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REVUE BIBLIQUE
PUBLIEE PAR
/ ^7 7 / ^ t)
a^ |9 //^
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA, ÉDITEUR
RUB BONAPARTE, 90
1917
M-\o
LE MARQUIS DE \ OGUÉ
en attendant qu'une étude complète lui assigne son rang, très haut
dans toutes les sphères de son activité, le plus haut de tous dans l'ar-
chéologie syrienne et dans le dévouement à la cause des Lieux Saints.
Pourtant l'École biblique de Jérusalem ne peut taire sa gratitude
envers celui qui encouragea ses débuts avec tant de bienveillance, et
des vues si élevées.
Chrétien robuste, le marquis de Vogué avait compris avant Renan
quel fruit l'explication de la Bible pouvait retirer d'une connaissance
approfondie de l'Orient ancien. Mais tandis que Renan essayait de
faire accroire qu'on ne peut plus avoir foi en la Bible quand on sait
l'hébreu et qu'on a fait des recherches en Phénicie, Vogué avait
compris que le christianisme n'a rien à redouter de l'histoire. Si la
critique démolit quelques légendes, les hommes d'imagination regret-
teront cette aimable végétation accrochée aux murs solides comme
une parure un ; esprit aussi ferme que celui de Vogué voyait un avan-
tage dans ces petits sacrifices. Mais au moment où parut la vie de
Jésus selon Renan, il n'était point seulement question de légendes.
Le monde ecclésiastique était justement froissé d'attaques brutales, à
peine voilées sous une forme insidieuse. Combien de personnes com-
prirent que le remède devait venir, comme le mal, de l'Orient, dont la
lumière n'était pas épuisée? Le marquis de Vogué était vraiment une
voix retentissant du désert quand il écrivait en 186i, à l'âge de trente-
cinq ans : u Je me sens plus touché par la certitude que par l'hypo-
thèse, par l'histoire que par la légende. L'émotion que m'inspire la
et sa grandeur » (1).
Il lui a plu. lors de son dernier voyage aux Lieux Saints, de parler
Dans le rapide et beau livre qu'il a intitulé d'un titre très moderne
De ulilitale credendi, saint Augustin, s'adressant à son ami Ilonora-
tus, lui rappelle de quel grand amour ils ont brûlé tous deux dès
leur adolescence pour la vérité (1). Converti et baptisé, dans sa trente-
troisième année, en a87, Augustin vient d'être fait prêtre d'Iiippone
(391) il s'attache à retirer Honoratus de l'erreur
:
manichéenne où
il s'attarde encore, retenu moins par la dogmatique de la secte que
par méthode qu'elle applique à la découverte et à la conservation
la
de la vérité, méthode dont Augustin a connu la séduction.
Les Manichéens, en effet, ont pour principe le primat de la raison :
((Nihil aliud maxime dicunt, nisi rationem prhis esse reddendam (2) ».
Kendre raison d'abord, prius. Ils ne parlent pas de foi, mais de
vérité ils ont constamment à la bouche le mot de « Vérité », pour
:
Veritas... »
(2) De mor. Eccl. cath. 3. De util. cred. 21 (p. 26), 25 (p. Si;. — Ua|)pro(lie7. /•/».<<(//.
Ec-
r.wiii, 32 ConaïUur (les hérétiques) ergo aucloritatem stabilissimam lumialissiiiiae
: «
haereticoruui quasi
desiao quasi ralionis nomine et pollicilalione superare. Omnium enim
regularis est isla tenieritas. »
Dr Cru. co))lm Manich. i, 1. Conira epist. Fund. 4 (p. 196) : « .\puil vos... sola
l3)
Personal pollicilalio verilalis. » Ibid. .i (p. 197) : « Proinittebas enim scienliam verila-
tis. » Conira Faustum, \v, 5 et 6 (p. 424, 425, 427). Sermo i., 13. Conf. loc. cil. (p. 50) :
(Ij De util. cred. 2 (p. 4) : « ... se nuUum piernere ad tidem nisi |)rius discussa et eno-
data veritate. »
2] Penser à De util. cred. 16 fp. 20) : « Nonne videmus quam pauci sHmiuam eloquen-
liam consequantur, ciiin per totiim orbem rlietoruni scholae adulescentiuin gregibus per-
slrepant ? »
(3) De util. cred. 2 (p. 4) : « ... se dicebant, terribili auctoritate separala, mera et sim-
plici ratione eos, qui se audire vellent, introducluros ad Deuin et errore omni liberatii-
roA.. . » etc. Ne pas oublier que les initiés du premier degré portent dans le Manichéisme
le nom d'auditorex.
(4) Ibid. 13 (p. 17) : « Testor, llonorate, conscienliam meam et puris auimis inhabilan-
tem Deum existimare jirudentius, castius, religiosius, quam sunt illac sciiplurae
nihil me
oiiines, quas testamenli veleris uomine calliolica Ecclesia retinet... » Toute la page est
1res belle, sur la lecture de l'Ancien Testament et la sympathie qu'y doit apporter Hono-
ratus : « Quidquid est, milii crede, in Scripturis illis altum et divinum est : inest omnino
Veritas et refîciendis instaurandisque animis adcommodatissima disciplina... » Sur le qua-
"Iruple sens possible de l'Écriture, ibid. 5 (p. 7).
les en-
Confessions un portrait si désenchanté et si respectueux :
bère avec lui-même, et la question qui se pose à lui n'est déjà plus de
savoir s'il restera dans la secte qu'il regrette d'avoir rencontrée
%ur
il sou-
sa route, mais comment il découvrira la vérité vers laquelle
pire passionnément. Honoratus mieux que personne a été témoin de
ses soupirs. Mais peut-on découvrir la vérité, et le scepticisme de
Augustin
tout ne résout pas le problème, et aggrave la langueur :
liumanain lain
(2) Ibid. 20 Saepe rursus inluens, quantum polerani, nientein
(p. 2.5) : «
pulabain latere verilatein. nisi quod \n -a
vivacem, lam sagacem, lam perspicacem, non
divina auclontate c>se
quaerenili mo.lus lateref. eundemque ipsum modum ab aliqua
esset auolorilas... »
sumendum. Restabat quaerere quaenam illa
(3) Ibid.
12 nr.VIK IJIBLIQUK.
l'utilisera, mais la certitude est pour lui acquise, et elle est dans l'au-
(31 Contra Académie, m, 20 « Nulli dubiuin est gcmino pondère nos impelli ad discen-
:
dum, auctoritatis atque rationis. Mihi auteni certum est nusquam prorsus a Christi aucto-
ritate discedere non enim reperio valentiorem. » Deordine, ii, 27 « Illa auctorltasdivina
: :
dicenda est quae... ipsum horninem agens ostendit ei quousque se propler Ipsum depres-
serit. »
(4) De util, crecl. 20 (p. 2.5j. Rapprocbez Contra Academicos, ii, 1. Ce point est
bien marqué par Harnack, Dogm,engeschichte, t. III-', p. 112.
AUTOUR DU DE VriLITATE CREDENDl DE SAINT AUGUSTIN. i:}
serait l'enfant qui refuserait d'aimer ses père et mère crainte qu'ils
ne fussent pas vraiment ses père et mère (5) ? La société ne se passe
pas davantage d'autorité. Comment la religion s'en passerait-elle?
(1) Ve util. cred. 2i (p. 42) : « Si enim Dei providentia non praesidet rébus hunianis,
niliil est de religione satagendum. omnium, quam profeclo ex
Sin vero et species lerum
manare credendura est, et inteiior nescio qua con-
aliquo verisslraae |)ulcliritudinis fonte
scientia Deum quaerendum Deoque serviendum meliores quosque animes quasi jiublice
privatimque cohoilatur non est desperandum ab eodem ipso Deo auctoritatem aliquain
;
(4) Ibid. 24 (p. 30) : « Haec est providentia verae religionis, boc iussum divinilus, boc
beatis maioribus Iraditum, iioc ad nos usque servatum : boc perturbare velle atque pcr-
vertere, nihil est aliud quam ad veram religionem sacrilegam viam quaerere. »
<( Turpe est siîie rationc ckk/uiu)) credcfo » [H). Cette autorité est le
Christ : je crois ce (jue le Clirist a dit, je le crois sans lui demander
d'autre raison de le ci'oire (pie sa parole ^3), mais j'ai des raisons
préalables d'accepter cette divine autorité de la parole du Christ.
Augustin à plusieurs reprises énunière dans le J)r ulililate crcdc/idi
ces raisons préalables, ou, pour parler comme la théologie moderne,
ces motifs de crédibilité.
Il croit témoignage des peuples convertis,
donc au Christ sur le
dendum negant. nisi indubitata ralio ri'ddita fuerit, chrlstiani non sunt. w Cette dernière
assertion doit s entendre de la démonstration rationnelle que Ion exigerait des assertions
du Christ avant d'y croire, non de la démonstration de l'autorité divine du Christ.
(4) Ibid. 31 vp. -38).
Hoc facUim est dlvioa provideutia per prophetarum vaticinia. per luiraanitateiu
doctrinaraque Christi, per apostolorum itinera, per martyrum contumelias. cruces,
sanguinem. mortes, per sanctorum praedicabileni vltam. atque in his universis digoa
rébus tantis atque virtutibus pro temporuin opportunitate miracula.
Cum igitur tantum auxilium Dei. tantum profectum fructumque videamus, dubi-
tabimus nos eius Ecclesiae condere gremio, quae —
usque ad confessionem generis
humani. ab apostolica sede. per successiones episcoporum, frustra hapreticis cir-
cumlatrantibus, et partim plebis ipsius iudicio, partim conciliorum gravitate, partim
etiani niiraculorum raaiestate damnatis, — columen auctoritatis obtinuit? Cui noile
primas dare vel sumraae profecto impietatis est vel praecipitis adrogantiae(2).
son autorité est la plus haute qui soit, « columen auctoritatis obti-
(p. 23\ a pris soin de relever que le nombre des Chrétiens dans le monde est plus grand
que le nombre des païens, même si on ajoute les Juifs aux païens. Et s'il s'agit des liéré-
tiques, la Catholica compte incontestaldeinent plus de fidèles qu'il n'y a au total d'héré-
tiques. « Plures eniin iam Christiani sunt quani si ludaei simulacrorum cultoriims adiun-
gantur. Eorumdern autem Christianorum, cum sint liaereses pluies..., una est Ecclesia. ut
omnes concedunt; si tolum oiheni considères, refertior multitudine; ut autem qui nove-
runt adfirmant, etiain veritate sincerior ceteris omnibus. Sed de veritale alia quaestio est. »
1} De util. cred. 35 (p. 4.'j) : « Quod contineniia..., quod castitas..., quod |tatienlia...,
quod liberalitas,.., quod denique totius huius mundi aspernatio..., pauci lioc faciunt. pau-
ciores bene prudentenjuc faciunt, sed pojiuli prol)ant, populi laudant. populi favent, dili-
gunt postremum poi)uli. »
(2) [bid. —
Augustin n'a pas appuyé ici sur la démonstration de l'Église, qui pour lui
s'identifie avec le christianisme authentique. Voyez Ibld. 19 (p. 24) : « ... una est Catho-
Ex quo inlellegi d«tur, iudicanlibus arbitris iiuosnulia inipedit gratia, cui
lica... sit catho-
licum nomen, ad quod omnes ambiunt, tribuendum ».
16 lUiVUE lUIU.IUlJt:.
tin s'excuse d'eu avoir dit si peu, quand il y aurait tant à dire (-2).
(1) De util. cred. 35 (p. 46). On remarquera qu'il n'entre pas l'ombre d'une considéra-
tion politique dans l'apologétique d'Augustin. Mais il relève que toute liberté est laissée à
chacun de se convertir et de déliltérer sur sa conversion, ibid. 18 p. 23) « Omnia .
divina et hurnana iura permittunt ([uaerere catholicam fidem; tenere autem et colère per
humanum certe ius licet...; nemo imbecillilalein terret inimicus...; omnium dignitatum
et potestatum gradus huic divino cultui devolissiine inserviunt; honestissimum est religio-
I, 20, qu'Augustin a bien souvent défendue. De spiritu et litl. 19. De gen. nd Utt. iv,
49.
De doctr. chr. ii, 28. Enarr. in ps. cm, i, 1. Sermo cxxvi, 3; cxu, 1-2. Jn loa. euang.
tract, vni, l. Etc. •
espérer les résoudre sinon par la foi, de peur de mourir avant d'ar-
river à la foi (2). — D'autre part, les choses divines sont telles que
notre raison, quand elle les considère, est éblouie de leur lumière,
palpite, chancelle, ^< inhiat amore », et de fatigue plus que d'élec-
tion se retourne vers ses ténèbres familières comme vers son repos,
<( reverbe.ratur hice veritatis et ad familiantatcm tenebrariini sua-
rum, non electione , sed fatigatione convertitur ». L'âme doit redou-
ter d'une semblable réaction une impuissance plus grande. C'est
alors que l'autorité s'offre à ceux qui réclamaient les ténèbres pour
:
douter que le meilleur moyen de nous amener à la vérité n'ait pas été
que la vérité ineffablement et merveilleusement se fît homme, et
nous persuadât de croire ce que nous ne pouvions comprendre (i).
Voilà pourquoi il n'est rien de plus salutaire dans l'Église catholique
que de donner pratiquement à l'autorité le pas sur la raison (5).
(1) De mor. Eccl. cath. 3. De fide reruin quae non videnlur, 4. De quant, animae, 12.
Mais Augustin a fermement marqué aussi ([ue recourir à l'autorité des liommes dans les
choses de la raison est un expédient qui ne doit pas déposséder la raison « Pudet imbe- :
cillitatis, cum rationi roboraiidae liominum auctoritas quaeritur, cum ipsius rationis ac
veritatis auctoritate, quae prolectoest omni hoinine melior, niliil deberet esse praeslanlius. »
De miisica, v, 10.
(2) Epislul. cil, 38 : « Conccdendum eliaio fortassis ([uod de Christo quaesivit, cur tanto
|iiist venerit, vel si quae sunt aliae paucae et magnac quaestiones quibus cèlera inser-
viiint. Siautem... taies omnes ante quam sit christianus finire cogifat, perparum cogitât
vel condicioncin bumanani vol aetalem iam suam, sunt enim innumerabiles quae non sunt
liniendac ante lideni, ne finialur vila sino fide. »
(3) De mor. Eccl. cath. 11. Se rappeler De util. cred. 'i (p. 7).
Kncoro esl-il indispcnsaMc que cette autorid- ail des titi-es à notre
créance. I.autorité, écrit Auensfin, ne saurait être vide de raison,
puiscjiH' nous avons à considérer qui nous croyons : u Nefjur aucto-
ritalon ra/io penitus ileserif, cum considcratin' cui. sit credenduni >'
(1).
L'examen s'impose des hommes et des livres auxquels nous allons
croire : « Nostnnn est considerare qniôus vel Iiominilnis vol iibris
crcdoudiim ad colendum recte Dcum » (2). f/liomme fait qui
s'il vient
à la loi a rélléchi avant de croire, car nul ne croit si d'abord il n'a
pensé qu'il fallait croire : la volonté de croire est précédée par une
délibération de croire, si rapide soit-elle : « Niillus qiiippe crédit
aliquid îiisi prius coyitaverit esse credendum » (3).
(4) De mor. Eccl. cath. Vl. De catech. nid. 6 et 1<». Au nombre des miracles. Augus- —
tinmet le fait de la conversion du monde au christianisme. Sur cette considération, voyez
en particulier De fide rerum quae non videntur, 10. Ibid. 5-7 argument revêt la forme 1
d'une prosopopée où l'Église prend la parole : « Ipsa vos Ecclesia ore maternae dilec-
tionis Ego quam miramini per universum mundum t'ructilicantem atque
alloquitur :
crescenlem... Pour conclure « An vobis inane vel levé videlur, et nullum vel parvum
)- :
putatis esse miraculum divinum, quod in nomine unius crucilixi universum genus currit
huvnanum? »
AUTOUR DU DE VTILITATE ClilJDENDI DE SMNT AUGUSTIN. 19
spe nutrita, caritate aucta. vetustate firmata; tenet ab ipsa sede Patri apostnii,
cui pascendas oves suas post resurrectiouem suam Dominus commendavit, uscjue ad
iiomera. quud non sine causa inter tani multas liaereses sic ista Ecdesia sola obti-
luiit, ut cum omnes haeretici se catholicos dici velint, quaerenti tamen alicui pe-
legrino ubi ad Catholicam conveniatur, nullus haereticoruna vel basilicam suam vel
une raison de plus de me tenir à la foi catholique, « qui par des liens
si nond)reux et.si forts m'attache à la religion chrétienne » (3).
(1) Contra epi.si. Ficnd. 4 (p. 196). — Rapproclicz la récapitulation des raisons de croire
d'Augustin dans Lpislul. cxxxvii, 15-1(3.
valeat aucloritas. <|uaf, al) ipsis fundatissimis sedibus apostolorum usque ad Iiodiernuin
diein, succedenliuin siiiiinet episcoporum série et toi populorum (onsensionr (inna-
tur. » Se rappeler De util. cred. 19 (p. 23-24).
vulgaire (1). Les peuples et les prêtres, qui n'ignoraient pas ce (juf
les philosophes professaient sur la nature des dieux, lei* voyaient
cependant participer aux cérémonies d'un culte que leurs écoles
déclaraient illégitime. Aujourd'hui, au contraire, l'unité est faite
du culte et de la doctrine les saintes Écritures « dans le monde :
entier sont lues aux peuples et par eux écoutées avec un. respect
sincère », personne ne s'étonne de la chasteté
les églises pullulent,
ce que nous n'avons pas osé persuader aux peuples, nous avons même
consenti à leur paganisme, loin de les amener à notre foi (3) ! S'ils
avaient à vivre une seconde vie au milieu de nous, reconnaissant quelle
est décidément l'autorité qui sert mieux le genre humain, ils se
feraient chrétiens, comme nous avons vu faire en si grand nombre à
(1) De vera relirj. 1 : « Sapienles, qiios philosophos vocant, scholas habebant dissen-
Uentes et tenipla communica. »
(2) Ibid. 5 : «tolum orbem iarn populis leguntur et cuiii veneratione liben-
Si haec per
ti>sime audiunfiir. Si post tantum sanguinem, tantos ignés, lot cruces martvniui, tant
lertilius et uberius iisque ad barbaras naliones ecclesiae pullularuut. Si tôt iuvenuin et
virginummillia conlemiientium nuptias casleque vivenlium iam nemo iniratur... Si ... per
oinnes terraruni partes quas bomines incolunt sacra christiana traduntur... Si denique per
nrbes alque oppida, castella, vicos et agros etiani villasque privatas, in tantum aperte i)er-
suadelur... in uniiin Deuin verurnque conversio, ut cotidie per universuni orbeni hunia-
miin genus una pêne voce respondeat sursum corda se liabere ad Dominum... «
(3) Ibid. 6. Il est bien curieux de trouver une imitation de celte page d'Augustin dans
une péroraison claironnante de Cousm, T)u vrai, du beau, et du bien (éd. de 1875;, p, i!S-
431.
(4) Ibid. 1 : « ... Sicul plerique recentiorum nostrorumque temporum Plalonici léce-
runt. » On ne sait à quels platoniciens convertis pense Augustin. On ne connait que Marius
VicLorinus, sur l'œuvre et sur l'influence du([iiel, voyez Loofs, Leilfaden der Doymen-
Oeschichle (1906), p. 349-351.
ALTOUK DU DE ITILITATI: ClihDEXDI DE SAIM AIGUSTIN. 21
btd apud eos solos qui christiani catholici vel orlhodoxi nominantiir, id est integri-
tiitis custodes et recta sectantes (1).
vérité.
Te ergo, vera spoosa veri Clnisti Ecclesia catliolica, adloquar... Cave semper, ut
caves, MaDichaeorum iinpiam vauitatem iam tuorum periculo expertam et libera-
tione convictam. Ille me quondam de gremio tuo error excusserat : expertus fugi
quod experiri non del)ui... Noli decipi nomine veritatis; hanc sola tu habes, et
in lacté tuo et in pane tuo; in hac autem tantum nomen eius est, ipsa non est (2).
II
Les livres sainis qui ont été donnés aux hommes avant l'incarnation
du Seigneui' portent le nom d'Ancien Testament. On fait injure à
l'Ancien Testament si, avec les iMarcionites et les Manichéens, on nie
qu'il ait pour auteur le Dieu bon et souverain; ou fait injure au
Nouveau, si (ni l'égale à l'Ancien ('•-). Car parmi les saints livres,
on doit reconnaître à l'Évangile une véritable précellence (5). Mais
du Nouveau que de l'Ancien Testament, sont éga-
les Écritures, tant
bliions pas cjirelles sont toujours spirituelles, niènie (niaini hnir lan-
gage parait charnel (1). Et l'on ne doit jamais perdre de vue (]ue
Dieu y adapte son langage à notre infirmité « Dctts pcr Junninem :
ce livre n'a pas dit vrai. Nous devons penser La faute en est au :
(1) Sermo win. 3 « Scripturae sanclae siint, veraces sunt, inculpatae sunt... Veruin
:
lameu ut nos excrceat cadcm Scriptura, in iniiltis locis velut carnaliter loquilur, curn
semper spiritalis sit. » De catech. nul. 50 « Monendus est (catechumenus)... ut si quid
:
etiam in Scripluris audiat quod carnaliter sonet, etiam si non intellegit. credat tainen
spiritale aliquid signidcari quod ad sanctos mores futurainque vitarn peitineat. » Pour —
la doctrine d'Augustin sur l'Écriture, son inspiration, son infaillibilité, voyez les textes
réunis par C. Pesch, De inspiratione S. S. (Freiburg 1900), p. 111-132, qui nous dispense
d'insister.
(5) Ibid.3.
(6) Conf. XIII, 16 (p. 357). Cf. ibid. 44 (p. 381) : a hoino, nempe quod Scriptura niea
dicit, ego dico. «
(7) La traduction latine, s'entend, car Augustin attribue une sorte d'inspiration aux
Septante. Pesch, p. 121-122.
AUTOUR Di: DE UTILITATE CllIJDENlJl DE SALNT AUGUSTIN. 2:5
mentir i3). L'Écriture authentique est établie comme dans une chaire
sublime toute intelligence fidèle
: et religieuse s'y doit assujettir Ci^).
parfois Augustin (7). Ils sont « les livres catholiques », dit-il ail-
leurs, en ce sens qu'ils sont les livres que reçoit et que retient l'Église
répandue dans l'univers (8).
Breviter vos admoneo, (jiii illo t;im nefando et execrahili errore leneiuidi, iit si
Si. dit Augustin aux Manichéens, vous voulez suivre l'autorité des
Écritures (elle est préférahle à toute autorité, en effet, puisqu'elle
est divine), vous devez suivre l'autorité des Écritures authentiques,
I
c'est-à-dire des Écritures qui se sont conservées jusqu'à ce jour dans
l'univers entier etque l'univers entier a reçues, depuis le temps de
la présence historique du Christ, par le ministère des apôtres, trans-
mises qu'elles ont été dans les Églises où les apôtres ont siégé et
par une continuité qui se vérifie dans la succession bien établie des
évêques. L'authenticité donc se prouve historiquement, comme l'Église,
et par un argument historique dans lequel rautorité de l'Église n'in-
tervient pas.
Toutefois, la canonicilé dun livre étant garantie par les apôtres,
la non-canonicité d'un apocryphe est prononcée par l'Église, et l'au-
toritéde l'Église intervient alors, non dans l'établissement, mais
dans du canon. La Providence procure par l'Esprit-Saint
la défense
que des Evangiles soient écrits; elle donne, par exemple, à saint Marc
et à saint Luc, qui ne sont point apôtres, l'autorité pour écrire leurs
Evangiles : d'autres viendront ensuite qui écriront sur les actes du
Seigneur ou des Apôtres, mais ceux-là seront écartés, pourquoi?
parce que l'Église n'aura pas eu foi en eux et aura refusé de recevoir
leurs écrits dans « l'autorité canonique des saints livres » (2). L'Église
ad has res uUum pondus auctoritatis : ipsae sunl enim, quas recipil cf tenet Ecclesia
' tolo orbe diffusa. >< Cf. Epistul. c^lvii, 2, 4, 5.
(1) Contra Faust, xxxiii, 9 (p. 796). Cf. ibid. \i, 2 (p. 315) : « Quam libri a te prolati
originem, quam vetustalem, quam seriem successionis testem
Contra advers. leg. et
citabis? »
prophct. 1, 39 « Sane de apocryphis iste posuit testimonia, quae sub nominibus apostolo-
:
rum Andreae loannisque conscripta sunt. Uuae si illorum essent, recepta essent ab Eccle-
sia, quae ab illoruui temporibus per episcoporum successiones certissimas usque ad noslra
(2) De cons. Euangel. i, 2 « Céleri autem homines, qui de Domini ve! Apostolorum
:
actibus aliqua scribere conati vel ausi sunt, non taies suis temporibus cxtiterunt ut eis
AUïOLli DU DE VTILITATE CREUENUI DE SAINT AUGUSTIN. 2".
dit : Crois à l'Évangile. Or, cette même Église, avec la même auto
rite, me au Manichéisme. Si elle se trompe, quand
dit : Ne crois pas
elle condamne le Manichéisme, comment aurai-je foi en elle, quand
elle m'impose l'Évangile? Je décline donc par cette objection préa-
qua infirmata iam nec Euangelio credere potero, quia per eos illi credideram.
lidem haberet Ecclesia, at(|ue in auctoritatem canonicain sandonim librorum eoruia scripta
reciperet. »
(1) De mor. Eccl. cath. i, 61 : x Egone de illa (Scripturaj, quam constanter latissime
(livulgalaiii video, et Eccicsiarum per totum orbein dispersarum conteslatione munilain,
iliibilabo iniserr »
26 iii:vi i; hini.iouK.
que les fidèles savent par cœur, et dans lequel sont énoncés en quel-
ques mots les éléments de ce qu'ils doivent croire. Ces quelques mots
ont été choisis pour évincer les erreurs des hérétiques, auxquels la
Scripturis protuleris quod commune est cum omnibus, necesse est ut audiamus eae vero ;
voces quae extra Scripturam sunt nullo casu a nobis suscipiuntur. » Maximinus invoque le
concile de Rimini. mais n'y veut voir qu'une proclamation de la doctrine des Écriturfs
{ibid. 4). Constamment il en appelle à l'autorité de l'Écriture. II dit « Utinam et digni :
inveniamur Scripturarum discipuli approbari », ibid. 20 (col. 736 de Migne). « Oro et oplo
discipulus esse divinarum Scripturarum », ibid. 25 (coi. 740).
(3) De Trinitale, i, 4.
Est autem catholica fides in symbolo nota lidelibus memoriaeque mandata quanta
res passa est brevitate serraonis, ut incipientibus atque lactentibus eis qui in Christo
renati sunt... paucis verbis credendum constitueretur quod multis verbis exponendum
esset proflcientibus... Tractatio tidei ad muniendum symbolum valet,... ut illa quae
in svmbolo retinentur contra haei-eticorum insidias auctoritate catbolica et niuni-
Dans le symbole les fidèles ont la régie de leur foi, règle brève
et grande, brève par sa rédaction, grande par ses affirmations (-2).
Le sym])ole est leur confessio (3j. L'évèque d'IIippone insinue que
le symbole baptismal est le même dans toutes les Églises de la
Catholica [k).
Le symbole n'est pas une source de la foi, il n'en est qu'un résumé :
vera, fides recta, fides catholica, non opinione praesumptionis, sed testimonio lec-
tionis collecta, nec liaeretica temeritate incerta. sed apostoiica veritate fundata, hoc
insinuât : hoc novimus, hoc credimus, hoc... rectissime ac robustissime retinemus (0).
(1) Deflde et symb. 1. Ce discours est prononcé par A. en 393 devant le concile d'IIip-
Voiti tlonc un article ilc foi, ([ui n'ost pas une ()|»inion, mais une
donnée scripturairc {teslinionio leclionis collccla), (jui n'est pas une
témérité hérétique, mais une donnée de l'enseignement apostoli<iue :
nous dir(Mis de cet article de foi, que nous croyons, que nous défen-
dons, ([nil est la foi vraie, la foi droite ou orthodoxe, la fidrs caUio-
lica.
des personnes, dans lesquelles ils ne voient (|ue des nominn diversa
d'une seule et unique personne les Ariens acceptent la génération
:
du Fils, ils nient l'égalité du Père et du Fils entre ces deux erreurs, :
Nos. id est catholica fides, veniens de doctrina apostoloriim. plantata iii nobis,
per seriem successionis accepta, sana ad posteros Iransmittenda, inter utrosque
id est inter ulrumque errorem tenuil veritatem (1).
Audi ergo totura quod dico ego, id est quod dicit catholica fides, quod dicit
La prière pour les défunts est légitimée par le livre des Macchabées
errore. Catholica auteiii fides, ex utroque verum tenens quod tenet et praedicans quod
crédit, et Dcuin Christum intellexit et hotnineui credidit utrumque eniin scriptum est et
:
utrumque veruia est... Utrumque igitur tene, anima fidelis et cor calholicum, utrumque
lene, utrumque crede, ulrumque fideliter crede. » —
Augustin ne se sert pas du mol
dogme au sens où nous l'employons. Quaest. euang. i, 11 « Dogmata sunt placita sec- :
larum. id est quod placuit singulis sectis. « De catech. rucl. 12 « Multi multa perniclosa :
(1) De cura pro mort. gcr. 3 a ... Sed et si iiusquain iii Scripluris veteiibiis omnino
:
legeretur, non parva est universac Ecclesiae qiiae in liac consucluJine claret auclorilas,
ul>i in precihus sacerdotis quae Domino Deo ad eius al (are fundunlur locum suum liabet
ctiam conunendatio tnortuorum. ;) Ibid. 1 : « Universa pro defunclis Ecclesia supplicarc
consiu'vit. »
Illa autem. quae uon scripta sed tradita custodimus, quae quidem toto tenarnm
orbe servantur, datur intellegi vel ah ipsis apostolis, vel plebariis conciliis, quorum
est in Eeclesia saluberrima auctoritas, commendata atque statuta retineri (2)>
Ce qui est reru dans l'Église en tant qu'elle est l'univers ne peut
avoir été introduit que par une autorité universelle, c'est-à-dire par
les apôtres, sinon par un concile plénier. Augustin ne conçoit pas
une tierce hypothèse, il n'est pour lui d'alternative qu'entre le collège
apostolique ou un concile plénier : s'il est constant qu'une institution
universelle n'est la création d'aucun concile postérieur aux apôtres,
elle est des apôtres (3).
(2) Epistul. Liv, 1 (p. 159). Augustin donne, comme exemples d'institutions reçues dans
toute l'Église, la célébration des anniversaires de la passion, de la résurrection, de
l'ascension du Sauveur, et de la descente du saint Esprit, « et si (iiiid aliud taie occurrit
quod servalur ab universa quacumque se diffundit Eeclesia ». — Ibid. C, il distingue
les institutions légitimées par l'Écriture, « si divinae Scripturae praescribit auctoritas »,
et qui ne sont pas à discuter, et les institutions reçues dans toute l'Église, qui ne sont
pas à discuter davantage « Simililer etiam si quid horum tota per orbem fréquentât
:
Eeclesia, nam et hinc quin ita faciendum sit dispulare insolentissimae insaniae est. »
(3) De bapt. iv, 9 « Illa consuetudo, quam etiam tune lioraines sursum versus re-
:
« .\diuncta est... dierum observatio per patrum concilia, et orbi universo christiano
persuasum est eo modo Pascha celebrari oportere. » Noter persuasum est : la Catliolica
AUTOUR DU DE UTILITATE CREDENDI DE SAINT AUGUSTIN. 31
honmie très grave n'ait pas désavoué des raisons qu'il estimait n'être
pas réfutées, qu'il ignorait n'être pas fondées. Cyprien était troublé
quand il considérait qu'une coutume universelle et très ferme [imi-
rersalem robustamque consuetudinem) lui donnait tort; il s'enfermait
dans la prière, demandant à Dieu de
découvrir ce que plus tard lui
un concile plénier a vu iquod postea plcnario conc'dio visum est) ;
pour des raisons spécieuses qui ne sont pas tout de suite réfutées,
la question demeure un temps obscure et les Églises partagées, vient
s'est ralliée. « universae Ecclesiae quae toto orbe diffunditur consensione » (ibid.). Voyez
encore Epislul. i.v. 35.
(Ij De bapt. ii, 13.
(2) Ibid.
De bapt. ii, 14, Aujçustin note que Cyprien s'est arrêté à la décision d Agrippinus
{'X)
cl du concile d'Afrique, et il ajoute qu'il aurait invoqué mieux encore la décision d'un
concile Iransmarin ou d'un concile universel : « 'Oslendit) niullo niagis se fuisse coniine-
moraturuin si quod de hac re transmarinuni vel universale concilium factum esset. »
:{2 UKVI;E lUIM.IOlîE.
concile de rÉ£;lise universelle qui l'a tirée au clair et qui doit étir
préféré à un concile particulier « ... huic esse unirevsae Ecclesiae :
(4) Ibid. Nain et concilia posteriora apud posteros piaeponuntur et universum parti-
: «
bus semper iure oplimo praeponitur. » On doit piélérer le concile pléniei qui a confirmé
la validité du baptême des hérétiques pour deux raisons de bon sens, 1" i)arce qu'un concile
plus récent a chance d'avoir bénéficié de la durée de la discussion, 2" parce que, le tout
étant plus que la partie, un concile plénier doit l'emporter sur un simple concile africain
comme était celui d'Agrippinus. Ne prenons pas ces deux arguments pour une thèse.
(.5, De bapt. ii, 4 : « Quis autem nesciat sanctam Scripturam canonicam... omnibus po-
sterioribus episcoporum litteris ita praeponi, ut de illa oinnino dubitari et disceptari non
utrum verum vel utram rectum sit quidquid in ea scriptum e.sse constilerit episco-
possit. ;
per singulas regiones vel provincias fiunt plenariorum conciliorum auctoritati quac fiunt ex
universo Orbe cbristiano sine ullis ambagibus cedere; ipsaque plenaria saepe priora poste-
rioribus emendari, cura aliquo experimenlo rerum aperilur quod clausum erat et cognosci-
tur quod lalebat... « Quand le concile de Carthage réunit les évèques de toutes les jiro-
vinces africaines il plenarium Africae concilium. Epistul. lxiv, 4. (Cette lettre
s'appelle
est de 401). Les Donatistes usent de même du terme de plenarium concilium pour qua-
AUTOUR DU DE VTIUTATE CREDENDI DE SAINT AUGUSTIN. 33
Donc, (lune part, des « concilia quae pcr singulas regiones vel pcr
consubstantiel
Nicée, dira-t-il, les Pères catholiques ont confirmé le
contre les Ariens hérétiques par l'autorité de la vérité et la vérité
de l'autorité (6).
L'autorité souveraine d'un concile plénier ne fait pas la
vérité,
(1) De bapt. i, 9.
(3) Ibid. 5.
(4) Ibid. vu, 102.
(5, Ibid. II, 5.
Hoc est iHud Uoinousion fiuod in cncilio Ni-
(6) Conira Maxim, arian. II, xiv, 3 : '<
Proiiide. quamvis luiius rci certe de Scripluris caiioiiicis non prolcialur excmpluin,
earumdein laincn Scripturaruin etiam in hac re a nobis tenetiir veritas, cum hoc
l'acimus (juod iiniversae iatn placuit Ecdesiae quam ipsarum Scripturarnm commen-
dat auctoritas, ut, quoniam sancta Scriptura fallere non potest, quisquis falli metuit
huius obscuritate quaestionis, eamdeni Ecclesiam de illa consulat (]uam sine ulla
ambiguiiate sancta Scriptura demoustrat (2).
les conciles pléniers sont amendés par des conciles pléniers subsé-
quents, « priora posterioribus emendari ». Il saute aux yeux que
reprehendi n'est pas synonyme à'emendari, et que l'analogie ri-
goureuse dont Reuter tire argument n'est pas dans la perspective
d'Augustin.
lieuter insistera : il suffit, dira-t-il, qu'un concile plénier puisse
être amendé par un concile plénier subséquent, pour que toute défi-
nition de concile plénier soit faillible. Mais ici encore la pensée d'Au-
gustin est plus nuancée emendari signifie pour lui un développement,
:
c'est un mot que la foi de nos pères a créé, [verbum) quod tamen
«
(1) Rapprochez De vera relig. 15 « (Haeretici) plurimum prosunt, non verum dicendo
:
mation n'était pas neuve pour autant, puisque qui dit 6;j.ocù(7ioç ne
dit pas autre chose que le texte Ego et Pater unum sumus {loa. x,
30) (3). —
Secondement, toute controverse de bonne foi suppose une
(1) Contra Maxim, arian. II, xiv, 3 : « Hoc cstillud lioinousion, quod in concilio Nicaeno
« Christi Ecclesia, sedula et cauta deposilorum apud se doginatum custos, nibil in bis
nunquam permutât, nibil minuit, nibil addit,... boc unum studet ut vetera fideliter sapien-
terque tractando, si qua sunt ilia si qua
antiquitus informata et incboata accuret et poliat,
iam confirmata et definila custodiat. Denique quid unquam aliud conciliorum decretis enisa
est, nisi ut quod antea simpliciter credebatur, boc idem postea diligentius crederetur ? quod
antea lentius praedicabatur, boc idem postea instantius praedicaretur? « etc. Augustin a
compris le développement incomparablement mieux que Vincent de Lérins.
« Adversus impie tatem quoque Arianorum haereti-
(3) In loa. euang. tract, xcvii, 4
:
corum novum nomen Patris Homousion condiderunt, sed non rem novarn tali nomine
signaverunl... » Contra serm. Arian. 34 : « (Ariani) nos tamquam opprobrio novi nomi-
AUTOUR DU DE JJTILITATE CIŒDEND] DE SAINT AUGUSTIN. 37
Quomodo enim potuit ista res tantis altercatiomim nel)iilis involiUa ad plenarii
concilii luculentam illustrationera confirmationemqne perdnci, nisi priiiio diutius per
orbis terrarura regiones multis liinc atque hinc disputationibus et collationibus
episcoporum pertractata constaret? Hoc autem facit sanitas pacis. ut, cuni diutius
aliqua obscuriora quaeruntur et propter inveniendi dil'Ucultatem diversas paiiunt in
fraterna disceptatioiie sententias donec ad verum liquidum perveniatiu", viuculum
permaneat unitatis, ne in parte praecisa reraaneat insaiiabile viilnus erroris (1).
Augustin, qui n'a eu en vue qu'un cas, est un esprit trop sagace
pour ne pas poser un principe qui s'applique à tous les cas possibles :
nis Homousiaaos vocant... Ecce qui nos ([uasi macula novi nominis vocanl Homousia-
nos... »
écrit ou non écrit des Apôtres, c'est-à-din; dans la tradition, est donc
confirmée et aclicvée par l'autorité de la Calliolica (i ).
Dieu, qui nous a donné son Église en voulant qu'elle soit catholique
et se reconnaisse à sa catholicité, ne sépare pas la vraie foi de la vraie
Église Dans la chaire de l'unité II a placé l'enseignement de la
: «
vérité » (-2). La certitude où nous sommes que les hérétiques sont dans
l'erreur présuppose que l'Église est nécessairement dans la vérité. Des
évoques pourront se tromper, des conciles régionaux pourront se
tromper, des controverses pourront troubler les esprits le remède à :
parce que tout ce que l'universalité de l'Église croit ou décide est con-
lorme à la vérité que Dieu g-arantit (4). Dans son universalité, l'Église
(1) Les que nous venons de récapituler constituent une théorie de l'Église bien
traits
dans de TertuUien et de Cyprien, comme dit Loofs [Leitfaden, p. 370), qui ajoute
la ligne
(p. 371) que « mt'me le principe catholique de la tradition ne lui est pas étranger »! On
ne comprend pas qu'après cela le même Loofs écrive « Une théorie claire fait i(;i
:
défaut », et qu'il adopte la conclusion de Reuter, à savoir que, épiscopat, siège apos-
tolique et sièges apostoliques, conciles relativement ou absolument pléniers, valant
comme représentations de lÉglise infaillible, il ny aucune représentation
a cependant
infaillible de l'infaillible Église. Reltiîr, Aucjustinische Studien, p. 358. Harnack,
Boginengeschichte, t. IIP, p. 135-136, adopte la conclusion de Reuter.
(21 Kpistul. cv, 16 « Quod (c'est-à-dire le schisme) usque adeo caelestis magister
:
cavendum praemonuit, ut etiam de pracpositis malis (les mauvais évêques) plebem secu-
ram faceret, ne propter illos doctrinae salutaris cathedra desereretur, in qua coguntur
etiam mali bona dicere. Ncque enim sua sunt quae dicunt, sed Dei, qui in cathedra
unitatis doctrinam posuit veritalis. n
(3) De bapt. m, 2.
(4) Ibid^ Rapprochez ib. 3 : « Nos itaque, ut dicere coeperam, in eius Ecclesiae com-
munione securi sumus, per cuius universitatem id nunc agitur quod et ante... Cyprianum
per eius universitatem similiter agebatur. » Quaesl. euaag. n, 40 « lam facile est etiam :
illud videre, heri posse ut quisque in Ecclesiae societate doctrinam integrara veramque
a3se(|uatur. »
AUTOIR DU DE VTILITATE CREDENDI DE SAINT AUGUSTIN. 39
ciel (5), et quine l'abandonne pas (6), le chef qui nous conmiande de
croire, pourvoyant à la protection de l'Église par les grands conciles
et par les sièges apostoliques, comme aussi par une élite d'hommes
ni
(1) De Gen. ad
litt. imp. 4. « Universaliter perfecta est et in nullo claudicat «.
(3) Enarr. in ps. ix, 12 « Ipse habitat in Sion, quod interprelatur speculatio, et
:
gestat imaginem Ecclesiae quae nunc est... Ipsam quae nunc est Ecclesiam nisi Domi-
nus inhabilaret. iret in errorera quamlibet stiidiosissiraa speculatio. » In loa. euang.
tract. XX, 3 : « Catiiolica (ides hoc habet, firmata spiritu Dei in sanctis eius, contra
oranem haereticam pravitatem. »
(4) Sernio ccviv, 11. De vera relig. 20 : « Quae vera esse perspexeris tcne, et Ecclesiae
catholicae tribue. «
(51De ùapl. vu, 102 « Sed nobis tutum est... (id) lidacia securae vocis asserere quod,
:
in gubernatione Domini Dei nostri et Salvatoris lesu Cbristi, universalis Ecclesiae con-
» Enarr. in ps. lvi, 1
sensione roboratiini est. « Corpus autein eius est Ecclesia, non :
ista, autsed toto orbe diffusa... Tota enim Ecclesia constans ex omnibus lidelibus,
illa,
quia fidèles omnes membra sunt Cbristi, habet illud caput positum in caelis, quod guber-
nat corpus suum. » De (ujone chrisliano, 4 « Nec enim decipi poiest qui iam novit :
quid pertineat ad christianam fidem, quae catholica dicitur per orbem terrarum sparsa,
et contra omnes impios et peccatores, neglegentes autem etiam suos, Domino gubernanle
secura. »
(6) Sermo cccxli, .5 : « Turbavit fratres infirmos Ecclesiae quaestio Arianorum, sed
in Domini misericordia superavit catholica fides non enim deseruit ille Ecclesiam :
(7) Epistul. cxviii, 32 imperalor clementissimus (le Christ qui nous fait
: « Ille fidei
de la foi im conventus celeberrimos populorum aUjuc gentium sedesque
i)récepte}, et pcr
ipsas Apostoluruin arce auctoritatis munivit Ecclesiam, et |)er pauciores pie doctos et
vere spiritalcs viros copiosissimis apparatibus etiam invictissimae rationis armavit.
Verum illa rectissima disciplina est, in arcem fidei ([uam maxime recipi infirmos, ul pro
ris iam tulissime Sur l'infaillibilité de l'Eglise dans
posilis fortissima ratione pugnetur. "
lecclésiologie d'A. voyez T. Si-echt, Die Lehre von der Kirelie nach dem h. Augustin
(Paderbora 1892;, p. 247-251, p. 317-325.
40 HKVIK HIHUQUË,
lidrle u'y est pas pour autant exproprié du droit de penser sa foi. A
l'intérieur et à l'abri de {"autorité divine, la raison s'exerce et elle
udiis d»»nne rintelligence de notre foi : c» Inlidiis fuir in sancluarlum
Dei, intrans credendo, discis intellegcndo » (l). Dans ce sens il faut
entendre la maxime chère à Augustin que la foi précède l'intelli-
gence (2).
Augustin ne se dissimule pas ce que le principe de la priorité de la
foi sur l'intelligence, c'est-à-dire sur l'exercice de la raison, a de
déconcertant pour llionime qui n'a pas encore la foi. homme
Tout
veut comprendre, tandis qu'on ne peut pas dire que tout homme veut
croire. Un homme me déclare : Je veux comprendre pour croire. Je
lui réponds : Crois pour comprendre, selon la doctrine même d'Isaïe :
Nisi credideritis, non intcllegeti.s [h. vu, 9) (3). Nos deux exigences
sont-elles donc contradictoires et inconciliables? Non.
Ergo ex aliqua parte veriim est quod ille dicit : Intelleiiain ut credam, et ego qui
dico sicut dicit propheta : Immo crede ut intellegas. Verum dicimus. Concordenius.
Ergo intellege ut credas, crede ut intellegas. Breviter dico quomodo utrumque sine
controversia accipianius. Intellege ut credas verbum nieum : crede ut intellegas ver-
bum Dei (4).
Ce qui revient à dire que l'homme qui ne croit pas encore peut
exiger d'êtreamené à la foi par la voie de la raison, c'est-à-dire par
l'examen des raisons de croire à l'autorité divine (5), et par la critique
des difficultés d"y croire (6). Arrivé à la foi, il s'exercera à com-
(2' In loa. euang. tract. x\i\, 6 : « Si non intellexisli, in([uam, crede. Intelleclus
enira merces est fidei. Ergo noli quaerere inlellegere ut credas, sed crede ut intellegas. »
<c Fides gradus est intcllegendi, intelleclus aulein merituin fuie. » cxxwii, 15 : « Intellec-
tui'fides aditum aperit. » cxxxix, 1 : « Sic crédite ul mereamini intellej^ere : lides enini
débet praecedere intellectum, ut sit intelleclus lidei praemium. >' Même théorie déjà dans
le De libero arbitrio, ii, 6, et dans le De vera religione, 14, c'est-à-dire dans deux écrits
antérieurs à la prêtrise d'Augustin.
(3) Sermo xLin, 4 et 7. Le texte cité d'Isaïe répond au grec des Septante.
(4) Ibid. 9.
(5) Rapprociiez Enarr. in ps. cxvin, xvni, 3« Uuamvis enim nisi ali<iaid inlellegat :
librorum, operosius respondelur. Neque eorum pravitas potest diviuae Scriplurae pon-
dère corrigi, adversus quos polius ipsa quae ab eis apertius accusatur débet ulique
Scriptura defendi. »
AL'TOLR DU DE UTILITATE CliEDENDI DE SAINT AUGUSTIN. il
Église par une discussion de raison, non par une pieuse soumission à
l'autorité (divine), seuls les philosophes et les orateurs posséderaient
la béatitude (1). Le bon Consentius est trop revenu de ses erreurs!
Augustin va s'apphquer à tracer pour lui, en une lettre très belle, la
Int. AuGLST. Epistul. cxix, 1 : « Verilatem rei divinae ex liilc magis quain ex
(1)
ratione percipi oportere. Si enim «des sanctae Ecclesiae ex disputatioiiis ralione, non ex
credulitatis pietate apprehenderetur, nemo praeter philosophos atque oratores beali-
tudinem possideret. » — Pour le sens de sanctorum, voyez la fia du pa ajiraphe :
ut quod credis intellegas, corrige defmilionem luam, non ut fidem respuas, sed ut ea
quae fidei lirmitateiam tenes etiam rationis luce conspicias. »
(3) Rappiocliez Enarr. in ps. cxviu, xviu, 3 et Sernio xliii, 3-i.
V2 RliVUE lUMLIOUE.
pas accordée pi)Ui' ([iic nous l'cnoucidns à la raison. (Juaiul nous tlisons
face à face avec Dieu dont parle saint Paul (I Cor. xiii, 12), encore
que dès ce monde, de très humbles chrétiens, « quidam
« in via fidei »,
Et quidquid tibi cum ista cogitas corporeae similitudinis occurrerit, abige, abnue,
béatifique. On devra interpréter dans ce sens le passage In loa. euang. tract, xl, 9 :
sumus, nec oculus vidit, nec auris audivit... » De catech. rud. 47 « ... ut... quoraodo :
sint tiaec tria unus Deus, non iam verbis (idei et strepentibus syllabis personemus, sed
coDtemplatione purissinia et ardentissima in illo silentio sorbeamus. » Sur la contem- —
plation, en, tant qu'elle peut être atteinte par instants en ce monde, en vertu d'une grâce
d'oraison, voyez le récit classique de Conf. ix, 23-26, surtout 24, de l'entretien d'Augustin
et deMonique à Ostie, et ce que dit Augustin ailleurs sur le ravissement de saint Paul,
par exemple Epistul. cxlvii, 31. Cf. Bossuet, Instruction sur les états d'oraison, éd.
LÉvESQLE (1897), p. 64-«5. Voyez encore J. Martin, Saint Augustin (1901), p. 167-170.
(2) Epistul. cxx, 6.
AUTOUR DL DE UTILITATE CREbE]SI)l DE SAINT AUGUSTIN. 43
oega, respue. abice, fuge. Non enim parva est inclioatio cognitionis Dei, si antequam
possimus nosse quid sit, incipiamus iam nosse quid non sit (l.
rée célèbre :
Intellectutn vero valde aiiia. quia et ipsae Scripturae sanctae, quae magnaruni
reriim ante intellegentiam suadent fidem, nisi eas recte inteliegas, utiles tibi esse
non possunt (2).
et gaudete » (5).
cam quain praecipue nosse debelis, quam tenete qui iiostis, a qua prorsus fides vestra
labi non polest, quae nuliis hoininum argumentis exlorquenda est cordi vestro, dirigainus
ea quae intellegimus. » Cf. De Gen. ad litt. imp. 1, 2 et 5.
(5) Sermo f;ci.xxii. Rap|)rochcz cvxxix, 1 : « Quod ergo simpliciter praedicatur creden-
dum est, quod sublililer disputatur intellegendum est. »
44 REVUli BIBLIQUE.
ïlic si ratio quneritur, non erit mirabile; si exempluni poscitur. non crit singnlare.
iJennis Deiim aliquid possequod nos fateamur investigare non posse. In talibus rébus
tota ratio facti est potentia facientis (4).
dans l'Ecriture : par eux est assurée la foi sans laquelle on ne vit pas
religieusement et droitement. Au delà, le plus sagace, le plus
appliqué des doctes doit renoncer à épuiser le contenu de l'Écriture.
Pour moi, dit Augustin, je ferais encore des progrès tous les jours
dans la connaissance de l'Écriture, quand même je l'aurais étudiée
depuis ma prime eniance, à loisir, avec une application infatigable,
avec un génie que je n'ai pas (5). Au vrai, l'Écriture est accessible et
(ides quae paucis verbis tenenda in symbolo novellis cbristianis datur. Quae pauca verha
fidelibus nota sunt, ut credendo subiugentur Dec, subiugati recte vivant, recte vivendo
cor mundent, corde mundato quod credunt intellegant. >> Cf. De ngone clir. 14. — A. est
revenu maintes fois à ce thème, qui était aussi un thème des Néoplatoniciens. Vo}e/
Uetract. i, 26 : « Sententia cuiusdam sapientis, non est rnea... Est autem cuiusdam
Fonte! carthaginensis de mente mundanda ad videndum L)eum, quod paganus quidem
scripsit, sed christianus baptizatus est morluus. »
(2) In loa. euang. tract, xvni, 7. Rapprochez De anima et cius orig. iv, 15 « Inlel- :
lege quid non intellegat, el noli despicere hominera qui, ut veraciter intellegat quod non
intellegit, hoc se non intellegere intellegit. »
(5) Ibid. 3.
ALTOL'R DU DE UTlUTÀTi: CREDEM)! DE SAINT AIGL'STIX. 4:i
Quantum enim quisque sciendo profecerit, tanto se infra iflas liiteras ioveniet,
(|uas Deus tamquam fîrmamentum supra omnia liuraana corda constituit.
Non itaque opus est /j/«,s saperc, sed s((pere ad temperantiani, slcut nnicui'/ite
Deus part ihis est mensuram fidel{Rom. xii, 3). Docebunt te ista fortasse doctiores,
si ad illos afîeras tantam discendi scientiam, quantam scieudi liabes curam,
(IJ Epislul. cxxxvK, 18. Toute cette page sur les deux aspects de l'I'criture est 1res belle.
Rapprochez Epislul. cii, 38 a ... Quod in eis eluxeril, sine typho arrogantiac coinnuinican-
:
dum; quod autem latuerit, sine salutis dispendio tolerandum. » Sermo l\xi, 11 « lo :
omni quippe copia Scripturarum sanctarum pascimur apertis, exercemur ohscuris illic :
dante de la foi.
L'intelligence, en effet, si loin que nous puissions la pousser, ne
se substitue pas à la foi. Augustin, dans le De utilitale credend'i , a
dit à Honoratus Par tes désirs, par tes gémissements, par tes larmes,
:
sera la vérité en venant à la foi d'autorité (6) que lui prêche Augustin,
et en s'assujettissant aux préceptes de Dieu « que Dieu a voulu qu'ils
regulam catholicain lidei,... et sic intellexeris ut inde dubilare onuiino non debeas.
adde aedificium, noli taraen relinquere fundamentuni. »
(4) Contra ep. Fund. 14 (p. 210).
(5) De util. cred. .33 (p. 41) « ... Deuui deprecare ut te ab crroris nialo liberet, si
:
tibi beata vita cordi est. Quod facilius fiet si praeceptis eius, quae tanta Ecclesiae catbo-
licae auctoritate (iruiata esse voluit, libens obtempères. Cum enim sapiens sit Deo ila
mente coniunctus ut nihil interponatur quod separet, Deus enim est veritas. nec ullo
pacto sapiens quisquam est si non veritatern mente conlingat... »
(6) LooFS, Leitfaden, p. 370, cite le texte ci-dessus et entre nihit et interponatur
insère : « Also auch keine Autoritiit.
transpose ainsi la théorie néoplatonicienne de la
» Il
Je ne veux pas que vous vous attachiez à mon autorité, écrit Augus-
tin en il3 à Paulina, et que vous pensiez jamais que vous devez
croire une chose parce que je l'aurai dite (1). Un évêque, fût-il saint
Ambroise, n'a en ce sens d'autre autorité que celle que lui donne la
vérité. Augustin, citant à Paulina une page de saint Ambroise, lui
dira donc « Tene mecum sancti vi?n Ainbrosii sententiam, iam non
:
saint Ililaire, il ne veut pas que l'on en fasse une sorte de canon ces :
écrivains n'ont pas, dit-il, une autorité telle qu'on ne puisse opiner à
lloc genus litteraniin ab auctoiitnle ciiiionis disfiniiiicndnm est. \on onim sic
legiintur laniqiuiiii ita ex eis testiriioniiim prol'eratur, iil couUa sentire non liceat.
sicubi forte aliter sapiierunt quani veritas postulat (I).
et ils parent l'Eg-lise, encore que rKglisc soit plus précieuse qu'eux.
Il est de ces pierres précieuses qui un jour cessent de lui être une
parure « Prctiosi plane lapides isli sunt, sed ex eorum numéro qui-
:
(1) Epislul. xcni, 35. Même tlième, en 413, dans Epistul. cvlviii, 15 : « Hacc oinnia
de.litteris eorum et latinorum
graecorum, qui priores nobis in calholica Ecclesia
et
viventes divina eloquia tractaverunt... Neque enim quorumiibet disputationes, (|uain-
vis calholicorum et laudatorum liominuin, velut Scripturas canonicas liabere debemus,
ut nobis non liceat. salva honorificentia (|uae illis debelur hominibus, aliquid in eorum
scriptis improbare atque respuere, si forte invenerimus quod aliter senserint quam
veritas habet... »
(2) Sermo xxx.vii, 3. Enarr. in ps. cxxxn. 18 : « Sunt docti qui allligunt Ecclesiam,
schismata et baereses faciendo. Proinde nef in illis invenis fidem, quoniam facti sunt Aegyp,
tus, id est alllictio populo Dei. »
U De Trinit. ii. 16 : « ... In jiace catholica pacifico studio requirarnus, parali corrigi,
si fiaterne ac recle reprehendiinur. < Ibid. 1 : « Nulius enim reprehensor fonnidandus est
amatori verilatis. »
cuiii iisquae scripsimus ita noslra vel aliorum exerceatur et erudialur inlirmitas, ut tamen
in cis niiila velut canonica conslituatur aiictoritas. >
(3) De doclr. citr. iv, G Débet igitur divinaruin Scripturarum tractalor et doclor,
: >
defensor reclae (idei ac debellalor erroris, et bona docere et mala dedocere. » Rapprochez
Coyif. V, 21 ip. 108) ce qu'Augustin aime à rappeler d'Elpidius (\in défendait l'Écrilure
contre les Jtanichéons, à Carthage, el qui fit impression sur A. manichéen alors.
(4) De mor. Eccl. calli. 1.
—
Epislul. cxxxvii, 3, Volusianus se plaint de l'ignorance des
évèques. De calech. rnd. 13, Augustin prie les gens de lettres qui deviendront chrétiens
d'excuser les évèi[iies qui font des barbarismes et des solécismes, ou qui no comprennent
pas toujours les prières ([u'ils prononcent.
REVUE BIRLIQUC 1917. — N. S., T. XIV. 4
parole d'un honinic si rc'piilo, • in opiums ituttim urbi Icrrac », et
Manichéens (1).
Il pourra, un jour, généralisant l'expérience qu'il a faite avec Am-
broise, dire aux Manichéens d'écouter les doctes de l'Église d'un
cœur paisible et sans arrière -pensée, comme je vous ai écoutés,
ajoutera-t-il (2). Ces doctes font, à l'intérieur de l'Église, l'œuvre
de l'intelligence. Car, dans sa foi, l'Église déjoue les questions
insidieuses des hérétiques, et aussi bien des juifs ou des païens :
elle prend ces questions au sérieux, et elle les résout par l'intelli-
gence : « ... insidiosas eorum quaestiones fide irridet, diligcntia
discutit, intelle g entia dissolvit » (3).
Dans son pour comprendre ce que la foi, ce que l'Écriture,
effort
de tout ce qui est vrai
lui a proposé, l'intelligence s'aidera Quisquis : ((
Conf. V, 14 (p. 111) « Nam priino etiam ipsa defendi posse inihi iaia coeperunt
:
(1)
videri, et fideiii catholicam, pro ([ua nihil posse dici adversus oppugnanles Manichaeos
putaveram, iain non impudenter asseri existimabain... Nec tamen iain ideo mihi catho-
licam Tiam tenendam esse sentiebarn, iiiiia et ipsa poterat habere doctes adsertoros suos,
(jui copiose et non absurde obiecla relelierenl, nec ideo iam damnandum illud quod
ils ne montrent pas, tant que nous sommeillons dans les ténèbres
se
de l'impéritie, où nous nous complaisons plutôt que de regarder en
face la lumière de la vérité (3), Dieu permet que les hérétiques abon-
dent, afin que nous ne demeurions pas dans l'enfance, « ne in hnita
iiifaïUia remaneamus » ils posent aux fidèles catholiques, en eifet,
:
*
¥
Il est enfin un docteur plus persuasif que tous les autres, le maitre
intérieur.
Distinguons soigneusement l'intelligence, entendue du progrès du
fidèle dans sa foi par la vertu d'un don de Dieu, et le concours divin
2; De vera reluj. 15. .Mt'ine tliùme, Du Cen. contra Manic/i. ii, 2. Augustin dit ailleurs,
intermisceal. « Mais toute hérésie nen est pas moins détestable. Les lépreux que le Sauveur
guérit de leur lèpre, figurent les liérétiques : < Leprosi ergo non absurde inlellegi possunt,
qui scienliani verae fidei non habentes, varias doctrinas profitentur erroris. » Ilnd.
(3) Ds vera relig. Vt : « Sunt eniin innumerabiles in Ecclesia sancta Deo probali viri,
sed nianifesti non fiunt inter nos, <iuanidiu imperitiae nostrae tenebris delectali dorniire
malunius quam lucern veritatis intueri. » Rapjnochez De util. cred. 4 (p. 6) « Qui vero :
pauci hoc facere noverunt, non amant propatula et famigerula quaedani in disputatione ler-
laniina et ob hoc minime noli sunt nisi liis qui eos instantissime requirunt. »
(4) In loa. euang. tract, wxvi, 6.
habituel (jui est la coiulilioii de la coiiDaissaiico naturelle, du uioins
selon la théorie qu'Augustin a faite sienne après l'avoir empruntée à
Plotin. Dans cette théorie, Dieu est le soleil rpii éclaire tout honnnc
venant en ce monde, comme le soleil éclaire la lune. Mais cette illumi-
nation est naturelle, elle est due à notre nature d'homme, sans elle
nous ne serions pas hommes, c'est-à-dire une âme raisonnable, ou
plus préciséuicnt, intellectuelle (1).
extérieurs vous enseignent ce que Dieu n'a pas voulu dire à ses
apôtres, mais que dociles au maitre intérieur vous réalisez la parole :
lam iiic videte magnum sacramentum, fratres : sonus verl)orum nostronim aures
percutit, magister intus est. Noiite piitare queiiujuam aliquid discere ah liomine.
Admonere possumns per strepitum vocis nostrae : si non sit inUis qui doceat, inanis
fit strepitus noster. Adeo, fratres, vultis nosse? Numquid non sermonem istum
omnes audistis? Quam muiti liinc indocti exituri sunt? Quantum ad me pertinet, om-
nibus locutus sum; sed quibus unctio illa intus non loquitur, quos Spiritus sanctus
fl) Clv. Dci, X, 2 (p. 448-449). Je cite ce le.vte, entre bien d'autres, parce qu'il atteste
l'emprunt à Plotin. « ille magnus Plalonicus ». Celte théorie de la connaissance intel-
lectuelle est bien connue par l'utilisation qu'en ont faite Malebranche, t'énelon, Bossuet
et l'école dite onloiogiste. Voyez de M. dk Wclf, Hiat. de la philosophie médiévale
(1905), p. 104-105, et la pénétrante analyse de Vortalié, p. 2334-2337.
(2) Epislul. cxx, 14. Voyez un admirable développemenl de cette pensée dans le
(4) In loa. euang. tract, xcvi, 4. Voyez encore ibid. \x, 3; xxxvni, 10; xcvn, 1.
i utils non docet, indocti redeunt. Magisteria forinsecus adiutoria quaedani sunt et
do notre que nous pénétrons des vérités qui sans lui nous
foi, il fait
Sermo ad Caes. Eccl. plebem, 9. On sait (luelle belle adaptation en fait Bossuel dans
la péroraison du sermon pour la profession de foi de Madame de Lavallière.
(2) On sait, et de l'aveu même d'Augustin, qu'il a reconnu que le commencement de la
foi. Comme l'observe le P. Portalié. ai-t. cit. p. 2378, « tout le semi-pélagianisme pou-
ad Filium, aufert cor lapideum... » Voyez iOid. 14-15 où A. insiste sur celte parole
intérieure du Père nous amenant à croire au Fils. Les termes d'A. sont si appuyés que
Bossuet a pu croire qu'ils avaient trait à la eontemplation. Instruction sur les étals
d'oraison, loc. cit.
:',; Enarr. in ps. cwui, wii, 2-3.
(4) Haknacr. DogmeiKjeschichte, t. III', p. 94 et 129.
[;ami: .!( ivi: pem) anï la féiviode pI'Rsane
[Suite]
I. — LKS DOCUMKNTS
{Sîiite)
Nous n'en avons pas fini avec le cycle de .lérémie. Il nous faut
parler brièvement de trois autres prophètes que l'on pourrait com-
parer à des satellites rayonnant autour du grand voyant dont la
parole a illuminé les derniers jours de Jérusalem Sophonie, Nahum, :
(1) So., I, 1.
(2) So., I, 5^3, 9. On notera aussi que, comme Isaïe, Sophonie témoigne d'un intérêt très
spécial pour la capitale : i, '^^3^ 5, 10, 11, 12';m, 1-5, 7, 11, 12, 14-18.
(3, Cf. So., I, S**, laliusion à laftectation des modes étrangères.
(4) Se, I, 8^^ 11-13, 18--»c; m, 3, 4, 11"'.
qu'au témoignage des Chrotùques (1), le jeune roi opéra douze ans
après son avènement, on pouvait suivre encore les effets de l'influence
si longtemps attribuée aux mondains 2) très nombreux étaient tou- ;
culte de Yahweh; les emblèmes des dieux étrangers avaient leur place
jusque dans les parvis du temple (3), des pratiques honteuses étaient
associées aux liturgies par lesquelles on prétendait honorer le Dieu
de Moïse et des pères (k). Tout au contraire les treize dernières années
de Josias furent marquées par triomphe des idées et des pratiques
le
So., 8''.
8) I,
(10) Plusieurs critiques prétendent en effet qu'au moment où ils furent consignés dans le
livre lu au temple par Raruch (Jer., xxxvi), ces oracles subirent des retouches destinées à
les mettre en rapport avec le péril chaldéen devenu d'une imminente actualité.
•''0
h'KM i: i;llil.lnll':.
apparition des Scythes (1) qui ieii-ifia l'Asie autéi'iciirc vers (527 et
au
cours tles années suivantes. (Vest s.uis doulr aux prédictions de ecs
deux ins|)irés cpic se réfère Kzéeliiel
en ses pi-ophéties fameuses sur
(ioi;, de Magou(-i). Hien ne ressemble davanta,i;c aux invasions des
roi
Scythes que les mouvements de peuples si puissamment décrits par le
voyant de rexii. Or Kzéchiel raj)pelle (prau.x jours d'autrefois les jn-o-
phèles avaient annonce que Dieu ferait venir ces barbares contre
Israël (3); on ne voit pas quels oracles il ])uisse viser avec plus de
précision que ceux de Soplionie
premiers qu'ait prononcés et les
-lérémie. On peut croire en définitive
que ce fut justement à l'occa-
sion de cette invasion des Scythes que Sophonie fut appelé au mi-
nistère prophétique et publia la plupart de ses visions.
Si court que soit son rouleau, on y trouve les trois éléments en
admettre des retouches; van Iloonacker traite les vers, ii, 7-10, 11
comme des gloses; de même Lippl, les vers, ii, 7", iï^; m, 19, 20
(doutes sur ii, 8-11 dans sa forme actuelle) (5).
kuh\ Obadiah and Joël, by John .VIerlia Powis Smitii, Ph. D., ^VilliaIn Hayes Waiu). D. D.,
LL. D., Julius A. Rkwer, Ph. D., p. 172 sv. Le commentaire de Sophonie est lœuvre de
M. Powis Smitii; il rejeUe lanthenticité de So., ii, 8-11, l.">; m, 6-20 (6-7 pourraient être
de vieille date, mais seraient en dehors de leur contexte primitif).
(6) On montrait à Benjamin de Tudcle (ll(>5 le tombeau de Nalium à 'Ain Japliala. au
sud de Babylone.
(7) On montre à Al-Krtsh, à environ vingt-cinq milles au nord de Mossoul,
un autre loin-
5s i;i;m K niiM.inii:.
du Sud. Mais, même si l'on fait les réserves que nous indicpierons
plus loin, aueini indice n'est de nature h nous faire aller chercher le
prophète en terre d'exil. On objectera sans doute la connaissance qu'il
témoigne de Ninive et des pai-ticularités de la capitale assyrienne.
Toutefois les données précises qui n'auraient pu être acquises (jue sur
place font défaut ce qu'on lit ne dépasse pas les informations que
;
beau de Nahura (cf. Lazard, Xineveh and ils Rt-mains. 1, p. 233). Assetnani (Ribliotheca
Orientalis, I, p. 525; III. p. 352y déclare que la tradition ne remonte pas au delà du sei-
zième siècle.
nord-est de_^Ramieh à environ sept milles a l'ouest de Tibnin. Lidfnlilication que Hilzi?
{Die zwôlf kleinen Propheten] propose d'Elqôs avec Capharnaum (« village de Nabum wi
(2) Celte identification est déjà attestée par un texte du De vltis Prophetarum fausse-
ment attribué à saint Épiphane.
L'AME .IllVr: l'ENDANT LA PLIUODL PLRSAN1-. ;;9
prédiction du désastre.
(2) Il tend à regarder i, 12'', 13; ii. 1, 3 comme additionnels; Nowack et van Hoonacker
rattachent ii, 1, 3 au cbap. i.
assyrienne subit deux assauts terribles celui de 025, qui eût sans :
doute été définitif Gyaxare n'avait été rappelé en Médie pour faire
si
face à une invasion des Scythes; celui do 60(j, dans lequel les efforts
combinés des armées de Gyaxare et des troupes du chaldéen Nabo-
polassar aboutirent à la destruction de la fameuse cité. Le caractère
irréparable de la catastrcjpbe décrite par Nahum invite à rapprocher
son oracle de la ruine finale. L'état de l'Assyrie, sa décadence au
cours des dernières années d'Assurbanipal et sous les règnes de ses
deux successeurs constituent le milieu et le contexte les plus naturels
pour la malédiction triomphale qui annonce la fin de la terrible tra-
fiquante des peuples (1).
La leçon de la chute des grands empires ne devait pas être perdue
pour ceux qui ne pouvaient être sauvés que par la ruine de Ba-
bylone.
Nos renseignements sur Habacuc sont plus maigres encore que
ceux que nous avons pu recueillir au sujet de Nahum. Nous ne savons
absolument rien de sa personne et son message ne laisse pas d'être
difficile à interpréter.
mais le juste par sa fidélité aura la vie » (ii, 2-i). — Suit une série
de malédictions contre les excès des violents (ii, 5-20).
Si la dernière section ne soulève guère que des problèmes de
criti({ue textuelle, il n'en va pas de même de celle qui précède. Sa
ilallov plus loin : cette péiicopo a tout l'aii' tir disjoiiulic les deux
parties dune même iulerroualion ;
conimeueéc i, -l-ï, la demande
anxieuse du propliète semble se eontiniier i, 12-17. Telle est la force
de cette constatation que l)eaucou[) de critiques isolent i, 5-11 de
son contexte et le traitent comme une interpolation. Aux yeux de
Giesebrecht, NVellhausen et Nowack, rélément du livret
essentiel
prophétique est constitué par i, 'l-ï -+- 12-ii, *20. Le méchant dont la
prospérité devient objet de scandale est un peuple, et c'est le peuple
chaldéen; Juda au détriment duquel s'exercent les vio-
est le juste
cales attestent l'usage que l'on en a fait dans la liturgie (2;. Yahweh
apparaît, pour un jugement du monde, au milieu des bouleverse-
(1) En tout cas Hab. , ii, 20 serait une formule liturgique de conclusion, ajoutée ;i une
date plus tardive.
(2) Cf. Hab., m, l, 19'' et aussi le mot rhz^ aux vers. 3, 9. 1.3.
64 RKM K BI1U,1QUE.
parce que son inscription portait le nom d'Hahacuc. Mais ce titre n'a
pas plus de valeur que beaucoup d'autres. Le caractère eschatologi-
que et apocalyptique du contenu, la désignation du peuple de Dieu
par l'épithéte d'Oint (nv^ja) (4) ne permettent^pas de regarder cette
composition comme antérieure à l'époque persane. Môme, au dire de
M. Steuernagel, les vers. 17-19 seraient additionnels; la détresse qu'ils
envisagent est difTérente de celle c{ue décrivent les strophes précé-
dentes. M. van Iloonacker admet le caractère secondaire de cette finale.
Mais, tout en reconnaissant qu'une adaptation liturgique ultérieure a
pu entraîner divers changements de détail, il n'hésite pas à rattacher
Fensemble du cantique à l'œuvre d'Hahacuc; le contenu lui paraît en
rapport avec la donnée de l'inscription et avec le contenu des oracles
authentiques.
6" Ézéchiel.
A partir de 587, il devait y avoir des Juifs dans toutes les régions
du monde connu; selon la parole des prophètes, ils étaient désormais
dispersés aux quatre vents du ciel (5). On les trouvait toutefois en plus
grand noml^re dans trois centres principaux il en demeurait en : Pales-
il y en avait en Ég-ypte, il y en avait en Chaldée.
tine,
(5) Jer., IX, 16; XIII, 24: XXX, 11: Ez., Xl, 16, 17; XII, 15; XX, 3't ; etc.
L'AME JUIVE PENDANT LA PÉllIOOE PERSANE. 65
Nous n'avons absolument aucun détail sm* 1(3 nombre des captifs
selon toute vraisemblance, accompagnèrent .loachim sur le chemin
(jui,
tous les princes et tous les puissants hommes de valeur, dix mille
captifs, et tous les artisans et forgerons; que les pau- on ne laissa
\ res du peuple du pays. 15. Et il emmena captif à Babylone Joachin;
•t la mère du roi, et les femmes du roi, et ses eunuques, et les grands
du pays, il les fit aller en captivité de Jérusalem à Babylone. 16.
Kt tous les hommes vaillants, sept mille, et les artisans et forge-
rons, mille, de Babylone les em-
tous vaillants guerriers, le roi
mena en captivité à Babylone. 17. Et le roi
de Babylone établit Mat-
tanias, son (de Joachin) oncle à sa place, et il changea son nom en
Sédécias. »
par son oncle Maltanias-Sédécias. C'est grâce au lien intime qui exis-
tait primitivement entre ces deux textes que, sans nommer à nouveau
oncle. Ce membre de
phrase ne s'expliquerait pas, avec toute sa con-
cision, si, dès l'origine, le vers. 16 l'avait séparé du vers. 15. Ces —
remarques aboutissent à faire regarderies vers. 14 et 16 comme pri-
mitivement étrangers au document qui a fourni les renseignements
KEVUE BIBLIQUE 1917. — N. S., T. Xl\ . 5
60. lUiVUK IMBLIQUE.
qui précèdent (1). Quelle oiiuine faut-il leur attribuer? Faut-il les
chose est certaine pour le moins c'est que cette dernièic hypothèse
:
ne saurait être émise à propos des deux versets à la fois. Or les don-
nées qu'ils renferment présentent ce grand avantai^e qu'elles con-
tiennent des évaluations numéri(|ues concernant divers groupes de
captifs. Jusqu'ici nous n'avons aucune évaluation pareille. Ni le vers.
1-2 ni le vers. 15 ne disent quel fut le nombre de prisonniers (femmes,
nombre des gens de l'entourage du roi et des notables du pays dont il est parlé vers. 15,
il a décomposé en 7.000 et 1.000 les autres groupes
de captifs signalés vers. 14. —
En tenant
compte de la construction grammaticale du récit, nous croyons plus probable que le docu-
ment fondamental ([ui est à sa base ne parlait que du sort fait à la famille royale. Le ré-
dacteur y aura inséré les renseignements que d'autres sources lui fournissaient touchant
d'autres groupes de captifs. Ces sources pouvaient n'être autre chose que des listes par-
tielles, et dès lors incomplètes, de j.risonniers dans cette hypothèse, il ne me paraît pas
;
prouvé que les vers. 14 et 16 ne puissent provenir de deux listes, l'une et l'autre dignes
de foi.
L'AME JllVE PENDANT LA PERIODE PERSANE. 67
1) 11 faut admettre, en cette hypothèse, que le copiste aura traité ce nombre comme re-
présentant le nombre total des captifs. C'est lui altribnur une lourde méprise, car la place
occupée par ce chitl're exclut forinellemenl cette interprétation.
