sur celte vérité, qu'elle est une , absolu- C'est une chose impure, ou qui n'a rien de plus que
ment une; voulant ainsi, non-seulement montrer la plus vile matière.— « 11 a fait outrage ù rEsi}rit
l'avantage qu'elle a sur les sacrifices judaïques, « de grâce »; car ne pas accepter un liieul'ail, c'est
mais aussi pour rendre plus vigilants les Hébreux faire outrage au bienfaiteur. Il t'a fait son enfant;
convertis, puisqu'ils ne doivent plus attendre lu veux devenir esclave? Il est venu, il a l'ait en loi
une nouvelle victime comme autrefois sous l'an- son séjour; el lu laisses entrer en ton cœur de
cienne loi. coupaliles pensées? Jésus-Christ a voulu, chez toi,
« Si nous péchons volontairement », dit-il. faire sa demeure, avoir une place; et tu le foules
Voyoz-vou5 comme Dieu est porté à la clémence? aux pieds par le libertinage ou l'ivrognerie? Ecou-
11 s'agit de nos péchés volontaires nos fautes : tons, écoutons, nous qui participons indignement
involontaires obtiennent donc le pardon. « Après — aux saints mystères; nous qui indignement ap-
a avoir reçu la connaissance de la vérité », cesl- prochons de la table sainte! « Gardez-vous de
à-dire de Jésus-Christ ou de tous ses dogmes, — « donner les choses saintes aux chiens », dit le
« il ne nous reste plus d'hostie pour nos péchés»; Seigneur, « de peur qu'ils ne les foulent aux pieds»
que reste-t-il, au contraire? « Une attente effroya- (Mallh. VII, 6); c'est-à-dire de peur iju'ils n'aient
« ble du jugement, un feu jaloux qui doit dévorer pour elles que du mépris et du dégoût. Paul n'a
«les ennemis de Dieu ». Amsi les infidèles n'en pas seulement répété cette parole; il en a fait re-
seront pas seuls les victimes, mais tous ceux en- tentir une plus redoutable encore, bien capable de
core qui commettent des actes contraires à la terrifier les âmes, el meilleure pour les faire rentrer
vertu ; ou bien entendez que le môme feu qui dé- en elles-mêmes qu'une douce el consolante exhor-
vorera les ennemis, consumera aussi les entants tation. Il montre combien le sang de Jésus-Christ
rebelles. Puis, pour nous montrer combien ce feu l'emporte sur la loi de Moïse, quel châtiment était
est dévorant, lui prête une espèce dévie, en dé-
il inlligé aux violateurs de celle-ci, puis il conclut
clarant que c'est un feu jaloux qui doit consumer en disant Jugez vous-mêmes combien plus grande
;

les ennemis. Pareille à une bêle féroce irritée, doit être la punition de ceux qui foulent aux pieds
exaspérée, qui n'a point de reposjusqu'à ce qu'elle le sang de Dieu! Je vois là une allusion aux sa-
ait saisi el dévoré quehju'uu, celte (himme de l'en- crilèges commis contre nos saints mystères; et ce
fer parait obéir ù l'aiguillon de la jalousie cruelle, qui suit confirme cette interprétation.
saisit pour ne plus lâcher, ronge et déchire à tout « C'esl une chose terrible que de tomber entre

jamais. « les mains du Dieu vivant; car il est écrit La :

Ensuite l'apôtre nous donne la raison de ces « vengeance m'est réservée et je saurai bien la
menaces redoutables, et nous prouve qu'elles sont « faire, dit leSeigneur». El encore : «Le Seigneur
l'elfet d'une justice inattaquable. Nous croirons, « jugera son peuple (30 el 31) ». Nous tomberons,
en elfet, plus facilement l'existence du cliâti- dit-il, dans les mains du Seigneur, el non pas dans
ment, quand nous en comprendrons le droit les mains des hommes. Oui, cette main divine
et le motif. « Celui qui a violé la loi de Moïse vous attend, si vous ne faites pénitence. terreur!
« est condamné à mort sans miséricorde, sur la ce n'est rien, après tout, que de tomber aux mains
« déposition de deux ou trois témoins (28) «.Sans des hommes ; et quand nous verrons un homme
iiibéricorde, reiiiaïque-t-il , ainsi en Israël, ni par- puni en ce monde, nous dit l'apôtre, ne craignons
ti-n , ni pilié; et pourtant ce n'est que la loi de pas pour lui le préseul, tremblons pour son ave-
.M' ïse; il est l'auteur d'un grand nombre de ses nir! « Car autant le Seigneur a de miséricorde,
prescriptions. Que veut dire « La déposition de
: « autant est grand son courroux, el sa fureur s'ap-
« deux ou Irois témoins? » Que si deux ou trois « pesantira sur les pécheurs ». (Ecclés. v, 7.)
personnes attestent la prévarication, aussitôt elle Mais l'apôtre nous laisse deviner ici une autre
est punie. Si donc, dans l'Ancien Testament, une leçon. « La vengeance m'est réservée », dit le Sei-
violation de la loi de Moïse est châtiée immé- gneur, « et je saurai la faire! » Cette menace at-
diatement par le dernier supplice , combien plus teint l'ennemi qui vous lait du mal, et non pas
chez nous! Aussi conclut-il «Combien donc
: vous qui subissez l'injustice. Ceux-ci, au contraire,
a croyez-vous que méritera de plus grands sup- l'apôtre les console en leur disant, presque en pro-
« plices, celui qui aura foulé aux pieds le Kils de pres termes : Dieu est vivant, il demeure élernel-
« Dieu, qui aura tenu pour chose vile et profane leineul... Que si ceux-là ne reçoivciil pas dès
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XX. 83f

inaintenanl leur châtiment, plus tard ils le rece- pas une hyperbole. Car plus l'àme remporta
ici

vront. Ce sont eux qui doivent gémir, ce n'est pas sur corps, plus il est triste et pénible de la voir
le
nous. Nous tomberons dans leurs mains; eux, maltraiter par l'avarice qui sans cesse la flagelle,
dans la main de Dieu Ce n'est donc pas la vic-
!
l'inquiète, la tourmente.
time qui est à plaindre, c'est l'oppresseur; comme Gémissons donc et élevons vers Dieu nos regards
ce n'est pas l'obligé, en définitive, mais le bien- suppliants! Il nous enverra non pas Moïse, non
faiteur, qui reçoit le bienfait. pas Aaron, mais sa parole, et une componction
Instruits de ces vérités consolantes, sachons être salutaire. Dès que cette parole sera venue et aura
faciles à supporter le mal et l'injustice autant que pénétré nos cœurs elle nous délivrera d'une
,

prompts à faire du bien aux autres. Nous arrive- cruelle servitude, et nous fera sortir de cette autre
rons à cette disposition, si nous méprisons l'argent Egypte, de cette passion inutile et vainement labo-
et la gloire. L'homme qui se dépouillera de ces rieuse, de cet esclavage sans profit. Au moins les
peux passions que personne, libre et
sera, plus Israélites, sortant d'exil, reçurent de l'or, juste sa-
grand, plus riche même que celui qui revêt la laire mais nous autres, nous sor-
de leurs travaux ;

pourpre. Ne voyez-vous pas que de mal fait com- tirons les mains vides, et encore serions-nous heu-
mettre la passion de l'or? Je ne parle pas des maux reux si nous n'emportions rien; mais nous em-
qu'engendrent l'avarice et la cupidité, mais de portons avec nous, non les vases d'or et d'argent
ceux qui naissent du seul amour de l'argent même de l'Egypte, mais ses maux, ses péchés et les sup-
bien acquis. Qn'un homme , par exemple , soit plices donl Dieu les punit.
ruiné, il mène désormais une vie plus pénible que Apprenons donc à recueillir un vrai profit; ap-
tout genre de murt. homme pourquoi ces gé-
! prenons à bien souffrir une injustice c'est le :

missements? Pourquoi tant de larmes? Est-ce parce caractère du chrétien. Méprisons les vêtements
que Dieu l'a délivré du triste et inutile souci de d'or, méprisons les richesses, de peur de mépriser
garder ton or, ou parce que désormais tu n'es plus notre salut. Méprisons l'argent, oui, et non point
assis auprès de ton trésor, dans la crainte et trem- notre âme. A elle, en effet, le châtiment; à elle, le
blement? Si un étranger t'avait lié à son coffre- supplice un jour. Ces prétendus biens restent sur
fort, te forçant à rester là constamment assis, et à la terre; notre âme s'en ira ailleurs.
veiller pour les biens d'un autre, tu gémirais, lu Pourquoi, dites-moi, vous déchirer vous-mêmes
serais furieux. Et lorsque spontanément tu t'étais et ne pas le sentir? Je parie ici à ces avares, qui
chargé toi-même de chaînes si lourdes, mainte- sont travaillés du désir de posséder toujours da-
nant délivré d'une pareille servitude, lu gémis! vantage. Mais il est bon de le dire aussi à ceux
Nos douleurs ou nos joies ne sont, en vérité, que que les avares exploitent et volent. Supportez,
préjugés, puisque nous gardons nos richesses, chères victimes, les dommages que les avares vous
comme si elles étaient la propriété d'antrui. font subir. Us se suicident, et ne sauraient vous
Un mot maintenant aux femmes. Une femme tuer. Ils vous privent de votre argent; mais ils se
a-t-elle un vêtement tissu d'or? Avec quel soin privent eux-mêmes de l'amour et du secours de
elle en secoue la poussière, elle le plie, elle l'en- Dieu. Or, dépouillé de cette grâce, possédât-on les
veloppe! Dans la crainte de le gâter, elle n'en jouit richesses du monde entier, on est le plus pauvre
presque pas. En effet, en attendant, elle meurt ou de la terre; tandis que le plus pauvre des hommes,
devient veuve. La crainte qu'elle a de l'user en le s'il jouit de la grâce de Dieu, est cerUiinement le

portant trop souvent, fait qu'elle s'en prive pour plus riche de tous, puisqu'il peut dire avec le Pro-
le ménager.— Mais elle le laissera pour une autre. phète: « Le Seigneur me conduit, rien nememan-
— Rien n'est moins certain; et d'ailleurs en le « quera jamais ». (Ps. xxii, 1.)
laissant à une autre, celle-ci en usei'a de même. Si vous aviez, dites-moi, un protecteur haut
— Au reste, si l'on voulait fouiller ce que recèlent placé et admirable qui vous aimât extrêmement,
nos opulentes maisons, l'on verrait que maints qui vous portât intérêt et si d'ailleurs vous saviez
;

habits précieux, maints objets recherchés sont qu'il vivra toujours, que vous ne mourrez pas
plus honorés que leurs propriétaires vivants. Loin vous-même avant lui, et qu'il vous fera part de
de s'en servir constamment, en eflet, telle femme tout ce qu'il a, pour en jouir en toute sûreté
craint et tremble pour eux, elle en écarte les vers comme d'un bien qui vous sera propre et person-
et tout ce qui peut les ronger, elle les dépose pour nel , dès lors vous meltriez-vous en peine de rien
la plupart dans les parfums et les aromates, elle acquérir? En vous supposant même dépouillé de
n'en permet pas même la vue, mais, d'accord avec tout, ne vous croiriez-vous pas plus riche que per-
son mari, elle ne fait que les ranger et les dé- sonne? Pourquoi donc pleui'ez-vousî De n'avoir—
ranger. pas d'argent? Mais pensez que, par là même, l'oc-
3. Saint Paul, dites-moi,n'a-t-il pas eu raison d'ap- casion de pécher vous est ùtée. —
D'avoir perdu
peler l'avarice une idolâtrie? L'honneur, en effet, vos biens? Mais vous avez gagné l'amitié de Dieu.
que les païens rendent à leurs idoles, ces malheu- — Et comment l'ai-je gagnée, dites-vous? C'est
reux le rendent à leurs tissus, à leurs bijoux d'or. lui-même qui vous dit « Pourquoi ne souffrez-
:

Jusques à quand remuerons-nous cette fange? Jus- « vous pas l'injustice » plutôt que de la commettre?
ques à quand serons-nous attachés à la boue et El :« Rendez grâces au ciel de toutes choses » et : ;

aux briques? Comme les enfants d'Israël travail- Rienheureux les pauvres de bon gré! » (I Cor. vr,
laient pour le roi d'Egypte, ainsi travaillons-nous 7; Tliess. v, 18; Malth. v, 3.) Imaginez donc à
I

pour le démon, qui nous maltraite plus cruelle- quelle hauteur vous êtes dans son amitié, si vous
ujuul encore que Fliaruon les Hébreux. Ne voyei! uicltuz utis conseils eu prulique.
^38 •Traduction française de saint jean ohrysostômë:

En efTetjOn ne nous demande qu'une chose c'est


: une lutte courageuse et victorieuse, a vu le Sei-
deremercier Dieu en tout et toujours dès lors,nous
; gneur lui donner encore la fortune. Job avait
aurons tout en abondance. Par exemple, avez-vous prouvé au démon qu'il ne servait pas Dieu par un
perdu dix mille livres d'or? Remerciez Dieu tout motif de vil intérêt; le Seigneur, en retour, voulut
aussitôt et vous avez gagné cent mille livres par bien lui rendre plus qu'il n'avait auparavant. C'esl
celle parole d'abnégalion el de reconnaissance. en effet ce qui arrive. Quand Dieu voit que nous
Car, dites-moi : à quel moment appelez-vous Job ne sommes pas attachés aux biens de la vie,il nous
bienheureux? Est-ce quand il est propriétaire de les donne; quand il nous voit préférer les biens
tant de chameaux, de tant de gros el menu bétail? spirituels, il nous accorde les biens temporels par
N'est-ce pas plutôt quand il fait entendre cette pa- surcroit, mais jamais ceux-ci d'abord, de peur que
role ? « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a nous n'oubliions les biens spirituels. C'est donc
noté, son nom soit béni » (Job, i, 21.) Quand le
! par un ménagement de sa providence qu'il nous
démon nous veut perdre, ce n'est pas en nous en- refuse les biens du corps, afin de nous en séparer
levant les richesses, il sait qu'elles ne sont rien ; même malgré nous.
mais il veut par cette ruine nous forcer à pronon- -Mais non, direz-vous; quand je reçois, au con-
cer quelque blasphème. Ainsi agissait-il à l'égard traire, je suis comblé el je rends grâces plus vo-
du bienheureux Job; son but unique n'était pas de lontiers! — Cela n'est pas, ô homme ; tu n'en es
le réduire à la pauvreté, mais de lui arracher un que plus lâche el plus ingrat. — Mais pourquoi
blasphème. Voyez plutôt quel langage il lui tient Dieu donne-t-il à d'autres? —Eles-vous bien sûr
par l'épouse même du patriarche. Dès que celui-ci que c'esl lui qui donne? — Qui est-ce, si ce n'est
est dépouillé de tout « Prononcez », lui dit-elle, lui? — Leur avarice, leur rapacité sail s'enrichir.
— — Alors comment Dieu permet-il ces crimes? —
:

t une parole contre Dieu, et puis mourez ».

Mais, maudit Satan, lu l'as déjà dépouillé de tout! Comme tolère meurtre, les vols, les violen-
il le
— Je n'ai pas ainsi atteint mon but. J'ai tout fait ces. — Alors que dites-vous de ceux qui, bien que
pour arriver el je n'ai pu parvenir à le priver aussi remplis d'iniquités sans nombre, reçoivent de
du secours de Dieu. Voilà ce que je veux; ce que leurs ancêtres un riche héritage? Comment Dieu
j'ai faitd'ailleurs n'est rien. Si je n'atteins pas mon les en laisse-t-il jouir? — Comme il l'ail pour les
but ultérieur, non-seulement Job n'aura subi au- voleurs, les meurtriers el tous les autres malfai-
cun mal, mais son épreuve lui aura servi. teurs. L'heure n'est pas venue de les juger, mais
4. Voyez-vous comment le démon sail le prix de bien de régler parfaitement votre conduite. Ce que
celte ruine spirituelle? Aussi emploie-t-il à celle j'ai dit déjà, je le répète. Us seront d'autant plus

fin le piège même d'une épouse impie. Ecoulez sévèrement châtiés, qu'ayant ainsi reçu tous les
ici, vous tous qui avez des femmes passionnées biens, ils n'en seront pas devenus meilleurs. Car
pour l'argent, lesquelles vous forceraient à blas- tous les méchants ne seront pas également punis:
phémer contre Dieu Souvenez-vous de Job. Mais
! ceux qui, couverts des bienfaits de Dieu, demeu-
plutôt voyons, s'il vous plaît, la grande douceur rent mauvais, seront plus durement châtiés. Mais
avec laquelle il lui ferme la bouche. « Pourquoi », il n'en sera pas ainsi des hommes qui auront vécu

lui dit-il, « avez-vous parlé comme une temme dans la pauvreté. Pour vous convaincre de celle
t insensée? » (Job, ii, 10.) En elTet, « les mauvais divine justice, écoulez ce que Dieu dit à David:
o discours corrompent les bonnes mœurs». (ICor. « iNe vous ai-je pas donné tous les biens du roi

XV, 33.) Toujours, hélas! mais surtout dans le «votre mailre?» (Il Ituis, xii, 8.) Quand donc vuus
malheur, l'inlhience des mauvais conseils est verrez un jeune homme recevoir sans tiavail l'hé-
grande. Notre âme se sent déjà portée d'elle-même ritage paternel et persévérer dans le péché, soyez
à la colère el au désespoir combim plus elle y
: sur que son cliàtimeiU vient de s'accroilie, el son
obéit, quand elle rencontre un mauvais conseiller! supplice d'augmenter. Ne portons pas envie à de
N'est-elle pas alors poussée au précipice? La femme tels misérables, mais rivalisons avec ceux qui sa-
est un grand bien, comme elle esl un grand mal. vent hériter de la vertu et acquérir les biens de la
Remarquez, en elTel, coniment le démon cherche grâce. « Car, malheur », dit l'Ecriture, « à ceux
à faire brèche dans ce mur inexpugnable. La perle « qui se confient dans leurs richesses !» et: « Bien-

de tous ses biens n'a pu l'entamer; celte ruine n'a « heureux ceux qui craignent le Seigneur ! » (Ps.

pas produit contre lui grand efl'el. Convaincu d'a- XLViii, 7 el cxxvii, 1.) De quel côté vous rangez-
voir en vain dit à Dieu « Vous verrez que Job vous
: vous, dites-le-mui? Du côté de ceux qu'elle pro-
« maudira en face» (Job, i, li), le démon arme l'é- clame bienlunireux , sans doute? Soyons donc
pouse, pour arriver à vaincre. Vous avez ouï ce saintement jaloux de ceux-ci el non point des au-
qu'il en espérait! Mais cet engin de guerre ne lui tres, afin d'acquérir, comme les premiers, les biens
a pas réussi. promis. Puissions-nous les gagner tous par la
Ainsi, nous-mêmes, si nous supportons tout grâce el la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
avec reconnaissance , nous recouvrerons même avec lequel soient au Père et au Saint-Esprit ,
nos biens; sinon, du moins aurons-nous une plus gloire , honneur, empire, maintenant el toujours^
magnifique récompense, comme il est advenu à et dans les siècles des siècles. Ainsi soil-il.
ce cœur de diamaut, à ce palriarclie qui, après
COMMENîAlUli SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBHEUX. - HOMÉLIE XXL Uj9

HOMELIE XXI.
RA?PELEZ EN VOTRE MÉMOIUE CE PREMIER TEMPS OC, APRÈS AVOIR ÉTÉ lU.'IMINÉS PAR LE BAPTÊME,
'

VOUS AVEZ SOLTENU DE GRANDS COMBATS DE SOUFFRANCES, ETC. (x, 32, JUSQU'A XI, 3.)

Analyse*
1 et 2. Après la terreur, l'encouragement. — pour Jésus-Christ, et se son
Louanges adressées aui Hébreui qui ont souffert
'

associés aux souffrances de ses apôtres. —


La souffrance voulue, cherchée, subie avec joie, est un héroïsme véritable : c'est
celui des apôtres. —
La patience est nécessaire toujours; elle nait comme nécessairement de la foi et de l'espérance. —
Magnifique idée de la foi.

3 et 4. La foi est appujée sur les prophéties du Sauveur; celles qui se sont réalisées ne pouvaient l'être humainement; elles
garantissent celles qui concernent le jugement à venir. —
La fin des temps est proche. —
Celle du monde, dit l'orateur, peut
n'être pas loin; mais celle de chacun de nous est proche : notre vie est si courte! Tremblons! Il y va de l'enfer! — Nou»
jouons trop avec le péché, et surtout avec celui de la détraction. — Vains subterfuges pour couvrir la médisance. — Nous
répondrons de nos paroles peu charitables au jugement de Dieu.

1. Quand un grand médecin vient de faire à son « ments (33) ». C'est chose grave, en effet, qu'un
malade une incision profonde et d'ajouter à ses opprobre ; c'est chose capable de percer le cœur
douleurs une plaie cuisante, il s'empresse de sou- et de bouleverser l'âme, et de répandre les ténè-
lager le membre soulTraul et de prodiguer à cette bres dans une raison humaine. Entendez à ce su-
âme troublée les secours et les encouragements; jet le Prophète « Mes larmes ont été mon pain
:

bien loin de vouloir tranclier de nouveau dans le «jour et nuit, tant qu'on m'a dit chaque jour:
vif, l'homme de Fart emploie sur la première plaie « Où est votre Dieu î « Et encore : » Si mon en-

les médicamenls les plus adoucissants, et tout ce « nemi m'avait outragé, je l'aurais enduré ». (Ps.
qui peut enlever le sentiment de la douleur. Telle xu, 4; Liv, 13.) Comme les humains ont surtout
est aussi la méthode de Paul. 11 lui a fallu secouer la maladie de la vaine gloire, l'opprobre est un
fortement ses chers disciples, et les toucher de piège qui les prend facilement. Et, non content de
componction par le souvenir de l'enfer dont il a rappeler les opprobres, l'apôlre témoigne qu'ils
parlé; il a dû leur déclarer que le prévaricateur ont eu un caractère public de gravilé « Ils ont :

qui aura violé la loi de grâce est certain de périr; « été donnés en spectacle ». Lorsque quelqu'un se
et il a démontré cette perle assurée par les lois de voit poursuivi de malédictions, sa peine est vive,
Moïse; il a même confiimé son dire par d'autres mais elle l'est beaucoup plus quand elles reten-
témoignages, et déclaré qu'il est horrible de tom- tissent devant tout le monde. Pour eux qui avaient
ber dans les mains du Dieu vivant. Maintenant, il quitté les rites si imparfaits du judaïsme, pour pas-
craint que leur àine, arrivant au désespoir par l'ex- ser à une religion parfaite, en sacrifiant les tradi-
cès de la crainte, ne reste absorbée dans sa dou- tions de leurs ancêtres, quel chagrin c'était, dites-
leur; et 11 les console par les louanges, il les re- moi, que de subir les mauvais traitements de leurs
lève par l'exhortation, il leur présente une sainte compatriotes, sans pouvoir même se défendre!
rivalité avec eux-mêmes. Bien que vous ayez tant souffert, ajoute-t-il, on ne
« Rappelez-vous », leur dit-il en effet, ce pre- ce peut dire que vous ayez fait entendre des plaintes,
« mier temps où, après avoir été illuminés par le puisqu'au contraire vous en avez témoigné toute
« baptême, vous avez soutenu de grands combats votre joie.
« de souffrances (32) ». Douce et puissante exhor- C'est dans même sens qu'il leur dit: «Et
le
tation que celle qui est tirée de leurs propres œu- « d'autre part, ayant été compagnons de ceux qui
vres! Aussi bien faut-il que celui qui débute dans « ont souffert de pareilles indignités, vous avez
une entreprise, fasse des progrès par la suite. C'est «compati à ceux qui étaient dans les chaînes
donc comme s'il disait Au temps de votre initia-
: «(34)», mettant en scène ici les apôtres. Non-
tion, quand vous n'éliez encore que disciples, seulement, dit- il, vous n'avez point rougi d'être
vous avez montré une ardeur une générosité , maltraités par ceux de votre nation, mais vous
d'àme que vous ne montrez plus au même degré. avez été les compagnons d'autres martyrs encore,
Celle exhortation, vous le voyez, s'appuie sur leurs qui ont enduré les mêmes souffrances que vous.
propres exemples. Et il ne dil pas Vous avez sou- :
Vous reconnaissez ici dans saint Paul la voix qui
tenu des combats, maisde grands combats. Il n'em- console et qui encourage. 11 n'a pas dit: Vous su-
ploie pas seulement le mot tentations, mais celui bissez avec moi les afflictions, vous partagez mes
de combats qui porte avec lui son éloge et tout combats; mais: «Vous avez compaii à ceux qui
un ensemble de magnifiques louanges. Ensuite il « étaient dans les chaînes ». Voyez-vous comme il
repasse une à une leurs victoires, développaiitson parle de lui-même sans doute, mais aussi d'autres
Ihème, redoublant les éloges. Ecoulez : ca|)tifs? Vous n'avez point considéré ces chaînes
« Ayant été d'une part exposés devant tout le comme des chaînes, leur dit-il, et sans vous
« monde aux oppiobics et aux mauvais truite- eliïajer, vous êtes demeurés fermes comme de
Uù TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

courngoux athlètes et loin d'avoir besoin d'être


;
avons tout sacrifié ! — Il prévient cette difficulté

coijsoios dans vos tribulations, vous avez su con -


de leur part en disant équivalemmenl Si vous:

soieries autres. savez que le ciel vous garde des biens tout autre-
« Et vous avez accueilli avec joie le pillage de ment précieux, ne cherchez plus rien ici-bas. Car
« vos biens ». Dieu quelle foi chez eux, pleine,
!
la patience vous est nécessaire, non pas que vous
certaine, convaincue Saint Paul lail bien voir la
!
deviez combattre encore plus, mais pour que vous
cause de leur fermeté, non-seulement pour les restiez dans les mêmes combats, et que vous ne
exhorter à de nouveaux combats, mais pour les jetiez pas à vos pieds la palme que vous tenez déjà.
engager à ne pas déchoir de cette foi sublime. Vous n'avez qu'un besoin donc c'est de résister,
:

Vous avez vu, dit-il, le pillage de vos biens, et comme vous l'avez fait jusqu'ici alin qu'arrivés au
vous l'avez supporté ; car vos regards se portaient terme de la carrière, vous receviez la récompense
nlors vers les biens invisibles que vous envisagiez promise.
déjà comme visibles preuve d'une foi éminente,
;
« Car la patience vous est nécessaire, afin que

que vous avez, d'ailleurs, manifestée parvos œu- « faisant la volonté de Dieu, vous puissiez obtenir
vres. —
Mais ce pillage était peut-être, de la part « les biens qui vous sont promis {36} ». Vutre uni-

de vos ennemis, un acte de pure violence que que et nécessaire devoir est donc de supporter le
vous n'auriez pu empêcher? Il n'est donc pas évi- délai de Dieu, mais non pas de subir de nouvelles
dent que vous ayez subi votre ruine pour le motif luttes. Déjà, leur dit-il, vous touchez à la cou-
de la foi? — Au contraire, c'était si évidemment ronne, vous avez vaillamment tout subi, combats,
pour la foi, que vous pouviez, en abjurant votre cliaînes, afflictions ; tous vos biens ont été pillés.
religion, conjurer ce pillage. Aussi avez-vous fait Que reste-t-il donc? Désormais vous ne laites plus
bien plus encore que de consentir à le subir; vous qu'attendre l'heure du couronnement; vous ne
l'avez supporté avec joie, ce qui est une vertu toute supportez plus qu'une peine légère, celle du délai
apostolique et digne de ces grandes âmes dont la de votre couronne à venir. magnifique consola-
joie éclatait jusque sous les fouets. Car il est dit tion Il semble qu'on parle à un athlète qui a ren-
!

« qu'ils revinrent joyeux de l'assemblée des juifs, versé et vaincu tous ses antagonistes, et qui ne
« parce qu'ils avaient été trouvés dignes d'être ac- voit plus se lever aucun adversaire pour accepter
« câblés d'outrages pour le nom du Jésus ». (Act. la lutte; n'ayant désormais qu'à recevoir la cou-
V, 41.) Au reste, cette joie dans la souffrance ré- ronne, il s'irrite du temps que le juge du couibat
vèle dans un martyr l'espoir d'une récompense, et met à venir enfin pour placer le laurier sur sou
la conviction que loin d'y perdre, il y gagne cer- front; impatient, il veut sortir de l'arène et fuir
tainement. Et ce mot « Vous avez accueilli»,: l'amphithéâtre, n'y tenant plus de chaleur et de
montre une soufl'rance volontiers acceptée. Et soif. Que dit donc l'apôtre, dans une circonstance

pourquoi l'avez-vous choisie et accueillie? C'est seudilable ? «Encore un peu de temps, et celui
parce que « vous savi((z que vous aviez d'autres « qui doit venir viendra, et ne tardera pas (37) ».

«biens plusexcellentset permanents». «Pcrma- — Pour prévenir ce cri de leur impatience Quand :

« nents », c'est-à-dire fermes et durables, et non donc viendra-t-ilî l'apôtre les console par les
pas périssables comme ceux de la terre. Après les saintes Ecritures. Déjà, dans un autre passage,
avoir ainsi loués, il dit : il encourage ses disciples, en disant : « Notre
2. « Ne perdez donc pas la confiance que vous « salut est plus proche », parce qu'il reste peu de

« avez, qui doit être récompensée d'un grand prix temps à courir. El il ne |)arle pas de lui-niênie,
« (35) ». Que dites-vous, bienheureux Paul? Vous mais d'après les saints Livres. Car, si déjà dans
ne prononcez pas qu'ils ont perdu la confiance, et ces temps lointains, on disait : « Encore un peu

qu'ils ont à la regagner; loin de leur ôier ainsi « de temps, et celui qui doit venir viendra, et ne
l'espoir, vous dites qu'ils l'ont encore, qu'ils ne a tardera pas » (I Kom. xiii, H), il est évident ([ue

doivent pas la perdre; et ainsi vous les encou- le Libérateur est plus voisin encore L'attendre
ragez. Vous l'avez encore, dit l'apùtre. Pour ac- donc, c'est accroître encore la récompense.
quérir de nouveau ce qu'on a perdu, il faut plus « Or, le juste vivra do la foi. Que s'il se retire,

de travail; il en faut bicu moins pour éviter de « il ne plaiia pas à mon cœur (38) ». Exhoilalion
perdre ce qu'on possède encore. Aux Galates son bien pressante qui leur apprend que même après
langage est tout autre « Mes petits enfants, pour
: avoir été jusque-là parfaits dans leur conduite, ils
• lesquels je souffre des douleurs de mère, jusqu'à perdraient tout par le ralentissement. « Mais quant
« ce que Jésus-Christ soit formé en vous ». (Galat. « à nous, nous ne souuues point les enfants de la

IV, 19.) Il trouvait chez eux plus de paresse et de B révoli(^, ce (jui serait notre ruine; mais nous

làchuié aussi avuienl-ils besoin d'entendre des


;
« demeurons fermes dans la foi pour le salut de
paroles plus énergiques. Les Hébreux avaient seu- « nos âmes (39) ».
lement le cœur faible et découragé; leur état ré- « Or la foi est la substance des choses que l'on
clanuiil donc un discours de guôrison et d'encou- « doit espérer et une pleuie conviction de celles

ragement. Ne perdez donc pas, leur dit-il, votre « qu'on ne voit point. C'est par la foi que les anciens
confiance ils étaient donc en grande faveur au-
: « Pères ont reçu un témoignage si avantageux ».

près de Dieu. « Parce qu'elle doit être récompensée (xi, 1, 2.) Ciel! quelle admiiable exactitude
c d'un grand prix ». Qu'est-ce à dire, sinon: nous d'expression! La foi est la « démonstration », dit-
la recevrons plus tard? Si donc elle est réservée è il, « des choses qui ne parai.ssenl pas encore »,

une vie future, il ne faut pas la demander à celle- c'est-à-dire, la conviction pleine de l'invisible. La
ci. Et de peur qu'on ne lui objecte Mais nous : démonstration, d'ordinaire, ne se dit que d'uM'j

CaMMENTAlRE SUR UÉPITRE DE S. PAUL AtlX HÉDREUX. - HOMÉLIE XXÎ. Ul


vérité certaine.La foi est donc une vue de véri- d'abord au grain de sénevé : et nous le voyons
tés non manifestes encore, et l'invisible qu'elle se propager de plus en plus dans l'univers entier.
nous révèle doit être admis avec une persuasion 11 a prédit que quiconque abandonnerait son père,

aussi certaine que le visible. Ce que nous voyons, sa mère, ses frères, ses sœurs, retrouverait son
il nous est impossible de ne le pas croire or,; père et sa mère; et nous voyons ce fait réalisé. —
si de la foi qui échappe à notre œil ne
l'objet Il a dit à ses disciples « Vous aurez des tribula-
:

nous parait pas aussi vrai et plus sûr même que « fions en ce monde, mais ayez confiance, j'ai
le monde visible, nous n'avons pas la foi. Comme « vaincu le monde » ; c'est-à-dire, personne ne

les choses que nous espérons paraissent n'avoir vous vaincra, et l'événement nous l'a prouvé. —
pas de corps ni de consistance, la foi donne une 11 a dit que les portes de l'enfer ne prévaudront
substance et un corps à ces objets de l'espérance ; pas contre l'Eglise, bien qu'elle doive souffrir per-
ou plutôt, elle ne leur donne pas, elle est elle- sécution, et que personne n'éteindra son Evan-
même leur essence. Prenons un exemple La ré- : gile .-cette prédiction estvérifiée par l'expérience.
surrection n'est pas encore arrivée ; elle n'a donc — Et quand le Seigneur faisait ces prophéties,
pas encore de substance, elle n'existe pas; mais elles avaient un caraclère incroyable. Pourquoi?
l'espérance lui crée une subsistance dans notre C'est que l'on ne pouvait y voir que des paroles,
àme. Voilà ce que veut dire « La substance des
: et que lui-même n'apportait pas de preuve de
a choses qu'on doit espérer ». Si donc la foi seule l'avenir qu'il annonçait. Aussi ces prophéties n'en
a la démonstration de l'invisible, pourquoi voulez- sont que plus dignes de foi aujourd'hui. Il a—
vous voir celui-ci, et vous exposer à perdre la foi, dit que la fin viendrait après que l'Évangile aurait
à compromettre ce principe par lequel vous êtes été annoncé à toutes les nations. Voici qu'en effet
justes, puisque le « juste vivra de la foi? » Si vous nous touchons à la fin; car la prédication a été
voulez être voyants, vous cessez d'être croyants. faite à la plus grande partie de la terre. (Luc,
Vous avez travaillé et combattu, je me plais à le XIX, 44; Marc, xiii, 2; Matth. xxiv, 14, 21 ; Luc,
dire; mais, attendez! Attendre, c'est la foi ; ne xiii, 19 ; Matth. XIX, 29 ; XVI, 18 ; Jean, xvi, 33.)
cherchez pas tout ici-bas. Donc la fin est proche. Tremblons, mes frères.
3. Ces paroles ont été dites aux Hébreux ; mais Mais quoi vous qui m'entendez, êtes-vous même
!

l'avis renferment s'adresse à un grand


qu'elles inquiets de cette fin redoutable? Et pourtant la
nombre de ceux qui sont ici rassemblés. A qui voici pour vous déjà imminente et présente. La
surtout? A ceux qui ont le cœur étroit et défail- vie s'achève, pour chacun de nous, et de ptus en
lant, à ceux aussi qui manquent de patience. Les plus, la mort s'avance. Car, dit l'Ecriture :« La
uns et les autres ne peuvent voir la prospérité des « somme de nos jours l'un dans l'autre est de
méchants, ni leurs adversités à eux-mêmes, sans «soixante-dix ans; et pour les mieux partagés,
être accablés de tristesse et d'indignation, appe- M quatre-vingts ans ». Le jour de notre jugement

lant sur ceux-là le supplice et la vengeance du est proche ; tremblons encore une fois. « Le frère
ciel, en même temps que fatigués d'attendre leur « ne rachète pas le frère : quel homme donc vous
propre récompense. « rachètera? » Nos regrets seront immenses, dans
« Encore un peu de temps », disait saint Paul, l'autre vie : « Mais dans la mort, personne ne
« et celui qui doit venir viendra et ne tardera « pourra louer Dieu » Aussi est-il dit : « Préve-
!

«pas ». Répétons-le, nous aussi, aux lâches et <t nons sa face, pour le louer » (Ps. lxxxix, 10;
aux paresseux : la punition arrivera certainement, XLViii, 8 ; VI, 6 et xciv, 2), c'est-à-dire devançons
elle viendra , la résurrection même déjà est à nos son avènement. De ce côté, nos efforts- ont leur
portes. —
Mais qui le prouve, dira-t-on? —Je ne prix et leur puissance ; ils ne pourront rien dans
demanderai pas mes preuves aux prophètes. Je i'autremonde.
ne parle pas seulement à des chrétiens en ce mo- Dites-moi, je vous prie, si l'on nous renfermait
ment, mais mon auditeur fùt-il un gentil, j'ai pour un temps assez court dans une fournaise
pleine confiance, j'apporte des preuves certaines; embrasée, ne ferions-nous pas tous les sacrifices
je puis le convaincre, lui aussi; et comment? pour être délivrés, fallût-il donner toute notre for-
Ecoutez-moi. tune, fallût-il subir l'esclavage? Combien d'hom-
Jésus-Christ a fait plusieurs prophéties. Si les mes sous le poids de maladies graves seraient
unes ne se sont pas réalisées, ne croyez pas aux prêts à donner tout pour guérir, si on leur lais-
autres; mais si elles se sont accomplies en tous sait le Si donc une maladie, si peu qu'elle
choix!
points, pourquoi douleriez-vous de celles qui res- dure, nous ennuie et nous tourmente à ce point,
tent à accomplir? Lorsqu'une partie de ces pro- que ferons-nous dans cet autre monde où la péni-
phéties se sont accomplies, il serait aussi dérai- tence même sera impossible?
sonnable de ne pas croire aux autres, qu'il le Que de maux nous accablent, que nous ne sen-»
serait d'y croire, si rien ne s'était encore accom- tons même pas nous nous mordons les uns les
!

pli. Au reste, un exemple va rendre la chose évi- autres, nous nous entre-dévorous par mille in-
dente : justices, accusations, calomnies, jalousies cha-
Jésus-Christ a dit que Jérusalem serait prise, et grines de la gloire du prochain. Et voyez quel
qu'elle le serait avec des circonstances inouïes péché grave! Quand on veut blesser la réputation
jusqu'alors, et qu'elle ne serait jamais rebâtie sa : du prochain, l'on dit « Un tel ou un tel a di*
:

prédiction s'est réalisée. —


Il a dit qu'une terrible « cela! Que Dieu me pardonne !... Qu'il ne m'exa-
alUiction frapperait le peuple juif elle est arrivée.
: « mine pas moi-même; je ne suis coupable que

^ Il a prédit l'exteasioû de son Evangile, pareil « d'avoir tulendu », — Mais si vous n'y croyez pas^
TRADUCTION' FRANÇAISE BE SAINT JEAN CimYSOSlIjMË.

pourquoi enfin? Pourquoi le répé-


le dites-vous, « jugez pas, pour que vous ne soyez pas jugés i.
trz-voiis î Pourquoi à force d'en répandre le bruit, Mais nous ne tenons pas compte même du divin
rendez-vous le (ail croyable? Pourquoi colporter Maitie.La punition du pharisien ne nous corrige
un mensonge? Vous n"y croyez pas, et vous de- pas, etnenous rend ni plus modestes ni plus réser-
mandez que Dieu vous épargne son redoutable vés. Il disait avec vérité, cet orgueilleux : « Je ne
examen? Ali! plutôt, ne dites rien, taisez-vous, « suis pas semblable à ce publicain !» et il le
et alors seulement soyez rassuré. disait sans témoin, et il fut cependant condamné.
4. Je ne sais vraiment comment cette maladie a Si énonçant un fait véritable, et l'énonçant loin de
pu envabir les bonimes. Non, nous ne sommes toute oreille étrangère, il fut pourtant condamné ;
que des comédiens nous ne savons rien garder
; qu'adviendra-t-il à ceux qui vont répétant partout
dans notre âme. Ecoulez l'avis du Sage « Avez- : des mensonges, dont ils n'ont aucune preuve,
vous entendu un bruit fâcheux? qu'il meure pareils en cela h des femmes frivoles et loquaces?
« dans votre sein; ne craignez pas; votre cœur Quel ne sera pas leur châtiment, leur juste puni-
« n'en crèvera point ! » El ailleurs : « L'insensé a tion ?
« entendu une parole ; il est en travail pour la re- Mettons désormais une porto et une serrure à
« dire, comme
femme qui enfante ». (Eeclés.
la notre bouche. Ces riens dangereux engendrent
XIX. 10, ^^.) Nous sommes si prompts A l'accusa- des maux sans nombre ; des familles sont boule-
iion, si disposés à condamner! Ah! quand nous versées, des amitiés brisées ; des misères infinies
n'aurions pas commis d'autre péché, celui-là suf- en résultent. homme! n'examinez point curieu-
firaitpour nous [lerdre et nous conduire en enfer. sement les affaires de votre prochain. —
Mais
11 nous enveloppe, il nous jette dans un réseau vous êtes bavard, c'est votre maladie?— Parlez
inextricable de fautes sans nombre. de vos affaires à Dieu ce ne sera plus un vice et
;

Pour mieux l'apprécier, écoutez le Prophète : un danger pour vous, mais un avantage. Racon-
» Tu t'asseyais pour parler contre ton frère ». tez-les à vos amis, aux hommes justes, à ceux qui
(Ps.XLix, 20.) — .Mais ce n'est pasmoi, dites-vous, possèdent votre confiance, afin qu'ils prient pour
c'est cet autre. — Non, c'est vous autant que lui. vos péchés. Si vous parlez des faits et gestes du
Car si vous n'aviez rien dit, il n'aurait rien appris. prochain, loin d'y gagner, loin d'en profiter, vous
Et dùt-il même
l'apprendre d'ailleurs, au moins êtes perdu. Si Dieu est votre confident pour tout
ne seriez-vous pas coupable de pécbé , lorsque ce qui vous regarde, vous amassei-ez une belle ré-
votre devoir est de couvrir et de cacher les fautes compense. « Je l'ai dit », chanlait le Psalmiste:
du prochain. Mais vous, sous prétexte d'aimer la « J'accuserai contre moi-même et à Dieu toutes
vertu, vous les révélez, et vous êtes moins un ac- «mes iniquités! Et vous, Seigneur, vous m'avez
cusateur, qu'un hypocrite, un homme en délire, « pardonné l'impiété de mon cœur! » Vous vou-
un insensé. Triste habileté vous vous couvrez de ! lez juger? Jugez vos œuvres. Personne ne vous ac-
bonté autant que votre victime, et vous ne le cusera plus, si vous vous condamnez vous-même;
sentez même pas ! mais on vous accusera, si vous ne vous jugez
Or, voyez que de maux découlent d'une seule pas. Oui, l'on vous accusera si vous ne faites pas
faute! Vous irritez Dieu, vous désolez votre pro- votre aveu ; on vous accusera si vous n'avez pas de
chain, vous vous rendez digne de l'éternel sup- repentir. Voyez-vous quelqu'un s'irriter , s'em-
plice. N'enlendez-vous pas ce que Paul dit au porter, commettre quelque péché grave et indi-
sujet des veuves «Non-seulement elles sont cu-
: gne? Pensez aussitôt à vos pi'opres actions; ainsi
a rieuses et veulent tout savoir; mais encore in- vous ne le condamnerez pas sévèrement, et vous
« tarissables de la langue et des yeux, elles coii- vous épargnerez un faix énorme de péchés.
• renl les maisons, et disent ce qui ne convient Si nous réglons ainsi notre vie, si nous l'occu-
« pas I). (l Tim. v, 13.) C'est pourquoi, lors même pons de la sorte, si nous prononçons nous-mêmes
que vous croiriez ce que l'on dit contre votre notre condamnation, nous ne commettrons peut-
frère, vous n'avez pas même dans ce cas le droit être que bien peu de péchés ; tandis que celte dou-
d'en -parler; à plus forte raison, si vous n'y croyez ceur, cette réserve nous enrichira d'actions hon-
pas. nêtes et glorieuses, et nous fera jouir de tous les
Ah plutôt, étudiez ce qui vous regarde ; trem-
! biens promis à ceux qui aiment Dieu. Puissions-
blez que Dieu ne vous examine. Car ici vous ne nous les «'.onquérir par la grâce et la bonté de
pouvez me répondre Est-ce que Dieu m'exami-
: Noire-Seigneur Jésus-Christ, aveclequel soient au
nera pour des bagatelles? Je le veux, ce sont — Père, dans l'unité du Saint-Espiit, gloire, empire,
des riens; mais pourquoi les colportez- vous? honneur, maintenant et toujours, et dans les
Pourquoi grossir le mal ? Cette conduite peut nous siècles des siècles. Ainsi soit-il.
perdre; et c'est pourquoi Jésus-Christ disait «Ne :
fiÔMMENTAIRÉ SUR LÉPITRE DE S. PACL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXlî. S43

HOMELIE XXn.
c'est par la foi que nous savons que les siècles ont été r.RÉÉS PAR LA PAROLE DE DIEU, ET QUB
TOUT CE QUI ÉTAIT INVISIBLE A ÉTÉ FAIT VISIBLE. (Xl, 3, JUSQU'A 7.)

Analyse.

1 et 2. L'orateur résume Bn de l'instruction précédente.


les généralités sur la foi, et la —
Il montre que la foi, qui parait uu

système en l'air, est la base même de la pliilosophie. —


Celle-ci, en déDnissant Dieu, est obligée <ir faire un acte de foi. —
Après le monde en général, l'apôtre aborde en particulier l'homme, et surtout les grands hommes. Magnifique exemple —
d'Abel, au sujet duquel l'orateur donne des détails qu'on ne trouve pas dans la Genèse. La foi d'Enoch, que la morld'Abel —
aurait dû décourager. —
Enoch est d'autant plus méritant qu'a son époque on ignorait la résurrection i venir? Où est Enoch?
Où est Elle? Questions purement curieuses que l'Esprit-Saint n'a pas résolues. — Ce qu'il nous apprend suffit à notre instruc-
tion et à notre édification.
3. 11 faut chercher Dieu avec la même âprelé qu'on met à chercher — L'obstacle étant hauteur de Dieu, élevons nos âmes
l'or. la

comme le mineur élève les yeux du fond de la carrière ou de la — Allusion


fosse. prière Manihus extensis. — Volons
à la

par-dessus les obstacles, comme l'oiseau au-dessus des.abiracs. — A cette hauteur, démon ne peut nous atteindre ses
le : traits

retombent sur lui. — Mais le moyen de repousser ses traits, surtout


c'est douceur. — La colère
la mauvaise puérile. est et

1. Le caractère de la foi est d'exiger une virilité plus grandes vertus sont dues à la foi et non au
d'âme, une jeunesse de cœur, une torce qui nous raisonnement.
élève au-dessus des choses sensibles, et qui laisse Et comment le prouve-t-il, direz-vous? « C'est
loin derrière elle la faiblesse des raisonnements «par la foi », avance-t-il, « que nous savons que
humains. 11 est impossible d'être vraiment Adèle, « le monde a été fait par la parole de Dieu, de
qu'a une condition : c'est qu'on se place au- « sorte que de l'invisible a jailli le visible ». II

dessus de toute habitude vulgaire. Or, précisé- est évident, dit l'apôtre,que de ce qui n'était pas.
ment les Hébreux avaient laissé faiblir leurs
, Dieu a fait ce qui est de ce qui ne se peut ;

âmes; après avoir débuté par la foi, ils avaient voir, il a fait ce qu'on voit; de ce qui n'a ni corps
subi l'intluence des événements; les troubles de ni consistance, il a fait les corps et les êtres con-
cœur et les afiliclions du dehors les avaient ren- sistants. Et comment est-il évideut que la parole
dus pusillanimes ; leur déchéance allait croissant. divine a tout fait? Car la raison ne suggère point
C'est pour les relever et leur rendre le courage, celle vérité ; elle
enseignerait plutôt le contraire,
que l'apôtre a fait d'abord appel à leur première savoir que ce qui ne parait point vient de ce qui
vertu, en disant : « Souvenez-vous de vos premiers parait. Ainsi, les philosophes disent que de rien,
« jours». Puis, invoquant l'Ecriture sainte, il leur rien ne se fait, parce que le philosophe, homme
a dit avec elle « Le juste vivra de la foi ». (Ha-
: animal, n'accorde rien à la foi. Et cependant quand
bac. II, 4.) Enfin, employant aussi le raisonnement, la sagesse humaine proclame une maxime noble
il a défini la foi, « la substance des choses que et graude, quand, par exemple, elle avance que
« nous devons espérer, et la conviction de celles Dieu n'a point de principe qui le crée ni qui lui
« que nous ne voyons pas encore ». donne naissance, aussitôt elle est prise en flagrant
A présent, il rappelle le témoignage etl'exemple délit d'emprunt à la foi car la raison ne révèle :

de leurs ancèlres, de ces hommes si grands et si point ce fait, mais plutôt tout l'opposé. Or voyez
admirables, etleurdit équivalemment Si pouvant : un peu l'immense folie de ces soi-disant sages.
jouir à discrétion des biens delà terre, ils ont ce- Ils disent que Dieu est incréé, sans principe, ce
pendant fait leur salut par la foi, combien plus qui est bien autrement étonnant que d'êlre tiré du
cette voie doit-elle être la nôtre! Notre âme est néant car avancer de Lui qu'il est ainsi sans
:

ainsi faite que quand elle trouve uu compa- principe, ainsi incréé, qu'il ne doit sa nais-
gnon de soulfrances, elle se calme et respire. Si sance nia lui-même, ni à aucun autre, voilà une
lu communauté d'allliclions console, la commu- proposition bien autrement inexplicable que celle
nauté de foi a le même avantiige « On se console : qui dit Dieu a fait de rien tout ce qui est. Il y a
:

« mutuellement par la communauté de la même en ceci beaucoup de choses que la raison admet
« foi ». Car notre nature humaine estinfidèle, dé- sans peine, par exemple, que Dieu a fait quelque
fiante à l'excès; elle ne peut se confier en elle- chose, que les èlres faits ont eu un commence-
même, elle craint pour les biens qu'elle croit pos- ment, qu'ils ont été vraiment et absolument faits
séder, elle a grand souci de l'opinion. Que fait et créés. Mais l'autre vérité proclame Dieu exis-
donc saint Paul ? Il les relève et les exhorte d'après tant par lui-même, sponlanémenl, sans recevoir
les exemples de leurs ancêtres, remontant même la naissance, sans avoir eu de commencement,
aux faits précédents et qui sont connus du genre sans être soumis au temps: cette affirmation, dites-
humain. Coiume on reprochait à la foi d'être un moi, n'a-t-elle pas besoin de foi pour qu'on l'ad'^
vain système que l'on ne peut ni prouver ni dé- mette?
montrer, et qui semble même une duperie, l'apô- Cependant l'apôtre n'a pas proposé cette pre«
tre Imi voir que les plus gi'Hnd«s vérités el les niièrç \éùlô i)içn aulremçat çvbliBie, et il j)'§
ut TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

avancé que la seconde, bien inférieure « La foi», : « témoignage qu'il était juste; Dieu lui-même rcn-
a-t-il dit, «nous apprend que le monde a été créé « danl ce témoignage aux offrandes d'Abel; par
« par la parole de Dieu». Vous objecterez ici : « celte foi, enfin, il parle encore après sa mort ».
Comment pouvez-vous dire que Dieu d'une parole Mais quel autre témoignage a-t-il reçu, et qui l'a
ail fait toutes clioses? Car la raison ne le découvre déclaré juste? C'est le feu du ciel, qui, dit-on, des-
pas, et personne n'était présent à ce moment de cendit et consuma ses victimes. Car il est dit de
la création. Qui donc la prouve? —La foi, oui, la lui : Dieu regarda favorablement Abel et ses sa-
«
foi, qui seule ici vous donne l'intelligence; aussi « orifices»; et une version ajoute, que Dieu les
a-l-il dit , que nous le savons par la foi. Mais — consuma. Or, quoique ayant rendu par ses paroles
par cette expression « la foi », qu'entendons-nous? et ses miracles ce témoignage à la vertu d'Abel,
Que de l'invisible a jailli le visible. Voilà l'objet tout en le voyant périr à cause de sa foi en lui.
de la foi. Dieu ne le vengea pas, et laissa sa mort impunie.
Après avoir exprimé cette vérité d'une manière 2. Il n'en va pas ainsi de vous, leur dit l'apôtre
;
générale, l'apôtre la poursuit dans ses applications n'avez-vous pas en effet, et les prophètes, elles exem-
particulières; car un grand hornme est comme un ples, et d'innombrables consolations, et des mira-
petit univers. Saint Paul le donnera lui-même à cles, et des prodiges tant de fois opérés? Chez Abel,
entendre dans la suite. En effet, quand il aura fait c'était une foi vraie et pure : car quels miracles
sa preuve par l'exemple de cent ou de deux cents avait-il vus, pour croire ainsi aux récompenses à
personnages qu'il va faire comparaître devant nous, venir? N'est-ce pas la foi seule qui lui fit choisir
il s'apercevra que ce nombre de témoins est petit la vertu?
comme quantité, mais il le grandira en ajoutant Mais qu'est-ce que veut dire ceci : « Par la foi,

que du moins « le monde n'en était pas digne ». « il parle encore après sa mort?» Saint Paul crai-
(Hébr. XI, 38.) gnant de pousser les Hébreux au désespoir, montre
« C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu une plus qu'Abel a reçu déjà en partie un dédommagement.
« excellente bostie que Caïn (4) ». Remarquez En quel sens? C'est, dit-il, qu'on lui garde un
quel personnage il nomme le premier c'est : grand honneur, une magnifique estime : l'expres-
aussi le premier qui ait souffert, et qui ait souffert sion, «il parle encore», donne cela à entendre,
de la main de son frère, lequel pourtant est resté et signifie que s'il fut ravi au monde, au moins
impuni, et n'a encouru que la haine de Dieu. avec lui ne fut point ravie sa gloire, sa renommée.
Voilà, pour les Hébreux, l'exemple d'une persé- Non, il n'est pas mort, et vous-mêmes ne mourrez
cution semblable à la leur, puisqu'ils étaient per- point Plus auront été cruelles les souffrances
!

sécutés par leurs frères: «Et vous aussi», avait- d'un saint, plus grande est aussi sa gloire. Com-
il dil, «vous avez souffert les mômes indignités de ment parle-t-il encore? C'est qu'une marque écla-
« la part même de vos concitoyens » (1 Thess. ii, 1 4.)
. tante de vie, c'est certainement d'être célébré par
Et il démontre que ceux-ci, nouveaux Gains, obéis- tous les hommes, admiré partout, regardé comme
sent à l'envie et à la haine. Abel honora Dieu, et bienheureux. En portant les autres à la vertu, il
mourut même pour l'avoir honoré; et il n'a pas parle éloquemment. Un discours fera toujours
encore obtenu la résurrection. Abel a signalé son moins d'effet que ce martyre. Et de même que le
zèle, il a lait tout ce qu'il devait faire; mais ce que ciel nous parle, rien qu'en se dévoilant, ainsi ce
Dieu, en retour, doit faire pour lui, Abel ne l'a pas grand saint nous prêche dès qu'il se révèle à notre
encore reçu. L'apôtre appelle ici « une plus excel- souvenir. Il aurait prêché, il aurait eu mille voix,
« lente hostie », une hostie plus honorable, plus il encore, qu'il serait moins admiré qu'il
vivrait
glorieuse, plus filiale. Et nous ne pouvons pas ne encore de nos jours. De telles vertus ne
l'est
prétendre, dit-il, qu'elle n'ait pas été acceptée; sont pas impunément frappées; elles ne peuvent
car elle a été reçue, si bien que Dieu disait à Cain : passer inaperçues ni s'oublier avec les âges.
«Je te reluse , si lu offres bien , mais que tu par- « C'est par la foi qu'Enoch a été enlevé du
« tages mal» (Gen. iv, 7); ce qui indique qu'Abel « monde, afin qu'il ne mourût pas ; et on ne l'y
oITiit bien et partagea également bien. Et pour « a plus vu, parce que Dieu l'a transporté ailleurs :
tant de justice, quelle récompense a-t-il reçue? « et l'Ecriture lui rend ce témoignage qu'avant
11 fut tué de la main de son frère; et la condam- « d'avoir été ainsi enlevé, il plaisait à Dieu ; or,
nation que son père entendit prononcer pour son « il est impossible de plaire à Dieu sans la foi;
péché, Abel, qui s'était conduit saintement, la « car pour s'approcher de Dieu, il faut croire pre-
subit le premier, et fut frappé d'autant plus cruel- « mièrement qu'il y a un Dieu, et qu'il récom-
lement qu'il le fut ainsi et le premier et par la « pensera ceux qui le cherchent (50) ». L'apôtre
main d'un frère. Et ces vertus, il les pratiqua sans révèle ici une foi plus grande que celle d'Abel.
exemple précédent qu'il pût contempler. Qui, en Comment? C'est que, bien qu'Enoch ail vécu
etfet, aurait-il pu considérer pour s'animer à servir après lui, l'exemple de sa mort afi'reuse suffisait
Dieu? Son père ou sa mère? Mais au lieu de re- pour détourner Enoch de suivre sa voie. En effet.
connaître les bienfaits divins, ceux-ci avaient dés- Dieu avait prédit ce meurtre, quand il disait i
honoré Dieu. Son frère, peut-être? Mais celui-ci, Cain «Tu as péché , ne vas pas plus loin » Et
: !

