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« Romain GARY »
Séminaire relatif au
« Dialogue social »
Juillet 2004
Exemplaire personnel de : M.
Groupe n°11
Lettre de Mission
L’ « implication des salariés » est une notion chargée de multiples sens. Couramment
utilisée dans le langage des dirigeants d’entreprise, elle est souvent synonyme de performance
pour l’entreprise.
Mais l’individualisation des relations du travail est contrebalancée par une attente des
salariés de plus en plus diversifiée. Cette attente se concrétise sous la forme d’une
participation pour l’instant essentiellement financière. Mais l’attente des salariés n’est-elle
que d’ordre monétaire ? Quelles peuvent être les autres formes d’implication des salariés ?
L’implication des salariés comporte aussi une dimension collective et dépasse la seule attente
pécuniaire.
Dès lors, le dialogue social peut contribuer à impliquer les salariés dans l’entreprise.
Du côté des organisations syndicales, la chose n’est pas dépourvue d’ambiguïté dans la
mesure où le syndicat, dans sa conception traditionnelle française, s’identifie plus à
l’ensemble des travailleurs qu’aux seuls adhérents. En effet, le syndicalisme se sent porteur du
collectif des salariés et a donc, aujourd'hui, des difficultés à prendre en compte les aspirations
individuelles et diversifiées. Il est amené à rechercher de nouvelles formes d’implication de
ses adhérents et des salariés à la définition des objectifs. Dans cette perspective, comment
réussir l’implication des salariés dans le dialogue social ?
Le dialogue social revêt en effet un caractère trop institutionnel, notamment du fait des
acteurs en présence. A l’heure actuelle, le salarié est-il véritablement acteur d’un dialogue
social par nature collectif ?
Après avoir apporté une définition plus précise des deux notions et montré en quoi
elles s’opposent et se complètent, le groupe s’intéressera aux pratiques actuelles, aux
comportements des acteurs, et formulera si possible des propositions d’amélioration en situant
les fondements sur lesquels elles reposent.
SOMMAIRE
SOMMAIRE 1
INTRODUCTION 4
1
2.2. L’IMPLICATION ORGANISATIONNELLE : LES CONDITIONS DE TRAVAIL, L’ORGANISATION
ET LE TEMPS DE TRAVAIL 23
2.2.1. L’IMPLICATION DANS LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ 23
2.2.1.1. Le salarié, premier concerné par les questions de santé et de sécurité 23
2.2.1.2. Consolider les liens entre les salariés et leur CHSCT 24
2.2.2. L’ORGANISATION DU TRAVAIL 24
2.2.2.1. Un domaine où la légitimité des représentants du personnel reste à construire 24
2.2.2.2. Mettre en place une « participation directe » davantage négociée 25
2.2.2.3. Les accords RTT ont montré la pertinence d’une négociation multidimensionnelle 26
2.2.3. CONDUITE DU CHANGEMENT : L’IMPLICATION COMME CONDITION DE LA RÉUSSITE 26
2.3. L’IMPLICATION STRATÉGIQUE : LA PARTICIPATION AU « DIALOGUE ÉCONOMIQUE ET
SOCIAL » 28
2.3.1. GARANTIR UN RÉEL ACCÈS DES SALARIÉS AU DIALOGUE STRATÉGIQUE 28
2.3.1.1. Négocier la participation et l’épargne salariale 28
2.3.1.2. Mieux articuler actionnariat salarié et dialogue social 29
2.3.1.3. Conforter la participation aux organes sociaux 29
2.3.2. ASSOCIER LES SALARIÉS ET LEURS REPRÉSENTANTS À LA GESTION PRÉVISIONNELLE DE
L’EMPLOI ET DES RESTRUCTURATIONS 30
2.3.3. RENDRE PLUS IMPLIQUANT UN CADRE EUROPÉEN VOLONTARISTE 31
2.3.3.1. La législation européenne consacre la participation à tous les niveaux 31
2.3.3.2. Impliquer les salariés dans le dialogue d’entreprise européen 32
2.4. L’IMPLICATION - ENGAGEMENT DANS UNE CULTURE D’ENTREPRISE 33
2.4.1. UNE FORME D’IMPLICATION PORTEUSE DE SENS MAIS DIFFICILE À MANIER 33
2.4.1.1. L'appartenance et l'engagement, nouvelles dimensions de l'implication 33
2.4.1.2. Une forme d’implication difficile à manier, parfois inefficace ou excessive 33
2.4.2. L’IMPLICATION PAR IDENTIFICATION À UN PROJET OU UNE ÉTHIQUE PARTICULIÈRE 34
2.4.2.1. Le dialogue social peut se saisir du projet d’entreprise 34
2.4.2.2. Dans le secteur public, le sens du service comme ressource 34
3.1. LA DÉMOCRATIE DIRECTE DOIT ÊTRE MIEUX ARTICULÉE AVEC LES MÉCANISMES DE
REPRÉSENTATION 35
3.1.1. LE DROIT D’EXPRESSION A ÉCHOUÉ À REVITALISER LE DIALOGUE SOCIAL 35
3.1.1.1. L’échec des groupes d’expression 36
3.1.1.2. L’évolution vers un droit instrumentalisé et individuel, éloigné du dialogue social 37
3.1.2. L'USAGE DU RÉFÉRENDUM SE DÉVELOPPE MAIS N'EST PAS EXEMPT DE RISQUES 37
3.1.2.1. Un champ juridique récemment étendu 37
3.1.2.2. Des pratiques et des positions diversifiées 37
3.1.2.3. La consultation directe des salariés peut comporter des risques 38
3.1.3. ARTICULER LA PARTICIPATION DIRECTE ET LA REPRÉSENTATION 39
3.1.3.1. Assurer une expression plus souple, plus large et plus libre des salariés 39
3.1.3.2. Permettre une expression mieux structurée 40
3.1.3.3. Permettre une expression continue, permanente 41
3.1.3.4. Encadrer le recours au référendum 41
3.2. CRÉER L’ENVIRONNEMENT D’UNE REPRÉSENTATION VIVANTE 42
3.2.1. MIEUX ADAPTER LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS À LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE 42
3.2.1.1. Le dialogue social territorial, pour prendre en compte la spécificité des TPE – PME 42
3.2.1.2. Les salariés « hors de l’entreprise » et les précaires participent peu au dialogue social 43
3.2.1.3. L’individualisation des temps de travail rend difficile la représentation des salariés 43
3.2.2. COMPLEXE, LE SYSTÈME DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS POURRAIT ÊTRE SIMPLIFIÉ 44
3.2.2.1. Le système de représentation fait l’objet de propositions de simplification récurrentes 44
2
3.2.2.2. Rapprocher les délégués du personnel des délégués syndicaux dans les PME 45
3.2.2.3. Rendre les élections professionnelles plus visibles 46
3.2.3. LES CONTRAINTES PROFESSIONNELLES RENDENT DIFFICILE LA CANDIDATURE À UN MANDAT 46
3.2.3.1. La prise de mandat doit être valorisée sur le plan professionnel 46
3.2.3.2. Étendre le bénéfice de la VAE aux représentants du personnel 46
3.3. L’ETAT PEUT FAVORISER LA DIMENSION PARTICIPATIVE DU DIALOGUE SOCIAL 47
3.3.1. LE DIAGNOSTIC SUR L’IMPLICATION DES SALARIÉS POURRAIT ÊTRE APPROFONDI 47
3.3.1.1. L’implication des salariés dans le dialogue social est imparfaitement mesurée 47
3.3.1.2. Un diagnostic, pour comprendre les attentes des salariés et évaluer les réformes 48
3.3.1.3. La remontée d’informations peut être améliorée 48
3.3.2. MIEUX INFORMER LES SALARIÉS ET LEURS ÉLUS SUR LE DIALOGUE SOCIAL 49
3.3.2.1. Les salariés connaissent mal leurs représentants et leur rôle 49
3.3.2.2. Développer l’accès à l’information sur le dialogue social pour tous les salariés 50
3.3.2.3. Favoriser l’accès à l’information pour les négociateurs salariés, notamment élus 50
3.3.3. MENER DES ACTIONS CONCERTÉES DE PROMOTION DU DIALOGUE SOCIAL 51
3.3.3.1. Le recours à la sanction connaît de nombreuses limites 51
3.3.3.2 Associer les partenaires sociaux pour en faire un relais de l'action de l'Etat 52
3.3.3.3. Etendre les possibilités de financement des projets innovants 52
CONCLUSION 53
PERSONNES RENCONTREES 71
BIBLIOGRAPHIE 78
3
INTRODUCTION
L'implication dans le travail devient alors une notion centrale dans la gestion des
ressources humaines. Ce changement économique épouse la hausse du niveau culturel de la
population et l'avènement d'une société d'individus, où l'adhésion se fait moins prescrite et la
critique plus fréquente. Les syndicats et le dialogue social sont soumis aux mêmes
transformations profondes. Les salariés ont des attentes nouvelles, plus différenciées, et ne
veulent plus s'en remettre sans discussion à une avant-garde syndicale éclairée. L'entreprise a su
mieux capter la tendance nouvelle et la désyndicalisation menace. L'implication dans le dialogue
social devient un défi central.
L'on voit bien ce qu'il faut entendre par « dialogue social » : un échange, pouvant
éventuellement déboucher sur un accord, pratiqué dans des conditions équilibrées, c'est-à-dire
dans un cadre collectif. Le dialogue individuel est déséquilibré, car la parole et l'écoute ne sont
pas libres dans une situation de subordination.
Plusieurs lignes de partage opposent ces deux formes d'implication, dans le travail
et dans le dialogue social. La première serait individuelle et directe : c'est une implication de
chaque salarié dans son poste de travail, où il est appelé à donner de lui-même ; elle conduit à
des formes d'individualisation de la relation de travail, en premier lieu des modes de
rémunération. La seconde est collective et indirecte : la participation au dialogue social permet
de rééquilibrer le lien de subordination qui lie le salarié à l'employeur. Elle vise à obtenir des
garanties collectives, au bénéfice de tous.
∗
L'implication au travail prend des formes diverses qui ne lui confèrent pas qu'une
dimension individuelle et qui prennent sens les unes par rapport aux autres :
1
A. SUPIOT, La subordination dans le travail, 2004.
4
- L'implication par la valorisation de la performance correspond à un échange
entre la contribution fournie par le salarié et la rétribution de l'employeur, qui n'est pas
exclusivement financière. Elle va d'une simple reconnaissance directe à une progression de
carrière plus favorable ;
- Enfin, l'implication des salariés peut prendre une dimension plus globale et
collective, lorsqu'elle est sous-tendue par l'engagement dans une culture d'entreprise : elle repose
alors sur l'adhésion à des valeurs ou à un projet d'entreprise, dans une logique qui dépasse la
dimension contractuelle de la relation de travail.
1
Selon l’enquête REPONSE du Ministère du Travail, Premières Informations Premières Synthèses, n° 22.1, 2002.
5
notamment des petites entreprises. Faute d’une représentation adéquate, certaines catégories de
salariés participent peu au dialogue social.
Chaque acteur doit jouer pleinement son rôle, et c'est du jeu des acteurs que
naissent les expérimentations et les bonnes pratiques. Des évolutions se sont ainsi dessinées, que
ce rapport a voulu conforter en faisant des propositions pour faciliter leur développement.
Approfondir l'existant, tout en s'attachant à résoudre certains dysfonctionnements, mieux
articuler les instances et les dispositifs, tout en accueillant les innovations, tels ont été les
principes qui l’ont guidé.
* *
*
1
L’on fait ici référence aux travaux de Jean-Daniel REYNAUD.
6
1. DIALOGUE SOCIAL, IMPLICATION DES SALARIÉS : UN DÉCALAGE
CROISSANT
Les pratiques managériales actuelles sont orientées vers l’implication des salariés
dans leur travail. Cette exigence de l’employeur a vocation à trouver une contrepartie:
directement ou indirectement, le salarié devrait pouvoir s’exprimer, participer à la décision. C’est
tout l’objet du dialogue social. Or, l’implication croissante et prescrite dans le travail ne s’est pas
accompagnée d’une implication accrue dans le dialogue social. Le décalage qui s’est installé
depuis vingt-cinq ans entre ces deux formes d’implication est problématique.
Ce modèle tayloro-fordiste a été contesté dès les années 1970, avec des signes
avant-coureurs en mai 1968. Les salariés, y compris les ouvriers, ont remis en cause le « travail
en miettes » et revendiqué une appropriation personnelle d’un travail trop mécaniste. On a pu
souligner combien cette critique de l’organisation du travail était sous-tendue par une volonté de
reconnaissance en tant que sujet autonome porteur de projet2.
1
D. LINHART, in Encyclopédie des ressources humaines, Vuibert, 2003
2
L. BOLTANSKI et E. CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999
3
R. BOYER, J.-L. BEFFA, J.-P. TOUFFUT, Les relations salariales en France, 1999.
7
La pression de la concurrence internationale et l’exigence de rentabilité financière1 imposent de
nouvelles contraintes : productivité, baisse des coûts et des délais.
1
Ainsi, la marge de manœuvre économique disponible pour nourrir la négociation collective se réduit, alors même
que les managers sont incités à mener une restructuration permanente sous la pression financière.
2
P. ROSANVALLON, La question syndicale, 1998, p. 5.
3
C. BAUDELOT, M. GOLLAC, Travailler pour être heureux? Le bonheur et le travail en France, 2003 et M.
THÉVENET, « Le plaisir de travailler » in Encyclopédie des ressources humaines, 2003.
4
J.-P. DURAND, La chaîne invisible, 2003.
8
L’ « implication contrainte » prescrite dans la restauration rapide :
J.-P. DURAND décrit le « système Mc Donald’s, qui continue à donner satisfaction à une clientèle toujours
plus nombreuse » : « L’implication a lieu essentiellement à travers le procès de travail immédiat, largement
dominé par le double flux tendu des clients d’une part et des repas en préparation d’autre part […]. Ainsi
l’équipier – de même que le cuisinier – est porté par le flux tendu et contraint d’accomplir les opérations qui
lui sont liées ». Le manager n’intervient que pour réguler les cadences : « l’implication des équipiers dans leur
travail apparaît normale et "naturelle" […] » (La chaîne invisible, 2003, p.160).
L’implication peut être conçue comme une relation d’échange réciproque entre
l’individu et l’institution – un équilibre contribution/rétribution du salarié. Mais elle est
davantage que cela : elle comporte une part d’identification du salarié à l’entreprise, un
sentiment d’appartenance à la « communauté organisationnelle». Notion plurielle, l’implication
comprend plusieurs formes présentées en introduction, de l’individuel (l’implication par la
valorisation de la performance) au collectif (l’engagement dans une culture d’entreprise), en
passant par des formes intermédiaires (l’implication organisationnelle, l’implication par la
participation à la décision stratégique). Enfin, l’implication dans le dialogue social, quand elle
est possible, stimule le sentiment d’appartenance à l’entreprise et l’équité.
1
M. THEVENET, J-P. NEVEU, L’implication au travail, 2002.
9
de répondre à d’éventuelles contestations. Enfin, dans les années 1990, d’autres formules
naissent pour maintenir la mobilisation participative (Voir Annexe 5, p. 68).
