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Pachymeriana alia
In: Revue des études byzantines, tome 51, 1993. pp. 237-260.
Résumé
REB 511993 France p. 237-260
A. Failler, Pachymeriana alia. Trois questions concernant, autant de passages de l'Histoire de Georges Pachymérès sont
examinées dans l'article : 1. Une crue du Sangarios en 1302 (Histoire, X, 25 : Bonn, II, p. 330.12-332.2) ; 2. Un plan de
confiscation de pronoiai ecclésiastiques et militaires en 1303 (Histoire, XI, 9 : Bonn, II, p. 390.2-11) ; 3. La prise de la forteresse
de Rhodes par les Hospitaliers en août 1310 (ce troisième point se réduisant à un court additif à un précédent article : REB 50,
1992, p. 113-135).
Failler Albert. Pachymeriana alia. In: Revue des études byzantines, tome 51, 1993. pp. 237-260.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1993_num_51_1_1880
PACHYMERIANA ALIA
Albert FAILLER
I. Parliymenana quatrain. HEB 111. VM>. p. I <S7- 1 '.-)'.); PacliN mcnana altéra. HEB
M\. l'ISS, p. (J7-S;{; l\ieli\ menana nuva. HEB Γ.). Γ.ΜΜ. μ. Ι7Ι-19Γ).
à une vive opposition de la part des forteresses situées sur le fleuve; l'empe
reurMichel les avait relevées auparavant, et il avait, fortifié l'espace inte
rmédiaire avec des pieux très longs tirés d'arbres coupés à la hache, en rendant
infranchissable jusque sur une largeur de cent pieds l'espace situé en deçà du
fleuve, comme nous l'avons dit dans les premiers discours6, et c'était dès lors
pour le Perse un solide obstacle aux incursions ; là-dessus, au mois de mars, le
fleuve est soudain dérivé et recherche son ancien lit, sur lequel se trouve la
Pentégéphyra de Justinien. [2] Plus tard, une fois le fleuve dérivé, il [le Sanga-
ris] atteignit le Mêlas, son affluent, qui n'était pas si important, mais néan
moins capable lui aussi, grâce à une profondeur suffisante, d'empêcher l'irrup
tiondes ennemis. [3] Alors donc le Sangaris, qui avait débordé à cause des
pluies, se transporte à nouveau hors de son lit, qu'il avait occupé autrefois
après être sorti de son lit, et il regagna son premier lit; à l'endroit d'où il se
retira, il permit au premier venu de traverser, et à l'endroit qu'il occupa en
débordant il ne donna pas seulement au courant de la profondeur par son
débordement, mais, en entraînant des alluvions depuis les montagnes de
roches rouges et en amenant un gravier considérable, il procurait également
un passage à qui voulait traverser. [4] C'est pourquoi ceux qui étaient instal
lés dans les forteresses au-delà s'en allèrent, lorsqu'ils virent ce déplacement
insolite et comprirent qu'ils se trouvaient en danger. [5] Néanmoins cette
position ne fut pas à nouveau durable pour le fleuve, mais, après avoir amassé
des alluvions pendant un mois seulement, il s'en retourna. [6] D'un côté,
l'évacuation de son ancien lit était la cause manifeste et de la fuite de ceux
qui demeuraient dans les forteresses et de la traversée des ennemis, du fait
que ceux qui le voulaient traversaient librement; d'un autre côté, le nouveau
et subit retour en arrière facilitait la traversée, pour ceux qui traversaient
aussi en cet endroit, grâce au dépôt d'alluvions. [7] Cela arriva contre toute
attente, et on annonça à l'empereur que l'intérieur des terres était rempli
d'ennemis, même si Ali Amourios simulait jusque-là la paix et se tenait tran
quille pour le moment.
ce développemen (
.
pieds16. Cette action fut accomplie lors d'une campagne qu'on peut
dater, avec une grande probabilité, de l'été 1281 17. L'historien ne
précise pas si, au moment de la crue du Sangarios, toutes ces forte
resses résistaient encore, en particulier si les forteresses de la rive
droite étaient aux mains des troupes byzantines 18. Mais, alors que les
Turcs arrivaient à traverser le Sangarios avant la campagne de 1281,
ils furent longtemps retenus au-delà du fleuve grâce aux fortifications
exécutées par Michel VIII; c'est seulement vingt ans plus tard, en
1302, que la frontière devint à nouveau perméable, à cause précis
émentd'une crue subite du Sangarios.
