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w w w . m e d i a c i o n e s .

n e t

Des médias aux médiations


Communication, culture
et hégémonie

Guy Lochard et Bruno Ollivier

Préface
(Traduit de l’espagnol par Georges Durand,
CNRS Éditions, Paris, 2002)

« Une fois en Amérique latine, où il fonde les études de


communication à Cali (Colombie), J. Martín-Barbero va
permettre la rencontre de cette synthèse théorique et
des situations particulières du sous-continent. La
communication ne peut pas être pensée en symboles,
termes d'aliénation et de domination. L'étude de la
communication doit prendre en compte la culture. Mais
cette dernière revêt des formes populaires, marginales :
elle se développe dans les bandes de jeunes, les
quartiers périphériques des villes. Selon l'auteur, la
théorie de la domination, qui se contente de décrire une
Amérique latine objet de l'oppression culturelle, ne rend
donc pas compte de la communication. Les Latino-
américains doivent construire leurs propres théories pour
analyser la communication au sein de leur continent, en
utilisant à leur manière les concepts que leur fournissent
les Européens. Des médias aux médiations sera ainsi un
ouvrage fondateur pour les études de communication en
Amérique latine. »
2

«Ce ne sont pas les paradigmes. Ce sont


les faits têtus d'Amérique latine qui ont
transformé les objets d'étude pour les
chercheurs en communication. »1

L'ouvrage qui suit date de 1987 et il aura attendu quinze ans


pour être publié en français. Il est pourtant susceptible d'in-
téresser le public francophone pour deux raisons essen-
tielles. D'abord du fait du parcours de son auteur. Espagnol,
J. Martín-Barbero est diplômé de l'université de Louvain et
de l'École pratique des hautes études à Paris, avant de deve-
nir l'un des principaux théoriciens de la communication en
Amérique latine. Ensuite pour l'écho que les théories qu'il a
développées ont trouvé sur tout le continent sud-américain.
Cet ouvrage permet donc enfin à un public francophone de
comprendre, en retour, comment des écrits et des théori-
ciens européens – et particulièrement français – ont été
compris, adaptés, transformés en Amérique latine, et quel
écho ils ont pu avoir dans le développement des études de
communication latino-américaines.

J. Martín-Barbero est avant tout un philosophe. Il est


élève de P. Ricoeur en 1970 à Louvain, dans un cours que

1
J. Martín-Barbero, Cité par G. Orozco Gómez, in M. C. Laverde
Toscano, R. Reguillo, Mapas nocturnos. Diálogos con la obra de J. Martín-
Barbero, Bogota, Siglo del hombre, Fundación Universidad Central,
1998, p. 92.
Des médias aux médiations. Préface.
3

celui-ci donne sur la sémantique de l'action. Il lui propose


un travail sur P. Freire et sa manière de transformer l'action
du langage – telle que l'entendent J. L. Austin et J. R. Searle
– en programme d'action. L'alphabétisation des adultes,
l'apprentissage de la langue doivent se transformer en pro-
cessus de libération de la parole2. Ce travail va fonder sa
thèse de doctorat sur la parole et l'action. Plus tard, en 1978,
à l'UAM de Mexico (Xochimilco), c'est à un nouveau métis-
sage conceptuel qu'il s'attelle. Il prétend renverser les termes
de la théorie de la domination, en proposant de penser la
communication à partir de la culture. Il s'appuie cette fois sur P.
Freire et A. Gramsci, et invite à penser la domination
comme processus de communication et non plus la com-
munication comme processus de domination. Il n'y a pas
seulement, dans l'hégémonie, un asservissement. On peut
aussi y repérer une complicité. C'est ce qui fait que la com-
munication est à la fois un processus social et un champ de
bataille culturel. Dès lors, les principales caractéristiques de
son oeuvre sont repérables. J. Martín-Barbero est un pen-
seur de concepts métissés. Il combine M. Serrano3 à P.
Ricoeur, P. Freire à A. Gramsci. Il va utiliser M. Foucault,
M. de Certeau, M. Merleau-Ponty pour dresser, jusqu'à
aujourd'hui, cette « cartographie nocturne » qui permet, se-
lon lui, de comprendre la domination, la production, le
travail, mais à partir des brèches de la consommation et du
plaisir, pour identifier les situations à partir des médiations
et des sujets4.