Enfin, l’histoire professionnelle des salariés est de plus en plus marquée par la
non-linéarité, la diversification des parcours. Au sein de l’entreprise, la gestion du personnel
répond désormais à une logique de sélection et délaisse la stratégie de mobilité ascendante des
Trente Glorieuses. Les firmes préfèrent employer des surdiplômés ou des « jeunes potentiels »
aux postes à responsabilité, freinant la valorisation professionnelle des salariés moins qualifiés.
Pour eux, l’implication dans le travail est plus vécue comme une contrainte puisque le salarié
« non motivé » peut être relégué à la périphérie de la firme, mais aussi comme un modèle
puisque l’implication caractérise les salariés du « cœur » de la firme.
1
Ainsi, la France comptait 40 000 cercles de qualité dans les années 1980, soit bien plus que les autres pays
européens (cf. D. LINHART, op. cit.).
2
H. MENDRAS, La seconde révolution française, 1965-1984, 1988
10
A la fois cause et conséquence de ces transformations, l’individualisation des
salaires est aujourd’hui un fait acquis. En 2002, parmi les salariés augmentés, près de sept sur dix
ont reçu une augmentation individualisée ou mixte, contre seulement trois qui ont reçu une
augmentation générale. La part de l’individualisation dans l’augmentation croît avec la catégorie
socioprofessionnelle : 31 % pour les ouvriers, 40 % pour les employés, 56 % pour les
professions intermédiaires et 73 % pour les cadres1. Autre modalité d’individualisation, les
dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne salariale, concernent 5,5 millions de
salariés ; 37,5 % des salariés des entreprises non agricoles ont bénéficié en 2001 d’une prime de
participation, d’intéressement ou les deux à la fois2.
Toutes ces mutations ont profondément modifié les relations industrielles. Les
collectifs de travail traditionnels ont été déstructurés, handicapant l’action du syndicat.
Parallèlement, la gestion des ressources humaines s’est considérablement perfectionnée : parce
qu’elles en ont défini les nouvelles règles, « les directions d’entreprise connaissent maintenant
souvent mieux les réalités du travail que les syndicats »3. L’individualisation des relations et leur
polarisation vers la hiérarchie ont été activement combattues par les syndicats – notamment
contestataires – qui de ce fait ont largement sous-estimé la portée des changements en cours.
Dans ces conditions, la question de l’implication a été considérée comme un sous-produit de
l’individualisation ainsi qu’un moyen pour obtenir davantage du salarié que sa force de travail
(sur les différentes positions des syndicats, voir Annexe 7, p. 70).
Les attentes non monétaires des salariés, ainsi que leurs besoins individuels, ont
été sous-estimés (Voir Annexe 4, p. 67), les salaires et l’emploi restant la priorité syndicale.
Ainsi, contesté par la CGT-Energie, l’accord d’EDF relatif aux 32 heures (1997) a été annulé par
la justice 18 mois après sa signature. Entre-temps, 19000 salariés avaient opté pour le temps
partiel et 1600 avaient programmé leur retraite. Pour ne pas avoir respecté les choix de vie
réalisés sur la base de l’accord, la CGT a essuyé un revers aux élections professionnelles
suivantes.
1
DARES, Premières Informations Premières Synthèses, n°22.1, 2004
2
DARES, Premières Informations Premières Synthèses, n°37.2, 2003
3
P. ROSANVALLON, op. cit.
4
D. LABBE, H. LANDIER, Les organisations syndicales en France, 2004 et S. LARDY, 2002
11
1.2. Le dialogue social n’a pas bénéficié de cette dynamique
d’implication au travail
1.2.1.1. Une construction sédimentée qui répond bien aux préoccupations des salariés
Les principales préoccupations des salariés sont portées par leurs institutions
représentatives. Le comité d’entreprise a de larges compétences, en matière d’emploi et de
formation, de participation à la décision stratégique. Il est également apprécié des salariés pour
ses activités sociales et culturelles. Le CHSCT répond au souci croissant de sécurité au travail.
Les délégués du personnel, qui ont la mission de faire remonter les réclamations, sont dans la
pratique concurrencés par le délégué syndical ou l’encadrement lui-même. Enfin, par son
pouvoir de signer les accords collectifs, le délégué syndical permet aux salariés d’élaborer en
commun avec leur employeur le droit conventionnel du travail applicable dans l’entreprise (sous
réserve du droit de rang supérieur). La loi nº 82-957 du 13 novembre 1982 conforte cette
dimension du dialogue social en introduisant l’obligation annuelle de négocier1. Par ailleurs, à
côté des instances représentatives, les salariés se sont vu reconnaître un droit d’expression
collectif, par la loi n° 82-689 du 4 août 1982.
1
Dans les entreprises qui comptent au moins une section syndicale. La négociation porte notamment sur les salaires
effectifs, la durée et l'organisation du temps de travail, ainsi que, tous les trois ans, sur l'accès et le maintien dans
l'emploi des salariés âgés et leur accès à la formation professionnelle (Code du travail, art. L 132-27).
12
1.2.1.2. Un cadre institutionnel robuste qui autorise la participation du salarié
1.2.2. Mais les freins à l’implication des salariés dans le dialogue social sont multiples
Tableau 1 : Part (%) des établissements couverts2 par les différentes institutions.
10-49 salariés 50-99 salariés 100-249 250-499 500 salariés Toutes tailles
salariés salariés et plus
CE3 14,5 82,7 92,6 96,2 98,1 27,1
CHSCT 10,5 71,8 88,8 95,2 96,4 22,6
DP 27,9 73,8 83,4 91,6 94,8 36,4
DS 10,5 55,1 74,0 89,1 95,5 20,2
Aucune 66,4 10,2 3,3 1,7 0,5 56,2
1
H. LANDIER, D. LABBE, Les organisations syndicales en France, 2004
2
Pour les CE, CHSCT et DS, notamment en dessous de 50 salariés, l’établissement peut être couvert par les
institutions d’un autre établissement de l’entreprise. Pour les DP, seule compte la présence dans l’établissement.
3
Ou délégation unique du personnel. Les lignes CE et DP ne s’additionnent donc pas.
13
Tableau 2 : Part (%) des salariés couverts.
10-49 salariés 50-99 salariés 100-249 250-499 500 salariés Toutes tailles
salariés salariés et plus
CE 30,1 87,5 93,4 97,0 98,7 71,9
CHSCT 23,0 77,7 90,5 96,1 97,8 67,3
DP 39,7 76,1 84,4 91,8 96,8 70,4
DS 23,3 60,9 76,4 90,2 97,8 62,5
Aucune 48,2 7,2 2,6 1,6 0,1 18,7
Source : DARES, Enquête ACEMO-IRP 1999
Par ailleurs, la présence des délégués syndicaux – qui dépend pourtant de la seule
capacité du syndicat à nommer un représentant dans l’entreprise – est encore plus faible que celle
des institutions élues. Parmi les établissements de plus de 50 salariés, plus de trois sur dix ne sont
pas couverts par un délégué syndical, contre moins de deux pour les CHSCT. A travers ce
constat, un cercle vicieux se fait jour : pour être présents au sein des entreprises – et en
particulier les petites – les syndicats ont besoin de militants. Mais, précisément, la
syndicalisation est la plupart du temps le fruit d’une action de terrain. Si la branche, où le rapport
avec les salariés est indirect, constitue le principal niveau de représentation des intérêts des
salariés, la faible présence syndicale dans les entreprises ne porte pas véritablement à
conséquence. Mais la décentralisation actuelle de la négociation fait apparaître la
« resyndicalisation », ainsi que l’implication des salariés dans le dialogue social, comme une
ardente obligation.
L’engagement dans le dialogue social recouvre des réalités très différentes, selon
le degré d’investissement personnel. (a) La participation aux élections professionnelles : La
France se caractérise par un taux de participation correct aux élections des comités d’entreprise
1
DARES, Premières informations premières synthèses, n°16-2, 2001.
2
Notons toutefois que le salarié d’une entreprise qui demande la tenue d’élections est « protégé » (autorisation
préalable de l’inspecteur du travail avant tout licenciement) pendant 3 mois.
14
(64,4% en 2001), corrélé négativement à la taille de l’entreprise. Ce taux est comparable voire
supérieur à celui des élections politiques. En revanche, la participation aux élections
prud’homales est très faible : 32,7 %, lors du dernier scrutin de décembre 2002 ; (b) L’adhésion
simple à un syndicat : le salarié paie sa cotisation, mais ne participe pas activement à l’action
syndicale. Cette adhésion relève du geste militant, financier, du besoin d’être soutenu par un
syndicat face à sa direction, etc. Si l’on reprend les chiffres annoncés par les confédérations, le
taux de syndicalisation des salariés est en chute depuis 19771. C’est, de loin, le plus faible des
pays économiquement comparables à la France (Voir Annexe 6 p. 69) ; (c) L’adhésion militante
à un syndicat, pour laquelle le salarié donne de son temps ; (d) La candidature à un mandat
syndical ou électif, enfin.
1
D. LABBE, Syndicats et syndiqués en France depuis 1945, 1996. Le Ministère du Travail ne connaît le taux de
syndicalisation que par l’information diffusée par les syndicats eux-mêmes. Les syndicats n’ont pas tous la même
définition de l’ « adhérent ». Cette définition évolue avec le temps, ce qui rend malaisée la comparaison.
2
De nombreux interlocuteurs ont ainsi évoqué la montée de l’ « individualisme », frein à l’action collective.
3
Voir P. ROSANVALLON, op. cit., p. 173 et suiv.
4
Selon DARES, La négociation collective en 2003, p. 159
15
1.3.1. Une opportunité pour favoriser le vote et la participation des salariés
1.3.1.1. La loi donne au vote des salariés une plus grande importance
Lorsqu'il existe des délégués syndicaux dans l'entreprise, ces derniers conservent
un monopole de négociation et de signature des accords. Toutefois, que l'accord de branche
prévoie un système de majorité d'engagement ou d'opposition1, le poids relatif des syndicats au
sein de l'entreprise est désormais déterminé par le vote. Dans le premier cas, le lien entre le choix
électif des salariés et le mandat des délégués syndicaux est direct. Dans le second cas, c'est en
grande partie le système actuel qui prévaudra, complété cependant par un "filet de sécurité"
permettant à des organisations majoritaires de s'opposer à la signature d'un accord. Accorder sa
voix à un syndicat lors des élections professionnelles reviendra en tout état de cause à déterminer
en partie le « pouvoir de négociation » de chaque organisation.
Lorsque l’entreprise ne dispose pas de délégués syndicaux, ce sont les élus des
salariés qui pourront être amenés à négocier avec la direction, sous réserve qu’un accord
interprofessionnel ou de branche étendu le prévoie et d’une validation de l’accord par une
commission paritaire de branche2. Si les conditions de majorité restent à déterminer, le lien
élection/négociation est là encore indiscutable.
Les salariés pourraient être amenés à se prononcer plus fréquemment sur les
accords eux-mêmes, même si la consultation directe doit rester subsidiaire dans un système
représentatif . Le recours au référendum pour valider un accord d’entreprise est ainsi prévu :
- lorsque les organisations signataires d’un accord ne remplissent pas les conditions de
majorité exigées par la branche (il doit être décidé par les organisations syndicales,
signataires ou non) ;
- lorsqu’il y a carence d’élections professionnelles (CE ou DP) ou lorsque seuls des élus
non syndiqués sont désignés au second tour ;
- lorsque les accords sont signés par un salarié mandaté.
L’intérêt du mandatement, tel qu’il a été expérimenté lors de la mise en œuvre des
lois Aubry, est double. D’une part il permet de couvrir un plus grand nombre d’entreprises,
notamment les PME, par des accords collectifs négociés localement ; d’autre part, il implique
1
La "majorité d'engagement" conditionne la validité de l’accord d’entreprise à sa signature par un ou plusieurs
syndicats représentant plus de 50 % des voix exprimée. La "majorité d'opposition" autorise tout syndicat
représentatif à signer l’accord, en l'absence d'opposition d'autres syndicats représentant la majorité des salariés.
2
Art. 47 de la loi: faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit.
16
dans le dialogue social de nouveaux salariés, puisque par définition le mandatement s’exerce
dans un cadre dépourvu de délégués syndicaux et de représentants élus. Il favorise ainsi la prise
de responsabilités, pour une période et dans un contexte déterminés, accompagnée de protections
équivalentes à celles dont bénéficient les délégués syndicaux1.
1.3.2. Une opportunité pour les syndicats de resserrer les liens avec les salariés
La loi du 4 mai 2004 devrait conduire les syndicats à revaloriser l’importance des
sections d’entreprise et de la présence active auprès des salariés comme élément vital de leur
stratégie2. En premier lieu, la loi assouplit le principe dit de faveur. Dans certaines conditions, les
accords d’entreprise pourront ainsi remettre en question des garanties négociées au niveau
supérieur3. La multiplication des dérogations locales induirait alors une différenciation accrue du
droit conventionnel applicable et une moindre visibilité. Les syndicats, forts leur double
organisation par fédération et par territoire, peuvent en revanche garantir une certaine
homogénéité entre les accords d’entreprises relevant de la même branche ou du même bassin
d’emploi. La présence dans les entreprises de militants syndicaux actifs et bien informés semble
donc bien plus qu’auparavant une condition nécessaire à la défense des intérêts des salariés –
dans un contexte où des élus pourront désormais conclure des accords.
De plus, peu présents dans les petites et moyennes entreprises (voir pp. 12-13),
malgré la stratégie mise en place par certaines confédérations (CFDT, CFCT par exemple), les
syndicats devront faire face à une forme de concurrence. A la suite de la loi du 4 mai 2004, le
rôle de négociateur supplétif des élus (ou des mandatés) risque de rendre moins indispensable
l’émergence d’une présence syndicale dans les entreprises qui en seraient dénuées, d’autant plus
que les élus sont assez peu syndiqués4. Il y a là un enjeu majeur pour les syndicats, qui devront
davantage démontrer aux salariés la valeur ajoutée de leur présence dans l’entreprise.
Enfin, les nouvelles modalités de signature des accords pourraient faire évoluer
les stratégies syndicales. Selon le système (engagement ou opposition majoritaire) retenu, un
syndicat pourra faire échouer un accord par un refus de s’engager explicitement ou par un rejet.
Les décisions des syndicats – de signer ou de refuser l’accord – devront, plus qu’auparavant, être
motivées auprès des salariés. D’une part, les postures conflictuelles pourraient ainsi davantage
laisser la place à la recherche du compromis. D’autre part, les négociateurs syndicaux pourraient
être amenés à développer une démarche plus participative (intégrer les souhaits des salariés dans
la négociation) et explicative (justifier la signature ou l’échec de l’accord).
Ainsi, la loi du 4 mai 2004 représente pour les syndicats devant une alternative :
faute d’une présence active en entreprise, pour replacer la diversité des attentes des salariés au
cœur de leur stratégie, les syndicats pourraient voir à terme leur position fragilisée sur le terrain.
1
Essentiellement : l’inspection du travail doit autoriser le licenciement, jusqu’à 12 mois après la fin du mandat.