Les deux passages de l'Histoire (livre VI et livre X) se complètent
et ne peuvent se comprendre l'un sans l'autre ; le commentaire que
j'ai fait du premier passage dans la nouvelle édition contient des
erreurs, précisément parce que je n'ai pas pris en compte les détails
nouveaux qu'apporte le second passage. Pour ce qui concerne la bar
rière que constituaient les arbres abattus sur la rive du Sangarios,
voici les deux passages qu'il faut rapprocher pour apprécier les divers
aspects de l'action de l'empereur et rendre compte de la nature des
mesures prises :
1. «Michel VI 11 ordonne de rassembler en grand nombre des bûcherons; il
fait mesurer le fleuve sur la longueur qu'il était nécessaire de fortifier et fait
calculer une largeur convenable [' suffisante ' serait une n.eilleure traduction :
πλάτος δε το ίκανόν], puis il ordonne de couper en hâte les arbres et de les faire
tomber l'un sur l'autre et de boucher ainsi l'endroit avec les branches des
arbres, de sorte qu'il soif à peu près impossible même à un serpent de pas
ser» l9 ;
2. «L'empereur Michel avait relevé auparavant les forteresses et il avait forti
fiél'espace intermédiaire [μεταξύ] avec des pieux20 très longs tirés d'arbres
2. άμάξαις δε και σταυροΐς έπιμήκεσι διειλήφθαι τον κύκλω τόπον (III, 12 = nouvelle édition,
ρ. 263910 : «cet espace circulaire était muni de chariots et de hautes palissades»).
3. τους τάφρους οϊς έθάρρουν σταυροΐς άναχώσαντα και πέτραις και δένδροις και χώμασιν (XIII,
33= Bonn, II, p. 63856 : «après avoir comblé, grâce à des pieux, des pierres, des
arbres et de la terre, les fossés dans lesquels ils mettaient leur confiance»).
21. Le pied vaut, en effet 31,23 cm; voir E. Schilbach, Byzantinische Metrologie,
Munich 1970, p. 13-16.
22. Histoire, X, 25 : Bonn, II, p. 3301316.
23. Voir la note 18.
24. Tl faut corriger en conséquence la note de la nouvelle édition (II, p. 636 n. 1).
25. I. Sevcicnko, Etudes sur la polémique entre Théodore Métochite et Nicéphore
(Jhoumnos, Bruxelles 1962, p. 138 n. 6. L'extrait du βασιλικός λόγος de Théodore Métoc
hitès, une pièce importante, mais complexe, qui mériterait une édition et un comment
aire précis, ne prouve pas qu' Andronic II ait opéré des travaux importants sur le
Sangarios. Dans le style rhétorique qu'implique le genre littéraire de l'éloge, Théodore
Métochitès affirme d'une part qu'Andronic II a «fortifié l'ensemble de l'empire» (την
σύμπασαν αρχήν έτειχίζου), ce qui dispense de mentionner tout ouvrage précis, et d'autre
part que la ligne de fortifications du Sangarios formait une sorte de «chaîne immobile»
et infranchissable ou une immense ville (f. 154 πόλιν οδσαν μίαν τε καί μεγίστην ενός και
:
μεγίστου σου βασιλεϋ ..., ή μεγίστη καί καλλίστη πόλις αυτή...). Mais il n'attribue pas à
Andronic II, de manière spécifique, les récentes constructions sur le fleuve (f. 154 : τα
προς τω ποταμω νεόδμητα πολίσματα). Il s'agit d'une description du Sangarios, et l'on peut
penser que l'auteur, écrivant vers 1290 et se référant à une situation qui date de l'hiver
244 A. FAILLER
1283-1284, mentionne plutôt les travaux effectués par Michel VIII sur le Sangarios en
1281, deux années plus tôt.