(2) On pourrait, à la rigueur, distinguer les Sti 1li3S des SiPl 'îy:x. Prise en elle-
même, cette dernière expression peut désigner ou bien des hommes de guerre, ou bien
des hommes de ressources, qu'il s'agisse d'ailleurs de ressources morales ou de richesses.
On aurait, si l'on tenait à souligner la distinction, une nouvelle catégorie d'hommes comp-
tant, eux aussi, parmi les forces vives de la cai)itale.
'^
REVLIR HinLIQUI-:.
D'autre part. .'Uo est trop pivei.so ci clic est inséi'ée dans une liste trop
précise pour qu'on sonqo à réliminer piireuicnt et simplcmeut. C'est
une liste à part. M. van lloonacker, j)renant en considération le con-
texte dans lequel
<>lle ligure (vers. 28-30), y voit un des éléments
nées que l'on peut recueillir pour le sujet qui nous occupe. Le siège
dura depuis le 10 du 10° mois de l'an 9 de Sédécias jusqu'au 9 du
(1) On remarquera que ces captifs de Jer., lu, 28 sout appelés D''"ïiri\ Juifs. Au vers. 29,
à propos de la captivité de 587, on parle de prisonniers o de Jérusalem ». Il est ensuite
question, vers. 30, dune déportation, qui eut lieu cinq ans plus tard, et dans laquelle
ligurenl sepi cent quarante-cinq Juifs. Comme la capitale était déjà détruite, il ne se
peut agir ici que d'habitants de la province, de ceux-là sans doute qui se trouvaient au-
près de la résidence du gouverneur, autour de Masphah. Que si, au vers. 28, les DnïlMi
désignaient aussi des habitants de la province, il faudrait songer aux villages que l'armée
chaldéenne aurait rencontrés sur sa route en se rendant à Jérusalem.
(2) Jer., x\ix, 1, 2.
(3; On
ne doit pas hésiter, semble-t-il, à regarder Jer., ui, 1-27 comme une reproduc-
tion pure et simple du texte des Rois; l'hypothèse dune source commune compliquerait
inutilement la question.
(4) Jer., XXXIX, 1-10 et II Reg., xxv, 1-12 sont des deutérographes. On considère souvent
Jer., x.txix, 1-10 comme un extrait abrégé, suit de II Reg., xxv, 1-12 (BerthoUet, Sanda;.
soit de la reproduction de ce ciiapitre qui figure Jer. i.ii (Giesebrechl).
LAME JUIVE PENDANT LA PEIUODE PERSANE. 71
ï"mois (1) de l'an 11. Ce jour-L'i la ville fut forcée. Au moment où les
généraux chaldéens entraient dans la cité (2), tous les gens de guerre
; n^Zn'^sn •w':n) s'enfuirent, à la faveur de la nuit, avec le roi Sédécias.
{\) L'indication du mois qui a disparu de II Reg., xw, ;!, est fournie par Jer., \xm\, 2
et ui, 6.
(3) Ces trois catégories sont indiquées en cet ordre par II Reg., \xv, 11 et Jer., xxxix, 9
(ici une distraction de copiste a substitué au reste de la mullilude une dittographie par-
tielle du premier groupe le reste du peuple qui est demeuré... Dans Jer., lu, 13,
:
l'énumération suit de très près celle de II Reg., \xv, 11. Toutefois, pour le troisième mem-
bre, on a une leçon plus spécifique et de ce chef préférable : le reste des artisans (pCN'J
oHct, que la ilépoi-lation de 587 lui plus nombreuse que celle tle 51)7.
C'est ce que l'on peut coueluic <le ce que Ton sait par ailleurs de la
d«''solatiou de la région, et surtout de Jérusalem, pendant les années
(|ui suivirent cette date néfaste (1). Aussi bien les trois récits s'accor-
dent-ilspour dire qu'on ne laissa dans le pays, comme vignerons et
cultivateurs, qu'un groupe de pauvres qui n'avaient rien (-2). Désor-
mais aussi, au regard des prophètes, le peuple est en exil (3) seul un ;
âmes ». Ce verset est le seul passage scripturaire qui nous parle d'une
déportation en 58*2/581. On lui trouve d'ailleurs assez facilement un
contexte. Nous avons déjà dit qu'en quittant la Palestine, le roi de
Babylone y laissa comme gouverneur du pays le judéen Godolias. On
lui contîait les habitants que l'on n'emmenait pas captifs (5 ). Ils furent
bientôt rejoints par tous les chefs de troupes qui se trouvaient au large
et par leurs hommes (6) ; on doit songer, entre autres, aux échappés
de la plaine de Jéricho. On vit aussi revenir de tous les lieux où
ils s'étaient dispersés les Judéens qui étaient en Moab, en Ammon, en
Edom « et dans tous ces pays-là » (7). Parmi ces rapatriés d'avant la
lettre, se trouvait un conspirateur, un certain Ismaël, fils de Nathanias,
qui avait des intelligences avec Baalis, roi des Ammonites; celui-ci,
pour des raisons que ne connaît pas, avait donnée son hôte mis-
l'on
sion de tuer Godolias semble qu'Ismacl poursuivait son dessein
(8). Il
sans chercher à le cacher. Toujours est-il que les autres chefs revenus
avec lui connaissaient ses projets. Ils en conçurent une vive inquié-
tude; que ne pouvait-on redouter, en fait de représailles, si on por-
tait la main sur le représentant de Babylone? Godolias fut averti;
on lui proposa même de tuer l'assassin. Mais le gouverneur demeura
incrédule et désapprouva le projet de meurtre (9j. II fut victime de sa
droiture. Ismaël vint avec dix compagnons et tua « celui que le roi
tion fut organisée et une liste spéciale mentionnait, parmi ceux qui
en faisaient partie, sept cent quarante-cinq amn\; on ne saurait,
après la dévastation de la capitale, hésiter à les regarder comme des
habitants de la campagne judéenne.
En résumé, on doit conclure que le nombre des Judéens que Na-
buchodonosor avait, à diverses reprises, emmenés en Ghaldée était
assez compact. Les évaluations précises, mais partielles, que nous avons
rencontrées nous conduisent à un total de vingt- deux mille six cent
soixante-quatorze captifs. Or elles ne comprennent vraisemblablement
ni les femmes ni les enfants (3) de ce chef, il faudrait déjà multiplier
:
par quatre ou chig (4) la somme obtenue et l'on dépasserait cent mille.
Il prudent de ne pas risquer une évaluation d'ensemble. Toutefois,
est
si l'on redoutait des chiffres trop élevés, on pourrait tenir compte de
deux renseignements qui nous sont conservés par les annales les plus
authentiques des rois d'Assyrie, celles de Sarg-on et de Sennachérib.
Après le siège de Samarie, en 722, et après que le royaume du Nord
avait été déjà appauvri en habitants par les campagnes victorieuses
de Téglath-Phalasar et de Salmanasar, Sargon n'enleva pas moins de
vingt-sept mille deux cent quatre-vingt-dix prisonniers (mâles?) (5).
(3) On pourrait hésiter à appliquer cette remarque au cas où le texte parle, sans spé-
cifier des professions qui ne conviennent qu'à des Jiommes, d un nombre déterminé d'âmes
(Jer., LU, 29, 30).
(4) Ita van Hoonaci<er, à propos des évaluations qui résultent de sa manière de criti-
quer les textes.
(2) Il n'est pas sans quelque intérêt de noter les nombres de captifs enregistrés par
Josèphe [Antif/., X. vi-ix). La liste apparaît de prime abord plus complète que celles de
la Bible. On rencontre en effet une première donnée (vi, 3) qui manque dans les Rois;
elle est relative à la déportation qui aurait été la conséquence de celte expédition de
^Jabuchodonosor contre .Joaciiim (jue les Cfironi(/ues (II Chron., xxxvi, ti, 7) sont seules
à relater. Il y aurait eu alors ;j.000 prisonniers. Mais on remarquera que ce cliiffre est
voisin de celui de .">.02;J qui, Jer., ui, 28, se rapporte à la déportation de Jéchonias. Pour
celle-ci, Josèphe (vu, compte 10.832 captifs. De nouveau on notera qu'abstraction
t) faite
des milliers (dont l'indication a pu facilement tomber), ce chiffre est le même que celui
que relève Jer., lu, 29 pour la déportation de .">87. A. propos de cette nouvelle dépor-
tation, l'historien juif n'a pas d'évaluation numérique; du moins
il se borne à parler du
petit groupe qui, d'après II Reg., xxv, 18-21 (= Jer., i.n, 2'i-27), fut conduit à Hiblali
devant Nabuchodonosor (vin, 5]. Josèphe parle aussi de la déportation dont il est ques-
tion. Jer., LU, 30; mais, outre qu'il parait la placer dans un cadre inexact, il ne formule
pas d'évaluation. —
On est porté à croire que l'historien du temps de Jésus n'avait pas,
pour le sujet qui nous occupe, d'autres documents que la Bible elle-même; ainsi qu'il
lui arrive souvent, il les a exploités de travers et dune façon incomplète.
L'AME JUIVE PENDANT LA PÉRIODE PERSANE. 7S
terre des Pharaons. Outre les textes bibliques, nous avons, pour nous
renseigner à ce sujet, les papyrus d'Éléphantine (1). On a remarqué
tout cas, ce qui devait se passer pour les Judéens. Ceux-ci, tout comme
leurs frères séparés, subissaient le prestige de l'Egypte. A Jérusalem,
comme à Samarie. nombre de politiciens propageaient cette idée que,
pour conjurer le péril assyrien, il fallait conclure des traités avec les
(1) Sur les papyrus d'Éléphanline, voir R.B., 1901, Bulletin (p. lïO), l'indication de la
Notice sur un papyrus éf/ypto-aramérn de la Bibliothèque iinpériale de Strasbourg,
publiée par M. J. Eltinc; dans les Mémoires présentés par divers savants à l'Académie
des Inscriptions et Belles- Lettres (t. XI, 2° partie, p. 297 sv.; Paris, 1904}; — R.B., 1905,
Bulletin (p. 147 sv.;, l'indication analytique de l'article de M. Cleumont-Ganneau, Le
Papyrus Euting, dans Recueil d'Archéologie Orientale (t. \'I, p. 221 suiv. Paris, 1904); :
\vith Appendices by W. Spiei;elber(; and Sevmoir de Ricci, Londres, 1906), dans R.B., 1907,
p. 258-271; —
R. P. La(;ran(;e, Les fouilles d'Éléphantine, dans R.B., 1908, p. 2(50-267;
— R. P. La(.ra.m;e, Les Nouveaux papyrus d'Éléphantine (à propos de Eduard Saciial,
Drei arnmaische Papyrusurkunden aus Elepliantine, Berlin, 1908j, dans R.B., 19ii8,
p. .325-849-, —
F. Nau, Ahir/ar et les papyrus d'Éléphantine, dans R.B., 1912, p. 68-79;
— R.B., Recension (p. 127-137] par le R. P. Lagrange de Eduard Saciial, Ara-
1912,
maische Papyrus iind Ostraka aus einer jiidischen Militar-Kolonie zu Elephantine,
Altorientulische SprachdenkmOler des 5 Jahrhunderts vor Christ (Leipzig, 1911);
— R.B., 1912, Recension (p. 575-587) par le R. P. Lagrange de divers ouvrages et articles
dont la publication de Sachau avait été l'occasion; —
etc. On lira aussi, dans la Revue
l'ratii/ue d' Apologétique (1908, p. 607-618), E. Tisserant, Une colonie juive en Egypte
au temps de la domination persane. —
Nous aurons à revenir, dans la suite de notre
travail, sur le contenu des Papyrus d'Éléphantine; nous compléterons alors la Biblio-
graphie.
(2) Os., MI, 11.
{S) II Reg., xv, 29.
(4) II Reg., xvii, :i-6; xviii, 9-11.
T() ur.vri' itiiu.ini T..
eut à blc\mer les nouvelles alliances (3) comme Isaïe avait blâmé les
anciennes. Vers cette même époque d'ailleurs, d'autres relations s'éta-
deux peuples. Parlant des colonies juives d'Egypte,
l)lissaient entre les
le fait remonter la première origine à Psammc-
psendo-Aristée en
ti(jue Avant ceux-ci [ceux qui étaient venus avec le Perse], d'au-
: ('
tres avaient été envoyés comme alliés pour combattre avec Psanmié-
tique contre le roi des Éthiopiens » (^^).Il n'y a pas lieu de rejeter
cette donnée et l'on peut songer à Psammétique I, ce prédécesseur de
Néchao qui, dès le temps d'Assurbanipal, avait entrepris et de se
soustraire au joug assyrien et de rejeter, au profit des vieilles dynas-
ties nationales, la domination des rois éthiopiens. C'est donc à titre
(4) Cf. H. B. SwETE, An Introduction to the Old Testament in (jree/i; Appeudix. The
Lelter of Aristeas, p. 521, 1. 13, 14.
L'AME JUIVE PENDANT LA PÉlilODE PERSANE. 77
était reine parmi les nations est telle qu'une veuve » (5); surtout elle a
perdu les éléments qui faisaient sa force, roi, gens de la cour, nobles
et princes, prêtres et prophètes, magistrats, artisans (6). De tels sou-
tiens la province, elle aussi, a été en partie privée. Mais elle semble
(5) Lam., I, 1.
tement, qu'ils fussent riches ou pauvres, les terres de ceux qui s'en
allaient; ils n'avaient d'autre obligation que de payer, le moment
venu, des redevances au vainqueur. D'ailleurs, le contraste entre la
joie des nouveaux occupants et la peine de ceux qui partaient peut
être une du ressentiment de ces derniers j. Ces
explication partielle ('i
part, le sandjak est plus étendu que l'ancien pays de Juda; d'autre
part, si la population de la capitale est aujourd'hui plus dense qu'au
sixième siècle avant notre ère, on peut penser que celle des cam-
pagnes est sensiblement plus rare. Dans de telles conjonctures, toute
hypothèse serait téméraire.
Un jour qu'après le départ de Joachin et de ses compagnons d'exil,
Jérémie au temple, il vit devant la porte deux paniers de
se rendait
figues qu'on y avait déposés comme offrandes. Lune des corbeilles
renfermait de très bonnes figues, comme le sont les figues de la pre-
mière récolte. Mais, dans l'autre panier, les figues étaient très mau-
mauvaises qu'on ne pouvait les manger. Ce fut pour le
vaises, si
prophète l'occasion d'une parole de Vahweh. Tandis cjue les fruits
détestables symbolisaient les Juifs demeurés en Palestine autour de
Sédécias, les bonnes figues étaient l'emblème des captifs de Juda en-
voyés au pays des Chaldéens; Yahweh ne cesserait de les regarder
avec faveur jusqu'au jour certain où ils reviendraient à lui de tout
leur conu", jusqu'au jour où il les ramènerait au pays (3). Il est tout
indiqué qu'à ces Judéens de l'exil nous réservions d'abord notre
attention.
Le départ des exilés était le moment des lamentations et des atten-
drissements. Les prisonniers ne partaient pas tous à la fois, mais en
plusieurs colonnes. Les hommes étaient enchaînés (4), d'ordinaire
deux à deux; on rendait ainsi impossible tout essai de fuite au cours
du voyage. Des causes bien légitimes pouvaient, en effet, inspirer le
désir de s'échapper. Les captifs marchaient sous la conduite d'un sur-
veillant; il les traitait comme des êtres sans droits aucuns et sans
volonté, les méprisant et les brutalisant à son gré (1). Il leur donnait
sénéralement la pernnssiou d'enlever de leurs maisons les ustensiles
les plus indispensables; les hommes les portaient de leur main de-
meurée libre, tandis ([ue les femmes les mettaient sur leur dos dans
de petits sacs. Le trajet se faisait à pied et, pendant la nuit, on cam-
pait en plein air (2); souvent toutefois, d'après les bas-reliel's (3), des
femmes étaient installées sur des chars à juulets, avec leurs enfants
et leur mince bagage.
De Jérusalem on remontait vers le nord. La principale des cara-
vanes de 587 fit sa première étape à Rama, à quelque dix kilomètres
de la Ville Sainte; Nabuzardan y procéda à une nouvelle inspection
et sépara de ceux qui devaient continuer le voyage leurs parents et
connaissances. Il donna aussi la liberté à (juelques prisonniers qu'il
jugeait dignes de plus d'égards (i). Jérémie fut du nombre; il nous a
(3) Ce sont, en effet, les bas-reliefs assyriens qui constituent les iiriiicipaux documenls
sur ce sujet.
('t) Jer., XL, 1-5.
(5) 11 semble, du moins, qu'on puisse voir en cette scène l'occasion de Jer.. \xu, 15.
mois [II Reg., \\v, 8] au dixième [Ez., xxxiii, 21]) la durée du voyage du fugitif qui vint
de Jérusalem annoncer à Ézéchiel la chute de la capitale.
Li, ;.9-tii.
(1) Cf. Jer.,
f9^ F/ wii 'i
n'en résultait pas un conflit avec les lois babyloniennes. D'autre part,
il est difficile d'admettre que les Chaldéens se soient privés des avan-
(4) Ez., Y, 1.
(6; Même sur la terre de Juda, Godolias avait des gens de guerre chaldéens à cote de
lui, sans doute pour le surveiller autant que pour appuyer son autorité (Jer., .\ij, 3).
84 HI.M K IUI5LIUUK.
rien d'une injustice, ni rien qui pût surprendre- dès longtemps, c'était
le sort des déportés. La corvée n'en était pas moins pénible et dur
(1) Les indications à ce sujet sont fournies par les bas-reliefs assyriens, les inscriptions,
les contrats.
(4) Is., XL-Lv paraît supposer que les captifs ou, au moins, des groupes importants sont
à Babyïone.
(5) Esdr., II, 65 = Ne., vu, 67 nous parle des esclaves et des serviteurs de ces riches ;
Esdr., II, 69=:Ne., vn, 70-72 nous montre ces derniers capables de faire de larges aumônes
pour les œuvres de restauration; Esdr., i, 6 et Zach., vi, 9-11 témoignent dans le même
sens.
(fi) Cf. Am., MU, 4-6; Ez., vu. 12, 13.
LA.MK JLIVK PKNDANT I.A IMLIllODE PEHSAlNE. 80
(1) Is., xLvii, 15: Ez.. wii, 4 témoignent tic l'importance commerciale de Babylone.
'^2) Am., Mil, '1--.
3 et. Esdr., 1, 5. Ainsi que l'a compris Joséphe, la formule « tous ceux lionl Dieu excita
IVsprit » a ftlutôt une portée restrictive.
I Cf. Esdr., I, 6; \ii. 10.
Seules les Ames élevées surent pénétrer au fond des choses et ne pas
se laisser éblouir [);n' des dehors superlîciels. Mais ceux-là mêmes
n'étaient pas sans courir de périls. Les relations nécessaires avec les
vainqueurs — et elles étaient très fréquentes -r- produisaient des ell'els
dissolvants. Aussi bien les fils d'Israël n'étaient pas les seuls étrangers
dans ces vastes centres de cosmopolitisme. Ils voyaient autour d'eux
des multitudes d'hommes venus de tous les pays, qui peu à peu
perdaient le souvenir du sol natal pour s'attacher à la terre qui leur
donnait le bien-être; le grand nombre des captifs d'autres races ne
devaient jamais retourner dans leurs patries. L'exemple devait être
fatalement contagieux. D'autre part, les .ludéens, pas plus que les
autres colons, ne pouvaient opposer une résistance absolue aux efforts
multipliés en vue de les assimiler à la population chaldcenne. Impos-
sible de se fermer entièrement aux influences du milieu; force était
d'adopter peu à peu des usages étrangers, des façons de penser étran-
gères. D'ailleurs, les rapports
séculaires avec les Assyriens et les
Babyloniens avaient créé, chez les Judéens comme chez les Israélites,
des courants de sympathie si les coups portés à la vie nationale
;
(1) Tels les noms de Sesbassar (Esdr., i. 8j, de Zerubbabel (Esdr., ii, 2 , Sar'éser (Zach.,
vn, 2), etc.
(2) Avant l'eiil, il semble que les Israélites et les Judéens désignaient les mois par les
noms que leur donnaient jadis les Cananéens (Abib, Ziv, Ellianîin. etc.). C'est sous l'in-
fluence des Babyloniens (jue les Juifs paraissent avoir cessé de faire commencer l'année
civile àl'automne pour l'inaugurer au printemps; c'est à la suite de ce changement qu'ils
ont sans doute adopté l'usage de désigner les mois par le rang qu'ils occupent premier :
mois (Mars-Avril deuxième mois (Avril-Mai), etc. Pins tard les noms cbaldéens (iNisan,
.
'lyyar, Siuan, etc.; entrèrent peu à peu dans la coutume et Unirent par exclure les autres
désignations.
L'AME jriVE PENDANT LA FEMODE PERSANE. 87
nanéens. Il est môme plus grand puisque, cette fois, le peuple de Di-eu
est en terre étrangère. C'est la nationalité elle-même, c'est l'avenir de
la race, c'est l'avenir du monothéisme qui sont menacés. Gomme au
tt^mps des Juges, il n'y a qu'un remède. Le salut ne peut venir que
l'un envoyé de Dieu qui, groupant autour de lui ceux qui ont gardé
ic souvenir du temple et de la patrie, s'applique à maintenir dans leur
esprit les idées qui de tout temps ont constitué le lien le plus fort de
li vie nationale. On saisit, d'après ce qui précède, qu un petit nombre
I Pour ce qui a trait au séjour des déportés en Babylonie (question plutôt secondaire
m notre sujet nous avons tenu compte de diverses références du petit volume d'Erich
Kr.vMROTH, Die Jiidisclien Exulanten...
(•>! Is., VI, 13''.i.
'3) Ez., I, 1. L'expression « en la trentième année » a été interprétée de façons 1res di-
verses. Les uns l'ont mise en rapport avec une ère spéciale soit avec lère qui aurait eu
:
pour point de départ en .luda la découverte du Deutéronome Targum. .S. Jérôme, Ideler,
liavernick. etc.). soit avec l'ère babylonienne qui aurait commencé avec le moment
.1)25 où N'abopolassar se proclama indépendant iEichhorn, Rosennuiller, Keil. von Orelli,
Smend, etc.). soit encore, selon l'exégèse des anciens rabbins, avec une ère jubilaire (.)o-
,
88 HEVUE IMHI.inUK.
(5) Ez., xvui, 6% 9", etc.; xx, 12, 13, etc. ; xxn, 8, 26, etc.; xi.-xi,\i.
même 3 ,
marquent qu'il faut se défier d'une impression dépourvue
de nuances par trop favorable. Ce qui est certain, c'est qu'il y eut
et
Mais ce trait distinctif ne doit pas nous faire perdre de vue la multi-
tude de ceux par lesquels Ézéchiel se rattache à la grande tradition
des anciens voyants. Les procédés dont il use dans l'accomplissement
de son ministère sont les mêmes que ceux auxquels avaient recours
ses devanciers. Comme eux il fait des discours; si les visions et les
actions symboliques tiennent une place plus importante dans son re-
cueil, ce n'est pas une raison pour oublier qu'on en trouve aussi dans
ceux d'Amos (4), d'Osée (5), d'Isaïe (6), de Jérémie (7). D'autre part, les
idées qu'il développe sont dans la connexion la plus étroite avec le v
(1) Pour ne citer qu'un exemple, il est difficile que les désordres dont il est question
II Reg., XXI, i, 5. 7: xxiii, 4, 6, 7, 11, et qui avaient le temple pour tliéàtre. aient pu se
produire sans la participation ou au moins la connivence du clergé métro|)olitain.
(2) Cf. Is., xxMii, 7, 8; Jer., xx, 1-6; xxvi, 7-19 ; etc.
'3) Kz., xxii, •>.& (cf. aussi mu, Ki, où les vingt-cinq hommes qui sont dans le parvis
intérieur ont toutes chances d'être des prètresi.
(4) Am., vu, l-!t; vni, 1-3; ix, l-'(.
(8) Cf. Ez., vn (thème de la fin) et Am., vin, 1-3; Ez., \x\, 18 et Am., v. 8, :>(); vni, ;);etc.
(9) Cf. la métaphore de l'adultère d'Israël dans Os., i-iii et dans Ez., M, 'J; xm et xxiii
(10) Cf. Ez., xvetls., v, 1-7 (métaphore de la vigne); Ez., xvii, 18 et Is., i, 18; etc.
!I0 ItKM !•: lillU.IOLE.
sociale. Va\ tout cas, les circoiistaiicos (l;ins los(|ii('lics ils ovcrcont leur
ministère sont des plus disscniljlahles. Sur le sol natal, Jérémie sera
avant tout le prophète des suprêmes calamités et les promesses ne
tiendront (junne place restreinte dans son œuvre (1). Eu terre d'exil,
au contraire, si Ézccliiel doit consacrer une partie de son activité à
prédire la fin de Jérusalem (^), une partie au moins aussi considérable
de sa prédication aura pour objet la restauration d'4sraèl (3). Mais sur-
tout les caractères des deux voyants sont aux antipodes Jérémie ne :
•^3eut parler châtiment sans que son cœur s'émeuve et se déchire (4); à
date.
Toutefois si, par de multiples liens, Ézéchiel tient au milieu dans
lequel il a passé sa jeunesse, des traits nettement caractéristiques
signalent sa personnalité et lui une place à part parmi les pro-
font
phètes. Son livre se fait remarquer par le grand nombre de para-
(t) Cf. Jer., III, U-iv, i; IV, 14, 27; x\i, 14, 15; win, 3-8; XXV, 11; wx-xxxiii.
(2) Cf. Ez., i-xxiv (i-xxxii).
(3) Cf. Ez., XXXIIF-XLVIII.
(4) Cf. Jer., IV, 20, 21; vu, U>; viu, 18-ix, 1; M, 18-xil, (j ; Xiv, 7-l:i, l',)-22; xv, 10-
18: etc.
'5) Cf. Ez^, IX. 8; XI. 13.
G) Cf. Ez., II, 8-111, 3 et Jer., i, it; Ez., m, 3 et Jer., xv, 16; Ez., lu, 7 et Jer., i, 18, 19, x\,
20; Ez., m, 14 et Jer., vi, 11, xv, 17; Ez., m, 17 et Jer., vi, 17; Ez.,iv, 3 et Jer., v\, 12; Ez.,
\, 6 et Jer., ii. 10; Ez.. v, 11 et Jer., xiii, 14; Ez., \, 12 et Jer., xxi, 7; Ez., vi, 5 et Jer.,
\ii, 32, viii, 1, 2; Ez., VII, 7 et Jer., m, 23: Ez., vu, 16 et Jer., xi.mii, 28; Ez., \n, 26' et
Jer., V, 20; etc.
1;AME juive pendant la PKHIODK persane. 91
tions dans cet état qui, après une amélioration notable, s'aggrave à
nouveau quand le prophète perd sa femme, mais qui, en revanche,
cesse à peu près complètement à la nouvelle de la prise de Jérusa-
lem (5). Groupant tous ces traits, on a prononcé le nom de maladie
i; Ez., x\ ; wii: MX, 1-9; \\I, 1-22; wiil, 1-21, 25-42; WMi; wm, 1-9: \\\ii. Cf. Mil,
(4) Ez., IV, 1-v, 4; XII, 1-16; xxi, 23-28; xxiv, 1-1'», 15-27: xxxvil, 15-28.
(5) L'une des principales monographies relatives à ce sujet est celle de Ki.ostekhxnn. Ezé-
chiel, Ein Beitrag zii besserer Wurdigung seiner Person und seiner Schrift,
dans Theo-
xxiv, 1,
logische Studien und Kritiken, 1877. Partant des dates fournies par Ez., i, 1-3 et
M. Klosterinann prétend que l'on peut suivre, pendant quatre ans, révolution de linfirinite
du propht'te. Les premières indications à relever sont i, 28 (saisissement du prophète qui
:
tombe la face contre terre); ii, 2 (influence de l'Esprit qui le relève); ii, 2 sv. (audition de
Dieu qui lui parle); n. 8-111, 3 (sensation d'avaler un rouleau de parchemin, sensation d'un
iioùt très agréable); m, 4 sv. (certitude du secours d'en haut pour parler au
peuple): m. 12.
ni, 15
14 (sensation d'une force étrangère, celle delEsimt, qui le domine et le bouleverse) ;
l'Ksprit); III, 25 (sous forme d'annonce, témoignage d'une paralysie qui saisira le
prophète
à
au moins dans ses membres inférieurs et le condamnera, alors que jusque-là il aimait
aller parmi le peuple, a demeurer chez lui, sur sa couche, comme s'il était
attaché avec
4-8
•les cordes): m, 26 aphasie): m, T, îles deux infirmités avec des interruptions); i\ ,
description de l'hémiplégie qui l'atleint tantôt d'un côté, tantôt de l'autre); n, 1-3,
9-11 et
<.>2 lŒVUK lUlJLlUl'E.
intérieur entre Dieu et le voyant] les mêmes actions symboliques attestent qu'Ézécfaiel
;
maladif; viii, 1 (on vient le voir parce qu'il ne peut sortir; la vision prend sans doute
place entre les deux périodes d'hémiplégie de iv, 4-8); viii, 2-xi, 25 (extase avec actes si-
gnificatifs, peut-être coupés par quelques paroles, ix, 8; xi, 13); xii (recouvrement d'un
certain mouvement, sans doute après la deuxième période d'hémiplégie); \i\, 1 et xx, I
(usage modéré du mouvement, puisqu'on continue de venir consulter le prophète); xii, 18,
XXI, 17, 19 (usage de signes témoignant de rechutes passagères; de même xxi, 14-22, dans
son ensemble, à cause du ton saccadé); xxiv, 16, 17 (la mort de sa femme est pour le pro-
phète l'occasion d'une nouvelle période d'aphasie): xxiv, 25-27 (délivrance complète qui
lui permettra de reprendre i
xxxiii, I-2o] les procédés dont il avait usé au début de son
ministère [m, 16-21]). — 11 est facile de saisir, à première vue, tout ce qu'il y a de con-
venu dans ce diagnostic, dans lequel on méconnaît l'action surnaturelle de Dieu.
ville. En effet, les onze ans qui séparent « l'an 25 » de « l'an 1 ï » cor-
respondent aux onze ans qui séparent « l'an 8(7) » et « l'an 19(18) »
de Nabuchodonosor, c'est-à-dire, d'après la chronologie de II Reg. et
de Jérémie deux sièges de Jérusalem. Sans doute, les indica-
(3), les
tions de dates comptent parmi les éléments auxquels les copistes
portent le plus facilement préjudice; encore est-il qu'on ne doit pas les
modifier sans des raisons évidentes. Il ne nous semble pas qu'elles
existent dans le cas présent et nous en concluons que les deux dépor-
tations prirent place dans la même année. Quelle est au juste cette
année, dont l'importance devient exceptionn-elle, puisqu'elle va mar-
quer le point de départ de l'ère de l'exil? Malheureusement on ne
peut la fixer avec la précision désirable.
dans Au livre des Rois et
Jérémie, elle est déterminée, nous venons de par rapport au le dire,
règne de Nabuchodonosor, mais avec des données divergentes d'une :
(1) Ez., I, 2.
(3) II Reg., XXIV, 12; XXV, 8; Jer., i.ii, 12, 28, 2î». On remarquera ([iie dans Jer., i.ii, 1-
27, qui est en dépendance étroite de II Reg., \\\. 1-21, la chronologie au, 12) est pareille
i\ relie du livre historique.
'H REVUE HIRUgUE.
(1) Cette interprétation nous paraît cadrer assez exactement avec l'expression « au retour
de l'année » {r\Z'Cr\ niîUTpS) dont se sert le Chroniqueur (II Chron., \x\m, lo) pour
marquer la période à laquelle Nabuchodonosor s'achemina sur Jérusalem.
(2J Ceux qui placent l'avènement de Nabuchodonosor en 605 doivent remonter d'une
année les dates des événements qui marquèrent la dernière phase de l'histoire de Juda.
(3) Ez., I, 1.
Expédition of Pennsilvania. Sur le sujet qui nous occupe, on peut lire la note de
M. Paul Haupt dans C. H. Tûy, The Book of Ezekiel in Hebreir (The Sacred Boohs of
the 0kl Testament, A critical édition oftlie Hebrew Text printed in colours, icilh notes.
prepared by eminent biblical scholars of Europe and America under the editorial direc-
tion of Paul Hali'T, professor in the Johns Hopkins University, Baltimore), in loc, mieux
encore dans C. H. Toy, The Booh of the Prophet Ezekiel. A new english translation
I/A.ME JUIVE PENDANT LA PERIODE PERSANE. !I5
de son séjour, que le prophète va à Tell Abib, sans doute vers une
colonie particulièrement importante d'exilés; il n'est même pas sûr
que cette colonie fût établie sur le Naru Kabaru (1). Le prophète habi-
tait une maison, dans laquelle il pouvait recevoir les anciens de la
localité, et près de laquelle se trouvait une cour où les curieux
venaient l'entendre (2).
C'est au bord de ce grand canal (3) qu'Ézéchiel eut la vision qui le
créait prophète. Elle est datée du 5 du i" mois de l'an 5 de la cap-
tivité de .loacliin(4'i. Cette datationne va pas non plus sans difficulté.
Si le siège de Jérusalem eut lieu au début de 597, il n'est pas sans
intérêt de se demander
adoptée par Ézéchiel commence au
si l'ère
moment où moment où ils arri-
les captifs quittèrent Jérusalem ou au
vèrent en Chaldée, quelque quatre à cinq mois plus tard. Si la com-
putation fait commencer les années à l'automne, la question est sans
conséquence la prise de Jérusalem, le départ des captifs et leur
:
ait en vue cette dernière computation (5) et, d'autre part, qu'il fasse
iritli Cl plana tory notes and piclorial illustrations (dans la collection de Paul Haupt
correspondant à la précédente), p. 93 sv.
(1) Le texte n'est pas sans soulever des difficultés.
(2) Ez., vm, 1 ; \iv, 1; \\, 1 ; xwiii, :}0, 31.
(3) Cf. Ez., ni, 23.
(4) Ez., I, 1, 2.
(5) C'est cette computation qui peut lui permettre d'établir une équivalence entre les
années de son exil et celles de l'exil de .loachin. Tel était d'ailleurs le mode de com-
putation en usage en Clialdée.
7du mois de l'an
.')*'
1 1 do Sédécias et de l'an lî) (.1er., i.ii, 20 : l'an 18)
('ette date est loin d'être la seule qui nous soit fournie par le livre
XXIX, 17 « l'an 27, au 1"' mois, le 1" du mois » (fin mars 571).
:
d'avril 587).
XXXI, 1 : « Tan H, au 3'' mois, du mois » (fin mai 587).
le 1^''
xxxii, 17 : <( l'an 12, [au 12'' mois?] (3), le 15 du mois » (mars 585).
XXXIII, 21 : « l'an 11 (?) de notre exil (V), au lO'' mois, le 5 du mois »
10' mois (voir xxxiii, 21). L'oracle en question ne peut donc être antérieur au onzième mois.
être de supposer que cet oracle est du même mois que celui qui précède.
(4) Sur cette datation cf. p. 80, note 7.
L'AME JUIVE PE.XDAM' L V l'ÉRIODE PERSANE. 97
suite de Smentl, que toutes ou à peu près toutes ces datations sontarti-
licielles. Au regard de cet exégète, une seule date était à retenir, celle
de XL, 1. Elle moment où le prophète avait tout d'un trait
marquait le
(1) Cf. Hudolpli Sme\(). Der Prophet Ezechiel crkUirl [2' éd.: la première étail de
Hitzig), dans le l\urz<jefasstes exegetisches Uandbuch ziiin Allen Teslamenl, p. \\i sv.
(2) Cf. Karl Ileiiiricli Coumll, Einleilung in das Allé Teslamenl, p. ITtJ sv. Cari ;
Stelerxagel, Z,eA/7;Mc/i; der Einleilung in das Aile Teslamenl mit einem Anliang Uber
die Apoliryphen und Pseudepigrapfien, p. 595 sv.
UEVLE BIP.I.iyLR 1917. — N. S., T. XIV. .
7
98 HEVUE HIBLIL'II::.
que cos dates ont été mises dès l'origine ù la place (|irclles occuj)ent;
on peut donc les recevoir avec conliance. Si Ton rci^arde celle de
x\ix, 17 comme so rapportant au dernier oracle prononcé par Kzé-
cliiel, on sera amené à attribuer à son ministère une durée de vini;t-
VIII, 1 et XX, 1 ont tous été prononcés entre le 5 du G' mois de l'an 6
(fin août 592) et le 10 du 5'' mois de l'an 7 (août 591). L'hésitation n'est
guère possible lélégie sur Sédécias (xix, 10-13) ne parait pas anté-
:
(1) Cf. Ez.. I, l-\, 'l; VIII, 1-\I. 25; MI; clc.
I.'ÂME JUIVE PENDANT LA PÉRIODE PEKSANE. 00
avant qu'un de ses disciples ne les consigne par écrit, est dénuée de
tout fondement. Il est plus délicat de rechercher si c'est Ézéchiel lui-
même qui a procédé à la constitution première du recueil qui nous
est parvenu. Des exégètes, qui font profession de critique indépen-
groupant ensemble tous ses oracles. Si nous n'admettons pas tous les
m, ï-9 et m, 10, 11 (tripleti; vi, ï" et vi, 5'; vu, 3, ï et vu, 6-9; xui,
11, 12et xiii, 13-16; xiv, 4,5 et xiv, 6-8; xvii, 8,0 etxvii, 10; xvn,
il; Cf. Kz., VI, 1 ; VII. 1; Mil, 1; \I\ , 1 , > ; w, 1; \VK 1: etc.
100 REVUE BIBLIQUE.
Ui-18 wii. 11); wm, :îl-2:> et \vm, ^ti-^O; wii. 19 rt \xii. -20, 21
et ;
wiii, 20-11 et wiii, 28-30 x\v, 3-5 et \\v. 0, 7 \x\, 22-2'*' et xxx,
: ;
2i"-26; XXXV, 3'-»iet xxxv. T-11 xxxvi, 10 et xxxvi, 11. 12; xxxvii,
;
12, 13*' et xxxvii 13''. li. Knsuite, des variantes ])ortant sur le fond
même des choses ; i et x, 1, 8-lT, 20-22 description des êtres vivants
ou chérubins ; viii. 1-i (où le partase est difticile, mais où Ton voit
roi de Mag-og-, et le sort fait aux cadavres des vaincus ; xliii, 1-12 et
XLiv, 1-8; XLv. 17"'; xlvi. 1-12 et xlv. 17"'-25 aperçus divers sur la
participation du prince à la liturgie future). Il faut mentionner, en
troisième lieu, des répétitions des mêmes passages en des contextes dif-
férents et parfois avec des variantes atteig-nant le fond lui-même :
même recension xliii, 13-17, 18-27; xlv. 8\ 9, 10-12. 15", 16, 18-
:
30-
20: XLVI, 13-15, 16-18, 19-2V; xlvii, 13-xLvni, 7; xlviu, 16-29,
35. En6n, on signale des additions faciles à discerner, mais dont on
ne saurait dire si elles datent du temps où les recensions existaient à
l'état séparé, ou sont postérieures à la fusion de ces dernières
si elles :
des interpolations assez notables, telles que xi, 1-17; xxvii, 9''-2i.
desquelles on peut rapprocher l'insertion des oracles contre les païens
(xxv-xxxii) entre deux sections qui s'enchaînent étroitement Tune
avec l'autre; puis quelques interpolations beaucoup plus secondaires.
v. g-. : XI, 18-21; xvi, 55"; xxv, lV';xxviii. 25-26 -ou 20-26
53'', ;
xxxiii, 10-20 d'après xviii, 21-32^; xxxiv, 23, lï: xxxviii. 8. Ki:
XLIV, 25% 26, 27, 30^ 31 xlv, 2. 15\ 16. ;
du
l'autre et parlait prophète à la troisième personne. Il la traite
comme un abrégé de la première, dans laquelle il voit l'œuvre du
prophète lui-môme. Les deux recensions furent certainement fusion-
nées avant 200, puisque la traduction grecque suppose un texte pareil
à celui de la .Massorc. On a môme conclu de la comparaison du rituel
final i\L-XLvm) avec le Code sacerdotal que réunion eut lieu avant
la
la publication de ce dernier, que nombre de critiques placent en
V'i-i. Le texte a beaucoup souffert de rincurio et de lig-norance des
copistes; c'est ce qui explique les nombreuses différences de détail que
révèle le rapprochement des Septante et de l'édition mass(n*étique.
De tout cet aperçu historique une conclusion découle c'est que le :
tine (3;, tantôt des captifs établis en Babylonie (4). Mais, dans tous les
cas, c'est aux déportés quil parle, à ceux qui l'entourent sur la terre
étrangère. On a dit, il est vrai, qu'il ne s'adressait pas à un auditoire
réel, que ses oracles n'auraient jamais été prononcés oralement, mais
tout d'abord consignés en un livre pour atteindre les destinataires
qu'il avait en vue et qui étaient le peuple d'Israël tout entier. On s'est
môme appuyé sur cette thèse pour conclure que le fils de Buzi n'é-
tait pas prophète au sens vrai de ce terme (5). Ce sont autant d'hypo-
thèses qui ne paraissent pas soutenir l'examen. Que tel ou tel oracle ait
été dès l'origine fixé par écrit, on peut facilement l'admettre ce sera :
pleine de détails pour avoir fait l'objet d'une proclamation orale. Mais
des indices certains permettent de conclure qu'Ézéchiel s'est le plus
souvent exprimé en des discours semblables à ceux de ses prédéces-
seurs (G); la plupart des oracles qui figurent en son livre sont à cet
est muette à cet égard ». Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 640.
(2) Ici c'est Josèphe qui parle de victoire et de conquête; les récits égyptiens prou-
veraient, au contraire, que Nabuchodonosor subit un échec sérieux.
L'AME JUIVE PENDANT I.A PERIODE PERSANE. lOJ
du dieu Sin.
Or, pendant ce temps, des changements considérables se produi-
saient en Asie. Nous ne parlons pas de cette Asie occidentale, au cen-
tre de laquelle se trouvait jadis le royaume de Juda. En ces régions,
tant de fois dévastées par les armées assyriennes, la suprématie chal-
déenne m-iintenait un état d'amoindrissement, de langueur, qui
confinait à la mort. C'est surtout l'Asie Mineure qui doit attirer d'a-
bord l'attention. Elle subit des Iransformations profondes. Depuis
près de deux cents ans s'arrêtaient à nouveau sur les côtes ces vagues
de colonisation h(dlénique qui déferlaient sur tous les rivages médi-
terranéens, en Italie, en (iaule, en Espagne, en Afrique, en Egypte.
Tour à tour, des Doriens, des Éoliens, des Ioniens fondaient des éta-
blissements aux points d'attache les mieux choisis du continent et
(1) C'est à partir de 546 que Cyrus prend ce titre, sans pour cela abandonner celui de
roi d'Ansan.
(7) Is., XLI, 21-29; \Liii, 8-13; XLiv, 6-8; XLViii, 12-16.
(8) Cf. CoNBAMiN, Le livre d'isa/e, traduction critique avec notes et commentaire,
p. 345-361 ;
—
CoNDAMiN, Le serviteur de lahvé, Un. nouvel art/ianent pour le sens
individuel messianique, dans RB., p. 1908, p. 162-181: van Uoonackeh, L'i:heil —
lahvé et la composition littéraire disaie XL .s.s\, dans RB.. 1909, |). 497-528; — CoN-
it.VMix, Les prédictions nouvelles du chapitre \LVIII disaie, dans /?/>'., 1910, p. 200-
21G; — VAX HooxACkEi!, Questions de critir/ue liltérairr et d'exérjese touchant les cha-
pitres XL SS. d'isaie, dans BB., 1910, p. 557-572; 1911, p. 107-11 i, 279-285.
100 I5K VI !• IMKl.inilK.
s'appliquent pas seulement aux oracles dans lesquels les voyants cen-
surent les désordres dont ils ont été les témoins. Klles conviennent
parfaitement aussi aux prophéties qui concernent l'avenir, voire aux
prédictions messianiques. Qu'on prenne par exemple les oracles si
connus d'Is., viii, 23 ix, 6 et xr, 1-8. On saisit dans le premier les désirs
de paix, de repos, en même temps que de justice, qui animaient les
Judé.ens au cours du règne si troublé d'Achaz, On serait par ailleurs
tenté de dire que, dans le deuxième, le prophète projette sur le Mes-
L .ViMli JLIVK PENDANT I.A ['KRIODE PERSANE. 107
tenaient qu'une trop grande place dans l'esprit des Judéens con-
temporains d'Ézéchias. Sans cesse en lutte avec l'Assyrie, créant, à
l'avènement de chaque monarque ninivile, un danger sérieux à l'em-
pire, ils étaient, comme l'Egypte, de ces alliés puissants sur lesquels
on pouvait compter, avec lesquels on pouvait contracter des engage-
ments en vue de secouer un joug abhorré. Les Judéens sauraient
donc comprendre ce qu'Isaïe leur disait quand t^zéchias faisait un
accueil si empressé aux envoyés de Mérodach-Baladan. Il leur était
facile aussi de saisir ce que serait cette déportation que dépeint le
prophète les Clialdéens renouvelleraient, au détriment de Juda, ce
:
(1) Cf. Is., VI, 13''; VII, 3; X, 20-22, elc, sans parler des oracles messianiques ii, 2-4;
IV, 2-6; VIII, 23-lX. C, ; XI, 1-8; etc.
lOS HKVl'K l!ll5MOL!K.
lamente telle qu'une veuve privée de ses enfants (-2). Mais l'iieure du
salut est proche (3); le péché est surabondamment expié (4). Le mo-
ment arrive où va s'accomplir le décret divin du rétablissement de la
capitale et des villes de Juda (5); qu'on aplanisse les voies du désert
pour le retour des exilés (i) II est temps d'inviter les prisonniers à
I
(2) Is., XLix, 14-18, 21; i.i, 3, 17-20; i.ir, 2. 9; i.iv, 4, G-8, 11.
(3) Is., xuii, 3-7; XLVI, 13; XLix, 9; li, 4, 5; etr.
(1) Is., \i; II, 10, 11, 12-21; m, 8, i:i; viii, 7, 13-15; x, 5-34; etc.
(2) Is., XI., 8''; xi.i, 4; .xr.iii, 10; elc.
(3) Is., XLII, 8; XLHI, 11-13: XLiv, 6; Xl.v, .5, 6; etc.
(4) Is., XI., 12, 21, 22, 2G; xui, 5; xi.iv, 7, 24; xi.v, 7; elc.
(5) Is., XL, 12-17, 21-31; XLI, 21-29; XLlI, 18-2.5; Xi.lli, 8-13.
(6) Is., VI, 13''; VII, 3; X, 20-22; XI, 11, Ifi; xxviii. r,. Noter le leirno "iXUS qu'on ne
trouve pas dans Is., xt sv.
H2 UEVUE IMlîl.lQrK.
I.e troisième argument est celui du style. Ici encore, on doit s'at-
Is., XL sv., ne
pas dans les oracles que, pour d'autres
se retrouvent
raisons,on doit sûrement attribuer à Isaïe (5) des mots que l'on peut ;
;i) Is., \i.i, 8-10; \Lii, 19, 20; \Liii, 10; \u\, 1, 2, 21; \i.\, 'i ; xLMii. 20. Dans ces
oracles, le peuple apparaît comme le serviteur de Yahweh qui lui conlie une mission
sainte. On peut d'ailleurs rapprocher de ces passages ceux qui concernent le Messie Servi-
teur (voir note 'i].
(4) Is., XLii, 1-4 (-7); xLix, 1-0 (-9;; l, 4-11; MI, 1:m.iii. 12.
(5 Choisir Israël (Tir. , Is., xu, 8, 9; xuii, 10; xu\ , 1, 2 (d'où l'expression iuon élu,
\Lin. 20: xi.\, 4); — loner et loufmge (SSn et nSnn), Is., xi.ii, 8, 10, 12; xi,in, 21;
\iMu,'.>: — ç/ermer, pousser avec diverses nuances, xui, 9;
i~)2'J), 19; Is., xi.iii, xi.iv, 4 :
XL\, 8; L\, 10; — éclater en joie 'ûïS), m.i\, 23; xlix, 13: m, 9; 1; Is..
12 li\. l\ ,
ou formant IsraH (Is., \u\\. 1, 15; xuv, 2, 24; xlv, 11; \i.ix, 5), Yahweh le sauvant
(Is., xux, 26); Yahweh te rachetant (Is., xuir, 14; xux, 2'i); etc.
L'AME JUIVE PENDANT LA PEKIODE PERSANE. 1 K5
(1) lies ou côtes (''\S'), employé dans Is., \l sv. dans le sens de régions lointaines,
se retrouvant Is., xr, 11 en son sens propre; néant (DSN), se retrouvant Is., v, 8,
\xxiv, 12; créer (N13), se retrouvant Is., iv, 5 avec un sens spécial; rejeton (D^S'^Xï;
cf. Is., xxn, 2't; XXXIV, 1); justice, comme principe directeur de l'action divine (p~ï);
bras de Yahweh (cf. Is., xxx, 30); se (jlorifier 1"IN3 ; cf. Is., x, 15); alliance, en par-
lant des relations futures de Yaiiweli avec son peuple; — la particule nj^ /"cf. Is., xxvi, 8,
9, 11; XXXIII, 2; xxxv, 2; vingt-cinq fois dans xl, 24-xl\iii, 15). Nous ne donnons pas
pour ces mois les réfén-nces, parce qu'elles sont nombreuses.
[>) Cf. (avec beaucoup de réserves) ï. K. Cheiinu, An [Introduction lo the lioah of
Isaiah, p. 255 (surtout 260) - 270.
(3) Is., \L, 1; XUil, 11, 25; XLVIII, 11, 15; Ll, 9, 12, 17; LU, 1, 11.
(ij Is., M-, 12, 13 (mesurer); xl, 13, i'i [lui a fait savoir) ; xi,, 31 et \i.i, l [renouveler
la force); etc.
(5) Personnification de Sion sous des titres divers (épouse, mère, veuve), Is.. \lix
17-23; M, 17-20; LU, 1, 2; Liv, 1-G; — personnification de la nature, Is., vmi, H; xli\
23; XLix, 13; mi, 9; i.v, 12.
(7) Cornill, liaudissin, Sellin estiment qu'Is., xi.ix-i.\ ont été composés à I5ab\lone
RîiVUE IlIBl.IQUF. 1917. — N. S., T" XIV. j^
ili RKVTE lUUI.lOlIK.
après la prise de la ville et ledit de Cyrus, mais avant le premier retour. Fiilikru^
attribue au Deutéro-Isaïc xlix, l-i.ii. 12 et lu, 13-Lin. 12 la première section aurait été :
retour, ne serait qu'un remaniement d'oracles antérieurs : quant à mv-lv. ils auraient vu
(1) Il signale d'ailleurs des traits de ressemblance qui concourent à établir l'unité
(cf. Lehrbuch, p. 523 sv.). 1
(2) ls.,.XL, 3-5,
9-11.
Une tient pour authentique que : xl, 1-4, 6-31': xli, 1-4, 6-2!); xlii, 5-11, 13-24% 25;
(3)
XLiil, 1-20% n-2S; XLiv, 1-8, 21-28'; xlv, 1-9, 11-13% 14-25; xi.vi, 1-5, 9-13: Xi.vii, 1-2, .3'-
14% 'l5; XLVIII, 1% 3, 5% 6,7% 8% 11-16% 20, 21 ; XUX, 7-26: L, 1-3: LI, 1-10, 12-14, 17, 19-
23; LU, 1. 2, 7-12; Liv, 1-14, 16, 17% LV, 1, 2, 3''-6, 8-13.
L'AME JUIVE PENDANT LA PÉRlOnE PERSANE. 11:5
tienne des arbres qui ne croissent pas en Chaldée (Is-, \i.\\, \'i), etc.
l'-i) Seinecke.
. (4) Ewald. Bunsen, Marti.
(5) Duhm.
110 lU'ViK lîiiii.ini i:.
d'un hasard (jui. une lois doconvril, ue [youvait plus servir d'argu-
ment pour le maintien do la (lii'sc ancienne. Kn présence de ces théo-
ries toutefois, la plu[)art des re[)résentants de la tradition n'ont pas
perdu pied, hiverses raisons ont motivé la fermeté de leur altitude.
— D'abord le fait même de la Iradilion. Klle remonte très haut, puis-
qu'on la trouve nettement e.\[)riuiée, vers 180, dans le texte qu'au
livre de VKcc/i'sias/i</Hr, V l-llogn drs Prrrs consacre à Isaïe il). Très
ancienne, celte tradition est continue et unauime;elle s'est mahitc-
nue chez les Juifs et chez les clirétiens jus(|u'au\ attaques de la lin du
dix-huitième siècle. — On s'attache ensuite aux témoignages du Nou-
veau Testament, notamment aux passages dans lesquels les quatre
évangélistes attribuent à Isaïe le texte d'Is., xl, 3-'i., qu'ils appliquent
à saint Jean-Baptiste (2); de même aux citations de Rom., x, 16, 20 (.'5).
— On fait en outre remarquer combien il est invraisemblable que
l'auteur des prophéties les plus remarquables de l'Ancien Testament
soit demeuré inconnu d'autre part, combien peu croyable il est que
;
ces oracles aient pu se répandre sous le nom d'Isaïe s'ils ne sont pas
de lui. — On établit encore des rapprochements entre divers textes
d'Is., XL sv. et des passages de Jérémie et d'Ézéchiel qui les auraient
reproduits (4). — Enfin, on in.siste sur les ressemblances littéraires
entre Is., i-xxxix et Is., xi. sv. (5).
(1) Eccli., \L\ui, 22-2i. De leur côlé. les critiques tonl remarquer (|ue, dans Esdr., i, 1
{= II Cliron., \xxTi, 22), les prophéties relatives à la venue et à l'œuvre de Cyrus sont
mises au compte de Jérémie; comme ils attribuent cette rédaction au Chroniqueur, ils
en concluent que, vers .ÎOO, la tradition n'avait pas encore relié Is., \i, sv. à l'ouvre du
premier des grands prophètes. Peut-être ne s'a^it-il (|ue d'une faute de copiste.
(2) Cf. Matth., m, 3; Marc, i, 2, -i; Luc, m, 'i-G; .)o., !, 23.
f3) Cf. Is., Lni, 1 et Is., Lxv, 1. Cf. encore Mallh., \ni, 17 et Is., lui, '<
; Matth., \ii, 17-21
et Is., xLii 1-4; [Luc, IV, 17 et Is., i,xi, 1]; Je \ii, 38 et Is., lui, 1; [Act., mii, 28-33 et
Is., un, 7. 8].
(4j Cf. Jer., VI, 13 et Is., lvi, 11; Jer.. \ii, 3 et Is., r.w, 12; Jer., viii, 10 et Is., i.vi, 11;
Jer., xvm, 6 et Is., xlv, 9; Jer., x\x, lo et Is., xi.iii. 1 ; xi.iv, 2;Ez.,xvin, 7 et Is., i.mii, 7;
Ez., xxxiv, 23 et Is., XL, 11; Ez., xxxvi, 20 et Is., lu, 5; etc. Les critiques ne nient pas
l'objectivité de tous ces rapprochements: mais, à leurs yeux, c'est Is. xl sv. qui imite. ,
5) A noter en particulier une épithète divine. Le Saint d'Israïd, qui, fréquente dans
les deux parties du livre d'Isaïe (onze fois dans Is., i-xxxix; onze fois dans Is., xl-lv;
deux fois dans Is., lx) et qui ne vient ailleurs que II Reg., xix, 22 (= Is., xxx^n, 23),
Jer., l, 29; Li, 5; Ps. Lxxi, 22; Lxxvm, 41 lxxxix, 19. ;
L'AME JUIVE FEiNDAM LA l'ÉllIODE PEKSANE. 1 17
dans l'apoloaétique.
Certains défenseurs de la tradition s'attachent surtout à relever les
signes qui permettent de reconnaître dans Is., xl sv. la main d'un
prophète palestinien du huitième siècle. C'est notamment ce que fait
M. Vigoureux dans Les Livres Saints et la Critique rationaliste (1). —
11 appuie beaucoup d'abord sur les variations des exégètes qu'il com-
bat. Cette insistance est peut-être exag-érée; il est facile de constater,
en que
ollet, des premières recherches et des premiers
les hésitations
débuts font place peu à peu aune réelle unanimité morale. Partant —
ensuite de cette conclusion des criti([ues. d'après laquelle les prédic-
tions d'Fs., ou au moins beaucoup d'entre elles, sont antérieu-
XL sv.,
taines références historiques (surtout dans les chap. lvi, lvii, lxv,
Lxvi) se rapportent à une période ou à des périodes autres que celle
de rexil(3). —D'autre part, il relève les traits qui témoignent d'une :
.-
«Juai-io A r.iiri^ iii >, i\ .Iriiisalcm: iniHui-os «illusions au milieu cliiil-
doeii. etc.); Ic^ i-(>sseinl)lanc<»s de style qui l'ont dire î^i plusieurs criti-
(|ucs (|ne l'auteui' a écrit à la manièi'c d'Isaïe. — Ces ari^unients Koiit
qui existent entre les deux sections du livre par la diversité des ci r-
d'Isaïe; les deux autres visent à infirmer la force des arguments diri-
1 Dubiain. I. — llrum doceri ])Ossit valicinia quae legunlur iii libro Isaiae, et —
passiin in Stiipluris, — non esse veri norainis valicinia, sed vel narrationes post even-
lum conûctas, veL si ante eventum praenuntiaturn quidpiara agnosci opus sit, id prophe-
lum non ex supernaturali Dei fuluroruni praescii revelatione, sed ex Iiis (|uae jara
contigerunt, felici quadara sagacitate et naturalis ingenii acuinine, conjiciendo pracnun-
tiasseV — Resp. — Négative.
(2) Dubium IL — Llrum sentenlia (juae tenet, Isaiam ceterosque prophelas valicinia
non edidisse nisi de liià (juac in continenli vel post non grande teinporis spatiuiu
eventura erant, conciliari possit cum valiciniis, iinpiimis messianicis et eschatologicis,
ail eisdeni prophetis de longinquo certo edilis, necnon cum coniniuai SS. Patrum sen-
120 lu: VI r, luiu.ioiL.
constatation (jue les prophètes ont été avaid tout les lioniincs de
leur temps et de leur milieu. —
H ne s'agit pas de nier (piOn r(>n-
coutre en efl'et, dans de ehaqne voyant, des piédiclions
les livres
saient devoir se réalisera bref délai. C'est encore une de leurs con-
ceptions que ces visions d'avenir se rattachaient par des liens très
étroits au milieu dans lequel vivait le prophète, qu'elles répondaient
aux préoccupations de son époque, aux circonstances concrètes dans
lesquelles il exerçait sa mission; c'est même en s'appuyantsur ce prin-
cipe, et en l'appliquant fort mal dans l'espèce, que beaucoup de cri-
tiques ont rejeté l'authenticité de la plupart des oracles messianiques
renfermés dans les livres des voyants antérieurs l'exil. Sur ces cà
1 Dubiuin III. — llruni adinitli possit, prophelas non modo tanquam correctores
piavilatis humanae diviniijue verhi in iiroft;cluin audientiuiu praecones, veruiu etiani
tamiuarn praenunlios evenUium fuluroium, conslanter alloqui debuisst- audilores non
(liiiileiii fuluros. sed praeseiites et sibi aeqiiales, ita ut ab ipsis (dane intelli^i potuerint;
proindeque secuiidam parlem libii Isaiae (cap. \i.-i.xvi), in qua vales non Judaeos Isaiaf
aequalcs, at Judaeos in exsilio babylonico lugenles veluli inter ipsos vivens alloquitur et
solatur, non posso ipsum Isaiani jamdiu einortuum auctorcm habeie, sed 0|iorlere cam
ignoto cuidani vati inter exsuics vivcnli assignare? Rcsp. Négative. — —
122 iii:\i i: luiJi.ini !•:.
les consol» r. non pas les <T)nl(Mn|K)raiiis dlsaïo, mais les Juifs (|iii
pleurent dans l'exil hahyloiiicn, (\\\"\\ leur pai-h' comme s'il vivait
an militui d'eux, he ce eli<>(', le déci'et est en raj)i)()rl avec la iaçoii de
parler de V. Dehtzscli et do nombre d'écrivains calliolitpies auxcpiels
nous faisions allusion plus haut. Kn revanche, il est loin d'insister,
comme le faisait M. Vii^ouroux, sur les points de contact des oracles en
(juestion avec le milieu pah^stinien du huitième siècle; il semble plu-
tôt admettre (»n permettre de snpposer (pie de ce milieu il est fait
complète abstraction. — Mais. a[)rès cette constatation, la Commission
se refuse à retenir la conséquence qu'en tirent la [)lupart des cxégètes
étrangers à iK^lise, vers laquelle certains interprètes catholiques se
sentaient pencher. On n'admet pas o^u'i/ soit impossible que ces ora-
cles aient poitr tinlrit)' Isa'ie^ mort dejuiis longtemps, (pi'il faille les
attribuer à un prophète inconnu, vivant au milieu des exilés.
Ainsi que nous l'avons dit, les deux dernières questions et réponses
aboutissent au rejet des arguments mis en avant par les critiques
« pour attaquer l'unité d'auteur du livre d'Isaie ». — La quatrième (1)
décision prend en spéciale considération cette preuve philologique, «
(1) Dubium IV. — Utrum ad iiiipugnandain identitatein auctoris libri Isaiae argumenlum
pliilologieurn, ex lingua .stiloque desmuptuin, taie sit censenduin, ut virum liravein,
criticae artis et hebraicae linguae peritum, cogat in eodem libro pluralitatein auctorum
agnoscere:' — Resp. — Négative.
Duliium V.
'2) —
Utrum solida prostent argumenta, eliam cumulative sumpta, ad
evincendum Isaiae librum non ipsi soli Isaiae, sed duol>us, imo pluribus aucloribus esse
tribuendum:' — liesp. — Négative.
loy Nous ne parlons pas ici de Daniel. La plupart des exégètes sont aujourd'bui d'ac-
LAME JUIYE PENDANT LA PÉRIODE PERSANE. 123
près avoir réduit le parti de son frère puîné Smerdis et avoir fait
manière dont Darius, fils d'Uystaspe, monta sur le trône après en avoir
triomphé. Ce ne fut pas la seule difficulté qu'il eut à vaincre. De
toutes parts les insurrections éclataient à Suse, à Babylone, en :
tient à la partie non contestée du livre qui porte son nom, trois ora-
cles lui sont attribués avec des dates très précises. Le premier est du
8" mois de l'an 2 de Darius (Octobre-Novembre 520) le deuxième ;
est une vision très complexe et très importante, dont le prophète fut
favorisé le 2i- du 11" mois de la même année (Février 519); le troi-
sième est une réponse à une consultation qui lui fut adressée le 4 du
9' mois de l'an i de Darius fin Novembre 518 .
{i) Voir le volume consacré aux Douze Petits Prophètes dans /<urzf''r lland-Commen-
de faits très précis, très faciles à identilier. Dans les chap. ix-xiv, au
contraire, les rapports avec les faits concrets sont assez lâches pour
qu'on ne puisse le plus souvent décider en vue de quelles circons-
tances les oracles ont été composés; on se sent en présence de thèmes
généraux, traditionnels, renouvelés sans doute, mais sans que l'on se
soit beaucoup préoccupé d'en actualiser les détails. Certains points
attirent plus spécialement l'attention. Les oracles principaux de la
première partie ii, 7-vi, 15 et vn-viii) supposent nettement que le
temple en reconstruction dans la deuxième partie, il est sup])osé
est ;
même que ce titre est répété au début de Zach., xii, 1 Cette raison
(2) Zach., y, 10, 11. Cf. Os., vu. 11; i\, 3; \i, 11 ; xii, '2.
(3) Zach., X, 2.
logique d'une attaque de toutes les nations contre Jérusalem (8j par ;
(2) Zach., XII, 11. Cf. Il Reg., wiii, 29, 30; II Cliron., xwv, 22-25,
(8) Cf. Zach., IX, 1 ss., 13 ss. et Agg., ii, 4 s., 6 ss., 21 ss.; Zach., m, 8 ss.; i\ : mu,
10 ss.
tandis que S^décias est le pasteur insensé (i). Mais cette récapitu-
lation des jugements divins aboutit à des visions de triomphes
prochains, analogues à celles du chap. ix (5). On est donc à nou-
veau dans les temps immédiatement consécutifs au retour; divers
pu être esquissés qu'à l'adresse d'une génération
traits (6) n'ont toute
pénétrée encore du souvenir des grands malheurs.
Passant aux chap. xii-xiv, M. van Hoonacker ne dissimule pas les
traits qui en distinguent les deux (( sous-sections » (xii, 1-xin, 6 et
xiv). Mais il relève des points de contact (7) qui ne permettent pas
de traiter séparément ces deux subdivisions. Il établit ensuite que
xii-xiv datent d'après l'exil. Il insiste ; sur la dépendance de xii,
(1) Cf. entre autres traits : Zach., ii, 2 où l'on parle, comme jadis, d'Israël, d'Éphraïm
et de .lérusalem; viii, 13 (?) où l'on parle de la maison de Juda et de la maison d'Israël.
16''^; x, 2-3--'''.
(2) Zacb., IX,
(3) Zach., XI, 1-3.
Mil, 1 ss. et XIV, 6 ss., les deux discours hnissentcn partant de la victoire remportée par
Vahweh à Jérusalem pour annoncer l'avènement et les bénédictions du royaume messia-
nique.
(8; A ses yeux, celui dont la mort est roccasion du grand deuil (Zach., xii, 10-14) ne
auxquels il est fait allusidii et i\\n' lOu désigne comme « les })cuples
d'alentour » (1), sont les [lopulatious hostiles des pays voisins (jui
que nous ne retrouvions ailleurs. Ce feuillet a été soumis par plusieurs critiques à de
vigoureuses disseclions mais, pour le plus grand nombre, ces exégètes ont placé la rédac-
;
tion définitive au temps de l'exil ou pendant la période persane. M. van Hoonacker admet
l'unité du feuillet (cf. aussi Condamin, L'uniié d'Abdias, dans R.B., 1900, p. 261-268) et
en fixe la composition vers 500. C'est dire que, dans toute hypothèse, nous pourrons à
l'occasion (aire quelques emprunts à cet opuscule.
>} Au point de vue de la forme et des expressions, cf. (d'après Steuernagel) lm. 1 et :
XLVI, 13; LVJi, 11 et \LVii, 7; Lix, 1 et L, 2; Lix, 19 et XLV, 6; Lx, 4 et XLix, 18, 22; LX, 9 et
Li, 5, xuii, 6; LX, 13 et XLI, 19; LX, 16 et XLix, 26; LXI, 8 et LV, 3; LXI, 11 et XLV, 8;
Lxii, 11 et XL, 10; Lxv, 17 et xliii, 18, 19. Noter aussi les expressions choisir, se glorifier,
plaisir^ germer, louange, etc. — Au point de vue des idées, on remarquera de part et
d'autre : la préoccupation de consoler Israël, l'annonce d'une glorification extraordinaire
du peuple, la prédiction du triomphe de Yahweh sur ses ennemis, etc.
(3) L'allure générale de lvi-lxvi diffère grandement de celle de xl-lv
l'espérance y est :
moins ardente, une attention plus grande est donnée aux pratiques cultuelles, les allusions
locales visent une communauté établie en Palestine et y jouissant d'une certaine indépen-
dance. De plus on semble. su|)poser l'existence du temple (i.vi, 7; lx, 7; lxii, 9; surtout
:
LXV, 11; Lxvi, 6); on semble supposer (lvi, 8) que des groupes d'exilés sont revenus au
pays et annoncer 'i.x, 4; lxvi, 20, etc.) de nouveaux retours; les désordres censurés par le
prophète rappellent ceux dont il est question dans Esdras-Néhémie et Malachie fcf. Is.,
Lviii, 3-6, 9; Lix, 3, 4, 13 sv. et Neh., v; Mal., m, 5; — Is., lvi, 10-12et Esdr., ix, 1, 2; Neh.,
xiii, 4, 28; etc.). D'autres particularités vont être signalées dans la suite des développe-
ments.
(4) Pour un certain nombre de ces auteurs, ces prophéties plus anciennes auraient été
incorporées par le Deutéro-Isaie dans son onivre.
I.Ti REVUC IMIU.ICH'K.
(7) Is., I.VI, 1: i.\ii, 18, 19; i.x-LXll; LXV, 8-10, 13-lfi: i.xvi, 7-12.
(8} Is., LVI, 8; LMi, 19 (celui qui est près et celui qui est loin).
bien inféncur ;ui iiiaitrc; il \c siiil de (lôs l..iii. Les autours d'Is., iai-
lAvi sont d'une épo<|ue j>nstéii(>uro à l'exil il faut les placer au temps
:
distinction entre les fils de Jacob selon la chair et les lils de Jacob
selon l'esprit; les premiers sont déjà en voie d'être traités par les
seconds comme des apostats et, pratiquement, comme des étrangers.
Mais s'agirait-il sûrement des Samaritains, c[ue l'on ne pourrait en
faire argument pour aboutir avec certitude au milieu du cinquième
siècle. L'bostilité des Samaritains se manifesta dès l'époque de Darius
et même (1). De la sorte on pourrait rapprocher de la date
de Cyrus
présumée du DeiHéro-Isaie celle des chap. lvi-lxvi. Môme les res-
semblances que l'on a souvent signalées entre Is., xl-i.v et Is., lvi-
lxvi suffiraient peut-être à consacrer l'unité d'auteur, tandis que les
différences trouveraient une explication adéquate dans la diversité
des circonstances et du milieu; il ne faut pas oublier que ie pro-
blème du délai du salut comptait déjà parmi les préoccupations
d'Aggée et de Zacharie (i-viii). — Quant aux exégètes catholiques, ils
doivent s'inspirer de la décision de la Commission Biblique dont on
a parlé plus haut. Il leur serait permis, semble-t-il. de constater
qu Is. LVI-LXVI a trait aux temps postexiliens ou à la période immé-
diatement postérieure aux premiers retours, tout comme Is. xl-lv a
ches relatifs aux mariages avec les païennes (4), à la tiédeur des
prêtres (5), aux négligences du peuple par rapport aux dimes (6) sont
en rapport étroit avec ce que les livres d'Esdras-Néhémie nous font
connaître de la situation au temps des deux grands patriotes (7).
(>omme on ne saisit, dans les discours du prophète, aucune allusion
à des réformes antérieures, aucune allusion à un retour \ ers des
désordres déjà condamnés et temporairement écartés, comme les
censures paraissent dune application assez universelle, on doit
regarder la prophétie de Malachie comme antérieure à l'an i45. Les
critiques ajoutent d'autres considérations, notamment l'absence de
toute référence au code sacerdotal, dont volontiers ils placent la pro-
mulgation en iii. D'ordinaire on s'arrête aux environs de 'i60.
[A suivre.)
J. TOUZARD.
(1) Sous sa forme actuelle, le nom veut dire « mon messager » et ne correspond pas aux
formes générales de ronomastiqiie hébraïque; ce pourrait êlre, il est vrai, une abréviation
di' Maialiijâh 'messager de Yahweh). Le grec porte « parla main de son angeimaVâko) »;
:
Le Targum : « par la main de mun messager, dont le nom est Esdras le scribe ». — En pré-
sence de ces particularités, les critiques, en grand nombre, estiment (|ue le livre était
dabord anonyme et que le titre actuel a été introduit sous l'inlluence de Mal., m, I :
(2) Mal., i, 8.
Textrème, non que la pensée de Paul ;ùt été travestie, mais parce
qu'on attribuait à Pierre et à .lacques les thèses les plus outrées des
judaïsants. La foi primitive de TÉglise étant celle des anciens apùtres
plutôt que celle de Paul, la religion de Jésus-Christ n'eût été à l'ori-
g-inequ'un messianisme subordonné au judaïsme comme un simple
instrument de conquête parmi les gentils. L'hérésie des i^^bionites,
ees judaïsants extrêmes, qui refusaient de croire à la divinité de
Jésus-Christ et même, dans certains cercles, à sa conception surnatu-
relle, qui étaient surtout unanimes pour exiger l'observation de la
Loi mosaïque, devenait, d'après les nouveaux critiques, la représenta-
lion authenti([ue et l'héritage légitime des anciens apôtres. Contre
ces aberrations, les catholiques ne montrèrent pas moins de zèle que
les anglicans conservateurs. Il semble bien qu'ils ont eu gain de
cause, et voici maintenant une théorie opposée, trop opposée à celle
de Baur. Elle ne voit plus dans l'Église primitive ces judaïsants
forcenés qui donnèrent naissance à l'hérésie ébionite. Ni Pierre, ni
môme Jacques, n'ont montré trop d'attachement pour la Loi. Pour-
tant ils sont encore en antagonisme avec Paul. Mais c'est parce que
TApôtre des gentils s'est obstiné à ne pas comprendre leur pensée.
Car ils plaçaient comme lui le salut dans la foi en Jésus-Christ;
Jacques, en particulier, n'obligeait strictement à l'observance de la
Loi que les Juifs convertis; s'il la conseillait aux gentils, c'était
adopter une loi nationale et surannée. Son instinct l'a mieux servi
que sa dialectique.
C'est àpeu près ce qu'a soutenu M. Loisy dans son récent com-
mentaire de l'Épitre aux Galates, .la première assise, et sans doute
fondamentale, d'une nouvelle histoire des origines du christianisme.
La Revue a^déjà signalé cet ouvrage (1). Il faut y revenir puisque
des revues (2), ordinairement peu curieuses d'exégèse et de théolo-
gie, ont surtout loué les aperçus nouveaux qu'il apporte sur la ques-
tion des judaïsants. « Nul, dit le Journal des Savants (p. 398 s. ,
chose pourtant est que la Loi soit d'obligation stricte pour tous ceux
qui sont nés chose qu'elle soit une condition absolue
Juifs, et autre
du
essentielle salut, c'est une idée que Paul ne prend pas la peine
de regarder » (p. liO).
D'où venaient ces judaïsants? « Le point de départ et le centre de
cette évangélisation judaïsante, que Paul dit être une altération de
l'Evangile, ne peut être que la communauté de Jérusalem, la pre-
mière église, celle'qui avait été fondée et organisée par les disciples
quelque manière, une condition de son salut, mais elle n'en était pas
le principe » (p. 133). Saint Jacques a-t-il eu une perception aussi
nette de la distinction entre la condition du salut et le principe du
LES JUDAISANTS DE LÉPITRE ALX GALATES. 141
(xv, 1) disent bien que les individus venus de Judée, qui soulevèrent
à Antioche la question des observances légales, enseignaient la néces-
sité de la circoncision pour le salut; mais, ou bien les termes ne sont
pas à prendre avec trop de rigueur, ou bien, ce qui est plus proba-
ble, le rédacteur a forcé la note en exagérant la thèse des judaïsants.
L'Épître aux Galates laisse entrevoir que l'antithèse salut par la Loi
:
ou salut par la foi, existe seulement dans l'esprit de Paul, et que les
judaïsants concevaient un salut par la foi avec la Loi, celle-ci, qui
était d'obligation stricte pour tout Juif, ne simposant pas en rigueur
aux païens qui accédaient à la foi du Christ, mais son adoption ne
pouvant qu'être recommandable à tout croyant soucieux de mener
une vie parfaite, d'accomplir en toutes choses le bon plaisir de Dieu »
(p. 27).
La nouvelle thèse est ici posée dans une parfaite clarté. Mais en
réalité elle n'est point nouvelle. Si l'on fait abstraction des opinions
de saint Jacques et de l'attitude antérieure des judaïsants d'après les
Actes, cette manière de caractériser les judaïsants que Paul combat
dans l'Épitre aux Galates est précisément celle à laquelle le P. Cor-
nely a donné droit de cité dans l'exégèse catholique.