2
Certaines confédérations donnent depuis longtemps la priorité à l’implantation de terrain. Ainsi, la CFDT
revendique « l’efficacité d’une démarche offensive, articulant une politique de développement et des pratiques
participatives » (5ème résolution, congrès de 2002).
3
Art. 42 : sauf en matière de salaires minima, classifications, protection complémentaire et fonds recueillis au titre
de la formation professionnelle, l'accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger aux dispositions applicables en
vertu d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cet accord en dispose autrement.
4
En moyenne 20,5 % pour les secrétaires de CE, 23,8 % pour les élus au CE, 23,1 % pour les délégués du
personnel. La CFDT est la première confédération représentée parmi les élus (37,6 %). (DARES, Document
d’études n°64, 2002)
17
2. LE DIALOGUE SOCIAL DOIT REEQUILIBRER ET RENOUVELER
L’IMPLICATION AU TRAVAIL
2.1.1. Une forme d’implication peu négociée qui pose la question de l’équité
1
Etude réalisée pour l’ANACT par CSA, 2004.
2 Quel avenir pour le dialogue social ?, Étude de l’association Réalités du Dialogue Social, 2002.
3
DARES, Enquête Changements Organisationnels et Informatisation, 1997.
18
Aux Galeries LAFAYETTE, les objectifs individuels sont déclinés en cascade, du haut jusqu’en bas de la
chaîne hiérarchique : ainsi, le directeur de département se voit fixer un objectif de vente, qu’il répercute sur
chacun des responsables de rayon, ceux-ci à leur tour sur les responsables de vente. Un salarié peut se fixer des
objectifs plus ambitieux que ceux imposés et participer volontairement à des challenges ponctuels.
Les critères d’évaluation sont rarement débattus dans le cadre du dialogue social
d’entreprise et leur explicitation est peu répandue : c’est le cas dans 40 % des établissements
seulement selon les représentants du personnel. Là où ces pratiques ont cours, seule la moitié des
salariés en sont informés. Les syndicats seraient à peine mieux informés que les salariés (62%).
Or, un système d’évaluation fondé sur des critères objectifs engendre un sentiment
d’équité nécessaire à l’implication. Le niveau des objectifs à atteindre et les contraintes de temps
doivent être équitables et réalistes, respecter des règles écrites et être acceptés par les salariés
concernés. Un système de récompenses qui semble injuste ou peu objectif aura donc des effets
inverses de ceux recherchés.
1
Travail et relations sociales en entreprise : quoi de neuf ? Colloque DARES du 27 février 2003.
2
W. COOKE, « Employee participation program, group-based incentives and company performance », 1994.
3
C’est le principe « à travail égal, salaire égal » de la jurisprudence Ponsolle (Cass. Soc., 1997).
19
précédée d’une consultation du comité d’entreprise et qu’elle relève de la négociation annuelle
obligatoire, même lorsqu’elle est plus favorable aux salariés1.
Le dialogue social peut constituer un cadre dans lequel cette insatisfaction peut
s’exprimer et dans lequel le droit à la formation peut acquérir une effectivité. Il n’est pas sûr que
le « droit individuel à la formation » issu de la loi du 4 mai 2004 soit effectif s’il fait seulement
l’objet d’une discussion bilatérale entre le salarié et sa hiérarchie. En revanche, le comité
d’entreprise peut agréger les demandes individuelles et les présenter de façon cohérente à
l’employeur.
Le dialogue social pourrait également permettre que ces formations soient plus
équitablement réparties entre les salariés de l’entreprise. Les formations concernent
essentiellement les cadres et les plus qualifiés. Or, la formation et le maintien de l’employabilité
sont essentiels pour les salariés fragilisés, face aux risques de restructurations. Le plan annuel de
formation, ouvert au dialogue social, ne suffit pas à rééquilibrer l’accès à la formation.
1
Cass. Soc., 28 nov. 2000, UAP. Une société d’assurance avait créé un nouveau produit financier, qui aurait eu un
effet sur la rémunération des agents chargés de le commercialiser sans avoir saisi au préalable le CE ni les syndicats.
2
Loi du 4 mai 2004, art. 7.
3
Etude réalisée pour l’ANACT par le CSA, mai 2004
20
des intérêts comporte une dimension conflictuelle incompressible. L’association des institutions
représentatives du personnel à une stratégie d’implication des salariés apparaît donc nécessaire.
S’engager dans cette voie suppose, pour le syndicat, d’élargir ses objectifs de la
défense collective à la défense individuelle. L’individualisation des parcours et l’ampleur des
attentes qualitatives sont d’ailleurs de mieux en mieux comprises par les syndicats. Mais la
défense individuelle est encore trop souvent considérée comme une tâche moins noble que la
négociation, laissée de ce fait aux délégués du personnel dont c’est la raison d’être1. Des
syndicalistes plaident actuellement pour une attitude d’écoute envers les choix individuels des
salariés : « Le syndicat doit devenir une place de village dans l’entreprise »2. Parallèlement, les
DRH se déclarent massivement en faveur de syndicats qui soient « plus proches des salariés pour
mieux prendre en compte leurs préoccupations »3.
1
D. LABBE, Syndicats et syndiqués en France depuis 1945, 1996.
2
Denis COHEN, ancien secrétaire général de la fédération CGT Energie, Pour un syndicalisme durable, 2003
3
Quel avenir pour le dialogue social ?, Étude RDS déjà citée.
4
EIRO, La rémunération variable en Europe, Document de travail, 2001.
5
CA Grenoble, 13 nov. 2002, Hewlett Packard : la notation doit être fondée sur des critères préétablis et contrôlables.
6
D. STEINER, « Equité et justice au travail », in Encyclopédie des ressources humaines, 2003, p. 466
21
En Suède, la Confédération des diplômés de l’Université, qui rassemble architectes, enseignants, journalistes,
scientifiques, ne négocie plus d’augmentations générales. Avec l’aide du délégué syndical intervenant comme
expert, chaque syndiqué négocie son salaire conformément à des règles générales établies entre l’entreprise et
la Confédération. Le délégué syndical collecte ensuite les résultats et vérifie si les critères ont été respectés.
2.1.2.3. Certains accords existants peuvent faire l’objet de « bonnes pratiques » à diffuser
L’accord-cadre relatif à la gestion de l’emploi au Crédit du Nord fixe pour partie les critères que doivent
prendre en considération les Comités de rémunération. En particulier, ces derniers ont l’obligation de mieux
tenir compte de la qualification professionnelle tout au long de la carrière (diplômes initiaux ou en cours de
carrière, formations, expérience) dans l’évaluation. Sans cet accord, l’évaluation des salariés ne se ferait que
sur des compétences comportementales et des performances sans référence à leurs acquis personnels.
Bonne pratique : les critères sur lesquels s’appuie la grille d’entretien sont
au moins soumis à la consultation des représentants du personnel et des salariés pour
recueil des avis. Ils font, si possible, l’objet d’un accord collectif. Les représentants du
personnel ont accès à la distribution statistique des notations.
- Rémunération variable :
- La politique de rémunération du Groupe BOIRON est notamment régie par un « accord sur les modalités
d’évolution des rémunérations et du temps de travail et modalités de financement des innovations et progrès
sociaux ». Cet accord fixe clairement et ouvertement les règles du jeu en matière de partage des gains de
productivité. Un « seuil de survie » de l’entreprise est mesuré tous les trois ans. Chaque année, 50 % de
l’excédent par rapport à ce seuil est rétrocédé aux salariés, sous la forme d’augmentations de salaires et
d’innovation sociale (abondement de chèques-vacances, PEE, etc.).
- Les Chantiers de l’Atlantique ont négocié un nouvel accord d’intéressement en 2002, agrégeant des critères
centralisés (évolution de la marge nette, respect des délais, évolution du contrat de garantie) et décentralisés
(absentéisme et sécurité), soumis à une condition générale de maintien d’un résultat net positif après
intéressement. Alors que la CFDT avait signé seule l’accord face aux réticences de la CGT, elle l’a dénoncé à
l’issue du premier exercice, accusant la direction de l’entreprise d’une application déloyale : l’anticipation
d’un résultat net faiblement négatif après intéressement justifiait le refus de tout versement.
En matière de formation et de gestion des carrières, certaines entreprises – Chronopost par exemple –
définissent une doctrine, sous la forme de chartes de gestion des cadres ou de chartes de mobilité.
22
2.2. L’implication organisationnelle : les conditions de travail,
l’organisation et le temps de travail
1
DARES, Premières Informations Premières Synthèses, n° 24-1, 2000.
2
Cass. Soc. 28 fév. 2002, Deschler.
3
Loi du 31 déc. 1991. Un document unique doit être élaboré et actualisé chaque année (décret du 5 nov. 2001).
23
46% seulement des plans de prévention étaient adoptés après une simple consultation des
CHSCT, 46% avec participation à des groupes de travail1.
Chez Kraft Foods France, l’évaluation des risques a été conduite avec un comité de pilotage et des groupes
de travail dans chaque unité. Tous les salariés ont participé de manière active : chaque titulaire d’un poste de
travail a personnellement validé les travaux. La direction a distribué des primes de sécurité en fonction du
nombre de sujets traités par les groupes de travail. Le CHSCT a été associé à chaque étape de la démarche.
1
Enquête ARACT Languedoc-Roussillon, 2003.
2
Toutes les propositions du rapport sont détaillées en annexe 1, p. 56 ss.
3
M. CROZIER, L’entreprise à l’écoute. Apprendre le management post-industriel, 1994.
4
C’est le rôle du Fonds d’Amélioration des Conditions de Travail (FACT). Voir ch. 3, p. 52.
24
aussi une source de productivité. Les entreprises ont fait leurs les préoccupations d’ergonomie et
de qualité de l’environnement de travail.
L’étude montre également que la participation directe, vue en Europe comme une
menace par les syndicats dans les années 1980, est actuellement l’objet d’une démarche
pragmatique. La participation directe et la participation indirecte peuvent être rendues
complémentaires par les partenaires sociaux. En Irlande, Allemagne et Suède, les syndicats ont
entamé un dialogue sur les changements proposés par la hiérarchie. Cependant, quand il existe
une représentation duale (élus et délégués syndicaux), un risque de divisions entre représentants
du personnel se fait jour. Il apparaît enfin que la mobilisation des salariés par ces dispositifs n’est
que temporaire, si des garanties collectives ne sont pas parallèlement accordées, ce qui milite
pour une approche négociée.
1
Etude réalisée pour l’ANACT par le CSA, mai 2004
2
Employee direct Participation in Organisational Change. Voir K. SISSON, La participation directe dans le
changement organisationnel, document de travail de la Fondation, 1996.
25
En Allemagne, la participation directe est plus efficace lorsqu’elle est négociée. Les nouvelles formes
de management participatif ne sont pas ressenties comme source de vrais avantages pour les salariés1,
même si la majorité d’entre eux estime l’implication porteuse d’une gestion plus proche du travail
quotidien, qu’ils appellent de leurs vœux. Elles ne fragilisent pas les formes de participation
représentatives en entreprise (Betriebsrat), qui jouissent toujours d'une grande confiance chez les
salariés2. En effet, les avantages issus du système de cogestion allemand sont contraignants pour la
direction, alors que ses initiatives dans le sens de l’implication des salariés sont facultatives et révocables
à tout moment.
Les études démontrent même que la négociation collective et la participation directe sont
complémentaires : les initiatives du management dans le domaine de la participation directe n’a des effets
positifs sur la productivité du travail que dans les entreprises qui disposent d’un Betriebsrat. Une
corrélation similaire est également attestée aux Etats-Unis3.
En Allemagne, les salariés n’ont en effet confiance dans ces mesures que quand elles sont approuvées et
soutenues par le Betriebsrat, qui veille sur leurs propres intérêts et contribue à la transparence des
décisions. De plus, la légitimation démocratique du Betriebsrat, son expertise et le soutien des syndicats
dont il jouit presque toujours assure la confiance des salariés lors des négociations avec la direction.
2.2.2.3. Les accords RTT ont montré la pertinence d’une négociation multidimensionnelle
- les salariés eux-mêmes ont participé à des négociations qui avaient un impact direct sur
leurs choix de vie ;
- les accords étaient multidimensionnels : à côté de la baisse du temps de travail, ils
abordaient la question des salaires et de l’organisation ;
- ils n’étaient pas une conquête sociale : ils étaient de type « donnant-donnant ».
1 Hans Böckler Stiftung, Zur aktuellen Kritik der Mitbestimmung im Aufsichtsrat, 2004.
2
La participation électoralea toujours été relativement élevée : 72,1% en 1998.
3
T. ZWICK, « Works Councils and the Productivity Impact of direct Employee Participation », et W. COOKE, op. cit. 2003.
4
Enquête « RTT et modes de vie », 2002
26
Le comité d’entreprise est obligatoirement consulté dans ce domaine1 et peut
formuler des propositions, qui débouchent rarement sur une négociation en bonne et due forme,
en raison de la séparation des fonctions de négociation et de consultation. Les directions peuvent
parallèlement avoir recours à la participation directe, par exemple en organisant des groupes de
travail. Pour elles, l’intérêt est évident : il s’agit de stimuler l’implication des salariés en les
faisant entrer dans les problématiques de gestion de l’entreprise, depuis les questions de stratégie
et d’emploi, jusqu’à l’agencement du poste de travail, en passant par l’implication
organisationnelle. Le groupe de travail participatif constitue un lieu d’explication et de
pédagogie.
« Développer la participation directe des agents sur l’organisation et les conditions de travail ». « Il
apparaît ainsi que les réorganisations les mieux réussies au Musée du Louvre ces dernières années, les
améliorations des conditions de travail, l’ont été en complément de l’action syndicale grâce à une large
participation des agents concernés animée par leurs responsables hiérarchiques. Il est donc nécessaire
d’instaurer systématiquement un dialogue de ce type, au moyen de réunions de groupes de travail incluant
éventuellement des représentants du personnel et réunissant les agents concernés ».
Musée du Louvre, Projet Social, adopté en novembre 2003
En 1993, une Commission sur l'avenir des relations professionnelles (Commission on the Future of
Worker-Management Relations) dite Commission Dunlop préconisa l’abandon de l'approche conflictuelle
des relations professionnelles et la définition d’objectifs communs. Elle insista en outre sur l'importance
d'une plus grande implication des salariés dans la prise de décision. De fait, les pratiques de coopération
en matière de conduite du changement se sont multipliées aux Etats-Unis dans les années 1990. Ce
mouvement s’est inscrit dans un contexte général de restructuration de l’économie américaine et a sans
doute joué un rôle dans l’amélioration de la productivité du travail enregistrée depuis 1995. Le
Département du travail incite à ce changement dans les relations de travail (« Goals for the 21st century
workplace »).
Une étude2 de 1994 sur la participation et la représentation des travailleurs souligne que 63 % des
travailleurs interrogés souhaitent davantage d’influence et de pouvoir de décision au sein de leur
entreprise. Une majorité souhaite la mise en place de comités mixtes avec l’employeur, dans lesquels
leurs représentants seraient élus. D’autres études3 montrent que les accords collectifs reflètent de plus en
plus les efforts de partenariat entre employeurs et salariés. Ainsi, dans les établissements syndicalisés,
plus de 46 % des salariés sont couverts par un accord comportant des clauses dites « partenariales ».
