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V.

Laurent

Les premiers patriarches de Constantinople sous la domination


turque (1454-1476). Succession et chronologie d'après un
catalogue inédit
In: Revue des études byzantines, tome 26, 1968. pp. 229-263.

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Laurent V. Les premiers patriarches de Constantinople sous la domination turque (1454-1476). Succession et chronologie
d'après un catalogue inédit. In: Revue des études byzantines, tome 26, 1968. pp. 229-263.

doi : 10.3406/rebyz.1968.1407

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1968_num_26_1_1407
LES PREMIERS PATRIARCHES
DE CONSTANTINOPLE
SOUS DOMINATION TURQUE (1454-1476)

SUCCESSION ET CHRONOLOGIE
D'après un catalogue inédit

Tous ceux qui ont étudié x la réorganisation de l'Église de Constant


inople après la catastrophe de 1453 sont unanimes à souligner la
rareté et le caractère à la fois fragmentaire et à certains égards fantai
sistedes sources disponibles. L'état de la documentation est à ce point
déficient que même la succession des patriarches n'a pu2 et ne peut
être établie de façon définitive.
Cette carence s'explique évidemment par le désarroi total auquel fut
en proie, dans une ville saccagée et vidée de ses habitants naturels, la
communauté chrétienne, lorsqu'elle put s'y reformer. Peu de clercs
ou de moines échappèrent à la captivité et le lent3 retour du plus

1. A vrai dire cette période obscure n'a pas encore trouvé son historien. Ce
qu'en disent les manuels les plus développés, comme celui de B. K. Stéphanidès,
Εκκλησιαστική Ιστορία. Άπ'άρχής μέχρι σήμερον Athènes 1948, p. 634, est
insignifiant. On se reportera, en attendant mieux, à divers articles de revues :
A. Papadopoulos-Kérameus, "Ερευναι περί χρονιάς τε και πράξεων των άπο
Αλώσεως άχρι έτους 1639 οικουμενικών πατριαρχών, dans le journal Νέα ΊΙμέρα
XXXVI, Trieste 1910, n. 1850 et du même, Συμβολαί εις την χρονολογίαν και
ιστορία των μεταγενεστέρων πατριαρχών Κωνσταντινουπόλεως dans 'Εκκλησιαστική
'Αλήθεια, IV, 1883-1884, ρ. 398-401; Α. Diamantopoulos, Γεννάδιος Σχολάριος
ώς 'ιστορική πηγή των περί. τήν Άλωσιν χρόνων, dans 'Ελληνικά, IX, 1936,
p. 285-B08.
2. Il suffît de comparer les listes établies par l'érudition moderne, depuis celle
de M. Giîdéon, ΙΙατριαρχικοι Πίνακες, Constantinople 1890, p. 478-485 jusqu'à
celle, toute récente, de la Θρησκευτική και 'Ηθική 'Εγκυκλοπαίδεια IX, 1966,
col. 831 pour constater que presque aucune ne donne exactement le même ordre
de succession pour la période ici considérée.
3. Il n'est, pour se faire une idée de la difficulté que les chrétiens réduits en ser
vitude — et ce fut le cas de la masse — eurent à recouvrer la liberté que de lire la
lettre qu'un notable grec de Gallipoli écrivit au sujet d'un membre de l'ancien
clergé impérial échoué dans ce port aux mains d'un turc rapace. Texte dans cette
revue XXII, 1064. p. 8Π-84.
230 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

grand nombre à la liberté priva l'Église au premier moment d'éléments


valables. D'autre part l'implantation dans l'ancienne capitale byzant
ine de notables transférés de partout, surtout du Pont et des Bal
kans, créa des problèmes de rivalités qui maintinrent longtemps le
trouble jusque dans le sanctuaire. Or il ne s'est pas trouvé un seul
annaliste pour relater au fil des jours la vie de ces années difficiles où
l'élément grec, au lieu de s'unir, s'épuisa en luttes fratricides sous le
regard sourcilleux ou intéressé du nouveau maître turc. Les plus anciens
récits que nous en ayons sont, dans leur ensemble, postérieurs de quel
ques décennies aux événements et présentent déjà de fâcheuses contra
dictions que les chroniqueurs suivants ont encore accusées.
A côté de ces sources proprement historiques les catalogues présen
tent,pour le sujet ici abordé, un intérêt capital. L'année fatale de
1453 est en effet aux yeux des compilateurs de ce genre d'écrits une
date-clé, à partir de laquelle la succession patriarcale de la période
moderne est, dans le plus grand nombre de cas, présentée à part dans
une suite qui se veut distincte de celle du moyen âge. Certes la plupart
des listes publiées 4 à ce jour ne donnent, pour la seconde moitié du
xve siècle, qu'une sèche nomenclature de noms ou n'accompagnent
ceux-ci que de données secondaires. On y glane toutefois des détails5
qui ont leur prix et permettront, lorsqu'un inventaire complet en
aura été fait, d'établir avec une exactitude suffisante à la fois la suc
cession et la chronologie des patriarches qui eurent la tâche ardue de
normaliser alors la vie de l'Église.
Le catalogue que l'on va lire tranche quelque peu sur ceux que l'on
connaît déjà. Certes il se trouve être comme ceux-ci d'un laconisme
déconcertant et semble même tout ignorer des deux premiers pontif
icats, particulièrement du triple passage de Scholarios à la tête de
l'Église. En revanche il a l'avantage de fournir des données qui,
jointes à celles, d'une authenticité indiscutable relevées dans les sources

4. Il n'est ici question que des listes, assez peu nombreuses, des patriarches
ayant gouverné l'Église aussitôt après la Conquête turque. On trouvera ci-après
p. 237 le relevé de celles que j'ai pu atteindre. Elles se répartissent en deux groupes,
suivant qu'elles présentent une tradition indépendante ou qu'elles dérivent d'un
modèle compilée sur base des Chroniques dont il est question ci-dessous note 26.
Je consigne en appendice un type de catalogue, insuffisamment édité, de la pre
mière catégorie.
5. Je n'en veux pour preuve que la liste même qui fournit la matière de cet
article, où j'ai puisé naguère des données inédites qui m'ont permis de fixer de
manière précise les dates du patriarcat d'Euthyme II (cf. BZ, LIX, 1961, p. 329-
332) et de faire connaître les origines princières de son successeur, Joseph II (cf. ici
même, XIII, 1955, p. 131-134).
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 231

contemporaines, spécialement dans des écrits récemment publiés de


Théodore Agallianos 6, permettent d'établir sur une base plus sûre
et selon une chronologie mieux étayée la succession des douze premiers
patriarcats qui inaugurèrent la vie de l'Église sous domination turque.
Il s'en faut certes que toutes les contradictions puissent être levées.
Néanmoins le tableau qui s'en dégagera offre assez de précision et de
cohérence 7 pour être présenté dans l'espoir que d'autres chercheurs,
encore plus heureux, en corrigeront les défauts et combleront les der
nières lacunes.
Je vais d'abord éditer et traduire le nouveau texte; j'en étudierai
ensuite l'ordre de succession, puis tenterai de serrer d'aussi près que
possible la chronologie des douze patriarcats dont notre document
fait état et qui s'échelonnèrent de 1454 à 1476.

1. — Le texte

Le texte que l'on va lire est extrait d'un catalogue patriarcal dont
il constitue la partie finale. Ce catalogue, qui appartient à la première
classe 8 de ce genre d'écrits, est composé de plusieurs parties compil
ées à des époques différentes. La plus récente que nous présentons
tranche nettement sur les précédentes en ceci qu'au lieu de ne marquer
que la durée (années, mois et parfois jours) des divers pontificats, elle
en fait connaître pour plusieurs avec plus ou moins de détails quelques
faits saillants 9. La nouveauté de l'ensemble porte à croire que le
rédacteur, s'il n'en fut pas témoin, vécut assez près des événements

6. Essentiellement les deux mémoires du grand chartophylax Théodore Agal


lianos écrits au début de 1463, et édités dans l'excellente monographie de Ch. Patri-
nélis, Ό Θεόδωρος Άγαλλιανος και οι ανέκδοτοι λόγοι του, Athènes 1966, ρ. 91-152.
Cité ci-après comme suit : Patrinélis, Agallianos. Ci, C. J. G. Turner Notes
on the works of Theodore Agallianos contained in codex Bodleianus canonicus
graecus 49, dans BZ, LXI, 1968. p. 27-35. Ce que l'auteur dit de la fâcheuse
importance que l'on attribue encore aux catalogues prouve qu'il est complè
tement étranger au problème.
7. Tableau récapitulatif et synoptique ci-après p. 261.
8. D'après la classification établie par Fr. Fischer, De Patriarcharum Gons-
tantinopolitanorum catalogis et de chronologia octo primorum patriarcharum,
dans Commentaria philol. Ienenses, III, Leipzig, 1884, p. 265-333. Voir spécial
ement p. 265. Cette liste qui se veut complète comprend trois parties compilées à
trois époques différentes, la première (éd. Fischer, op. cit., p. 294) allant des ori
gines à Constantin III Lichoudès (t 1063), la seconde continuant jusqu'à Calliste II
(t 1397), la Iruisiènie s'acliovant avec la déchéance, de Raphaël (1476).
9. Leur nouveauté apparente cette troisième partie aux Chroniques brèves,
sans que l'on n'ait nulle part d<' notice proprement biographique.
232 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

relatés, vraisemblablement au début du xvie siècle. De ce fait la liste


ici éditée doit être la plus ancienne que l'on ait à ce jour des patriarches
qui siégèrent immédiatement après la prise de Constantinople en
1453.
Cette impression est encore fortifiée par l'examen du manuscrit qui
la conserve, le cod. Laurent, gr. PI. LIX, 13 10, recueil factice de docu
ments n et d'opuscules 12 transcrits à la fin du xve et au début du
xvie siècle. Le volume était déjà en 1569 la propriété de l'humaniste
Ludovico Beccadelli, archevêque de Raguse 13 (1455-1572), qui, cette
année même, le céda à la Bibliothèque florentine avec quelques autres14.
Copiée, à en juger d'après le caractère de l'écriture, dans la première
moitié du xvie siècle, notre liste se trouve être ainsi contemporaine
de la plus ancienne chronique qui nous renseigne sur le destin du
patriarcat d'après la Conquête, cette Έκθεσις χρονική, dont la pre
mière forme, œuvre d'un anonyme, s'arrêtait pense-t-on à l'année
1517 15. Cette constatation est d'importance, car les données de ces
deux sources primaires sont sur plusieurs points inconciliables, sans
que l'on puisse, en certains cas, choisir entre elles.

10. Cf. A. M. Banduri, Catalogue codicum mss Bibliothecae Mediceae Lauren-


tianae varia continens opera graecorum Patrum, II, Florence 1768, col. 517-524
(cf. col. 521, n. xxiv). Le manuscrit fait précéder (ff. 169r-171r) notre liste de cinq
autres donnant la suite chronologique des empereurs, des patriarches orientaux
(Alexandrie, Antioche et Jérusalem) et des papes.
11. A signaler très spécialement une encyclique patriarcale de Maxime III en
date d'août 1477.
12. En particulier des vers et des prières de deux personnages bien connus du
xvc siècle, de Jean Eugénicos, le frère de Marc d'Éphèse, et de l'historien de
Mahomet II, Michel Kritopoulos d'Imbros.
13. Notice sur ce prélat qui savait assez le grec pour pouvoir traduire en latin
certaines œuvres de l'Antiquité et du Moyen Age dans Dizionario biografico degli
Italiani, VII, Rome 1965, p. 407-413. Né à Bologne le 17 octobre 1501, il mourut
le 29 janvier 1572.
14. En particulier le cod. Plut. IV, 27, excellente copie (xe s.) de plusieurs œuvres
de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze. Cf. Bandini, op. cit., I, col. 551.
15. Sur cette chronique consulter G. Moravcsik, Byzantinoturcica. I . Die byzan
tinischen Quellen der Geschichte der Türkvölker2, I, Berlin 1958, p. 251, avec indi
cation d'éditions et de littérature récente.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 233

Voici le texte :
Laurent, gr. PL LIX, 13 :
Τήν(1) δε Πόλιν έπεΐραν οι Τούρκοι, και γίνεται πατριάρχης (f. 171Γ)
1. — ό Σχολάριος ήγουν δ Γεννάδιος και άφήκεν(2) τό πατριαρχεΐον
και έπήγεν (3) εις τό μέρος των Σερρών εις τόν ναόν16 του τιμίου
Προδρόμου και χειροτονείται άντ'αύτοΰ
2. — 'Ισίδωρος πατριάρχης και θνήσκει και αυτός. Και χειροτονείται
3. — 'Αντώνιος 6 Κώκας ό έκ Λατίνων υιός, δς εκλήθη Ίωάσαφ,
και την λαμπραν κυριακήν17 πίπτει οικειοθελώς εν τη <κι>στέρνη της
Παμμακάριστου18 και έξέβαλον αυτόν ήμίθανον (4) και έστειλαν (5)
αυτόν εις την 'Αγχιάλου19. Άντ' αυτού" δέ χειροτονείται
4. — κυρ Σωφρόνιος πατριάρχης και ανερχόμενος έν τη κλίμακι
πίπτει και κλάσας τόν πόδα αυτού τέθνηκεν και άντ' αυτού γίνεται
5. — Συμεών ό Τραπεζούντιος ό αρχηγός της σιμωνιακής αίρέσεως.
Ούτος γαρ έταξε διδόναι τόν αύθ(έντην) φ(λω)ρ(ία) φ', μόν(ον)
πατριαρχεΰσ(αι)' δ και γέγονεν. Ήν δέ ό κΰρ Μάρκος ό Ξυλοκαράβης
μητροπολίτης Άνδριανουπόλεως ό έν φιλοσόφοις φιλόσοφος, ο θεωρία
και πράξει και λόγω δοκιμώτατος" εστίν δέ έν Νικομήδεια μητρο
πολίτης Μακάριος 20 ό λατινόφρων (6) ό καθηρημένος παρά πολλών.
αρχιερέων, και ό αυτός Συμεών ζητεί συλλειτουργεΐν (7) τω καθηρη-
μένω (8) Μακαρίω. Ό δέ κΰρ Μάρκος ού δέχεται τούτον ώς λατι-
νόφρονα και άργεΐ αυτόν ό πατριάρχης Συμεών.
6. —· Ό δέ κυρ Μάρκος λυπηθείς δίδει (9) τόν αύθέντην φλ(ω)ρία)
,αφ' και γίνεται πατριάρχης και εξωθεί τόν Συμεών. Πατριαρχεύσας