26. Voir A. Faili.fîr, Pachymeriana nova, HER 49, 1991, p. 174, 177, 181-182.
27. Voir le long développement dans lequel P. Poussines justifie son choix (Bonn, II,
p. 712-715).
28. Sur la valeur respective des manuscrits de l'Histoire, voir A. Failuîr, La tradi
tionmanuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère (livres I-VI), HEB 37, 1979, p. 161-
164.
PACHYMERIANA ALIA 245
of Asia Minor, Londres 1890, p. 214-215) inverse les termes du problème Georges
:
Pachymérès mentionne le vrai nom du pont (Ποντογέφυρα), qui fut corrompu en celui de
Πεντεγέφυρα, ce second nom ne pouvant convenir, puisque le pont, poursuit
W. M. Ramsay en se fiant au voyageur Oh. Tfxikr (Asie Mineure. Description géo
graphique, historique et archéologique des provinces et des villes de la Chersonese d'Asie,
Paris 1862, p. 88-89), possède huit arches, et non cinq. Mais W. M. Ramsay ajoute en
note (op. cil., p. 215), de manière prudente, que, si le pont a cinq arches, et non huit,
comme le prétend Texier, il faudrait retenir, au contraire, la leçon Πεντεγέφυρα. La
solution de ce petit problème est donnée par M. Whitby (art. cit., p. 129-136) : le pont
a bien cinq arches, et non huit. Parmi les autres auteurs qui mentionnent ce pont
(Procope, Constantin Porphyrogénète, Théophane, Zônaras et Kédrènos), seul le der
nier (Kédrènos : Ronn, p. 6781516) lui attribue un nom spécifique (Πενταγέφυρον), dont la
forme, comme on le voit, consacre la leçon conservée par le manuscrit C de l'Histoire.
32. Sans la connaissance des lieux, il est difficile d'imaginer les mouvements réels du
fleuve. Cela est si vrai que P. Poussines a donné une interprétation totalement dif
férente le Mêlas serait venu couler dans le lit abandonné par le Sangarios (« Postea
:
traducto inde Sangari Mêlas alter fluvius successerat»). L'interprétation est reprise
dans la traduction de L. Cousin (Histoire de (Constantinople depuis le règne de l'Ancien
Justin jusqu'à la fin de l'Empire. VI/1, Paris 1685, p. 530) «peu après le fleuve Melan
prit le lit que le Sangare avoit quitte...»
:
246 Λ. PAILLER
33. On a vu que Michel VIII avait en effet fortifié les deux rives; voir la note 18.
I 'A( : 1 1 Υ Μ Κ Μ 1 A Ν Λ Α Ι . Ι Λ 247
των ποταμών μεσόγαιον άνα Σάγγαριν, Μεσονήσιον έτύμως ώνομασμένον : «la terre située
entre les fleuves sur le Sangaris et appelée par étymologie Mésonèsion» [îlot du milieu]).
Les autres emplois de l'adjectif μεσόγαιος [ou μεσόγειος] dans l'Histoire se rapportent à
un autre contexte, celui de l'opposition entre terre et mer (V, 3 nouvelle édition, II,
:
p. 44515; VII, 37 : Bonn, II, p. 1 051β ; XIII, 20 : Bonn, II, p. 605"). Voir aussi la
récente étude de C Foss, Byzantine Malagina and the Lower Sangarïus, Anatolian
Studies 40, 1990, p. 161-183, et spécialement le paragraphe intitulé « Mesonesos»
(p. 178-180), qui apporte d'utiles compléments aux conclusions qu'on peut tirer du
texte de Georges Pachymérès. L'auteur remarque que la ville d'Adapazari (« Marché-de-
l'île»), située dans la région enserrée par les deux cours du Sangarios, a conservé le
souvenir des déplacements du fleuve.