à son tour, outrageait le Seigneur. 11 ne puisa donc cependant il ne vengea point cet Abel qu'il hono-
la vertu que dans son propre cœur. Or, étant di^ne rait. Enoch ne fut point découragé par cette triste
de tant d'honneur, que soutfrit-il cependant? Une histoire; il ne se dil pas à lui-même Que gagne-
:

mort violente. L'apôtre lui adresse encore une t-on à subir les travaux et les dangers? Abel a
ittiire louange : «Far sa foi», dit-il, « il reçut le honoré Dieu, et n'en a point reçu de secours, Car
COMSIENTAIRE SUR t'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - ÎIOIIÉLIE XXII. 545

que servit-il à la victime de Caïn, que celui-ci ait première translation a eu lieu dans les commen-
subi une certaine condamnation et un supplice ? cements du monde, pour donner au genre humain
Qu'y gagné pour lui-même ? Supposons
a-t-il la double espérance que la loi de la mort serait
même que le meurtrier ait été sévèrement puni. un jour abrogée et la tyrannie du démon à ja-
Qu'importe à celui qui est mort si prématuré- mais vaincue. J'ai dit que la loi de la mort serait
ment? Enoch ne tint point ce langage, il n'eut abrogée car Enoch fut transféré, non pas après
:

point ces pensées; passant par-dessus toutes ces sa mort, mais « pour qu'il ne mourût pas » et ;

considérations, il comprit que s'il est un Dieu, ce c'est pourquoi l'apôtre ajoute 11 lut transféré
:

Dieu est nécessairement rémunérateur. tout vivant, parce qu'il avait plu au Seigneur.
Or, ces anciens ne savaient rien encore de la Ainsi qu'un père, après avoir menacé son fils, veut
résurreclion. Si donc, avec l'ignorance entière de toul bas oublier ses menaces , et toutefois sou-
ce dogme consolant, voyani même tout l'opposé tient son premier mot et y persévère pour le châ-
en apparence, ils ont su néanmoins chercher le tier en attendant, et pour le tenir comme averti,
bon plaisir de Dieu : combien plus y sommes- laissant à ses menaces un caractère de
ainsi
nous obligés? Car ils n'avaient, eux, ni cette con- durée d'immutabilité; ainsi noire Dieu, agis-
et
naissance de la résurrection, ni la facilité de con- sant pour ainsi dire à la façon des hommes, au
templer des modèles. Et c'est précisément pour lieu de soutenir son rôle menaçant, a montré dès
n'avoir rien reçu de Dieu, que ce saint personnage le commencement que la mort était déjà abrogée,
fut agréable à Dieu. Car enfin, répondez-moi il : mais a laissé d'abord le juste Abel subir le
il

tenait pour sur que Dieu est rémunérateur; mais trépas, voulant, par l'exemple du hls, efirayer le
d'où le savait-il ? Ahel n'avait certes point été ré- père. Son dessein élant de montrer que sa sen-
munéré. Ainsi la raison suggérait de tout autres tence première est sérieuse el stable, s'il ne châtie
pensées que celles de la foi ; celle-ci disait le con- point aussitôt les méchants, du moins il laisse
traire de ce qu'on voyait. Donc, vous aussi, chers périr cruellement un serviteur qu'il aimait, j'ai
disciples, s'écrie l'apôtre, si vous n'êtes point ré- nommé ce bienheureux Abel mais presque aussi-
;

tribués en ce monde, ne vous en troublez pas! tôt après celui-ci, il transporte hors du moude
Comment Enoch fut-il « transporté par la foi, Enoch tout vivant. Ainsi, par la mort d'Abel, Dieu
« hors de ce monde ? » Il plaisait à Dieu, et c'est imprime la terreur; el par l'enlèvement d'Enoch,
pourquoi il fut enlevé; et la cause de cette amitié il inspire aux hommes un saint zèle,
une sainte
de Dieu pour lui fut sa foi. Car s'il eût ignoré que rivalité à le servir. C'est assez vous dire combien
Dieu lui gardât une récompense, comment l'eût-il déplaisent à Dieu ceux qui prétendent que tout
servi ? « Sans la foi il est impossible de plaire à marche à l'aventure, que le hasard dirige tout, et
« Dieu ». Un homme croit ces deux points, l'exis- qui n'attendent pas la rémunération idée et con-
:

tence de Dieu et la récompense à venir il recevra : duite vraiment païennes. Car, pour ceux qui le
le salaire de ses œuvres. C'est cette foi qui rendit cherchent, et par les bonnes œuvres et par la
Enoch agréable au Seigneur. croyance. Dieu saura les récompenser.
a Car pour s'approcher de Dieu, croire
il faut, Nous avons un rémuuéraleur ; faisons donc
S.
« qu'il est », et non savoir ce qu'il est. Or si, rien tout au monde, pour ne pas être privés d'une ré-
que pour croire à son existence, il faut la foi compense qui ne se donne qu'à la vertu. Qui
déjà, et non les raisonnements, comment, par la pourrait assez pleurer le mépris que l'on ferait
raison, pourrions-nous comprendre sa nature? — d'une telle récompense, et l'indifférence que Ion
« Et qu'il récompense ceux qui le cherchent ». Si témoignerait pour une si glorieuse couronne; car
ce second point exige aussi la foi, et non pas seu- comme Dieu saura payer largement ceux' qui le
lement la raison, comment, encore une fois, notre cherchent, ainsi saura-l-il traiter tout autrement
raison pourrait-elle comprendre l'essence et les ceux qui n'ont point souci de lui.
perfections de Dieu ? Quel raisonnement pourrait « Cherchez », esl-il écrit, « et vous trouverez ».
atteindre à ces hauteurs? En elTct, il se rencontre (Malth. VII, 7.) Or, comment peut-on trouver le
des hommes qui attribuent au hasard l'existence Seigneur? Réilecliissez comment on trouve l'or :

môme de cet univers. Vous voyez donc que si, sur avec bien des travaux « J'ai levé mes mains vers
!

tous les points, nous ne gardons pas la foi, si elle « Dieu durant la nuit », disait le Prophète, n et je
n'est pas là pour nous faire accepter, je ne dis pas « n'ai pas été déçu ». (Ps. lxxvi, 3.) Quant à nous,
seulement la rémunération à venir, mais la vérité cherchons le Seigneur, comme nous cherchons un
8i élémentaire de l'existence de Dieu, tout est objet perdu et de grand prix. N'est-il pas vrai
perdu pour nous ! qu'alorsnous tournons vers un seul point loutnotre
Plusieurs demanacnt comment et pourquoi esprit? N'examinons-nous pas tous les passants ?
Enoch fui transporté hors de ce monde, pourquoi Reculons-nous devant un lointain voyage ? Ne
il n'est pas mort, non plus qu'Elie, et, promettons-nous pas de l'argent? Et si c'était un
supposé
qu'ils vivent encore, comment et dans quel état de nos enlants qu'il fallût retrouver, que ne fe-
ils vivent; autant de probléaies inutiles à résoudre. rions-nous pas? Quelle terre, quelle mer ne ver-
Que l'un, Enoch veux-je dire, ait été transféré rait nos démarches? Argent, maisons, propriétés,
ailleurs ;
que l'autre, c'est-à-dire Elle, ait été en- tout serait sacrifié volontiers au prix d'une telle
levé, l'Ecriture le déclare. Où
sont-ils mainte- découverte. Et l'avons-nous retrouvé, nous le
nant, et comment sont-ils, l'Ecriture ne l'a pas dit saisissons, nous l'embrassons, nous ne pouvons
aussi clairement. C'est qu'en etl'et, elle ne nous en- le quitter. Pour rentrer en possession d'un si pré-
seigne que les vérités à nous nécessaires. Cette cieux trésor, enfin, aucun bacnlice ne nous parait

g, /. Ch. — Tome XI, 33


U6 THADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CimYSOSTOMË.

pénible; combien plus, quand il s'agit de Dieu, porter en bas, et surtout de tomber par terre 1

devons-nous avoir de pareils sentiments, et le Procurons-nous ces ailes merveilleuses ;giàce à


poursuivre comme notre bien indispensable, je elles, nous pourrons franchir l'océan tumultueux
devrais dire même comme incomparable à tout de ce monde. Les oiseaux les plus agiles passent
autre bien ? Mais nous sommes si misérables, que au vol et sans se blesser, les monts et les préci-
je me borne à dire : Cherchons Dieu, comme pices, les mers et les écueils. Telle est aussi notre
nous ferions pour l'argent, pour un enfant égaré. âme une
; de ses ailes, une
fois qu'elle est jiourvue
Encore une fois, pour celte tète si chère, un plane au-dessus des misères de la vie,
fois qu'elle
voyage vous eflraie-t-il, ou n'auriez-vous jamais rien désormais ne peut la captiver; elle est plus
voyagé pour un motif pécuniaire? Ne sondez-vous élevée que tout au monde, et même que les traits
pas tous les recoins? Et cet enfant une fois rendu enflammés du démon.
à votre amour, n'êtes-vous pas au comble de la Non, le démon ne peut lancer ses traits ni si
joie? juste ni haut, qu'il puisse arriver jusqu'à elle;
si

Cherchez », est-il dit, « et vous trouverez ». il prodigue ses flèches, il est vrai, car il est im-

Ce qu'on cherche , surtout quand il s'agit de pudent m, lis il n'atteint pas le but, mais son
;

Dieu, exige un inquiet empressement. Bien des dard retombe inutile, et non-seulement inutile,
obstacles, en effet, nous arrêtent ; bien des ombres mais redoutable pour sa tête, sur laquelle il re-
nous offusquent, bien des luttes contrarient nos vient. Une fois lancée, une flèche doit toujours

désirs. Par lui-même, le soleil éclate, il s'offre à frapper. Le projectile qui partd'une main d'homme,
tout regard, on n'a pas besoin de le chercher. frappe toujours, ou son adversaire qu'il a visé, ou
Mais supposons qu'on veuille s'enterrer et qu'on un oiseau, un mur, un vêlement, une planche ;
soulève des flots de poussière, il faudra dès lors ou du moins il fend l'air : tel est aussi un trait du
de vrais et de pénibles efforts pour voir le soleil. démon; il ne
faut nécessairement qu'il frappe. S'il

Ainsi en sera-t-il, si nous nous plongeons dans blesse pas personne qui sert de point de mire,
la

les bas-fonds des passions mauvaises, dans les il déchire la main qui l'a envoyé. Plus d'un

ténèbres qui peuvent troublerle cœur, ou dans les exemple nous prouverait que, quand nous n'avons
inutiles soucis des affaires temporelles alors à
: pas souffert de ses coups, c'est lui qui les reçoit
grand'peine regarderons-nous en haut, à grand toutenticrs. Ainsi, pour ne citer que ces deux faits :

peine nous élèverons-nous. Toutefois, l'homme Il a tenté Job, ne l'a pas atteint, et a reçu le coup;

qui se trouve au fond d'une fosse, aperçoit le so- il a assailli Paul, ne l'a pas blessé, et s'est blessé

leil de plus en plus, à mesure que lui-même élève lui-même. Et si nous sommes sages et vigilants,
davantage son regard. Secouons donc, nous aussi, nous verrons ainsi que de pareils faits arrivent
la poussière perçons les brouillards qui pèsent
;
partout dès qu'il frappe, il se blesse lui-même.
:

sur nos tètes, lis sont si épais et si compacts, Mais surtout lorsque nous saurons nous armer
qu'ils ne permettent pas à nos yeux de regarder contre lui de l'épéc et du bouclier de la foi, nous
en haut. — Mais, dira-t-on, comment percer ces serons en pleine sûreté contre ses assauts, et sans
impénétrables nuages? —
En appelant et attirant péril d'être vaincus.
vers nous les rayons du soleil, de ce soleil de jus- Tout mauvais désir est un trait du démon. Plus
tice qui éclaire les intelligences; en élevant nos qu'aucun autre, du reste, la colère est un feu,
mains vers le ciel, car « l'élévation de mes mains », une flamme qui saisit, mord et embrase. Etei-
dit le Prophète, « est mon sacrifice du soir » gnons-le par la douceur et la patience. Comme
(Ps. CXL, 2), et surtout en élevant k la fois et nos un fer rouge plongé dans l'eau perd son feu, ainsi
bras et nos cœurs. Vous me comprenez, vous qui la colère tombant sur une àme douce et patiente,
êtes initiés aux saints mystères. Peut-être recon- loin de la blesser, lui l'ait du bien, puisqu'elle en
naissez-vous ce que je désigne, vous voyez dans devient plus forte. Point de vertu comparable à la
vos pensées ce que je fais entendre à demi-mot. douceur et à la patience. Celui qui en est armé,
Elevons en haut nos pensées. Je connais, moi, des ne sent plus l'outrage et comme le diamant que
;

hommes presque suspendus au-dessus de celte rien ne peut entamer, ainsi devient une âme do
pauvre terre, et qui regrettent de ne pouvoir cette trempe; elle est au-dessus de tous les traits;
prendre leur vol vers les cieux, tant ils prient car l'homme doux et patient est élevé, si élevé
avec un cœur ardent et sublime. Je voudrais que môme qu'aucun dard ne peut arriver à sa hau-
cette image, cette prière, fût la vôtre, à tous et teur.
toujours sinon toujours, du moinssouvent ; sinon
; Un homme s'emporte, riez, vous, non pas en
souvent, du moins quelquefois, du moins le matin, face de lui, de peur de l'irriter davantage, mais
du moins chaque soir. Au reste, si vous ne pou- riez dans votre àme on vous-même et pour vous.
vez ainsi garder vos bras étendus et élevés, du En effet, qu'un enfant nous frappe dans sa petite
moins qu'ainsi s'élève et s'étende la libre ardeur colère en croyant se venger ainsi, nous rions. Si
de votre âme. Etendez-la, oui, jusqu'au ciel; si donc vous riez d'un outrage, vous mettrez entre
vous voulez en toucher les sommets, et même ar- vous et le furieux la même dislance qui sépare un
river plus haut, vous le pouvez. homme d'un enfant. Que si vous vous emportez,
Car notre àme est plus légère, et notre pcnsecest vous devenez enfant au contraire car quiconque ;

plus pronjpie et plus rapide (|ue l'oiseau du ciel, par s'irrite a moins de sens que ces pauvres petits.
sa nature. Que si, par surcroît, elle reçoit la grâce Dites-moi, quand l'un d'entre eux s'emporte, n'en
que donne l'Esprit divin. Dieu qu'elle devient
! rit-on pas, encore une fois? L'Iiouune irrité prête
vive, agile, capable de tout gravir, incapable de se ainsi le ilanc. El ï'il est pusillanime, il e$tinsen$0;
CÔMifENTAlRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. -HOMÉLIE XXIII. Sit

puisque, selon le Sage, « quiconque est pusilla- grande prudence, laquelle nous fera gagner les
« nime manque complélement de sens ». (Prov. biens promis en Notre -Seigneur Jésus- Christ.
XIV, 29.) Et qui manque ainsi de raison, n'est Qu'avec lui soient au Père, en union avec l'Esprit-
qu'un enfant. Au contraire, ajoute Salomon, « ce- Çaint, gloire , empire honneur maintenant et
, ,

« lui qui est patient est aussi très-prudent ». Et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi
c'est pourquoi, mes frères, tendons à celte grande soit-il.
patience, qui procure à l'homme vertueux celte

HOMELIE XXIII.
tfEST PAU LA FOI QUE NOÉ, DIVINEMENT AVERTI, ET APPRÉHENDANT CE QU'ON NE VOTAIT PAS ENCOBE,
BATIT l'arche POUR SAUVER SA FAMILLE, ET EN LA BATISSANT CONDAMNA LE MONDE, ET DEVINT
HÉRITIER DE LA JUSTICE QUI NAIT DELA FOI. (CHAP. XI, 7-12.)

Analyse»
! et 2. Exemple de Noé, et de sa foi à la prédiction qui lai annonçait le déluge, tandis qu'un monde railleur et indifférent se
moquait de le voir construire l'arche. —
Exemple d'Abraham, et de sa foi à la parole de Dieu, qui lui montrait la terre pro-
mise à lui et à sa postérité. —
Il crut ainsi que Isaac et Jacob, bien qu'ils n'aient pas tu l'accomplissement de la promesse.
— En effet, si Dieu a donné aux saints patriarches quelque bien-être terrestre, cette récompense était loin d'acquitter ses
promesses divines —
Aussi les saints, dédaignant les biens de la terre , saluaient par avance la cité à venir, comme le
.

navigateur salue le, port désiré. —


La foi de Sara, son rire désavoué, sa fécondité miraculeuse.
3 et 4. Longue et magnifique supplication oià le saint orateur, le père de tant de fidèles, développe sans art et avec un pathétique
sublime les motifs les pins touchants de conversion. —
Jamais prédicateur u'a poussé des cris plus douloureux ni plus élo-
quents : mais toute analyse ou résumé est impossible.

^. « C'est par la foi que Noé, divlnementaverti... » « bâtissant, il condamna le monde? » — Qu'il le
L'apôtre rappelle ici le fait dont le Fils de Dieu montra digne du supplice, puisque la vue de cette
parle ainsi, à propos de son second avènement : construction ne put porter les hommes ni à s'a-
« Au temps de Noé, les hommes épousaient des mender, ni même à se repentir, —
« et il devint
« femmes, et les femmes épousaient des maris ». « héritier de la justice qui nait de la foi », com-
(Luc, XVII, 27.) Voilà du reste un exemple que prenez : Parce qu'il crut à Dieu, il se montra juste
saint Paul choisit à dessein. Celui d'Enoch rappe- et saint. Car cela est comme naturel à un cœur
seulement un acte de foi, mais l'histoire de
lait qui aime Dieu franchement et qui regarde par là
Noé montre à côté d'elle un fait d'incrédulité. La même ses paroles comme tout ce qu'il y a de plus
plus sûre manière de consoler et d'exciter celui croyable au monde ; l'incrédulité fait tout le con-
qui vous écoute, c'est de lui montrer les vrais fi- traire. 11 est évident que la foi opère la justice.
dèles en possession du bonheur, et l'incrédule Or, comme nous avons, nous, la prophétie de
frappé d'un sort contraire. Mais pourquoi dit-il l'enfer, ainsi Noé avait-il aussi sa prophétie. Mais
littéralement : « Noé, par la foi, ayantreçu une ré- on se moquait de lui, alors; on l'accablait de mé-
M ponse?» Comprenez « prédiction » ; car réponse pris et de railleries; mais il n'y prêlait aucune
et prophétie sont synonymes dans l'Ecrilure. Elle attention.
dit ailleurs « Siméon avait reçu une réponse de
: « C'est par la foique celui qui reçut plus tard
« l'Esprit-Saint » (Luc, ii, 26) ; et Paul demande « le nom d'Abraham, obéit, en s'en allant dans la
dans le même sens « Que dit la : réponse divine ? » « terre qu'il devait recevoir en héritage c'est par;

(Rom. XI, 4.) Voyez, en passant, que le Saini-Es- « la foi qu'il partit sans savoir même où il allait;
prit est Dieu i)ieu répond, mais l'Esprit Saint
: « c'est par la loi qu'il demeura dans la terre qui
aussi et comme lui. Et pourquoi saint Paul a-t-il a lui avait été promise, comme dans une terre
choisi ce mot pour Noé? Afin de montrer dans « étrangère, habitant sous des tentes avec Isaac
cette « réponse» une prophétie. Ayant reçu ré- — « et Jacob, qui devaient être avec lui héritiers de
ponse « de ce qu'on ne voyait pas encore », c'est- « cette promesse (8, et 9) ». Quel modèle, dites-
à-dire, au sujet du déluge par crainte et par pré-
; moi, Abraham imiter? Né d'un père
put-il voir et
caution, « il construisit l'arche ». La raisonne lui idolâtre et gentil, n'ayant point entendu de pro-
suggérait point cette action. « Car les hommes phètes, il ne savait même où il allait. Volontiers
« épousaient des femmes, et les femmes des ma« les Hébreux devenus chrétiens avaient les yeux
« ris »; le ciel était serein, rien n'annonçait l'évé- fixés sur ces patriarches, supposant qu'ils avaient
nement, cependant Noé craignit; car, dit l'apô-
et été comblés des biens de ce monde. Saint Paul
tre : que Noé, divinement averti
« C'est par la foi montre qu'aucun d'eux n'a reçu la moindre chose,
« fit appréhendant ce qu'on ne voyait point en- que tous furent absolument privés de ce genre de
« core, hàiit l'arche pour sauver sa famille ». salaire ; que pas un ne trouva ici-bas sa récom-
Que veulent dire les mots suivants a Et en la ; pense. Abraham; lui, sortit même de sa i^atrit) et
KIS TRADUCnON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.
de ses foyers, et sortit sans savoir où il allait. Et comme un avant-goùt des récompenses à venir.
qui s'étonnera du sort fait au père, lorsque ses fils Dieu , en
, dès l'origine du monde, se vit
effet
habitèrent le monde aux mêmes conditions que comme forcé, dans l'intérêt du genre humain, à
lui? Il ne vit pas s'accomplir la promesse, et se mettre à la portée des hommes, et à leur don-
toutefois ne se découragea point ; Dieu avait dit : ficv non-seulement l'avenir, mais quelques biens
«Je le donnerai celte terre, et à ta postérité ». présents. C'est dans le même dessein que Jésus-
(Gcn. XII, '7.) Abraham vit son fils toutefois y ha- Christ disait à ses disciples « Celui qui aura
:

hWcT précairement le petil-fils à son tour sé-


;
« quitté maison, frères, sœurs, père et mère, re-
journa sur une terre étrangère, sans se troubler « cevra le centuple, et possédera la vie éternelle».
davantage. Abraliani, pour sa part, pouvait s'at- Et ailleurs « Cherchez le royaume de Dieu, et
:

tendre à celle vie nomade, puisque la promesse, « tout le reste vous sera donné par surcroît ».
embrassant sa postérité, ne devait à la rigueur (Matlh. XIX, 29 et vi, 33.) Voyez-vous comment il
avoir sa réalisation que dans l'avenir. Encore est- nous donne ce faibl-e surcroît, afin de ne pas nous
il vrai de dire que la prouiesse s'adressait aussi à décourager? Ainsi les alhlètes, pendant la durée
lui : « A toi et à ta posléiilé », disait-elle, non pas de leçoivent quelques rafraîchissements ;
la lutle,
à loi dans la personne de tes enfants, mais ;\ toi mais ils ne jouissent d'une trêve absolue et d'un
et à eux. El toulelois ni lui, ni Isaac, ni Jacob ne repos complet que plus tard, lorsqu'ils ne vivent
recueillirent le fruit de cette promesse. Jacob ser- plus sous le régime, et qu'ils ont enfin droit à
vit comme mercenaire ; Isaac dut subir plus d'un toute jouissance. Dieu aussi donne un peu en ce
exil ; Abraham
de celle terre promise, d'où
sortit monde; mais l'entier accomplissement de ses pro-
la crainte le
il lui fallut recouvrer ses
chassait, messes est réservé à la vie future ; et saint Paul,
biens à main armée; et il cùl, d'ailleurs, perdu pour nous enseigner cette vérité, s'est exprimé en
tout ce qu'il avait, si Dieu ne l'eût secouru. Cela ces termes : « Ces saints ne voyant et ne saluant
vous explique pourquoi saint Paul a dit « Abra- : « que de loin les promesses divines ». Il nous fait
« iiam, et ceux qui devaient être avec lui héritiers entendre ici une réalisation mystérieuse de leurs
« de la promesse » ; et il marque mieux encore vœux ; c'est-à-dire que ces saints ont reçu tout ce
cette communauté de leurs épreuves, en ajou- que Dieu leur annonçait pour l'avenir : la résur-
tant ; « Tous ces saints moururent dans la foi, rection, le royaume des cieux et tous les biens
« sans avoir reçu les biens que Dieu leur avait que Jésus-Christ venant en ce monde nous a prê-
« promis ». ches voilà, selon l'apôtre, les vraies promesses.
:

Deux questions se présentent naturellement à Tel est donc le sens de ce passage ; ou peut-être
résoudre ici. Comment, après avoir dit que Dieu signifie-t-il seulement que sans avoir encore reçu
enleva Enoch, pour qu'il ne vit pas la mort, de tout l'effet des promesses divines, du moins ilssont
sorte qu'on ne le trouva plus, l'apùlre ajoute-t-il partis de ce monde avec la confiance et la certi-
ensuite: « Tous ces saints mouraient?» Second pro- tude de les recueillir. Or, la foi seule a pu leur
blème « Sans recevoir l'elVcl des promesses »,
: suggérer cette confiance, puisqu'ils ne virent que
dit-il ; et cependant il déclare que Noé reçut de loin, selon saint Paul, les réalités même ter-
comme récompense le salut de sa famille, qu'E- restres, dont quatre générations d'hommes les sé-
noch fut enlevé de ce monde, qu'Abel parle en- paraient. Car ce n'est qu'après ce nombre écoulé
core, qu'Abraham reçut une terre; ce qui ne l'em- de générations, qu'ils sortirent enfin de l'Egypte.
pêche pas de conclure que tous ces saints mou- Mais ils saluaient ces espérances, dit-il, et ils se
rurent sans avoir reçu l'elfet des promesses de réjouissaient. Telle était leur intime persuasion de
Dieu. Quelle est donc la pensée de saint Paul? 11 cet avenii', qu'ils le saluaient métaphore em-
:

faut résoudre ces (pieslions l'une après l'autre. pruntée aux navigateurs, qui aperçoivent de loin
« Tous », dit-il, « sont morts dans leur foi » l'ex- ; le port désiré, et qui avant même d'entrer dans
pression «tous », ici, n'est pas absolue dans ce les eaux d'une ville cherchée longtemps, appel-
sens que pas un n'ait échappé k la mort; elle si- lent celte cité et l'ont déjà conquise dans leurs
gnifie seulement, qu'à une exception près, tous désirs.
en effet l'ont subie, tous ceux dont nous savons le « Ils altendaient, en effet, la cité bâtie sur un
trépas. Quant à la léHcxIon : « Sans avoir reçu « ferme fondement, dont le fondateur et l'ar-
et
« l'effet des promesses », elle est vraie de tout « chitecle est Dieu lui-môme (10) ». Vous voyez
point ; la promesse faite à Noé, n'embrassait pas un que, pour ces grands saints, « recevoir », c'était
lointain avenir. seulement attendre, espérer avec pleine confiance.
Mais quelles sont les promesses de Dieu ?
2. Si donc avoir confiance, c'estavoir reçu déjà, nous
Isaac, en elVet, et .lacob après lui, ont eu jusqu'à pouvons, nous aussi, recevoir. Bien que non en-
un certain point les promesses de la lern;. Mais core en possession, ils voyaient déjà, par le désir,
Noé, Enoch, Abel, quelles promesses virent-ils se les promesses remplies. Pourquoi tous ces faits
réaliser? C'e.-.i donc de ces trois derniers que l'a- allégués? Pour nous donner une sainte honte à
poirti dii qu'ils ii'diit rien reçu. Et si même on nous : car ces patriarches avaient des promesses
veui iiUnlmc qu(dque réconipeiisc, n'en
qu'il leur pour ce monde môme, mais ils n'y prêtaient point
étail-ce pas une que ci'ite gloire dont Abel hérita, attention et cherchaient la cité à venir; tandis
que ce'i enlèveiiii'ni dont Enoch fui l'objel, que ce que nous, à qui Dieu ne cesse de parler de la cité
liiiiarle pai Icqurl Noit lulhauvé? Mais tout ce d'en-haut, nous cherchons celle d'ici-bas. Dieu
bonheur, loin de remplir les engagements de Dieu, leur a dit à eux Je vous donnerai les biens pré-
:

n'éluil qu'un faible salaire de leurs verlus, et eents. Mais bientôt il les a vus, ou plutôt eux-mô-
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXIII. 849

mes se sont montrés dignes de biens plus nobles, grand que de les perdre? Un banni, rejeté du sol
n'ayant pas même voulu se lier à ceux de la terre. de sa patrie, un malheureux déshérité, font pitié
Il me semble voir proposer à un sage certaines à tous les hommes mais celui qui est déchu du
:

récompenses puériles, non qu'on veuille les lui ciel, et de tous les biens que le ciel nous garde,
faire agréer, mais pour lui donner occasion de n'a-t-il pas droit d'être pleuré avec des torrents
monti'ersa philosophie, parce qu'il demandera plus de larmes? Hélas! non! H ne mérite point nos
et Miieux. L'apôlre a ainsi le dessein de nous mon- pleurs On en verse sur la victime de malheurs
!

trer que les saints avaient à l'égard des choses involontaires j mais pour celui qui s'y précipite
terrestres, un si noble et si beau détachement, lui-même, par l'abus coupable de son libre ar-
qu'ils ne voulaient pas môme recevoir ce qu'on bitre, il mérite plus que nos larmes; il lui faut
leur en oiïrait. Et c'est pourquoi leurs descen- nos lamentations et un deuil sans fin, car Notre-
dants ies reçoivent, car eux, hélas! sont dignes de Seigneur Jésus-Christ a pleuré Jérusalem, bien
la terre. qu'elle fût ingrate et impie et nous aussi, nous
;

Mais qu'est-ce que « la cité qui a des fonde- sommes dignes de gémissements sans fin, de
« ments solides? » C'est-à-dire que les fondations lamentations sans mesure Et quand même
.

de ce monde ne méritent pas ce nom, si on les l'univers nous prêterait ses rochers, ses arbres,
compare avec ceux de la cité dont Dieu est le ses plantes, ses animaux terrestres et aériens;
fondateur et l'architecte. Ciel ! quel admirable quand le monde entier, pour mieux dire en un
éloge de cette cité d'en-haut ! « Sara eut aussi la mot, emprunterait des millions de voix et pleu-
«foi (il) ». Exemple parfaitement choisi pour rerait sur nous qui sommes déchus de si grands
faire rougir les Hébreux, puisqu'ils ont montré un biens, non, le deuil du monde, cette lamentation
cœur plus petit et plus étroit que celui d'une universelle, ne serait pas à la hauteur d'une telle
femme. Mais, objecterez-vous, comment, elle qui infortune !

a ri si malencontreusement, est-elle ici vantée Quel langage si sublime, en effet, quelle intelli-
comme fidèle î Ce rire était, en effet, d'une infi- gence pourrait expliquer ce bonheur, cette puis-
dèle ; mais sa crainte aussitôt prouva sa foi. « Je sance, cette volupté, cette gloire, cette joie, ces
« n'ai pas ri », s'écria-t-elle ; ce désaveu montre splendeurs que « l'œil de l'homme n'a point vues,
la foi qui rentre dans son cœur, et en bannit l'in- « que son oreille n'a pas entendues, que son cœur
crédulité. Donc : « C'est aussi par la foi que Sara « n'a jamais soupçonnées, et que cependant Dieu
«étant stérile, reçut la vertu de concevoir un en- « a préparées à ceux qui l'aiment ». (1 Cor. ii, 9.)
« faut, et qu'elle le mit au monde, malgré son L'Ecriture, qui parle ainsi, ne dit pas seulement
« âge avancé ». Qu'est-ce que la vertu de conce- que cette félicité surpasse notre intelligence, mais
voir? C'est-à-dire qu'elle devint féconde, elle qui que jamais personne n'a pu concevoir les biens
était déjà comme morte et qui était encore stérile. que Dieu réserve à ses amis. Et, de fait, de quelle
11 y avait deux obstacles : son âge, car elle était nature ineflable ne doivent pas être des biens que
vieille ; sa complexion, car elle était stérile. Dieu même veut préparer et créer? Si, aussitôt
« C'est pourquoi il est sorti d'un seul homme et après nous avoir faits, antérieurement à toute
« qui était déjà mort, une postérité aussi nom- bonne action de notre part, il daignait accorder à
« breuse que les étoiles du ciel, et que les grains notre nature humaine tant de grâces, le paradis,
M de sable sans nombre au bord de la mer (12) ». la familiarité de ses entretiens, l'immortalité et la
Ainsi cette multitude sortit d'un seul homme promesse d'une vie bienheureuse et sans aucun
d'après l'apôtre ; c'est dire que non-seulement il chagrin ; que ne donnera-t-il pas à ceux qui pour
rendit mère sa femme Sara, mais qu'elle le fut son service auront fait tant de choses, soutenu
d'un nombre d'enlants tel que n'en produit pas le vaillamment tant de combats et de souffrances?
sein le plus fécond. — Autant que d'étoiles, ajoute- Pour nous, en effet, il n'a pas épargné son Fils
Comment, alors, l'Ecriture en a-t-elle fait sou-
t-il. unique, il l'a livré pour nous à la mort. Si donc
vent le dénombrement, elle qui disait comme on
: il a daigné nous honorer de tant de faveurs, alors

ne peut nombrer les étoiles du ciel, ainsi votre que nous étions ses ennemis, quelle grâce nous
postérité sera innombrable? — Vous verrez ici ou refusera-t-il, une fois son amitié reconquise ? Que
bien un langage hyperbolique, ou bien une allu- ne donnera-t-il pas, après nous avoir réconciliés
sion à cette postérité réellement incalculable que avec lui ? Dieu est si riche, et toutefois il ambi-
la génération multiplie tous les jours. On peut tionne et désire de gagner notre amitié : et nous,
dresser, en effet, la généalogie exacte d'une fa- bien-aimés frères, nous n'avons point ce désir !

mille, mais de telle ou telle famille déterminée; Que dis-je, Nous ne désirons pas? Ah! nous
tandis que le dénombrement est impossible s'il avons, moins que Dieu même, la volonté de con-
s'agit de la race tout entière comparée aux quérir le bonheur qu'il nous ofl're.Lui, par des
étoiles. actes inouïs de bonté , a fait preuve de son bon
sont les promesses de Dieu ; telle est la
3. Telles vouloir; et nous, quand il y va de tout nous-même,
facilitéque nous avons d'en gagner la réalisation. nous ne savons pas mépriser un peu d'or, lorsque
Or, si .ce qu'il a promis comme par surcroit est Dieu pour nous a donné son propre Fils. Profi-
cependant si admirable, si magnifique et si splen- lons, enfin, comme il le faut, de ce divin amour;
dide, de quelle nature seront les biens dont ceux- exploitons cette adorable amitié! «Vous êtes mes
ci ne sont que le faible accessoire et comme la «amis», nous dit-il, «si vous faites ce que je
surabondance? Quel bonheur est plus grand qre « vous prescris ». (Jean, xv, 14.) Grand Dieu! de
d'acquérir ces biens parfaits, et quel malheur pius vûB ennemis, séparés de vous par la dislance de
itôO tRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÊ.

que vous surpassez d'une manière in-


l'inflnl, et « écoutez; terre, prête l'oreille! car le Seigneur &
comparable, vous faites des amis et vous leur en « parlé ». (Isaïe, i, 2.) vous qui n'êtes pas encore
donnez le nom! Pour une amitié pareille, que ne engloutis, donnez la main, offrez le bras à tant
devrions-nous pas souffrir volontiers? Et pourtant d'infortunés ; vous dont l'inlelligence est saine en-
nous bravons les dangers pour gagner une amitié core, secourez tant de gens perdus par leur ivresse;
humaine, lorsque , pour celle de Dieu nous ne , sages, secourez les êtres en démence; cœats fex-
dépensons pas même notre argent Oui, je le ré- ! mes et solides, n'oubliez pas les âmes ballottées par
pète , notre étal mérite les pleurs, le deuil , les leurs passions. Je vous en conjure, sacrifiez tout
gémissements , les lamentations les sanglots 1
, au salut de cet ami pécheur; et que vos répri-
Déchus de notre espérance, tombés de notre rang mandes et vos supplications n'aient qu'un but, son
sublime, nous nous montrons indignes de l'hon- intérêt. Quand la maladie envahit une maison, les
neur que Dieu nous a l'ait. Oublieux et ingrats, esclaves mômes dominent leurs maîtres atteints de
après tant de faveurs, dépouillés de tous nos biens la fièvre; tant qu'elle est là, en effet, troublant les;
par le démon, nous que le Seigneur avait élevés âmes et menaçant les vies, toute la troupe de ser-
jusqu'au rang d'enfants, de frères, de cohéritiers, viteurs présents à ce spectacle ne reconnaît plus
nous sommes en tout semblables à ses ennemis les la loi du maître au déirimcnt du maître. Conver-
plus oulrageux. tissons-nous, je vous en supplie guerres de cha-:

Quelle consolation ou espérance pourra nous que jour, inondations, morts de tous côtés mena-
rester encore? Dieu nous appelle au ciel : et, çantes et sans nombre, la colère de Dieu, enlin,
spontanément, nous nous précipitons en enfer. nous environne de toutes parts. Et l'on nous voit
Mensonge, vol, adultère se répandent sur cette aussi calmes, aussi exempts de crainte, que si
terre. Le sang est versé sur le sang. Des crimes nous étions agréables au souverain Maître Nos !

se commettent pires encore que l'assassinat. En mains sont toutes et toujours disposées à s'enri-
etTet, que d'opprimés, que de malheureux si tris- chir par l'avarice; aucune n'est prête à secourir
tement ruinés par l'avarice de leurs frères, qui par charité ; tous acceptent le rôle de ravisseur,
choisiraient volontiers mille morts plutôt que ces aucun celui de défenseur. Chacun n'a que l'idée
excès do misère, et qui déjà se seraient réfugiés fixe d'augmenter ses richesses; aucun, la pensée
dans le suicide, si la crainte de Dieu ne les avait de venir en aide à l'indigent. Tous n'ont qu'une
retenus, tant ils désirent se donner le coup fatal ! crainte et la formulent ainsi Nous ne voulons pas
:

De tels crimes ne sont-ils pas pires que le sang être pauvres! mais personne ne tremble ni ne
versé? « Malheur à moi » , disait le Prophète, frissonne, de peur de tomber en enfer. Voilà ce
« l'homme pieux a disparu de la terre , et parmi qui mérite nos lamentations, ce qu'on ne saurait
« tous les hommes il n'en est plus un seul qui trop accuser, trop blâmer !

« fasse le bien » (Michée, vu, 2.) Jetons ainsi sur


! Je ne voulais pas vous tenir ce langage; mais la
nous-mème ce cri d'alarme et de douleur; mais douleur m'y force. Oui, pardonnez à celte douleur
vous , mes frères , aidez-moi à gémir. Peut-être qui, malgré moi, me fait parler contre mon cœur.
quelques-uns n'onl-ils encore que le rire à nous Je vois des menaces terribles, des malheurs aux-
opposer. Oh alors redoublons nos lamentations,
! quels on ne peut apporter de consolation; les
en rencontrant parmi nous cette folie, cette dé- maux qui nous ont envahis sont au-dessus de tout
mence furieuse, qui ignore jusqu'à son délire, et soulagement humain nous sommes perdus
: 1

nous fait rire encore de ce qui devrait nous faire « Qui donnera de l'eau à ma tôle, et à mes yeux

gémir t homme ! la colère de Dieu se manifeste


! « une source de larmes» (Jérém. ix, i), pour
« sur toute impiété et injustice des hommes! Dieu pleurer dignement? Oui, pleurons, mes frères,
« viendra manifestement : le (eu marchera de- pleurons et gémissons. 11 en est peut-être qui
« vaut lui, et la tempête horrible le précédera. Un disent Il ne nous parle que de lamentations , il
:

« feu devant sa face brûlera et enilammera autour ne veut que des larmes! Ah! c'est bien malgré
« de lui tous ses ennemis. Le jour du Seigneur mon cœur, croyez-le; c'est bien malgré mon
« sera comme une fournaise ardente ». ( nom. i, cœur; je voudrais plutôt vous donner continuel-
18; PS. XLix, 3 et xcvi, 3.) Et personne ne réfléchit à lement l'éloge et les louanges Mais c'est mainte-
!

ces menaces, et des oracles si redoutables sont nant le temps des pleurs Et ce n'est pas le gé-
!

méprisés comme des fables; personne, qui veuille missement qui est pénible, ô mes bien-aimés ;
les entendre ; et tous s'accordent pour en rire et c'est plutôt qu'on commetle ce qui mérite le
s'en moquer. Par quelle voie pourrons-nous les gémissement. Ce ne sont pas les larmes qu'il faut
éviter, cependant? Par où trouver notre salut? éviter, mais les actions qui méritent les larmes.
Nous sommes compromis, nous sommes perdus, Ne soyez pas punis, et je cesse de gémir ; ne mou-
vains jouets désormais de nos ennemis moqués , rez point, et mes larmes s'arrêlent. Mais quoi 1

à la fois et des païens et des démons! Satan, à devant un cadavre vous demandez à tous un tri-
l'heure qu'il est, relève la tête, il bondit, il triom- but de pillé , vous appelez cruels ceux qui ne gé-
phe, il s'applaudit , tandis que les anges commis à missent point, et vous voulez que je ne pleure pas
notre garde sont accablés de tristesse. Personne une àme qui péril! Mais puis-je être père sans
qui se convertisse : nous perdons ici nos peines, pleurer? car je suis votre père, plein de bon vou-
puisqu'à vos yeux nous sommes des charlatans. loir et d'amour. Ecoulez ce cri de Paul « Mes :

4. L'heure est venue par conséquent d'apostro- « petits enfants, que je mets au monde dans la
pher le ciel, imisque personne n'écoule plus nuire « douleur » (Gai. iv, 19.) Quelle mère dans l'en-
!

voix: il nous faut faire appel aux éléments " Ciel, : fanteincnl pousse des cris plus douloureux ? Plût à
COMMENTAIRE SUR L'ËPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXIV, m
Dieu que vous puissiez voir ce feu qui me dévore ; étant vous-même couvert de plaies sans nombre t
vous avoueriez que je suis brûlé par le chagrin, Quand vous aurez répété de lui C'est un méchant,
:

toutautantqu'unemèreou qu'une épouse jeune en- un pervers, un scélérat, ramenez votre pensée sur
core, et veuve avantle temps Celle-ci pleure moins
! vous-même sondez-vous, examinez-vous avec
;

son époux, un père pleure moins son fils, que je soin, et vous regretterez ce que vous aurez dit.
ne gémis sur celte multitude des nôtres chez les- Car aucune exhortation au monde, non, aucune
quels je n'aperçois aucun progrès dans le bien. ne vaut le souvenir de vos péchés. Si nous prati-
On n'entend retenflr que calomnies ou mé- quons au reste ces deux points, nous pourrons
disances cruelles. Lorsque chacun devrait unique- gagner les biens promis, nous pourrons nous
ment se faire un devoir de servir Dieu, on entend laver et nous purifier. Ayons seulement bien soin
dire Parlons mal d'un tel et d'un tel de celui-ci
: ; d'y penser et de porter là tous nos efforts, mes bien-
encore qui n'est pas digue d'appartenir au clergé, aimés frères; livrons-nous en celte vie à la sainte
tant sa conduite est honteuse et déshonorante. 11 douleur de l'àme, afin d'éviter dans l'autre l'inutile
nous faudrait déplorer nos péchés personnels, et douleur du supplice ; ainsi nous jouirons du bon-
nous jugeons les autres, lorsque nous n'aurions heur éternel, d'où seront bannis la douleur, le
pas ce droit, quand même nous seiions purs de deuil, le gémissement; ainsi nous atteindrons les
tout péché. Car, dit l'apôtre, « qui donc vous dis- biens impérissables qui surpassent toute intelli-
« tingue? Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu? El gence humaine, en Jésus-Christ Notre-Seigneur :
« si vous l'avez reçu, comment vous en gloriflez- à lui soil la gloire, aux siècles des siècles. Ainsi
« vous comme si vous ne l'aviez pas reçu?» (I Cor. soit-il.
IV, 7.) Et vous, comment jugez-vous votre frère.

HOMELIE XXIV.
lOCS CES SAINTS SONT MOHTS DANS LA FOI, N'aYANT POINT REÇU LES BIENS PROMtS, MAIS LES VOYANT
ET COMME LES SALUANT DE LOIN, ET CONFESSANT QU'iLS ÉTAIENT ÉTRANGERS ET VOYAGEURS SUR
CETTE TERRE. (XI, 13-17.)

i%naly6e.

et 2. L'oratenr, contre son ordinaire, commence par une


instruction morale, bien qn'û doive finir encore par nne hflméTîe
de même espèce. — Dillérence entre nous; notre attactiement à la terre ; nos vices, condamnés même par nos com-
les saints et

plices. — Détachement et vertus d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, surtout en face de notre lâcheté qui ne sait ni vivre ni mourir.
— En quel sens Dieu s'appelle le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. —
Magnifique développement de ce mot « leur Dieu ».
I. La persévérance est nécessaire si nous ne voulons entendre le terrible nescio vos. —
Elle l'est tellement que les prêtres, les
évêques même, sans la samteté personnelle, doivent plus que personne redouter ce teriible arrêt. —
Moyen de persévérance
et de conquête pour la vertu. — Se proposer d'en gagner une par mois, et aller de l'une à l'autre, pas à pas, avec humilité
et courage.

i. La première vertu, toute la vertu consiste à en revanche, nous sommes pour le monde ce
vivre dans ce monde comme des hôtes d'un jour qu'ils étaient pour le ciel ; nous sommes pour le
et des étrangers, sans nous mêler aux affaires de ciel ce qu'ils furent pour le monde. C'est pour-
ces basses régions, en nous détachant de ce quoi l'on peut dire que nous sommes morts, puis-
monde comme d'un pays inconnu, semblables à que nous renonçons à la vie véritable pour nous
ces bienheureux dont il est écrit « Ils erraient : attacher à celte vie éphémère d'ici-bas. Voilà ce
vagabonds, couverts de peaux de chèvres, in- qui attire sur nous la colère de Dieu il nous pro- :

« digents, affligés, persécutés, eux dont le monde posait de jouir des biens célestes, et nous n'avons
o n'était pas digne ». (Hébr. xi, 37.) Ils se décla- pas même voulu nous détacher des biens terres-
raient ainsi étrangers et simples passagers de la tres. Semblables à ces misérables vers qui chan-
vie. Paul, se servant d'une expression bien au- gent de lieu sans jamais quitter la boue, nous
trement énergique, ne se considérait pas seule- allons de terre en terre, nous ne voulons pas
ment comine passant et étranger ici-bas, mais même sortir un instant de cette fange, et nous
comm« mort à ce monde déjà mort pour lui. soustraire aux affaires humaines. On nous croirait
Oui, disait-il, « le monde est crucifié pour moi, ensevelis dans le sommeil, la léthargie ou l'ivresse,
« et je suis crucifié pour le monde ». (Gai. vi, 14.) tant notre œil s'effraie en s'ouvrant au jour. Comme
Nous faisons tout le contraire. Toute notre con- ces gens qu'un doux sommeil relient dans leur lit
duite ici-bas prêterait à croire que nous sommes d'abord toute la nuit, puis une partie du jour, sans
citoyens de la terre ; nous travaillons comme si qu'ils rougissent de donner au sommeil et à la
nous y étions fixés pour toujours. Les justes n'é- paresse le temps du travail el de l'élude ; de même
taient, pour le monde, que des passagers, que nous, lorsque le jour approche déjà, que la nuit
des morts, taudis que, vivant pour le ciel, ils ré- s'en va, ou plutôt le jour (« Travaillez », est-il dit,
glaient leur conduite en conséquence ; mais nous. « tant qu'il l'ait jour »), nous faisons en plein jouv
B53 TUADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

les œuvres de la nuit, nous dormons, nous rê- toute la terre, rien de ce qu'ils désiraient, mais
vons, nos visions nous cliai'ment, les yeux de rien que des objets absolument étrangers à leurs
notre corps et de notre àme se tiennent fermés, yeux. Ils voulaient, eux, pratiquer la vertu ; ils
nous parlons a l'aventure et même imprudemment; ne trouvaient dans ce monde que le vice partout
nous resterions insensibles, quand bien même on régnant. Tout ici-bas leur paraissait étranger et
nous un 1er dans le sein , quand on
iilongurait inconnu. Point d'amis; point d'alliés, à part quel-
pilleraittous nos biens, quand on mettrait le ques parents.
feu à notre maison. Il y a plus : nous n'attendons Comment encore étaient-ils les hôtes et non
pas que d'aulres.nouscausentces maux, nous nous les habitants du siècle? C'estqu'ils n'avaient aucun
les taisons nous-mêmes. 11 ne nous coule rien de souci des choses d'ici-bas, et qu'ils montraient
nous piquer, tie nous frapper, de nous étendre par leurs paroles et leurs actions ce détachement
honleusenienl et à plat venire, de nous dépouiller parfait. Par exemple, Dieu dit à Abraham Aban- :

de loultionneur et de toute estime ; nous n'avons donne cette terre qui semble être ton pays, et
pas même la précaution de cacher nos liontes, ni viens dans un pays étranger (Gen. xii, 1) ; et lui,
de permettre qu'on les cache ; nous vivons en sans donner le baiser d'adieu à ceux de sa famille
pleine luipilude, exposés aux rires et aux outrages qu'il laissait, quitte sa patrie comme s'il allait
de ceux qui nous voient ou qui nous approchent. quitter une terre étrangère. Dieu lui dit : Immole-
Car ignorez-vous que les gens pervers eux-mêmes moi ton fils (Gen. xxii, 2), et il l'offrit comme s'il
se moquent de ceux qui leur ressemblent, les con- n'avait pas eu de lils, et il en fit l'oblation, comme
damnent? Dieu nous a donné, en elTel, la raison, si lui-même n'avait pas été revêtu de notre na-
juge Cerme et incorruplihle , même en ceux qui ture. Sa bourse appartenait à ceux qui s'appro-
Sont tombés dans les derniers bas-fonds du vice ; chaient de lui ; la fortune était pour lui comme
c'est pourquoi les méchants se condamnent eux- rien ; il cédait aux autres la première place : se
mêmes; et si par hasard on les appelle du nom jetait lui-même dans les dangers, souillait des
trop honteux qu'ils méritent, on les voit rougir, maux infinis. 11 ne bâtissait pas des maisons splen-
sentir l'outrage, et prétendre qu'on les insulte. dides, ne cherchait pas les délices, n'avait aucun
Ainsi, même chez eux, les paroles, sinon les actes, souci du vêlement ni de toutes les vanités du
condamnent leur conduite au tribunal de leur Socle. Mais il faisait tout pour la cité d'en-haut.
conscience; je dirai même que leurs actes en font On le voyait pratiquer l'hospitalité, l'amour de ses
l'aveu : rien qu'en se couvrant de ténèbres et de frères, l'aumône, la patience, le mépris des ri-
secret pour faire le mal, ils montrent clairement chesses, de la gloire et de toutes les choses pré-
ce qu'ils pensent de leur triste vie. sentes. Son fils partageait ses vertus : poursuivi,
C'est que le vice, en elVet, est si manifestement attaqué à main armée, il cédait, il abandonnait la
condamnable, que tous, même ceux qui s'y li- contrée, s'y regardant comme sur la terre d'au-
vrent, eu sont les accusateurs. La vertu, au con- trui ; car les étrangers soulTrent tout, comme n'é-
traire, est un bien si noble, que ceux-là même tant point du pays. Lui ravissait-on son épouse?
l'admirent, qui n'ont pas le cœur de la pratiquer. Il supportait cette injure, comme étranger encore :

Le libertin fera l'éloge de la chasteté; l'avare il réservait son ardeur pour toutes les choses cé-

coudauinera l'injustice ; l'homme colère admirera lestes, déployant à chaque heure la modération,
la patience, et blâmera comme un vice le ressen- le respect de lui-même, la continence. Devenu
limenl; le débauché condamne la débauche. — père, en etiét, il cessa de voir son épouse, qu'il
Mais, dira-t-on, comment expliquer qu'on s'aban- avait choisie, d'ailleurs, lorsqu'il n'avait déjà plus
donne au vice'.' —
l'ar excès de lâcheté, mais tou- la vigueur de la jeunesse, montrant ainsi qu'en
jours avec la ix'iiscc qu'on ne suit [las la bonne contractant mariage, il avait obéi, non pas à la
voie. Autrement on ne rougirait pas de son ceuvre, passion, mais au désir de servir à la promesse de
on ne la désavouerait pas, quand un autre vous Dieu.
accuse. K'a-l-on pas vu de ces esclaves du crime, Que dirons-nous de Jacob ? ne demandait-il pas
ne pouvoir supporter le déshonneur, et se suici- uniquement le pain et le vêtement, qui sont bien
der? tant est profond en nous ce témoignage in- le nécessaire des passants pauvres, des plus pau-
time du bon et de rhoiinèle ! tant le bien moral vres même parmi eux? Poursuivi et persécuté,
est plus brillant que le soleil, tandis que son ne cédait-il pas? Ne ful-il pas nécessaire? Ne
contraire est tout ce qu'il y a de plus repoussant! soullrit-il pas à l'inlirii dans sa pérégrination va-
2. Les saints étaient des passants et des étran- gabonde? Par cette résignation à soull'rir, les pa-
gers comment cela? En quel endroit Abraiiam
: triarches montraient assez qu'ils cherchaient une
lait-il cet aveu? il a dû le fane, si Ton en jugo autre patrie. Mais, ô ciel! Quel triste contraste!
par sa vie. ilais Uavid l'a exprimé formellement ils étaient comme la mère qui enfante dans la dou-
pour lui ; écoutez-le : « Je suis un passager et un leur, désireux de partir d'ici et de revenir à leur
« étranger, comme tous mes pères ». (Ps. xxxvui, vraie patrie;et nous, au contraire, àlapremiôrefiè-
13.) Au reste ces patriarches qui habitaient sous vre, oubliant tout, éplorés comme des petits enfants,
des tentes, qui aclielaieiit jusqu''à leur sépulcre, nous craignons la mort, et nous méritons vrai-
étaient bien des hôtes et des étrangers, n'ayant ment d'être ainsi faibles et lâches. En ell'et, bien
pas même un lieu pour ensevulir leur famille. loin de vivre ici comme les hôtes d'un jour, bien
Mais quoi se disaient-ils étrangers pour la Pa-
! loin de nous hâter comme marchant à la patrie ;
lestineseulement? Non, mais aussi pour le monde nous avons l'air d'aller au supplice, nous sommes
entier. Et c'élail vrai : car ils ae voyaient, sur dans la douleur, parce que nous n'avoas pas us6
COMMENTAIRE SUR L'ÉPiTRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLÎE XXIV. S53

comme il faut des choses de ce monde, parce que dente. Au reste, accordons un instant qu'ils se
nous avons renversé l'ordre. Aussi pleurons-nous, donnaient ce titre simplement parce qu'ils habi-
quand il faudrait nous réjouir; aussi tremblons- taient un pays étranger. Mais alors répondez à
nous, comme des assassins, comme des chefs de David. N'élait-il pas, celui-ci, roi et Prophète? ne
brigands, qui, prêts à paraître en jugement, se vivait-il pas dans sa patrie? Pourquoi donc dit-il :
rappellent leurs forfaits et qui en parlant, crai- « Je ne suis qu'un hôte et un étranger?» Comment

gnent et frissonnent d'épouvante. expliquer ces noms? Et il ajoute « Comme tous :

Tels n'étaient pas les saints, mais ils avaient «mes pères ». Ceux-ci, vous le voyez donc,
hàle d'arriver à leur hn, mais Paul gémissait de étaient des étrangers aussi. C'est comme s'il
l'attendre. Ecoutez sa parole « Nous qui sommes
: affirmait : Nous avons une patrie, mais ce n'est
« dans cette tente du corps, nous gémissons sous pas la patrie véritable. — Où donc éles-vous un
« son poids ». (Il Cor. v, i.) Tel était Abraham et passant ? —
Sur la terre ; lui comme eux , eux
ses saints compagnons dans la vie: étrangers, comme lui.
selon l'apôtre, sur toute la terre, « ils cherchaient 3. Soyons donc, nous aussi, comme des passa-
« la patrie ». Et quelle patrie? Celle qu'ils avaient gers en ce monde d'un jour, afin que Dieu ne
quittée? Non. « Qui les empêchait, en elfet, d'y rougisse pas de s'appeler notre Dieu. Car il a
« revenir » et d'y garder leur droit de cité? « Ils honte d'être appelé le Dieu des méchants; autant
« cherchaient celle qui est dans les cieux ». Ils il est peiné d'être leur Dieu, autant il se glorifie
avaient hâte de sortir d'ici, et ce sentiment les d'être celui d'enfants honnêtes, bons, vertueux.
rendait si agréables à Dieu, « qu'il ne rougissait Ne refusons-nous pas de nous laisser appeler les
« pas de s'appeler leur Dieu ». maîtres de serviteurs méchants ? Oui, nous les dés-
Ciel quelle dignité
! « 11 lui fut agréable de
! avouons, et si l'on vient nous dire Tel individu :

« s'appeler leur Dieu ». Grand apôtre, que dites- a commis d'innombrables méfaits , ne serait-il pas
vous? Il s'appelle le Dieu du ciel et de la terre, et votre domestique? —
Un « non » énergique est
vous avez montré comme un titre de grandeur notre réponse ; nous repoussons ce titre comme
pour lui qu'il ne rougit pas de s'appeler leur Dieu? un outrage, parce qu'entre serviteur et maître, les
Grand honneur, certes, honneur bien grand pour rapports trop intimes et trop fréquents, font rejaillir
eux, et qui nous prouve leur grande béatitude sur l'un le déshonneur de l'autre combien plus :

aussi Comment? C'est qu'on l'appelle Dieu du


! notre Dieu devra suivre cette même conduite Les !

ciel et de la terre, comme on le nomme le Dieu saints patriarches avaient une si noble conduite,
des nations, parce qu'il est de toutes choses l'au- étaient si confiants en Dieu et si sincères, que le
teur et le créateur; mais ce nom est appliqué aux Seigneur, loin de rougir d'emprunter leurs noms,
saints patriarches dans un autre sens « Leur » : disait pour se désigner lui-même «Je suis le Dieu
:

Dieu, il l'est comme on dirait « leur » meilleur « d'Abraham, d'isaac et de Jacob ». (Exod. m, 6.)
ami. Je veux vous rendre cette vérité évidente par Ah soyons, nous aussi, mes frères, de ces étran-
!

un exemple. Voyez ce qui se passe dans les gran- gers dans le monde, de peur que Dieu ne rougisse
des et riches maisons. Leur personnel est souvent de nous, oui, qu'il n'en rougisse, hélas! jusqu'à
commandé par quelques serviteurs choisis parmi nous livrer aux flammes de l'enfer.
les autres, qui sont en grande estime, administrent Ainsi furent indignes de lui ceux qui disaient :
tout à leur gré, jouissent de la pleine conliance « Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre
de leur mailre, et celui-ci emprunte leur nom. «nom? n'avons-nous pas fait en votre nom
Vous en trouverez plusieurs qui acceptent cette « maints prodiges? » (Matlh. vu, 22.) Or, écoutez
dénomination; que dis-je d'ailleurs? Comme on la réponse de Jésus « Je ne vous connais pas ! »
:

pouvait désigner le Seigneur non-seulement sous C'est, au reste, la réponse que feraient aussi les
le nom de Dieu des nations, mais de Dieu de toute maîtres ordinaires qui verraient s'approcher d'eux
la terre, en ce sens aussi on pouvait l'appeler le tels ou tels serviteurs méchants; ils les repousse-
Dieu d'Abraham. Mais vous ne savez pas quelle- raient comme le déshonneur même. Je ne vous —
dignité cache un tel nom, parce que, hélas nous ! connais pas, dira le Seigneur. —
Mais comment
ne savons pas acquérir un semblable honneur. punissez-vous ceux que vous ne connaissez pas,
De même, en effet, qu'aujourd'hui le Seigneur est ô mon Dieu? —
Je ne vous connaît^ plus, ai-
appelé le Dieu de tous les chrétiens, et que ce je dit ; en d'autres termes, je vous rer j, je vous
nom, malgré sagénéralité, est bien trop honorable renvois !

encore pour notre indignité, pensez au moins A Dieu ne plaise que nous entendions jamais
quelle est la grandeur d'un personnage, quand le cet anathèir.3 terrible et mortel Si des hommes
!