16. Plus exactement au monastère du Prodrome, au nord-est de Serrés, sur le


liane sud du mont Ménécée, au sujet duquel on peut consulter surtout A. Guillou,
Les Archives de Saint- Jean-Prodrome sur le mont Ménécée. Paris 1955, p. 5-15,
et N. Papageorgiou, Αϊ Σέρραι και τα προάστεια τα περί τας Σέρρας και ή μονή
'Ιωάννου τοο Προδρόμου, dans BZ, III, 1894, p. 225-239.
17. C'est-à-dire le dimanche de Pâques. Voir à ce sujet L. Allatius, De Eccle-
siae occidentalis atque orienlalis perpétua consensione. Coloniae Agrippinae 1648,
col. 1453-1455.
18. Cf. R. Janin, Constantinople byzantine2. Paris 1964, p. 213. Citerne dite
depuis de Fethiyecami et située sous la terrasse qui se trouve à l'ouest de la
mosquée de même nom.
19. Cette façon de s'exprimer peut vouloir dire deux choses, ou bien l'ex-patriar-
clie Joasaph fut simplement exilé dans la ville d'Anchialos ou bien — et ce sera le
cas de l'un de ses successeurs Marc ci-dessous — il aura reçu en manière de compens
ationl'administration de Yévêché. C'est le premier sens qui me parait ici le plus
probable.
20. Sur ce prélat qui fut au concile de Florence et en souscrivit le décret (juillet
1 î39), mais qui, de retour à Constantinople, fut des premiers à renier sa signature,
voir ci-dessous p. 252. 25:-!.
234 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

δέ ό κυρ Μάρκος, οί πολΐται ού δέχονται τούτον ως σιμωνιακόν και


έπιβάτην και συνάγουσιν άπαξ άπαν φλ(ω)ρ(ία) β και δίδουν τον
αύθέντην και εξωθούν τον Μάρκον ως παραβάτην. Λόγιος δέ ών ό
Μάρκος προσκυνεί τον αύθέντην και δίδει 21 τον την Ώχρειδ(ών)· και
χειροτονείται
7. — Διονύσιος πατριάρχης Κωνσταντινουπόλεως άνευ δώρων 22.
Ό γοΰν Διονύσιος μη θελήσας δεχθηναι τους σταυροφόρους 23, άλλα
διώκων, μετακαλείται πάλιν
8. — Μάρκος εις το πατριαρχεΐον και εξωθείται Διονύσιος.
9. — Ό δέ Συμεών τάττει φλ(ω)ρ(ία), ,γ τόν αύθέντην και έξωθεϊ
τον Μάρκον και ό Μάρκος τέθνηκε' χρεωστεΐ δέ ή Εκκλησία την
κυρίαν 24 άμήρισσαν (10) φλ(ω)ρ(ία) /γ* και διαφοραν ,α, ομού 7ζ, και
τάττει και αυτός ό Συμεών διδόναι. Έξήλθεν δέ και εζήτησεν εις τόν
κόσμον και μη δυνηθείς πληρώσαι έξώσθη και αυτός f. 171 ν (11) και
γίνεται παρ' ελπίδα τινά πατριάρχης
10. — 'Ραφαήλ βούλγαρος, υβριστής, οίνοπότης και απότομος.
δς έχειροτόνησεν πάν καθηρημένον και άνάξιον και τα όφφίκια τοις
βουλομένοις δέδωκε σιμωνιακώς (12).

(1) En marge latérale : Οί μετά τήν άλωσιν πατριαρχεύσαντες. — (2) άφίκεν.


(3) έπείγ(εν). — (4) είμήθαν(ον). — (5) εστηλαν. — (6) λαττινόφρων. — (7) συλει-
·

τ(ουρ)γ(εΐν). — (8) καθηριμ (έ)ν(ω). — (9) δίδη' — (10) άμύρισαν. — (11) Dans
la_marge supérieure : Πατριάρχαι εΐσιν ργ εις το όνομα των ψαλμών του Δαοίδ.
— "(12) σιμωνί,ακός.

21. A noter que Marc reçut ce siège à titre de bénéfice, à savoir comme proèdre,
non comme archevêque, car l'on eût eu autrement un cas de trisépiscopat, strict
ementinterdit, comme l'avait rappelé le procès intenté au patriarche Matthieu Ier
de 1402 à 1409 par deux membres du synode.
22. Il faut s'entendre. Le prélat sans doute n'offrit rien et ne versa rien lui-même,
mais il y eut marché, l'Ecthésis nous en est témoin (éd. Lambros, p. 29). La belle-
mère du sultan, Mara (voir ci-après la note 24), qui le fit élire, paya pour lui et aussi
pour d'autres, car, lorsque le synode aura déposé Denis, sa créature, elle assignera
l'Église en restitution d'une somme que celle-ci ne pourra pas solder. Voir ci-après
p. 256.
23. Le grand ecclésiarque Manuel Christonymos et le grand skévophylax
Georges Galésiotès, ligués contre le grand économe Théodore Agallianos. Voir à
ce sujet Patuinéms, Agallianos, p. 78-85, Cf. ci-après p.
24. Fille du kral de Serbie Georges Brankovic, Mara, élevée au sérail, fut épousée
par le sultan Mourad II en septembre 1435. A la mort de ce dernier (février 1451),
Mahomet II la renvoya à son père et lui donna en fief la région d'Ezova en Macé
doine ou elle vécut quasi en souveraine, dit la Chronique, jusqu'à son décès le
14 septembre 1487. Elle dut faire plusieurs séjours à Istanbul, comme le laisse
entendre notre document confirmé en cela par l'Ecthésis Chronikè (éd. Lambros,
p. 22, 29). Sur cette princesse voir Fr. Babinger, Mchmcds IL, des Eroberers,
Mutter, Legende und Wirklickeit, dans Münchener Beiträge zur Slavenkunde.
Festgabe Paul Diels. München 1953, p. 5.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 235

TRADUCTION

Les Turcs prirent la Ville et l'on fit patriarche

1. Scholarios, à savoir Gennade, qui abandonna le patriarcat et


se retira dans la région de Serrés à l'église du vénérable Prodrome.
A sa place fut ordonné
2. Isidore qui à son tour mourut. Et l'on ordonna
3. Antoine Kokkas, né de parents latins, qui prit le nom de Joasaph
et se jeta délibérément, le jour de Pâques, dans la citerne de la Pamma-
caristos. On l'en tira à moitié mort et on l'envoya à Anchialos. A sa
place fut ordonné
4. Kyr Sophrone qui, étant monté sur une échelle, tomba, se cassa
le pied et mourut. A sa place vint
5. Syméon de Trébizonde, l'initiateur de l'hérésie simoniaque.
C'est en effet lui qui décréta de faire au sultan un cadeau de 500 florins,
uniquement pour devenir patriarche. Ce qui se fit. Il y avait là kyr
Marc Xylokaravi, métropolite d'Andrinople, philosophe entre les
philosophes, très estimé pour son mode de penser et d'agir non moins
que pour son savoir. Il y avait aussi le métropolite de Nicomédie
Macaire le latinophrone qu'un synode de nombreux évêques avait
déposé. Or Syméon ayant décidé de concélébrer avec ce Macaire
déposé, Marc, qui n'acceptait pas ce dernier parce que latinophrone,
s'y refusa et fut suspendu par Syméon. Mais
6. Marc, irrité, fit don au monarque de 1 500 florins, devint patriar
che et chassa Syméon. Seulement quand Marc fut devenu patriarche,
ceux de Constantinople ne l'acceptèrent pas parce que simoniaque et
usurpateur. Ils rassemblèrent d'un seul coup 2 000 florins, les portèrent
au monarque et chassèrent Marc comme transgresseur. Marc lui, qui
était un homme éloquent, fit hommage au sultan qui lui donna l'arche
vêché d'Ochrida. Et l'on ordonna
7. Denis patriarche de Constantinople, sans cadeaux! Mais Denis,
refusant de recevoir les stavrophores qu'il persécuta bien plutôt, on
rappela
8. Marc au patriarcat et Denis fut expulsé. Puis voici que
9. Syméon assigne 3 000 florins au monarque et chasse Marc qui
mourut. L'Eglise avait envers la sultane (-mère) une dette de 3 OOO flo
rins, plus une différence de 1 000 autres, en tout 7 000 que- Syméon
décida de restituer. 11 s'en alla par le monde chercher celte somme,
236 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

mais, comme il ne put la verser en totalité, il fut lui aussi expulsé et


l'on eut, non sans quelque surprise, comme patriarche
10. Raphael le bulgare, insolent, buveur et cassant. Il ordonna tout
ce qu'il y avait d'excommunié et d'indigne et distribua les offices
à qui le voulut contre argent.

2. — La succession patriarcale

On eût pu s'attendre à ce que les patriarches appelés à gouverner


l'Église grecque après 1453 aient joui d'un pontificat à vie, difficile
mais continu. Le conquérant turc, en permettant à celle-ci de sur
vivre, avait en effet un intérêt majeur à ce que l'institution, destinée
à régir la communauté hellénique de la capitale, fonctionnât dans la
plus grande stabilité. La faveur inouïe que, dans un dessein d'habile
politique, Mahomet II lui marqua au moment où la réaction attendue
de l'Occident hypothéquait sa victoire était de nature à inciter se&
membres responsables à rechercher l'entente. Or rares ont été les
époques où les ambitions et les intrigues ont à ce point ébranlé, jusque
dans ses fondements, l'institution du patriarcat.
La conséquence inévitable de cette agitation fut que l'on assista
à un chassé-croisé de patriarches élus, démissionnaires, déposés,
réélus, et à nouveau congédiés suivant l'audience très éphémère dont
le clan qui les soutenait jouissait auprès de la Porte, car, comme
du temps de l'empire, chaque élection relevait du bon plaisir du
monarque. Au début les abdications (Gennade) ou les dépositions
(Joasaph et Sophrone) furent l'œuvre d'intrigues nouées au sein
même de la communauté; elles eurent dans la suite pour cause la
vénalité du sultan ou de ses ministres remettant le gouvernement de
l'Église au plus offrant. L'on vit ainsi se succéder pendant le premier
quart de siècle qui suivit la chute de Constantinople jusqu'à douze
pontificats, certains titulaires occupant le poste deux et trois fois
durant de très courtes périodes.
La confusion qui s'ensuivit a égaré les écrivains postérieurs qui ne
s'accordent même pas sur l'ordre dans lequel se sont fait ces change
ments répétés. Chroniques et catalogues offrent en effet de notables
divergences dont le tableau suivant donne une idée :
V. LAURENT Ι LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 237

A Β G D
Gennade Gennade Gennade Gennade
Isidore Isidore Isidore Isidore
Joasaph Sophrone Sophrone Joasaph
— Joasaph Joasaph Sophrone
Marc Syméon 1° Syméon 1° Syméon 1°
Syméon 1° Marc 1° Raphaël Marc 1°
Denis Denis Denis Denis
— — Marc 1° Marc 2°
.

Siméon 2° — — Syméon 2°
Raphaël Raphaël — Raphaël
Maxime Maxime Maxime

Cette quadruple liste est établie d'après les témoins suivants :

A = Les Chroniques : FEcthesis Chronikè (éd. Lambros, p. 18-35),


l'Historica patriarchica (éd. Crusius, p. 107-131) et l'Historia politica
CP (éd. Crusius, p. 15-26); le cod. Benaki 19 et un autre ayant appar
tenu à Papadopoulos-Kérameus (cf. BZ, VIII, 1899, p. 396, 397).
Β = Deux témoins, le cod. Patmiac. 285 (éd. Sakkélion. p. 313)
et le cod. Athos Iviron 286, f. 175 ν 25.
C = Cinq témoins : les codd. Athos Iviron 694 (de 1580), f. 231 v;
Météor. Barlaam 204, f. 233 v; Météor. Métamorph. 409, f. 285 ν
(éd. N. Bées, Τα χειρόγραφα των Μετεώρων, I, Athènes, 1967, p. 430);
Sinait. 1889, f. 250 ν.
D = Le témoin que nous produisons : le cod. Laurent gr. LIX, 13.