Cornely, disons-nous, prend à la lettre, et avec toute raison, le
témoignage des Actes. Les judaïsants d'Antioche (Act. xv, 1) faisaient
d.e la circoncision une condition absolue du salut, même pour les
reparlerons (^Act. xv, 29), semhlail les mettre au rang des prosélytes
imparfaits (|ue Cornely nommait, d'un nom beaucoup plus récent^
prosélytes de la porte ttndr opinio cxoriri poluit, ncophylos non
:
d'après Cornely (2) comme d'après Loisy, qui sont venus opérer chez
les Calâtes et contre lesquels Paul dirige ses traits. Ils ne préten-
daient pas que la Loi fût nécessaire au salut, mais seulement très utile,
ou comme Cornely le dit ailleurs, les judaisants ne niaient pas la
nécessité de croire au Christ, mais ils estimaient la Loi nécessaire à
la perfection de la justice, ce qu'il considère comme un partage de
la justice, une part provenant des mérites du Christ, l'autre des
œuvres de la Loi (p. 46'i.). Quoi qu'il en soit de l'équivalence de ces
formules, celle que préfère Cornely et qui revient constamment, c'est
que la Loi était proposée aux Galates par les judaisants comme une
œuvre de perfection et par conséquent, si les termes ont encore un
sens, comme une œuvre surérogatoire pour le salut. Il est vrai que,
contraint par les paroles si nettes de Paul, Cornely avoue que les
Galates croyaient la circoncision nécessaire au salut (p. 362). Le dis-
tingué exégète se serait-il donc contredit? Pour lui épargner cette
injure, on doit imaginer que les Galates n'avaient point compris la
subtile distinction de leurs pseudo-apôtres entre la nécessité de la Loi
(1) Commenlarius, etc., III, Epistolaead Corinthios altéra et ad Galatas, Parisiis, 1892,
p. 364.
(2) L. l., p. .365. Cornely dit expressément dans son introduction: Antiochiae autem re-
pulsi iudaizantes vicias manus non dederunt, sed callidiore modo conalus suos per-
sequetites et eo tempore ecclesiis a Paulo fundatis eo absente perversa sua dogmaia
instillareslnduerunt (p. 364). 11 est vrai que, plus loin, il dislingue les judaisants de la
compagnie de Jacques (Gai. u, 12) des pseudo-apôtres des Galates fp. 446).
LES JLDAISANTS l)K L'KPITRE AUX CALATES. 143-
(1) Parue dans la Revue des Questions historiques, octol)re 1889 et avril 1890; repro-
duite dans ses Mélanges d'histoire et de lilléralare religieuse, Paris, LecoftYe, 189'J.
(2) L. L, p. 174.
(3) L. L, p. 101.
144 UEVUE niiîMgi E.
(v, 12).
I.ES JUDAISANTS DE l/ÉPITRE AUX CALATES. 147
Paul se serait-il permis des traits aussi mordants contre des adver-
saires soumis au décret de Jérusalem, qui n'auraient fait qu'inviter
les (ialates àpratiquer la Loi sans cesser d'espérer en Jésus-Christ?
Aussi bien ce nest pas aux pseudo-apotres qu'il s'adresse, mais aux
(lalates eux-mêmes. Et les erreurs dont il les détourne sont bien
celles qu'on leur a prêchées, car il ne leur reproche que l'inconstance,
mais d'autant plus g-rave comme tel. Les Galates n'y voyaient, nous
assure-t-on, qu'une association aux privilèges des descendants d'Abra-
ham. Privilèges spirituels, assurément, bénédictions promises par
Dieu. Mais si ces bénédictions n'étaient pas concentrées
dans le
Messianisme, si elles n'étaient communiquées que par la circoncision,
que la circoncision était nécessaire. 11 est vrai qu'on nous parle aujour-
d'hui d'une nécessité en vue de la perfection. Mais en vérité ces
mots
s'accordent mal. La perfection est le fait du petit nombre, elle est
proposée à la bonne volonté, elle n'est point imposée. L'ÉpMre aux
Galates n'a plus de sens si Paul n'a pas voulu opposer son autorité
à celle des pseudo-apôtres qui pèsent sur les nouveaux convertis
du
poids de leur autorité personnelle et du poids plus considérable encore
formels «:vous avez été séparés du Christ, vous qui cherchez votre
peuple et quïl fît régner la Loi sur les gentils. Il serait ainsi son
plus illustre serviteur, mais son serviteur. Les (ialates conquis à la
Loi par Jésus-Christ auraient réalisé ces aspirations juives. C'eût été
un autre évangile, et Paul a prononcé le mot (i, 6).
Il répète par deux fois (v, 6 et vi, 15) son principe fondamental :
circoncire Tite clans une (^^rasinn «u'i l;i vri-ilt' de 1 Kvan^ilc •lail v\i
raison en est peut-être simplement que cette forme était celle d'une
lettre adressée aux frères dAntioche, de Syrie et de Cilicie
(Act. \v, 2-2-29!. C'est à propos d'eux que la question avait été posée,
c'est à eux (ju'on avait répondu, et c'est à eux que la lettre avait été
portée par Judas et Silas. Plutôt que de la reproduire dans une lettre
adressée aux Galates. Paul a préféré leur montrer que la question
avait été tranchée à Jérusalem pour tout le monde, et que spéciale-
l")-2 llliVUli IJlHLIUli:.
ment son évangile à lui, leur apotro, avait élé approuvé par les an-
ciens Apùtros. Nous oublions trop volontiers que les Actes eux-mêmes
qui ont donné tant de solennité à la discussion et à la décision prise
ne parlent ni d'un concile, ni d'un décret. Les faits nous autorisent
à. employer ces termes, devenus familiers par l'usage de l'Église,
mais non à imaginer pour rÉglise primitive l'impression faite sur
le monde catholiijue par la promulgation urbi et orbi du concile du
Vatican. Ce qui était décisif alors comme hier, c'était le jugement
rendu par les Apôtres assistés des anciens. Et c'est précisément ce
jugement que TÉpître aux Galates met en lumière aussi bien que
les Actes. Kn dépit des faux frères qui avaient posé la question de
principe, Paul et Barnabe ne consentirent pas un instant à laisser
circoncire Titc, et il n'y fut pas contraint. Après que Paul eut exposé
son évangile, tel qu'il le prêchait aux gentils, c'est-à-dire sans aucune
obligation par rapport à la Loi, Pierre, Jacques et Jean, « les Colon-
nes », n'exigèrent rien de plus, et reconnurent que l'apostolat de l*aul
chez les gentils avait la même approbation de Dieu que celui de
Pierre auprès des Juifs (ii, 3 ss.). Que pouvait-on dire de plus fort
sur le jugement rendu par les Apôtres et qui répondit mieux à la
question posée sur la nécessité de la circoncision?
En Paul a donc allégué le décret, insistant sur la forme
réalité,
concrète qui confirmait son évangile, et rien ne suggère que les
judaïsants de Galatie aient répondu par cette argutie nous n'im- :
(lo nourrir et de vêtir les indiconts di» la filé sainte. Paul ne le dit
pas, mais aflirme qu'il a toujours de sou côté ItMiu parole, excellente
occasion de r('i)roclier à .lacques d'avoir uiaiiv^ué A la sienne, si le l'ait
(1) Le décret des Apôtres fAct. xv, 28-29), dans HB., 19G7. p. 3i-58 et 218-239.
Tï); 7topv£sa; xal Toy nv.-xToy -/.ai toO olÏ^lol-zo^. Dans le décret, xv, 29 àTcéyec'Ja'. eIôw>o6ùtwv xa.
:
al;j.a-o; -/.ai TTv.y.Tûv xal TiopvEÎa:. Dans le résumé d'apK'S les judéo-ciiréliens
de Jérusa-
lem, XXI, 25 : tfjli'jtytGfiy.: aùto-j; t6 te eIoojXôOutov y.al aljia y.al Ttviy.xôv y.ai Ttopvsiav.
(3) L. L, p. 47.
I.ES JUDAISANTS DE L'RPITRE AUX CALATES. lo5
sens naturel, et non point des mariages entre parents ou alliés décla-.
rés illicites par la Loi (Lev. xviii). Quant au précepte de ne pas se
nourrir du sang, il fait sans doute partie de la Loi mosaïque, mais il
ix, \). On ne
a été imposé après le déluge à Noé et à ses fils (G en.
prétend pas ici que les préceptes du décret se confondent avec les
préceptes noachiques du rabbiuisme; les rabbins n'arrivèrent à leur
formule que plus tard (1). iMais la théorie qui a abouti à ces sept pré-
ceptes talmudiques est certainement fort ancienne, et nous croyons
en retrouver l'empire dans la décision de Jérusalem. Et pour tout
dire, elle a un appui scripturaire incontestable dans la défense
adressée
tinguer déjà, comme ils l'ont fait depuis, la Loi mosaïque propre-
ment accordée au seul peuple d'Israël, et qui devenait obliga-
dite,
pas circoncis n'est tenu à rien qui soit spécifiquement mosaïque. Les
Juifs voyaient avec plaisir qu'on adoptât leurs pratiques,
espérant
le culte
auv de Noé touchant les jugements, touchant la malédiction du nom, louchant
fils :
baptônic; c'était la porte (rentréo (jui soulc donnait accès au\ privi-
lèges, mais au dehors on n'aAait pas non plus d'ol)ligations mosaïques
îi remplir. Vax môme temps cependant le décret de .lérusalem donnait
satisfaction aux principales répugnances des Juifs. Il n'avait pas pour
but de faciliter les repas en commun — trop d'obstacles subsistaient
encore — mais il mettait les gentils dans une meilleure situation
morale, telle que les de les tenir comme
Juifs n'auraient pas à rougir
frères. C'est un peu que les catholiques demandent
d(^ cette façon
comme un minimum <|u'on enseigne aux enfants l'existence de Dieu,
rimmortalité de l'Ame et la vie future. Ces vérités font partie du
catholicisme, mais qui ne professerait qu'elles ne serait ni catholique
d'esprit ni admis dans le corps de l'Église. Nous sommes étonnés de
rim})orlance attachée à la non-manducation du sang et à son corol-
laire sur les viandes étouffées. Mais les anciens tenaient plus d'un
scrupule alimentaire comme fondé sur la nature des choses. Cela
paraît être la pensée de Clément d'Alexandrie et d'Origène (1). L'Isla-
misme respecte cette répugnance comme une loi, sans estimer accom-
plir en cela un rite mosaïque.
On a prétendu que Jacques avait souligné la dépendance de ces
abstentions par rapport à la Loi, en ajoutant aussitôt « Car Moïse :
(1) M. Coppielers rej^arde comme très probable que les tivè; «7:0 'Iaxu)g'>u rcnétcnl la
pensée de Jacques [l. L, note, p. 51).
i:;8 HKVLK BlIiLlOli:.
sur ce point. Mais ils ont trouvé fort mauvais (jue les Juifs convertis
mangeassent avec les gentils chrétiens, évidemmenl parce que cela
ne pouvait faire haliitucUemenl sans déroger à la Loi, et ils
se
entrainèrent Pierre, et même Barnabe. Nous n'avons [»as à pour-
suivre cette histoire dans le détail. Il ressort netlcment de tout Tin-
[)rati(jue intégrale de la Loi, surtout avec Pierre à leur tête, ils exer-
çaient par le seul fait de ce changement une piession sur les gentils.
sur l'objet en litige, si bien qu'à la fin, ce sont ]3lutôt les judaïsants
convaincus que Pierre qui sont dans la perspective. Quoi qu'il en
soit ce morceau, très difficile dans le détail, montre qu'une incon-
séquence de conduite peut être mal interprétée. Les intérêts des
o-entils convertis sont en jeu, et c'est ce qui a décidé Paul à inter-
venir.
Rompus à la dialectique, les partisans de Jacques auraient pu
opposer au dilemme de la Foi ou de la Loi la distinction de M. Loisy :
toire pour les judéo-chrétiens, nous n'y voyons aucun indice d'une
ingérence quelconque dans le but de prêcher la Loi aux gentils à
un titre quelconque. C'est toujours le compromis de Jérusalem qui
tient; il n'y a rien de commun entre Jacques et ses bienveillants
presbytres, auxquels Paul défère si volontiers, et les judaïsants de
(ialatie qu'il malmène si durement pour leur hostilité et leur auda-
cieuse incursion sur ses terres.
Sur quoi donc s'appuie M. Loisy pour affirmer l'action de Jacques
en Calatie? Paul ne le nomme pas, mais il le désignerait assez claire-
160 REVL'E RinLlOl i:.
ment pour qu'on le i'o<-onnaissc : u Celui qui vous 1 rouble (en) por-
tera la peine, quel (|uil soit. Kt moi, libres, si je prêche encore la
circoncision, pourquoi alors suis-je persécuté? » iGal. v, 10 s.). Le
persounaije qui trouble les datâtes serait Jactiues « resté tranquille-
soit », cjTir àiv f,. Mais on peut traduire « Quiconque vous trouble, :
de départ comme
à son centre actuel, la communauté de Jérusalem
et ses chefs jouant à l'égard des autres communautés un rôle vague-
ment mais non inconsciemment imité de celui du sacerdoce hiéroso-
lymitain et du sanhédrin à fégard du judaïsme de la dispersion »
(p. 121). Cette subordination serait prouvée par les collectes organi-
sées pour la communauté de Jérusalem. Paul ne présente pas les
choses de cette façon, mais sa « façon de présenter les choses dissimule
une bonne partie de la vérité » (p. 120). Et c'est à lui-même qu'on
demande la preuve de cette dissimulation. « Paul lui-même, dans la
(1) Parmi les protestants, Siefl'crt : das jedesmalige Iiulividuuin der Verwirrer in jedem
Uonkreten Falle [Connu, de Meyer, G* éd.). — De même Zahn.
REVUE BIBLIQUE 1917. — N. S., T. XIV. H
102 KKVl K lUni.lOllK.
yecoiule aux Corinthiens ^i\, l-i-13), dii'ji que la cDiloctc ne; se lait |)as
Céphas et Jean ont demandé à l*aul de se souvenir des pauvres (lai. ii,
10) et nous savtms par la pratique de Paul (Hooi. \v, 26 s. I Cor. xvj, ;
3; H Cor. ik, s.; Act. wiv, 17) que ces pauvres étaient ceux de
I
(1) Quant à l'opposition qu'on a parfois cru rencontrer entre l'Epître aux Romains et
l'Epitre lie saint Jacques, au sujet de la foi et des œuvres, elle se résout aisément et au
surplus n'appartient ]>as directement à notre sujet. Ce qui est moins aisé à déterminer,
que prend l'auteur de l'Epître au sujet de la Loi mosaïque. Il suppose que
c'est la position
ses lecteurs lui obéissent (.lac. n. 9.10), mais les ordonnances dont il parle sont le Déca-
logue, que Paul prétendait bien être compris dans le grand précepte de la charité. Light-
foot a remarqué (p. 3.58) qu'il emploie le mot loi presque comme synonyme d'évangile, et
il parle à l'occasion de la loi parfaite de liberté (Jac. i, 2'>; cf. ii, 12). Toute l'Epître respire
plutôt la vraie dévotion et la charité qu'un sentiment ritualiste exagéré.
(2) Cf. Coinm., p. 3.35 ss. : « On tient, en général, et probablement avec raison, que le
gros des abstinents était d origine juive ».
104 UKVl'K IMnLIUL'E.
cire qu'il s'oblige à observer la Loi tout entière » (v, 3). C'est peut-
être que ne l'imposaient pas d'abord par politique. Mais
les judaïsants
étaient partout sans être groupés nulle part. Ce sont les Kbionites.
On est d'accord cependant pour les partager en deux tendances :
(3) Citations de leur exégèse dans le commentaire de Jérôme sur Isaïe. P. L., X.\IV,
que l'hérésie ébionite s'est produite dès les premiers jours du chris-
tianisme.
On sait qu'elle a trouvé son apologie dans les ouvrages faussement
attribués à saint Clément : Homélies clémentines, Lettre de Pierre à
Jacques, Recognitiones. Emanation d'un ébionisme à tendances plutôt
gnostiques que pharisiennes, ces ouvrages sont en plus d'un endroit
des réponses à l'Épitre aux Galates. Le sujet ayant été bien traité par
Lightfoot en 1865, il suffirade renvoyer à son commentaire, ne fût-ce
que pour constater que tout n'est pas progrès dans ce qu'on nous
présente comme le dernier mot de la science. Citons cependant les
paroles de Pierre à Simon le Mage, sous le masque duquel l'auteur
attaquait Paul : « Tu
opposé à moi et tu m'as résisté. Si tu n'avais
t'es
Lyon.
Fr. M.-J. Lagr.wge.
(1) Bilbao.
(2) Die Parabelii des Herrn im Evangeliuin. Éloignéde toulc bibliothèque, je n'ai pu
relire que la première édition allemande. C'est d'après cette édition que seront faites
toutes les citations.
ENSEIGNEMENTS PARABOLIQUES. 109
les mémoires.
(3) Op. laud., p. 182.
l'o lŒMl. i;ii;i.ini'K.
divine parole. 1,'idenlilication n'est évidemment que partielle, car le Royaume est encore
bion antre (•lio<;e. Elle est léf^iliine pourlaiil, car la prédication de l'Évangile est une phase
préparatoire à l'établissement délinitif du Royaume.
17-2 UKVIK lUIJLKU'I-:.
16. A quoi donc comparerai-je ceUe génération? Elle ressemble à de petits enfants
se tenant sur les places publiques, qui interpellent leurs camarades 17. en ces
termes :
démon; 19. le Fils de l'Homme est venu, mangeant et buvant, et ils disent Voilà :
qui invitent leurs camarades au jeu, et ceux qui refusent d'y prendre
part, les premiers représentant le Sauveur et Jean -Baptiste, les
seconds les scribes et les pharisiens.
ter, au lieu d'être invités, car le texte porte : Ils (les hommes de cette
génération, scribes et pharisiens) ressemblent à des gamins qui s'en
prennent à leurs camarades...
Cette objection, qui, du reste, n'est pas la seule, suffit à rendre
précaire la solution proposée.
Le P. Fonck a été mieux inspiré. Avec de nombreux commentateurs,
appartenant à toutes les écoles. Maldonat, Calmet, Knabenbauer,
Bruce, Jûlicher, Loisy, il prend en bloc la troupe des enfants qui
jouent et se disputent. « Naturellement, écrit-il, la faute est des deux
côtés à la fois, et il n'y a pas à partager les paroles entre les deux
catégories « (2).
tion implicite?
Implicite, peut-être. Mais cela ne compte pas pour la parabole.
Pour l'eUet en question, il y faudrait une invitation explicite. Lorsque
le Sauveur veut insister sur un trait, pour en dégager une leçon, il n'a
1. Alors le Royaume des cieux sera semblable ii dix vierges, qui, ayant pris leurs
lampes, sortirent au-devant de Tépoux. 2.. Cinq d'entre elles étaient étourdies et cinq
étaient sages. 3. Les étourdies, ayant pris les lampes, ne prirent point d'huile avec
elles; 4. mais les sages prirent de l'huile dans les vases avec leurs lampes. 5. Comme
l'époux tardait à venir, elles s'assoupirent toutes et s'endormirent. G. Au milieu de la
nuit un cri retentit : Voici l'époux, sortez à sa rencontre! 7. Alors toutes ces vierges
se réveillent et apprêtent leurs lampes. 8. Les étourdies dirent aux sages Donnez- :
nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent. 9. Les sages leur répondirent De :
peur qu'il n'y en ait pas assez pour vous et pour nous, allez plutôt chez les mar-
176 lŒVn-: IMHMOUE.
Plus tard, les autres vierijes arrivent aussi, disant : Seigneur, Seigneur,
porte. 11.
ouvre/nous! 12. Il répondit : Kn vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.
De môme (lue, sur un groupe de jeunes iilles, les sages seules, qui
remplies il faut
: être là au moment voulu, avec sa lampe et son
huile; l'absence de Tune de ces conditions rend vaines toutes les
vous connais pas ». On ne demanda pas aux filles étourdies .si leurs
lampes avaient brûlé jusque-là, mais si elles avaient encore de l'huile
pour les alimenter. Ce fut ce manque de jjrovision qui les perdit.
3» Enfin, la préparation doit être personnelle. Au tribunal divin, il
vigilance est une attitude de l'âme, non une posture du corps; elle est
résume en ces mots. L'usage voulait que les jeunes filles, amies de
l'épouse, se rendissent auprès de celle-ci, dans sa maison, pour y
attendre l'arrivée de l'époux. Quand l'époux était là, les deux cortèges
se fondaient en un seul et tous les invités se rendaient en grande
pompe chez le fiancé où se donnait le festin nuptial.
Or les vierges de l'Évangile ont l'air d'attendre quelque part, sur
la loute apparemment, sans que la fiancée figure au milieu d'elles.
(2) « Ci'isto... viene como esposo a unirse en matrimonio perfeclo con la Iglesia repre-
sentada por las diez virgenes » (p. 629).
REVUE BIBLIQUE 1917. — N. S., T. XIV. 12
i:s REVUE lUlU.inilE.
tant dans la parabole. C'est ainsi que la fiancée n'est pas mentionnée,
parce qu'elle ne devait point paraître dans ïapplicafion parabolique.
— Cette première prétérition en entraînait plusieurs autres. Du
moment que la fiancée n'était pas nommée, il n'y avait pas lieu de
représenter les jeunes filles se tenant à ses côtés. On ne devait pas
davantage indiquer que ces compagnes d'honneur attendaient le
fiancé dans la maison de la liancée. Et puisqu'on ne parlait pas de cette
maison, pourquoi aurait-on spécifié que le repas allait se donner chez
le fiancé? Toutes ces choses allaient de soi.
Mais le texte ne dit-il pas que les jeunes filles se portèrent à la ren-
contre de l'époux? Il faut donc qu'elles soient sorties de la maison où
elles se trouvaient, et soient allées attendre (juelque part sur le
chemin.
Il faut répondre cjue ce n'est pas une conséquence nécessaire. La
phrase peut signifier seulement c[u'elles sortirent de chez elles pour
se rendre chez la fiancée^ afin d'y attendre à ses calés la venue de
répoux. Car c'est encore là une manière de se porter au-devant de
l'époux, surtout lorsque les détails de la cérémonie ne sont rapportés
qu'en g^ros et en raccourci (1). Et si cette interprétation est légitime,
(1) Je constale avec plaisir que, pour l'interprélation de ce délail, je suis d'accord avec
le P. Sainz, p. 630.
ENSEIGNEMENTS PARABOLIijLES. 179
bien avoir introduit dans son récit un certain nombre de détails extra-
ordinaires. Comment se fait-il que la troupe entière des jeunos fille-^
se soit sitôt endormie, puisqu'il n'était pas encore minuit? D'ailleurs
la difficulté subsiste, si, au lieu d'être rangées autour de la fiancée, les
vierges attendent sur les chemins, car là encore l'attente ne fut que
de quelques heures et il s'agissait j)Our elles de manifester une joio
bruyante. En Palestine, on n'honore quelqu'un qu'en faisant du bruit,
et l'on est en mesure d'en faire durant de longues heures. Les paisi-
bles Européens, vivant dans les cités palestiniennes, Font appris à
leurs dépens pendant maintes veillées, où ils cherchaient en vain le
sommeil qu'avaient si facilement trouvé les dix vierges.
Et l'époux, pourquoi retarde-t-il ainsi sa venue? Ce retard n'est pas
davantage dans les mœurs; on sait qu'en Orient le cortège s'organise
à l'entrée de la nuit... Et qne dire de ces filles sans cœur qui refusent
de prêter à leurs compagnes la petite provision d'huile nécessaire
poui' arriver jusqu'à la maison de l'époux? Là, on se serait toujours
arrangé; on n'aurait eu par exemple qu'à puiser dans les jarres où
l'époux, en bon Oriental, devait garder sa provision de l'année... Et
l'époux lui-même, que penser de ferme impitoyaljle-
lui, lorsqu'il
2(;. Il en est du lloyaiune de Dieu comme d'un lioniine qui, après avoir jeté en
terre la semence, 27, dort la nuit, veille le jour, et la semence germe et croît sans
qu'il s'en occupe. 28. C'est la terre toute seule qui produit d'abord la tige, puis l'épi,
puis le blé tout formé dans l'épi. 29. Et lorsque le fruit est mùr, on y met la fau-
cille, parce que c'est le temps de la moisson.
time. Mais une étude plus approfondie m'a convaincu de son caractère
artificiel, à la suite de quoi je demeure persuadé que le semeur
un sens critique plus avisé que d'autres interprètes qui n'ont pas
reculé devant la tâche de tout interpréter en métaphores, vaille que
vaille. -Mais cette inaptitude allégorique de trois ou quatre détails,
c'est-à-dire de plus de la moitié, n'est-elle pas déjà une preuve qu'il
la croissance et faire la. moisson. Sur les cinq, les PP. Fonck et Sainz n en
revient
retiennent que deux comme allégoriques les semailles et la moisson. Us traitent avec
:
raison les autres de paraboliques. Mais cela ne fait toujours que deux métaphores sur
cinq vocables. C'est peu.
isi niivuK luiii.ion:.
c'est le Fils de rilonwie » (.\It., xiii, 37). Mais cette analogie est loin
mation » (2)?
Oîi a le regret de dire que tous ces enseignements ne semblent pas
contenus dans la parabole en question.
En ellèt, si le semeur et le moissonneur ne jouent qu'un rôle
secondaire, les semailles et la moisson doivent elles-mêmes rester au
second plan, pour laisser au développement de la semence le béné-
fice principal de l'enseignement parabolique. Dès lors, cette leçon se
seule (aj-c;j.àTTj qui produit son fruit. La leçon principale sera donc :
c'est le Royaume tout seul, ptar sa vertu propre, par son énergie
divine, qui se développera jusqu'au dernier période de sa perfection.
Et les conclusions légitimes de la parabole se bornent à cela. On
ne saurait en déduire que c'est le Sauveur en personne qui fonde le
40. Jésus lui répondit : Simon, j'ai quelque chose à te dire. Et celui-ci dit : Maître,
parlez. 41. Un créancier avait deux débiteurs; l'un devait cinq cents deniers, et
l'autre cinquante. 42. Comme ils n'avaient pas de quoi le rembourser, le créancier
leur remit leur dette à tous deux. Quel est celui d'entre eux qui l'aimera davan-
tage? 43. Simon répondit : Je suppose que c'est celui à qui il a remis davantage.
Jésus lui dit : Tu as femme, il dit à Simon
bien jugé, 44. Et, se tournant vers la :
Tu vois celte Je suis entré chez toi, tu ne m'as pas donné de l'eau pour les
femme?
pieds-, mais elle, c'est avec ses larmes qu'elle m'a arrosé les pieds et c'est avec ses
cheveux qu'elle me les a essuyés. 4.5. Tu ne m'as pas donné de baiser; mais elle,
depuis que je suis entré, elle n'a cessé de me baiser les pieds. 46. Tu ne m'as pas
oint la tête d'huile; mais elle, c'est avec du parfum qu'elle m'a oint les pieds.
47. C'est pourquoi, je te le dis, des péchés en grand nombre lui ont été remis,
puisqu'elle a beaucoup aimé [oZ -/_aptv Xi-^M aot, àçewvTai ai àjjiap-îat aùr^; at TioXXa;,
o-i iiYa-r,j£v -oXû). Celui, au contraire, à qui l'on pardonne peu, aime peu.
protestants —
ont proposé une solution infiniment plus naturelle,
celle qui voit dans l'amour de la pécheresse un effet de la rémission
de ses péchés. Tel est, entre autres, le sentiment des exégètes espa-
gnols, Tolet et Salmeron. Il faut féliciter le P. Sainz de les avoir
suivis, sans se laisser impressionner par l'opinion contraire de Maldo-
nat. Il écrit : « Comme cette opinion est la seule qui s'harmonise avec
la parabole, nous y adhérons sans hésiter no dudamos arlherirnos
a clla) » (-2).
(2) Op. laud., p. 533. Tolel avait dit avant lui : Ubi eigo ista inulta dileclioiiis siiiiia
ISO ni:\i'i; i?iiu>iciUE.
depuis que je suis entré, elle n'a cessé (SiÉXcnrcv, aoriste) de me bai-
ser les pieds. Tu ne m'as pas oint la tête d'huile ;
mais elle, c'est avec
du parfum qu'elle m'a oint les pieds (v.eid/sv, aoriste) » (vv. W-kQ).
Après énumération elle m'a arrosé les pieds, elle me
cette éloquente :
vant se rapporter à ces actes, il est évident qu'il faut l'y rapporter.
Ainsi l'amour véhément témoigné par cette pécheresse a été cause de la rémission de
ses péchés.
On peut s'attendre à bien des imperfections dans les paraboles orientales. Mais ce défaut
de correspondance constituerait une exception.
(2) Plusieurs interprètes ont épilogue sur le sens de oj xiptv ou de m. C'est à
tort, car
bre lui ont été pardonnes, puisqu'elle a beaucoup aimé », ou, pour —
employer une formule qui supprime toute ami)iguïté Il faut que de :
Bien ([ue le sens général de cette parabole ait été indiqué dans le
précédent article, il ne sera pas superflu d'y revenir, en insistant
On sait déjà que l'interprétation de cet admirable récit est des plus
controversées. Pour le P. Fonck, la leçon principale se borne à nous
présenter une histoire de pécheur dans ses diverses phases égare- :
tout ce que j'ai t'appartient, et ces autres du fils ahié Je n'ai jamais
:
même le^Sauveur veut bien admettre pour le moment que les pré-
Il peut être utile d'ajouter ici une nouvelle remarque. Il n'est pas
pour but de luotivor les nuinuures dos idiarisiciis, a(in (juc le Sau-
veuf puisse on faire l)onue justice. C'est ce (jui a lieu.
Il ne reste plus dès lors (pi'ù transposer la paiabole en ternies
de comparaison :
gisait à sa porte, tout couvert d'ulcères 21. et désireux de se rassasier avec ce qui
"ombait de la table du riche (1); et même les chiens venaient lui lécher les ulcè-
Or advint que le pauvre mourut et il hil emporté par les anges dans le
res. 22. il
Abraham, avez pitié de moi et envoyez Lazare pour (lu'il trempe dans l'eau le
bout de son doigt et qu'il me rafraîchisse la langue, car je suis torturé dans cette
flamme. 25. Abraham lui répondit Mon entant, souviens-toi que tu as reçu tes
:
biens durant ta vie et Lazare les maux: et maintenant il est ici consolé, tandis que
que de là on ne passe pas non plus vers nous. 27. H ajouta Je vous en prie, père, :
envoyez-le dans maison paternelle, car j'ai cinq frères, 28. pour qu'il leur
ma
de tourments.
rende témoignage, afin qu'ils ne viennent pas eux aussi en ce lieu
ont Moïse et les prophètes qu'ils les écoutent.
29. Abraham lui répondit Ils :
:
ils feront pénitence. 31. Il lui répondit S'ils n'écoutent pas Moïse et les
d'eux, :
ligurent
tement inspirée de Le, xv, 16 et qui n'appartient pas au texte aullicntique. Ils ne
pas dans l'édition de VVordsworlli et ^\ilite.
ENSEIGNEMENTS PAÙABOUQLES. 193
(2) P. 'i37.
(3) p. 439.
(4) P. 445, 440.
(5) Op. l, p. 614.
REVtE BIBLIQIE 1917. — N. S., T. XIV. 13
104 REVUE BIBLIQUI-:.
n'est-il pas une preuve que le riche avait fermé son cœur à tout
sentiment d'humanité? Nullement. S'il faisait l'aumône à son client,
comme on la fait aux pauvres ordinaires, il devait s'estimer dégagé
de toute autre obligation. On ne pouvait lui demander par exemple
qu'il le retirât de sa misère, qu'il remplaçât ses haillons par des
habits de pourpre ou de lin, ou qu'il le fit asseoir à sa table. En
Palestine, les Lazare déguenillés et couverts d'ulcères sont légion.
Ils se tiennent pour satisfaits, si les riches leur assurent la pitance
qui les empêche de mourir de faim. —
ï. Au reste, il suffit de
(1) On remarquera que, dans sa réponse (w. 25, 2G). Al.raliam n'invoque pas la loi du
talion.
196 IU:VUt; UlliMUl'K.
réduit à solliciter l'aumône de celui qui, sur terre, venait la lui de-
mander;
de même que le pauvre Lazare, après une vie de souffrances
et
et sa beauté.
1. Il leur disait une parabole powr [leur montrer qu'Jil faut toujours prier et ne
jamais se lasser, i'. Il y avait un juge dans une
ne craignait point Dieu et ville qui
n'avait point o^arci aux iionimes. 3. 11 y avait aussi une veuve dans cette ni^'uie ville,
et elle venait lui dire Prends en main ma cause contre mon adversaire. 4. Et de
:
longtemps il n'y consentit point. Après quoi cependant il se dit Dien que je ne :
craigne point Dieu et que je n'aie point égard aux hommes, 5. parce que cette veuve
me latigue, je m'occuperai de sa cause, de peur qu'à la (in elle ne vienne à me casser
la tcte. Le Seigneur ajouta Entendez bien
(i. : ce que dit ce juge inique 7. Et Dieu
ne prendrait pas en main la cause de ses élus qui crient vers lui jour et nuit, et il
tarderait à leur égard! 8. .Te vous dis qu'il s'occupera promptement de leur cause.
Seulement, (piandle Fils de l'Homme viejidra, trouvera-t-il la foi sur terre?
niers temps.
Reste à savoir s'il faut accorder à ce dernier verset un effet rétroac-
tif sur la direction générale de la parabole, en sorte que ce soit là
l'élément essentiel (P. Sainzi, ou l'un des éléments principaux
(P. Fonckj. Voici les raisons pour lesquelles je crois devoir adopter
une exégèse différente :
(1) Pour le dire en passant, ce texte ne signllie pas (|u'il l'aille prier à tous les instants
du jour et de la nuit. Il veut nous inculquer seulement l'idée d'une fréquence assidue,
d'une continuité morale dans la prière, à l'effet d'obtenir l'assistance particulière dont
nous avons besoin, — ainsi que faisait la veuve.
ENSEIGNEMENTS PARABOLIQUES. 201
(ilj., V9-50).
Nous savons de même que les « adversaires » ({ui persécuteront les
justes aux derniers jours s'appelleront de noms particuliers, les
pseudo-prophètes, les pseudo-xMessie, l'Antéchrist, pour ne pas par-
ler de ou du Dragon. Le nom de « partie adverse » n'est-il pas
la Bête
bien pâle aussi pour désigner ces redoutables réalités?
Que dire enfin de la veuve, dont on voudrait faire la métaphore de
l'Église ? Ne serait-ce pas donner une idée défavorable de l'Église que
de la représenter sous les traits d'une veuve sans appui, à la merci
du premier venu à qui il plairait de se faire son persécuteur et son
bourreau? D'ailleurs, si l'Église était réellement dans l'intention du
divin iMaître. pourquoi ne pas lui donner un vocable mieux appro-
prié? En ne la désignant que par le terme iVéliis, on risque de nous
dérouter et de ne se point faire comprendre.
2° A ces diverses preuves il faut en ajouter une autre. Puisque la
une chose, c'est que ce mot, ce mot capital, qui devait faire la sou-
20-:37j n'y suffit pas davantage. La parabole débute, en effet, par ces
mots : « Et il leur disait (aevsv U) une parabole ». On sait que cette
dans saint Luc en particulier,
transition, très vague, est loin d'être,
une preuve décisive établissant qu'il faut rattacher chronologique-
ment les deux péricopes quelle unit. Pour n'en citer qu'un autre
exemple, emprunté à ce même chapitre xviir, on la retrouve aussitôt
•202 IIKVIK i;ii;i.ioi'K.
plutôt vague. Elle l'est, en effet. Mais c'est une raison pour ne
pas
représente en réalité.
d'être
y. Il dit la parabole suivante à l'adresse de quelques-uns qui se flattaient
justes et méprisaient les autres. 10. Deux hommes montèrent au Temple pour
l'autre publicain. 11. Le pharisien, s'étant installé,
prier : l'un était pharisien et
priait de la sorte en lui-même Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne
: «
et, en particuher,
suis pas comme les autres hommes, voleurs, injustes, adultères,
comme publicain. 12. Je jeûne deux fois
ce la semaine, j'oflre la dîme de tout ce
que j'acquiers ». 13. Quant au publicain, se tenant en arrière, il n'osait même pas
lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, disant : « O Dieu, ayez pitié de
moi qui suis un pécheur ». 14. .Te vous le dis, celui-ci descendit chez lui plus jus-
ENSEIGNEMENTS PARABOLIOUES. 203
2>ublicains.
(lomme on le voit, la i(>oon porte sur deux vérités étroitement
reliées entre elles : I" les pharisiens ont tort de se complaire en
leur justice légale, comme si elle constituait la justice véritable et
({u'il n'y eût rien au-dessus d'elle; 2" ils ont tort de mépriser les
publicains qui peuvent valoir mieux qu'eux-mêmes i'-ï).
(1) On voit que celle parabole ne conclut pas d'un ordre de choses matériel à un oïdic
de choses spirituel; elle conclut d'un cas particulier à l'universalllé des cas analogues,
grâce au procédé de la généralisation.
[2] Assurément c'est par Ihuinilité que le publicain obtient la justification, par quoi
il l'emporte sur le pharisien avec toute sa justice légale. Mais l'humilité n'est qu'un moyen.
une preuve. Il semble qu'on se trompe en y voyant la Ihèse ]>rincipale à démontrer.
ENSEIGNEMENTS PARABOLIQL ES. 205
plus forte raison, qu'il était condamné, c'est s'engager en des hypo-
thèses qui ne reposent plus sur le texte. Je veux bien que la justice
Les paraboles qui précèdent ne sont pas les seules qui nous ména-
,gent des constatations pleines d'intérêt. Mais il est temps de
clore
une série peut-être déjà trop longue. Aussi bien, le but poursuivi
semble-t-il atteint, puisqu'on ne se proposait dans ces pages que de
fournir, par quelques spécimens, la contre-épreuve j)ratique des pré-
ceptes théoriques exposés naguère.
En finissant, il faut cependant prévoir une objection. La méthode
préconisée, à force de vouloir être rationnelle, ne le devient-elle pas
trop? xN'oublie-t-elle pas que la parabole évangélique appartient à ce
genre essentiellement souple et divers qu'est le màchàl oriental? Ne
traite-t-elle pas ces admirables tableaux avec une logique trop
rigoureuse, trop occidentale? Ne les regarde-t-elle pas trop comme
des paraboles aristotéliciennes, c'est-à-dire comme des instruments
de démonstration?
Il suffit de distinguer pour répondre. Oui, la parabole est
identique
illustrer de telle manière telle vérité, l'exégète n'y peut rien chan-
ger. Le paraboliste crée les faits, l'exégète les constate. Le paraboliste
a toute liberté pour suivre le jeu de sa fantaisie subjective ;
l'exégète,
lui, fait profession d'objectivité, c'est-à-dire de respect pour les textes
et d'obéissance aux faits. Voilà pourquoi, même pour expliquer le
mâchai oriental, rien ne vaut une méthode occidentale, et rien ne
la remplace.
C'estune méthode de ce genre qui a manqué, semble-t-il, à un
très grand nombre de commentateurs. Les uns commencent par
définir le but de la parabole, avant d'en avoir expliqué la lettre :
après l'explication littérale, mais sans nous déclarer les motifs de leur
choix aussi le lecteur ne sait-il jamais si ce choix est parfaitement
:
Fontarabie.
Denis Buzv S. C. J.
MÉIANCES
cuite (6).
faut aujourd'hui ajouter l'inscription suivante dont le
11 y
Lagrange veut bien me communiquer la copie que lui a fait
R. P.
parvenir M. Trabaud, avec la transcription suivante :
lOYAIONKOYAA .
nPECBEYTHNK . . .
CTPATHrONAYTOKPAI . .
NEPOYATPAIANOY
KAICAPOCCEBACTOY
TEPMANIKOYTOYKYPIOY
NOAPOCNOAPOYTOY
BAAPOYTONI AYTOYEYEPPE . .
THN
'louXicv Koua[3paTov|
xpeaêsorJjv y.y).
(jTpaT-^jYbv a'jToy.paT[opoç]
Népoua Tpaïavoj
Kaîffapcç I^sêaaTOj
rep[j.aviy.ou xzXi v.'jpiz-j
n'est pas impossible que, dans la transcription, on ait voulu indiquer le début d'un jam-
bage après -/Kl : on attend là, non GTpaTviyov, mais àvTtaTpairiyôv. J'ai rétabli l's de [éjauTOù.
'2) Prosopographia Itiiperii romani snec. I ri III, t. II, éd. H. Dessau, p. 209-210,
n •
338. Voy. encore, postérieurement, une inscription d'Ancyre (Comptes rendus de lAca-
ilémie des inscriptions, 1900, p. 704 =
Inscr. cjraec. ad res romanas pertinentes, t. III,
n° 173, p. 98-100), une inscription d'Éphése {liulletins de l Académie roiiole de Belgi-
(/ne, 1905, p. 204, n. 1) et un diplôme militaire de Brigetio [Corp. inscr. lat., t. III, Sup-
plementum, p. 2212, Constitutiones veteranorum, n" XCVIII).
(3) Corp. inscr. graec, t. III, n" 3548 et 3549: Corp. inscr. Int., t. III, Supplernentum.
n- 7886; Konigliche Museen zu Berlin. .Utertilmer ron l'ergamon, t. VIII, 2, In.se/iriften
ans Pergamon, éd. Max Friinkel, t. II, n"' 269, 290 et 436-451 et p. 305.
REVUE ISIBLIQUE 1917. N. — S., T. \1\ . 14
•Jio iu:\i i: iMiU.iguL.
c'est à tort qu'on avait jadis proposé de ne voir en lui quun com-
mandant particulier de la Cappadoce soumis au légat consulaire de
Cappadoce et Galatie (0). Il n'est plus possible, en effet, remarque
M. Fr. Cumont. d'invoquer, comme on l'a fait, la présence de Julius
Quadratus en Galatie comme un argument en faveur de la thèse
soutenue par Marquardt (7) et communément admise après lui que
les deux provinces de" Cappadoce et de Galatie, avec les pays qui
en dépendaient, après avoir été soumises en 70 par Vespasien à
l'autorité d'un seul et même fonctionnaire (8), auraient été séparées
vers 90, avant d'être réunies de nouveau de 96 à 99 et délinitivement
scindées par Trajan . « étranges vicissitudes, dont on n'aperçoit aucu-
Éphèse [Bull, de l'Acod. de Belgù/iic, 1905. p. 20'!, n. 1) nous fait connaître un autre
membre de la famille de Julius Quadratus, sa sieur lla)).>a.
(3) Fastes des provinces asiati(/ues de l'empire romain depuis leurs
origines jus-
qu'au règne de Dioctétien. n° 114, p. 174.
(4) L'inscription de Pergame Corp. inscr. graec, t. 111, n° 3548, republiée
par Frankel,
Inschr. aus Pergamor., t. II, p. 305, semble avoir porté àv0Û7:a-ov KprjTiri; Kûtovj, « leçon
fautive et inadmissible, remarquait déjà Waddington (Le Bas-Waddington, Erplication
des inscr. grecques el latines rectieillies en Grèce cl en Asie Mineure, t. 111, Section \iii.
Additions, vi, Mysie, n" 1722 a, p. 409), qui parait cejiendant avoir été gravée sur l'original,
toutes les copies s'accordant à la reproduire ».
conceulralion de pouvoirs, qu'on trouve établie à l'avènement de Trajan, eût été effectuée
par Vespasien en 70 au moment où il confla à un légat l'administration de la Cappadoce
jusque-là province ]iro(ur;itorienne, mais la découverte à Éphèse, également dans les fouilles
autrichiennes, d'une double inscription en grec et en latin {Jalireshefte des oester-
reichischen archaeoîogischen Inslilutes in Wien, 1904, Beiblatt, p. 56) est venue
apporter un argument nouveau et puissant en faveur de cette opinion. T. Julius Pole-
maenus y dirorum Vespasiani et Titi provinciae Cap-
est qualiliè leg{afo] Aug[usti)
padociae Galatiae Ponti Pisidiae Paphiagoniae Armeiiiae ininoris, 7tp£aoîUTr;v 0£o-j
et
OJî(nîa(jiavo-j xa; ©îoC Tîto'j ÈTiapyeiwv KaîCTtaôoy.taç FaXaTia; IIôvxou Iliatoîai; nasÀayovîa;
'Ap[jiîvîa;. Il ressort du titre, écrit M. Curnont {Bull, de l'Acad. de Belgique, 1905, p. 199-
200;, ([ue déjà sous les empereurs Vespasien et Titus, 71-74 ap. J.-C. ^p- 200, n. 1 :
Vespasiani et Titi doit s'entendre de l'époque où Titus était associé à l'empire, non de
deuï règnes successifs, car nous savons quel était le légat de Cappadoce au moment ou
mourut Vespasien, les gouvernements de Cappadoce et de Galatie avec tous les terri-
toires qui en dépendaient étaient réunis aux mains d'un seul légat.
(1) Le gourernement de Cappadoce sous les Floviens, Bull, de l'Acad. de Belgique,
1905, p. 197-224.
(2)Le lias-Waddington, Explication des inscriplions, t. III, n" 1816; Corp. inscr. lai.,
t. III,pars I, n" 291 et Supplementum, n° 6818.
(3) Bull, de l.Acad. de Belgique, 1905, p. 204.
('i; Corp. inscr. graec, t. III, n'' 3532 =
Borghesi, Opéra, l. il, p. 15 et 4238 d Wad- =
dington. Fastes des provinces asiatiques. n° 114, p. 373; Frrinkel, Inschr. ans Pergamon,
t. II, n" 'i36, 438, 439 et 440 et p. 305.
,5) Bull, de l'Acad. de Belgique, 1905, p. 204, n. 1 upiffSeuTbO iioacTToO àirap^sî»; .••
;
Corp. inscr. lut., t. III, pars II, p. 359, Privilégia velcranorum, n° XVl.
(1)
Waddington, Fastes des provinces asiatiques, n" Hi, p. 175.
(2)
statue que lui y avaient fait élever, sans doute au moment où il avait
quitté la Syrie, le sénat et le peuple de Gérasa, qui s'y qualifient
de 'AvT'.v)^i(i)v Twv [iz'. ~]m Xp'jaopia t(ov 7:pz'Zz.pc['^ Fclpar/jvwv f, '^io'j'/.r,
(1) Le Bas-Waddinglon, Explication des inscriptions, l. III, sect. sin, Additions, vi,
Mysie, n" 1722; Frankel, Inschr. ans Pergamon, t. II, n" 437. M. Fiankel fait remarquer
(p. 301-302) que Gérasa, que nous voyons ainsi porter comme tant d'autres villes le nom
non pas Gadara, comme on
d'Anlioche et qui est sans doute, et l'avait soutenu, la cinquième
Antioche dont Stéphane de Bjzance dit \\z\i.r:-}] piïTa^y xoîX-o; lypt'aç xal 'Apaêca;, l£[xtpdt-
aiSoç, en réalité ne se trouve immédiatement sur le Chrysoroas,
|>as — à moins que, avec
Waddington ^p. 408), on ne suppose que la |)etite rivière qui traverse la ville s appelait le
Chrysoroas. comme celle qui traverse Damas et comme d'autres rivières ou ruisseaux de
l'antiquité, — et pourtant la mention i-n\ tw Xpuiropôa avec l'article ne peut désigner un
pays. La même périphrase
t) rô/t; 'Avxioxéwv -rtôv itpbç Tto Xpu(i[opô]a xwv TipÔTspov Tepa-
<7r|V(i[v] dans un texte de Géra&a même (H. Lucas, Repei-torium der grie-
se retrouve
ckischen Inschriflen aus Gérasa, Mittheilungen und Nachrichten des deutschen Pa-
laestina-Vereins, 1901, p. G8, n° Wa). Voy. aussi à Gérasa l'inscription du Nymphée et
l'épitaphe métrique de 'louXiav^ {Revue biblique, 1895, p. 376-377, n" 3 et 1899, p. 14,
n" 13, et 1895, p. 385-386, n" 28).
(1) Le temple en question a été mis au jour dans les fouilles dirigées par les musées de
Berlin.
(2) Ttie collection of aiicienl ijrecli inscriptions in the liritish Muséum, part 111,
(3) Dio, LI, \x, y. Voy. aussi, dans une inscription d'OlymiJie [Archacolorjische Ze'dinKj,
1877, p. 100), v£i-/.r,(;a; IT£p7atj.ov fi' xo Ispov. et, dans une inscription de Naples {Inscrip-
tiones graecae, t. XIV, n° 738), k\)^o\>nxz\.y. bi nepYâ[j.to (lepàv s.-e- lopTriv ou TtavviYuptv).
(5) Frankel, Inschr. ans Pergatiion, t. II, n" 26'J, p. 206, et notamment, outre l'ins-
cription de Naples mentionnée plus haut, Corp. inscr. graec, t. II, n" ;>209 et Jnscr.
graec.', t. III, pars I, n" 129 : A-jYoudxeia èv IlepYâjiw.
(6) Inscription de Smyrne. Corp. inscr. graec, t. II, n" 3209; inscription de Philadol-
phie, ibid., t. II, n» 3428.
(7) Voy. sur tout ceci, Frankel, Inschr. aus Pergamon, t. II, p. 205-206.
.
MÉLANGES. 21 o
Djpixç. kr.ocçiyzioiç Huptac (4), ou, dans une des inscriptions de Pergame
et dans l'une de celles d'Éphèse, ^-o^Uz '\*zv»ti%T,q Kc\i.^.y^^^r[VT,q (5),
i~y.ç,yv.y.z Suptaç ^c.v s '//.•/;? 'Ko]).\i.y.-(r^^'qz Typsu (6), et, dans l'autre ins-
cription d'Ephèse, Hupia; [/.ai zoXXwvJ aAAojv La dédicace
ïr.ypytwi^) (7).
de Rouad, se trouvant sur le territoire même
de sa province, n'avait
pas à en donner le nom et a pu se borner au titre, sans plus, de
zpsTCcur/iv v.y). sTpa-rr/viv ou àvTWTpx-YJYCv. Il me paraît, en effet, assez
vraisemblable que la 2" ligne se terminait, non par v.yj. seulement,
comme semble le porter la transcription communiquée, mais par
/.ai xn'.. Il manque, sans parler de quatre lettres à la 3" ligne,
cinq lettres à la 1'", après le A incomplet qui se trouve à peu près
exactement dans du K, et. la cassure étant
Ja verticale au-dessus
oblique, la place serait donc suffisante à la 2" ligne pour six lettres;
mais, d'autre part, certaines lignes, comme la o*' et la 6®, quoique
commenrant à l'alignement à gauche, sont plus courtes. La question
(1) Corpus inscr. graec, t. III, n" 3548; Frankel, Inschr. ans Pergamon, t. II, n"' 437,
138, 440, 4'il, 451 et p. 305.
(2, Ancicnl greek inscriptions in (he British Muséum, pari III. secl. 2, n' DXXWIIF,
p. 187-188.
(4) Cor/j. inscr. graec, t. III, q" 3548; Frankel, Inschr. ans Pergamon, n°' 438, 440,
441, 451 et p. 305.
(5) Jbid., 11° « Phonikien und Kommagcne als dcr Pro-
437, et l'auteur ajoutait (p. 302) :
{7) Ancient greek inscriptions in the British J/»seMw,part III, sect. 2, n' DXWVIII.
•2iti m:\ve nmi.uuiî.
situation est la même qu<' dans une aulre des inscriptions en l'hon-
neur de notre personnage, une inscription de Pergamc, où la lecture
i^enéralenient admise est -pzaie'j-r,-^ XsSaaxoij o-:pa-Y)YÔv Auy.iaç -axI
na;xç'.X{a; (1^. mais où, là aussi, M. Kr.inkel (2) insinue que àv-i aurait
de consul, rendu plus tard par jttxtoç seul, et que d'ailleurs Flami-
ninns, à la date où l'inscription lui avait été consacrée, était pro-
consul et non consul, ajoute « sed antiquiore tempore Graeci ipsis
:
(6] Mitth. und Xac/ir. des Pulacslina-Vereins, 1899, p. 91, n" 68.
(7) Holleaux, Bull, de Corr. heUénique, 1888, p. 510-528 = Ditlenberger, Sylloge.
t. I, n° 376.
Il
I. L ilO.MMi:.
semble, de ces petites bêtes à l'aspect minable quon élève pour leur
épaisse et lourde toison. Mais (juand venait le printemps, il aban-
donnait à d'autres le soin de son troupeau et, ayant pris le chemin
des plaines plus chaudes, allait de verger en verger inciser les
fausses figues du sycomore pour permettre à l'àcreté du fruit de
s'écouler avant la maturité. Maître de son troupeau ou berger à
gages, il était donc de ces montagnards à la vie simple et rude,
au langage expressif et direct, au caractère ferme et peu conciliant
qui, chez tous les peuples, constituent un élément de population
rétrograde mais stable et vigoureux, f)pportune réserve des qualités
et des forces vives du pays.
Ses migrations de berger, ses courses annuelles de piqueur de syco-
mores, ses causeries dans les bourgs, dans les villes et le long des
chemins, alimentaient sa curiosité d'Oriental friand de nouvelles.
11 y trouvait surtout maint sujet de méditation religieuse. Les inquié-
faudrait pas s'imaginer que tous les bergers d'Orient possèdent, mais
qui se retrouve chez certains pâtres ou chameliers arabes d'aujour-
d'hui et mieux encore dans les chefs-d'œuvre que leurs aînés ont
léerués à leur littérature nationale.
Amos était judéen. Il apporterait donc à sa mission en pays Israé-
lite un zèle soutenu par des idées qu'il partageait avec ses compa-
triotes. Mais mêmedans le Nord il pouvait être compris. Le royaume
d'Israël, en en dépit de la sécession lamentable qui l'avait
effet,
Aussi était-il certain d'être plus agréable à Vahwè, plus fidèle aux
•^20 HEVUE lUMUniE.
Et c'est tout. Mais autant cet appel est simple autant il est irrésis-
tible. A la voix de Yahwè qui retentit au dedans de la conscience de
ce croyant convaincu et ardemment pénétré d'un désir de dévoue-
ment nouveau prophète sent comme une impulsion instinc-
total, le
tive qu'il ne saurait réprimer. C'est en lui quelque chose de sem-
blable à ce frisson de peur vague et intolérable qu'il a senti courir sur
sa chair lorsque, gardant son troupeau, il a entendu rugir le lion
Amos, en ellel. uo tarda pas A se (lii'ii:;"cr vers Israël pour s'y laiie,
au nom de Yali\\«'. le censeur de la tlécadence morale et religieuse,
le docteur de la Providence, le prédicateur du retour au yahwéisme
I>lait à celle (jui. [nès de huit sirclcs j)lns laid. (Ircoulcrail tic la |)ir-
ilication de saint Jeaii-liaptiste rt plus encore de celle du Sauveur.
El couime alors aussi, ce seront déjà les prôti'es (jui la dénonceront
aux pouvoirs publics, en en déi;a,i:('ant, peut-être à dessein, le cara<-
tcre antii;ouvernenientaI ou (In moins les consécpiences r;\ch('uses pour
le res[)ect dû Tautoritc. ;\
sant métier de nAbhi. Mais à Béthel, tu vas cesser d'y faire le iiAbhî.
Car c'est un sanctuaire royal et même un domaine de la couronne. »
Amos ne goûta nullement ces paroles où une déférence pincée, un
conseil impérieux, une patience à bout se mêlaient à la menace, et il
repartit :
sont des yahwéistes fidèles et fervents que Vahwè n'a cessé, depuis
les origiûos de son alliance avec Israël, de susciter pour défendre la
foi traditionnelle contre les infiltrations païennes. iMais il sait que,
trop souvent, l'inspiration des nàbhîs est tout artificielle. La sienne,
au contraire, et c'est ce qu'il veut souligner, vient en droite ligne
et immédiatement de Yahwè. Comme le prêtre semble ne pas s'en
douter, c est ce manque de clairvoyance ou de
foi qui finit par le
fâcher. Et, tout berger qu'il est, ne craint pas de riposter, avec une
il
II. — LA DOCTRIXE.
tion que Yahwè est sans doute le Dieu d'Israël, mais un Dieu moral et
universel. A vrai dire, cela n'était pas une vérité de tous points
nouvelle, comme on la parfois prétendu. Les milieux yahwéistes
y
croyaient déjà avant Amos, et si l'on n'en trouve pas à l'époque pré-
cédente des traces aussi profondes qu'il serait à désirer, la faute en
est, pour la plus grande part sans doute, à notre pénurie de docu-
ments. Ceux que nous possédons, toutefois, en présentent une
ébauche rudimentaire dont on dégagerait sans peine les principaux
traits (1). Mais il reste qu'Amos lui a donné une expression plus com-
préhensive, plus explicite, plus nette. Il n'a pas eu à introduire la
(1) Voir en particulier les récits relatifs à Klie et .i Elisée, 1 Rois, x\ii-I[ Rois, xi.
dont la rédaction définitive pourrait avoir été faite du temps de Jéroboam II.
2-2S HLVl'K HlhLIUl'K.
culi^renient chez les confréries de nAhhis, les élève encore, les i;éné-
ralise davantacçe, et ionjonrs en appnyantsur leurs éléments moraux.
Yahxvé n'exerce pas seulement son empire sur Israël, il l'exerce
aussi sur les peuples païens, moins sur ceux qui se trou-
à tout !•'
vrai, par amitié pour eux, que pour avoir sous la main, en eux, un
moven de et un instrument de vengeance contre Finfidé-
correction
lité des siens. C'est lui aussi qui appellera un peuple autrement
redoutable dont le nom n'est pas même prononcé par Amos mais en
qui les auditeurs du prophète comprenaient bien qu'il s'agissait des
xVssyriens, le cauchemar des petits États de la Syrie à cette époque;
par les défaites, les outrages, les massacres, les déportations, les
ruines, ils vont accomplir une œuvre vengeresse telle que Vahxvè
n'en a pas encore réalisé de semblable en Israël.
Yawhè n'utilise pas seulement ces peuples pour
ses lins, il juge de
MÉF.ANGES. 220
IN'étes-vous pas pour moi comme des Couschites, ô Benè-lsraël? (ix., 7),
ne sont pas les Couschites qui sont élevés au rang des Benè-lsraël,
mais les Benè-lsraël. devenus infidèles aux clauses de l'alliance sur
laquelle repose tout le yahxvéisme, qui sont rabaissés au rang des
Couschites, ces nègres d'Afrique et d'Arabie, à peu près aussi dédai-
gnés par le monde sémitique d'alors que les hommes de couleur par
les yankees de notre temps.
Car Israël demeure pour Amos comme pour les contemporains de
Déborâ, quatre siècles avant lui, le propre peuple de Yahwè. Yahwè le
cupait; il n'a cessé enfin d'envoyer ses serviteurs les plus zélés pour
défendre son i)euple contre les séductions des cultes païens.
renr <>t dans rillusion. Ainos voiulrnil les dôti'ompor el l<'s ('clairor.
y ait rien ipii lui plaise davantage ou l'apaise plus vite que des vic-
times nombreuses et choisies.
Mais, en réalité, cette profusion de victimes, ces rites bruyants,
cette joie dissolue, ces pratiques licencieuses,^ahwé ne les a jamais
demandés. Ce nest point là le culte qu'il a fixé lui-même alors qu'au
désert il dictait à son peuple choisi les conditions de leur alliance
et la la^on dont il se plaisait à être servi. Personne n'a le droit de
transformer ainsi ou plutôt de déformer son culte. Puisqu'on ne
lui donne pas ce qu'il demande, il n'accepte pas ce qu'on lui offre;
Cherchez-moi donc —
dit Y'ahwè — et vous vivrez.
Mais ne cherchez donc pas Béthel,
N'allez donc pas au Gilgal,
Ne pérégrinez donc pas jusqu'à Bersabée.
Le Gilgal, mais on le déportera;
Béthel (maison de Dieu) deviendra uue(Beth-)a\ven (maison d'iniquité) (v, 4.5).
plus que tdul aiitrr |)oii|)lt\ suivro 1rs iinlicitioiis île l;i loi iiioi-alo,
il ajoutait aiissitcM :
Ainsi, |)rotéi;ei\ certes ^all\^^ s'y cnj^a^c puis((uo Israël est son
|)eu[)le. Mais oliAtitM', il s'y résoudra. Ir cas échéant, sans partialité,
quoi(pio lsra(*l soit son |>eupl(' ou niicux puisijiril ost sou [)eupl(v On
ne saurait dire plus foi-trincut (pu> Vahwr, de par sa nature, est un
l>ieu moral
et (pie, par suite, ceux qui ic servent sont ol)ligés de lui
liens qui les attachent à Yahwè, ils risquent de voir s'effondrer leurs
plus chères espérances.
MÉLANGES. 235
qui se targuent d'eu être l'élite, ne vaut pas les autres peuples.
Ceux-ci, comme on vient de le voir, possèdent encore, au fond d'eux-
mêmes, cette lumière de la conscience qui n'assure pas tous les pas
dans la voie droite, mais qui, du moins, permet de distinguer si on
ne sont pas des justes, ils savent reconnaître les pécheurs;
la suit. S'ils
et si le prophète les convoque à Samarie, c'est pour opposer leur
sens moral sinon leur conduite à la dépravation radicale des grands
du royaume, incapables désormais, vu leur endurcissement, de dis-
tinguer le bien du mal.
Politiquement, au surplus, de quoi Israël peut-il sérieusement se
gioritler? Pour deux victoires remportées sur les Araméens, l'une à
Lôdhebhar, Qarnaïm, deux villes du Gilead, il s'est laissé
l'autre à
aller à un vanté de les avoir gagnées par sa propre
sot orgueil et s'est
force. Mais qu'est cela au regard des conquêtes de l'Assyrien, le
vengeur déchaîné par Yahwè? Israël a reconquis deux de ses villes.
L'Assyrien, lui, lui enlèvera son territoire tout entier « depuis l'entrée
du chemin de Hamath jusqu'au torrent de la 'Arâbà » et il l'oppri-
mera lourdement dans son pays asservi (1). Les Israélites s'enorgueil-
lissent de leur royaume, qui, dans cette Syrie morcelée à l'excès,
n'était en effet pas l'un des plus petits. Mais il n'en manquait pas qui
le valaient :
c'a été le vent d'est, la nielle, les sauterelles qui ont ravagé les céréa-
les, les jardins, les vignes, les figuiers, les oliviers. La guerre et la
peste se sont unies pour décimer les jeunes gens, espoir de la nation.
Les chevaux de la cavalerie et de la charrerie, les deux armes les plus
redoutables dans les combats, ont été pris par les ennemis. Des trem-
2:<s i!i;\i !•; luni.inn:.
blciiifuts (le t(M'i'i\ ("iilin. soûl venus r.ipin'lci- d uur J'açou uu'uucaulc
les antiijuos souvrniis de Sodiuuc cl do (louiori'lie, dôtruilos de l'oud
eu ionil)l(* à cuiso de leur iiii»iuitc. Mais tout cela a été inutil(>. ^.•lll\\••
des exigences de Yahwè. I*lus ^aln\è s'irrite contre lui, plus il le cliA-
tie, et plus le peuple, croyant apaiser [)ar des dons son Dieu cour-
roucé, multiplie les sacritices : par là il ne fait qu'accroîti'e encore ses
fautes. Ainsi, par suite de 1 inintelligence d'Israël, la mi'scntente
entre lui et son Dieu menace d'être irrémédiable.
coupable aussi, car le prophète est justement l'homme sus-
Klle est
citépar Yalnvè pour instruire le peuple ignorant du sens caché, de la
portée surnaturelle des événements. Lui, du moins, sait « voir »,
grâce à l'illumination de son esprit par Valiwè, ce que le vulgaire ne
voit pas. Aux événements naturels et politiques où beaucoup seraient
portés à ne distinguer qu'un accident, un jeu fortuit des forces de la
nature, un conflit inévitable des intérêts et des ambitions des peuples,
le propliète, en sa qualité de « voyant », attribue une signification
plus liante et une portée plus lointaine. Tout cela, en effet, c'est
Vahwè qui l'a produit et non pas seulement comme, sans doute, dans
la masse, beaucoup le pouvaient penser, parce qu'il est le maître do
la nature et des peuples, mais parce que, étant un Dieu moral, il n'agit
dans le monde que dans des vues morales. Un accident est un châti-
ment. Si l'on en est la victime, il ne suffit pas d'y reconnaître une;
intervention d'en haut, il faut y voir une intention moralisatrice et.
prophète de malheur.
C'est en effet toujours à la prédiction de malheurs proches ou
lointains que, devant l'incrédulité de la masse et son peu de dispo-
sition à se convertir, Yahwè à bout de mansuétude et le prophète
à bout de patience doivent presque nécessairement arriver. Ils ne
cèdent pas alors à un simple mouvement de colère contre l'indiffé-
rence et le mépris qui leur furent témoignés. A ce sentiment se
mêlent toujours un regret de la ferveur passée et un espoir plus ou
moins imprécis mais néanmoins tenace de sa restauration. C'est que
les lourdes menaces qui sont proférées, en dépit de l'absolutisme
apparent que leur confère un langage chargé de poésie et d'hyper-
boles, visent surtout les adversaires irréconciliables de Vahwè et du
prophète. Mais il de ceux qui sont voués à la
reste toujours, à côté
désolation, le groupe des yahwéistes sincères dont la fidélité per-
mettra à Yahwè de ne pas céder entièrement aux mouvements d'une
colère impitoyable et de relever un jour, en faveur et au profit de
accumulées par l'impiété du peuple.
ses élus, les ruines
Elles seront nombreuses. Rien de ce qui faisait l'orgueil de ce
peuple méchant n'échappera à la destruction. Mais elle semblera
s'acharner sur ce qui lui tenait le plus à cœur et en quoi il mettait
sa plus solide espérance de salut.
La richesse, le commodités de la vie, les rafliucments de
luxe, les
la table, toutes choses qu'un berger devenu prophète devait, par
attachement doctrinal et pratique à la simplicité primitive, double-
ment abhorrer, sont condamnées à disparaître.
Les sanctuaires que l'on avait tant aimé à fréquenter, où, dans
une folle joie, lourdement mépris sur le culte que Yahwè
on s'était si
Enfin il faudra même quitter ce pays que Yahwè, aux jours bien
oubliés et bien changés de la première ferveur dans l'alliance, avait
donné à son peuple. Lui-même en chassera les habitants devenus
prévaricateurs et les c déportera par delà Damas ». Les longues et
MÉLANGES. 2'tl
Et, comparant Israël à une vierge morte, dont le deuil est des
VA personne ne la relevé.
La ville qui fournissait mille recrues,
JN'en a plus que cent.
Et celle qui en ^ourni^sait cent,
.N'en a plusijue dix (v, 2. '.]).
en les étudiant de près, on les isole les uns des autres comme ils le
furent dans la réalité, leur opposition, qui tenait pour une bonne
part à leur voisinage, s'amoindrit; les contradictions absolues que
certains exégètes relèvent et déclarent n'avoir pu exister simultané-
ment dans l'esprit d'Amos, semblent moins flagrantes; et la diversité
nation. Mais ceux qui restent suffisent à lég-itimer l'espoir d'une ré-
surrection nationale.
Ce sera dans un temps mal défini. Alors, au lieu de reffondrement
politique auquel on va bientôt assister, on verra de nouveau réa-
lisée l'œuvre du grand roi David. Il avait élevé par son habileté et
grâce au secours de Yahwè l'édifice majestueux de l'unité nationale,
en rassendjlant en un seul peuple soumis à un môme souverain, les
Israélites et les Judéens. La sécession criminelle de Jéroboam T' a
renversé ce grandiose édifice dont il ne reste plus aujourd'hui qu'une
pauvre « hutte » et encore toute branlante. Mais Yahwè la relèvera
-Vmos. malgré la lirièveté de son œuvre écrite, est l'un des pro-
phètes les plus attachants. On est saisi de voir surgir tout d'un coup
avec lui de nobles et fécondes idées, que la littérature antérieure ne
présentait pas avec une si lumineuse netteté. Assurément
c'est parce
qu'il est lepremier en date des prophètes écrivains que, dans notre
perspective, il prend d'emblée une place si émincnte, et, beaucoup
des vérités émises par lui se retrouvant sous la plume de ceux qui
continuèrent son œuvre, il l'ait naturellement ligure de chef et d'ini-
tiateur. Mais si, dans la réalité, il reprit et développa plusieurs des
idées déjà courantes avant lui dans les milieux les plus relevés du
yahwéisme, s'il employa pour sa prédication religieuse ce langage
poétique à la fois si vigoureux et si insinuant que d'autres avaient
déjà fait servir à d'autres sujets, que son inspira-
il faut reconnaître
tion donna à ces pensées des contours plus définis, une clarté plus
frappante, et que son talent de poète, pour être sobre, n'est pas dé-
pourvu de charme.
Ajoutons que son caractère tout de simplicité, de droiture, d'éner-
gie, séduit par la force qui en émane. Il va sans détour où le devoir
le mène. Moïse, Isaïe, .lérémie, Jonas, discutent avec Vahwè quand il
leur confie leur mission; elle les elfraie; ils s'en disent incapables;
ils veulent se dérober. Nulle hésitation semblable chez Amos. Vahwè
lui dit d'aller prophétiser et va prophétiser. Hien ne compte plus
il
pour lui que l'ordre qu'il a reçu. Il s'oublie tout entier pour obéir à
son Maître.
Louis Desnoykrs.
MÉLANGES. 247
III
[Stiite)
charie dans ces paroles Vox clamantis, etc. (Mt. m, 3 Me, i, 3; Le.
:
;
Jii, 4). L'exégète profite des divergences qu'il relève dans les citations
comparées de ce texte isaïen pour montrer que les Apôtres, les 1
évangélistes et le Sauveur lui-même n'ont pas suivi l'autorité des I
Septante dont, en connaisseurs de la langue hébraïque, ils n'avaient
|
(1) Me. IX. 12. Les prêtres et les lévites envoyés à Jean par les Juifs de Jérusalem lui
demandent s'il est Élie, toujours en vertu de la inéme préoccupation (Joli, i, 21).
MÉLANGES. 249
Père faisait entendre ces paroles Celui-ci est mon fib bien-aimé.
:
face s'en ira la mort, et le diable sortira deiant ses pieds. Après avoir
passé en revue les variantes de ce verset, Jérôme rappelle que les
Hébreux aiment <à donner le nom de re.^eph au prince des démons;
c'est le serpent tentateur de la Genèse, celui qui rampe sur le ventre.
Le sens du passage est celui-ci : Au sortir du Jourdain, Jésus est
accosté par le démon qui le tente dans le désert quarante jours duiant.
Les LXX présentent un texte tout ditférent, (pii ne supporte guère
qu'une exégèse allégorisante.
Jésus, à la synagogue de Nazareth, s'était appliqué solennellement
le début d'Isaie lxi qu'il venait de lire à l'assemblée esprit du Sei- : V
gneur est sur moi, parce qu'il m'a les pauvres,
oint pour évangéliser
et m'a envoijé prêcher aux captif la rémission, aux aveugles
>^ le re-
justice et haï l'iniijuilo, aussi ton Dion l'a oint de l'iiuilo (ro\ullali<»n do
[)i'ôl'ércnce à tes coui;;énères. » Hiou ne soullVant aucun coparticipant
(1) Les sept femmes du chap. iv d'Isaïe deviennent, non d'après le sens littéral, mais
suivant l'intelligence spirituelle, les sept grâces du Saint-Esprit qui prennent possession
, de Jésus sur lequel elles désiraient depuis longtemps se poser, ne trouvant personne (|ui
leur offrît une demeure éternelle.
MELANGES. 2:;i
leurs chefs... Ces chefs sont les Apôtres originaires de villages appar-
tenant aux deux tribus mentionnées et qui répondirent promptement
à l'appel du Maître. Plus tard ces populations, demeurant obstinément
attachées aux erreurs judaïques, justifièrent la suite de la prophétie :
La mer dont il est ici question est, au dire de Jérôme, le lac de Géné-
sareth que traverse le Jourdain et sur les bords duquel se trouvent
Capharnaiim, ïibériade, Bethsaida, Chorozain, séjour préféré du
Christ au début de sa mission et illuminé de son éblouissante
clarté.
Les Nazaréens offraient du même texte une explication de plus
grande envergure, se dégageant plus que saint Jérôme des limites de
l'histoire évangélique. La prédication nouvelle soulage les esprits du
2o2 lŒVUK BinL^tlK.
ne sera jjas entendue au dehors, car il n'a pas prêché aux païens,
demeurant en Galilée et en Judée. Si l'on objecte ([ue Jésus s'est
rendu sur les limites de Tyr et de Sidon et sur les contins de Césarée
de Philippe, il n'est pas écrit qu'il ait pénétré dans ces villes. // ne
brisera pas le roseau cassé, et n éteindra pas la mèche qui fume, pro-
pice à tout le monde, accordant le pardon aux pécheurs, conservant
ceux qui étaient destinés à la destruction. L'évangile présente ensuite
une lacune qui s'explique, remarque le commentateur, jjar un phé-
nomène d'omoioteleuton (1).
(1) Splendebil et non conteretur, donec ponat super Icrram Jiidiriiim, Mallh.rua
Evangelista non posuifsive inler hidicium cl judiclum média, scriploris errore suO-
lala siint.
MELANGES. 2b3
témoins ainsi que mon serviteur que j'ai choisi, afin que vous
sachiez, croijiez et compreniez qui je suis. Avan t moi aucim Dieu ne
fut formé et après moi il ny en aura point. Témoignage du Verbe et
témoignage du Père, divinité du Père et divinité du Serviteur, tout
cela y serait renfermé. Personne n'est Dieu en dehors du Père, car le
Christ est la vertu et la sagesse de Dieu il est dans le Père et le Père
:
u?i Sauveur qui les sauvera. La dualité des personnes n'est donc pas
niée, car Dieu sage et fort n'est jamais sans sa Sagesse et sa Force.
Ces paroles s'adressent à Israël et à Jacob, tout en se rapportant au
chœur apostolique et aux convertis du Judaïsme.
Des prodiges supérieurs à ceux de l'antiquité prouveront cette mis-
sion du salut, au point qu'on devra oublier le passage du Jourdain et
ton roi vient à toi, plein de mansuétude, monté sur une dnesse et sur
le fils de celle qui est sous le joug. Arrivé à ce passage, le commen-
tateur rappelle naturellement ce fait de la vie du Sauveur. La leçon
des Septante : ascendens super suhjugalem pullum no.vum lui per-
et
le bon chemin.
tristesse, n'a pas une portée prophétique aussi directe que le précé-
à moi qui suis devenu comme celui qui ramasse la paille éi la mots-
son! L'adaptation n'est pas des plus heureuses si l'on confronte ce
texte avec .loh. iv, 35 : u Voyez la campagne qui blanchit prête à la
moisson ». ou avec Matth. ix, 37 « La moisson est abondante ». Mais
:
(1) Sed Iota eorum èS-riyTiffi; allegorica fuit et historix vix pauca teiigerunt.
[2) Les plakltes et les pleurs de Jésus sont également évoqués à propos du cantique de
la vigne (Is. v). La vigne d'Isaïe \ comme la vigne de .lérémie ii, comme la vigne du
,
psaume l.\xix, a la même valeur allégorique ijue celle de Matth. v\i. Le proiihéte déplore
la réprobation du peuple juif et la ruine de Jérusalem.
MKLANGES. 235 \
ce cri dans ces paroles Mon dme est triste jusqu'à la mort. Il ne
:
Mon dme est triste jusqu'à la mort et Père, s'il est possible, que ce
:
calice s'éloigne de jjioi (Mat. xxvi, 38, 391. Jérôme n'insiste pas.
Cette dernière pensée jetée à la cantonade n'est guère qu'une con-
cession à l'exég-èse étroite qui prétend retracer tous les détails de la
vie,de la mort et de la résurrection de Jésus avec les faits et gestes
de Jonas. En réalité l'agonie de Notre-Seigneur et l'angoisse du pro-
phète qui provoque sa conversion n'ont rien de commun sinon qu'elles
sont deux ang-oisses.