Seigneur est appelé son Dieu, le Dieu de lui seul! qui chassaient les Jemons et avaient le don de
Or, le Dieu du monde entier ne rougit pas de s'ap- prophétie, se virent reniés pour n'avoir pas
peler le Dieu de ces trois patriarches, parce qu'en mis leur conduite en harmonie avec leurs paroles,
effet ces trois saints avaient à eux seuls autant de combien pius Jésus-Christ nous reniera-t-il, nous
valeur, je ne dis pas que ce monde terrestre seu- qui n'avons rien de ces grâces extraordinaires ? —
lement, mais qu'une infinité de mondes coainie Mais, direz-vcu.s, comment esi-ii possible d'être
le nôtre « Car », dii le Sage , « un seul homme
! ainsi renie après avoir propiiéiii.é, fait des mira-
« qui fait la volonté de Dieu est meilleur que dix cles, ctassé des démons? —
Cl'esl oue vraisem-
« mille impies «. (Ecclés. âvi, 3.) blablement plus tard ils s'élaient -perverus et dé-
Maintenant, qu'ils sappelassent des passants pni":3s, de sorte que leurs vertus précàderiies leur
dans le sçut» îQlS\(i que i^^ ^l, k ciiose «sit évi- devinreul inutiles. Car il nous faut avoir nonseu-
554 TRÀbUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

lemcnl des commencements irréprochables, mais plice, quand bien même nous pourrions montrer
une fin plus sainte et plus hille encore. L'orateur, par milliers les prodiges et les miracles. Il n'est
dites-moi, n'a-t-il pas soin de réserver pour la fin rien, pour combler de joie le cœur de Dieu,
de son discours les traits les plus brillants, afin comme une conduite de vie irréprochable. 11 ne
de se retirer couvert des applaudissements de dit pas : « Si vous m'aimuz », faites des prodiges
;

l'auditoire ? Le gouverneur d'une ville ne veut- il mais quoi! que dit-il? « Observez mes comman-
pas aussi terminer son administration par des « déments ». (Jean, xiv, 15.) Et ailleurs :« Je vous
faits glorieux ? Ne faut-il pas que l'atlilùte se mon- « appelle mes amis », non pas quand vous chas-
tre de plus en plus grand dans la lutte, et qu'il sez les démons, « mais si vous gardez mes paroles ».
triomphe jusqu'à la fin, puisque, si, après avoir (Jean, xv, 10.) Les miracles sont un pur don de
vaincu tous ses autres adversaires, il l'est enfin Dieu ; les vertus sont à la fois dons de Dieu
lui-même par le dernier, toutes ses victoires de- et œuvre de notre bon vouloir et de notre appli-
viennent inutiles î Et quand un pilote a traversé calion.
la vaste mer, s'il vient échouer au port, ne perd-il Empressons-nous de gagner l'amitié de Dieu, el
pas tout le fruit de ses peines antérieures ? Un ne persévérons pas dans son inimitié. Voilà ce
médecin n'a-l-il pas tout perdu si, après avoir que nous ne cessons de vous dire ; voilà un avis
sauvé son malade, en lui administrant le dernier que nous nous adressons toujours à nous cfimme
médicament, il lui apporte la mort? Ainsi dans la à vous-mêmes ; mais tous nos efforts sont stériles.
carrière de la vertu, il l'aut mettre la fin d'accord Et c'est pourquoi je crains. Volontiers j'aurais
avec le commencement, le début avec le terme, gardé le silence, pour ne pas augmenter encore
ou bien périr absolument et perdre le prix comme vos dangers. Car, toujours entendre et ne jamais
ces écuyers qui, entrés en lice avec gloire, avec pratiquer, c'est irriter Dieu. Mais, si je me tais, je
élan, avec orgueil, perdent courage en approchant dois redouter un autre danger de mou silence,
du but. Voilà comme on se prive de la palme, et puisque le ministère de la parole m'a été confié.
comme à la fin le roi ne vous connaît pas. Que ferons-nous donc pour être sauvés ? Com-
Ecoutons ceci, nous tous qui aimons l'argent, mençons le travail de la vertu, pendant que nous
puisque c'est la passion la plus désordonnée, avons le temps. Divisons ce saint travail dis vertus
« puisque l'amour des richesses est la source de à acquérir, comme le laboureur fait pour les tra-
« tous les maux ». (I Tim. vi, 10.) Ecoutons donc, vaux des champs. Attaquons, durant ce mois, l'es-
nous qui voulons toujours accroître, élaigir nos prit de médisance et d'outrage ainsi que l'injuste
propriétés; entendons ces avis, et brisons avec colère ; imposons-nous une loi, disons Aujour-:

le désir d'amasseï toujours ; sous peine d'enten- d'hui nous ferons chrétiennement telle œuvre.
dre, comme ces malheureux damnés, l'anathème Dans un autre mois, formons-nous à la patience;
du désaveu de Dieu. Prenons garde, ouvrons au- dans un troisième, pratiquons telle autre verlu,
jourd'hui nos oreilles pour ne pas les ouvrir trop el quand nous l'aurons conquise jusqu'à en pos-
lard alors. Ecoulons avec crainte aujourd'hui, séder l'habitude, abordons une verlu nouvelle;
pour ne pas écouter avec le châtiment alors, ce toujours, comme à l'école, conservant l'acquis et
redoutable arrêt: « Retirez-vous de moi, je ne vous gagnant tous les jours. Après cette conquête,
« ai jamais connu » (Matth. vu, 23), lors mènie que abordons celle du mépris de l'argent. Il faudra
vous faisiez des prophéties et que vous chassiez commencer par désaccoutumer nos mains de
les démons. l'avarice et de la cupidité, pour les dresser ensuite
L'Ecriture, au reste, nous fait entendre aussi à faire l'aumône. N'allons pas, en elfet, confondre
très -probablement que certains prédicateurs au hasard le vice et la vertu, jusqu'à faire servir
comme ceux-là menaient dès le déijut une vie les mêmes mains au vol el à la charité. Cette vertu
criminelle; dans les commencements du chris- étant gagnée, allons à une autre, et toujours ainsi
tianisme, la grâce opérait même par d'indignes que l'une nous mène à l'autre. « Que les choses
ministres. Si elle a opéré en efl'et par lialaam, « honteuses, les discours ineptes ou bouffons ne
combien plutôt, dans l'intérêt de ceux qu'ils de- « soient pas même nommés parmi vous». (Ephés.
vaient gagner, Dieu daigna cmployi'r d'indignes V, 4.) Ne cessons pas de progresser dans le bien.
instruments. Toutefois, ni les miracles, ni les pro- Il ne faut, pour cela, ni dépense, ni fatigue, ni
diges ne purent leur éviter le supplice. Et c'est sueur il suffit de vouloir, et tout est fait. Il n'est
:

pourquoi, en vain un mortel aurait été revêtu de point nécessaire d'entreprendre un long voyage, ni
la dignité sacerdotale, en vain serait-il parvenu de traverser une mer immense ; il n'est besoin que
aux plus hauts sommets de la hiérarchie, en vain d'un peu d'application, d'un jieu de ferveur. Ainsi
la divine giâce l'aurait consacré par l'impusition l'on impose un frein à .sa langue et l'on prévient
des mains pour répartir toutes les laveurs de Dieu des paroles maladroites el méchantes; ainsi l'on
sur ceux qui ont besoin de la défense et de la déracine de son àme la colère, l'impureté, la pro-
protection céleste; lui aussi devrait entendre un digalité, la cupidité, les parjures, les serments inu-
jour : Je ne t'ai jamais connu, pas même au jour tiles et conlinuels. Si nous cultivons ainsi lecliamp
où ma grâce opérait par toi Ciel quelle redou-
! ! de notre cœur, arrachinit d'abord les épines, et
table enquête sur la pureté de conduite doit se jetant ensuite la semence céleste, nous pourrons
faire dans l'autre vie Cnmme, à elle si'ule, cette
! coni|uérir les biens promis, l'iiissions-nous les
pureté suffirait pour nous ouvrir le royaume des gagiH'r tous par la grâce et la bonté de Notre-Sei-
cieux comme, au contraire, lorsqu'i'IlL- iiiaii(|UH,
! giieur Jésus-Clnisl, etc.
c'est assez pour que nous soyons livrés au sup-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXV. 55S

HOMELIE XXV.
C'EfT PAR LA FOI QU'aBRAHAM OFFRIT SON FILS ISAAC, LORSQUE DIEU LE VOl'Ll'T TENTER, ET Qt'lL Ltl
OFFRIT SON FILS UNIQUE, LUI QUI AVAIT REÇU LES PROMtSSES DE DIEU. (CUAP. XI , 17-19.)

Analyse.
<. L'orateur, suivant à la lettre trois pbrases de saint Paul, fait ressortir avec éclat la foi d'Abraham, foi dans sa vocation, foi
dans le sacriGce d'Isaac.
2. Source de tous les biens, la verta nous maux chrétiennement parlant surtout, il vaut mieux
met au-dessus de tous les :

une injustice que de la commettre.


souffrir
3. La vérité nous enseigne le respect de notre dignité. —
C'est s'abaisser que de répondre à une injure.
4. Le respect de notre dignité nous défend de pactiser avec un chrétien criminel ; nous ne devons pas même accepter sa table
elle est souillée. —
Idées neuves et hardies.
;

1. grande, en efîet, la foi d'Abraham.


Elle est contraire aux promesses de Dieu. Le patriarche
Jusqu'ici Abel, Enoch, Noé, n'ont eu qu'à com- entend un langage qui dément une prophétie heu-
battre leur raison, n'ont dû abaisser et vaincre que reuse; et il entend se contredire l'auteur même
le raisonnement humain. Abraham, au contraire, de la promesse; il ne se trouble pas, il va obéir,
doit non-seulement triompher de toutes les raisons comme si tout s'accordait. C'est qu'en effet l'ac-
que suggère à l'homme son intelligence , mais cord existait les deux paroles divines se com-
:

montrer une foi plus étonnante encore. Pour lui, battaient selon l'humaine raison; mais la foi les
les promesses de Dieu semblent combattre les or- mettait d'accord. Et comment? L'apôtre lui-même
dres de Dieu, la foi est aux prises avec la foi. Dieu nous l'aenseigné, en disant : «Abraham était per-
avec Dieu. Rappelons-nous un premier exemple. « suadé que Dieu pouvait le ressusciter d'entre les
Le Seigneur lui a dit « Sors de ta patrie et de ta
: « morts», comme s'il disait La même foi qui lui
:

« famille, et je te donnerai cette terre» (Gen.xir, fit croire que Dieu lui donnerait son enfant encore

1); et loin de lui accorder un héritage en ce pays, dans le néant, lui persuadait que Dieu le ressus-
il ne lui en donna pas même l'espace que mesure citerait d'entre les morts; il était certain que son
le pas d'un homme. Voyez-vous comme l'événe- fils même immolé revivrait. A n'écouter que la
ment contredit la promesse? —
Une seconde fois raison humaine, les deux faits étaient, tout sim-
Dieu lui dit « C'est en Isaac que votre postérité
: plement, également incroyables l'un qui lui an- :

« vivra ». (Genès. x.xi, 12.) Abraham le croit, quand nonçait qu'un fils naîtrait d'un sein épuisé par la
tout à coup-Dieu donne cet ordre Sacrifie-moi ce
: vieillesse, déjàmort, et tout à fait infécond ; l'autre
fils, dont la postérité devait remplir le monde en- qui lui montrait la résurrection possible de son
tier. Voyez-vous cette contradiction entre l'ordre fils immolé. Or, il crut les deux choses avec une

donné et les promesses? Oui, Dieu commande égale fermeté, parce que la foi au premier événe-
tout le contraire de ce qu'il a promis, et cependant ment préparait à la croyance au second miracle.
ce juste ne sourcille pas, et ne répond pas qu'on Toutefois, remarquez une circonstance. : Abra-
l'a donc trompé! ham vit d'abord le fait heureux de cette naissance
Vous autreschrélienSjVousnepouvezpas préten- bénie; l'épreuve et le malheur suivirent et éprou-
dre que Dieu vous ait promis la tranquillité et qu'il vèrent sa vieillesse. C'est là ce qu'il faut faire ob-
vous ait donné l'affliction ;Dieu, pour vous, accom- server à ceux qui osent dire : Dieu ne nous a pro-
plit ce qu'il vous a préditj et comment? écoutez- mis le bien qu'après notre mort seulement; peut-
le : «Vous aurez dans ce monde. Celui
l'allliclion être nous a-t-il trompés! On nous révèle ici que
« qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, Dieu peut ressusciter même d'entre les morts. Que
« n'est point digne de moi. Celui qui ne hait pas s'il a celte puissance de rappeler de la mort même,
« sa vie, nela trouvera point; celui qui ne renonce il peut aussi remplir tous ses engagements. El si

» pas à tous ses biens pour me suivre, n'est pas Abraham, il y a tant de siècles, a cru que Dieu
« digne de moi. Vous serez conduits à cause de possède ce pouvoir de ressusciter d'entre les morts,
moi devant les rois et les préfets. Les ennemis combien plus devons-nous en être assurés! Voyez-
• de l'homme se trouveront surtout dans sa fa- vous ici la preuve de ce que j'ai avancé déjà, c'est-
« mille». (Jean, XVI, 33; Malth. x, 38, 18, 36; Luc, à-dire, qu'à peine la mort élait-elle entrée dans
XIV, 26, 33.) Et de fait, ici-bas, tout est affliction; le monde, aussitôt Dieu jeta dans le cœur de
ailleurs, c'est-à-dire dans la vie future, sera la paix l'homme l'espérance de la résurrection, et qu'il
et le repos. Abraham, au contraire, reçut l'ordre lui en donna la persuasion ceriaine, à ce point que
de faire lui-même tout l'opposé des divines pro- recevant l'ordre d'immoler un enfant, dont il
messes; el dans cette position si étrange, il n'é- croyait que la postérité remplirait le monde, Abra-
prouve ni trouble, ni hésitation, ni même la len- ham était prèl à accomplir ce sacrifice?
lalion de se croire trompé. En revanche, vous êtes Une autre leçon nous est donnée par ce texte
bouleversés, alors que vos épreuves n'ont rien de que rappelle saint Paul : « Dieu tenta la foi d'A-
6S6 tr,ADL'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTÔMË.

« braliam ».Quoi donc? Dieu ignorait-il le courage gratuit, il préfère paraître acquitter une dette. 11

et la droiture de ce grand liomme? 11 les connais- délerminc donc l'homme >à sacrifier son fils, pour
sait assurément. Dès lors, pourquoi les mettre à le bon plaisir de Dieu, afin de n'avoir pas l'air, ce

l'épreuve? Ce n'était pas pour apprendre lui-même grand Dieu, de faire beaucoup, lorsqu'il livrera,
la vertu du patriarche, mais pour en révéler au lui aussi, son Fils adorable ; de sorte que l'homme

monde l'étonnante grandeur. L'apùtre montre en- lui ayant donné l'exemple le premier. Dieu ne
core aux Hébreux une des causes de nos épreuves, semble plus faire une grâce, mais payer une
afin qu'ils n'aillent pas regarder la tenlaiion dette. Ainsi agissons-nous, nous aussi, à l'é-
comme une marque d'abandon de Dieu. De nos gard de nos amis nous voulons recevoir d'eux
:

jours, la tentation ne peut manquer à personne. n'importe quel présent , pour avoir le droit de
Un nombre infini de persécuteurs nous tendent leur tout donner; afin d'être ainsi plus fiers d'avoir
des pièges de toutes parts; mais alors ces persé- été obligés, que d'avoir été nous-mêmes géné-
cutions n'exislaient pas si donc l'épreuve n'était
: reux; aussi ne disons-nous pas alors Je lui ai :

utile, pourquoi en imaginer une pour ce patriar- donné ceci; mais: J'ai reçu de lui tel présent.
che? Car cette tentation d'Abraham lui vint direc- Le patriarche, dit l'apùtre, le reçut donc en fi-
tement par ordre de Dieu. Jusque-li sa Providence gure, le retrouva grâce à une victime représen-
se contentait de les permettre; à cette heure, elle tative, par ce bélier qui était comme la figure
les commandait elle-même. Si donc la tentation d'isaac; ou bien encore, il le retrouva après une
est tellement l'école des parfaits, que Dieu, sans mort figurée et représentée en son fils bien-ainié;
autre motit, veut ainsi exercer ses champions fa- car ce père étonnant avait consommé son sacrifice
voris, à bien plus forte raison devons-nous main- dans sa volonté, et, dans son cœur, avait immolé
tenant supporter tout avec courage. Saint Paul Isaac, qui lui fut rendu en récompense de ce cou-
s'exprime ici avec quelque emphase, lorsqu'il dit rage.
que ce fut «par la foi qu'il oITrit Isaac, lorsque 2. Voyez-vous démontrée ici la vérité que j'aime
« Dieu voulut le tenter»; il n'avait pas d'autre à redire toujours? Oui, quand nous avons fait
cause pour se déterminer à un pareil sacrifice. preuve d'une bonne volonté parfaite, quand nous
El poursuivant son idée : on ne pouvait prétendre, avons monlré le mépris des choses terrestres, alors,
dit-il, que ce patriarche eût un autre fils, dans et pas auparavant, Dieu nous donne les biens de
lequel il atlendUl'accomplissement des promesses, la terre; il ne veut pas que déjà trop liés à ce bas
et que cette pensée lui donnât plus de confiance à. monde, nous y soyons plus attachés encore en
offrir Isaac; « car c'était son fils unique qu'il sa- recevant trop vite un tel présent. Brisez vos fers
« crifiait, c'était celui qui avait obtenu les pro- avant tout, semble-t-il dire, et puis vous recevrez,
« messes de Dieu ». Comment, son fils unique? et mon présent ne vous sera pas lait comme à un
Et Ismaël, de qui donc était-il fils ? —
C'était, vous esclave, mais comme à un homme maître de soi.
dis-je, son fils unique pour ce qui regardait les Méprisez les richesses, et vous serez riche. Méprisez
promesses. Aussi après avoir rappelé son nom la gloire, et vous serez glorieux. Méprisez le repos
d'isaac, l'Ecriture ajoute « son unique enfant », et la tranquillité, et l'un et l'autre vous seront
montrant que c'était de lui qu'il avait été dit : donnés; et en les recevant, vous ne les accepterez
» La race qui portera votre nom, sera celle qui pas par grâce comme un captif, ou comme un
« nailra d'isaac ». esclave, mais comme un homme libre.
Voyez-vous combien saint Paul admire la foi du Quand un enfant désire quel(|ues jouets de
petit
saint patriarche? Dieu lui a dit, remarque-l-il, son ;lge, connue une balle, ou toute autre baga-
qu'Isaac seul continuera sa race; et ce (ils, iU'oiïre telle, nous les lui cachons, parce que ces objets
en sacrifice. .Mais peut-être va-t-on s'écrier qu'il pounaient lui faire oublier des devoirs nécessaires.
fait là un acte de désespoir, et qu'en exécutant cet Mais ne désiie-t-il plus, méprise-t-il ces joucls,
ordre, il abjure sa foi ? Non, car l'apùlre nous en- nous les lui donnons avec assurance, sachant
seigne que la foi lui inspire ce courage il nous ; qu'ils ne peuvent plus lui faiie tort, puisqu'il n'en
répète qu'il ne cesse d'avoir foi à cette seconde a plus ce désir qui l'aurait détourné de ses devoirs.
prophétie de Dieu, bien qu'elle parût contredire Ainsi lorsipie Dieu voit que nous ne convoitons
une prophétie précédente. Cette conlradicl;on, en plus les biiuis d'ici-bas, il nous en accorde la
effet, n'existait pas. Abraham qui ne mesurait pas jouissance; car, dès lors, nous les possédons
la puissance de Dieu sur les raisoiinemenls hu- comme des hommes faits, des hommes libres, et
mains, s'en rapportait en tout à la foi seule. Aussi non plus comme des enfants.
saint Paul n'a pas craint dédire que le patiiarehe Dédaignez-vous, parexemple, de tirer vengeance
supposait ii Dieu assez de puissance pour ressus- de vos ennemis ? vous l'obtenez. Ecoutez plutôt la
citer un mort. divine parole: « Si votre ennemi a faim, donnez-
«El ainsi», conclut- il, «Isaac lui fut rendu comme « lui à manger; s'il a soif, donnez-lui à boire » .
«en figure». Et comment? c'est qu'un bélier fut Et en retour « Si vous l;uU;s ainsi, vous arnas-
:

immolé, et Isaac sauvé. Il le retrouva donc, grâce à « serez sur sa tête des charbons de feu » . (Rom.
ce bélier qu'il sacrifia en sa place. Tout cela était XII, 20.) Méprisez-vous les richesses? Vous y par-
une figure prophétique du Fils de Dieu qui a été viendrez, au témoignage même de Jésus-Christ :
immolé pour nous. «Tout homme qui abandonnera père, mère, mai-
Or, considérez avec moi la bonté infinie de Dieu. « son, frère, recevra le centuple, et possédera la
Il s'agissait de donner aux hommes une grâce admi- «vie éternelle ». (Matlli. xix, 2iJ.) Méprisez-vous
rable; Dieu n'eu veut pas faire le doa à titre la gloiie, voua robUeudruz:Iicoulez encore Jésus-
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXV. 581

Clirist « Que celui qui veut èlre le premier parmi


: monde. C'est ce qui arrive au cas présent. Il est
« \ous, soil le dernier »; et encore « Qui s'abaisse,
: bien pauvre, l'homme riche ; il est d'autant plus
« sera élevé ». (Matth.xx,26; xxiii, 12.) Que dites- véritablement pauvre, que ses richesses sont plus
vous, ô mon Dieu? Si je donne à boire à mon grandes. L'or qu'il vous ravit n'est qu'un peu de
ennemi, je le punis alors? Si j'abandonne toute boue jetée dans votre cour, et non vraiment placée
propriété humaine, je deviendrai grand? si je dans votre maison car votre maison, c'est le ciel.
;

m'humilie, je serai élevé ? —Certainement, répond Si donc pour si peu de chose vous disputez, vous
le Seigneur. Ma puissance est telle que j'arrive au plaidez, les citoyens des deux ne devront-ils pas
but par les contraires. Je suis riche, et capable de vous condamner et vous bannir de leur patrie ,
diriger les événements. Ne craignez pas. Ma vo- vous si bas, si vil, si abject, que pour un peu de
lonté, loin de se mettre à la remorque des lois de boue vous alliez combattre? Eh! le monde entier
la nature, les mène à son gré. Je suis le moteur fùt-il àvous, si quelqu'un vous le volait, vous
souverain de toutes choses, et aucune n'agit n'auriez qu'à lui tourner le dos !

sur moi; aussi puis-je les changer et les trans- 3. Ignorez-vous qu'en mettant en balance dix
former. Et pourquoi vous étonner de ma puis- mondes comme celui-ci, ou même cent, dix
sance dans le monde matériel? En tout et toujours mille, vingt mille univers, ils ne pèseraient pas
vous la trouverez semblable. Faites tort, le tort autant que la moindre partie des biens que le ciel
retombera sur vous; subissez l'injustice, l'injustice nous garde ? Admirer la terre et ses richesses, c'est
ne vous a pas atteint. La vengeance que vous déshonorer les célestes trésors; puisque c'est es-
vous permettez, vous croyez l'avoir tirée d'un timer les unes dignes d'être comparées aux autres
autre, et c'est vous-même que vous frappez « Car ! qui les surpassent infiniment. 11 y a plus, c'est se
M celui qui aime l'iniquité », dit le Seigneur, « hait refuser à admirer ceux-ci; comment, en effet, leur
« son âme » : (Ps. xxix, 24.) Voyez-vous comme réserver quelque part de votre admiration, lorsque
le mal ne tombe pas ailleurs que sur vous seul ? ceux-là l'ont ravie jusqu'à vous mettre hors de
C'est pourquoi saint Paul dit «Pourquoi ne souf-
: vous-même. Ah tranchons, trop tard sans doute,
!

« frez-vous pas plutôt l'injustice? » (1 Cor. vi,7.) mais tranchons enfin ces cordes et ces lacs in-
Donc souffrir une injustice, ce n'est pas essuyer un dignes qui ne sont après tout, que des choses ter-
dommage. Vous lancez l'outrage au prochain, et restres. Combien de temps encore serons-nous
c'est sur vous qu'il retombe. courbés, sans regarder au-dessus de nos têtes?
Bien des gens, au reste, le savent; on les entend Combien de temps nous ferons-nous une guerre
se dire dans une discute : « 11 est temps de nous de surprises, comme les bêtes fauves, comme les
« retirer,vous vous déshonorez! » Pourquoi? poissons ? Que dis-je ? les bêtes fauves ne font pas
C'est qu'entre vous et l'homme outragé par vous, la guerre à ceux do leur espèce , mais aux es-
la différence est grande. Plus vous l'accablez d'in- pèces étrangères. L'ours ne lue pas l'ours le ser- ;

sultes, plus il en tire gloire. Que telle soit notre pent ne détruit pas le serpent; chacun d'eux res-
conviction en toutes choses, et nous deviendrons pecte dans les autres sa famille. Et voici une
supérieurs aux outrages. Comment? Vous allez créature de même espèce que vous, partageant
le comprendre. Supposé que nous soyons en lutte tous vos droits, ayant avec vous même sang,
contre celui qui porte la pourpre, et que nous lui même intelligence, même connaissance de Dieu,
lancions l'outrage nous penserons à bon droit
: communauté complète de nature enfin et c'est :

nous déshonorer! En effet, nous méritons immé- vous qui la tuez et la précipitez dans des maux
diatement le mépris public vous l'avouez, n'est-
: innombrables! Je le veux ; vous ne la perqez pas
ce pas? Comment donc, vous citoyen du ciel, avec un glaive, vos mains ne se plongent pas dans
possédant cette sagesse qui surpasse tout, com- sa poitrine ouverte mais vous faites pire que cela
;

ment allez-vous compromettre votre honneur en en lui créant de mortels et perpétuels ennuis :

disputant avec un homme dont toutes les idées en la tuant, vous l'auriez délivrée de soucis. Mais
sont charnelles et terrestres? Car possédàt-il d'in- aujourd'hui vous la jetez comme une proie à la
calculables richesses, fiit-il investi delà puissance, faim, à la servitude,, aux amertumes de tout genre,
il ne connaît pas, lui, votre inestimable trésor. à tous les péchés.
Gardez donc de vous couvrir de déshonneur en Je le dis et ne cesserai de le dire, non certes
prétendant le déshonorer. Epargnez non pas pour vous déterminer à l'assassinat, ni pour en-
cet homme, mais vous-même. Honorez- vous gager à des crimes moindres que le meurtre,
vous-même, et non pas lui. N'est-ce pas un mais pour vous ôter la confiance où vous êtes que
proverbe, que l'on s'honore en honorant les Dieu n'aura pas à vous punir. «Celui », dit le Sage,
autres? Et c'est vrai; l'honneur rendu va moins « qui enlève au prochain le pain et la nourriture,
au prochain qu'à vous. Ecoutez une parole du « devient son meurtrier ». (Ecclés. xxxiv, 24.) Donc
Sage « Faites honneur à votre âme autant qu'elle
: arrêtons nos mains, je vous en conjure, ou plutôt
« le mérite ». (Ecclés.x, 31.) Qu'est-ce à dire, autant étendons-les pour la justice, non par conséquent
qu'elle-même le mérite? Que si l'on vous vole, pour amasser encore par avarice, mais pour ver-
vous ne voliez pas si l'on vous outrage, vou_
; ser l'aumône. N'ayons pas une main stérile ni
n'outragiez pas Dites-moi plutôt
! si un pauvre
: desséchée. Elle est desséchée, la main qui ne fait
ramassait un peu de boue jetée hors de votre point l'aumône elle est exécrable et impure, celle
;

maison, lui feriez-vous un procès en restitution ? qui amasse par avarice. Ne mangez pas avec ces
Non, certes. Et pourquoi? de peur de vous désho- mains souillées, vous feriezhonte aux convives.
norer et de vous voir condamner par tout le Dites-moi plutôt, je vous prie. Une personne
m TRADl'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

nous a fait asseoir à sa tableau milieu de tapis 4. Admirez l'exactitudeet la précision de son
et de riches couvertures, de tissus de fin lin bro- langage Mais nous, non contents de ne pas fuir
!

dés d'or, dans un splendide appartement; il dé- les ivrognes, nous allons les trouver, heureux de
ploie le luxe d'un personnel nombreux de domes- partager ce qu'ils voudront bien nous offrir.
tiques empressés; le couvert est en or et en Aussi, tout va à la dérive, tout est bouleversé,
argent; les mets de tout genre et très-rares confondu, perdu Car enfin, répondez-moi.
!

chargent la table il nous invile à manger, et voilà


; Qu'un chrétien de cette espèce vous invite à un
que nous le voyons apporter des mains souillées repas, vous qu'on regarde comme pauvre, vil et
de boue et d'ordure, et s'asseoir auprès de nous : abject; si vous avez le courage de lui dire :
je vous le demande, qui donc supporterait le sup- Comme ce que vous m'offrez n'est que le fruit de
plice d'un tel voisinage ? Qui ne se croirait votre avarice, je ne m'abaisserai pas à souiller
déshonoré î Tout le monde, j'imagine, éprou- mon âme A ce langage, ne va-t-il pas rougir de
I

verait ce sentiment, et reculerait d'horreur. El honte î Cela suffirait pour le corriger et lui donner
maintenant vous voyez des mains pleines de boue l'idée qu'il est malheureux à cause de ses ri-
et qui, par là même, souillent les aliments qu'elles chesses mêmes; votre pauvreté ferait son admi-
touchent, vous ne fuyez pas ? Et vous ne blâ-
et ration, s'il se voyait méprisé par vous de si grand
mez même pas ? Et si vous rencontrez cette impu- cœur. Au contraire, hélas nous sommes deve-
!

dence dans un homme constitué en dignité, vous nus les esclaves des hommes, bien que Paul ne
tenez sa présence à honneur, et vous perdez votre cesse de nous crier par tout moyen « Ne devenez
:

âme en goûtant ces mets abominables Car l'ava- ! « pas les esclaves des hommes » (I. Cor. vu, 23.)
!

rice est pire que la boue la plus infecte elle salit ; Et pourquoi sommes-nous dans celte honteuse
corps et âme, elle rend l'un et l'autre bien difli- servitude à leur égard î C'est que nous sommes les
ciles à purifier. Et vous qui voyez votre hôle cou- esclaves de notre ventre, de l'argent, de la gloire,
vert de cette fange, qui souille et remplit ses de tous les faux biens, et que pour eux nous
yeux, ses mains, sa maison, sa table car les ali- ; livrons la sainte liberté que nous tenons de Jésus-
ments qu'il offre sont plus hideux et plus dégoû- Christ. Or, quel sort enfin doit attendre l'esclave,
tants que l'ordure et que tout ce qu'il y a de plus dites-moi ? Jésus-Christ vous l'apprend « L'es-
:

immonde ; et vous vous trouvez simplement « clave ne demeure pas éternellement dans la
très-honoré, et vous vous promettez bien des « maison ». (Jean, viii, 3S.) Voilà un arrêt clair
délices ; et vous ne respectez pas même la défense et absolu qui l'exclut du royaume des cieux; car
de saint Paul, qui nous permet facilement de nous c'est là la maison de Dieu, d'après lui-même : «Il
asseoir, si nous voulons, à la table des païens, «y a », dit-il, « plusieurs demeures dans la mai-
tandis qu'il ne nous permet pas même le désir de « son de mon Père ». (Jean, xiv, 2.) L'esclave ne
goûter à celle des avares et de ceux qui s'enri- demeurera donc point éternellement dans sa
chissent aux dépens du prochain. Il dit, en effet : maison ; et l'esclave, d'après Jésus-Christ, c'est
« Fuyez celui qui s'appelle frère entre vous, si l'esclavedu péché; et celui qui ne demeure pas
« c'est un fornicateur », désignant ici simplement éternellement dans sa maison, éternellement de-
par fièic, tout fidèle, et non pas un moine. Car meure en enfer, sans plus garder aucune conso-
qu'est-ce qui fait la fraternité ? C'est le bain de la lation.
régénération, en vous donnant droit de donner à Hélas les choses en sont venues à un tel degré
!

IJicu le nom de Père. Pour cette raison, un caté- d'improbité et de vice, que des richesses crimi-
chumène, lùl-il moine, n'est pas un frère tandis ; nelles mômes se donnent en aumônes, et qu'on les
qu'un lidèle, fùt-il mondain et séculier, est fière. reçoit à ce titre. Aussi la liberté du reproche est
« Si donc », dit saint Paul, « celui qu'on nomme morte, nous n'avons plus le droit de blâmer qui
« frère » or, vous savez qu'à l'époque de l'apùlre,
: que ce soit. Ah désormais, nous du moins,
!

il n'y avait pas môme vestige de moine c'est ; sachons, par notre libre parler, éviter la tache qui
donc aux gens du monde et du siècle que s'adres- en résulte pour notre ministère ; et vous qui pé-
saient toutes les paroles du saint « Si celui
: trissez cette fange, cessez un métier ruineux,
« qu'on nomme votre frère, est fornicateur, ou maîtrisez votre appétit en l'éloignant de pareils
« avare, ou ivrogne, vous ne prendrez pas même banquets, et peut-être aurons-nous quelque
« votre nourriture avec un homme de cette es- moyen d'apaiser la colère de Dieu, et de gagner
•»pèce ». 11 n'est pas aussi sévère avec les grecs ou les biens promis. Puissions-nous tous y parvenir
gentils :« Si un infidèle vous invile et qu'il vous par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
« plaise d'y aller, mangez tout ce qu'on vous Christ, à qui soient, avec le Père et le Fils, gloire,
«donnera » (1. Cor. v, H x, ; 27); tandis qu'il empire, honneur, maintenant et toujours, et dans
nous exclut de cliez un frère dès qu'il est ivrogne. les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
CÔMMEiNTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVL ÔS9

HOMELIE XXVI.
c'est par la foi Qu'iSAAC donna a JACOB ET A ÉSAU CNE BÉNÉDICTION QUI REGARDAIT l' AVENIR. C'EST
PAR LA FOI QUE JACOB BÉNIT LES ENFANTS DE JOSEPH, ETC. (CHAP. XI, 20-28.)

Analyse»
', Exemple de Jacob, qui, comme juste, a connu l'avenir chrétien, ou du moins la future histoire de ses arrière-neveux. —La
tristesse fut le lot de Jacob ; la mélancolie fait le fond du chrétien.
2. La foi de Joseph, entre autres choses, lui inspire de recommander qu'on emporte ses os dans la terre promise. Faut-il s'oc- —
cuper d'avance de sa sépulture 1 Réponse sublime à cette question.
3. La foi des parents de Moïse brave les édils d'un roi cruel. — Exemples plus communs mettent vertu notre portée. —
qui la à
Eicmp'e de Moïse atfrontant spontanément le mépris pour le de
salut ses
frères; subhme idée par réalisée Jésus-Christ.
4 et 5. L'tiumilité élève au-dessus d'un roi vainqueur les captifs de Babylone. — L'humilité élève jusqu'au rang pro- divin le

phète Daniel. — Digression bizarre. — L'orateur se pose une question et dit qu'il ne la résoudra pas. — Puis il en donne une
solution. — Nous croyons que les sténographes auxquels nous devons ces homélies ont été peu fidèles quelquefois, sur-
tout ici.

1. «Bien des justes et des prophètes », disait gement partagé du côté des biens terrestres, mais
Notre-Seigneur, « ont désiré voir ce que vous non sans un mélange d'afflictions et d'épreuves.
«voyez, et ne l'ont pas vu ; entendre ce que vous 11 mais tout le reste
avait des richesses à la vérité,
« entendez et ne l'ont point entendu ». (Matth. pour lui que tribulations. Et de fait, un
n'était
XIII, 17.) Les justes ont-ils donc connu toutes juste, si riche qu'il soit, ne peut jamais manquer
les clioses à venir ? Certainement. Car si le Fils de chagrin. S'attendant à subir les pertes tempo-
de Dieu ne se révélait pas encore à cause de la relles, à souffrir l'injustice, à subir bien d'autres
faiblesse des hommes qui ne pouvaient le rece- ennuis, il vit nécessairement et toujours dans
voir encore, il devait se révéler du moins h ceux l'allliction ; et lors même qu'il jouit de sa fortune,
qui le méritaient par leur vertu. Saint Paul nous iln'en jouit pas sans une vertu laborieuse. Pour-
affirme lui-même en ce passage que ces justes quoi ? C'est qu'il a toujours une mélancolie, une
savaient l'avenir, c'est-à-dire la résurrection de tristesse intime. Si donc les justes alors vivaient
Jésus-Christ. C'est le sens de sa parole ici : en déjà dans la tristesse, combien plus ceux d'au-
effet, si ce n'est pas ainsi que l'on veut entendre jourd'hui !

l'avenir dont il est ici question, il faut alors l'in- « C'est par la foi qu'Isaac donna à Jacob et à
terpréter dans le sens d'un avenir terrestre. Mais « Esaù une bénédiction qui regardait l'avenir (20) ».
alors comment un exilé pouvait-il s'arrêter à des Esaii était l'ainé, et le père préféra Jacob, comme
bénédictions purement temporelles ? Autre objec- plus vertueux. Voyez-vous encore l'effet de la
tion : Si c'est une bénédiction temporelle que foi ? D'où venait , à ce père, la confiance de pro-
Jacob a reçue, pourquoi n'en a-t-il pas obtenu mettre tant de biens à ses Dis, sinon parce que
l'effet? Vous savez en effet que l'on peut dire au lui-même croyait fermement en Dieu ? « C'est par
sujet de Jacob, ce que j'ai dit d'Abraham à savoir : « la loi que Jacob mourant, bénit chacun des en-
qu'il ne recueillit point les fruits de la bénédic- « faiits de Joseph ». Il faudrait ici rapporter d'un
tion, mais qu'ils passèrent à sa postérité. Pour bout à l'autre ces bénédictions, pour montrer
lui-même, il ne jouit de l'avenir que par la foi et clairement et la foi de Jacob et son esprit prophé-
qu'en espérance. Son frère Esaû posséda bien tique. —« Et il s'inclina profondément devant

plus que lui les fruits temporels de la bénédiction «son bâton de coramandeinent (21) ». L'apôtre
ie son père. Car Jacob, lui, passa tour à tour à nous révèle que Jacob avait une telle foi à l'ave-
travers toutes les épreuves servitude et vie mer-
: nir, qu'il témoignait cette foi non-seulement par
cenaire, périls et embûches, déceptions et ter- des paroles, mais par un acte symbolique. Comme
reurs, c'est l'histoire de toute sa vie, qui lui permit une seconde royauté, celle d'Israël devait trouver
de dire en répondant aux questions de Pharaon : un jour son chef dans la tribu d'Ephra'im ; pour
« Mes jours ont été courts et mauvais». (Gen. xlvji, cette raison Jacob adora le sceptre de comman-
9.) Et cependant Esaû vivait en pleine sécurité, il dement de son fils. Comprenez que, malgré sa
possédait une grande puissance, jusqu'à faire vieillesse, il s'humiliait devant Joseph, symboli-
trembler Jacob. Où donc celui-ci moissonna-t-il sant d'avance le peuple entier qui devait un jour
enfin les bénédictions, sinon dans l'avenir véri- se prosterner devant lui. Ce fait s'était déjà réa-
table et céleste ? (Jsé, quand il fut adoré par ses frères; il devait
Vous voyez que de tout temps les méchants ont se réaliser plus tard encore par l'histoire des dix
été en possession des biens présents, et que les ?ribus. Voyez-vous comme il prédisait un lointain
justes ont euun sort tout contraire. Les heureux, avenir î Voyez-vous quelle était la foi des patriar-
parmi ceux-ci, ne sont que de rares exceptions. ches, et comment ils croyaient à l'avenir ?
Ainsi Abraham était juste, et il fut cependant lar- Vous trouvez dans l'Ecriture tantôt des exeJB»
SCO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

pies d'une patience destinée ici-bas àsoudrirsans promesses de Dieu, et leurs espérances n'ont pas
jamais jouir tels fuient Abialiam et Abel; tantôt,
: été trompées. C'est la réponse à l'objection de
vous admirez, comme en Not5, des modèles de la quelques personnes qui disent : Les promesses
foi en Dieu et en sa Providence rémunératrice. qu'ils ne virent point remplies de leur vivant, le
Car le mot de « foi » présente des acceptions dif- furent après leur mort, sans doute : mais ils ne
férentes, et signifie tantôt une chose, tantôt l'au- croyaient pas qu'elles dussent s'accomplir après
tre. Dans 'e fait de Noé, la foi s'allie à l'idée de leur trépas. — Alors, pourquoi Joseph n'a-t-il
récompei e, à l'espérance qu'il y aura des retours pas dit: Quoi! ni moi-même pendant ma vie,
heureux, lais qu'il faut combattre avant d'être ré- ni mon père, ni mon aïeul dont, surtout. Dieu
compensé. Les événements de la vie de Joseph aurait dû respecter la vertu, nul d'entre nous n'a
appartiennent à la foi pure, du moins pour la reçu la lerre promise Comment croire qu'il dai-
!

promesse si expresse de Dieu faite à Abraham : gnera donner à leurs fils coupables ce qu'il n'a
« Je vous donnerai cette terre ainsi qu'à vos des- pas daigné octroyer à des ancêtres si saints? —
cendants ». Joseph la connaissait, cette pro- Non, Joseph ne tint pas ce langage ; sa foi sut
messe; et bien que résidant sur une terre étran- vaincre et dominer toute objection.
gère, liien qu'il ne vît point se réaliser la prédic- Saint Paul, jusqu'ici, a parlé d'Abel, de Noé,
tion, loin de se permettre le découragement, il d'Abraham, de Jacob, de Joseph, personnages re-
eut la foi assez ferme et forte pour annoncer la marqués, admiiables, glorieux. Pour mieux en-
sortie de l'Egypte, et commander qu'on emportât courager les Hébreux, il va chercher ses preuves
ses os hors de ce pays. Non content de croire pour jusque dans d'autres personnes qui n'eurent rien
son compte personnel, il redoublait la foi dans de remarquable. Que des hommes merveilleux
ceux de sa famille, voulant qu'ils se souvinssent aient tant souffert, en effet, que les Hébreux se
toujours de leur sortie prochaine, et leur parlant soient montrés inférieurs à de si grands modèles,
même, au sujet de sa dépouille mortelle, avec la ce n'est pas chose étonnante. Ce qui est grave,
persuasion intime de ce grand événement, puis- c'est qu'ils se soient placés au-dessous de per-
que sans cette attente qu'il leur donnait de la sonnes sans nom et sans gloire. Et l'apôtre com-
sortie d'Egypte, il n'aurait pas fait une semblable mence par le père et la mère de Moïse, lesquels
recommandation. n'avaient rien de remarquable, rien qui approchât
c'est, au reste, la réponse à l'objection que de ce que fut leur fils. Saint Paul renchérira en-
font quehiues personnes Voyez, disent-elles, que
: core et prouvera l'absurdité de leur manque de foi,
les justes eux-mêmes se sont occupés de leur en citant l'exemple contraire de veuves et de
monument funèbre —
Ils s'en sont occupés pour
! femmes de mauvaise vie. « C'est parla foi », dira-t-
la raison que j'ai dite, et non autrement. Ils sa- il, » que Rabat), femme débauchée, ne périt point
vaiiml « que la terre et toute sa plénitude appar- « avec leî incrédules, parce qu'elle reçut et sauva
« tiennent au Seigneur ». (Ps. xxiii, t.) Moins que « les espions de Josué». Entin, l'apôtre rappelle
personne, il ignoia celte vérité, le patriarche qui le salaire, non de la foi seulement, mais aussi de
vécut dans les plus hautes régions de la sagesse, et l'infidélité, comme dans l'histoire de Noé.
qui d'ailleurs passa presque toute sa vie en Egypte, Mais nousavons à revenir sur le fait des parents
d'où par conséquent il aurait pu sortir et regagner de Moïse. Un ordre de Pharaon commandait de
son pays, et non pas y rester avec des pleurs, des mettre à mort tous les enfants mâles, et aucun
larmes et des regrets; et moins encore y faire ve- n'échappait au trépas. Comment donc ceux-ci es-
nir son père. Pourquoi, au contraire, n'y voulait- pérèrent-ils sauver leur fils? Par la foi. El par
il pas même laisser sa propre dépouille mor- quelle foi? llsvirent, a ditl'Ecrilure, la beauté ex-
iille? N'est-ce pas uniquement pour celte raison traordinaire de cet enfant. Sa vue suffit pour leur
de foi ? donner la foi tant dès le berceau, et jusque dans
:

Répondez-moi, d'ailleurs. N'est-il pas vrai


2. les langes, ce juste naissant avait reçu de grâces,
que les os de Moïse furent déposés dans une 'lerre non pas de la nature, mais de Dieu. Voyez plutôt :
énangère? Que nous ne savons pas mémo où sont l'enfant, dès sa naissance, se fait remarquer non
ceux d'Aaron, de Daniel, de Jrrémie, de plusieurs par la laideur ordinaire, mais par une extrême
apôties?On connaît, en elT'et, les tombeaux de beauté. Et qui l'a produite? Ce n'est pas la na-
saint Pierre, de suint P.iul, de sainl Thomas ; et ture, mais la grâce de Dieu, laquelle réveilla
des autres, bien plus nombreux, on ns sait rien aussitôt la pitié dans le cœur de la fille d'un roi
de leur sépulcre. Aussi ne nous allligeons point d'Egypte, lui donnant même le courage de pren-
pour ce sujet : n'ayons pas l'esprit assez étroit, ni dre et d'aimer comme son fils cet enfant étranger.
le cœur assez faible pour nous soucier de cela. Cependant quel était le fondement de la foi chez
Quel que doive être de notre sépulture, «la
le lieu les parents de Moïse ? Etait-ce une merveille si
o terre et sa plénitude appartiennent au Sei- grande que la beauté d'un enfant? Mais vous, ô
gneur ». Il n'arrive que ce qui doit arriver. Tant Hébreux, vous croyez d'après des faits, et d'au-
de pleurs, de sanglots et de larmes sur ceux qui tres preuves solides. Quand vous avez soulfert
ne sont plus, n'ont leursource que dans la bas- avec joie le pillage de vos biens et d'autres maux,
sesse de l'àme. c'est par la foi que vous l'avez enduré. Toutefois,
< C'est par la foi que Mo'ise après sa naissance après ces preuves de foi, les Hébreux étaient re-
« fut tenu caché pendant trois mois par ses pa- tombés dans le découragement. Aussi l'apôtre leur
renls (23)». Ces justes, vous le voyez, n'espé- fait remarquer, dans les parents de Moïse, une foi
raient qu'après leur mort l'accomplissement des plus large, plus persévérante, semblable à celle
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XXVL

VAbraham, capable de croire des choses contra- accablés de souffrances, parce que nous mêlions
dictoires en apparence. « Ils ne craignirent pas », en Dieu notre refuge.
dit-il, « l'édltdu roi ». Et cependant cet édit I! es' vraisemblable encore que Moïse se sentit

s'exécutait cruellement; leur loi, au contraire, bien outragé, quand on lui disait : « Veux-tu donc
n'était qu'une attente sans molil et sans preuve. «me tuer, comm;; lu as hier tué l'égyptien? »
Voilà l'exemple des parents de Mo'ise et lui-même
: (Exod. li, t4.) L'opprobre de Jésus-Christ, c'est ce
n'y fut pour rien alors ; mais l'apùtro va nous qui expose vos jours mêmes, et vous fail supporter
montrer aussitôt le grand exemple du fils aussi, la soutTrance jusqu'au dernier soupir. Ainsi le Sau-
qui dépasse de beaucoup celui des parents : veur lui-même était couvert d'opprobres quand oa
« C'est par la foi que Moise devenu grand, re- lui disait « Si tu es le Fils de Dieu, descends de
:

« Donça à la qualité de fils de Ta fille de Pharaon, « la croix » (Matth. xxvii, 40), et que ces paroles
M et qu'il aima mieux èire alfligé avec le peuple de sortaient des lèvres de ses bourreaux, de ses com-
« Dieu, que de jouir du plaisir si coutt qui se patriotes mêmes, des Hébreux. C'est l'opprobre
«trouve dans le péché jugeant que ligiiomi-nie
; de Jésus-Chrisl, que celui que vous essuyez
« de Jésus-Christ était un plus grand trésor que de la part de vos proches et de ceux-là mêmes
« toutes les richessesde l'Egypte, parce qu'il envi- que vous comblez de vos bienfaits. Moïse, en
« sageait la récompense (2i-26) ». L'apôtre sem- effet, recevait cet outrage d'un homme qu'il avait
ble dire aux Hébreux Personne d'entre vous n'a
: sauvé. Relevant donc le courage de ses disciples,
quitté un palais, et un palais glorieux, et des tré- saint Paul leur montre des modèles de souffrances
sors immenses nul parmi
; vous n'a méprisé, dans Jésus-Chrisl et dans Moïse , ces deux illus-
comme Moïse, l'honneur de pouvoir être le fils tres personnages. Il leur fail voir ici que, bien
'
d'un roi. Et pour montrer que Moïse a quitté tout plus que Moïse, Jésus-Christ souffrit l'opprobre,
cela, non par hasard ou sans réflexion, saint Paul puisqu'en réalité il fut immolé par les siens. Et
dit : « Moïse y renonça », c'est-à-dire, il prit ces toutefois, il ne lança pas la foudre; il n'éprouva
grandeurs en haine et leur tourna le dos. Car, en aucun sentiment pareil ; mais accablé d'injures, il
face du ciel que Dieu lui proposait, c'eût été folie supportait tout, à l'heure où en face de lui, ses en-
que d'admirer la cour d'Egypte. nemis branlaient leurs têtes insolentes. Comme
3. El voyez comme saint Paul met tout en lu- donc, très-probablement, les disciples entendaient
mière. Il ne dit pas que Moïse ait préféré aux tré- des malédictions semblables, tl qu'ils césiraieiit
sors des Égyptiens et comme fortune plus belle, leur récompense, l'apôtre déclare que Moïse et
le ciel et les biens qu'il nous garde; mais qu'il Jésus-Christ ont souffert les mêmes épreuves. Le
leur a préféré, quoi donc? l'ignominie de Jésus- repos et !a tranquillité de l'âme, en pareil cas,
Christ pour lequel il a choisi d'être accablé d'op-
;
c'est le péché ; l'opprobre, c'est le parti de Jésus-
probres, plutôt que de vivre dans le repos et la Christ. Chrétien, que préfères-tu, de cet opprobre
tranquillité d'esprit. Cette conduite portail déjà de Jésus, ou de ton bonheur et de ta sécurité?
avecelle-même sa noble récompense. —
« Prélérant « C'est par la foi qu'il quille l'Egvpte, sans crain-
être affligé avec le peuple de Dieu ». Vous, Hé- « dre la fureur du roi car i! l'affronta, voyant
:

breux, vous souffrez pour vous personnellement; «inotre invisible Dieu comme s'il était visible (7)».
mais lui, c'est par choix et pour les autres; c'est Saint apôtre, que dites-vous? « Moïse ne craignit
de sa volonté et par goût qu'il s'est jeté lui-même «pas! » L'Ecriiure, au contraire, déclare qu'in-
en des périls si nombieux, lorsqu'il lui était per- formé de tout, il craignit, qu'il chercha son salut
inis de vivre religieusement et de jouir en môme dans la fuile, qu'il s'enfuit vraiment, qu'il se ca-
temps du bien-êlre. « Pluiôi que de jouir du cha, que désormais il prit toutes les précautions
«plaisir si court qui se trouve dans le péché». de la crainte. —
Cher auditeur, prêtez la plus
Le péché, selon l'apôiic, était de renoncer à souf- grande allcnlion à ce que vous avez entendu. Ces
frir avec les autres; du moins. Moïse y vit un mots «Sans craindre la fureur du roi », l'apôtre
:

péché. Si ce grand homme regard i comme un les écrit en vue de ce qui arriva plus tard, quand
crime de ne point prendie courageiisemcn'. par', à Moïse se présenta lui-même devant le souverain.
l'alfliclion commune, l'allliction esidono un grand Moïse eûi prouve sa crainte, en n'essayant plus
bien. Il s'y précipita, des splendeurs mêmes d'un de défendre et de sauver sa nation, en refusant
palais, e'. il agit ainsi en prévision de certaines même de l'entreprendre; mais dès qu'il ose y
grandes choses, que nous révèlenl les paroles qui mettre la main de nouveau, il est bien l'homme
suivent « Jugeant que l'ignominie de Jésus-Christ
: qui se confiai! en tout et pour tout à Dieu seul. H
t était un plus grand trésor que toutes les riches- ne dit pas Le roi me cherche, me poursuit active-
:

« ses des Egyptiens ». ment, et je n'ai garde, moi, de m'exposer par une
Qu'est-ce que « l'ignominie de Jésus-Christ?» nouvelle entreprise. Sa fuite ne fut donc pas un
C'est, chers Hébreux, ce que vous sou Ifrez vous- manque de foi.
mêmes, ce que Jésus-Christ a souflert; ou bien Mais pourquoi ne pas plutôt rester en Egypte,
encore, c'est ce que Moïse souflrii pour Jésus- dira-t-on? —
Pour ne pas se jeter dans un péril
Christ pendant qu'il endurait les outrages pour cette évident et prévu. Il eût tenté Dieu, puisqu'il se serait
pierre mystérieuse d'où il lira des torrents d'eau; précipité de lui-même au milieu des dangers avec
t celte pierre, en eflet, était Jésus-Chrisl », dit l'a- cette parole téméraire : Je veux voir si Dieu me
pôtre (I Cor. X, i.) Comment encore l'opprobre sauvera Le démon précisément dit à Jésus-Christ:
!

de Jésus-Chrisl? C'est que, pour lui, nous sommes « Jetez-vous en bas! » (Matth. iv. G.) Comprenez
expulsés de nos patrimoines, chargés d'outrages, donc combien est diabolique la témérité, qui so
S. J. Cu. — Tome XL 36
tùû TRArjUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÉ.

précipite dans les périls, et qui tente si Dieu la jusqu'à leurolfrir des victimes. Voyez-vous comme
sauvera! —
Moïse ne pouvait donc commander et les œuvres de Dieusonitoujoursglorieuses, tandis
défendre des compatriotes qui lui montraient, que les nôtres n'en sont que l'ombre? Ce roi igno-
après son bienfait même, tant d'ingratitude. C'eût rait assurément qu'il amenait ainsi ses maîtres du
été sottise à lui et délire, que de resterparmi eux. fond d'un pays vaincu, et il jeta dans la fournaise
Mûïs^ donna ces exemples, parce qu'il souffrait ceux qu'il allait tout à l'heure adorer, et ce sup-
en voyant, pour ainsi dire, Celui dont la vue plice à eux-mêmes ne leur parut qu'un rêve.
échappe ù tout regard huniain. Si donc, par l'es- Craignons Dieu, mes trères, craignons Dieu, et
prit du moins, nous voyons Dieu si nous occu- ; fussions-nous réduits en captivité, nous serons
pons constamment notre pensée de son doux sou- plus grands que tout le genre humain. Ayons cette
venir, tout nous deviendra facile, tout supportable, crainle de Dieu , et nous ne sentirons plus d'en-
tout cndurable enfin nous serons supérieurs à
, nuis, quand même cet ennui s'appellerait pauvreté,
tout le monde. Car si la vue d'un ami ou seule- maladie, caplivilé, servitude, quels qu'en soient le
ment son souvenir' vous rend le courage, élève nom et la nature enfin. 11 y a plus toutes ces :

votre àme biisn haut, et vous lait tout supporter misères produiront pour nous des elVets tout op-
aisémeni, par le seul charme de son nom dans posés. Ils étaient caplifs; un roi les révère. Paul
votre mémoire le chrétien, qui toujours applique
; fabriquait des tentes, et on voulait lui offrir des
sa pensée et tourne son souvenir vers Celui qui sacrifices comme à un dieu. On peut demander
daigna nous aimerd'un amour si vérilahle, pourra- ici pourquoi les apôtres refusèrent avec horreur
t-il jfimais sentir même une impression pénible ou .ces sacrifices, jusqu'à déchirer leurs vêtements,
redouter quehiue danger, quelque terreur? yuand, jusqu'à pleurer pour détourner les peuples de
en elfel, aura-t-il un cœur abattu et pusillanime? cette idée , jusqu'à s'écrier enfin « Que faites- :

Jamais car, si tout nous semble diflicile, c'est


: «vous? Nous sommes vos semblables, et des
parce que nous n'avons pas, comme il faudiait, le « hommes mortels comme vous » (Act. xiv, 14) ;

souvenir de Dieu, et que nous ne le portons pas tandis que Daniel ne fit rien de pareil. Qu'il fût
continuellement dans notre pensée. 11 a donc eu humble, pourtant, ce Prophèle ; qu'il ne rapporlàl
raison de nous dire Vous m'avez oublié et moi
: ; pas moins que les apôtres la gloire de toutes
au.ssi, je vous oublierai et c'est la double cause de
; choses à Dieu, cela est évident par bien des rai-
noire malheur, d'oublier Dieu et d'être oubliés do sons, mais surtout par l'amour que Dieu lui por-
Dieu. Voilà deux choses, en efl'et, qui sont intime- tait. S'il avait usurpé l'honneur dû à Dieu seul, le
ment liées et dépendantes l'une de l'autre, nuiis Seigneur ne l'aurait pas laissé vivre , loin de lui
qui sout deux néanmoins. Que Dieu nous garde faire recueillir l'honneur cl l'estime. Une seconde
un souvenir, c'est un bien inrini mais c'est un ; preuve de sa vertu, c'est qu'il disait en toute fran-
bien etiicace aussi, que nous gardions la mémoire chise « Ni moi non plus, ô roi, je ne connais pas
:

de Dieu. Cet elïïirt, de noire côlé, nous pousse « ce mystère par une révélation que je doive à ma
dans la voie de la vertu, nous y l'ait marcher et « sagesse ». Une troisième preuve enfin, c'est qu'il
persévérer avec courage jusqu'au bout. Aussi le a pu dire « Pour mon Dieu , j'étais dans la fosse
:

Prophète disait en ce sens: » Je me souviendrai « aux lions » ; et quand un autre Prophète lui ap-
« de vous, ô mon Dieu, sur les bords du Jourdain, porta de quoi manger: « Le Seigneur », dit-il,
« sur les sonmiets de l'IIermon et sur ses pauvres « s'est souvenu de moi » (Dan. ii, 30; iv, 37); tant
« collines ». (Ps. xli, 7.) Enfin, le peuple captif à il était humble et pénitent. Il était dans la fosse

Bahylonc s'écriait Mon Dieu! je me souviendrai


: aux lions pour la cause de Dieu, et il s'eslimait
de vous ! indigne d'être exaucé de Dieu, d'avoir môme place
-i. Ri'pélonsdouc ces paroles, nous qui habitons en sa mémoire.
aus.^i Bahylone car bien que nous ne soyons pas
: Mais nous, qui osons commettre des péchés
au milieu d'ennemis [)uhlics, nous nous trouvons exécrables et sans nombre nous qui sommes les ,

en avoir d'autres non moins lerrihles. Parmi ces plus coupables et les plus déteslabics des créatu-
caplifs, les uns avalent la trisie allure de prison- res, nous reculons si Dieu ne nous exauce pas dès
niers; mais d'aulres ne .sentaient pas niéiiie le joug notre première supiilicalion. De fait, entre nous
de la captivité ain^ii Daniel, ainsi les trois enfants
; et les saints il y a la dislance du ciel à la terre,
qui bien qu'entraînés dans les masses [U'isonnières, s'il n'y a pas même un abîme plus grand. Eh

en face môme du roi qui les avait emmenés en quoi Daniel que dites-vous? Après vos œuvres
!
,

captivité, étaient glorieux et grands sur celle terre si saintes et si glorieuses, après ce miracle qui
barbare: oui, ces nobles caplils recevaient l'hom- vous sauve des lions, vous vous estimez encore
mage de celui qui les avait réduits en captivité. petit et vil Assurément nous répond le Pro-
! ,

Voyez-vous quelle puissance possède la vertu? phèle; car quoi que nous ayons pu faire, nous
Un roi les révérait comme ses maîtres jusqui' dans sommes des serviteurs inutiles. (Luc, xvii, 10.) lit
leur état d'esclavagi; ; il étaitdonc caplif plulùt c'est ainsi que devançant l'Kvangile, il en remplit

qu'eux-mêmes. Il eut été moins surprenanl de le précepte , et se regarde comme rien. Dieu , di-
voir ce prince se rendre dans leur pays pour y les sait-il, s'est souvenu de moi. Et voyez encore,
vénérer,que de les conlemplereus-mémes, régnant dans sa prière ,
quelle humililé ! Comme aussi les
clii-2 leurs vainqueurs. Mais la merveille, c'est trois enfants fournaise disaient
de la « Nous :

qii .ipiè.s les avoir l'ncliaiiiés et les ayant sous sa «avons péché; nous avons agi contre vos lois »
main à titre de caplifs, il ne rougit pas de leur (Dan. m, 2'J) ; partout enfin, ils fout preuve d'hu-
rendre en face du inonde entier un véritable culte, milité. Et pourtant Daniel avait mille occasions
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXV.

de s'élever; mais il savait aussi que toutes ces à Dieu, puisque le Prophète avait dit précédem-
glaces lui venaient de ce qu'il avait soin de ne ment « Je le sais, mais non d'après la sagesse
:

pas s'exalter et de ne point gâter son trésor. En « que je puis avoir par moi-même ». D'ailleurs, on

effet, parmi toutes les nations, sur toute la terre ne voit pas qu'il accepte ces olfraudes, ce culte.
habitée, enchantait la louange de Daniel, non Le roi dit bien, sans doute , qu'il faut les offrir :
pas seulement parce qu'un roi s'était prosterna mais il n'est rien moins que certain que celte
devant lui, ni parce qu'il lui avait offert des liba- pensée ait été mise à exécution.
tions et tout un culte divin, au moment où ce roi Quant aux apôtres déjà à Lystre, on amenait
,

lui-même honoré comme un Dieu. Cette


était les taureaux pour les leur immoler; déjà l'on ap-
gloire adorée de Nabuchodonosor est certaine ,
pelait Barnabe, Jupiter, et Paul, .Mercure. Le sacri-
d'après Jérémie : a revêtu », dit-il , « la terre
« 11 fice commençait. Daniel accepta le collier, pour
« comme un manteau ». (Jérém. xxvii, 6.) « Car », se faire reconnaître; mais pourquoi ne parait-il
dit Dieu ailleurs, «je l'ai donnée à Nabuchodono- pas repousser l'offrande sacrée ?... Dans le fait
« sor mon serviteur ». Or ces textes, et les lettres apostolique, les païens ne l'ont point réalisée;
de ce roi prouvent cependant que Daniel n'était mais l'attentat sacrilège en fut fait , et les apôtres
pas admiré seulement dans l'empire de ce prince, le condamnèrent... Cependant Daniel devait aussi,
mais que ce Prophète était connu partout, qu'il ce semble, repousser aussitôt un culte impie? En
était admiré dans toutes les nations plus encore face des apôtres, se trouvait tout un peuple à édi-
que si elles l'avaient vu personnellement , surtout fier ; en face de Daniel, un peuple et son roi.
après que le roi efil avoué dans sa lettre mémora- Pourquoi donc ne dètourna-t-il pas le roi de Ba-
ble, et le miracle opéré pour le Prophète, et bylone de cette idée idolâtrique ? Je l'ai dit c'est :

l'hommage que lui-même rendait à sa sagesse. que le prince ne lui faisait pas cette offrande
« Etes-vous donc », disait l'Ecriture , « plus sage comme à un Dieu et pour détruire la vraie reli-
« que Daniel? » Avec tous ces titres de gloire , il gion, mais pour arriver à un fait plus miracu-
était humble jusqu'à désirer de mille lois mourir leux. Comment? C'est qu'il fit un édit en faveur
pour son Dieu. du vrai Dieu, le reconnaissant comme le Seigneur.
S. Or, je le demande encore une fois pourquoi,
: Ainsi , il n'altérait pas l'honneur qui lui est dil.
tout humble qu'il était, n'a-t-il repoussé ni ce Les habitants de Lystre, au contraire, n'avaient
culte, ni ces oblations quasi sacrées que lui fit un point ces pensées mais ils regardaient les apô-
;

grand roi ? Je ne résoudrai pas ce problème ; il me tres comme des dieux, et ceux-ci repoussèrent
suffit de l'avoir posé. Quant à la solution, je vous leurs hommages. Le roi Babylonien commence
la laisse, pour exciter, si je le puis, l'efiort de par adorer Daniel puis il lui fait l'ofirande que
;

votre intelligence. Je ne veux que vous intimer vous savez. Or, quand il l'adore , ce n'est pas
un commandement ou plutôt un avis c'est de : comme un dieu , mais comme un sage. Puis , il
diriger en tout votre liberté selon la crainte de n'est pas certain qu'il lui ait fait des offrandes su-
Dieu, puisque vous avez de si nobles exemples, et perstitieuses. Enfin, les eîit-il faites, il les a faites
que, d'ailleurs, les biens mêmes de la terre seront sans que Daniel les agréât. Et si vous demandez
à nous, si bien franchement nous poursuivons les pourquoi il lui donna le nom de Baltassar, qui est
biens à venir. Que Daniel, en effet, n'ait point un nom de divinité chez eux, je réponds que
agi sous l'inspiration de l'orgueil , nous en avons cela prouve le peu d'estime que ce peuple avait de
une preuve évidente dans cette protestation qu'il ses propres dieux, puisque leur nom, dé par
fait : « Prince, gardez vos présents » (Dan. v, ^^.)
! l'empereur, est attribué à un captif puisque ce ;

Et toutefois une seconde question se présente ici; roi faisait adorer à tout son peuple une statue
comment, si prompt à tout repousser en paroles, d'or, et que lui-même adorait un dragon. Ainsi —
àcccpte-t-il l'honneur réellement et en effet, Babylone renfermait des multitudes tout autre-
comment se revêt-il du riche collier? Hérode- ment folles que celles de Lystre. Aussi Daniel ne
Agrippa, lui, s'entend applaudir « C'est la voix
: pouvait-il sitôt les amener au vrai.
«d'un Dieu, disait-on, et non pas celle d'un Si donc nous voulons gagner tous les biens,
« homme » (Act. xii, 22) ; et parce qu'il n'a pas cherchons d'abord ceux qui ont rapport à Dieu.
rendu gloire à Dieu, ses entrailles crèvent et se Car de même que ceux qui cherchent les fau-î
répandent honteusement. Daniel, au contraire, biens de ce monde,perdent àla lois ceux du temps
accepte les honneurs divins , et non pas seule- et ceux de l'avenir, ainsi ceux qui donnent lu pré-
ment des paroles d'apothéose. Voilà un point né- férence aux choses de Dieu, gagnent les uns avec
cessaire à expliquer. Dans le fait d'Hcrode , les les autres. Ne poursuivons dune pas ceux-là, mais
hommes tombaient dans une idolâtrie pire que plutôt ceux-ci; et nous pourrons de la sorte ga-
leur paganisme habituel; dans celui du Prophète, gner les biens que Dieu proiriel, eu Jésus-Chiist
il n'en va pas de même. Comment cela? C'est que Notre-Seigneur.
l'idée qu'on s'était faite de Daniel rendait honneur
B6.'. TîlADl'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

HOMELIE XXVII.
c'est par la foi que moïse célébra lapaque et qu'il fit l'aspersion Dr SANG DE l'agneau, afin
QUE l'ange qui tua TOUS LES PREMIEKS-NÈSj NE TOUCHAT POINT LES ISRAÉLITES. (CBAP. XI. 28-36.]