Aucune de ces quatre listes n'est en tout point identique à l'une des
trois autres. Les Chroniques (A) présentent à la vérité un même ordre,
mais leur autorité n'est pas grandie pour autant, car, pour les récits
des événements de la seconde moitié du xve siècle, les plus récentes
dépendent étroitement 26 de l'Ecthésis Chronikè qui, de ce chef,

25. On en trouvera le texte en appendice à ce travail.


26. A savoir VH istoria Patriarchica attribuée à Manuel Malaxos (éd. M. Crusius,
Turcograeciae libri VIII, Bâle 1484, p. 107-184 (texte) et p. 185-212 (notes de Cru
sius) et VHistoria Politica {Ibid., p. 1-43 (texte) et p. 44-68 (notes de l'éditeur).
Cf. Moravcsik, Byzantinoturcica2, I, pp. 251, 296. Cette dernière reproduit presque
partout mot à mot l'Ecthésis Chronikè à laquelle l'Histoire Patriarcale de Malaxos
n'ajoute rien en ce qui concerne l'objet de la présente enquête. Sur ces deux ouvra
ges l'on peut consulter l'expose descriptif, non critique, de Ch. de Ci.erco. La
238 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

importe exclusivement en l'occasion. Seul l'accord des catalogues


apparentés (A) pourrait ajouter quelque poids au témoignage de cette
dernière, s'il était avéré qu'ils ne s'en inspirent pas. Ce qui n'est null
ement le cas. Les rares faits dont certains d'entre eux font état comme le
récit de l'humiliante épreuve à laquelle se prêta le patriarche Denis
et telles expressions ne se rencontrent en effet que dans les Chroniques
proprement dites dont une, celle du Ps. -Dorothée de Monembasie,
connut une très large diffusion 27. C'est à la même source que puisèrent
au reste [les [anciens historiens de l'Église comme le métropolite
d'Athènes Mélétios 28. [Sans attacher à l'Ecthesis Chronikè, source
de base pour l'étude de cette époque, l'importance exceptionnelle que
d'aucuns lui accordent 39, il y aura lieu d'en confronter les données
avec celles de catalogues qui, pour ne livrer qu'une nomenclature
de noms (C) ou ne les faire suivre que de brèves annotations (B),
les présentent dans une suite divergente posant ainsi le problème de
l'ordre réel de succession.
La liste (D) que nous éditons tranche sur l'ensemble sous divers
rapports. En premier lieu elle est plus complète, puisqu'elle est la seule
à n'omettre aucun nom 30. D'autre part la copie qui la conserve la
place parmi les plus anciens témoins, si même elle ne doit pas être
tenue pour le plus ancien (début du xvie siècle). Enfin, et surtout, à la
différence des autres catalogues, elle nous livre sur certains patriarcats
des renseignements d'une précision telle qu'ils semblent empruntés à
une tradition encore marquée par l'événement. Leur caractère d'au
thenticité apparaît ainsi assez nettement et l'on ne saurait leur refuser
un préjugé favorable sous réserve d'un examen approfondi.

Turcograecia de Martin Grusius et les patriarches de Constantinople de 1453 à


1583, dans Orientalia Christiana Periodica, XXXIII, 1967, p. 210-220. N. Toma-
dakis a fait connaître une Chronique brève étroitement apparentée, elle aussi, à la
susdite Ecthesis Chronikè. Extrait dans Έπετηρίς εταιρείας βυζαντινών σπουδών,
XXV, 1955, p. 33-37.
27. Cf. MoRAvcsiK, op. cit., p. 412, 413. Il est à noter que, pour la période anté
rieure à 1514, cette chronique transcrit aussi littéralement ou presque l'Ecthesis
à laquelle le démarqueur ajoute cependant des informations d'origine inconnue.
28. Auteur d''une Histoire ecclésiastique, compilée entre 1703 et 1714 et éditée en
trois tomes à Venise en 1783, un quatrième devant leur être ajouté à Vienne en
1795. Jugement assez sévère sur l'ouvrage par B. Knös, L'histoire de la littérature
néo-grecque. La période jusqu'en 1821. Uppsala 1962, p. 476.
29. Cf. Moravcsik, op. cit., p. 251 : Sachlich wie chronologisch hat die Chronik
grossen Wert. Je ne crois pas, en ce qui concerne tout au moins la période ici
étudiée (1453-1476), que l'on puisse adhérer à ce jugement vraiment trop optimiste,
surtout sous le rapport de la chronologie trop souvent fautive.
30. Sa nomenclature s'achève en effet sur celui de Raphaël.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 239

Le rapport de nos diverses sources établi, examinons la succession


patriarcale telle qu'elle en ressort.
L'accord est entre elles total en ce qui concerne les deux premiers
pontificats : Gennade Scholarios et Isidore se sont bien succédé sur
le trône œcuménique. On notera toutefois qu'il n'est fait nulle part
mention du deuxième et troisième patriarcats de Scholarios. Autre
point commun : le laconisme, voire le mutisme de la plupart d'entre
elles touchant l'action, qui dut être déterminante, de ces deux pontifes
sur la nouvelle orientation de l'Église grecque. Il n'y a rien là que nous
ne sachions d'autre part. Visiblement les premiers compilateurs de
nos listes modernes comme aussi l'auteur anonyme de l'Ecthesis Chro-
nikè écrivirent à une époque où la figure de ces deux fortes personnal
ités s'était déjà quelque peu estompée.
L'effet de ce recul dans le temps est encore plus sensible dans le cas
de leurs successeurs Joasaph et Sophrone. Non seulement ce que l'on
nous en apprend est somme toute fort peu, mais les divergences sont
graves en ce qui concerne l'ordre dans lequel ces deux prélats ont
administré le patriarcat. Les sources disponibles se divisent en effet
en trois groupes, le premier auquel se rattache notre liste (D) a la suite :
Joasaph-Sophrone, le deuxième, formé par la majeure partie des
manuscrits (B + C), donne inversement cette autre : Sophrone-
Joasaph, tandis que le troisième, composé des Chroniques et des
manuscrits apparentés (A) tait le nom de Sophrone. Ce dernier silence,
aussi surprenant qu'il paraisse, ne tire nullement à conséquence, car,
comme il est noté ci-dessous 31, il est intentionnel. Au reste Sophrone
a bel et bien été patriarche et toute la question est de savoir qui de
lui ou de Joasaph a succédé à Isidore IL
Nous écarterons d'abord un autre silence des sources, en suite de
quoi le troisième patriarche d'après la Conquête ne serait ni l'un ni
l'autre, mais un troisième personnage dont toute trace 32 se serait

31. Cette remarque ne vaut toutefois que dans l'hypothèse où le patriarche


Sophrone et le mémorialiste Sylvestre Syropoulos seraient une seule et même
personne. Voir ci-après p. 250, 251. Au cas contraire, il s'agirait d'un simple oubli.
32. A moins d'admettre (cf. Patrinélis, Agallianos, p. 66, 67) que Joasaph est
le même que Joseph, ce métropolite d'Héraclée à qui la Chambre Apostolique
fit verser à Venise, le 19 décembre 1450, la somme de 200 florins. Voir à ce sujet
G. Mercati, Scritti d'Isidoro il cardinale ruteno. Roma 1926, p. 134 avec la note 3.
Il est difficilement croyable que ce prélat unioniste, certainement choisi pour son
adhésion au décret conciliaire de Florence, puisqu'il succédait à Antoine, ait été
élu, même repentant, comme patriarche. Son cas de transfuge était autrement
plus grave que celui de son collègue Macaire de Nicomédie, un résistant de la
240 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

perdue. Non seulement une éclipse aussi totale paraît invraisemblable,


mais la chronologie telle que nous l'établissons ci-après exclut l'inser
tiond'un nouveau patriarcat dans une succession déjà trop chargée.
Le choix se limite donc bien entre Joasaph et Isidore.
On a cru trancher le problème d'emblée en se basant 33 sur le ra
isonnement suivant. Le 15 août 1464, Scholarios se trouvait pour la
troisième fois à la tête de l'Église. D'autre part un acte patriarcal,
émis par Sophrone, porte la date d'août 1464. Si donc Sophrone avait
succédé à Isidore, et cela le 1er avril 1462, on serait bien en peine de
trouver place pour le deuxième patriarcat de Scholarios. Joasaph
précéda ainsi nécessairement Sophrone au patriarcat.
Cette argumentation serait concluante si toutes les données en étaient
certaines. Or l'une d'entre elles me paraît suspecte au point que la
conclusion en est, à mon avis, sinon faussée, du moins fortement
ébranlée.
L'on admet en effet généralement que Sophrone gouvernait l'Église
en août 1464 sur base d'un document transcrit à la fin du xve siècle
dans un incunable conservé à la Bibliothèque Nationale de Vienne 34.
Or à l'examen il se présente malgré son ancienneté comme un
faux notoire, ainsi que nous l'établissons ci-dessous 35.
Dans cette hypothèse, que je crois fondée, d'un faux, rien ne s'oppo
seraità ce que Sophrone ait succédé à Isidore. Certains indices insinue
raient même qu'il en fut ainsi, surtout si l'on devait, comme on le
fait généralement, identifier ce patriarche avec Sylvestre Syropoulos,
le mémorialiste du concile de Florence 36. Théodore Agallianos nous
apprend en effet que le troisième patriarche d'après la Conquête avait
une très grande expérience des affaires ecclésiastiques; il ajoute de
plus que le personnage était au moment de son élection métropolite
d'Héraclée de Thrace 37. Or l'on sait que Syropoulos fut longtemps
l'un des hauts fonctionnaires les plus compétents au service de l'Église
et de l'État 38. D'autre part sa présence à la tête d'une éparchie pro
vinciale expliquerait que Scholarios, au moment de recruter les cadres

première heure qui n'en connut pas moins les pires ennuis. Voir ci-après
p. 252,253.
33. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 65, 66.
34. Au sujet de ce volume voir ce qui est dit ci-après p. 271.
35. P. 265-278.
36. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 65, n. 325 (avec les références nécessaires).
37. Ibid., p. 66, 118 22-46.
38. En qualité de grand ecclésiarque, de dikaiophylax et de juge général. Voir
à nouveau l'Introduction à mon édition de ses Mémoires.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 241

de l'administration patriarcale, n'ait pu s'adresser à lui et n'ait eu,


pour l'aider efficacement, que son autre compagnon de lutte, ce même
Théodore Agallianos 39.
Mais il n'y a là qu'une apparence. En effet dans une lettre datable
de 1465, Scholarios parle d'un lamentable événement advenu deux ans
auparavant au sein de l'Église et si pénible qu'il n'osait ni y penser ni
en parler 40. Or on a là une allussion transparente à ce qui arriva à
Joasaph, au traitement ignominieux que lui fit subir le sultan et à la
tentative de suicide qui en fut la conséquence41. Le jour de Pâques42
1463, Joasaph se trouvait donc être patriarche et, comme on le verra
tantôt, il touchait alors à la fin de son mandat. Or comme le successeur
d'Isidore était déjà en charge au début de cette même année 43, et
que son pontificat eut quelque durée, on est fondé à penser qu'il
s'identifie avec Joasaph, d'autant que l'Ecthesis Chronikè va même
jusqu'à placer 44, au prix d'un anachronisme, la prise de Trébizonde
par les Turcs (15 août 1461) sous son pontificat. Au reste si le faussaire
dont il est question ci-dessus a choisi de mettre son encyclique sous le
nom de Sophrone en août 1464 c'est sans doute que dans sa pensée ce
patriarche occupait toujours son trône. La nouvelle de son remplace
ment n'était pas encore parvenue à sa connaissance. Son ignorance
est explicable. Elle insinue clairement que cette année là Sophrone
avait gouverné l'Église et cela depuis un temps indéterminé. De la
sorte la succession des premiers patriarches s'établit de préférence
ainsi : Scholarios, Isidore, Joasaph et Sophrone.
Le deuxième problème que posent nos listes concerne Marc et
Syméon. D'après l'Ecthesis45 et les quelques listes qui lui sont appa-