L’étude révèle que 15 % des accords portent sur les pratiques de haute performance (high performance
work practices), couvrant 19 % des travailleurs. Il n’est donc pas rare que ces pratiques recouvrant le
1
Art. L. 432-3 C. Trav.
2
Worker Representation and Participation Survey, menée par R. FREEMAN et J. ROGERS (Princeton Survey
Research Associates) auprès de 2400 salariés d’entreprises privées de plus de 25 salariés.
3
G. GRAY, D. MYERS, P. MYERS, « Cooperative provisions in labor agreements : a new paradigm? » 1999.
27
reengeneering, les processus qualité, de travail en équipe et la participation directe des salariés fassent
l’objet d’une négociation collective.
S’il est admis que les décisions individuelles concernant le salarié doivent être
négociées avec lui, il est laissé totalement à l’écart des décisions stratégiques, comme il en va
parfois de même de ses représentants. Or, un salarié est d’autant plus réactif, capable d’anticiper
les changements et de s’y adapter, qu’il est en mesure de comprendre les enjeux économiques
auxquels son entreprise doit faire face. Près d’un salarié sur quatre cite l’ « identification aux
objectifs de l’entreprise » comme facteur de motivation au travail1. Le « dialogue économique et
social » doit lui permettre de s’approprier la décision stratégique.
« La main d’œuvre dont les entreprises européennes ont besoin, une main
d’œuvre qualifiée, mobile, engagée et responsable, […] ne peut pas être le simple destinataire
d’instructions dictées par l’employeur. Elle exige une implication étroite et permanente au
processus décisionnel à tous les niveaux de l’entreprise2 ».
Les effets de ces mécanismes, y compris sur la productivité, sont plus élevés
lorsque les salariés participent à leur élaboration5. L’implication dépend de façon cruciale de la
cohérence des différents dispositifs mis en place. A la lumière de cette analyse, le régime
dérogatoire de négociation, confié aux représentants élus en matière de participation et
d’intéressement, a certainement été une condition de leur succès. Réciproquement, il a contribué
à la diffusion progressive des comités d’entreprise dans les années 19706. L’épargne salariale et
plus particulièrement la mise en place du plan d’épargne d’entreprise (PEE), contrairement à
celle du plan d’épargne interentreprises, n’est pas subordonnée à la conclusion d‘un accord
1
DARES, Premières Informations Premières Synthèses, n°22.1, 2002.
2
Rapport final du groupe d'experts « European Systems of Worker Involvement » présidé par E. DAVIGNON.
3
voir M. LOICHOT, La réforme pancapitaliste, 1966.
4
Loi n° 2001-152 relative à l’épargne salariale, dite « loi Fabius ».
5
N. COMMEIRAS, « Les régimes de partage de gains et du profit et la performance : identification et conditions de
réussite », in Encyclopédie des ressources humaines, 2003
6
J-P. LE CROM, 2003
28
d’entreprise, même si l’art. 62 de la loi du 4 mai 20041 conditionne leur mise en place à
l’ouverture d’une négociation. Afin que la mise en place de l’épargne salariale soit réellement
impliquante, les principes développés par Jean Chérioux2 restent valables : la participation doit
être négociée.
S’il en est un élément régulateur, dans la mesure où il instaure une culture plus
coopérative, l’actionnariat peut rendre le dialogue social plus complexe. Les salariés actionnaires
sont le plus souvent représentés par des associations indépendantes. Un canal parallèle de
dialogue social peut donc se créer dans l’entreprise, sans articulation avec les institutions
représentatives du personnel.
Chez Stéria, un dialogue social sous le signe de l’actionnariat salarié. Celui-ci existe depuis la création de
l’entreprise, en 1969. Les salariés détiennent environ 30 % du capital, mais l’ambiance est moins « familiale »
depuis l’entrée en bourse. Les managers se préoccupent davantage de la rentabilité et par conséquent un peu
moins de ce qu’ont à dire leurs collaborateurs. Il se peut que cette pression boursière favorise la démotivation.
En outre, l’actionnariat salarié a poussé au développement de structures de participation à la prise de décision,
en particulier le Conseil d’orientation composé de représentants de salariés actionnaires, qui risque de jouer un
rôle de doublon avec les institutions représentatives du personnel.
1
nouvel article L 443-1 C. trav.
2
Rapport d’information du Sénat n°500, « L’actionnariat salarié : vers un véritable partenariat dans l’entreprise »
présenté par Jean Chérioux, 1999.
3
Estimation de la Fédération Française des Actionnaires Salariés.
4
HEWITT ASSOCIATES France, « 2e enquête auprès des salariés », 2002
5
A. REBERIOUX, « Les marchés financiers et la participation des salariés aux décisions », Travail et emploi, n°93,
janvier 2003, pp. 23-41.
29
par la financiarisation. Pour cela, la présence des salariés notamment au conseil de surveillance
doit être conçue comme un prolongement du dialogue social d’entreprise.
Un tiers des membres du conseil de surveillance d’Aventis est formé de salariés. En mai 2001, les
actionnaires d’Aventis, société issue de la fusion de Rhône-Poulenc et Hoechst ont élu deux représentants
syndicaux français et deux représentants syndicaux allemands, choisis parmi les organisations majoritaires, au
conseil de surveillance du groupe. Deux autres représentants, dont un membre du comité d’entreprise
d’Aventis Strasbourg, participent au conseil de surveillance avec voix consultative.
Une évolution défavorable de l’emploi dans l’entreprise peut avoir des effets très
négatifs sur l’implication au travail des salariés. Elle conduit à un repli individualiste qui
pénalise l’implication organisationnelle. La peur de perdre son emploi est à coup sûr une cause
d’ « implication contrainte », cause du malheur au travail et menant au refus du changement.
Cela devrait inciter les entreprises à informer les salariés sur leurs projets ou même à négocier
les éventuelles réductions d’effectifs. Une information, voire une négociation sur les critères
licenciement engendre un sentiment d’équité qui atténue le traumatisme pour le salarié
« rescapé »4 et lui permet de se réengager dans la vie de son entreprise.
1
article L 432-6 C. trav.
2
:« Les syndicats se retrouvent finalement dans la situation inconfortable où d’autres représentants peuvent acquérir
une certaine légitimité grâce à leur influence sur la gestion de l’entreprise, laquelle peut amener les salariés à douter
de la pertinence de la représentation syndicale. » J-P BALLIGAND et J-B de FOUCAULT, Rapport au Premier
Ministre sur l’épargne salariale, 1999.
3
Art. L 225-23 Code de commerce
4
D. STEINER, « Equité et justice au travail », in Encyclopédie des ressources humaines, 2003
5
article L 432-5 C. trav.
30
Dans la pratique cependant, le salarié ne s’implique pas et n’est éventuellement capable de faire
certains sacrifices que si le dialogue social a été construit auparavant. La négociation d’un accord
procédural permet d’assurer cette mobilisation des énergies, nécessaire en période de crise.
1
composée de cinq coordinateurs syndicaux et des secrétaires des deux instances de représentation - comité de
groupe France et comité d’entreprise européen.
2
art. L432-1-1 C. trav.
3
article 2 de la directive
31
La directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 ne parle pas d’ « implication » mais seulement d’information et de
consultation des travailleurs. Elle vise à établir un cadre minimal d’information-consultation, tout en laissant
aux Etats et aux partenaires sociaux nationaux le choix de la méthode. Elle a été à l’origine de la création ou de
l’enrichissement de la représentation des travailleurs dans les nouveaux Etats membres et d’un débat sur la
mise en place de conseils élus en Grande-Bretagne. Cependant, les objectifs sont si ambitieux que l’on peut
parler à leur propos de dialogue stratégique1.
Proposition n°8: les membres du comité de groupe sont élus au second degré
par l’ensemble des représentants des salariés dans les CE du groupe, selon la même
procédure que le comité européen.
1
« Il importe de renforcer le dialogue social et les relations de confiance au sein de l'entreprise afin de sensibiliser les
travailleurs aux besoins d'adaptation, de promouvoir l'association des travailleurs à la marche et à l'avenir de l'entreprise et
de renforcer la compétitivité de celle-ci. (…), de promouvoir et de renforcer l'information et la consultation sur la situation
et l'évolution probable de l'emploi au sein de l'entreprise » (Considérants 7 et 8 de la directive).
2
chiffres Centre d’information sur l’Europe, juin 2004.
3
Voir J-P LE CROM, 2003
4
Articles L 439-19 et 20 C. trav.
5
Article L 439-3 C. trav.
32
2.4. L’implication - engagement dans une culture d’entreprise
L’implication des salariés comporte, au-delà de la dimension contribution-
rétribution, de l’implication organisationnelle et de la participation à la décision stratégique, une
dimension affective et d’identification à l’entreprise. Le travail est aussi facteur d’identité et de
cohésion sociale, dimensions que les entreprises cherchent à développer.
L'exemple de l'établissement BOIRON de Strasbourg est révélateur d'un tel état d'esprit. Le mot d'ordre
général est de rester jusqu’à ce que le travail soit fini. En outre, tous les soirs de 18 à 19h, l'ensemble des
salariés de l’établissement restent préparer les cartons de livraison du lendemain. Chacun est ainsi conscient du
travail des autres et participe à la réalisation du "produit fini", par le biais d'un temps de cohésion ritualisé.
Plus l’adhésion à la culture d’entreprise est forte, plus grande est l’implication. Il
s'agit toutefois d'une donnée qui se construit progressivement, sur laquelle la direction n'a pas
toujours de prise et qui ne peut être modifiée volontairement. La culture d'entreprise est souvent
appuyée sur un sentiment de fierté, lié à une position concurrentielle favorable, un métier
valorisant, des produits phares ou des réalisations emblématiques. Des entreprises proches par
leur métier peuvent ainsi connaître des situations contrastées.
1
Dans la limite de 5% de leur dotation œuvres sociales et culturelles.
33
Au sein du groupe SERVAIR, le centre BRUNEAU PÉGORIER est spécialisé dans le catering aérien haut
de gamme. Cette ancienne entreprise familiale rachetée par le groupe SERVAIR en 1999 apparaît comme
l’unité de production où l’attachement à l’entreprise est la plus forte; la restructuration décidée par la direction
du groupe s’est effectuée dans un climat social coopératif, en dépit des réductions d’effectifs. La « fierté du
produit » haut de gamme a des effets d’implication indéniables. Dans le centre SERVAIR 2 (production de
plateaux-repas traditionnels, main d’œuvre jeune et peu qualifiée), la « logique métier » est peu présente et le
produit peu prestigieux. Les relations sociales sont particulièrement tendues et le management difficile.
L'implication au Japon. Le même mot, «ie», le foyer, signifie à la fois famille et entreprise. La fidélité
absolue à l'entreprise et à ses valeurs est la pierre angulaire du modèle social japonais. Les cartes de visite
comportent rarement un titre ou une fonction: on appartient seulement à une entreprise. La sécurité de l'emploi,
rétribution d'un engagement absolu, est la base d'une relation de confiance, y compris pour l'employeur, au
détriment de la rentabilité. L'excès d'implication au travail pose toutefois des problèmes particulièrement aigus,
à tel point que les Japonais ont inventé le mot karoshi qui signifie « mort par surmenage ».
Un projet d’entreprise n’a de sens que s’il est participatif, car il est l’occasion
d’une mise en cohérence des différentes dimensions de l’implication. Les salariés se sentent
alors véritablement associé au destin de l'entreprise, à condition que le projet soit négocié avec
leurs représentants. Cette négociation peut aussi être un moyen de développer un dialogue social
plus coopératif dans l’entreprise. Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en mars
2003 entre le Louvre et ses tutelles nécessite une véritable implication des agents, en raison d'un
grand nombre d’indicateurs de résultats ambitieux. La DRH a alors négocié un projet social à
l’automne 2003, pendant humain du COM, pour garantir le succès de ce dernier.
En 2003, le Louvre a signé un accord collectif dont l’objectif direct est d’impliquer les agents dans la
réalisation de la mission de service public culturel assignée au musée. Le projet social a pour objectif de :
« - Consacrer le rôle central des personnels dans le projet d’établissement.
- Fédérer l’ensemble des personnels autour d’objectifs communs.
- Consolider le lien social au sein des équipes et entre les catégories d’acteurs par la conscience mutuelle
de l’utilité de chacun et la reconnaissance de son travail. […]
- Faciliter le sentiment d’appartenance à une collectivité de travail.[…] »
34
3. LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE SOCIAL PASSE PAR UNE
MEILLEURE IMPLICATION DES SALARIÉS
L'implication des salariés dans le dialogue social passe par plusieurs canaux. Elle
peut s'appuyer sur des mécanismes faisant appel directement à l'expression et au vote des salariés
sur des sujets les concernant. Ceux-ci doivent alors être mieux articulés avec la représentation
des salariés, afin de jouer un rôle réellement complémentaire.
L'Etat dans son rôle de pilotage doit solliciter plusieurs dimensions de l'action
publique pour accompagner ce mouvement : élaboration d’un diagnostic à jour sur la
participation des salariés au dialogue social et d’un cadre juridique suffisamment souple pour
s'adapter à des situations contrastées. Il doit assurer la promotion de l'implication des salariés,
par un effort soutenu en terme de communication publique et de diffusion de bonnes pratiques.
Dans l’ensemble législatif formé par les lois Auroux, la loi n° 82-689 du 4 août
1982 reconnaît à l’ensemble des salariés un « droit à l’expression directe et collective sur le
contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail »2. Ce droit s'exerce de façon
directe, contrairement aux modes traditionnels d'expression ou de revendication qui empruntent
la voie hiérarchique, syndicale ou encore celle des représentants élus. Bien qu’individuel, il
1
Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 8.
2
Art. L. 461-1 du Code du Travail. La loi n° 86-1 du 3 janvier 1986 a pérennisé un système à l'origine expérimental.
35
s’exprime de façon collective, au niveau d'une unité élémentaire de travail où se nouent les
relations professionnelles quotidiennes. C’est par le biais des « groupes d’expression » qu’il sera
mis en œuvre1. La frontière est ainsi affirmée avec les IRP qui représentent l’ensemble des
salariés d’un établissement.
Il porte ensuite sur un nombre limité de sujets. Il exclut les questions relatives au
contrat de travail, aux classifications, aux salaires et contreparties directes ou indirectes du
travail, à la détermination des objectifs généraux de l'entreprise. Enfin, si la loi le rend
obligatoire, l'essentiel de sa mise en œuvre est renvoyé à un accord d'entreprise.
Le caractère trop formel des accords d'expression, qui ne visaient qu'à remplir une
obligation légale, a souvent découlé de cette méfiance partagée. Quand des groupes ont été mis
en place, ils ont souvent été ressentis par les salariés non comme la mise en œuvre d’un droit
mais comme « l’injonction de s’exprimer » dans le cadre « d’un dispositif prescrit »5.
L'animation des groupes, essentiellement assurée par les cadres de l'entreprise, a rendu illusoire
l'expression d'une parole spontanée. La préparation des réunions, leur fréquence et le suivi par
les syndicats ou même la direction des questions évoquées ont été largement insuffisants.