Analyse.
1-3. En nous rappelant la foi des patriarches, saint Paul n'oublie pas de nous montrer que leurs actions ou les cérémonies de
leur religion, sont les préludes cl les figures de la religion de Jésus-Christ. — Tel était l'Agneau pascal. — La
des Hébreux foi

à l'Iicuro où ils sont renfi-imés entre la mer Rouge cl l'année d'Egypte nous rappelle que le secours de Oicn vient ordinairement
à riieu.-e où tout semble désespéré. — Un mot de la foi de Rahali un mot plus court encore d'une foule d'autres exemples
;

de foi. — Ouclle grande puissance


que celle d'un juste Josué arrêtant le soleil.
: —
Pourquoi il fait plus que Moïse même.
4 et .1. Cuis-jnce de la prière, qui nous donne empire non sur le soleil et les astres, mais sur Dieu même. Beauté de la —
prière que Jésus-Christ nous a enseignée lui-même, comme un maître apprend l'alphabet à ses élèves. La prière doit être —
surtout humble et pénilciite comme celle du publicain. —
Avouer nos fautes et ne pas souffrir qu'un autre nous les reproche
;
refuser les louanges pour qu'on nous les donne encore davantage, c'est un jeu criminel.

I. L'apôlre aime à prouver ou à confirmer sur « comme sur une terre sèche ». Pau! de nouveau
sa route bien des vérités qu'il sème en passant, compare un peuple avec un peuple, afin que les
découvranl dans le tcxle sacré mille sens impré- Hébreux ne disent pas Nous ne pouvons être
:

vus. Telle est, en effel, la parole de t'Espril-Saint, comme les saints. « la foi donc, ils passèrent
Par
qu'elle ne conlienl pas seulement quelques sens « la mer Rouge comme sur une terre sèche, tandis
SOUS une multitude de mois, mais qu'au contraire, « que les Egyptiens ayant essayé ce passage,
sous très-peu de mots elle prêle à des interpréla- « périrent engloutis dans les flots (29) ». Paul leur
tions nombreuses et magnifiques. Dans cette élude remet en mémoire les souffrances de leurs a'ieux
en l'orme d'e.\horlation sur la foi, par exemple, en Egypte. Pourquoi parle-l-il de la foi de ceux-ci?
saint Paul nous montre une figure, un mystère, C'est qu'en effet ils ont espéré, ils ont demandé
dont la loi de Jésus-Christ iiossède la vérité. Il dit : avec prières, à Dieu, de passer ainsi la mer Rouge ;
« C'est par la foi que Moïse célébra la Pàque et ou pour mieux dire. Moïse a prié en ce sens.
« qu'il fit l'aspersion du sang de l'agneau, afin Voyez-vous comme la foi surpasse toujours les
« que l'ange qui tuait tous les premiers-nés, ne forces humaines, c'est-à-dire notre laiblesse, no-
« louciiàl point aux Israélites ». Quel est ce sang tre bassesse? Voyez comme les Israélites avaient
répandu'? Dans chaque maison, un agneau lom- en môme temps et la foi el la crainte des fléaux
Lait sous le couieau du sacrifice, et son sang meurtriers; ce sang imprimé à chaque porte et ce
marquait chaque porte cl détournait la mort qui passage de la mer Rouge vous le démontrent
moissonnait les Kgyptiens. Si donc le sang de l'a- assez. Au reste cette eau de lamer Rouge fut une
gneau sauvait les Juifs au milieu même des Egyp- alfreuse vérité, et non pas une vision, comme le
tiens el d'un tléau si redoulable, combien plutôt prouva la mort de ces ennemis qui y périrent
serons-nous piéservcs par le sang de Jésus-Chrisl noyés C'est ainsi que les exécuteurs dévorés eux-
([ui doit rougir, non pi us nos porles, mais nos cœurs. niénies par les lions, el ceux qui furent brûlés
Encore aujourd'hui, en rlfel, celui qui dévaslc et près de la fournaise , donnaient une preuve
qui lue, ne cesse de circuler au milieu de cette nuit de la vérité de ces drames alfrcux, el vous dé-
du siècle : armons-nous donc de ce sacrifice luté- montraient, comme au cas présent, que tel cliàli-
laire. Notre onclion est appelée par Mo'ise effu- menl sauvait et glorifiait les uns, tandis qu'il don-
sion. Car, nous aussi, nous avons été, par la main nait aux autres une mort alfreuse. Telle est, au
de Dieu, tirés de l'Egypte, des ténèbres, de l'ido- reste, la puissance bientaisanle de la foi c'est :

lâtrie. Le riie mosaïque n'élait rien en lui-même ; quand nous sommes arrivés à la dernière exlré-
mais son ellel était grand, puisqu'il sauvait si bien niilé, de sorte qu'on no voit plus d'issue possible,
et si partailement un grand jieuplc. Le rite mosa'i- c'est à cet instant même que nous sommes déli-
quc n'était qu'une effusion de sang; l'clTet grand vrés, quand même nous serions aux porles de la
el parfait produisait le salut et lu vie, et posait à mort, quand même notre sort semblerait déses-
la mort une défense et un obstacle. L'ange exter- péré et que tout semblerait perdu sans remède.
minateur craignit le sang, parce qu'il savait de Quel espoir restait aux Juifs? Peuple désarmé,
quel autre sang il était la ligure ; il recula ellrayé serrés entre les Egyptiens el la mer, il leur fallait
à l'idée de la mort du Seigneur; et voilà pourquoi ou se noyer dans la fuite en avant, ou retomber
il ne touchait pas les portes marquées de ce signe. en arrière dans les mains des Egyptiens; et la foi
Moïse leur avait dit Faites cette marque, et ils la
: les délivra et les sauva dans ces circonstances de
firent, y trouvèrent confiance et sûreté. Et
et ils perplexité et d'angoisses. Pour eux, la mer devint
vous, qui avez le sang du vériluble Agneau, vous comme une route sur le continent; tandis qu'elle
n'avez pas conlianci;? engloutit el dévora les Egyptiens dans ses abî-
« C'est par la foi qu'ils passèrent la mer Rçvge, mes. Pour les premiers elle oublia sa nature;
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AITX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVI. 563

pour les elle s'armait comme un ennemi.


seconds lait pas son but;il ne voulait que parler de leur

par la foi que les murailles de Jéricho


2. a C'est foi. Car, dites-moi, n'est-ce pas par la foi qu'ils
« tombèrent par terre, après qu'on en eût fait le ont tout fait? Et comment? par la foi, ils ont con-
«tour sept jours durant (30) ». Car le son des trom- quis des royaumes, Gédéon, par exemple. « Us —
pettes, quand même il retentirait pendant dix siè- « ont accompli les devoirs de la justice ». Qui est

cles, ne peut renverser des murailles; tandis qu'à ici désigné? Toujours les mêmes; peut-être par

la foi rien n'est impossible. Vous voyez que la foi la justice, il entend la charité. —
« Ils ont reçu

varie ses œuvres, non d'après notre logique ou « l'effet des promesses ». Je pense que ce Irait

selon les lois de la nature; mais qu'elle opère désigne David. Et de quelles promesses? De celles
toujours contre toute attente. Donc maintenant qui proclamaient que sa postérité s'assiérait sur son
encore, tout arrive contre vos prévisions. Saint trône. —
« Ils ont fermé la gueule des lions, ont

Paul voulait de toutes manières les amener à (Iarrêté la violence du Icu, ont évité la pointe du
cioire aux espérances à venir; son discours tout « glaive (33, 34) P. Voyez comme ils étaient déjà
entier n'a pas d'autre but; il veut montrer que pour ainsi dire au sein de la mort ; Daniel au
non-seulement aujourd'hui, mais que dès le com- milieu des lions; les trois enfants dans les abîmes
mencement, tous les miracles sont nés de la foi et de la fournaise ; Abraham, Isaac, Jacob, en diver-
se sont opérés par elle. ses épreuves, sans jamais même alors se dé-
« C'est par la foi que Raliab, femme débauchée, sespérer. C'est, en effet, le caractère de la foi.
« ne périt pas avec les incrédules, parce qu'elle Quand tout arrive à la mallieure, il faut croire en
« avait reçu et sauvé les espions de Josué (31) ». ce moment-là même, que rien de contraire aux
11 serait honteux qu'on vous vit plus incrédules divines promesses n'en sortira, mais qu'elles au-
qu'une femme perdue. Or elle a entendu ces es- ront leur effet tout entier « Ils ont évité le tran-
:

pions el leurs prophéties, et aussilôt elle y a cru ; « chant du glaive » ; je pense que ce trait se rap-

et sa foi eut son effet : tous les autres périrent, porte encore aux trois enfants. —
«Us se sont
elle seule fut sauvée. Elle ne s'est pas dit Je par-
: «remis de leur infirmité, ont été remplis de force
tagerai le sort de la multitude, oii j'ai les miens « et de courage dans les combats, ont mis en fuite
d'ailleurs. Et puis, suis-je donc plus sage que «les armées des étrangers ». L'apôtre indique,
tant d'hommes intelligents qui ne croient point, sans donner de date, des faits postérieurs au re-
tandis que j'ose croiie,moi Non, elle n'a ni dit
! tour de Babylone. Leur infirmité dont ils se ré-
ni fait comme aurait agi ou parlé probahlement tablissent, c'est la captivité. Quand les affaires
tout autre à sa place elle a cru simplement
; aux des Juifs étaient désespérées, quand eux-mêmes
espions et à leurs alfi-rmations. ressemblaient en tout à des ossements desséchés,
« Que dlrai-je davantage? Le temps me man- eùt-on espéré ce retour de Babylone , et non-
« quera pour continuer ces récits (32) ». L'apùlre seulement ce retour, mais un complet recouvre-
désormais ne s'appesantira plus sur des citations ment de leurs forces, qui leur fil mettre en fuite
nominatives; terminant parcelle femme perdue les armées des étrangers? Pour vous, dit saint Paul
dont l'exemple suffit pour couvrir les Hébreux aux Hébreux, vous n'êtes pas encore dans cet état
d'une honte salutaire, il n'étend plus ses récils, désespéré. —
Tous ces laits sont des figures de
de crainte d'allonger sans mesure son discours; l'avenir.
mais il n'abandonne pourtant pas les exemples, « Les femmes ont recouvré, par la résurrection,
tout en les parcourant avec une extrême sagesse, leurs L'apôtre ici, parle des
enfants morts ».
et évitant ainsi avec soin un double écueil celui
: prophètes Elle et Elisée, qui, en effet, ont ressus-
d'ennuyer par la satiété, et celui de supprimer cité des morts. « Les uns ont été décapités; ne
de nombreuses et fécondes leçons. Il ne se tait « voulant point racheter leur vie pré.sente, afin
donc pas tout k fait; mais il se garde de fatiguer «d'en trouver une meilleure dans la résurrection
par son discours il remplit donc un double but.
: « (35) ». —
Mais nous, répondent 1rs Hébreux, nous
Car lorsqu'on discute avec énergie, si l'on conti- n'avons pas atteint la résurrection. Eh bien! je
nue quand même et toujours ce genre aggressif, puis vous montrer que ces saints aussi ont passé
on assomme l'auditeur déjà convaincu en lui , sous la hache, et qu'ils n'ont point accepté la ré-
jetant ainsi l'ennui, sans compter que l'on s'expose demption de ce supplice, afin de trouver une
à passer pour un homme vain que l'envie de bril- résurrection meilleure. Pourquoi, en elfet, dites-
ler fait parler, et non pas le seul désir d'être utile, moi, libres de vivre encore, ne l'onl-ils point
comme cela doit être. voulu? N'est-ce pas parce qu'ils attendaient une
Que dirai-je donc? s'écrie-t-il. Le temps me
« vie meilleure? Eux qui en avaient ressuscité d'au-
« manquera si je veux parler de Gédéon, de I3arac, tres, ont choisi de mourir, pour gagner une ré-
« de Samson, de Jephté, de David, de Samuel et surrection bien préférable à celle qui rendit des
« des prophètes ». Quelques-uns font un crime à enfants à leurs mères. L'apôtre me parait désigner
saint Paul de placer les noms de
dans ce passage ici saint Jean-Baptiste, et saint Jacques. Carl'apo-
Barac, de Samsonde Jephté. Mais quoi
et il a ! tympMiismos, ici nommé , c'est la décapitation.
bien pu nommer la prostituée, pourquoi pas ceux- Ainsi, ils avaient le droit de jouir encore du so-
ci? Il ne s'agit pas ici de juger leur vie, mais leil; ils pouvaient ne pas accuser les pécheurs, et
seulement de savoir s'ils ont brillé par leur foi. cependant, après avoir ressuscité des morts, ils
« Et des prophètes, lesquels par la foi ont con- préférèrent pour eux-mêmes quitter le monde,
« quis des royaumes ». Vous voyez que l'apôtre ne afin de gagner une résurrection meilleure.
'
témojgue pas ici de la beauté de leur vie, ce n'é; 3. « ont soulleri les moqueries et le^
m TriADUCTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

« fouets, les chaînes et les prisons; ils ont élé la- « reste immobile en face de Gabaon, et la lune
« pidés, ont été sciés, ils ont été tentés en toute
ils « vis-à-vis la vallée d'Elom. Ainsi fut-il fait ».
« manière (3G, 3") ». 11 termine par ces exem- (Josué, X, 12.) Vienne donc ici le monde entier, et
ples, par ceux, remarquez bien, qui sont pour les même deux, trois, quatre-vingts mondes comme
Hébreux, et plus proches, et plus familiers. Lai; le nôtre qu'ils parlent ainsi ; qu'ils fassent pareille
:

plus grande consolation qu'on puisse vous offrir, œuvre ! Mais ils ne le pourront jamais. L'ami de
en effet, c'est un modèle ayant souiïerl pour la Dieu, lui, commandait aux créatures de son ami ;
même cause que vous. Quand môme vous présen- ou plutôt il n'a l'ait que prier cet ami divin, et les
teriez d'autres traits plus remarquables, si le mar- créatures, servantes de celui-ci, ont obéi ; et
tyre a eu une autre raison, vous ne pouvez con- l'homme de la terre a commandé aux corps cé-
vaincre. Il finit donc son discours par ces saints, lestes. Voyez-vous, au reste, que ces astres sont
qui ont, dit-il, passé par les liens, les cachots, les faits pour l'esclavage, et remplissent un cours
fouets, les pierres, désignant ainsi la passion do tracé d'avance ? Le fait de Josué est plus grand
saint litienne et de saint Zacharie, et il ajoute : qu'aucun miracle de Mo'ise ; il y a une différence
« Ils sont morts par le tranchant du glaive ». Que à commander à la mer, ou bien à dicter des lois
dites-vous, bienheureux Paul? Les uns ont évité, aux cieux mêmes. Le premier prodige est grand,
les autres ont subi la mort sous l'épée? Quelle est très-grand, mais non égal au second.
votre pensée ? Louez-vous la mort subie, ou seu- Or, écoutez la raison de celle grandeur de Josué
lement la mort affrontée? Laquelle admirez-vous, ou de Jésus. Il poi'Iait dans sou nom la figure de
de l'une ou do l'autre? L'une et l'autre certaine- Jésus-Christ. Pour celte raison, pour ce nom al-
ment, répond-il. La mort affrontée , chers Hé- Irihué à l'homme, image du Fils de Dieu, la créa-
breux, c'est pour vous chose tout unie et toute lion dut le respecter. Mais quoi? Ce nom de Jésus
lamilière ; la mort même subie est d'ailleurs la ne fulil donc jamais donné qu'à lui? Non, sans
plus grande preuve de fui, et la figure de nos doute; mais ce nom lui fut donné parce qu'il de-
maityres à venir. La foi présente, en elfet, ce vait être la figure du véritable Sauveur. On l'appe-
double miracle elle l'ail de grandes choses, elle
: lait aussi fVusès d'abord, mais son nom fut changé
sait grandement souffrir tout en croyant ne souf- et ce changement, à son égaid, fut une prédic-
frir pas. vous ne pouvez dire, continue-t-il, que
li;t tion, une prophétie. C'est lui qui fil entrer le peuple
ces hommes fussent des pécheuis et des gens de dans la terre promise, comme Jésus nous fait
rien. Quand vous placeriez eu face d'eux le monde entrer au ciel ; la loi, non plus que Moïse, n'a-
entier, j'estime qu'ils l'emporteraient dans la ba- vait pas ce pouvoir; ils restèrent dehors. La loi ne
lance de la justice. —
Aussi ajoule-t-il « Que le : pouvait l'ouvrir, mais la grâce seule. Voyez-vous
« monde u'en était pas digne ». Que pouvaient que , dans cet âge dont tant de siècles nous
donc recevoir, même en celte vie, ceux dont rien séparent, les figures sont décrites d'avance par le
au monde n'était digne ? L'apôtre ici relève l'âme doigt divin? Josué commanda donc à la création,
de ses disciples, et leur apprend à ne point s'atta- ou, pour mieux dire, â la partie principale, au
cher aux choses du présent ; il veut que leur cœur chef môme de la création, tout en restant humble
espère beaucoup mieux que tous les biens du mortel sur la terre, pour que quand vous verrez
siècle actuel. Non, le monde entier n'est point Jésus lui-même sous les traits de notre humanité,
digne d'eux. Que désireriez-vous donc ici-bas ? parler avec une autorité sans égale, vous ne soyez
Ne serait-ce pas vous avilir que de vous donner ni troublé, ni elTrayé. Au reste, Josué, du vivant
ici-bas voire récompense? même de Moïse, battit et mit en fuite les enne-
Cessons donc, mes frères, d'occuper nos âmes mis; etnotre Maître aussi , même du vivant de
des vanités de ce monde n'y cherchons point
; la loi de Moïse, gouverne tout, mais en secret.
notre récompense; ne soyons pas mendiants à ce Mais voyons la puissance des saints.
point. Car si le monde entier est indigne des 4. Si sur la terre, ils opèrent de tels prodiges,
saints, pouniuoi demandez-vous une partie de ce s'ils y font l'œuvre même des anges, qu'est-ce
monde? C'est admirablement viai car les saints : donc au ciel? Quelle magnificence les y revêt?
sont les amis de Uieu. Par le monde, l'apôtre dé- Peut-être chacun d'entre vous désirerait être ca-
signe les masses, ou en général, la créature. Ces pable de coumiander au soleil et à la lune. Or,
deux sens se trouvent habituellement employés pour le dire en passant, que peuvent dire ici ceux
dans l'Kcriture sainte Si la création tout entière
: qui font du ciel une s|)hèrc ? Pourquoi Josué n'a-
avec tousses hommes était mise en comparaison, t-il pas dit seulement: Que le soleil s'arrôte?
dit-elle, le juste la dépasserait encore en valeur. Pourquoi ajoute-l-il Qu'il s'arrête vis-à-vis de Ga-
:

Vérité évidente encore. Car dix mille livres pesant baon, et la lune en face delà vallée d'Elom, c'est-
de paille ou de foin, n'équivaudraient pas en prix à-dire, que lejour soit prolongé ? Ce miracle se re-
à dix perles; ainsi en est-il de celte masse d'hom- produisit à la demande d'Ezéchias :1e soleil même
mes vis-à-vis d'un saint. « Un seul homme qui rétrograda. Et toutefois ce miracle étonne alors
« fait la volonté de Dieu encore le Sage,
», dit encore plus que le précédent ; il est plus surpre-
« vaut mieux que dix mille impies». (Ecclés. xvi, nant de voir l'astre reprendre sa route au rebours,
3.) Dix mille n'est pas synonyme d'un grand que de s'arrêter simplement. Et toutefois, si nous
nombre seulement, mais d'une multitude incalcu- voulons, nous ferons quelque chose de plus grand
lable. encore. Car, que nous a promis Jésus-Christ? Que
Voyez quelle puissance c'est, qu'un seul homme nous arrêterons le soleil et la lune, ou que nous
juste. « Jésus, lils de Navé, a dit : Que le soleil ferons reculer l'astre du jour? Non; mais quoi
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVII. b6t"

j Nous viendrons en lui, mon père et moi, et nous pas bien », disait Noire-Seigneur, « de
n'est
"

«ferons en lui notre demeure ». (Jean, xiv, 23.) t le pain des enfants et de le donner aux
prendre
Qu'ai-jedonc besoin de miracles sur le soleil et (
« chiens. —
Sans doute, Seigneur », répondait la
la lune, puisque le Seigneur et Mailre de ces chananéenne, « mais les petits chiens pourtant
brillaules créatures, descend vers moi et y prend « mangent les miettes qui tombent de la table de

même son domicile fixe et constant? Oui, que « leurs maîtres ». (Maiili xv, 20, 27.)

m'importe tout le reste? En quoi ai-je besoin 5 Appliquons-nous donc à la prière. Elle nous

des astres mêmes? 11 sera mon soleil et ma lune, fouiiiil, je l'ai dit déjà, des armes puissanies,

ma lumière enfin Car, répondez-moi si vous


! : mais à la condition qu'elle se lasse ailenuvcment
étiez admis au palais impérial, que voudriez-vous et assidûment, sans vaine gloire, avec un cœur

de préférence? Serait-ce de pouvoir métamor- pur et une paifaite siiicéiité. La prière tnomphe
phoser un des objels qui s'y trouvenl, ou de vous des gueiies mêmes, elle comble de grâces toute
unir avec le souverain même, et par une amilié si une nation bien qu'indigne. « J'ai entendu leur
intime, que vous le décideriez à descendre jusque « gémissement », dit le Stigneur, « et je suis des-

cliez vous? Cette faveur ne vous pai'ailrait-elle « cendu pour


les dtllvjer ». Exod. m, 8.) La (

pas bien plus belle que cette autre vainc puis- prière est un médicament de salul, un antidote
sance ? contre le péché, un lemède aux fautes commises-
Hue faut plus s'étonner des miracles du Cliiist, Cette veuve laissée seule au monde, Anne la pro-
si Josué, qui n'était qu'un homme, en a fait d'aussi pliétesse, n'avait pas d'autre occupation que de
grands par un simple commandement. On répon- prier. Nous gagnerons tout, eu eflel, si nous prions

dra que Jésus-Christ ne plie pas son Père, mais avec humilité, frappant noire poitrine comme le
qu'il agit par sa piopre autorité. —
C'est bien ;
Publicain, empruntant même ses paroles et disant
déclaicz qu'il ne prie pas son père, et qu'il agit avec lui « Ayez pitié de moi qui ne suis qu'un
:

d'autorité; à mon tour, je vous interrogerai, ou € pécheur ».(Luc, xviii, t3.) Cai bien que nous ne

plulôt, je vous enseignerai avec certitude qu'il a soyons pas des publicains, nous avons d'autres
prié cependant donc cette prière était le rôle de
;
péchés non moindres que les leurs. Ne me dites
son abaissement et de son incarnation ; car il pas que vous avez péclié seulemeiii en matière
n'était pas inférieur sans doute à l'autre Jésus, légère toute matière défendue offre la nature
:

fils de Navé ;il pouvait donc nous instruire sans du péché. Ou appelle homicide tout aussi vrai-
prier lui-même ? —
Mais voici Qu'il vous arrive
; ment l'assassin de petits enfants, que le meurtri, r
d'entendre un niailie de lecture balbutier, épelerles d'un homme fait; on est cupide quand on vole
leltres elles syllabes; vous ne direz pas que c'est le prochain pour s'enrichir, que les fraudes
un ignorant? El s'il demande Où est cette lettre?
: soient petites , ou qu'elles soient considéra-
vous savez qu'il n'interroge pas parce que lui- bles; le ressentiment d'une injure reçue n'est
même ignore, mais parce qu'il veut instruire son pas une simple faute , mais un grand péché.
élève. Ainsi Jésus-Christ priait sans avoir besoin de « Car ceux qui se souviennent avec rancune d'une
prière, mais pour vous déterminer à être assidu « injure reçue, prennent une route qui conduit à

et appliqué à ce devoir, à prier sans relâche, avec « la mort » (Ps. xii, 28); et celui qui sans rai- <i

pureté de cœur, avec une extrême vigilance. Et f son se fâche contre son frère, s'expose au feu

cette vigilance ne consiste pas seulement à vous » de l'enfer » (Matth. v, 22), ainsi que celui qui
éveiller la nuit, mais à être encore sobres et purs traite son frère de fou et d'insensé; ainsi enfin
dans vos prières de la journée. Voilà bien être qu'une foule d'autres pécheurs. Nous allons même
vraiment vigilant. Car il peut arriver que, tout en jusqu'à participer indignement à des sacrements
priant la nuit, on ne soit encore qu'un être en- merveilleux et redoutables, sans cesser de nous
dormi, et que de jour on veille, même sans prier; permettre l'envie, la cruelle détraction. Quelques-
te! esl celui qui dirigera son cœur vers Dieu, pen- uns d'entre nous s'enivrent même souvent. Or
sant avec qui il a l'honneur de s'entretenir, etàqui une seule de ces fautes suffit à nous chasser
vont monter ses paroles; celui qui se souviendra du céleste royaume ; et quand elles s'entassent
que les anges sont là, pénétrés de crainte et de les unes sur les autres, quelle défense peut nous
tremblement, tandis que lui-même s'élire et bâille rester encore?
en approchant de Dieu. Oui, mes frères, nous avons besoin, et à un
Les prières sont des armes puissantes, quand bien haut degré, de pénitence, de prière, de pa-
on les fait avec le cœur et l'intention requise. Et tience, d'attention persévérante, pour gagner enfin
pour vous en faire comprendre le pouvoir, jugez- les biens qui nous sont promis. Que chacun de
en par ce fait :que l'impudence et l'injustice, la nous s'écrie donc « Seigneur, ayez pitié de moi
:

cruauté et l'audace déplacée cèdent pourtant à des « qui suis un pécheur » Et non-seulement di- !

prières assidues témoin l'aveu du juge inique de


: sons-le, mais ayons de notre triste état une vraie
l'Evangile Luc, viii, 6.) La prière triomphe aussi
( et profonde conviction, et si un autre nous accuse
de la paresse ; et ce que l'amitié n'obtient pas, une d'être, en elTet, des pécheurs, ne nous irritons
de0»ande assidue et imporlune l'arrache; s'il ne point. Ce pénitent, lui aussi, s'entendit accuser
lui accorde pas la chose à titre « d'ami », dit No- par le pharisien qui disait :« Je ne suis pas comme
tre-Seigneur, « il se lèvera cependant pour la lui ce publicain »; et il ne s'en est ni fâché, ni même
(i

» donner, afin de se défaire de ce solliciteur cf- piqué. L'autre lui montrait ironiquement sa bles-
« fronté » (Luc, xi, 8) ; l'assiduité lui fera mériter sure; lui, il en cherchait le remède. Disons donc,
une grâce dont il n'était pas digne d'ailleurs. « Il nous aussi Ayez pitié de moi qui suis un pé-;
:
_

S6S TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

cheur un aulre nous le dit, n'en soyons pas


! et si lourdes à votre conscience, quand vous en accep-
indignés.Que si nous savons nous accuser comme tez le reproche de la bouche des autres ; ils pren-
coupables de fautes sans nombre, mais que nous nent sur eux votre propre fardeau, et vous font
répondions par la colère aux accusations du pro- entrer dans la vraie sagesse.
chain, évidemment nous n'avons ni humilité, ni Ecoutez ce que disait un saint, le roi David,
confession , mais au contraire, ostentation et quand Séméi le maudissait. « Laissez-le m'insul-
vaine gloire. —
Comment, direz-vous! Est-ce « ter. Le Seigneur le lui a commandé, afin de voir
donc ostentation que de s'appeler péclieur? — «mon humilité; le Seigneur me rendra le bien
Oui, c'est ostentation , puisque nous cherchons « en retour des malédictions que cet homme me
jusque dans l'humilité, la gloire et l'estime pu- t lance aujourd'hui ». (H Rois, xvi, 10.) Et vous
bliques; nous voulons qu'on nous admire, qu'on qui dites de vous-même tout le mal imaginable,
nous loue. Ici donc encore nous agissons pour la vous vous emportez parce que vous n'entendez pas
gloire. Qu'est-ce, en ellel, que l'Iiumiliié? Con- des lèvres d'aulrui un éloge et des louanges ré-
siste-t-elle à supporter les outrages dont on nous servées à de grands saints Vous voyez bien que !

accable, à reconnaître nos péchés, à accepter les vous jouez indignement dans un sujet qui n'ad-
jualédictions ? Non là n'est pas encore Phnmiliié,
; met pas un tel jeu Car, c'est repousserla louange
!

mais seulement la candeur et la simple droiture par soif d'autres louanges, pour gagner même de
<le l'àme. Nous avouons de bouche notre condi- plus grands éloges, pour acquérir une plus large
lion de pécheur, noire indignité, et nos autres admiration. En repoussant ainsi certains compli-
misères semblables; mais qu'on nous fasse seule- ments, on a en vue de s'en attirer de plus beaux;
ment un reproche pareil, nous perdons patience, nous faisons tout dès lors pour la vanité el non
la colère nous monte! Voyez-vous que notre con- pour la vérité ; dès lors aussi toutes nos œuvres
duite n'est point une humble confession, pas sont vides et douteuses. Je vous en supplie donc,
même un acte de droiture et de franchise? Puis- fuyez désormais, du moins, cette vaine gloire, et
que vous vous êtes déclaré tel, soulfrez donc sans vivons selon la volonté de Dieu , pour acquérir
colère qu'un autre vous le dise et vous accuse ; un jour les biens promis en Jésus-Christ Noire-
vos fautes, en eiret, deviennent ainsi moins Seigneur.

HOMELIE XXVIII.
tES SAINTS OM ÉTÉ VAGADONDS, COUVERTS DE PEAOX DE CBÈVUES ET DE DHEBIS, lUANQUANT DE TOUT,
AFFLIGÉS, PERSÉCUTÉS. (CIIAP. XI, 37, JUSyU'A XII, 3.)

Analyse*
1-3. Vertus d'Elic H des autres ?3in!s du désert; leur vie semblable, pour les peines, à celle des Bébreux. — L'exemple des
saints nous anime : celui de Jésiis-dinst nous transporte.
t il 7. La soultrance nous est eusei'^'iiée par la passion de Jésus-Christ et par ses exhortations. — La pauvreté, que saint
Paul nous apprend par ses paroles et ses exemples. — L'enter, indiqué en passant cuuiine le plus graud de tous les maux;
le ciel, comine le plus grand de tous les biens. — Le luxe des valets et des équipages surtout pour les femmes. — Trèscu-
ricui détails. — Le luxe des véleuicnls, toujours pour les femmes. — Longue et nugnilique apostrophe, où toutes les philip-
piques modernes peuvent s'Inspirer. —
La beauté vraie et la virginité de l'imc. — Idées sublimes.

t. Il est un sentiment que j'éprouve toujours, lant des apôtres, qu'on les a vus mourir sous le
mais surtout quand je rélléchis aux exemples de tranchant de l'épée ou sous les pierres de la lapida-
droiture et de vertu des saints. Je me prends à dé- tion,; mais il Elle, qui a subi
revient aussitôt à
sespérer de moi, à me décourager, en voyant que les mêmes épreuves que Hébreux. Sans doute
les
nous n'acceptons pas môme en rêve d'entreprendre qu'il ne leur suppose pas autant d'enthousiasme
les œuvres et la conduite dont les saints ont fait pour les apôtres, et c'est pourquoi il les ramène à
l'expérience pendant toute leur vie; eux qui ont ce Prophèie qui fut enlevé vivant au ciel et qui
enduré de perpétuelles allliciions, non-seuleinent avait joui d'une immense admiration, alin d'être
pour l'expiation de leurs péchés, mais par le seul iljlus sûr de les consoler el de les ranimer.

amour de la vertu. Et tenez, étudiez seulement « On lésa vus », dit-il, « errants, couverts de

Elle, auquel en ce jour notre sujet nous ramène c< peaux de brebis el de chèvies, abandonnés, aflli-
car c'est de lui que l'apùtre a éciil : « Les sainls « gés, persécutés, eux dont le monde n'était pas
a ont été viigabonds sous de pauvres vêtements». « digne (38) ». lis n'avaient pas de vêlements,
C'est par ce Prophète qu'il clôt la liste des exem- remarque-t-il, point de patrie, point de maison,
ples qu'il propose aux Hébreux ; et il n'a garde de pas même de letraile, tant élait grande leur tri-
l'oublier, paice qu'il leur est en quelque sorle un tiiilalion semblables, en ce dernier trait, à Jésus-
;

fait i)efSonnel et familier, il vient de dite eu par- Chiist qui disait « Le '""ils de rhorame n'a pas
;
COMMENTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVIII. 560

« un lieu où reposer sa lèle ». (Matth. yiii, 20.) viendront après toi? Vois-tu bien que nous leur
Qu'ai-je dit: Pas de retraite? Ils n'avaient pas sommes préférés et que notre condition est plus
même une halle ici-bas. En vain s'étaient-ils heureuse que la leur? Dieu, dit saint Paul, a prévu
réfugiés dans la solitude, ils n'y trouvaient point et préparé pour nous un sort meilleur. Pour qu'ils
de repos. Car l'apôlre ne dit pas Ils séjournaient
: ne parussent pas, en effet, de meilleure condition
dans la solitude ; non, mais, arrivés là, ils fuyaient que nous-mêmes, s'ils avaient été couronnés les
encore; ils se voyaient chassés de ces lieux, et premiers, Dieu a déterminé une époque où nous
non-seulement de tout pays habité, mais même serons couronnés tous ensemble. Le héros vain-
des contrées inhabitables; et l'apôtre rappelle les queur tant d'années avant toi, reçoit avec toi la
lieux où ils passèrent, en même temps que les couronne. Admire sa sollicitude et sa bonté. L'a-
événements qui vinrent les y poursuivre. — « Pri- pôlre ne dit pas Afin qu'ils ne fussent pas
:

> vés de tout, affligés ». On vous accuse pour couronnés sans nous ; mais « Afin qu'ils ne
:

• isus-Christ, dit l'apôlre; Elle le fut comme « reçussent pas sans nous la consommation de
^ ous. Quel grief avait-on contre lui pour Tac- « leur bonheur ». Ils ne la recevront qu'alors. Ils

1 user, le bannir, le poursuivre, le réduire à nous ont précédés au combat, ils ne nous ont pas
combaltre avec la faim ? Les Hébreux souf- devancés pour les couronnes. Dieu ne leur a fait
fraient précisément alors des tribulations de même aucun tort, et il nous fait un grand honneur.
genre, comme il est raconté ailleurs « Les dis-
: Pour eux, ils nous attendent comme des frères.
« ciples résolurent d'envoyer des aumônes à ceux Si nous ne sommes tous qu'un seul corps, il y a
« de leurs frères qui étaient affligés. Ils statuèrent pour ce corps plus de plaisir à être couronné
« que chacun, selon son pouvoir, enverrait pour ensemble que par parties. En ce point même les
« aider les frères qui habitaient en Judée, en pre- justes sont admirables de se réjouir du bonheur de
« nant sur leur propre nécessaire ». (Act. xr, 29.) leurs frères comme s'il leur était propre. C'est
« Affligés », ajoute-t-il, c'est-à-dire maltrailés, donc encore un désir de leur âme qui se réalise,
condamnés à de rudes voyages, exposés à maints que d'être ainsi couronnés avec leurs membres.
périls. — « Ils étaient vagabonds » : En quel Etre ainsi tous ensemble glorifiés, c'est un plaisir
sens? Il l'explique « : Errant dans les déserts, ineffable *.

« les montagnes, les cavernes et lesantres de la 2. Puis donc que nous sommes environnés
«
« terre ». Semblables, dit-il, à des fugitifs et des «d'une si grande nuée de témoins», (xii, 1.)
émigrants, à des contumaces convaincus de crimes L'Ecriture, souvent, emprunte des motifs de con-
abominables, indignes même de voir le soleil; solation aux accidents mêmes et aux peines qui
et la solitude ne leur procurait point un refuge, nous arrivent. Ainsi on lit dans le prophète Isaîe :
mais il leur fallait chercher toujours de nouvelles « li vous délivrera de la chaleur, de la sécheresse
cachettes, s'enfouir dans la terre, vivre dans une « et des pluies violentes ». (Isaïe, iv, 6.) Et dans
crainte perpétuelle. le roi David « Le soleil ne vous fatiguera pas
:

Cependant toutes ces personnes à qui l'Ecri-


« « pendant le jour, ni la lune pendant la nuit ». (Ps.
« tare rend un témoignage si avantageux à cause cxx, 6.) C'est ce que dit ici saint Paul «Ayant donc :

« de leur foi, n'ont point reçu la récompense « sur nos têtes une si grande nuée de témoins ».
« promise. Dieu ayant voulu, par une faveur par- Le souvenir de tous ces saints, comparable à uq
« liculière, qu'ils ne reçussent qu'avec nous l'ac- nuage qui donnerait de l'ombre au voyageur
« complisscment de leur bonheur (39, 40) ». exposé, brûlé par un soleil trop ardent, soulage
Quelle est donc la récompense d'une foi si grande? et ranime une âme fatiguée. Et l'apôtre ne dit
Quel en sera le prix? Il sera tel qu'aucun dis- pas Un nuage élevé bien haut et loin de nos têtes,
:

cours ne saurait l'exprimer. Car Dieu a préparé mais au contraire, « posé sur nous » ; ce qui
pour ceux qui l'aiment une félicité que l'œil n'a est bien autrement agréable, et qui doit, selon lui,
point vue, que l'oreille n'a point entendue, que le
^ Après avoir donné de nombreux exemples de la puissance de Ia

cœur de l'homme ne pourrait comprendre. foi sous l'Ancien Testament, l'apôtre pour eonclusiou fait voir en
« Mais ils ne l'ont pas encore reçue » ; ainsi ils quelques mots comment cette vertu néanmoins était encore quelque
l'attendent encore, après être morts dans des tri- chose de borné, et jusqu'à quel point la vertu de la foi dans iea
temps chrétiens lui tst supérieure. Tous ces saints personnages,
bulations si douloureuses. Depuis tant d'années dit-il, ont bien, en vertu de leur foi, obtenu leur justification, mais
qu'ils ont cessé de vivre, ils n'ont pas encore ils n'ont pas été mis en possession de l'objet des promesses faites

reçu ; et vous seriez affligés de ne pas recevoir à leur foi dans son sens le plus élevé, parce que Dieu avait décrété
que l'objet des promesses, dans son sens le plus élevé, le bien le
déjà, vous qui combattez encore? Représentez-
plus excellent, à savoir le royaume du ciel, ne commencerait que
vous cette position étonnante d'Abraham et de plus tard, et qu'il serait également noire partage, afin que tous, nous
Paul, attendant la consommation de votre bonheur ici bas, eux dans l'autre vie, nous puissions y entrer, et parvenir

pour recevoir alors leur pleine récompense. Car enfin tous ensemble à la consommation. 11 faut ici prendre la pro-
messe dans son objet le plus élevé, le royaume du ciel, dans toute
le Sauveur leur a dit qu'ils ne l'auraient pas, sans
l'étendue de son acception, depuis son commencement en ce monde
que nous soyons là pour la recevoir avec eux, jusqu'à sa consommation aiijour delà consommation et dujigement.
comme un père dit à ses enfants qui ont fini leur La consommation n'aura lieu qu'en ce jour, parce que ce ne sera
qu'alors que s'clfeotuera la rédtmplion du corps {.\uyuslin, Jérôme,
ne se mettront pas à fable avant que
travail, qu'ils
Chrysostome). Du reste l'apôtre a déjà dit ci-dessus ^l.v, B) que tant
leurs frères soient venus. Et toi, tu fafUiges de qu'a subïi^te l'ancienne alliance, et que Jésus-Cbrii^t n'a point ea
n'avoir pas encore touché ton salaire? Que fera consommé son sacrifice, le ciel était fermé ; d'oii il suit que ^
donc Abel qui a vaincu avant nous et n'a pas reçu anciens patriarches avaient été, il est vrji, juslitiés, maiii -,. iis ne
pouvaient encore jouir du fruit de la justification i' a fallu qu'ils
lacouronne? Que fera iNoé, qui a voeu dans ces
;

attendissent le sacrifice de Jésus-CbrUt aiia "^'-'-vrer ensuite av^c


temps lointains, et qui t'attend, toi et ceux qui lui dans le ciel. (J, F, D'AUioUj,
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

nous montrer qu'ainsi placé sur tout notre hori- Car, le pouvoir de déposer mon
disait-il, « j'ai
zon, il nous procurera plus d'ombre et de sécurili^. « âme pouvoir aussi de la reprendre ». (Jean,
et le
— Quelle est « celle nuée », et quel, ce nombre X, 18) Si donc, sans nécessité aucune de subir la
de « témoins? » Il s'agit de témoins empruntés croix, il a voulu pour nous monter en croix, com-
soit à l'Ancien, soit au Nouveau Testament. Les bien plus est-il juste que nous souffrions tout
premiers aussi ont été vraiment martyrs, témoins pour lui? —La joie lui élail proposée, dit saint
atlcslant avec courage la grandeur de Dieu; ainsi Paul, et il a subi la mort, « mépiisanl l'opprobre ».
les trois enfants, ainsi Elie et tous les propbèles. En quoi, ce mépris de l'opprobre? C'est qu'il a
« Dégageons-nous de tout ce qui appesantit ». choisi, dit l'apôtre, une mort infâme. Je com- —
Qu'i'si-ce que tout ce fardeau ? La somnolence, la prends, direz-vous, qu'il soit mort; mais pour-
négligence, tout le bagage, en un mot, des pen- quoi si honteusement? —
Uniquement pour nous
sées humaines. « Et le péché si facile à environ- apprendre à regarder comme rien toute gloire qui
« ner ». Cette expression a deux sens Le péché : vient des hommes. Sans avoir jamais été assujéti
facilement nous entoure et nous assiège; ou bien, au péché, il a choisi une mort semblable, pour
et je préfère l'entendre ainsi, le péché facilement nous apprendre à êlie hardis contre elle, à l'esti-
sera jiar nous-mênie environné et battu ; car, si mer connne le néanl. —
Enfin, pourquoi l'apôtre
nous le voulons, il nous est aisé de le vaincre.— ne dit-il pas Méprisant « la tristesse », mais l'op-
:

f Courons par la patience dans la carrière qui probre et la honte? Parce qu'il affronta la mort
« nous est ouverte ». Il ne dit pas Combattons,: sans tiislesse.
luttons, faisons la guerre ; mais ce qui est plus Or, écoutez quelle fui la fin, pour Jésus? «Et
doux que tout cela, car il ne nous propose qu'une « maintenant il esl assis à la droile de Dieu ».
course. 11 ne nous dit pas davantage Soyons les : Vous voyez le prix du combat que suint Paul décrit
premiers à courir; mais seulement Fournissons : autrement ailleurs: « C'est pouiquoi Dieu l'a cxullé
une carrière soutenue et persévérante, et ne nous « et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout
montrons pas lâches ni énervés. Courons, dit-il, « nom, de sorte qu'au non) de Jésus, loul genou
dans la lice devant nous ouverte. « fléchit». (Philip, ii, 9.) Il parle de la .sainte hu-
Enfin lu consolalion principale, la souveraine manité de Jésus. Ainsi, liien évidemment, (luand
cxhorlalion, le premier et le dernier de tous les même on ne nous pioposerail aucun piix de la
exemples, l'apôtre le propose , c'est Jésus-Christ. victoire, un tel exemple suffirait pour nous délcr-
« Jetant les yeux sur Jésus-Christ, l'auteur el le miner à soutenir chacun vaillannneiU notre lulte
«consommateur de notre foi (2) » c'est bien ce ; el notre combat. Maisniainlenanl, des réconipen-
que Jésus-Christ disait constamment de lui-même ses aussi nous sont ofl'crtes, el non des piix tels
à ses disciples « S'ils ont appelé le maître lîéel-
: quels, mais de grands, mais d'incITables prix.
« zébulh, combien plusses serviteurs!» El ail- Ainsi, quelle que soit la soullrance qui nous ait
leurs : « Le disciple n'est pas au-dessus du Maître, visités, pensons à Jésus, plutôt même qu'à ses
« ni l'esclave au-dessus de son propriétaire ». apôlres. Pouiquoi? C'est que toute la vie du Sau-
(Malth. X, 24, 2o.) Donc, regardons-le, dit saint veur fut remplie d'amertume. Toujours il entendit
Paul, afin d'apprendre à courir; oui, voyons tou- d'horribles accusations de folie, de séduction, de
jours Jésus-Christ. En effet, de même que pour faux miracles; les juifs disaient lanlôt i Cet :

apprendre un art ou pour nous dresser à une lutte « homme ne vient pas de Dieu » ; tantôt « Non, :

quelconque, le regard fixé sur un maître nous « il séduit les masses » ; lanlôt « Ce séducleur :

grave dans l'espril ses procédés, el notre vue lui « disait quand il vivait encore : Je ressusciterai
dérobe tous ses secrets ; ainsi, dans la vie pré- « dans trois jours ». Ils l'accusaient de jonglerie
sente, si nous voulons fournir notre course, et cl de magie, disant « C'est par Bécizébiilli qu'il
:

surtout la fournir honorahlemimt, nous regardons « chasse les démons » ils le taxaient de fou, do
;

vers Jésus, l'auteur et le consommateur de notre possédé du diable « N'avons-nous pas raison do
:

foi. Et pourquoi ces deux litres? C'est qu'il nous « dire qu'il est fou et possédé du démon ? » (Jean,

a donné la foi, qu'il nous en a versé le principe. IX, IG; VII, 12; X, 20 Mallh. XXVII, 03; Xll, 24.)
;

C'est encore une de ses paroles à ses disciples : El il enliuidail cet ulIVeux langage, pendant qu'il
«Vous ne m'avez pas choisi c'est moi qui ai fait
; les accablait de ses bienfaits, iiu'il faisait des mi-
«choix de vous ». (Jean, xv, to.) Paul disait do racles, el montrait les œuvres d'un Dieu. Qu'on
même : « Je le connaîtrai alors, comme j'ai été eût ainsi parlé de lui, s'il n'avait rien fait, on
« connu de lui ». (1 Cor. xiir, 12.) \i\ si Jésus a dé- serait moins surpris. Mais qu'enseignant une doc-
posé en nous le principe el le germe, c'est lui en- trine de vérité, il s'eulendil appeler séducleur;
core qui nous donnera la fin et le fruit. que chassant les démons, il s'enlendît insulter
«Jésus au lieu d'une vie heureuse et tranquille comme possédé du démcm qu'on l'appelilt men- ;

«qui lui était proposée, a souffert la croix, en nié- teur et hypocrite, lui qui démolissait toute four-
« luisant la honte et l'ignominie ». Comprenez: berie, n'est-ce pas étonnant et incroyable? Telles
qu'il lui était permis de ne pas souffrir, s'il l'eût étaient pourtant leurs accusations de tous les
préféré; car il n'a jias commis de péché, et le jours.
mensonge ne fut jamais trouvé dans sa bouche 3. Voulez-vous entendre les plaisanteries et les
(Isuïe, Liit, 9); lui-même Taltesle au saint Evan- moqueries qu'cjn lui décochait? La moquerie
gile : t Le prince de ce monde est venu, mais il est bien ce qui nous mord le plus vivemeni au
« n'a aucune prise sur moi ». (Jean, xiv, 30.) Il cœur. EIj bimi voici, d'abord, contre sa nais-
!

éluit donc libre de ne pas marcher au Calvaire. sance. « N'est-il pas », disaient les juifs, « n'esi-il
.

'

COMMENTAIRE SUR L'ÉPiTRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVIIl. 571

« pas le fils d"ua charpentier? ne connaissons- «j'ai fait maints pénibles voyages, avec afflic-
« nous pas et son père et sa mère? Tous ses frè- « lions, angoisses, famine ». (Il Cor. xi, 24.) Or,
« res ne sont-ils pas parmi nous? » (Matth. xiii entendez-le vous dire aussi combien une telle vie
5S.) Plaisantant le Seigneur sur sa patrie, ils 1 plaisait à Dieu «Pour cela j'ai trois fois prié le
:

disaient natif de Nazareth, et ajoutaient : « Infor- « Seigneur, et il m'a répondu Ma grâce le suffit; :

ci niez-vous, et soyez sur qu'il ne sort point de « car ma puissance éclate dans l'infirmité». Aussi
« Prophète de la Galilée ». (Jean, vu, 52.) Toutes ajoule-t-il : « Je me complais dans mes inflr-
ces calomnies le trouvaient patient toujours! Ils « mités, dans lesafllictions, les nécessités, les an-
ajoutaient « L'Ecriture ne dit-elle pas que le
: « goisses, les plaies, les prisons, afin que la vertu
« Messie doit venir du bourg de Bethléem? » « puissante de Jésus-Christ habite en moi ».
(.Ie;in, vn, 42.) — Voulez-vous entendre les mo- (il Cor. XII, 8.) Enfin écoutez la parole même de
queries insultantes qu'on employait à son égard? Jésus-Christ : « Vous aurez l'affliction en ce
Venant, dit l'Ecriture, jusqu'au pied de la croi.x, «monde ». (Jean,xvi, 33.)
ces gens l'adoraient, le frappaient, lui lançaient « Pensez donc en vous-mêmes à celui qui a

des souiflels et disaient : « Dis-nous qui t'a « souffert une sigrande contradiction des pécheurs
frappé? » Et lui ofTrant du vinaigre « Si tu es : « qui se sont élevés contre lui, afin que vous ne
« le Fils de Dieu », s'écriaient-ils, « descends de la « vous découragiez pas et que vous ne tombiez
«croix». (Malth. xxvi, 68 et xxvii, 40.) Déjà un « point dans l'abattement (3) ». Saint Paul a bien
serviteur du grand prêtre lui avait donné un souf- droit de tenir ce langage. Car si les souffrances du
flet, et il répondu qu'un mot « Si j'ai mal
n'avait : prochain nous animent, combien plus d'ardeur et
que j'ai dit de mal mais si
a parlé, faites voir ce ; d'amour doit réveiller en nous la passion de
«J'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous?» N'olre-Seigneur? Quel merveilleux effet doit-elle
Pour mieux l'insulter, ils lui mirent une chla- produire?— remarquez comment saint Paul,
Et
myde de pourpre et lui crachèrent au visage, sans en négligeant le détail des peines du Sauveur, les
cesser dei'accabler de questions perfides et de ten- résume toutes en ce mot: « Contradiction »; souf-
tations. —
Voulez-vous constater les accusations flets sur les joues, moqueri.'s, insultes, repro-
publiques ou secrètes, celles mêmes que ses dis- ches, railleries; l'apôtre ne fait qu'indiquer ces
ciples formulaient contre lui, puisque lui-même horreurs par ce mot contradiction ;et pourtant en
leur demandait « S'oulez-vous aussi vous en
: dehors de celles-là, il y a toutes celles encore qui
« aller?Possédé du démon » (Jean, vi, 68, et vu, ont accompagné son enseignement évangélique.
20), c'était un mot que prononçaient de lui ceux Pensons, mes frères, pensons toujours à cette
mêmes qui avaient cru en lui. Enfin, répondez- vie et à cette passion du Sauveur; occupons-en
moi, n'est-il pas vrai qu'il en était réduit à s'en- nos cœurs et le jour et la nuit, sachant que nous
fuir, tantôt en Galilée, tantôt en Judée? Ne fut-il en recueillerons des fruits immenses, et des avan-
pas dès le berceau ballotté par toutes sortes d'é- tages inappréciables. Oh oui ! c'est une grande,
preuves? Ne fallut-il pas qu'encore enfant, sa c'est une inetîable consolation que les souffrances
mère l'emportât en Egypte? C'est en souvenir de de Jésus-Christ, que celles encore de ses apôtres.
tant de douleurs que saint Paul a dit « Jetons les : Notre-Seigneur savait si bien que celte voie est la
« yeux sur Jésus, l'auteur et le consommateur de meilleure pour la vertu, que sans être obligé, lui,
« notre foi, qui, au lieu de la vie tranquille et d'embrasser cette route, il y est entré tout d'abord;
« heureuse dont il pouvait jouir, a souffert la croix tant il l'altliction comme une grâce,
regardait
« en méprisant la honte et l'ignominie, et qui main- comme mère d'un plus grand repos et d'une
la
« tenant est assis à la droite du trône de Dieu ». douce paix dans le monde à venir. Au reste, en-
Jetons donc nos regards sur lui, et sur ses dis- tendez-le : « Si quelqu'un ne porte pas sa croix et
ciples; lisons les souSrances de Paul; écoutons- « ne marche pas derrière moi, il n'est pas digne
le, qui nous dit « 11 nous a fallu grande patience
: « de moi ». (.Vaiih. x, 38.) Comme s'il disait : Si
« dans les maux, dans les tribulations, dans les tu es mon prouve que tu l'es en effet
disciple, :

» nécessités pressantes, dans les persécutions, les imite ton maître. Que s'il est venu par la route de
« angoisses, les plaies, les prisons, les séditions, l'application, tandis que tu prétends marcher par
«les jeûnes, les travaux, la chasteté, la science» ; celle du repos et des loisirs, non, ce n'est plus sa
et ailleurs: « Jusqu'à celle heure nous souffrons voie que tu veux suivre, mais un tout autre che-
« la faim et la soif, la nudité elles mauvais traite- min. Comment le suivre sans être sur ses traces?
« ments ; nous n'avons point de demeure stable; Comment es-tu un disciple sans marcher derrière
« nous travaillons avec beaucoup de peine, de nos ton maître? Paul t'a condamné dans les mêmes
«propres mains; on nous maudit, et nous bénis- termes « Nous sommes les faibles; et vous, les
:

sons; on nous persécute, et nous le souffrons; « forts ; nous sommes les gens méprisés; vous,
« on nous dit des injures, et nous répondons par « les honorés » (I Cor. iv, 10.) Comment est-ilrai-
!