39. Du moins au témoignage de ce dernier. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 98261-2·68.


Nul doute que si Syropoulos s'était trouvé à sa portée, Scholarios eût eu recours à
ses services lors de la réorganisation de l'administration patriarcale. Il était plus
lié avec lui qu'avec Agallianos.
40. Cf. L. Petit, X. A. Sidéridès, M. Jugie, Œuvres complètes de Gennade Schol
arios, IV, Paris 1955, p. 26529"30 : ουδέ λόγω ρητά ουδέ διάνοια χωρητα τοις εΐδοσιν
οσα δεύτερον έτος ήδη ό πονηρός έτερατεύσατο δαίμων. L'ouvrage est cité ci-après
de cette façon : Scholarios, Œuvres complètes. Pour Turner, loc. cit., p. 34
ce passage ferait référence non à l'affaire d'Amiroutzès mais au renversement de
la politique religieuse suivie par les patriarches Gennade et Isidore. Je ne sau
rais l'admettre, car dans le cas Scholarios se serait exprimé autrement.
41. Voir infra p. 247, 248.
42. Cf. n. 17.
43. Patrinélis, Agallianos, p. 64, 118987·988.
44. Cf. Sp. Lambros, Ecthesis Chronica and Chronicon Athenarum. London 1902,
p. 27".
45. Ibid., p. 28, 29. Voir ci-dessus le tableau p. 237.
242 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

rentées (A), Marc aurait précédé Syméon sur le trône patriarcal. Ses
ennemis auraient obtenu en peu de temps sa déchéance sous le pré
texte qu'il avait acheté sa haute charge. L'ensemble des catalogues
(BC) renversent cet ordre et se trouvent ainsi d'accord avec notre
nouveau document (D) qui ajoute d'étonnantes précisions, entre autres
celle-ci que Syméon, ayant succédé à Sophrone, aurait eu un grave
conflit avec Marc encore simple métropolite. Le détail qui accompagne
cette information et qui a pu être difficilement inventé joint au fait
qu'au moment de la vacance du siège patriarcal la colonie de Trébi-
zonde, transférée à Constantinople 41, avait de forts appuis au sérail
porte à croire que notre liste dit vrai et que Syméon précéda son advers
aire à la tête de l'Église. Le commentaire qu'on lira ci-après soul
ignera la pertinence de cette conclusion.
Le nom de Denis qui vient ensuite dans toutes nos sources se trouve
être ainsi à sa vraie place et ne saurait faire difficulté. Il n'en va pas de
même de sa succession, qui selon l'Ecthésis et son groupe de témoins
(A) aurait échu à Syméon, tandis que notre liste (D) appuyée par la
majorité des manuscrits (C) place entre ces deux noms celui de Marc mis
en charge une seconde fois. Cette addition étonnante est difficilement
recevable, bien qu'elle ne manque pas de quelque vraisemblance,
si l'on songe que les tombeurs de Denis, les stavrophores Galésiotès
et Christonymos, étaient les hommes-liges de Marc. Si ce dernier
revint à la tête de l'Église, son passage dut être très bref, l'homme étant
récusé par l'ensemble des Grecs. Cette exclusion rapide et sans doute
brutale de leur protecteur expliquerait certes l'acharnement que
mirent les deux susdits archontes à combattre Syméon dont le pontif
icat, tû par la majorité des catalogues (B et C), est bien attesté d'autre
part. Mais ils avaient, pour ce faire, une habitude trop ancienne.
Ces élections et dépositions continues de patriarches avaient jeté
la colonie grecque en pleine effervescence. Les Turcs prirent l'initia
tive de lui donner pour chef spirituel un moine qui n'était pas de sa

46. Cf. Babingek, Mahomet II le Conquérant et son temps (1432-1481). Paris 1954,
p. 236. A en croire l'Eclhesis Chronikè (éd. Lambros, p. 2815) de nombreux jeunes
trapézontins, enfermés dans le sérail, firent carrière et parvinrent à de très hautes
situations dans l'administration ottomane. Ils s'y rencontrèrent avec des descen
dantsdes plus hautes familles byzantines, surtout Paléologues et Gantacuzènes.
Un cas typique présenté par F. Babinger, Eine Verfügung des Paläologen Châss
Murâd-Pasa von Mitte BegebS16 h — Dez. -Jan. 1471-2, dans Documenta Isla.mica
Inedita. Berlin 1952, p. 197-210. L'article de P. A. Argyropoulos, Les Grecs au
service de l'empire byzantin, dans 7453-1953. Le cinq-centième anniversaire de
la prise de Constantinople. Athènes 1953, p. 151-177 n'en souffle mot.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 243

race et pouvait en principe échapper à la pression des factions qui la


déchiraient. Ce fut le serbe Raphaël absent en B, déclassé en G, mais
présent en A et en D à sa vraie place que garantissent d'autres docu
ments 47. Enfin avec Maxime que notre liste, arrêtée à dessein au
nom précédent, n'avait pas à mentionner, l'Église de Constantinople
retrouva pour un temps 48, avec la paix l'exercice normal de ses insti
tutions.
L'examen des sources disponibles a révélé entre elles et la liste
inédite que nous présentons des différences majeures, partiellement
irréductibles. Mais l'impression générale que l'on en retire est plutôt
favorable à cette dernière qui, sauf sur un point — le second pontif
icatde Marc Xylocara\n — , n'est contredite par aucune autre donnée
certaine. Sentiment que l'étude de la chronologie de chacun des patriar
cats \^a encore renforcer.

3. — Essai de chronologie

Le début de la nouvelle liste éditée ci-dessus déçoit. En effet les


deux premiers patriarches n'obtiennent guère qu'une mention ano
dine. La personnalité même de Scholarios qui, après l'épouvantable
catastrophe de 1453, eût pu passer pour le second fondateur de l'Église
orthodoxe, s'est si peu imposée à l'esprit du compilateur qu'il s'y
prend assez maladroitement pour le désigner en tête de sa nomenc
lature : 6 Σχολάρι,ος ήγουν ο Γεννάδιος. Isidore, qui vient ensuite, est
encore moins bien traité, car on ne nous livre que son nom sans même
noter qu'il mourut patriarche, privilège qui fut refusé à tous ses suc
cesseurs ici mentionnés. Lacune plus grave pour notre propos : aucune
date n'est avancée ni pour la reprise de la vie ecclésiastique pourtant
si inespérée ni pour la durée de ces deux premiers pontificats. Il nous
faut en conséquence interroger les sources contemporaines.
1° Gennade Scholarios. — La journée du 30 mars 1453 lui fut
fatale. Parti la veille de nuit, après la prise de la ville, avec son neveu
Théodore Sophianos, il fut arrêté dans sa fuite 49 et conduit en capti
vitéà Andrinople où un riche turc l'acheta et le traita honorablement.
Il s'y morfondait quand Mahomet II, désireux de donner aux Grecs

47. B. Stéph ANiDÈs, 'Ραφαήλ ό A' και το πατριαρχικόν χαράτσιον, dans ΣυμοολαΙ
εις τήν έκκλησιαστικήν Ιστορίαν και το εκκλησιάστηκαν δίκαιον. Constantinople
1921, ρ. 104-118.
48. Pour l'histoire de la période qui suivit immédiatement se reporter aux
éludes citées ci-dessus p. 229 n. 1.
49. Cf. Sc.uoi.ahios, Œuvres complètes, 1, p. 280.
244 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

de son empire un statut religieux, le requit pour être le chef de la nou


velle communauté. Bien que la mission lui répugnât, il ne pouvait
s'y dérober, car, non seulement elle lui rendait la liberté, mais elle était
imperative et lui parut au reste comme un appel absolument inespéré
de la Providence.
Où et quand les premières ouvertures lui en furent-elles faites?
A en croire l'Ecthésis Chronikè 50 l'affaire aurait débuté à Istanbul
même après la prise de Sinope et d'Amastris. Cette affirmation est
doublement erronée. La campagne du Pont qui vit la conquête de ces
deux cités se situe en effet à la fin de 1460 et au début de 1461 51.
Il ne saurait être question de retarder jusqu'à cette date la restauration
du patriarcat. C'est très tôt, à Andrinople même, que Scholarios fut
pressenti. Théodore Agallianos, un témoin irrécusable, nous apprend 52
en effet, alors qu'il se trouvait lui-même esclave, à Brousse en Asie
Mineure, que ce dernier, toujours en Thrace, lui écrivit pour lui
demander son avis. D'autre part Scholarios vint à Constantinople
dans la suite 53 même du sultan. Or Mahomet II ne se fixa à Andri
nople de façon durable qu'en août 1453 pour y rester tout l'automne
et tout l'hiver 54. Mais il dut faire sur le Bosphore quelque apparition
au cours de laquelle il donna à Scholarios, pour lui et les moines qu'il
put grouper, l'un des couvents déserts où il réorganisa la vie religieuse.
Ce monastère auquel de pieux laïcs, serviteurs des nouveaux maîtres,
s'agrégeaient 55 fonctionna quelque temps sous la direction de son

50. Lambros, Ecthesis, p. 18, 19. D'après Scholarios lui-même (cf. Scholarios,
Œuvres complètes, IV, p. 22418-20), ce sont les Grecs qui auraient découvert au
sultan l'endroit où il se cachait et l'auraient demandé comme chef spirituel. Il
semble bien que l'argent, avancé par des tiers, ait joué quelque rôle en la circons
tance.
51. F. Babinger, op. cit., p. 230-232.
53. Patrinélis, Agallianos, p. 98262-263 : γέγραφέ μοί, έκ της 'Αδριανού.
53. Cf. Scholarios. Œuvres complètes, IV, p. 22424 : αύτοΰ κομίζοντος τοϋ δεσπότου.
54. Babinger, op. cit., p. 129, 132. Après la prise de Constantinople, Mahomet II
rentra à Andrinople le 21 juin 1453. Il en repartit sans tarder pour l'Anatolie où
il resta 35 jours, puis regagna sa capitale thrace au cœur de l'été.
55. Par exemple Nicolas Isidore, fixé à Andrinople, remplissant dans un vaste
circuit la charge d'emin, donc assurant la gestion des biens donnés à terme, ainsi
que la rentrée des impôts. Ce fonctionnaire grec, au service des Turcs en automne
1453, s'occupait des intérêts que Scholarios semble avoir laissés sur place, et faisait
demander à ce dernier qu'on inscrivît son nom dans le brebion de son couvent et
qu'on en fît mention à la prothèse. Cf. J. Darrouzès, Lettres de 1453, dans cette
revue XXII, 1964, pp. 101, 123. Il est probable que le personnage fut de ceux qui
révélèrent au sultan le nom du didascale Scholarios qu'ils portèrent jusqu'aux
nues et le lieu de sa retraite.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 245

nouvel higoumène qui put ainsi mûrir plus aisément 56 son plan en
vue de réorganiser l'Église.
Cette retraite dura quelque peu, car l'ordination et l'installation qui
se déroula avec éclat selon le rituel des anciens empereurs byzantins
se firent à une date certifiée par l'intéressé lui-même, le 6 janvier
1454 : ή τήν άρ/ιερωσύνην δουσα. τον πέρυσι, χρόνον ήμερα του φωτί,σμοΰ57.
Auparavant un nombreux synode d'évêques, réunis en assemblée
constituante, l'avait régulièrement élu. Combien de temps resta-t-il
en charge? S'il fallait s'en tenir à la résolution dont il fit solennell
ement part, en octobre 1454, au clergé et aux fidèles de Constanti
nople 5S, ce premier patriarcat aurait duré une année jour pour jour
et se serait terminé le 6 janvier 1455. Mais cette annonce anticipée
fut-elle suivie d'effet? En réalité le sultan qu'une retraite aussi pré
maturée dut à nouveau indisposer ne pouvait qu'intervenir 59, en
sorte que cette menace de démission resta lettre morte. Combien des
temps Scholarios, qui n'avait accepté la charge qu'avec l'intention
de s'en défaire60, la garda-t-il? L'Echtesis Chronikè 61, suivie par
M. Malaxos, dit cinq ans et plus, donnée que d'autres transforment
en cinq ans et demi, voire, comme Mélétios 62, en cinq ans et six mois.
Ce qui est manifestement exagéré. Le catalogue que nous rééditons
en appendice parle de deux ans et demi. Ce qui est encore trop, mais
renferme une indication. En tenant compte du désir de Scholarios
de résigner ses fonctions au jour anniversaire de sa prise de pouvoir,
le jour de l'Epiphanie, on peut conjecturer prudemment que le
6 janvier 1456 marqua la fin de son premier patriarcat. Les limites
de celui-ci seraient donc : 6 janvier 1454-6 janvier 1456.
2° Isidore. — A coup sûr ce religieux qui milita, au temps de

56. Si tant est que ses moines qu'il dut, ce semble, racheter et dont il déplore la
turbulence comme l'indocilité lui en laissèrent le loisir. Cf. Scholarios, Œuvres
complètes, IV, p. 22425"35.
57. Ibid., p. 23330-32.
58. Ibid., p. 23322-33. Scholarios avait eu l'intention de démissionner dès le mois
d'août, puis avait reporté sa décision de deux mois à la demande de ceux qui
avaient à en connaître, à savoir les secrétaires grecs du sultan (cf. Patrinélis,
Agallinnoft, p. 72, n. 355). Ces deux mois écoulés, les mêmes insistèrent pour qu'il
restât, à son poste une année entière. Celle-ci révolue, une seconde lui fut imposée.
59. Son insistance à vouloir s'en aller excitait de son propre aveu la colère du
sultan. Cf. Ibid., p. 22634 : είργε μεν ό βασιλεύς σύν οργή.
60. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 98275-276. Scholarios qui avait appelé Georges
Cialésiotès pour faire partie du clergé de Sainte-Sophie évita de recourir à ses ser
vices.
61. Lamurus. Erthrxix. p. 2012.
62. Cf. Mki.ktios, op. rit.. Ill, p. 33(1.
246 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

l'empire, aux côtés de Scholarios contre l'union de Florence63, fut


moine au couvent des Xanthopouloi64 et portait depuis longtemps65
le titre de père spirituel, ici père spirituel de la Ville (entendez, pour
l'heure, de la communauté grecque d'Istanbul). Le laconisme de notre
liste cache ce fait, exceptionnel en cette période tourmentée, qu'il
mourut en fonction après un pontificat d'une durée également anor
male pour l'époque. Agallianos nous fait en effet connaître la date
précise de son décès, le 31 mars 1462. Or d'après le catalogue redonné
en appendice et qui se veut d'une précision exemplaire, il aurait
gouverné l'Église six ans et deux mois et demi. Il en aurait ainsi pris
la direction vers le 15 janvier 1456. Or ceci concorde parfaitement
avec ce qui est dit ci-dessus de la date de démission de Scholarios,
si l'on admet une courte vacance du siège, car il est normal que le
choix de son successeur ait demandé au moins quelques jours. On
retiendra donc comme dates du patriarcat d'Isidore : c. 15 janvier
1456-31 mars 1462.
3° Joasaph Kokkas. — Nous avons vu ci-dessus qu'en plaçant
Joasaph immédiatement après Isidore notre liste s'accordait avec la
plus importante source historique concernant cette époque66 contre
la majorité des catalogues et de plusieurs listes établies67. Nous avons
conclu que ce classement devait être préféré à celui qui met Sophrone