38. Bonn. IL p. 33389 Le texte de la première édition doit être corrigé à cet endroit
.
précis: au lieu de μικρόν, il faut lire μικρόν ύστερον («il n'intervint qu un peu plus lard»).
248 Λ. PAILLER
41. La version brève n'est d'aucun secours pour ce passage, car le rédacteur a omis
de retranscrire ou de résumer la phrase essentielle du texte. Il se contente de mention
ner que le patriarche envoya à l'empereur un rameau d'olivier, mais le texte n'a plus de
sens si, comme c'est le cas, le lecteur ignore la mesure de l'empereur que le patriarche
entendait approuver par son geste. Voici ce passage de la version brève : 'Αλλ' όμως
ούτως 'Ρωμαίων φθειρομένων καί πολλών θρήνων όντων καί κοπετών, στέλλει, τω βασιλεΐ ό
πατριάρχης 'Αθανάσιος θαλλον έλαίας, ώς σημεΐον αγαθών. On reviendra pi us loin sur la
siijnilicat ion t\u rameau d olivier.
250 Λ. FA1LLER
guard the lands which had been granted to them as pronoeae, and give them
to soldiers so that, cleaving to them, they might stay and fight for what,
belonged to them»41.
-- «For these reasons, an emergency measure was resolved in consideration
of the times and present troubles, and it was the only measure yet remaining -
to relieve the proprietors of whatever was assigned in grants of πρόνοια to
monasteries, churches, and the members of the imperial entourage and to
assign it for military land holdings, even the property belonging to the monks
living in single cells, everything, so that thereby the people would stay and
fight the enemy 4;) on behalf of their own property»46.
— « Because of critical times and circumstances, it appeared necessary to
take the one measure still remaining : releasing from their overlords however-
much was given in pronoiai to the monasteries, the churches, and the imper
ialentourage, and to make everything, including even lands attached to
monks who lived in single cells, into military holdings so that the people
could defend their own property»47.
Les trois traductions modernes qui viennent d'être mentionnées ont
l'avantage de montrer où se trouvent les ambiguïtés et les difficultés
du texte. La première est, plus correcte que les deux autres, mais elle
survole de trop haut le texte grec pour en donner une interprétation
précise.
Un problème de syntaxe se pose d'abord ; à moins de corriger bru
talement le texte que les manuscrits présentent de manière unanime,
il faut considérer que le neutre singulier (το περιλειφθέν, δσον, μονοκελλι-
κόν) et le masculin pluriel (άφεικότας, ξύμπαντας, αυτούς εκείνους)
désignent, l'un et l'autre, des personnes, et qu'il s'agit d'une seule et
même collectivité, qui est ensuite partagée en deux, puisqu'on distrait
de l'ensemble le groupe particulier appelé μονοκελλικόν. Il s'agit de la
population qui était restée encore sur place (το περιλεί,φθέν τέως)48 et
44. P. Guaranis, The Monastic properties and the State in the Byzantine Empire,
1)01* 1, 1(J48, p. 111. Précisons, à la décharge de l'auteur, qu'il n'a pas prétendu fournir
une traduction rigoureuse du modèle grec («The translation given above is free», écrit-il
en note).
45. Ce mot doit traduire la leçon έκείνοις des éditeurs, qui est, en fait, une erreur, car
les manuscrits donnent unanimement l'accusatif εκείνους, qui est renforcé par αυτούς.
C'est (tailleurs la seule leçon erronée (tans le texte de la première édition ; voir le texte,
tel qu'il est établi ci-dessus.
46. Elizabeth Fishkr, Λ Note on Pachymeres' «De Andronico Palaeologo», Byz. 40,
l',)70, p. -233.
47. .t. I,. Roo.iamra, Church reform in the Laie Empire. A Study for the Patriarchate of
Alhanasios of Constantinople. Thessalonique 1982, p. ΙΓ)9.