A propos cité le témoignage de
de la fuite des Apôtres, Jésus avait
Zacharie xiii, 7, en attribuant à Dieu l'action du verbe qui. dans
l'hébreu, est à l'impératif Je frapperai le berger et les brebis du
:
troupeau seront dispersées. La voie était donc toute tracée pour notre
exégète qui s'étonne de ce que plusieurs ont osé atténuer cette pro-
phétie par des interprétations allégoriques; voulant en savoir plus
que les autres, ils n'ont pas lenu la règle de la vérité. Il est clair
que l'évangéliste xMatthieu (xxvi, 31, 56) a appliqué ce texte au Sei-
gneur et que ce texte n'a pas été tiré- d'autre part, quoiqu'il se trouve
une petite divergence dans la citation. « Tout ceci, ajoute d'ailleurs
l'évangile, a été fait pour que les écritures des prophètes fussent
accomplies. Alors tous les disciples l'ayant laissé s'enfuirent. » Mais
saint Jérôme ne s'en tient pas là. Le contexte l'entraîne dans des
perspectives plus vastes s'harmonisant avec son messianisme ecclé-
siologique. Quand le bon pasteur eut été frappé et qu'attaché à la
croix il eut remis son âme entre les mains de son Père, les brebis se
dispersèrent aussitôt, c'est-à-dire que toute la nmltitude des croyants
se répandit à travers le monde. Toute la fin du chapitre est développée
dans ce sens. Juifs et païens sont les deux parts destinées à la perdi-
tion; la troisième, celle qui est épargnée, est le peuple des chrétiens
qui s'est accru soudain et a été agréé après avoir subi l'épreuve du
2b6 UKVl K luni.iQrE.
Saint Jérôme ne s'est pas permis, comme des modernes l'ont l'ail,
du rapport évident qui relie ce texte avec Matth. xxvi, 1(5 et xxvii, 9,
où il est question du marché du disciple prévaricateur. Les Juifs
répondent aux bontés du Seigneur qui les a élus et délivrés, en ache-
tant son sang à Judas pour trente deniers. Les rabbins opposent à
cette interprétation une exégèse « pleine de malice » qui consiste à
regarder les trente pièces d'argent comme une allég'orie des trente
j^rescriptions de la Loi. Jérôme est pourtant tombé lui-même dans le
même défaut à propos de l'achat du champ d'Anathoth par Jérémie,
moyennant sept sicles et dix pièces d'argent (xxxn, 9). Le nombre
dix signifie le Décalog-ue qui fut écrit par le doigt de Dieu sur les
tables de pierre. Sept est aussi un nombre mystique et sacré, comme
il est facile de le prouver. Mais aucun rapprochement avec le champ
pères a glorifié son serviteur Jésus que vous avez livré et renié devant
Pilate qui voulait le renvoyer. » S'il manque d'extérieur, la cause
n'en est pas la laideur ou la souillure mais l'humilité et la pauvreté.
Lui qui était riche s'est fait pauvre pour nous, ce que confirme saint
Clément écrivant aux Corinthiens « Notre-Seigneur .Jésus-Christ,
:
qu'il a voulu, et n'a pas ouvert sa bouche, aussi bien que dans
il
.Iôi'<">mr iMi cUcrclic une iiitelliitiMKc i>lus prorondc [i]'! Il lui |)lciil d'y
voir une |H'0[)liétic relative à la destcnlc de Jésus aux enfers parnd
les pécheurs et les hoiniues initjues j)oui' déliM'er les eaplils de la
mort, lùiiin la prière du Christ pour ses bourreaux s'adapte fort i>ieu
à la tonclusiou de tout ce chapitre : // a prir //oiir /es prrraricateurs.
au Sauveur et non à la personne d'Isaïe, ainsi que le
(^cst aussi
veulent les Juifs, que s'applique le passage du chapitre l (jui dépeint
la patience du Messie sous les coups et les outrages J'ai livrr mon :
sions pas à cause de rame de cet homme, et ne mets pas sur nous le
sang innocent! (i, li) dicte à Fexégète cette réflexion « Ce cri des :
Ils auraient beau lever les mains, ils ne seraient point exaucés, parce
La lettre lau imprimée sur le iront de ceux qui gémissent sur les
abominations (Ezech. ix, 4) est susceptible de diverses interprétations.
Étant la lettre suprême de l'alphabet hébreu, elle peut signifier la
science parfaite. Comme elle est aussi l'initiale du mot Thorali, l'exé-
gèse juive tient ceux qui ont reçu ce signe pour les fidèles observa-
teurs de la Loi. Mais pour les chrétiens, elle est le symbole de la croix,
(1) Quod el altius intelUgi polesl, dicenle de semelipso Domino : Reputatus mnn
cum descend entibus in lacum... Vere eniiu reputatus est inter peccatores et iniquos,
ut descenderet ad infermim, qui in multis scripturarum locis, vocalur laciis, et
croix dont Constantin avait façonné un frein pour son cheval (1). Il est
(1) Voir à ce propos Jérusalem Nouvelle, I, p. 203. Saint Jérôme applique au Chiisl
soull'raut le cliap.i.xiii disaïe
: Qiiis est isle qui venit de Edom?
2C0 UKVLIE r.IlM.IQlîE.
futur, u Ceux qui vivront après nous, écrit Jérôme, s'ils ne voient pas
les événements s'accomplir aux temps mar(|ués, seront contraints de
chercher une autre solution et de condamner ce maître de Terreur. »
Clément d'Alexandrie s'en tient au laps de temps (jui sépare Cyrus de
Vespasicn sans s'astreindre au moindre comput d'années. Tertullicn
témoigne d'une plus grande diligence, mais Ôrigène se borne à con-
seiller aux curieux l'étude de ce problème, sans doute, ainsi que
l'insinue le commentateur, parce que ce passage donnait peu de prise
à lallégorie et Femprisonnait dans le cercle de la vérité historique.
Ce long exposé se termine par l'analyse du système rabbinique sous
forme de paraphrase. Peu soucieuse d'exactitude chronologique,
cette théorie fait une large part aux événements qui se sont déroulés
sous Titus et Hadrien et au rôle de Bai-Kokébas. Nous n'avons pas à
rentrer dans une question déjà traitée dans cette Uevue avec compé-
tence. Il nous suffit de noter l'attitude réservée de saint Jérôjnc en
face de cet oracle qui a provoqué tant de controverses.
Pour Isaïe lvit, 2, le grec présente un sens qui serait, si l'on veut
vous cherchez n'est plus là. Venez voir l'endroit où fut déposé le
Seis"neur ». Il serait cependant épineux de trop édifier sur un tel
fondement, car rien n'oblige de s'en rapporter aux Septante, quoique
le texte original offre un certain désordre qui nuit à sa clarté et soit
des trois nuits. Osée vi, 3 est plus commode à suivre h ce point de vue-
là : nous vivifiera après deux jours, il nous relèvera le troisième jour
//
d'entre les morts et soit vivifié! >^ Mais le grec a un tout autre sens,
sur lequel le commentateur s'étend plus longuement. Il est néanmoins
surprenant qu'il n'ait pas évoqué la résurrection à propos du ^' 5 :
Devant sa face s'en ira la mort. Le texte lui paraissait-il trop peu
assuré? Il se borne, en effet, à signaler les diverses traductions qu'il a
sous les yeux. Les uns rendent par « peste ou « parole » ce que >>
.sr tint sur lu niontiu/nr (jui fs/ à /'ar/f/i/ dr l<i rillc. ('.l'.KluolIcmeiif
orientale, eulin sur le nioiil des Oliviers, d'où le Sauveur monta vers
sou Père. Sigue de résurr(>ctioii et de lumière, elle devait voir de ce
sommet Jérusalem périr et lu-ùler. <( Levez-vous, sortons d'ici », avait
dit Jésus à ses disciples étant encore en ville; et ;iu\ Juifs : •' Votre
maison sera laissée déserte ».
et vos fils et vos filles prophétiseront, etc., est invoqué pour justifier le
({ue l'Église est aussi notre mère, donc Jérusalem est l'Église «.
apostoliques qui aiment les deux Jérusalem, et celle qui est tombée à
leur grande douleur, et celle qui doit ressusciter à leur grande joie.
Qu'ils se réjouissent donc avec cette dernière, édifiée avec des maté-
i-iaux vivants! Sion représente aussi l'Église fréquemment. Son éty-
mologie lui donne le sens de poste d'observation élevé. Ainsi l'Eglise
établie sur le sommet des dogmes sacrés. Elle est la montagne sainte
l.rs AptMi'os iir (l()iv(Mil pas rcsior à .li'nisaI<Mn, ayant l'ccu Tortlrc
irévangéliscr le nioiule, suivant Matlh. xwiii, lî). .léi'ùnic met ce l'ait
terre le salut de notre Dieu, par Jérémie xvi, lî) A toi viendront :
les nations des extrémités de la terre, et par le psaume xxi, 18. Saint
.lérùme interprète spirituellement tout le chap. v de Miellée qui
débute par la prédiction sur Bethléem-Kphrata. Les frères du Christ,
c'est-à-dire les Apôtres, embrasseront la foi des patriarches et des
prophètes qui annoncèrent la venue du Messie, réalisant ainsi la parole
du psaume xliv : « A la place de tes pères, des lils te sont nés. » Le
Seigneur sera leur pasteur et ils habiteront avec lui. L'Assyrien, à
savoir le diable, ne pourra les séparer de la charité du Christ en
dépit de mille vexations. Et les restes de Jacob au milieu de peuples
nombreux seront comme une rosée venant du Seigneur et comme des
gouttes sur l'herbe s'applique aux Apôtres et à l'Église naissante
venue du Judaïsme. Semblables au lionceau échappé au milieu d'un
troupeau, ils raviront les brebis non pour les dévorer, mais pour les
séparer des pratiques idolàtriques. Les Juifs expliquent tout ceci dans
le sens de leur messianisme. A l'arrivée de l'Oint, les débris de Jacob,
objet de la bénédiction divine, mettront leur confiance non plus dans
les hommes, mais en Dieu. Vivant parmi des gens sanguinaires et
pas. S'ils sont accomplis, que le Juif matériel montre par l'histoire
que l'Assyrien lui a été quelquefois soumis. S'ils sont à venir, comment
le Messie enlèvera-t-il d'Israël des idoles qu'il n'adore pas, brùlera-
t-il des bois sacrés qui n'existent pas, supprimera-t-il les augures
inconnus chez lui? Enfin, longtemps que la fille de Sion est
il y a si
assise sans autel, sans prêtres! D'autres dévorent ses ressources et, le
ventre creux, elle se promet des choses qu'elle ignore (1).
(1) Les quatre animaux de la vision du chap. i d'Ézéchiel sont pour le commentateur la
figure des quatre évani;élistes, quoiqu'il ait à ce sujet une idée moins arrêtée que dans son
prologue sur saint Matthieu et dans son commentaire sur l'Apocalypse. 11 s'étend en 'effet
MÉ LANGES. 263
Les gentils comme les Juifs sont appelés au salut, car l'Église est
un édifice comprenant ces deux groupes. C'est dans ce sens qu'il
avec complaisance sur les divers points vue allégoriques de ce passaj^c, les vertus de lame,
la série des saisons et des années, les quatre éléments essentiels du inonde, etc.
({) Osée II, 18 Et je ferai un pacte en ce jour avec la brie des champs et l'oiseau
:
du ciel est interprété tout à fait dans le même sens. S. .lérôine y rappelle d'ailleurs le
Toutefois cot av(nii;l«^ment du [nniplc juif i)rr(lii par Isaïe vi, et cité
mi'me lieu où H leur fut dit : Vous îi'rtes /h/s mon peuple, h) mr/ne on
lesappei/errifi/s du Dieu riran/. L'Apc^tre ayant exposé (Koni. i\, 25) W
sur la foi de
témoig-nag-e du prophète sur la vocation des gentils et
ceux qui parmi les .Inifs voulurent croire enlève à .lérAme toute diffi-
torien Josèphe; les conversions furent rares. Isaie ne dit-il pas (x, 22,
23) : Si ton peuple, Israël, était comme le sable de la mer, des restes
se convertiront? Mais le plus grand nombre périra. Paul a déjà fait
dans Rom. une application typique de ce passag-e, ce <[ni
i\, 27.
dispense le commentateur de tenter une explication ditie rente. L'inli-
délité de la masse attire la colère de Dieu. Le jour de tribulation
et
nations, dit le Seigneur des armées. Un nouveau culte sera donc subs-
titué à l'ancien, c'est ce que l'oracle pose nettement. < La règle des
Écritures, écrit <à ce propos saint Jérôme, est celle-ci : Où la pro-
phétie concernant les choses futures est très manifeste il ne faut pas
l'atténuer par les incertitudes de l'allégorie ». La parole divine
s'adresse ici à un sacerdoce qui offre des victimes tarées pour lui
christ, nous voyons chaque jour des gens qui paraissent appartenir
?tl'Église, mais qui la désolent parleurs actes. Sur Isaïe iv, il revient
au principe énoncé plus haut, à savoir que tout ce qui dans l'his-
toire est entendu contre Jérusalem se rapporte à l'Église, lorsqu'elle
offense Dieu et qu'elle est livrée à ses adversaires au temps de la
persécution, ou aux vices et aux péchés.
L'Antéchrist revient, mais encore au second x^lan, dans l'exégèse
d'IIabacuc ii, qui dépeint l'orgueilleux attirant à lui les nations.
5,
Le passage concernerait directement Nabuchodonosor, et en second
lieu, le diable ou l'Antéchrist qui poussera l'audace au point de s'as-
seoir dans le Temple et de se déclarer dieu. Néanmoins l'interprétation
reste tout à fait libre. L'on doit savoir que ce chap. ii d'Habacuc
peut, selon sens anagogique, s'entendre également
l'histoire et le
avec lui ponv suivre rorilfo liistoi'i([iio, [x'iiscnt que tout lo passage
est dit lie lAntéelirist (jui viondi'i à la lin des temps. Mais il y a une
objection, l^ourcpioi dans la pfophétic cette immense lacune entre
Séleucus et la cousonimatiou des siècles? Tout ce qui suit convienl
trop bien à la personne d'Antiocluis pour l'éliminer ainsi. Jér6me
prend donc une voie moyenne. Tout en conservant le personnage
historique, il le regardera comme le type de l'Antéchrist. Ce qui s'est
passé en partie sous lui, trouvera sa parfaite réalisation à la lin du
monde. C'est, en elFet, l'usage de l'Ecriture Sainte de tracer dans des
types la vérité des événements futurs. Ainsi ce qui est dit du Sauveur
au psaume lxm, qui est intitulé « pour Salomon », ne peut convenir
en entier à Salomon. Celui-ci n'a pas existé avant la lune; il n'a pas
dominé de la mer à la mer; toutes les nations ne l'ont pas servi, etc.
Une telle situation n'est applicable à Salomon qu'en partie seulement,
comme une ombre de vérité, mais elle s'est réalisée parfaitement
dans le Sauveur. De même que le Sauveur a Salomon et d'autres saints
pour types de son avènement, de môme l'Antéchrist a pour type
le pire des rois, Antiochus, qui persécuta les saints et viola le Temple.
Finalement, d'après Daniel xi, ïi Il fixera sa tente dans Apadno,
:
entre les mers, sur un mont illustre et saint ; il viendra sur le sommet
et persoïine ne le secourra. Les devanciers de notre docteur interpré-
jugement au Fils. Daniel vu, 13 Voici, avec les nuées du ciel venait
:
phètes. Tout ce qui regarde le Christ a été écrit; rien d'ambigu, rien
sans témoignage, tout a été gravé sur les tablettes prophétiques (1). »
Le défaut de cette exégèse est de ne pas assez faire la distinction
entre les choses particulières mêlées aux prophéties et celles du Messie,
de sorte que la même valeur est accordée à tous les passages. S'il
•
(1) Catéch. XII, 5; XIII, 8.
270 Ui: M !•: lîIlMJO^E-
IV
(1) « Le mariage est régulièrement monogame, le mari ne peut avoir qu'une seule
Jemme principale (hauplfrau). II que lorsqu'il écarte son épouse à causée d'une mala-
n'y a
die incurable, qu il est autorisé à prendre une seconde femme; mais il doit veiller à l'en-
MELAiNGES. 271
de bigamie ou de polygamie.
A présent nous sonmies en mesure de savoir comment dans la
réalité lesChaldéens se sont conformés au principe monogame. La
vie réelle des contemporains de la première dynastie babylonienne
nous est exposée dans les deux mille contrats découverts à Sippar,
bilbat, Babylone, Nippur, Warka, Larsa, Lagash, etc., traduits ou
étudiés par les Meissner, les Ranke, les
Pinches, les Scheil, les
Ungnad, les Gautier, les Tliureau-Dangin, les Schorr, les Langdon,
et les Cuq. Assurément ces actes juridiques ne se rapportent pas
tous au mariage. Le nombre des contrats de mariage ou de concubi-
nat proprement dits est même assez restreint. Par contre, les allu-
sions à l'épouse faites dans les actes juridiques relatifs aux diverses
affaires sont très fréquentes. 11 est donc exact d'affirmer que les docu-
ments juridiques permettent de constater la façon dont la mono-
gamie a été observée dans un grand nombre de cas.
Iretien de lapremière femme '§ 148)... Au contraire, l'homme est régulièrement autorisé à
ineiulre une concubine [svf/itiim), surtout dans le cas d'un mariage stérile, mais aussi
dans d autres cas. Cependant il ne doit pas le faire, si l'épouse lui a donné une concu-
bine. Kohler undUngnad, Humiinirabiscjeselz, Band 111, s. 121.
>)
« La constitution de la famille lej ose presque sur la monogamie. On peut dire que la
polygamie n'intervient que si la première épouse n'a pas eu d'enfants. Encore l'épouse des
justes noces a-l-elle plusieurs moyens de maintenir sa situation prépondérante. » P. La-
grange, La Méthode historli/ue, p. 161.
« Le caractère du mariage babylonien est essentiellement monogame, en tant que le
mari ne peut avoir qu'une seule épouse. Il peut avoir une concubine (sugetu) ou une
esclave 'amtu), en outre de l'épouse; mais il n'est pas permis au mari d'avoir une se-
conde siirjetu ou amtu, si la première a eu des enfants (g 144). Jamais cette femme secon-
daire n'obtient la place et les pleins droits de l'épouse (asmtii) (gg 144-147). » Grimme,
Vas Gesetz Hammurabis, p. l'i.
« La Monogamie est de règle. » Cuq, Jienie biblique, 1905, pp. 170, 171.
•272 HIÎVUE Him.lUUlî.
Oi". rcxameu des piôc(>s jm'i(li(|Uos, (jui nous livrent plusieurs scènes
de la vie réelle des auliiiucs Chaldcous, est loin (rattcstcr un désac-
cord entre la théorie et la praliciue au point de vue du niariai^e. Aussi
bien que le code de liauiniourabi, les documents de la première
dynastie babylonienne permettent de dire que, si le mari peut avoir
des concubines, il n'a qu'une épouse, hormis l'éventualilè de la mala
die de celle-ci.
A de l'unité d'épouse nous ne trouvons qu'une exception.
la règle
Le fait, qu'il s'agit d'un homme se mariant aux deux sœurs, rappelle
l'histoire de Jacob épousant Lia et Rachel. Et ce rapprochement peut
suggérer riiypothcse que le cas du Chaldéen a été anormal aussi bien
que celui du patriarche hébreu.
Sur le droit de concubinat il existe un document particulièrement
intéressant parce le code de llammourabi et
que, aussi bien que
l'histoire patriarcale, il envisage deux points de la prise d'une
les
mine les rapports entre les sœurs avant les situations du mari et de ses
épouses, l'ordre est renversé dans le second document. Enfin M. 89
envisage seul la situation des enfants des deux mères vis-à-vis de
MÉLANGES. 273
devant Siu magir, fils delNa... : devant Ziatum, fils de...; devant liuria. fils de Ibni...;
devant Sin-samuh, fils de Nur-Sin; devant Samas-balati : devant IS'ur-Samas, fils
de...; devant Ku (?)-lilura, fils de Zam...: devant Libit-sin, fils de Ibi...; devant
Aliu-tabum.
36-3.S Et si elles disent à Warad-Samas. leur mari {mutisina) : « tu n'es pas mon
mari ", on les prendra et on les jettera dans le fleuve.
C. T. H, kï.
a] « Zini izini, salamisa isaUrn >>. La première partie de ce texte est d'une traduction
diflicile. En s'appuyant sur le sens du verbe salamu. Kohier rt Ungnad ont traduit « si :
Taram-Sagila est attristée, Iltani sera attristée: si elle est satisfaite, elle sera satisfaite ».
Prenant pour point de départ un verbe z'an, « orner », Schorr a adopté le sens que nous
avons clioisi. Cette signification a au inoins les avantages d'éviter l'étrangeté et de ne pas
introduire un sens moral au milieu d'un contexte matériel.
«EVUE BIBLIQUE 1917. — N. S., T. Xl\. 18
274 IIHVUK lUIM.lOli;.
tO ka de farine.
iHî-:55 lils de Ua-Sa-abi; devant Dulukum, liis de Ziza-nawirat; devant
Kribani,
Sin-mai;ir. de F.tellum; devant Ibi-natum, lils de Nur-abi; devant Ka-rabi, flis
fils
de l'autre.
A l'argument de la parfaite égalité de Taram-Sagila et de lltani en
face de Warad-Samas, nous pouvons ajouter une preuve de haute
convenance tirée du fait que ces deux femmes étaient sœurs. Il
(1) C'est évidemment dans le fleuve qu'on devra les précipiter de cette tour, d'après le
document précédent.
MÉLANGES. 275
n'est relative qu'à des choses tout à fait secondaires. D'après M. 89,
Tarani-Sagila est menacée d'un châtiment, pour le cas où elle vien-
drait à renier sa sœur. Ce même contrat ne prescrit-il pas que les
enfants des deux mères doivent être considérés par celles-ci comme
les leurs? En vérité, de nous paraissent en contradic-
telles clauses
abusu. Hien n'indique que ces deux femmes ne soient sœurs que par
l'adoption. En admettant même que le titre de « fille de Sin-almsu »
ne soit appliqué parC. ii, V'i qu'à Iltani, pourquoi celle-ci sérait-elle
désignée comme fille de pères difierents pour le mariage avec le
même individu? Il serait en effet absurde d'admettre que l'adoption
d'iltani n'ait eu lieu cpi'après son mariage. Il faut donc de toute
nécessité rejeter la supposition d'une adoption et renoncer aux lu-
mières qu'elle apporterait à la dualité des noms paternels. Tour
résoudre cette difficulté, nous ne trouvons pas d'autre alternative que
l'admission d'un double nom pour le même personnage ou que la
confession de notre ignorance.
Si nous jetons maintenant les yeux sur l'histoire patriarcale, il est
bien que Jacob, ait voulu épouser seulement la sœur cadette, soit
Iltani. Il pouvait se faire que la souu* ainée Taram-Sagila no fût point
encore mariée et qu'à cause d'un défaut quelconque elle fut d'un
établissement diflicile, tout comme lia (Gen. xxix, lG-18). Évidem-
ment il ne serait pas sérieux de notre part de prétendre que le beau-
duite, il est permis de supposer qu'un mari parfois ait obligé l'épouse
moins aimée à s'acquitter de certaines obligations envers l'épouse
préférée. L'histoire de Jacob donne un appui à une autre hypothèse
que celle du droit d'ainesse pour expliquer les rapports respectifs de
Taram-Sagila et dlltani.
(1) On peut considérercomme une espèce de divorce, ([uant aux actes conjugaux,
le cas où première épouse est malade. Aussi nous ne considérons pas C. H. g 148, qui
la
permet de prendre une autre épouse dans cette hypothèse, comme autorisant la bigamie.
(2) Ainsi nous trouvons des esclaves femmes payées 51 et 57
sicles d'argent (KL. m, 430,
431, Amiiiiditana} alors i[u'un esclave mâle est acquis par 10 sicles d'argent (KU. m, 422,
Rim-Sin) et que d'autres esclaves femmes sont achetées pour le prix respectif de 10
(KU. III, 423, 425, Hammourabi), de 7i [428, Samsu-iluna) et rnéme 4: (KU. m. 423) sicles
d'argent. Évidemment nous ne faisons qu'une hypothèse. Coite majoralioa de prix peut en
27H HKVUE lilBI.UjUK.
nous li-ouvoiis peu île cas de concubinat dans les docunieuls <jui nous
sont parvenus. De cette [)énui'ic, cpii nesl duc ((u'à l'insullisance des
découvertes, il tant évitlcninient bien se ijai'dei' de conclure à la rareté
de la pratique du concubinat cbez les (llialdécus.
Parmi les trois ou quatre documents relatifs au «ii'oit de concubinat
que nous possédons, il en est un que nous devons étudier avec inr soin
particulier. Il envisage en eflet les deux [)oints de cette question sur
lesquels le code de llammourabi a statué (s;§ 14 V-IVT) et auxquels fait
également allusion l'iiistoire patriarcale (Gen. \vi; x\i;xx\, ;J-5,
9-10) la prise d'une concubine et sa rébellion contre l'épouse. Il
:
1-1 liiinini-abi et Heli-zunu ont aclicté {isamii) à Ibi-Sa'an, son père, Samas-nuri,
fille de Ibi-àa'an.
5-6 Pour Buniiii-abi. c'est une épouse {asat): pour lîeli-/unu, c'est une esclave
{(UiicU).
effet s'expliquer y)ar bien d'autres raisons que le concubinat, comme par des qualités ou
des aptitudes particulières.
.
MÉLANGES. 279
pourrait même
croire qu'il s'agit d'une épouse, si Ton ne remarquait
que ses enfants, à la différence du fils de l'épouse, Isaac, ne parti-
cipent pas à l'héritage paternel, mais ne reçoivent que des présents
{ib. 5-G), et qu'à l'encontre du fils de concubine reconnu Ismael, ils
§ 144
Si un homme a pris une épouse (assatam) et si cette épouse a donné une esclave
(amtam) à son mari et a fait exister des enfants,
(Si) cet liomme a placé sa face (s'est proposé) pour prendre une concubine (sugetam),
On ne le permettra pas à cet liomrae, il ne prendra pas de concubine.
§ 145
§ 146
Si un homme a pris une épouse, et si elle a donné une esclave à son mari et si
(1) Le V. G parlant iles concubines d'Ai)raham, on pourrait se demander s'il n'est pas fait
allusion à d'autres l'eiumes qu'Agaret Céthura. Oe lail, il est dit que les fils de ces person-
nes furent éloignés d'Isaac (et cependant Ismael aide Isaac à ensevelir Abraham). Toutefois
nons ne croyons pas que le patriarche eùl d'autres concubines qu'Agar et Sara. Il serait
en eifel étrange que la t'.ible soit inuelte sur ces concubines et sur leurs enfants alors
([u'elle s'étend sur Agar et Ismael, sur Céthura et ses fils. Aussi, à supposer que le pluriel
concubines ne soit pas fautif, nous coinpienons sous ce nom Agar et Céthura et par leurs
enfants les pelits-dls d'Agar, les fils d'Ismaal v. 12 et 16j, et les (ils de Céthura.
•2.S0 UEVLIE BinLIQL'l-:.
§ 147
portés à cette situation par les trois documents. Mais nous n'hésitons
pas à dire que c'est le contrat qui nous renseigne de la fa<;on la plus
précise sur la règle de conduite à tenir, soit pour prévenir ces contlits,
soitpour châtier les coupables. Le code civil des patriarches n'étant
point formulé mais simplement appliqué ou plutôt vécu, nous
n'avons point à nous étonner de son défaut de précision et de com-
préhension. Mais le fait qu'un simple contrat présente une réglemen-
tation plus nette et plus générale que le code de Hammourabi met
bien en relief la nature casuistique de celui-ci. Tout d'abord le con-
trat prend le moyen le plus efficace pour prévenir tout conflit entre
l'épouse et la concubine, en déterminant de la façon la plus claire la
situation de cette dernière vis-à-vis des deux conjoints poiw le :
(l)Le contrat eini)loie précisément le verbe galabu dont se servent le code de Ham-
mourabi ^ Vil, 22(; et 227 et de nombreux contrais et procès pour l'apposition de la
282 i\E\['i: i;iiiLini'i:.
issah (^Gen. xxv. 1). La Genèse nous donne d'abord à présumer que
les épouses de premier rang- n'avaient point perdu leurs droits sur
les esclaves qu'elles avaient données en concubines ù leurs maris.
marque d'esclave. Le sens fondamental de ce verbe est couper, faire une incision. Mais
on peut lui donner celui de tondre, raser, fût-ce avec un fer chaud, si l'on considère
que la marque d'esclave était faite au front ou aux tempes, mutlatuin.
Du fait que dans presque tous les contrats d'affranrhisseiiienl il est dit que l'on puri-
fiait le front du sujet, c'est-à-dire qu'on lui enlevait sa marque (abbîilum), on peut con-
clure que les esclaves étaient affectés d'un signe exprimant leur servitude.
L'existence de marques d'esclave indélébiles est un fait qui résulte de l'étude du code
de Hammourabi, ^ji 127, 146, 226, 227 et de plusieurs contrats et procès. Des contrats d'af-
franchissement parlant de la purification de front de l'esclave et l'un d'eux, C. T. vi, 29,
disant « ta inarque est rasée, abbutaka (julluba », on se demande s'il n'y avait pas aussi
des marques d'esclave destructibles.' Pour rejeter cette liv|)Othèse il faudrait soutenir que
dans ces documents il s'agit d'une purification purement morale et conventionnelle.
En tout cas ce doit être d'une marque indélébile, dont notre contrat menace la concubine.
MELANGES. 283
mari.
Uelativement à la qualité de la concubine vis-à-vis du mari, c'est
le silence ou le vague que l'on constate dans le code. Nulle part
ce document ne donne à entendre que le titre de concubine vaudra
à lesclave la dignité d'épouse, assatwn. Il est même presque sûr que
ce silence doit être interprété comme une dénégation. Le § 145 sem-
ble, en effet, refuser le nom d'épouse (assatuni; à la sugetum, puis-
qu'il établit que le mari ne devra pas l'égaler à l'épouse. Il apparaît
dès lors que les rapports entre le mari et sa concubine, surtout si
celle-ci est de condition libre, seront tout à fait mal définis. Rappe-
lons l'approbation que nous avions donnée à l'élévation de la con-
cubine, même esclave, à la dignité d'épouse aux yeux du mari auquel
elle a donné des enfants.
Si enfin nous examinons les sanctions édictées contre la rébellion
de la concubine, nous constaterons que le contrat conserve sa supé-
riorité pour la précision et la compréhension, mais qu'au point de
vue bumanitaire il possède une véritable infériorité.
Tout d'abord le contrat C. T. viii, 22'' nous donne une règle qui
peut s appliquer à toute espèce de concubine, de condition servile ou
libre. Ensuite sa sanction vise absolument tous les cas de rébellion
contre lépouse de premier rang. Quoiqu'elle soit énoncée sous une
forme concrète, l'expression « lu n es pas ma maîtresse » embrasse tous
les cas de révolte contre l'épouse, pour quelque motif que ce soit.
Le code de Hammourabi, 146, 147 ne réprime que l'insubordina-
5;ï;
lège d'avoir donné des enfants ait été le motif le [)lus nalurel et par
suite le plus fréquent de la révolte d'une concubine contre l'épouse
nous ne le contestons pas. C'est poui'quoi nous ne nous éton-
stérile,
nons pas de rencontrer ce seul cas dans Tliistoire patriarcale iGen. xvi).
Néanmoins il est parfaitement admissible qu'une concubine se soit
soulevée contre pour d'autres raisons, par jalousie, par
l'épouse
incompatibilité d'humeur... etc. C'est pourquoi, autant il nous parait
naturel de ne trouver ipie ce seul exemple dans les récils génésiaques,
autant il nous semble étonnant de ne constater la mention (jue de
ce seul cas dans un recueil juridicpie. Cette particularité est assu-
rément une des preuves les plus significatives du caractère casuis-
tique de l'œuvre de llammourabi et par suite de ses lacunes au point
de vue de la compréhension.
Toutefois le code de llammourabi possède sur le contrat C. T. viii,
22'' une véritable supériorité au point de vue de l'humanité. Le contrat
quelle que soit sa situation à cet égard, toutes ses révoltes seront
punies par l'apposition de la marque des esclaves et même par la
vente. Or il est certainement cruel d'écarter par une vente les enfants
de la concubine,soit de leur père, soit de leur mère. Cette cruauté, le
code de Hammourabi ne la commet pas. S'il autorise l'épouse à traiter
plus durement son esclave révoltée et à lui apposer une marque indé-
lébile, il ne l'autorise à Ja vendre qu'autant quelle n'a pas eu
d'enfants §5< 1^6, 147.
Et l'on sait qu'avec des modalités différentes les deux récits bibliques
de la rivalité de Sara et d'Agar sont en parfaite harmonie avec la loi
de Hammourabi.
Dans le document Jahviste (Gen. xvi), nous constatons d'abord que
Sara ne vend point, mais se contente d'humilier Agar, qui, sans être
déjà mère, était enceinte. C'est cette concubine qui prend Finitiative
de la fuite. En lui ordonnant de revenir vers sa maîtresse et de s'hu-
milier sous sa main, l'ange de lahvé lui commande une chose abso-
lument légale (C. H. § 146). De fait Agar suivit le conseil de l'ange et
fut reçue dans la maison d'Abraham.
Dans la narration élohiste ((ien. xxi, 9-13), Sara ne demande point
non plus la vente d'Agar et de son lils et par conséquent sa requête
n'est nullement opposée à la loi du C. H. 146. Bien au contraire,
s^
« Chasse cette esclave ('âmâh) et son fils, afin que le tils de cette
MÉLANGES. 285
servante n'hérite point avec mon fils Isaac ^) (v. 10. Mais demander
l'expulsion d'Ismael, en vue de son exclusion de l'héritage paternel,
qu'est-ce autre chose qu'une sollicitation de l'usaite, dans le sens
négatif, de la liberté laissée par la loi chaldéenne au père, relativement
k l'admission à son héritage des hls de sa concubine? En substance
le C. H. §§ 170, 171 déclare en effet que de la concubine
les fils
vait du déplaisir des discours de son épouse, c'est parce que cette
proposition contrariait son affection pour Ismael et non parce qu'elle
était illégale. Puis est-il admissible que Dieu ait ordonné à Abraham
concubine sauetuin; esl placée [)ar rapixtri au mari sur le même pietl
que l'épouse, et n'en est discernée «pie par le lail qu'un seul de ses
cin(j enfants estadmisà l'adoption et à riiéritaj^e. Mais, on le voit, toutes
I*. (InUVKILHIKU.
CHRONIOUE
puissante dans ces parages au ii' siècle, n'ont laissé aucun monument
à Castellorizo.
Seule une citerne ancienne, construite dans la partie ouest de
PaléoCastro (acropole), sur des plans semblables à celles de Carthage,
m'a paru pouvoir être attribuée à l'époque romaine.
il existe, en outre, dans Tile, un fragment d'inscription en langue
Utine, de l'époque des chevaliers. Elle est reproduite au cours de
cette liste.
M. Achille Diamantaras, professeur à Castellorizo, dont la docu-
mentation et la complaisance m'ont permis d'achever le présent
inventaire, avait en août 1916 dressé une
complète des inscrip-
liste
tions grecques modernes (xvn" et xviii^ siècle) existant dans l'ile :
{{] Nos lecteurs apprécieront le soin très diligent pris par .M. .Michelier, aujourd'hui lieu-
tenant de vaisseau, de grouper toutes les inscriptions, publiées ou non, de l'île de Castel-
lorizo, où il a séjourné pour son service d'oflîcier de marine. Une étude sur les monuments
anciens par le 1'. Savi^n.ic ne nous est point parvenue, et fournira l'ofcasion de revenir
sur les inscriptions (N. D. L. R.).
288 iu:m k IUI5I.10UI':.
1. — Soubassement
(lu Château rouge, sur le passage du cok' de la
inilKAHINIKArOPA
AMIOIEniITATHIAI
ENTEKAITABIKAIEni
TOYnYPrOYTOYENME
riiTAiEPMAinponY
AAiniXAPIITHPION
Sosic/rs, fils de Xicago/-as. d'Amos, épisUilc de Kaslabis cl du clià-
/eaii de Mégistê, fait hommage à Hermès, prolecteur des propylées.
Observations. — 2" ligne. Les lettres AT, souvent omises dans les
bles. —
AMIOI, dont on a souvent fait 2AMI0I, est correct; Amos
étaitune ville de l'ancienne Rhodes. —
3" ligne. Kastabis est une ville
EniKPATIAAI
ANAZIKPATEY2
EnilTATHIAI
KAiTO!
2Y2TPATEYIAMEN0I
LAIOIKOPOII
Épicratidas, fils d'Aiiaxicratès, épistale, et ses compagnons d'armes
aux Di os car es.
.... aciaCa}neia:k]
EITIGÙNOI
AEAlOIEniITA
THIA1
... acilon, fils cV Exakeslion , de Léhs, êpislate.
CHRONIQUE. 289
ArAOANAZ
ArAOANAKTOI
Af/athanax, fils d'Agathanax.
du I.
TOAEMNHMA
MHAEIIIAAI
KHCHMHAEArAAitH
ElACMHECOnAMAPTOAOi:
TOYAAIMONOC
KAI0EOIIX0ONIOII
T
TOYTOTOMNHMA
0E....A
EAMENA
AI...ET.CTEn
*
TOYAAIMONOC
KAI0EOII
6. — Sur le môme rocher que la précédente. Ce rocher, appelé
dans lepays Koutsomaston, ne peut être vu ([ue par mer. L'ins-
cription est très effacée par les agents atmosphériques, les embruns
qui sont violents en hiver et la formation de dépôts calcaires. Les
dernières lignes en sont mangées par la mer. Il est extrêmement
pénible de la relever. En 1895, MM. Ileberdey et Kalinka se firent
REVUE BIBLIQUE 1917. — N. S., T. xn. 19
construiir un rehat'aïKlaiic spécial poiii' |»()iiv(>ii' l'observer, ce (jui
maison les enfants n'ont pas prospéré, de façon à lui élever un monu-
ment après sa mort, pour cela donc, lui-même l'a élevé pour lui-même
en souvenir éternel, avec Fimage des dieux souterrains. Mais vous qui
passez clans les barques, salut... et vous, à étrançjers...
NKATEC
NTAK
Épitapbe.
OCKAIHEYA
OnAA
[ANECjTHCEN
Dédicace.
irYMNAIlA
CHRONIQUE. 29t
np
EZEAPANKAI
AnOKATEITHIENEKTn
APZAMENOYKAITE
// a fait à nouveau avec son propre argent la Iribunc II l'a rom-
meiicée et finie Im-mème.
11. Morceau de marbre pris dans le mur d'une maison près des
écoles Saint-Georges.
MnNOPEnTOCKAI
[OjPEnTACKAÎTAEIAYTnN
Épitaplie.
ArEIlOIlEPnNOI
EnilTATHIAI
KAITOIIYITPATEYIAMENOI
'^
.... OIA .... T I ..
^.HMQNOPEnTOYCKAI
EnTACKAITAEZAYTQN
14. — Encastrée dans l'autel du couvent de San Pantéleimon
(400 mètres E. de Paléocastro) où elle serait actuellement cachée
,
Tijj.ôo'Tpa'::^
Ejy.pâTsu;
A';:3XX(ov'.
KAITHOVrATP:
niErroNOiMON
HAENIEANAE
Épitaphe.
VENTIUM
I IVSSERUNT
PLACIDUSVICII
ANDREASAVARNA
ISVAGLIA.D.MARIUSCIR
LAXHANA ANA
'
FONTEMPUBLICOOLIM
DVINCENTIIIOENIID
ALIFIAVINCENTIILAXI
ONOFRIIZUCCARATI
retrouvée.
nOAEMA
LYIlMAXnTnEAYTHIAEinOIYNnHPni
noAYAnpoYEnoiHiENToyrTs]
-:c '^.Tr,'M AYTnKAITnYinAAEZ[ivBpo)]
Épitaphe.
CHRONIQUE. 293
[AIOjCKOPOCGYXHN
Inscription votive.
[KATM(t)Yr[nNl
294 HEVl'K RIHMOUK.
ArAAMATAAnOAAONr'"'^
nVAAinKAlAPTAMlTI
les propi/lves et rrlf/r des s fat lies à Apolloji pio lecteur des propijlées
et à Art émis sauveuse.
24. — Trouvée au mùmc endroit que les n*" -20 et 21. Tianspoitée ;V
EnA4)P0
AEITOIKA[l]
ANTIOXOI
TYXHTHAAE ACÎ)HI
MNHMHI
XAPIN
Épitaphe.
25. —
Colonne en marbre noir, portant au bas un encastrement.
Transportée à Athènes en 1914.
Les cinq premières lignes sont perdues. L'inscription reproduit
un décret réglementant le mode d'inhumation, datant de "200 à
G — zr^\}.':,') Aajj.cavîiv...
MOAHCMACOYOAYNnHNOC
ANeCTHCeA(t)cl)IANOCrYNA
IKOC:HAYTOIIlKAIAAeA(t)YIG0N
POYrHCCGOTGIMOYKAinOAe
Ma)NOCMNeiAi:eNeKGNnoAe
MCONOCACKAITATANOCTG
KNGON
N;j;j.çaiç Tp[a]
^(zi.-izi Tb[v]
c av £«•/;/,£
A'JTpa zt~y.[ç)'\,
'Az\z z\j'3\£k]
yizq o'rn[y,x]
KAniCONKGP
AONIMNHM
HCENEKEN
l".pita|)lie.
NYPIAA
XPYIin
THKYPIA
Kpit;i[)lie.
30. — Carreau
de pierre apporté de Sandjakli (Sidynié), localité
située dans une baie entre Levici et les Sept Caps. Conservé dans la
cour de la maison Hadji (icorglioura.
...HAEENTA4)H...
GOEIAEMHA...
EICATGOO0A...
ACKAIEYNXGO..
HCACTGOCIAY...
COAHMG0^A(|)
EAENIàCAABE
DTPITON
...ne permet rï enterrer ici, mais si quelqu'un le faisait, il devra
payer, ainsi que celui qui l'a autorisé, au peuple des Sidj/méens
JM)0 deniers, et le dénonciateur touchera le tiers.
[KA]IIAPA0EO:Y]
lEBA ITnNYLON]
AIIHIT
ATOYIY
NOAHMiOl]
32. — Pierre cylindrique provenant de Patara, perdue pour la
MAYi;nAI2]
XAiPin.ou:
CHHOMQUli;. 297
lEPATEYI^AI^A]
NYM,cl)nN
Zn IIM
Qy personnage t
m (lebout,
de lace. A
m TE
KNOMON
IMHMN
HMHCENE
KEN
Épitaphe.
MiClIELIER,
Enseigne de vaisseau.
Paquebot Yarra.
En mer, le 12 septembre 1916.
298 la: M K mm.ini'K.
PAU LE R. P. SAVUiNAC.
sont à peine gravés. Les lettres sont formées par des points placés à
leurs extrémités et que relient entre eux de petits traits fort légers.
(1) Celte conjecture n'est pas fondée, non plus que la suivante (N.D.L. R).
HECKNSIONS
1910, p. 149 et p. 622;. Il a également publié une élude sur les Èvanf/ilcs aramccns
:
Torrey trouve que la lansue de I Act. (chap. i-xv) est un grec de traduction
(translation Gree/i); partout il voit des traces d'arameen primitif: —et cela étonne
quand on songe que les hellénistes modernes les plus autorisés, comme Deissmann,
Moulton-Milligan, Tlobertson, diminuent tous les jours le nombre des tournures
vraiment et purement sémitiques en grec. La dernière partie des Actes au contraire
(chap. xvi-xxviii), d'après Torrey, n'a pas cette couleur sémitique. Cependant le
livre, pris dans son ensemble, présente une uniformité impeccable de vocabulaire
et de phraséologie: d'où il faut conclure a l'unité d'auteur pour les deux parties,
mais aussi à une plus grande dépendance des sources dans la première. Ce dernier
point parait assez certain, toute la question est de savoir dans quelle mesure Luc les
a ou traduites littéralement ou transformées.
'269-
(1) Dans Studies in the hislory of Religions presented loCraioford Howell Toij 191-2, pp-
317).
(-2' Elle est clairement exposée par E. .ivcoiii ii : Histoire des livres du Nouveau Testament,
vol. ni ;écl. 1908 p. "7 suiv.
,
RECEiNSIOiNS. 301
D'après M. ïorrey, l'auteur des Actes n'aurait fait que traduire. Après avoir relevé
une longue série d'expressions sémitiques, qui se rencontreraient dans la première
partie, il qu'il ne suffit pas ici de parler de fréquents sémitismes, « la vérité
conclut
est que langue de ces quinze premiers chapitres est d'un bout à l'autre Iramla-
la
iion Grceh, où l'ordre même des mots est conservé ». Dans les cliap. xvi-xxviii —
au contraire nulle trace de source araméenne; les quelques sémitismes qu'on y
relève, peuvent facilement être mis sur le compte de la koinc, ou provenir de
l'habitude qu'avait l'auteur de traduire des sources araméennes (pp. G-8).
Un seul argument serait vraiment décisif, et M. Torrey n'a pas manqué de l'abor-
der. Luc n'a pas toujours bien compris ses documents araraéens, mais fidèle à sa
source jusqu'à en être l'esclave, il a donné parfois des traductions qui n'ont pas de
sens en grec ou qui sont des contresens. Il faut lex. veirailaire en (n-améen, et puis
refaire la traduction grecque de cette source araméenne. On arrive ainsi à un double
résultat : 1 on reconstruit la source araméenne que Luc avait sous la main; 2'^ on
"
nnum, ensemble; c'est ainsi que Luc l'a compris. Mais en cela il s'est trompé, pré-
tend Torrey; et la cause de son erreur est bien simple. Luc écrivit en dehors de la
Palestine; or en Judée cette particule NinS signifie greatb/, valde, très ou fort. :
En grec, Luc aurait donc dû écrire (c'est Torrey qui le lui apprend) : crjo'ooa; et ainsi
nous aurions le sens suivant, le seul qui s'adapte au contexte : « And the Lord ad-
ded greatly day by day to the saved = et le Seigneur ajoutait tous les jours un
grani nombre aux sauvés ».
Or cette traduction laisse entrevoir le vice du raisonnement : le texte dit que le
Seigneur ajoutait non pas « aux sauvés », mais « les sauvés », ce qui suppose un
complément quelconque à -^oas-A^v.. Il faudrait donc que Luc ait fait encore une
autre erreur.
Le même système pour arriver au même résultat, aux textes difficiles
est appliqué,
Voici encore la solution du texte mystérieux du chap. viii, 10 oZ-6; Itj-tv oûva- : f;
at; Tou 6£ou ïj y.aXojaévr) [j.£yxXri. Quelle est cette oûvaiAi;; [AsyaXr,? Klostemiann, suivi
est mnsctilin; taiulis que la seule iradu.-ti.ui honni' et certaine doit rapporter n
(ijnnul) à n.-îSn {Uieu) et non à x'^in [/tninsanvf . Nous obtenons (lonc : «jtï, ou
C'est là la puissance du
Sjvaat; toj 0:oj toj zaXojaivoj jjEys/.oj
bien oÙto;) lz-\^ f, :
Sébaste; sinon Jahve, le Dinu d'Israël, appelé dans l'A. T. ô O.b; 6 a^Ya? (Dan. ii, :
45^? _
Pourtant je crains que M. Torrey ne substitue une idée assez banale à la
donnée intéressante de la grande vertu du Dieu unique.
Nous nous abstiendrons de citer d'autres exemples tous également intéressants et
ainsi toutes les
ingénieux. Et ce serait certes un grand avantage de faire disparaître
oitcrprctum de ce livre dil'licile (|u'e.st le volume des Actes des Apôtres!
cntces
traducteur que M. Tor-
Mais il faudrait avouer que Luc n'a pas été aussi fort habile
son échec partiel ne lasse ressortir davantage
rev le disait d'abord, à moins (jue
Or les cliap. x\ i-\xvin sout coiious comme la contiuuatiou des quinze premiers,
qui sont la traduction du document araméen déjà connu. Ce document sera parvenu
aux mains de saint Luc soit durant la captivité de Césarée, soit vers l'an (i'2 pendant
le séjour à Rome.
Ce document fut écrit après le concile de Jérusalem l'original araméen daterait
;
donc de -JO/ôO.
Quant à l'Évangile, écrit avant les Actes, et traduit lui aussi de sources araméen-
nes, Luc en aura conçu et exécuté le plan pendant son séjour eu Palestine, quand
son maître fut prisonnier à Césarée (-59-61); c'est alors que Luc se livra à la recher-
che et à l'étude de ces documents; donc l'Kvangile daterait d'avant 61.
F. J. M. VosTK, O. P.
lUÎLl.ETIN
Nouveau Testament. — Un sait que saint Irénée a écrit un petit livre pour la
Vas. il.E- V. 26) et que ce traité a été retrouvé en 1904 traduit en arménien.
Nous
une traduction en fran(;ais par le R. P. Bartlioulot, S. .F.,
en possédons maintenant
ancien missionnaire en Arn-.cnie \\ . Son œuvre était déjà sous presse quand il a
été rappelé à Dieu. M. Tixeront la présente au public dans une introduction. Quel-
ques notes qui précisent la théologie de saint Irénée sont aussi signées de lui. Les
textes scripturaires sont très nombreux, d'autant que le saint docteur esquisse une
apologie du christianisme d'après les prophéties. Voici ce qu'en dit .'NI.
Tixeront :
« Os
textes sont généralement empruntés à la version des Septante. Quelques-uns
dans la persuasion où il est que l'Église et Jésus-Christ sont partout figurés dans
l'Ancien Testament. Entre ces citations, on en remarquera une de Baruch (97).
Le
chapitre 9 contient une allusion au livre de la Sagesse ^1, 7). Une citation de
Jérémie (78), quitrouve aussi dans saint Justin {Dialog. lwii, 4), est apo-
se
cryphe; une autre du même prophète (43) l'est aussi; et enfin une troisième tirée
livre des prophètes » (77) ne se rencontre nulle p;irt dans leur
texte actuel »
du <'
(p. 366).
« dans les douze prophètes », est ainsi conçue
Cette dernière citation, censée :
'
Ancien Testament. — En janvier 1913 la llevuc biblique avait annoncé la réédi-
vient de terminer le même travail ponr le premier volume de VAncieii Testament à(^
On a pu voir dans la même Revue, en janvier lOlô (p. 10I-I9.5 . comment, de-
puis 1879 jusqu'à sa mort, M. 'Vigouroux, dans les douze éditions qu'il donna de son
Manuel biblique, n'avait cessé de perfectionner son
œuvre, mais comment aussi les
occiipalions absorbantes de son Dictionnaire de Bible ne lui avaient permis de la
faire dans les dernières éditions que des améliorations de détail. Il sentait que son
Manuel, trop surchargé sur des points secondaires, avait besoin d'être refondu sur
d'autres plus importants, pour lesquels les nombreux travaux de ces dernières années
avaient réalisé des progrès appréciables. La mort l'a empêché de mener à bonne fin
son projet : ,M. Brassae s'en est chargé. Tout en conservant la meiliode et la doc-
si bien que 31. Vigouroux se reconnaîtrait dans cette nouvelle édition, mais très
heureusement rajeuni, f^a question si importante de l'inspiration a été complètement
refondue mise au point, avec succès. Par ailleurs, le volume se trouve allégé de
et
p. 338, 340, etc., des arguments qui pour porter coup auraient
effet, ici et là, v.g.
besoin d'être un peu modifiés. Telle qu'elle se présente, cette édition est en progrès
considérable sur les précédentes; il faut espérer que l'auteur pourra prochainement
donner une semblable révision du tome II de VAncien Testament.
Le premier volume de ce Manuel vient de courir une aventure qui mérite d'être
contée. Un archiprêtre en retraite d'une région du sud-est, pour occuper ses nou-
veaux loisirs, s'est mis à parcourir le Manuel, et, les notions qu'il y découvrit ne
cadrant pas avec ses théories grandiloquentes et passablement nébuleuses, il crut de
son devoir de protester et de publier un factum de six pages, richement émaillé de
fautes d'impression. Le 21 décembre 191(5, il l'a adressé aux évêqùes. De quoi donc
ce bon archiprêtre s'était-il scandalisé? Des définitions et explications données
p. 14 et 45 du Manuel, sur l'inspiration et la révélation. Il les croit nouvelles
et subversives et les attribue à M. Brassae : aussi contre l'invasion de telles
noiiveiUitos il a jugé oppoitmi d«' joler le oii d'alarme pour sauver le ('apilolel
Or, il se tnuive (jue ees delluilious el cxpliealions ne soûl pas de M. Urassae ; elles
elles se voient non seulement dans sa l"_>"" édition ou sa 13""', (jui n'est qu'un tirage
de la |)réet'dente, mais dans toutes les éditions antérieures, y compris la |)remit"'re
prétation des textes. Puisqu'il est maintenant en retraite et a des loisirs, il fera
prétend ouvrir le vrai sens des Ecritures et n'ouvre rien du tout ce n'est qu'un :
Il est donc inutile de faire plus d'attention à ces factums et à ces ouvrages.
[E.- L.l
'S^oici un petit volume qui, par son extérieur, sou impression nette, d'une simplicité
élégante, se présente d'une façon très avenante. Le contenu est une étude crititjue
BULLETIN. 307
sur le texte du Psautier de saint Hilaire (1), qui sera uue utile contribution à l'histoire
des versions latines antérieures à la Vulgate. On sait que cette histoire des versions
ou recensions diverses, qui circulaient dans l'Eglise latine avant saint Jérôme, est loin
d'être faite d'une façon définitive. On range actuellement les textes en trois classes :
les africains, les européens et les italiens; les manuscrits découverts jusqu'ici et
les Pères latins ont été rangés dans l'une ou l'autre de ces classes. Il est assez
délicat de retrouver par l'étude des œuvres des Pères le texte dont ils se servaient :
ilsne citent pas toujours mot à mot, souvent de mémoire. De plus les éditeurs de
leurs œuvres ont parfois modifié leurs citations pour les rendre plus conformes au
texte de leur préférence.
Le champ d'observation de M. Jeannotte a été très heureusement choisi. Dans
son commentaire des Psaumes saint Hilaire commente les mots du te.xte qu'il em-
ploie, les rapproche du grec ou d'autres manuscrits latins cette façon de procéder :
garantit l'état de la version latiue qu'il avait entre les mains. Son texte est le texte
ordinaire de la Gaule au milieu du iv siècle. « Ce texte gaulois n'a pas le relief et
les traits accusés du texte africain. Mais il a cependant une physionomie assez
caractéristique pour constituer un groupe à part. Il se sépare très nettement des
textes africains anciens et contemporains, il se dislingue moins nettement des textes
italiens ».
M. Jeannotte estime qu'il « faut diviser les textes en africains et européens et
ceux-ci en gaulois et italiens. Le type gaulois est le plus rapproché des deux, ou
plus exactement moins éloigné du texte africain >>. Il ne parait pas être une ver-
le
sion indigène, o Du
moins, si c'est une version indigène, elle a été tellement mo-
difiée et harmonisée avec les autres textes qu'il nous est absolument impossible de la
reconnaître. D'ailleurs l'unité remarquable de tous nos anciens textes est un fait
qui domine toute cette question, et c'est précisément ce qui constitue l'énigme de
leurs rapports réciproques, et nous laisse hésitant entre les deux hypothèses, de
versions multiples d'un même texte, ou de plusieurs recensions de la même version,
qui rendent à peu près également bien compte des faits observés ». Il ne faut pas
oublier qu'on voyageait alors beaucoup, que les relations entre les églises de (laule,
d'Italie, d'Afrique, étaient fréquentes : elles devaient favoriser la combinaison,
l'adaptation particulière des textes.
M. Jeannotte s'est servi principalement de la meilleure édition actuelle du Psautier
de saint Hilaire : Zingerle, .S. Hilarii^ cpiscopi Pictaviensis, Tractatu:< super Psalinos,
Vienne, 1891. Cette édition n'a malheureusement pas utilisé le manuscrit de Lyon,
connu trop tard. M. Jeannotte l'a étudié pour établir son texte du Psautier de
saint Hilaire. Tout en reconnaissant les mérites de l'édition de Zingerle, il en indique
les imperfections et rend justice à l'édition que le bénédictin dom Constant donna à
Paris en 1093. Son édition des oeuvres complètes de saint Hilaire surtout la réim-
pression de Vérone, en 17.50) reste encore la meilleure et la plus utile.
Il ne faut pas que M. Jeannotte s'arrête eu si bon chemin : puissc-t-il, par des
études de même genre aussi bien choisies et conduites, contribuer à procurer dans
un avenir prochain la solution du problème de l'Itala ou des versions latines anté-
rieures à saint Jérôme ! [E. L.]
(1) Le Psautier de saint Hilaire d'- Poitiers, texle précède tl'une introduction par Henri Jean-
nette, professeur au Grand Séminaire de Montréal Canada . Paris, Gahalda, 1!»17.
;U)8 HKVIK IMHMOUK.
(Tutlil (luf P. Ilaupl. Il y .mciil en «'ll'cl ^r.md inlciôi ;i s"cnUMidr<' sur l;i inclliodc.
^"ûic•.i U' cas. l.a iiuiln/irtldn du scr}intl dans l.i (li-iH'sc (3. Il s.) l'iileiid le xcrlx-
chouf de deux m.inières dilVcreiites cVsl l.i Ir.idiiclion dt; la N'ulgale Conlerct : :
coput tuum, et tu insidiaberis cdicaneo dus. Celte dillV-rcMu-e de sons est imposée par
les deux régimes du verbe, la tète et le t ilon. l/liomme peut l)ris('r la tète du
serpent, mais le serpent ne saurait écraser le talon de riiommc. Kt si l'on répugne
absolument a .ulmeilrc ce jeu de mots, on pourrait s'aecommuder pour le verbe
du sens de « harceler, poursuivre », sans loulefois enlever au texte ce qui fait sa
pointe, l'opposition entre la lète et le talon, si caractéristique dans la lutte entre
l'homme et le serpent. C/e.sl eependanl à quoi se résout aujomd'hui Paul llaupt (1).
11 soutient, sans argument vraiment probable. (]ue l'hébreu chuuf dérive d'un
nom signifiant le « pied ». correspondant à lassyrien clicpou. (^e verbe dénominatil
aurait le sens de suivre à la piste, poursuivre, tendre des embilches, comme a
compris la >'ulgate la seconde fois, insidiaberis. Puis il examine quel peut être le
suppression de « entre tous les animaux des champs » n'est pas heureuse, car le
serpent ne peut guère être compris dans hab-behemâ, qui s'oppose ici aux bêtes des
champs dont est le serpent (Gen. 3, 1) comme le bétail domestique. La transpo-
sition de « tous les jours de ta vie » estpurement arbitraire et peu conforme au
rythme de la pensée : le serpent est personne et dans
maudit absolument dans sa
M. Harold M. Wiener est un légiste qui s'est fait une réputation comme défen-
seur résolu de l'authenticité du Pentateuque. Il traite aujourd'hui de la Date de
l'Exode (2;. Dans sa thèse, il y a une partie qui n'est pas neuve, mais qui conserve
sa solidité. L'Exode nous dit que les Israélites ont bâti pour le Pharaon les villes de
Pithom et de Ramsès (Ex. 1, 11). D'après les fouilles, surtout de MM. .Naville et
(1) Journal of biblical Literature, vol. XXXV, mars-juiu IftlO, p. I.Vi ss.
(•2) The daleof the Exodus, ExtraU de Bibliollu-ia sacra, juillet lOUi.
Ml I.[J:TIN. 30'J
Pétrie, les ruines de Pithom sont à Tell el-Maskutah, celles de llamsès à Tell Rotàb,
et, si elles remontent par leurs origines à une époque indéterminée, les deux cités
ont certainement été bâties sous Ramsès II.
Ce Pharaon est donc le monarque qui a persécuté les Israélites, et l'exode eut
lieu sous son successeur Ménephtah. Cet argument tient toujours, même depuis la
Elle consiste à identifier la déroute d'Israël avec son recul à Khormah, lorsqu'il
tenta, venant de Cadès, d'envahir la Palestine par le sud (Dt. 1, 43 ss.), à l'automne
de la troisième année après l'exode. Le roi Ménephtah aurait simplement voulu
dire que la Palestine n'avait plus rien à redouter des Israélites. Mais qui croira
que le Pharaon n'avait pas l'intention de se glorifier personnellement d'un suc-
cès? Il a pu travestir les faits jusqu'à changer une défaite en victoire-, il est tout
à fait invraisemblable qu'il compte le succès des Cananéens contre
ait pris à son
l'invasion d'Israël. Puis M. Wiener montre que rien n'oblige à placer l'exode avant
ou après le règne de Ménephtah, ce que nous admettons volontiers.
Nous avons en son temps JilL, 1914, p. (jlO ss.) signalé à nos lecteurs l'ouvrage
de M. Ed. .\aville : L'ancien Testament a-t-il été écrit en hébreu? La Revue laissait
pressentir l'opposition des sémitisants, qui n'a pas manqué de se produire. Mais
l'illustre égyptologue n'en a point été ému. Il annonce un nouvel ouvrage, où les
conclusions seront encore plus accentuées, contenant trois conférences ditt^s
serions désolé de changer quelque chose à ce ton, mais on est vraiment peiné de
voir pénétrer dans le domaine de la critique des opinions que l'auteur qualifie lui-
même de révolutionnaires et qui sont vraiment, lâchons le mot, des énorraités,
appuyées sur une logique trop capricieuse pour mériter encore le nom de logique.
On n'ose plus dire à M. Na ville qu'une discussion semblable est hérissée de pièges
pour ceux qui ne sont point au courant des antiquités sémitiques. Ne lui parlez pas
des experts, a Ce sont, dit-il, leurs métodes, et surtout leurs résultats que je repousse,
à l'aide d'autres méthodes que les leurs » (p. 192). Et c'est ce qui fait l'importance
du débat. M. Naville oppose aux savants bornés à l'horizon de leurs bibliothèques sa
connaissance de l'Orient et des documents archéologiques. Ce serait à merveille si
d'autres n'étaient pas mieux versés dans l'Orient sémitique, tel qu'on peut en juger
d'après les usages actuels et les découvertes récentes. Et comme il ne saurait être
question de produire des documents nouveaux dans le sens d'inédits, il faut toujours
en revenir à l'interprétation des textes et des monuments. Et si l'on ne veut pas
entrer dans les discussions philologiques, au moins faut-il que le système soit
cohérent.
On se rappelle que le système de M. N'avilie comprend deux thèses. Le Penta-
I Voir ViuKY, Soie sur le Pharaon Ménep/itah et les temps de l'Exode, H H., liioi), p. 585 ss.
li Archrologic de l'Ancien Testament, p. V.){ ss. dans la Revue de tliéologie et de philosophie,
sept.-oct. l!»lu.
"i) Les témoignages delà langue hébraïque, même endroit.
;;io iii:vi i: Kiiii.inri:.
la critique de l'école de Wellliausen. Mais en réalité cette critique n'est point direc-
tement en cause. l)'iuu> part M. Naville nous dit <|iu^ Moïse ne peut avoir écrit (|u"eu
babvi.inieu cunéiforme p. 'JO.'!), et d'autre part (jue récriture alpliabétiqiu^ est hien
antérieure à l'an 1000 (p. l'Oi)\ Alors poiu'(|uoi Moisc n.iurait-il pas écrit dans la
lanjiue de son peuple, et avec l'alpliabel? Ilepetons (pi'il n'est point ici (|ueslion de
tie l'évolution des lois, ou des idées, de thèmes oïi chacun |)eiii
critique littéraire,
soutenir son avis avec plus ou moins de vraisemblance. Les experts sont d'accord
sur ce fait manifeste qu'il a existé une lan;.;ue scniiti(|ue. (]u'on a jusqu'à préseat
nommée la langue de Canaan, parlée et écrite daus toute la rci;ion qui va d'Alep aux
frontières d'Kgyple de l'alphabet sont obscures, il est tout à l'ait
(1). Si les origines
certain que le même alphabet a servi dans toute cette réj^ion pour écrire luie même
langue, légèrement dillcrenciée selon les districts. \u nord-est on parlait une autre
langue, l'araméen, qne M. .\aville propose étrangement de regarder comme le par-
ier vulgaire des pays assyro-babylonicns, et qui était écrite 2) au moment oïi l'as-
est lelangage populaire de Jérusalem, devenant langue écrite aux environs de l'ère
chrétienne par la formation de l'hébreu carré, une modification de l'araméen ima-
ginée expressément pour ce but. Je m'appuie avant tout sur ce fait, dont j'attends
hébreu carré. On lui oppose les tessons trouvés à Samarie par M. lleissner. Ré- —
ponse: ils ont été écrits par des Phéniciens. « Et si nous nous souvenons que, d'après
Hérodote, les Phéniciens faisaient un grand commerce de vin dans des jarres de
terre cuite, cela revient à dire qu'on peut juger de ce que sont les livres sacrés
d'un peuple d'après les étiquettes des marchands de vin » (p. 210). — Réplicjue la :
plaisanterie est de mauvaise grâce, car les étiquettes indiquent des crus de villages
voisins,comme nous l'avons constaté sur place avec M. Reissner. Et si la littérature
des marchands de vin n'a rien de religieux, leurs factures parlent la même langue
que les prédicateurs. —
On oppose le calendrier de Gézer. M. Naville répond enccu-e
que ce calendrier ne nous enseigne rien sur la littérature sacrée des Hébreux. Même
réplique. —
On oppose l'inscription de Siloé. M. Naville répond qu'Ézéchias a sans
doute appelé des ouvriers phéniciens. Et puis « qu'est-ce que cette inscription peut
nous apprendre sur les livres de la loi ou des prophètes » ? — Réplique : M. Naville
change toujours la question il a promis de céder si on
: lui citait de l'hébreu quel-
conque écrit autrement qu'en caractères carrés. Et que lui répliquer lorsqu'il voit
(Ij -Nos lecteurs savent qu'aux inscriptions de Mésa, de Hadad, de Panammou, il faut ajouter
maintenant celles de Kalamou (RB., l<Jl-i, p. 2;« ss.).
(2) Stèle de Zakir (Pognon, Inscriptions sémitiques; cf. RB., 4908, p. r;!»r. ss.).
BULLETIN. 311
mann a pu citer encore les anses des jarres, y compris celles de Jéricho qui portent
lenom divin de laho et un nombre déjà considérable de sceaux incontestablement
israélites.
Il eut pu citer surtout les belles études du P. Dhorme sur l'ancienne langue de
Canaan (1), qui manifestent son unité en même temps que son évolution. Mais
n'est-ce pas ici VAcJiine'< de M. Naville? La langue de Canaan écrite en caractères
cunéiformes sur d'el-Amarna! Oui, mais les scribes éprouvent toute la
les tablettes
difficulté qu'il y a pour eux à écrire le cananéen avec des signes créés pour une
langue étrangère. L'invention de l'alphabet a probablement eu pour excitant le
désir de trouver une écriture appropriée à la langue, et, quoi qu'il en soit de ce
point, une fois l'alphabet inventé, il n'y avait plus lieu de conserver l'écriture cunéi-
forme, du moins pour les Cananéens, car les Assyriens ont dû continuer à s'en servir
pour leur langue, même à Gézer. parce que langue et écriture étaient liées. Et les
prophètes, parlant l'hébreu, dialecte du cananéen, ont écrit dans leur langue, comme
tout le monde faisait autour d'eux. Il est seulement très à déplorer qu'aucune de
leurs pages ne nous soit parvenue dans l'ancienne écriture.
Quant au phénomène des papyrus d'Assouàn, sur lequel M. Naville revient cons-
tamment, il s'explique par la rapide diffusion de l'araméen surtout dans le royaume
d'Israël. On a écrit en araméen. non pas parce que c'était la seule langue qui servît
à l'écriture, mais parce qu'on la parlait. Et c'est pourquoi aussi on se mit à expli-
quer les livres hébreux en araméen, au moment où M. Naville prétend qu'on les
langage que parlait \otre-Seigneur, d'où est venu le mot Golgotha » (p. 19->:. et que
le langage parlé alors à Jérusalem et aux environs était le véritable hébreu ou le
Bible.
Canaan qui formera un véritable volume. Limité par la conquête des Hébreux, vers
l'an 1200, le sujet remonte aux premières origines. Comme tout le monde, M. Wood
Tout l'ouvrage est condamné d'avance à un médiocre succès par l'absence com-
plète d'illustrations. Parler des cavernes, des cupules, des piliers, des sépultures
sans moindre graphique, c'est décrire une cathédrale sans que jamais
le le crayon
rende intelligible ce que décrit la plume.
(1) La langue de Canaan. RI).. J!H3, p. 369 ss.: 191V. n- 37 ss.. !>. 344 ss.
M-2 RKM K HllM.lnl K.
Vnssi M. \N ()(ul n';! pas fiiwiurchose l\ dire do l.i [jncniicrc t|)i)(iu('. Les liabilaiits
sont censés ctioilcnieiit iipparnih-s à l.i [xipul.ilion oiiiitpiH'iun' des Ci'llu-I.iliyciis. I.a
prouve on aurait oto roiunie par l'aiialoiîio oiilro les nums du sud de l'iMirope el les
noms les pins anoions do la l'alcstino. Sur co point ires -ravo nous sommes ron-
voyés à M. Paton dont l'ouvrage : Tlir luirh/ llishni/ <>/' Si/ri'i nml l'alcaline o.sl
Ivhadim dans la poninsnlo du Sinaï. Nos lecteurs n'ont pas besoin qu'on leur indique
les descriptions beaucnnp |)lus soii-néos du V. \inceni. d.ms sou ('(nm/ni (l'(i])frs
Les premiers Palestiniens habitaient les grottes naturelles iVt'quentes dans le pays.
C'est pourquoi ils auraient imai;ino que leurs dieux habitaient dans des grottes, et
cette conception, étrangère aux Sémites, leur a imposé comme survivance les
cavernes sacrées. Il serait peut-être plus simple de dire que ces hommes, habitant les
cavernes, ont fait aux dieux — quels (juils fussent — une habitation semblable à
la leur, ce que les hommes ont toujours fait, sauf à rendre la demeure des dieux
plus belle.
J.a période sémitique est, avons-nous dit, divisée en deux parties assez distinctes
pour que M. Wood ait tenté une esquisse complète de chacune d'elles. Nous n'avons
encore sous les yeux que la première, dite amorrhéenne.
Comment l'auteur s'est-il cru sullisamment informé sur ces temps reculés, dé-
pourvus de toute manifestation littéraire.' Il ne peut guère s'appuyer que sur les
Elle cesse avec l'époque cananéenne, sauf les survivances. D'où le critère de
M. Wood les concepts et les usages qu'on retrouve dans la religion cananéenne
:
ou anciennement chez les Hébreux et qui ont des analogies en Babylonie doivent
appartenir à l'ancien fonds amorrhéen. On voit combien est délicat l'emploi d'un
pareil critère.
Quand donc commence l'invasion sémitique amorrhéenne? M. Wood dit 2.500 :
à 1800 ans avant J.-C. Mais la première date est évidemment trop basse, à s'en
tenir aux données mêmes de l'auteur. Il attribue à une invasion sémitique en
cadre, mais que dire de Ya, dieu cananéen prétendu, que les Israélites auraient
identifié à Yahweh, à cause de la ressemblance des sons! Kt M. Wood trouve toute
naturelle cette fusion d'un dieu des vaincus avec Yahwé qui ne supportait pas
de rival. ^ ient ensuite le culte des morts. Nous revenons aux dieux avec les
emprunts Cuits au panthéon babylonien proprement dit, Nabou, Nergal, nammàn, etc.
Les opinions sur la vie après la mort relèvent de deux courants dilTérents. Les
Sémites, d'après leurs idées à eux, mettaient les morts en relation avec leurs tombes,
mais ils avaient emprunté aux Suraériens le concept d'une grande réunion des morts
dans une sorte de royaume souterrain.
Le travail de M. Wood est un méritoire recueil de fiches, classées d'après telle
o|>inion régnante, sans que cet assemblage forme un tout organique. Et cela pourra
passer pour une qualité, car les anciens Sémites avaient-ils des idées religieuses
faudrait être moins afiirmatif sur certaines théories qui ne concordent guère avec
certains faits. M. Wood représente les Sémites comme adorant proprement le numen
des sources, mais dans Ln-Rimmôn et 'Eu-Chemech il faut donc que Ramm'àn
le dieu de Torage et Chamach le soleil soient des génies des sources? On sent que
l'auteur est gêné ici par une théorie trop étroite sur le lien qui peut exister entre
une source un dieu qui peut très bien n'en être pas le génie. Toujours a propos
et
(les sources, l'auteur nous dit que d'après les Sémites primitifs, l'acte de se baigner
dans des eaux courantes non seulement préservait des maladies, mais guérissait
des maladies (p. 19). C'est encore le principe de l'hydrothérapie. D'ailleurs les
témoignages positifs, beaucoup plus récents il est vrai que les Amorrhéens — mais
ce sont les seuls renseignements de l'auteur, parlent de certains cours d'eau, —
d'eaux particulièrement sacrées, non de toutes les sources ou de tous les fleuves.
Et il est assez imprudent d'aller tantôt des textes postérieurs aux Amorrhéens, tantôt
des concepts prétendus primitifs aux textes bibliques pour les expliquer, comme
si, par exemple, les sources, grâce à la vertu sacrée due à leur génie, avaient
inspiré le choix d'Adonias et de Salomon. Tous deux se sont fait couronner près
d'une source, parce que c'était un lieu naturel de rassemblement et de fête
l Reg. 1,9. De même pour les arbres. La divinité y est tellement incarnée d'après
M. Wood, que certains noms d'arbres, et ah, alon, dérivent directement de el, le
nom général des Sémites pour la divinité. Il serait beaucoup plus naturel de dire
(lue elah et el dérivent d'une racine commune qui signifierait la force. Et quand
au contraire que l'ange de Dieu appela Agar du ciel (Gen. 21, 17\
Par ailleurs il faut féliciter M. Wood de n'avoir pas interprété d'une fa(^on trop
brutale et trop matérielle le culte des hauts lieux et des pierres sacrées. La desti-
nation des hauts lieux pour le culte vient du désir de se rapprocher de la divinité.
A la bonne heure; mais la divinité donc le ciel? De même pour les pierres
habitait
sacrées: la divinité est invitée à venir dans une pierre pour entrer en communication
31V itr.vui-: lUHi.ini K.
iivt'i' les hommes. Tirs bien, m.iis i-elii .s'iicoorde l-il avec Ir ()iiiici|ic {^t'iiciiil (|iic
les dieux oui été dicu\-r(''ti(.'lifs avant de devenir dieux dn ciel;' Qu'il y ail quelipu'
chose de représenlatil el d aiiilieicl d.ins les pierres sacrées, c'est ce que la Itrviir
a soutenu en son temps. Peut-être cependant faut-il faire une exception pour certains
rochers qui attiraient l'attention par leur forme siniïiilière, et l'auteur exagère dans
le sens de l'action humaine Iors(|u'il semble voir dans la colonne de sel de la
femme de Lot une pierre laillio |)our commémorer le souvenir d'une morte (p. :JÔ).
l/autpur n'aurait pas hasardé cette iiypolhèse s'il avait vu les blocs de sel du Dj.