63. On trouve son nom parmi les signataires du mémoire antiunioniste qui fut
remis en novembre 1445 (cf. Patrinélis, Agallianos, p. 32, n. 153), à l'empereur
Jean VIII après les conférences du palais de Xylalas. Texte dans Scholarios,
Œuvres complètes, III, p. 188-193 (voir p. 193). Voir à ce sujet S. Pétridès,
Documents sur la rupture du concile de Florence, dans Échos d'Orient, XIV,
1911, p. 204, 205 avec la note 5.
64. Sur cette maison religieuse consulter R. Janin, La Géographie ecclésiastique
de V empire byzantin. I. Le siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique.
III. Les églises et les monastères, Paris 1953, p. 393; R. Loenertz, Correspondance
de Manuel Calécas (Studi e Testi, 152). Città del Vaticano 1940, p. 84, 85 (La Com
munauté des Xanthopoules).
65. En effet son nom paraît déjà avec ce titre dans une lettre de JeanEugénicos
à Bessarion avant « qu'il ne versât dans le latinisme », donc avant la fin du concile
de Florence (juillet 1439), voire avant l'embarquement pour l'Italie (novembre
1437). Alexis Lascaris y est dit porteur de lettres d'Isidore pour Bessarion qui,
à en juger d'après la manière dont s'exprime son correspondant, ne devait pas
encore être évêque. Texte dans Sp. Lambros, Παλαΐ.ολόγεί.α και Πελοποννησιακά,
I, Athènes 1912, p. 16522-23; cf. S. Pétridès, Œuvres de Jean Eugénicos, dans
Échos d'Orient, XIII, 1910, p. 279.
66. Cf. Lambros, Ecthesis, p. 2020.
67. Voir par exemple la plus critique, celle de Germain de Sardes, op. cit.,
p. 7, 8 et 28.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 247

avant Joasaph. L'élection de ce dernier se fit d'extrême urgence68


du vivant même de son prédécesseur, son intronisation étant réservée
pour le lendemain 1er avril 1462. D'autre part Agallianos nous est
garant que le nouveau patriarche était toujours en charge au début
de 1463 au moment où il rédigeait ses deux mémoires 69. Notre liste
ajoute une précision inattendue : la tentative de suicide à laquelle
succomba Joasaph eut lieu le jour de Pâques. Or, comme nous l'obser
verons tout à l'heure à propos de Sophrone, cela n'a pu se passer
qu'en 1463, soit le 10 avril de cette année 70, que l'on peut tenir comme
le dernier terme de son pontificat. Certes l'Echtesis Ghronikè veut
repousser la déposition du patriarche à une date quelque peu posté
rieure, vers le temps (1er novembre 1463) où l'empereur de Trébizonde
David et les siens furent mis à mort71. Mais cette information72 me
semble, une fois de plus, contestable. Les deux faits — l'épisode de la
Pammacaristos et l'exil à Anchialos du pontife — eurent en effet
une même cause : le refus d'autoriser le mariage73 de Georges Amirout-
zès, favori du sultan et cousin germain du grand vizir Mahmoud
pacha, avec la belle veuve du dernier duc latin d'Athènes Franco
Acciauoli. La dépression nerveuse à laquelle céda Joasaph ne saurait
s'expliquer uniquement, comme le laissent entendre les récits qui en

68. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 63 et 11 8987. On ne voit pas la raison de cette


hâte apparemment anticanonique, si du moins Isidore n'avait pas donné aupa
ravant sa démission.
69. Intitulé λόγοι, à la fois plaidoyer pro domo et diatribe contre ses deux prin
cipaux ennemis, le grand skévophylax Georges Galésiotès et le grand ecclésiarque
Manuel Ghristonymos. Texte dans Patrinélis, Agallianos, p. 91-152.
70. La fête de Pâques tombant ce jour-là. Cf. V. Grimel, Chronologie (Traité
d'études byzantines, 1). Paris 1958, p. 263.
71. Cf. Lambros, Ecthesis, p. 2 713-16. Sur la fin dramatique de l'empereur David
et des siens consulter A. M. Schneider, Miscellanea Constantinopolilana. III. Die
letzten Tage der Gross Komnenen, dans Oriens Christianus, XXXV1, 1941,
p. 224 suiv. et J. Emoch Powell, Die letzten Tage der Grosskomnenen, dans
BZ, XXXVII, 1937, p. 359, 360.
72. Acceptée par tous et en dernier lieu par Turner, loc. cit.. p. 34. Mais la
chronologie de ces chroniques, issues du même tronc, est dans son ensemble trop
fautive pour qu'on puisse s'y fier sans raison, du moins pour les événements qui
suivirent la chute de Constantinople et se passèrent au cours de la période ici
étudiée.
73. L'historicité de cet épisode est récusée parX. Tomadakis, Έτούρκευσεν ό
Γεώργιος Άμιρούτζης;, dans Έπετηρίς εταιρείας βυζαντινών σπουδών, XVIII, 1948,
ρ. 116-118. Je ne crois pas pouvoir aller jusqu'à cet extrême, tout en admett
antqu'il peut y avoir confusion de personnes (l'identité de la veuve du duc-
d'Athènes) et erreur de date (novembre au lieu d'avril) dans le récit de l'Eethesis.
Sur l'affaire lire E. Le<;rand, Bibliographie hellénique aux XVe et Λ"Γ/(' siècles,
III, 1903, p. .195-200.
248 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

font état 74 par les seuls tracas que lui causèrent la rébellion des moines
et les intrigues des archontes laïcs. On ne voit en effet pas que ces
marques d'hostilité, phénomène courant de cette époque de réadapt
ation, aient poussé ses successeurs, eux aussi fortement malmenés,
à pareille extrémité. Ceux-ci ont tous fait front et leurs adversaires
n'ont eu d'autre ressource que d'acheter leur déchéance à prix d'argent.
Le tourment de conscience que lui causèrent les exigences sacrilèges
d'Amiroutzès et le traitement ignominieux que lui infligea, en lui fai
sant couper la barbe, le sultan irrité par son refus ont pu seuls faire
vaciller sa raison. Il est normal qu'une fois tiré d'affaire Joasaph,
autour duquel les médecins semblent s'être affairé75, ait été soigné
sur place, mais on ne voit pas de quelle autorité après l'humiliation
subie ce pontife eût encore pu jouir au sein d'une communauté en
pleine effervescence. Il est d'autre part normal que Mahomet II,
pressé de satisfaire Amiroutzès, ait au plus tôt remplacé le patriarche
récalcitrant. Enfin, comme on va le voir, cette date du 10 avril
concorde assez bien avec les repères chronologiques dont nous dispo
sons pour les pontificats suivants. Selon nous Joasaph aura donc
siégé un peu plus d'un an.
On aura d'autre part remarqué des précisions que notre liste est
seule à donner. Selon elle en effet le nom de baptême de Joasaph
aurait été Antoine, mais surtout il serait né de parents latins. Ce fait
peut expliquer à la fois l'opposition opiniâtre des clercs à son endroit
et sans doute aussi l'ordre de lui couper la barbe, le clergé occidental
n'en portant pas. En outre le lieu de son exil aurait été la ville
d'Anchialos sur la Mer Noire. La manière dont s'exprime notre auteur :
έστειλαν αυτόν εις την 'Αγχιάλου, ferait assez croire que Joasaph obtint
l'administration de la métropole, comme Marc Xylocaravi recevra,
dans les mêmes circonstances, celle de l'archevêché d'Ochrida76. Mais
cette conclusion ne s'impose pas, d'autant qu'aucune source ne signale
d'évêque de ce nom à la tête de cette Église thrace à cette époque.
Ces données que rien ne contredit sont, dans leur ensemble, par
faitement acceptables et donnent à penser que, pour ce pontificat
et ceux qui vont suivre, le compilateur de notre liste a puisé à bonne
source. On y ajoutera cette information particulièrement importante
qu'avant d'accéder au trône œcuménique Joasaph se trouvait être

74. En premier lieu l'Ecthesis Chronikè (éd. Lambros,p. 2021-23) dont s'inspirent
des catalogues du groupe A.
75. Selon M. Malaxos (éd. Crusius, op. cit., p. 121).
76. Voir ci-dessus p. 234 n. 21.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 249

métropolite d' Héradée depuis 1454 au moins, en dépit de ce qu'avance


Manuel Malaxos selon77 qui ce patriarche aurait été ordonné parle
titulaire en charge de la susdite éparchie. Il ne pouvait évidemment
pas se sacrer lui-même et n'en avait au reste, comme évêque, évidem
mentpas besoin.
4° Gennade Scholarios. — ■ Notre liste donne Sophrone comme
successeur immédiat de Joasaph. C'est le lieu de constater à nouveau
qu'aucune de nos sources ne fait état des deux retours de Scholarios
au patriarcat. Or le deuxième d'entre eux semble bien devoir se
placer ici. On imagine en effet aisément la confusion qui dut régner
dans le milieu grec à la suite de la tragédie du jour de Pâques. Le
sultan, parti sur les entrefaites pour sa campagne d'Occident78, n'était
plus là pour imposer l'ordre sinon le calme. A son défaut un seul
homme avait pour cela l'autorité suffisante, Scholarios, qui, requis
d'office par le pouvoir civil, céda à la violence 79. Turcs et Grecs pou
vaient s'estimer heureux de son retour, les premiers parce qu'ils
voyaient en lui l'idole de sa nation, les seconds parce qu'ils le savaient
allergique à toute autre autorité. Le clan d'Amiroutzès et ses support
ers ottomans y avaient un autre avantage. Scholarios, devant parer
à une situation sans issue, n'était-il pas allé, en 1454, par une déro
gation inouïe au principe sacré de l'indissolubilité du mariage, jus
qu'à reconnaître la légitimité d'unions contractées par des épouses
séparées de leurs conjoints par la captivité, puis réclamées par ceux-ci
au moment de leur libération? Cette extension, encore en vigueur80,
de la règle de l'économie, qui profitait à temps de fidèles, ne lui serait-
elle pas applicable? Scholarios avait seul le pouvoir nécessaire pour
en décider. Et il est hautement probable qu'en le forçant à revenir
on y ait pensé. Mais ce cas n'était pas assimilable aux autres et c'est

77. L'Ecthesis Chronikè est ici d'une sobriété exemplaire, tandis que l'Histoire
Patriarcale (éd. Crusius, p. 1212 et Bonn, p. 962-3), plus tardive, est d'une précision
inquiétante.
78. Cf. F. Babinger, op. cit., p. 261 suiv. Il ne devait rentrer à Istanbul qu'à la
fin de l'été ou au début de l'automne.
79. Cf. Scholarios, Œuvres complètes, I, p. 1974, où il est question de la tro
isième accession forcée de Gennade au trône patriarcal.
80. Elle avait été en effet décrétée en 1454 pour dix années. Cf. Patrinélis,
Agallianos, p. 68-70. Cette mesure scandalisa les milieux monastiques et lui
fournit son principal chef d'accusation contre Scholarios qui, excédé par leurs
clameurs, avait démissionné volontairement une première fois. Les moines du Sinaï
eux-mêmes semblent s'en être émus et le patriarche crut devoir légitimer sa
conduite dans une lettre à l'un d'entre eux, Maxime Sophianos (éd. Schoi.arios.
(ΚιΐΛΊΊ-s mm pietés, IV. p. 202-204).
250 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

sans doute son refus de donner satisfaction au courtisan qui déchaîna


contre le patriarche la cabale dont les excès le poussèrent à s'enfuir
précipitamment 81 au bout d'un temps très court. Ainsi, inauguré
à la fin d'avril ou au début de mai, ce second patriarcat dut s'achever,
comme on va le voir, à la fin de juin ou au début de juillet 1463.
Il ne saurait dont être question d'une durée d'un an, comme on
l'admet communément.
5. Sophrone. — L'existence de ce pontificat que les Chroniques
et les catalogues (A) qui s'y rattachent passent intentionnellement 82
sous silence ne saurait être contestée, car mention expresse en est
faite dans un acte patriarcal d'une authenticité indiscutable &3. D'autre
part l'unique catalogue qui en marque la durée l'estime à un an et
demi 84. Si donc nous acceptons — nous l'avons fait ci-dessus avec
réserve — la date mise sous la lettre85 faussement passée sous son
nom — août 1464 — son intronisation remonterait à février 1463.
Ce qui ne se peut évidemment. Il faut donc admettre que le compil
ateur du cod. Ivir. 286, ne tenant aucun compte du second patriarcat
de Scholarios auquel il n'est fait au reste aucune allusion, aura estimé
grosso modo, en l'arrondissant suivant une pratique courante en ce
genre d'écrits, le temps écoulé entre avril 1463 et l'été 1464. Sophrone
sera demeuré de la sorte à la tête de l'Église un peu plus d'un an, du
début de l'été 1463 jusqu'en juillet 1464.
Une seule source, l'appelle Syropoulos. Est-ce assez pour l'iden
tifier avec le mémorialiste du concile de Florence, Sylvestre Syro
poulos? On l'admet généralement. J'ai émis à ce sujet des doutes à
une autre occasion 86. Une constatation me porterait aujourd'hui à
les lever, du moins partiellement. En évoquant, dans un acte de juillet
1488, les accusations portées contre les différents patriarches qui
s'étaient succédé depuis la conquête turque, le synode concédait qu'il
put y en avoir eu de justes ou de prétendument telles87, particulière-