« des prières». (11 Cor. vi, 4; I Cor. m, 11.) sonnable que nous suivions des directions si op-
Quelqu'un a-t-il soull'ert la
partie de moindre posées quand vous êtes nos disciples, et que nous
maux pareils? On nous en séduc-
traite, dit-il, sommes vos maîtres? Donc la souffrance, mes
teurs, en infâmes, en êtres vils et qui n'ont rien. frères, est une grande puissance car elle produit :

Et ailleurs « J'ai reçu des juils, en cinq fois dif-


: ces deux grands effets, qu'elle efface nos péchés
férentes, trente-neuf coupsde fouet j'ai été baitu ; et qu'elle nous donne force et vigueur.
t de verges par trois fois, j'ai été lapidé une fois, 4. Mais ii'arrive-t-il pas, direz-vous, qu'elle ren-
« j'ai passé une nuit et un jour au fond de la mer, verse et qu'elle ruine ? —
Non, la souD'rancc ne
tr,i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

produit point ces malheurs ; n'en accusons que durée. Que voulez-vous comparer, en effet, avec
notre làciielé. Si nous sommes sobres et vigilants, ces terreurs si légitimes et si effrayantes de l'ave-
si nous prions Dieu de ne pas permettre que nous nir; avec ce feu qui ne peut s'éteindre; avec ce
soyons lenlOs au-delà de nos forces ; si nous nous ver qui ne peut mourir? Est-il un mal du siècle
tenons toujours éiroitement attachés à lui, nous qui égale le grincement des dents, les chaînes,
serons toujours dt^bout, nous lerons face à l'en- les ténèbres extérieures, les fureurs, la désolation,
nemi. Tant que nous aurons Dieu pour auxiliaire, les angoisses de ces supplices? Mais vous com-
en vain les tentations souflleront plus impétueuses parez la durée, peut-être? —
Eh! que font dix
que tous les vents à la lois, elles ne seront pour mille ans auprès des siècles infinis et intermi-
nous que pailles et feuilles légères, qu'un rien nables? Ce qu'est une petite goutte d'eau, n'est-ce
dissipe au hasard. Ecoutez la parole de l^aul « En : pas, en présence du grand abinie.
« tous ces combats nous sommes vainqueurs ». Préférez-vous comparer bonheur avec bonheur?
Et ailleurs : « J'estime que toutes les soufl'ranccs Celui du ciel est iiilinimeni supérieur. « L'œil de
« de ce siècle ne sont point dignes d'être compa- « l'homme n'a point vu l'Ecriture, « son
», dit
« rées avec la gloire à venir qui sera manifestée « oreille son cœur ne pourra
n'a point entendu,
« en nous ». (Rom. vin, 37 et 18.) Et ailleurs : «jamais comprendre cette félicité souveraine».
« Notre Iribulation présente, légère en elle-même, (1 Cor. Il, 9.) Et sa durée se prolongera dans l'in-

« et purement momentanée, nous produira un ex- tinilé des siècles. Pour elle, par conséquent, ne
t ces incroyable, un poids inellable de gloire éler- serait-il pas avantageux d'être mille fois déchirés
« nelle ». (Il Cor. iv, 16.) Remarquez quels périls vivants, tués, brûlés, de subir mille morts enfin,
aiïreux, quels naufrages, quelles ainictions sans de supporter en paroles et en faits tout ce qu'il y
nombre il qualitie de maux légers. Soyez l'émule a de plus rude et de plus affreux ? Devrions-nous
de ce cœur de diamant enveloppé d'un corps fra- passer, si c'était possible, toute la vie présente
gile et soulTreleux. dans fiammes dévorantes, qu'il faudrait ainsi
les
Vous èies dans la panvrelé, peut-être Mais non ! tout accepter pour gagner les biens que Dieu nous
toutefois dans une misère comme
de Paul, celle garde.
qui luttait avec la faiin, la soif et la nudité. Car il Mais que parlé-je ainsi à des hommes qui loin
ne soullril point tous ces maux seulement un jour de consentir à mépriser l'argent, le poursuivent et
par rencontre, mais continuellement il les endura. s'y attachent comme à la seule ricliesse immor-
Et la preuve? Vous la trouverez dans sa parole : telle, à des hommes donné quel-
qui, pour avoir
« Jusqu'à ce jour nous ne cessons de subir la que petite chose sur une fortune immense, croient
t faim, la soif, la nudité ». (I Cor. iv, 11.) Et ce- avoir tout fait? Non, ce n'est pas là l'aumône.
pendant quelle gloire il avait déjà acquise dans la L'aumône vraie, c'est le fait de celte veuve qui
prédication, lorsqu'il était encore réduit à toujours verse tout généreusement, jusqu'à sa dernière
ainsi souffrir car il avait dépensé vingt années
! obole. Si vous n'avez pas leco'urdedonner autant
di'jà dans l'enseignement de l'Evangile, quand il qu'une pauvre veuve, donnez du moins votre su-
éciivait ces mots « Je connais », en effet, dit-il,
: perllu, gardez le nécessaire, et rien au delà mais :

« un homme qui fut ravi au paradis il y a quatorze personne ne sait faire le sacrifice même du su-
« ans, est-ce avec ou sans son corps, je ne sais ». perdu. J'appelle superlluité ce nombreux per-
(U Cor. XII, 2.) Et ailleurs « Trois ans après je
: sonnel qui vous sert, ces vêtements de soie qui
€ montai à Jérusalem »(Gal. i,18) ; et dans un autre vous couvrent. Rien n'est moins nécessaire , rien
jiassage « 11 me serait plus avantageux de mou-
: moins utile même que ce dont nous pouvons nous
« rir, que de permettre à personne d'atténuer ma pasfjer pour vivre; voilà, oui, des superiluités, et
« gloire ». Et ce texte se lie à celui-ci : « Nous pour le dire une fois, de véritables excès.
€ sommes devenus conmie les balayures de ce Voyons toutefois, s'il vous plait, quel est l'indùs-
a momie ». (I Cor. ix, 15; iv, 13.) pcnsable nécessaire de la vie. Avec deux servi-
Quoi de plus pénible que la faim, que le troid, teurs seulement, nous pouvons vivre. Car puisque
que les complots imaginés même par des frères, plusieurs personnes, à nos côtés, vivent sans ser-
qu'il apiielle de faux Irères? N'osail-on pas l'ap- viteur aucun , quelle excuse avons-nous, si deux
peler la peste du monde, un imposteur, un démo- domestiques ne peuvent nous suffire? Nous pou-
lisseur ? N'était-il pas déchiré par les fouets cruels? vons très-bien nous logiu- dans une maison de
Appliquons à ces excm[des, mes frères, nos médi- briques, pourvu qu'elle ail trois appartements :
tations, nos pensées, nos souvenirs, et jamais voilà le suffisant assurément. Car n'ya-l-il pas des
nous n'éprouverons de découragement, d'abatte- pères de famille, ayant femme et enfants, qui se
ment, quand même l'injustice nous opprimerait, contentent d'une seule habitation? Or, si vous
quand tous nos biens nous seraient volés (;t qu'on le voulez absolument, on vous accorde des do-
nous ferait subir des maux il l'infini. Qu'il nous mestiques.
soit donné seulement de trouver au ciel une mois- Mais, dira une grande dame, n'est-il pas hon-
son d'estime et d'honneur, et tout devient sup- teux pour une personne d'un certain rang, de )ia-
portable. Puissions-nous faire dignement nos af- railrc en public avec deux domestiques seule-
faires d'outre-tombe , et celles d'ici - bas nous ment? —
Airière cette honte. Non, une femme de
paraîtront sans valeur; quelles qu'elles soient, haut rang n'a pas à rougir de paraître avec deux
elles ne sont que des ombres et des rêves. domestiques seulement; mais elle devrait rougir
Car ce qu'on peut attendre ou redouter sur la de se montrer avec plus nombreuse escorte. Vous
tene n'a rien de sérieux ni en soij ni dans la riez peul-êtie en m'écoutaul icij eh bien ! je ié«
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX; -- HOMÉLIE XXVflT. 8f3

pète, sa honte devrait être de parader avec toute vos besoins, parures d'or et les tissus trop
les
une escorte. Quoi pareils à des marcliands de
! fins. Et cet n'est pas de moi. Pour vous
arrêt
moutons, ou à ces cabaretiers qui vendent des prouver qu'ici vous n'entendez pas mes paro-
esclaves, vous vous feriez une espèce de gloire à les, écoutez saint Paul qui lui-même prononce,
paraître avec un nombreux coriége de serviteurs ! qui défend aux femmes de se parer avec des che-
Faste et vaine gloire, en vérité; lorsque la mo- veux frisés, avec de l'or, avec des perles, avec vos
destie, en cela, est une preuve de sagesse et d'ho- vêtements précieux et magnifiques, (l Tim. il, 9.)
norabilité. Non, ne faut pas que voire dignité
il Dites-nous alors, apôtre de Jésus-Christ, com-
se prouve par la multitude de vos suivants où : ment elles doivent se parer? Car elles sont capa-
est la vertu, à posséder toute cette valetaille? Ce bles de dire que les parures d'or sont seules des
n'est certes point une vertu de l'àme; et ce qui objets de luxe et de prix; mais que les soieries ne
ne prouve point une âme vertueuse, ne démontre sont ni de prix ni de luxe. Dites-nous donc, com-
pas non plus une càrae bien née. Quand une dame mentvoulez-vous qu'elles soient parées? «Quand —
est contente de peu, elle prouve mieux sa dignité « nous avons le vêtement et la nourriture, sachons
native; quand elle a besoin de tant d'accessoires, « nous en contenter ». (I Tim. vi, 8.) Donc, que

elle n'est qu'une servante, plus abaissée même le vêtement soit suflisant pour nous couvrir; Dieu
qu'une esclave. ne nous les a donnés que pour protéger notre nu-
5. Répondez-moi? Les anges ne parcourent-ils dité. Or, un vêtement peut remplir ce but, quand
pas notre terre habitée, seuls et sans avoir besoin même il serait de nulle valeur.

de quelqu'un qui les suive? Et, parce que nous Vousriez peut-être, vous qui portez des vêtements
avons ce besoin nous-mêmes, estimerons-nous de soie en vérité, le sujet prête à rire Que com-
: !

inférieurs ceux qui peuvent s'en passer? S'il est mande saint Paul et que faisons-nous? Car je ne
donc dans la nature del'angeden'avoirainsibesoin m'adresse plus seulement aux femmes, mais aussi
ni de la(iuais, ni de suivant, quelle est, parmi les aux hommes. Tout ce que nous avons au-delà de
femmes, celle qui se rapproche le plus de celte la règle apostolique, est superllu. Les pauvres
nature angéliqiie? Est-ce celle à qui tant de ser- seuls ne possèdent pas de superllu hélas peut-
; !

viteurs sont indispensables, ou celle qui se con- être parce qu'ils sont forcés de s'en passer; car
tente d'en avoir bien peu ? Et mieux que cette s'ils pouvaient s'en procurer, ils ne s'en feraient
dernière encore, celle qui n'en a jias du tout, pas faute plus que les autres. Mais enfin, soit en
n'a-t-elle pas le bonheur de se montrer sans être réalité, soit en apparence et par le sort, ils n'ont
remarquée? Etre remarquée, en effet, ne voyez- pas de superflu.
vous pas que, pour une femme, c'est une honte,? Portons donc des vêtements qui remplissent
Or quelle est celle qui attire les regards de toute simplement leur but. A quoi bon, en effet, y pro-
une place publique? Est-ce celle qui porte une diguer l'or? Ces oripeaux conviennent aux ac-
toilette brillante, ou celle qui est vêtue simple- teurs; laissez-leur ce costume; c'est celui aussi
ment, sans parure, sans luxe ni apprêt? Laquelle des femmes perdues à qui tout convient pour atti-
encore lait tourner de son côté tous les yeux de rer les yeux. Qu'elle se pare, l'actrice qui va pa-
la foule stationnant au forum ? Est-ce celle qui raître sur la scène , celle encore qui est danseuse
se l'ait traîner par des mules aux housses dûiées, de profession; tout leur va, pour entraîner les
ou bien celle qui marche sans appareil, naturel- hommes. Mais que la femme qui professe une
lement, mais avec bienséance et distinction ? Celle- vraie piété s'éloigne de telles parures,' et qu'elle
ci ne passe-t-elle pas inaperçue de tous nos regards, s'en réserve une autre bien plus noble et plus
tandis qu'on se presse pour voir l'autre, et que riche.
même on se demande Qui est-elle? D'où sort-
: Oui, femme chrétienne, tu as un théâtre aussi ;
elle? Ne parlons pas des jalousies qu'elle excite. pour ce théâtre sache te parer; pour lui, revêts
,

Mais, dites-moi seulement Où est la honte? Est-


: tout un monde d'ornements. Quel est ton théâtre?
ce de se faire remarquer ou de passer sans être Le ciel avec le peuple des anges pour specta-
,

vue? Quand est-ce qu'il faut rougir davantage : teurs, et ce peuple comprend aussi et les vierges,
quand tous les yeux sont sur elle , ou quand nul et les femmes du monde ou du Toute femme
siècle.
ne l'aperçoit? Quand tout le monde s'inlurniu de qui croiten Jésus-Christ parait de droit sur ce
ce qu'elle est, ou bien quand on ne s'occupe même théâtre. Pailons-y un langage digne de charmer
pas de sa personne ? de tels spectateurs. Uevéïs-toi d'ornements capa-
Voyez-vous comme nous faisons tout, non pour bles de les transporter de joie. Car, dis-moi si ;

une sainte honte, mais pour la vaine gloire?.Mais, une de ces actrices èhontées, renonçant à ses pa-
comme il est impossible de nous souslr.iire en- rures d'or, à ses vêlements somptueux, à son rire
tièrement à ces préjugés, qu'il me sullise de vous elTronté, à ses paroles séduisantes et obscènes,
rappeler que la honte véritable n'est pas là. Le prenait tout à coup une robe sans valeur; si elle
péché! voilà vraiment la chose lionteuse, bien paraissait sur les planches sans aucun éclat
que personne ne l'estime ainsi, et qu'on attache d'emprunt , et qu'on renlendit parler un langage
plus volontiers l'idée de honte à n'unporle (juoi pieux, religieux, et faire une exhorlalion à la
plutôt qu'au péché! Quant aux vêtements, fem- tempérance et à la pudeur, sans plus un mot qui
mes chrétiennes, ayez-en pour l'usage et non pour fasse rougir, est-ce que toute l'assistance ne se
le sniierlUi. El pour ne pas vous gêner ici la cons- lèverait d'indignation? Un théâtre comme
pas
cience trop élroitemeiil, mon avis et ma décla- celui-là ne pas déserté ? ou plutôt ne
serait-il
lution se bornent à proscrire, comme dépassant cliasserail-on pas cette convertie , parce qu'elle
,

en TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ne parlerait plus la langue de ce théâtre sala- Car, réponds-moi. Qu'un gentil ou qu'un infidèle
nique? entende lire ce passage de saint Paul qui interdit
Eh bien ! si vous entrez au théâtre
à votre tour, aux femmes de se parer avec l'or, l'argent , les
du ciel avecornements de la femme perdue,
les perles, les tissus précieux; que cet homme soit
tout le céleste auditoire vous chassera. Il ne faut d'ailleurs marié à une femme chrétienne, et qu'il
point là de vêtements d'or, mais d'autres, et bien l'aperçoive ensuite heureuse de se parer de cette
différents. De quel genre, alors? De ceux dont manière , fiêre de s'entourer d'or pour venir à
parle le Prophète « Elle est entourée de franpes
: l'église; ne dira-t-il pas en lui-même, en voyant
t d'or,de splendides broderies » (Ps. xuv, 14); cette femme qui se pare et se prépare dans son
il ne s'agit point de faire ressortir la blancheur et cabinet de toilette Pourquoi donc fait-elle dans
:

l'éclat de votre teint, mais d'orner votre âme ; car ce cabinet une si longue séance? Pourquoi ces
elle seule, au ciel, dispute le prix. «Toute la gloire longs apprêts? Pourquoi prend-elle aujourd'hui
« de la fille du roi est au dedans d'elle-même », ses bijoux d'or? Où veut-elle aller enfin? A l'é-
ajoute-t-il. Prenez ces vêlements glorieux, qui glise? Mais qu'y faire? Pour entendre que tout ce
doivent vous affranchir d'autres peines sans nom- luxe est condamné? A cette idée, à ce spectacle,
bre , mais qui en particulier délivrent un mari l'infidèle ne va-t-il pas rire, et rire aux éclats? Ne
d'inquiétude, et vous-même de souci. va-l-il pas croire que toute notre religion n'est
6. Une femme est d'autant plus respectable aux qu'un jeu et une duperie?
yeux lie son mari, qu'elle sait davantage restrein- Ecoulez donc, et mes avis et ma prière laissons :

dre ses besoins. Car l'homme , en général , garde aux pompes mondaines ces ornements d'or ;
toujours un secret et profond mépris pour ceux laissons-les aux tliéâlres et aux décors exposés
qui ont besoin de lui; s'il voit au contraire qu'il dans les boutiques des marchands gardons-nous ;

ne soit pas indispensable, il rabaisse son orgueil, de vouloir ainsi embellir l'image de Dieu; et
et bientôt vous traite et vous honore comme un plutôt rehaussons-la de grâce vraie et de dignité,
égal. Que votre mari vous voie donc femmes , de cette dignité qui ne s'allie jamais avec le faste
chrétiennes, n'avoir pas besoin de lui et mépriser et les ornements malséants.
même ce qu'il offre; aussitôt, malgré ses hautes Voulez-vous même gagner rhonneiirct l'estime
préienlions et l'ambition dédaigneuse de son ca- des hommes? Voilà le moyen d'y parvenir. On
ractère, il vous respectera plus que si vous portiez admirera toujours moins la femme d'un opulent
des ornements d'or, et désormais vous ne serez du siècle quand elle portera ces soieiies el ce
plus sa servante , comme on l'est nécessairement, luxe, qu'on rencontre partout, que quand elle se
comme il faut bien être l'humble sujet de ceux présentera sous une mise simple et commune,
dont on a trop besoin ; tandis que si l'on sait se avec la simple robe de laine. Ce genre, tout le
rcl'uscr noblement le superflu, on recouvre désor- monde l'admire ; celte mise, chacun y applaudit.
mais son indépendance. Qu'il sache donc, votre Car dans cette toilette qui prodigue les broderies
époux, que lorsque vous lui accordez une certaine d'or et les tissus précieux, la femme riche a bien
obéissance , c'est le motif de la crainte de Dieu des rivales ; elle surpasse l'une, mais l'autre 1»
qui vous détermine, et non [las les dons qui par- surpasse et dilt-elh; les vaincre toutes , l'impéra-
;

lent de la main d'un mari. En effet, tant qu'il trice au moins aura sur elle la victoire. Avec la
vous donne beaucoup, en vain lui rendez-vous simplicité, au contraire, elle triomphe de toutes
aussi grand honneur: il croii toujours en mériter les autres femmes, même de l'épouse d'un roi ou
davantage ; si , au contraire, vous savez vous suf- d'un empereur seule, et jusque dans l'opulence,
:

fire , il vous est reconnaissant du peu même que elle a choisi l'exléricur des pauvres.
vous lui accordez : il n'a rien à vous reprocher. Ainsi, supposé que nous aimions la gloire, la
D'ailleurs vous ne le forcez point à voler le bien voici plus grande el plus pure. Mais je ne parle
du procliain pour la triste nécessité de vous pas seulement aux veuves et aux riclies les :

sullire. veuves n'auraient l'air d'être modestes qu'à cause


Sous un autre point de vue, est-il rien de de la gêne qu'apporte le veuvage; je m'adresse
plus déraisonnable que d'acheter des parures d'or, aussi aux femmes mariées. —
Je ne plaiiai donc
pour les souiller bientôt dans bains et les
les plus à mon mari, dira l'une d'elles? Ah tu ne— !

places puhli(|ues? Encore ces folies dorées s'ex- désires pas plaire à ton époux, maisàune foule de
pliquent-elles pour ces lieux profanes des thermes misérables femmelettes ; ou plutôt loin de vouloir
ou de l'agora ; mais elles sont ridicules et insen- leur plaire, tu cherches à les faire sécher de dépit,
sées, quand on s'en décore pour poser jusque à 'aire ressortir leur pauvreté. Que de blasphèmes
dans l'église. Que vient-elle faire ici avec ces s prononcent à cause de toi !... Malheur à la
ornements d'or, celle femme qui doit y entrer pauvreté, s'écrieront-elles; Dieu déleste les indi-
précisément pour entendre que ni l'or, ni l'ar- gents; Dieu n'aime pas les pauvres! Une preuve,
gent, ni les hahlts précieux n'embellissent une d'ailleurs, une preuve évidenle que tu ne cherches
vraie chrétienne? Oui, femme chrétienne, pour- pas à plaire â ton mari , que ce n'est pas là lo
quoi entrer ici ? Serait-ce comme pour com- motif de ta toilette, c'est ta propre conduite en
battre saint Paul et pour montrer que quand ceci. A peine rentrée dans ton appartement, tu
même il te ferait mille fois la leçon, tu refuses de dépouilles aussitôt toutes tes parures, robes, bi-
te convertir? Serait-ce pour nous convaincre que, joux, perles; tu ne les portes pas chez toi.
nous aussi , prédicateurs de l'assemblée sainte Si vraiment vous voulez plaire à vos maris,
pous perdons noire temps à redire ses avis? vous en avez les moyens, je veux dire la douceur,
COMMENTAmE SUR L'ÉPÎTRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXVIIL 515

les prévenances , la sagesse. Croyez-moi bien, lequel aucune mort n'a plus d'empire. La beauté
femmes chrétiennes , lors même que votre mari charnelle est attaquée par toute sorte d'ennemis;
montrerait les penchants les plus malheureux et gardàt-elle son éclat; fùt-elle, par impossible, à
les plus abjects, voici les moyens qui le regagne- l'abri de la maladie et des chagrins, elle ne dure
ront douceur, bonté, modestie, sagesse, mépris
: pas vingt ans. Sa céleste rivale, au contraire,
d'un vain luxe et d'une dépense exagérée, humi- garde toujours et sa force et sa fleur. Ici, point de
lité et soumission. En vain imagineriez-vous mille tristes changements à redouter: la vieillesse ne
inventions de toilette , vous ne maintiendrez pas se hâte point de lui apporter les rides; la mort ne
un mari impudique et débauché. Elles le savent, tombe pas sur elle pour la flétrir; les amertumes
celles qui sont partagées d'époux semblables. En del'àme ne peuvent la corrompre: elle triomphe
vain voudrez-vous employer la parure ; s'il est de tous ses ennemis. La beauté du corps s'est
incontinent, il est vite adultère: et s'il est sage et évanouie avant même de paraître ; et pendant
pudique, ce n'est pas votre toilette qui le cap- qu'elle paraît, elle a peu d'admirateurs. Ne la cul-
tive; c'est au contraire votre modestie. Votre tivons pas, mais plutôt aimons et embrassons
luxe même l'ennuie et l'inquiète, parce qu'il lui celle qui doit un jour mettre en nos mains les
donne l'idée que vous êtes esclave de ces vaines lampes allumées, et nous conduire jusqu'en la
parures et d'un monde insensé. J'accorde qu'un chambre de l'Epoux. Ce bonheur est promis, non
mari, doux et modéré, vous respectera et ne vous pas à lavirginité proprement dite seulement, mais
exprimera point celte pensée ; mais dans son aux âmes virginales surtout; car si les vierges
cœur il vous condamne, mais il n'est pas maître seules y avaient droit, cinq sur dix n'en auraient
d'étouffer un sentiment de jalousie. De jalousie ! pas été exclues. C'est donc la récompense de tous
ô femme , de jalousie contre vous , et parce que ceux qui ont l'âme virginale, de tous ceux qui sa-
vous l'éveillez vous-même. N'est-ce pas assez vent s'affranchir des pensées du siècle , puisque
pour vous faire repousser à l'avenir tout vain ces idées sont les corruptrices des âmes.
plaisir de luxe? Oui, si nous savons conserver l'intégrité alla
7. Peut-être ne m'entendez-vous ici qu'avec pureté de nos cœurs, nous irons là-haut, et là-
chagrin ; peut-être la colère vous fait dire : Voilà haut on nous recevra. « Je vous ai fiancés, disait
qu'il irrite les maris contre leurs femmes Non, je
! « saint Paul, comme on ferait d'une seule vierge à
neveux pas irriter les maris; mais je désire, « un seul mari, comme une chaste épouse pour
épouses chrétiennes, que vous-mêmes de bon e Jésus ». (n Cor. XI, 2.) Ces paroles s'adressaient

cœur, vous fassiez ce sacrifice, non pour eux, mais non pas aux vierges seulement, mais à toute l'E-
pour vous; nou pour les délivrer de préoccupa- glise, à tous ses fidèles enfants. Gardez-vous une
tions jalouses, mais pour vous délivrer vous- âme sans lâche? vous êtes vierge, bien que
mêmes de ces fantômes de la vie mondaine. Vous vous ayez un époux ; oui, vous l'êtes, et de cette
voulez être belle ; je demande aussi pour vous la virginité que je proclame vraie et admirable. La
beauté, oui, la beauté que Dieu cherche, la beauté virginité du corps n'est que la compagne, que
qui charme le souverain Roi. Quel ami voulez- l'ombre de cette virginité seule véritable.
vous. Dieu ou les hommes? Si vous êtes ainsi Cultivons-la, et par elle nous pourrons joyeu-
vraiment belle. Dieu sera épris de vos attraits; si sement partir au-devant de l'Epoux^ et entrer avec
vous avez l'autre beauté sans celle-ci, il vous nos lampes brillantes de lumière , pourvu que
prendra en horreur, et vous ne serez aimée que l'huile n'y manque
pas, pourvu que faisant fon-
par des hommes criminels. Car il ne peut être dre et vain ornement d'or, nous
sacrifiant tout
honnête, celui qui aime une femme enchaînée par sachions les convertir en cette huile précieuse
le mariage : et c'est le triste effet d'une parure qui nourrit la flamme d'une lampe étincelante.
tout extérieure. Autant l'une, celle de votre àme, Cette huile, c'est la charité envers le prochain. Si
veux-je dire, gagne le cœur de Dieu, autant l'autre nous savons faire part aux autres de tous nos
éprend des hommes criminels. biens, si nous en faisons de l'huile ainsi, nous
Voyez-vous que votre seul intérêt m'inspire, que trouverons alors protection et défense nous n'au-
;

je suis dévoué à votre bien, à votre véritable rons pas à crier au grand jour: « Donnez-nous de
beauté? Ah oui! vous serez vraiment, d'après « votre huile, parce que nos lampes s'éteignent ».
moi, et belles et glorieuses; car la vraie gloire (Matlh. XXV, 8.) Nous n'aurons pas à faire appel aux
d'une noble femme, c'est que vous ayez pour vous autres, à courir chez ceux qui en vendent, à nous
aimer, non pas les hommes du crime, mais Dieu, voir exclus, à frapper à la porte, à entendre celte
mais le Seigneur du monde entier. Ayant si haut parole qui donne la terreur et le frisson « Je ne
:

votre ami principal, à qui ressemblerez-vous? aux «vous connais pas! " car il nous reconnaîtra;
anges mêmes dont vous conduirez les chœurs. Car car nous entrerons avec cet Epoux, et après avoir
si la personne aimée du roi est, plus qu'aucune pénétré jusque dans la chambre nuptiale de notre
autre, proclamée bienheureuse, quelle sera la di- Epoux spirituel, nousjouirons de biens ineffables.
gnité de celle que Dieu même aimera d'un amour En effet, si l'appartement de l'Epoux, ici-bas,
tendre ? Nommez, si vous le voulez, nommez et est si magnifique; si les salles '3 ses banquets
comparez l'univers avec celte beauté l'univers
: sont tellement splendides, que vue n'en fa-
',

D'en sera jamais digne ! tigue jamais, combien plus au ciel! Le ciel,
Cultivons donc cette beauté; ornons-nous de oui, est un lit nuptial; mais le lit nuptial da
cette parure, pour arriver au ciel, aux banquets l'Epoux est plus beau que le ciel. Et c'est là que
^e l'Esprit, jusqu'au lit nuptial de cet époux sur nous entrerons El si le lit uuptjal de l'Epou;^
!
S76 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

alantde beauté, quel sera l'Epoux lui-même? Epoux; et surtout pour le bonheur de marcTier

Mais pourquoi vous ai-je dil de déposer ces or- devant lui, lampe en main, d'habiter près de lui,
nements d'or pour les donner aux pauvres? Fal- de résider à tout jamais avec lui, que ne faut-il
lùl-il, ô l'emnu'S, vous vendre vous-mêmes, fallût- pas faire; quenelaut-il pas produire ; que ne faut-
il descendre avec vos enfaDts jusqu'à la seivilude, il pas supporter?

afin de pouvoir être avec cet Epoux, pour jouir de Ah concevons, je vous en supplie, quelque
!

toute sa beaulé, pour contempler à jamais ses désir vrai de ces biens célestes; désirons cet
iraits, ne devriez-vous pas gaiement et de giand Epoux immortel. So\|'ons vierges de la virginité
cœur toul accepler? Pour voir un roi de la terre, véritable: car Dieu exige la virginité de l'àme.
souvent nous laissons échapper de nos mains un Avec elle entrons aux cieux mais sans avoir ni
;

objet même nécessaire; mais pour contempler ce tache, ni ride, ni délaui d'aucune sorte, qui nous
Roi, voire Epoux, combien plus volontiers il fau- empècheraiidegagnei les biens promis. Puissions-
drait lout subir! Les biens de ce monde, en cflet, nous V arriver tous, par la grâce et la bonté de
nu sont que des ombres: là seulement est la ve- Nolte-Seigueur Jésus-Chrisl!
nté Oui, pour voir dans les cicux ce Roi, cet
!

HOMELIE XXIX.
VOtS n'ayez pas E.^CORE RÉSISTÉ JUSQU'A!) SANG, T.N COMBATTANT CONTRE LE PÉCIIÊ.
(CHAI', xii, vv vensKT 4 au vtnsiiT 11.)

Anulj'se.
1 Deux consolations, coiilradicloires en apparence, cl qui se compilent l'une par l'autre.
cl 2. —
Les épreuves cl les adversités
ne sont point une mariiue d'abaudon de Dieu bien au contraire, elles nous apprennent qu'il est nolie vrai l'ère, el que nous
:

sommes ses véritables enfants. — Dieu nous aime miiux que nos pères mêmes, quand il nous cliilie. —Il n'agit point par

caprice ni pour sou intérêt, mais uniquement pour notre bien.


3 et 4. Tous '•iS saillis de l'Ancien el du Nouveau Teslamcnl oui accepté de bon cœur les soullrances de la vie ; lous les péclieurs
ont passé par le-; délices, qui ont causé leur perte dans le Icmps el dans rélernité. —
Les mœurs de nos j'uirs sont, malbeu-
reuseinenl, celles de Rabylone et de Sodome. —
Les hommes s'ellemiiienl par le luxe des vêtements el par ta bonne cbèie ; les
femmes y perdent leur force etieur beaulé, l'âme se pourrit dans ce corps qui s'éneive.

I. Deux manières de consoler, bien contradic- tion... » Et, sans poursuivre alors le fi! de son dis-
toires en apparence, donneui au cœur une force cours, il leur a montré d'abord tous ces héros qui
merveilleuse, quand on les présente ensemble : oui résisté jusqu'à l'eflusion de leui sang; il a
aussi saint Paul les enipluie-t-il l'une el l'autre. ensuite ajouté que les soullrances de Jésus-CliiisI
L'une a lieu, qu.ind nous disons à une ànie navrée, font notre gloire et la sienne ; et après ces préli-
que plusieurs a.vani elle ont beaucoup plus souf- minaires, il a pu libremeni continuer sa course cl
fert; àcette pensée. l'àniK allristée se calme, parce son exhoriation enirainanle.
qu'elle aperçoit de nombreux témoins de ses com- C'est dans le même sens qu'il écrivail aux Co-
bats; c'est ce moyen ipj'eniployaii précédemment rinthiens « Puissiez-vous n'être attaqués que par
:

saint Paul, lorsqu'il lapiielaii aux Hébreux leurs « une lenlation humaine» {I Cor. x, \o): c'esl-ù-
propres exemples u Souvenez-vous, disail-il, de
: dirc pelile et suppoi table Car pour relever, pour
« ces anciens jours, où lécemment aiipelé.-, à la rediesser une àme, il sulhl de lui inspirer la
« lumière, vous avej .soutenu de grande combats pensée qu'elle n'a pasencoie giavi les plus hauts
« au milieu de diveises souflnuices ». (Hébr. x, 32.) sommets de la veitu, el de l'en convaincu-, par
L'aulie consolation pat le un langage toul opposé; les épreuves mêmes qu'elle a traversées déjà El
vous n'avez pas, dit-elle, soudcil un mal bien voici bien, en etlel. ceqje dil l'apùire : "Vous n'a-
grand Une observation pareille tltange le cours
! vez pa.-. encore subi la moil; vouï n'avez souflerl
de vos idées, vous réveille, vous rend plus em- que jusque dans vos biens et dans votre gloite,
pressés à. soull'rir encore. Le premiei genre de que jusqu'à l'exil Jésus-Chrisl a pour nous ré-
consolation était un calmant, un topique sui volie pandu son sang ; vous ne l'ave? pas même veisé
àme blessée ; le second est un excitant qui ranime pour voire propre compte. Il a combattu, lui,
une àme affaiblie, relâchée , qui remue ur. cœur jusqu'à la mort, pour la vérité, el dans votre seul
engourdi et teiiassé déjà, elle lire dunepicmiùre inlêiêl; el vous n'avez pas encore allronté, vous,
el lâcheuse indsciaioii. El com.KL'. d ailleurs, le des pénis où la vie soit en jeu.
premier temoignane qii il leui a lendu pourrait " Et vous avez oublié la consolation »...; c'est-à-

leur donner quelc|ue oigueil, il croit à propos de dire, vous avez laissé tomber vos bras découragés,
leur (lire celle seconde parole « Vous n'avez pas
: vous avez été brisés, bien que vous n'eussiez pas
« eut If résilié J^l^qu'all sang, en coiiiballanl encore, ajoule-t-il, résisté jusqu'au sang dans ces
« tvuue ie i)éclié, et vous avez oublié lu consola- combats contre le péché. Celte parole nous montra
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XXIX. 577

que le péché souffle comme l'orage, et qu'il est Fêles, vous, à titre d'enfants. Voyez-vous comme
foiitre nous armé de toutes pièces. Car Texpres- l'apôtre emprunte partout ses arguments conso-
siou : « Vous avez résisté » s'adresse à des soldats lants? 11 en trouve dans les faits de la sainte Ecri-
fermes et debout. ture, dans les textes sacrés, dans leurs propres
« La consolation que Dieu vous adresse comme idées, dans les exemples ordinaires de la vie, dans
« à ses fils, en vous disant Mon fils, ne négligez
: la coutume universelle.
« pas le chàlimen: dont le Seigneur vous corrige, 2. vous èles en dehors du châtiment disci-
« Et si

« et ne vous laissez pas abatire lorsqu'il vous re- « pi inaire, don tous les autres ont eu leur part, vous
l

« prend ». Non content de les avoir consolés par « n'êtes donc pas du nombre des enfants, mais des
les faits, ii les encourage surabondamment par € bâtards (8) ». Voyez-vous comme l'apôtre con-

les paroles, et leur apporte ce témoignage de l'E- firme ce que j'ai dit précédemment qu'il n'est point :

criture tNe vous laissez pas abattre », dit-il, «lors-


: possible d'êlre enfant sans èlre châtié? Le cas
« qu'il vous reprend ». Ces paroles sont donc de présent suit celle loi générale delà famille, où
Dieu lui-même. Et ce n'est pas une mince conso- nous voyons, en effet, qu'un père n'a point souci
lation pour nous, sans doute, que de reconnaiire des bâtards, lors même qu'ils n'apprennent rien
ainsi dans les événements les plus fâcheux l'œu- et qu'ils n'acquièrent aucune illustration, tandis
vre de Dieu, qui les permet, comme saint Paul que, pour ses lils légitimes, il craint de les voir se
l'atteste lui-même « C'est pourquoi j'ai prié trois
: livrer à la paresse et au marasme. Si donc cette
« fois le Seigneur, et il m'a répondu Ma grâce
: privation d'éducation vigoureuse est une note d'il-
€ vous suffit: car ma force éclate davantage dans légilimilé,
il faut se réjouir de subir la discipline,

« la faiblesse ». (11 Cor. xii, 8.) 11 est donc bien puisqu'on l'applique seulemeni aux enfanlsde lé-
vrai que Dieu permet les épreuves. « Car le Sei- gitime naissance. Dieu à voire égard se montre
€ gneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de comme à ses véritables fils. C'est pour appuyer ce
etverges celui qu'il reçoit au nombre de ses en- raisonnement que saint Paul ajoute :

1 fauls (6) ». On ne peut pas prétendre qu'un seul « Que si nous avons eu du respect pour les pères
juste soit sans affliction; car bien qu'au dehors « de notre corps, lorsqu'ils nous ont châtiés, com-
rien ne paraisse, nous ne savons pas les autres « bien plus devons-nous être soumis à celui qui
tribulations intimes qu'il subit. Il faut de toute « est le Père des esprits, afin de jouir de la vie (9)?»
nécessité que le jusie passe par ce chemin. C'est Nouvel et consolant appel aux souffrances que les
la maxime de Jésus-Christ que la route large et
: Hébreux ont subies personnellement. Il avait dit
spacieuse conduit à la perdition; tandis que la plus haut «Souvenez-vous de vosanciens jours»;
:

voie étroite et resserrée mène à la vie. (Matth. vu, il redit ici dans le môme sens Dieu agit envers :

13.) Si donc, par là seulement, on peut arriver à la nous comme envers des fils. Il n'y a pas à répon-
vie, tandis qu'il est impossible d'y parvenir au- dre nous ne pouvons suffire à la peine! 11 nous
:

trement, concluez que tous ceux qui sont parve- traite comme ses fils, et comme ses fils bien-aimés.
nus à la vie, y sont arrivés par la voie étroite. Et puisque ceux-ci vénèrent toujours leurs pères
«Si vous supportez cette rude discipline», coO- selon la chair, comment n'auraient-ils pas la même
tinue-t-il, «Dieu vous regardera comme ses en- vénération pour le Père céleste? Et cette cir- —
« fants. Car, qui est l'enfant que son père ne cor- constance de dignité ne fait pas la seule diffé-
« rige point? » S'il le forme et l'élève, assurément rence; il n'y a pas seulement non plus une diffé-
c'esl pour le redresser, et non pour le punir, pour rence de personnes; vous en trouvez aussi dans
se venger de lui, pour le maltraiter. Saisissez cette la cause et dans la nature même de la discipline.
idée de l'apôtre. Les événements mêmes qui leur Non, Dieu ne vous redresse pas pour' le même
auraient faii croire à l'abaudou de Dieu, doivent, motif que l'ont fait vos pères. Car, ajoute l'apôtre:
selon lui, les convaincre qu'ils ne sont point aban- « Nos pères nous cliàliaienl cuirnne il leur plai-
donnés de Dieu. C'esl comme s'il teui disait Parce : « sait et pour quelques jours (10)»; c'est-à-dire
que vous avez subi de si rudes épreuves, vous que souvent ils se donnaient à eux-mêmes cette
croyez que Dieu vous a délaissés et qu"il vous hait. salisfaclion, sans envisager noire véri-
toujours
Au contraire, si vous n'aviez pas ainsi souffert, table intérêt. Mais, ici, on ne peut faire ce repro-
vous devriez avoir ce soupçon décourageant. Car che. Dieu n'agit point, en frappant, pour son avan-
si Dieu frappe de verges celui qu'il reçoit au nom- tage personnel, mais pour vous, et uniquement
bre de ses enfants, il se peut qu'on ne soit pas de pour votre bien. Vos parents ont voulu, avant tout,
ce nombre, si l'on n'est pas ainsi frappé Mais — vous forcer à leur être utiles; souvent même ils
quoi? direz-vous les méchants ne sont-ils donc
: ont sévi sans motif. Mais, ici, rien de semblable.
jamais alieints? —
Ils éprouvent aussi des maux, Voyez-vous encore comme l'apôtre -les console?
vous répondrai-je car pourquoi seraient-ils épar-
: En effet, noire amitié se donne bien plus volon-
gnés? Aussi ne vous dil-on pas : Quiconque est tiers aux personnes qui nous commandent ou nous
frappé est son enlanl; mais seulement Tout en- : conseillent sans aucune idée d'intérêt égoïste, et
Vous ne pouvez donc faire celle
fani est frappé. surtout avec un zèle tout dévoué à notre bonheur.
objection. Car les coups tombent sur un grand
si Nous reconnaissons l'alTection sincère, la seule
nombre de méchants mêmes, comme sont les ho- réelle affection à nous voir ainsi aimés, lorsque
micides, les brigands, les escrocs, les profana- nous sommes hors d'état d'être utiles à la per-
teurs de sépultures, ces misérables sont punis sonne qui nous aime, qui nous chérit non pour
pour leurs crimes; et loin d'être flagellés comme recevoir, mais pour donner. Dieu nous forme.
fle vrais fils, ils sont châtiés comme scélérat^. Vous Dieu fait lout, Dieu veul tout au monde, pour nou§

J lu.
Tv.'- \I.
&.
57!^ TRADIICTION FRANÇAISE DE SAINT JFATV CHRYSOSTOMÊ.

rendre capables de recevoir ses biens infinis. souffrances : vous, dites-moi, voulez-vous
et
« Nos pères nous ont ciiàliés pour celle vie épbé- chercher dans le loisir, le repos, les plai-
la gloire
« mère seulemeni el pour leur bon plaisir mais ; sirs? C'est chercher l'impossible.
Dieu nous cliàtie aulanl qu'il esl ulile, pour nous Maintenant, vous parlerai-je des apôtres? Mais
«rendre capables de participer à sa sainlelé». eux aussi ont surpassé par les soulTrances tous
Qu'esl-ce que celle sainlelé? C'esl la pnrclé de leurs devanciers. Pourquoi iraiierais-je ce sujet,
cœur; qui selon nos forces nous rendra dignes de déjà traite par Jésus-Chrisl? «Vous aurez», leur
Lui. Lui-même désire vous la faire accepler, et disait-il, «l'affliction en ce monde». Et ailleurs :
failtout pour vous la donner el vous n'auriez,
: «Vous pleurerez cl vous gémirez, tandis que le
vous, aucun zèle pour la recevoir? «J'ai dil au «monde se réjouira». (Jean, xvi, 33 ; Matih. tu,
» Seigneur», chanlail le Prophète, « vous êtes mon 14.) La voie qui conduit à la vie est étroite et rude,
a Dieu, parce que vous n'avez aucun besoin de c'est le Maître de la voie lui-même qui le déclare;
« mes biens ». (Ps. xv,2.) et toi, chrétien, lu cbeiclies la voie large? N'est-ce
Puis, du nous avons eu dans nos pères
l'apôire, pas absurde? Aussi, par celte roule différente tu
selon la chair des maîtres sages el fermes, el nous trouveras non la vie, mais la mort! Toi-même as
les avons respectés combien plus devons-nous,
. fail choix du chemin qui doit y conduire.

pour trouver la vie, obéir au Père des esprits, Mais préférez-vous que je vous cite, que j'énu-
c'est-à-dire au Père des grâces, de la prière, des mère devant vous tant de pécheurs qui ont passé
puissances immatérielles! Si nous mourons sous leur vie dans les délices? Remontons des plus
cet empire de Tobéissance, alors nous vivrons. Et rapprochés de nous, jusqu'aux plus anciens. Ex-
saint Paul remarque avec raison que nos parents pliquez-moi la perui du mauvais riche plonge dans
ne nous ont formés que pour une vie éphémère et son abîme de feu; la perte des juifs qui vécurent
selon leur bon phiisir. Ici, le bon plaisir el l'utile pour le ventre dont ils taisaient leui Dieu, ne rhcr-
ne se rencontrent pas toujours tandis que l'utile
: clianl au désert même que loisii el repos; la perte
est nécessairement dans la pensée de Dieu. des hommes encore de l'époque de Noé. N'ont-ils
3. Ainsi l'éducation par la souffrance est dans pas péri pour avoir choisi une vie de bonne chère
notre inlérèt; ainsi nous fait- elle entrer en parti- et de dissolution? Ceux de Sodome ne furent- ils
cipation de la sainteté. C'esl le grand mo^en par pas victimes de leur gourmandise? «Ils se jouaient»,
excellence. En etfel, quand la soufirance exclut dit l'Ecriture, «dans l'abondance de leur pain».
toute lâcheté, toute convoitise mauvaise, tout (Ezécli. XVI, 49.) Que si l'abondance du pain amena
amour de ces choses qui nous enchainent à la vie une telle catastrophe, que dirons-nous de tant
présente quand elle nous change le cœur, jusqu'à
;
d'autres inventions de la liiandise et de la bonne
nous donner la force de répiouver toutes les va- chère?— Esaû ne vivail-il pas dans le loisir el la
Ditésde ce monde, —
et tel est l'effet des souffran- fainéantise? N'était-ce pas le crime aussi de ces
ces, —
n'esl-il pas vrai que la douleur alors est enfants de Dieu qui admirèrent la beauté des
sainte, el qu'elle arrache au ciel toutes ses grâces? femmes et coururent ainsi aux précipices de l'en-
Rappelons-nous plutôt el toujours l'exemple des fer? N'était-ce pas la vie de ceux qui se livrèrent
saints et le côlé par lequel tous ont brillé. Au pre- à des passions folles et furieuses contre naiureî
mier rang. Miel, Noé n'ont-ils pas été illustres par El tous ces rois pa'iens de Babylcne ou d Egypte
la douleur? Comment celui-ci n'aurail-il pas souf- n'ont-ils pas tristement fini? Ne scn!-ils pas dans
fert en se voyant seul au milieu de celle innom- les supplices?
brable mullitude de pécheurs? Car, l'Etriiure le Or, dilts-moi, nos mœurs d'aujourd'hui sont-
dil « Noé étant seul parlait dans son siècle, plut
: elles donc difléienlcs? Ecoutez la parole de Jésus-
«à Dieu». (Gen. vi, 9.) Uètléchiïsez, en eflVI, je Christ « Ceux qui se couvrent de vêtements somp-
:

TOUS prie, el dites: Si, trouvant aujourd'hui par mil- « tueux, sont dans les palais des rois» (Matth.x),8);
liers et des pères et des maîtres, dont la vertu nous et ceux qui ne s'habillent point ainsi, sont dans les
sert d'exhortation et d'exemple, nous sommes tou- cieux. Un vêlement do mollesse amollit, brise,
tefois désolés à ce point, combien a où être allligé corromptuncœurmèmeauslère; quand bien même
ce juste isolé dans cette masse immense de jier- il couvrirait un corps rude et sauvage, il l'aurait
dilion? —
Mais comme j'ai parlé déjà de ce déluge liientôl énervé el affaibli sous son tissu volup-
étrange et incroyable, ne dois-je [las plulôl vous tueux. Quelle autre cause que celle-là, diles-moi,
raconter Abraham et ses fréquents pèlerinages, et amollit ainsi les lem.mes? Serait-ce leur sexe seu-
le rapt de son épouse,et ses dangers, et ses guerres, lement? Non. mais bien leur manici'c de vivre et
et ses tenlalions? Ou bien encore J icob, el tous leur éducation. Cette façon de les élever à l'ombre,
les maux terribles qu'il a soufferts, banni de tout ces loisirs, ces bains, ces onctions, ces parfums
pays, travaillani en vain, el dépensant pour d'au- de loui genre, ces lus mollets et délicats, font une
tres tous ses labeurs? Non, il n'est pas besoin de femme ce que vous voyez! El pour vous en con-
dénombrer toutes ses épreuves; mais son lénioi- vaincre, écoutez une comparaison :
giuigc^ s'offre de lui-même à l'appui de nos raison- Dans quelque oasis du désert, parmi les arbres
nements; puisqu'il disait à Pharaon » .Mes jours : battus des vents, prenez-moi un rejelon quelconque,
sont courts et mauvais; ils n'ont pas atteint en el iransplantez-le dans un lieu humide el ombragé,
« nombre ceux de mes pères». (Gen. xlvii, 9.) — vous verrez bientôt indigne du lieu où il a pris
le
Faut-il plutôt vous citer Joseph , ou Moise, ou naissance. Que ce fail se vérifie chez nous, les
Josué, ou David, ou Samuel, Elle, Daniel, tous les femmes des champs en sont la preuve plus vi- :

prpphvte,''? Vous les verrez tous s'illustrantpar les goureuses môme que les hommes des villes, ojj
ÊOMMENTAÎRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXX. ^70

en a vu qui en terrassaient plusieurs dans la langue, de votre palais. Une fois la table enlevée
lulie. Or, quand le corps s'est ainsi amolli, il faut et les mets engloutis, vous n'êtes pas plus heureux
bien que i'àme en partage la ruine; les forces que si vous n'aviez pas eu part au banquet ; vous
de l'un sont, en grande partie, attaquées de la êtes même beaucoup plus mal, puisque vous em-
même manière que les facultés de l'autre. C'est portez de ces excès, la pesanteur, l'embarras, une
ainsi que dans les maladies nous sommes tout tête alourdie, un sommeil semblable à la mort,
changés, parce que nous sommes alTaiblis ; et souvent même l'insomnie, triste fruilde la satiété,.
quand la santé revient, il se fait en nous une la suffocation , les éructations. Mille fois sans
nouvelle révolution. Quand les cordes d'une lyre doute, vous avez maudit votre estomac, lorsque
se détendent et ne rendent plus qu'un son faible vous ne deviez maudire que l'inlempérance.
et faux, tout le talent de l'artiste est paralysé, N'engraissons donc point noire corps, et plutôt
parce qu'il est comme asservi et lié à cet instru- écoulons la parole de saint Paul : « N'ayez point
ment désaccordé ainsi l'âme souftre maints dom-
: « de souci de voire chair dans ses mauvais désirs ».
mages, subit maintes nécessités sous l'empire de (Rom. XIII, 14.) C'est avec, raison qu'il signale,
son enveloppe corporelle. Celle-ci a tant besoin ainsi les mauvais désirs : car l'aliment de ces
de soins absorbants, que l'âme en doit souffiir un convoitises se trouve précisément dans les délices.
rude esclavage. Je vous en supplie donc créons- : L'homme qui se livre à leur attrait, fût-il le plus
nous un corps vigoureux et robuste, et gardons- fervent adeple de la jagesse, doit nécessairement
nous de le rendre faible et maladif. subir celle influence du vin et des mets exquis;
Ici pas seulement aux hommes,
je ne parle nécessairement il s'y énerve, nécessairement il
mais aux femmes aussi. Pourquoi, ô femmes, allume en son cœur une flamme maudite; de là,
énerver vos membres par les délices, et les rendre les prostitutions, de là les adultères. L'amour
ainsi chélits et misérables? Pourquoi, par l'embon- coupable ne s'engendre pas dans un estomac maté
point excessif, leur ùter toute vigueur? Cet excès par la faim, pas même dans celui qui sait se
n'est point une force, vous le savez, mais une borner à une nourriture simplement suffisante,
cause d'affaiblissement. Au contraire, laissez toutes tandis que les penchants obscènes naissent et se
délices, conduisez-vous tout différemment, et la forment dans celui qui se livre à la bonne chère.
beauté physique s'ensuivra au gré de vos désirs, Les vers pullulent dans un sol profondément
dès que le corps se retrouvera solide et fort. Que humide, dans un fumier largement mouillé et ar-
si vous aimez mieux l'assiéger de maladies sans rosé : au contiaire, purgée de celte humidité,
nombre, il y perdra sa fleur, il y compromettra débarrassée de cet excès, la terre se couvre de
tout son tempérament: car alors, vous serez dans fruits; sans culture môme, elle se revêt d'herba-
un perpétuel chagrin. Or, vous savez que, comme ges; cuUivée, elle donne toutes sortes de pro-
une maison déjà belle, s'embellit encore au souffle ductions c'est là notre image. Gardons-nous donc
:

riant du zéphyr, ainsi un beau visage doit gagner de rendre notre chair inutile ou même nuisible;
en beauté, lorsque votre âme lui prête un reflet plantons-y des semences utiles et productives, des
de sa joie ; tandis que, livrée à la tristesse et au arbres qui portent leurs fruits un jour, et gai'dons-
chagrin, elle devra l'enlaidir. Les maladies elles nous de la stériliser par les délices, dont la triste
soulTrances engendrent la tristesse ; et les maladies pourriture, au lieu d'une moisson, n'enfanterait
viennent de ce qu'on délicate trop le corps. Pour que des vers. Telle est, en eflet, notre concupis-
cette raison au moins, croyez-moi, fuyez les dé- cence nalive, que si nous l'inondons de délices,
lices. elle produit de honteuses, d'infàuirs délectations.
on éprouve du plaisir à s'y
4. Mais, direz-vous, Peste véritable, que nous arraclierons de toute
livrer. —mais on y trouve encore plus de
Oui, manière, afin de pouvoirgagner les biens qui nous
peines. Le plaisir ne va pas au-delà de votre sont promis, en Jésus-Christ Nolre-Seigueur, etc.

HOMELIE XXX.
TOUTE nilRE niSCIPLINE, QIAND ON LA SUBIT, -ÇrHIBLi; CTRR IN TIET DE TRISTESSE ET NON HE JOIE,'
MAIS ENSUITE ELLE FAIT lîECUElLLlR LES FRUITS PACIFIQUES DE LA JUSTICE A CEUX QUI ONT ÉTÉ AINSI
EXERCÉS. (CHAP. XII, 11-13.)

Analyse»
1. n y a, dans la vertu onmme succession de peine et de joie : mais la verta et les épreuves se couronnent parnns
dans le vice,

jrtie èleriielle. — Racini'. am6;e


dure écorce, elles recèlent et produisent dws fruits pleins de JuuctHr.
et —
Que ccUe gyinnas-
liquc de l'épreuve nous console et nous encourage. —
La paix avec tous, la sainteté et surloul la chasteté, sont nos arm«|
principales daus les épreuves.
88Ô TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

2 et 3. L'apnslolat est un devoir qui inconibe à tous les cliréliens. — On peut l'exercer dans la famille, dans le voisinage. —
C'est un talent précieux qu'il n'est pas permis d'enfouir. — La correction fraternelle est toujours praticable. — Elle ne requiert
point l'éloquence, mais seulement la prudence et la charité^ dont elle est la plus belle manifestation.