Onsdoun), et s'il avait visité le Sinaï il n'aurait pas dit : « Au Sin.iï traditionnel .
alors qu'il parle en réalité de Sarabit el Khadim (p. 12). La théorie du sacrilice
forme im sini.'nlier mélange de la théorie de \N . Robertson Smith el de l'oiiiiiion
sachions d'après de brèves allusions dans l'Ancien Testament, coïncidait avec les
tient ferme sur ce point. Mais il reconnaît avoir nommé à tort la cassia comme la
plante interdite à l'homme. Ce végétal figure au contraire parmi les huit espèces dont
l'homme pouvait manger. Et il n'y aurait même aucune interdiction relative a la
manducation d'un fruit. Le dieu Enki .Éa) aurait planté un arbre fatal dont Tagtug
aurait mangé —
quoique cela ne soit pas dit expressément mais sans violer au- —
cune défense. Il aurait été victime de la jalousie du dieu. Et M. Langdon ne renonce
pas à cette étrange alliance de mots la chute de l'homme pour avoir mangé inno-
:
cemment le fruit d'un arbre enchanté, placé dans le Jardin par le jaloux dieu des
eaux. La déesse profère cependant cette malédiction : < H ne doit pas voir la face
de la vie jusqu'à ce qu'il meure », c'est-à-dire que Tagtug j)erd la longévité et la par-
faite santé de l'âge antédiluvien. — Attendons patiemment sous l'orme.
mais le résultat obtenu déjà était, pour l'histoire, la résurrection d'un peuple presque
inconnu jusqu'ici. Après les premières fouilles, quand les profanes pouvaient à peine-
géographie de cette partie de l'Asie et sur les relations des Ilétéens avec l'Egypte.
La Revue était bien placée pour avoir des informations
l'Assyrie, le Mittani etc. ».
sures,pmsque le distingué conservateur du Musée Ottoman de Constantinople Ma-
cridy Bey entretint des relations amicales avec l'École Biblique et honora même la
Revue de sa savante collaboration (3).
Au mois de décembre 1907 un numéro (le 35') des Comptes rendus de la Société
allemande d'Orient {M.D.O.G.) donua un aperçu rapide des découvertes et des pre-
miers résultats (iîB., 1908, p. 312). Depuis lors ce fut le mystère, et à propos de
Boghaz-keui, on ne parla que de Yénigme hétéenne. Aujourd'hui il parait que la so-
lution en est trouvée.
H. ^Vinckler, devenu malade, ne permit que rarement à d'autres l'examen de ces
mystérieuses inscriptions: jusqu'à sa mort, il voulut se réserver tous les droits de
publication.
La plupart des tablettes, environ 20.000, furent déposées au Musée Ottoman de
Constantinople; un plus petit nombre (praeclara .. rara?!) prit la route de Berlin. La
Tfieologisch TiJ<hchrift de Leiden nous a|)prit, au mois de janvier 191(), que l'on
avait conçu maintenant le dessein de les transporter toutes à Berlin; elles y trou- —
veront peut-être un abri plus sûr: en tout cas l'expérience de Louvain suffit.
Dans le même numéro de la Theol. Tijdschrift, F. M. Th. Bôbl, professeur à Gro-
ninghe. nous raconte qu'eu 1910 déjà il avait pu étudier et copier un bon nombre
des plus importantes inscriplious de Berlin; mais Winckler en interdit absolumeul
la publication.
[iu'w pins If D' llro/iiy a non sculciiH'nt copir les It'xlcs lu-téciis. m;iis il a lAclu'
(l'on [)i'iH'lier le secret, et il semble bien, nous dit Holil, qu'il y ait réussi.
Le des Comptes rendus de l.i Sucirte allem. d'Orient ^U. /<('.(;., Dec.
laseiciile .'>(!
Weber sur l'état actuel des travaux de Hoi;liaz-keui ensuite, après un mot d'in- ;
tr<Klnttion sur le décliill'rement des textes hétcens dil à la plinne d'A'i/. Mci/cr (1,,
l'étude intéressante du /k F/ii ilrich llrozin) intitulée . /.(( sohittdii du l'rn/ilrmc Ih'-
l'-cu. Meyer ne craint pas d'écrire de celte étude, qu'elle oflre le résultat le plus im-
portant de toutes les fouilles entreprises jusqu'à ce joiu- par la Société allemande
d'Orient.
Comme le remarque \V<h\ : > La conclusion à laqiu'lle \c \)' llrozny est arrivé, est
aussi étonnante (|ue simple-, i'hétt'cn appartient aux langues indogermaniqucs du
groupe occidental, dit du centre, et de toutes les langues indogermaniques de ce
groupe, riictéen est la langue qui se rapproche le plus du latin. »
La preuve In plus forte serait tirée des déclinaisons et conjugaisons. T-e D'' niilil
Tous ces exemples sont tirés de la note du D"" Bohl (/. cit., p. 69).
Le D'' Hrozny donne à la fin de son étude la traduction de deux textes. Le pre-
mier est un texte historique sur les relations entre Ilétéens et Egyptiens; le second
un paragraphe du Code légal des Hétéens. Apres le Code de Hammourabi, voilà
(1) Ed. Meter publia en 1914 un volume sur les Hétéens Ro'ch und KuHur der Cheliter
:
donc encore uu code légal de l'époque de Moïse! Qui ne voit l'importance de cette
découverte?
Voici la loi traduite par Hrozny : « Si quelqu'un cause du doma)age à la main
ou au pied d'un homme libre, il lui payera, si l'autre en reste boiteux (?) (1),
20 sicles d'argent; si tel n'est pas le cas, il lui payera 10 sicles d'argent ». — La
ressemblance avec Ex. x\i, 18 s. est manifeste.
Le D"" Bohl termine sa note par deux remarques 1" Les exemples allégués par :
Hrozny ne prouvent pas que l'hétéen soit une langue iudogermanique pure.
Bôhl croit plutôt, avec Meyer, que nous avons affaire ici à une langue mélangée
'Misclu^prache). — 2° Les hiéroglyphes hétéens ne sont pas encore déchilîrés. Jusqu'ici
le D'' Hroznj" n'a essayé que la lecture et la traduction des textes cunéiformes hé-
téens. Et en cela il a réussi (2).
Dans la note si instructive (jue nous venons d'analyser, le D'' Bôhl nous rapporte
donc qu'il avait copié en 1910 (|uelques-unes des plus importantes inscriptions de
Boghaz-keui; mais H. \yinckler ne lui permit pas de les publier. Aujourd'hui Bôhl
est plus libre, et il nous livre dans la même revue hollandaise r.i) le fruit de ses
études.
Nous n'avons pas la compétence pour juger ces études du point de vue philolo-
gique. Un jour, après la victoire ou plus tôt, notre maître, le R. Père Dhormt-. s'en
emparera, 'les replacera dans leur cadre historique, et en reconstituera la grammaire
avec cette lucidité toute française, dont il a donné de si belles preuves dans l'élude
des tablettes d'el-Amarna. Le D' Bôhl nous avertit déjà que Boghaz-keui et el-
Amarna se complètent d'une façon étonnante (4;.
Voici les titres des documents transcrits et traduits par le D' Bôhl ; ils sont au
nombre de quatre.
I-II : Contrat entre Subbiluliuma (4), roi des Hétéens, et Maltiuza, prince de Mit-
tanni (1300 a. Chr.).
in : Contrat entre Chatiusil, roi des Hétéens, petit-fils du précédent, et Bente-
sina, roi des Amorrhéens.
La langue de ces trois documents n'est pas l'hétéen, mais le babylonien, en ces
temps la langue diplomatique de l'Orient.
Sous le n° IV l'auteur nous donne un essai de traduction d'un texte hétéen. Comme
Bôhl le remarque encore une fois, on a immédiatement l'impression de se trouver
en face d'une langue mélangée. Ou y rencontre couramment les déterminatifs Uu, :
màtù, alu, amêlu, etc. que suivent, comme en assyrien, des noms de divinités, de
(I) écrit
BiililUreupel {'!':. :
(2jM. Cuniont a exprimé la même conviction dans une communication écrite, lue a r.\cadé-
mie des Inscriptions et lîelles-Lettres le -20 avril 1917. Nous ne saurions émettre un jugement
sur les laits proposés par le R. p. Voslé. N'est-il pas étrange qu'on soit oblige de tenir compte
de yî pour al)0ulir à des ressemblances, et que cag{a] pour c(jo se transforme (au datil en ammuij i
ans Dogltaz-K'ii; elles portent deux dates Berlin, juillet litlO; (.roninghc, mai l'Jlo.
:
(4 . Die lieiden Kunde von El-Amarna und von Bogliaz-koi erganzen sich in geradezu stau-
nenswerler Weise > (L cit., ji. 1GI\
,5; RB., 1908, p. 313.
;{is UKVIIK lUm.lOl'K.
Voifi. (l'nprès r.iuleur liii-nirme. les coiistatiitions les plus iinportiiiUcs au pniiil
df vue lie l'ctiul»* îles irli;;iiuis et do riiistoiie pinfaiic : villr du soleil; — dirii cl
flcessc soleil : ~ tlicii Tcsii/i : ville Cluitli: — Tiauiras -
Diauwas =
Diaiis/Aivç,
liu : t7« (iiiiiliiti ilii omrliiti sadr iidruli sii hiiil nii nom de villei. iîcihl tiMdiiil : di-
vinités milles et femelles des moMl;ii;nes, des Meuves ile...: e:;. ileiiie.nl iinr liste
Juifs à home. —
Tout est à peser, ligne à ligne, dans l'article de A), (uimout inti-
tulé : !(/* de sarcophage judéo-paien (1). 'l'ont d'abord il signale, dans les
rr<i(jiiient
dune statuette d'un jeune homme assis, tenant deux volumes. » leuvrc précieuse
dont -M. Pariheni a eu le mérite de reconnaître la valeur et la bonne fortune de
pouvoir faire l'acquisition. Cet éphèbe aux longs cheveux bouclés, au visage d'une
douceur presque féminine, est une image nouvelle du Christ enseignant et la plus
ancienne ligure en ronde bosse qu'on possède an divin Maître » (p. 1).
Mais l'étude, très serrée et très érudite comme toujours, de l'éminent savant belge,
porte sur un fragment de sarcophage connu depuis longtemps et étudié par Garucci.
De ce qui reste on conclut aisément que les deux bouts de la platjue étaient occupés
par les génies des quatre saisons, sujet très commun sur les .sarcophages. Au centre
du sarcophage, un médaillon porté par deux victoires ailées, et immédiatement au-
dessous, « une représentation dionysiaque dans une cuve de pierre, ornée de mas- :
ques de lions, trois jeunes gens, dont deux portent le bâton recourbé des patres— les
l'îouxoÀo'. de Bacchus — dansant en se soutenant Tua l'autre, afin d'y fouler les grap-
pes de raisin qui en débordent » (p. 2). Or, et c'est l'intérêt de ce morceau, l'inté-
rieur du médaillon, au lieu de contenir le buste du défunt, renferme le chandelier à
sept branches, tel que le représentaient les Juifs. Et M. Cumont se réfère à ses bel-
les études sur les « relations qui s'établirent à l'époque hellénistique entre le ju-
daïsme de la Diaspora et les mystères de Dionysos ou Sabazios et dont une confusion
voulue du \ove)ii Sabazium avec le lahvé Sabaolh témoiane à Kome même, des le
ii-^- siècle avant notre ère » (p. 4). Le sarcophage des Thermes aurait été celui dun
Juif ou d'un Judaisant. Et en elfet, la fusion des éléments païens et d'un symbole
juif est incontestable.Mais les éléments païens l'emportent tellement, la défense de
figurer des êtres humains par la sculpture était si rigoureusement respectée même
dans le judaïsme hellénisé, que nous demandons à ce que le doute soit résolu. Ce
n'est pas un juif ayant encore quelques croyances mosaïques qui a accepté ce sar-
cophage pour lui-même ou pour un autre: c'est plutôt un païen devenu quelque peu
prosélyte. D'ailleurs, la combinaison des éléments se comprendrait mieux si on n'ex-
pliquait pas la composition dans un sens aussi strictement eschatologique que le fait
M. Cumont. Il voit dans le chandelier le symbole de la lumière, ce qui est assez
qui sont souvent figurés dans les sarcophages bachiques, ne sont là que comme le
point de départ qu'il abandonne dans son ascension. Nous ne voudrions pas nier les
(1) Revue archéologique, juillet aoûl iniG, cinquième série, t. IV, p. 1 ss.
BULLETIN. 319
rapports du culte de Baechus avec limmortalité, mais il faut aussi tenir compte du
sens réaliste des artistes une fois lancés dans le rendu d'un thème comme les ven-
:
catacombe de Monteverde, et qui peut être des débuts de cette catacombe, c'est-à-
dire du premier siècle de notre ère. Plusieurs savants s'en sont occupés; nous repro
duisons la ponctuation de M. Cumont, qui nous paraît la meilleure :
Le résumé de M. Cumont est parlait « Une jeune femme, Regina, qui n'a vécu
:
que 21 ans, 3 mois et 22 ou 23 jours (2), s'est acquis par ses vertus, parmi lesquel-
les on relève lamour de sa race et l'observation de la Loi, le privilège « de
vivre de
vraie foi. C'est dans cet espoir aussi que le mari affligé cherche des consolations à sa
douleur » p. 9). Il paraîtrait, d'après M. Cumont qui s'en étonne, que M. Bornmann
a cherché dans cette épitaphe des traces d'une influence paulinienne. Idée étrange
en effet! Car saint Paul aurait vu dans le mari survivant le type du juif qui suit la
loi des œuvres, factorum. C'était bien un orthodoxe celui-là, et
probablement teinté
de pharisaisnie. Sa foi en la résurrection n'avait pas besoin de se soutenir par des
symboles dionysiaques, et, pour le dire en passant, nous attendons encore un texte
émanant d'un sectateur de Dionysos ou d'Attis.
aussi précis sur la résurrection
Le sarcophage du chandelier devient ainsi lui-même un symbole historique. C'est
dans la foi robuste du judaïsme en la résurrection que les initiés de Dionysos ont
cherché à viviûer leurs antiques représentations et leurs légendes que les artistes
continuaient à reproduire avec leur végétation luxuriante, sans se préoccuper d'ac-
corder tous les éléments du thème avec les espérances eschatologiques qui s'y étaient
cependant greffées, hàtons-nous de le dire, avant l'influence du judaïsme.
ri iioiircllr^. —
Suite de \. nniitunhlr un, ut. par M. I'. .1. Biildciispcri^cr dcscripliou :
moiientes de lo Pulexlinr. par MM. Ma.slermau et Macalisler suile des légendes sur :
— Noies archr<do;fi<jfirs sur Irs nnrujnitcs jnivrs. par .1. Ollord une nouvelle coupe :
Col. "Watsou. — NnrI àBclhIrem. par lord Kitchener. Ce grand houinie de guerre
l'eu
assista en 1S7.") à la messe de minuit chantée par les Pères Franciscains dans la grotte
de la Nativité et di'crit les cérémonies qui lui laissèrent un de ses meilleurs souvenirs
de Terre Sainte. — Suile de L'œnrre dr Lard Kilclirncr m
l'itlrstiiir, par Miss ICstelle
lîlyth. — liecension.
Nécrologie. —
Le professeur .lames llope iMoullon a succombé en avril dans un
naufrage à son retour des Indes où il s'était rendu pour un voyage de mission. Cette
perte sera vivement ressentie dans le domaine des études grecques. Auteur d'une
excellente grammaire du grec du Nouveau Testament. M. Moultou avait commencé,
avec M. Milligan, un vocabulaire du Nouveau Testament d'après les nouvelles sour-
ces, surtout les papyrus, et enrichi le Dictionnaire de la Bible de Tlastings d'articles
d'une haute valeur. Il était en Angleterre le maître le plus estimé pour la connais-
sance du grec hellénistique. C'était aussi un houuue d'LgIise très actif et très zélé.
Né en 1863. il était devenu en 1886 ministre wesleyen, défenseur convaincu de la
divinité de Jésus.
Ou annonce aussi la mort du Rev. Henry Barclay Swete. mort en mai dans sa
8:3« année. Parmi ses travaux, toujours très distingués, son édition des Septante l'a
Le Gijrant : J. Gab.^lda.
L'AUTEUR DE L'APOCALYPSE
il va sans din\
Notre premier»» tâche est (l'examiner des textes; ensuite nous pour-
rons, s'ils ne i»araissent pas drcisifs à tout le monde, recourir aux
l)esoiu, les plus anciens. Pour autant d'ailleurs qu'ils sont propre-
ment convergent tous. Davidso/i (1) déclarait
traditionnels », ils
r.'.-TEjjavTaç r.pzzoTi'ZMrjz. y.'A ;j.s-à -y.\)-y. -.r,v 7.aOs/a7.-r;v -/.a!,, 7'jvé/.:vt', -^àvai,
calypse.
Nous savons indirectement que, vers la même époque, Mélilun,
"^
1886.
IntroduvHon, I, p. 319, cit.- par CoitNEi.v. Introductio, III, p. 6!)8,
(1)
Ignace d'An-
Les traces qu'on a cru retrouver de l'Apocalypse dans les lettres de S.
(2)
Philad. nous paraissent à tout le moins douteuses.
tioche, Eph. 15 et 6,
L'AUTELR DE LAPOCALYPSE. 323
licet septr eccleseis scînbat tamen omnibus dicit... », puis, aux lignes
â::'.cTOAYi \x\x i-v] Liôv/iv à.-v*Ztyô\j.z^:i.' [éçxi oà xal Ixîpa] r.v iivî; itô'/ r,[i£T£po)v
ivaYtvaxj/.cTfjai
£•/ Èy.y./.vi-jîao i 0£>ov<7'.v. —
Cf. Haknack, Die Enùste/iuiig des ?\etien Tes-
laments, pp. 56 suivantes, 1914, sur l'égale considération dont auraient joui à l'origine
trois Apocalypses, celles de .Jean, de Pierre, et le Pasteur : le frai^ment de Murafori mar-
(|uerait le moment tIc l'exclusion du Pasteur, et de la mise en doule île l'aulorité de celle
lie Pierre, laquelle de fait reparaîtra encore plus tard nommée ;i côté de celle de Jean. —
Toutefois cette assimilation ne pouvait être générale; et l'intention d Hermas de remettre
>on livre aux presbytres, et son désir d'être lu dans les églises (Vis. ii, 4), n'indiffue pas
3-24 UKVIK UIMI.IOUI-:.
àvo|A-f; aiTO) ïti. xa'. ; l'.y.xizz si/. a'.ioOr^Tt.) ëti = Apoc. xxii, 11,
appelée <> Kcriture, vp^r'^< " (Eus. 7/. E. V, i, 10 et 58). — Enfin Â/tol-
lonius d'Éphèse combattit Montan et ses prophétcsses vers l'an 200,
[ibidem).
Ed résumant ces j)remiers témoignages, nous constatons que l'Apo-
calypse était connue dans la généralité des églises au ii" siècle, et
22, 5), —
Clément d' Alexandrie en parle (dans le Tîç h aojî^ôjj.svoç -rz'/.cù-
(7tcç, V2; dans le IlaioâvwYcç, ii, 10, 12; dans les ^Tpwy.a-a,* iv, 25 ; v, (>;
VI, 13), comme d'un écrit apostolique; et on sait qu'il avait recueilli
de belles traditions sur le séjour de l'Apôtre Jean à Ephèse. — Quant
à Tertidlien, il défend l'authenticité de l'Apocalypse Adv. Marcionem,
une conscience de son aulorilc comparable à celle de Jean, Apoc. xxii, 6-8 et 18-19 cf.
'
qu'on la voit paraître dans les vieilles versions latines, les difficultés
apparaissent au jour de l'histoire avec le prêtre romain Caius, puis le
•
grand évèque S. Denys d'Alexandrie.
Gains, précurseur de Volter, attribue tout simplement la prophétie
à Cérinthe, ce gnostique contre qui, suivant d'anciens auteurs, l'apùtre
saint Jean aurait lutté à Éphèse, et dirigé l'enseignement de son
Évangile. Le texte de Gains, conservé par Eusèbe [H. E. II, xxviii, 2),
vaut k, peine d'être cité et traduit.
'AXXà xa'c K-^piv6o? h c'.' àTuoy.aX-j'iswv wç ûxb à-oaTÔÀo u [j.îYaXou
YîYpa;xy, £v(.)v TSpa-oXoYiaç •/);j,îv Cùq o\ àYT-"'^^''^ aÙTto 8 eg £',y;j, svotç
t:j XpiTTcu -/.y), r.xkv) £T:tOuix''a^ y.at i^joovaîç iv 'IspC!Ua-aXr][^. Tr,v jâpxa r^oXi-
-fjziJ.vrçi o:uX£'J£iv. Kai kyJ)po^ ûrap^^tov ~y.Xq ypocpaXc icD 6cOli, àpt6[;.bv
(t) Ce dernier texte est à signaler parliculièrement. Origène explique comment les fils de
/.xxto'vAOint XVI ^\iùVi'irci jxapfjpo-jvTa... e!; Hâxixov Trywr\r;o't. A'.îâTXît Sa xà uspl tou (lapfjpc'o'j
ia-jToO Mcoâvvriç, u./) Asytov xiç ayxôv xaTeôix-aTs, odc/wv âv xri 'A7:oxaXû<J/£t TaOxa' « 'Eyio
"Ifoâ-r/r,;, xt).. voirApoc. I, 1) i .Uigne, /^. £. Xllf, c. 1380). — Si l'opuscule publié par Harnack
et Diobouniolis en 1!)11 est vraiment un commentaire d'Origène sur l'Apocalypse^ comme
nous l'admetlons, on voit assez quelle foi avait le grand Alexandrin dans cet écrit
3-26 RKVl !•: miM.IOl'K.
que, après la rr.siirrootidii. l.i royauté <.lu (Mirist sera terrestre^ ; (|ue
la chair, de nouveau, organisée ou étal à .lérusalom cl". Aj>oc. x\ et
suiv."!, sora sous la servitude des passions et des plaisirs; ot, conime
il (>st ennemi des Écritures de l»iou, il dit, voulant éiiarer, (ju'il y
aura mille ans de l'êtes nui)tiales. »
lations) qui «uil été écrites par un grand apôtre », puisque l'article
T.po r^iJ-cov iOÉTïjJxv /.ai àvîo-y.îyajxv zâvrr; -ô li<A}J.o^ (l. e. -r,)/ à-s7.àX'j'!»tv l...
Iioâvvoj \'xp cjy. c?v3ct Xlvsujiv, à/.X ;jo y-zvS/.-j'iiVJ sivai ty;v a^ôopy.
'Ax\ "T.xyii x,£/.aAj;j.;j.£vr// t(0 -f,; à^rfoix: -y.zx-t-7.G]j.x-i. v.-A cjy 'czo)ç
T(ov xr. Z7-b'/.iiVf Tivâ, àz/A oùo" 'c/><o; :'T)v 3:Y''<'>v 'i;
' or/ ùizo -z-qç
jjLisai 6sXr,7avT3c tcT) ÉacuTCj '::Aâs''i/a-:i c;vo;j,a Eyo) ;è àôsT-^ucci ij.èv oùx
iv T2X;j.-(^7a'.;i.'. t2 ^i6ai:v. « Quelques-uns de ceux gui nous ont précédés
ont entièrement rejeté et récusé ce livre il' Apocalypse)... Ils disent
en pas de Jean, que ce ri est même pas une Apocalypse
effel qu'il n'est
(c'est-à-dire une révélation), enveloppé qu'il est tout à fait du voile -.
nombre (1).
Qu'était-ce que ce didascale, et comment avait-il été amené à un
jugement si contraire à la tradition, si inintelligent même dans son
(1) Toute cette ([uestion a été l'claircie par la découverte de fragments syriaques des
K£:f(x),aia y.aTà Taiov de saint Hippolyte, dans le coinmentaire sur l'Apocalypse de Denys
bar-Salibi (ms. syriaque 7185 du British Muséum). On y trouve les objections que Caïus
élevait contre l'Apocalypse. Par le même commenlaire, on sait que Caïus rejetait aussi le
IV" Évangile (G\vv.\, Hippolytus and his lieads ayuinsl Caius dans Hermatliena, Dublin,
1888. — Le comm. de Denys bar-Salibi a été édité Corpus Script, christ, orient., Paris.
Leipzig, 1910. t. CI). —
Ebedjesu (f 1318) le confirme (Assemam, Bibl. orient.. Script
neslorlani, t. IIJ, pars I, p. 15, 1725). C'est probablement aussi contre Caïus et consorts
qu'Hippolyte aurait écrit le TTièp to'j xaTà 'lojâwr,/ E'jayyî/to-^ -/.al à^îo/.aXO'lisw; mentionné
sur le siège de sa statue du Latran.
L'AUTEUR ni-: l.APOCA[.YrSE. 327
pense (pielles sont tro[> élevées pour que je puisse les saisir. De plus,
je ne que je n\ai pas embrassé du rci^ard, mais je l'ad-
rejette pas ce
mire d'autant plus que je ne le vois pas. » Cette admiration était pour
le moins nn peu froide, et nous nous expli(]nons bien que Tillustre doc-
qui garde les paroles de la propluHie de ce livre, ainsi que moi Jean
qui vois et entends ces choses (Apoc. xxii, 7-8, avec une mauvaise
coupure) que Jean;
soit donc son nom, et que cet écrit soit de Jean, je
n'v contredis pas, et j'accorde qu'il est d'un homme saint et inspiré de
Dieu [àyiz'j [j.ï^ \'y.p thx'. t'.vc; -/.a-, bzcr.^nùa-z'j (jjvaivw). Cependant /e ne
serais pas facilement de l'avis (juc celui-ci est U Apôtre, le fils -de
Zébédée, le frère de .lacques, qui est l'auteur de FEvangile intitulé
Évangile de Jean et de l'Épître catholique. Je conjecture en effet
[-iy.^7.iç)0\}.œ). daprès le caractère de l'un et de l'autre, l'aspect des
faut le croire sur parole (aÙToi /«évcvTf, 7;'.a-:ejTsov) mn.\^quel est ce Jean? ;
• très, qui est surnommé Marc... Est-ce lui qui a composé l'Apocalypse?
Il n'y parait pas, car il n'est pas écrit qu'il eût passé avec eux (Paul et
/oc, cit. trad. Grapin). C'est uniquement sur cet on-dit explicable —
de tant de manières —
que Denys s'appuie pour admettre la dualité
des Jean. ne pensait d'ailleurs pas à « Jean le Presbytre » qu'il était
Il
v:j ; et, peu après, il admet qu'on puisse aussi bien la ranger
jmrmi les apocryphes, viOa. avec les Actes de Paul, l'Apocalypse de
l*ierre, etc. : st', -'£, wç 2?r(V, r, 'hoawcj 'A-oxaAj'itç, ti saveC-r^, '^'v Ttve;,
fl' C'est ce quoii peut détliiire du fait quelle est mise sur le rang des Actes de Paul et
de l'Apocalypse de Pierre, — sans parler du l'aslcur, de la Diduck'e, et de lÉvang. selon
les Hébreux.
.^.{0 IJKVUK IMUI.IOI'E.
m
»
.. .
(ira])in .
(1) A peine la trouverait-on une fois menlionnt-e dans les écrits de S. Éphreiii en
langue originale.
L'ALIKIR DE I/AI'OCALVI'SE. 331
les Orientaux lés plus réfractaires ont fini par embrasser la convic-
(1) Pour nous, la queslion .lolianniiiue, en re qui concerne l'Évanjiile el les Épilres, est
aujourdluii vidée; et voici les résultats qui nous semblent s'imposer à la bonne critique,
à celle qui tient compte de tous les faits liistoriques et documentaires:
1° L'Kvangile a bien été composé (et intégralement,
y compris le chapitre xxi, en réser-
vant seulement la question de l'origine littéraire de vin, 1-11 et d'une ou deux gloses
par Jean, de Zébédée, en Asie, vers les dernières années du i"' siècle, ou les premières
fils
du jr. Les Épitres ont vu le jour dans la même région et la même période, el sont sorties
delà main du même auteur. Car ce n'est pas en s'appuyant sur un témoignage très douteux
de Papias, auquel ni Pliiiippe de Side,ni Georgios Ilamarlolos n'ont donné d'ailleurs la
portée que lui assigne aujourd'hui la critique radicale, qu'on arrivera jamais à rendre
vraisemblable, contre le témoignage de toute la tradition, ([uo l'Apôlre Jean ait été mis à
:yyt Hr.VlK lUIiLI^UK.
l.A IHISK l»l. l U.MTI-: DAUlKin DIS ICUITS JoilANNiyi KS DEVAM I.A
mort par les Juifs, cl en Palestine, à une époque antt'rieure. Ici, même l'argument «
sHenlio a beaucoup de poids.
L'Apôtre .lean voulait bien écrire un ouxrage hisloru/ui; et rapporter lidèlemenl des
•.>"
aciious et dos discours de Jésus. Son exactitude en une foule de détails concrets, qui ne
sont susceptibles d'aucune interprétation symbolique, son amour de la précision dans les
récits, la vie et le mouvement, la psycliologie très profonde et très réelle de
quelques-uns
d entre eux, ainsi que son sont i de la chronologie, si hUpérieur à celui des Synopli(|ues,
en font suflisamment foi.
3" Dautre part, il a voulu que de tout rééit sortit un enseignement spirituel. Aussi
presque chaque événement concret, considéré dans son ensemble, a-t-il été choisi parmi les
sou\enirs réels de la vie de Jésus en raison de la valeur symbolique que l'intelligence
contenqilative pouvait y découvrir. C'est rEOayysAiov Tiv£-..[iaTtzôv. L'histoire est là, tou-
jours et partout, mais pour la doctrine plus que pour elle-m^me.
4" On comprend par le fait même la manière dont il a traité les y)aroles du Seigneur. Il a
délibérément choisi celles qui fournissaient le meilleur objet à ses hautes méditations spi-
rituelles et presque abstraites; il a reproduit les discours qui les suivaient,
dans son pro-
pre style rythmique et transcendant, en sorte qu'on ne peut facilement distinguer, en
cer-
commentaire inspiré de l'Évangéliste. Car les mots, les tournures, sont exactement les
mêmes dans les réflexions de l'écrivain, et dans les sentences du Christ, ou môme du
~"
Baptiste.
Le sage exégète conservateur qu'était le P. Corluij disait déjà à ce sujet :
<( Quaeri... potest tdritm evangelisla retuleril s'ermones Jesu iisdcm omnino verbls
quibiis ex ore Marjistri prodierint, an vero eoruin generalem tantum sensuiii sive com-
pendium tradiderit. Respondendum videtur, in hac re dùtinyuendum esse inter cas
propositiones quae quasi capita doctrinae apparent, et eas quae marjis ad horum
capitum ecolutionem pertinent, nias ad verbum referri admillendtnn putamus ;
prima adeo concordat, ut vel discipulus modnm loquendi magistri sut sibi omiiino
proprium feceril, vel Magistri sermones suo proprio modo expresseril. Hoc alterum
et in se est probabilius, et con/irmatur
ex dicencà similitudine inter evangelistam et
Joannem IkipUstam, eis in îocis ubi Praecursor loquens inducitur » (Comment, in Ev.
S. Joannis, 1889, pp. l!)-20).
M. Lepin s'exprime avec la même netteté :
Les particularités littéraires des narrations du quatrième Évangile, qui pourraient repro-
duire plus directement la manière propre du rédacteur, « on les rencontre aussi bien
dans les discours qui sont placés dans la bouche du Christ, et dans ceux qui sont
attribués à Jean-Baptiste. Certaines peuvent, dans une certaine mesure, se mettre
au compte du génie de la langue sémitique, et l'on conçoit quelles se ijrésentent sem-
et dans ceux de
blatiles dans les discours du Christ, dans ceux de son précurseur,
l Évangéliste. Mais les autres sont tellement spéciales, elles indiquent une tournure
desprit, un mode de penser et de s'exprimer, si personnels, qu'elles ne peuvent vrai-
ment procrder-que d'une source unique. Il faut donc penser que les discours de
chose de
Jésus et du précurseur, relatés dans le quatrième Évangile, ont quelque
l'Évangéliste dans leur forme littéraire, qu'ils portent son cachet individuel dans la
LAUTEUIl l)K [.APOCALYPSE. 33o
XJTOV -y.q csOa/.iJ.b; /.j). ivtivîç ajTOV è r î7. £vT-/;<ja v , ce qui est une
allusion évidente au même fait du crucifiement et du coup de lance,
d'après le même passage de l'A. T. Or, ce n'est pas ïv.y.vniM qui traduit
le verbe hébreu dans les LXX, où on lit : /.al ï-é\i'bz:/-y.\ r.po: [j.ï àvO'
friènie Kvangélistc combine les diverses sentences attribuées à Jésus, la façon dont il
les relie entre elles, la tournure qu'il donne à ses phrases et à ses arguments, reflètent
sa tournure d'esprit personnelle. Cela n'empêche pas nécessairement que les décla-
rations mises dans la bouche du .Sauveur aient été réellement prononcées par luij>
Lei'IX, La râleur historique du IV' Évangile. II. pp. 96-98}.
C'est bien le principe ((u'il faut tenir toujours présent à Tesprit dans linlerprétation
iiislorique du IV" Évangile, en adineltant de plus ceci, que certaines plirases. ifui parais-
sent au i)remier coup d œil faire corps avec les discours, peuvent êlre en réalité de brèves
explications du narrateur, qui, çà et là, se détaciieraient aisément pour, être mises entre
parenthèses.
3;u". MKVI'l': lUHLKU K.
deux) se sert des mêmes pensées principales et des mêmes termes pour
toute son exposition; nous en citerons brièvement quelque chose;
d'autre part, celui qui y regardera avec soin trouvera souvent dans l'un
et dans l'autre écrit la vie, la lumu-re qui met en fuite les (rnrbt'eti,
constamment la vérité, la grdcc, la. joie, la chair et le sang du Sauveur,
le jugetncnt, le pardon des fautes, ïamoiir de Dieu pour nous, le
peine, pour ainsi dire, s'il y a entre eux une syllabe de commune,
Q'/ilcq, wç sîze'-v, \}.r^zï 7uAÀa6r,v -pb; yJj-.y. 7.:tVY)v ïyouax » (Eus. II. E. Vil,
XXV, 17. 22, trad. (Irapin; nous avons souligné).
Le docte évêque d'Alexandrie y regardé d'assez près? Il est
avait-il
(1) Le ]V'=Évangile omet les mots qui n'onl qu'un intérêt local ou temporaire et fait des
variations sur un petit nombre de mots élémentaires avec leurs synonymes (Abbott). —
Il n'en saurait aller ainsi, évidemment, dans un livre de visions concrètes.
L'ALTELU DE L'APOCALYPSE. 337
sens de révêler (8 fois Apoc, 5 fois Év.) ïî^oivs-i (2 fois Apoc, 5 fois ;
Ev.); y.apTupEîv (33 fois Év.. 1 fois / Joh., \ fois III Joh., i fois Apoc.)
et y.apTupia (14 fois Év., 5 îois I Jo/i., 1 fois 11/ Joh., 9 fois Apoc), qui
sont les mots « johanniques » par excellence; v'//.àv, vaincre, au sens
moral, plus rare, mais tout à fait caractéristique des idées de Jean;
T-r^psfv (tcv aîvov, -.y.q Apoc, 17 fois dans les autres
IvTîAiç, etc. 6 fois
Qu'on y ajoute :>•/;, Oxvxtoç, zvby.^>, vûy.s-^, z'zzy., en des sens
écrits).
fois Evang., une fois / Joh., m, 23, et une fois /// Joh., 6. Cette
patticule, d'ailleurs rare chez Paul, et tout à fait absente de Matthieu
et de Marc, peut être usitée si fréquemment dans les visions de Patmos
;i cause de leur caractère dramatique, et signifier à la lettre, la
plupart du temps, « sous les yeux de »; cependant on trouve èvw-'.cv
-(T)v Ttisfov, ÈTToWiov Toj Opsvoj, etc. Plus remarquable cucore est l'extrême
appioxiinalil', (ju»* ^aziÇsiv h jsaT-., r.^rzJ\j.x-K \Jo/t. i, -iO) il). p:nliii izi
les écrits johanniques (ce dernier aussi dans les l^:pitres calboli-,
([uesl; (jûv, préposition si usuelle, qui manque lotaleraeut A/joc, ne
se rencontre que 3 fois ailleurs cbez .lean; iv-:-. absent àWpoc, ne
se trouve quime l'ois Év. i, IG; y^piq, qui parait trois fois seulement
dans le IV* absent de l'Apocalypse et des Épitres,
Évangile, est
avec l'accusatif manque dans les deux, et chez Marc. ID.r.v se trouve
une seule fois respectivement ./o/^ et Apoc; j-ûô avec le génitif [par
ou par le moyen de) n'apparaît que 3 fois Ev., 1 fois IH JoJl., 3 fois
Apec; r.zpi avec l'accusatif (rare chez Paul), 1 fois respectivement
Apoc. et Év.; y.aiâ avec l'accusatif, si courant, ne se rencontre que
8 fois Év., 1 fois dans chaque Épitre, 6 fois dans l'Apocalypse. La
fréquence et l'emploi particulier de la préposition à/., i;, caractérise
toute la littérature johaunique indistinctement jrïV/. infra. Enfin la
formule de transition [j.i-x -.y.\i-y. ou toùto, rare ailleurs, est assez
habituelle dans les deux écrits^ (12 fois Év., 10 fois Apoc. —5 fois
jamais dans la //' Joh. Ts, alï'ectionné surtout de Luc, n'apparaît que
ytvwffx.E'.v ; mais ce sont plutôt des exemples de cette « localisation spirituelle » rjui carac-
térise le style du IV Évangile.
L'ALTEIR DE L'APOCALYPSE. 3:J9
deux lou ti'oisi fois dans l'Évanuile, et une seule fois dans l'Apoca-
lypse (comme dans Marc). Le plus curieux — c'est là encore un trait
commun à tous les écrits johanniques — est la prédilection pour -.'va,
pitres; il est vrai qu'il est absent de II Joh., douteux dans les deux
passages de I Joli, (ii, 24: iv, 19) où on le signale, et présent seule-
ment 1 fois /// Joh. (v. 8i. On peut donc croire que sa fréquence dans
l'Évangile tient uniquement au fait des nombreuses argumentations
développées ou sous-entendues dans cet écrit théologique.
Notons encore que l'adjectif â-spoç, J;oujours remplacé par a/.Acç
dans l'Apocalypse, et manquant aussi chez Pierre et chez Marc
-excepté Me. xvi, 2), ne se rencontre qu'une fois Joh. xix, 37, contre
à peu près 35 foisxXXsç.
Comme on le voit, le vocabulaire présente dans l'Apocalypse et
les autres écrits johanniques des ressemblances remarquables, à côté
de divergences qui ne le sont pas moins. L'étude du vocabulaire, à
elle seule, ne jetterait pas de lumière décisive sur la question de
l'unité d'auteur. Tout au plus peut-on dire que la Prophétie, à ce
point de vue, offre plus d'affinité d'ensemble avec la littérature johan-
nique qu'avec le reste du Nouveau Testament.
II. Grammaire. -^ « La forme du discours », écrivait Dénys d'A-
lexandrie [vid. siqwa), « peut encore aussi servir à déterminer la dif-
férence de l'Évangile et de l'Épitre avec l'Apocalypse. D'un côté,
en effet, non seulement le grec est sans faute, m^is l'auteur écrit son
exposition d'une façon tout à fait savante pour ce qui est de la langue,
du raisonnement composition; on y chercherait en vain un
et de la
terme barbare ou un solécisme, ou même un provincialisme ('.iuo-:'.!;-
;j,iv); il possédait en effet, à ce qu'il semble/ l'un et l'autre verbe; le
ceci pour railler, (ju'oii naillo pas Ir penser, mais sculeineut pour
ôtal)lir la dissenîi)lauc(' de ces écrits » Kus. 7/. JJ. VII, \xv, 2^-27,
tr. (Irapin).
La grande dillérence au de vue de la })ureté g-ramniaticale
[)(»iMt
saute en elFet aux yeux les plus myopes. Ce[)eudant il faut un peu
en rabattre des éloges décernés par le docteur alexandrin au grec du
IV° Évangile et des Épitres. Ce grec, qui est loin d'être classique,
ne peut être mis au niveau de celui de Luc, de l'Epitre aux Hébreux,
ni même de Paul. La correction matérielle des formes, des accords
et des constructions est sans doute assez partaite toutefois la grande ;
par simple parataxe [-/.-A... /.y.}...), quoique moins uniforme que dans
l'Apocalypse ou chez Marc, l'établissent aiuplement. A tout prendre,
la grammaire de l'Évangile indique bien un niveau de culture hel-
îî'ycv, Joh. XV, 22-2i, et àoîcitrav pour ècîcojv, xix, 3. Elles se pré-
sentent plus souvent encore que dans l'Apocalypse; mais, à cette
époque, la chose est peu significative. Joh. connaît également -av
pour -a-'., mais non -zz pour -y.z.
V article, qui est omis devant 'Iy;^:^; dans| l'Apocalypse et les
Épitres, l'est plusieurs fois aussi dans le IV Évangile; pour les autres
noms propres, l'usage est fluctuant. — Il est digne de remarque que
l'article devant l'infinitif, qui n'apparaît, comme on sait, qu'une fois
(1; Pour les renseignemenls généraux sur la langue du IV' Évangile, on peut voir Jac-
quier, H. L. N. T., IV, pp. 2G1-273; Wellhalsen, Bas Evanrj. Joh., pp. 133-146. — Étude
exhaustive dans Abiîott, Joliannine Vocnbulary et Johannine Grammar. Pour la —
langue de 1 Apocalypse, .TACouiEit, H. L. *N. T., IV, pp. 413-42U, Boussin, Ojf., pp. 159-17;».
L'AUTEUR DE L'APOCALYPSE. 341
m, 29, etc. Abbott croit qu'il le' fait avecune intention d'emph<ase :
l'expression twv r.tm oiç-nù'i -îwv -/.pifttvwv, «les cinq pains d'orge »,
de VI, 13? Cette habitude d'insister ainsi sur le sens déterminatil',
quoique plus modérée que dans la Prophétie, doit pourtant s'y expli-
quer de la même façon, soit par un liébraïsme, soit par une recherche
de solennité dans le style, devenue presque mécanique.
Dans les substantifs, il est possible que l'Évangile aussi offre un
exemple de nominatif avec l'article pour un vocatif (cas ordinaire
dans VApoc). Il se trouve à la célèbre confession de Thomas « Mon :
Seigneur et mon Dieu! b y.ùpibq \j.ou y.al ô Osoç [j.ou », xx, 58. Il est vrai
qu'on pourrait sous-entendre un verbe « [7« es] mon Seigneur et :
avec une particularité que nous noterons plus loin. Pour enlever —
l'indétermination jd'un substantif, l'Évangile use régulièrement de
(tic nondesl; comme/ljooc). —
Ilàç est également un terme très usité,
et souvent précède au singulier, parfois avec l'article, un participe
il
(tc5cç b 7:otwv, etc., 13 fois Évang., 14 iois I Joh., 1 fois Joh.). Cette H
tournure, fréquente aussi d'ailleurs chez Matthieu et Paul, apparaît
trois fois dans l'Apocalypse, xviii, 17, xxii, 18 et xxji, 15 [rSq oùmv
xa'. •:mwv 'isjooç, cf. / loh. ttSç c tîskov t-^v cr/.a'.ccJv^v, Tr,v à[;.apT(av, et
futur, Ex. XVI, 15 àx te./ iy.iii Aa!j.6âv£'., -/.ai àvaYVSAet 'j.aTv; il peut
:
àjvâvjydtv, ^xKKz'j7i'r, XX, 2, r,px-r. cf. Apoc. ii, 24 et xii, 6), tournure
qui se trouve aussi respectivement une fois dans chacun des trois
synoptiques {Mat. vu, 16; Me. x, 13; Le. xvii, 23).
L'emploi des pai'tieules olfre des singularités communes, qui sont
très remar({uables. Ainsi l'Évangéliste affectionne également î'vx, qui
tient souvent la place de i-i, de wîne, de izwç [Joh. ix, 2, T^
ï;;/apT;V... ïva tusasç ^{z^n-q^ri'. I Joh. i, 9, xkitûç èariv y.'A Z<.y.aioç., tva
à^Y)...; cf. Apoc. IX, 20 zlzï [j-s-svâ^^av... l'va y.y; Trpccr/.'JVf^asu'ytv... et<î.).
7aTC iva î'sy; ty;v r^iJ.Épav ty;v è-xYiv, que Swete rapproche à' Apoc. xiv,
13 (1). — 'Azi se trouve pour marquer les distances [Joh. xi, 18;
XXI, 8; cf. Apoc. xiv, 20). —
Mais il faut noter surtout l'emploi de
ïy. partitif sans « verbum regens » (Joh. i, 35, il; m, 1; xii, 21, 23;
XIII, 4; XX, 24; xxr, 2), et tout spécialement ïy. tenant lieu de sujet
[Joh. XVI. 17 ;j,a0-^-:(7jv, cf. Apoc. xi, 9 l'iXsxoua'.v à/, twv
zlr.O'i c'jv èv. twv
"/«3twv). — Par contre,
confondu plus d'une fois dans l'Evangile
£î.ç est
avec £v, selon l'abus hellénistique, ce qui n'arrive pas dans l'Apoca-
lypse, où on trouve une fois seulement èv pour stç, \i, 11, et jamais
l'inverse (2). Au reste, dans l'ensemble, de tous les écrivains du
Nouveau Testament, c'est Jean qui évite le plus cette confusion, les
Kpitres ne lacommettent pas une seule fois, tandis quelle est très
fréquente chez Luc.
'
y-pzi ïp'fxZe-7.i xàYco kpyxZo'^.x'.. Assez souvent des propositions dont l'une
est subordonnée à l'autre dans la pensée sont dans l'expression
coordonnées; voir par exemple Joh. vi, 50; vu, i; xiv, 16. Au
chap. xvm, 16, poursignifier « 1/ dit à ia portière d'introduire Pierre »,
:
le grec portera : KyÀ dzv/ -r, fi-jpMpîh^ y.al ctjr^yaycv -r;v llëTpiv. On
reconnaît bien là la même habitude de composition qui se manifeste
d'une mapière si curieuse dans l'Apoc. xi, 3 Ky\ omgm tcîç ojtIv :
y.âpTj-'v !;.cj. /.y.', r. po ^r,- zj 0-j -'.v et, dans la lettre à Philadel-
'7 ,
pnie, III, y . izz-j c'.oco =•/. -r,: zny^f^r^z tcj Ly-y^/y '.cou T:oir,7M
yj-.yj: viy. r^zz'jzvi.
TTjv otâvoiav ajTtov, -/.a": £7:1 y.apcîaç jcjtcov è-r'-Ypi-j^o) aù-oûç; X, 16, même
texte. Mais, dans le passage de Coloss., il n'y a pas proprement
coordination; c'est plutôt une nouvelle idée, commencement d'une le
phrase nouvelle, le second membre d'une antithèse; celui de / Cor.,
qui n'oiïre qu'une ressemblance lointaine, peut être considéré comme
une simple parenthèse, une anacoluthe du style paulinien; enfin
celui à'Heb. n'est qu'une traduction de l'Ancien Testament [Jércmie,
XXXI .Sejîtante xxxviiij, 33). Ce ne sont donc pas de vrais parallèles,
ou ils ne sont pas néotestamentaires. Disons la même chose de
Joli. I, 32, où (( '/.%'. Ijj.etvsv » est coordonné au verbe fini xsOéaiAai, et
non au participe xaTaêaTvov. Mais, dans la 11° Épitrc de Jean, verset 2.
nous lisons : ... (ojç èyÔj àvaTrco...) otx -:y;v àAr/j£(av -:y;v [j.£vc'j7av iv
r,lxTv. y.at [j.st' r;[;.wv saxat v.z -rbv alwvx. Ici le parallèle à Apoc. i,
(1) Cf. Charles, Studies on the Apocalypse, pp. 89-sqq., Edimbourg, 1913.
L'AUTELR DE L'APOCALYPSE. 34o
rbypotbèse (v. der Goltz, Texte urcI Untersuchungen, XII, pp. 1 18-1 W)
qu il y eut en Asie .Mineure une école de langage Johannique déter-
minée, l'état de choses qui se montre dans l'Apocalypse me semble
confirmer cette hypothèse (1). »
: X:v-T ~t^ -'<'>>!;. sans qu'on songe pour cela à le distinguer de celui
enfants, c'est la dernière heure; et, comme vous avez entendu qu'il
vient un Antéchrist (traditions juives, // ThessalX maintenant beau-
coup sont devenus Antéchrists; d'où nous savons que c'est la dernière
heure... Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le
Christ? Celui-là est l'Antéchrist, qui nie le Père et le Fils (11, 18, 22;
cf. // Jo/i.)... Beaucoup de faux prophètes se sont produits dans le
monde... Et tout esprit qui ne confesse pas (ou « qui dissout », aùv.)
le Christ, n'est pas de Dieu; et cest celui de l'Antéchrist, dont vous
du /.z'ij.:^;. qui cherchent en vain à l'étouli'er; car tout ce qui est dans
le monde, dit la /' Joh.^ est • concupiscence de la chair, concupiscence
des yeu.T et orgueil de la vie », et le ministère du Christ est la tra-
ivôj v£v{/.r,7.a t;v 7.;7;j.:v (xvir, 20-22, 33). L'Âpocalypse, elle, voit déjà
L'AUTKLR DE l'ai»0(:ai.vi>se. aljl
vécu C(>iniut> la plus oxaclc comcilic de caractère, si Ion ncuI bien nie
passer une telle comparaison. Mais. î\ côté de son klent de peintre
et lie natralenr, le </oi)l f/r ralln/orio est cn<ore j)lus nianjué; et
d'une sorte d'allég-orie (|ui présente hi /dits yramlr ti/finifr ai^cc le
symbolisme de /'Apocal///)sr.
Il est clair dabord que la plupart des miracles racontés (au moins
tême qui donne deux aux hommes, et sur l'Eucharistie qui les
les
sance divine de Jésus. Mais un fait significatif, c'est que Jean, qui
aurait pu raconter bien d'autres merveilles, en ait choisi exactement
sept.
Ce n'est certes pas un pur hasard. Abbott, dont la subtilité est par-
fois trop ingénieuse, a raison ici d'affirmer que « l'Évangile est péné-
tré dans toute sa structure de l'idée de « Sept » (permeated structu-
rally with the idea of « Seven »), comme on pouvait s'y attendre de
la part d'un homme acceptant la tradition des « Sept esprits de Dieu »,
Apoc. in, 1 ». Le même critique relève encore les traits suivants les :
pre; 3" celui de ses œuvres; k" celui des Écritures; 5" celui du Précur-
seur; 6° celui des disciples; T celui de l'Esprit. Qu'on y joigne, dans
la bouche de Notre-Seigneur, la triple répétition de certains termes
caractéristiques le bon pasteur (ch. x), la vigne ich. xv), la porte
:
(ch. x), la lumière du monde (vni, 12; ix, 5; xii, 46), etc. (Abbott,
op. laud., §^5 2608 sqq.). Le « Paraclet » est nommé quatre fois (parce
qu'il remplira les quatre parties du monde?;, la « loi mentionnée >.
férence des aspects, nous en trouvons assez pour être assurés que
l'auteur de cet Évangile subissait largement l'influence d'une habi-
tude de faire des groupements par sept, qui a affecté aussi bien l'en-
semble de son récit que des mots ou des phrases particulières »
(§ 2G27j. Il faut reconnaître « l'arrangement délibéré et poétique de
larges portions du IV'^ Évangile, la valeur et la signification mystique
clés de l'Évangile.
RF.VCF, BIP.IKJUF. 1917. — N. S., T. Xn . 23
•u» t REVIK IMIil.K.U
encore hvnoni mystérieux Azyzq -zj ôsoîi. C'est « l'eau de la vie », qui
j>eut bien venir de Hahyloue ou de FÉgypte, par rintcrniédiaire des
Prophètes, mais qui n'eu caiactérisc j)as moius et le IV" Kvang-ile
(baj>tème, illuiniuation, grAce), et rA])ocalypse, où elle a le môme
sens de la vie spirituelle et éternelle (jowp çiôiv, ïeau vivante, Jo/i. i \ , 10-
11; vu, IÎ8; r.T,yr, ijooc-z:. iv, l'i ; r.z-x'^.z'. joaioç, vu, 38 — ^cf. Apov. Joo)p
L(.)f;ç. TTYJYal ûBâtwv, viii, 10; vu, 18; xxi, 0; xxii, 17; etc.). La méta-
milieu du trône les fera paUre' et les mènera aux sources des eaux de
Lumière, l'Amour sont comme des lieux, des régions où l'on entre,
où Ton demeure. De là l'usage du èv « quasi instrumental ». C'est un
autre monde, opposé à celui des ténèbres et du péché. Et ce trait est
au moins fort analogue à la conception générale de l'Apocalypse.
L' « imagination Johannique » a une autre note particulière. Si elle
concrétise fortement, par le mouvement, les idées les plus immaté-
n'assigne pas de sens immuable à ses métaphores, et fait
rielles, elle
alentour toutes les variations possibles. Il n'est pas dans les habi-
tudes de l'Ëvangéliste de préciser une fois pour touteâ.la valeur de
ses termes, quandpeuvent signifier plusieurs réalités voisines.
ils
C'est ainsi que même
/.ia;.».:? ne signifie point partout le monde hos-
tile. En somme, presque tous ses concepts et ses mots-clés sont « ana-
logiques »; sur le même terme, il passe sans cesse du sens matériel
L'AUTELK DE I/APOCALYPSE. 335
Nathanaël
céleste et de sa divinité. —
et les autres de même ont —
cru dès leur premier appel (i, 35-51) pourtant c'est le miracle de Cana
;
qui parait les faire commencer à croire (ii, 11 j. Il est évident que
cette « foi » s'intégrait lentement, par des déterminations successives
qui en élevaient et en approfondissaient l'objet. Les Synoptiques mon-
trent assez bien cette évolution; mais, chez Jean, il faut méditer sur
un contexte étendu pour saisir ces nuances que les mots ne distinguent
])as; TT'.TTSJw est un analogue qui se proportionne aux personnes, aux
circonstances. —
Ainsi, les visions de l'Apocalypse sont presque toutes
X\i\ RKVrK HIIM.inUK.
des schr. mes généraux de sitiialions futures, ([ui S(> succrdent sans
piogrcssion chronologique, sous \\v[\ d'aigle duu i)roj)li<'(e (jui voyail
Ir tout dans les i>arties et la lin dans le coniinrncemeut.
nael sous le liguier? Ju/i. i, V8). Qu'est-ce qu'avaient dit « les 7 ton-
de composition.
la marche du livre.
(1) Car, d'après le parallèle de nous ne douions pas qu'il faille traduire xata/aix-
xii, 35,
fA-itvt par <
non par « coinprcndro ». Si les « ténèbres » sont
saisir, étouffer, arrêter », et
le Mal abstrait, il est évident quelles ne peuvent comprendre le Bien, se l'assimiler, mais
seulement lui céder la place en disparaissant; si elles signifient le monde livré au mal »,
rKvaniîile est justement l'histoire de cette délivrance virtuelle du monde, qui « comprend ».
3o8 lUJVUK HlHLlnl li.
bles. Et il n'est pas jusqu'à la répétition des mots de valeur, qui sont
ces moments par des lettres, et leurs variations par des indices sura-
joutés, on pourrait figurer ainsi schématiquement ce procédé :
-(9-10"").
au corps de l'Évangile.
sition
Et il faut remarquer que cet accord fondamental se prolonge à
travers tout l'Évangile Unité de Jésus avec le Père [passim).
: Lu- —
mière, seconde naissance. Vie (Nicodènie, Samaritaine, aveugle-né ;
est moins clairement ordonnée, en offre pourtant encore des traces fort
reconnaissables, avec ses refrains alternants sur la pureté des (ouvres,
la foi et l'amour. Et cette loi qui, à notre avis, caraclêrise absolument
ime personnalité littéraire, est appliquée également dans l'Apocalypse
et dans l'Évangile.
Est-il besoin d'en dire plus pour éclairer la question? Quels person-
nages, par exemple, étaient respectivement aux yeux des Églises
le Prophète et l'Évangéliste? Sur ce point encore, il est aisé de
relever des similitudes. Ni l'un ni l'autre ne se donne de titre hiérar-
chique ou officiel, tel qu'apàtrc. L'auteur de l'Évangile se tient dans
l'anonymat, et se désigne seulement à la troisième personne, comme
« que Jésus aimait »; dans la
le disciple Épître, il invoque seu- V
lement, toujours anonyme, sa qualité de témoin de la vie de Jésus;
dans les denx petites Lettres, il est 1'» Ancien » ou le « Vieillard » par
(1) Dans Die Schriften des Xeuen Testaments de .7. Weiss, II' Band, 3 Abschnitt,
pp. 283 et suivantes.
L'AUTELR DE L'APOCALYPSE. 301
celui d'un personnage d'un tel ascendant, que les Apôtres n'en avaient
pas davantage, .lacques non plus, ni Jude, ni Paul dans ses lettres les
plus intimes [Phi/ippiens, Plnlrtnon), ou dans celles qui furent écrites
avant qu'on eut commencé à contester son apostolat (/-// ThessaL),
ne se donnent leur titre le plus haut, sous lequel ils exerçaient leur
autorité. Ainsi l'auteur de l'Apocalypse pouvait bien être un apôtre
sans être obligé de le dire. Denys, parmi ses objections, insiste sur le
fait qu'il se nomme par son nom, ce que n'a point fait, dans l'Evangile
et l'Épitre, le fils de Zébédée; mais il était à Patmos, ses lecteurs sur
dans son humilité, et, eùt-il été l'ami, se rappelle seulement c'est —
déjà un titre assez haut et assez rassurant qu'il est le « serviteur —
j>
de Celui qui lui est apparu dans sa majesté de « Hoi des Rois » et de
« Seigneur des Seigneurs » (cli. xix).
les nuMMOs t'i;list's d'Asie, leur assurance aussi iVnuc (pic modeste.
('oTuluons :
ctà Tbv Asycv tcj Oîcj /.'jX tt.v ;j.ap-:u p-'av 'r^j^oO. A quelle époque
de la vie de Jean placer ces événements?
Justin n'a rien dit du lieu, des circonstances, ni de la date de
l'Apocalypse. Mais Irénée, qui devait être bien renseigné, a un texte
formel sur l'époque [Vont. haer. v, 30), à propos du chiffre de la
Bête et du nom de l'Antéchrist :
'H[j,£Î? ouv eux à';ro7.tvoBV£'js[j.£v xsp'. Tou ovi[j,aTOç TCO 'AvTi)rp(ff-3J àxoçat-
v£[^.£v;t '^=iy.\.{ii':\yXùq. Et yàp Bs'. àvaçavocv tm vîiv -/.aipo) /.•/jp-J-rTîcJÔx'. rouvot'.a
Y£V£aç ~pbç To) xzKei ~r,: A o jxîTiav :o àpyf,ç. « ... S'il eût lallu
ouvertement de notre temps proclamer son nom (de l'Antéchrist),
// etU été dit par celui-là même qui a vu V Apoccdypse. Car il n'y a pas
le mot àoipâOr, par « vision est » au neutre, et non par « visa est »,
féminin, (^est qu'il rapporte sans doute ce verbe à la < Bète », Or^pic-'/ (1),
ce que permettait à la rigueur le contexte. L'affirmation n'en perd
rien de sa force. Il est vrai que quelques auteurs, notamment le //. F.
iinii pas à robjot (le la vision, niais à Jean lui-mùme : Irénéo dirait
tout simplement i\u(>ii d pu mir .hum, c'est-à-dire ([uc Jean a vécu,
jusqu'à 1(1 fin du i-rf/nr de Douiiticu: ainsi il n'aiïirmerait rien ton-
idée ont fait remarquer cpie l'expression avftir vu Jean, dans le sens
de (ivoir connu .Iran, est familière à Irénéc » (Bovon). Mais, comme
l'dbjet de ïmzt/.z-z: est l'Apocalypse, Irénée aurait été singulièrement
négligent en fait de style, s'il avait donné un antre objet au même
verbe ÏMpiOr,. qui n'en est séparé que par cinq mots. Kn outre, — et
ceci est décisif, me semble, —
Irénée, s'il avait voulu parler seu-
il
dit expressément ailleurs qu'il a vécu encore plus tard, Jusque sous
Trajan Cont. haer. ii, 2-2: m, 3) (1).
Ainsi, d'après le témoignage le plus ancien, lequel est de toute
première valeur, et sans ambiguïté, c'est sous Domitien (2) que Jean a
contemplé l'Apocalypse.
Des témoignages plus complets se produisent au iv'' siècle. Victorin
de Pettau, dans son Commentaire, dit que Jean fut condamné par
Domitien aux mines, à Patmos, assertion répétée par le commenta-
teur Primasim. Eusèbe (H. E. 111, xx, 9), parlant de l'abolition des
actes de Domitien sous son successeur Nerva, dit que, d'après la tra-
dition, c'est alors que l'apôtre Jean quitta l'île pour Éphèse : Tb-t
s-/; cùv y.x: tcv a-iiTTc'/.cv lojâvvr^v x-o ~f,q y.yr.y. ty;v vv;7:v ^.»Y?i? tt^v Ïtj. ~f^:^
pas discuter en cet endroit/, mais bien d'un exil imposé suivant le sens
ordinaire de çuvy; chez les Stoïciens; car, dans la Démonstralion
èvangélique, m, 5, le même historien rapproche ce séjour forcé dans
une ile du supplice de Pierre et de Paul llÉTp^ç oè : -/.-A ï~\ 'P(.')[;.y;ç
(1) Cf. Chase, The date of the Apocalypxe ; the évidence of Irenaexm. The Journal of
theological Sludies, p. 431, Londres. 1!»07.
(2) Ce récit se trouvait-il originairement dans les du " Actes de Jean » i^nostiques
ir siècle? Alors il faudra supposer une lacune dans où un tel le ch. 113 de ces Acta,
martyre aurait dû être mentionné (Voir Hennecke, Neuteslamentliche Apocryphen, p. 429).
L'AUTELR DK L'APOCALYPSE. 365
(1) « AoDiAS » (vr siècle, aucune autorité} attribue les faits au proconsul d'Éphèse.
366 KKVIK nilU.IOLi:
lypse eût été écrite sous l'empereur Claude mort en — 5V, avant
que Paul eût évaugélisé Éphèse! Dans son Panarion (i.i, 12 et 33),
il avance que Jean revint de Patmos sous Claude César, et un certain
de Patmos. Que peuvent vouloir dire ces textes? Est-ce pure confu-
avec son frère Jacques par Hérode Agrippa, sous Claude, vers 43, le
souvenir confus de cet événement se fût combiné avec l'autre tra-
dition, celle de son exil. Mais cette hypothèse du martyre de Jean
en Palestine est artificielle, pour ne pas dire absurde, et va contre
(I) Celte date du règne de Claude se retrouve chez les commentateurs Apringius {sv s.),
'/Alllig (1834-1840). — Grotius l'admettait seulement pour la partie des prophéties censée
relative aux Juifs.
•MH REVl'K Mir.l.inri-
(1) Tlie Apocalijp»e of S. John i-iii (conférences de 1879, édité par Sanday en 1908,
Londres).
LAITELR DE L'APOCAl.YPSt). 369
{1) En dehors d Allard, d'autres historiens sont convaincus que la religion chrétienne
a été prohibée comme telle déjà sous Néron, dès quelle fut distinguée nettement du ju-
daïsme Batiffol, RB.> 1894, pp. 503-521, « L'Église naissante et le Catliolicisme »,
ch. i-ii. —
Callewaerï, Rev. d'iiist. eccl. de Louvain, 1901 et 1902, et Revue des Ques-
lions historiques, 1903 et 1904. —A. d'Alès, Théologie de Tertullien, pp. 381, 388 (1905).
HEME niIÎLIQlE 1917. — N. S., T. XIV. 24
;nO REVUE RIHl.lOl'E.
Norvii lit cesser les poursuites conti'e ceux (|ui riaient accusés
d'impit'té (àjecsia), rappeler les bannis, et qu'il déiVndit aux esclaves-
et aux de dÔDoncor personne pour « im|»iét6 et vie à la
alTraiicliis
ces illustres patriciens furent punis pour le môme crime (lwii, V),
Emrbe, dans sa (^ironique [ad aiimcm Abrahami 2110), affiime,
d'après un certain chronographc païen, Hrvittius, que beaucoup de
chrétiens souifrirent pour leur foi en la quinzième année de Domiticn.
On ne peut donc affirmer que la persécution se borna à l'aristocratie
chrétienne, ni à la ville de Rome. Toutefois, on n'a pas de jircuves
non en dehors de l'Apocalypse elle-même, qu'elle ait sévi
plus,
jusqu'en Asie Mineure il ne faut pas invoquer à cet effet le témoignage
;
du ch. \ui, car la mise hors la loi des fidèles qui refuseront d'adorer
la Béte, ou de pratiquer le culte impérial, se rapporte à l'avenir
plus qu'au présent (2). Il que Domitien a
faut pourtant se rappeler
et éveiller ainsi les vues prophétiques de saint Jean, qui n'en demeu-
raient pas moins prophétiques.
C'est bien là un argument d'un certain poids en faveur de l'époque
de Domitien. De même, s'il a paru un faux Néron dès l'an 69, ce n'est
qu'une vingtaine d'années plus tard, à partir de l'an 88 et jusque sous
Trajan, que limagination populaire s'est préocupée vivement de son
retour d'au delà de l'Euphrate, à la tête de l'armée des Parthes; on le
verrait au commentaire du ch. xvii. Il est peu probable qu'aux débuts
de Vespasien légende eût déjà pris cette forme et cette consistance.
la
ville, et qu'il fut brûlé dans un taureau d'airain, sous Domitien [Métaphrasle, Bollan-
distes, 11 aTril). — André de Césarée dit avoir lu ses Actes; Tertuliien, Scorpiace, 12,
répète simplement les mots de l'Apocalypse.
i;alteur de l'apocalypsk. 371
exister toutes vers la findu règne de Néron. Quand Paul avait évan-
gélisé Éphèse pendant trois années, le christianisme s'était répandu
dans toute la province [Act. xix, 10 et Ép. aux Colossie?is). Mais les
Lettres montrent bien que ces églises ont un assez long passé derrière
elles pour que la charité et la foi y aient perdu de leur première
fraîcheur, et beaucoup plus, semble-t-il, qu'au temps des Épitres de
la captivité et des Pastorales. Saint Jean connaît à fond ces églises :
;r2 lŒvi'K iniu.ini i:.
Douze ait travaillé à eôté d'eux. Saint Jean n'a pu s'établir en Asie
qu'après la mort de l'Apôtre des C.entils. Comme, dans ses Lettres,
il montre très familiarisé avec l'esprit et l'histoire de chaiiue ville,
se
on concédera bien qu'il lui avait fallu, pour en arriver lA, un certain
nombre d'années d'expérience, et cela nous éloigne assez du temps
de la mort de saint Paul, qui précéda peu celle de iNéron.
Aussi croyons-nous que la critique interne corrol>ore le témoignage
dirénée et la tradition commune; que, par conséquent,
l'exil à Pat-
mos composition de l'Àpocali/pse eurent lieu au cours des deux
et la
la bouche du maître qui faisait la dictée. Ainsi la l' Pétri a été écrite
élégamment par Sylvanus. Cette solution n'a rien d'artilîciel, étant
donné les usages de l'époque. Plusieurs auteurs l'indiquent aujour-
d'hui comme une possibilité. Ainsi Swete [The Apocalypse 0/ Saint
John, CLXxxui-CLXxxiv) « Early tradition explicitly states that the
:
Cospel was written from dictation, and underwent some kind of revi-
LAITEUR DE I/APOCALYI'SE. 373
point à Patmos, d'où il dut envoyer aux églises d'Asie un écrit rédigé
à la hâte, à peine relu, imparfait pour la composition comme pour
la langue, et que, n'ayant pas l'amour-propre d'un homme de lettres,
(1) \S.R\MSA\, The Lelleis to Ihe seven Cfiurches, l'M'y.i, ch. vni; l'auteur s'appuie
lui-même sur Mommskn, Bomischcs SIrafrecht, 1899.
.r.'i
REVUE BIBLIQUE.
nelles trop dures. Mais cet oxil pur cl, simple, avec conliscatioii des
{Letters, p. 85).
Mais sipour avoir rendu témoignage au Christ, avait été
Jean,
ainsi condamné par quelque proconsul car il est peu probable —
que César se soit jamais occupé directement de lui à l'état de —
forçat, comment eût- il pu composer un parfait ouvrage
de style,
même faire aussi bien que pour l'Évangile? Écrivant en de rares
moments dérobés au labeur, en proie à la fois à l'émotion violente
repos.
Pour notre part, c'est vers cette deuxième conjecture que nous
inclinerions. L'Apocalypse, en effet, avec la part d'incohérence,
ou
du moins d'imparfaite harmonie qu'il faut reconnaître dans son
symbolisme, avec ses grossières fautes grammaticales, qui ne peuvent
cependant masquer sa puissance d'évocation et de structure, ni la
finesse de quelques-unes de ses nuances, ni la bonne grécité de
cer-
offre à
tains passages, est une œuvre littéraire si extraordinaire, elle
contradictoires, qu'on ne peut la croire
la critique des aspects si
F/AUTEUR DE L'APOCALYPSE. 375
désaccord des genres et des cas. C'est l'œuvre d'uii génie contrarié,
que des circonstances extérieures ont contraint de livrer à la publicité,
pour ainsi dire, son « brouillon ».
Quand Nerva eut fait casser par le Sénat les actes du tyran, saint
Jean, avec les autres bannis, put retourner à sa résidence. Dans ses
chères églises, il trouva son Apocalypse déjà lue en public. Son
génie à la fois systématique et fougueux les avait dotées, sous l'inspi-
ration d'en haut, d'une œuvre imparfaite si on la considère en cri-
tique littéraire, mais admirable au point de vue religieux, le plus
puissant manifeste de guerre à Satan et d'incoercible espérance où
FÉglise piit puiser la certitude de sa victoire sur le monde. Rentré
dans uue existence normale, et, comme a su bien l'exprimer Ramsay,
mûri définitivement par l'épreuve, élevé à la plus haute sérénité de
contemplation par les douleurs et les révélations de l'exil, le disciple
bien-aimé devait, peu d'années après, donner à l'Église et au monde
une œuvre plus sublime encore, son Évangile.
E. Bernard Allô.
Dans ces exemples et dans tous les cas similaires, le symbole n'est
qu'une personne ou une chose employée comme signe d'une autre.
Mais il est une autre catégorie de symboles où une action se
déroule,
en réalité ou en fiction, pour inculquer une leçon ou présager un évé-
nement futur. Dans ce sens, l'hébreu ne possède pas de terme spécial..
Pour désigner un symbole de cette nature, on est obligé de l'appeler
du nom générique de màchàl (1), v. gr. Ézéch., xxiv, 3 « Propose un :
plaçant une expression gênante par une autre plus conforme aux
vues personnelles. Nous rencontrerons sur notre route maints aveux
d'une savoureuse candeur, et, plus encore, maintes opérations d'une
hardiesse paiiiculièrement arbitraire. Les noms et les références
seront cités au fur et à mesure des rencontres.
2" On a déjà rappelé, à propos des paraboles, que l'exégète doit se
,
et en Angleterre, est démenti par les faits, en même temps qu'il con-
tredit les principes les mieux établis de l'exégèse parabolique et sym-
bolique. Il est peut-être temps de crier gare et que l'édifice est
ruineux.
Il A a sans dire que je fournirai en cours de route les preuves de
chacune de ces assertions. Averti, le lecteur pourra décider en con-
naissance de cause.
2. Jahvé dit à Osée : Va. prends une femme de prostitution et des enfants de
prostitution, car le pays ne fait que se prostituer loin de Jahvé. 3. Et il alla, et il
actuel des opinions, que l'interprétalion allégorique a nos préférences » [op. cit., p. 40).
:{84 lŒVUK niijuuii:.
A. Sf/)))bolr.
(1) In 1, 8, 9. .
(2) d^ns La Sainte Bible traduite en français sur les textes oi'icjinaux.
In h. 1.,
son épouse « par la prévision *que celle-ci allait lui être infidèle et
il,; Préface d'Osée. — En réalité le fait s'est passé avant le début du siège.
(2J In I, 8, 9.
(1) p. 40.
(2) Ibid.
(3) Ibid.
LES SYMBOLES D'OSÉE. 387
drait peut-être mieux de ne pas voir dans les deux récits de mariage
l'histoire de deux mai-iages distincts soit avec deux femmes soit avec
la seule Gomer, mais plutôt deux récits allégorisants inspirés par lé
même fait réel (1). » —
tenu à reproduire en entier cette cita-
J'ai
tant qu'on n'a pas de bonnes raisons de s'en écarter, et l'on vient de
constater que ces raisons n'existent pas. Cette preuve, déjà très forte
par elle-même, emprunte une singulière valeur démonstrative à
Y étude comparative des autres symboles. Il est loisible à chacun, en
parcourant les principaux de ces symboles, de constater que les for-
mules réalistes, annonçant des faits ou visant à l'action, abondent.
Dans haïe : Prends une tablette et écris A Maher-chàlâl-hach-baz :
(viii, 1 ss.)...; va, ôte ton manteau de tes reins, enlève ta chaussure
de tes pieds ("xx, 2 ss.). Dans Jérémie : Achète une ceinture de lin et
va la cacher dans une fente de rocher, sur les bords du Fara (xiii,
1 ss.)...; achète une gargoulette d'argile et va la briser dans la
vallée de Hinnom, au lieu dit Thopheth (xix) Dans Ezéchiel, tous les .
couché tant de jours sur le côté gauche et tant de jours sur le côté
droit...; ne prends (|u'une nourriture sévèrement rationnée...; parr
tage tes cheveux en trois parts, etc. On se familiarisera avec tous
ces exemples au cours de cette étude. — Or, c'est un fait que tous
beaucoup de, bonne volonté pour tirer de ces noms une notion figu-
rée, plus ou moins appropriée à la circonstance (3). » 4. A cette —
preuve se joignent celles qui nous sont fournies par les enfants. Que
peut être un mariage qui donne des enfants à intervalles réguliers,
sinon un mariage réel, contracté par des personnes vivantes? Si le
prophète se composait une famille de fantaisie, toute à son gré,
pourquoi a-t-il mis une fille à côté des deux garçons? Pour un Orien-
tal, trois garrons valent toujours mieux que deux garçons et une
fille. Sans «-ompter que le but symbolique eût été pleinement atteint
(2) M. van Ihionacker préférerait le sens : Gomer, consommation fille de fléaux accom-
plis. Mais il ajoute aussitôt : « Tout cela est évideinineat 1res incertain » (p. 15J.
sans doute en erreur par le texte de la Vulgaie fac tibi filios fornicationum (i, 2), il a
:
cru qu'Osée n'avait jamais épousé Gomer, qu'il n'avait eu avec elle qu'un commerce dé
prostitution, lequel, par une dérogation divine aux lois ordinaires, perdait ici son caractère
2'".
d'illicéité. Cf. S. th. 1-2, qu. c, 8, S"-; 2-2, qu. civ, 4, 2"'; qu. cliv, 2,
au chap. ii. Que valent ces arguments? Les discuter, c'est entrer dans
le cœur du problème.
nation d'Israid, l'épouse de Jahvé, a été infidèle (v. 2' ; ii, 4, 7); elle
a engendré des enfants adultérins que Jahvé refuse de reconnaître
pour siens (i, î>; ii, {\) : do mrmc 1 <'j)Oiisc (r(lsc«^ sera uik» rciiiino
iidiiKôro. rll(> cniiondirra desonfaiifs adultérins (1). »
1)0 tols avoux oui du moins le iiit'rito de la f'ran<-liisc. I\l;iis on a le
re£;ret de dire que cette nianiôro île |)rati(juor rexégV'se des symboles
constitue un i:ravc cofitrpsrns. Le contresens consiste à partir du
symbolisme pour détorminer a priori ce que doit être le symbole,
en supposant (juc lanaloiiie entre le signe et la chose signifiée est
nécessaii'oment tolulv. iMais, si le prophète n'a voulu envisager qu'un
aspect do sa tpiostion, était-il encore obligé d'aller cherchor un signe
adéquat à l'objet signihé? Ne pouvait-il passe contenter d'un signe
partiel, inadéquat? Sa liberté sur co point n'est-ollo pas pleine et
entière? Il me semble que poser la question, c'est la résoudre.