81. Cf. Ibid., IV, p. 27220"30 : και προτροπάδην άναχωροϋντες αύθις έπανηγόμεθα.
82. Je crois en effet qu'il y a là une preuve supplémentaire que le patriarche
Sophrone et le Sylvestre Syropoulos ne font qu'un; les historiens postérieurs, et
en premier lieu l'auteur de l'Ecthésis dont les autres s'inspirent, voulant ignorer
le patriarche (damnatio memoriae) en raison de son prétendu latinisme fondé sur
le fait qu'il avait signé le décret d'union à Florence.
83. Cf. Ep. I. Stamatiadks, 'Εκκλησιαστικά σύλλεκτα, Samos 1891, p. 3225,
dans un acte synodal de juillet 1488.
84. Voir p. 276.
85. La lettre patriarcale que nous rééditons ci-après p. 263.
86. Dans cette revue, XXIII, 1965, p. 141 n. 4.
87. Stamatiadès, op. cit.,]). 3222"25; καί τίνα εύλογα δήθεν των εγκλημάτων ήσαν
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 251

ment dans le cas de Sophrone. Qu'est-ce à dire, sinon que ses adver
saires lui iirent un crime d'avoir signé le décret du concile de Florence!
Un homme, capable d'une telle forfaiture, n'était-il pas indigne de
gouverner l'Église? Et ceci n'est pas pure hypothèse. Le sort fait à
un autre prélat que nous retrouverons tout à l'heure, Macaire de
Nicomédie, qui, lui aussi, eut la même faiblesse, est symptomatique
à cet égard. La portion du clergé qui n'avait pas été contraint au
voyage d'Italie et pour cela se savait pur de toute compromission
avec les Latins ne pouvait supporter que le sort de l'Orthodoxie ait
été remis par un synode complaisant entre les mains d'un homme qui
par lâcheté l'avait bafouée. Ces extrémistes l'emportèrent-ils? L'en
semble des catalogues dit que Sophrone fut expulsé 88. Notre liste
affirme qu'il tomba d'une échelle, se cassa le pied et mourut. Au fond
ces deux données ne sont pas nécessairement contradictoires. L'acci
dent a pu réduire le pontife à un degré d'impuissance qui ne lui
permit plus de lutter avec la même efficacité. La cabale l'emporta
et le chagrin de sa déchéance aggravant son état physique, il est
normal que la mort n'ait pas tardé.
6. Scholarios, 3°. — Une date est ici certaine. Le jour de l'Assompt
ion, donc le 15 août, de l'année 1454, Scholarios prononça l'homélie89
dans l'église patriarcale de la Pammacaristos. Il devait être de retour
depuis quelque temps, car aucune allusion n'est faite dans ce long
discours à une récente prise de charge. Quant à la durée de ce pontif
icat, il fut d'une année pleine de l'aveu même de l'intéressé 90: ΚαΙ ημείς
μεν ένι,αυτον όλον έλεεινώς εις τήν θείαν θύραν έκρούομεν. Cette phrase
indique assez clairement que Scholarios était en service commandé
et que le sultan, cette fois présent dans sa capitale91, veillait à ce qu'il
restât au poste. Mélèce d'Athènes affirme d'après une source inconnue 92
que sa présence à la tête de l'Église fut en l'occurrence d'une année

παρά των τα τοιαύτα κεκινηκότων αρχιερέων τε και πατριαρχών κατ' αλλήλων...


τον άγιώτατον έν πατριάρχαις κυρ Σωφρόνιον δηλαδή. Le document ajoute que
ce n'était pas là, vu les circonstances, une raison pour mettre en avant des accusa
tionsmême justifiées.
88. Ces listes disent en effet : έςεβλήθη. Mais on peut se demander, comme le
même verbe est accolé au nom de Joasaph et des patriarches suivants, s'il ne
s'agit pas là d'une répétition machinale, les compilateurs ignorant certainement
comment finit le pontificat de Sophrone.
89. Cf. Kr.HOi..\iuos, Œuvres complètes, I, p. 197 .
90. Ibid., IV, p. \'/λ12.
91. Cf. R\rt\<;kr. op. cit.. p. 290. Mahomet 11 souffrant devait y passer iouf
J "hiver.
92. Cf. Mki.ktios, op. cit., 111, p. X\\.
252 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

entière, tandis que selon un catalogue 93 elle aurait été d'un an et demi.
Si donc l'on retient la fin de juillet comme ayant marqué la fin du
patriarcat de Sophrone, celui de Scholarios ne put se prolonger long
temps après le 15 août de l'année suivante. Commencé fin juillet-
début août 1464, il se sera achevé vers la fin de l'été 1465. En fait sa
durée aura été d'un an et deux ou trois mois.
7. Syméon, 1°. — Comme nous le remarquons ci-dessus, notre liste
bouleverse ici le rang connu de succession en plaçant le premier pont
ificat de Syméon avant celui de Marc. L'auteur lui étant manifeste
ment hostile, on pourrait croire qu'il le nomme d'abord pour pouvoir
mieux lui imputer la détestable et onéreuse initiative consistant à
faire au sultan un cadeau pour prix du patriarcat. Mais, outre que
la quasi totalité des catalogues (B C D) le placent à ce rang, les détails
nouveaux fournis par le compilateur du cod. Iviron 286 sont d'une
telle précision qu'on hésite à rejeter son témoignage. Il nous apprend
en effet que Syméon aurait fait déposer par le synode ce même Marc
alors métropolite d'Andrinople — il le devint au cours de l'année
indictionnelle 6973 (sept. 1464-août 1465) 94 — pour son refus de
concélébrer avec son collègue de Nicomédie Macaire, déchu et sanc
tionné anciennement pour ses sympathies latines 95.
Ce dernier trait paraît suspect à première vue, car Macaire, qui
avait bien mis sa signature au bas du décret du concile de Florence
un quart de siècle auparavant, l'avait protestée dès son retour sur le
Bosphore et se trouva être en 1445 le prélat le plus considérable,
voire même le président de cette Hiera Synaxis qui se voulait la tête
de l'Église réelle et militait contre le latinisme officiel sous l'égide de
Georges Scholarios. Il souscrivit en effet le premier le mémoire 96 que
le groupe des opposants remit (octobre 1445) à Jean VIII Paléologue
à l'issue des conférences contradictoires du palais de Xylalas et au

93. Voir ci-après p. 263 l'appendice. Si le mot ήμισυ n'est pas là de trop, on
doit tenir le chiffre de six mois comme arrondi.
94. L'acte synodal (sans nom de patriarche), conservé dans le cod. Metoch. S.
Sepulchr. 145, a été publié dans Gr. Kampouroglou, Μνημεία της ιστορίας των
'Αθηναίων, II, Athènes 1890, p. 358-360 par M. Gédéon. Germain de Sardes,
op. cit., p. 9, n° 28 a émis des doutes sur l'identité de ce métropolite Marc avec le
patriarche homonyme. Notre liste en fait justice.
95. Macaire de Nicomédie signa en effet le décret du concile de Florence. Cf.
J. Gill, Quae supersunt Actorum graecorum, concilii Florentini. Rome 1953,
p. 4661. Photo de la signature, Ibidem sur la planche qui précède l'Introduction.
96. Cf. Scholarios, Œuvres complètes, I II, p. 19310. Sur la date de ce document
consulter Patrinélis, Agallianos, p. 33 en note.
V. LAl'RENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 253

bas de la lettre dogmatique que les mêmes envoyèrent le 18 janvier


1452 aux Hussites 97.
On comprendrait mal l'attitude signalée ici de Marc à son égard,
si l'on ne se rappelait la campagne que le premier, alors simple
moine, mena dans l'île de Crète 98 contre l'union de Florence. Elle
avait été si passionnée et si violente que les autorités vénitiennes le
déclarèrent indésirable. Mais son zèle devait lui valoir avec l'épiscopat
la métropole d'Andrinople. D'autre part il avait rapporté de son
équipée insulaire une solide répulsion pour les Latins et tous ceux qui,
à un degré quelconque, s'étaient commis avec eux, se fussent-ils
repentis presque aussitôt. Ainsi l'on avait bien vu Macaire se faire
pardonner, le 12 février 1464 ", sa lointaine défaillance et présenter
à cette occasion devant le synode une profession de foi pour laquelle
il n'avait cessé de lutter au premier rang depuis un quart de siècle.
Mais le patriarche d'alors était Sophrone qui, s'il devait vraiment
s'identifier avec Sylvestre Syropoulos, se serait trouvé dans le même
cas et s'exposait de ce fait à ce qu'une absolution100 donnée sous sa
présidence fut contestée par les extrémistes. Marc comptait précis
émentparmi ces derniers et l'on doit voir là la raison de son opposi
tionsystématique à l'égard du métropolite de Nicomédie.

97. Photo de la signature de Macaire dans Patrinélis, Agallianos, sur la


planche qui suit la page 160.
98. Il était né à Constantinople. Le père s'enfuit de la ville prise par les Turcs
et obtint de s'établir à Réthymna en Crète avec ses deux fils dont Macaire qui s'y
signala par son zèle antilatin. Cf. A. Papadopoulos-Kérameus, Μάρκος Ξυλοκα-
ράβης, dans Viz. Vremenn. Χ, 1903, p. 402-415 (voir p. 403-405); Ν. Β. Toma-
dakis, Μιχαήλ Καλοφρενας Κρής, Μητροφάνης Β' και ή προς τήν ενωσιν της
Φλωρεντίας άντίθεσις των Κρητών, dans EEBS, XXI, 1951, ρ. 135, 136.
99. A cette dernière date il endossa et fit sienne la profession de foi du nomo-
phylax Léon qui avait été condamné et déclaré suspens sous le patriarche Isidore
pour le seul fait d'avoir, alors qu'il n'était que simple clerc, accompagné le patriar
che Joseph II au concile de Florence. Textes des deux prélats dans Nectaire
de Jérusalem, Περί της αρχής του πάπα Άντίρρησις. lassy 1692, ρ. 231, 232.
100. Le patriarche Isidore II — le sort réservé au nomophylax le prouve — dut
sévir durement contre tous les signataires du décret de Florence et le synode de
nombreux évêques qui déposa Macaire se tint certainement sous son pontificat.
Son successeur Joasaph, sans doute parce que d'origine latine, ne put que marquer
à l'égard des défaillants qui s'étaient repentis une juste compréhension. Sophrone I,
s'il s'identifie vraiment avec Sylvestre l'ancien grand ecclésiarque, réalisa que les
attaques dont ils étaient l'objet n'auraient de cesse que si un autre synode ne les
absolvait sur présentation de leur profession de foi orthodoxe. C'est, semble-t-il,
à cette occasion que Macaire de Nicomédie présenta la sienne. Absous canonique-
ment, le métropolite pouvait concélébrer sans empêchement aucun avec le patriar
che et ses autres collègues. L'attitude du patriarche Syméon était donc canonique-
ment irréprochable.
254 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

La version des faits présentée par notre liste est donc parfaitement
plausible. On peut seulement se demander si son auteur n'a pas dél
ibérément chargé la mémoire de Syméon — l'homonymie des noms
(Syméon-Simon) l'y invitait — en l'accusant d'avoir, le premier,
exploité à son avantage la vénalité des Turcs. Mais ici encore l'éven
tualité ne peut en être exclue, à cette réserve près que la charge put
être négociée avec ou sans l'accord du bénéficiaire par un fort parti
de compatriotes, transférés comme lui de Trébizonde à Constanti
nople et jouissant dans les sphères ottomanes d'une réelle influence.
Dans ce cas l'argent qui l'avait porté à la tête de l'Église devait
l'en faire déchoir à bref délai. Syméon ne fit sans doute que passer,
car Marc ne devait pas tarder à marquer des points.
8. Marc Xylokaravi. — Une date est certaine dans le dossier de
ce patriarche : en juin 1466 101, il occupait en effet le trône œcuménique
et cela depuis assez longtemps pour qu'il put se plaindre au métrop
olite de Dercos et à l'évêque de Métra de leur réserve à son égard.
Ces prélats, non contents de ne l'avoir pas complimenter à l'occasion
de son accession au patriarcat, allaient, disait-on, jusqu'à omettre
de faire mémoire de lui dans la liturgie et, fait patent, ne lui avaient
encore soumis aucune affaire. Comme il s'agit d'éparchies très proches
d'Istanbul, le temps écoulé depuis que Marc était à la tête de l'Église
ne devait pas excéder plusieurs mois, en sorte que ce premier pontif
icat dut tenir tout entier dans l'année 1466.
A la vérité les sources grecques ne nous fournissent qu'une indica
tionvalable, malheureusement assez imprécise : ποιήσας ουν καιρόν
ολίγον102. Je ne pense pas que dans l'esprit de l'auteur103 cette expression
puisse s'étendre à une année entière. La durée d'un semestre la justifie
pleinement, en sorte que la déposition du patriarche dut se situer
au cours de l'été. A la fin de juin celui-ci devait déjà se sentir menacé
d'exclusion, s'il est vrai qu'il affichait alors l'intention de revenir
avec les siens en Crète. Le 26 de ce mois le Sénat de Venise, en en
prenant acte104, donnait aux autorités de l'île l'ordre de refouler les