Dans un texte récent5, revenant sur la genèse de ses ana-


lyses, J. Martín-Barbero identifiait un certain nombre
2
M. C. Laverde Toscazo, op. cit., p. 201.
3
M. Martín Serrano. La mediación social. Madrid. Akal, 1977.
4
M. C. Laverde Toscano, op. cit., p. 199.
5
J. Martín-Barbero, « Cambios en el tejido cultural y massmediación de
la política ». in J. I. Bonilla Vélez, G. Patiño Díaz. Comunicación y
política, Viejos conflictos, nuevos desafíos, Bogotá. Pontificia Universidad

www.mediaciones.net
4

d'emprunts. A P. Ricoeur, il prend la notion de sujet et


l'idée qu'il faut expliquer pour comprendre. Il lui emprunte
également le concept de médiation, dans trois sens distincts.
Une médiation produite par l'« épaisseur des signes eux-
mêmes », une médiation qui émerge de la reconnaissance
impliquée par le langage, et une troisième qui « constitue la
relation au monde comme lieu d'émergence du sens »6. A P.
Ricoeur enfin, il reconnaît devoir la place qu'il accorde à la
métaphore, considérée non seulement comme heuristique,
mais aussi comme référentielle. Elle donne une description
du monde. De M. Merleau-Ponty, il tient le refus du beha-
viorisme : c'est à partir de notre corps que nous voyons et
connaissons le monde, et nous sommes faits de la chair du
monde. De M. Foucault, il reprend l'idée que les représenta-
tions dépendent fondamentalement de l'endroit, invisible,
depuis lequel on se représente (les Ménines, dans Les Mots et
les Choses).

Une fois en Amérique latine, où il fonde les études de


communication à Cali (Colombie), J. Martín-Barbero va
permettre la rencontre de cette synthèse théorique et des
situations particulières du sous-continent. La communica-
tion ne peut pas être pensée en symboles, termes d'aliéna-
tion et de domination. L'étude de la communication doit
prendre en compte la culture. Mais cette dernière revêt des
formes populaires, marginales : elle se développe dans les
bandes de jeunes, les quartiers périphériques des villes.
Selon l'auteur, la théorie de la domination, qui se contente
de décrire une Amérique latine objet de l'oppression cultu-
relle, ne rend donc pas compte de la communication. Les
Latino-américains doivent construire leurs propres théories
pour analyser la communication au sein de leur continent,
en utilisant à leur manière les concepts que leur fournissent
les Européens. Des médias aux médiations sera ainsi un ou-
Javeriana, CEJA. 2001.
6
M. C. Laverde Toscano, op. cit., p. 203.

Des médias aux médiations. Préface.


5

vrage fondateur pour les études de communication en Amé-


rique latine. Il y importe des concepts d'origine européenne,
fait connaître aux chercheurs d'Amérique latine Th. W.
Adorno, W. Benjamin, M. Foucault, M. de Certeau... et
adapte les concepts que J. Martín-Barbero en tire à des
réalités sud-américaines.

Pièce majeure des études de communication dans cette


zone géographique, Des médias aux médiations permet égale-
ment de découvrir un paysage plus large de travaux dont un
numéro de la revue Hermès7 a donné récemment un pre-
mier aperçu. Malgré sa date de publication, l'ouvrage de J.
Martín-Barbero témoigne du renouvellement de la scène des
sciences sociales latino-américaines8 dont on a générale-
ment mal mesuré (quand on ne l'a pas tout simplement
ignoré) l'importance en France et en Europe. Car cette oeu-
vre entre en résonance avec les réflexions entreprises depuis
près de vingt ans par d'autres théoriciens latino-américains
comme N. García-Canclini9 qui, lui aussi, a porté son re-
gard sur les cultures urbaines et populaires (musicales,
audiovisuelles) en les analysant sous l'angle de « l'hybrida-
tion ». Elle fait écho également à celle de R. Ortiz qui, à
partir d'un autre poste d'observation, a développé, dans son
analyse des identités collectives, une critique radicale des
conceptions « essentialistes » de la culture. Il en va de même
des travaux de B. Sarlo10 ou de ceux du chercheur péruvien

7
« Amérique latine. Cultures et communication » (dir. G. Lochard et
Ph. R. Schlesinger). Hermès, n° 28. Paris, CNRS Editions. décembre
2000.
8
Voir à cet égard le texte de Ph. R. Schlesinger et N. Morris, « Des
théories de la dépendance aux théories de la résistance ». Hermès, n° 28.
9
N. García Canclini. Culturas híbridas. Estrategias para entrar y salir de la
modernidad. Mexico, Grijalbo. 1990; N. García Canclini, Consumidores y
ciudadanos, Conflictos multiculturales de globalización, Mexico. Grijalbo,
1995.
10
B. Sarlo, Culturas populares, viejas nuevas. Escenas de la vida postmoderna,

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6

R. Roncagliolo qui se sont développés autour d'interroga-


tions similaires.