Le mariage d'Osée et de Gomer représente l'union de Jahvé et d'Is-
raol, soit ; pour s'en apercevoir, d'une lecture rapide. Mais
il suffit,
sous quel aspect et dans quelle mesure l'analogie est-elle ici j)ié-
sentée? Voilà où le coup dœil superficie^ ne suffit i)lus. Il y faut une
analyse attentive, minutieuse du texte. Si l'analogie est complète, il
attirer notre attention.Par contre, dès que l'on néglige les indications
du symbole, pour nétudier la chose signifiée qu'en elle-même, telle
qu'elle figure dans la réalité, en dehors du symbole, on ne marche
plus qu'à l'aventure. C'est ainsi que, dans le premier symbole d'Osée,
l'aspect particulier sous lequel Israël est envisagé, e^i son état actuel
d'idolâtrie et rien que son état actuel. Quiconque, au lieu de s'en tenir
à cette simple donnée, va étudier l'histoire d'Israël, toute son histoire,
depuis l'Egypte jusqu'à l'exil, en passant par le Sinai et par toutes les
manifestations de sa vie religieuse, celui-là renonce évidemment aux
bénéfices de l'exégèse symbolique. Le symbole, comme la parabole, a
cueillie, adoptée, élevée, parée, comment elle est devenue son épouse,
et comment, délaissant son amour, elle s'est livrée avec les peuples
voisins à toute sorte de prostitutions idolàtriques, à l'exemple d'ail-
leurs de ses deux sœurs, Samarie et Sodome.
A cette allégorie on pourrait encore joindre celle d'Oholah, mé-
taphore d'Israël, et d'Oholibah, métaphore de Juda (xxiii). Mais la
preuve n'en deviendrait pas plus forte, car, au fond, il est temps de
le dire,ce parallélisme ne prouve rien non plus. On a déjà averti
dans les observations préliminaires que le parti pris d'expliquer les
symboles d'un prophète par ceux d'un autre réservait bien des mé-
comptes. Il peut y avoir entre ces diverses compositions comme un
air de famille; encore faut-il ne pas se laisser prendre aux appa-
rences. Et si les svmboles de divers auteurs traitent réellement le
:W4 UKM i: IMI5I.I01IE.
iiirino sujet, il faut se rappeler en tout cas que leurs poinis de vue
ne coïnoidtMil pas pour c«^la néoessairi-nicnt. non j)liis que leurs pro-
porti(^ns. En rps[)èco. il est hcsoin dune certaine lionne volonté [)onr
comparer le large et beau tal)leau d'Kzéchiel avec les inini;dnres
d'Osoe. Kzéchiel, lui, retrace toute Tliistoire de Jérusalem, tandis
qu'Osée n'en dessine «piun détail. Par exemple, on chercherai!
vainement dans ce dernier prophète les soins prodigues à l'épouse
de Jahvé depuis sa naissance jus(prà son mariage. Dès lors, com-
ment l'histoire de Gomer serait-elle calquée sur celle d'Oholah ou
d'Oholihah?
3. I.e argument est plus spécieux que les précédents.
troisième
« Va, disait Jahvé au prophète, va, prends une femme de prostitution
et des enfants de prostitution, car le pays ne fait que se prostituer
loin d(^ Jahvé. » Don le raisonnement suivant. (îes « enfants de
prostitution ne sont. pas nés avant le mariage de Gomer, de sa vie
»
libre; ils lui sont nés pendant son mariag-e avec Osée. D'autre part,
l'épithète qui les qualifie marque suffisamment leur origine : ce sont
. des enfants adultérins, dont Osée n'est pas le père. Voilà, n'est-ce pas,
qui établit sans conteste l'infidélité conjug-ale de Gomer? Mais, de
plus, puisque l'expression fils de prostitution s'emploie déjà par /)/v;-
ils estiment que les trois enfants de Gomer, les deux derniers au
suffit de dire qu'il n'y a pas de parité entre les deux formules femme :
que c'est l'état actuel de son épouse qui est cause de leur ignominie,
et parce que lui-même, à la lumière de Dieu, il perçoit et accepte
la honte d'avoir un jour des enfants qu'effleurera la tare maternelle.
;«96 IU-,Vl:E BIia.IOUE.
l'oiir toutes cts laisons, j<> ne crois pas le troisirme ariiument niell-
K'ur ([lie les premiers.
Cet ai'gument se rencontre chez des critiques qui ont par ailleurs
des opinions fort divergentes sur les autres questions du syndiole.
« L'épouse légitime d'Osée, écrit M. Gautier, s'abandonne aux pires
II, i, 7); elle a engendré des enfants adultérins que Jahvé refuse
n'était point encore déchue. C'est plus tard, après la naissance de son
troisième enfant, quelle abandonne définitivement son époux et que
la rupture se consomme. Alors Osée, brisé par l'épreuve, comprend
le sens, jusqu'alors caché, que son infortune doit avoir pour lui et
pour son entourage, il comprend aussi le devoir qui l'attend, et se
prépare, en accueillant de nouveau l'épouse coupable et humiliée, à
montrer à son peuple la grandeur du pardon et la puissance de
l'amour. La vocation prophétique d'Osée est née de ses propres mal-
heurs; ce qu'il a souffert a été une révélation; il a mesuré par sa
nous oblige à entendre les faits à rebours, ce qui ne constitue pas pour''
la thèse une présomption favorable. —
2. Si le prophète a voulu dire
défectueuse? A
supposer qu'il voulût. nous donner le change sur sa
véritable pensée, il ne pouvait guère l'énoncer différemment. 3. Les —
(1) Op. cit., p. 464, 465.
(3) Pour ce qui est de Dieu, il va sans dire qu'il voit tout. On peut ajouter que Dieu a
Toulu d'une manière spéciale le symbolisme qui ne sera [>erçu que plus tard, puisque c'est
encore lui qui donne au prophète la lamière pour le découvrir et qui en inspire la
rédaction.
LES SYMBOLES D'OSÉE. 399
faits tels qu'Osée nous les présente. Osée aurait acquis la conviction
tardive qu-Q ses malheurs répondaient aux desseins de Jahvé; en réa-
lité,il se serait marié comme tout le monde, en obéissant à ses attraits
ou aux circonstances. —
Or, dans sa prophétie, il s'exprime de la
sorte « Et Jahvé dit à Osée Va, prends une femme de prostitution...
: :
change, après coup, sur les motifs de son mariage. S'il s'était marié
à une femme du nom de Gomer, avec pleine confiance dans sa vertu
et sa future tidélité, il n'a pas pu s'imaginer plus tard, en considérant
l'inconduite de Gomer, qu'au lieu de s'être trompé, il avait tout
prévu (1). » Je souscris pleinement à ces sages paroles.
i. 11 est un quatrième argument qui se tire des noms symboliques
sots :{-!). \)c toute manière, il y a là une difliciiili' (|iic les ( rilicjiies
on n'a pas le droit d'éliminer cette donnée pour lui substituer l'anir-
malion fantaisiste que (lomer était une femme de bonne vie et mœurs.
— 3. Le texte nous dit en termes formels ou équivalents que Gomer
donna trois enfants à Osée : on n'a pas le droit d'élaguer ce récit pour
transformer ces enfants en \ ulgaires bâtards. — Le texte est muet
k.
B. Symbolisme.
De même que Gomer, choisie pour épouse d'Osée, est une femme de
mauvaise vie,
ainsi Israël est enfoncé dans son idolâtrie.
Symbole prophète n'envisage ici ni le
partiel, disions-nous, car le
passé ni l'avenir religieux d'Israël; en fait abstraction, pour ne
il
(1) In Os., I, 2.
LES. SYMBOLES DOSÉE. 403
3. Il alla et prit Gomer, fille de Diblaïni: elle conçut et lui enfanta un fils. 4. Et
Jahvé lui dit : Appelle-le Jizre'ël. car encore un peu de temps, et je vengerai le san"
de Jizre'ël sur la maison de .Téhu, et je mettrai fin à la royauté de la maison d'Is-
raël. 5. Et il arrivera en ce jour que je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Jizre'ël.
6. Et elle conçut de nouveau
et elle enfanta une fille, et il lui dit Appelle-la Lô :
A. Symbole.
Après avoir longuement disserté sur les parents, il est permis d'être
plus bref sur la famille. Pourtant ici encore il se pose divers pro-
blèmes, dont on a déjà dit quelques mots et qu'il faut achever
d'éclaircir.
Historicité des enfants. —
Il va de soi que les écoles qui se parta-
pas varié. Pour ma part, je tiens que ces enfants sont des êtres
vivants, en Chair et en os, non moins que leurs père et mère. On a
déjà pu lire ci-dessu&- l'énoncé des preuves sur lesquelles repose cette
assertion naissance des enfants à intervalles réguliers, mention d'une
:
enfants dont Osée finit par s'apercevoir qu'il n'était pas le père et à
chacun desquels il donna un nom destiné à symboliser rinfidélité du
peuple d'Israël envers Jahvé, infidélité dont Gômer et ses bâtards n'é-
taient que de trop vivantes images (5). »
Mais c'est encore chez M. van Hoonacker que la théorie est le plus
développée, en même
temps qu'elle apparaît pour la première fois
étayée de quelques arguments. Voici ce qu'il dit au sujet du pre-
mier-né u Et elle conçut... Le lecteur se rappellera l'observation,
:
fante des fils à Nachor, ton frère (Gen., xxi, 20) ce sont là les huit fils ;
que Melcha enfanta à Naclior (ibid., 23); voici la postérité des fils
de Noé, Sem, Cham et.lapheth il leur naquit des fis après te déluge :
enfanta un fis (i, 3). — Peut-il encore subsister quelques doutes sur
le sens de ces formules? Et s'il n'est venu à personne l'idée de contes-
ter la paternité d'Abraham et de Nachor, de quel droit contester celle
d'Osée?
2. Mais le silence sur les relations conjugales du prophète n'est-il
pas significatif? —
Je laisse encore aux textes suivants le soin de
répondre. « Adam
connut sa femme, et elle conçut et enfanta Caïn...
Elle enfanta encore son frère Abel » (Gen., iv, 1, 2). L'enfantement
d'Abel n'étant pas accompagné de la mention des relations conju-
gales, conclura-t-on qu'Abel était illégitime? « Lamech prit deux
femmes : l'une s'appelait 'Ada et l'autre Sella. Et Ada enfanta Jabel :
il a été le père de ceux qui habitent sous les tentes... Sella de son
côté enfanta Tu])alcain,.. » (Gen., iv, 19-22). Voilà un texte singuliei' :
enfanta.
On jugera, à la lumière de ces textes, si la thèse de l'illégitimité
des enfants conserve encore quelque apparence de vérité.
Par contre, la thèse de la, légitimité repose sur les deux preuves
suivantes, qui, à la vérité, ne sont que les deux aspects d'un même
argument. La première se tire du sens naturel de ces versets Il alla :
et prit Gomer, elle conçut et elle lui enfanta un fils... Elle conçut en-
core et enfanta une fille... Elle sevra L6 ruliâmn, pnia elle conçut et
enfanta un fils. — Ces textes, fortifiés des citations scripturaires qu'on
A'ient de lire, me
semblent décisifs; ils ne permettent pas la moin-
dre hésitation ils donnent
: Osée comme le père des enfants de
Gomer. —
La deuxième preuve, toute négative, se tire du silence du
texte. Puisque les formules employées impliquaient normalement la
paternité d'Osée, si en réalité le prophète n'eût pas été le père de ces
CTifants, le texte n'aurait-il pas dû nous en avertir? Il l'aurait dû d'au-
tant plus qu'au dire des critiques rillégitimité jouaitpn rôle impor-
tant dans le symliole... Voilàdonc ces auteurs derechef condamnés à
sous-entendre dans un symbole un des traits essentiels. Nous avons
vu que M. Harper ne s'en trouvait pas gêné. 31. van Hoonacker ne lest
pas davantage. Il écrit « Non seulement il est entendu dès l'abord
:
(v. 2) que Gomer sera une épouse coupable, mais dans la suite du
Cela devait être ainsi à cause du rôle représentatif des enfants (1)\ »
enfants adultérins, n'est pas conciliable avec les versets 3-9, qui éta-
blissent la légitimité. Le sens d'enfants adultérins a donc été écarté à
bon droit.
C'est l'interprétation des anciens, saint Jérôme, Théodoret ;
plus
près de nous, de Cornélius a Lapide, dom Calmet; de nos jours, parmi
les catholiques, de Trochon, Knabcnbauer, Crampon, parmi les pro-
testants, sûrement de Gautier (2), peut-être aussi de Wellhausen et
de Nowack (3).
B. Symbolisme.
(2) « De cette union sont nés d'abord un (ils..., puis une fille..., enfin un troisième en-
fant, un fils » (op. cit., p. 462).
(3) Osée épouse Gomer qui lui donne trois enfants » iop. cit., p. 3).
(
(4) L'enfant porte exactement le même nom que la fameuse vallée, témoin des massa-
cres de Jéhu. Il faut garder cette identité dans les traductions, soit qu'on écrive Jizre'i-L
comme en hébreu, ou Jezraël, suivant l'usage plus reçu pour le nom de la plaine.
i08 HKVUE niin,l(.U)E.
dans la plaint' do .lizi'c fi, (|iii, aj)i('s avoir été le lien du ciinic, sera
aussi le lien du chAtinieiil.
CeUc vallée de Jizre'ol a donué bien du mal aux cttmmcnlatcurs.
imaginé, jadis, qu'avant de succomber sous les
('ertains n'out-ils pas
coups des Assyriens, en 1±1, Israël avait livre un combat mallieureux
dans la plaine d'Ksdrelon? i.a vraie solution nous est suggérée par le
symbolisme du style esehalologique, cher aux prophètes, dès qu'ils
viennent à parler des grandes catastrophes, nationales ou mondiales.
iMusieurs prophètes mentionnent des vallées où doivent s'accomplir
des événements pleins de mystères. Isaïe a sa ral/re de la vision,
•lérémie sa vallée d'Hinnoni ou dit carnage, Kzéchiel sa vallée des pas-
sants, .loël sa vallée de Josaphat , Zacharie sa vallée des montagnos,
tout comme Osée sa vallée de Jizre'él. Tantôt le nom de ces vallées est
purement imaginaire; tantôt il appartient à la topographie réelle de
l'époque, comme pour llinnom et .lizre'el. Sans entrer ici
c est le cas
dans tous les développements que comporterait la matière, on peut
dire du moins que, lorsque le nom est réel, il est choisi parce que
l'événement prédit a quelque relation avec le lieu désigné par ce
nom; mais on n'en saurait conclure que l'événement futur doive réel-
lement se passer au même lieu. Ainsi, Osée annonce que l'arc d'Is-
raël doit être brisé dans la plaine de Jizre.'ël, parce que c'est là, dans
la plaine histori({ue de Jizre'ël, qu'ont eu lieu les atrocités de Jéhu ;
idolàtriques qui souillaient le pays (v. 2)^ Tout le livre d'Osée énu-
fnève du reste les prévarications morales et sociales qui escortaient,
alors comme toujours, la défection religieuse.
Quant au châtiment, il est clairement annoncé : le royaume d'Is-
raël touche à sa fin; Jahvé ne lui fait plus miséricorde, ne lui par-
donne plus; il l'a répudié ; Israël n'est plus son peuple.
Par là même, les symboles des enfants se distinguent du symbole
de leur mère : celui-ci constatait u/t fait actuel : l'idolâtrie de la
1. Et Jahvé me dit : Une fois encore va, aime une femme qui « en aime » (2) un autre
et est adultère, de même que Jahvé aime les fils d'Israël, tandis qu'eux, ils se tour-
nent vers d'autres dieux et qu'ils aiment les gâteaux de raisin. 2. Et- je l'achetai
pour quinze sicles d'argent, un liomer d'orge et un léthék d'orge. 3. Et je lui dis :
1 Pour rinlerprétatioii des détails, voir van Hoonacker [op. cit., pp. 17-19).
(2) Les critiques (Nowack, van Hoonacker) préfèrent généralement la leçon massoréti-
que : aini'.'e d'un autre (171 niilN) à celle des Septante aimant un autre (àYaTtwffav,
:
n2~S;. Mais cette deuxième leçon, qui ne change que la ponctuation du mot, a l'avantage
.
Un REVUK lum.iorK.
A. Sij)nli()lc.
quelques-uns vont même jusqu'à dire qu'elle était devenue son es-
clave. C'est alors que Dieu intervient. Il ordonne à Osée de racheter
l'infidèle et de la ramener au logis, ce que le prophète exécute, non
de cadrer beaucoup mieux avec l'application. Les Israélites se tournent vers d autres
dieux, on s'attend donc a trouver dans le symbole une femme qui ne tourne elle aussi
illégitimement vers un boinme. Avec Marti, je préfère cette lecture.
(1) Op. cit., p. 117, 118. « Il est à noter dans tous les cas qu'Osée a cru pouvoir se dis-
penser de raconter dans quelles conditions Gomer se serait séparée de lui » (van Hoona-
cker, p. 33).
(2) Op. cit., p. 25.
LES SWreOI.ES DOSÉE. 411
pour ne retenir que le fond (jui leur est. commun à tous. M. Des-
noyers expose ces épisodes sous une forme attrayante « La femme :
qu'il (Osée) doit épouser symbolise les Benè-Israel qui se sont détour-
nés de Yahwè pour servir d'autres dieux. C'est une femme de mœurs
dissolues, adultère à l'éa-ard de son premier mari, infidèle envers son
amant. Il n'y a que deux moyens de Farracher à la honte l'aimer :
quelles repose cette théorie. Harper est de tous les auteurs celui qui
nous les expose avec le plus de clarté (2). — 1. La femme du chap. m
a d'étonnantes ressemblances avec Corner : toutes deux sont qualifiées
de courtisanes; toutes deux représentent Israël. 2. De plus le suffixe —
féminin du v. 2 je /'achetai, elle, se rapporte à une personne déjà
:
connue. —
3. Enfin, s'il était question d'une nouvelle femme, c'en se-
l'amour de Jahvé pour Israël..., il faut absolument {.so forihrt das mit
Nothwcndigkeil) que \?i femme soit la même que (iomer bath Diblaim.
S'il s'agissait d'une autre femme, qui eût été infidèle à un autre, mais
non pas à lui, comment, avec cet amour pour une autre femme, le
prophète pourrait-il représenter l'amour constant de Jahvé pour le
mémo Israël infidèle (3)? » M. van Hoonacker écrit de son côté « La :
tionde .fahvé avec Israël, ne répondrait guère à cette fin, s'il fallait
entendre que le prophète abandonna définitivement Comer, qui re-
pivsnilait Israël au cliap. i,pour sc.niarier avec une autre ionime (1). »
1)0 paivils ari;ameats, connue nu le pense bien, sout loin irètrc
(lécisils. — 1. Les analogies ne sout pas si étroites, qu'elles cMjuivail-
lont à lidenlité. Les deux femiucs ont en couiuiuu leur mauvaise vie,
elles représentent toutes deux Israël; mais jusijue-là elles j)cuvent
<^tre aussi bien deux personnes (ju'une seule. -i. Le suffixe ieminin —
du verbe achrlcr désigne une femme connue du lecteur; mais pour-
(juoi remonter jusiju'A Corner, au eliaj). i? Le suffixe ne peut-il se
rapporter à la femme dont il est (juestion au v. précédent (m, 1)? —
.{. Ouant aux prétendues nécessités du symbolisme, on remarquera
une fois de plus l'assurance de ceux (jui partent d'une réalité extra-
symbolique pour déterminer a priori la teneur du symbole (2), au
lieu d'étudier d'abord le symbole pour voir sous quel aspect la
femme, comme on n'eût pas manqué de dire s'il se fût agi de Gomer.
Nowack (3) essayait de justifier l'expressicm indéterminée une femme,
en disant que c'était là une formule de stupeur ou de mépris une ;
telle femme! Mais il n'a pas été suivi et ne pouvait guère l'être.
—
2. Ce qui achève de dirimer le débat, c'est le moljar ou somme versée
par le prophète pour acheter celte femme, ce qui n'avait lieu que
dans les contrats de mariage. On ne rachète pas sa femme, on la
ramène purement simplement au logis, si elle l'a déserté. Et puis
et
c'eût été un comble; pas aux parents de la femme ils n'avaient plus :
Otte fois van Hoonacker et Marti observent avec raison que la loi
interdisait au premier mari de reprendre sa femme répudiée et re-
mariée. Et tout porte à croire que cette loi, consignée Deut., xxiv,
1-i, Jér., ur, 1, représente une coutume fort ancienne. Concluons :
décédée. En somme, la chose importe fort peu, car les deux récits
sont indépendants et, avec les récits, les symboles.
On ne peut une mention spéciale au sys-
se dispenser d'accorder
tème ingénieux de iM. Lucien Gautier. Pour lui, le chapitre ne serait m
qu'un doublet du chap. i. « 11 nous semble, écrit-il, que ce chapitre
(où Osée parle) (1) est la forme primitive, autobiographique, du
récit, et que les ch. et ii (où il est parlé d'Osée) sont un dévelop-
i
(1) Le cbap. m.
(2) Op. vit., |>. 406,
414 iiKvri: mi{i.iQi!i:.
prouve que dans Tantiquité on ne songeait pas que le cliap. pût ètn' m
1(> doublet du chap. i. Si le mot est d'Osée, la cause est entendue s'il est ;
tron({ué. Ainsi l'épreuve que doit subir la femme d'Osée (m, 3) et qui
est unirait important, étroitement lié à la donnée générale, a peut-
être figuré aussi dans le chap. ii, où le v. 13 en conserve la trace (1). »
— J'avoue que je ne sais pas voir dans le v. 13 (11 de la Vulgate)
le moindre vestige de l'épreuve indiquée. Mais cette manière de
préjuger la teneur originelle des textes d'après un système d'har-
monie préétablie, s'inspire-t-elle d'une méthode respectueuse et objec-
tive? A ce compte, à force de coupures et d'additions, et avec un peu
d'exercice, n'importe qui peut se flatter de trouver n'importe quoi
n'importe où. — i. Enfin, reproche plus sérieux encore pour qui
comprend bien la vraie nature des paraboles et des symboles, la
théorie de M. Gautier, en fusionnant les deux récits, fusionne deux
symboles en réalité fort distincts. y a là deux leçons bien différentes
Il
ne serait pas aussi soigné que les précédents, comme il arrive aux
morceaux secondaires; le fait que les Israélites aiment d'autres dieux
(m, 1) contredirait le chap. ii où les Be'alim ne sont pas des divinités;
lu, 1 s'adresserait uniquement à Israël tandis que les chap. i et ii
viseraient tout le peuple (1). D'autre part, Marti a ceci de très curieux
qu'après avoir interprété l'histoire de Gomer comme une réalité, il
s'il est vraisemblable que i, 4 ait pu être jamais compris par un auteur
conviendra avec M. Desnoyers que, si l'on peut faire fond sur ce mo-
deste prix d'achat, Osée « ne songeait guère à se marier dans les
hautes classes de la société (1) ».
tout au plus avec promesse de l'épouser quelque jour. Ils sont con-
duits à cette opinion par un scrupule philologique doublé d'un scru-
pule théologique. Puisque la femme est qualifiée adultère, c'est
donc quelle était déjà mariée à un autre; par suite, Osée ne pouvait
l'épouser, sous peine de commettre lui aussi un nouvel adultère. On —
répond que le infamant infligé à la femme {T\'^mr2), bien
qualificatif
f///)ii<s fjiual tudli jiuKjiiliir oDininu ri aùs</nc coi tu iiinrilali si/ (1).
à personne, le texte porle : /:/ 7)ioi à loi ("TiSn iJS'-Dai); il est mani-
feste, disent-ils, ([ue le texte a souH'ert. (Comment le restituer dans sa
teneur primitive? NoN\ack, après Wellliauseu, jjropose délire : Et moi
non plus jr n'irai /uis vers t(»i, en y intercalant deux siniples mots :
NizN i'^. ^laiti préfèie ne rien ajouter, mais pour lui, les derniers
mots doivent être lus : Et moi non phisyV ?ie serai pas à toi, moi non
plus, je n'existeiai pas pour toi (da auch ich uicht cxistiere fUr
dich) (-2).
termes vagues? Croit-on que ces termes suffisent à traduire cette pen-
(l.In III, 2.
I
LES SYMBOLES D'OSÉE. 419
et moi non plus je ne serai pas à toi. Pour oljtenir cette énonciation,
(jui est le contro-pied de celle du texte, on a recours à des opérations
arbitraires... Ce ne sont pas les rapports avec l'époux qui étaient
visés par ces paroles... Il nous parait évident <|ue la mesure vise exclu-
sivement les rapports avec d'autres hommes que l'époux... (1). » Il
tions conjugales avec son mari. Cela seul importe, car, en exégèse
symbolique, les textes seuls comptent; les sous-entendus ne servent
de rien, si ce n'est à brouiller le symbolisme.
Il temps de conclure A s'eji tenir aux indications du symbole,
est :
B. Symbolisme.
et est adultère, de même que [2), c'est-à-dire pour marquer que Jahvé
aime toujours les Israélites, bien qu'ils se tournent vers d'autres dieux
et se livrent àdes pratiques idolàtriques. Le premier symbole signifie
donc que Jahvé aime toujours son peuple malgré son idolâtrie obs-
tinée. Les auteurs qui prétendent que le verVje aimer n'a pas ici le
sens àHépouser, n'ont pas observé, d'abord c[ue le sens à'épjouser est
réclamé par le v. 3 où il s'agit des négociations matrimoniales,
|
(2) C'est lui qui souligne. Supposé par qui ou par quoi ?
(3) Ibid.
LES SYMBOLES DOSÉE. 42i
soin.
La deuxième partie est réputée plus difficile. Il importe ici de ne
pas perdre de vue les principes d'exégèse symbolique. Ainsi qu'on
ressort du v. 3 que la nouvelle épouse doit s'abs-
l'a éta])li ci-dessus, il
cation, parce que rien ne le prépare soit dans la première soit dans
la dernière partie du symbole. On pourrait d'abord croire que les
premiers mots du v. 1 lui correspondent : Va, aime une femme; mais
comment cet amour, qui précède
mariage et le motive, pour-
le
correspondre stjmboliquemenl au retour d'I^aël, qui ne doit
rait-il
extrasymbolique.
Pour résumer, ramenons le symbole entier aux deux termes d'une
comparaison :
Fontarabie.
Denis Buzv S. G. J.
Il
Soden, dont fédition repose sur des principes tout à fait nouveaux,
régissant un matériel de manuscrits plus considérable.
Or les différences sont très minimes. L'épître aux Galates étant très
courte, il est aisé de s'en rendre compte. Dans le tableau qui
suit,
crochets ne sont pas donnés comme certains par les éditeurs. Il n'est
(9)'— 19 av : eu.
(15) — 25 c£ : vap.
(5), (6), (7), (8), (14), (15), (16), (19), (20), (21), (22), (23), (25). Plu-
sieurs sont de simples inversions sans aucune importance (2), (5), :
(7), La
(8). Vulgate, par où nous entendons l'édition mineure de
Wordsworth-White (1), va avec Nestlé pour (1), (2), (3), (6), (16),
(19), (23),(25),avecSodenpour(5),(7), (8), (14), (15), (20), (21), (22).
Or, sans prétendre discuter ici ces variantes en détail, qu'il soit per-
mis d(i dire que la Vulgate a une leçon que nous estimons la meil-
leure danslesn°«(5), (8), (14), (15), (20), (21), (22), (24). Dans les autres
cas, ses variantes demeurent plausibles, de sorte qu'elle peut bénéfi-
cier du doute, et qu'il ne doit pas être question de modifier son texte
(1) Cette éd. minor ne din'ère de la Vg.-Clétn. que pour (G), (25).
.
(juand Soilcn et Nostlo sont cii désaccord. S'ils sont d'accord, nous
deinanilcrions à [H'éfcrer oncoïc la leçon de la VuliJialo sur l'omis-
sion de Agar (^iv, -25) ; ce point tivs dclicat devrait ôtre réservai (1).
Mais, dans tous les autres cas, la Viilgate Clémentine stagnerait certain
nement à être rapprochée du texte grec criticpie, d'autant que dans
certains endroits où le texte grec n'a jamais été et ne peut j)araUre
douteux, elle s'en éloigne au détriment de la précision du sens. Ce
rapprochement, il est vrai, est opéré déjà par l'édition mineure de
WordsNNorth-White, on vertu du seul examen de la tradition latine
manuscrite. Mais le résultat obtenu est trop médiocre pour qu'il y ait
un espoir fondé d'arriver à une traduction plus conforme k l'original
par la seule tradition diplomatique. C'est ce qui résultera des listes
suivantes, conçues sur le même plan que pour l'épître aux Uomains.
Oui. signifie donc encore ce que >V\V. (Wordsworth-White cd. min.)
omettent; del. ce cpii devrait être rayé dans la Vg.-Clém.; add. ce
<|ui est en plus dans \VW. ou serait à ajouter à la Vg. Le mot placé
devant 1. (loco) est celui que WW. mettent à la place de celui qui suit
1. Le mot de la Vg. placé devant un trait (— pourrait être remplacé )
par celui qui suit ce signe; a. est ante; p. est posé; 1° o/^^i primo
loco, etc.
Première liste.
— om. meos.
II, om. aliquid
-1 esse.
— G om. aliquid esse 2°.
— 7 om. et.
— iï non iudaice
et non iudaice.
vivis 1. vivis et
— 18 haec iterum iterum haec. 1.
— 3 coïisummamini consummemini 1.
(1) On pourra voir sur ces points notre commentaire de l'épître aux Galates.
.
— 6 noslra vestra. 1.
— a monte in monte.
24- 1.
— 13 om. Spiritus.
— 16 desideriian desideria. 1.
— 17 om. sibi.
— 19 autem sunt sunt aiitem hnpudicitia.
\. ; oTCi.
Deuxième liste.
ThOISIKMF I.ISTK.
— 13 expugtiabam — vas/abam.
— 15 ut revelaret — revclare.
— IG non acfjuievi carni el sangui/ti — non contuli cu7n carne et
runt apostoli.
— 18 vider e — viser e.
— 19 vidi — non ridi (Xug.).
neminem
— 22 erant — sunt.
— 23 andituui habebant — audicntes erant; expugnabat — vasta-
bat.
carne consumamini?).
— i si)ie causa —
frustra; au lieu de si tamen on proposerait
siquidem; mais le sens est controversé; sine causa —
frustra.
— o an — aut.
— G reputatum est illi ad iustitiam paraît moins bon que depu-
tatum est ei in iustitiam (Tert. Monog. vi).
— — cognoscitis
7 cognoscite controversable. (Jér. etc.),
—
— 9 benedicentur benedicuntur.
— 10 permanserit — permanet.
— 11 — vivit vivet.
— li in gentibus — in génies.
—^15 spernit — abjicit (ii, 21).
— 16 adde autem.
— 17 confirmaium — antea confirmation.
18 repromissionem — promissionem, comme dans les autres
'
cas.
— 19 posita — apposita ordinata —
est est; lata.
— 21 promissa — promissiones.
— in Christo — in C/wistum.
• 2i-
— 20 confundor — haesito.
— 21 — audilis.
legistis
— 23 repromissionem — promissionem.
,30 HEVUE lUnLH.)lJK.
<U servit— nu
serri/ tu.
vertunt (Tert.).
— 13 detis — om. Jér.); carnis — carni
(cf. (Jér.).
— 18 (juodsi — autem.
si
21 consequentiir — haereditabimt.
— modestia — om. huiusmodi — talia. Pour les « fruits )>
23 ;
expresse).
VI, 1 instruite — perficite (Jér., correction expresse) ou reconcin-
nate (Bèze).
_ j^ sic— tune; rjloriam — gloriandi materiam; in semetipso —
in sonetipswn in altero r—in allerwn.
;
VI, 17 de celero —
posthac; nemo mihi molestiis sit labores —
mihi nemo exhibeat (Jér. correction expresse).
On voit (jue cette liste contient très peu de mots à omettre. Le
principal nettoyage des additions peut se faire par l'examen des
meilleurs manuscrits; de même pour l'ordre des mots, comme calque
du grec. Le plus grand nombre des corrections proposées regarde
le sens. On ne nous reprochera pas de préférer nos élucubrations
à une version ancienne et sûre. Presque tous les changements sont
empruntés au P. Cornely, qui est lui-même un interprète autorisé
de l'exégèse catholique. Dans quelques cas, l'opinion n'est pas
unanime; le plus souvent il n'y a aucune hésitation. Quelques nuances
n'ont pas grande importance ;
mais certaines traductions de la Vulgate
sont trop éloignées du texte sacré, et avec évidence de ce texte,
comme lorsqu'un temps de verbe est rendu par un autre. Parmi les
changements les plus souhaitables on peut signaler : i, 3. 13. 16. 22.
23; 11, 2. 6. 9. 10. 18; m, î). 11; iv, 8. 13. 16. 18. 21. 25; v, 1. 4. 9.
11. 13; VI, l'V. Et pour citer les exemples les plus graves, il n'est
pas sans intérêt de mettre au présent, et non à l'imparfait, tout ce
qui regarde les « colonnes » ou les « notables » avec lesquels Paul
a conféré à Jérusalem (ii, 2. 6, etc.) ; la leçon boniim aemulamini (iv, 18)
est tout à fait à côté du sens. Au nom de l'esprit conservateur et
traditionnel, on peut soutenir que le texte doit demeurer intangible;
il ne risque de tromper que ceux qui ne lisent pas les bons commen-
l'épître an\ (lalates est un terrain très favorable pour observer la posi-
tion d(> Jérùme. Cette étude a été laite par Corssen (2), mais outre
([ue son ouvrage, (|ue je connais uniquement par la citation de doni de
liruvne, est en ce moment bors de portée, la {itiblication de l'édition
mineure de White est un fait nouveau sur l'un des deux termes de
comparaison, la Vulgate. Non que les cboses soient tout;\ fait au point,
puisque cette édition n'indique pas les autorités manuscrites, et
Saint Jérôme cite par parcelles tout le texte latin qu'il commente.
Puis il nous a paru avanta-
fait parfois ses réflexions sur ce texte. Il
Première série.
Cephas et loannes.
— 11 Petrus [Petrus Cephas F' Petrus a. 1. et F~) I. Cephas.
— 1'* add. et (avant ce^en), avec le grec et a. 1.; illa simulatione
(avec a. 1. et WW.) 1. in illam simulationein.
— li recto pede incedunt (a. 1. recte ingrectiuntiir) 1. recte ambii-
larent; Petro [Petro Ceph. F^ Petro a. 1. et F-') 1. Cephae;
gentiliter et non indaice vivis (avec WW.) 1. gentiliier vivis
et non indaice (a. 1. om. et non iudaice).
— 16 credidimiis (avec a. l. et F'~) 1. credimus; in [fide) 1. ex mais
le commentaire dit ex (a. 1.).
s,eipsîim L se.(WW.); a.
— 16 repromissiones 1. promissiones a. I.
visiis); ?nagis (a. 1.) auiem (a. 1.) cognili {a. 1.) ab eo (a. J.
Deo) 1. immo cogniti sitis a Dm; rursum (a. 1. rursûs) 1.
denuo.
— 1-2 add. (a. 1.) et a. ego W
— 14 add. quae erat (a. 1. om.) a. m carne.
— 15 potuisset (mieux suppléé) 1. posset [di. l.i.
10 quia 1. quod (a. 1.), mais aussitôt après le même texte estcité
avec quod.
11 om. adhuc 1° (avec quelques mss. grecs, a. I, Vict. Ambrst).
— 13 om. spiritus (avec WW.); a. 1. sjnritu.
16 desideriu?7i (avec WW.)1. desideria ; di. 1. concupiscentiam.
— 17 sibi avec Vg.-Clém. (WW. a. 1. om.). ;
— 15 om. m Christ enim lesu (avec grec) (add. a. 1.); est {a. 1. et
grec) 1. valet.
— 17 add. Doinini (a. 1. et Vg.-Clém. i.
Deuxième série.
être introduite.
II, 2 Id quod supra latin us interpres acquievi àixev^i in go \oco
ubi scriptum est : Continuo non acquievi carni et safi-
magis intelligitur.
7 Comme la Vulgate, puis Id quod nunc latinus posuit inter-
:
Sixtine).
siiig-en [v), soit, pour les (lalates, d'après Sodcn, ii, ô-iv, :î; vi,
0-17(1).
0\\ d'après une collation assez restreinte, Soden conclut nette-
ment pour l'unité dn toxlc latin type de d-g m w r; h tout le moins
il ne voit aucune raison de supposer deux tradnctions dans l'ancienne
latine {'2 .
'
r e
(1) La première série, publiée par Ziegler Ilalufragmenle der Paulinisclien Bricfe,
:
maire de Zahn, exégète trop original pour être très sur, mais con-
naisseur hors ligne des textes chrétiens anciens « Le texte latin qu'il :
(1) Pour le I
'
ch., voir la note p. 450.
semble, dit-il en substance, que jér(^me ne s'est pas cru lié à sa propre
édition. —
en tant qu'elle était déjà publiée, mais qu'il a dicté —
un texte qu'il revisait librement d'après le texte grec et sous l'in-
fluence descommentateurs grecs.
Nous croyons, en ell'et, que Jérôme ne s'est pas tenu très étroitement
VI, 3.
On le voit même, lorsque les termes latins étaient à peu près syno-
nvmes, mettre un mot pour un autre, comme lorsqu'il met contes/or
dans le texte et glose ^diVtestificor, qui est le mot de la Vulgate (v, 3);
de même pour mansuetudinis et lenitatis.
Mais cela suffit-il à expliquer l'écart entre son texte et celui de la
Vulgate?
Nous ne le pensons pas. Et d'abord, si Jérôme avait publié deux
ans auparavant une édition revue desépîtres pauliniennes, est-il con-
forme à ce que nous savons de sa psychologie qu'il se soit tu de cette
recension dans son conmientaire, et qu'il l'ait traitée avec tant de
désinvolture?
A argument de l'ordre moral, on peut en joindre un autre.
cet
L'hypothèse est que Jérôme a publié une révision qui serait notre
Vulgate. Et il est constant que notre Vulgate est en quelque manière*
à la base du commentaire de Jérôme. A moins de so^jUr de tout rai-
sonnement plausible, il faut admettre que Jérôme a commenté sa
révision, s'il en avait fait une. Dans ce cas son texte serait nécessaire-
ment plus pur de toute contamination avec l'ancienne latine que tout
autre manuscrit de la Vulgate.
Or ce n'est pas le fait. Donc il n'a pas commenté une révision qui
fût son œuvre, ou cette révision n'est pas encore la Vulgate.
On sait, en effet, que les manuscrits d'une révision sont naturelle-
(1) J)er Brief des Paulus an die Galater, 2' éd., 1907, p. 23.
LA VUlJiATE LATINE DE L'EPITRE ALX GALATES ET LE TEXTE GREC. 44o
praetereundiim videtur (v, 7), melius igitur et ver lus sic legitur (v, 8).
Il u'a donc pas sous les yeux
une recension qui s'impose à lui pour le
texte. Combien moins encore respecte-t-il le traducteur! M. Mange-
not (2) et le R. P. Durand (3) ont encore recours à la solution d'une
seconde correction de l'ancienne latine. Jérôme aurait d'abord corrigé
(en 38i) d'une manière très superficielle. Il aurait complété son tra-
vail en écrivant son commentaire. L'hypothèse ne peut être exclue
a priori, mais parait bien peu vraisemblable quand on lit les textes.
Jérôme a en face de lui non pas son œuvre à lui, mais l'interpres
latinus auquel il ne ménage pas les reproches. Ce ton détaché vis-à-
vis d'un texte qu'il aurait donné au monde chrétien serait déjà assez
étrange, mais il serait plus étrange encore que Jérôme ne se soit pas
expliqué, n'ait jamais'dit qu'il avait déjà amélioré un texte si fâcheux.
Dans cette hypothèse, le Commentaire serait une révision autorisée
(1) CorneJj l'a cru par erreur, comme on l'a indiqué plus haut sur v, 9.
(2) Snint Jérôme ou Pelage éditeur des épUres de saint Paul dans la Vulgate, extrait
de la Revue du Clergé français, V
avril et 1" mai 1916.
(3) Recherches de sciences religieuses, oct.-déc. 1916.
444 REVl'E BIHl.IOl'E.
lisent : illi legant, lui lira autrement : nos legamus. Même à prendre
les choses ainsi, personne n'a le droit de conclure que Jérôme ait fait
une édition des épitres paulines parce qu'il avait manifesté dans trois
cas ses préférences. M. Mangenot éprouve le besoin de consolider un
peu l'argument « Nos legamus de saint Jérôme correspond à illi
: :
(3) L. c, p. 7, note 2.
',V6 HKVIK MIBLlglF.
chacun le sait, n"a pas encore fait jusqu'ici une édition grecque des
Kvangilos (1). »
leçons qu'il a préférées. Mais d'abord ses détracteurs ne s'en sont pris
qu'à son édition des évangiles : (tliqiia in cvangeliis emeiidare ten-
taverim. Gomment pourrait-il les mettre dans leur tort en leur faisant
part des leçons qu'il a choisies dans saint Paul? Et aurait-il fait tant
d'honneur à ceux qu'il nomme tout uniment des Anes à deux pieds?
Non, c'est à Marcella qu'il s'adresse, il a commencé à se fAclier. et il
défense des vierges. Ce sont donc là les véritables griefs contre lui,
et la critique biblique ou l'esprit traditionnel n'est qu'un prétexte. Mais
enfin puisque ces ânes veulent s'attaquer à lui sur ce terrain, a oyons
donc leurs variantes, et celles que préfère Jérôme! Illi legant, spe
gaudentes, tempori servientes; nos legamus spe gaudentes, Domino
servientes (Rom. xii, 11). Uli adversus presbyterum accusationem
omnino (2) putent recipiendam; nos legamus : adversus jjresbyterwn
accusatio7iem ne receperis, nisi sub duobus, aut tribus testibus; pec-
cantes autem coram omnibus argue (I Tim. v, 19). Illis placeat uuma- :
Nus serrno et omni acceptione dignus; nos cum graecis, idest, cum
apostolo, qui graece locutus est erremus fidelis sermo , et omni acce- :
ptione dignus (I Tim. i, 15 et iv, 19). Puis la plaisanterie sur les che-*
vaux châtrés et le petit âne de Zacharie, ce qui donne la clef du tout.
(1) L. c, p. :,-
^2) C'est la leçon des rass. conservée à bon droit par Vallarsi. Faute de comprendre l'al-
lusion à ses détracteurs, M. Mangenot après dom de Bruyne a corrigé (avec un mss.) comme
s'il y avait nnllaia omnino.
LA VULGATE LATINE DE L'RPITRE AI X CALATES ET LE TEXTE GREC. 447
der humanus sermo a jamais figuré dans un texte latin pour Tuiaxi;?
si
une édition supprimait nisi suh duoh\is, aut tribus testibus? dans
et si
ce cas Jérôme se garde de citer un texte biblique. Et au contraire la
Vulgate n'a pas i\e recepcrù, mais noli recipere ; autemn-Y ^'.-ure pas,
et a été ajouté ici par Jérôme de son cru afin de mettre plus d'opposi-
tion entre deux procédés. Qu'on cesse donc d'alléguer l'épitre à Mar-
cella pour prouver que Jérôme avait publié une révision de l'Apôtre
en 383 On n'aura plus aucun malaise à constater que le commen-
!
of St Paul,
The Character and History of Pelagius, Commentary
on the epistles
(4)
mars 1916, dans les Proc. brit. Ac, vol. VII, p. 3 olfers a text,
communication lue le 15 :
than is to any Old-Latin text ot wich we hâve knowledge. Yet every now and
Vulgate it
I.A VULGATE LATINE DE LÉPITRE AUX CALATES ET LE TEXTE GUEC. 449
again Pelagius is assuredly commenting on a reading which according to the best of oiir
knowledgc is not, and cannot be, Ihe Vulgate readiiig {The character etc., p. 2).
(1) Commentaiie de l'épilre aux Romains, p. i.\x.
nuinerari possuni, lalini autem interprètes nuilo modo. Il enim cui(|uam primis (idei
temporibus in manus vénit codex graecus et aliquantuhim facultatis sibi utriustiue linguae
REVUE IJIliLIOUE 1917. —
N. s., T. XIV. 29
4;,o
HKVUK lUlîLinl'K.
c'est ce texte que Jérôme aurait repris pour on faire la Vlll^ate (1).
Nous reconnaissons volontiers qu'il subsiste l)oauct)up do doutes
ces notes, (jucl que soil
sur ces points. Mais pour conclure toutes
l'auteur de la Vulgate, on voit qh'elle fut au terme
do nombreux
la plus reçue dans TÉglise. Et
ell'orts pour perfectionner la traduction
— K) eu m eura iilum
II
Nous l'avons au début de cette étude les écrits que nous venons
dit :
trophe de 587.
4:;2 HKViii!: himmouk.
1° Les de MIS.
rportes
il
n'iiiu^ pi\rt, le roi, sa iiiôic, ses femmes, ses eunuques, les princes,
les guerriers, des artisans, des forgerons (i); de l'autre, des anciens,
des prophètes, des prêtres, des homiue^ appartenant au « reste du
peuple >>
(2) : tels furent les éléments de la population judéenne qui, ^i
tivité, avec les censures qu'il dirigera contre eux (3). Retenons que,
soit parmi les princes et les anciens, soit dans les autres
classes de
tantôt primitives,
la nation, il y eût des âmes qui, tantôt cultivées et
étaient entièrement attachées à la foi traditionnelle telle que les
liomnies de l'esprit s'efforçaient de la faire revivre. Bref, chacun des
divers milieux entre lesquels se distribuaient les captifs allait fournir
des éléments au groupe fidèle; mais dès l'origine ce groupe, que
la
suite des événements devait encore réduire, était loin d'englober toutes
Des siècles se sont écoulés qu'on saisit encore l'empreinte de son âme;
longtemps après l'exil, le psautier insère des hymnes destinées à ser-
vir d'expression à la piété populaire et toutes pénétrées de la
prédi-
parler, je ne suis qu'un enfant (2) » Dieu eut beau le rassurer il fallut
! ;
princes, ce sont les prêtres qui se conjureront contre lui et lui feront
la guerre. A la vérité ils ne prévaudront pas, « car je suis avec toi
pour te délivrer (4) ».
si tu ne veux mourir de notre main (2). » Son angoisse a été vive. En des
Pasliùr et par lui mettre aux ceps dans la Porte Haute de Benjamin,
qui est dans la maison de Yahweh (7). Enfin quand, en l'an i de Joa-
chim, il rédigera le rouleau des oracles que depuis vingt-trois ans il
aura prononcés en Juda, c'est à son secrétaire Baruch qu'il donnera
mission d'aller les lire au Temple (8) : tant est vive l'oppposition à
laquelle il se sent en butte !
lualgi'é sou iimoccnce, Dion laisse les coups les plus rudes sabattrc
sur lui l). Le spectacle (le la prospérité des méchauts ses adversaires —
— al)outit à uu outraste qui Icxaspère ['2). Il rai)pellc à Valnveh (juo
(
c'est pour lui (|u il porte l'opprobre, pour lui qu'il s'est séparr du
peuple iusoiiciaut et que, sous sa niaiu, il s'est assis solitaire, tout
riMupli de courroux (3). A certaines heures, il est près de croire que
Vahwoh est pour lui un de ces ruisseaux trompeurs, aujourd'hui
iioutlés des pluies d'orage et qui demain refuseront la moindre tlaque
d'eau au voyageur épuisé {k). H en vient — Job reprendra ce langage
— à maudire le De chacune de ces crises
jour de sa naissance (5).
souvient que, dès que son Dieu lui a conuuuniqué ses paroles, il les
jusqu'à cette heure en avait été l'élément principal. C'en était fait
des sacrifices, des pèlerinages, des cérémonies somptueuses qui ne
pouvaient se dérouler que dans le grand sanctuaire et qui, plus que
tout le reste, contribuaient à donner au culte son caractère national.
peu dassistei' au\ ôvolutioiis d'un clcrj;r c[u"il .ju.^e drgradc, sa piété
persounellc n'est pas pour autant ou soullrance. Loin de là. Sou
livreuous le dit aucune autre Ame de voyant ne s'est épanchée
:
nous nous mouvons en lui uous sommes (2)! » Et c'est ce qui exjdique
;
(1) Is., VI, ïl; XXII, 4; Ez., IX, 8; XI, 13; etc.
(2) Act., xvn, 28.
rs} Jer., xvn, 5-8.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. . 439
au milieu de ce peuple sur lequel son nom est prononcé; que, pour
l'honneur de son nom, il mette un terme au châtiment et à l'é-
preuve (iH... La réponse ne se fait pas attendre et elle est double. Pour
le peuple, c est un message dans lequel Yahweh déclare qu'il ne met
plus son plaisir dans les enfants d'Israël, garde seulement,
qu'il
indélébile, le souvenir de leurs crimes (5). Pour Jérémie, c'est une invi-
tation à ne plus intercéder en faveur de Juda ni oraisons, ni jeûnes, :
n'y avait qu'à écouter les paroles authentiques de Y^ahweh. Aussi les
auditeurs seront-ils enveloppés dans le même châtiment que ceux
qui les ont déçus (7)... Rien à faire, semble-t-il, et Jérémie n'a qu'à
tournerait pas vers ce peuple (9) » Bref, il y a dans cette prière un tel
!
(1) .Ter., XI, 20; xil, 3, 4; xvii, 18; Wiil, 19-23: A\. 11-13; etc.
(2) .1er., iv.lO, 19-21; vu, 16-19; vui, 18-I\, 1; xii. 1-6.
On le comprend sans [»eiue. (irande devait être sur les Ames l'in-
tluence dune piété si haute
communieative. Les disciples
;\ la fois et si
trêve, d'un répit. Mais elle a été éphémère. Rejoignant, par delà le
règne du pieux roi, les prévarications du temps de Manassé, les désor-
dres que Joachim tolère et encourage ne permettent plus d'illusion :
peuple; je suis dans le deuil, l'épouvante m'a saisi. N'y a-t-il plus
assez clair :1e prophète est affligé de voir son peuple dans le malheur.
Faut-il song-er à des sens plus profonds? Jérémie se considérerait-il
conmie portant, dans cette peine même, le châtiment des crimes com-
mis autour de lui? Irait-il plus loin encore et verrait-il en sa propre
douleur une part de la rançon d'Israël? Se regarderait-il comme la
victime des iniquités de la nation et comme une victime expiatoire?...
On peut affirmer d'abord que rien, dans ses paroles, ne rappelle les
accents par lesquels, en Is., xl-lv, le prophète exprime le pouvoir
rédempteur des souffrances du peuple exilé, avant de concentrer son
attention sur la puissance cxpiatrice des épreuves et du supplice du
Serviteur individuel de Yahweh. Il est plus difficile de dire si, dans ses
propres calamités, dans celles-là même qui trouvent leur explica-
tion en son ardent patriotisme, il voit pesant sur lui une part du
châtiment national; il serait difficile, à ce qu'il semble, d'alléguer des
pression des points par lesquels ils ont contact et se ressemblent. Les
thèmes généraux culpabilité d'Israël et de Juda, châtiments abou-
:
Une idée dominante se fait jour dès l'origine. Elle n'est pas neuve,
héjà, par la bouche d'Amos, d'Osée, d'Isaïe, Yahweh a manifesté que
son action, loin d'être confinée dans les limites du seul peuple d'Israël
et du sol de Palestine, comme celles des autres dieux sont restreintes
établi par lui •> sur les nations ri sur les royaumes ». Il devient coniiuo
la représontalion vivante du pouvoir universel de Yalnveh; ce pouvoir
universel est (ju'il peut s'exercer pour l)àlir
d'ailleurs si absolu
et pour planter, tout que pour arraclier et abatire, ruiner et
aussi bien
détruire (IV Ainsi donc, au moment où .luda va être témoin des plus
grands bouleversements de peu[)les que ranti(]uité ait connus, à
['i) Jer., II, 13; i\, 13, 14; Xili, 25; \vi, 11; xvili, 13-15; xui, 9; X\v, 3-7.
jamais leurs dieux, qui pourtant ne sont pas des dieux (1) !... Or, celui
que les descendants de la famille de Jacob" ont délaissé, c'est le seul
vrai Dieu, c'est le Tout-Puissant; c'est en outre celui qui les avait
comblés de toutes sortes de bienfaits. Leur péclic est une rébellion
orgueilleuse envers le maître souverain dont ils veulent secouer,
briser le joug (2); c'est une infidélité envers celui qui a traité la
nation comme une épouse bien-aimée (3), une ingratitude envers celui
qui leur a multiplié ses dons et auquel ils tournent maintenant le
dos (4).
Mais en faveur de qui donc cet abandon si coupable? Reprenant
plein jour dans les sanctuaires qui couvrent le pays, tantôt établis
sur les hauteurs et tantôt profitant de l'ombrage des arbres et des
bosquets sacrés (10) à ces cultes dont on ne sait au juste s'ils s'adressent
;
(3) Jer., VI, 20, 21; VII, 21, 22; xi, 15,
fait avant 622. Pas n'était besoin qu'il se rappelât alors les essais
de purification tentés par Ézéchias (13); les désordres parlaient assez
d'eux-mêmes. Mais quand, sous le règne de Joachim, il reprend le
même motif, nul doute qu'il ne s'inspire alors et de ses sentiments
personnels et de la loi promulguée par Josias : les fautes qu'il cen-
d'Ézéchiel
signification au regard des exilés, il faudra que l'action
vienne compléter celle du voyant d'Anathoth.
C'est beaucoup de retourner sous toutes ses formes le
péché de.tuda.
Sophonie confirmera à cet égard les déclarations de Jérémie. L'ar-
les scandales
rière-petit-fils du roi Ézéchias s'élève à son tour contre
des impies (i), détournent de Yahweh (.")) et, lohi
contre ceux cfui se
(4) So., I, 3.
(5) So^rl, 6.
(6) So., 1, 4.
(7) So., I, h.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 40!»
plus que des fanfarons et des imposteurs (6); le peuple n aura qu'à se
laisser entraîner par tous ces néfastes exemples. Le verdict de Jérémie
n'est pas moins compréhensif. Dès l'origine sa vision d'horreurs
englobe tout le pays, rois, princes, prêtres, peuple; ils sont tous
coupables Tous ont été infidèles (8), déclarera-t-il bientôt après;
(7).
du plus petit au plus grand, enfants, jeunes gens, mari et femme,
vieillard et homme chargé d'années, tous excitent la divine colère (9).
Jérusalem serait graciée si on y trouvait un seul honmie faisant le
bien; mais on a beau chercher, il n'y en a pas (10). La corruption
humbles qui ne connaissent pas la loi de Yahweh; mais,
atteint les
pour la mieux connaître, les puissants n'en sont que plus coupables,
puisque tous ensemble ils ont rompu le joug et brisé les liens (11).
Il n'y a pas à en être surpris. Les chefs sont à leur tête sur le che-
min du mal. Les rois d'abord, ces pasteurs stupides qui, pour n'avoir
pas recherché Yahweh, vont bientôt voir leur troupeau dispersé (12);
ce Joachim, inique et cruel (13), dont Jéchonias ne saura par sa
propre conduite désavouer les forfaits (14). Mais aussi les chefs
spirituels. Du prophète au prêtre, en effet, tous pratiquent le men-
songe (15). Dépositaires de la Loi, les prêtres ne connaissent pas les
véritables exigences du législateur (16) et s'arrêtent tout court aux
minuties routinières du rituel. L'attitude des prophètes est bien plus
funeste encore. Leur rôle était de porter au peuple la parole de vérité
(ju'ils tenaient directement, de Yahweh. Et les voilà qui se divisent
(3) So., 1, 4.
(4i So., I, 5.
(11) Jer., \, 4, 5.
(12) .1er., \, 21; cf. II. 8.
i
470 REVUE BIBLIQUE.
8'';
(1) Jer., II, xxiii, 13.
royaume du Sud a été témoin des fautes de Samarie et elles ne lui ont
pas inspiré de répugnance (7)... Il a été témoin du châtiment qui a
frappé les coupables (8) il a vu Yahweh répudier le peuple prévari-
;
(7) Jer., m, 6, 7.
(8) Jer., m, 8.
(9) Jer., m, 9, lo.
le même esprit, celui des ancêtres pervers, qui domine. Aussi toutes
puisse lui être accordé. Avec son âme très sensible, son cœur très ten-
dre, son patriotisme très ardent, le fils dllelcias seml)leraittout dési-
gné pour messager des divines indulgences. Mais Juda n'est
être le
pas seulement coupable: il est obstiné, il est endurci. De ce thème le
développement est bien plus sombre en Jérémie qu'en Isaïe. L'état
du peuple prévaricateur est tel qu'il n'y a aucune chance de retour.
Cette appréciation, le prophète la dit et la redit dès le début de sa
carrière. Juda a perdu toute sensibilité: rien ne le frappe plus. Les
châtiments ont beau se multiplier; il ne veuf pas s'instruire, il rend
sa face plus dure que le roc (2). Il n'est pas plus accessible aux témoi-
gnages les plus impressionnants de la majesté divine le Dieu qui gou- :
verne les flots et les tempêtes, qui fait se succéder les saisons, ne tixe
pas l'attention distraite de ces endurcis, n'émeut pas leur cœur indo-
cile et rebelle (3). Rien n'y fait. Leurs oreilles sont incirconcises (4).
Aux appels d'en haut qui leur montrent la voie du salut ils répon-
dent « Nous n'y marcherons pas (5
: » Ou encore « Nous sommes
) ! :
rai 2:)oint (7). » L'obstination est telle quelle a aboli la honte (8).
Juda a un front de courtisane, il ne sait plus rougir (9 Le voyant ,
qu'elle court après ses amants, les Baals, sans que personne puisse
maîtriser ses désirs (1); il nous la fait voir étendue dans l'attente
sous tout arbre vert et sur toute colline élevée (2). A ceux qui
voudraient lui faire des remontrances elle répond avec impudence :
il est vrai, le langage est autre. Elle feint l'innocence devant celui
qui voit à nu son péché ('i-); elle feint le repentir et l'espoir en celui
qui ne garde pas à jamais son courroux (5). Mais qui pourrait se
fier à des paroles que démentent si nettement les faits (6)? De là
le jugement sévère que, dès cette heure, le prophète porte sur Juda.
La vigne qui jadis avait été l'objet des sollicitudes si magnifiquement
décrites par Isaïe s'est changée en sarments bâtards d'un plant étran-
ger (7). Tout espoir semble impossible; la tache est trop profonde
pour être jamais effacée (8). Inutile d'insister pour le faire compren-
dre ces déclarations revinrent, plus rigoureuses encore, au temps de
:
« C'est on vain, nous suivrons nos pensées, nous agirons chacun selon
(5) Jer., m, 4.
plus la vision de la
: branche d'amandier le persuade (pie l'heure des
proche (2). Aussi cette pensée va-t-elle être
terribles réalisations est
une obsession ])our son Ame. Avec cette persuasion que rien dans
les phénomènes de la nature et dans les mouvements; de
l'histoire
iniquités d'Israël qui ont dérangé cet ordre, ses péchés ([ui l'ont
sevré des biens attendus (3) ; nous avons déjà dit les réflexions que lui
aigles (3). C'est la nation qui vient de loin, nation forte, nation
antique dont on ne connaît pas la langue, dont on n'entend pas le
parler, nation qui ne compte que des héros ['*). Le fléau est tel
qu'à sa description réelle se mêlent des traits apocalyptiques la :
l'ennemi se dirige contre la capitale (14) voici les bergers avec leurs
;
troupeaux qui campent tout alentour (15). Les voici qui inaugurent
n'y a pas d'enchantement (8). Les étapes se suivent avec une rapi-
dité foudroyante. Le pays est dévasté, les villes sont vidées de leurs
habitants. Aussi bien, c'est Yahweh lui-même qui les convoque :
qui lui était cher. Sur toutes les collines de pâturages arrive l'exter-
l'épée pour tuer, les chiens pour déchirer, les oiseaux du ciel et les
bétes des champs pour<lévorer et pour détruire (5h C'est qu'en ellct
l'ennemi prend le chemin de la capitale; il va faire de Jérusalem
un tas de pierres (G). Le temps est proche où la vallée de Tophelh
va être visitée et devenir la vallée du massacre on y va enterrer ;
qu'emporte le vent du désert (li). Ah c'est que Yahweh n'est déjà plus
!
dont les cadavres vont être la proie des oiseaux^u ciel et desbètes de la
terre, qui vont disparaître sans que personne accomplisse en leur
honneur de deuil (4)? Dieu ne convoque-t-il pas déjà les
les rites
pêcheurs habiles et les chasseurs experts auxquels ils ne pourront
échapper 5;? Le temps est venu de recourir aux symboles expressifs, de
briser le vase du potier en image de ce qui doit arriver à ce peuple
si mal roussi (6). Et le r-ouleau qui résume tous ces anathèmes et que
<( Parce que vous n'avez pas écouté mes paroles, j'enverrai et je
prendrai toutes les tribus du septentrion, dit Yahweh, et je les
des armées, Dieu dlsraël, parle ainsi: Je vais faire venir sur .luda et
sur tous les habitants de Jérusalem tous les maux dont je les ai me-
nacés, parce que je leur ai parlé et ils ne m'ont pas écouté; j<^ les ai
appelés et ils ne mont pas répondu (1) ».
ne les ouvre; Juda tout entier est déporté, la déportation est com-
plète i3). » Le nouveau prince, pour coupable qu'il soit, n'est pas aussi
corrompu que son père. Peu importe la coupe déborde, la cause :
un homme qui ne réussit pas dans ses jours, car nul de ses descen-
dants ne réussira à s'asseoir sur le trône de David pour régner sur
Juda (5). »
sur les nations et sur les royaumes le Dieu universel avait tout
:
pouvoir par toute la terre, pour arracher et pour abattre, pour rui-
ner et pour détruire, comme aussi pour bâtir et pour planter (1). Le
prophète d'ailleurs ne s'était pas contenté de dire une fois cette
vérité, puis de la traiter comme un de ces principes généraux qui
sont toujours à l'arrière-plan des jugements, mais que rarement on
invoque d'une façon explicite. Il l'avait rappelée à plusieurs reprises et,
(c Est-ee que je ne puis pas vous faire comme a fait ce potier, maison
d'Israël? Ce que l'argile est dans la main du potier, vous l'êtes dans
Ammonites, les Éthiopiens et les Assyriens (7). Plus tard, vers le temps
peut-être où Baruch allait lire le rouleau au Temple, llabacuc reve-
nait sur le sujet des Chaldéens. Ce n'était plus cette lois pour les
signaler comme le tléau de Dieu dans le châtiment de .luda. (^es
dont l'àme s'entle au dedans de lui n'est pas dans le droit chemin;
mais vivra par sa foi (11). » Puis, à la suite de nouvelles révé-
le juste
l'avait signalé Jérémie lui-même, l'échec subi par Néchao sur les rives
de iKuphrate était-il autre chose que le commencement des maux
prédits par les voyants à la vallée du Nil (3)? On avait donc 'le droit,
en pliant sous le joug chaldéen, de penser qu'il serait un jour brisé :
le même Dieu qui soumettait son peuple à une sévère épreuve ferait
aussi justice des prévarications de l'ennemi.
Or cette espérance en entraînait une autre. L'humiliation des
adversaires marquerait pour Juda et Israël le retour de la faveur
divine et l'aurore Sans doute Jérémie n'avait
des restaurations.
pas encore reçu les brillantes promesses qui sont condensées dan&-les
chap. xxx-xxxm de son livre; tout au plus, comme Font prétendu
certains critiques, quelques éléments de ce programme pouvaient-
ils remonter jusqu'à la date qui nous occupe. Mais, en
dehors de
ces chapitres, on trouve des promesses qui, pour être moins déve-
loppées, ne laissent pas d'être significatives et parfois trAs expbcites.
L'exposé de principes qui se rattache au symbole du yase refait (4)
renferme, d'une façon suffisamment nette, l'assurance que Yahweh
reprendra son œuvre en faveur de son peuple, quand celui-ci aura
entendu les appels à la conversion; cette assurance figure déjà d'ail-
leurs, et presque dans les mêmes termes, en la vision inaugurale (5).
Les traits sont plus précis en plusieurs oracles du début du minis-
tère, au temps de .losias. A l'occasion, par exemple, si Yahweh
annonce le ravage du pays et de la nation, il ajoute : « Toutefois
jene les détruirai pas entièrement (6). » Une fois au moins si cette —
page du livre n'est pas un résumé de plusieurs prophéties la —
pensée reçoit de plus amples développements; c'est en un texte que
des critiques réputés tiennent comme authentique, au moins pour
sa plus grande partie. On sait qu'en comparant Juda à Israël, Jéré-
(1 Is., X\\\I-\\\VII.
(2) Na., II, m.
(;V, .1er., \lvi.
(5] Jer., I, 10 .
de .liida tout aussi bien qu'à celle d'Israël; toutes deux marchent
ensemble dans une iVaternité parfaite (1). La capitale de l'unité anté-
rieure au schisme do Jéroboam sera aussi la capitale de l'unité à venir.
Capitale civile, dans laquelle Yahweh procurera aux siens des chefs
selon son cœur, des pasteurs qui les paîtront avec intelligence et
sag-esse (2). Mais capitale relig-ieuse surtout. Le prophète s'intéresse au
nouveau culte il sera si pur qu'il pourra se passer même des sym-
;
{A iuirre.)
,1. TOUZARI).
MÉLANGES
(1) Dr. Johannes Werncr, Der PauUnismus des Irenaeus, dans Texle und i'nler-
suclmngen, MB. H. r, Leipzif;. 18S9.
(2) Gesch. d. N. T. Canons, Leip/.ig, 1907, t. I, p. 109.
100 REVLiK niuLioi i:
certaines règles que doivent suivre les prophètes dans les assemblées
des fidèles ; d'où il résulte qu'ils étaient capables d'exercer un certain
empire sur leurs facultés. De la même Ëpître aux Corinthiens et des
récits que nous ont laissés les Apôtres, au livre des Actes, nous ap-
Revue Recherches de Science religieuse, oct.-déc. 1916. C'est d'après cette traduction que
nous citons.
(2) I Cor., XIV, 32.
MÉLANGES. 491
tiques comme celles décrites par saint Paul (v, 6, 1). Dans le passage
en question, il dénonce Marc qui a eu le prétention de communiquer le
don de prophétie Le don de prophétie ne vient pas de Marc le magi-
:
cien; ceux-là seuls en sont honorés qui l'ont reçu d'en haut; ils
parlent quand et où Dieu veut qu'ils parlent.
Rien ne montre mieux en quelle haute estime sont tenus les dons
du N. T. que la façon dont les premiers chrétiens, si pleins de véné-
ration pour les prophètes de l'A. T., mettent leurs prophètes à eux
sur le même pied que ceux-ci. Notre-Seigneur avait annoncé qu'il en-
verrait aux .luifs des prophètes, des sages et des scribes (2), et qu'ils
seraient persécutés comme lavaient été jadis les prophètes. Dans son
discours, au jour de la Pentecôte, saint Pierre avait rappelé la pré-
diction de Joël qu'aux derniers jours le don de prophétie serait com-
muniqué en abondance et rien dans les Actes ne montre que l'action
;
divine sur .lude etSilas(Act., xv, 32), sur Agabus [Ihid., ii, 28), sur les
filles de Philippe [Ibid., xxi, 10), ait été inférieure à celle exercée sur
(1) Quis rer. div., o>; De spec. leg., 8. ("f. H. M. Gwalkin, Proplie/s in the N. 7"., dans
Diclionarij of tlie Bible dHaslings.
(2) De Monarchia, 3.
(3) Quis rerum div., 53. Cf. 259.
MELANGES. 403
non pas comme s'il eût été maître de lui, mais parce que l'Esprit
divin le poussait à parler. » Et quand le prophète fut en présence de
Balac, l'Esprit lui lit dire « Croyez-vous qu'il soit en notre pouvoir
:
cations divines.
Josèphe, comme son illustre contemporain d'Alexandrie, était entré
en contact intime avec la pensée grecque, e il n'est pas invraisem-
blable que ses vues sur ce point en aient été influencées. — Mais nous
n'avons aucun motif de rejeter son dire, quand il affirme avoir été
considéré par ses compatriotes de Palestine comme très versé dans
la connaissance de la tradition juive (4).
(2) Sur l'inspiration ciiez Philon, voir Cli. Pescli, De inspiraiione S. Scrip., p. 18 ss.
L'auteur de la Cohor-
par Athénagore trahit son origine philonienne.
inspiré à une lyre sur laquelle
tatio ad Grœcos compare l'auteur
descend du divin qui la fait vibrer (4).
ciel l'archet
il ne manque pas de
passages dans des écrits les plus authentiques,
dans la composition
d'après lesquels la part d'activité du prophète
réduite presque à rien. Dans sa
de ses discours ou de ses livres est
d'un pro-
première Apologie adressée aux empereurs païens, il parle
phète d'une façon qui suppose un concept commun
entre lui et ses
pense, vous reconnaîtrez que les pro-
lecteurs. « Vous-mêmes, je
que par le Verbe de Dieu (5). » La
phètes ne peuvent être inspirés
strom., 1,
1".
(1)
cit., p. 60-68.
(2) Cf. Pesch, op.
(3) Legatio, 8.
(4)
/* Cohor latio ad Greecos, 8-9.
(1) Ibid., 20, 44. Quant à la connaissance de Dieu el la prciiiclion de l'avenir, la Si-
bylle ne le cède en rien aux grands prophètes d'Israël, d'après Clément d'Alexandrie, Slrom.,
M, h, k ss. Cf. Hermas, Vu., u, 4, 1; Alhan., Suppl., 30; Théophile, Ad Aut., ii, 36.
(2) Apol. I, 36, p. 2. Cf. saint Irénée, Demonslr., 49.
(3) Ad Autolijcum, ii, 9. Cf. ii, 10. « L'esprit do Dieu descendit sur les prophètes, et par
eux parla de la création du inonde et d'autres choses encore. »
4% UKVI K miMJOl K.
sont encore des exemples de la manière dont Dieu s'est révélé aux
prophètes (1). Non seulement par des visions que l'œil percevait,
ou des mots qui étaient prononcés, mais par des actions, Dieu était'
vu par les prophètes, afin que par eux il pût annoncer et prédire
l'avenir. C'est pour cela que le prophète Osée prit une femme de
fornication, annonçant ainsi par cette action que « la terre serait infi-
dèle au Seigneur son époux (2), c'est-à-dire les hommes vivant sur
la terre; et que de ces mêmes hommes Dieu se formerait une Église
qui serait sanctifiée par l'union à son divin Fils, comme la femme
d'Osée fut sanctifiée par son union avec le Prophète ». Notre auteur
continue ensuite à montrer comment les actions des prophètes et des
patriarches étaient des figures de l'avenir, n'y ayant rien dans l'Écri-
ture qui n'ait un sens. Au cours de cette discussion de la manière
dont les prophètes pouvaient voir Dieu, il indique la façon dont ils
il nous dit même qu' « il fallait que ceux qui annonçaient l'avenir
que les paroles divines passant par des lèvres humaines avaient un
sens plus ou moins limité par le milieu qu'elles traversaient et les
circonstances de temps et de lieu ;
mais dès lors qu'il faisait abstrac-
tion de ce dernier élément, il était plus naturel de se représenter
Celui dont la science infinie embrasse tous les temps et toutes les
conditions de l'humanité, qui dirige tous les événements vers leur
suprême accomplissement dans la nouvelle alliance, comme parlant,
non pas aux contemporains du prophète, mais à tous les hommes, aux
chrétiens en particulier; et c'est bien ainsi que l'a compris saint
Irénée. Cela exj)lique avec quelle facilité il trouve dans l'A. T. des
doctrinal dans l'A. T.; les paroles de l^sprit-Saint sur les lèvres des
prophètes les plus anciens expriment tout aussi complètement, quoi-
que avec moins de clai-té, la vérité révélée que celles prononcées à
l'aube de l'ère chrétienne. La vie de Notre-Seigneur a éclairé tout ce
qui avant sa venue était énigme, mais à la lumière de sa croix, nous
pouvons lire dans les livres de l'A. T. toute sa doctrine, aussi bien que
toutes ses actions et toutes ses soulFrances.
Dans VAdv. hœr., iv, 34, 1, répondant à la question de Marcion :
l'homme (1).
(1) « Leg»e (liligentius id quod ab Apostolis est Evangelium nobis datum, et legite dili-
semetipsum afferens, qui fuerat annuntiatus. Hoc ipsum pnedicabatur quoniam novitas
veniet innovatura et viviflcalura hoininem. »
(2) M. Tixeront, dans une note ajoutée à la traduction du P. Baitiioulot, suggère cetle
iVIÉL\NGES. SOI
g-râce à tes yeux. » Saint Irénée poursuit « Or, deux de ces trois :
personnages étaient des anges; mais l'un était le Fils de Dieu, avec
lequel Abraham s'entretint, intercédant pour que les habitants de
Sodome ne fussent pas détruits au cas où l'on pourrait y compter au
moins dix justes... Ensuite, l'Écriture ajoute fit : Et le Seigneur
pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu de la
disait : Le ciel est mon trône et la terre est l'escabeau de mes pieds.
Quelle maison me construire z-vous et quel sera le lieu de mon repos (3),
ni celui qui tient la terre dans sa main et mesure le ciel à l' empan [k)\
explication : « Plusieurs Pères ont vu, en ellet, dans ce premier verset, une mention du
Fils, mais ils la trouvent plutôt dans fiaresith qu'ils traduisent dans le principe,
le mol
dans le chef, dans le Fils. Saint Irénée la trouve dans le mot bara (en syriaque berâ,
pis) : c'est une autre tradition. » li. S. It., loco cil., p. 398, note.
non, ce n'est pas lui (jui rsl \cm\ en ce coin de terre parler avec
Dans les textes cités aux ch. V3-'i-(), saint Irénée trouve, comme
il le dit au ch. 't7, raltirmation que le Fils coexistant avec le l*ère est
{i)Dém., 45; cf. S. Justin, Dial., 60, 127; Théophile, ii, 22.
nous apprenons dès début qu'il sera fils de Jessé. Cela, tous
le
son pouvoir sur les Gentils. C'est qu'en effet, il devait mourir et res-
susciter, afin que l'on confessât et que l'on crût qu'il est le Fils de
Dieu et Roi. Après quoi le prophète déclare : Et sa résurrection sera
un honneur, c'est-à-dire une gloire. En effet, depuis qu'il est ressus-
cité, il Dieu » (61).
a été glorifié comme
Ce \\ 10 ne parle pas de la résurrection. Les LXX lisent Et en ce :
ton de] la racine de Jessé, qui se lève comme un étendard pour les
peuples : c'est lui que les nations chercheront et sa demeure sera
glorieuse (2).
tion compris dune manière stricte indiqueraient qu'il abandonne ici cette
manière de voir.
C'est ce qu'aflirrae M. Harnack dans son édition de la Dem., p. 62. Mais M. Tixeront [loc. cit..
p. 510, n. Ij a sans doute raison de croire que l'interprétation symbolique n'excluait pas,
'aux yeux d Irénée, linterprétalion dans Y Adv. h.rr.
littérale telle qu'il l'entend
était tombée, c'est-à-dire le corps du Christ, celui qui tire son origine
de David, comme nous l'avons dit plus haut; c'est évidemment décla-
rer qu'après sa mort, le Christ ressuscitera d'entre les morts; son
corps est appelé tente. »
environné, une troupe de scélérats ont rôdé autour de moi; ils ont
percé mes pieds et mes mains (2). Ensuite il dit : Mon cœur est
(1 Amos, 9, 11.
tiitioii a été très généralement suivie. Saint Iréuéc l'a fait et il a ])(>iir
Conclusion.