1
La loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public, a créé quant à elle les conseils
d'ateliers et de bureaux (art. L. 462-2 du Code du Travail).
2
Chiffres provisoires, Bilan 2003 de la négociation collective.
3
La CFDT fut la seule à se déclarer réellement favorable. La CGT-FO a dénoncé « l'intégration des salariés » au
camp des dirigeants. La CGT et la CFTC ont mis en avant leur souci de maintenir le rôle du syndicat.
4
Selon l’article L431-4, les CE ont également en charge « l’expression collective des salariés », y compris dans les
matières où le droit d’expression est prévu, comme l’organisation du travail ou les techniques de production.
5
Jacques LE GOFF, « Les lois Auroux, 20 ans après », Droit social, N°7/8, juillet-août 2003.
36
3.1.1.2. L’évolution vers un droit instrumentalisé et individuel, éloigné du dialogue social
1
L’art. L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale indique qu’un accord de protection sociale complémentaire peut être
mis en place ou modifié par le vote des salariés. L’art. L. 442-10 du Code du Travail valide les accords
d’intéressement, de participation et de plan d’épargne d’entreprise acceptés à la majorité des 2/3 des salariés.
37
Le niveau de consultation est en général l'entreprise, mais il peut arriver que certains
référendums se tiennent au niveau de la branche, tel celui pratiqué en janvier 2000 par la CGT
auprès des salariés du secteur de la banque. Les pratiques étrangères sont diversifiées.
Pays-Bas : le référendum syndical pratiqué au niveau national. A la fin de l’année 2003, le principal
syndical néerlandais (FNV), a lancé une consultation nationale auprès de ses adhérents (plus de 1,2 million de
salariés). Il s’agissait de recueillir par courrier leur avis sur un projet d’accord national prévoyant pour deux
ans un gel des salaires en échange du report ou de la suppression de mesures d’austérité budgétaire. En raison
d’une conjoncture économique dégradée, le gouvernement avait auparavant demandé aux partenaires sociaux
de veiller à la modération salariale. En dépit de la satisfaction du FNV devant les résultats (approbation du
projet à 51,6 %), le taux de participation a été très faible (17,6 %), en raison du niveau national du référendum.
Le référendum Michelin sur les 35 heures. En 2001, un accord proposé par la direction a été rejeté par les
syndicats, exception faite de la CFDT. Elle a alors pris l'initiative de demander l'organisation d'un référendum,
qui a mobilisé 95% des salariés, lesquels ont approuvé le projet à 59,6%. Mais c'est sous l'impulsion de la
centrale (fédération énergie-chimie) que le référendum a été mis en place, alors que la section locale y était
opposée. Cette divergence à conduit à son éclatement et à l'émergence d'une section SUD dans l'entreprise.
La CGT de son côté a pris l'habitude de consulter les salariés afin de déterminer sa
position lors des négociations. La consultation n'est plus seulement un mode de validation des
accords, mais une façon pour le syndicat de lier sa propre signature à l'approbation des salariés.
Le référendum CGT à EDF. Le 9 janvier 2003, les salariés de la branche électrique et gazière repoussaient
par 53% le référendum organisé par la CGT sur la réforme de leur régime particulier de retraites. Ce
référendum n'était pas de nature décisionnelle, puisque le "relevé de conclusions" avait déjà été signé par la
direction et trois organisations représentatives, qui avaient reçu l'aval de leurs adhérents. La CGT a décidé de
soumettre sa propre signature à l'approbation de l'ensemble des salariés. Appelant à voter pour le "oui", le
syndicat a été désavoué par les salariés et n'a donc pas ratifié l'accord, auquel il était pourtant favorable.
A première vue, le référendum d’entreprise est plus impliquant que les autres
formes d’expression. Les salariés consultés se prononcent généralement de façon massive lors
des référendums: les taux de participation sont souvent supérieurs à 90 % quand il se tient dans
l'entreprise. Le recours au référendum est souvent lié à des enjeux importants et susceptibles de
peser sur l’avenir de l’entreprise. Le caractère ponctuel de la consultation et l’unicité de la
38
question posée en renforcent la lisibilité pour les salariés. Enfin, il leur confère un réel pouvoir
décisionnel, même lorsqu'il ne relève pas des dispositions prévues par la loi.
Le référendum d’entreprise à l’initiative des dirigeants peut être de son côté une
façon d’affaiblir les syndicats en mettant en avant la relativité de leur représentativité, voire de
faire « passer en force » certaines mesures défavorables aux salariés.
Un "référendum" dévoyé: l'exemple de Bosch à Vénissieux. Les 820 salariés du site ont été amenés à se
prononcer en juin 2004 sur la modification de leur contrat de travail (suppression de 6 jours de RTT). La
méthode de consultation directe des salariés, approuvée par un protocole d'accord signé par la CGT et la
CFDT, est en fait une validation individuelle et a posteriori d'un accord décidé entre la direction et les
syndicats. Les salariés étaient amenés à signer directement l'avenant à leur contrat de travail, l'absence de
réponse étant considérée comme une acceptation tacite. L'accord prévoyait par ailleurs que le refus de signer
entraînerait le licenciement (2% des salariés ont été concernés).
Le référendum peut être perçu tout autant comme une forme de démocratie interne
qu'une forme de déresponsabilisation des partenaires sociaux, notamment quand il est utilisé lors
d'une négociation qui achoppe. Il en traduit alors l'échec et peut engendrer une crispation durable
du dialogue entre les parties, s'il sert à « jouer les salariés » contre la direction ou contre les
syndicats. Il peut enfin constituer une forme d'entrave si un employeur le substitue à la
consultation obligatoire des représentants du personnel; ainsi, même s'il procède par courrier,
l'employeur qui appelle ses salariés à un « vote » quelconque ne peut prétendre effectuer un
simple sondage et contourner ainsi cette obligation1.
Si les organisations syndicales montrent toujours une certaine méfiance vis à vis
des modes de participation et d'expression directe des salariés, leurs positions évoluent.
Parallèlement, les employeurs ont compris l'intérêt d'encourager l'expression des salariés et d'en
recueillir les idées. Le dialogue social pourrait être enrichi si la participation des salariés, par
l'expression ou le vote, était mieux encadrée par leurs représentants : elle permettrait alors
d’aiguiller leur action, sans concurrencer leurs attributions (Voir Annexe 1, p. 57 pour plus de
précisions).
3.1.3.1. Assurer une expression plus souple, plus large et plus libre des salariés
1
Cass. Crim., 11 janvier 2001, Fleury.
39
La dérive des groupes d'expression vers des groupes axés sur le management est
liée à deux raisons essentielles: l'animation par la hiérarchie directe et la limitation à des sujets
qui se prêtent plus à la recherche de performance qu'à l'expression revendicative.
Une des raisons de l'échec des groupes d'expression a été l'absence de suivi et de
remontée d'information au niveau syndical et patronal. Or la parole des salariés n'a de sens que si
elle contribue à alimenter les débats ou à stimuler la négociation d'entreprise.
L'exemple de la réforme de 2001 en Allemagne1: de nouveaux droits des salariés, des pistes de réformes
- Un droit de participation directe par le biais de groupes de travail. La réforme prévoit, dans les
entreprises de plus de 100 salariés, la création de groupes de travail des salariés non élus pour traiter de
certaines matières comme la protection de l'emploi. Ces salariés sont intégrés dans le travail du Betriebsrat,
lorsqu'ils disposent d'une expertise ou de connaissances utiles. Selon l'article 28-a BetrVG, ces groupes de
travail ont aussi le droit de conclure des accords collectifs avec la direction. Cette nouvelle disposition permet
une véritable implication des salariés dans le dialogue social qui se distingue du management participatif.
- Un droit de saisine des représentants. D'après l'article 86-a BetrVG, lorsqu'au moins 5% des salariés
décident de saisir le Betriebsrat, ce dernier est tenu d'inscrire le problème concerné à son ordre du jour. Ce
droit de saisine collectif complète le droit de recours individuel de chaque salarié envers les décisions de la
hiérarchie. Notons que ce droit individuel peut être endossé par le Betriebsrat.
- Enfin, le Betriebsrat organise chaque trimestre une assemblée générale des salariés de l'établissement
au cours de laquelle il rend compte de son activité et leur permet de débattre ou de formuler des demandes.
Le canal des groupes de travail techniques peut rendre l’expression des salariés
plus constructive et valorisante. Des sujets précis et concrets, définis à l’avance, avec ordre du
jour et obligation de résultat (remise d’un état des lieux, d’un rapport, de suggestions…),
pourraient être plus mobilisateurs que la simple possibilité de s’exprimer sur des thèmes
généraux. Le travail mené doit ensuite servir de base à la discussion: il ne s’agit pas de
concurrencer les institutions représentatives du personnel ou de court-circuiter le travail syndical,
mais de préparer la décision qui sera prise par la voie conventionnelle classique. Ces groupes de
travail existent déjà de façon ponctuelle, dans le cadre de démarches d'évaluation des risques
professionnels (Voir p. 24). Ils pourraient être utilement développés dans d'autres domaines.
1
Réforme de la Betriebverfassungsgesetz (BetrVG), loi relative au Betriebsrat (conseil d'entreprise).
40
3.1.3.3. Permettre une expression continue, permanente
Sur le modèle allemand, un droit de saisine des salariés pourrait être instauré afin
que des questions qu'ils jugent prioritaires puissent être ouvertes à la discussion.
Proposition n°15 : 10% des salariés peuvent décider par pétition d'inscrire
une question à l'ordre du jour d'une rencontre entre la direction et leurs représentants.
Pour Sylvain Breuzard, président du CJD, le référendum est un outil de dialogue social s'il ne vient pas
perturber le fonctionnement normal de la négociation. Par ailleurs, il préconise que l'ensemble des parties
prenantes d'une négociation valident le libellé de la question posée, même si chacun est ensuite libre
d'exprimer ses positions. Lui-même a organisé dans son entreprise (Norsys) deux référendums en 1998 sur
l'intéressement et les 35 heures. Ils ont été accompagnés de séances de formation pour le premier, de la
constitution de groupes de travail pour le second.
Un référendum peut prendre tout son sens s’il sert à recueillir l’opinion des
salariés de façon objective. Cela découle sans doute d'une relation de confiance entre partenaires
sociaux, qui peut prendre la forme d'un accord de méthode au sein de l'entreprise. Celui-ci aurait
pour but de prévoir notamment les conditions de recours au référendum, que celui-ci soit
pratiqué dans le cadre légal, sur un thème de négociation, à l'initiative de l'une ou l'autre partie:
1
art. L 412-8 du Code du travail.
41
3.2. Créer l’environnement d’une représentation vivante
3.2.1.1. Le dialogue social territorial, pour prendre en compte la spécificité des TPE – PME
Le dialogue social au sein des TPE – PME s’envisage principalement sur un mode
informel. Faute d’instance de régulation interne, les conflits sont souvent portés devant les
juridictions prud’homales. Certains secteurs d’activité à la forte proportion de TPE – PME
(hôtellerie, restauration) ont une image sociale dégradée. Une mutualisation des instances du
dialogue social sur une base territoriale permet d’intégrer dans le dialogue social des salariés qui
en étaient jusque là exclus, sans abaisser les seuils de représentation, tout en abordant les
problématiques transversales de site (hygiène et sécurité, conditions de travail, formation).
Deux instruments juridiques ont été créés pour résoudre cette question. Les
commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles locales2 ont vu leur rôle revalorisé
par la loi du 4 mai 2004 : désormais, elles concluent des accords d'intérêt local, examinent les
réclamations et toute question relative aux conditions d'emploi et de travail des salariés intéressés.
Le site des Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire) a vu en 2001 la création d’une instance de dialogue
social de site, support d’une Commission paritaire d’hygiène et de sécurité, par accord entre les unions locales
des cinq syndicats représentatifs, l’entreprise Chantiers de l’Atlantique et l’Union des industries de Loire
Atlantique représentant les TPE – PME du site. En 2002, une Charte de progrès social a complété le dispositif.
L’entreprise pivot du site permet ainsi aux salariés des unités sous-traitantes d’accéder à des instances de
dialogue social sur un thème défini.
Quant aux délégués du personnel de site3, ils n’ont pas connu de franc succès.
Pourtant, il pourrait être intéressant d’approfondir le dialogue social de site, sur des territoires
présentant des activités ou des problématiques homogènes: présence d’entreprises sous-traitantes
auprès d’un opérateur dominant, bassin d’emploi saisonnier, forte proportion de TPE - PME.
Pour l’instant, il s’agit de prendre la mesure des évolutions de la loi du 4 mai 2004. Dans un
second temps, si la valeur ajoutée de ces commissions locales est avérée, il pourrait être proposé
d’approfondir en la rénovant la piste des délégués de site : par exemple, en permettant de mettre
en place par accord des comités d’entreprise de site ou des CHSCT de site (à l’instar de ce que la
loi du 30 juillet 2003 prévoit pour certaines entreprises à risque technologique4).
1
Voir Chapitre 1, pp. 14 et 15
2
Art. L. 132-32 du Code du Travail.
3
Art. L. 421-1 du Code du Travail : dans les établissements comptant moins de onze salariés et dont l'activité
s'exerce sur un site où sont employés au moins cinquante salariés, le directeur départemental du travail peut imposer
l'élection de DP si la nature et l'importance des problèmes communs aux entreprises du site le justifient.
4
Loi n° 2003-699 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
42
3.2.1.2. Les salariés « hors de l’entreprise » et les précaires participent peu au dialogue social
Tous ces salariés ont des difficultés à voir leurs intérêts pris en compte par la
négociation collective. Or, leur emploi présente souvent des particularités qu’il est utile de traiter
de façon collective. Par exemple, la spécificité salariale des VRP est insuffisamment intégrée à la
négociation annuelle sur les salaires effectifs.
Proposition n°17 : Dans les entreprises dont une certaine part de salariés ont
un emploi atypique, un accord collectif doit prévoir les modalités de la prise en compte de
leurs intérêts spécifiques (Voir Annexe1, p. 59 ).
3.2.1.3. L’individualisation des temps de travail rend difficile la représentation des salariés
Ces évolutions rendent plus difficile le contact entre les salariés et leurs
représentants. En particulier, l’activité syndicale dans l’entreprise est profondément touchée,
parce que les dispositions juridiques qui la protègent ne sont plus adaptées à la réalité de
l’organisation productive : « Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement
diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie
du travail »3. Aujourd’hui, toute distribution de tracts touche un faible pourcentage de l’effectif
cible, en raison de la multiplicité des heures effectives d’entrée et de sortie du travail. Il est
d’ailleurs patent que les catégories socioprofessionnelles qui sont encore le plus assujetties à des
horaires d’atelier soient également celles qui sont le moins touchées par la désyndicalisation.
1
La CES, l'UNICE/UEAPME et le CEEP.
2 Soit 550 000 équivalents temps plein pour les intérimaires et 900 000 salariés en CDD, en 2003.
3
Art. L. 412-8 du Code du Travail.