Au-delà de leur diversité, voire des divergences qu'elles


présentent entre elles, toutes ces oeuvres démontrent qu'el-
les n'ont pas simplement abandonné les théories de la
domination prépondérantes dans les années 1960 et 1970.
Elles les ont réellement dépassées en ne se ralliant pas sim-
plement, comme on l'a dit parfois en Europe, aux théories
dites « révisionnistes » sur les processus de réception média-
tique, mais en développant une pensée originale – laquelle
s'enracine dans un contexte où les phénomènes de déterrito-
rialisation des cultures révèlent une autre intensité qu'en
Europe. Une telle situation confère donc à ces travaux une
portée quelque peu anticipatoire quant à de nouvelles orien-
tations scientifiques et de nouveaux objets de recherche qui
se font jour depuis quelques années de l'autre côté de
l'Atlantique. A preuve, dans le secteur français des sciences
de l'information et de la communication, la multiplication
de travaux qui se déprennent d'une forme tenace de média-
centrisme en se penchant sur les divers modes d'appropria-
tion par les individus ou les groupes sociaux des discours
émis par ces institutions sociales. Ou encore ceux qui souli-
gnent les jeux d'interaction entre acteurs médiatiques et
mouvements sociaux pensés eux aussi comme des acteurs
discursifs. A preuve également, l'apparition, timide mais
effective en France, de travaux sur les médias communau-
taires ou les médias audiovisuels transfrontaliers dont les
effets sur les territoires d'accueil sont pensés en des termes
nouveaux. A preuve, enfin, les décloisonnements qui s'opè-
rent entre les études sur les médias de masse et les
investigations axées sur les pratiques culturelles qui font de
plus en plus appel à la notion de médiation.

Buenos Aires. Ariel, 1994.


Des médias aux médiations. Préface.
7

Timides jusqu'alors, du fait de compartimentations disci-


plinaires rigides et sclérosantes, toutes ces investigations
révèlent un engagement dans une forme d'interdisciplinarité
bien comprise pour laquelle la revue Hermès aura joué en
France un rôle déterminant. Comme en Amérique latine11,
ce mode de pensée semble aujourd'hui prendre une allure de
croisière en Europe, gagnée elle aussi par de pressantes
interrogations sur l'hétérogénéité culturelle et le caractère de
plus en plus « indécis »12 des identités. Et c'est là l'un des
premiers intérêts de l'ouvrage de J. Martín-Barbero que de
contribuer à fournir des outils théoriques pour penser de tels
phénomènes sous l'angle des processus toujours recommen-
cés des «décentrages» et de « déconstruction-reconstruction
» qui les animent en permanence.

Mais la nécessité de ce « décentrage » n'est-elle pas aussi


d'ordre scientifique, si l'on considère qu'en France (du
moins dans les études de communication), le débat théori-
que reste généralement oublieux de pans majeurs de la
production scientifique mondiale? C'est toute la question
que pose cette initiative éditoriale que la collection « CNRS
Communication » entend bien prolonger dans les prochai-
nes années par de nouvelles traductions d'ouvrages déga-
geant d'autres horizons sur d'autres zones géographiques et
culturelles. Du « premier monde » nécessairement ; mais
aussi du « second monde » et du « Tiers-Monde » dont les
difficultés économiques ne doivent pas masquer la vitalité
11
On en a une bonne illustration dans cet espace avec la vitalité des
recherches en socio-sémiotique qui, à partir d'autres positions théori-
ques, abordent des objets identiques (ou similaires) à ceux des travaux
sociologiques ou anthropologiques. Voir à cet égard les travaux de O.
Steimberg et O.Traversa sur les cultures urbaines et le premier numéro
de la revue De Signis, « La moda. Representaciones e identidad » (dir. L.
Escudero), Barcelone, Gedisa, décembre 2001.
12
Un qualificatif adopté récemment dans un numéro de la revue Lignes,
nouvelle série, « Identités indécises » (dir. M. Surya), Paris, Editions
Leo Scheer, octobre 2001.
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8

scientifique. Chez J. Martín-Barbero, l'approche scientifi-


que des phénomènes de communication est fondamentale-
ment politique. C'est en cela qu'elle rejoint le projet éditorial
de la revue Hermès et croise l'approche politique de D. Wol-
ton.

Guy Lochard et Bruno Ollivier

Des médias aux médiations. Préface.

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