48. Le rédacteur de la version brève semble d'ailleurs s'inspirer de cette expression,
lorsqu'il écrit un peu plus bas : Περιλειφθέντων δε ολίγων στρατιωτών έν τοις άνατολικοΐς
La combinaison du neutre singulier, désignant un groupe de personnes, et du masculin
..
pluriel est fréquente dans l'Histoire ; qu'il suffise de donner un exemple, dans lequel les
formes grammaticales sont, de plus, proches du cas qui est examiné ici Οι 8' άμφί τον
:
Μουζάλωνα. όσον ήν 'Ρωμαϊκον και όσον Άλανικόν, δσον ιθαγενές και δσον έξωθεν, μόλος που περί
8ύο χιλιάδας συνόσταντο (Hoim. II. p. 'S.Y.V3 ι5).
252 A. FA1LLER
Les problèmes posés par la signification des mots utilisés par l'hi
storien sont autrement ardus, et le sens précis de la mesure envisagée
par Andronic II nous échappe en grande partie, car l'historien se
garde de nous indiquer de quelle nature étaient ces « pronoiai ecclé
siastiques et militaires» qu'on voulait supprimer, quel était le statut
des personnes qui travaillaient là, quel nouveau statut elles allaient
does not work, since πλην και in Pachymérès' usage means '[but] also', 'furthermore'
rather than 'except for'. For a parallel passage, cf. Hist., I, 106, 11 Bonn.» En fin de
compte, I. Sevcenko aboutit à la conclusion suivante, qui sous-tend d'ailleurs les
déductions de E. Fisher et J. L. Boojamra : «Would then the property granted to
soldiers include even the parcels of land belonging to isolated one-monk cells?» Ainsi
formulée, l'interrogation appelle la réponse positive qu'elle a reçue dans les deux tr
aductions de E. Fisher et L. J. Boojamra.
53. En voici un certain nombre, tirés des trois premiers livres de l'Histoire : nou
velle édition, I, p. 5510, 652, 7112, 10516, 13110, 14924 (c'est le cas cité par 1. Sevcenko à
l'appui de son interprétation), 18527, 2835. Le sens est sans ambiguïté dans tous ces
passages, sauf peut-être dans celui qui est cité par T. Sevcenko à l'appui de sa démonst
ration. Voici la traduction de la nouvelle édition «seulement, comme les envoyés
:
étaient des Romains, fils de Romains, il en prit tout le soin possible.» L'historien veut
dire que, malgré l'hostilité que nourrissait Michel VIII envers les Latins qui occupaient
encore Constantinople (en 1259), il entoura cependant de toutes les prévenances les
ambassadeurs envoyés par Baudouin II, parce que ceux-ci étaient des Grecs de
Constantinople, destinés à devenir ses futurs sujets. A la suite de I. Sevcenko,
E. Fishfr (art. cit., p. 232 n. 2) a cru découvrir ce même sens d'inclusion de l'expression
πλην και dans d autres passages de I Histoire.
51. E. FisinoR, art. cit.. p. 233.
254 A. FA ILL ER
55. Voir, plus haut, les traductions de P. Poussines et de L. Cousin. Voir aussi la
note de P. Poussines (Bonn, II, p. 703-704).
56. Du Gange, Glossarium, col. 951. La graphie adoptée par Du Gange peut trouver
un fondement dans le manuscrit A, qui a en effet conservé la variante μονοκελικόν. Mais
l'argument est fragile, car les erreurs dans le redoublement des consonnes foisonnent
sous la plume du copiste de ce manuscrit.
57. .J. B. Cotki.ikk, Er.clesine Graecae monumenla, I, Paris 1677, col. 804.
58. C'est à propos du mot μονοχίλλιον que J. B. Gotki.if.r (ibidem) cite le passage de
Georges Pachymérès; il en donne une interprétation proche de celle que j'ai proposée
plus haut, sauf sur un point : il soumet les ermites au régime général. Voici sa traduct
ion : «Unurn visum est tompori rebusque ingruentibus necessarium ; ut quotquot
supererant collocati in procurationibus, Monasteriis et Ecclesiis, ac inter imperatoris
satellites, soluti a dominis, in militiam adscriberentur cuncti, etiam qui in Monocelliis :
quo hi pro illis illorumque facultatibus persévérantes pugnarent.»