101. Date de la lettre patriarcale dont il va être question, destinée à être lue
par les soins de l'exarque Joachim dans les églises des deux éparchies de Dercos et
de Métra. Éditée par M. Gédéon, dans D. G. Kampouroglou, op. cit., p. 354.
102. Cf. Ecthesis Chronikè (éd. Lambros, p. 28 ).
103. A vrai dire cette expression qui revient assez souvent sous la plume du
chroniqueur a chez lui une portée relative. Suivant le contexte elle peu dési
gner plusieurs années par rapport à un siècle ou quelques jours dans un mois.
104. Cf. VI Lamansky, Secrets <V État de Venise. Saint-Pétersbourg 1884, p. 052 :
cum eius filius (Marc Xylokaravi), magni ingenii et magne astutie, iverit Cons-
V. LURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 255

arrivants, s'ils mettaient leur dessein à exécution. Ils ne firent sans


doute pas, car Marc déchu resta sur place plaidant inlassablement
son bon droit auprès des métropolites malgré les huées et les sévices
de la foule à son endroit 105. Celle-ci lui reprochait d'avoir usurpé sa
haute charge et de l'avoir achetée.
Le premier grief doit être retenu, car si le patriarcat lui échut malgré
une très large opposition, c'est qu'il lui fut conféré du dehors à l'inst
igation de quelques partisans, principalement du grand chartophylax
Georges Galésiotès et du grand ecclésiarque Manuel Christonymos,
par des archontes grecs 108 comme le secrétaire du sultan Démétrius
Kyritzès dont dépendait pour beaucoup le sort de l'Eglise. Le grand
synode qui eut à examiner le recours de Marc aurait sans doute conclu
à son retour en charge si la propre belle-mère du sultan n'avait pas
été dans la nécessité d'y faire opposition. On verra tantôt que l'influence
de cette princesse avait elle aussi ses limites.
L'accusation de simonie est-elle justifiée? Dans son principe oui,
car si rien ne paraît avoir été versé, il y eut marché 107, Marc ou ses
supporters s'étant engagés à verser, selon notre liste, 1 500 florins à
la Porte. La somme ne peut sans doute être réunie assez tôt et c'est
alors que Mara, la femme chrétienne de Mourad II, entra en jeu.
Désireuse de faire cesser le scandale qui désolait et ridiculisait son
Église, elle versa à son beau-fils 2 000 florins 108 et obtint la déchéance
de Marc. Elle avait en effet son candidat.

tantinopolim factus fuerit Patriarcha Constantinopolitanus... et dicitur illum


presentem esse reversurum in Greta... Ipsi (les autorités de l'île) debeant ipsum
patrein et filios, quando redierint, licentiare de insula Crete.
105. Cf. Lambros, Ecthesis Chronikè, p. 28, 29. Le chroniqueur ajoute que
Marc ne pouvait pas paraître dans la rue sans qu'on lui jetât des pierres.
106. L'immixtion des deux secrétaires grecs dans les affaires de l'Église est
attestée et déplorée par un acte synodal qui doit être de 1474 ou 1475. Il y est dit
que ces deux personnages, non contents de venir siéger en séance aux côtés des
métropolites, les menaçaient de la colère du sultan au cas où ils ne se prononc
eraient pas conformément à leur désir. Cf. Stamatiadès, op. cit., p. 21. Scholarios,
lui-même, avait souffert de cette intrusion des éléments laïcs au service de
Mahomet II dans la vie de l'Église. Cf. Scholarios, Œuvres complètes, IV,
p. 224724; commentaire de Patrinélis, Agallianos, p. 71-78 (voir p. 72 n. 355).
107. M. Malaxos dit bien que le sultan encaissa la somme offerte, mais, là
comme ailleurs, il précise, en la dépassant, la pensée de la source dont il s'inspire
à savoir Γ Ecthesis Chronikè où ne figure rien de tel. Elle dit même (p. 2819-20) le
contraire, à savoir que ni Marc ni aucun de ses prédécesseurs n'avait rien versé,
quitte à ajouter (p. 291) que selon le sultan on s'était convenu de mille Ilorins.
108. Même montant selon l'Ecthesis Chronikè (éd. Lambros, p. 2922). La princesse
aurait donc doublé d'un coup la somme offerte au sultan en l'occasion. Cette gêné-
256 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

9. Denis. — Le moment où Denis fut élu ne peut être déterminé


avec certitude. On sait seulement, grâce à plusieurs documents 109,
qu'il était en charge dès janvier 1467. Mais il est probable que son
intronisation remontait à l'automne de l'année précédente. La durée
de ce pontificat aurait été de huit années selon l'Ecthésis Chronikè110.
Donnée certainement excessive, car, comme nous le verrons tout à
l'heure, il avait cédé la place à la fin de 1471 au plus tard. Il sera donc
resté à la tête de l'Église cinq mois et demi au maximum.
Notre liste affirme au sujet de Denis qu'il reçut le patriarcat sans
bourse délier. Il faut s'entendre ici encore. Le nouveau candidat fut
probablement tenu en dehors de la tractation qui évinça Marc. La
note à régler fut négociée dans les coulisses du sérail entre Mahomet II
et sa belle-mère, l'épouse chrétienne de son père Mourad II, à savoir
Mara m, la fille du kral de Serbie Georges Brankovic. Sur ce point
l'Ecthésis doit dire vrai 112. L'Église n'eut donc rien à se reprocher
cette fois. L'initiative de l'opération revint à la sultane qui avait son
candidat, son propre confesseur, Denis, lequel avait été, au couvent
des Manganes le disciple de Marc d'Éphèse. Réduit en esclavage
lors de la prise de Constantinople, il avait été racheté par l'un des deux
secrétaires grecs du sultan, Démétrius Kyritzès, et vint ainsi en rela
tions avec la princesse qui le fit d'abord nommer métropolite de
Philippopoli. En le plaçant ensuite sur le trône œcuménique, cette
dernière entendait aussi écarter les deux partis — celui de Marc et
celui de Syméon — qui troublaient l'Église. Mais si elle parvint à l'y

rosité a dû paraître excessive au compilateur de notre liste qui, pour réduire l'écart
d'avec le « cadeau » fait la fois précédente, aura élevé celui-ci à 1 500 florins.
109. Ainsi le synode procéda ce mois-là à l'élection de Cyrille à la métropole de
Patras. (Cf. 'Ελληνικά, III, 1930, p. 46) et à la déposition, dont il va être question,
des deux archontes qui troublaient l'Église. Un autre acte, de l'année indiction-
nelle 6975 (sept. 1466-août 1467), restitua au métropolite d'Éphèse l'évêché de
Magnesia (éd. Δελτίον της ιστορικής και εθνολογικής Εταιρείας της Ελλάδος,
II, 1885, ρ. 652-654).
110. Ed. Lambros, p. 306.
111. Fille de Georges Brankovic (f 1456), Mara avait été, encore enfant,
enfermée dans le sérail de Mourad II qui l'épousa le 4 septembre 1435. A la mort
de celui-ci (f février 1451), la princesse avait été renvoyée à son vieux père, puis
dotée richement par Mahomet II en Macédoine où elle devait mourir le
14 septembre 1487. Cf. F. Babinger, Mehmeds II. des Eroberers Mutter. Legende
und Wirklichkeit, dans Münchener Beiträge zur Slavenkunde. Festgabe für
Paul Diels, München 1953, p. 5. Voir aussi ci-dessus, note 24.
112. Cf. Lambros, Ecthesis Chronikè, p. 29, 30.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 257

installer, elle ne réussit pas à l'y maintenir, si tant est qu'elle fut
toujours là pour le soutenir113.
Denis eut en effet dès le début de puissants ennemis, les stavro-
phores auxquels notre liste attribue sa chute, surtout Manuel Chris-
tonymos, car, comme Denis était le favori de la sultane, Ghristonymos
se trouvait être la créature du puissant Kyritzès et l'on ne saurait
exagérer en pensant que la princesse et le secrétaire de la Porte avaient
des vues divergentes en matière de succession patriarcale. Le conflit
entre leurs protégés devenait inévitable.
Denis, à peine promu, prit les devants et fit déposer avant la fin
de l'année 1466 son prédécesseur. Et, comme Marc, resté sur place,
manifestait trop bruyamment contre cette mesure 114, il condamna
et suspendit, le 15 janvier 1467115, les deux stavrophores, Galésiotès
et Christonymos, qui animaient la campagne de son adversaire. Mais
la Porte dut intervenir, car le tandem, réhabilité, reprit son action
subversive et finit par obtenir l'éloignement de Denis après déposition
par le synode 116.
10. Marc. — Notre liste est seule à signaler un second patriarcat
de Marc. Le fait paraît de prime abord assez vraisemblable, car les

113. Sa présence à Istanbul, aussi prolongée qu'on le veuille, ne pouvait être


qu'occasionnelle, car Mara devait administrer son fief d'Ezovo dans le district
de Serrés à l'est du Strymon. Il est probable qu'elle s'y trouvait quand les sta
vrophores réussirent à faire déposer son protégé Denis. D'autre part, il serait
intéressant de savoir si la sultane eut quelque entrevue avec Scholarios retiré dans
la même région.
114. Selon l'Ecthesis, loc. cit., Marc réclamait inlassablement un jugement
synodal, et écrivait dans ce but aux métropolites.
115. Edd. : L. Petit, Déposition du patriarche Marc Xylocaravi (15 janvier
1467), dans Revue de V Orient chrétien, VIII, 1903 et A. Papadopoulos-Kérameis,
Μάρκος Ξυλοκαράβης, dans Viz. Vremenn., X, 1903, p. 413-415. En dépit de la
suscription du document dans le cod. Vatic. Ottob. 205, la décision synodale vise
essentiellement la déposition des deux stavrophores; elle renouvelle seulement la
condamnation de Marc précédemment prononcée.
116. L'Ecthesis (éd. Lambros, p. 29) présente le départ de Denis comme volont
aire. Accusé d'avoir été circoncis durant sa captivité et déclaré pour cela par
ses ennemis indigne de gouverner l'Église, il dut se soumettre en plein synode à
une humiliante exhibition pour confondre ses ennemis. Après quoi, malgré l'insi
stance des évêques et des fidèles, il aurait démissionné et se serait retiré au couvent
de Kosinitza. En réalité, comme le dit expressément l'acte synodal qui, en juillet
1488, le rappela, c'est bien la puissance séculière — έξωσθείς βία της έ'ξω χειρός
qui l'obligea à s'en aller et le fit ensuite déposer par son Église. Texte dans Sta-
matiadès, op. cit., p. 32 et Germain de Sardes, op. cit., p. 1919-20. Notre liste donne
donc la bonne version confirmée au reste par un autre acte malheureusement non
daté qui accuse formellement les deux fonctionnaires patriarcaux et les deux
archontes de la Porte, leurs complices, d'avoir, sous la menace, obligé le synode à
sévir contre Denis. Cf. Stamatiad es, op. cit., p. 21.
258 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

tombeurs de Denis devaient normalement songer à remettre sur son


trône le pontife dont ils avaient épousé la cause et partagé le sort.
Qu'ils y aient travaillé, on peut le déduire du fait que, pour mieux
l'emporter, ils firent au sultan une malencontreuse proposition.
Jusqu'alors en effet les divers candidats au patriarcat s'étaient contenté
d'offrir un cadeau au monarque pour prix de leur investiture. Nos deux
archontes offrirent de transformer ce don, alors de 2 000 florins, en taxe
annuelle. Le document qui nous l'apprend 117 ajoute que Mahomet II
sauta sur l'idée mais qu'il écarta ceux qui la lui avaient suggérée pour
traiter avec d'autres. Réaliste, il estimait que la communauté grecque
refuserait de consentir une aussi forte somme pour soutenir la cause
d'un patriarche qu'elle avait déjà chassé. Le compilateur de notre
liste, qui aura eu sous les yeux des récits ou des documents traitant
de cette affaire, aura conclu qu'elle avait abouti et que Marc, candidat
pour un second mandat, l'aura obtenu. Ce qui ne semble pas avoir été.
11. Syméon, 2°. — ■ Plusieurs textes donnent Syméon comme occu
pant à nouveau le trône œcuménique durant l'année indictionnelle
6980 (sept. 1471-1472). Un document conservé en original, l'acte de
transfert du métropolite d'Athènes Dorothée à la tête de l'Église de
Trébizonde, précise qu'il était en fonction en juin 1472 118. Or ce que
l'on sait de ses activités pendant cette première période laisse entendre
qu'il était en charge depuis déjà plusieurs mois. En effet avant Doro
thée la métropole pontique avait reçu, après une longue vacance 119,
un premier évêque Pancrace, que Syméon lui-même avait ordonné 12°.
Ce Pancrace, une fois installé, se livra sans doute à des activités poli
tiques qui provoquèrent sa disgrâce. Le sultan intima en effet au
patriarche qui se trouvait du côté de Thessalonique l'ordre de le