43
Les salariés des entreprises de travail temporaire bénéficient d’un régime
spécifique, qui leur permet d’être informés de l’activité syndicale de leur entreprise, même
lorsqu’ils sont en mission. Les communications syndicales portées sur le panneau d'affichage
sont remises ou envoyées aux intérimaires en mission au moins une fois par mois, aux frais de
l'entreprise de travail temporaire1. Ce modèle pourrait être transposé à l’ensemble des entreprises
pratiquant des temps de travail atypiques et pourrait être étendu aux autres institutions
représentatives du personnel. Cela permettrait de recréer un collectif de travail virtuel, qui
pallierait les effets de l’individualisation des temps de travail.
De façon récurrente, des propositions se font jour pour prolonger cette réforme en
y incluant les délégués syndicaux. Le Centre des Jeunes Dirigeants propose depuis longtemps la
mise en place d’un conseil d’entreprise, qui fusionnerait le comité d’entreprise, les délégués du
personnel et les délégations syndicales. Cette proposition a été reprise par la proposition n° 24 du
rapport de VIRVILLE3, pour les entreprises de moins de 250 salariés. Le CHSCT est laissé en
dehors du projet de fusion, en raison de la spécificité de ses missions.
1
Art. L. 412-8 du Code du Travail.
2
Loi quinquennale n ° 93-1313 du 20 déc. 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
3
M. de VIRVILLE, Pour un Code du travail plus efficace, 2004.
44
indépendamment de leurs suffrages. Il garantit le droit de chacun à bénéficier d’une présence
syndicale dans son entreprise, même si la majorité des salariés est hostile à cette présence. Cette
exigence est toutefois à appréhender au regard du déclin de l’implication des salariés dans le
syndicalisme. Symbole fort, la faculté de désigner librement un délégué syndical perd de son
influence dès lors que les unions locales n’ont pas les effectifs suffisants pour la mettre en
pratique dans les PME.
3.2.2.2. Rapprocher les délégués du personnel des délégués syndicaux dans les PME
Les propositions relatives à la création d’un conseil d’entreprise dans les PME
sont trop ambitieuses car elles visent à fusionner trois institutions. Il semble préférable
d’envisager dans un premier temps le rapprochement entre deux institutions dont les rôles sont
proches et parfois distingués avec difficulté : les délégués du personnel (réclamations) et les
délégués syndicaux (négociation et revendications d’amélioration des accords).
Si leurs rôles sont complémentaires, les modèles de relations sociales portés par
chacune de ces deux catégories de représentants des salariés sont assez distincts : plutôt
conflictuel pour ceux qui ont le monopole de la négociation collective (les délégués syndicaux),
plus consensuel pour ceux qui ont pour mission principale de porter les réclamations (les
délégués du personnel)1. Les élus n’ont par ailleurs pas une opinion très favorable des délégués
syndicaux : à peine six sur dix estiment que les syndicats jouent un rôle irremplaçable dans les
IRP, contre plus de neuf sur dix pour les délégués syndicaux eux-mêmes2.
1
Par exemple, en matière d’individualisation des salaires, 41% des DS sont opposés à la thèse selon laquelle une
telle individualisation motive les salariés, contre seulement 16% des DP. (FURJOT, 2003)
2
DARES, Document d’études, n°64, décembre 2002.
45
En Italie, où les syndicats sont puissants la Représentation Sociale Unitaire (RSU) n’est pas très éloignée de
notre proposition : structure unique composée de représentants élus par l’ensemble du personnel (2/3 des
sièges) et de délégués syndicaux (1/3 des sièges), affiliés aux organisations signataires de la convention
collective en vigueur dans l’entreprise, elle a des compétences larges en matière de négociation.
A l’heure actuelle, les entreprises réalisent des élections professionnelles tous les
deux ans, dès lors qu’elles ont dépassé depuis un an le seuil de déclenchement1. Les dates
d’élection sont donc laissées à la discrétion de l’employeur. Réaliser les élections des institutions
élues le même jour donnerait une plus grande visibilité et un plus grand poids à ces élections.
Cela permettrait par ailleurs de faciliter le contrôle des services du Ministère du Travail à l’égard
des entreprises qui ne tiennent pas ces élections (Voir p. 49 et Annexe 1 p. 61 ).
L’enjeu est triple : proposer au sein de l’entreprise un poste adapté aux nouvelles
compétences du salarié, lui permettre d’entamer un nouveau parcours professionnel et favoriser
ainsi le renouvellement des représentants du personnel. Pour les « quasi-permanents » syndicaux
ou les permanents mis à disposition par les entreprises dans les syndicats, il est important
d’éviter que la sortie de mandat ne soit écartée par crainte d’un retour insatisfaisant au travail.
1
Art L. 421-1 et L. 431-1 du Code du Travail.
2
Art L. 935-1 du Code du Travail.
46
est souhaitable de rendre lisibles au sein du Code du Travail les droits professionnels du
représentant du personnel en fin de mandat.
3.3.1.1. L’implication des salariés dans le dialogue social est imparfaitement mesurée
1
La Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (192 agents) est chargée d'assurer, en
liaison avec l'INSEE, la production des statistiques utiles au Gouvernement et aux acteurs sociaux.
2
REPONSE a été réalisée en 1992 et 1998. Elle sera actualisée en 2005.
47
En conséquence, les confédérations syndicales ont développé leurs propres
compétences statistiques, pour obtenir les informations par elles-mêmes. Certaines ont un laboratoire
de recherche, avec plateau technique pour traiter des bases statistiques. Parallèlement, le recours à
des enquêtes et sondages sur l’état du climat social, des relations de travail et des attentes des salariés
s’intensifie, révélant un besoin croissant de veille sociale chez les employeurs, les syndicats ou les
consultants.
3.3.1.2. Un diagnostic, pour comprendre les attentes des salariés et évaluer les réformes
Premièrement, les attentes des salariés méritent d’être approfondies. Les enquêtes
du Ministère du Travail ont dégagé un enseignement essentiel : si les salariés ne perçoivent pas
assez les enjeux du dialogue social, c’est d’abord parce que leurs représentants ne sont pas assez
en phase avec les préoccupations des salariés. Les syndicats comprennent bien les problèmes des
salariés au travail, mais ils perçoivent mal leurs motivations positives. La satisfaction du travail
bien fait est le premier facteur de motivation mis en avant par les salariés, les délégués syndicaux
en font un facteur résiduel. A l’inverse, les délégués syndicaux pensent à tort que les incitations
salariales sont le premier facteur de motivation des non-cadres et l’espoir d’une promotion, le
premier facteur pour les cadres (Pour plus de précisions, Annexe 4 p. 67).
Ce constat est opérationnel : les syndicats insistent trop sur la défense monétaire
des salariés. Les salariés veulent également donner du sens à leur travail et avoir les moyens de
l’accomplir convenablement. Un dialogue social qui intégrerait mieux les thèmes des conditions
du travail, des moyens offerts aux salariés en contrepartie des résultats qui leur sont demandés, et
de la reconnaissance de leur travail susciterait davantage l’intérêt des salariés.
1
Avant le 31 déc. 2007. C’est l’art. 56 de la loi.
2
Cet enjeu a été analysé dans le chapitre 1, p. 16.
48
serait largement facilitée par la tenue des élections le même jour, dans toutes les entreprises
d’une même région (Voir la Proposition 22, p.46 et Annexe 1, p. 61 ).
3.3.2. Mieux informer les salariés et leurs élus sur le dialogue social
Les mécanismes du dialogue social sont complexes. Permettre aux salariés de les
maîtriser et d’en devenir acteurs requiert de développer la diffusion de l’information sur deux
axes : le droit du dialogue social (notamment pour tous les salariés) et ses bonnes pratiques (pour
les négociateurs). En effet, la loi du 4 mai 2004 crée un nouveau besoin d’information pour les
élus sans formation syndicale qui seront amenés à négocier.
Les salariés connaissent mal leurs représentants. La visibilité des syndicats est
faible : plus d’un salarié sur deux couvert par un délégué syndical dans son propre établissement
ne le sait pas, dans les entreprises privées de 20 salariés et plus. Paradoxalement, c’est dans les
très petites unités (20 à 49 salariés) que la méconnaissance est la plus répandue : seulement 35 %
des salariés couverts par un délégué syndical connaissent son existence. Les très grands
établissements ne font guère mieux. Les secteurs les plus touchés par cette méconnaissance sont
également à la traîne en matière de syndicalisation et de représentation des salariés : le BTP, le
1
La négociation collective en 2003 estime le nombre d’occurrences des thèmes de négociation : sur 15 835 thèmes,
le droit des IRP est abordé 723 fois, les conditions de travail 536 fois, le droit d’expression 146 fois (p. 116).
49
commerce, les services aux particuliers et aux entreprises. Ces résultats confortent la thèse d’un
dialogue social dual.
Cette ignorance va de pair avec une opinion contrastée sur les syndicats. Dans les
établissements de plus de 20 salariés, près de six salariés sur dix considèrent que les syndicats
jouent un rôle irremplaçable dans la représentation du personnel. Mais plus de quatre sur dix
jugent qu’ils font passer leurs mots d’ordre et leurs intérêts avant ceux des salariés1. Cette
situation est pour partie la conséquence d’un manque de connaissance des enjeux et des
mécanismes du dialogue social. A l’instar de la démocratie politique, la démocratie sociale a une
composante essentielle de formation et d’information des salariés.
3.3.2.2. Développer l’accès à l’information sur le dialogue social pour tous les salariés
Dans cette optique, il est regrettable que parmi les 22 DRTEFP métropolitaines,
seules 9 disposent d’un site Internet2. Les DRTEFP qui ont mis en place un site ont ainsi la
possibilité de communiquer sur les actions qu’elles mènent en faveur du dialogue social, mais de
façon hétérogène. Ainsi, la DRTEFP Lorraine met en ligne les résultats d’un questionnaire
qu’elle a envoyé à tous les délégués du personnel et CHSCT de la région en 2001. La DRTEFP
Picardie propose des accords-type en matière de participation et d’intéressement. La DRTEFP
Rhône-Alpes présente sur son site son service d’appui au dialogue social. Malgré ces efforts, les
salariés ne bénéficient pas tous d'un niveau équivalent d'information, ce qui rend souhaitable une
certaine harmonisation.
Les salariés et leurs représentants trouveront sur un site unique l'ensemble des
dispositions relatives aux enjeux et au fonctionnement du dialogue social, ainsi qu'une
explication des évolutions législatives et réglementaires. Les sites des DRTEFP et DDTEFP
offriront des informations plus directement opérationnelles, axées sur les actions concrètes
menées localement et les possibilités de soutien aux différents acteurs du dialogue.
3.3.2.3. Favoriser l’accès à l’information pour les négociateurs salariés, notamment élus
1
Pour une distinction selon les catégories socioprofessionnelles, voir Annexe 3 p. 66.
2
Au 15 juin 2004, il s’agit des régions : Lorraine, Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, Centre, Rhône-
Alpes, PACA, Languedoc-Roussillon et Picardie.
50
signés. Enfin, les services du Ministère du travail reçoivent en théorie tous les accords signés
dans leur ressort, consignés à la DDTEFP compétente.
Si les employeurs et les syndicats ont un accès aisé au droit et aux pratiques en
vigueur, cette situation pourrait être préjudiciable au travail des élus non syndiqués qui vont être
chargés, avec la loi du 4 mai 2004, de négocier dans les entreprises sans délégué syndical1. Il
semble notamment important que ces représentants puissent savoir ce qui se passe dans des
entreprises comparables à la leur : une connaissance de type « bench-marking» des pratiques en
matière d’accords collectifs pourrait leur fournir un appui considérable.
1
Dans les entreprises de moins de 100 salariés, les non-syndiqués dépassent en moyenne les 50 % de suffrages
exprimés. DARES, Premières Informations Premières Synthèses, n°43.2, 2003.
2
IGAS, L’information sur les conventions collectives en France et dans cinq pays européens, 2003, p. 21.
3
Intervention devant la Commission nationale de la négociation collective, le 28 juin 2004.
51
Proposition n°33: Donner la priorité à la mise en place d'au moins une
institution représentative dans chaque entreprise.
3.3.3.2 Associer les partenaires sociaux pour en faire un relais de l'action de l'Etat
Bonne pratique: la création d'un Comité de concertation sur les conditions de travail, piloté par la
DRTEFP Aquitaine. Rassemblant les trois organisations syndicales patronales et les cinq organisations
représentatives des salariés, il permet de développer une politique concertée dans trois domaines prioritaires:
l'évaluation des risques, la lutte contre la précarité et la mise en place du dialogue social d'entreprise.
1
Les projets sont déposés auprès de la DDTEFP. L'inspecteur du travail émet son avis, le réseau Anact réalise
l'instruction technique des projets. La DRTEFP coordonne l'ensemble de la procédure. La part du financement peut
atteindre 50% pour les investissements immatériels (frais d'étude, participation des salariés au projet, etc. ) et 30%
pour les investissements matériels.
52
CONCLUSION
Cependant, cette exigence repose sur une condition nécessaire : que le dialogue
social lui-même se fasse plus impliquant. On a pu ainsi parler d’une crise de la représentativité
juridique des syndicats, qui se double d’une crise de confiance de la représentation sur le terrain.
L’implication des salariés dans le dialogue social peut assurer les conditions d’une représentation
vivante et effective des salariés et de leurs intérêts. L’Etat, dans sa mission de pilotage du
dialogue social, peut y aider, en renforçant la légitimité des représentants dans l’entreprise et en
améliorant les dispositifs d’expression directe. Mais il ne semble pas pertinent de favoriser la
démocratie directe au détriment du principe représentatif.
1
Centre des Jeunes Dirigeants, Dialogue social : l’entreprise de tous, 2000.
53
ANNEXES
54
SOMMAIRE DES ANNEXES
Axe 6 – Elections p. 61
55
ANNEXE 1 : RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS
_____________________________________________________________________________
Les propositions
« Renforcer le CHSCT » : Proposition n°1 : Renforcer le rôle du CHSCT en lui conférant un pouvoir
de négociation spéciale en matière de santé et de sécurité et en permettant aux salariés d’y élire
directement leurs représentants.
« Enquête publique » : Proposition n°2 : Organiser une « enquête publique » d’établissement avant
toute élaboration du document unique de prévention des risques. Pilotée par le CHSCT, cette enquête
pourrait bénéficier du soutien du Fonds d’amélioration des conditions de travail (FACT).
_____________________________________________________________________________
Les propositions
« Négociation de l’épargne salariale » : Proposition n°4 : subordonner les avantages fiscaux liés au
PEE à la conclusion effective d’un accord d’entreprise, sur le modèle des accords de participation et
d’intéressement. Prévoir que les actuels PEE basculeront progressivement dans ce régime lors de leur
renouvellement.
« Actionnariat salarié » : Proposition n°5 : le décret prévu aux articles L 225-23 et 71 du code du
commerce est rapidement publié. Les sanctions envisagées par le rapport Balligand-Foucault en cas de
non-respect de l’obligation prévue à cet article sont mises en œuvre.
« Information des salariés sur l’emploi » : Proposition n°6 : le rapport annuel visé à l’article L423-1-1
est mis à disposition de tout salarié qui en fait la demande après sa transmission au comité d’entreprise.