D'après saint Irénée, qui en cela ne diffère pas des autres auteurs
du deuxième de Dieu dans la composition des livres de
siècle, l'action
de l'écrivain sacré ([u'ils lui supposent quand ils font l'exégèse des
textes prophétiques.
II
on l'a dit, le contexte immédiat et qui est très clair laisse apercevoir
une autre interprétation. Joseph est le produit d'une plante ou d'un
animal fécond : l'on tienne compte du vers. 23, et l'on conclura
que
qu'il est le fils d'un animal, d'un animal de la steppe que les chasseurs
guettent et qu'ils tirent à l'arc. Au vers. 24, on l'appelle ii:in, soit
(1) Le latin, qui traduit correctement, se trouve ainsi obligé à un pluriel : filiae dis-
currerunt.
(2) Cf. C"^"'2N, en divers textes. Le lecteur, qui sur ce point fera facilement les
recherches désirables, voudra bien excuser la concision de cette référence, étant donné la
pénurie de livres dont je dispose au front. —
En Deut. xxxiii, 13-18, texte postérieur et
secondaire, Joseph est appelé de même, prcmler-né du taureau. (ri")S Ï2) «' possède
la fierté n''2X), ^^ ''<-'.? cornes d'aurochs sont ses cornes.
.
phrnïm et Manassé ^Joseph) Joseph est fils de niE, aussi bien que
:
C'est ainsi que, dans toute la bénédiction de Jacob, le nom de chaque fils ou tribu
(1)
d'Israël est expliqué étymologiqueraent. aurait été surprenant dès lors qu'une étymo-
11
logie, si facile d'ailleurs, du nom de Joseph ne se fît pas jour dans la bénédiction
qui lui
est consacrée de ce côté, les Septante (ylôç ïi-j|iq(x.evo; 'Iwavi?) et le vieux traducteur latin
:
sur l'autre pour que le lecteur puisse choisir entre elles '^"''''i-i, elles se
à savoir Joseph, ces chasseurs sont les fils d'Ismaël, ou plutôt c'est
lecture traditionnelle; inai.s, au lieu de "rly-i'-ij;, il semble bien avoir connu un texte
"S; r'2) (ïi'iAWTÔç), qui favorise la leçon iS:*^. Le latin [decorus aspectu, :iîr"1lS") ne
(Gen. XXI, -21 E). que ses mains aient luttr avec
Kaut-il s'ôtonnci*
Joseph et qu'elles aient été plus fortes que les siennes (vers. 21p)? il
avait été dit de lui que ses mains se tourneraient contre tous oX (jue
les mains de tous se tourneraient contre lui (Gen, xvi, 12). Ismaël a
été béni de Dieu, et 'Elohhn a été avec lui (Gen. xxi, 20); Joseph
reçoit la bénédicticui particulière du Dieu de son père, d'El Shad-
dai(2) (vers. 25). La bénédiction divine transmise à Joseph par son
père Jacob-Israël contraste avec la bénédiction divine transnàse à
Isniaél par sa mère llagar (vers. 26, lire
,..*i -ian, au lieu de i-nn) (3).
Ce n'est plus tîne imai;e plus ou moins précise de la vie, c'est la vie
même d'une tribu qui se découvre à nous.
'
--
[ 1 JOSEPH (4),
(1) L'expression "iT^ÎTa peut être un singulier aussi bien qu'un pluriel (cf. "|*'y"''"iiy
vers, préc, et les exemples connus d'iod compaginis). Le singulier est plus probable, si
l'on remar(|ue l'écriture des verbes inD-iStyil ... in'Tia''1; pour ce qui a Irait à 'ûll, la
dernière lettre peut s'expliquer par une dittographie de l'initiale du mot suivant (voir
ci-dessous, p. suiv., rem. 1): Enfin ce singulier probable est nécessité par le sullixe de
inUJp (2i), car il s'agit bien de l'arc du chasseur, non pas de l'arc de Joseph qui est J'ani-
mai chassé (en un autre sens Ps. Lxxvni, 9).
(2) Lire évidemment l"i\^*~7N*, le Dieu de Jacob, non ";27~nN' (Grec, à 6eô? 6 èjaôç, latin
correct, et Omnipotens). - â
(3) ^lln s'oppose à "Jl^N : c'est une expression isolée qu'on s'attendrait à voir remplac -e
par TlliX. Du reste, que la bénédiction donnée à Joseph dépasse dans ses
il est inexact
jtromesses les bénédictions données aux ancêtres de Jacob dans Gen. les bénédictions :
divines vont au contraire à se restreindre de plus en plus. C'est Abraham qui a reçu les
promesses les plus larges en sa personne ont été bénies, non pas deux tribus (Éphraïm,
:
Manasséj, mais toutes les tribus de l'Israël à venir, les familles de la terre (Gen. xi,
3, etc.); Dieu lui a promis non seulement un canton bien déterminé, soit Sichem
(Gen. XI, 7), mais le pays dans toute son étendue (Gen. xv, 8, etc.); pour tout dire, l'hé-
ritage qui lui revient, c'est la possession de lahvé même, tout le futur pays d'Israël
(Gen. XV, — L'atténuation graphique du i en a abouti dans mss. des Septante à une
1). "1
les
-^.11 se courrouce contre lui. l'archer (Ij; il l'épie, l'Iiabile aux flèches.
-'
Celui qui rapine 2, à perpétuité avec son arc :
Et plus souples sont les nerfs de ses mains que les mains du bouviilon de Jacob,
Et il recule du pâturage (3; le lils d'Israél.
-•'
Le Dieu de ton père te vient en aide, 'El Shaddai te bénit
Des bénédictions du ciel en haut, des bénédictions de ral)îme qui gît en bas,
Des bénédictions des mamelles et du sein.
-•^
Les bénédictions de ton père l'emportent sur les bénédictions d'Hagar :
(1) Voir déjà p. préc, rem. 1. Si la dernière lettre de 12*11 peut se rattacher au mot
suivant, la première peut provenir du mot qui précède. En tout cas, ce parfait entre
deux imparfaits est immotivé et incompréhensible. Ou l'original ()résentait ici un impar-
faitnouveau, et cette accumulation de verbes affaiblit bien le parallélisme, ou il mettait
uu participe (."12'^, cf. Gen. xxi. 21, peut-être ''21) en opposition directe à "n~'!7!/'2.
abondamment les pluies, bénédictions du ciel, et sont arrosées davantage par les sources
naturelles, bénédictions de l'abîmeles bestiaux, ceux-là surtout qui sont issus de mères
;
opulentes, auront certainement en ces pacagés le privilège d'une grande fécondité, béné-
dictions des mamelles et du sein. Pour tout dire, qui possédera ces pâturages de choix
sera béni du ciel plus que celui qui se sera assuré par les armes la possession absolue du
Negeb.
(4) Lire mNr~''"T>, au lieu de l'incompréhensible mxn~~" que déjà Deut. \\\ni. I."j-16
entend en deux sens différents. Voir les deux n. suiv., et comp. Is. xxvm, 1.
(5) Que signifie la {les] colliné's) d'éternité/ L'on entend généralement les collines
antiques ou les collines de jadis (Comp. Deut. xxxni, 1.5, les monts d'autrefois el...
les collinesde jadis). Mais de quelle antiquité veut-on parler? Il est vain .de chercher
ici littéral une abstraction quelconque
au sens on a bien en vue des collines ver- :
doyantes, bénies du ciel et de l'abîme par une humidité constante, favorisant les béné-
dictions des mamelles et du sein. D'ailleurs, il n'est point question en général des
collines possédées jadis par les ancêtres de Jacob. Pourquoi aurait-on parlé de col-
lines, étant donné la diversité des régions que fréquentèrent Abraham. Isaac et Jacob?
Les patriarches encore ne possédaient point ces pays, ils y faisaient des acquisitions, ils
y séjournaient quelque temps en qualité de 1i, puis passaient en d'autres contrées, pour
revenir par la suite. Il feut dire qu'en celte fin de prophétie une indétermination ne serait
pas compréhensible, en regard de la détermination précise des régions, 'A'in, Shùr, au
début du fragment; Ion a ici un nom de pays, tout au moins, une désignation com-
préhensible pour tous d'un pays donné. Heureusement le contexte immédia! nous évite
tout embarras. La colline en cause est la tête, la capitale de Joseph c'est donc Sichem :
où le patriarche fut enterré (Gen. l, 25), où plus tard Israël se réunissait pour couronner
le roi Roboam. I Ileg. xii, 1), 'l"* n"2; n'est donc rien autre chose qu'une
(du moins
corruption de D^ll" ";, la colline des Incirconcis, la colline de Sichem, Ilamor et
leurs compatriotes de jadis si le nom de Joseph, la tribu occupante, est remplacé par
:
par analogie, être dit le Nazir de ses frères, parce ([ue le patriarche fut
pourrait
Pourtant ceUe analogie n'est pas frap-
vendu par ses frères et emmené loin d'eux.
il n'est point fait allusion, autant qu'il
semble,
pante; puis, dans la prophétie de Joseph,
à l'hiltoire du patriarche; enfin, le voisinage immédiat de tt7Nl, Tpip,
traditionnelle
tout autre signification. Si Tr3 est la couronne, TiTJ
sera le
met au premier plan une
couronne, en peut orner sa tête, le sommet de sa Me.
coiironné celui qui, ayant reçu la
xxviii, 1 (comp. la couronne de
_ Une fois de plus, nous sommes donc ramenés à Is.
qui est sur la. tèle de la grasse vallée) évidemment il n'y a
iierté l'ornement de gloire :
habité (1). Au peuplades qui, les unes avec les autres, les unes
reste, les
hostilité entre eux et leurs frères venus par la suite dans ces régions :
Jacob; auparavant, les fils de Keturâ ont été envoyés vers l'Orient et
écartés du patrimoine d'Isaac. A son tour, Joseph habite aussi le
Negeb : un veau sauvage (v. 22), qui court sans doute à son
c'est
gré le pays et s'accommode de ses pâturages (v. 24 et p. 513, n. 3).
Pendant quelque temps, la (les) tribu(s) de Joseph a (onti donc mené
dans ces parages une vie errante, la vie des demi-nomades, demi-
agriculteurs qu'avaient connue leurs pères. Sur ces territoires ouverts,
Joseph rencontre les fils d'Ismaël, et des dissensions graves se pro-
duisent entre eux. Jaloux sans doute, Ismaël, le tireur d'arc (Gen.
XX, 21, etc.), entre en courroux et dresse des embûches à l'intrus.
L'image de la chasse est d'un beau coloris : l'arc et les flèches du
chasseur sont mis en un tel relief, la rapine, l'enlèvement par force
du butin ressort si nettement de reiisemble et du détail (2), que la
luttedans sa réalité a dû revêtir principalement ce caractère. Habi-
tués aux razzias du désert, pillards de nature, tireurs d'élite, agiles
et rusés, nomades l'emportent sur les demi-nomades
les Ismaélites
fils de Joseph incapable de se maintenir où il fréquentait d'ordi-
:
(1) Uaac habitait au puits de Lahai-rô'i... au pays de Ner/eb (Gen. xmv, 62; xxv, 11).
Ismaël habile, au reste, la même région, jusquà Shûr qui est en avant de l'Egypte
(Gen. wv, 18). Gen. xxv, après Gen. x\i, rapproclie les noms géographiques de Lahai-rô'i
^*Aïn) et Shûr, comme le.s familles d'Isaac et d'Ismaël qui occupent ces territoires.
iiitos. Kl de passai;c, aiLvcjiu'Is ses IVôrcs l'avaienl vendu ((icii. xwn ii,
le couronné entre ses deux frères Siméon et Lévi, les auteurs d'une
tentative ancienne sur la ville (1).
Pour qui Juge les choses d'un coup d'œil, la bénédiction de Joseph
que nous venons d'examiner en détail se place sur le même plan que
la bénédiction d'Éphraim et Manassé, soit de Joseph, en Gen. xlvih,
l'i.--22 (E) ici. c'est une promesse; là, une prophétie;
:
d'un côté, —
l allure traînante du narrateur, de l'autre, la liberté du poète. Gen.
XLix, 22-27 découvre en plus un arrière-horizon, mais la perspective
rant, mais Dieu sera avec vous et vous fera revenir au paijs de vos
pères, etmoi je t'aurai donné Sichem, à toi) seul avant tes frères,
(Sichem) que j'avais pHse (2) aux mains de l'Amorite par le glaive et
par l'arc» (Gen. xlvih, 22).
l'allusion continue plutôt à l'aventure de Dîna, et c'est, non pas la suzeraineté de Joseph,
mais la qualité de Sichem qui forme la base de tout ce développement.
(2) La prise (sac) de Sichem par Siméon et
Lévi, désapprouvée au reste par Jacob, est
ici formellement altribuce à Jacob, lui-même dès lors, le père de Joseph peut disposer
:
cla son bien en faveur de son fils n'y a donc pas lieu, ce semble, de rappeler
privilégié. 11
Rachel et leurs fils, se prosternant devant son astre glorieux (Gen. xxxvii, 8).
Ils pourraient s'être trouvés là en même temps que d'autres groupes de
(3)
même famille.
La bénédiction de Siméon et Lévi, allusion continue à la prise momentanée de Sichem
(Gen. xxMv), présente l'incise TTC'Tip" aJï"l2- La comparaison du «aw/ea» estropié avec
liamôr [âne) circoncis est plutôt déconcertante. Ne fait-on point allusion à deux expédi-
tions dift'érentes de Siméon-Lévi? L'ardeur et la violence qu'ils ont déployées contre Sichem
ne les ont-ils pas manifestées par la suite sur un autre terrain Ne joue-l-on pas enfin sur les
.'
et Manassé (Jos. xvu, 12) ont à lutter contre les gens du pays et la
lutte est particulièrement pénible, les Canaïuîens (5) s'y Iroiivenl
encore aujourdlmi (Jos. xvi, 10). Joseph, fds de la vache féconde,
Joseph qui a reçu les ])énédictions des mamelles et du sein, est alors
im peuple nombreux, qui se glorifie de sa force, mais qui est gêné
aussi par le nombre de ses sujets (Jos. xvii, \h). En cas de détresse,
Une alliance (benth) se conclut sur ces bases entre Jahvé et son peuple,
une pierre du lieu devant servir et demeurer comme témoin du
contrat (Jos. xxui); et plus tard, au temps d'Abimélek, le temple du
Ba de ralliance [Baal berUh) sera célèbre à Sichem (Jud. ix, h).
al
(1) L'accroissement du fils de progrés est prévu pour l'avenir, dans la prophétie.
qu'Abimélek et Zebul son préfet ont été au service des gens de llamor
père de Sichem (Jud. ix, 28). A cette époque, du reste, et bien avant,
sans doute, les pillards qui avaient chassé Joseph du Negeb ou des
pillards de race apparentée poursuivent leurs incursions en Éphraïm
même et gênent toute culture. Qu'Israël fasse des semences, et Mi-
dian, 'Amalek, les Benê-Kedem montaient contre lui : ils piquaient
leurs tentes, dévastaient les produits du sol jusqu'à l'arrivée de Gaza,
ne laissaient rien du hélcdl d'IsracL ni moutons, ni taureaux, ni ânes
de Midian sont des Ismaélites (Jud. vni, 24,
(Jud. VI, 3). Ces voleurs
à comp. 12), et Gédéon avait été obligé de poursuivre leurs chefs.
Il semble donc que ce soit au temps de Josué que la prophétie
gauche du Jourdain? On se rappelle que Manassé était le fils aîné de Joseph, que néan-
moins .ïacob à sa mort modifia l'ordre naturel et croisa ses mains pour qu'Ephraïm fut à
(Jroite et Manassé à gauche (Gen. xl^th, 13). A la suite de cet éloignement, Manassé. par
son père, Joseph, l'aîné des fils de Rachel, vient à occuper dans la Terre promise un
territoire voisin de Ruben, l'aîné des fils de Léa. Éphraïm et Manassé sont à Jacob-
Israrl comme Ruben Siméon (Gen. xlvui, 5).
et
s (3) Dans le royaume de Juda même, le nom d'Éphratha porté par Belhli-hem (Gen. \xxv,
1<»; Mich. indique une relation étroite entre cette ville et les tribus de Joseph.
V, 1)
Rachel dans le Nord, il faudrait considérer commr. secondaires Gen. \xxv, 19; xlix, 7
(Math, n, 17» qui le signalent prés de Bclhléhem ce sont là traditions différentes du
:
Aux AriDccs.
Léon (îiiv.
A non
soixante et (quelques milles dans l'est de lile de Uhodes,
loin de l'extrémité méridionale du promontoire compris entre le golf^
d'Adalia à l'est et le golfe de Makry à l'ouest, se trouve une série
d îlots dont le plus important est Castelorizo ou Meis. Le nom de Cas-
telorizo, le plus en vogue chez les Grecs et les Occidentaux, est rela-
tivement récent. Il dérive du fameux « Château Rouge », Castello
Rugr/io ou Castello Rosso, bâti à l'entrée du port par les chevaliers de
Rhodes au début du xiv'' siècle. En 1G37, on disait encore et l'on écri-
dijoits opposés (? Sichein et Bethléhein ])eut-êlre \illes royales, mais voir aussi Hébron
II Sam. XV, 7). La dénomination Betliléliem-Epliralha et la tradition judéenne du tombeau
de Racliel seraient faciles à comprendre, si cette ville avait été fondée ou plutôt occu-
pée par Joseph, lils de Rachel, lorsque, chassé du Negeb par les pillards, il remontait vers
le nord.
Élie, chassé par Jézabel, après une marche d'un jour dans le désert au sud de Ber-
(1)
shéba, se sent en proie à une dépression inouïe et appelle la mort, k Jahvé, prends mon
âme. car je ne suis pas meilleur que mes pères! « (\ Reg. xix, 4). Pensail-il à ses pères,
les Éphraïmites, pourchassés eux aussi de ces mêmes régions, et dont plusieurs, ayant,
succombé dans la lutte, étaient tombés sur ce même terrain? L'apparition du Mal'ak
Jahvé qui le console dans son épuisement, qui le restaure dans son besoin, est un paral-
èle de l'apparition en ces parages du Mal'ak à Hagar défaillante.
(2) D'après Josèphe {A.J., VI, vu, 3). Saùl aurait trouvé les Sichémites au milieu même des
Madianites, dans le pay.* entre Péluse et la mer Rouge, et il les aurait épargnés, alors
qu'il consacrait par le glaive les habitants du pays ici, le tevte bil)lique parle des
:
Kéintes habitant en 'AmaleU (I Sam. xv, 5). k supposer garanti le texte de A..J.. car il
faut compter avec ia possibilité d'une tradition défectueuse (crO'-'JJi-tTwv pour xyivitwv, sur
quoi repiose l'assertion ou l'assimilation de l'historien juif? Mystère. Elle est à retenir, en
tout cas, si, dans ces mêmes régions, au milieu d'Ismaélites (Madianites), ont séjourné
primitivement les fils de Joseph, possesseurs définitifs de Sichem.
MÉLANGES. 321
SOUS les arcosolia dans les tombes romaines. Mais ici il n'y a point
est légèrement
plus bas, ce
qui constitue
une faible cour-
bure (voir les
coupes CD et
Sur le devant
de chaque ban-
quette, à 0'",:i
w sonne de gran-
deur moyenne.
La niche du
fond et celle de
gauche en en-
trant se rencon-
trent et se
fondent dans
l'angle en des-
sous de la J^an-
quette, de sorte
que celle-ci
affecte tout à
A B fait la forme
Fig. 1. — La « tombe lycienne ». Plan et coupe transversale. d'une table, ne
reposant sur
rien dans ce coin, mais simplement engagée sur un côté, dans le
rocher, avec lequel elle fait corps (voir le plan et les coupes). La
dalle glissait dans une double rainure creusée dans le seuil et au som-
met de la baie où l'on avait ménagé à cet effet une sorte de linteau
coupes AB et EP"). Quand on ouvrait, la dalle venait se coller contre
la porte. C'est pour cette raison que celle-ci a été placée dans
un angle et non au centre de la paroi; de telle sorte que la fa-
(;ade ne se trouve pas exactement dans l'axe de la tombe. Pour
UEVUK lUBLlOUK.
^
^
r
/
large de 0™,60 en
moyenne,' divisée
Fis. o- — Castei,okizo. Tombe
à double compartiment,
avec plate-forme à côté. Plan et coupe. en deux parties iné-
gales par une dalle
épaisse de 0'°,22. Le rocher a été
un peu aplani autour de la fosse
et,au sud, s'étend une plate-forme sur laquelle est creusé un trou
rond de 0°',50 de diamètre sur 0",iO de profondeur. A Test, le de-
vant de la plate-forme est à pic sur une hauteur de 2 mètres
environ et parfaitement dressé; au pied sont taillées deux marches
larges de 0",50 sur une hauteur à peu près égale.
Un monument analogue au précédent, mais plus caractéristique
encore, se trouve tout près de la ville, au sud, sur les premières
pentes de la montagne (fig, 6). Tel qu'on le voyait au moment où je
l'ai visité et où j'en ai fait le plan, il consistait principalement en une
sorte de table spacieuse taillée dans le roc, large de l^'jSS et longue
de 3™, 50, dont l'extrémité à droite n'était pas complètement dégagée.
MELANGES. 527
rocher est taillé à pic sur une hauteur de 0"',68 et une largeur de
3'", 80. On aperçoit dans l'angle, près de l'escalier, un léger rebord
marquant un commencement de fosse (1). Il y avait donc là des tombes
et nous avons un type de monument funéraire des plus intéressants.
A côté des sépultures se trouvait la table servant aux rites funé-
(1) L'existence de celte fosse a été attestée encore mieux par une petite fouille posté-
rieure exécutée par M. l'architecte Gabriel qui a si heureusement restauré la façade de
aux morts. De temps en temps, à des dates fixes selon toute vraisem-
dans le roc et couvertes par des dalles. étroite parOl de 0' ,2 IvlaiS Cette / .
annrcs, par des savants venus d' A thon es, dit-on, auraient mis an jour,
Pour servir d'appui aux dalles contre la paroi du roc, on avait dressé
une rangée de petites pierres épaisses de O"',^!) à 0"',22; deux sont
encore en place.
A deux mètres en contre-bas de la tombe précédente, il y en a
une seconde dans le môme genre, en avant
de laquelle le rocher a été aplani. Ces deux
exemples prouvent que le corps n'était pas en-
terré puisque le rocher affleure partout, mais
posé à même le roc dans cette sorte de sar-
cophage à moitié construit. Peut-être remplis-
sait-on avec de la terre les interstices entre le
corps et la paroi ; cependant cela n'est pas sûr,
car le peu de terre qui se trouve actuellement
dans ces tombes a pu y être entraîné par les
pluies.Une de ces sépultures a été fouillée assez
récemment; il y a quelques ossements épars à
l'intérieur.
La plupart des sépultures voisines sont en-
core plus simples que ces dernières. Souvent
on les avait accolées au rocher sans s'être
donné la peine de le dresser, se contentant
de b.Uir tout contre avec de petites pierres
pour régulariser la paroi (fig. 10). La fosse est KW^^êXTl^^i- ^'Y)
généralement aménagée pour une seule per- o i s
dimensions,
,
.
il semble bien qu'il y ait eu deux
,
que, elle aussi, en son genre à Gastelorizo (plan et coupe, fig. 11).
hans une paroi de rocher à pic, haute de H^ à •i"',50, on a prati(]ué
T (^O O L
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^ E 1-1 H E C G O /' '0 -^ ^ '
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TO Yz^ A'no^ Oc
K A|eEO'^ X0ON!O|^
l-'ig. 12. — CASTELonr/,0. lnscri|)tioii grecque sur le rocher à l'entrée du port.
TIMniNlOC I
TOAE MNHMA
MHAEIi: AAI
KHCH MHAE AnAAI^H
EIAEMH ECOn AMAPT...
TOY AAIMONOC
KAI 0EOII X0ONIOI2
1. — Ca8tf.i.oui7,(). I''a-
M. R. Savignac.
MÉLANGES. 537
IV
Il n'est pas inutile, avant tout, d'indiquer les raisons qui permet-
tent d'ajouter foi à l'origine attribuée au sarcophage.
L'ile de Castellorizo, ancienne Mégisté(3i, n'a jamais été beaucoup
24, 4.1 Stépliane de Bvzance, s. v. Le nom ancien, remarque entre autres Waddington
;
35, 127, 130. Il on est de même dans E. Pelersen et F. von Luschan, Reisen in Lykien,
5:îs RliVUl": lUUI.IUl'Iv
(p. 188-190) ont sur eux l'avantage de donner (p. 188) un croquis de la ville de Castello-
(2) ne sera pas inutile, à ce point de vue, de signaler l'excellente carte de lîle qui
Il
« Mer Méditerra-
vient dêlre donnée par le service hydrograplnque de la Marine (1917) :
la publication par de celle période dans le AsÀirtov Trjç 'KJTopixyjç xal âôvo-
lui d'inscriptions
ques modernes (xvir et xyiii" siècles) dont M. Michelier dit {Revue Inblique, 1917, p.
237)
frappé nos marins quand ils ont pris possession de l'île (1).
La mise au jour du sarcophage devrait donc être postérieure
et n'est-il pas en ell'ct présumable que l'on n'a pas attendu près d'une
vingtaine d'années pour faire argent du sarcophage? De même
rien d'étonnant à ce que l'on ne rencontre pas d'allusion à une trou-
vaille d'antiquité passée dans le commerce.
•
content aux voyageurs que c'était là une sépulture de roi lycien dans
laquelle on trouva une couronne d'or actuellement déposée au Musée
d'Athènes. Nous ne sommes pas à même de contrôler la part de vérité
qu'il peut y avoir dans ce récit. A l'endroit où les fouilles ont été
exécutées, il y a encore un petit sarcophage intact et tout à côté gi-
sent les débris d'un second. Quelques gros blocs presque entièrement
ensevelis sous les décombres présentent certains caractères architec-
turaux et ont dû appartenir au monument funéraire érigé en ce
lieu. Nous ignorons si les chercheurs se sont occupés de ce monu-
ment. ))
(1) 'H vrjdo; ^Lt^'\<st.ti, p. 6. Les restes de murs cyclopéens sont aussi menlionnés par
Fellows {Discov'eries in Lycia, p. 190) comme constituant les seules ruines subsistantes
à Castellorizo.
de Castelorizo (Le Caire, Imprimerie nationale, l!»17, grand in-S", 54 pages
(2) J.-S., L'ile
et 9 liguresformant planches), p. 22-23. [Les lecteurs de la Revue trouveront plus haut
certains passages de cette monographie, développés et enrichis de renseignements nou-
veaux dans l'article du P. Savignac, Monuments funéraires et religieux de Castelorizo.
Voy. en particulier, à propos des recherches mentionnées plus haut, p. 529-530.]
(3; Chapitre ii, Aperçu historique.
:-,4o
i\r.vn: imumoui:.
1801), t. I, p. 131.
P. 26-29. Il y est fait usaj^e, non seulement d'ouvrages généraux comme V Histoire
(2)
et d'études récentes {Le saint voyage de Jherusalem du seigneur d'Anglure publié par
Bonnardol et Longnon, Société des anciens textes français, 1878; Un pèlerinage en
Chartes,
Terre-Sainte et au Sinai au AT" siècle, par Moran ville, Bibl. de l'École des
t. LXVI, 1905; C. Torr, Rhodes in modem times; Annnal of thc british School at
Athens, t. XVII, 1911, p. 166).
30, n. d'après Pauli, Codice diplomatico del sacro nnlttare
(3) Voir le texte, p.
1,
(5) P. 42-51.
(6) P. 51-54.
(7) P. 1-23, Description de l'île.
MÉLANGES. 541
peut être regardé comme une garantie une provenance aussi peu :
(1) Le lecteur trouvera une étude plus complète encore de ces monuments funéraires et
de la tombe dite lycienne dans l'article du P. Savignac inséré plus haut.
(2) Il reste préférable, sur ce dernier point, de se reporter aux traductions accompa-
gnant le relevé de M. Miclielier et l'on doit de même se délier, à propos de quelques
débris de mur base en gros blocs d'une tour à Paléokastro, de
en bel appareil près de la
1opinion (p. 20) que « cet ensemble doit appartenir aux anciens propylées ornés des sta-
tues d'Artémis et d'Apollon dont fait mention une inscription grecque découverte en
ce lieu et transportée au Musée d'Athènes ».
(.3) Il pu y ajouter, pour répondre à nos questions, que le complément fort vague
n'avait
« région de Smyrne ». que j'ai eu le tort de reproduire tel quel dans la note sommaire
nescio qiiando in Latmo obdormivit, nondum, opinor, est experrechis. A'uto igitiir
enm curare censés, cum Luna lahorel? A qua consopiius pufatur, ut eum dormien-
leni oscularelur. Quid curel aulcni, qui ne i>e?itit quidem Y Ilabes somnum iinaginem
morlis ».
-.42 HEM E nilM,IQl'E.
y IronvMiont inrmc: un
ccrlaiii choix, car M. C
U()l)crl, (|iii dans ses Ajt-
tihc Sarkop/iag-Jie/irfs a
exemplaires représen-
tant Arténiis et Kndy-
mion (1), y établit plu-
sieurs classes. Une
j
~ première division résulte
I du sens donné à l'en-
5. semble de la scène, selon
i qu'il vade gauche à droite
les avant-corps empiètent l'un sur l'autre pour être tous deux vi-
sibles, ont encore une jambe de devant levée, mais une fîgui;e ailée
en tunique courte retroussée et serrée par une ceinture, Aura, dépo-
sitaire de l'arc et des flèches qu'on aperçoit dans sa main gauche,
le corps d'aplomb sur les jambes écartées qui s'arc-boutcnt, les arrête
en les regardant et en saisissant l'un d'eux aux naseaux. Artémis,
11
xT
#i^
'^'"^^
(1) Catalogue sommaire des marbres antiques, n° 66; Frohner, Notice de la sculpture
antique, n" 428; Clarac, Musée de sculpttire, t. II, pi. 170,71 (S. Reinach, Répertoire,
I, p. 63, u° 3); Die antilien Sarkophag-Retiefs, n° 66, |). 82-83 et pi. XVII.
.MKMNGES. 345
La description du sar-
cophage de CastcUorizo
niollre roccasiou nalii-
relle dr' l'cvenir sur les
inscriptions récemment
pul)liécs par M. Michelier.
\ La division en trois clas-
ses laite par lui se justifie
I
t parfaitement en ce qui
I
J3 concerne la troisième
? dont les inscrip-
classe,
quoique ayant été
tion^,
momentanément au moins
conservées à Castellorizo
— où deux seulement sub-
sistent (1), où deux autres
ont disparu employées
dans des constructions (2)
3
W ^
11
.>*,
en cas d'usage abusif de la sépul-
ture, dont il sera parlé plus loin.
peut rapprocher une autre femme, elle aussi pnHresse des Nymphes, upa-eOsaGav .\jij.^Gliv,
mentionnée dans une épitaphe de provenance voisine, d'Antiphellos [Ibid., 1894, p. 323,
n" ly.
(3) Il n'y a donc d'inédit, dans cette classe, avec le n" 33, dont nous venons de donner la
transcription, <|ui se fait sans aucune difficulté, et qui est d'ailleurs sans importance, et les
n " 26 et 30, dont il a aussi déjà été question et qui subsistent a Castellorizo, que les
n°* 25, règlement funéraire, de beaucoup l'inscription la plus importante du lot, et 27,
dédicace d'Archépolis aux Nymphes, desquels M. Michelier n'a pu donner qu'une transcrip-
tion en caractères cursifs insuffisante, surtout pour le n° 25, mais qui ayant été transpor-
tés à Athènes, de même que le n" 33, y seront vraiserablablemenf, s'ils ne l'ont été déjà,
l'objet d'une meilleure publication et d'une copie épigraphique qui permettra d'en établir
définitivement le texte.
Voy. Diamantaras, Bull, de corr. hellén., 1894, p. 333, n"" 33,
(4) fragment de —
reliefavec caractères dilficilement lisibles apporté de la côte voisine, à comparer avec
un autre fragment donné comme se trouvant à Antiphellos et portant plus nettement une
dédicace omoz/.x 0:oT;. fragments qui font partie d'une série de monuments dont MM. Pe-
tersen e( von Luschan, qui en signalent six exemplaires, ont publié un spécimen i;omplet
[Reisen in Lykien, Milyas und Kibijratis, p. 157, fig. 73), ex-voto de basse époque avec
douze personnages stylisés semblaides et un treizième au centre surmontant un adorant
et la légende ôojôï/.a 6ïoï; xa.-' ÈirtTayôv, —
et 34, venant de Cnide, avec le nom d Elei-
thya, selon les uns même divinité qu'invoqueraient sous le nom d"E>.ev6ï'pa plusieurs
inscriptions lycieones [Bull, de corr. hellén., 1886, p. 252, n° 5; 1892, p. 306; 1893,
p. 640), mais selon d'autres (II. van Oelder, Ad corpus inscriplionum Rhodiaruin, .Mue-
Îi4s HKVUK IUI5MQUK.
incomplets ii'^^ 7 (-2), 8 (.<), 9 (4) et 10 (5), i)nrmi;ilos textes déjà pu-
blics, et parmi les inédits les n^Ml (G), 13(7), 15 (8), —après y avoir
signalé présence de la clause pénale relative à l'abus de sépulture,
la
familial de la sépulture.
sible (p. 332, n° 33), que celui-ci range parmi les « èîtiypa;pal èx MîyiffTrii:
r, eI; MeytffTViv
(1) 11 n'est pas exact, comme le conjecturait le P. Savignac [Revue biblique, 1917,
(r.) Ibid., 0° 30. La copie de M. Michelier ajoute à la fin de la 2" ligne le N final de
(6) Il est évident riu'un Y a été sauté à la première ligne dans la copie et que, à la
seconde, il y a, non pas un 1 (les autres sigmas ont d'ailleurs la forme carrée C), mais
un Z, [r.lixwv ôpETiTofù]; xd [ejpejtxàî xaî xà ![?] à-jTwv, comme dans le n'' 13.
semble bien que les iotas soient adscrits et que la transcription par suite doive
(8) Il
Diamantaras, Bull, de corr. hellén., 1892, p. 305; H. van Gelder, Geschichte der
(10)
n" 32 c.
alten Rhodien, B, Inscbriften aus den rhodischen Insein, Megiste, p. 446,
La publication :i laquelle fait allusion M. Michelier est celle du Bericht iiber zwei
(11)
Reiseii in sudwestlichen Kleinasien ausgefiihrt im Aufirage
der Imiserlichen Aka-
demie der Wissenschaften [Widmung seiner Durchlaucht des regierenden Fiirsten
Johann von und zu Liechtenstein) de MM. R. Heberdey et E. Kalinka dans
les
1896 L'inscription, objet d'une première tentative de copie par Benndorf en 1892, avait
)..
18 (1), et de môme les n°" 21 (2) et 24. (3), simples épitaphes que je
me borne à transcrire, n'ont pas à nous arrêter.
Il de quelque commentaire que sur le n" 5, qui, quoi-
n'est besoin
que plusieurs fois reproduit, ne semble pas l'avoir jamais été correc-
tement. Le premier éditeur, Bailie (4), l'a copié sous la forme sui-
vante que répète le Vorpna :
T
TOYTOTOMNHMA
0E . . . . A
CAMENA
Al ... ET CTEH .
TOYAAIMONOC
KAI0EOIC
Il entendait, aux lignes 5-7, Aiôr, Msyiîî'^'wv "ou oa{[;.2v:; -/.al
Corp. iiiscr. (jraec, t. 111, Addenda, p. 1135 : « IIo>,e\aa, nisi est E\nzolé[>.(x. séria Lysi-
inachi )>; Le Bas-\Saddington, Inscr. gr. et lat., t. IH, n" 1270, avec renvoi à Bailie au
sujet de c.z<jr.6a-jwo:; et la reinaniue : « les passages qu'il cite et notamment Appien {Bell,
civ., IV, 4i) montrent qu'on disait osaTiô-r.; du maître de la maison, du cbef de la famille,
et &£(j7io(7-jv&; du jeune maître, du fils de famille »; H. van Gelder Die rhodiscken
Inschriflen (H. CoUitz et F. Bechtel, Sammlung der griechischen Dialekt-Inscfiriften,
UT, 1, Die Inschriften der dorischen Gebiete ausser Lakonien, Thera, Melos, Kreta,
Sicilien, viii, Rhodisches Reich, Die Insein, fi, Megiste, n» i334; Id., Geschichte der
alten Rhodier, n° 32 d.
(1) Diamantaras, Bull, de corr. hellén., 1894, p. 331, n" 25; H. van Gelder, Geschichte
(1er alten Rhodier, p. 446,, n" 32 b.
;2) iwT'ioct xat M'/j.T.. L'on tfouvera les mêmes noms de Sotadas Corp. inscr. graec,
t. Addenda, p. 1097, n» 2482 m, et III, n" 5408, et de Lalla Ibid., t. I!I, n" 4253 et
II,
Addenda, p. 1 129, n" 4300 f, ainsi (jue dans une inscription de Sidymé (Bcnnc'orf et Niemann,
Reisen in Ly/den und Karien, p. 78, n° 55) et dans une inscription de ïelmessos [Bidl-
de corr. hell., 1889, p. 178, n" 32).
(3l 'Eira:ppoocÎTo; za[i] 'AvTto-/o; TO/t, tt) àôep.sïi] {AVYiaï",; "/iv.v.
semble que ce soit aussi celte même inscription, avec ou ^ans le n" 6, que Ross
(6) Il
[Kleinasien und Deutschland , p. 24) essaya de copier en bar(|ue, snns y parvenir à cause
•i",o hkvi;e niiM.iQri:.
A'.:; Mi-:i--iu); /.ai t:j Aat;A:vcç Ail •/.«• Oscîç, loul cn notant (|ue la res-
seule (lilïërence d'une lacune indi(|uée entre v.-j.': et -riii îatV^vcç, qne
\\m trouve aussi dans les Griecliisclic Dialc/a-lnsc/wiffcn de Gollit/.
et liechtcl {'2\
T\MCimou'3m
TOAEMNHMA
MHAEIIAAI
KHCHIVIHAEArAAIS'H
ElAEMHECenAMAPTOAOC
TOYAAIiVîONOC
KAIOEOlIXOONiOll
dilterent, Ti[j.(,}vz: -zli \)^rr,\].y. [j.rfiziz alixT^ar, (5) \j.rfiï à[9]a[v]{[crjyi (6).
dernier mot est fort douteux; la première lettre de ce mot semble bien
un A, peut-être un A; la 2' ressemblerait tout autant à un Q qu'à un
M; la 3*^ doit être encore un A, le jambage de droite et le commence-
ment de la barre centrale sont assez caractéristiques; le k'' signe
T. III, 1, H. van Gelder. Die rhodischcn Inschriften, n" 433;!; Id., Geschichte der
(2)
alten Rhodier, n" 322.
(3) Rev. biblique, 1917, p. 289.
(4) Ibid.. p. 298.
4224 épilapiie
(5)Voy. par exemple Corp. niscr. graec.. t. III, Addenda, p. 1120. n. f,
moins paléogra-
(6) 'AsavîcTT,, que me suggère
M. HoUeaux, est le terme s'éloignant le
lorizo remplacent (p. 18) par AflAAIS'H. [Le P. Savignac, dans l'étude insérée plus,
A... (2), mais dans l'ensemble il paraît bien malgré tout que M. Mi-
chelier ait vu à peu près juste et que l'inscription continuât st oè \}.r^
sujet (4).
Il suffira de rappeler que dans les inscriptions visées, propres à
certaines régions de l'Asie Mineure et qui ne se rencontrent guère
ailleurs que sporadiquement, deux genres de clauses peuvent être
distinguées, dont, —
alors même que les auteurs ne seraient pas d'ac-
cord sur la position respective du droit grec et du droit romain, —
je ne vois pas qu'il ait été donné un exposé de principes plus clair
et plus net que dans le passage suivant des Penalties: in lycian epi-
taphs de M.W. Arkwright, que je traduis « La série des épitaphes :
(3) [La dernière lecture du P. Savignac (voy. plus haut, p. 533, semble d'ailleurs s'y
rallier puisqu'il transcrit cette fois EIAE MH ECGn AMAPT. L'état de la pierre
est tel que son estampage, qui m'est communiqué en dernière heure, au moins à un examen
rapide, n'apporte pas grand éclaircissement.]
(4) Vidal-LablacLe, Commentatio de funebrihus in Asia Minore (1872); G. Hirsch-
litulis
leld, Veber die griech. Geldslrafen anordnen, Kfinigsberger
Grabschriften loelche
Studien, I, 1887, p. 83-144; O. Treuber, Bntrarje zur Geschichtc der Lylàer, II, Wesen
der Griiberbussen Lykiens, ihrer Verhiiltniss zu den ùbrigen in griechischer Sprache und
zu den nimisclien (Tiibingen Progr. 1888); J. Merkol, IJeber die sogenannt. Sepulkrul-
Multen [Abhandlungen der Gritting. JuristenfakulUit fier R. v. Ihering, 1892); B. Keil,
Veber Kleihasialiscke Grabinschriften. Hermès, t. XLIII, 1908, p. 522-577; H. Steraicr,
I)ie griechischen Grabinschriften Kleinusiens, 190'J W. Arkwright, Penalties in hjcinn
;
epitaphs of hellenistic and roman times. Journal of hellenic studies, i. XXI, 1911,
p. 269-275. Voy. aussi B. Haussoullier, Journal des savants, 1917. p. 387-388.
.J.C lUCVl K lillU.lOlIK.
£7Tat ajTw T.pbq tsv 'I(r^c7ûlJv) X(pf,(7Tiv) (2). Il y est donné coursa l'époque
païenne en vouant le coupable à la colère d'un dieu, Déméter, Hécate,
Hélios, Héphaistos, Latone, Men, ou des dieux régionaux, Ihoiov/S:
Oscipar exemple en Pisidie, ou des dieux en général et en particulier
des dieux infernaux (3). 'A;j.apTo)Aiç est précisément alors une des
épithètes employées. Le nom de la divinité qui suit est le plus sou-
vent au datif et l'on pourrait par suite, en admettant ici une variante,
attendre un substantif au datif dont toj caf'ij.ovc; serait le complément.
(1) Corp. inscr. graec, t. III, n" 4303' a et Addenda, p. 113;». Voy. aussi Ibid., n" 4303
et Addenda, p. 1138, et n" 4308.
(2) Ibid., t. III, n° 4303'^ b.
(3) Petersen et von Luschan, Reisen, in Lyhien, Milijas und Kibyraiis, p. 36, n" 58.
p. 51, n" IV) des oai'iiovE; -/.e/o^.wiiïvoi a-jTfo y.ai -ii'iti a-jTOÛ.
(6) La forme la plus ordinaire est la forme active, è-xteisî:, àKoxscffEt, mais il ne
manque pas d'exemples de l'emploi du moyen, àTC0T£t<7âTM, irpocrairoTîtirâTco, par exemple
Corp. imcr. graec, t. II, n- 2771, 2830 et Addend., p. 1115, 2834, 2839, 2843, 2850 b et e II
gr. et lat.,
et Addend., p. 1117-1118, et t. III, n" 4259 et 4300; Le Bas-Waddington, Inscr.
t. III, n° 1631; Bull, de corr. hellén., 1881, p. 344; Journ. of hellen. studies, t. XV,
1895, p. 104.
Journ. of hellenic studies, 1S95. p. 104, à-oTtuâiw ô irapà xà 7rfOY=Yp»!A|J.£vx
(7)
ôpa/aà; Tpiiy.iAta;; Petersen et von Luschan, Reise.il in Lylàen, Mihjas und
6[à.{^]a;...
Kibyratis, p. 56-57, n" 108, ô?Et),yi<7ît ô Tcapà xa^xa Ooé'^ia;... opaxixà; -/ù:a;.
(8) Il y a de même amende frappant le (TJY/wpri^a;,
entre autres Corp. inscr. graec,
t. 2829 et 2837 et Addenda, p. 1117, et t. III, n"' 4244, 4245, 4246.
II, n"'
dernière de ces inscriptions. 'O es èAévçaç AaSsToi -rb -ptTcv, dit notre
inscription, et telle devient la règle commune, qui, avec une variante
de rédaction, s'exprime par la clause de style mv ô IXé-f^aq \T,\vhfzy.^
iz 'zpi-cv.
Les deux ordres d'idées ont sans aucun doute eu cours simultané-
ment et les mêmes épitaphes s'adressent aux deux sortes de remèdes.
ê
(1) Ibid., p. 275.
(2) Il apparaissait déjà à M. Holleaux, qui n'en connaissait pas alors davantage, pour
l'une des conclusions qu'il en tirait, qu' « on s'expliquerait mal autrement que cette
petite lie ait fourni a elle seule trois inscriptions relatives à des épistates » [Bull, de corr.
Iiellén.. 1893. p. .58, n. 1).
Diamantaras, Bull, de corr. helUnique, 1892, p. 305; Ibid., 1893, p. 52, n. 2;
(3)
'H vr,7o; Mr.-'icr-r,, p. 91; H. van Gelder, Mnemosyne, 1896, p. 248, n" 28; Id., Geschichle
der alten Hhodier, p. 446, n" 32.
(4) «La lecture de ce texte, écrivait M. Holleaux [Bull, de corr. hellén., 1893, p. 52, n. 2),
m'inspire, je l'avoue, qiiel(|ues doutes. L'éiliteiir n'explique pas très clairement si l'inscrip-
tion est complète ou fragmentaire. On ne voit guère comment Yn. à la première ligne,
peut avoir forme circulaire (C, de même CO), tandis ([u'il s'écrit 1 aux trois suivantes.
la
Enfin deux noms, ...ai'ù.w^ et Aé/io; paraîtront justement suspects. L'inscription
ces
peut dater de l'époque romaine >. H y a, en particulier dans notre n» 5, un exemple de
l'emploi simultané de deux formes de sigma, C et Z: et, quant à BaaîXtov et à AeXtoî,
M. van Gelder, d'abord hésitant pour le premier [Mnemosyne. 1896, p. 249), en a ensuite
fait la remarque (Geschichle der alten Rhodier, p. 446, n° 32), ils se retrouvent, liaci/wv
[Inscr. (jraec, XH, 1, n<- 46 et 702) et de même Ai/io; [Ibid., n" 201 et 204), qui est,
comme le répète justement M. MicheHer, un démotique «le Rhodes.
(5) Il ne m'a pas été possible de le retrouver
publié, malgré l'indication du P. Savi-
gnac (lieviie Inblitjue, 1917, p. 199) « publiée je ne sais où, ni par qui; peut-être par
:
page, il y a, après le T, MAX el non EZI »• U semble vain, dans ces conditions, de
chercher à restituer le nom propre. Voy. pourtant J.-S., L'île de Casielorizo, p. 20 :
(1) Il serait inutile de s'arrêter à faire remarquer cette forme dialectale du nominatif
pluriel s'il n'était vraisemblable (|ue c'est sa présence <iui a amené M. Diamantaras, dans
sa seconde publication du n» 2 (HuU. de corr. hellén., 1893, p. 632-640), à corriger ; xal
ToTç ojCTTpaTEjcraaivoi; A'.offxopot;. 11 absolument
est vrai qu'il déclare : « la lecture est
certaine et l'on doit supiioser avant les Dioscures un autre dieu qui partageait avec eux
la dédicace ». Mais, a déjà remarqué M. Holleaux [Ibid., 1894, p. 394, n. 2), « comme l'ins-
cription ne présente aucune lacune du moins dans les copies qui nous en sont données),
l'hypothèse me paraît peu vraisê*nblable; les deux Z qui terminent les lignes 4 et 5 ne
doivent être attribuées qu'à une faute du graveur », et de même M. H. van Gelder
déclare (Die rhodischen Inschriflen, n" 4331) que toî; ffjffTpaTEjffatxévoi;, à supposer <|ue
cette graphie existe réellement, ne peut être ([u'une faute ou du texte ou de la publica-
tion. [Il n'y a, en réalité, sur lestampage, aucune trace de ces deux Z '
corr. hellén., 1893,p. 639-640; Holleaux, Ibid., 1893, p. 52, n" 1 et 1894, p. 394, n. 2;
H. van Gelder, Mnemosyne, 189G, p. 249, n 29 a Id., Die rhodischen Inschriflen, n° 4331 ; ;
que, dans le second, qui lui joint Artémis, il est qualifié seulement de
'ûpoTzÙAoï'.o:.
II" 1 (1). Sw;7r/.Aï;ç Niy.avôpa (2) "A;xcoç (3) STrio-Trar/^Taç ('i-) èv -z Kaaià-
êt (5) y.al èzi ~o'0 r.ùpyo'j toj iv MsYitrTa Epi^.5 T:poT:uAau;) /api7-r,pisv.
Il est évident que, dans tous ces textes, les èzw-x-ac mentionnés sont
Leake, A tour in Asia Minor, p. 184; Corp. Inscr. graec, t. III, n' i30l et Ad-
(1)
denda, p. 1135, d'après Hailie, Fasc. inscr, graec, IFI, p. 57; Le Bas-Waddinglon, Inscr.
gr. et lat., t. III, n" 1268; Diamantaras, 'H vPiao: Msycff-ï], p. 7; Holleaux, Bull, de corr.
Iiellén., 1894. p. 390-.'J91 H. van Gelder, Mnemosyne, 1896, p. 249, n° 27a; Id., Die
;
"Àfito; et non [Sjâfxto;. L'éditeur du Corpus disposait à la fois d'une copie de Beaufort
génument avoir corrigé en plus d'un endroit la copie de Cockereil, rien ne prouve que le Z
figurât sur l'original de cette copie, et tout indique, au contraire, que la présence de cette
lettre malencontreuse n'est due qu'à l'initiative indiscrète du correcteur. » 11 faut noter
d'ailleurs que,aux .\ddenda, Franz donne telle quelle la copie de Bailie, AMIOZ, qui est
aussi celle de M. Diamantaras. « L'ethnique lifiioc, continuait M. Holleaux, est bien fait
pour étonner. On cherdie en vain pour «luelle raison mystérieuse l'île de Mégisté, posses-
sion rhodienne, aurait été gouvernée par un épistate originaire de Samos; on se demande,
d'autre part, comment et pourquoi ce Samien aurait rédigé sa dédicace en dialecte dorien ;
bref, on soupçonne ici, dès le premier moment, quelque méprise, quelque erreur de lec-
ture ou de transcription... Sans aucun doute, la vraie leçon n'était pas lâfA^o;, mais 'Ajaio;.
Ce mot n'est pas nouveau et l'épigraphie rliodienne eu a fourni de nombreux exemples.
Au lieu d'être, comme on l'a voulu longtemps, un démotique de l'île de Rhodes, c'est
l'ethnique de la ville d'Araos... Amos, mentionnée par le Ps.-Aeschines et par .\lexandre
Polyhistor, se trouvait située non loin de Physkos, soit dans la Péraia proprement dite,
soit dans la région voisine, ([ui fut longtemps soumise aux Rhodiens ». « Heroevi aliquem
in Peraea Rhod. offendimus, ajoute M. van Gelder {Mnemosyne. 1896, p. 248), cui
'Av w nomen fuisse fertur, Diod., V, 62, 2. Ilomini nisi fnllor nomen re vera fuit 'A [i- w,
i
(4) L'autre remar([ue de M. Michelier relative à la lecture à la même ligne des lettres
AT est également fondée, au moins pour l'A. Ici Leake donnait justement sirtaTa-nÎTa:;,
ïrj.<^zx-r^q, ÛTCo Tcu cr,;/:j -'Jj 'Pcouov (8). Il remarquait (î)), à cette occa-
sion, que, quoique dans la langue politique des Grecs, peu de mots
aient un sens plus élastique et plus variable que le mot IziaTârfjÇ,
cependant, à l'époque hellénistique et dans les états fondés par les
héritiers d'Alexandre, ïr^-a-A-r^q a fréquemment cette signification par-
ticulière de représentant du pouvoir royal auprès de certaines villes
KaCTa6[wl en se référant à Diodore, v, sctti ô' èv KaaTaêw xy;; XEppovôao-j tepbv àytov
62,
'H|jLt8£a;, et s'il est sur ce point suivi par M. van Gelder {Die rhodischen Inschriften,
n" 4332), faisait déjà la réserve «
il quanquam poleral esse etiam Kâcrtaêiç forma usi-
Holleaux, Bull, de corr. hellén., 189't, p. 3i)2, n. 2 « Franz fait observer <iue :
tata (cf.
avec Bailie; il préfère KacrTàêi, qu'adopte Waddington. La question est aujourd'hui tran-
chée par l'estampage «Nous avons estampé à nouveau l'inscription qui est très nette; la
:
troisième ligne débute par EN TE KAITABI, lecture certaine « (J.-S., L'ile de Cas-
telorizo, p. 17, n. 1), et les auteurs ajoutent, ce qui est moins clair : « TOI n'exisle pas ».
Mnemosyne, 1896, p. 248. L'inscription Inscr. rjraecae, XII, 1, n" 731, par exemple,
(3)
mentionne des imniâi'Xi qui semblent bien n'être que les préposés au temple d'A])ollon
Erethimius.
(4) M. Holleaux s'était borné [Bull,
de corr. hellén., 1893, p. r>3, n" 1) à déclarer l'opi-
nion de Ross « médiocrement vraisemblable en elle-même et certainement démentie par
la comparaison de l'inscription [d'Eucralidas] ».
(7) Ibid., 1886, p. 488, n" 2; Ch. Michel, Recueil d'inscriptions grecques, n° 479.
(8) Ibid., 18&3, p. 54-55. Il faut en rapprocher une liste d'èuttTxâxai lol irsfAçOévTS? Otto
Toy Sdc|j.oj [Inscr. grnec, XII, 1, n° 84i).
aurait tort de lui attribuer une signification politique c'est plutôt une ;
(«le fait s'expliquait sans doute par des raisons particulières qui nous
échappent » (2).
Etienne Miciiox.
contrées ne peut que mettre en lumière les affinités qui unissent nos
monuments à ceux de la Terre Sainte et mettre un terme à certaines
tliéories émanant d'imaginations surcliaufïées par un fatras mytho-
philologique oublieux de tout élément objectif de comparaison. D'un
regard attentif fixé sur la décoration de la cathédrale de Saint-Paul-
Trois-Chàteaux ou sur l'élégante église de Saint-Piestitut située à une
lieue de la cité tricastine, naît rapidement la conviction que les sculp-
teurs des xi" et xii* siècles savaient s'inspirer des modèles de l'art
romain classique et en tirer le plus heureux parti. Ce que nos ouvriers
ont réalisé chez nous, pourquoi ne l'auraient-ils pas aussi bien exé-
cuté à .lérusalcm, et, en particulier, dans cette façade du Saint-Sépul-
cre dont l'origine a soulevé ({uelqucs controverses du fait des motifs
classiques de sa décoration? Il n'y aurait pas d'ailleurs à insister sur
cette renaissance romane du xii'' siècle après ce qu'en ont écrit des
autorités telles c^ue Revoit, Enlart, de Lasteyrie et le regretté marquis
de Vogué Mais les tentatives réitérées des théoriciens germaniques
(1).
d'effacer en Orient les traces les plus évidentes de la civilisation
(1) Voir sur celte discussion les arguments du P. Vincent dans notre ouvrage sur Jéru'
saleni Nouvelle, I, p. 141 et 151.
UEVIE BIBI.IO! E 1917. — N. S., T. XIV. 3(j
5()2 RKVUI-: RllUJnilî.
les dessins sont exécutés à Faide de cubes ocre et bleu foncé tirant
sur le noir. Le relevé ci-joint (pi. I), qui se borne à la portion de
l'œuvre consacrée à Jérusalem, aidera le lecteur à suivre la des-
cription du tableau. Tout le monde reconnaîtra, au premier plan,
une ligne de remparts crénelés interrompue au milieu par une porte
à pentures visibles, surmontée d'une muraille que dentellent cinq
créneaux. En arrière du mur d'enceinte se dresse à droite une cons-
truction percée d'une fenêtre et qui parait découronnée. D'un redan
en saillie au centre de l'édifice en question s'élève une échelle ou
un escalier qui aboutit entre le monument à coupole et un chemin
de ronde protégé par une série de mâchicoulis ou de meurtrières
affectant la forme de moiicharahics. On entrevoit au-dessous de
l'escalier les arcades d'un portique qui vient buter lune des deux
tours massives du centre. Une porte verrouillée se dissimulant sous
un contrefort au-dessus duquel se lit le nom de lERCSALE(M) et une
(1) Voir dans Jérusalem Nouvelle, I, les figures 110, 112, 118, 1 ÎO, Vl\.
Pi.ANciii: I,
^' :i!^
•.*»«^-
KJu;. 1.
t '-.,-;„/
'"'^'- ^•
Kig. -2.
I
•iOS REVL'K IUliLlOUE.
à Rome (1). Notons, en passant, que les symboles des quatre évang-é-
listes la reproduction de .lérusaleni aussi l>ion dans
acconipagnont l.i
. F.-M. Abel, 0. P.
(1) On trouvera une reproduction de celte mosaïque dans Jérusalem Nouvelle, 1, p. 200,
(2) Vincent et Ap.el, Bethléem, Le Sanctuaire de la Nativité, pi. XX.
(3) Bethléem, fig. 43 et 44.
CHIiOMQUE. 569
sant une tranchée pour établir un poste d'artillerie. Les troupes aus-
traliennes s'en étant emparées —
probablement à la lin de mars ou
au début d'avril, —
elle se firent un point d'honneur de nettoyer tout
l'espace nécessaire pour mettre à nu toute la mosaïque. L'endroit se
nomme Chelldl et est entre Bcrsabée et le Klidn Voimès, le long de
l'ouàdy GhazzcJi.
Les ruines sont sur une émincnce, à l'est de la source. D'après
VEgi/ptian Gazette, les troupes qui s'y occupèrent avec un zèle
empressé appartenaient à la cavalerie montée australienne. Le tra-
vail dura quatorze jours, sous la direction du Rev. W. Maitland
Woods, senior chaplain (Church of England) of the Anzac Mounted
division.
On mit à jour un rectangle d'environ 15 mètres sur 8 (M. Massi-
gnon) ou 27 pieds sur 18 {Egijptlan Gazette). Ce rectangle était
570 UEVUK lUHI.KU K
tTONAGTONNGONAAyiAG...
MHCANOTeOCICOT^HMOON
K,AiO0eO(|)lA^rGGOPriOCOI.
NAPIOCGNTGOBKXGTGIKAT
ne sais si M. Massignon a cru reproduire X3ar des points les lettres
.le
CHROiNIQUE. o71
(2) L'ère de Ga/.a date, comme on sait, du 25 octobre 61 av. J.-C. ; il faut donc retran-
cher de 622 le chiffre 61 avant le 25 oct., et le chiffre 62 après.
(3) RB., 1894, p. 627 8.
572 RKVL'E lUHMOUE.
Nos soldats ne montrent pas moins de zèle que les Anglais pour
archéologiques en Palestine.
les fouilles
Voici ce que veut bien nous écrire (2) le R. P. Benjamin, des
Augustins de l'Assomption, qui naguère a pris le goût des choses
antiques à Jérusalem sous la direction de notre ami et collaborateur
le R.P. (ilermer-Durand :
aujourd'liui. J'ai rajusté à leur place normale les plus petits frag-
ments. Le tout est maintenant dans un moule en planches de fabri-
cation très précaire, mais suffisant pour empêcher les morceaux d'être
dispersés. Voici ce que j'ai lu sur la pierre :
t eYXAPJCTcoNTGOAncorecopnco
A
A
p
I
1917.
Par ce commentaire, le R. P. Vosté prend rang parmi les meilleurs interprètes
de la pensée de S. Paul. Il semble promettre une suite qu'on ne peut attendre
qu'avec svmpathie.
verso, le texte
La disposition extérieure est excellente. Sur le haut des pages, au
avec les variantes de von Soden; au recto, la Vulgate d'après
grec d'après ^'estle
corrections qui paraîtraient
rédition du R. P. Hetzenauer, avec l'indication des
souhaitables. Au-dessous le commentaire, verset par verset, en caractères plus fins,
comme Tintroduction et les appendices. Le tout est traité avec beaucoup
en latin,
un tact exégétique très sûr. L'auteur est très résolument tradi-
de précision et
tout routinier. tient compte des travaux les plus
tionnel, mais non point du Il
en latin, mais il annonce qu'il le fait secundim disciiAinam ecclesimticam (p. 40).
:
C'est encore très bien vu, à la condition de ne pas suggérer par ces mots qu'un
ecclesiasticam.
commentaire direct du texte écrit par S. Paul serait contra disciplhiam
On sait en effet que la loi du Concile de
Trente, ordonnant de suivre la Vulgate
of genuineness.
P. 38. La principale objection à l'authenticité de la seconde épître n'est pas
précisément relative au temps de la parousie, mais aux modalités de la parousie.
La première épître semble dire qu'elle viendra inopinément; la seconde annonce
des signes avant-coureurs. Le P. Vosté résout l'objection comme tout le monde :
malgré les signes du temps, on pourra être surpris sur le jour et l'heure.. Mais
siPaul avait dans son esprit cette distinction, ce qui est très plausible, n'a-t-il pas
pu aussi distinguer de la même façon quant à l'époque de la parousie.^ ignorance
du jour et de l'heure, mais opinion probable sur une parousie pus très éloignée.
Je note seulement qu'il eût fallu tenir compte de cette parité dans la discussion
sur la parousie.
P. 40. Secundum versionem antiquam dictant Ambrosiaster. est au moins équi-
voque. \" Ambrosiaf^ter a suivi un texte latin qu'aucun manuscrit ne nous fait con-
naître, mais rien n'indique qu'il soit l'auteur de cette version, et je ne sache pas
que modernes la désignent par son nom.
les
Primasim. Après les travaux de M. Souter, on ne peut guère douter que
P. 44.
Primasius ne soit un texte de Pelage révisé par Cassiodore. Il eût été du moins
prudent de dire pseudo-Primasim^, ou d'indiquer les raisons dun jugement con-
traire.
P. fi3. Je ne résiste pas au plaisir de signaler l'excellente note sur electionem
vestram.
P. 65. In virtute, non nlhidit ad iiuracnla, nuae Vaulus nunqnnm invocnt p?v>
credibiUtdte proprii operis; cependant (lai. 3, est bien quelque chose de sem-
.'i
blable.
576 RliVl K RIBMQLK.
P. 89. Pourquoi s'étonner qu'Kstius ait connu le sens passif de Ivsp-jeraOai avant
jMilligan (plus loin ivspvsïaTat faute d'impression) ? Rien de plus courant dans l'exé-
gèse.
P. 100, et cela s'applique à I Thess. 1, 1; 3, 11; Il Tliess. 2, IG. Il y » quelque
exagération à dire que ces textes affirment la parfaite égalité de Dieu et de .lésus-
Clirist, parce que Dieu le Père et Jésus-Christ sont mis sur la même ligne. En elfet
on pourrait objecter : chacim selon son office. Dans II Thess. 2, 16, Jésus-Christ
est même nommé le premier, et c'est, dit le P. Vosté, parce qu'il est intcrmcdias et
vid ml Patrem. Il pourrait être pour la même raison nommé aprè.s le Père. Les
noms de de Srinneur pourraient par eux-mêmes indiquer une inégalité,
f>iev et
et il n'est pas aisé de prouver que Seigneur représente ici lahvé, car lahvé se disait
bien de Dieu le Père. Il suffirait donc de dire que la croyance de Paul à la divinité
du Fils de Dieu étant prouvée par d'autres textes, ceux-ci sont en parfaite harmonie
avec cette croyance. On conçoit que Chrysostome et Théodoret, peu après la con-
troverse arienne, aient insisti' sur ces textes, mais Targumentation théologique exige
plus de rigueur.
Après cela, je ne voudrais pas chicaner le R. P. Vosté lorsqu'il embrasse des
opinions assurément probables. Peut-être cependant se montre-t-il trop siir de son
fait lorsqu'il refuse d'entendre le pluriel de la première personne de Paul seul,
même dans 3, 1. Paul s'est associé pour écrire Silvanus (Silas) et Timothée (1, 1).
de Paul et de Silas. Mais Silas qui revint ensuite avec timothée (Act. 18, 5)
n'était-il pas parti avec lui? Et enfin le même verbe revient à 3, 5 au singulier.
Précisément, dit le P. Vosté; s'il parle maintenant au singulier, c'est donc que
tout à l'heure ils étaient deux! Pourtant Paul passe aisément du pluriel au singu-
lier : cf. II Cor. 1, 13; 5, 11 ; 7, 3; 10, 2 ss. ;
;ll, 2; Phil. 3, 17; on notera
l'accent personnel de plusieurs de ces passages, oij il ne saurait comprendre ses
collaborateurs. Paul était modeste assurément, mais il n'hésitait pas à mettre en
''
avant sa personne et son autorité.
Et l'interprétation de -o lauiou azsjo; /.racj9a: par « prendre femme », si ancienne
et si appuyée qu'elle soit, est vraiment bien bizarre. La seule analogie se trouve
dans les écrits rabbiniques; mais pour réaliste qu'il soit, le style de Paul évite leur
brutalité.Dans les Prov. 5, 15, bibe aquam de vusis tuis, i-b cywv àyys'fDV n'est
point une métaphore isolée; la comparaison de boire exigeait un terme semblable.
Dans I Pet. 3, 7, le i/.vjo'. féminin indique qu'il peut y avoir un a/.£uo; masculin,
bien connu de Paul II Cor. 4, 7. D'ailleurs le P. Vosté changerait peut-être de
camp si on pouvait lui prouver que KTàaOat signifie posséder, employer. Mais un
verbe de durée nest-il pas exigé par la tournure elle-même.' Que prétend-on dans
l'hypothèse du mariage? Que Paul met en garde contre un mariage contracté pour
satisfaire de mauvais désirs? Ce n'était pas ce qu'il y avait le plus à craindre dans
un temps oii les justes noces signifiaient renoncer à la licence. S'il a voulu dire
de ne pas abuser du mariage, xTZ'j^at ne signifie plus acquirere. Et Paul, lorsqu'il
parle de la luxure antique, s'attaque de coutume à nn autre vice qui menaçait la
dignité du proprium corpus. Acquirere pruprium ras au sens que l'on dit ne peut
vraiment pas se rendre en français, et l'on éprouve quelque répugnance à mettre
ce sens encore plus obscur qu'incongru au compte de Paul.
Passons à pieds joints la seconde épître, que d'ailleurs nous retrouvons dans
un des deux appendices Historia interpreîalionis II Thess. 2, 1-12 consacré au
:
.
RECENSIONS. 577
Sur cette chose ou cette personne, je n'ai pas d'autre opinion que celle de saint Au-
gustin, citée avec déférence par saint Thomas Jù/o prorsus quid dixerit, nie faleor :
iymrin-e {De civ. Dei, w, 19j. Alors pourquoi insister? Parce qu'ici encore le
R. P. Voàté allègue une opinion qu'il déclare traditionnelle, ce qui n'est pas sans de
graves conséquences. Et d'abord nouS devrions nous entendre pour n'employer ce
mot que si l'opinion des Pères vient réellement d'une tradition. L'auteur l'insinue,
mais n'ose l'aMirmer, ce dont il faut lui tenir compte forte secundum aliquam tra- :
ditionem apOitnUcam, tain anliqua eniin et unaniinis est opinio haec; sed quis hoc —
probare aut cum certitudine affirmare uuderet? Si elle n'est pas apostolique, cette
prétendue tradition a donc commencé. Et, en effet, d'après le R. P. Vosté elle
a pour fondement la vision de Daniel (c. 7). Au lieu d'une tradition nous avons
donc à l'origine une conjecture exégétique qui apparaît dans TertuUien, le premier
témoin de la chaîne. Mais on parlera peut-être d'une exégèse traditionnelle. Quel en
était donc le sens.? Il suffit de lire Daniel. L'empire romain y est, d'après ces exé-
gètes, figuré par la dernière bête, la puissance la plus acharnée contre les saints. Font
allusion expressément à Daniel : TertuUien, Pelage, Chrysostome. Ambrosiaster, sans
citer Daniel, regarde l'empire comme un instrument de Satan. Jérôme lui-même ne
regarde l'empire que sous le signe de la Bète de l'Apocalypse. D'autres Pères, enten-
dant aussi l'obstacle de l'empire, se tiennent dans la ligne purement eschatologique :
on croyait l'empire éternel, c'est-à-dire prolongé jusqu'à la fin des temps; tout na-
turellement l'Antéchrist ne pouvait venir qu'après sa chute : saint Cyrille de Jéru-
salem, saint Jean Damascène.
Bref, aucun auteur ancien cité par le P. V'osté ne regarde l'empire romain comme
un obstacle à l'Antéchrist à cause de l'équité de son administration ou de la rectitude
de sa jurisprudence. Lorsque l'empire eut disparu, on voulut sauver la véracité de
Paul compromise par cette exégèse, sans renoncer à l'interprétation courante.
'Alors. —au douzième siècle! saint Bruno dit avec candeur— Romanum, id est :
Christianum imperium
D'autres avaient suivi une autre voie, et l'on ne peut pas même nommer una-
nime l'exégèse de l'empire rnmain. Saint Éphrem parle du culte des idoles, dont la
destruction de la cité marque le terme Théodore de Mopsueste et Théodoret allè- ;
guent le décret divin. Augustin refuse de se prononcer, et, rapportant les différentes
opinions dit seulement non absurde de ipso Romano imperlo creditur dictum.
:
Mais le plus étrange est que le R. P. Vosté estime suivre l'opinion unanime et
traditionnelle en désignant comme obstacle l'empire romain quatenus ordinatione :
sua aequa et mirabili est status ordinis, instUiae' ri pucis ip. 202)! Il y a bien accord
avec la plupart des Pères sur le nom de l'empire, mais nullement sur son rôle, ce
qui est le point capital. Que l'on soutienne l'opinion moderne à cause de la sym-
pathie de Paul pour l'empire, soit, mais ce n'est plus l'opinion des Pères. La note
juste est bien plutôt fournie par le P. Vosté qui reconnaît dans ce passage le style
apocalyptique p. 203). Il s'agit d'une chose mystérieuse, qu'on se disait dans l'inti-
mité des paroles, mais qu'on n'écrivait pas. Nous avons perdu le secret. Quant à
l'empire romain, c'était la chose la plus patente au soleil. Paul aura évité de le nom-
mer pour éviter les persécutions, répète le P. \ osté. iMais TertuUien n'a pas eu ce
souci, et quel Romain, croyant à l'éternité de l'empire, pouvait se scandaliser qu'on
ne le fit dîner que jusqu'à la fin du monde.'
Ephod and Ark, a stu>ly in \hc records aiul religion of the ancient llebrews,
l)v Willi;im II. Aiixoio, IlitcliorU professor ol' llebrew in Aiidover Iheolcj-ical
seminarv, in-S° de ITit p|). Cainbiid.Hi', ll.irvard Uiiiveisity l'ress, l!M7.
l\est.iit-il une oonjccluro à l';iiie sur \' i:i>hinl et sur \\\n:hr.' M. William IL Arnold,
l'essentiel, un coIVre en bois assez grand qui contenait les tables de b l.oi. Les cri-
ti(|iies. (lit M. Arnold, ne 'semblent d'aceord (]iie sur un point, c'est-à-dire pour
rejeter cette tradition. Les uns mettent dans l'arcbc mi bétyle, une image de
lalivé, etc.; les autres n'\ mettent rien du tout et la translormeut même en une sorte
a trop souvent regardé ce dernier épliod comme une idole, et regardé même cette
signitication comme le sens propre du mot éphod, dont elle cherchait l'élymologie
dans cette direction. M. Arnold n'admet qu'une seule espèce d'éphod, celui qui
était à l'origine une sorte de pagne, et qui est devenu une pièce luxueuse de l'Iiabil-
A l'origine, —
au temps de Saiil et de David, il n'y avait pas qu'une arche de —
lahvé. Il v avait autant d'arches sacrées que de sanctuaires: le prêtre les employait
pour rendre les oracles, car elles contenaient les objets dont on se servait pour la
divination. Si l'on ne s'en est pas aperçu plus tôt, c'est qu'on n'avait pas compris
que. toutes les fois que le texte parle d'i-phod à propos des oracles, il faut lire /n-che
le même changement dans les deux cas où l'éphod est un objet solide.
Dans cette thèse, la nouveauté n'est pas que l'arche ait eu une relation avec
l'oracle. Il était assez naturel qu'on consultât lahvé en sa présence, que l'arche
rendait sensible. Mais en fait le texte Ar-
sacré rattache la divination à l'éphod. 31.
nold suppose que ce un artiQce des docteurs de la Loi du judaïsme pour voiler
fut
le fait de la multiplicité des arches. Il lui faut donc prouver cette multiplicité, et
nous confessons très nettement que ses arguments nous ont paru dépourvus de
valeur.
La thèse procède ainsi. Dans un cas (I Sam. 14, 18) au moins, nous avons une
RECE.\SIO?;S. 579
cphod ou bien le texte naassorétique qui lit arôn a changé cphocl en arôn. Pour
,
M. Arnold il est clair que c'est le grec qui a changé. Kt si cela était établi, on serait
en elfet assez porté à supposer que dans d'autres cas le même changement a pénétré
même dans le texte massorélique, car ces cas sont sur le même plan. Mais c'est
aussi ce qui a décidé tous les commentateurs critiques à préférer le texte grec. Et
M. Arnold est bien obligé de reconnaître sa supériorité dans l'ensemble, puisqu'il
lui faut d'abord corriger l'hébreu d'après le grec, smtf le mot drôn qu'il croit
authentique. Il lui faut de plus attaquer le v. 3, d'après lequel Achiya portait
le même objet qu'il faudra lire au v. 18. Le principal argu-
l'éphod, car c'est bien
ment en faveur du texte hébreu au v. 18, c'est qu'il n'y avait aucune raison de
remplacer éphod par arche. Au contraire, l'arche étant alors à Qiryath-Yearim, sa
présence au camp de Saiil a paru invraisemblable à un correcteur qui a remplacé
arche par c'phod. L'argument n'est pas sans valeur, mais faut-il assigner une raison
valable pour la -présence d'un non-sens dans le texte hébreu? La leçon difficile n'est
pas nécessairement la meilleure. Si la présence de l'arche à ce moment a paru into-
lérable, pourquoi n'a-t-on pas corrigé le texte massorétique? Tandis qu'un pieux
lecteur a pu se dire qu'une victoire signalée exigeait, la présence de l'arche il, n'a
pas réfléchi qu'alors elle était à Qiryat-Yearim, ou bien pu croire qu'on l'avait
il a
envoyé quérir. Et, comme le dira plus loin M. Arnold, qui eût supposé que l'arche
avait quitté son asile de Siou pour aller, sans le roi, faire campagne contre les
fils d'Ammon, si nous ne l'apprenions, tout à fait par hasard, par les paroles d'Urie
(H Sam. 11. 11)?
Le texte de I Sam. 14, 18 ne prouve donc ni le changement systématique de
arôn en rphod, ni la multiplicité des arches.
M. Arnold en vient à d'autres textes. Cinq passages prouvent la pluralité, trois autres
ne sont explicables que si l'on regarde Tarche comme l'instrument de la divination.
"
ronomienne. Nous n'insistons pas sur ce dernier point. Mais, tout en reconnaissant
le principe de grammaire rappelé par M. Arnold, nous contestons qu'il ait une
application constante dans le cas d'un objet que la tradition regardait comme unique.