117. Cf. Stamatiadès, op. cit., p. 14, 15.


118. Édition de cet acte que je lui avais communiqué par Ghrysanthe de Trébi
zonde, Ή Εκκλησία της Τραπεζοΰντος, Athènes 1936, p. 532, 533, avec photo
entre les pages 528 et 529. La charte est conservée au couvent athonite du Panto-
crator.
119. Ibid., p. 530. On ne connaît en effet pas d'autre successeur immédiat à Dosi-
thée qui fut au concile de Florence (1439). La mention qui est faite dans le cod.
Athon. Docheiar. 127, fol. 437 r (éd. U. Lampsidès, loc. cit., p. 40 n° 21) d'un métrop
olite de Trébizonde siégeant au moment de la prise de la ville le 15 août 1461
est purement imaginaire, le rédacteur de la notice brève énumérant machinale
ment les autorités civiles (empereur, archontes) et religieuse (métropolite) qui
devaient en principe se trouver dans la capitale lors de sa reddition aux Turcs.
120. D'après une notice contemporaine de manuscrit. Édit. dans Ελληνικός
Φιλολογικός Σύλλογος, XVII, Appendice p. 17 en note; reproduit par Chry-
santhe, op. cit., p. 528, 529; voir aussi Viz. Vremenn. XIX, 1915, p. 225, 226.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 259

remplacer au plus tôt et cette mise en demeure parut si imperative


que le synode d'élection dut être organisé sur place avec les évêques
de la région 121. Pancrace fut obligé de se démettre 122, on n'en saurait
douter, vu la conjoncture, à cause de son attitude avant ou durant
le siège qu'Alexis Gomnène, protégé d'Ouzoun Hassan et neveu de
l'empereur David, mit 123 en mai 1472 devant Trébizonde. De toute
façon son élection, son ordination qui eut lieu à Istanbul, son voyage
jusqu'au Pont, ses prises de contact avec les gens d'Hassan et l'annonce
qui en fut portée au sultan nécessitèrent quelques mois, en sorte que
l'on peut placer sans crainte de beaucoup se tromper le début du
patriarcat de Syméon en janvier-février 1472. Il est même probable
qu'on doive le reporter au cours de l'automne précédent.
Notre liste dit que l'Église devait à la sultane Mara la coquette
somme de 4 000 florins avancés sans aucun doute par la princesse
lors de précédentes tractations avec la Porte. Ce montant ajouté,
selon notre source, aux 3 000 promis mettait sur les bras du nouveau
patriarche une dette de 7 000 florins que l'Église se trouva dans l'inca
pacité de payer. Il fallut à Syméon partir en tournée de quête 124 en
laissant aux métropolites d'Éphèse et de Tirnovo125 la direction des
affaires. Or ce voyage se fit après que le synode dut accepter, le
10 octobre 1474, sous la contrainte126 la taxe annuelle de 2 000 florins.
11 se mit en route à l'époque des fêtes de Noël et de l'Epiphanie
malgré les rigueurs de l'hiver. Ce n'est donc qu'à la fin de janvier
ou au cours de février 1475 qu'il put être de retour et que, ayant
échoué dans sa mission, il fut déposé à la demande de la Porte solli-

121 . On sait que le droit d'élire les métropolites était réservé'au synode patriarcal
et l'ordination au patriarche depuis le xne siècle, et, ce semble, depuis bien plus
longtemps. Cf. E. Hermann, Appunti sul diritto metropolitico nella Chiesa bizan-
tina, dans Orientalia Christiana Periodica, XIII, 1947, p. 528-533.
122. Aurait-il été transféré à Tirnovo qui en octobre 1474 eut un métropolite de
ce nom fort peu usité au sein de l'épiscopat grec? Dans l'affirmative il faudrait
admettre que son attitude durant la tentative d'Alexis Comnène fut purement
passive, car le sultan ne badinait pas avec ceux de ses collaborateurs grecs qui
lui paraissaient trahir ses intérêts.
123. Cf. Babinger, op. cit., p. 365, 366.
124. Ce ne devait pas être la première fois que Syméon visitait la partie
européenne de son patriarcat, car sa présence est signalée aux Météores le
21 octobre 1472. Cf. N. Bées, Τα χειρόγραφα των Μετεώρων I, Athènes 1967
p. 6.
125. Avant de quitter Istanbul, Syméon expédia une encyclique dont Je texte
non daté nous a été conservé. Édit. : Stamatiadès, op. cit., 22-25 (voir p. 24 ).
126. Cf. Stamatiadès, op. cit., p. 14, 15.
260 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

citée une fois encore par de plus offrants127. Or si l'Ecthésis Chronikè


dit vrai, la durée de ce patriarcat aurait été de plus de trois ans :
ετη τρία ή και πλείω 128. Celui-ci aurait donc débuté au plus tôt à la
fin de l'automne 1471.
12. Raphaël. — Les sources grecques sont unanimes à ne pas voul
oir reconnaître 129 comme patriarche ce moine serbe, et non bulgare
comme le voudraient notre liste et celle que nous donnons en append
icecurieusement avares de détails en ce qui le concerne. L'étonne-
ment que semble avoir produit sa présence à la tête de l'Église est à
lui seul une preuve que la communauté grecque n'eut aucune part130
dans le choix qu'on en fit. L'Ecthésis Chronikè131 veut même que les
principaux métropolites refusèrent de participer à son ordination
et que ceux qui s'y prêtèrent furent requis par les Turcs gagnés par
les offres alléchantes du candidat. Celui-ci s'engagea en effet à verser
régulièrement chaque année les 2 000 florins dont le synode n'avait
accepté et n'envisageait qu'à contre cœur le paiement. Il y ajoutait
d'autre part un cadeau de 700 autres florins. A ce prix les amis qu'il
avait à la Porte enlevèrent le marché et imposèrent leur homme avec
lequel les évêques réticents durent concélébrer sous la menace. Mais
la communauté grecque dans son ensemble ne voulut pas reconnaître
ce pontife en qui tout la rebutait jusqu'à sa langue. La conséquence
fut qu'au bout de l'année, quand le moment fut venu de remettre à
la Porte les sommes promises, personne ne voulut lui apporter sa
contribution. Les Turcs trompés furent sans pitié. Ils lui mirent les
fers aux pieds et le jetèrent dans une prison où il mourut au début
de 1476.
Son incarcération marqua pour un temps la fin du grand malaise
qui agitait l'Église depuis 1454. Fait paradoxal : le prélat qui, appelé
à lui succéder, devait procurer à tous l'apaisement fut l'un de ceux qui
depuis vingt ans avaient le plus contribué à fomenter et à maintenir

127. Cf. Lambros, Ecthesis Chronikè, p. 3210-15.


128. Ibid., p. 329 : ετη τρία ή και πλείω.
129. Cf. Stamatiadès, op. cit., p. 32, 33. L'acte synodal de juillet 1488, voulant,
pour rétablir l'unité au sein de l'Église, passer l'éponge sur le passé, déclare recon
naître comme légitimes tous les patriarches précédents à l'exception du seul
Raphaël.
130. C'est ce qu'affirme en termes exprès l'acte synodal précité. Cf. Stamatia
dès^/).cit., p. 32: 'Ραφαήλ εκείνου... δια της εξω και μόνης αρχής τη 'Εκκλησία
προσέβαλε.
131. Ed. Lambros, p. 32.
V. LAURENT : LES PATRIARCHES DE CONSTANTINOPLE 261

le désordre132, Manuel Christonymos qui, sous le nom de Maxime (III)


devait, comme Scholarios, par son éloquence et sa science, capter la
bienveillance de Mahomet II et gérer les affaires de l'Église à la satis
faction générale, jusqu'au jour de sa mort survenue le 3 avril 1482 133.

C'est sur le nom de Raphaël que s'achève, d'une manière apparem


ment 134 accidentelle, la liste que nous avons commentée. Celle-ci
présente les défauts de ce genre d'écrits avec leurs silences étonnants,
leur laconisme irritant, leurs inexactitudes, voire leurs erreurs manif
estes. Mais elle tranche toutefois sur eux par une documentation
inédite qui s'insère assez bien dans la trame des événements contemp
orains et nous a permis d'établir une chronologie qui, pour souffrir
encore de regrettables lacunes, est plus cohérente et plus précise que
celles dont on disposait jusqu'à ce jour. Pour donner à cette affirma
tion toute sa preuve, je joins, pour finir, à mon exposé ce tableau
comparatif limité aux deux listes les plus récentes et les plus critiques :

132. Il est en effet violemment pris à partie dans plusieurs actes synodaux qui
le donnent à l'occasion comme le principal agitateur avec le grand skévophylax
Georges Galésiotès, tous deux étant qualifiés de : πρωταιτίους και άφανιστας της
'Εκκλησίας (cf. Stam atiad es, op. cit., p. 20). Voir sur les agissements de ces deux
personnages pendant la période ici étudiée Patrinélis, Agallianos, p. 78-85.
133. Cf. Νέος Έλληνομνήμων, VII, 1910, p. 154 (date de sa mort); Lambros,
Ecthesis Chronikè, p. 35. M. Gédéon, Ιστορία των του Χρίστου πενήτων,
1453-1913, ρ. 44 et Germain de Sardes, op. cit., p. 21 qui sans doute s'inspire
du précédent, en font un Paléologue. A tort, car la source de leur information
est évidente. Il s'agit du cod. Oxon. Lincoln, gr. 10 que ces deux auteurs ont
consulté dans l'édition de C. Sath as, op. cit., VII, p. 58624, où on lit. : κυροϋ Μαξίμου
του Παλαιολόγου, au lieu de κυροϋ Μαξίμου του λογίου, suivant l'édition critique
de Lambros, Ecthesis, p. 3517 (en note). Le vrai nom du prélat fut Γούναρης selon la
liste reproduite ci-après en Appendice. Au sujet du personnage voir Patiunélts,
I gall in nos, p. 81-85.
.

134. dependant le fait que le scribe donne la somme des patriarches énumérés
dans la lisle qu'il vient de transcrire ferait croire qu'il a épuisé celle qu'il avait
sous la main.
CATALOGUE DES PATRIARCHES DE CONSTANT
Tableau comparatif
Grumel Notre liste
Gennade 1° : 6 janv. 1454-6 janv. 1456. Gennade 1° : 6 janv. 1454-6 janv. 14
Isidore : 1456 (avant mai) - pri Isidore : c. 15 janv. 1456-31 m
ntemps 1462. 1462.
Gennade 2° : été 1462-été 1463.
Sophrone : août 1463 - début août Joasaph 1er avril 1462-10 av
1464. 1463.
Gennade 3° : août 1464-juillet 1465. Gennade 2° fin avril-mai 1463.
Joasaph : juillet 1465-c. milieu 1466. Sophrone débutété 1463-c.juil.146
Gennade 3° début août 1464- fin
Marc : milieu 1466 - nov. - déc. 1465.
1466. Syméon 1° automne 1465.
Syméon 1° : nov.-déc. 1466-c. fin 1467. Marc 1° début 1466-automnel46
Denys : fin déc. 1467-c. fin 1471. Denys automne 1466-fin 1471.
* Marc 2°
Syméon 2° : c. fin 1471/début 1462-fin Syméon 2° fin 1471-début 1475.
1474. Raphaël début 1475-début 1476.
Raphaël : début 1475-début 1476.
135. Cf. Patrinélis, Agallianos, p. 67, en note. L'auteur, qui limite son enqu
probabilité aux deux listes qu'il propose.
v. laurent : les patriarches de constantinople 263

Appendice

La liste du cod. Ivir. 286, fol. 175 v.

Μετά δε τήν άλωσιν Κωνσταντινουπόλεως

Γεννάδιος ό Σχολάριος χρόνους β' ήμισυ (1) και παρητήσατο,


'Ισίδωρος ό άπο των Ξανθοπούλων έτη ς' μήνας δύο ήμισυ (2),
Σωφρόνιος ό Συρόπουλος χρόνον α' ήμισυ (3) και έξεβλήΟη,
Ίωασαφ ο Κόκκας,
Συμεών Τραπεζούντας (sic ) και έξεβλήθη,
Μάρκος ό Ξυλοκαράβης παρανόμως και άθέσμως δραξάμενος το
πατριαρχεΐον και τυραννήσας έξεβλήθη,
Διονύσιος Μωραέτης έξεβλήθη,
Πάλιν ό Συμεών,
'Ραφαήλ ό Βούλγαρος (4),
είτα ό Μάξιμος του Γούναρη (5) ημέρας κ' (6).

V. Laurent

G = éd. M. Gédéon, dans Εκκλησιαστική 'Αλήθεια, XXVI, 1906, p. 366 note 1.


(1) om. G. (2) ήμισυ : oin. G. (3) om. G (4) Βούλγαρις G. (5) Γούναρης G.
Sur ce patronyme qui doit être le vrai et sur celui qu'on lui donnait voir ci-dessus
p. 261 n. 133. (6) Ces vingt jours ne couvrent évidemment pas toute la durée du
patriarcat de Maxime III qui, élu en février-mars 1476, ne mourut que le 3 avril
1482 sur son trône qu'il détint sans discontinuité. Cf. Patrinélis, Agallianos,
p. 82, 83. Mais on peut penser que le nombre des années a été omis par une
distraction encore plus explicable si le texte ne comportait pas de mention de
mois. Dans ce cas Maxime III aurait été intronisé le 14 mars 1476, ce qui concorde
parfaitement avec la chronologie établie ci-dessus, l'emprisonnement de Raphaël
et l'élection de son successeur ayant dû avoir lieu à l'extrême fin de l 'hiver
1475-76.

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