1. Tous ceux qui boiventune potion amère, n'en le rend invincible dans dans
les luttes, irrésistible
ressentent d'abord que l'impression désagréable, les guerres. Si tel estde toute éducation
l'effet

et n'en cprouvenl que plus tard le bienl'ait. La sévère, tel sera le résultat de celle-ci en particu-
vertu et le vice vous fontcxpérimenicr aussi celle lier. On devra donc en allendre bien des avantages,
alternative. L'un vous apporte le plaisir suivi de un heureux terme, une paix profonde. Et ne vous
ramcriiinie; l'autre vous élrcint d'abord le cœur, étonnez pas, que toute rude qu'elle est, les fruits en
et bientùt vous comble de joie. Ce n'est pas que je soient pleins de douceur ; c'est ainsi que dans les
trouve celle comparaison bien juste. Autre chose arbres, l'écorce est à peu près toujours sans qua-
est, en effet, de passer d'abord parla peine pour lité, et pleine de rudesse, lors même que les fruits en

arriver au itlaisir, ou bien, au conli'aire, do traver- sont doux. L'apôtre peut invoquer ici les notions
ser le plaisir pour linir par la peine. Où est la dif- les plus conmiunes. Si donc vous clés en droit d'es-
férence ? C'est que, dans un cas, l'alleute d'un cba- pérer une telle récolle, pourquoi gémir î Après
griii qui vinndia trop sûrement, diminue le bon- avoir supporté les ennuis, pourquoi vous décou-
heur tandis que dans l'autre cas, l'expectative
;
rager au sein des avantages les plus assurés? Oui,
d'une allégresse cerlaine, enlève beaucoup à la les misères qu'il a fallu souffrir, vous les avez
trislesse piemiere de votre âme; à tel point que subies; gardez-vous donc d'être ainsi abattus à
souvent, au cas du vice, la joie n'arrive jamais; l'approche de la récompense !

tandis qu'au cas de la vertu, la tristesse jamais ne c Relevez donc vos mains languissantes; redres-

survient. Cette raison de différence n'est point la « sez vos genoux affaiblis ; conduisez vos pas par

seule, il en est une autre encore, et bien grande. « des voies droites, de peur que quelqu'un cban-
Coninienl? C'est que les durées ne sont point « celant, ne vienne à s'égarer, mais que plutôt il
égales dans les deux tas, mais qu'en faveur de la « soit guéri (12, 13) ».
verlu, elles sont bien plus laiges et bien plus Il les comme les héros d'une course,
harangue
longues. Oui, les choses spiniuelie; ont ici un d'une d'une bataille. 'Voyez-vous comme il
lulle,
avaulage évident. se plaîl à les armer, à les réveiller? Marchez droit,
Saint l'.inl cxploilR celle considéialion pour con- leur dit-il; il parle ici de leurs pensées inlimcs.
soler ses tliers disciples. Il tait appei ici au sens Marchez droil, cela veut dire sans douter jamais
:

commun, auquel pcisonne ne peui résisu-.i , à la de Dieu. Cai si l'épreuve vient de sou amour, si
croyance générale que nul ne peut combalirc, elle ne commence que dans votre intérêl , si elle
puisque dès qu'cm énonce uniail univeisellcmenl s'achève par une fin heureuse, si celte conviction
avoué, tout le monde s'y lange, personne ne le vcuç es! prouvée clairement et par les fails et par
contredit. Vous êtes al'lligés, leur dit-il; la raison les oracles sacrés, pourquoi seriez-vous décou-
explique ce fait; l'épreuve doit avoir cet effet; ragés ? Laissez cet abaissement du cœur à ceux
elle doit produire ce premier résultat. El c'est qui désespèrent, à ceux que ne peut lortificr l'es-
dans ce sens que l'apùlre déclare que « toute édu- pérance même des biens à venir. Marchez droit et
« cation sévère parail, pour riieure présente, un ferme, sans plus chanceler, en relrouvanl même
« sujet de trislesse et non pas de joie ». —
«Parait », votre premiei aplomb. Courir en chancelant, c'est
c'est l'expression justement choisie par l'apôlre ; chetcliei l'accideni et le mal. Voyez-vous comme
en ellet, l'épreuve n'est pas un sujet de chagrin, il est en notre pouvoir d'être guéris?

seulement elle parait l'être. El « toute » épreuve « Tâchez d'avoii la paix avec tout le monde, et
en est là; ce n'est pas l'une qui aurait celle appa- « de vivre dans la sainteté sans laquelle nul ne
rence, et l'autre qui ne l'aurait point, Non 1 mais « verra Dieu ()4) ». L'avis qu'il donnait précédem-
toute éfireuvc, qu'elle soit purement naturelle ou ment « N'abandonnez pas noire assemblée, notre
:

qu'elle soit spirituelle, semble laite pour voire « réunion » (Ilébr. x, 25) ; il l'insinue ici encore.
aifliction et non pas pour votre bonheur. Vous Cardans les épreuves, rien ne facilite notre défaite,
•voyez que saint Paul raisonne d'après l'oiiinion notre déroule, comme de nous éparpiller impru-
commune. C'est un semblant de peine donc ce : demment. Vous comprenez le pourquoi : ainsi à
n'est pas une iieiue vraie. Quelle peine, en effet, la guerre, rompez les rangs, et vos ennemis n'au-
pourrait, vous réjouii 1 Aucune, pas plus qu'un ronlbesoin d'aucun eiïorl ; ils vous auront bien-
plaisir véritable ne piodniid jamais dans un cœur tôt pris et enchaînés, s'ils vous trouvent séparés
anierlurne ei tristesse « C'est plus tard, au con-
: les uns des autres, et par là même aflaiblis. « Tà-
« traire, que l'épreuve fait recueillir en paix les « chez », dit-il donc, « d'avoir la paix avec tout le
a fruits de la justice, à ceux qui auront été ainsi M monde ». Quoi ? même avec ceux qui se con-
« exercés ». Les fruits, et non pas seulement le duisent mal? Oui, et il le répèle ailleurs S'il :

fruit, nous dit-il, pour mieux en montrer la mul- est possible, autant qu'il est en vous, ayez la paix
titude et la moisson. Pour ceux, ajoute-t-il, qui avec tous les hommes.
auront été exercés par elle. Qu'est-ce à dire, lie votre côté donc, dit l'apôtre, entretenez la
( exercés? » C'est-à-dire, qui l'auront longtemps paix, ne blessant jamais la piété fralernclle, mais
subie et supportée avec courage. Comprenez-vous acceptant de grand cœur et généreusement tous
bien la justesse de l'expiessiort ? Ainsi l'épreuve les mauvais traitements. L'arme la plus puissante
|§t CQnirov Wi
gyni^a^tiquc qui lurtifie l'allilèle, dans les tentations, c'^st la patience. C'est ainsi
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. -- HOMÉLIE XXX. S8Ï

que Jésus-Christ communiquait la force à ses est aussi le conseil que nous vous donnons en ce
disciples « Je vous envoie » , disail-il , « comir.e
: moment. Vous pouvez, mieux que nous-mêrae,
« des brebis au milieu des loups; soyez donc pru- vous taire réciproquement un grand bien, si vous
« dénis comme des serpenls, et simples comrr.e le voulez. En etfet, c'est eptre vous que vous vivez

« des colombes». Eh que diies-vous, Seigneur?


! et conversez plus souvent; mieux que nous, vous
Nous sommes au milieu des loups, et vous nous connaissez mutuellement vos affaires; vous n'i-
commandez d'être comme des brebis, comme des gnorez pas vos fautes réciproques: vous avez à ua
colombes? Bien certainement, répond-il; car le plus haut degré l'un pour l'autre la franchise, l'a-
plus sûr moyen de couvrir de honte celui qui miilé, la familiarité. Toutes ces circonstances sont
nous fait du mal, c'est de supporter courageuse- lo'.n d'être icdifférentes dans le rôle d'un maître;

meni ses injustes attaques, sans aucune vengeance elles sont autant d'entrées larges et d'occasions
ou d'action ou de parole. Cette conduite nous favorables pour instruire; et vous pouvez, plus
rend plus vraiment philosophes et nous gagne une que nous, reprendre ou encourager. Vous n'avez
plus grande récompense , en même temps qu'elle pas, d'ailleurs, cet avantage seulement je suis :

édifie nos ennemis. —


Mais tel ou tel vous a seul, moi, et vous êtes plusieurs; tous et chacun
chargé d'outrages! —
Vous, chargez-le de bien- vous pouvez donc être des maîtres spirituels.
faits. Voyez combien vous y aurez gagné. Vous C'est pourquoi, je vous en supplie, ne négligez
aurez éteint et étouffé le mal, gagné pour vous pas d'exploiter cette grâce précieuse. Chacun de
une récompense, couvert de honte votre adver- vous a une épouse, un ami, un serviteur, un voi-
saire, sans éprouver vous-même aucun dommage sin qu'il sache lui adresser un reproche, lui mé-
;

sérieux. nager un avis. Car n'esl-il pas déraisonnable que


Tâchez d'avoir avec tout le monde la paix « et le plaisir ou le besoin puisse faire organiser des
« la sainteté ». La sainteté, qu'est-ce à dire? Il banquets et des festins, et fixer certains jours où
désigne ici la continence, l'honneur des mariages. l'on devra se réunii et compléter par la mutualité
S'il en est qui ne soit pas marié, dil-il, qu'il reste ce qui vous manque individuellemenl; soit, par
chaste ou qu'il prenne une épouse ; si tel autre exemple, qu'on ail à rendre les honneurs funè-
est lié par le mariage, qu'il n'aille pas s'oublier, bres, soit qu'on doive prendre un repas, soit qu'il
qu'il use de sa femme seulement car, ici encore : faille porter secours au prochain , tandis qu'au
est la sainteté. Comment? Le mariage n'est pas la contraire on ne fait aucune démarche semblable
sainteté elle-même; mais le mariage conserve la pour enseigner la vertu? Oui , je le répète et je
sainteté qu'engendre la fidélité même, laquelle ne vous en prie que personne ne néglige ce de-
:

permet pas qu'on se profane avec les femmes per- voir, à l'accomplissement duquel Dieu attache une
dues. « Le mariage est honorable» (Héb. xiii, 14), grande récompense.
et non pas saint absolument. Le mariage est pur, Pour vous en convaincre, apprenez que le Maître
mais il ne communique pas lasainteté, sauf toute- spirituel est bien celui qui a reçu les cinq talents
fois qu'il empêche de profaner
la sanctification qui de l'Evangile ; mais que le disciple, lui, a reçu un
vient de Sainteté sans laquelle nul ne
la foi. « talent aussi. Que le disciple se dise Je ne suis
:

« verra Dieu». C'est ce qu'il dit aux Corinthiens: qu'un disciple, moi; je ne cours aucun danger ; et
« Ne vous y trompez pas : ni les fornicateurs, ni qu'ayant reçu de Dieu cette mission générale d'ins-
« les adultères, ni les idolâtres, ni les impudiques, truire le prochain, il la laisse improductive et l'en-
« ni les pécheurs contre nature, ni les avares, fouisse; qu'il n'avertisse jamais, qu'il n'use jamais
« ni les voleurs, ni les ivrognes, ni les détiac- du droit de parler librement, ne reprenant point,
« teurs, ni les ravisseurs, n'hériteront du royaume ne conseillant point lorsqu'il le pourrait, mais ca-
« de Dieu ». {I Cor. vi, 9.) Car comment celui qui chant son talent dans la terre ; car un cœur qui
a fait de son corps la chair d'une prostituée cache ainsi la grâce de Dieu n'est que terre et
pourra-t-il être le corps de Jésus-Christ? (Ibid. cendres viles; oui, s'il l'enfouit de la sorte ou par
VI, 15.) paresse, ou par malice, il ne pourra se défendre
« Prenant garde que quelqu'un ne manque à la ni s'excuser devant Dieu en disant Je n'ai reçu
:

« grâce de Dieu, et poussant en haut une racine qu'un talent. Tu n'avais qu'un talent, il est vrai ;
« d'amertume, n'empêche la bonne semence, et mais tu devais en rapporter un second, et doubler
«ne souille l'àme de plusieurs; qu'il ne se trouve le premier. Quand bien même lu n'eu aurais ainsi
« quelque fornicaleur ou quelque profane 15, ( gagné qu'un seul , tu étais à couvert de reproche.
« 16 ) ». Voyez-vous comme partout l'apôtre Au serviteur qui rappoile deux talents gagnés,
conlie à chacun de nous le salut de tous? « Ex- le Maître ne demande pas pourquoi il n'en offrait
« hortez-vous l'un l'autre tous les jours », avait-il pas cinq ; au contraire, il le déclara digne du
déjà dit, « pendant que dure ce temps que l'Ecri- même prix que celui qui en avait gagné cinq au-
< lure appelle aujourd'hui ». (Ibid. m, 13.) tres. Pourquoi ? c'est qu'il fit valoir dans la pro-
2. Ne jetez donc pas tout le fardeau sur vos maî- portion de ce qu'il avait entre les mains, et ne
tres spirituels , ni tous vos devoirs sur vos prélats : laissa point son dépôt stérile; bien qu'ayant moins
vous pouvez, vous aussi, selon l'apôtre, vous édi- reçu que le dépositaire des cinq talents, il ne vou-
fier les uns les autres. C'est ce qu'il disait aux lut pas, pour cela, être négligent, et profiter de la
Thessaloniciens « Edifiez-vous toujours les uns
: différence en moins pour se livrer à l'oisiveté.
«les autres, comme déjà vous le faites »; et ail- Ainsi ne devais-tu pas non plus regarder le servi-
leurs : Consolez-vuus miiluellement par les pa- teur (jui avait reçu deux talents; ou plutôt, oui,
« rôles que je vous adresse ». (I ïhess. v, 11.) Tel tu devais avoir l'œil .sur lui; et comme il imita
K82 ÏRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

lui-même, n'ayant que deux talents, le serviteur moi quelque défaut, retiens-moi, redresse-moi;
qui en avait cinq à faire valoir, ainsi devais-tu si tu mevois colère, si tu me reconnais avare,
copier conduite de ce dépositaire des deux la-
la arrête -moi, tu me comprends, par un avis !
lents. si l'on condamne au supplice celui qui
Que Et voilà l'amitié ; et c'est ainsi qu'un frère aidé
posséda de l'argent et ne sut point le répandre en par son frère, ressemble à une place fortifiée.
aumùnes; comment ne serait-il frappé du dernier (Prov. xviii, 19.) Manger et boire ensemble ne fait
supplice, celui qui pouvant à l'occasion donner pas l'amitié, sinon celle des brigands et des as-
quelque avis utile, s'abstient de le faire? La pre- sassins. Mais si nous sommes de vrais amis, si
mière aumône sustente le corps ; l'autre nourrit vraiment nous nous portons un mutuel intérêt,
l'àme ; l'une empéclie la mort temporelle, l'autre rendons-nous réciproquement de tels services,
prévient la mort éternelle. qui nous amèneront à une amitié sérieusement
3. Mais, obiecterez-vous, je n'ai pas le talent de utile, el nous empêcheront de dériver vers l'enfer.
la parole. —
Il n'est besoin, ici , ni du talent de la Que l'ami réprimandé ne s'affecte point nous :

parole, ni d'éloquence. Si vous voyez un ami peu sommes des hommes et nous avons des défauts.
chaste, dites-lui Ce que vous faites est bien cou-
: Que le moniteur non plus n'avertisse jamais avec
pable; n'en êtes-vous pas bonleux? N'en savez- une idée d'ironie ou de triomphe, mais en secret,
vous rougir? Oui, c'est bien mal! —
Mais ignore- avec douceur et bonté. C'est lui surtout qui a
t-il, répliquez-vous, ((ue son action soit coupable ? besoin d'une grande douceur, pour bien con-
— Non, sans doute,le sait; mais son pen-
il vaincre qu'il fait une opération charitable. Ne
chant malades aussi savent que
l'entraîne. Les voyez-vous pas avec quelle douceur infinie les mé-
l'eau froide est pour eux une boisson dangereuse: decins procèdent quand il faut brûler et trancher
mais ils ont besoin qu'une main charitable les re- au vif? Bien plus doit-il agir ainsi, celui qui re-
tienne. Celui qui est sousl'empire d'une souffrance, prend son prochain la réprimande fait bondir
:

ne peut pas sitôt se sufllre dans sa maladie. Pour plus vivement encore que le fer et que le feu. Les
le soigner, il est besoin de ta santé même; et si ta médecins s'étudient par-dessus tout à ne prati-
parole ne peut le contenir, veille sur ses démar- quer une incision que le plus doucement possible;
ches, arrète-le, peut-être relournera-t-il sur ses ils s'arrêtent quelque peu, ils laissent au malade

pas! —Mais que gagnera-t-il à n'agir ainsi qu'à le temps de respirer. Ainsi doit-on pratiquer la
cause de moi, et seulement parce que je l'aurai réprimande, pour ne pas révolter ceux qui la
retenu?— Ne sois point si subtil. En attendant reçoivent. Dussions-nous d'ailleurs y gagner des
mieux et de toute manière , détourne-le d'une ac- outrages, y recevoir même quelque blessure, ne
tion coupable qu'il s'habitue à ne point courir au
;
refusons point de la faire. Les malades qu'on tra-
précipice qu'il soit contenu par tes bons offices
. vaille par le fer crient beaucoup et bien fort
ou par tout au'r.i moyen, c'est toujours un gain contre le chirurgien, lequel n'a point souci de
immense ! Quand tu l'auias habitué, en effet, à ne leurs clameurs, et ne pense qu'à les sauver. Ainsi
pas prendio ccUp route fatale, quand il commen- devons-nous, pour donner un avis utile, faire tout
cera dès lor^ à resnircr un peu sagement, tu au monde et tout supporter, en vue de la récom-
pourras eu.-uite lui ara'rcndie qu'il faut agir ainsi pense qui nous est proposée. « Portez », est-il
en vue de Dieu, cl non pa^ en vue de l'homme. dit, « portez les fardeaux les uns des autres, et
Ne |iréiends pas ccnigei lou* enseuible et d'un « ainsi vous accompliiez la loi de Jésus-Christ».
seul coup, ce serait tenter l'impossible ; mais pro- (Galat. VI, 2.) Et c'est ainsi, en eflet, que nous ré-
cède doucement, petit à petit. Si lu le vois fré- primandant ou nous supportant les uns les autres,
quenter les lieux où l'on boit avec excès, les nous pourrons édifier complètement le corps do
banquets où l'on s'adonne à livicsse, ne crains Jésus-Christ. C'est ainsi que vous allégerez notre
pas de l'y suivie; et, à tcQ tout, p'ie-lê de te labeur pastoral, et que vous nous seconderez en
rendre te service d'une salutaire réprimande, en toutes choses et nous donnerez la main; ainsi
cas qu'il apeiçoive en loi-niémt quelque faiblesse. form.erons-nous une vasie association oij tous tra-
Car ainsi s'adresserà-l-il a lui-même un reproche, vailleront peur le salui commun, el chacun toute-
en voyant que tu as besoin ainsi d'élre repris, et fois pour son propre salul. Soyons donc feimeset
que tu aimes à le secourir non pas comme un re- constants à porter le fardeau du prochain, à nous
dresseur univtrsel de ses torts, non pas comme donner de mutuels avis, afin de gagner les biens
un docteur inlaillible, mais comme un frère el un promis en Noire-Seigneur Jésus-ChrisI, avec lequel
ami. Dis-lui donc Je t'ai servi eu te raiipelant
: gloire soit au Père, etc.
tes propres intéièls; en retour, si tu aperçois eo
COMMEiNTAIRE SLR L'ÉPITHE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XXXI. 583

HOMELIE XXXI.
EFFORCEZ-VOUS D'AVOCR LA PAIX AVEC TOIT LE MONDE, COMME AUSSI LA SAINTETÉ, SANS LAQUELLE
PERSONNE NE VERRA DIEU. (CHAP. XII, U-17.)

Analj'se.

-3. I/amoiir du prochain, vrai caractère dn clirislianisme. —


Jésus-Christ est mort pour tous et pour chacun de nous. Le —
péché une véritable amertume, sans compensation ni douceur.
est —
La gourmandise d'Esaii lui fait sacrifier son droit d'aî-
nesse tout esclave du ventre l'imite et s'avilit.
: —
L'inutile pénitence d'Esaii doit faire trembler les justes, mais ne doit pas
déi.ourager les pécheurs. —
Double langage de l'apôlre à ce sujet.
3 et 4. Vraie et fausse pénitence, prouvée par la conduite subséquente de saint Pierre et de David, d'une part; et de Judas,
d'Esaii, de Gain, d'autre part —
La vraie pénitence se reconnaît aussi dans le souvenir continuel du péché qu'on a une fois
commis. —
La pénitence se prouve par la corifession à Dieu et au juge. —
Par le souvenir et l'aveu de nos péchés, nous obte-
nons l'oubli et l'amnislie de Dieu, qui, autrement, manifestera publiquement nos fautes. — Tableau saisissant de cette mani-
festalioD solennelle du jugement dernier.

i. Le vrai christianisme se reconnaît à plusieurs « mertume poussant en haut ses rejetons, n'em-
caractères; mais plus que tout autre, mieux « pêche » la bonne semence, « et ne souille » l'âme
qu'aucun, la paix entre nous, l'amour réciproque de « plusieurs ». Qu'il a raison d'appeler le péché
le révèleévidemmeni. Aussi Jésus-Christ a-t-il dit : une amertume Rien de plus amer, en effet, que
!

«Je vous donne mapaixnjet encore :» Tout le le péché. Ils le savent ceux qui, après l'avoir
« monde reconnaîtra que vous êtes mes disciples, commis, sèchent et se consument de remords, et
« si vous vous aimez les uns les autres ». (Jean, ressentent une amertume affreuse, si affreuse
XIV, 27;xrii, 35.) C'est là ce qui l'ait dire à saint même qu'elle pervertit en eux le jugement et l'in-
Paul : « Eflorcez-vous d'avoir la paix avec tout le telligence. Car c'est la nature de l'amertume de
« monde, et la sainteté », c'est-à-dire l'honnêteté, vous ôler tout autre senliiTient. Racine d'amer-
« sans laquelle personne ne verra Dieu ». tume est une expression aussi très-exacte : il ne
« Veillant à ce que personne ne manque à la dit pas, en ellet, racine amère, mais d'amertume.
« grâce de Dieu (15) ». Pareils aux voyageurs qui En ellet, il se peut qu une racine amère porte des
cheminent en grande caravane pour une route fruits suaves, tandis que jamais on n'en recueil-
très-longue, veillez, dit-il, à ce que personne ne lera sur une racine d'amertume, sut ce qui est le
reste en arrière. Je ne vous demande pas seule- principe, la base inème de l amertume. Ici, tout
ment que vous marchiez vous-même, mais encore est nécessairement amer, sans aouceur aucune;
que vous ayez l'œil sur les autres pour qu'aucun tout porte avec soi une sensation désagréable et
ne manque à la grâce de Dieu. Il appelle grâce de repoussante, tout est odieux et abominable. —
Dieu les biens à venir, la foi à l'Evangile, la vie «Et ne souille l'âme de plusieurs », c'est-à-dire,
chrétienne et parfaite car tout cela est un don de
: prévenez le mal, retranchez de votre société les
la divine grâce. Et me dites pas, contiiiue-t-il,
ne gens sans pudeur.
qu'après tout c'est un seul homme qui périt : pour « Qu'il ne se trouve aucun fornicateur, ou aucun
ce seul homme même, Jésus-Christ est mort; et t profane, comme Esaû, qui vendit son droit
vous ne tiendriez pas compte de celui qui a coûté « d'aînesse pour un seul repas (16) ». Esaû fut-il
la vie à votre Sauveur? a "Veillant », c'est le mot donc jamais fornicateur ? Il ne le fut pas positi-
de l'apôtre; entendez : examinant avec scrupule, vement; celle expression est placée ici par oppo-
considérant, cherchant à savoir, comine on aime sition à ce mot précédent «Tendez à la sainlelé ».
:

à s'enquérir des santés faibles, et vous observant Quant à la qualification do profane, elle semble
en tout et toujours « de peur que quelque racine bien atteindre Esaij. Que nul donc ne soil, comme
amère poussani en haut ses rejetons, n'empêche » lui, un profane, c'esl-à-dire un esclave du ventre

labonne semence. C'est une citation du Deutê- et de l'appétit, un être charnel, capable de vendre
ronome (xxix, 18), empruntée d'ailieurspar méta- les biens spirituels, « puisqu'il vendit», en effet,
phore au règne végétal. Gaidez-vous, dit-il, de « son droit d'aînesse pour un seul repas» ; sacri-
toute racine d'amertume, dans le même sens qu'il fiant ainsibassement cet honneur qu'il tenait de
écrit ailleurs « Un peu de levain aigrit toute la
: Dieu, et livrant en échange d'un plaisir misérable
« pâle ». (l Cor. v, 6.) Je ne réprouve pas seule- l'honneur et la gloire la plus insigne.
ment le péché même, mais aussi la ruine spiri- Pareille honte doit peser sur tous les hommes
tuelle qui en dérive. Ainsi, supposé qu'il se montre qui sont ainsi abominables, ainsi grossiers et
semblable racine, ne permettez pas qu'elle pousse impurs. Le débauché n'est donc pas le seul impur
un seul rejeton ; tranchez au vif, pour l'empêcher au monde ; l'être glouton et esclave du ventre ne
de produire ses fruits, el d'infecter, de souiller le l'est pas moins. Lui aussi subit l'esclavage de sa
prochain. passion; lui aussi, pour y satisfaire, s'assujétil à
" Gardez donc », dit-il, « qu'aucune racine d'a- l'avarice, au vol, à mille actions basses et désho-
hu TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME;

norantes; abaissé sous la tyrannie de ce vice, marche boiteuse, le boiteux facilement se redresse ;
souvent il hlasphème, et ne tient aucun compte mais si nous sommes renversés complètement,
de son droit d'aînesse, puisque loul enlier à son quelle ressource nous est laissée? Ainsi parle —
bonheur charnel, il sacrilie jusqu'à ce droit su- l'apôtre avec ceux qui ne sont pas encore tombés;
blime. il les épouvante avant la chute, et affirme que

Concluez que le droit d'aînesse nous appar- celui qui esl tombé n'a plus de consolation à at-
tient, et non plus aux Juifs. Celle comparaison, tendre. Mais à ceux qui sont tombés toutefois, il
d'ailleurs, se rapporte, dans la pensive de l'apôtre, tientun langage tout contraire, de peurqu'ils ne se
à l'épreuve qu'ont subie ces cliers Hébreux. 11 leur piécipilent dans le désespoir a Mes chers petits:

failenlendre que le premier est devenu le der- « enfants », leur crie-t-il, «vous que j'enfante de

nier, et que le second a gagné le premier rang. « nouveau avec douleur, jusqu'à ce que Jésus-
L'un est monlé par sa l'ermetô et sa patience ; « Christ soit formé en vous » Et ailleurs « Vous
! :

l'autre est descendu par sa lâche sensualité. « qui cherchez votre justification dans la loi
2. t Car sachez que désirant, mais trop tard, « (de Mo'ise),vous êtes déduis de la grâce ». (Gai. iv,
« son liérilage de bénédiction, il fui réprouvé. Il 19; V, 4.) Voilà qu'il atteste leur entière déchéan-
o ne trouva pas, en effet, lieu au repenlir, bien ce. —
C'est qu'en eflel le fidèle qui esl debout,
€ qu'ayant demandé avec larmes à êlre bénii (17) ». dès qu'il entend ptoclanier que le paidon est im-
Que signifie ce texte ? Faut-il y voir la péni- possible à celui qui tombe, devient plus aident au
tence même réprouvée ? Non, sans doute. Mais bien, plus ferme, plut, stable dans sa résoluiion.
alors, commeiil Esaû ne trouva-t-il point place au Mais si vous tenez un langage aussi énergique à
repenlir î Comment celte place ne s'esl-elle point l'égaid de Tliomme tombé, jamais il ne se relè-
trouvée pour lui, s'il s'est condamné lui-même, vera. Que peut-il espérer, en se convertissant?
s'il a poussé d'amers sanglots ? C'est que toutes «Esaû l'apotre, « non - seulement
», ajoute
ces démonstrations n'élaionl point la pénitence, « pleura, mais
chercha la pénitence ». Ainsi la
il

pas plus que ne le fut celle douleur de Caïn, évi- pénitence n'esl pas réprouvée dans le texte oii il
demment démentie par son fralricide ; ainsi les dit qu'il n'a pas trouvé place au repentir. 11 veut
cris d'Esaii n'étaient pas ceux du repenlir, comme seulement les pfémiinir, les rendre fermes et sta-
ses idées de meurtre en donnèrent la preuve. Lui bles, pour qu'ils ne tombent jamais. Maintenant,
aussi, dans son cœur du moins, fut l'assassin de que ceux qui ne croient pas à l'enfer, se sou-
Jacob. « Le lempsde la mort de mon pèie viendra », viennent de ce Irait que ceux qui n'ont pas foi à
;

disait-il, « et je tuerai mon frère Jacob ». (Gen. la punition du péché, léfléchisseni ici et se de-

xxvii, 14.) Ses larmes ne purent donc pas lui mandent pourquoi Esaij n obtint pas son pardon?
donner un vrai repentir. L'apôtre ne dit pas abso- C'esi qu'il ne (il peint pénilence comme il l'auiail
lument qu'il n'obtint lien par sa pénitence, mais fallu.
qu'avec ses lai mes nième.s, il ne trouva point 3 Vculez-vous un exemple de pénilence par-
place à la pénitence. Pourquoi î C'est qu'il ne fit faite? Ecoulez celle de Pitiieapiès son reniement.
pas pénitence selon les conditions essentielles à L'évangélisie nous raconte sa conduite par un
un viai rep'Milir. La pénilence est là tout entière, seul trait ; «Il sortit », dit-il, « et pleura amère-
en ed'et ; Il ne s'esl point repenti comme il l'aurait « ment ». Un péché aussi énorme lui fut donc re-
fallu. Le; paroles de l'apôtre ne peuvent autre- mis, parce qu'il fil pénilence comme il le devait.
ment s'expliquer. En effet, (si la pénitence est inu- Et pourtant le sacrifice sanglant n'avait pas encore
f tile), pourijiioi exhorter à la conversion les Hé-
breux attiédis 7 Comment les réveiller, dès qu'ils
été oflert ; la viclime n'avait pas encore été immo-
lée ; le péché n'avait pas encore été détruit, et
étaient devenus chancelants, languissants, décou- continuait à exeicer son règne el sa tyrannie. Mais
ragés ? Car tous ces symptômes annonçaient une il faut que vous sachiez que ce reniement fut l'ef-

chute commencée. fet moins de sa lâcheté que de l'abandon de Dieu,


L'apôtre me parait faire allusion ici à certains qui voulut le dresser à connaître la juste mesure
fornicnteurs qui auraientexislé parmi lesHébreux, des forces humaines, à ne jamais résister aux pa-
bien que pour le moment il ne veuille pas les roles que lui adressait son maitie, à ne jamais
désigner et les reprendre; il feint même de ne s'élever au-dessus des autres; à savoir que sans
lien savoir, afin qu'eux-mêmes se corrigent. Car Dieu nous ne pouvons rien faire, et « Que si le
il faut d'abord feindre d'ignorer le mal, et n'ap- « Seigneur ne bâtit point la maison, en vain tra-
porter la réprimande que plus lard et s'ils y per- o vaillent ceux qui la construisent ». (Ps. cxxvi, t.)
sévèrent, de façon à ne pas leur ôter la pudeui du Ecoulez donc comment Jésus-Christ l'averlit spé-
crime. C'est la conduite que tint Moïse à l'égard cialement , l'admoneste nommément et seul :
de Zaïnbri et de Chasbitis. « Simon, Simon, Satan a demandé de te cribler,
« H ne trouva point place à la pénitence»; il « comme on crible le froment; mais moi j'ai prié
ne trouva pas la pénitence. Est-ce parce qu'il « pour toi, pour que ta foi ne défaille point ' ».
commit de ces péchés qui sont trop énormes pour (Luc, XXII, 31, 32.) Car, comme très-probablement
qu'on en fasse pénitence? Est-ce plutôlparce qu'il Pierre se complaisait en lui-même et s'élevait eu
ne pas une digne pénitence? 11 est donc, en
fit

etlet,quelques péchés trop grands pour qu'on en * £o lisant ce passage tout entier, on en tirera la conclusion toute
contraire à celle qu'y a cherchée le Jansénisme. On dira, avec saint-
puisse faire pénitence. C'est ce que l'apôtre dit
Augiibtin, parlant du Dieujuf>tc et lion : Non tJoscrit, nui deicratur.
ailleurs Ne tombons point par une cbute incu-

Et la prière spéciale de Jésus-Chribt pour Simon prouvera encore


rable. Taut que uoUe malheur se borue à une que cet abiudoQ de l>ieu n'est certes point un lefus de la giàce.
,

COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXXI. 5S5J

son cœur, parce qu'il avait la conscience d'avoir bue davantage à vous arrêter sur le chemin du
plus que ses frères l'amour pour Jésus-Christ; vice.La conscience ici regimbe, je le sais, et ne
pour celle raison. Dieu permet qu'il pèche et re- se laisse point ainsi flageller par le souvenir de
nie son Maître. Mais aussi, pour ce fait, il pleure ses misères mais sachez dompter votre cœur et
:

amèrement; et conduite qu'il tient ensuile, se


la lui serrer le frein. Pareil au coursier sauvage, dif-
conforme à ses pleurs amers. Car que n'a-til ficilement il se soumei il ne veul pas se persua-
;

pas fait en ce sens? 11 s'est jeté dans des périls der qu'il ait péché et dans celte répugnance, évi-
:

sans nombre, et a donné mille preuves de sa demment on reconnaît l'œuvre de Satan. Mais
force d'àme et de lasolidilé de son courage. nous, convainquons-le de ses crimes, pour le dé-
Judas aussi a fait pénilence, mais d'une façon cider aussi à faire pénilence, et pour le sauver du
déplorable, puisqu'il a fini par une strangulation supplice par l'acceplation de ce remède salutaire.
volontaire. Esaû aussi a fait pénilence, comme Comment esperez-vous, dites-moi, mériter le
je l'ai dit; ou plutôt il n'a point fait pénilence, pardon de vos péchés, si vous ne les avez pas en-
puisqu'il a versé des larmes d'orgueil et de fureur core confessés? Certes, par son étal même, le
philôl que de repentir, comme sa conduite sub- pécheur est trop digne de pitié et de miséricorde.
séquente l'a trop prouvé. Le bienheureux David a Mais, si vous n'avez pas même l'intime persua-
fait pénilence, et ses paroles nous le déclarent: sion que vous ayez péché, comment croiriez-vous
« Je laverai chaque nuit mon lit de mes pleurs; devoir implorer miséricorde , lorsque jusque
« j'arroserai ma couche de mes larmes » (Ps. vi, 7) : dans vos crimes, vous gardez l'impudence? Per-
et le péché ancien qu'il avait une seule lois com- suadons-nous bien que nous avons péché. Ne le
mis, il le pleurait après tant d'années, après tant disons pas de bouche seulement, mais de cœur
de générations, comme si son malheur avait été et de conviction. Non contents même de nous
d'hier. avouer pécheurs, examinons nos fautes en détail,
C'est qu'en effet le vrai pénitent ne doit point se déclarons - les toutes et chacune spécialement.
livrer à la colère, à la fureur, mais garder l'atti- Je ne vous dis pas de vous affliger en les décla-
tude brisée d'un condamné de la veille, qui n'a rant, ni de vous accuser en face de vos frères ;
plus le droit d'ouvrir la bouche, dont la sentence mais simplement d'obéir à cette parole du Pro-
est prononcée, que la miséricorde seule peut sau- phète « Déclarez à Dieu toutes vos voies ». (Ps.
:

ver encore, qui reconnaît son ingratilude publi- XXXVI, S.) Confessez donc vos péchés à Dieu; con-
que envers le souverain bienfaiteur, et s'avoue fessez vos péchés au Juge, avec une prière, sinon
enfin un réprouvé digne de tous les supplices des lèvres, au moins du souvenir, et implorez
imaginables. Rempli de ces pensées, il n'éprou- ainsi sa miséricorde.
veia ni colère, ni indignation ; mais il s'épan- Si vous gardez ainsi constamment la mémoire
chera en pleurs, en gémissements, en sanglots et de vos péchés, jamais vous n'aurez de haine
le jour et la nuit. contre le prochain, jamais vous ne conserverez le
Le vrai pénitent, encore, ne devra jamais ou- ressentiment des injures. Je ne dis pas seulement :
blier son péché, mais prier Dieu de vouloir bien Si vous avez l'intime persuasion que vous êtes un
ne plusse souvenir de cette faute, dont il gardera, pécheur; cette pensée ne vous donne pas, à beau-
lui, toujours la mémoire. Ici, eu effet, si nous coup près, l'humilité et le mépris de vous-même
nous souvenons. Dieu oubliera; sachons, oui, autant que le fera un examen personnel et spécial
nous accuser franchement et nous punir sévère- de chacune de vos fautes. Grâce à ce perpétuel
ment, et nous apaiserons notre Juge. Le péché souvenir de vos misères, vous ne haïrez plus, vous
que vous aurez confessé, déjà s'atténue; il s'ag- ne garderez point rancune, vous n'aurez ni colère,
grave au contraire, si vous n'en faites l'aveu. ni expressions de malédictions; vous ne serez
Que le péché se double, en eflet, d'ingratitude et plus orgueilleux ; vous n'éprouverez plus de
d'effronterie, dès lors ses progrès sont irrésistibles : rechutes dans les mêmes fautes ; vous serez plus
car comment pourrait-on veiller à ne point faire de ardent au bien.
chute nouvelle, si l'on ignore même qu'on ait 4. Voyez-vous combien d'avantages découlent
péché dans une première occasion? Ainsi, je vous de ce souvenir de nos péchés ? Gravons-les donc
en prie, gardons-nous de nier nos péchés; évi- dans nos cœurs. Notre àme, je le sais, ne souffre
tons pareille impudence , de peur de la payer à pas volontiers un souvenir si amer; mais contrai-
regret et bien chèrement un jour. Caïn entendit gnons-la de l'accepter ; faisons-lui en cela vio-
cette parole de Dieu :« Où est ton frère Abel ? » lence. Mieux vaut pour elle éprouver maintenant
Il y répondit : « Je ne sais ; suis-je doue le gardien le remords inséparable de cette pensée, que de
« de mon frère? » (Gen. iv, 9.) Voyez-vous comme subir le châtiment réservé au dernier des jours.
il aggrava son crime? Ainsi n'avait pas agi son Oui, si vous en avez mémoire aujourd'hui, et si
malheureux père, qui, interrogé par le Seigneur vous les offrez constamment à Dieu avec une
en ces termes : Adam, où es-tu ? avait répondu en prière persévérante pour en être délivrés, vous les
tremblant «J'ai entendu votre voix, et j'ai craint
: aurez bientôt détruits. Mais si vous les oubliez
« parce que je suis nu, et je me suis caché ». maintenant, alûis et malgré vous, il faudra vous en
(Gen. m, 9.) souvenir, quand ils seront déclarés publiquemiuit,
C'est un grand bien que de se souvenir cons- quand ils seront produits solennellement à la face
tamment de ses péchés; aucun remède n'est plus du monde entier, des amis comme des ennemis,
eilicace contre une faute commise que d'en garder en présence même des anges. Car ce, n'est pas à
toujours la mémoire ; et d'ailleurs, rien no conui- David seulement que l'Espnt-SaiiU ^ dit « Ce ;
88C ÏUADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

« que lu as fail en secret, moi je le manifesterai « été préparé pour le démon et pour ses anges »î
« à tous ». (Il Rois, XII, 12.) Dieu, ici, nous parlait (Matth. xxv, 34-41.)
à tous et à chacun. Tu as craint les hommes, nous Non contents d'entendre ces arrêts, plaçons
dira-t-il, et tu les a respectés plus que Dieu même; sous nos yeux ce tableau, ligurons-nous que le
sans souci du Dieu qui te voyait, tu as rougi seu- juge est là, qu'il prononce la sentence, qu'il nous
lement des regards humains. Car ces yeux des envoie à ce redoutable feu. Quels seront alors nos
liommes, ajoule-l-il, c'était la crainte des hommes. senlimenls? Quelle sera notre consolation? Que
Aussi, et pour ce sentiment même, tu seras puni; nous dira cette séparation effrayante? Que lépon-
je serai ton accu.'^ateur, je mettrai tes crimes sous drons-nous quand on nous accusera de rapine et
les yeux du monde enlier. de vol? Quelle excuse pourrons-nous apporter?
Que telle soit la vérité,qu'en ce grand jour nos Quelle apologie honnête présenter? Aucune. Mais
péchés doivent être produits aux regards de tous fatalement il faudra nous voir entliainés, le Iront
comme sur un théâtre, à moins que dès mainte- courbé de honte, traînés à la bouche de ces four-
nnnt nous ne les eflacions par un souvenir persé- naises ardentes, à ce fleuve de leu, à ces ténèbres,
vérant; vous le comprendrez, rien qu'à savoir à ce supplice éternel, sans pouvoir invoquer per-
comment sera solennellement accusée la cruauté, sonne pour nous délivrer. Car « on ne peut »,
l'inhumanité de ceux qui n'auront pas eu pitié de est-il écrit, « on ne peut passer d'ici là » ; entre

leurs frères. « J'ai eu faim », dit Jésus-Christ, nous et les élus, l'abime est immense (Luc, xvi,
t et vous ne m'avez pas donné à manger». (Matth. 26); le voulussent-ils, il ne leur serait pas per-
XXV, 42.) Quand est-ce que retentiront ces pa- mis de le franchir ni de nous tondre la main;
roles? Est-ce dans quelque recoin obscur? Est-ce il faut de toute nécessité soullrir à tout jamais,
en secret? Non, non Quand sera-ce donc? C'est
! sans que personne vous soit en aide, fùl-il votre
à l'époque où le Fils de l'homme viendra dans père, votre mère, quel qu'il soit enfin, quand
toute sa gloire, quand il aura rassemblé devant même il jouirait d'un grand ciédil auprès de Dieu.
lui toutes les nations, quand il aura séparé ceux-ci « Car le frère », dit le Prophète , • ne rachète
d'avec ceux-là, c'est alors que, devant le monde « point son frère : un homme en rachèteraii-il
comme témoin, il prononcera, et qu'il placera les « un autre? » (Ps. xlviii, 8.)
uns à sa droite el les autres à sa gauche, d'après Puis donc qu'il ne nous est permis d'attendre
l'arrêt. « l'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné notre salut de personne, si ce n'est de nous-mêmes,
• à boire «. aidés toutefois d'abord de la bonté et de la misé-
Voyez encore comme, en présence de tous, il ricorde de Dieu, je vous en prie, faisons tout au
prononce contre les vierges folles « Je ne vous: monde pour que notre vie soit pure et parraiteiuent
« connais pas ». Car ce partage de cinq vis-à-vis réglée, exempte surtout d'une première tache;
de cinq autres ne doit pas èlre pris à la lettre sinon, après une première tache inènic, ne nous
dccechlllre; il désigne encore les vierges mé- endormons point; et plutôt, persévérons dans la
chantes, cruelles, inhumaines, toutes celles enfin pénitence, les larmes, les prières, raumùue, pour
de semblable catégorie. Ainsi encore, en face de effacer nos souillures.
tout le monde, et spécialemeni en présence de ses Mais que ferai-je, dira quelqu'un, si je n'ai pas
deux compagnons qui avaient reçu, celui-ci deux de quoi donner l'aumône? —
Si pauvre que vous
talents, celui-là jusqu'à cinq, l'enfouisseurde son soyez, vous avez bien sans doute un verre d'eau
talent unique s'entend appeler : « Serviteur mau- froide; vous avez bien deux oboles; vous avez
« vais et paresseux » (Matth. xxv, 26); et maître
le deux pieds pour visiter les malades et pénétrer
fait connaître ces dépositaires, non-seulement par dans les prisons; vous avez un toit pour recevoir
les paroles qu'il leur adresse, mais pat le traite- les étrangers. Car il n'y a pas, non, il n'y a pas de
ment qu'il leur inlligu. Dans le même sens, l'évan- pardon pour qui ne fait point l'aumône, pour qui
gélistc a écrit: «Ils verront celui qu'ils ont percé». ne sait pas user de miséricorde. Nous vous le
(Jean, xix, 37.) Car à la môme heure tous, justes répétons constamment, afin que nos constantes
el pécheurs, ressusciteront; à la même heure redites produisent enfin quelque mince ellet. Nous
aussi Jésus-Christ se montrera pour les juger. tenons ce langage moins dans l'intéièl de ceux à
Pensez donc à ce que deviendronl alors ceux qui vous ferez du bien, que pour votre aviinlape à
sur qui pèsera la honte, la douleur ; ceux qui se vous-mêmes vous ne leur donnez que des hieus
;

verront traînés en enfer, au moment oii les autres présents, tandis que vous recevez les biens cé-
recevront la couronne t Venez >, dit-il aux uns, lestes. Puissions-nous les acquéi ir, par la grAcc
a venez, les bénis de mon père possédez le
; et la bonté de Notre-Seigneur Jésiis-Clinst. avec
« royaume qui vous a été préparé depuis la créa- lequelapparliennenl au Père,dans l'unité du Suinl-
« tiou du monde ». Et aux autres, au contraire : Esprii, la gloire, l'honneur, etc.
« Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu quia
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXXll, 587

HOMELIE XXXII.
vous NE VOUS ÊTES PAS APPROCQÉS MAINTENANT d'UNE MONTAGNE SENSIBLE ET TERHESTRB, NI d'PN
FEU BRULA^T, d'uN NUAGE OBSCUR ET TÉ.NÈDiiEOXj DES TEMPÊTES, ETC. (CHAP. XII, 18-2D.

Analysée
1 et 2. Caractère de la loi antique : majestueuse terreur qui accompagne la promulgatioa de la loi, et fait trembler le peuple
et Moïse lui-même. — Sens mystérieux et symbolique de cet appareil déployé au mont Sinaî. — Raison de chaque circons-
tance. — La loi nouvelle plus grande, bien que plus accessible. — Circonstances qui l'accompagnent et qui se révéleront
surtout dans les splendeurs de l'éternilé.
S. Le monde passe, le sol tremble ; nous passons plus vite si menacé
encore que ce monde
bâlis.sons ailleurs une maison per-
:

manente, dont les pauvres, assistés par nous, seront les conslrudeurs. —
L'aumône est comparée à une reine qui entre libre-
ment dans le ciel, à la colombe dont Dieu admire la beauté ; à l'aijle endormi au pied du trône royal, et qui nous protège
contre le jugement de Dieu. —
L'aumône est un devoir, puisque Dieu nous a fait miséricorde à nous-mêmes. D'ailleurs, —
toujours possible, elle peut offrir le denier de la veuve aussi bien et [lieux que l'or du riche. Offrande des chevelures —
pour le temple.

1. Il était vraiment grand et terrible, ce Saint « dit lui-même : Je suis tout tremblant et tout
des Saints qu'abritait l'ancien temple; terrible « effrayé (21) ». Etonnez-vous encore que l'Ecri-
avait été de même l'appareil déployé au mont ture attribue au peuple ce même sentiment, lors-
Sinaï, ce feu, ces ténèbres, celte sombre nuée, que le législateur même qui avait pénétré dans la
cette tempête dont l'Ecriture a dit que le Seigneur nuée sombre où Dieu habitait, s'écriait à son tour:
se montra sur le Sinaï au milieu des flammes, de Je suis effrayé et tout tremblant !

la tempête et des nuées épaisses. Le Nouveau Tes- Mais vous vous êtes approchés de la montagne
«
tament ne fut publié avec aucune circons- « de Sion, de la ville du Dieu vivant, de la Jéru-
tance semblable; Dieu le donna simplement par « salem céleste, d'une troupe innombrable d'anges,
la parole. Voyez toutefois comme l'apôtre compare «de l'Eglise des premiers-nés qui sont écrits dans
le cortège même extérieur des deux alliances; et « le ciel, de Dieu qui est le juge de tous, des es-
comme, avec raison, il donne tout l'avantage des te prits des justes qui sont dans la gloire ; de Jésus
circonstances mêmes à notre sainte loi. Déjà, « qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et
quant au fond même , il a surabondamment « de ce sang dont l'aspersion parle plus avanta-
prouvé, il a évidemment démontré la différence « geusement que le sang d'Abel (22-24) ».
des deux Testaments, et la réprobation de l'An- Vous voyez par quels traits il montre la supé-
cien ; dès lors, quant aux circonstances mêmes, riorité nouvelle alliance â l'égard de l'an-
de la
il arrive à les juger facilement. Or, que dit-il ? cienne. — Au
lieu de la Jérusalem terrestre, ia
«Vous n'avez pas approché, en effet, aujourd'hui, céleste Jérusalem vous vous êtes approchés, vous,
:

« au pied d'une montagne visible, aupiès d'un feu de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste.
«ardent, d'un tourbillon, d'une sombre nuée, — Au lieu de Moïse, Jésus : Jésus, dit-il, est le
« d'une tempête; vous n'avez pas entendu le son médiateur de la nouvelle alliance. Au lieu du —
« de la trompette et le retentissement des paioles, peuple Israélite, les anges L'innombrable mul-
:

« que ceux qui les entendirent retusèient d'écou- titude des anges, dit-il. —
Mais, quels premiers-
« ter, en suppliant que la voix n'ajoulàt pas un nés désigne-t-il par l'expression L'Eglise des :

« mot de plus. Car il ne pouvait supporter la ri- premiers-nés ? 11 entend tous les chœurs des fidèles,
« gueur de celle menace Si une bêle même tou-
: qu'il appelé aussi les esprits des justes parfaits.
« cba la montagne, elle sera lapidée (IS-20) ». Ainsi, poursuit-il, ne vous livrez pas au chagrin ;
Terrible appareil, dii l'apôlre , si Icriible même, voilà ceux avec qui vous serez un jour.
qu'Israël ne puise résigner à en être témoin et Mais quel est le sens de la phrase « De ce sang :

qu aucun animal même n'osa gravir la montagne. « dont l'aspersion parle plus avantageusement que
Mais toutes ces circonstances redoutables n'étaient « celui d'Abel? » Le sang d'Abel a-t-il donc parlé?
pas comparables à celles que l'avenir devait Cerlainemenlj répond-il, etcomment? Paul encore
révéler. En effet, qu'est-ce que le Sinaî comparé vous le dit; « C'est par la foi qu'Abel offrit à
au ciel? Qu'est-ce que ce feu sensible en compa- « Dieu une hoslie plus excellente que celle de
raison du Dieu qui échappe à nos sens? Car notre « Caïn, et que grâce à cette victime, il fut déclaré
Dieu à nous, dii l'Ecriture, est un feu dévorant. « juste ; c'est à cause de sa foi, qu'il parle encore
— « Que Dieu ne nous parie pas, criait et peuple ; € après sa mort ». Dieu lui-même le dit « La voix :

« que ce soit plutôt Alo'ise qui nous parle ». (Exod « du sang de ton frère crie jusqu'à moi ». Tel est
XX, 19.) « Car ils ne pouvaient supportei », dit donc le sens du texte, à moins qu'on ne lui donne
l'apôtre, « ce terrible arrêt Qu'une bête même
: celui-ci le sang d'Abel est encore célébré dans
:

«qui touchera la montagne, soit lapidée; et le le monde, mais bien moins toutefois que celui de
« spectacle qui s'offrait était si terrible, que Muisc Jésus-Christ. Car le sang divin a purifié le moude,
B88 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

el il entendre une voix d'autant plus éclatante


tait donc, sinon que Dieu parlât lui-même, que sa
cl plus que la rédlilé l'emporte sur
significative, voix s'adressât au peuple et fil écouter ses lois
la figure, en fait de témoignage. divines?
« Prenez garde de ne pas mépriser celui qui Mais rappelons-nous notre premier texte « Car :

« vous parie car si ceux qui ont méprisé


;
«vous ne vous êtes point approchés dune mon-
« celui qui leur parlait sur la terre, n'ont pu « tagne sensible, d'un feu ardent, du son de la

a échapper à la punition, bien moins l'éviterons- « trompette, et de cette voix que ceux qui l'enten-
« dirent s'excusèrent d'entendre, ne voulant plus
« nous, si nous rejetons celui qui nous parle du
«ciel; lui dont la voix alors ébranla la terre, « qu'elle prononçât un mol ». Leslsraélilcs furent

« et qui a fait pour le temps où nous sommes, une donc cause que Dieu se montra dans notre chair.
« nouvelle promesse, en disant : J'ébranlerai en- Car, que disaient-ils? «Que Moïse nous parle, et
«core une fois, non-seulement la terre, mais aussi « que Dieu cesse de nous parler ».

« le ciel. Or, en disant Encore une fois, il déclare


: Les orateurs qui procèdent par comparaisons,
«qu'il fera cesser les choses muables, comme rabaissent plus que de droit les sujets élrangers,
« étant faites pour un temps, afin qu'il ne demeure pour montrer que le leur esl bien plus grand. Je
« que celles qui sont pour toujours. C'est pourquoi me plais à croire, au contraire, que ces faits de l'An-
o commençant déj<à à posséder ce royaume , qui cien Testament sont admirables, puisqu'ils sont
« n'est sujet à aucun changement, conservons la les œuvres de Dieu et les démonsiralions de sa
« grâce, par laquelle nous puissions rendre à Dieu puissance; et cependant je démontre que notre
o uncullequiluisoitagréable.élant accompagnéde histoire, à nous, présente plus et mieux à notre
n respect etd'une sainle frayeur. Car notre Dieuest admiration. Nos mystères sont doublement grands,
« un feu dévorant (23-29)». Si l'appareil antique est puisqu'ils sont plus gloiieux et plus nobles, et
terrible, le nouveau est beaucoup plus admirable toutefois d'un accès bien plus facile. C'est ce que
saint Paul écrit aux Corinthiens « Nous voyons,
et plus glorieux. Nousn'y voyons plus les ténèbres, :

les nuées sombres, la tempête. Et si l'on demande « nous, à face découverie, la gloire du Seigneur»;

poun]uoi Dieu se inonlrail alors par le feu, il me tandis que Moïse couvrait son visage d'un voile.
semble que cette circonstance indiquait hgurémenl Ainsi, dit l'apôtre, nos pères n'ont pas été hono-
l'obscurité de l'Ancien Testament, el cette loi mo- rés à l'égal de nous. Car, quel honneur leur fut
saïque si voilée, si enveloppée d'ombres épais.ses. accordé? Celui de voir ces ténèbres et cette nuée,
On comprenait par là d'ailleurs que le législateur el d'entendre la voix divine. Vous l'avez entendue,
doit, au besoin, être terrible et capable de punir vous aussi, celle voix, non pas à travers la nue,
les transgresseurs. mais par l'organe d'un Dieu fait chair. Loin d'ôtie
2. Mais pourquoi le son de la trompette? C'était troublés el bouleversés alors, vous êtes restés de-
l'occasion nécessaire, puisqu'elle retentit d'ha- bout devant sa face, vous avez conversé avec votre
bitude pour annoncer un roi- Elle doit se taire médiateur.
entendre encore, bien certainement, au second D'ailleurs, par les ténèbres du Sinaï, l'Ecriture
avènement du Seigneur. Nous serons tous, dit nous montre quelque chose de tout à fait invi-
.'apùtre, léveillés par la trompette, de sorte que sible « Une noiiu nuée », dit-elle, »
: était sous
.a puissance de Dieu produiia celle résurreclioii « ses pieds » Alois Moïse même
tremblait; niain-
générale. Au reste, ce son de la tiompelte ne tenant, il n'est peisonne qui tremiile. Alors, le
signilie qu'un faii; c'est que tous, nous devrons peuple se tint au bas de la montagne; mais nous,
lessusciter. Mais, en Israël, tout était réellement loin de rester en bas, nous montons au-delà des
lalileaux et voix tandis que dans l'avenir qui
; cieux, nous ap|)roclions de Dieu même, à titre
devait suivre, tout est pour l'intelligence seule, d'enfants, mais non pas comme Moïse. Là, on —
tout invisible. —
Le leu n'avait non plus d'autre ne voit^iue désert; chez nous, c'est la cité, c'est
sens, sinon que Dieu même est un feu. Car, dit rassemblée de milliers d'anges; c'est la joie et
l'apôtre, « notre Dieu est un feu dévorant ». — rallégresse qu'on nous montre, au lieu de ces
La nuée sombre, les ténèbres, la fumée, montrent nuages, de ces ténèbres, de cette tempête; c'est
aussi qu'il s'agit d'une loi redoutable; c'est dans « l'iiglise des premiers-nes qui sont inscrits dans
la même pensée qu'lsa'ie a dit : « Le temple fut « lescieux; c'est Dieu, juge de tous les hommes».
a rempli de fumée ». —
Pourquoi la tempête du Là n'approchèrent jamais les Israélites; ils se tin-
Sinai?Pour montrer la paresse et la lâcheté du rent bien loin en arrière. Moïse comme les autres:
genre humain. Il lui falhiii de ces coups de ton- vous, au contraire, vous vous êtes approchés. —
nerre pour le réveiller; aussi, ne se trouvait-il Touielbis, l'apôtre leur imprime la crainte, en
aucun homme assci slupide, assez alouidi, pour ajoutant Vous voici aux pieds du Dieu, juge de
:

ne pas relever son âme vers les idées célestes, à "sus les hommes, de celui dont le tribunal s'é-
l'heure où se produisaient ces laits terribles, alors lève, non-seulement pour les juits et pour les
que Dieu portail sa loi. — Enfin, Moise parlait, et fidèles, mais pour le monde entier. —
«Les esprits
Dieu lui répondait. Il fallait, en effet, que cette « des justes parfaits » désignent ici les âmes de
voix de Dieu se fil entendre; voulant présenter tous les bons. —
« Jésus, médiateur du Nouveau

sa loi par l'organe de Moïse, il devait d'abord «Testament, et l'aspersion de son sang », rap-
montrer ce Prophète comme digne de foi. D'ail- pellent notre juslilicalioii du péché. « De ce —
leurs, on n'apercevait point Moïse à cause de celle « sang i|ui parle mieux que celui d'Abel ». Si le
sombre nuée; on ne pouvait non plus l'entendre sang même peut parler, à plus foilo raison peut
à cause de la faiblesse du sa voix. Que regluit-il et doit vivre votre Sauveur mis à mort autrefois.
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉRREUX. — HOMÉLIE XXXII. 589

îlTisquel est son langage? L'Esprit, répond saint rons rudement frappés , nous sortirons de ce
Paul, « l'Esprit parle par des gémissements inef- monde si menacé. Pourquoi bâtir sur le sable?
« fables». (Rom. -viii, 26.) Comment donc s'ex- Bâtissons sur le roc; quel que soit dès lors le
prime-t-il? C'est qu'en descendant au fond d'un choc imminent, notre édifice demeure irrésis-
cœur sincère, il le réveille, et lui prête même une tible; il se dresse inexpugnable.
voix. Rien de plus sur, en vérité car dans ce lieu
:

« Gardez-vous de refuser d'entendre ce lan- suprême, il n'est point d'accès aux attaques enne-
« gage », c'est-à-dire, ne le repoussez jamais. mies, tandis que ce triste séjour de la terre y est
« Car, si ceux qui ont méprisé celui qui leur par- constamment exposé. Ici, en effet, les tremble-
« lait sur la terre... » De qui parle ici saint Paul? ments de terre, les incendies, les irruptions des
Il semble désigner Moïse, et faire ce raisonne- ennemis, nous arrachent tout vivants au monde,
ment Si ceux qui ont méprisé un législateur ter-
: et souvent nous emporieni dans sa ruine. Que si
restre, n'ont pu échapper au châtiment, comment le sol qui nous porte reste intact, il y a toujours
nous soustraire nous-mêmes à celui qui, du haut quelque maladie pour nous mlevei bientôt, ou
du ciel, nous impose ses lois? Toutefois, il n'en- pour nous empêcher de jouir si nous y restons.
seigne pas. Dieu nous garde de le croire que ces ! Car quel plaisir peul-on goûter dans ce séjour des
législateurs soient différents; il ne nous en montre maladies, des calomnies, des jalousies, des com-
pas deux dans ce texte, mais seulement que l'un plots incessants?
apparaît terrible, quand sa voix tombe des hau- Fussions-nous à l'abri de ces maux, souvent
teurs célestes. Au fond, c'est le même, pour Israël nous sommes peines et désolés de n'avoir point
et pour nous; mais, chez les Juifs, il est avant tout d'enfants, de sorte qu'à défaut de ces chers héri-
redoutable. L'apôtre nous montre donc la diffé- tiers à qui nous laisserions nos propriétés, nous
rence, non pas de donateur, mais seulement de souffrons cruellement de travailler pour d'autres.
donation. Et quelle est la preuve de ce fait? C'est la Souvent miêmenotre héritage échoit à nos ennemis,
suite même des paroles apostoliques. Car, dit-il, si non-seulement après notre décès, mais même de
pour avoir refusé d'entendre celui qui leur parlait notre vivant. Est-ildonc rien de plus malheureux
sur la terre, ils n'ont pas échappé au châtiment, que de travailler pour des ennemis, que d'amasser
bien moins éviterons-nous celui qui nous parle du pour soi des péchés sans nombre afin de leur
haut du ciel. Mais quoi? Celui-ci est-il donc autre laisser, à eux, le bonheur d'une vie tranquille?
que le premier? Non, car autrement, comment Nos cités offrent de nombreux exemples de ce
l'apôtre dirail-il que la « voix » du premier genre, et je m'arrête de peur d'allliger ceux qui
«ébranlait alors la terre même? » Et de fait, la sont ainsi privés de postérité; mais je pourrais
voix du législateur antique ébranla la terre. en désigner plusieurs par leur nom je pourrais
;

« Et c'est lui qui pour le temps où nous


a fait vous redire plus d'une triste histoire, et vous
« sorffmes une nouvelle promesse , en disant : montrer plusieurs maisons dont la porte s'est
« J'ébranlerai encore une fois, non-seulement la ouverte aux ennemis mêmes de ceux qui avaient
« terre, mais aussi le ciel ». Or, en disant « En- : sué pour les édifier et les embellir. El ce ne sont
« core une fois », il déclare qu'il fera cesser les pas seulement les maisons, mais les serviteurs,
choses muables, comme étant faites pour un temps. mais souvent l'héritage tout entier qui est ainsi
Ainsi tout le rite antique devra disparaître de la échu à des ennemis. Ainsi vont les choses humaines.
scène , et se transformer en une loi meilleure par Dans les cieux, au contraire, vous n'avez à re-
l'œuvre d'en-haul. C'est ce que le texte donne à douter rien de semblable; ainsi vous n'avez pas à
comprendre ici. Pourquoi donc, ô fidèle, te déso- craindre qu'après le décès d'un juste, son ennemi
ler de souffrir sur cette terre non permanente, el ne se présente et ne lui ravisse son héritage. Là,
d'être affligé dans un monde qui passe si vite? Si en efl'et plus de mort, plus d'inimitié possible,
,

les derniers jours de ce monde devaient être ceux rien enfin que les tabernacles éternels des saints;
de fa paix et du bonheur, on concevrait qu'à la et parmi ces bienheureux, tout est bonheur, joie,
vue de celle fin heureuse, on fut affligé et impa- allégresse. Car, dit le Prophète , « les cris d'allé-
tient. — Afin », dit saint Paul, « que les choses
l' « gresse retentissent dans les tentes des justes ».