59. I. SrcvciïNKo, art. cil., p. 157 n. 125.
1 » A( : 1 1 Υ Μ Ε Η Ι Λ Ν Λ Λ 1 . 1 Λ 255
60. το ΙΙερσικόν ..., οίς δή και πιστοΐς έχρητο και παρασπίζουσιν άπεθάρρει (Histoire, IX,
9 Bonn. Il, p. 2I'.)1213).
:
61. ... αυτούς γαρ είναι και τους τω Νογα παρασπίζοντας, και δι' ών εκείνος τα μεγάλα
κατώρθου (Histoire, Χ, 16 : Bonn, II. p. 3078 10).
6'2. πολλοίς μέν ώγκοϋτο τοις παρασπίζουσιν, "Ιβηρσι δε και μάλλον έπί πολέμοις έχρατο ...
και σταυρόν μαθών το των χριστιανών τρόπαιον δν, ούράγει σφίσι παρασπίζουσι κατά πόλεμον, και
ττόλλ' άττα δεινά τον των Αράβων σουλτάν είργάζετο (Histoire. XII. 1 Bonn, II,
:
ρ. 1Γ>78!)1114).
256 Λ. PAILLER
non point civiles. Le passage cité plus bas63 laisse d'ailleurs entendre
que les propriétés frontalières étaient, au moins en partie, l'apanage
des soldats, qui assuraient en même temps la défense et la culture de
leurs terres. Devant l'avance de l'ennemi, eux-mêmes auraient fui, et
ne seraient restés sur place que les paysans et les parèques, qui
n'avaient sans doute pas de position de repli ni de recours financier.
Qu'indique enfin le mot στρατιωτικόν ? On l'a interprété générale
ment, dans le contexte de la pronoia, comme l'institution militaire
correspondante («military land holdings» pour E. Fisher, «military
holdings» pour J. L. Boojamra). Mais l'historien veut sans doute dire
simplement qu'on «enrôlerait tout le monde dans l'armée, sauf les
moines»; ces personnes bénéficieraient en même temps d'avantages
précieux : distribution des terres pronoiaires, système fiscal favorable.
Ici encore il faut donner la préférence à la critique textuelle interne :
on remarque que, dans l'Histoire de Georges Pachymérès, le mot
στρατί,ωτί,κόν est employé continuellement et uniquement pour dési
gner l'armée.
Les hommes qu'on allait ainsi enrôler devaient remplacer les
troupes qui avaient fui. Il faut, en effet, rappeler ce que dit l'historien
un peu plus haut : «En effet, il était impossible de résister et de faire
avancer des armées contre eux [les émirs turcs], car les forces
romaines n'étaient pas seulement faibles, mais, après avoir perdu
maisons et pronoiai, elles fuyaient l'Orient pour gagner l'Occident, en
veillant seulement à sauvegarder leur vie. D'autre part, il était imposs
ibled'installer d'autres soldats avec des prérogatives déterminées»64.
Les pronoiai dont les titulaires étaient «les gardes de l'empereur» (τοις
βασιλεΐ παρασπίζουσιν) ne pouvaient donc être attribuées à d'autres
troupes, car l'empereur ne disposait pas de troupes fraîches qu'il
aurait pu envoyer à la frontière et auxquelles il aurait attribué les
pronoiai dont les bénéficiaires venaient de fuir. Le passage qu'on a
analysé plus haut ne peut être compris qu'en rapport avec la situation
ainsi décrite : seuls restaient aux frontières les paysans et les parèques
qui travaillaient sur les pronoiai ecclésiastiques et militaires ; on allait
enrôler ces gens, puisqu'on ne pouvait faire venir d'autres troupes, et
pour cela on les libérerait d'abord de leurs maîtres en abolissant les
droits de ceux-ci. Il ressort de là deux choses claires : 1. les paysans-
soldats que la réforme allait créer étaient destinés à remplacer l'armée
qui avait fui ; 2. ils seraient mis en possession des pronoiai que possé-
daient les troupes qui avaient fui, et on y ajouterait les pronoiai dévo
lues à des institutions ecclésiastiques.