« Election des représentants français au comité d’entreprise européen » : Proposition n°7 : Prévoir
l’élection des représentants au comité d’entreprise européen au second degré parmi les membres élus
aux comités d’entreprise ou d’établissement, afin que les enjeux européens soient débattus avec les
56
salariés dans l’entreprise. Chaque syndicat présente au premier tour en tête de liste un ou des candidats
devant siéger au comité d’entreprise européen.
« Election des représentants au comité de groupe » : Proposition n°8: Les membres du comité de
groupe sont élus au second degré par l’ensemble des représentants des salariés aux CE du groupe, selon la
même procédure que le comité européen.
_____________________________________________________________________________
Revitaliser un droit fondamental et assurer son application dans toutes les entreprises
Assurer son articulation avec le travail des institutions représentatives du personnel, chargées
d'animer et de relayer l’expression des salariés, complémentaire de leur action.
Donner un cadre plus valorisant à l'expression, en ouvrant le champ des thèmes abordés, en créant
des groupes de travail techniques, avec un réel suivi des questions soulevées.
Les propositions
« Réunion annuelle » : Proposition n°9 : en l'absence d'accord d'entreprise, l'employeur est tenu
d'accorder aux représentants du personnel qui en font la demande l'organisation d'une réunion
d'expression des salariés un mois avant la date de la négociation annuelle.
« Animation par les représentants du personnel » : Proposition n°10 : confier l'animation des groupes
d'expression aux représentants élus du personnel ou aux délégués syndicaux. L'accord d'entreprise peut
toutefois prévoir que les groupes seront co-pilotés avec un membre désigné par la direction. Le secrétariat
de la réunion peut être confié à un salarié sans mandat.
« Extension du champ d'expression » : Proposition n°11 : élargir le droit d'expression des salariés à
l'ensemble des thèmes devant faire l'objet d'une information ou d'une consultation des IRP et ceux faisant
l'objet de la négociation annelle.
« Droit de suite » : Proposition n°12 : mettre en place un droit de suite pour les groupes d'expression ou
de travail, permettant d'inscrire systématiquement les sujets évoqués et débattus dans ce cadre à l'ordre du
jour du comité d'entreprise ou de la négociation annuelle, le cas échéant. Un délai impératif de réponse de
15 jours est donné à la direction pour répondre aux questions posées.
« Groupes de travail techniques » : Proposition n°13 : dans les entreprises qui le souhaitent, les
groupes d'expression peuvent être remplacés, en tout ou partie, par des groupes de travail techniques
associant les salariés. Les thèmes sont fixés par accord annuel en CE. L'animation et le suivi sont confiés aux
représentants du personnel, en fonction des thèmes de travail. Un calendrier de réunions est fixé. Les salariés
sont associés sur base du volontariat.
« Accès à l’intranet syndical » : Proposition n°14 : l'ensemble des salariés doit avoir accès à un espace
d'expression sur l'intranet syndical de l'entreprise.
« Droit de saisine » : Proposition n°15 : 10% des salariés peuvent décider d'inscrire une question à
l'ordre du jour d'une rencontre entre la direction et leurs représentants.
Les modalités
- Introduction de la possibilité d'organiser une réunion annuelle d'expression en l'absence d'accord relatif
à la mise en œuvre du droit d'expression (art. L461-4).
57
- Modification du champ du droit d'expression (art. L461.1).
- Harmonisation du niveau de négociation des accords avec la Loi Fillon: à défaut d'accord avec les
organisations syndicales ou en l'absence de ces dernières, négociation possible avec les élus du personnel
(art. L461-4).
- L'accord d'entreprise doit prévoir les modalités d'encadrement des groupes d'expression par les
représentants du personnel (art. L461-5)
- Créer un article L461-6 qui autorise la mise en place de groupes de travail techniques comme modalité
d'expression des salariés.
- Rendre obligatoire l'accès à l'intranet syndical pour les salariés (art. L412-8)
- Droit de suite et droit de saisine: modifier les articles pertinents sur la détermination des ordres du jour
des réunions employeurs/représentants (L422-4; L132-27; L434-3; L435-4).
L’organisation
Absence Cas
d'accord général
Base juridique: droit d'expression des salariés
Art. L461-1 modifié
Droit de suite:
inscription des sujets
2 - Groupes de travail techniques, définis par accord abordés à l'ordre du
au sein du CE. Thèmes annuels. Pilotés comme les jour du prochain
groupes d'expression, en associant à la fois des CE/NAO. Délai de
salariés disposant d'une compétence technique réponse impératif pour
particulière et des salariés volontaires. Objectifs et la direction en cas de
missions précis. questions des salariés.
______________________________________________________________________
Proposition n°16: un délai de 7 jours doit être impérativement respecté entre l'annonce
par la direction ou un syndicat de procéder à une consultation par vote des salariés et sa mise en œuvre.
Bonne pratique: inciter les entreprises à négocier des accords de méthode valables pour
l'ensemble des consultations directes de salariés. Ces accords peuvent prévoir notamment: 1- une
58
obligation d'information et de consultation préalable entre les syndicats et la direction, même en dehors
du champ de la consultation obligatoire;
2- l'accord des parties sur le libellé de la question posée;
3- des modalités d'information des salariés équitables, permettant d’exposer les points de vue de la
direction et de toutes les organisations syndicales;
4- des règles procédurales sur les modalités du vote, la mise à disposition d'un espace et d'un créneau
horaire dédiés.
____________________________________________________________
AXE 4 : SALARIES ATYPIQUES
Les objectifs :
Les propositions :
« Intérêts spécifiques » : Proposition n°17 : Dans les entreprises dont une certaine part de salariés ont
un emploi atypique, un accord collectif doit prévoir les modalités de la prise en compte de leurs intérêts
spécifiques
« Temps de travail atypique » : Proposition n°18 : dans les entreprises pratiquant des temps de travail
atypiques (travail de nuit, etc.), les communications affichées par les institutions représentatives du
personnel sont remises ou envoyées aux salariés concernés au moins une fois par mois, aux frais de
l’entreprise.
____________________________________________________________
AXE 5 : SIMPLIFICATION DES IRP DANS LES PME
Les objectifs :
Lisibilité : une délégation unifiée : les salariés et les patrons pourront enfin dire « mon délégué ».
Démocratie sociale : Élection des ex-DS : les salariés choisissent ceux qui négocient en leur
nom ; incite des syndicats à présenter des listes et à mener des actions de proximité avec le
terrain ; incite les petits syndicats à accroître la syndicalisation, seule façon pour eux d’être présents
dans l’entreprise.
Enrichissement des missions des représentants : les ex-DS se saisissent des réclamations
individuelles et les ex-DP négocient.
Les propositions :
« Fusion DS/DP » : Proposition n°19 : fusionner les délégués du personnel et les délégués syndicaux,
dans les entreprises de 11 à 250 salariés, au sein d’une « délégation sociale ».
59
« Modalités de vote » : Proposition n°20 : la « délégation sociale » s’accorde à l’unanimité sur les
modalités de signature des accords. A défaut, seuls les représentants des syndicats (les ex-DS) ont le
monopole et l’autonomie de la signature.
En contrepartie de l’élection, une solide garantie de sièges pour les listes syndicales doit être prévue, pour
éviter l’éviction par les non-syndiqués : le syndicat présent dans l’entreprise doit pouvoir obtenir un siège
avec un nombre réduit de suffrages.
« Garantie de siège » : Proposition n°21 : la liste syndicale arrivée en tête des listes syndicales obtient
au moins un siège, dès lors qu’elle a recueilli 5 % des suffrages exprimés.
Il peut être envisagé d’étendre cette garantie à la seconde liste syndicale arrivée en tête des listes
syndicales. Cela dépend de l’objectif visé : implantation du maximum de syndicats dans chaque entreprise
ou lutte contre l’émiettement syndical.
Bilan : Dans les PME à culture syndicale, maintien général des syndicats et légitimité
démocratique pour les petits syndicats (CFTC).
Bilan : Dans les PME sans culture syndicale, légitimité démocratique pour le syndicat, même
avec un faible nombre de suffrages.
60
AXE 6: ELECTIONS
Les objectifs :
Les propositions :
_____________________________________________________________________________
Les objectifs :
Les propositions :
« Durée minimale d’activité ouvrant droit à une démarche VAE » : Proposition 23 : Réduire la
durée minimale d’activité ouvrant droit à la VAE à deux ans pour les salariés qui ont été titulaires d’un
mandat syndical ou électif
La durée minimale nécessaire dans une activité pour entamer une démarche de validation des acquis de
l’expérience est de trois ans, la durée du mandat d’élu du personnel de deux ans, une dérogation pourrait
être accordée aux sortants pour valider les compétences théoriques et pratiques acquises au cours de cette
expérience (négociation, droit, gestion des ressources humaines, management d’équipes.
Sur le modèle des dispositions insérées dans le code général des collectivités locales par l’article 68 de la
loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, un article du code du travail pourrait
consolider les garanties accordées à l’élu syndical pour un retour à une vie uniquement professionnelle :
bilan de compétence, congé de VAE, définition d’un parcours de reclassement professionnel.
Le coût :
Tout salarié a droit à un bilan de compétence annuel financé par le plan de formation de l’entreprise. Le
financement de la VAE est de droit commun.
Les modalités :
La disposition dérogatoire modifiant la durée d’activité préalable dans une fonction avant d’entamer une
VAE s’insèrerait dans l’article L935-1, tandis que les garanties accordées en fin de mandat justifieraient
d’un nouvel article du code du travail inséré au livre IV.
61
AXE 8 : PILOTAGE DE L’INFORMATION
Mieux connaître l’état du dialogue social en France, pour évaluer l’implication des salariés
Mieux connaître l’implication des salariés
Evaluer l’impact des réformes et renforcer les capacités de pilotage de l’Etat
Les propositions :
« Enquêtes » : Proposition n°25 : Actualiser REPONSE tous les 5 ans et lui conférer le statut d’enquête
obligatoire ; systématiser la publication des résultats actualisés.
Généraliser l’envoi des procès-verbaux d’élections professionnelles par téléprocédure à la DRTEFP. Les
employeurs peuvent déjà télécharger le document CERFA à remplir, mais ils doivent ensuite le
transmettre sous forme papier.
« Actualiser la liste des délégués syndicaux »: Proposition n° 28 Les syndicats devront envoyer chaque
année la liste actualisée de leurs délégués syndicaux à la section d’inspection compétente
Ces deux propositions permettraient de caractériser les entreprises sans IRP, puis de faire tenir par la
DDTEFP des sessions d’informations départementales sur le dialogue social, tant à destination des
employeurs que des salariés.
Permettre aux salariés, à leurs employeurs et représentants d’accéder à une information claire et
actualisée sur les dispositifs et pratiques du dialogue social .
Simplifier la connaissance de procédures et institutions complexes pour faciliter l’engagement du
plus grand nombre dans le dialogue social.
Les propositions :
« Ouvrir un portail unique » : Proposition n°30 Ouvrir un portail unique « Représentation des
salariés et dialogue social » sur le site Internet du Ministère du travail fournissant l'ensemble des
informations de base. (www.dialoguesocial.gouv.fr)
62
« Sites internet locaux » Proposition n°31 : Assurer la diffusion de sites internet locaux en lien avec le
site du Ministère, mettant l'accent sur les actions menées, les bonnes pratiques et le soutien concret au
dialogue social.
« Accès aux accords » : Proposition n°32 : les élus amenés à négocier doivent être autorisés à consulter
en DDTEFP les accords signés dans d’autres entreprises, qui seront anonymisés.
Un effort tout particulier devra porter sur les textes non étendus et qui, de ce fait ne font pas l’objet de
publication d’une brochure par les journaux officiels.
Modalités et coûts :
Les DDTEFP doivent continuer à recenser la totalité des accords d’entreprises signés dans leur secteur.
Des consignes de la tutelle en ce sens pourraient être utiles. Conformément à la loi de 1978, toutes les
données susceptibles de permettre à l’entreprise d’être reconnue seront laissées en blanc.
Pour les sites internet, ils devraient être limités, ces dispositifs n’étant qu’une déclinaison des sites
actuellement en fonctionnement.
Initier le cercle vertueux de création des IRP dans les entreprises qui n’en sont pas dotées
Inciter à la conduite de projets innovants en matière de dialogue social
Les propositions :
« Hiérarchiser les priorités » : Proposition n°33 : Donner la priorité à la mise en place d'au moins une
institution représentative dans chaque entreprise.
« Concertation avec les partenaires sociaux » : Proposition n°34: Encourager les initiatives de
concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux, en veillant à associer l'ensemble des organisations
syndicales.
« FACT - dialogue social » : Proposition n°35 : Revitaliser le FACT en l’étendant au financement des
projets d'implantation ou d’amélioration du dialogue social d'entreprise.
.
Modalités et coût :
Le Fonds d’Amélioration des Conditions de Travail est actuellement sous-utilisé. Or, les pratiques
innovantes en matière de dialogue social méritent d’être soutenues selon les mêmes modalités. Les
sommes allouées à ce fonds sont prélevées sur le budget du FACT actuel.
Le FACT-Dialogue social permet l’échange de bonnes pratiques sous l’égide de l’ANACT et des
ARACT. Le mandat de ces organisme pourrait être élargi en ce sens.
63
ANNEXE 2 : IMPLICATION AU TRAVAIL, DES EFFETS PARADOXAUX
Parmi les aspects suivants de votre propre qualité de vie au travail, quels sont selon vous ceux qui se sont le plus
détériorées au cours de ces dernières années ?
Ensemble des Si le sentiment d’être soumis à un travail
salariés prescrit régresse, le phénomène s’accompagne
(Réponses données à l'aide d'une liste) % paradoxalement d’un accroissement de la
- L'ampleur de la charge de travail 24 charge de travail et d’une dégradation des
- Les relations avec la hiérarchie 20
- Le climat social de l'entreprise 18 relations avec la hiérarchie. L’implication
- La reconnaissance du travail 15 n’est pas forcément source de bonheur au
- Les possibilités d'évolution (formation, compétences…) 14 travail, l’« implication contrainte » remplace
- Les relations avec les collègues 12
- La possibilité de choisir ses jours de congé ou de RTT 10
progressivement la simple prescription des
- Les relations avec les clients 8 tâches. Plus d’un tiers des salariés estime que
- La prévisibilité des horaires 7 leur travail n’est pas suffisamment reconnu.
- La diversité des tâches 6
- La sécurité sur le lieu de travail 6
- Le cadre de travail 6 Plusieurs études démontrent par ailleurs un
- La préservation de la santé au travail 6 accroissement de la pénibilité dans le travail,
- L'autonomie et les responsabilités dans le travail 5 notamment de la pénibilité mentale
- Aucun de ces aspects (réponse non suggérée) 11
- Ne se prononcent pas 2
(Premières Informations, Premières Synthèses,
n°27.07, 1999).
Sondage CSA, La qualité de vie au travail, 3 mai 2004
64
ANNEXE 3 : L’IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LE DIALOGUE
SOCIAL EN FRANCE
1971
1975
1979
1983
1987
1991
1995
1999
74 72,8
Ce taux de participation est traditionnellement plus élevé dans
les petits établissements que dans les grands.