« immuables demeurent seules enfin ». Quelles (Ps. cxvii, IS.) Leurs demeures sont éternelles et
sont ces choses immuables? Celles de l'avenir ne connaissent point de fin elles n'éprouvent ni
;

éternel. le ravage des temps, ni les changements de pro-


3. Agissons donc uniquement et en tout pour priétaires ; mais elles s'élèvent dans une jeunesse
acquérir cette vie ineffable, pour jouir de ces biens el une beauté perpétuelles. La raison le proclame:

infinis. Oui, je vous en prie et vous en conjure, en effet, là, rien de corruptible ni que la mort
n'ayons pas d'autre ambition. Personne ne vou- puisse attaquer; tout est immortel et inaccessible
dront bàiir dans une ville dont la ruine serait cer- aux coups du trépas.
taine el prochaine. Répondez-moi, en effet si : Pour un tel édifice, versons à pleines mains
l'on venait vous prédire que telle cité sera ruinée notre argent. 11 n'esl besoin ni d'architectes ni
dans un an, et telle autre jamais, bàtiriez-vous d'ouvriers. Les mains des pauvres nous édifient
dans pourquoi je vous
celle qui devrait périr? C'est ces palais, bien* qu'ils soient boiteux, aveugles,
dis maintenant : en ce monde ?
N'éilifions rien mutilés ils sont ici les constructeurs. N'en soyez
:

Tout y doit bientôt tomber et périr. Mais que pas surpris, puisque ce sont eux qui nous gagnent
parlé-je de cette ruine d'objets extérieurs? Avant un trône même, el nous procurent l'entière coa«
celle ruine nous périrons nous-mème.';, nous se- fiance en Dieu,
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMË;

L'aumône en effet, est, de tous les arts, le dieuse. Nous-mêmes, d'ailleurs , nous avons be-
meilleur et le plus utile à ceux qui savent l'em- soin de cette miséricorde, puisque chaque jour
ployer. Amie de Oieu, toujours proche de lui, elle nous disons à Dieu « Ayez pilié de nous selon
:

est iidmise lacilement à tout demander pour ceux » votre grande miséricorde ». (Ps. xxiv, 7.) Com-
qu'elle adopte, pourvu que nous ne lui lassions mençons par nous-mêmes; mais
la pratiquer
pas d'injustice à elle-même. Or, c'est lui faire non jamais nous ne commençons, puisque Dieu
!

injure, que d'èli'e aumôniers de biens volés. Que d'abord a montré sa miséricorde envers nous:
si, au contraire, l'aumône est pure et véritable, mais, bien cbers frères, suivons cette trace di-
elle communique à ceux qui savent l'épancher, vine. Car si les bommes aiment
à rendre pitié
une merveilleuse confiance tant est grande sa
: pour pitié à celui même qui s'est couvert de
puissance, pour ceux mêmes qui ont péché Elle ! crime.s, mais qui a été miséricordieux, le Sei-
brise leurs fers, dissipe les ténèbres, éteint le feu, gneur, bien plus que nous, adopte celte con-
tue le ver rongeur, et leur épargne les griuce- duite.
menls de dents. Devant elle, les portes des cieux Ecoulez la Prophète « Pour moi »,
parole du :

s'ouvrent en toute sécurité. Et comme, lorsqu'une dil-il, <i dans la maison de Dieu comme
je suis
reine tait son entrée, aucun des gardes qui veil- « l'olivier qui porte son fruit ». (Ps. li, 10.) Ren-

lentaux portes du palais n'osera jamais s'enquérir dons-nous semblables à l'olivier. De tous côlés
de cette majesté ni de ses démarches, et qu'au les préceptes divins nous pressent: il ne suffit
contraire tous lui feront un humble accueil ; ainsi pas qu'on soit l'olivier, il faut être celui encore
est reçue l'aumône, parce qu'elle esl une vérllable qui porte son fruit. 11 y a des gens qui ont quel-
reine et qu'elle rend les hommes semblables à que miséricorde, qui, dans l'intervalle de toute
Dieu, selon qu'il est écrit: « Soyez miséricordieux, une année, donnent une fois, ou qui sont aumô-
« comme votre Père céleste est miséricordieux ». niers chaque semaine seulement, ne donnant
(Luc, VI, 36.) presque rien. Par leurs actes de miséricorde, voilà
Prompte et légère, armée de ses ailes d'or, l'au- des oliviers, sans doute mais à des actes aussi
;

mône peut prendre un vol qui réjouit les anges. peu larges, aussi peu généreux, vous ne recon-
C'est d'elle que le Prophète a dit, « que le plu- naissez pas des oliviers féconds. Quant à nous,
« ma^e de la colombe esl argenté; et que son dos soyons feriiles toujours !

« rellète l'éclat de l'or pâlissant ». (Ps. lxvii, 14.) Je l'ai dit souvent, et je le répète aujourd'hui :

Semblable à cette colombe vivante et illuminée ce n'est pas l'importance absolue de ce qu'on
d'or, elle prend son essor; son aspect esl souriant, donne qui constitue la grandeur de l'aumône,
son regard est plein de douceur, et d'une beauté mais bien volonté et le cœur de celui qui donne.
la
que rien ne dépasse au monde. Le paon lui-même, "Vous connaissez l'histoire de la veuve; car il est
avec ses splendeurs incontestables, n'est rien au- toujours utile de rappeler cet exemple, afin que le
près d'elle, tant celte habilante des cieux est belle pauvre ne désespère pas de lui-même , à la vue
et ravit l'admiration. Sou regard toujours s'élève de cette femme qui laissait tomber dans le tronc
au ciel; Dieu l'enlouie de sa gloire inell'able; c'est ses deux oboles. Quand on rebàlil le temple, on
une vierge aux ailes d'or, splendidement parée, et vit des gens offrir leurs cheveux mêmes, et ces
dont les irails respirent la candeur et la mansué- humbles donateurs ne furent point repoussés. Si
tude. C'est l'aigle, aussi puissant que léger, et qui possétlant de l'or, ils avaient fait cette offrande de
dort au pied du irône royal; dès que Dieu nous leur chevelure seulement, ils méritaient d'être
juge, elle retrouve son vol el se moiiUe pour nous maudits mais s'ils n'ont fait ce sacrifice que parce
;

couvrir de ses ailes el nous sauver du sup|)lice. que celte aumône seule leur était possible, Dii^u
L'aumône' Dieu la préfère aux sacrifices. Sou- les a bénis. que Caïn fut réprimandé,
C'est ainsi
vent il en parle, lanl il l'aime « Elle lecueillera»,
: non pas pour avoir offert des choses sans valeur,
dit-il, veuve, l'orphelin el le pauvre ». Dieu
« la mais parce qu'il offrit ce qu'il avait de moindre
aime à emprunter d'elle son plus doux nom, dans ses propriétés. Car « maudit soit », dit un
d'après David qui apiielle « le Seigneur bon, mi- Prophèie, « celui qui possède une victime mâle et
« séricordieux, patient, clément à l'infini, toujours « sans défaut, et qui offre à Dieu une bôle ma-
« vrai ». ( Ps. CXLV, eu, 8; CXLIV, 8.) Tandis
'J ; « lade». (Malach. i, 14.) Il ne réprouve pas absolu-

qu'un autre Prophète s'écrie » La miséricorde


: ment celui qui présente peu, mais celui qui pos-
«de Dieu règne sur la terre; c'est elle qui a sède et se montre avare. Donc, celui qui ne pos-
« sauvé le genre humain ». (Ps. lvi, 12.) En effet, sède rien n'est point non plus coupable; que
8''1 n'avait eu pilié de nous, tout aurait péri. Celle dis-je?sa moindre aumône a droit à la récom-
miséricorde nous a réconciliés avec lui quand nous pense. Car est-il plus pauvre sacrifice que celui
étions ses ennemis elle nous a comblés de grâces
; de deux oboles? Est-il un don plus misérable que
innombrables; elle a décidé le Fils même de celui d'une chevelure? Est-il oflrande plus vile
Dieu à se faire esclave, à s'anéantir pour nous. que celle d'une petite mesure de farine? Et ce-
Ah sninicmentjaloux, mes frères, imitons u;ie
! pendant ces présents ne furent pas moins appré-
vertu qui nous a sauvés; aimons- la; estimo\is-la ciés de Dieu que les veaux et l'or. Chacun est
plus que rargpni,et, si l'or nous manque, ayons agréé de Lui en proportion de ce qu'il a, et non
du moins le cœur n.iséricordieux. (tien ne carac- en proportion de ce qu'il n'a pas : car, dit l'E-
léiise le chrélien, autant que l'aumùne; rien n'est criture, soyez bienfaisant selon ce que votre main
admiré de l'incrédule, ou pour mieux dire , de possède.
fout le monde, coaiuie notre charité miséricor* Je vous en prie donc, épanclious sur les paU'
COMMENTAIRE SUR L'ÈPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXXIII. mi
vies, avec un cœur joyeux, nos biens, si chétifs de Dieu; pourvu que non contents d'écouter,
qu'ils Nous recevrons la même récom-
soient. nous agissions; non contents de louer, nous nous
pense que ceux qui auront donné davantage; que mettions à l'œuvre. Puissions-nous y arriver tous
dis-je ? nous serons récompensés plus que ceux par la grâce et la bonté de Noire-Seigneur Jésus-,
qui auront prodigue l'or. Si nous suivons cette Christ avec lequel, etc.
conduite, nous aurons droit aux trésors ineffables

HOMELIE XXXIII.
c'est POUnQUOI, COMMENÇANT A POSSÉDER CE ROYAUME IMMUABLE, CONSERVONS LA GRACE, PAR LA-
QUF.LLE NOUS PUISSIONS RENDRE A DIEU UN CULTE QUI LUI SOIT AGRÉABLE, ÉTANT ACCOMPAGNÉ
DE RESPECT ET DE PIÉTÉ. CAR NOTRE DIEU EST UN FEU DÉVORANT, (CBAP. XII, 28 ET 2i) JUSQU'A
XIII. 16.)

Analyse»
i et 2. Avis spirituels : Faire son salut avec crainte. — Esercer l'hospitalité, Is charité, la pureté. —
Obéir à l'autorité, qui re-
présente Jésus-Clirist et sa doclrine toujours invariables. — Sens mystique de l'immolation de certaines victimes hors du camp
d'isiaët. — Jésus, aussi, a souffert hors de Jérusalem ; sortons de ce monde et suivons-le jusqu'au calvaire. — Saint Jean
Chrysostome revient sur chacun des avis spirituels déjà donnés. Il insiste sur la licite du mariage et de ses droits, sur la con-
fiance eu Dieu, sur l'avantage infini que la foi possède vis-à-vis du raisonnement.
3 et 4. Sortons de ce monde, comme Jésus sort de Jérusalem, portant la croix ; offrons par lui nos souffrances à Bien. — Rendons-
lui-en grâces, comme d'autant d'occasion? de vertu. — La voie du ciel est étroite, on n'y entre qu'en se rapetissant par l'hu-
milité, en se détachant de tout par la résignation.

l.« C'est pourquoi commençant à posséder


ce t hôtes des anges, sansle savoir ». (Chap. xin;
« royaume immuable Saint Paul déjà disait ail-
». Voyez-vous comme l'apôtre leur recommande
1, 2.)
leurs :« Les choses visibles sont temporelles ; mais de garder leur ligne actuelle de conduite, sans
« les invisibles sont éternelles » (H Cor. iv, 18); leur enjoindre autre chose? Ainsi, il ne dit pas:
et de celle réflexion il tirait un motif de nous con- Aimez vos frères, mais « Conservez votre charité à
:

soler dans les maux que nous supportons durant « l'égard de vos frères ». Et il ne dit pas non plus:
la vie présente c'est la même pensée, c'est la
: Soyez hospitaliers, comme s'ils ne l'étaient pas
même conclusion qu'il fait valoir ici. « Conser- déjà; mais seulement: « N'oubliez pas la sainte
« vons la glace », cest-à-dire, rendons grâces à « hospitalité » car la tribulation fait négliger
!

Dieu, et demeurons fermes et (iaè'.es; car non- trop facilement ce devoir. Puis, ajoutant un motif
scuiemect nous ne devons pas murmurer à raison bien capable de les exciter à le remplir, il
du présent, mais noui sommes obligés de garder ajoute « C'est en la pratiquant que quelques-uns
:

la plus vive reconnaissance à raison de l'avenir « ont reçu pour hôtes des anges, sans le savoir ».
promis « La grâce, par laquelle nous puissions Comprenez-vous quel fut pour eux et l'honneur et
€ rendre à Dieu un culle qui lui soit agréable ». l'avantage? Qu'esl-ce à dire : « Sans le savoir?»
Comprenez: c'est ainsi qu'il nous faut servir Dieu, c'est-à-dire que sans reconnaître les anges, ils
nous efforçant de lui plaire, lui rendant grâces en leur donnèrent l'hospitalité Ainsi c'était pour
toutes choses, comme dit ailleurs l'apôtre: Abraham une grande récompense déjà d'avoir
« Agissez en tout sans murmure et sans dis- reçu, sans qu'il s'en doutât, des anges mêmes
« pute ». (Philipp. II, 14.) Car ce qu'on fait en pour hôtes. S'il les avait connus comme tels, sa
inuimuraMi, on en retranche le mérite, on en conduite n'aurait rien d'admirable. Quelques in-
perd le salaire, comme il est arrivé aux Israélites; terprèles pensent que l'apôtre en ce passage fait
car vous savez tomme ils ont été punis à cause aussi allusion à Loth.
de leur? murmures; et c'est ce qui lui fait dire : Souvenez-vous de ceux qui sont dans les
» Nf murmurez point! » 11 vous est donc impos- « chaînes, comme si vous étiez vous-mêmes en-

sible de servir Dieu de manièie à lui être agréa- • chaînés avec eux; et de ceux qui sont affligés,
bles, si vous ne lui rendez grâces de tout événe- « comme étant vous-mêmes dans un corps mortel.
nienl, des jours d'épreuves comme des temps de « Que le mariage soit traité de tous avec hon-
calme. « Avec crainte et respect », c'est-à-dire, « nêteté, et que le lit nuptial soit sans tache ; car
sans jamais nous permettre une parole d'orgueil « Dieu condamnera les lornicateurs et les adul-
ou d'impudence, mais au contraire nous maîtri- « tères. Que votre vie soit exempte d'avarice ; soyez
sant toujours sous la loi et la pratique du resiiect. « contents de ce que vous avez (3-5) ». Vous voyez
C'est ce que nous recommande cette expression : comme saint Paul aime à parler fréquemment de
« Avec crainte et rcspocl ». la sainte continence. Soyez, a-t-il dit déjà, soyez
« Conseï vez toujours la charité avec vos frères. zélés pour la paix et l'honnêteté. Et ailleurs Point :

« Ne négligez pas d'exercer l'hospitalité; car c'est de fornicateurs, point de profanes parmi vousl
f en la pratiquant que
qu^iniips-iins ont reçu pour El ici Dieu jugera les fornicaleurg et les aduUùrç^.
:
m TRADUCTION FRANÇAISE bE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Parloutla défense est accompagnée d'une sanction « et à des doctrines étrangères. Car il est bon d'af-
Iiénale ; vous en serez convaincus en étudiant la « fermir son cœur par la grâce, au lieu de s'ap-
suite de son discours. Ainsi, quand il a dit : « puyer sur des discernements de viandes, qui
« Soyez zélés pour garder avec tout le monde la « n'ont point servi à ceux qui les ont observés
o paix et l'honnêteté », ajoute aussitôt
il « Sans : « (8, 9) ». Jésus-Christ était « hier » ; entendez:
« celle vertu, personne ne verra Dieu
». (Hébr. xii, pendant tout le temps passé ; il est « aujourd'hui »,
14.) Et de même ici « Dieu jugera les fornicaleurs
: c'est le temps actuel ; « dans tous les siècles »,
«et les adultères », dit-il, après avoir établi Comprenez encore vous
c'est l'avenir et l'éternité. :

d"abord : que le mariage doit être traité par tout le l'avez entendu nommer Pontife, mais non pas
monde avec bonnèUité, et que le lit nuplial doit être Ponlifc pour cesser de l'êti'e jamais: car il est
sans tache le chàiiment dont il menace lestrans-
; toujours le même. Peut-être certains hommes
gresseurs, justifie la loi qu'il vient de promulguer. oseront prétendre que le crucifié n'est pas le Christ
Car si le mariage est une concession divine. Dieu qui est altendu, qu'un autre que lui viendra: mais
est eu droit de punir la débauche, Dieu a le devoir saint Paul nous dit que le Christ d'hier et d'au-
de châtier l'adultère. L'apôtre combat ici, d'ail- jourd'hui est le même pour tous les siècles ; c'est
leurs, les hérétiques. Remarquez toutefois encore déclarer évidemment que le Messie déjà venu,
qu'il ne dit pas Qu'il n'y ait point de fornicaleurs
: viendra de nouveau, que le même était, est et sera
parmi vous ! Il s'est servi d'une expression plus gé- dans l'éternité. A l'heure même où nous sommes,
nérale il n'a donné qu'une exhorlaiion qui n'a pas
; les juifs prétendent qu'un autre viendra, et comme
l'air de s'adresser aux Hébreux spécialement, mais ils se sont eux-mêmes privés du Christ véritable,
« tout le monde. » Que votre vie soit exempte ils tomberont dans les filets de l'antechrisl. « Ne

« d'avarice ; soyez conlenls de ce que vous avez ». « vous laissez pas aller à des doctrines toujours
Il ne dit pas: Ne possédez rien; mais seulement : «variables et étrangères ». Les fausses doctrines
N'ayez point d'avarice dans votre conduite c'est- ;
varient, et, de plus, sont étrangères. L'apôtre
à-dire Que votre cœur soit libre ; que tous mon-
: savait, en eli'el, qu'à ces deux titres le danger et la
trent une âme haute et sage ; et nous la montrerons ruine doivent nailre sous les pas de ceux qui se
telle, si loin de chercher le superflu, nous nous laissent entraîner. « Car il est bon d'afl'ermir son
attachons uniquement au nécessaire. Il leur avait a cœur par la grâce, au lieu de s'appuyer sur des
déjà rendu témoignage en ce point « Vous avez : « discernements de viandes, qui n'ont point servi
« subi avec joie », disait-il, « le pillage de vos « à ceux qui les ont observés». L'apôtre indique ici
«biens ». (Hébr. x, 34.) Autant d'avis pour pré- certaines gens qui introduisaient des distinctions
venir en eux l'avarice: « Soyez conleuls», ajoute- dans les aliments. La foi rend tout aliment pur:
l-il, « de ce que vous avez » ; et aussitôt il ajoute il est besoin de foi, et non de telle ou telle nourri-

une parole consolante, afin que jamais l'espérance ture.


ne leur manque : car c'est Dieu même qui a dit : « Car nous avons un autel dont ceux qui servent
« Je ne vous délaisserai point, je ne vous aban- « dans le tabernacle n'ont pas pouvoir de rmangei ».
« donnerai point. C'est pourquoi nous disons avec Nous avons une victime, nous aussi, et qui ne
«confiance: Le Seigneur est mon secours; je ne ressemble pas à celle du judaïsme, tellement que
« craindrai point ce que les hommes pourront me le grand ponlife d'Israël n'a pas le droit d'y par-
« faire (6) ». C'est une nouvelle consolation dans ticiper. L'apôlre venait de dire N'observez plus de
:

leurs épreuves. « Souvenez-vous de vos guides ». dislinction d'alimeuls, et semblait un démolisseur


C'est un avis que l'apôtre brûlait déjà de leur faiie de son autel même. Mais il reprend cette défense
entendre, et qui lui faisait dire- Gardez la paix en sous-œuvre. Croyez-vous, dit-il, que nous ne
avec tous. Celait l'avertissement qu'il adressait de sachions pas discerner nous-mêmc entre une
même aux Thessalonicieiis, leur recommandai)! de viande el une autre? Nous discernons, cl avec
traiter leurs conducteurs avco giaiiJ honneur. plus de soin que personne et nous ne donnerions
;

Donc, dit-il, « souvenei-vouà de vo^ conducteurs pas même à vos prôlres noire aliment sacré.
« qui vous ont prêché \x parole de Dieu et consi- ; «Car les corps des animaux, dont le sang est
« dérant quelle a été ia fin do leur vie, imitez leur « porlé par le ponlife dans le sanctuaire, pour
«foi (7) ». Quelle est ici la suile du raitionnement? a l'expiation du péché, sont brûlés hors du cam|).
Elle est évidcnie et pnifaiie. Considérez, dil-il, leur «El c'est pour celte raison que Jésus, devant
conduite, c'est-à-dite leur.svie ei moeurs, et imitez » sanctifier tout le peuple par son sang, a soufl'erl
leur foi car la foi vient de la pureté de la vie et
: «hors de la ville (H, 12)». Voyez-vous ce type
se démontre par là On peut entendre aussi par lumineux ? « Hors du camp, hors de la ville ». Oui,
celte foi, la fidelilé et la lermeté de la conduite. les viclimcs qu'on ofTrail pour le péché, n'étaient
Comment cela? C'est que leur croyance ferme aux que figuratives, et toutefois on les brûlait en holo-
récompenses à venir les a maintenus dans celle causte hors du camp Jésus par conséquent a dû
;

droiture de vie tt de mœurs. Car ils n'auraient souffrir hors de la ville, puisqu'il s'oflrit pour nos
jamais monlré une telle pureté de vie, s'ils n'a- péchés. A nous donc aussi d'imiter celui qui pour
vaient eu pour les réalités à venir que doute et nous voulut subir la mort; à nous de sortir de ce
hésilalion d'esprit. Aussi l'apôlrc leur recom- monde, ou plutôt dos vaines affaires de ce monde ;
mande-t-il une foi semblable. en d'aulres termes, soyons étrangers au inonde;
2. « Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui, et il vivons en dehoisdes choses de la terre. C'est dans
« sera le môme dans tous les siècles. Ne vous ce sens que l'apôtre ajoute clairement « Sortons
:

« laissez pas emporter à une diversité d'opinions « donc aussi hors du camp, el allons à lui, ea
COMMEXTAIRE SUR L'EPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. - HOMÉLIE XXXIII. 5Ô3"

'
« portant l'ignominie de sa croix (13) », c'est-à- L'œuvre de la nature ne peut être abominable, ô
dire en souffrant comme lui, et nous mettant en Juif ingrat et sans raison ; le péché ne peut être
communion de tribulaiions avec lui. Pareil au que l'œuvre de la volonté libre et consentante.
condamné à mort, il a été traîné liors de Jérusalem Que si le mariage est honorable et pur, comment
au supplice; n'ayons pas honte nous-mêmes de 'l'usage de ses droits pourrait-il souiller l'homme?
sortir de ce monde. C'est ce que l'apôtre laisse à a Que nos mœurs soient exemptes d'avarice ».
entendre dans ces expressions: Sortir hors du Un trop grand nombre de gens, après avoir épan-
camp, hors de la ville. «Car», dit-il, a nous n'avons ché généreusement tous leurs biens, veulent les
« pas ici-bas de demeure permanente mais nous ; retrouver sous forme d'aumône ; c'est pourquoi
« cherchons celle où nous devons habiter un jour. l'apôtre dit Point d'avarice! Ne cherchez rien
:

B Odrons donc par lui sans cesse à Dieu une hostie au-delà du besoin, du nécessaire Mais quoi-' ! —
« de louange, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui Peut-être n'avons-nous pas même cet indispensable
«rendent gloire à son nom (14, 15) ». — « Par nécessaire ?
• —
Mensonge, dit l'apôtre, mensonge
«lui», dil-il, comme par les mains d'un pontife, évident car Dieu même a dit, et il ne peut nous
:

car il l'est comme homme et dans sa chair. tromper —


« Je ne vous délaisserai point, je ne
:

« Des lèvres » , ajoule-t-il, « qui glorifient son « vous abandonnerai point» de sorte que nous ;

« nom » comme s'il disait N'ayons aucune puissions dire aussi i Le Seigneur est mon pro-
: : :

parole de malédiction, d'insolence, de présomp- « lecteur; je ne craindrai point ce que l'homme


tion, d'impudence, d'orgueil; mais que la pudeur voudrait me faire » (Ps. cxvii, 6.) Comme si l'apô-
(1 !

et les convenances règlent tous nos discours et tre disait Vous avez une promesse divine, ne dou-
:

toutes nos actions. Au reste, l'apôtre ne fait point tez pas un instant! 11 s'est engagé Ne chancelez :

sans motif de telles recommandations aux Hé- pas! Et cette parole Je ne vous abandonnerai pas, :

breux il sait que leurs cœurs sont livrés à l'afllic-


; comprend non-seulement les besoins d'argent,
tion, et que, sous cette influence, l'àme souvent mais tous les besoins, a Le Seigneur est mon pro-
rejette tout espoir, dépouille toute pudeur. Et c'est, « tecteur; et je ne craindrai pas ce que l'homme
dil-il, ce que nous ne ferons jamais répétant;
« voudrait me faire » parole du prophète, que :

ainsi une pensée que plus haut il exprimait ainsi l'apôtre emprunte avec raison pour mettre comme
:

«N'abandonnez point nos réunions » tel est, en ; un sceau à sa propre affirmation, et pour redoubler
effet, le moyen d'agir en tout avec pudeur et en nous cette confiance qui rend le désespoir im-
sagesse car il est plus d'un péché que nous évi-
;
possible. Répétons donc, nous aussi, ces assu-
tons de commettre, ne fût-ce que par respect de rances divines dans toutes nos épreuves. N'ayons
DOS semblables. pour les choses humaines qu'un sourire de mé-
3. « Enfin souvenez-vous d'exercer la bienfai- pris tant que nous aurons la faveur de Dieu,
;

« sance et la communion des biens (16)». C'est personne ne nous pourra vaincre. Comme l'amitié
ce que Paul disait alors, et c'est aussi ce que je de tous les hommes nous serait inutile, si Dieu est
vous répète aujourd'hui; et je ne m'adresse pas notre ennemi ; par contre, avec sa seule amitié,
seulement aux frères ici rassemblés, mais aux le monde entier peut nous faire la guerre, sans
absents eux-mêmes. Personne n'a pillé vosbiens. Or que nous soyons même atteints. Aussi, continue
l'apôtre dit Supposé même que l'on vous ait ainsi
: le Prophète, « je ne craindrai pas ce que l'homme
dépouillés, montrez-vous encore hospitaliers avec « peut me faire ». *

ce qui vous reste. Quelle excuse aurons-nous donc Souvenez-vous de vos conducteurs qui ont
«

à l'avenir, quand ces disciples entendent un tel « annoncé la parole de Dieu ». Je crois que l'apô-

langage après ce pillage de leurs biens ? Et remar- tre recommande encore ici la charité reconnais-
"luez que l'apôtre dit ici « N'oubliez pas d'exercer sante et secourable; c'est là que tend celte remar-
:

« labienfaisance », après avoir dit « L'hospitalité » ;


: que Ils vous ont annoncé la parole de Dieu;
:

n'indiquant pas, par conséquent, tantôt un pré- « Et considérant quelle a été la fin de leur vie,
cepte, tantôt un autre, mais un seul et même « imitez leur foi ». —
« Considérant », qu'est-ce à

précepte sous des expressions différentes. 11 ne dire? étudiant constamment, examinant avec ré-
dit pas N'oubliez pas de recevoir les étrangers,
: flexion, avec raisonnement, avec scrupule, avec
mais: N'oubliez pas l'hospitalité; c'est-à-dire non- toute ardeur et bonne volonté. L'apôtre choisit à
seulement recevez, mais aimez l'étranger. Il n'a bon droit l'expression « Examinant la fin de leur
:

pas parlé non plus ici d'une récompense à venir « vie », c'est-à-dire une vie jusqu'au bout sage et
et déposée par avance au ciel; craignant qu'une pure, une vie qui mérite une lin heureuse. « Jésus-
simple expectative ne les endorme davantage, il € Christ était hier, il est aujourd'hui et sera le

parle d'une récompense déjà donnée grâce à : « même dans tous les siècles » C'est-à-dire N'allez . :

l'hospitalité, dit-il, plusieurs, à leur insu, ont ac pas croire qu'il ait fait des miracles, et qu'il n'en
cueilli des anges. lasse plus aujourd'hui. Il est toujours le même; et
Mais revenons sur nos pas. Le mariage », dit parce qu'il est le même, on ne pourrait assigner
saint Paul, «est honorable en tout, ainsi qu'un lit aucun temps où pareille puissance ne soit plus à
«nuptial sans tache «.Comment le mariage est-il lui. C'est peut-être à celte perpétuité du Christ que
honorable? C'est, répond-il, qu'il maintient et con- pensait l'apôtre en écrivant : « Souvenez-vous de
«vos conducteurs; ne vous laissez pas entraîner
serve le fidèle dans la chasteté. Il condamne ici et

implicitement les juifs, qui regardaient comme « par des doctrines variées et étrangères ».

impure l'union des corps, disant que l'homme qui « Etrangères », entendez à des doctrines diffé- :

sort ainsi de la couclie nuptiale ne peut être pur. rentes de celles que nous vous avons enseignées j

S. J. Ch. — Tome XI. 38


."^
S94 •TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME. =¥

«variées », comprenez à des enseignemenls de


: 4. \ous le voyez : nous communions au sang
tous genres; qui, en eltel, n'ont rien de slable, mais qui était porté dans le sanctuaire , dans le vrai
qui se conlredisenl, surloul quand i\ s'agil des Saint des saints, au sacrifice dont seul le grand
aliments purs ou non. L'apôtre ajoute, en vue de Pontife avait droit de jouir ; nous avons part à la
ce dernier point : « Car il est bon d'alTermir son Vérité même. Prenons garde, toutefois, que si,
«cœur par lagràce, et non par tels aliments »: car sans participer aux outrages de notre divin Maître,
ici surloul est la variété, ici l'étrangelé de doc- nous avons no'.re part de salut et de sainteté, ces
trine. Il invective donc contre ces discernements outrages, cependant, ont été les vraies causes de
de viandes, et montre que cette vaine observance notre sanctification. Donc, comme il a subi l'op-
a précipité les Hébreux dans une véritable liéléro- probre, attendons-nous à le subir; et si, avec lui,
do.xie, puisqu'elle les a portés à admettre des en- nous « sortons dehors », avec lui un jour nous ne
seignements contradictoires et nouveaux. Remar- ferons qu'un. Mais qu'est-ce que cet avis : « Sor-
quez toutefois qu'il n'ose pas les accuser expres- titons dehors, et allons à lui? » —
Partageons ses
sément, mais seulement par insinuation. Car lors- sounVances, supportons ses opprobres. Ce n'est
qu'il dit «Ne vous laissez pas entraîner ;\ des
: pas sans mystère qu'il a soulfert « hors de la
« doctrines variées et élrangères» ; et : « Il est bon, « porte », mais pour nous apprendre à porter sa

« en effet, d'alTermir son cœur par la grâce et non croix, nous aussi, à demeurer en dehors du monde,
« par tels ou tels que répéter
aliments», il ne fait à nous faire un devoir d'en rester ainsi éloignés;
équivalemment la maxime de Jésus-Christ «Ce : à nous soumelire enfin aux outrages qu'il a subis
« n'est pas ce qui entre dans l'iiomme qui souille comme un condamné vulgaire.
« l'homme» (Matth. xv, 11); démontrant que c'est « Et par lui, oITions un sacrifice à Dieu ». Quel
la foi, au contraire, qui est tout au monde, et que est ce sacrifice? L'apôtre même l'interprète «du
si elle vous affermit, elle vous met le cœur en « fruit des lèvres qui rendent gloire à son nom »,

sûreté. Oui , la foi seule donne à l'àme force et c'est-à-dire de prières, d'hymnes, d'actions de
fermeté; tandis que les raisonnements n'y jettent grâces, car tel est lelruit des lèvres. Les juifs of-
que le trouble c'est qu'aussi le raisonnement est
:
li'aient des brebis, des bœufs et des veaux et les

l'opposé de la foi. donnaient au prêtre. Quant à nous, n'olTrons rien


« Ces vaines observances », continue-t-il, « n'ont de semblable, mais l'action de grâces, et s'il se
«point servi à ceux qui les ont pratiquées». A peut, en toutes choses, l'imitation de Jésus-Christ.
quoi sert, en effet, une vaine observance, sinon, Que tel soit le produit de nos lèvres. « Souvenez-
surtout, à vous perdre, sinon à placer sous le joug « vous d'exercer la charité et de faire part aux au-

du péché celui qui la pratique? S'il faut des obser- « très de vos biens car c'est par de semblables
:

vances, cherchez et suivez celles qui peuvent être « hosties qu'on se rend Dieu favorable ». Mettons ce
utiles à qui les embrasse. Une bonne observance, sacrifice aux mains de Motre-Seigneur, pour qu'il
ce sera la fuite du péché , la droiture du cœur, la les offre au Père; l'olfrande ne peut parvenir,
piété envers Dieu, la foi vraie et pure. «Celles-li — en effet, que « par le Fils », ou plutôt par le cœur
« n'ont point servi à ceux qui les ont suivies», contrit. Cette recommandation s'accommode à la
c'est-à-dire, gardées même le plus constamment. faiblesse de fidèles encore peu
Car, bien
instruits.
L'unique observance doit être de s'abstenir du évidemment, aa Fils môme la grâce appartient :
péché. A quoi sert toul le reste, si quelques-uns autrement comment aurait-il droità l'égalité d'hon-
même des plus zélés se rendent assez criminels neur avec son Père? Or, dit Jésus-Christ, « il faut
pour ne pouvoir participer aux sacrifices? Voilà « que tous honorent le Fils, comme ils honorent
donc des hommes que rien ne sauvait devant Dieu, « le Père ». (Jean, v, 23.) Si donc la gloiredu Père
malgré ce zélé ardent pour leurs pratiques reli- peut se séparer de la glorification du Fils, où est
gieuses; aucune ne leur servait absolument, parce l'égalité d'honneur?
qu'ils n'avaient pas la foi. —
L'apôtre continue en t Le des lèvres qui glorifient son nom », c'est
fruit
déclarant l'abolition du sacrifice d'après son carac- l'action de grâces à lui rendues, en mémoire de
tère purement figuiatil, et revenant ainsi à son tout ce qu'il a soullert pour nous. Supportons avec
grand principe. «Car», dit-il, «les corps des ani- reconnaissance, pauvreté, maladie, tout au monde
« maux » dont le sang est porté par le pontife dans enfin ; lui seul connaît ce qui est do notre in-
« le sanctuaire pour l'expiation du péché , sont térêt véritable. En effet, « nous ne savons ce que
« brûlés hors du camp ; et c'est pour cette raison « nous devons demander à Dieu ». (Rom. vin, 26.)
« que Jésus, devant sanclilierle peuple par son pro- Que si nous ignorons quel doit être l'objet même
« pre sang, a souffert hors de la porte de la ville ». de nos demandes, comment, à moins que l'Esprit
Ainsi les sacrifices anciens n'étaient que la figure de Dieu ne nous le suggère, connaîtrions-nous
des nôtres, et Jésus-Christ a tout accompli, en nos vrais intérêts? Etforçons-nousdonc d'offrir en
souflranl hors de Jérusalem. L'apôtre fait entendre toutes choses l'action de grâces, de supporter tous
aussi dans ce passage que Jésus-Christ a souffert les événements avec générosité de cœur. Quand
de son plein gré; d'ailleurs ces sacrifices anciens nous sommes en proie à la pauvreté, à la maladie,
n'étaient pas institués simplement pour eux- rendons grâces à Dieu Rendons-lui grâces, quand
!

niùmes, ils n'étaient que figuratifs, et l'économie la calomnie nous assaille, quand l'injustice nous
de la divine Passion hors des murs de la cité sainte éprouve. Voilà, en effet, autant de moyens qui
s'y peignait d'avance. Ainsi notre Maître a souffert nous rapprochent de Dieu, qui (ont même de Lui
hors de la ville mais son sang a été porté jus-
: notre délnteur, tandis que le bonheur et les joies
qu'aux cieux. nous rendent ses débileurs et ses obligés. D'ail-
COMMENTAIRE SUR L'ÊPITRE DE S. PAUL AUX HEBREUX. - HOMELIE XXXIV. 80S

leurs, les chances heureuses nous procurent sou- sa délivrance; il en fit l'objet de nombreuses
vent un jugement plus sévère, tandis que les prières à Dieu, et ne l'obtint pas. Car en disant :
épreuves contribuent à expier nos péchés. Celles- « Je l'ai demandée par trois fois », il veut dire,
ci forcément nous inclinent à la charité, à la pitié souvent. « Et Dieu m'a répondu », ajoute-t-il :
pour nos frères ; tandis que celles-là nous élèvent « Ma grâce vous suffit; car ma force éclate dans

par l'orgueil, nous rabaissent par la paresse, nous « les infirmités ». (I Cor. xii, 8.) 11 appelle ici in-
disposent à sourire à mille fantômes de présomp- firmités les souffrances. Or, qu'est-il arrivé? Heu-
tion en nous-mêmes, et enfin nous ôtent toute reux d'avoir reçu cette réponse, l'apôlre supporta
énergie. Aussi le Prophète s'écriait « 11 m'est : ses peines avec reconnaissance, et s'écria: « Aussi
« bon que vous m'ayez humilié, afin que j'ap- « bien je suis fier dans mes infirmités mêmes »,
« prenne les ordonnances de votre justice». (Ps. c'est-à-dire je place dans les afflictions, mon plai-
cxviii, 71.) Lorsque Ezéchias se vit couvert des sir et mon repos. Ainsi, rendons grâces de toutes
bienfaits de Dieu et délivré de tout mal, alors son choses, heureuses ou affligeantes; ne murmurons
cœur s'enfla mais quand il devint malade, aus-
: pas, ne soyons pas ingrats. Oui, mon frère, dis-le
sitôt il s'humilia, et dès lors se rapprocha de sincèrement, loi aussi « Je suis sorti nu du sein de
:

Dieu. —
« Quand le Seigneur frappait son peu- « ma mère, et nu je dois m'en aller un jour ». (Job,
« pie », dit l'Ecriture, « alors celui-ci le cherchait, r,"^21.) Tu n'es pas venu au monde avec la gloire ;

« se converiissail, lui faisait retour dès le matin » ne cherche point la gloire ; car tu es entré dans
(Ps. Lxxvii, 34) ;
M mais dès que Dieu eût comblé la vie avec une complète nudité, non-seulement
« et engraissé de biens ce peuple chéri, il le vit de fortune, mais de gloire et de bonne renommée.
« récalcitrant ». (Deuté. .xxxii, 15.) « En effet, on Pense aux maux infinis que souvent a produits la
* reconnaît Dieu quand il exécute son jugement ». richesse, ou plutôt écoute ici les oracles de Jésus-
(Ps. IX, 17.) Christ : plus facile à un chameau d'entrer
« Il est
donc un grand bien que l'affliction
C'est car : « par trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer
le
la voie du salut est étroite, et c'est l'affliction qui «dans le royaume des cieux ». (Matth. xix, 24.)
nous met dans l'étroit sentier. Qui n'est point Vous voyez à quels biens infinis la richesse fait
affligé ne peut entrer. Celui qui sait ainsi s'affliger obstacle Et vous cherchez à vous enrichir
! Et !

et se réduire à l'étroit, est aussi celui qui jouit du pauvres, vous n'êtes pas heureux de voir pour
vrai repos mais celui qui s'enfle, n'entrera ja-
; vous l'obstacle renversé Oui, la voie qui conduit
!

mais, encore serré, si j'ose le dire, comme


et sera au royaume est étroite ; autant sont grandes les
le bois sous l'effort du coin. Écoutez comme saint richesses, autant elles apportent et d'enflure et de
Paul entra de son gré dans cette voie étroite. « Je tiistes bagages. Aussi Jésus-Christ dit-il : « Ven-
« châtie mon corps », nous dit-il, « et je le réduis « dez ce que vous avez » (Matth. xix, 21), pour
« en servitude ». Chcàtie-le donc aussi, pour pou- que l'étroit sentier vous reçoive. Pourquoi désirer
voir entrer. —L'apôtre rendait à Dieu, dans toutes l'argent? Dieu vous l'a retiré, pour vous affran-
ses afflictions, de perpétuelles actions de grâces. chir d'un véritable esclavage. Un vrai père, sou-
Et toi, es-tu frappé dans ta fortune? La ruine, au vent, quand il a constaté que son fils s'est perdu
fond, t'a mis au large. Es-tu déchu de ta gloire? par une honteuse fréquentation, et que d'ailleurs
Autre affranchissement. Es-tu victime de l'hypo- il n'a pu par ses avis lui persuader de la rompre,

crisie; et, des crimes dont tu es innocent, ont-ils agit lui-même et chasse cette créature bien loin.
obtenu créance contre toi? Sache le réjouir et L'argent trop abondant est une attache de ce genre.
l'applaudir. « Car », a dit le Seigneur, «vous serez Aussi prenant en main nos intérêts, et nous sau-
« bienheureux quand les hommes vous accable- vant du malheur que l'or entraîne, le Seigneur
« ront d'opprobres et diront faussement contre nous enlève cet or maudit. Ne regardons pas, eu
« vous toute sorte de mal à cause de moi. Réjouis- conséquence, la pauvreté comme un mal le seul :

o sez-vous et tressaillez de joie , parce qu'une mal, c'est le péché ; le seul bien, c'est de plaire à
« grande récompense vous est réservée dans les Dieu. Cherchons plutôt la pauvreté poursuivons- ;

« cieux ». (Matth. v, 12.) la avec amour. Ainsi saisirons-nous le ciel ; ainsi


Pourquoi vous étonner des afflictions, et vouloir gagnerons-nous les biens promis. Puissions-nous
être délivrés des épreuves? Paul aussij demanda y arriver tous, etc.

HOMÉLIE XXXIV.
OBÉISSEZ A VOS CONDUCTEURS ET SOVEZ-LEUR SOUMIS, AFIN QU'aINSI QU'lLS VEILLENT POUR LE BIEN DE
VOS AMES, COMME DEVANT EN RENDRE COMPTE, ILS S'aCQUITTENT DE CE DEVOIR AVEC JOIE, ET NON
EN GÉMISSANT; CE QUI NE VOUS SERAIT PAS AVANTAGEUX. (Slll, 17 JUSQU'A LA FIN.)

Analyse.
1 et 2. Prélucle sur l'obéissance ea général. — Dangers de l'anarcliie. — Distinction entre l'autorité et l'iiomme qui ea est re-

stJBt a kes ffiitisi» «'.ïaKW'Si h boas sbefs spiiiitutif. ~ Q$utsii vmi sa Ujf li^sob^it, ont ^9« ^î^ «( {$4«h^9
b9é TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMË.

manière de se venger : c'est de gémir Dieu se fera leur vengeur.


;
— Terrible passage prèlres parvenus paf
sur le salul des

ambition. Derniers vœux de sainl Paul en faveur des Hébreux. — leur souhaite
Il concorde cl la grâce de Dieu.
la

3. Nous pouvons résister à la grâce ; elle n'habite pas dans un cœur avec l'esprit du monde.

La grâce est comme le vent qui
enfle les voiles d'un navire ; mais il faut que la voilure soit tendue, el, de même, que notre cœur soit résolu. Une demi- —
volonté n'est qu'une toile d'araignée ; tandis qu'un cœur ferme tient bon contre toutes les épreuves. —
Rien ne résiste au feu :
rien non plus ne résiste à un cœur endammé.

1. L'anarchie est partout un mal, une source de mauvais en ce genre ne craindra pas d'enseigner
calamités infinies, un principe de désordre et de l'erreur. Aussi le précepte « Ne jugez pas, et
:

perturbation mais elle est d'autant plus perni-


;
« vous ne serez pas jugés », s'entend de la con-

cieuse dans l'Eglise en particulier, que chez elle duite, et non de la foi. Le contexte le prouve :

le pouvoir est plus grand et plus sublime. Sup- « Car, pourquoi », dit Jésus-Christ, «voyez-vous
primez le chef d'orchestre, le chœur ne connaît une paille dans l'œil de votre frère, tandis que
plus l'harmonie ni le concert ; enlevez aune armée « vous ne remarquez pas la poutre qui est dans
son général, l'ordre est brisé, la discipline anéantie « votre œil ? Faites donc tout ce qu'ils vous
dans les bataillons; arrachez le pilote à sa barre, « disent ». (Matth. vu, I.) Faire est la fonction de

le vaisseau fera naufrage ; séparez du troupeau le la conduite et non de la foi. Voyez-vous que
pasleur, tout est dispersé ainsi l'anarchie est un
: Notre-Seigneur ne parle pas là des dogmes, mais
mal, une cause de ruine. Mais, en retour, la déso- de la vie el des œuvres 7
béissance des sujets n'est pas un moindre mal ; Quant aux maîtres des Hébreux, saint Paul les
car elle produit les mêmes malheurs. Un peuple a loués, en disant « Obéissez à vos conducteurs,
:

qui n'obéit plus à son chef, ressemble à un peuple « et soyez-leur soumis; car eux-mêmes veillent
sans chef; il est même pire encore. En clict, on « pour le bien de vos .âmes, comme devant en
pardonne, dans un cas, à ceux qui ne savent se « rendre compte ». Que les chefs donc ici l'enten-
garder du désordre et des excès j dans l'autre cas, dent aussi bien que les sujets autant il est re-:

loin d'excuser, on punit. quis d'obéissance dans les gouvernés, autant les
Mais, objeclera-t-on peut-être, il y a un troisième gouvernants doivent-ils se montrer vigilants et
mal, c'est d'avoir un mauvais chef. Je le sais ce ; modérés. Car, enfin, répondez le maître veille, :

n'est pas un petit malheur; c'est pis, alors, bien lui, sa tête est menacée, il est exposé aux dan-
pis même que l'anarchie- Mieux vaut n'être con- gereuses conséquences de vos fautes, ei c'est à
duit par aucun guide, que de l'être par un mau- cause de vous qu'il est soumis à des craintes si
vais. Livré, à soi-même, on peut se jeter dans le redoutables; et vous, sujet, vous seriez assez lâ-
péril et l'on peut aussi y échapper; mais, mal che, assez dépourvu de cœur, assez misérable
conduit, on ira nécessairement à la malheure, on pour lui refuser l'obéissance? Aussi l'apôtre
sera entraîné au précipice. ajoute «Obéissez, afinquevosmaîtress'acquittent
:

Comment donc saint Paul dit-il : « Obéissez à «de leur devoir avec joie, et non pas en gémis-
« vos conducteurs et soyez-leur soumis 7 » ayant «sant, ce qui ne vous serait pas avantageux ».
déclaré précédemment Considérant la fin de
: <c
Voyez-vous ici, qu'un maître, même méprisé, n'a
« leur vie, leur foi », c'est seulement
im.itons pas le droit de se venger? — Mais n'est-ce pas
-

après cela qu'il ajoute : Obéissez, soyez soumis ? une terrible vengeance contre vous que ses pleurs
— Donc, objecterez-vous, que faire ? El si le chef et ses gémissements? —
Sans doute. Car le mé-
est mauvais, faudra-t-il ne pas obéir? Mauvais, — dûcin, méprisé de son malade, ne peut pas, il est
dites-vous; mais en quel sens ? Si c'est mau- : vrai, se venger de lui ; mais il peut sur lui pleurer
vais du côté de sa loi, fuyez-le, oui, évitez-le, non- et gémir. Et si vous le faites gémir ainsi, c'est
seulement s'il n'est qu'un homme, mais quand Dieu qui le vengera sur vous. Carsi nous gagnons
même il serait un ange descendu du ciel Si ! Dieu à notre cause lorsque nous pleurons nos
c'est au conliaire mauvais du côlé de sa con-
: péchés, combien plus quand nous gémissons sur
duite, n'approfondissez pas ce point. Ne croyez l'insolence et le mépris des autres? Or, voyez-
pas, du reste, que cette distinction m'appartienne; vous toutefois que Dieu ne permet pas au maître
je l'emprunte à la divine Ecriture. Ecoutez l'oracle d'éclater en injures? Comprenez-vous la haute
de Jésus-Christ « Les scribes et les pharisiens
: sagesse de cette loi? On ne peut que gémir, bien
« sont assis sur la chaire de Moïse ». (Matth. xxiii, qu'on soit ainsi méprisé, et foulé aux pieds, bien
2.) C'est après avoir fait contre eux de graves ac- qu'on vous crache au visage. Ne doutez pas un
cusations qu'il prononce ces paroles « Ils sont : instant que Dieu ne soit votre vengeur le gémis- :

« assis sur la chaire de Moïse ; faites donc tout ce sement est plus redoutable qu'aucune vengeance;
« qu'ils vous disent; mais ne faites pas ce qu'ils car lorsque l'homme gémissant n'a rien gagné par
« font ». Ils sont en dignité, vous dit-il, bien que ses pleurs, ceux-ci crient à Dieu; elde même que
* leur vie soit impure; vous, n'étudiez pas leurs quand un précepteur n'est plus écouté par un en-
mœurs, mais leur enseignement. fant, l'on appelle un autre homme qui saura bien
En elfet, leurs mœurs ne peuvent causer aucun le punir plus sévèrement; ainsi en est-il au cas
dommage spirituel à personne. Pourquoi ? c'est actuel.
que, par elles-mêmes, elles sont évidemment Mais, ô ciel quel péril redoutable Et que dire
! !

mauvaises à tous les yeux ; et que ce maître, fijl-il aux misérables qui se précipitent vers cet abîme
mille fois mauvais, n'enseignera jamais le mal. infini de supplices ? Pasteur, lu rendras compte de
Du côté de la loi, au contraire, leur perversité est tous ceux que tu diriges, hommes, femmes, en-
moins évideoie pour les masses, et le docteur fants; c'est à ce terrible feu que tu exposes (a
COMMENTAIRE SUR L'ÉPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. — HOMÉLIE XXXIV. 5Ô7

tête. Je m'étonne qu'un seul de ceux qui gouver- «que Dieu me rende plus tôt à vous {191». Une
nent puisse être sauvé, surtout qu'en présence de telle prière révélait dans l'apôtre un tendre amour
telles menaces d'une part, d'une telle lâcheté de pour eux ; d'autant plus que, non content de prier
l'autre, j'en vois quelques-uns accourir encore et simplement, il les suppliait en toute instance. —
se jeter sous ce redoutable fardeau du gouverne- Alin que je vienne loientôt chez vous, disait-il.
ment de la maison de Dieu! Car s'il n'est point C'était faire preuve d'une conscience sans reproche,
d'excuse ni de pardon pour ceux-mêmesqui s'y que de montrer un tel empressement à les revoir,
sont laissés traîner par force, dès que d'ailleurs et d'implorer aussi pour lui-même leurs prières.
ils gouvernent mal ou avec négligence ; car Aaron Pour le même motif, après s'être recommandé
mt traîné au pontificat par violence, et cependant ainsi à leur piété, il leur souhaite à son tour
il a été en péril; car Moïse, aussi, fut en danger, toutes sortes de biens.
bien qu'ayant souvent refusé le pouvoir; car Saûl « Que le Dieu de paix... » C'est son premier
enfin, qui avait reçu un autre genre d'autorité mot, et il l'écrit parce que des dissensions s'éle-
malgré ses refus, joua son éternité aussi, pour vaient parmi eux. Si donc, dit-il, notre Dieu est
avoir abusé de sa puissance combien plus sont
: un Dieu de paix, gardez-vous de faire schisme avec
donc exposés ceux qui mettent tant d'àpreté à la nous. — « Le Dieu qui a tiré du sein de la terre le
conquérir, et qui ont eu l'audace de s'y préci- « Pasteur de toutes les brebis » : allusion à la
piter? Un ambitieux de cette espèce, bien plus résurrection.— « Le Pasteur si grand » nouvelle :

que personne, se prive par avance du pardon. Il qualification à Jésus-Christ. Ensuite son discours
ne peut que craindre, que trembler, et sous le se poursuit de nouveau et s'achève en leur garan-
poids du remords, et sous le faix du pouvoir; de tissant la résurrection « Par le sang du Testament
:

telles gens ne doivent pas refuser pour une fois o éternel, Jésus-Christ Notre-Seigneur (20) ».
seulement, qu'on les traîne à l'autel, ou qu'où ne « Que ce Dieu vous rende complètement dispo-
les y traîne pas; ils ne peuvent que fuir en prévision « ses à toute bonne œuvre, afin que vous fassiez
de la grandeurd'une dignité pareille. Quant à ceux « sa volonté, faisant en vous ce qui lui est agréa-
qui s'y sont laissés prendre malgré eux, toujours « ble (21) ». L'apôtre leur rend encore un bien
doivent-ils être pieux et vigilants; qu'ils évitent beau témoignage. Car ce qui ne doit être que
tout excès de pouvoir; qu'ils agissent en tout complété, possède déjà un digne commencement et
dans l'ordre et le droit. Je conclus si vous pres-
: reçoit ensuite le complément. 11 prie pour eux, ce
sentez le fardeau, fuyez, bien persuadés que vous qui indique un cœur affectueux et ami. Et remar-
êtes indignes d'un tel honneur; et si vous l'avez quez que dans ses autres épitres, il commence par
reçu de vive force, n'en soyez ni moins vigi- où il finit ici, par la prière, a Qu'il lasse en vous
lants, ni moins modestes ; montrez en tout un cœur « ce qui est agréable à ses yeux, par Jésus-Christ,
pur et humble. « auquel est la gloire aux siècles des siècles. Ainsi
2. « Priez pour nous, car nous osons dire que « soit-il. Je vous supplie, mes frères, d'agréer ce
« notre conscience ne nous reproche rien, n'ayant « que j'ai écrit pour vous consoler; carje ne vous
« point d'autre désir que de nous conduire sainte- « ai écrit qu'en peu de mots (22) », Vous voyez
« ment en toutes choses (18) «.Voyez- vous comme qu'il leur écrit ce qu'il n'a écrit à personne « Je
:

il prend ici le ton de l'apologie? On dirait qu'il « vous ai », dit-il, « écrit en peu de mots » ; c'est-
écrit à des gens indisposés contre lui, à des à-dire, je n'ai pas voulu vous fatiguer par de longs
frères qui le méprisent et le regardent comme un discours. Je pense que les Hébreux n'étaient pas
transgresseur de la loi, et qui ne peuvent même fort mal disposés à l'égard de Timothée; aussi
entendre prononcer son nom. Lui, cependant, qui l'apôtre le leur recommande « Sachez », dit-il,
:

veut exiger de ces hommes dont il est haï, les a que votre frère Timothée a été renvoyé ; et s'il
mêmes sentiments que vous demanderiez à ceux « vient bientôt, j'irai vous voir avec lui (23) ».
qui vous aiment, il a soin de leur dire pour cette Timothée avait été « renvoyé » : d'où? De la pri-
raison « Nous osons dire que notre conscience
: son, je crois, où il avait été jeté; sinon, d'Athènes,
« ne nous reproche rien ». Non, dit-il, ne m'ob- car les Actes ont consigné ce fait. « Saluez de ma
jectez aucun grief; ma conscience ne me désap- « part tous ceux qui vous conduisent et tous les
prouve en rien aucun remords ne me dit que je
; « saints. Nos frères d'Italie vous saluent. Que la
vous aie tendu le moindre piège. Nous osons dire « grâce soit avec vous tous. Ainsi soil-il ».
que notre conscience est pure en tout; n'ayant Vous voyez comment l'apôtre nous montre que
point d'autre désir que de nous conduire sainte- la vertu n'est pas produite ni par l'œuvre de Dieu
ment, non-seulement aux yeux des païens, mais absolument, ni par nous seulement. « Que Dieu
même à vos yeux ; nous n'avons rien fait par « vous rende », dit-il, «accomplis en toute œuvre
duperie, rien par hypocrisie. Car il est vraisem- « bonne », et le reste ; c'est assez dire vous avez
:

blable que des calomnies de ce genre le poursui- déjà la vertu, mais vous avez besoin de la posséder
vaient. Qu'on l'eût, en effet, accusé faussement, complète. En ajoutant d'ailleurs « En toute parole
:

saint Jacques même en est témoin, quand il dit : et œuvre bonne » , il fait entendre que tout doit
« Ils ont entendu dire que vous enseigniez la être droit en nous, la vie et les croyances. Que —
« désertion de la loi ». (Act. xxi, 21.) Ainsi, dit Dieu fasse en vous ce qui est agréable « devant
saint Paul, je ne vous écris pas ceci en ennemi, « lui », dil-il avec raison ; * devant lui » , car
mais en ami sincère ; et il le prouve par ce qui faire ce qui plaît devant Dieu, c'est la perfec-
suit :
«* tion de la vertu, selon ce que dit aussi le Pro-
« Et je vous prie avec inslance de le faire, afin phète : « Selon la pureté de mes mains Uevaui,
ii
,

69S TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

« ses yeux ». 23.)