On comprend que les moines aient été exclus de cet enrôlement. On
ne concevrait pas que le patriarche Athanase ait pu approuver une
mesure qui aurait consisté à transformer des moines en soldats. Il
suffit de rappeler avec quelle force il s'opposera plus tard à ce que le
moine Hilariôn se fasse chef de guerre, même s'il finit par céder
devant l'insistance de l'empereur65. Le patriarche défendait une posi
tion conforme à la tradition orthodoxe et aux «saints canons», à l'o
bservation desquels il veillait de manière scrupuleuse et pointilleuse.
La mesure qu'envisageait de prendre l'empereur touchait seulement
aux biens de l'Église, non aux personnes. Il est dès lors étonnant que
les historiens aient si facilement admis qu'on puisse enrôler ainsi les
moines, fût-ce sur les frontières et en période de périls imminents66.
Cela dit, en quoi consistait exactement le projet d'Andronic II?
L'historien ne précise pas quel aurait été le statut réel de ces populat
ions,si la mesure avait été mise en œuvre. D'après la terminologie
qui est employée (pronoiai), il ne s'agirait d'ailleurs pas de la confis
cation de propriétés ecclésiastiques, mais seulement de revenus fi
scaux attribués à l'Église, par l'empereur ou par l'État sans doute sur
des propriétés appartenant à l'empereur ou à l'État. Il faut d'ailleurs
remarquer que seuls les biens administrés sous le régime de la pronoia
rentrent dans le champ d'application du projet et que tout le reste,
autres propriétés et monastères en particulier, n'est pas pris en
compte.
La mesure envisagée par Andronic II fait écho à la vie et à l'enr
ichissement des akrites que Georges Pachymérès décrit dans le premier
livre de son Histoire67 : les gardiens des frontières orientales bénéfi
ciaient d'exemptions fiscales et de pronoiai08 et, grâce à ces avant
ages, ils avaient à coeur de défendre les frontières, jusqu'au jour où
un certain Chadènos confisqua leurs biens et les enrôla comme de
simples soldats69. Le projet conçu en 1303 consistait à recréer, sur les
66. Après avoir tout de même exprimé une certaine surprise, E. Fisher (art. cit.,
p. 232-233) admet aisément que tel est le témoignage du texte : «The statement thai
the Emperor... intended to include in the army monks, holy men consecrated to the
service of God, is outrageous... however, the text is emphatic on this point.»
67. Histoire, I, 4-5 nouvelle édition, I, p. 28-33.
:
68. αλλ' άτελείοας μεν τους πάντας, προνοίαις Κ έκ τούτων τους έπιδοξοτέρους (Histoire, Ι.
4 : nouvelle édition, 1, p. 292425).
69. ... στρατεύει, τούτους έκ των σφετέρων εκείνων και οίς ό εκάστου βίος συνεκεκρότητο
(Histoire, Ι, 5 nouvelle édition, I, p. 33® 7). On rapprochera les deux expressions
:
.
258 Λ. FAILLER
73. (). Gorka (Éd.), Anonymi Descriptio Europae orientalis (Imperium Constantino-
politanum, Albania. Serbia, Bulgaria, Huthenia, Ungaria, Polonia, Bohemia) anno 1308
exarata, Cracovie I91Ü.
71. Ibidem, p. IS38.
7f). Voici, dans leur édition française, les deux brochures qui sont proposées aux
visiteurs : A. R. Tataki, Rhodes. Lindos — Kamiros — Filérimos. Le palais des Grands
Maîtres et le Musée. Athènes 1988, 128 p. (p. 22 : «Jusqu'à sa chute entre les mains des
Chevaliers, en 1309, Rhodes...»); É. Koi.ias, Les Chevaliers de Rhodes. Le Palais el la
Ville. Athènes 1991, I 7B p. (p. 11 : «hin 1309. la conquête de l'île s'achève par la prise
de la ville.»).
260 Λ. FAILLER
Albert Failler
C.N.R.S.-URA 186
et Institut français d'Études byzantines