Il prétend que les commentateurs font une pétition de principe. IMais ils s'appuient
sur la tradition de ceux qui ont rédigé et copié les textes. Pour établir d'après ces
se voit obligé, dans un cas au moins, de'corriger le texte précisément pour obtenir
la forme grammaticale qu'il postule (Jud. 20, 27 s.)! Lorsque le texte dit arôn
la.hvé, c'est l'unité qui est naturelle, et il faut beaucoup d'esprit de système pour
voir dans arôn lalivé Sebaoth « l'arche de lahvé militant », c'est la traduction —
de M. Arnold —
la boîte sacrée d'un sanctuaire particulier ayant un vocable spécial.
prec a compris « Samuel ti;iit couché dans le lomplc de lahvé où était l'ardie de
:
une dans cli,u|ue sanctuaire? Mais toute l'histoire qui suit indique assez
s'il y en avait
que celle arche était le palladium d'Israël, l'arche par excellence.
I Sam. 4, :J s. inditiucrait une arche particulière parce (pic l'auteur la nomme
l'arche de Silo. '^
<. l'arche (de l'alliance) de lahvé militant ». Mais c'est louj'ours
L'addition de .Sebaoth est
avait-il donc plusieurs arches dans un seul sanctuaire?
simplement eni|)hatiquedins cette i^rave circonstance. D'ailleurs elle ne ligure ((u'une
lahvé Sebaoth », « l'arche de l'alliance de Dieu >> (DXlSxn), comme pour montrer
de lahvé, l'arche de Dieu. Et rien n'est propre à mettre en relief l'impoi tance
unique de l'arche comme cette translation solennelle. Il est vrai que M. Arnold y
prend garde et ses ciseaux lui permettent de faire du premier transfert un simple
épisode de la lutte contre les Philistins. Il enlève de l'épisode 5, 1>0-2<1 et 6, t. pour
de Jérusalem; Qiryath-Baal est bien Qariet el-'Enab (ou Abou Gôch), mais
non point
identiGé à Qiryath-Yearim qui est placé à Qoubeibeh, avec une certitude
mathéma-
tique. La route moderne de Jérusalem à Jaffa n'existait pas au temps des Romains et
questions.
ne passait pas à Qariet el-'lùiab, etc. Je n'ai pas l'intention de discuter ici ces
Il est sûr que la voie romaine n'allait pas se
jeter dans la profonde vallée de Colonieh
Qaiiet
pour remonter ensuite. Elle passait plus au nord, mais longeait certainement
gagnait Amwâs et Lydda. On peut encore la suivre depuis l'éperon
el-'Enab, d'où elle
el-'Enab ou
qui se détache à droite de la route actuelle quand on a quitté Qariet.
Abou-Gôch pour descendre vers Dans les questions de topographie, nous
la plaine.
glossateur (Jos. 15, 60-, 18, 14), ce glossateur avait la prétention de connaître le
pays, et il faut être bien osé pour lui donner un démenti. D'autant que
Qoubeibeh n'a
révélé jusqu'à présent aucun vestige d'une ville antique. Le site du village actuel n'est
point du tout semblable à celui des anciennes installations, et la colline qui le domine
à l'ouest n'a point de ruines. La vallée des Rephaïm n'est point en effet, croyons-nous,
la plaine que parcourt la voie ferrée en sortant de la gare, mais plutôt une petite
plaine située à l'ouest de Jérusalem et qui se termine par la vallée de Sainte-Croix.
Mais ce dernier point importe peu pour la question du transfert de l'arche.
Avec toutes ses coupures, M. Arnold aboutit à faire partir David de Guéba' qu'il
regarde comme la hauteur de Qiryath-Yearim (5, 2.5) et suppose que les mots « de
là ï dans 6, 2 se rapportent à Guéba'. Mais ce ne pouvait être la pensée du rédacteur,
qui regardait évidemment Ba'alé-Iehouda comme un nom de lieu (1). Il est permis de
(1) M.Arnold interprète .. les hommes de Juda .. et traduit nSyCS qu'il emprunte aux Septante
KKCliiNSlONS. 581
clierclier des documents dans les livres historiques, mais il l'aut toujours supposer
cjue le rédacteur avait im sens en vue.
Et enfin, quand on concéderait tout cela, quand il serait vrai qu'au lieu de toucher
l'arche pour l'empêcher de tomber, l'infortuné 'Ouzza a glissé parce que les bêtes ont
jeté du fumier sur la route et (ju'il s'est cassé la tête contre le rocher... qu'en résul-
terait-il pour Id pluralité des arches saintes? Si chaque sanctuaire avait son arche,
il n'y avait qu'à ramener celle-là à Silo, et à en faire fabriquer une pour la cité de
David.
Quatrième texte Reg. 2, "26. Salomon dit à Abiathar
: I « Va-t'en à Anathoth :
dans ton domaine, car tu mérites la mort. Mais je ne te ferai pas mourir aujourd'hui
parce que tu as porté l'arche du Seigneur lahvé devant David mon père, et parce
que tu as eu part à toutes les épreuves de mon père. » M. lirnold traduit « parce :
que tu as eu part à toutes les souffrances de mon père ». Il semble que le verbe r\2'J
indique plutôt des humiliations que des souCfrances, ce qui s'accorderait bien avec la
situation de II Sam. 17, 29 dans laquelle Abiathar, portant l'arche avec Sadoc,
voulait partager la fuite de David devant Absalom Mais le sens le plus naturel est
que Salomon épargne Abiathar pour deux mol ifs : parce qu'il avait porté l'arche
devant lui, et parce qu'il avait été associé à sa vie errante.
Or Abiathar, étant grand prêtre, a du coopérer au transfert de l'arche de lahvé
militant, et 1 Chr. 15. 11 le dit expressément. M. Arnold n'a donc pas le droit de
conclure àdeux arches.
Mais voici le comble censé adressé aux Israélites du nord, est
: Jér. 3, 16, qui est
païenne qui ne pouvait être déracinée trop complètement » (p. 75). Jérémie n'avait
aucun soupçon de l'arche du temple de Salomon (I Reg. 8, 9). Il ne savait donc
rien de l'unité imaginée par le Deutéronome. Il regardait l'arche non comme un
objet, mais « comme une institution », ce qui permet à M. Arnold de conclure à la
pluralité, car il n'ose pas soutenir mordicus qi\e ce passage de Jérémie s'adresse aux
du Nord qui auraient eu leur arche. Aussi bien, une arche à Béthel, on le
captifs
comprend asse?, ne prouverait rien contre l'unité juridique de l'arche. Inutile de
discuter une interprétation aussi étrange. A qui est-il venu à l'esprit, dans l'ancien
Israël, qu'on invoquait l'arche.' On y a fabriqué des veaux d'or et des idoles, mais
une arche comme objet d'adoration?
On voit ce que valent les cinq arguments pour établir la pluralité de l'arche dans
l'ancien Israël.
Voici maintenant les trois textes qui ne s'expliquent bien que si l'arche ou, dans
le système de l'auteur, les arches, servaient à la divination.
nous ne le savons que par hasard. Elle accompagnait donc toujours l'armée. Sur quoi
M. Arnold demande était-ce, comme lors de la défaite par les Philistins (I Sam. 4,
:
3 ss.), pour sauver la nation d'un grand péril, ou pour servir à la divination? Pour lui,
il n'y a pas de milieu, et il tient la seconde hypothèse pour déjà appuyée par le texte
.<au retour ». On the ascent = on the retiira. Mais QoubeibeU est presque aussi élevé que
Jérusalem. Au surplus nous avons flcj;i entendu proposer de prendre le village de Biddou
comme représentant, même phonétiquement, la maison (l"OI(edédom I
:i82 HKVIK imiLlQUi;.
(le 1 Sjin. 14, is. M.iis nous .ivdus vu que ce deruior tc\lo duii plulôt rtre lu
d\iprès les SeptiUitc, qui ont l'éplioil et non Tarclie. Kt pouiquui auiMit-(»n mené
bien connu.
Sam. 15,21-2!). Nous avons déjà rencontré ce texte. Voici comment M. Arnold
II
le traduit après l'avoir corrige : « Or voici que Sadoq et Abialliar portaient la boîte
sacrée {1,\ Et ils déposèrent la boite sacrée (sur le poI) jus(|u'à ce que le peuple ail
(iui de passer en sortant de la ville. Et le roi dit à Sado([ le prêtre Es-tu un :
.lusqu'à présent on a compris que les prêtres ne voulaient pas abandonner David,
et amenaient avec eux l'arcbe qu'ils ne devaient pas quitter. David pense qu'ils
serviront mieux sa cause eu lui transmettant des informations, et, comme ils retour-
nent, ils emmènent l'arcbe avec eux. On voit d'ailleurs ici que la « boite » était
et par le moyen de votre instrument découvrir, aussi bien que si vous demeuriez
sur les lieux, tout ce i|ue j'ai besoin de savoir sur les ressources d'.\bsalom, son
action, ses desseins contre moi? » La réponse est évidemment : >ion, n'est-ce pas?
Alors retournez! Le distingué critique rendu compte de l'impertinence de s'est-il
ces paroles vis-à-vis de l'arche et des oracles de labvé? David aurait tenu le lan-
gaiic d'un sceptique, et l'auteur biblique aurait enregistré sans sourciller ces propos
malsonnants, si déplacés dans la bouche de David, l'idéal du saint roi, et qui
témoigna dans cette épreuve de tant de confiance en labvé.
Assurément, après les corrections que M. Arnold s'est permises, il ne peut
trouver mauvais qu'on s'appuie 'sur les Septante pour traduire avec le P. Dborrae :
« Vjsyez! toi et Abiathar, retournez en paix à la ville >. Même si l'.on conserve le
d'Aaron. se tenait à cette époque devant lui, — disant » etc. Cette fois il est clair
que l'arche a une relation avec l'oracle. Mais les critiques ont cru remarquer dans
la présence de l'arche, avec le grand prêtre descendant en ligne directe d'Aaron,
une conception parfaitement conforme à la tradition du Pentateuque, ou comme
vl) DNiSnH pN " l'arclie de Dieu », donc l'unique arche bien déterminée.
RECEiNSlONS. 583
sages où l'hébreu comme le grec lisent cphod lorsqu'il s'agit de divination dans
l'histoire de Saiil et de David I Sam. 2, 28; 14, 3; 21, 10; 23, 18; 23, 6. 9;
:
30, 7.
Spécialement pour I Sam, 2, 28, on fjit dire à lahvé : j'ai choisi la famille d'Eli
« pour porter une boite devant moi ». Mais nulle part la Bible ne contient rien
d'approchant, car l'arche était précisément représentative de la présence de Dieu,
et ne pouvait donc être portée devant lui. On objectera que- M. Arnold l'a dépouillée
de ce sens. Mais alors pourtjuoi : « devant moi x ? L'auteur sent si bien la nt^cessité
d'indiquer quelque chose d'analogue qu'il cite Deut. 10, 8, où l'office des Lévites
est « de porter l'arche (d'alliance) de lahvé, de se tenir devant lahvé etc. » ;
mais il arrête la citation trop tôt : il faisait ajouter « pour le servir » etc., car
Ci sont deux offices distincts que porter l'arche et se tenir devant lahvé pour
la liturgie.
Il faut avouer que I Sam. 23, 6 donne l'impression d'uaobjet solide, du moins
si l'on ne pénètre pas le sens de l'hébreu : « Il descendit ayant Téphod dans sa
main ». Mais M. Arnold a le bon goût de ne pas insister sur ce « dans sa main »,
d'autant que l'arche, qu'il met à la place de l'éphod, deviendrait un objet par trop
portatif. Il dit très bien que cette locution signifie simplement (amener « avec soi »
(cf. I Sam. 14, 34). Et l'on ne voit pas non plus qu'une arche divinatoire soit en
situation dans le cas de Gédéon. Que l'éphod dans ce cas (Jud. 8, 27) ne soit pas
authentique, on a assurément des raisons de le soupçonner. M. Arnold ne veut pas
le remplacer par « idole >, parce que Sd£ et HDDD se trouvent dans Juges 18,
ajoutés à rphod et à teraphim. Mais le culte des Danites était manifestement
réprouvé, et il a pu paraître dur de laisser sur le même rang Gédéon, quoique le
blâme demeuré dans le texte. En tout
soit cas, disposant d'une pareille quantité
d'or, Gédéon aurait-il employé tout cela à faire une arche? D'autant que l'arche
traditionnelle était en bois; Joseph, selon la coutume égyptienne, dut être mis dans
un cercueil (Gen. 50, 26) de bois. Le coffre pour les contributions du Temple
(II Reg. 12, 10 s.; II Chr. 24, 8. 10 s.) pouvait être aussi en bois. Et, pour le
dire en passant, dans tous ces cas on ne saurait traduire boîte, mais coffre, c'est-à-
dire que l'arche avait des dimensions trop considérables pour qu'on put qualifier
un prêtre comme un porte-arche, ainsi que le veut M. Arnold. O.i est bien tenté
de penser que si Gédéon a consacré tant d'or à son chef-d'œuvre, il n'a pas fait
un simple coffre d'or pour contenir l'instrument de la divination. D'autant que la
fornication (spirituelle) d'Israël s'explique naturellement d'im culte idolàtrique qui
584 REVUE BIIILIOLE
parallélisme sans aboutir à un bon résultat, car on ne satu-ait être bien satisfait
de : car un péché contre l'oracle est une rébellion, cl boite et téraphim sont
fl
une obligation » !
L'intérêt du
ne provient pas seulement de sa relation avec le Nouveau Tes-
sujet
tament; on y voit en scène l'opposition tragique entre le renouveau intense d'une
vie religieuse pleine d'idéal et d'espoir, et la fatalité aveugle qui précipite le peuple
;t'; De aafste ceuwen van Isiaels volkbeslaan, par le M' H. Oor.T, professeur émérile tie l'uni-
versité de Leyde. s. C. van Doesbiirgli. - i-- édition (Kh;; . deuv volumes in-8« gr. pp. vni-38-2;
418).
^
ralioii lie .Icriisalein. O.» sail que le V\. v,m lloonaclvr pr.ipuse de lire les (Idcii-
(44Ô), Esdras n'est qu'un simple sùpher, qui lit et expli(|ue la Loi (Néli. 7). Le peu-
ple s'engage à l'observer, et Nohémie retourne à Suse (en 433; cf. Neli. 5, Hf.
Quelque temps après, Xéhémio revient à .lerusiilem et y fait plusieurs réformes ;
en partieulier il reprend avee véhémence eeu\ qui ont contracté des ni;iriai;es avec
les païens (Néli. 13, (i ss.;. Ici Xéhéinie disparaît. Lsdras continue l'œuvre de
réforme avec une autorité plus grande et exécute les recommandations de son pré-
décesseur au sujet des mariages mixtes a\ec la dernière rigueur : les femmes sont
renvoyées avee leurs enfants 'Rsdras. 9 10\ La seconde arrivée d'Ksdras à Jérusalem
se place en \\\n 7 d'Artaxerxès II, vers 398.
Les faits se succèdent ainsi et s'enchaînent de la manière la plus naturelle.
Dans deuxième volume surtout (chap. xx.-x\vr), les questions religieuses ont
le
reçu tout le développement qu'elles méritent. Nous avons lu ces chapitres avec grand
intérêt et y avons admiré le talent d'exposition et l'érudition remarquable de
l'auteur.
Çà et là, quelques réflexions trahissent le protestant peu favorable à nos croyances,
et le critique avaiTcé et même rationaliste.
L'auteur traite avec assez de désinvoltiu-e les miracles du IL livre des Macchabées.
A propos de la manifestation de la puissance divine contre le profanateur Iléliodore
i^II Macch. 3 ,
il a des réflexions sur les miracles, qui sont pour le moins dépla-
cées : « Les miracles sont de pieux artifices {vrooin hcdrog) sans lesquels le prêtre
ne peut pas à la longue garder sou prestige! » (I, p. 63;.
den rang (I, p. -48}. Cette dénomination n'a qu'une valeur historique. Dans la cano-
nicité. comme dans l'inspiration, il n'y a pas différents degrés.
Typique, et presque comique la réflexion sur l'imitation de la synagogue et de ses
pratiques au sein des communautés protestantes, par aversion pour la pompe et les
nombreuses cérémonies de l'Église catholique (11, p. 49;. Dans le chapitre intitulé :
te christianisme (II, p. 338), sur la personne de Jésus, sur sa doctrine et son œuvre,
l'auteur professe le scepticisme le plus radical. Nous le savions déjà par l'édition que
le D'^ Oort a faite du Nouveau Testament. [Fr. J.-M. Vostk.]
t. — La rémission des péchés est bien à sa place dans les évangiles synoptiques
mais elle ne cadre pas avec le système du quatrième évangile.
2. — L'idée capitale de ce système est que Dieu, par la mission de son Fils, con-
éternelle.
3. — Le quatrième évangile prêche donc une sotériologie siu-naturelle dans la-
premières conclusions.
D'après M. Proost, c'est un fait reconnu par les exégètes que la notion de péni-
tence, de conversion et de rémission des péchés, essentielle dans les synoptiques^
du quatrième évangile.
s'efface à l'horizon —
C'est en effet, et à condition de ne pas
l'exagérer, une des nombreuses différences qui distinguent les évangiles du Règne
des Cieux de l'évangile du Verbe Incarné elle rentre dans la différence générale et
;
caractéristique qui existe entre les premiers évangiles messianiques des paraboles et
l'évangile plus spirituel de l'allégorie. Ce qui disparaît ici, c'est quelque chose de la
terminologie des synoptiques, mais non la doctrine: bien au contraire, les méta-
phores projettent sur la même réalité une lumière plus vive. Ce n'est pas la dis-
tance existant entre le monde juif et le monde ^ec, qui sépare les synoptiques de
S. Jean; mais bien la gloire du Verbe Incarné, dont S. Jean rend témoignage, la
l'ami des pécheurs!)-. Jésus prêche contre le péché {passim]; Dieu pardonne aux
pécheurs (cf. la parabole du Fils prodigue dans Le. 15 1.
dicationdu baptême de pénitence pour la rémission des péchés (Me. 1, 4; Le. 3, 3).
Tout péché sera pardonné aux hommes et tout blasphème qu'ils pourront pro-
noncer (Me. 3, 28: Matth. 12, 31 sv.). Selon l'évangile de S. Matthieu le sang de la
nouvelle alliance est versé en rémission des péchés (26. 28). Dans le nom de Jésus,
les Apôtres devront prêcher à tous les peuples la pénitence et la rémission des péchés
(Le. 24, 47 et dans la prière dominicale nous demandons que nos péchés nous
. :
soient pardonnes Matth. 6, 12; Le. 11, 4). Jésus a le pouvoir de pardonner les
péchés passiin); et nous devons pardonner aux antres, pour que le Père,
qui est dans les cieux, nous pardonne aussi nos péchés (Me. 11, 25; comp. Matth. 6,
14i.
La rémission des péchés est donc une des idées dominantes des évangiles synop-
tiques: la pénitence ou la conversion est la condition essentielle pour entrer dans le
royaume des cieux Me. 1, 15 et par.). Jésus n'est pas venu appeler les justes, mais
les pécheurs, ceux qui sont bien portants n'ont pas besoin de médecin ,Mc. 2, 17'.
Que l'on compare à cela le quatrième évangile. — Ici il n'est qu'une seule fois
question de la rémission des péchés; or dans ce texte il ne s'agit pas du ministère
.
(le Jésus, mais du pouvoir iiccordt^ aux apôlrcs de retenir el de remcllre les p('cl»és
20, l!;i : '/ii'i)-u)/i ri'Duarnfis ficcniln , viiniKnnlttr t'/.s'. l't i/itnntiii reliiiurritis. retcnlii
sunt.
\ cela 011 doit cependant ajouter la parole du Baptiste indiquant Jésus et révélant
sa mission : « Voici l'agneau de Dieu, voici celm" qui enlève le péché du monde »
1, 291. Enfin aux récits de gucrison et de conversion des synopli(]ues, on |)cul com-
parer le récit de .S. Jean de la guérison du p;u'al\ti(iue de la porte probatique : « Ne
péchez plus, lui dit Jésus, pour qu'il ne vous arrive pas chose plus grave b (5, 14;
comp. 8, 11). La rémission des péchés et la conversion sont supposées, comme dans
les récits parallèles des synoptiques.
\ oilà du quatrième évangile à notre sujet; la diU'érence avec
les seules allusions
publicains; dans S. Jean nous nous sentons élevés avec les élus du Père à la con-
templation des plus grands mystères la sainteté du Père et de son Fils nous :
sanctilie.
Croire en Jésus, et en croyant vivre, voilà la thèse de saint Jean : quiconque croit
en lui, ne se perd pas, mais a la vie éternelle (3, IG, 3G). « Je suis la résurrection
et la vie; celui qui croit en moi, même s'il est mort, vivra » (11, 2.> sv.).
Et il faut croire que Jésus a été envoyé par le Père, pour que, en voyant Jésus,
on voie le Père. — Il faut chercher Jésus non pas pour le pain qu'il donne, mais pour
ses signes, et à travers ces signes voir l'envoyé de Dieu. Jésus révèle le Père par ses
actes et ses paroles : « Les paroles que je dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père,
qui est en moi, opère par moi » (14, 10).
Voilà ce que fait Jésus. Que doit faire l'homme ? Voir le Fils pour voir le Père.
C'est par cette vision que l'homme est divinisé " C'est : là la volonté du Père que
quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle » (6, 40). « Qui me voit, voit
le Père » 14, 23). Dieu a donc envoyé sou Fils pour qu'on voie et vive : c'est là
« Marchez dans la lumière, tant que vous l'avez » (12, 35). « Je suis venu comme
une lumière dans ce monde, pour que celui qui croit en moi, ne reste pas dans les
ténèbres » (12, 46).
C'est par cette vision que se fait l'union entre le croyant et le Christ et le Père ;
« ^ ous connaîtrez que je suis dans le Père et vous en moi et moi en vous »
à la vie divine. I^e D'' Proost n'insiste pas sur la question de savoir si auteur du l
parole est vérité » (17, 17). L'invocation du nom de Jésus est toute-puissante
(14, 14; 15, 16; 16, 24). Tandis que le protestantisme officiel ne voit de sacre-
BULLKTIN. 589
raents nulle part, M. Proost est d'accord avec W. Heitmiiller pour en voir un même
dans la prononciation du nom de Jésus.
L'homme est donc introduit dans la vie éternelle, il est initié à la vie divine d'une
manière mystique et sacramentelle. Les élus qui vont à Jésus, vont, par la foi en
Jésus, au Père; ils sont nés de Dieu. Chez les synoptiques. Dieu est le Père et nous
devons devenir parfaits comme le Père; chez saint Jean, Dieu nous transforme et
nous engendre à sa vie divine (p. 208).
Cette niiation divine met les croyants dans un état d'impeccahilité. L'évangile est
assez sobre sur ce point, mais la première épître de saint Jean est plus explicite.
Dans l'évangile l'impeccabilité est plutôt supposée, parce que les croyants 'sont
déclarés purs (15, 3); au contraire, ne pas connaître Jésus, c'est être dans le péché
(15, 22,\
Donc les croyants sont purs; tant qu'ils croient ils sont impeccables : la parole
les a purifiés.
« Quiconque est né de Dieu, ne fait pas le péché... et il ne peut pas pécher, parce
qu'il est né de Dieu » (3, 9 .
Résumons Dans saint Jean il n'est pas question de pénitence, de péchés remis,
:
de pécheurs convertis. Il est vrai que le Christ de Jean, comme celui des synopti-
ques, vient pour sauver les hommes, mais ici le dualisme entre lumière et ténèbres,
entre le monde et les siens préexiste au ministère de Jésus. Jésus ne prie pas pour
le monde; il déclare en termes exprès qu'il ne prie que pour les siens, il n'a reçu
mission que de conserver les siens. Les siens ne sont pas de ce monde. D'où la dis-
parition de tout récit de conversion on peut négliger ici le chap. 7 et au chap. 4
:
il n'est pas dit que la Samaritaine se convertit Der Siinderheiland ist synoptisch, :
Non, dans saint Jean ce n'est pas une vision de surface, une connaissance abstraite
qui sanctifie et divinise, mais une foi qui rompt avec un passé d'ignorance et de
péché, et inaugure une vie selon l'esprit de Jésus; cette connaissance est- vie, con-
naissance et vie divines.
Le D'- Proost aurait été beaucoup plus près de la vérité en disant que saint Jean
ne s'arrête même pas à la pensée d'un croyant qui ne vive pas selon sa foi : ce
croyant serait un hypocrite et un menteur', croire oblige a réaliser sa foi dans si
vie, le croyant, le vrai croyant, vit de celte Le chap. 2 de la 1"= épître est par-
foi.
ticulièrement instructif sur ce point : « Nous savons que nous connaissons Jésus, sa
nous observons ses commandements. Celui qui prétend le connaître, et n'observe
pas ses commandeiuents, celui-là est un menteur et la vérité n'est pas en lui... C'est
à cela aussi que nous savons que nous sommes en lui celui qui prétend demeurer :
en lui, doit marcher comme Jésus a marché > 'I Joh. 2, 3-0).
Or, ces paroles si claires et si catégoriques de saint Jean ne sont que le commen-
taire des paroles de Jésus aux ch. 14 et 15 de l'évangile : « Si vous m'aimez,
observez mes commandements (14, 15). Celui qui a mes commandements et les
observe, celui-là m'aime » (21). Jésus se manifestera à ce croyant fidèle et prati-
r,\H) lU'Vl'K lUIM.lnl i;.
quont el lo l'ère l'ainiora et nous viendrons à lui. cl nous ferons notre demeure
chez lui ' (23. eiuup. 15, î»-lo:.
Donc croire et eonu;ulre inclut, dans la terniinolojïie et la doctrine de S. Jean,
Tobservance des conimandenu'nts de Jésus, la vie selon Jésus et selon Dieu; le
Sous (luelles influences et dans quel milieu est né le ()ualrième évangile? Or la ré-
ponse du 1)"" Proosl est une des plus radicales que Ton ait proposées parmi ceux qui
en fout le. résultat du syncrétisme helléai(iue. Le (piatrième évani^ile est un écrit
mystique, dont les idées dominantes peuvent se résumer dans les ternies suivants ;
vision, foi. connaissance, vi-rité, lumière, vie. Or, note AI. Proost, cette mystique
n'est pas née du judaïsme, qui moins que mystique. Le peuple d'Israël
n'était rien
craignait de voir Dieu de peur de mourir. La religion mosaïque était une- religion
étbico-légale. Il en était tout autrement dans le monde des mystères grecs. La vision
de la une espèce d'extase est le point culminant de toutes les solennités et
divinité,
ceux qui v ont part, sont parfois arrachés à la vie terrestre du corps et transportés
dans la vision béatifique. Un des traités linit par cette prière signilicative XatGo;j.£v, :
ÔT'. h •3'..'j.a7iv Y,;j.aç ôvraç xr.oOvMjoii tt, osauroj Osa. Philon anssi célèbre cette vision —
supérieure, ce don de contemplation de la caste qu'il appelle : ôpaT-.^tov y^vo;, ô&a-
D'après le D' Proosl ou doit placer sur la même ligne Osa. yvo^i:. -tc7ii;; elles :
allègue une vision passagère, purement abstraite et naturelle; de l'autre, nous avons
une vision ou une connaissance fondée sur la parole divine de Jésus, l'envoyé du
Père, une connaissance qui est la foi vive et pratique. Après avoir réduit et res-
treint la doctrine johannique de la foi à un mot yvôi^t; -(tti;, le D- Proost : =
cherche dans la littérature religieuse grecque des mots maiérlellement synonymes,
et les met sur le même pied. Ce procédé, trop fréquent dans l'histoire
des religions,
e^t évidemment sophistique il faut comparer non pas les mots, mais les réalités
:
cachées sous les mots; il faut prendre et comparer les mots dans leur signilication
formelle.
Deux mondes, conclut l'auteur, séparent les évangiles synoptiques et l'évangile
pénitence, de conversion, de rémission des péchés, tandis que S. Jean se tient dans
une région plus élevée de la vie divine. Mais la dllférence ne vient p;)s seulement des
doctrines et du génie propre des auteurs, elle vient encore de la difterence des
temps. Les Synoptiques se trouvent sur le seuil de l'Église, S. Jean vit dans le
mité avec Dieu, telle d'ailleurs qu'elle avait été esquissée par S. Paul, Le quatrième
évangile est l'évaugile mystique, on le savait assez, mais il faut se souvenir aussi
que le mystique, encore plus que le théologien, n'a pas de mots pour exprimer par-
laitement ses concepts, il faut (|u'il recoure à la métaphore, et il faut se défier, si
Par la foi en Jésus; — mais cette foi qui sanctifie suppose la conversion des pé-
chés. — Encore une fois il faut comprendre S. Jean par S. Jean, voir la réalité sous
la métaphore.
Son évangile suppose la foi et l'incrédulité ;
l'apparition seule de .Tésus a causé
<i Si quelqu'un entend me.s paroles et ne /''•<; observe pas, ce n'est pas moi qui le
jugerai, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde >
(12, 46 47).
« Il est la propitiation pour nos péchés, et non pas pour nos péchés seulement,
mais pour les péchés du monde entier > (I Jeau, 2. 2).
Voilà donc bien Sauveur d-'s pécheurs, prêché également par S. Jean, le Sau-
le
Nous avons déjà exposé aux Revue biblique janvier 1915, p. 262)
lecteurs de la
rjrecli Testament, et nous avons fait remarquer que ce n'était pas un dictionnaire de
tous les mots que l'on relève dans les écrits du Nouveau Testament, mais seulement
un recueil de ceux dont !• signification peut être expliquée à l'aide des papyrus, des
inscriptionset des autres documents littéraires ou non littéraires des temps avoisinant
.
des écrivains du Nouveau Testament et que l'on a retrouvés dans les papyrus ou les
ni dans les papyrus-, cependant [ianttaiioç et {ixr.uix'fii sont dans Joscphe, ce qui prouve
leur emploi au i" siècle. HaTToXoYÉw ou ^Xx'xoXofito (codex de Hèze) pourrait être
une abréviation de SxrTaXoXoYÉto et se rattaolierail à l'épitlièle {'A-zoim;, accolée au
nom de Demoslhène ou à l'araniéen buthil. vide, lutile. B^oa;; est dans rKcclésiasliquc
et dans une inscription juive de l'an GO-80 ap. J.-C, citée par llamsay, G. and /{.
II. p. 650. I .e sens de i'sK.jTixdç, Le. \\i, 34; I Cor. vi, 3, est illustré par un papyrus
de Tebtunis, 114 avant J.-C, et un papyrus de la collection Ryland, 28-2!» après J.-C.
Eustatliius, 1180 ap. J.-C, se sert du terme ,V)Xit'.), comme très employé dans le {^rec
ancien. On ne l'a trouvé jusqu'à présent que dans les .Actes, wvii, 28. lipaouTiAoito
est dans Artemidore, n" siècle après J.-C Un papyrus du Fayihn, environ l'an 100
aprèsJ.-C, rapporte le terme pupatû;. Appollouius, i''' siècle après J.-C, cite y«;-''Îw;
peut-être ce terme a-t-il le sens de -^aiiétu, se marier, et non donner en mariage.
AaiiAov(ro;j.at, au seus de « possédé du démon », ne se retrouve que dans le grec tardif.
Aaïuiov.foor,; est dans Symmaque, iii"^ siècle après J.-C. Ae'Yjjiai'î^a) se trouve dans un
papyrus de Tebtunis, 14-13 avant J.-C; SeajxoœûXaÇ dans un papyrus de la collection
Flinders Pétrie, iii^ siècle avant J.-C Le papyrus de Paris, contenant la Liturgie de
Mithra. porte ôriXrjyw; et non TyiXajyoK, qui serait une correction de Dieterich. llesy-
chius et Democritus ont employé ce terme or/Aajyoç. Atoaxn/.ôç se trouve dans Pliilon.
AtcsacVcUTr;? ne se retrouve que dans les écrivains byzantins. A-.et;?. qu'on a relevé
dans Pbilon est aussi dans quelques papyrus des i'"'' et ii*^ siècles après J.-C.
At/.aio/.piat'a que dans des papyrus du iif-iv" siècle après J.-C AiXoyoç n'est
n'est
pas employé dans les papyrus au même sens que dans Paul, I Thn. iir, 8. Aî^j/o; se
retrouve dans la Didachè. Clément Romain, Barnabe, Hermas. AtwxTrjç rappelle
ipYo5'.u)/.TT,; des Septante et d'un papyrus de l'an 253-254 avant J.-C, collection
Flinders Pétrie.
Nous ne trouvons pas relevés les termes suivants : [3i6Xaptôiov, yo^yuaTy;?
'd J. HoPE MoL-i.wN and G. Milligax, The Vocabidanj of ihe i/reek Testament illuslrated l'rom
the papyri and otfier non literary sources : l'ârl II, in-i% I01-4"ii pp. London, Hodder and
Stoughton, 191C. 7 fr. :>0.
Nous aimons à constater que ses conclusions sont semblables à celles qui ont été
proposées dans cette Revue, et à remercier le distingué auteur de sa sympathie. Il lui
semble que la notion d'un Dieu bon personnel, de l'apostolat des philosophes, de
l'encouragement au martyre, une idée très épurée de la chasteté, ne s'expliquent bien
que par la connaissance de la vie c^irétienne. Il conclut, en effet L'anima religiosa :
di Epitteto... non rimase estraaea del tutto al movimento niera viglioso de! pen-
siero e délia vita del cristianesimo primitivo. Stretto ed avvinto fortemente dai pre-
giudizi délia sua scuola e dei suoi tempi, l'ardente filosofo frigio non seppe ne potè
capire l'intimo spirito innovatore délia coscienza morale, nascosto nella dottrina
e neir atteggiamento pratico di quel dispregiati « Galilei »... (2"^ article, p. 19).
plus sublimes que par le Deutéronome, Isaïe et Ezéchiel. C'est sans doute pour cela
que M. Touzard s'est placé dans ce foyer central pour suivre la lumière après l'exil
et en remontant aux origines. Dans les deux voies, et cela paraissait s'imposer dans
un dictionnaire d'apologétique, il a supposé la distinction des sources pour le Pen-
tateuque, sans d'ailleurs se prononcer sur leur âge, et il a traité Isaïe 40-66
comme source de renseignements sur la période qui est l'objet de ces prophéties,
c'est-à-dire le retour de Les deux thèmes sont coordonnés dans cette
la captivité.
il) Mars ^!»16 : La /lloaofia religiosa di Epillelo; déc. 191C : E^jiHelo e il cristianesimo.
(2) Col, Iîi65-l(i31.
REVUE BIUM',)LE l'J17. — ?(. S., T. XIV. 38
594 RKVUK miM.IQUE.
Et il peut paraître plus diflicile d'établir le sens des prophéties messiciiiiques et leur
portéeque de montrer dans le nionotliéisrae juil' celle aelion de Dieu (|ue nous
nommons révélatiou. Aussi nous arrêterons-nous sur la seconde partie de l'ar-
ticle.
de M. Touzard est cerlaiiiement l'un des plus sérieux «pfou lit tentés. Si
l/elïort
on le lit avec (jnelque connaissance <lu sujet, on est frappé de la somnae énorme
de travail qu'il suppose, de la densité des ternies, pesés après une enquête a|)|)ro-
accepter
fondie sur le sens des documents et la date (|u\)n peut leur assigner, sans
uuiis aussi sans méconnaître les
les veux fermés le verdict d'une critique audacieuse,
mement reirrettablc que M. Touzard n'ait pas écrit un gros volume au lien de ces
prises lui permettaient de le faire et la clarté y eût
quelques pages. Les notes (ju'il a
gagné. Un professeur qui le lirait à ses élèves ne pourrait s'empêcher de leur signaler
les écueils de droite et de gauche, les Charybde et les Scyila au milieu desquels
l'habile pilote poursuit son chemin sans toujours étaler ses cartes, c'est-à-dire les
éléments de ses appréciations.
où j'entends celle du siècle dernier, cherchait
L'ancienne apologétique, par
dans l'Ancien Testament presque uniquement les traits
particuliers relatifs à la
et à documenter la grande
sont réellement messianiques et concourent à exprimer
espérance » dont il a esquissé l'histoire (c. 1647). « Mais, en une foule d'autres cas, les
des et des doctrines évangéliques ont lieu avec des textes qui,
rapprochements faits
pensée est précisée par l'indication des textes 1) et du motif qui ne permet pas de
Ces appli-
regarder le rapprochement comme rigoureux au sens littéral {c. 1(547).
plus loin de « pure-
cations sont sans doute les mêmes que qualiOe
l'auteur (c. 1(548)
ment accommodatices ».
grandes ligues, qui montrent « dans la religion chrétienne la réalisation des espé-
rances prêchées aux Juifs par les prophètes » (c. 1647).
c'est d'abord l'espérance que la religion
Si l'on comprend bien ces grandes lignes,
jour la religion de l'humanité. pro- Or les peuples civihsés
de lahvé deviendrait un
monothéisme, et ce monothéisme leur est venu non de la Grèce, mais
fessent tous le
d'Israël. L'espérance des prophètes était aussi
un programme de religion inté-
rieure, celle qui est pratiquée par le christianisme. Et M. Touzard ne s'en tient pas
termes, en la conformité de la réalisation et de l'espérance serait
là. Dansces effet,
tenté de voir dans l'espérance mono-
sans doute étonnante, mais ou pourrait être
théiste, moins une prophétie que le pressentiment d'àmes religieuses assurées de
posséder une conception supérieure à celles de leur temps, et assez conliantes dans
11. 13.
BULLETIN. 505
Messie des prédictions messianiques, «Des prophètes avaient pndit que, pour la for-
mation et le gouvernement du royaume futur, Yainvch aurait un représentant,
véritable roi, descendant de David, tout pénétré d'influences divines, tout envahi par
l'Esprit pour accomplir Id'uvre merveilleuse à laquelle il était destiné. Or ce fut
un descendant de David qui, à un moment oii les espérances étaient les plus vives,
annonça que la plénitude des temps était arrivée » (c. 1(>4G). C'était bien le Servi-
teur soull'rant d'Isaie, et cependant « partout où le Dieu des Juifs a été prêché, on
salue Jésus de Nazareth comme le libérateur, le Sauveur, le roi éternel des siècles »
(c. 1647).
Cette fois, nous avons non seulement une preuve solide, mais une preuve topique,
puisque le pressentiment des prophètes ne pouvait s'élever si haut dans l'ordre
humain.
Il ne conviendrait pas de juger cet exposé d'après un résumé qui réduit encore ce
que l'auteur nommait avec raison des grandes lignes (1). Toutefois, je me demande
si ces fermes ne sont pas trop et trop peu. Que Jésus ait été réellement un descen-
dant de David, nous le tenons pour parfaitement certain, mais est-ce un point que
les Juifs concéderaient aisément? Et n'est-ce pas là un détail qu'il faudra prouver
assez péniblement, de manière que largumentatiou par grandes lignes perde de son
ampleur? D'autant que le Serviteur d'Isaie n'est point donné comme un descendant
de David, et que Jésus lui-même a appelé l'attention des scribes sur une filiation
beaucoup plus haute. Et Jésus de Nazareth, dans l'église catholique, qui est l'église
primitive continuée, n'est pas seulement le libérateur, le Sauveur, le roi des siècles;
il est adoré comme le Fils de Dieu, incarné parmi nous. De sorte qu'on peut se
demander si l'apologétique du xix*^ siècle n'était pas trop timide en distinguant si
de Dieu égal au Père. Les prophéties messianiques prouvaient seulement que Jésus
était l'envoyé de Dieu. L'envoyé de Dieu nous conduisait à l'Eglise, et l'Église nous
enseignait que cet envoyé de Dieu doit être adoré comme Dieu. Cette distinction
s'expliquait dans la méthode qui ne cherchait dans les prophéties que les points
relatifs à l'individualité du Christ, car il est assez malaisé de prouver que les pro-
phètes ont prédit sa divinité. Mais si l'on change de méthode, si l'on analyse l'espé-
rance d'Israël, on y voit au premier rang l'annonce assurée d'une intervention per-
sonnelle de Dieu dans le salut. Tandis que dans le passé il avait suscité des sauveurs, ^
c'est lui qui, dans la grande crise du salut, devait être le Sauveur. Que cette attente
ait été réalisée en Jésus, que cette foi ait conquis les âmes, c'est le trait le plus ex-
P traordinaire et le plus divin. Kt il est très remarquable que les trois synoptiques et
saint Jean aient compris de Jean-Baptiste le texte d'Isaie sur « la voix criant dans le
désert ». M. Touzard range ces textes parmi ceux qui ne concluent pas, parce que,
« relatifs à Yahweh », ils « sont appliqués au Messie ». Cette application dépasse en
r elfet le sens littéralque pouvaient comprendre les contemporains du prophète. Mais
les évangélistes qui l'ont faite d'un accord unanime, et dès le début, ont saisi dans
un texte expressif tout un ensemble de traits. D'après eux, le Baptiste résumait l'en-
L seignement des prophètes annonçant la venue de Dieu, et c'était bien Dieu qui
• venait en Jésus-Christ. De tels oracles étaient la plus haute espérance d'Israël, et le
^ culte de tant de chrétiens montre qu'elle n'a pas été trompée; elle a seulement été
(il Pour une convergence des grandes lignes prouvant un plan divin, on peut voir Le Messia-
nisme chez les Juifs, p. iioS ss.
i.96 IlliVl'E miU.lUl H.
d('|)assée. ce qui est la marque d'uur cruvre divine, prndipicusoninit iilx^rale. mani-
festation extrême de l)onlé. Sans doute n'y a-l-il pas là une. denionslration rigoureuse;
en tout cas l'accord entre l'espérance et la réalisation est encore plus frappant que
lorsqu'on s'en tient à l'humanité du Messie, envoyé de Dieu.
Tous les systèmes ont d'ailleurs une dillicidlf' commune. Quand nous disons aux
Juifs (]ue le christianisme réalise les prophéties de l'Ancien Testament, ils le pren-
draient volontiers pour une ironie déplaisante, car les espérances étaient celles du
peuple d'Israël, et il attend encore le triomphe que devait lui procurer le Messie.
En dehors du judaïsme on objecte que les voyants, s'ils avaient été inspin's de Dieu,
n'auraient pas dû |)rédire la restauration d'Israël pour les temps messianiques, notre
Messie ayant été pres(|ue contemporain de sa ruine. A vieilles objections il siiflit souvent
d'opposer d'anciennes réponses. La plus ancienne de ces réponses, — et il est étonnant
que M. Touzard n'y fasse pas illusion. —
c'est celle de saint Paul. 11 n'a rien rétracté
des promesses de Dieu, et, travaillant pour le salut des gentils, il était surtout bien
aise de contribuer au salut d'Israël. Quand le moment sera venu. Israël sera associé
au christianisme dans une gloire suprême, et tant qu'Israël n'a pas disparu comme
peuple, on n'a pas le droit de dire que Dieu a refusé de tenir sa promesse et fait
mentir ses envoyés. Or, Israël conserve personne n'en doute! — une prodigieuse —
vitalité nationale. Il se propose plus que jamais de se reconstituer comme nation sur
M. Touzard enregistre une autre réponse souvent proposée et qui garde sa valeur,
que les promesses de Dieu étaient conditionnelles. Les Juifs y ont renoncé en
c'est
rejetant leur .Messie ic. 1G41). Mais, en dépit de leurs menaces, les prophètes ont
annoncé que Dieu sauverait son peuple, relèverait les ruines de la Cité et du Temple,
rassemblerait les tribus dispersées... On dirait bien qu'ils étaient convaincus de voir
ces choses sur le tableau mystérieux de l'avenir.
A cela Pascal a répondu que les promesses temporelles n'étaient que la flgure des
biens spirituels, seuls désirés des âmes religieuses, mais les prophètes savaient-ils
qu'ils se bornaient à donner un revêtement sensible à des perspectives avant tout
spirituelles »? Si oui, pourquoi ont-ils mis leur peuple sur la voie d'aspirations chi-
mériques? Si donc leur vision à eux qui a été chimérique, et ils se sont
non, c'est
mant les phénomènes qu'ils empruntaient au monde actuel, les voyants avaient pour
but d'inculquer que. si les réalités présentes pouvaient suggérer quelque chose de ce
que Dieu produirait aux jours de ses interventions les plus solennelles, ce n'était que
d'une manière approximative, dans la mesure où ce qui est terrestre et imparfait
peut figurer ce qui est divin et parfait » (e. 1643^ La réponse est décisive quant au
détail des traits grandioses de la félicité future; les Pères s'en sont servis contre les
millénaristes. Mais il reste l'espérance générale de la prospérité. « iVe pourrait-on
pas croire que, tout en ayant l'impression générale de décrire des choses qui les
dépassaient, les prophètes n'ont pas toujours vu plus loin qu'ils ne le laissent en-
tendre etc.? » M. Touzard est évidemment de ceux-là l), et trouve la solution défi-
nitive dans une distinction entre l'idée révélée et son expression. L'idée des biens
messianiques, donnée par Dieu, pourrait être nettement orientée vers les réalités
(1)11 se refuse naturellement à dire: avec certains apologistes, que l'espérance et les prophéties
messianiques se sont réalisées tout autrement que les voyants les avaient conçues ». Singulière
apologétique en elfet 1
BULLKTIN. 597
spirituelles; dans ce cas, pas de difficulté. « Mais, en d'antres cas, l'idée restait plus
ou moins vague, plus ou moins indéterminée; sans doute elle n"ét;iit pas explicitement,
ni surtout exclusivement, dirigée dans le sens des biens temporels: mais elle n'évoquait
pas clairement les visions d'ordre spirituel ; elle restait neutre, pourrait-on dire.
C'est cette idée un peu imprécise que, sans se prononcer sur la valeur objective des
images, les prophètes ont exprimée en figure de biens temporels » c. 1644). — Je ne
sais si je comprends bien, mais j'appréhende que nous n'ayons là une application à la
révélation de la théorie de l'inspiration réduite aux idées. Or, sans parler de la diffi-
culté philosophique, ne serait-ce pas une conception théorique assez difficile à justifier
dans des faits concrets? Car les prophètes. — et parfois même ceux qui composaient
des apocalypses! — n'étaient point des écrivains méditant un sujet sans rapport
immédiat avec la vie, recevant de Dieu des idées dont ils chercheraient l'expression.
Ils étaient mêlés à des faits concrets. Ils souffraient des épreuves nationales, ils com-
battaient des abus, ils encourageaient des bonnes volontés vacillantes. C'est à toutes
ces circonstances, et à des circonstances semblables entrevues dans l'avenir qu'ils
appliquaient le secours de lahvé. Je préférerais donc une autre formule qui se rap-
proche davantage de celle que j'ai proposée naguère
'1) et que je trouve encore dans
du contexte de leur restauration nationale, le rôle qu'ils devaient jouer pour la diffu-
sion de la connaissance de Yahweh « 'c. î(j40). M. Touzard a mis à la fin quelques
considérations pour appuyer sur l'histoire d" Israël l'existence du sens spirituel : c'est
lui laisser son sens normal de Dieu. Ou il s'agit d'un nom composé (comme celui de
dent les Septante par « ange du grand conseil » comme un seul nom. Ou bien El est
un prédicat vraiment divin donné à l'enfant.
C. 1637. La victoire du représentant de Jahvé aurait été prédite « se réalisant
comme en deux étapes, l'une terrestre, l'autre céleste à la fin des temps ». Le terme
« les deux étapes » indique qu'un même voyant a distingué deux avènements. C'est, les
je crois, ce qu'il est impossible de prouver. Ezéchiel auquel M. Touzard fait honneur
d'une double perspective, terrestre et eschatologique (c. 1640), a seulement mêlé des
éléments nouveaux, d'allure apocalyptique, à l'espérance terrestre sur laquelle il
conclut tout (Ez. 39, 2.5 ss.j. Que des prophéties ou des apocalypses d'auteurs diffé-
rents aient compris le rôle du grand Israélite soit comme terrestre, soit comme
céleste, ce n'est pointune allusion à deux étapes; ce sont deux conceptions distinctes.
II serait de la plus haute importance de produire des textes prophétiques bien nets
sur la réprobation d'Israël. On lit comme un i»oint qui va de soi, que d'après les
prophètes, « la sanction des infidélités d'Israël irait jusqu'à sa ruine et à sa destruc-
tion, comme peuple » (c. 1638). Mais le petit reste d'Isaïe était encore un peuple, et
cette proposition s'accorde-t-elle avec ce que nous avons cité plus haut de la restau-
ration nationale qui était le contexte nécessaire du rôle religieux d'Israël? On lit
encore e. l(i:5'J : « Bref, pour (iiie le règne de Dieu s'établisse, il fiml (jirisraël re-
unisse et que son culte soit restauré ». Les prophètes post«'rieurs ;i la eaptivilé ne
croyaient pas Israël détruit parce (|u'il était engagé dans la K>"ande monarcliie perse.
Quoi qu'il en soit, je ne sache pas qu'on ait proposé encore aux catholi(iues aucun
svstème aussi étudié, aussi cohcicnt, aussi solide sur le sujet si complexe des pro-
phéties messianiques. Les doutes ici formulés n'ont d'autre intention que d'ap|)eler
l'attention sur cette étude magistrale. [L.]
très bien le grec. Le problème d'une traduction aussi littérale et en même temps
élégante ne saurait être résolu. Aquila a sacriGé le grec, mais il en a employé toutes
les ressources, —
il y a même, hélas! ajouté, pour rendre les — moindres nuances
de Les introductions en donnent des exemples classiques. M. Reider
l'original.
a traité "le sujet plus à fond et avec méthode. Il signale la transcription des
noms
propres le plus près possible de la prononciation, même pour les gentilices, sans
tenir compte des cas, la création de mots grecs pour avoir une même échelle de dé-
rivés que dans l'hébreu, l'imitation du hé marquant le lieu par le grec ôÉ placé
après le mot, le soin de mettre autant de particules grecques
qu'il y a d'éléments
pas tnnjours traduit aussi littéralement-, il est des cas où il est moins littéral que les
Septante !
(1) A Thesis submitted februarylo, i913, in-S" de 100 pp. Philadelphia, i91ti.
BULLETIN. 599
que nous le possédons, n'a été fixé dans ses deraiers détails qu'à la fin de l'époque
talmudique, et peu avant le début de la Massore. >'éanmoins il représente un état
ferme du texte, distinct de celui que représentient les Septante. C'est celui que sui-
vait Aquila, contemporain d' Aqiba. Mais les divergences ne sont pas insignifian-
tes. En général, il préfère la leçon marginale dite Qré. La comparaison est d'autant
plus malaisée à poursuivre avec précision, que le texte d'Aquila a pu être conta-
miné par celui des Septante. Et ce sera l'un des intérêts de VIndex qu'on nous
promet, de fixer assez exactement le style d'Aquila pour qu'il soit possible d'en éli-
miner les éléments étrangers. On pourra aussi s'en servir pour la question de
savoir si !'« Hébreu » cité en grec dans les Hexaples n'est pas simplement Aquila.
M. Reider semble incliner vers cette opinion, assez paradoxale.
On comprend que les savants Israélites attachent quelque importance à la question
de savoir quelle est l'origine de certaines citations en grec dans le Talmud et le
Midrach. Mais à juger par les échantillons fournis par M. Reider. ces citations sont
présentées sous une forme si altérée qu'on ne saurait en tirer grand profit (1).
en syriaque ou en latin seulement, dont il n'a pas été fait état dans l'ouvrage. On
ne saurait cependant les négliger. Appendice III : leçons d'Aquila dans le Talmud
et le Midrach. Appendice IV : dans le passage III Regn. 14, 110 qui est attribué
à Aquila dans la version syro-hexaplaire. Aquila n'a lourni qu'un fond, retouché
d'après d'autres textes.
M. Reider n'a point repris le problème de la personnalité d'Aquila. Il le tient
pour greiî d'origine et se contente de mettre en suspicion le détail donné par
S. Épiphane de ses relations avec l'empereur Hadrien. Mais il me paraît avoir dé-
montré sans le vouloir qu' Aquila était juif d'origine. Il lui fait un honneur d'avoir
In exemple, p. i;i-2. Gen. 17. i-'à S»S est cité dans Ber. r.. c. 4fi, comme rendu par Aquila
I
CipjN"; CT'CIN. I-e second mot est pour txavô; par métathése, passe encore. Mais il nous faut
admettre que DI^D-N est une corruption à'inyypô^, parce qu'.\i|nila rend ^x par ce mot ^rec.
Pourtant ces lettres hébraïques ne peuvent rcpn-sentcr en ^rec que à^o:. La corruption par la
faute (les copistes est peu probable. Il laut simplement supposer une bévue de l'auteur du
Midrach.
600 Ri-vn: nini.iouE.
employé — clans des textes en somme très courts — environ '200 mots inconnus de
riiellénisme.
Mais s'il les a forges presque tous? Il y a des airs de l'ainiile (|ii(' les étrangers
reconnaissent au premier coup d'o-il, et ()u'on ne perroit pas (juaiid on est de i:i
parenté. Ce souei de rendre les minuties aux dépens des concepts importants, de
sacrifier l'idée aux mots, la langiu' grecque à l'hébreu, sont des traits de race, ou
tout au moins de première éducation. Un prosélyte pouvait être aussi zélé qu'un
jiiir pour remplacer les Septante par une traduction plus purement juive: mais on ne
saurait croire (|u'ii ait choisi ces moyens, .lérôme n'était pas moins résolu à retrouver
Vhcbraica vcriids. mais il n'a pas renoncé à parler un latin intelligible, parce
qu'il l'aimait. Tous deux ont suivi parfois une tradition hébraïque divergente qui les
a conduits à traduire un nom pr(!pre par un nom commun, mais quand Jérôme
traduisait Aquila : cl finlum est ut mcntirctur in parlv, postfjiiam rjcunit eum, il se
croyait obligé de remplacer ce rébus par : qun nalo. parère xiUrn ccssdvit i^den. 38.
ô). Il est plus facile de changer de religion (]ue de genre d'esprit. Aquila a peut-être
eu plusieurs épisodes religieux dans sa vie, mais seul nn juif de naissance et d'édu-
cation a pu écrire la version qui porte son nom et l'applaudissement qu'elle a reçu
des cercles les plus rigides serait déjà un certilicat d'origine.
11 ne faut pas se lasser de dénoncer les témérités d'une critique fort érudite, mais
mots seraient à peu près synonymes. D'ailleurs Terreur qui consiste à traduire nôqéd
par pasteur est tellement ancienne qu'elle a déterminé une addition à l'Amos authen-
tique (1, 1) « l'un des pasteurs de Theqô'a ». Et comme Amos lui-même dit que
:
lahvé l'a pris derrière le il faut voir là encore une altération. Rien
troupeau (7, 15),
ne s'oppose plus à ce qu'Amos un prophète du nord d'Israël et non pas de
ait été
Juda. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que le distingué critique laisse subsister les
paroles d'Amazias à Osée « Fuis dans le pays de Juda, manges-y (ton) pain, et
:
fais-y des prophéties! » Car il semble bien que c'est une façon de renvoyer Amos chez
lui. Tout ce dialogue, qu'on regarde généralement comme de la prose, est mis en
vers, au moyen de petits coups de ciseaux qui ne suffisent pas à lui enlever son
cachet prosaïque ;
au torrent du désert » (6, 14) signifie depuis les bains chauds de Ilaniatli, l'ancienne
capitale de la Galilée sur le lac de Tibériade, jusqu'à la mer Morte 'lire iam pour
îiahl.) Et à en juger par le ton très assuré de l'auteur, il prend tout cela fort au
sérieux. Autre gageure (1). Dans Amos, le passage 1, 6-S devient une interpolation
du temps des Macchabées, ajoutée six cents ans après la composition des passages,
authentiques (1, 3.5, 12-15). donc que cette addition récente soit très carac-
Il faut
térisée? Elle le serait à peine après les changements que lui impose Paul Haupt,
sans nous expliquer comment un passage écrit vers l'an 140, peu avant la traduction
en grec, aurait été transmis avec aussi peu de fidélité que les textes anciens. Quoi
qu'il en soit, la trouvaille de P. Haupt consiste à voir dans Am. 1, (i-8 une allusion
estremplacé par juste; de sorte qu'au lieu de « une population bâtarde habitera
:
dans Achdod », on peut y installer « de braves gens », c'est-à-dire des .Tuifs. Mais
comment un Juifa-t-il fait cet étrange changement, peu flatteur pour sa race? C'est
qu'il a craint que ses coreligionnaires ne soient abâtardis à Achdod... Vous nous
en direz tant!
Cette pétulance dans les corrections textuelles n'est sans doute qu'un jeu d'esprit.
La virtuosité de Paul Haupt s'exerce plus utilement sur les rapports étymologiques
des mots dans les diflerents dialectes sémitiques. On en trouvera des échantillons
très brillants dans les brèves communications adressées à la même Revue (2).
Pays voisins. — Sardes n'est vraiment pas un pays voisin de la Palestine, et l'on
ne s'attendait guère à y rencontrer des inscriptions sémitiques. Voici cependant que
la mission américaine a découvert une inscription bilingue, lydienne et araméenne,
qui sera sans doute des plus utiles pour déchifï'rer les inscriptions lydiennes (3). Elle
a été traduite par M. Eimo Littmanu, et ;\l. Stanley A. Cook (4j l'a étudiée de nou-
veau. M. Haussoulier a commenté le texte lydien à l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres. Son intérêt biblique est de contenir le mot S-f-r-d (~"I2D), comme
forme sémitique de Sardes. En effet ce mot se trouve dans Abdias (v. 20) et déjà
plusieurs commentateurs avaient proposé de le rendre par Sardes « Les captifs de :
Jérusalem (|ui sont à Sépharad posséderont les villes du midi ». On ne voit cependant
pas très bien pourquoi le prophète ne cite que cette colonie de dispersés à propos
(4) A Lydiaii-Aramaic Bitingual, by Stanley A. Cook, Re|)rinted from tlie .lournal of Hellenic
Studies, vol. XXXVIl, 1917.
I
002 RKVUK lilIU.IorE.
d'Kdom. D'ailleurs rinscri|ilion de Sardes n'est pas l'œuvre d'un juif, à moins (|ii'il
langue. En tout cas sa présence à Sardes répond bien au fait si connu de la diffusion
de l'araraéen dans toute l'Asie Orientale, et atteste l'existence en ce lieu de personnes
qui le parlaient. Il est plus malaisé de trouver une relation entre ce fait et la parente
des Lydiens et des Sémites d'après la Genèse (10, T2). La présence d'une colonie
juive à Élépljantine n'a pas incité les Juifs à rattacher Cham ou Misraim à Sem. Le
texte de la Genèse doit s'entendre d'un temps plus ancien qu'aucune dispersion des
Juifs.
Canaan. —
M. >N Carleton 'Wood a terminé son exposé de la religion de Canaan
.
dans Journal ofBiblical Literature (1). Les Cananéens seraient venus en Palestine
le
vers l'an 1800 av. J.-C, les Araméens vers l'an 1400. Parmi les premiers sont rangés
les Hycsos, parmi les seconds les Hébreux ou llabiri, car M. Wood les identifie sans
leurs tribus, ou Israël, c'est-à-dire les tribus que la Bible fait descendre de Lia,
c'est-à-dire Ruben, Siméon, Lévi et Juda, ont les premières pénétré en Canaan par
le sud. D'autres, campées dans la terre de Gosen, en Egypte, se sont évadées, pro-
bablement dans les temps d'anarchie qui ont suivi la mort de Séti II (vers 1205).
Sous la conduite de Moïse, deux tribus, Ephraim et Manassé, se sont rendues au Sina'i,
dans le pays de Madian où elles ont embrassé plus pleinement {more fulh/) la religion
de lahvé. Elles le connaissaient donc déjà? Tout cela est bien vague, et complète-
ment dénué de preuves. Les chapitres suivants énumèrent les sanctuaires où l'on a
fait des fouilles, avec de courtes descriptions, sans aucune illustration qu'un schéma
théorique, puis l'organisation des sanctuaires, les objets sacrés, les offrandes, les
rites, les fêtes, les dieux. C'est toujours avec la même candeur que M. Wood range
ses fiches, trèsnombreuses, à l'appui des théories les plus contestables, comme le
totémisme des Sémites, la polyandrie, etc. Cà et là quelques conjectures qui send)Ient
lui être personnelles, comme l'évolution de X'achera en i'ijIkhI, parce que l'éphod
devait être une statue dont le noyau était en bois, et revêtue de métaux précieux.
Il opine, d'après M. Paton, que si les Sémites ont atteint monothéisme, tandis que
le
les peuples indo-germaniques n'ont pas dépassé le panthéisme, c'est parce que les
premiers distinguaient le numen de la chose qu'il habitait (p. 231). Ce dernier point
est incontestable. Mais n'en était-il pas de même des Grecs? Et pourquoi ne sont-ils
pas parvenus au monothéisme religieux? Les Sémites, d'ailleurs, n'étaient pas plus
avancés, en dehors d'Israël, où les prophètes en attribuaient l'origine à la révélation.
(1) vol. XXXV, 1916, !>. ir,3--2-tl; cf. RU., IMIT. p. 311 ss.
nULLETI.N. 603
sjpîoj Kav'oOr;vou ov /e {-= tou y.aà) Bo3pr,voij (1). L'expression tô-o;, pour indiquer le
lieu de sépulture, porte bien l'empreinte syrienne. Porphyre, originaire de Canatha
(Qanauudt), était en même temps citoyen de Bosra; à moins qu'il ne se soit
désigné, dans l'Afrique lointaine où il était sans doute venu trafiquer, par le nom
plus connu de la capitale de la Province d'Arabie. Cet humble document s'ajoute
à la série déjà longue de ceux qui attestent la tendance des Syriens à émigrer
vers les centres commerciaux d'Occident.
gretter, car il y a tout lieu de penser qu'il s'agit d'une inscription milliaire. Ce
document justifierait une fois de plus l'observation de M. Clermont-Ganneau, qu'après
les Byzantins, « les Arabes n'ont guère fait qu'entretenir, peut-être en les rectifiant
quelquefois, les anciennes voies romaines On y trouverait peut-être aussi un
» (3j.
IVoir Comptes rendus Acad. Inscr. et B.-L., 1!)1(>, pp. 434 ss.
Deu.r milUnires de SeiHime Sévère, dans Comptca rendus Acad. Inscr. et B.-L., lîUG,
[-2)
pp. .388 ss. Ces milliaires ont été puijlics par lliKiMiTu, Aminal of the lirit. Scliool at Atlietis,
XIV, I!K)T, p. I8.J et CiiAPoT, lii'tl. de corr. hellén., XXVl. \W-2, p. 191, ce derniej- d'aprcs un
estampage de M. l'ognon cil. d'après Cuinont).
(3) Cl.-{;an\f..\i kec. nrcli. or. I, 1888, p, 2(M> (cit. d'après Cumont).
,
1,4) /{/<., IH!)'», pp. I3ii s. Cf. d'autres milliaires arabes dans RU., 18»", pp. Kii ss. 1903, ;
p. 271 ss.
;5) vol. xxxvil, Part I, mai 1917.
ras;ricultui(\ et. selon un rvtlmie bien i-onnu, le poète énunière loul ce qui manquait.
Kn paitieulier il nv avait point d'iionimes, parce que le Seigneur ne les avait pas
pniduils avec Xiulou. Le dieu / ;/. qui est d'après les Sémites Chaniaeli ou le soleil,
)icd, maiii/ incii ucre hroi(;/ht forlh. Kl c'est le thème babylonien ordinaire, l'om- ces
vie humaine, mais non point rnabillement et l'habitation que les hommes semblent
s'être procurés. On voit ensuite des orages qui détruisent les premières huttes de
roseaux, jusqu'à ce qu'un dieu (Knlil? descendît du ciel pour inaugurer sur la terre
la religion et la civilisation. Dès lors les hommes purent se multiplier en paix. « \h\
lieu d'habitation fut leur pays: la nourriture fit multiplier les hommes. La prospérité
entra dans le pays; elle les lit devenir une multitude, il mit dans la main de l'homme
le sceptre du commandement. Le Seigneur leur donna l'être et ils vinrent à l'existence.
Les noumiant compagnons, il lit habiter un homme avec sa femme. La nuit ils sont
l'unpour l'autre des compagnons bien adaptés ». "SI. Barton n'omet pas de rappro-
cher de son texte quelques passages de la Genèse d, :î. 28: 2. 18. 23 s.} qui sont
dans toutes les mémoires. Il ne présente d'ailleurs son interprétation du sumérien
qu'avec les réserves convenables. Le document appartiendrait à la période cassite de
la première dynastie de Babyloue.
des fruits d'un jardin sans travailler. Or précisément Adam devait travailler dans le
série dont la tablette de M. Arno Poebel était la seconde. Le texte Poebel (cf. ED.,
1916. p. 259 ss.) raconte l'installation des hommes dans les cités, la création des
animaux, un déluge auquel Ziugiddu échappe dans un grand bateau. Il est donc
peu vraisemblable que la première tablette ait déjà traité du déluge. De plus,
grâce à sa revision du détail, M. Jastrow a interprété autrement bon nombre de
textes.Il n'admet pas que le théâtre des faits ait été Dilmoun, côte ou île du golfe
Persique, mais plutôt une région montagneuse, habitat primitif des Sumériens. Le
dieu principal est Enki, « seigneur du pays », devenu « Seigneur de l'océan » lorsque
les Sumériens sont descendus dans les basses plaines de la Chaldce. La tablette
contient divers épisodes, que M. Jaslro^v renonce à nouer étroitement, sinon comme
relatifs à l'origine des choses, servant de thème pour l'incantation Cnaie contre les
Vol. WXIII, n° -2, l!ilT, p. !)l-li't : Sumerian myths of bcginnings; cl'. RB.. I'»l(., p. 61S ss.
vl)
BULLETIN. 605
de père et de mère, c'est tout simplement parce qu'il n'y avait ni animaux, ni
hommes, ni maladies naturellement.
Avant d'introduire la amener de l'eau pour fertiliser le sol et fournir
vie, il fallait
une boisson à l'homme. pourvu le dieu Enki par son union avec sa (ille
C'est à quoi a
et épouse Nintu. Le dieu suprême est donc la source de toute vie. Il l'a donnée d'abord
à sa fille, puis leur union a été .une cause magique amenant l'inondation nécessaire
pour la fécondité du sol. (]'est ce qui a paru à M. Langdou un déluge destructeur.
Ce qui suit est moins clair c'est peut-être une cérémonie de purification.
:
dieux ayant vertu spécifique pour guérir huit maladies n'est donc pas un remède
contre la faute de l'homme et ses conséquences pour l'humanité. Il semble cependant
qu'il y ait une certaine corrélation entre les huit fruits et les huit divinités secourables.
L'invocation à ces huit divinités conclut le texte d'incantation dont elle forme le
point culminant.
].,e texte sous sa forme graphique ne peut être plus ancien que l'an 2000 av.
.I.-C, mais il semble représenter un thèmeprimitif, de beaucoup antérieur. Telles
sont les explications du distingué savant américain qui ne dissimule pas les diffi-
M. le D'' Contenau s'est fait une spécialité de l'étude d'Umma (1 , ville qui dépen-
dait des rois d'Ur. Les tablettes qu'il publie, traduit et commente aujourd'hui sont
(1) Umma sous la dynastie d'Ur, par le D'' C. Contenu:, iii-8" de lOî) pp. Geiitliner, Paris, iOlc,
000 lŒVllK lUliLiniE.
batellerie, les achats et les ventes. On y voit même lij:;nrer le pntesi, représentant du
pouvoir royal. Ces tlocaments (|ui sont liii wiir siècle av. .!.-('. ont |)erniis à
M. Contenau de tracer mie esipiisse de la physionomie (iiTollVait alors le pays et la
ville. Les grandes villes de lOrii'ut aralie ont encore à peu près les mêmes traits ;
nien, dans cette région dt- Gaza où l'armce anglaise est aujourd'hui aux prises avec
l'armée turque. Ils interrompirent quelques jours leur tâche pour venir assister, à.
des (îrecs. —
Mastkkman et Macalistkh, Notes de cirœnatanec sur les populations
modernes de Palestine : légendes de cheikh 'Abd et de ch. 'Aisa. Miss Estelle —
Blvth, L'avenir de la Palestine, — J. Offord, Documents èfjt/ptiens Ulustrant
Gen. 36 : pays de Lotan. les Horites, Ayah-n-N*. — Notes tirchéol. sur des antiquités
juives : phénicien et A. T.; le nom Chouza; communautés juives d'Egypte-, une
colonie juive au Fayoura au village nommé SajjLâo^'.a; un sarcophage Juif (cf. liB.,
1917, p. 318 s.); quelques noms de patriarches hébreux en Babylonie; les noms de
mois palestino-phéniciens.
Juillet 1917. —
Masterman et Macalistkr, Notes de circonstance... légendes :
Communication. — A
dei « frammenti antichissimi Ravennati »
proposito
editi su copia mia dal Revmo
Abbate D. Ambrogio M. Amelli a p. .jO-62, mi
P.
preme far conoscere quanto doveva essere apertamente dichiarato, e cioè 1" che
quella copia e quel principio d'illustrazione dei frammenti risalgono a venti e più
anni fa e non furono, non che termioati, nemmeno piîi riveduti da me; 2° che io
avvertii di volere rispondere per quello solamente per cui il P. Abbate non poteva,
ossia per la copia e per la sostanziale guistezza délia descrizione dei fogli da lui non
veduti. Tanto avrei io stesso aggiunîo nella bozze, se mi fossero state comraunicate.
*
ANNÉE 1917
grange •'>74
1917
Akxold (William K.). Ephod and Ark, a stud^ in the records and reli-
Haupt (Paul). Études sur Amos dans Journal ol' Biblical Literature. 600
Sur Genèse m, 14 s. dans J. of B. L. 308
La solution du problème hétéen. 31'j
Hrozny (Friedrich).
Reider Joseph).
I
Prolegomena to a Greek-Hebrew and Hebrew-Greek
index to Aquila. 598
REVVE BlRLinVE.
II TAHl^E ALF>ll.\|{KT10l K OES MATIKURS PniNCIl'AI.ES.
TABLE ALPHABETIQUK
DES MATIKRES PRINCIPAI.KS.
602. 141-151.
Création de l'homme, d'après les docu-
Arche d'alliance, 578 s.
Artémissur un sarcophage de Castellorizo, ments sumériens, 604 s.
542. Crésus, 104.
Asie Mineure au vi' siècle av. J.-C, 103- Cyrus, 104, 108, 123.
105.
Augustin (Saint) : analyse du De iililitate Darius, 124.
credendi, 9-16; — son estime pour Débiteurs (les deux), parabole (,Lc., vu),
14-16; — et le principe d'autorité, 17; Décret des Apôtres à Jérusalem, 141, 150-
— et l'évolution des dogmes, .36. 156.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES PRINCIPALES. m
Denys d'Alexandrie et le presbytre Jean, — d'un Syrien à Carthage, 608; — ly-
327. dienne-araméenne de Sardes, 601 ;
—
Déportation d'Israël : prédite par Amos, arabe d'un milliaire, 603.
211 ;
— des Juifs en Chaldée, 79-80. Inspiration d'après S. Irénée, 489 s., 499 ss.
Deutero-Isaïe : d'après les indépendants, Ii'énée (S.) : sa doctrine de l'inspiration,
110-115; — d'après la tradition, 116 s.; 489 ss. ;
— sa Démonstration de la pré-
— d'après la Commission biblique, 121 s. dication apostolique, 304.
Di.x Vierges, parabole (Mt., xxv, 1-13), 17ô- Isaïe XL-LV : milieu auquel il s'adresse,
180. 108-110; — diffère du l" Isaïe, 111-113;
— date, 113; — lieu d'origine, 114 s.
Église, d'après les prophéties, 263 ss.
Isaïe Lvi-Lxvi : analyse, 133-136.
Egypte, colonisée par les Juifs, 75-77.
Israël : ses rapports avec Juda, 219 ss. ;
—
Élie comme précurseur, 248.
histoire de la période de son indépen-
Elqos : identification, 58.
dance, 585.
Empire romain dans Thessalon., 577.
Endymion sur un sarcophage de Castello- Jacob : son mariage avec Rachel et Lia,
rizo, 542 ss. 276 s.
Enfants capricieux, parabole (Mt., xr, 16- Jacques (S.) le Mineur : son attitude dans
19), 172-175. la querelle des Judaïsants, 153 ss. ;
—
Éphod,578. son rôle d'après Loisy, 161.
Épictéte et le christianisme,' 593. Jean (S.) l'Apôtre auteur de l'Apocalyp-se, :
sonne, 87-92 ;
— ses infirmités, 91 ;
— 460; —
son influence, 460; son pa- —
son départ pour la Chaldée, 94; — son triotisme, 461, étendue de son rôle, —
milieu, 82-87, 101 s.; son ministère — 464; —
son influence sur Ézéchiel, 90.
94-98; — composition de son livre, 98 Jérôme (S.) et les prophéties messianiques,
ss. ;
— correction.s, doublets et variantes, 247 ss. ;
— son texte des Galates, 432 ss. ;
Fils prodigue, parabole (Le, xv, 11-32), — en 587, 71; en 598, 480; d'après — —
188-192.
la mosaïque de S'-Paul-Trois-Chàteaux,
Foi et raison dans S. Augustin, 40 ss.
562-568; —
type de l'Église, 263, 267.
Fresques médiévales à S'-Paul-Trois-Châ-
Jésus son baptême et son ministère d'a-
:
teaux, 568.
près les prophéties, 249-253; — sa pas-
sion et sa résurrection, 253 262.
Galates : leur erreur^ 147 ss. ;
— Vulgate
Joachin sa captivité, 65.
:
latine et texte grec de l'épître, 424-450.
Joseph (bénédiction de), 508-520.
Galatie au i" siècle, 210 ss.
Judaïsants caractérisés par S. Paul,
:
Godolias, gouverneur de Judée, 72.
Gomer, femme d'Osée, 383, 389-391.
145 ss. ;
—
leur système mitigé par Loi-
sy etCornély, 139-142, 151.
Grec de l'Apocalypse, 335-315;
: du — N. T.
Judée son état après la déportation, 78.
:
et des papyrus", 592.
Judéo-chrétiens trois groupes, 164. :
llabacuc : analyse du livre, 61 ss.; —can- Juifs :leur situation en captivité, 69-80;
tique, 63 s.
— relâchement dans l'exil, 85 s. ap- ;
—
Hébraïques (documents anciens), 310. titude pour le commerce, 84 s.; ins- —
Ilétéens (documents), 315 s. tallations successives en Egypte, 75-77 ;
288-297; — du sud-palestinien, 569 .s.; Juge inique, parabole (Le, xvui, 1-8;, 19Sr
— de JuUus Quadratus à Rouad, 208 ss. ;
202.
IV TAHI.E ALlMIAHKTiniK DES MAilKKHS IMUNCIPALES.
I. INSCRIPTIONS GRECQUES.
P. 289, n" 5, 1. 5.
IspuJVOÇ P. 291, n" 12, 1. 1.
Ajiio; P. 288, n" 1, 1. 2.
I),apie«)(v) P. 573, n" 1.
AvaÇixpate-Jt P. 288, n" 2, i. 2.
louAiov Kouaôpatov P. 209, 1. 1.
AvTtoyoç P. 294, n" 24, 1. 3.
— n" 25, 1. 4. Kaiffttp (jeêadTOç P. 209, 1. 5.
Aeaio; P. 288, n» 3, 1. 3.
Y£p(iavixo; P. 209, 1. 6.
P. 292, n" 17, 1. 2.
FecopYtoç P. 570, n° 2, 1. 3.
Noapo; P. 209, 1. 7.
P. 288, n» 3, 1. 1, 2.
P. 295, n° 25, 1. 24.
c|eSpav P. 291, n" 10, 2.
1.
— n» 27, 1. 2.
P. 297, n° 32, 1. 4.
EjtixpaTica; P. 288, n°2, 1. 1.
N-jptXa P. 296, n» 29, 1. 1.
P. 291, n- 14, 1. l.
— 11° 2, 1. 3.
— 11° 3, 1. 3.
IIoAEpLK P. 292, n° 17, 1. 1.
R3
t. 26