(Ps. —
Après avoir si
xvii, le repos et leur permet de ne plus se courber sur
abondamment déclare qu'il a dit peu de
écrit, il les rames; aux autres, il fait oublier toutes les
choses encore, en comparaison de ce qu'il devait craintes, et leur laisse comme un magnifique spec-
dire. C'est une remarque qu'il fait ailleurs ; tacle, le souvenir de son fortuné voyage. Ainsi en
« Comme je vous ai déjà écrit en peu de paroles, est-il de l'âme secondée par le Saint-Esprit; elle
« où vous pourrez comprendre en les lisant quelle est plus forte que toutes les vagues que soulèvent
est l'intelligence que j'ai du mystère de Jésus- les peines de la vie; elle fend la route qui porte
« Christ ». (Epliés. m, 3.) —
Or, voyez sa pru- au ciel, avec plus de vitesse encore que l'heureux
dence. Il ne dit pas Je vous supplie de supporter
: navire; car elle n'est point poussée par le vent,
vne parole d'avertissement, mais « de consolation •, mais elle a des voiles, des voiles pures que le Pa-
c'est-à-dire d'encouragement, d'exhortation. — raclet daigne gonfler; elle chasse de sa pensée
Personne, ajoute-t-il, ne pourra se dire fatigué de tout ce qui pourrait l'amollir et l'énerver. Car de
ta longueur de mes discours. Quoi donc7 Etait-ce même que le vent qui tombe sur une voile lâche
donc là le motif qui leur avait fait prendre saint et mal tendue, n'a sur elle aucune prise; ainsi le
Paul en aversion? Evidemment non. Aussi n'est-ce Saint-Esprit, rencontrant une âme énervée, n'y
pas ce qu'il veut montrer; il ne veut pas dire : accepte pas un long séjour: il exige, au contraire,
Vous êtes des esprits faibles et lâches; car tel est du ton et de la vigueur.
le caractère de ceux qui ne peuvent supporter un 11 nous faut donc acquérir cette ardeur de l'âme,

long discours. —
« Sachez que Timotliée voSre cette vivacité , cette force résolue des œuvres.
«frère est renvoyé; et s'il vient bienlôl, j'irai Ainsi, vaquons-nous à la prière ? Que ce soit avec
« vous voir avec lui ». Réflexion qui suffit à leur une énergique tension de l'àrae, déployant notre
persuader d'être bien humbles, puisqu'il se prépare cœur vers le ciel, non pas avec des cordages ma-
à leur rendre visite avec sou disciple. —
« Saluez tériels, mais à l'aide d'une ferme et vive résolu-
« tous vos chefs et tous les saints ». Voyez com- tion. Exerçons-nous la miséricorde avec les pau-
bien il les honore en leur écrivant pour leurs vres? Ici encore, il faut une tension vigoureuse,
supérieurs. —
« Nos frères d'Italie vous saluent. pour que la voilure ne se relâche jamais sous le
« Que lagrâcesoitavec vous tous. Ainsi soit-il». La choc des soucis domestiques, de précautions pour
grâce étant le bien commun de tous, il en fait son les enfants, d'inquiétudes pour l'épouse, d'une
dernier souhait. crainte personnelle de la pauvreté. Que si nous
Or, comment la grâce est-elle avec nous? C'est raidissons notre cœur de tous côtés par la sainte
quand nous ne faisons point outrage à ce divin espérance des biens immortels, il sera disposé dès
bienfait ; c'est quand nous ne sommes point lors à recevoir le souffle puissant de l'Esprit di-
lâches en face d'un don si précieux. Qu'est-ce que vin; dès lors il ne sera plus frappé par les créa-
la grâce? La rémission des péchés, notre purifica- tures éphémères et misérables d'ici-bas; ou, s'il
tion, car elle-môme est en nous. Que si quelqu'un en subit encore le choc, loin d'en être blessé, il
lui fait outrage, peut-il dès lors la conserver 7 Ne repoussera par sa fermeté, il abattra par sa résis-
la perd-il pas aussitôt? Par exemple. Dieu vous a tance leur attaque impuissante.
pardonné vos péchés, mais comment avec vous Mais, répétons-le : il faut savoir nous raidir
demeurera cette grâce, cette estime de Dieu, cette vigoureusement. Car nous aussi nous naviguons
opération de l'esprit, si vous ne la retenez pas par sur une mer immense et découverte, remplie de
vos bonnes œuvres? Car la cause de tous les biens monstres, hérissée d'écueils, féconde pour nous
en nous, c'est précisément cette habitation conti- en orages, et qui du calme le plus profond, passe
nuelle de la grâce du Saint-Esprit dans nos âmes; subitement aux plus cruelles tempêtes. Si donc
c'est elle qui se fait notre guide en toutes choses, nous voulons faire une navigation facile et sans
comme aussi, dès qu'elle nous échappe, elle nous péril, il nous faut tendre nos voiles, c'est-à-dire
laisse éperdus et comme dans un désert. raidir noire libre arbitre.
3. Gardons-nous donc de la repousser; car il Au reste, cette, fermeté de vouloir, suffit à nous
est en notre pouvoir qu'elle demeure ou qu'elle se sauver. Abraham, en effet, dès qu'il eut ainsi
retire. Elle reste, quand nos pensées ont trait au dirigé vers Dieu tous ses désirs, dès qu'il se fut
ciel; elle s'en va, quand nos idées s'attachent aux armé d'une volonté disposée à tout, Abraham eut-il
choses de cette vie. C'est l'esprit « que le monde », besoin d'autre secours? Non; « mais il crut en
dit Jésus-Christ, « ne peut recevoir, parce qu'il ne tt Dieu, et sa foi lui fut réputée à justice ». (Gen.
a le voit pas ni ne le connaît pas». (Jean, xiv, 17.) XV, 16.) Or, la foi, c'est le propre caractère d'une
Il appelle « monde » une vie mauvaise et honteuse. volonté généreuse. Il offrit son Fils; et bien qu'il
Comprenez-vous qu'une vie mondaine ne peut le ne l'ait pas immolé, il reçut la même récompense
posséder? Il nous faut donc dépenser beaucoup que s'il l'avait réellement sacrifié ; et quoique
d'efforts pour le retenir en nous, de sorte qu'il n'ayant pas accompli cette immolation, il en reçut
soit l'intendant et le directeur de tous nos biens, le prix.
et qu'ilnous établisse dans une ferme tranquillité, Procurons-nous donc une voilure immaculée et
dans une paix abondante. toujours neuve, et non pas usée et vieillie; « car
Poussé par un vent favorable, un navire ne sent « tout ce qui est ainsi vieux et fatigué touche déjà
point d'arrêt, ne craint point de naufrage, tant que «à une fin misérable ». (Hébr. viii, 13.) Point de
souffle celte aide puissante et persévérante. Rentré ces voiles trouées qui laisseraient échapper le
au port, il va rapporter et aux matelots et aux pas- souffle de l'Esprit. « Car l'homme animal n'est
sagers une belle part de gloire; aux uns, il octroie « point capable », dit saint Paul, « des choses qui
COMMENTAmE SUR L'ÊPITRE DE S. PAUL AUX HÉBREUX. = HOMÉLIE XXXIV. b99

« sonl de l'Esprit de Dieu ». (I Cor. ii, 4.) Pas plus n'invoquer que ceux qui ont choisi la retraite au
qu'une toile d'araignée ne peut supporter i'eifort désert.— Ceux-là, direz-vous, n'ont rien d'éton-
du vent, une âme adonnée aux soucis de cette vie, Danl. — Eh bien je réponds qu'il- en est d'aussi
!

un homme animal ne saurait recevoir la grâce liéroïques, et que vous ne soupçonnez pas, jus-
de l'Esprii. Nos convictions flottantes n'oirrent qu'au sein des cités. El, s'il vous plaisait, je pour-
aucune différence d'avec cei toiles fragiles; elles rais vous en moiilrer quelques-uns parmi ceux
onl seulement, comme elles, un air de consislauce, qui ont vécii jadis. Pour vous en convaincre, rap-
mais leur Irame est privée de toute lésistance. pelez-vous seuien^en! saint Paul. Esl-il une atro-
Ah! que plutôt, si nous sommes sages, nos cité qu'il n'ait pas soufferte? un mal qu'il n'ait pas
âmes ne présentent rien de semblable! Dès lors, subi? Or, il supportait tout avec courage. Et nous
quel que soit le choc, nous retenons tout le souffle aussi, étendons vers le ciel les efToris de notre
de la grâce, et nous demeurons supérieurs à tout, âme; remplissons-la de ce désir de Dieu; précipi-
plusforisque toute allaque. Donnez-moi un homme tons-nous dans ce foyer de l'Esprit, sauvons-nous
vraiment spirituel, et laissez tomber sur lui tous par cette flamme même. Armé d'une flamme, en
les maux les plus effrayants, aucun ne pourra effet , personne ne craindrait une rencontre
l'abattre. Que dis-je? Que sur lui fondent ensemble d'homme, de bêle Jéroce, de mille hlels tendus ;
pauvreté, maladies, outrages, malédictions, op- tout reculerait, tout lui ferait place, aussi long-
probres, plaies et supplices de tout genre, déri- temps que durerait ce feu; car la flamme est irré-
sions el insultes de toute espèce ; vous le croirez insoutenable, tout s'y con-
sistible, le brasier est
vraiment en dehors ei au-dessus de ce bas monde, sume. Revêtons ce beau feu , et renvoyons toute
et afViancht de toutes les souffrances du corps, gloire à JNotre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel
tant il se rira de tout cet ouragan. appartiennent au Père, en l'unité du Saint-Esprit,
Que ce ne soient pas là des paroles en l'air, la gloire, la puissance, l'honneur, maintenant et
plusieurs exemples de nos jours mêmes m'en toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soil-il.
fourniraient certainemeni la preuve : dussé-je

Traduit par SI. fabbé COLLERY.

FIM PU 0>Z1EME ET DEtlMEU VOI.rMB.


TABLE
DES

PASSAGES DE L'ECRITURE SAINTE


CITÉS OU COMMENTES PAR S. JliAM CimYSOSTOME.

Chaquecilalion est indiquée par trois nombres: m.


le premier, en cliifl'resuraljes, indique le verset de
Verset Tome m. Page 168. — 2. v. 206. — 2.
1.
l'Ecriture sainte; le second, en ciiiflYes romains, vil. 500. — ni. 108. — vn. 41. — IV. 80.
4. 4. 5.
indique le volume de saint Jean ClHysoslome ;et le — 5, 19. IV. 83. — V. 467. — VU. 100. — 5. 5. 5.
troisième, en clùffroô arabes, la page où se Irouve Vlll. 3C4. — 393. —6. XI. 306. —
II. 26. 6. 8. ill.
la citation. — V. 179. —
8. 230. — 9. II. 23. — 9. VII. 9. III.
601. — 9. 422. —VIII. XI. 583. — 10. 55. — 9. III.
II. X. 377. — 12. 560. — 12. m. 55. — 12. VI.
I.
GEiNÈSE. 270. — 12. XI. 306. — 17. VI. 40. — 18. V. 327. —
18. V. 470. — 19. 234. — 19. ni. 261. — 19.
III.

m. 298. — 19. IV. 132. — 19. V. 132. —19. v. 170.


r.
Versets 1, 2. Tome m. Page 21. — t. m. 2i. — — 19. V. 451. — 19. VI. 09. — 19. 271. — 19.
1 et 26. V. 588. — ). vin. 114. — I. vin. 1I5. — VIII. 330. — 19. 594. — 19, 18, 16. XI. 481. —
Vlll.

1. vni. IIS. — 1. VIII. 127. — 2, 3. X. 'J8. — 6, 9.


IX.
20. V. 327. — 20. V. 328. — 21. V. 327. — 22, 23.
m. 387. — 11. II. 381. — II. IV. 132. — II. iv. V. 206. — 22. V. 327. — 22. 112. — 22» vu.
151. II. — II. 11. — tl. XI. 33't. —(4,13. V. 31. — 246. — 23. V. 327. — 24. 257. — 24. V. 327. —
Vil.

16. V. 31. — n, 18. V. 33. 11. XI. 218 — — 20. 25. V. 327. — 26. V. 327. — 27. V. 328. — 28. V.
II.

m. 248. - 20. IV. 546. 20. VIII. 221.—


21, 22. — 328. — 30, 31. V. 328. — 32. V. 328. — 33. V. 328.
V.38. —24.111. 42.3. 24. V. 33 —
25. V.39.— 20. 11. — — 34, 35, 36. V. 328. — 13, 14. v. 327. — 13. XI.
151. —
2'!. II. 257. 2fl. II. 268. — 20. 11. 346. — — 300. — 14, 15. V. 99. — 14. VII. 515.— 16. 118. II.
20. II. 389. —26. 11.563. —26. m. 21.— 26. V. 585.
— — — — — 10. 122.- 10. 148. — 16. 162. — 16.
II. II. II.
20. VI. 76. 20. VI. 105. 26. Vin. 257. 20. 6. — 16. 318. — 10. 184. — 16. IV. 410. IV.
X. 370. —
26. XI. 132.- 20. XI. 136. 26. XI. 3i3. — III. III.
46. V. 200. — 16. V. 448. — 16. V. 453. — 16. V.
— 27, 28. V. 51. 27. VI. 277. — 27. XI. 175. - — 458. — VII. 256. — 16. IX. 412. — 16. IX. 552.
27. XI. 420. —
28. II. t3i. 28. III. 107.— 28. III.— — 10. XI. 306.
16.

205. —
28. IV. 58. 28. iv. 183. — 28. VI. 299. — —
30. V. 55. —
31.V. 136. 31. V. 195. —
31. VI. — IV.

302. —31. XI. 318. Verset 1. Tome m. Page131. 1. v. 108. 1. — —


II. VII. 467. —V. 109.
3. 5. II. 287. —
6. X. 377.— —
Tome Page — — 7. V. 170. —
7. X. 235. 7. X. 377. —
7. XI. 544. —
Verset

1. v.

56. 1. vi. 53.

2. u.
— — — 8. III. 334. —
8. m. 56. 8. V. 467. 9. II. — —
278. 2. v. 195.
— 4. V. 309. — b, V. 66.—
2. v. 308. 2. Vlll. 279.
250. 9. III. 50. 9. m. 280.— 9. V. 407. —
9, —
3. V. 308.
— V. 309. — 309. —6. V. 309. —
i, 0. 5. V. 89.
10. VI. 155. —
9. X. 249. 9. X. 359. —
9. XI. 585. —

5.
218. — 590. —
6. V.
X. 24. —
VI. 7. t Oo.
— 10. IX. 284. —
12. II. 392. 12. V. 179. —
13. —
80. —
7. VIII.
V. 33. —
7.
132. — 9. V. 73. —
I.\. 7. 8. iv.
vn. 160. —
14. IV, 224. 20. X. 248. —
23. VII. —
8.
310. — 10. V. 310.— 10. Vlll. 324. — 11. V. 310.
V.
9. iv. 9.
575. —
25. m. 151. 25. V. 129. — 26. V. 137. — —
— V. 310. — 13. V. 310. — 14. V. 311.— 15.111.
12.
26. 3. 129.- 20. VI. 84.
104. — 15. V. 311. — 15. 221. — 10, 17. m. VIII.
298. — IV. 5. — 10. V. 204. — 16. V. 311. —
10.
16. V. 473. — 17. m. — 17. m. 210. — 17. m. 0. Versets 3, 4, 5. Tome v. Page 128. —4. v. 340.—
247. — 17. 543. — 17. v. 78. — 17, 18. V. 311.
IV. 5 V. 340. — — V. 341. — 21, 22.
7, 24. v. 130. 7.
— 17. V. 471. — 17. Vlll. 221. — 17. Vin. 230. — V. 83. — 24, 25. 203. — 24. YI. 103. — 25, 29.
IV.

n. X. 10. — 17. XI. 133. — 17. XI. 136. — 18. II. V. 131. — 28. 151. — 28, 29. V. 484. — 29. V.
II.

151. — 18. 151. — 18. II. — 18. V. — II. 1.S5. 4;j3. 339. — 29. V. 484. — 31. 161. — 32. V. 132. v.
18. VI. 213. — 18. 530. — 18. X. 376. — 19.
IX. IV.
80. — V. 430. — 19, 20. V. 453. — 19. V. 463.
VI.
19.
— 20. a. 389. — 21. 301.— 463.— 23. v. V. i't. V. Verset 2. Tome 135. Page
2. vi.83.
ii. 2. vi. — —
467. — 23. 404. — 23. 541. — 24.
IX. 91. — X. il. 417. —2. VI. 503. 2. VI. 524. — 2. X. 530. 2. — —
21. 196. — 24.
IV. 190. — 24. 314. — 24. IV. IV. v. XI. 222. —
3. V. 161. —
3, H, 12. V. 166. 3. X. —
201 — 24. V. 308. — 24.
. 404. — 21. 524. — V. IX. 291. —
4. VI. 359. 3. V. 200. — 7. ni. 253. 7. — —
24. 530. — 24.
IX. 210. — 25. 87. — 20, 27.
X. V. IV. 291. —
7-9. V. 103. 9. II. 170. —9. m. 334.—
V. 309. — 9. VI. 5.-9. V. 200.- 9. VIII. 450. 9. XI. 183. —
* Lta chiffres iiidîquent le chapitre. — 9. XI. 578. —
12. X. 309. 14. V. 153.— 14, 15, —
..

PASSAGES DE L'ÉCRITURE COMMENTÉS PAR S. JEAN CHHYSOSTUME. 601

16. V. lo3. — 18. V. 134. — 19, 20. V. 1S5. — 21. — 20. — 20. 362. — 20.
V. 296. — VI. vil. 180. 20-
V 1S3. — 21, 25. V. 885. — 21.
VII. 601. 4Î2. — 21 vill.
VII. 339. — 21.
XI. 475. —27. v.211.— 27.
— 27. 256. — 27. 278. — 27. 468.vi.134.
XI.

Versets 1,5. TomR 160. v.


1. v. Page — 172. —
VI. — 27. VI. VI.
— — — vu. 213. — 301. —27. 27.301. —27. X.
IX. ix.
4. -v. 15".
143. — 413. — 28, 286. — 30,
4. V. 167. 7. V. 133. 13, 14, IG.
— — 167. —
27. x. V. 29. v. 31.
286. — 32. 286. —
V. 164. 17, 18, 19. V. 102. 21, 22. V.
24. V. 167. —
24. V. 171.
V. 286. V. 33.

XIX.
VIII.

Tome — — 21. Tome III. Page 103. — m. 329.— 1. v. 292. —


Verset 2. xi. Page 96. 21. v. 187.
6. V.294. —22. IX. 461. — 30. V. 303 —31,32. V.
II. -287.
IX.
303. — 33. V. 303. — 36, 37, 38. V. 304

Verset 1. Tome v. Page 199. — 1. vi. 144. — 2.


XX.
m. 24. — 2. V. 585. — 3. vi. 105. — 5. V. 59G. — Verset 6. Tome x. Page 183.
9. m. 308. — 11. V. 186. — 16. V. ICI. — 18, 19.
XXI.
V. 1S9. —20,21. V. 194. —20. v. 454. — 21 et seq.
III. 260. — 22. IV. 376. —23. II. 518. —25. V. 199.
Versels 1,2. v. Page 311. —2. v.
Tome 319. —
23. VI. 100. —
25. VI. 539. 26. v. 200. - — 27. V. — 3. V. 311. —
3. V. 319. —4, 3. V. 319. 5. — v. 320.
201. —
27. T. 286. 28, 29. V. 201. — 6. V. 320. —
7, 8, V. 312. 7. V. 320. — — 8. v.
320. —
9. V. 320. —
10. V. 318. 10. V. — 320. —
X. 11. V. 321. —
12. V. 318. 12. V. 321. — — x. 12.

Versets 6, 8, 9. Tome v. Page 201. — U. v. 163.


320. —
12. .XI. 213. —
12. XI. 535. 13. V. — 321. —
20. V. 317.
XI. XXII.
Tome III. Page 152. — vin. 379. — ix. 535. — Tome VIII. — 391. —
Page 3CS. 370. ix. l, 2. rv.
1. VI. 467.— 6. III. 152. — 580.
7. V. — vni. 30 i.
1, 2. 2. 507. —— XI. 332. — II. 2. 6.
VIII. 333. —
7. II. 418. — 237. — X. 26. — 7. VI. 7.
26. — 333. —8. X. 26. — 333. —
XII.
7. X. 7. XI. 8. XI.
Verset 1. Tome — m. 335. —
ii. Page 415. 1. 12 III. 314. —12. 383. — VIU. 422. — 12.
IV. 12.
1, 2, 3.V. 212. — V. 340. — V. 481. —
1. V. 1. 1. VIII. 422.— 12. X. 24. — X. 401. — X. 603. 18. 18.
482. — 29. —
1. VI. 416. — X. 24. —
1. VII. 1. 1.
XI. 332. — 535. — 3.1V. 565. — XXIII.
1. XI. VU. 443. 3.
— IX. 21. — X. 320. — V. 254. — V. 341.
3. 3. 4. 6. Tome VIII. Page 284. — 6. v. 533.
— 246.-7. X. 318. —
7. V. x. 320. —7. X. 404. 7.
— XI. 348. — V. 341. — 10. V. 341. — 11,
X.XIV.
7. 8, 9.
13. 413. — U, 12.
II. 378. — 11. 246. — 11.
III. v. Versets I, 4. Tome v. 323. ~
iv. Page 199.-1.
V. 341. — 12, 13. 416. — 13, 14. V. 187. — 18,
IV. 2. V. 325.— 4-7. — V. 323. —
IV. 200. 325. 4. 5. v.
19. IV. 322. — V. 326. —
6. V. 326. — 8. 326. — U, 9. v. 10,
Xlll. 12. V. 326. — 12. 200. — 10-20.IV. 202. — 21 iv.

— — IV. 203. — 23. 203. — IV.


34, 33. 203 — 37, IV.
204. — 50, 51 204. — 63. IV. 205. — 67.
Tome m. Page 329. 8. ix. 301. 9. •^.
459. — 10. VI. 506. — 10, 11. 237. — 13. XI. vill.
38. IV. . iv.

29. — 13. XI. 474. — 16. v. 390.


IV. 203.
284. —13. VI.
XXV.
— 18, 19. V. 391. — 20. V. 391. — 23. V. 3'Jl.
— 12, 13. v. 358.
Verset 2. Tome vu. Page 23i.
XIV. — 14. V. 338. — 16 17. 339. — V.
— 20. IV. 272. — 20. \!l. 472. — 21. 270.339. 18, 19. v.
Versets 18, 20. 348. — 23. vi. 523. — 23. VI.
,

— iv.
272. — 21. X. 308. — 22 419. — 23. VI.
ii.

237. — 23, 24. X. 169. 21.


526.—
IV.
272.—
II.

25, 26. IV. 27. V. 358.-27. vin. 406.


XV.
XXVI.
Verset l.Tome vi. 523. — 2. ii. 134. — 2. u.
— 15,
4ir. — 4. II. 417. — b. IV. 368. — 5. IV. 369.
Verset
— 21.
2. Tome v.
— 21.
Page 339.
— 34, 18, 20. m.
— 6. VI. 52a. — 13, 14. II. 323. — 13. 417.
it.
335. V. 468. v. 361. 35. V. 337.
— 13. III. 425. — 16. VI. 124. — 16. XI. 398. X.KVil.

XVI. Verset 13. Page 431. — 13.


Tome 321. —
vi. TX.

Tome v. Page
14. XI. 384.— 20, 22. v. 376. — 28. VI. 100. — 29.
VII. 64. — 36. 339. — 36. 72. — 43.
Verset 17. 188.
V. 377. VI. x.
XVII.
XXVIII.
Verset Tome 5. Pago 319. — 480. —
ii. 5. v. Versets —
Tome Page
311. — 23. V. 328. —
v. 337.
M. iV. — 14.
81. VIII.
1, 2.

— 14. 357.
376. — VIU. 327.
3, 4. v.

29. 5C3. — 37, 38.


VII. — 39. 40. V. 329. V. .128.
11, 10. V. 357.
— — 20. m. 379.
12.

15. v.

— 42, 43, 44. V. 32U. — 43. v. 329. — 47, 48. v.


13. V. 362.
253. — 20.
370.
237. — 20.
13. V. 20. VI.
46. — 20. X. 97. —
329. — 30. v. 329. — 32. v. 329. —
VI. x.
329. — 49. V. —30.
329. — 54. V. 330. — 56. V. 330. — 60,
20. XI. 531. IX. 67.
53. V. V.
330. — 61. V. 330. — 63. 330. — 65. V. 330. — v. XXIX.
67. V. 330. — Verse; Tome
v. Pa£,e 55.
3. 12. v. 362. 18. — —
XVIII. V. 302. —
20. V. 363. 20, 23. V. 367. 25. V.— —
Verset Tome x. !>age 364.
3. 10. v. 311. 10. — — 369. —
30. IX. 521.

VI. 321.— 10. VI. .^23. 10. X. 015. —11. X. 513. — -XXX.
— 12. X. 544. —
17. VU. 2(4. 17. VIII. 303. 19. — — Vorset i. Tome ii. Page 420. — 1, 2. iv. 278, -•
n, 32. —
19. jv. 8(. 19. IV. 259- -20. U. 856. — 1. V. 258. - 4, 6. V. 371, — 17. IX. 517.

S. i. Cn. — Tome XI. 39


602 TABLE DES TEXTES DE L'ÉCRITURE SAINTE

XXXI. 23. V. 419. —


24. V. 419. 25. T. 419. 26. V. — —
Page 182. —
420. — 27. V. 420. 28. V. 420.— 29. V. 420. — —
Versets
38. XI. 237.
4, 2.

Tome xi.
U, 16. V. 376. —
36, 37,
251. — 38,
15. IX.
7, 8,
30. V. 420. —
31. V. 420. —32. V. 420.

40. IX. 526. — 39, 41. II. 420. — 39, 40. 426. — II. XLIV.
41. II. 42.
XXXII.
Versets 4, 5. Tome v. Page 420. — 10. m. 17. —
29. X. 495.
Versnt 1. Tome — y. Page 383. 2. m.
252. 2. — XLV.
V. 468. — —
3, 4. V. 383. 4, 5. V.383. (i. v. — — ix. — v.
383. — V. 383. —
7. 8 383. — 7, v. 10. IX. 192. — Verset 5. Tome v. Page 127.
— 13. V. 427. — 14. v. 427. — 15. V. 427. —
5. 2. 7.

11. 421. — 11.


II. 379. — H, III. 12. V. 383. 16. — 427.
V. 427. — 17. V. 427. — 18. V. 427. — 19. V.
V. 433. — 17, 19 V. 433. — 20, 21. v. 384. 22, — 16.
427. — 20. 428. — 21 V. 428. — 22. T. 428. —
24. 384. — 20. V. 384. — 28.
V. VIII. 169. 30. — 23, 24. V.
V.
428.-25. V. 428.
.

—26. V. 428.
V. 4C8.
XXXIII. XLVII.

Versets 1, 3. Tome
v. Page 385. 4. v. 385. — — Verset 9. Tome n. Page 420. — 9. ii. 436. — 9.

5. V. 386. —T. 386.


6, 8. 9. v. 386. —
10. v. — H. 490. — 9. XI. 559. — 9. XI. 578. — 19. IX. 492.
386. —1. V. 386.
-1
12. V. 386. — 13, 14. II. 421. — XLVIII
— 13. V. 386. —
14. V. 386. 15. v. 386. 16. — —
— —
T 386 —
17 T 380. Verset 7. Tome m. Page 361. 16. ix. 192.
16. XI. 119.
XXXIV. XLIX.
Versets 1, 3. Tome v. Page 390. - 3. ii. 421. - verset 1. Tome vi. Page 100. - -
3, 4. n. 421.
e,7.V. 390.-8,10. V. 390. -11, 12. V. 3 0.- 3. vi. 100. - - -
7. VII. 64.
11. V. 427. — V. 427. — V. 390. — 25.
12. 13. V. — 9. II. 423.
5. vi. 350.

7. I.K. 144.
— IV. 16. — 10-12.
427. — 30. T. 391. — V. 391. — 30. 427. 31. V. 370. —
9. IV. 13.
10. VI. 412. 10. VI.
9.
— 529. — 10. YII. 49. —
II.

XXXV. 12. VI. 40.

Verset 1. Tome v. Page 391. — l, 3. v. 392. — L.

4. V. 392. — 5. V. 392. — 6, 7. V. 392. — 8. Y. 392. Verset 18. Tome Yi. Page 529. — 19, 21. yi. 529.
10. VIII. 169. — 18. II. 421.

XXXVI.
Tome ni. Page 312. EXODE.
XXXVII. I.

Tome n. Page 497. viii. 456. —2, 4. ii. 423. — Verset 13. Tome Page 301. 20. VI. 220.
— 2. V. 425. —
3. lY. 422. 3. V. 425. —
6. Y. — ix.


426. 7. V. 426. —
10. V. 425. 14, 18. V. 404. — H.
— 19, 20. II. 3'J8. —
20. II. 498. 20. XI. 204. — — Tome Page 542. — v. 326. — 6. 13. vi. 529.
24, 25. V. 404. —
28. V. 425. 34, 35. II. 422. — — _ û. n."426. — 14. 284. - U.
II.
IX. XI. 309. — 14.
35. II. 499. —
35. v. 425. XI. 501.
III.
XXXVIII.
Verset 26. Tome Page 528. — 29. vll. 22. — Tome m. Page 526. —
ix. 560.— 2. Yi. 162.
vi.
— 2. VI 384. —270.
6. 6. V. 266.
IV. 6. V. — —
29. VII. 23.
XXXIX. 332. — 6. V. 512. —
6. vi. 220. 6. Yl. 283. 6. — —
IX. 492. —
6. XI. 553. —7, 8. VI. 160. 7, 8. VI. —
Verset 6. Tome x. Page 53. — 6. xi. 290. — 7. 108.- 7. VU. 345. —8. IV. 550. 8. VI. 372. — —
IV. 319.-8,9. II. 4-.:4. — 8. IX. 516. - 9. X. 46. 8. XI. 567. —
14. II. 221. 14. IX. 572. —
22. II. —
14. VIII. 51. — 15. IX. 517. 323. — 44. VI. 529.
XL. IV.

Verset 7. Tome xi. Page 425. — 8. vu. 467. — Verset 2. Tome VU. Pae-e 255.-2. viu. 304.-9.
9, 10. YlII. 257. 8. IX. 20. — 8. IX. 148. — — 8. XI. VI. 529. — 10, 13. VI. 3«4. —
11. Y. 580. — 19. II.

32.— 12, 15. III. 132. 13, 15. II. 424. — — 14. III. 427. — 19. VI. 530. — 22. v. 137.
132. — 15. IV. 425. — 15. vill. 456. — 15. IX. 517.
— 15. X. 40.— 15. XI. 435.

XLI.
Versel 2. Tome x. Page 359. — 16. il, 323.
21, 4. n.427. —22,23. II. 427.
Verset 32. Tome vni. Page 42.
VI.
XLII.
Verset 9. Tome ii. Page 427. — 9. iv. 164. — 9.
Verset 9. Tome 21.
ii. Page 499.— ii. 564.-21. IV. 417.
lY. 435. —
36. II. 422. 30. XI. 151. — — 38. 11.422. VII.
38. III. 210. —
38. IV. 543.
Verset 1. Tome n. Page 192. i.Yi. 8. — i.n
XLIII. 830.
Versets 1-5. Tnme
v. Page 418. 6. v. 419. — — VIII.

7. v. 419. — 419.
8. V. —
9, 10. V. 419. 13, 14. — Verset 8. Tome vu. Page 304.
II. 422. — 13. V. 419. n. Y. 419. — 14. XI. 155. —
— 15 V. 419. —
16. V. 419. —
17. Y 421.— 18. V.
IX.

421. — 19. Y. 421. —


20. V. 421. 22. Y. 419. ~ — Ver?ets 10^ H. Tome v. Page 3iS<

COMMENTÉS PAR S. JEAN CIIRYSÛSTOME. G03

XI. XXXII.
Verset IS. Tome vu. Page 599. Tome VII. Page 293. — Verset 1 ii. 322. — l m. . .

XII. 196.-1. m. 204.— 1. III. 317.- 1. T. 530. —4.


Tome VI. Pngc 5C. — 3. v. 426. — 3.yiii. KJG. — m. 317. — 6. IV. 208. — 6. V. 5. — 6. VI. 256. — 6.
4. V 426.-7. V. 427. — 8. V. 427. — 9. V. 427.— VII. 51. — 6. IX. 134. — 7. IV. 308. — 10. m. 124.

H.X. 562 — 26. III. 204. —27. III. 196. — 27. rt. 10. m. 402. — 10. VI. 531. 10. VIII. 158. 10. — —
630. — 28. V. 426. — 29. v. 426. — 30. V. 420. — IX. 170. —
10. X. 304. —
10, 31, 32. X. 403. 20. —
31. 426. — 32.
V. 426. — 33. V. 426. — 37. V.
V. XI. 490. —
21. VI. 363. —
26, 28. VI. 531. 27. —
i2C. — 46. 537. VIII. VII. 288. —
31, 32. II. 5o7. 31, 32. III. 220. — —
31.32. 111.266 —31, 32. m. 414.-31. m. 476.
XIII. 31, 32. VI. 43. —
31. vi,o3l. 31. IX. 523. —
31. —
Tome VIII. Pagf 379. — 2. VI. 530. —8, 14, IX. 526. —
32. II. 429. 32. III. 229. — 32. m. —
15.11.32. — 8, 14, 15. 32. 255. —32. III. 336. —
32. Y. 195.— 32. VII. 439. —
II.

XIV.
32. IX. 459. —
32. XI. 534.

Tome n. Page 138. — Verset 11. vi. 128. — XXXIII.

11. VI. 256. — 15. II. 428. —


15. vi. 15. — 15. VI. Ver.'^et 3. Tome 439.
x. PagR
H. iv. 84. 11. — —
232. — 22. VI. 119. — 22. vui. 310. VI. 531. — 13. VI. 17.
13 VIII. 169. — 15. II. —
428. — 18. X. 323. —
19. v. 5.S2. 19 x. 12. — —
XV. 20. II. 219. —
20. V. 217. 20. VIll. 470. —29. II. —
Verset 1. Tome ii. Page 323. — 1. vi. 57. — I. 390.
VI. 301. — 1. VI. 371. — 1. VII. o9. — 11. II. 320. XXXIV.
— 14. V. 573. Verset 29. Tome viii. Page. 134.
XVI.
LXX.
Verset 3. Tome ni. Page 14. —
14. vi. 57. 18. —
X. 109. —XI. 104. — 4. VI. 531. —
6. vi. 57. 12. — Tome Tiii. Page. 169.
V. 314. —16. v. 315. — 17, 18. T. 315. 19. V. 315. —
— 20. T. 315.
XVIII. LEVITIQUE.
Versets 14, 17. Tomerv. Page 84. — 21. vi. 531.
— 21, 22. IV. 85.
I.

XIX. Verset 17. Tome m. Page 178.

Verset 8. Tome vu. Page 526. — 12, 14. vi. 268. VIII.
43.x. 453.- 18. V. 253. Tome II. Page 339.
XX. X.
Verset 2. Tome ii. Page 226. — 5. ii. 116. — .'i. Verset 2. Tome ii. Page 330. — 2. vi. 156.
VII. 575. — 5. VIII. 371. — 10. III. 55.— 12. v. 198.
— 12. V. 455. — 13.
III. 55. 13. v. 535. 13, — — XI.

16. VI. 500. —


13. VII. 140. 13. VII. 160. 14.— — Verset 8. Tome xi. Page 419.
III. 305. —
14. III. 316. 19. VIII. 296. —19. XI. —
587. — 21. VII. 132.
XIII.

X.XI.
Verset 15. Tome xi. Page 419. — 16. vi. 533.

Tome viii. Page 226. — 16. ii. 233. — 17. rv. XV.
140. —17. IV. 258. — v. 17. 198. — 17. v. 455. — Tome II. Page 344. — 5. m. 185. — 19. xi. 419.
24, 25. III. 226.
XVI.
XXII.
Verset 8. Tome vi. Page 531. — 24. iv. 182. — — Verset 2. Tome m. Page 177. — 29, 34. m. 197.
28. VI. 83. — 28. VI. 83. — 28. vi. 234.
29. m. 178.
XVII.
XXIII. Verset 11. Tome v. Page 72. — 18. m. 177. —
Verset i Tome ii. —Page 660. 1 v. 86. — v.
— 1
. .

VI. 473. — V. 136. —


.

185. —
XViii.
2?5. 1. 2. 2. ix. 3.
VIII. 341.-4, 5. IV. 84. — 5. v. 294. — 15. IV. 120. Versets 8, 10. Tome ix. Page 531.
— 15. XI. 355. —17. III. 26. —22. XI. 226. — 24.1V.
XIX.
331.
XXIV. Verset 18. Tome vi. Page 501. - 18. x. 621. —
Verset Tome
3. vii. Page 626. — 7. vi. 21 1 . — 7.
22 et 24. m. 254.

11.125. —13. VII. 441. .\X.

XXVIII. Verset 9. Tome ii. Page 233.


Verset 10. Tome xi. Page 314. XXI.

XXIX. Verset 9. Tome i. Page 620.


Versets 29, 34. Tome x. Page 48. XXIV.
XXX. Verset 10. Tome X. Page 522. -- 15, 16. vi. 83.

Verset 12. Tome vj. Page 631.


— 20. XI. 126.
XXVI.
XXXI. Verset I. Tome vi. Page 533. — 4, 5, iv. 241. -*
Verset 82. Tome Xl. Page 183. 12. m. ibû. — 12. m. o'JO. — 12. X. 15.
m Table des textes de l'Ecriture sainte

NOMBRES. — 4. IV. 189. — 9. VIII. 371. — 13. VI. 337. — 26.


II.
X. 220. — 29. I. ."isa. — 29. VIII. 422.

Verset 5. Tome ii. Page 429. — M, 15. ii. 429.


VI.

— 18. m. 324. Tome vin. Page 360. —


2. ix. I3i. 4. m. 437. —
III 4. IV. 234. — 4, 13. VI. 103. —
4. vill. 171. 4. —
Tome Page 330.
VIII. 559. — 4. X. 607. —
3. VI. 1 17. 7. V. 58. — —
Verset 4. ii.
7. VII. 562. — 7. IX. 8fi. XI. 491.—7. 8, 9. vi. —
V. 537. — 11. VII. 433. —
12, 13. m. 89. 12. m. —
Versets. Tome II. Pagi^ 303.— 10. II. 303. — 12, 292. — 12, 13. vi. 537. 12 ix. 07.— 12, 13.x. —
14 344. — 15. 344. — 15. il. 344. *~^- ~ <3. II. 226. —
IG. VII. 100. 28, 63. iv. —
. II. II.

VI.
417. — 39. m. 317.
VII.
Tome X. Page 439.
Verset 3. Tome iv. Page 331. — 6. x. 440. — 6.
I.\. XI. 6. — 15, 15. rv. 241. — 13. vu. 289. — 13. x.
Verset 2. Tome vi. Page 334. — 7. ii. 303. — 7, 439.
11. 11. 311. — 12. IX. 431. VIII.
Verset 3. Tome ii. Page 270. — 10. v. 38.
Verset 2. Tome ii. Page 314. — 33. vi. 534. IX.

XI. Versets 4, 5. Tome vi. Page 123. — 5. vi. 537.


Vcr.'^el 3. Tome vili. Page 8. — 5, 6. vi. 334. — X.
C. VI. \i-i. 12. VII. 293. 12. XI. 400. — 13. I.
- -
598. -
15. II 490. - 21, 22. il. 101. - 29. VI. 43. J^J^V^^-
^ûme I. Page 552. 12. x. 184.
on VI.
29. 1T1 ::i4
334. — ')q
29. vi 286.
XI. oei: '0. VI. 0j7.
XI.
XII.
Verset 14. Tome iv. Page 241.
Verset 2. Tome vi. Page 533. — 3. iv. 84. 3, —
VI. 42. — 3. VI. 207. — 10. m. 313.— 14. III. 113. XIII.
— 14. VU. 42. — 14. IX. 170. Verset l.Tomc ii. Page 288. — 1, 3. il. 359. —
1. VIII. 301.
XV.
XV.
Verset 32. Tome xi. Page 224. — 33. x. 389.
Verset 4. Tome xi. Page 268.
XVI.
XVI.
Tome n. Page 138.— 394.— 32. vi. H9.
— 32. VI. 159.
3. viii.
Versets 5, 6. Tome ii. Page 300. — 5, 6. ii. 311.
XVII.
— 5, VI. 537.

Tome n. Page 340. — 8. vi. 159.


Verse! 6. Tome viii.
XVII.
Page 592. — 6. ix. 161. —
XIX. 7. IX. 395.
Verset 23. Tome vi. Page 26. XVIII.

XX. Verset 10. Tome viii. Page 105. — 15. ii. 273.—
— — 13. 174. — —
333. — 12.
13. VI. 337. VllI. 13. viil. 237. 13.
Vcr.sel 10. Tome vi. P.iyu U. 100.
— 13. IX. 21. — 15. X. 598.— 375.
VIII. 321. 18. II.
12. VI. 333.
XXII.
— 18, 19. X. 49.
XIX.
Versets 2, 3. Tome xi. Page 339.-28. vin. 346.
Verset 15. Tome vi. Page 537. — 13. xi. 437. —
XXIV. 21. IV. 124.
Verset 9. Tome vi. Page 257. — 9. x. 324. — 17. XXI.
Tl. 335. Verset 23. Tome ii. Page 370. — 23. x. 75. —
XXV. 23. XI. 46. — 26. VI. 40. — 53, VI. 337.
Tome VI. Page 103. — 5. n. 430.
XXII.
XXXI.
Verset 1. Tome iv. Page 84. — 5. ix. 406. — 27.
Versets 14, 10. Tonie ix. Page 444. vu. 41. —29. I. 620.
XXIII.

Verset 19. Tome v. Page 275.


DEUTÉnONOME. XXIV.
III. Verset 1. Tome u. Page 148. — 1. rv. 188. —
Verset 26. Tome v. Page 302. — 20. ix. 225. 16. V. 199. — 34. VIII. 371.

IV. XXV.
Verset 2. Tome vn. Page 393. —
7. vi. 143. — Verset 4. Tome xi. Page 333. — 5. vil. 374.
7. VI. 297. — 10. VI. 536.— 19 vill.44i. 21. II. — XXVI.
430. —
2i. VI. 537. — 24. X. 324. —
20. VI. 537.
33. vm. 290. 33. II. — 227. —
33. V. 168. 33. XI. — Verset 6. Tome lu. Page 12.

105. XXVII.
V. Verset 26. Tome vi. Pat;e 40.— 26. vi. 537. —
Versets 2, 4. Tome iv. Pnge 189. — 3. n. 289. 26. vm. 107. — 26. lO. 604. — 20. x. eoo.
COMMENTÉS PAR S. JEAN CHRYSOSTOME. 608

XXVIII. 499. — 28. VIII. 358. — 30. II. 456. — 30 V. 36. —


Versets 8, 12. Tome iv. Paçe 241. 16. vi. — 101.
30. VI. 301. —30. VIII. 119.— 30. XI. 289.

— 23. IX. 575. — 50. 11. 324.^—66. VI. 538. III.

XXIX. Verset 35. —


l.Tome 431. —
ii. Page 1. ii. 1,

Verset Tome Page 538. - 18. xi. 583. — — 262. — —VI. 360. — l.XI.
III. 183. —
1. Vl. lOi. 13. X
62. — 18. 31. — 18.
18. vi.
29. VI. 538.
14. 30. II. 14. IX. II. II. S
431. — 18. 207.— XI. 445.
VII. 18. n
XXX.
Verset H. Tome vi. Page 538. — 19. ii. 289. V. «
xx.xn. Tome VII. Page 48. — Verset iv. 560. — J3.
11.
— 17. 538. — 18. V. 501. — 21, 22.
VerbJt 1. Tome m. Page 325. — 6. il. 390. — 6.
IV. 570.
— 32. IV.
IV. IV.

VI. 371. — 7. VII. 468. — 8. VI. 144. — 8. XI. 119.


580. 559.

— 9. X. — H. 281. —
470. 15. 465. — v. 15. II. 15. VI.
5. — 433. —
15. VII. 134. — 577. —
15. IX. 13. IX.
Verset Tome Page 228. — —
vu. 185.
319. — 300. —
6. vi.
X 298. — 21.
9.
15. .XI. 18. II 18. il.

338. —
9. XI. 417.
374. —21. 538. — 21.
VI. 432. —21. IX. X.
33. V. 376. — 43. IV. 331. — 43.
VII.
350. — 10. VIll^
IV. 84. Verset 8. Tome ii. Page 431.
LXX. VIII.
Tome viii. Page 444. Verset 7. Tome m Page 221. — 7. m. 229. —
7. VI. 543. — 7. VIII. 338. — 7. VIII. 533.

IX.
JOSUÉ.
1.
Verset 21. Tome i. Page 598.
Verset 2. Tome vi. Page 155. — 5. m. 12. XII.

Versets 1,3. Tome


Page 530. 3. vi. 543.
iv. — —
II.

— 3. X. 149. — 221. 11. IV. 540.


5. IX. — 23. II. —
Verset
VI. 66. —
9. Tome
11. m.
v. Page
317.
ë33.— 9. iii. 317. 10.
431. —
23. III. 221. 23. III. 229. —23. X. 97.— —
23. X. 412. —28. VI. 532.
VI.
Tome V!. Page 26. — 3. m. 316. — 17. m. 316. XllI.

— 17. II. 443. Verset 14. Tome ii. Page 84.

VII. XIV.
Tome II. Page 138. — 2, 4, 3. vi. 408. — 6-9. ii. Verset 26. Tome m. Page 68. 27. — m. 68. —
430. — 24. X. 389. 28, 29. III. 69. —
36. m. l'O. 36, 37. — m. 70. —
MU. 38. III. 70. —
42, 43. m. 70. 43. III. — 70. — 15.
V!. 221.
Verset 1. Tome vi. Page 407. XV.
X. Verset 22. Tome vi. Page 28. — 22. vi. 28. — 22
Verset 12. Tome m. Page 42. — 12. xi. 566. — VI. 543. —
35. IX. 170.
13. VI. 273.
XVI.
Verset 1. Tome ii. Page 431. — 1. m. 315. — 1.

JUGES. VII. 42. — 7. m. 315. — 7. XI. 199. — 9. Vil. 2i0.

V. XVII.
Tome VI. Page 371. Tome V. Page 31b. vi. 162. —
Verset 12. iv. —
341. —26. X. 412. —
28. v. 315. 29. v. 315. — —
VII.
29. VI. 43. —
32. IV. 530. 33. IV. 539. —
34. III. —
Tomevi. Page 162. 355. —34, 36. iv. 530. 34. ix. 20. —34, 35. IX. —
XIV. 221. —34. X. 150. 45. IV. 577.— 49. X. 154. —
Verset 14. Tome vi. Page 541. — 14. vi. 70. XVIII.
Tome X. Page 150. — Verset xi. 385. — 6, 9. 1.
IV. 559. — 7. V. 316. — vi. 544. —
7. x. 550. — 7.
I ROIS. 14, 16, 20, 30, 2. IV. 56. — 23. 361. — 23. IV.
IV.
561.
I.
XIX.
Verset 6. Tome v. Page 491.
491. 10,— 7. v. — Tome — Verset — 9,
n. V. 492. —
10, H. V!. 11. v. 493. 202. —
11. — V. Page 344.
— 34. V. 287.
3. vii. 25. 10.

V. 497. —
11. X. 567. 12. V. 496. — 12. Vit. 160. — IV. 361.

— 13. VII. 50. —


15. V. 501. 16. V. 501. 17. v. — — XX.
501. —22. v. 504. —
27, 28. V. 505. 28. VI. 90. — Tome m. Page 23. — Verset 27. iv. 124. — 30.
II.
IX. 521. — 41. VI. 258.

Tome vu. Page588. — Verset v 511. — v. 1. 2.


XXII.
519. — V. 5. — 44. —
4!J6. 243. —
C. III. 9. VII. Verset 17. Tome vi. Page 221. — 22. ii. 432.
511. — 343. —
12.16. 30.
v;iT — II. 16. II.
34. —
10. V.
30. — 20. 258. — 24.
XXIV.
506. —x'i.
V. IV. VI.
25. m. 193. — 23. 'm. — 23. VI 92. — 23. X.
III. Verset 5. Tome iv. Page 125. — 5. x. 130. — 7.

COO TABLE DES TEXTES DE L'ÉCRITURE SAINTE

Y. 498. —
8. IV. 5C6; 9. IV. B67. —
10. IV. SCS. — III ROIS.
— 1 568.
1. IV.12. IV. 569. — 14. vill. 262. — —
17. III. 221. n. IV. 576. — 18. IV. 579. 20. — — '•

rv. 580. —
22. IV. 183. Verset 39. Tome vi. Page 547.
XXVI. H.

Verset H. Tome rv. Page 124. — 13. xi. 125. Verset H. Tome i. Page 551.
"'•
XXVIII. „
Tome Yii.
_
Page
.„
48. — „ ^ ,,-
8. xi. 417. — IS.
,„ „, „^„
vi. 259.
Verset H. Tome v. Page 562. — H. vi. 2è.
jg y„ 207.
XXIX. V.

Verset 4. Tome. 11. Page 432. Versets 36, 38. Tome vi. Page 201.
V'-
XXXIX.
Verset 4. Tome m. Page 70. - 40. m. 70.
"Verset 1. Tome iv. Page 160.

VII.
Verset l. Tome vi. Page 443.
VIII.
II ROIS.
Verset 13. Tome vu. Page 180.— 39. vi. 391.
I.
IX.
Versets 19, 20. Tome 11. Page 358. - 21. iv. 570.
yvtii^ci^ p „„
Y. 377.
21. X.. 9:(. m.
23. —
mr..
III. 496. — 26.
96 vi. 385.
Xl. :is.»i.
^
1. ^lomt iv. i-as,*. lou.

XIII.
III.
Verset 2. Tome m. Page 326. — 2. m. 43,^.
Versets 32, 34. Tome 11. Page 433
XVII.
V.
Tome X. Page 121. — l. iv. 160. — 2 et sui-
Ver8et24. Tome vi. Page 545. —24. vi. 546. vaiils. vi. 161. — 3. iv. 161.- 9, 10. v. 288.- 10
Yii
et suiv. IV. 131. — 10. IV. 163. — 11. iv. 149. —
H. IV. 161. — 11. V. 288. — 12. V. 288. — 19. II.
Versets 18, 20. Tome 11. Page 89. 269. — 19, 22. vi. 202.
XII. XVIII.
Tome vu. Page 587. — 1. vu. 475. — 7, 11. v. Versets 17, 18. Tome m. Pago26. — 18. xi. 531.
524. — 8.. \I. 538. — 12. V. 525. — 12. XI. 586. — —21.11. 310. — 21. IX. 7i. — 21. X. 335.-42. VI.
13. III. 315 — 13. VI. 72. — 13. VI. 259. — 13. vi. 201.
429. XIX.
^'''-
Verset 4. Tome 11. Page 437. — 490. — 4. 11. 8.
Tome XI. Page 151. 11. 168. — 10. vi. 88.— — 10. vi. 479.
10. vi. 456.

XIV.
— 10. IX. 73. — 10. IX. 320. — 31. 423. — 34. II.

^^' *'^'
Verset 8. Tome vi. Page 552. xx.
XV. Versets 35-38. Tome 11. Page 308. — 36 et suiv.
Verset 25. Tome TII. Page 25. — 25. xi. 445. — "• ^08.
26. IX. 67. *^'-
XVI. Tome m. Page 282. — 20. x. 171. — 29. 11. S20.
Versets 7, 8. Tome 11. Page 434. - 7. xi. 33. — - 29. m. 282. - 29. m. 285.
10, 12. II. 434. — 69. —
10. VII. 10. X. 34. — 10. XXII

vl-its. - l'i: S: 6Ô8.'"'"


" "' '"• ' '**• ~ '"•
verset 19. Tome 11. Page 219.

XVIII.

Verset 5. Tome m. Page 476. — 5, 33. v. 573.— iv nnii
5. VI. 546. — 15. II. 434. — 18. xi. 33. — 33. X.
413. II.
XIX
Verset 1. Tome VIII. Page 571. — 10. viir. 504.—
Tomex. Page 806. — 6. vu. 25. n. vi. 60. - ll.vi. 163. — il. viii. 154. —H, xi,
XXI.
131.-23.11. 137. — 24. x. 389.

Verset 1. Tome 11. Page 435. — 17. xi. 261. III.

XXIV
Verset 27. Tome viii. Page 532.

Page 259. — 389. —


'V-
Verset Tome
17. 435. —
II.
7.
m. 221. — 17.
vi.
229. — 17. iii.
15. x.
17. VI. Verset 13. Tome m. l'ngc 343. — 17. xi. 199. —
547. - 459. — X. 220. —
17. IX. X. 413. — 17. 17. 27. VI. 168. — 42. VIII. 305.
17. XI. 534. V.
''^"'-
Tome X. Pagi- Mi. — 9. iv. 332. — 11. vi. 27.—
Verset 15. Tome vu. Page 492. 11. vui. 371. — 26. ix, 3SS.
COMMENTÉS PAR S. JEAN CHRYSOSTOME. 607

VI. JOB.

Verset 17. Tome x. Page 486. - 26, 29. xi. 224. I.

— 31. IV. 163. Verset 1. Tome


ni. Page 139. 1. v. 550. 1, — —
VII.
VI. 269. —
l.XI. 326. 2. X. 192. — II. 56.— —5.
Tome Page 161. 5. IV. 259. —
8. II. 460. 8. V. 147. —
9, 10. II. —
Verset 2. vi.
538. — 9. m. 2. —
9. m. 139. 9. iv. 419. 9, — —
X.
10. V. 439. —
9, 16. X. 16. 9, 10. X. 534. 10,— —
Verset 3. Tome vu. Page 418. 11. XI. 200. —
10. XI. 380.— 11. II. 538.— 11. XI.
,^38. — 16, 19. II. 568. 21.11. 503. —
21. II. 568. —
XV. — 21. III. 15. —21. III. 77. 21. HT. 81. 21. III.— —

Tome vin. Page 245. 98. —21. m. 134. —21. IV. 34. 21. IV. 287. —
21. IV. 319. —21. IV. 321. —21. IV. 340.-21. IV.
XVll.
410. - 21. IV. 487.— 21. IV. 490. —21. V. 550.

Tome viii. Page 245.— 26, 27. viii. 245.
21. VI, 89. —21. VI. 195. 21. VI. 338. —21. IX. —
XIX. 338. — 21. X. 46. —21. X. 234. 21. IV. 111.- —
— 34. 55. — 34;
21. XI. 196. —
21. XI. 236. 21. XI. 538. —
Verset 34. Tome i. Page 531. ii.

y„ 16. — 34. Yll. 223. — 34. Vlll. 340. — 34. IV. II.

182. — 35. VI. 162. — 35. VIII. 48. Verset 3. Tome ii. Page 338. — 4. iv. 427. — 4,
5. VI. 196. — 4. X. 6. — 6. III. 161, — 9. II. 289.
XX.
— 360. — 368. — 9, 10. IV. 319. — 9.
Verset vi. Tome m. Page 402. — H. vi. 160.
9. II.
I\. 484. — — 200. —
9. XI. 54.
9. II.
9. XI. 10. II. 441.—
499. —
10. V. 197. — 192. —
10. VI. 10. IX. 10. IX.
333. —
XXI.
483. — 485. —
10. IX. 10. IX. 10. IX. 564.
Verset 16. Tome vi. Page 552. — 538. —
10. XI. 543. — 544.
12. II. 13. II.

XXV. III.

Versets 1-4. Tome m. Page 106. — 4-7. m. 108.


Verset 13. Tome m. Page — 19. vi. 539. —
210.
— 13-21. m. 107. 23 IV. 419. — 23. IV. 543. 267. — 23. V.
— 23. v.
484. — 23. VI. 118. —23, 26. V. 601. — 25. 177. VII.
— 25. VII. 277.
PARALIPOMÈNES, IV.
I

Versets 2, 6. Tome u. Page 468. -7, 11, 17. vi.


XllI.
539. —
11.x. 12.— 19. II. 207.
Verset 22. Tome vn. Page 364.

Verset 3. Tome vi. Page 559. — 12. vi. 539. —


II PARALIPOMÈNES. 13. n. 330. — 23. II. 212.
VI.
VI.
Verset 4. Tome xi. Page 360. — 7. ii. 360. — 7.
Verset 30. Tome vu. Page 240.
m. 170. — 7. IV. 409. — 8. IV. 419.
XXVI. VII.
Tome m. Page 363. — 4.VI. 414. — 16. VI. 427.
Tome vu. Page 278. - 20. vi- 559.
— 18. VI. 552. -
Verset 25.
1. XI. —
389. 5. XI. 53. - 13, 19, 27. VI.
1,
539. -
14. 111. 171. — 14. XI. 33.

II ESDRAS. IX.

Verset 6. Tome il. Page 205. — 8, 70.vin. 310.


IV.
— 25. 562.
I. — 31. 171. — 33. VI.
III. 269. — 33,
Verset 7. Tome ii. Page 2.
34. VI. 269. — 42. VI. 269.
X.

TOBIE. Verset 6. Tome vi. Page 566. — 8. v. 71. — 9.

IV. 294.
IV. XI.

Verset 11. Tome xi. Page 495. Verset 3. Tome viii. Page 278. — 12. x. 536.

XII. XIV.
Verset 9. Tome ix. Page 98. — 9. xi. 29.
Verset 3. Tome vi. Page 77. — 4. m. 328.

XVI.

JUDITH. Verset 2. Tome xi. Page 55.

xvn.
XXI.
Versets 2, 6. Tome vi. Page 562.
Verset 10. Tome ix. Page 51.
XVIII.
Verset 17. Tomeiv. Page 183. — 17. ix. 484.

ESTHER. XIX.

XIV. Versets 10, 13. Tome vi. Page 539. - 14, 17. m.
171.
Verset 13. Tome u. Page 558.
608 TABLE DES TEXTES DE L'ECRITURE SAliNTE

XXI. IL
Tome Page 401. Tome X. Page 297. 1. — ii. 371. — 1. m. 212. —
Verset 7. ii.
I, 2. IV. 14. —
1. Yl. 39. — 1. vu. 298. — 3. II.
XXIV. 281. — 3. II. —
371 — 3. Y. 583. 5. Vlll. 358. —
Verset 3. Tome vu. Pa

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