72
69,7
70 Le nombre de salariés élus n’est pas connu : « Il n'est pas
68 possible, en l'état actuel du système statistique, d'avancer des
%
66,3
66 chiffres, fiables et récents, sur le nombre de représentants du
64
Y
63,8
63,1 personnel » (Premières Informations Premières synthèses, n° 48-
2, nov. 2002).
62 60,4
60 L’on sait, en revanche, que 11 860 salariés mandatés ont signé
50 - 99
100 - 199
200 - 499
500 - 999
salariés
< 50 salariés
> 1000
20% 60%
< 40 ans
40 ans et +
0% 40%
Délégués Délégués du
syndicaux personnel 20%
0%
Les femmes et les jeunes s’impliquent moins dans le Délégués Délégués du
dialogue social. Les hommes et les salariés âgés de syndicaux personnel
plus de 40 ans sont massivement sur-représentés parmi
les représentants du personnel.
65
DS et élus selon leur appartenance Les représentants élus du personnel
syndicale sont relativement peu syndiqués :
seuls 22,8 % d’entre eux le sont.
100%
L’histogramme ci-contre donne des
90% indications sur l’importance que les
32,4 37,6
80% CFDT syndicats donnent à la dimension
70% CGT élective de la représentation des
60%
salariés.
FO
29,2
50% 28 CFTC
La CFDT est proportionnellement
40% CGC-CFE mieux représentée parmi les élus
30% 18,8 Autres syndiqués que parmi les délégués
14,7
20% syndicaux, à l’inverse de FO ou de la
CGT
10%
0%
Délégués RP élus
syndicaux
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1993
- DARES : Premières Informations Premières Synthèses, n°22.1-2002 et n°43.2-2003 ; Document d’études, n°64-2002
- D. LABBE, Syndicats et syndiqués en France depuis 1945, 1996
66
ANNEXE 4 :
LES ATTENTES DES SALARIÉS : INSUFFISAMMENT COMPRISES
Ces données du Ministère du Travail permettent d’expliquer pour partie le déclin de l’attrait du syndicalisme pour
une partie du salariat : la difficulté des délégués syndicaux à comprendre leurs attentes, notamment leurs sources de
motivation au travail.
Les syndicats ont une conception des besoins des salariés trop axés sur les attentes monétaires (sauf pour les
cadres) ou de promotion, et la peur du licenciement. Le désir de « bien faire son travail » est sous-estimé, de
même que, pour les non-cadres, l’importance de l’identification aux objectifs de l’entreprise.
Depuis le début des années soixante-dix, le thème de la participation a fait une nouvelle
apparition au sein de l’entreprise, pour désigner l’expression des salariés ainsi que leur
implication dans la conception et l’organisation du travail. Divers outils furent élaborés dans ce
but : l’enrichissement des tâches; les groupes semi-autonomes de production; les équipes de
recherche pour l’amélioration des conditions de travail; les recherches collectives d’amélioration
(Méthode RCA, élaborée par la CEGOS); les réunions d’échange (promues par l’association
Entreprise et Progrès). Les cercles de qualité, dont le développement en France fut relativement
tardif, ainsi que les groupes de progrès (Bué, 1990) furent les outils les plus répandus au sein des
entreprises. Si les méthodes du management participatif se renouvellent rapidement2, les
principes de base demeurent et
Chez Accor, l’innovation participative passe essentiellement par le réseau interne innov@ccor,
qui génère des idées spontanées ou stimulées par la direction, transmises automatiquement à la
hiérarchie. 20 000 salariés (sur les 150 000 du groupe) sont associés à cette démarche volontaire.
Au sein d’Alstom Marine, sur les chantiers de l’Atlantique, une Maison de l’innovation a été
créée, lieu de recherche dans lequel les salariés peuvent développer des projets, sur leur temps
personnel ; 10% des salariés - essentiellement l’encadrement intermédiaire - participent à ce
réseau informel. Solvay France a également opté pour la mise en place d’ateliers de
l’innovation, animés par des salariés qui y consacrent 20% de leur temps de travail, et des
volontaires.
Dans le secteur public, un groupe innovation participative rassemble entre autres le Ministère de
la Défense, EDF-GDF et la RATP, chacun doté d’une mission d’innovation indépendante
chargée de faire remonter les projets, de les soumettre à l’évaluation d’experts, puis de les faire
appliquer.
1
Philippe Hermel, Le management participatif, Ed. d’Organisation, 1988
2
Citons les méthodes PRADO (Processus de Recherche Action en Développement des Organisations), in Le
management participatif, Pierre Goguelin et Guy Mitrani, 1993) ou ACTIVA (Amélioration Continue des Tâches
par Implication Volontaire des Acteurs), ACTIVA, Martial Viudes, ESF, 1995.
3
Accor, Renault, EDF, Solvay, Inergie ,Hutchinson, Cogema, France Telecom, La Poste, Société Générale…
68
ANNEXE 6 : L’IMPLICATION DES SALARIÉS, COMPARAISON
INTERNATIONALE
Désignation
BELGIQUE Conseil d’entreprise : Délégation Syndicale Pas de représentation
Election+Désignation
ETATS-UNIS Délégués syndicaux : Syndicats Pas de représentation
Election
69
ANNEXE 7 : LES POSITIONS SYNDICALES SUR LA PARTICIPATION
DIRECTE
« Participation directe » au sens des travaux de la Fondation de Dublin: elle rassemble l'expression
directe des salariés, leur implication dans des procédures de management participatif, leur participation
au capital de l'entreprise, l'implication dans le travail et son organisation.
Position de principe: un moyen de démocratisation au sein de l'entreprise, avec l'idée d'un renforcement nécessaire
et parallèle de la "citoyenneté". Elle a milité pour une plus grande implication des salariés dans l'entreprise, à
partir du tournant réformiste de 1977, et pour l'introduction du droit d'expression direct des salariés (négociations
CFDT
en 1978 avec le CNPF). La loi de 1982 donne droit à plusieurs de ses revendications. Elle défend par ailleurs les
notions d'autonomie, de responsabilité et d'initiative des salariés. Ainsi, elle fut moins hostile que les autres
syndicats à la mise en place des cercles de qualité, à la condition que ces derniers favorisent aussi de meilleures
conditions de travail. La participation financière peut être un nouveau levier pour l'action syndicale.
Position de principe: une façon d'associer les salariés à des sujets les concernant, mais un risque de "collaboration
de classe". Elle préfère ainsi parler de démocratie, de citoyenneté, d'implication, que de "participation". Elle était
réservée sur le principe d'un droit d'expression des salariés par peur d'une remise en cause des attributions du
syndicat; et notamment hostile à l'idée que celui-ci doit être mis en œuvre par un accord avec le chef d'entreprise:
CGT
il doit s'agir d'un droit garanti en toutes circonstances par la loi. Elle est par contre devenue le syndicat le plus
attaché à la consultation directe des salariés et utilise depuis peu le référendum (en direction de sa base mais aussi
de l'ensemble des salariés concernés) pour déterminer ses propres positions. Pour la participation financière, elle
applique le principe de réalité: elle y est relativement favorable sous conditions.
Position de principe: une utopie sociale, porteuse de risques pour le salarié comme pour ses représentants. La
participation directe, comme les mécanismes de participation financière, relèvent d'une même logique erronée,
basée sur l'association capital-travail, qui sous-estime l'antagonisme des intérêts. "L'idéologie participationniste"
dénoncée dès 1984 par le syndicat empêche surtout le bon fonctionnement des moyens d'action des salariés, à
FO savoir la négociation et l'action syndicale. Il accorde un intérêt important à l'indépendance du syndicat, qui justifie
une hostilité de principe à l'élection (qui lui serait défavorable) et au vote des salariés (position la plus dure contre
l'usage du référendum), comme aux autres formes d'expression directe qui peuvent le court-circuiter. Le droit
d'expression a été dénoncé en raison des risques de prise de contrôle par l'employeur, ses échecs étant pris comme
une validation de sa position originale. La participation des travailleurs aux procédures de management
participatif, est dénoncée en raison d'un risque de surexploitation, sans compensation.
Position de principe: un moyen de démocratisation au sein de l'entreprise. Elle est historiquement la plus
favorable aux mécanismes associant les salariés à la détermination de la politique économique et sociale de
CFTC l'entreprise (par la participation aux organes de pilotage), au partage des profits, à l'organisation des tâches et aux
conditions de travail (CFTC, Bureau d'étude, 1994). Concernant la consultation directe des salariés, elle n'y est
favorable qu'à l'initiative des syndicats. Elle est favorable à la participation aux bénéfices.
Position de principe: un moyen de démocratisation au sein de l'entreprise, avec davantage de réserves que la
CFDT. Elle a toutefois officiellement exclu de son programme l'idée de lutte des classes pour mettre en avant
l'idée d'un partenariat au sein de l'entreprise. Sa position sur le droit d'expression des salariés était en 1982
CFE- similaire à celle de la CGT, à savoir une volonté forte de préserver les attributions du syndicat, craignant une
CGC remise en cause de son monopole d'expression des revendications. Le référendum est envisagé en cas d'absence
de représentation des salariés uniquement. Elle est favorable à la participation aux bénéfices, notamment aux
mécanismes de participation et d'intéressement: elle gère p. ex. l'association des actionnaires salariés de Total.
70
PERSONNES RENCONTREES
ADMINISTRATIONS
Ministère du travail
71
M. Pascal BIES, inspecteur du travail (Bas-Rhin)
Mme Marie-France DUPOUX, inspectrice du travail (Rhône)
Mme Karine DUQUESNOY, inspectrice du travail (Paris)
M. Georges RESSICAUD, inspecteur du travail (Rhône)
Mme Hélène STEINBERG, inspectrice du travail (Paris)
Commission européenne
M. Fernando VASQUEZ, Unité adaptabilité dialogue social et droits sociaux, Direction générale
Emploi et affaires sociales
IG Metall
M. Ulrich PETRI, conseiller juridique de IG Metall
72
Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC)
M. Michel COQUILLION, secrétaire général adjoint
M. Emmanuel LE BOLZER, président de l’union régionale Bretagne
Force ouvrière
Mme Michèle BIAGGI, secrétaire confédérale, négociation collective
Mme Delphine BORGEL-PERESS, assistante confédérale , secteur négociation collective
Mme Marie-Suzie PUNGIER, secrétaire confédérale, secteur développement économique
UNSA
M. Hervé BARROT, secrétaire général UNSA-fonctionnaires
Mme Elisabeth DAVID, secrétaire nationale UNSA-fonctionnaires
Mme Bernadette MARCHENOIR, secrétaire nationale UNSA-fonctionnaires
SUD
M. Régis BLANCHOT, secrétaire fédéral SUD – PTT
M. René OLLIER, secrétaire général de SUD – PTT
Organisations patronales
ENTREPRISES ET ADMINISTRATIONS
Secteur privé
Secteur public
74
PERSONNALITÉS QUALIFIÉES
M. Jean LAPEYRE, Conseiller social à Rome, ancien secrétaire général adjoint de la CES,
ancien administrateur d’Arcelor
Universitaires et chercheurs
M. Jean-Pierre NEVEU, Professeur, IEP de Bordeaux
M. Yves LICHTENBERGER, Enseignant-chercheur, Président de l’université de Marne-la-Vallée
M. Udo REHFELDT, Chercheur à l’IRES, spécialiste du dialogue social comparé
Mme Adelheid HEGE, Chercheuse à l’IRES, spécialiste du dialogue social comparé
M. Christian DUFOUR, Chercheur à l’IRES
M. Claude-Emmanuel TRIOMPHE, Université européenne du travail, Directeur Général
Juristes
M. Gilles BELIER, Avocat
M. Frédéric GRAS, Avocat
M. Philippe LANGLOIS, Avocat, Professeur de droit social (Paris-X Nanterre)
Mme Marie-Laure MORIN, conseillère près la Cour de Cassation
M. Thomas WINZER, Avocat, Cabinet Gleiss Lutz (Stuttgart)
Economistes
M. Rober BOYER, Directeur de recherche au CNRS
M. Olivier FAVEREAU, Professeur à l’Université Paris-X Nanterre
M. Antoine REBERIOUX, Maître de conférences à l’Université Paris-X Nanterre
Consultants
M. Fouad BENSEDDIK, Directeur général adjoint, Vigeo
M. Jean-François CARRARA, Directeur Associé, Algoé
M. Erik CHRISTIANSEN, Analyste, Vigeo
M. Xavier LACOSTE, Directeur Associé, Altedia
M. Jean-Marc LE GALL, Entreprise et Personnel
M. Pierre MARÉCHAL, Bernard Brunhes Consultants
M. Henri VACQUIN, Sociologue de l’entreprise et Président du Cabinet Henri Vacquin
M. Daniel CROQUETTE, Association Nationale des Directeurs et Cadres de la Fonction Personnel
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LISTE DES SIGLES UTILISES
AG Assemblée générale
ANACT Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
ARACT Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail
BTP Bâtiments et travaux publics
CA Conseil d’administration
CARIS Centre d’analyse, de recherche et d’information statistique
CEE Comité d’entreprise européen
CES Conseil économique et social
CES Confédération européenne des syndicats
CE Comité d’entreprise
CEEP Centre européen des entreprises à participation publique
CFDT Confédération française démocratique du travail
CFTC Confédération française des travailleurs chrétiens
CGC Confédération française de l’encadrement
CGT Confédération générale du travail
CHSCT Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
CS Conseil de surveillance
DADS Déclaration annuelle de données sociales
DARES Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques
DDTEFP Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation
professionnelle
DRH Direction des ressources humaines
DRT Direction des relations de travail
DRTEFP Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation
professionnelle
DP Délégué du personnel
DS Délégué syndical
DUP Délégation unique du personnel
EDF Electricité de France
EIRO European industrial relations observatory
EPOC Employee participation in organisational change
FACT Fonds d’amélioration des conditions de travail
FAS Fonds d’action sociale
FCPE Fond commun de placement d’entreprise
FNV Federatie Nederlandse Vakbeweging
FO Force ouvrière
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FSU Fédération syndicale unitaire
GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
GTT Groupes de travail technique
IGAS Inspection générale des affaires sociales
IRP Institution représentative du personnel
LOLF Loi organique relative aux lois de finance
OS Organisation syndicale
PEE Plan d’épargne d’entreprise
PEI Plan d’épargne interentreprises
PME Petite et moyenne entreprise
PPESV Plan Partenarial d’épargne salariale volontaire
PV Procès verbal
RDS Réalités du dialogue social
RSU Rappresentanze Sindacali Unitarie - Représentation syndicale
unitaire
RSE Responsabilité sociale de l’entreprise
RTT Réduction du temps de travail
SE Société européenne
TPE Très petite entreprise
TPE- Très petite entreprise – Petite et moyenne entreprise
PME
TIC Technologie de l’information et de la communication
UE Union européenne
UEAPME Union européenne de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises
UNICE Union des confédérations de l’industrie et des employeurs
UNSA Union nationale des syndicats autonomes
VRP Voyageur, représentant, placier
77
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